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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 46

Le mardi 1er avril 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 1er avril 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je tiens à signaler la présence à notre tribune de l'honorable Neil Andrew, député et président de la Chambre des représentants de l'Australie, de Mme Maria Vamvakinou, députée de la Chambre des représentants de l'Australie, et des sénateurs Grant Chapman et Jeannie Ferris du Sénat australien. Ils sont accompagnés du haut- commissaire de l'Australie au Canada et de son épouse. Soyez les bienvenus au Sénat du Canada.


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, le 1er avril, soit aujourd'hui même, marque le lancement de la campagne de financement de la Société canadienne du cancer et le mois de la jonquille. Plus de 200 000 Canadiennes et Canadiens se sont impliqués dans cette noble entreprise.

[Traduction]

La Société canadienne du cancer, son personnel et plus de 200 000 bénévoles dévoués offrent leur soutien à ceux qui sont atteints du cancer. Ils effectuent un travail de lutte contre le cancer et de prévention et ils s'emploient à informer les Canadiens. Cette année, je voudrais parler de la contribution de ces bénévoles remarquables qui se consacrent au traitement, à la prévention et à l'élimination de cette affreuse maladie, tout en aidant ceux qui en souffrent. Ces bénévoles recueillent des fonds en vendant des jonquilles et en faisant du porte à porte à l'occasion du Jour de la jonquille. Ils aident également les malades à surmonter leur épreuve, en leur apportant un soutien psychologique, en les accompagnant aux centres de traitement et en leur offrant différents services. Enfin, ils organisent des conférences et des expositions dans les écoles, auprès des groupes communautaires et sur les lieux de travail, pour encourager l'adoption d'un mode de vie sain et la réduction des risques.

Dans ma carrière, j'ai été à la fois touché et très impressionné par le dévouement sans borne de ces bénévoles. Mme Daisy Sheppard, de Grand Falls-Windsor, à Terre-Neuve-et-Labrador, est l'une de ces bénévoles. Elle vient de recevoir un certificat de mérite décerné aux bénévoles qui participent très activement à la lutte contre le cancer. Ainsi, Mme Sheppard a créé un groupe de bénévoles qui aident les malades en chimiothérapie à Grand Falls-Windsor.

Deux autres bénévoles, M. Mike Bossy, qui a eu une brillante carrière dans la Ligue nationale de hockey, et son beau-frère, M. Pierre Creamer, ont tous deux vécu l'expérience du cancer d'un être cher. Ces deux hommes ont fait preuve d'un dévouement indéfectible à la lutte contre le cancer. Ils ont organisé avec succès des campagnes de financement grâce auxquelles on a recueilli plus de 800 000 $ au fil des années pour la Société canadienne du cancer.

[Français]

Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage aujourd'hui à toutes ces Canadiennes et à tous ces Canadiens qui, dans l'ombre et souvent dans des circonstances difficiles, se dévouent sans compter dans la lutte contre ce fléau des temps modernes que représente la maladie cancéreuse.

LA JUSTICE

DÉCISION DE LA COUR D'APPEL DU QUÉBEC SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, le 31 mars 2003, la Cour d'appel du Québec, dans une décision unanime de cinq juges — dont le juge en chef — a conclu que la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, adoptée en 2002, était constitutionnelle et conforme aux deux traités signés par le Canada, mais par ailleurs, que deux séries de dispositions de la loi allaient à l'encontre de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous nous rappellerons que ce projet de loi avait suscité de vifs et longs débats en Chambre et en comité et que plusieurs sénateurs des deux côtés de la Chambre avaient fait valoir que ce projet de loi ne reconnaissait pas aux jeunes contrevenants leur statut particulier devant la loi en leur imposant un fardeau légal qui allait à l'encontre de leurs droits et capacité juridique.

D'abord, il faut souligner — fait rare — que les juges ont reconnu l'importance des débats au Sénat sur cette question. Au paragraphe 14, la Cour note:

À la suite de leur analyse de la Loi sur les jeunes contrevenants, le groupe de travail et le comité permanent firent des recommandations qui finalement, après de longs débats au Sénat, conduiront à la sanction du projet de loi C-7, le 19 février 2002.

C'était à ma connaissance, de mémoire récente, la deuxième fois qu'un haut tribunal au pays reconnaissait l'importance des travaux au Sénat. Les honorables sénateurs se souviendront que la Cour suprême avait également reconnu les longs débats au Parlement relatifs à l'extradition et à l'imposition de la peine de mort dans la cause de Burns et Rafay en 2001.

(1410)

Les deux violations de la loi que la Cour d'appel a identifiées à l'encontre de l'article 7 de la Charte ont trait d'abord à la présomption d'assujettissement de l'adolescent au système de peines pour adultes et, deuxièmement, à la publication du nom des jeunes contrevenants accusés sous le régime des adultes.

De quelle manière ces séries de dispositions violent-elles la Charte? La Cour d'appel est claire, ces deux éléments portent atteinte au principe de justice fondamentale contenue à l'article 7 de la Charte. Plusieurs sénateurs ont soulevé ces points tout au long du débat, en comité et en Chambre. Des amendements ont été présentés par des sénateurs des deux côtés pour corriger entre autres ces faiblesses du projet de loi.

Ces amendements ont été défaits. Aujourd'hui, la Cour d'appel établit clairement trois points. Premièrement, que le traitement des jeunes contrevenants doit être distinct de celui des adultes. Deuxièmement, que le régime de justice pour adolescents doit limiter la divulgation de l'identité afin d'empêcher une stigmatisation pouvant limiter la réhabilitation et troisièmement, que le régime de justice pour mineurs doit viser la réadaptation et doit impérativement considérer l'intérêt supérieur de l'enfant.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous devons être très attentifs lorsqu'un projet de loi débattu dans notre institution soulève des questions relatives à la Charte, surtout s'il concerne des groupes comptant parmi les plus faibles de notre société. La Cour d'appel a statué que les jeunes se classent parmi les groupes les plus vulnérables de la société canadienne. Nous devons donc prendre garde à ne pas adopter des lois qui violent le principe de la justice fondamentale.

Son Honneur le Président: Je regrette, sénateur Joyal, mais votre temps de parole est écoulé.

LA GARDE CÔTIÈRE AUXILIAIRE CANADIENNE (RÉGION DU PACIFIQUE)

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, le 13 septembre 2002, pendant une nuit sans lune, un bateau de pêche conduit par un équipage de cinq membres s'est échoué sur les récifs de Jenny Reef, près de la spectaculaire Long Beach, en Colombie-Britannique. Peu après une heure du matin, l'unité 38 de la Garde côtière auxiliaire canadienne (région du Pacifique), entièrement formée de volontaires, a été dépêchée sur les lieux pour porter secours à l'équipage.

Dans l'obscurité et sur une mer démontée, les bénévoles des services auxiliaires Greg Blanchette et Shawn England ont réussi à se rendre jusqu'au bateau échoué à travers les rochers et ont ensuite emmené les cinq membres de l'équipage vers la sécurité d'Ucluelet. Une demi-heure plus tard, le bateau endommagé s'est brisé et a sombré.

Récemment, à la réunion générale annuelle de la Garde côtière auxiliaire canadienne (région du Pacifique), tenue à Courtenay, en Colombie Britannique, Greg et Shawn ont reçu des certificats de mérite pour leur bravoure et leurs services. La région du Pacifique a également profité de l'occasion pour célébrer ses nombreux autres succès de 2002.

L'année dernière, plus de 1 400 bénévoles de 50 collectivités de la Colombie-Britannique ont répondu à un millier d'appels au secours, ont aidé près de 1 100 personnes et ont sauvé 194 vies. Tout cela a été réalisé par un groupe de bénévoles courageux et dévoués qui assurent ce service 24 heures sur 24, 7 jours par semaine et 365 jours par an, afin d'aider la Garde côtière canadienne à assurer la sécurité des marins de la Colombie-Britannique.

Aujourd'hui, les services auxiliaires s'attendent à une année difficile. Pour leur financement, ils comptent principalement sur une entente de contribution négociée avec la Garde côtière canadienne, qui leur rapporte 900 000 $. Cette entente ne tenait pas compte du fait que les primes d'assurance ont pratiquement doublé l'année dernière, tandis que les prix du combustible grimpaient en flèche. De plus, la Garde côtière a demandé à la Garde côtière auxiliaire nationale d'étendre ses services sans lui accorder un financement supplémentaire, en lui disant: «Si vous ne le faites pas, ce ne sera pas fait.»

Honorables sénateurs, dans le budget de cette année, 94,6 millions de dollars ont été affectés à la Garde côtière pour financer, pendant les deux prochaines années, les réparations majeures à apporter à sa flotte, son infrastructure à terre et ses immobilisations de remplacement. Même si ce montant a été très bien accueilli, d'après les calculs du ministère lui-même, il est très loin des 350 millions nécessaires pour renouveler une flotte vieillissante, et encore plus loin des 160 millions supplémentaires qu'il faudrait chaque année pour que la Garde côtière remplisse son rôle de recherche et de sauvetage en mer et maintienne ses programmes de sécurité à un niveau minimal d'efficacité. Le budget de la Garde côtière auxiliaire canadienne est de 4,5 millions de dollars par an. Nous devons trouver des fonds supplémentaires. La Garde côtière et ses services auxiliaires ont un financement extrêmement insuffisant, surtout sur la côte du Pacifique dont les eaux sont ouvertes toute l'année. Dans d'autres régions où la mer et les lacs gèlent, la saison est plus courte. Les bénévoles dévoués de la Garde côtière auxiliaire canadienne, les membres de la Garde côtière canadienne et les Canadiens qui comptent sur eux dans nos océans et nos lacs ne méritent pas moins.

[Français]

LA FONDATION PAUL GÉRIN-LAJOIE

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, je parlerai du parrainage d'enfants organisé par la Fondation Paul Gérin-Lajoie, une organisation non gouvernementale qui oeuvre dans le domaine de la coopération internationale.

Le parrainage d'enfants permet à un adulte du Canada de prendre sous son aile un enfant vivant dans un pays défavorisé pour l'aider dans son cheminement. Cette initiative aide un enfant défavorisé à vivre une vie normale d'écolier. Cette aide peut lui permettre de fréquenter une école en bon état, d'avoir des manuels scolaires et une bibliothèque. Je suis moi-même la marraine d'une jeune Haïtienne avec laquelle je corresponds sur une base régulière.

Il s'agit d'une aide nécessaire qui peut changer la vie d'un enfant, d'un geste qui sème l'espoir et qui donne plus de courage à ces enfants qui évoluent dans un milieu difficile où les ressources sont limitées.

L'éducation est une force de transformation sociale. C'est un élément essentiel pour lutter efficacement contre la pauvreté et donner aux générations futures les moyens de progresser dans un monde en changement rapide. La Fondation Paul Gérin-Lajoie vient en aide aux enfants laissés-pour-compte. Elle fait appel à ce qu'il y a de plus noble en nous, la compassion, la solidarité et le sentiment humanitaire.

Le parrainage vise l'atteinte d'un double objectif: l'amélioration des conditions de vie de l'enfant, une condition essentielle pour la réussite scolaire et le soutien de l'enfant à l'école et à sa communauté. Pour aider réellement un écolier, il faut nécessairement améliorer l'environnement dans lequel il évolue, tout en appuyant simultanément son entourage. Aider une communauté a un impact direct sur l'enfant. Cela veut dire rénover une école, mettre en place un programme d'alphabétisation des adultes ou encore dispenser une formation qui prépare à un métier utile.

Les sommes amassées par le biais du parrainage permettent — c'est une réalité indéniable — de donner un meilleur appui à l'écolier. Je ne peux qu'inciter fortement les honorables sénateurs à appuyer l'action de la Fondation Paul Gérin-Lajoie, et en particulier son programme de parrainage pour les enfants.

Aider la Fondation, ce n'est pas uniquement favoriser la justice sociale, le développement des individus, la propagation du savoir. C'est d'abord et avant tout un élan du coeur pour changer la vie d'une personne, un enfant plein d'espoir qui aspire à une vie meilleure.

[Traduction]

L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI SUR LE YUKON

L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, aujourd'hui est un jour très spécial pour le Yukon. Lorsque le territoire a été créé dans la Terre de Rupert en 1898, le gouvernement d'alors comprenait un commissaire et un conseil consultatif, tous deux nommés. Cela a rapidement été remplacé par un conseil formé de quatre membres élus.

La situation n'a pas beaucoup changé jusqu'en 1960, lorsque la responsabilité de l'administration des écoles, des travaux publics et de la sécurité sociale est passée au territoire. Pendant les années 60 et 70, de plus en plus de pouvoirs ont été conférés aux membres élus.

En 1978, il y a eu des élections territoriales dans lesquelles les candidats représentaient différents partis. Pour la première fois, nous avons eu un chef de gouvernement, des ministres et un caucus, mais le commissaire présidait encore l'exécutif. En 1979, le commissaire a reçu l'instruction de ne plus participer activement aux tâches du gouvernement et d'assumer des fonctions semblables à celles des lieutenants-gouverneurs des provinces.

Pendant les années 80, le Yukon a acquis plus d'attributions à l'égard de la Commission d'énergie du Nord canadien et, en 1988, un protocole d'entente sur le transfert des attributions a été signé. Le Yukon a reçu encore plus de pouvoirs: pêche en eau douce et sécurité minière en 1989, routes interterritoriales en 1990 et tronçon du Yukon de la route de l'Alaska en 1992. En 1993, l'Accord-cadre des Premières nations du Yukon a été signé après de longues négociations, ouvrant la voie à la négociation par toutes les 14 Premières nations du Yukon de leurs propres accords. Il a également préparé la voie au transfert d'autres pouvoirs au gouvernement du Yukon. En 1993, les hôpitaux ont été cédés et, en 1997, la santé communautaire, suivie du pétrole et du gaz en 1998.

Comme vous pouvez le voir, petit à petit, le gouvernement du Yukon a assumé la responsabilité de la gestion des affaires du territoire de concert avec les Premières nations du Yukon.

L'année dernière, nous avons adopté ici le projet de loi C-39, Loi sur le Yukon, qui a transféré le contrôle des dernières terres et ressources au gouvernement territorial du Yukon.

Honorables sénateurs, la Loi sur le Yukon prend effet aujourd'hui, 1er avril 2003. C'est un jour de fierté pour tous les habitants du territoire. Les responsabilités sont énormes. Les décisions n'en seront pas plus faciles, mais elles auront été prises au Yukon, par sa population et dans son intérêt.

(1420)

Beaucoup ont participé à ce long processus: des gouvernements du Yukon de diverses tendances, les Premières nations du Yukon, des ministres fédéraux et des premiers ministres. Chacun a ajouté au processus, chacun a laissé sa marque, et tous méritent notre gratitude pour leur travail et pour le dévouement avec lequel ils se sont consacrés au processus.

Aujourd'hui, ce n'est pas la fin d'un processus; ce n'est que le début. Aujourd'hui demeurera un jour spécial dans l'histoire du Yukon. Aujourd'hui, tous les Yukonnais, pour la première fois, prennent en main leur destinée et le développement de leur territoire.

Honorables sénateurs, je demande la permission de distribuer à tous les sénateurs une brochure et une épinglette du Yukon commémorant cette journée.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LE TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL 2002

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du Tribunal canadien des droits de la personne pour l'année 2002, conformément au paragraphe 61(4) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[Traduction]

LE FORUM PARLEMENTAIRE ASIE-PACIFIQUE

LA ONZIÈME ASSEMBLÉE ANNUELLE, DU 13 AU 15 JANVIER 2003—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la onzième assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique tenu à Kuala Lumpur, en Malaisie, du 13 au 15 janvier 2003.

L'ASSOCIATION PARLEMENTAIRE CANADA-EUROPE

LA RENCONTRE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ET DU DÉVELOPPEMENT, LES 23 ET 24 JANVIER 2003, ET LA PREMIÈRE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2003 DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE, DU 27 AU 31 JANVIER 2003—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada- Europe concernant sa participation à la rencontre de la Commission des affaires économiques et du développement, tenue à Londres, en Angleterre, les 23 et 24 janvier 2003, et à la première partie de la session ordinaire de 2003 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 27 au 31 janvier 2003.

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, je donne préavis que je proposerai à la prochaine séance du Sénat:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger le mardi 8 avril 2003, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE SÉNAT

LA JUSTICE—L'ÉTUDE SUR LA DÉFINITION DU MARIAGE

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, l'article 91 de la Constitution dispose que le mariage et le divorce relèvent de la compétence du Parlement du Canada. Nous avons déjà légiféré en matière de divorce, mais il n'y a pas encore de loi fédérale qui définit le mariage. Seule la common law donne une définition du mariage.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement a-t-il l'intention de définir le terme «mariage» dans une loi? Il faudrait le faire. Si nous ne le faisons pas, ce sont les tribunaux qui trancheront la question. À l'heure actuelle, les tribunaux ont été saisis de trois affaires sur cette question.

Honorables sénateurs, un comité de la Chambre des communes examine actuellement la question. Le gouvernement a-t-il l'intention de faire la même chose au Sénat et de renvoyer la question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il a effectivement raison. Un comité de la Chambre des communes se penche sur la question. Le ministre de la Justice a préparé un livre blanc qui a été remis à ce comité et qui servira de point de départ aux audiences publiques.

Bien sûr, rien n'empêche le Sénat de faire un renvoi dans cette enceinte et de demander au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ou à un autre comité, par exemple le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, de participer à cette étude.

Le ministre de la Justice a demandé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes de donner son opinion sur le document qui lui a été remis.

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, si le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes se penche déjà sur la question, celle-ci devrait être renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

LA SANTÉ

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—L'AIDE AUX PROVINCES EN MATIÈRE DE SURVEILLANCE DES PATIENTS EN QUARANTAINE

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, je veux poser une question au leader du gouvernement au Sénat au sujet de l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère, ou SRAS, qui se répand dans la région de Toronto.

Dimanche, un quatrième décès attribuable à cette maladie a été signalé. Hier, le Hospital for Sick Children a annoncé qu'il traite actuellement cinq cas probables ou suspects d'enfants malades et qu'il a commencé à diriger des patients vers Ottawa.

Depuis le 16 mars, les responsables de la santé publique de l'Ontario demandent aux patients, au personnel et aux visiteurs de l'hôpital Grace de Scarborough et de l'hôpital General de York de se placer en quarantaine pour dix jours, à compter de la date de leur visite à l'hôpital. C'est la plus importante quarantaine collective survenue au Canada depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle touche des milliers de personnes. Une quarantaine volontaire soulève de nombreux problèmes logistiques, le moindre n'étant pas d'en assurer un contrôle efficace, afin d'empêcher que la maladie ne se répande encore davantage au sein de la population.

Quelles mesures le ministère de la Santé a-t-il prises pour aider le ministère ontarien de la Santé et, en fait, tous les ministères de la Santé, à assurer une surveillance efficace des patients placés en quarantaine?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur le sait bien, les modalités précises de traitement de la maladie dans chaque province sont évidemment la prérogative et la responsabilité de la province.

Toutefois, le personnel de Santé Canada a surtout collaboré avec l'Ontario, où l'épidémie s'est principalement déclarée. Il y a un cas suspect au Nouveau-Brunswick et plusieurs autres en Colombie- Britannique. On croyait avoir limité l'épidémie à une seule province, mais elle semble maintenant s'être propagée à d'autres.

Le personnel de Santé Canada est à la disposition des responsables de la santé en Ontario et lui prêtera main-forte sur demande.

De plus, la santé des Canadiens est la responsabilité directe de plusieurs secteurs du gouvernement fédéral, notamment du Centre scientifique canadien de la santé humaine et animale, situé à Winnipeg. Cet établissement travaille pratiquement 24 heures par jour avec des laboratoires de niveau 4 situés partout dans le monde, afin de trouver les causes de la maladie et, peut-être, un traitement efficace. En sa qualité de médecin, l'honorable sénateur sait bien que ces établissements essaient actuellement plusieurs traitements, dont un certain nombre de médicaments.

Le gouvernement fédéral est également responsable de la surveillance des personnes qui arrivent au pays ou le quittent et qui, ce faisant, peuvent nous apporter la maladie ou, malheureusement, l'exporter. L'Organisation mondiale de la santé a désigné l'aéroport Pearson comme le seul aéroport canadien présentant une source d'inquiétude. Santé Canada y a déployé aujourd'hui du personnel infirmier qui donnera de l'information à tous les passagers qui quittent le pays et qui rencontrera les passagers qui arrivent au Canada, en particulier en provenance de pays frappés par l'épidémie du SRAS, notamment de Chine et d'autres pays de l'Asie du Sud-Est.

(1430)

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LE BULLETIN QUOTIDIEN DE LA SITUATION

L'honorable Wilbert J. Keon: Je remercie le sénateur de cette réponse claire. Je ne sous-estime pas du tout l'importance du problème, compte tenu des responsabilités fédérales-provinciales. Toutefois, il semble que bon nombre d'agences et d'institutions distribuent de l'information à l'heure actuelle. De jour en jour, il semble difficile d'obtenir un bulletin clair, concis et à jour de la situation.

Voici ma question complémentaire: madame le ministre sait-elle si le ministère de la Santé envisage d'émettre un bulletin quotidien de la situation indiquant les zones géographiques touchées par l'épidémie, de manière à ce que les gens puissent éviter de se rendre dans ces régions et de contracter cette maladie?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je peux fournir au sénateur certains chiffres. Au 31 mars 2003, on signale 109 cas probables ou suspects en Ontario, 13 cas probables ou suspects en Colombie-Britannique, 5 cas suspects en Alberta, 1 cas suspect en Saskatchewan et 1 cas suspect au Nouveau-Brunswick. Il semble que les cas sont signalés quotidiennement au ministère de la Santé, qui s'attendait à une augmentation du nombre de cas ce matin. Je n'ai pas les derniers chiffres en main, je n'ai que les chiffres disponibles hier à plus ou moins cette heure-ci.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LE RECOURS À LA LOI SUR LA QUARANTAINE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat porte sur le même sujet. On a évoqué l'idée que le ministère de la Santé pourrait recourir à la Loi sur la quarantaine pour endiguer la propagation du SRAS. Aux termes de cette loi, les fonctionnaires du ministère de la Santé seraient autorisés à détenir les voyageurs qui présenteraient des symptômes du SRAS à l'arrivée au Canada ou au départ du Canada, ainsi que des avions, pendant 48 heures. L'application de cette loi ne nécessite aucune procédure spéciale puisque le ministre de la Santé a le pouvoir discrétionnaire de l'invoquer s'il le juge nécessaire.

Selon le National Post d'hier, le Dr Paul Gully, directeur général à Santé Canada, aurait déclaré que le gouvernement n'invoquerait pas la Loi sur la quarantaine à ce moment-ci, car ce serait une mesure extrême. La situation en Asie du Sud-Est en ce qui concerne le SRAS s'aggrave de jour en jour et tous les pays de la région ont décidé d'appliquer leur législation en matière de quarantaine. Il ne faut pas s'en étonner étant donné que les médecins à Singapour se sont mis à porter des costumes de guerre bactériologique pour traiter les malades, et que les résidants infectés d'un ensemble d'habitations collectives à Hong Kong ont été évacués vers un camp d'isolement spécial.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat aurait l'obligeance, d'expliquer aux honorables sénateurs les circonstances dans lesquelles le gouvernement envisagerait d'invoquer la Loi sur la quarantaine?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'a correctement indiqué l'honorable sénateur, le docteur Gully ne croit pas que ce soit justifié à ce moment-ci. Il est en contact quotidien avec les responsables de l'information et des malades à l'échelon provincial. Toute décision au sujet de la nécessité d'invoquer la Loi sur la quarantaine sera prise de concert avec tous les acteurs. Comme le sait l'honorable sénateur, d'après la source correctement citée, la loi est rigoureuse. Je tiens à le rassurer et à lui dire que les autorités suivent la situation d'heure en heure afin de déterminer s'il y a lieu d'invoquer la loi en question.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LA SURVEILLANCE DES PASSAGERS AÉRIENS

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, j'ai écouté la réponse que madame le ministre a faite à notre collègue le Dr Keon. Hier, le Dr Paul Gully a dit qu'il serait impossible d'effectuer une vérification des 36 000 passagers qui partent de l'aéroport Pearson, mais comme madame le ministre l'a souligné aujourd'hui, cela se fait maintenant. Madame le ministre fait signe que non. Ma question est la suivante: a-t-on mis des mesures en place pour effectuer une vérification des passagers qui quittent nos aéroports afin de garantir que nous ne transportons pas la maladie vers d'autres pays?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, oui. L'OMS nous a demandé d'aviser tous les passagers qui quittent le pays des symptômes de cette maladie et des zones de contact avec les malades. Autrement dit, on leur demande s'ils ont été dans un certain hôpital de Toronto depuis le 16 mars dernier. On fournit ces renseignements à tous les passagers en partance.

Le Dr Gully a fait savoir qu'il n'y avait à l'heure actuelle rien qui justifierait l'examen physique de chacun des 39 000 passagers qui, si j'ai bien compris, partent chaque jour de l'aéroport de Toronto.

Le sénateur LeBreton: C'est un grave problème. Je comprends que cela fait beaucoup de monde, si l'on pense aux 39 000 passagers qui partent de l'aéroport Pearson et aux milliers d'autres qui quittent l'aéroport de Vancouver et les autres aéroports internationaux comme ceux de Montréal et de Halifax. Comment peuvent-ils s'assurer qu'ils ont suffisamment de renseignements sur chacun des passagers en partance pour garantir que nous ne propagerons pas la maladie?

Le sénateur Carstairs: À l'heure actuelle, comme je l'ai souligné à l'honorable sénateur, les autorités remettent aux passagers une carte contenant tous les renseignements disponibles sur les symptômes, les endroits où ils ont pu entrer en contact avec les malades. Dans un certain sens, le sénateur a raison de dire qu'il s'agit pour l'instant d'un système d'auto-identification. Si on devait invoquer la Loi sur la quarantaine, il faudrait faire passer un examen physique à tous les passagers en partance, ce qui, comme vous pouvez bien l'imaginer, paralyserait virtuellement tout le secteur des voyages.

Honorables sénateurs, nous devons nous rappeler que le caractère sérieux de cette maladie ne tient pas jusqu'à maintenant au nombre de personnes qui en sont décédées, car il demeure relativement faible. Au Canada, environ 4 p. 100 des personnes affectées par cette maladie sont mortes. Au cours de toute année, plus de 4 p. 100 des personnes atteintes de pneumonie ordinaire meurent de cette maladie. Le vrai sujet de préoccupation dans cette affaire, c'est que nous ne savons pas encore comment traiter cette maladie. En Ontario, par exemple, cinq des patients sont morts, et il s'agit manifestement d'une situation très tragique pour chacune de leur famille. Toutefois, sur le plan d'une pandémie ou d'une épidémie, ce n'est pas encore un nombre très élevé.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Vancouver, et plus précisément l'aéroport international de Vancouver, est la porte d'accès à la région Asie-Pacifique pour les transporteurs canadiens et américains. Il va de soi qu'ils subissent les contrecoups de la psychose du SRAS. On appréhende également que la peur du SRAS ait un effet dévastateur sur les vols transpacifiques, alors que la maladie est à ce stade-ci plutôt localisée en Asie. Pourtant, l'alerte diffusée par Santé Canada mentionne la République populaire de Chine, ce qui signifie que les personnes faisant appel à Air Canada pour se rendre à Beijing, Shanghai ou Hong Kong ne savent pas si elles doivent annuler ou non leur vol. On me dit que les vols en provenance de la Chine sont maintenus avec assez de régularité, mais que le nombre de passagers à destination de la Chine a chuté de façon draconienne.

Existe-t-il une façon qui nous permettrait d'établir plus précisément quelles sont les régions de la République populaire de Chine, un pays très vaste, qui devraient être interdites à ce stade-ci aux Canadiens, afin que les voyageurs allant vers d'autres régions puissent le faire dans une sécurité relative, ou est-ce tout simplement un cas où nous ne disposons pas de l'information nécessaire?

(1440)

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, une partie du problème tient au fait que nous ne disposons pas des renseignements nécessaires. L'OMS tente de les obtenir. On pensait à un certain moment que le SRAS n'était pas présent à Beijing; mais il semble maintenant qu'il existe des cas suspects de SRAS dans cette ville.

L'OMS surveille les vols en partance des pays à risque plutôt qu'à destination de ces pays. C'est pourquoi nous avons disposé d'autres agents de quarantaine à Vancouver, ainsi que d'autres professionnels de la santé pour accueillir les voyageurs qui arrivent. Ces voyageurs reçoivent exactement les mêmes renseignements que ceux qui partent. En outre, ces voyageurs recevront d'autres renseignements. On leur dira où se rendre s'ils remarquent l'apparition de symptômes semblables à ceux de la grippe qui pourraient s'apparenter au SRAS.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE PERSONNEL EN SERVICE AUPRÈS DES FORCES DE LA COALITION DANS LE GOLFE PERSIQUE—LA DÉSIGNATION DU SERVICE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, le gouvernement a admis qu'au moins 31 soldats, marins et aviateurs du Canada servent auprès des forces de la coalition dans le golfe Persique. Ma question est la suivante: leur période de service auprès de ces forces de la coalition est-elle considérée comme une période de service actif ou comme une période de service en temps de guerre?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois savoir que ces soldats sont considérés comme étant en service actif en temps de guerre; cependant, je vérifierai ce renseignement.

Le sénateur Forrestall: J'en serais très reconnaissant.

Comme madame le leader du gouvernement le sait, le service en temps de guerre a d'autres conséquences, notamment sur l'emploi dans la fonction publique et sur l'accès à d'autres avantages.

Madame le ministre voudra peut-être se renseigner pour savoir si le gouvernement a pris des mesures pour veiller à ce que ces Canadiens reçoivent des pensions et les autres avantages auxquels eux et leur famille ont droit. Plus particulièrement, a-t-on adopté un décret plaçant ces soldats en service actif et tenant compte de ces autres dispositions?

Le sénateur Carstairs: Comme le sénateur le sait, il s'agit là d'une question très précise à laquelle lui et moi nous sommes intéressés tous deux. Je vais tâcher de voir si un décret a été adopté.

LE PERSONNEL EN SERVICE AUPRÈS DES FORCES DE LA COALITION DANS LE GOLFE PERSIQUE—LA SITUATION EN CAS DE BLESSURES

L'honorable J. Michael Forrestall: Tous les sénateurs sont reconnaissants au ministre des Anciens combattants et au gouvernement d'avoir décidé d'accorder aux militaires de tous les grades l'indemnité de mutilation de 250 000 $ en vertu du Régime d'assurance-revenu militaire. J'attire l'attention des sénateurs sur les efforts consentis par le major Bruce Henwood, qui est personnellement et principalement responsable de cette initiative.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si nos soldats en service en Irak ou participant au programme d'échange avec les forces étrangères demeurent couverts par ce régime d'assurance? Auront-ils droit à un montant forfaitaire s'ils sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions durant la guerre?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je suis convaincue que les sénateurs joindront leur pensée à la mienne pour souhaiter qu'il n'arrive rien de mal à nos soldats.

Comme le sénateur le sait, ces soldats ne sont pas en service actif de combat, même s'ils servent dans le cadre de diverses unités des forces britanniques et américaines. Le sénateur sait aussi que la plupart d'entre eux sont à l'extérieur de l'Irak, à des endroits comme Doha.

La question du sénateur est importante. Il ne devrait pas sous- estimer l'impact qu'ont pu avoir les questions qu'il pose en cette enceinte sur les changements effectués.

LES PROGRAMMES D'ÉCHANGES MILITAIRES—LA DURÉE DES AFFECTATIONS

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis heureux de voir que la Cour d'appel du Québec, même si elle ne donne pas raison, a prouvé que ceux parmi nous qui avaient lutté en faveur des jeunes contrevenants n'avaient pas tort.

Lorsqu'on planifie un programme d'échange d'étudiants, on sait à quelle date il commencera, ce que les étudiants feront et à quel moment le programme prendra fin.

Savons-nous quand prendra fin le programme d'échange de personnel militaire avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, et l'Australie dont le ministre de la Défense nationale a parlé hier?

De même, madame le ministre pourrait-elle dire à M. David Pratt, l'ambitieux député de Nepean—Carleton, qui semble croire qu'il est déjà ministre de la Défense nationale, que je suis en total désaccord avec sa déclaration selon laquelle Jean Chrétien devrait quitter ses fonctions de premier ministre et laisser sa place à un autre?

Je trouve choquant qu'un membre du parti que j'ai aimé pendant tant d'années, et que je n'ai jamais vraiment quitté, ait le toupet de tenir ces propos, au moment où la situation est difficile et où nous avons besoin de leadership. Cela n'a rien à voir avec la question. Je le signale au passage.

Je ne suis pas d'accord avec M. Pratt. Je crois que Jean Chrétien fait du bon travail. Il est en poste et il fait du bon travail.

Le sénateur Stratton: La question.

Le sénateur Prud'homme: La question est la suivante: quand ce programme prendra-t-il fin?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, précison qu'il ne s'agit pas d'étudiants. Ce sont des officiers des forces régulières.

Le sénateur Prud'homme: Puis-je rectifier? Ma question ne porte pas sur les étudiants. Je voulais parler des modalités du programme.

Le sénateur Carstairs: Les relations que nous avons avec les pays membres de l'OTAN existent depuis les débuts de cette organisation. Dans le cadre de ces relations, un officier peut être affecté pendant un certain temps dans une autre force en vue non seulement d'améliorer le travail qui se fait chez nous, mais aussi de rendre possible la coopération de ces soldats, pour qu'ils comprennent mieux comment réagissent d'autres forces armées dans des circonstances données.

Quant à la durée des affectations, je crois qu'elle varie. Je ne peux pas donner de réponse précise à la question de l'honorable sénateur parce que certaines affectations peuvent durer un an ou deux et d'autres quelques mois seulement.

Le sénateur Prud'homme: Pourriez-vous communiquer mon message à M. Pratt, s'il vous plaît?

LA JUSTICE

LE PROGRAMME DE CONTRÔLE DES ARMES À FEU—LES RÉPERCUSSIONS DE L'ADOPTION DU PROJET DE LOI C-10A SUR LES COÛTS

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, le 31 janvier 2003, le ministère de la Justice a chargé M. Raymond Hession d'évaluer l'administration et la gestion du Programme canadien de contrôle des armes à feu. Ce travail a abouti à la publication de recommandations visant à rationaliser le programme pour en réduire les coûts qui explosent. Dans son rapport, M. Hession a dit qu'on pourrait réaliser d'importantes économies à l'avenir si on apportait des changements à des étapes clés.

L'une des étapes qui, selon M. Hession, sont directement liées à la diminution des coûts du Programme canadien de contrôle des armes à feu est l'adoption du projet de loi C-10A au plus tard le 1er avril 2003.

Honorables sénateurs, nous sommes aujourd'hui le 1er avril et le Sénat n'est pas saisi du projet de loi C-10, qui ne semble pas être inscrit, non plus, au programme du gouvernement à la Chambre des communes.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle vérifier si le fait de ne pas adopter le projet de loi C-10A, ce que nous recommandait M. Hession, aura de grandes répercussions en ce qui concerne la réduction du budget du Programme canadien de contrôle des armes à feu, comme il nous le promettait dans son rapport?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les renseignements de l'honorable sénateur sont exacts. L'adoption du projet de loi C-10A réduirait le coût du registre des armes à feu, en raison de la façon dont seraient traitées certaines armes. Il est à espérer que nous ne verrons jamais le projet de loi C- 10A. Je crois comprendre que le gouvernement tentera de faire adopter rapidement le projet de loi C-10A avec les amendements apportés par le Sénat du Canada.

Je crois comprendre également que l'étude de ce projet de loi sera inscrite au Feuilleton de la Chambre la semaine prochaine.

Le sénateur Comeau: Si j'ai bien compris la réponse de madame le ministre, le projet de loi C-10 devrait être étudié à la Chambre des communes la semaine prochaine. Par conséquent, madame le ministre estime que les choses vont bon train et que les recommandations de M. Hession seront étudiées d'ici une ou deux semaines. Nous continuerons de surveiller la situation de près.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, d'après mes renseignements, le projet de loi sera étudié la semaine prochaine. L'honorable sénateur peut avoir la certitude que je surveille également la situation de près, car le Sénat doit encore se pencher sur le projet de loi C-10B. Nous ne pouvons aller de l'avant avec le projet de loi C-10B tant que la Chambre ne se sera pas prononcée sur le projet de loi C-10A et notre suggestion visant à scinder le projet de loi. J'exerce autant de pressions que je peux sur les députés afin d'accélérer l'étude du projet de loi C-10A.

(1450)

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

LES EFFETS DE LA GUERRE CONTRE L'IRAK SUR LE COMMERCE

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'adresse ma question au leader du gouvernement au Sénat. Comme l'honorable sénateur le sait, je m'inquiète beaucoup de nos relations commerciales avec les États-Unis. Peter Smith, président de l'Association des industries aérospatiales du Canada, ainsi que Tony Pollard, président de l'Association des hôtels du Canada, ont parlé aux journalistes de la baisse du volume des affaires par suite de la dégradation de nos relations avec les États-Unis. Madame le ministre est-elle au courant de cette situation? Sait-elle quel énorme impact cela peut avoir sur notre économie?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai bien sûr lu les comptes rendus des journaux concernant les déclarations de M. Pollard et de M. Smith. J'ai cependant trouvé curieux que M. Pollard ne soit pas disposé à nommer des groupes qui souhaitaient annuler des réservations d'hôtels ou de congrès.

Il est évident que des décisions sont prises aux États-Unis et que certaines sont attribuables à la situation économique qui règne dans le pays. Il est impossible pour nous, à ce stade, de connaître les répercussions directes de la décision prise par le gouvernement du Canada, comme pays souverain, de rester à l'écart de la guerre.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je suis sûr qu'il aurait pu nommer les groupes en question. Le plus probable est que les groupes eux-mêmes ne souhaitent pas être identifiés pour éviter une plus grande dégradation des relations et la perte d'autres réservations.

LES PROPOS DU MINISTRE DES RESSOURCES NATURELLES

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma deuxième question porte sur ce que M. Cellucci a dit dans son discours à Toronto. Le plus troublant pour les Américains, d'après différents rapports venant des États-Unis, c'est que le ministre Dhaliwal, membre du Cabinet de notre pays souverain, a en fait mis en doute la crédibilité du président des États-Unis.

Madame le leader du gouvernement au Sénat ne croit-elle pas que le ministre Dhaliwal devrait officiellement prendre la parole pour présenter ses excuses au président et au peuple des États-Unis, au lieu d'essayer de faire marche arrière dans des discours prononcés à Vancouver?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais établir très clairement que je n'ai nullement mis en doute l'intégrité de M. Pollard. J'ai simplement dit qu'il n'a pas donné certains renseignements.

Pour ce qui est de l'honorable ministre Dhaliwal, il a dit clairement ce qu'il entendait dans ses propos. Je ne vois pas du tout la nécessité pour lui de prendre d'autres mesures.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LA GUERRE CONTRE L'IRAK—LES ACTIVITÉS DE LA SYRIE

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, la Syrie qui, comme l'Irak, est gouvernée par une hideuse dictature, a fourni de l'équipement militaire à l'Irak, a laissé des combattants franchir sa frontière pour aller en Irak et a apparemment permis que des armes irakiennes soient cachées sur son territoire. Le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a mis en garde la Syrie, lui demandant sans équivoque de se tenir à l'écart du conflit ou de subir les conséquences de ses actes. La Syrie défend son action en invoquant le Conseil de sécurité et en disant que l'invasion américaine est injustifiée. Le gouvernement surveille-t-il la situation en Syrie? Est-ce que le leader du gouvernement peut donner au Sénat des détails quelconques à ce sujet?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne dispose d'aucun renseignement à ce sujet. Je crois pouvoir dire, au nom de tous les Canadiens, que nous serions désolés si la guerre lancée contre l'Irak s'étendait au-delà des frontières irakiennes.

Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, compte tenu de l'attitude prise par le gouvernement libéral au sujet de la guerre en Irak, est-ce que le gouvernement du Canada réfute l'affirmation de la Syrie, qui prétend que sa position est justifiée par celle du Conseil de sécurité au sujet de la guerre et que son action, qui aggrave de toute évidence l'ensemble de la situation au Moyen-Orient, est également justifiée?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, à ma connaissance, aucune preuve n'a été présentée au Conseil de sécurité des Nations Unies au sujet de l'action alléguée de la Syrie. Nous ne savons donc pas si Damas a violé la résolution du Conseil de sécurité.

Le sénateur Di Nino: Est-ce que madame le ministre peut s'engager à obtenir des renseignements à ce sujet auprès du ministère des Affaires étrangères ou du cabinet du premier ministre pour informer la Chambre en temps opportun?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, s'il y a d'autres renseignements concernant la Syrie, ils seront rendus publics. Toutefois, si l'honorable sénateur souhaite que je demande spécifiquement cette information au gouvernement pour la transmettre à la Chambre, je le ferai avec plaisir.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à une question orale du sénateur Stratton, posée le 19 mars 2003, concernant la pneumonie causée par un virus virulent et un avis aux voyageurs qui se rendent en Asie.

LA SANTÉ

LE VIRUS VIRULENT DE LA PNEUMONIE—L'AVERTISSEMENT CONCERNANT LES VOYAGES EN ASIE

(Réponse à la question posée le 19 mars 2003 par l'honorable Terry Stratton)

Santé Canada demeure en contact avec les autorités aéroportuaires et avec Air Canada pour tout ce qui concerne le SRAS.

La société Air Canada, comme toutes les sociétés aériennes, est régie par les règlements de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). En tout temps, Air Canada peut prendre des mesures pour contrôler si des passagers sont malades avant l'embarquement et si un représentant de la société aérienne a des doutes concernant la santé d'un passager, elle a le pouvoir d'interroger le passager et, au besoin, de demander une autorisation médicale du directeur médicale à Air Canada. Cette politique est en vigueur en tout temps, mais le personnel est en ce moment plus vigilant.

Air Canada a décidé récemment d'affecter une infirmière à la salle d'attente de l'aéroport de Hong Kong pour vérifier s'il n'y a pas de passagers qui présentent visiblement des symptômes de la maladie.

L'Organisation mondiale de la santé a adopté un Règlement sanitaire international pour empêcher le plus possible la propagation internationale des maladies sans trop nuire au trafic mondial.

Ce réglement est mentionné dans les règlements de l'OACI également et ne s'applique pas seulement aux compagnies aériennes mais aussi aux autorités aéroportuaires et permet aux autorités sanitaires d'examiner les passagers qui arrivent ou qui partent.

Santé Canada a affecté des agents de la quarantaine aux aéroports de Vancouver et de Toronto pour évaluer tout passager malade. Ces mesures conjuguées peuvent permettre d'endiguer la transmission de maladies infectieuses par des voyageurs.

L'article 30 du Règlement sanitaire international de l'Organisation mondiale de la santé se lit comme suit:

1. L'autorité sanitaire du port, de l'aéroport ou de la zone dans laquelle est situé le poste frontière prend toutes mesures pratiques pour:

a) empêcher l'embarquement des personnes infectées ou des suspects;

b) éviter que ne s'introduisent à bord d'un navire, aéronef, train, véhicule routier, autre moyen de transport ou conteneur, des agents possibles d'infection ou des vecteurs d'une maladie soumise au Règlement.

2. L'autorité sanitaire d'une zone infectée peut exiger des voyageurs au départ un certificat de vaccination valable.

3. Avant le départ d'une personne effectuant un voyage international, l'autorité sanitaire visée au paragraphe 1 du présent article peut, lorsqu'elle l'estime nécessaire, procéder à une visite médicale de cette personne. Le moment et le lieu de cette visite sont fixés en tenant compte de toutes les autres formalités, de manière à ne pas entraver ni retarder le départ.


ORDRE DU JOUR

LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADALA LOI SUR L'OFFICE D'INVESTISSEMENT DU RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-3, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Bacon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des Premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence.

Son Honneur le Président: Je voudrais informer les honorables sénateurs qu'il y a entente pour que le deuxième orateur dispose de 15 minutes, de façon que l'opposition ait les 45 minutes prévues par le Règlement.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-6. Les Premières nations se battent pour obtenir la reconnaissance et la mise en œuvre de leurs traités et de leurs droits depuis l'arrivée des colons européens. Les gouvernements successifs ont insisté pour traiter différemment les Autochtones. Ils ont été tenus à l'écart de la société canadienne. Ils ont été obligés de recourir aux tribunaux pour recouvrer leurs droits et ont dû forcer les tribunaux à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il fasse ce qu'il n'avait pas fait, c'est-à-dire régler la question du titre de propriété des terres et celle des modalités de gouvernement.

Les premières lignes directrices concernant la politique des revendications territoriales ont découlé de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Calder en 1973. Donnant suite à cet arrêt, le gouvernement a négocié le règlement des revendications territoriales qui se répartissaient en deux catégories: les revendications globales et les revendications particulières.

Le projet de loi C-6 traite des revendications particulières qui, pour la plupart, portent sur des griefs de longue date des Premières nations au sujet du respect par le Canada des traités indiens et des autres obligations de la Couronne ainsi que de la mauvaise administration des terres aux termes de la Loi sur les Indiens ou d'accords officiels.

Les revendications portent en général sur la perte sans consentement de terres de réserve ou sur le défaut de paiement par le gouvernement d'une indemnisation pour les terres. Cela s'oppose aux revendications globales qui concernent des traités plus importants, comme ceux des Nisga'a et des Delgamuukw.

Le projet de loi C-6 est conçu pour établir un centre permanent chargé d'évaluer les revendications particulières présentées par les Premières nations contre le gouvernement fédéral. La Commission sur les revendications particulières des Indiens existe aussi, mais elle avait été créée en 1991 à titre de mesure temporaire.

Honorables sénateurs, entre 1970 et mars 2002, les bandes indiennes du pays ont présenté 1 146 revendications, dont 232 seulement ont été réglées. Cette situation est inacceptable et ne cesse de s'aggraver.

Honorables sénateurs, tout en croyant que l'intention du projet de loi C-6 est bonne — accélérer le processus et lui assurer un certain caractère définitif —, je ne crois pas que le mécanisme proposé puisse être efficace. À moins d'être modifié, le projet de loi C-6 aboutira à l'échec pour les raisons fondamentales suivantes. D'abord, les membres des Premières nations n'y croient pas. Le fait que seules les revendications de moins de 7 millions de dollars pourront être entendues par le tribunal limitera considérablement le nombre des revendications que le nouveau centre pourra examiner, car la plupart des revendications excèdent de beaucoup 7 millions de dollars. En Colombie-Britannique, ma province — dans la vallée de l'Okanagan même, d'où vient le sénateur Ross Fitzpatrick, en fait — il y en a qui excèdent cette somme. Le projet de loi manque de transparence, de mesures concrètes de reddition de comptes et de dispositions empêchant le népotisme.

(1500)

Les membres nommés de la commission et du tribunal doivent être choisis par les parties intéressées. Les contribuables devront également continuer de payer les frais judiciaires du gouvernement pour les recours coûteux devant les tribunaux qui seront intentés à la place des audiences de médiation.

Un certain nombre d'amendements doivent être adoptés pour que le projet de loi C-6 soit opportun. Il faut bien faire comprendre au comité qui examinera le projet de loi que tous les groupes intéressés doivent être entendus et disposer de suffisamment de temps pour se faire entendre. Le comité doit entendre les Autochtones car ce projet de loi influe directement sur leur vie.

Deux autres points me préoccupent beaucoup. Il s'agit du maximum de 7 millions de dollars et de l'absence de délai. Le gouvernement a prévu dans ce projet de loi des mécanismes qui retarderont et bloqueront l'examen des revendications. Il n'a pas établi de calendrier précis pour assurer le règlement rapide des revendications. Cela va à l'encontre des recommandations présentées en 1998 par le groupe de travail mixte. Le gouvernement estime qu'il faudra 30 ans pour éponger l'arriéré conformément aux méthodes actuelles. Il dit aussi que le nouveau système prévu dans le projet de loi C-6 permettra de régler 80 p. 100 des revendications, mais ne semble pas savoir combien de temps cela prendra.

Le comité de l'autre endroit a proposé un amendement prévoyant une limite d'un an, mais le gouvernement l'a rejeté. Le gouvernement aurait-il l'obligeance de nous dire pourquoi?

Le paragraphe 30(4) du projet de loi prévoit ceci:

Il ne peut être présumé, en raison de l'écoulement du temps, que le ministre a décidé de ne pas négocier le règlement de la revendication.

En fait, la commission ne peut pas interpréter l'absence de décision du gouvernement comme une décision tant que le ministre n'annoncera pas sa décision. Cela prête à confusion et risque de nuire à la prise des décisions qui sont nécessaires. C'est une question de responsabilité et de transparence.

L'Assemblée des Premières Nations veut que le projet de loi C-6 respecte les principes qu'elle a établis. Aux termes du projet de loi C- 6, le gouvernement fédéral contrôlerait unilatéralement le rythme auquel les revendications seraient examinées. Le projet de loi C-6 permettrait au ministre d'examiner une revendication indéfiniment au début du processus. Il n'y a aucune limite de temps à respecter. Aucun organisme indépendant ne peut dire: «Trop, c'est trop, la revendication doit passer à l'étape suivante.» Il se pourrait que la revendication ait à franchir une série compliquée d'étapes distinctes avant qu'une indemnisation soit versée. Bon nombre de ces étapes auraient pu être éliminées ou jumelées à d'autres. On aurait pu limiter les retards en donnant à un organisme indépendant un droit de regard sur la cadence des travaux ou en fixant dans la loi proprement dite une échéance stricte. Le projet de loi modèle du groupe de travail mixte visait à réduire considérablement l'arriéré de travail. Il est presque certain que le projet de loi C-6 aggravera cet arriéré.

L'APN a aussi signalé que, dans le rapport du groupe de travail mixte de 1998, le ministre n'avait pas le pouvoir discrétionnaire d'étudier une revendication indéfiniment. Une fois qu'une revendication était présentée, ce sont la commission et le tribunal, et non pas le gouvernement fédéral, qui avaient, en premier, leur mot à dire sur le rythme des travaux. Les représentants d'une première nation n'avaient pas à assister à plus d'une réunion préparatoire ni à prouver à une tierce partie l'échec préalable de la médiation ou de tout «autre mécanisme de règlement des différends». Lorsque le tribunal était saisi d'une revendication, la validité de cette dernière et l'indemnisation pouvaient être examinées simultanément.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne le plafond de 7 millions de dollars, l'alinéa 35(1)d) exige du demandeur qu'il renonce à toute demande d'indemnisation dont le montant est supérieur au plafond prévu à l'article 56, celui-ci étant actuellement fixé à 7 millions de dollars. Cependant, l'existence d'un plafond encourage les représentants du gouvernement à empêcher un règlement à l'étape des négociations avec la commission. Le ministre des Affaires indiennes prétend que le plafond de 7 millions de dollars a été fixé suffisamment haut pour inclure la plupart des revendications particulières. Mme Kathleen Lickers, avocate pour la Commission des revendications des Indiens, a toutefois déclaré ceci:

Sur les 120 revendications que la CRI a examinées, seulement 3 ont donné lieu à un règlement inférieur à 7 millions de dollars.

Les auteurs d'une analyse de l'APN ont ajouté ceci:

Depuis les trois dernières années (2002-2003), 8 des 14 revendications réglées par le gouvernement fédéral visaient des montants supérieurs à 7 millions de dollars.

Honorables sénateurs, je ne comprends pas pourquoi il faut fixer un plafond. Pourquoi ne pas soumettre les revendications inférieures à 10 millions de dollars à un tribunal d'arbitrage, et celles supérieures à 10 millions de dollars à un autre, si cela permet d'accélérer le nombre de règlements?

Le projet de loi C-6 est inacceptable dans son libellé actuel. Il est impossible que cette mesure réalise les objectifs d'obligation de rendre compte, de transparence et d'équité dans les relations avec les peuples autochtones. Il me tarde de travailler avec tous les sénateurs membres du comité sur ce très important projet de loi.

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, le sénateur St. Germain accepterait-il que je lui pose une question?

Le sénateur St. Germain: Certainement, honorables sénateurs.

Le sénateur Austin: Je n'ai pas entendu lorsque le sénateur a parlé d'un délai pour les revendicateurs autochtones. Selon le sénateur, y a-t-il réciprocité, c'est-à-dire que chacune des parties doit respecter un délai déterminé une fois le processus commencé?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, le délai concerne davantage le client en cause. En ce qui concerne le délai applicable aux Autochtones, je ne sais pas comment on ferait à cet égard. Si on découvre ou annonce qu'une injustice a été commise à l'encontre d'un groupe autochtone relativement à l'utilisation de ses terres, le sénateur ne croit-il pas que ce serait un peu injuste que de fixer un délai?

J'espère que je comprends bien le sénateur. Fait-il allusion à un délai pour présenter une revendication particulière?

Le sénateur Austin: J'ai trouvé un peu confuse la mention par le sénateur d'un délai. C'est pourquoi j'ai posé la question.

Il n'y a pas de délai pour présenter une revendication. Le projet de loi prévoit clairement qu'il ne peut être porté préjudice à une revendication du fait de l'écoulement du temps. Je croyais que le sénateur parlait de la durée de la procédure après la présentation d'une revendication. Je suis d'accord avec sa réponse, à savoir qu'un revendicateur autochtone ne devrait pas avoir à respecter un délai pour saisir la Commission de sa revendication. Toutefois, pour les mêmes raisons, je ne comprends pas pourquoi le gouvernement devrait respecter un délai dans ce cas. J'estime que le principal argument du sénateur se fonde sur la question d'un délai ainsi que sur le plafond de 7 millions de dollars et je suis sûr que le comité sénatorial auquel le projet de loi est renvoyé examinera davantage ces questions.

Le sénateur St. Germain: En ce qui concerne le délai, nous essayons d'accélérer le processus. Le chef Stewart Phillip, d'une des bandes d'Okanagan, m'a fait part d'une revendication relative à une partie de la réserve de la bande qui a été utilisée pendant des années à des fins agricoles durant la guerre et ne leur a jamais été rendue. C'est pourquoi il a présenté une revendication particulière.

En ce qui a trait au délai pour régler ces questions, je pense qu'il appartient au gouvernement de veiller à ce qu'elles soient réglées aussi rapidement que possible.

Si j'ai bien compris les Autochtones à qui j'ai parlé, ils ont depuis toujours l'impression que le gouvernement fait preuve de mauvaise volonté et que, à défaut d'inclure des délais précis dans le projet de loi, le gouvernement et tous ses bureaucrates continueront de se traîner les pieds. Peu importe le parti au pouvoir, c'est un problème qui se répète depuis le début.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je crois comprendre, et je me demande si c'est la même chose pour le sénateur St. Germain, que le projet de loi C-6 a pour objet d'établir un processus d'examen des revendications qui soit indépendant du ministère des Affaires indiennes, et qu'on ne peut imposer un délai à la commission chargée de l'examen des revendications et appelée à dépenser son propre argent pour établir les faits, parce que ce travail prend du temps.

Je ne veux pas m'engager dans un débat sur le sujet avec l'honorable sénateur. Je me demande seulement s'il veut bien continuer de garder l'esprit ouvert sur la question du délai.

(1510)

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je le ferai certainement. Je reconnais que des délais pourraient imposer des restrictions et faire grimper les coûts. Ce qui ennuie réellement les Autochtones, étant donné que les choses ont traîné en longueur pendant des décennies, c'est que, vu la façon dont le projet de loi est formulé, on continue de remettre sans cesse à plus tard l'examen de leurs revendications.

Les Autochtones s'inquiètent aussi du fait que le ministre nomme les membres du tribunal. Ils croient que la Commission devrait être indépendante et que son président devrait avoir les coudées franches. Ce sont des points que nous discuterons en comité et que je considérerai certainement avec un esprit ouvert.

J'ai bien hâte de me pencher sur ces questions avec d'autres sénateurs, et notamment avec le sénateur Austin.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

[Français]

LA LOI SUR L'HYMNE NATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du S-14, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin de refléter la dualité linguistique du Canada.—(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Jean Lapointe: Mister Speaker,Honorables sénateurs,En ce qui me concerneOur national anthemJe viens vous direThat I am totally againstLa proposition Of the honourable senator Kinsella Pour la simple raison That it is very confusing D'alterner une phrase en françaisAnd immediately followed Par une phrase In English Notre hymne national As it is presentlyEst adéquat et respecté, As much by the French speakingQue par les anglophonesOf our countryCette proposition du sénateur KinsellaIf acceptedApporteraitTo our national anthemUn effet auditif inintelligibleAnd would createUne atmosphère indescriptibleOf confusionC'est du moinsMy opinion... vous voyez what I meanThank you beaucoup

(Sur la motion du sénateur Lapointe, au nom du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LOUIS RIEL

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Chalifoux, appuyé par l'honorable sénateur Taylor, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi visant à honorer Louis Riel et le peuple métis.—(L'honorable sénateur LeBreton).

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, il y a 11 ans, le 10 mars 1992, le chef du Parti progressiste-conservateur, qui était alors président du Conseil privé et ministre responsable des Affaires constitutionnelles, présentait une résolution qui fut adoptée par la Chambre des communes et par le Sénat. Elle se lisait comme suit:

Que la Chambre note que le peuple métis de la terre de Rupert et du territoire du Nord-Ouest a pris, au moyen des structures et des procédures démocratiques, les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre et protéger les vies, les droits et les biens de la population de la rivière Rouge;

Que la Chambre note que, en 1870, sous le leadership de Louis Riel, les Métis de la rivière Rouge ont adopté une Liste des droits;

Que la Chambre note que, en se fondant sur cette Liste des droits, Louis Riel a négocié les conditions d'admission de la terre de Rupert et du territoire du Nord-Ouest dans le Dominion du Canada;

Que la Chambre note que ces conditions d'admission font partie de la Loi sur le Manitoba;

Que la Chambre note que, après avoir négocié l'entrée du Manitoba dans la Confédération, Louis Riel a été élu à trois reprises à la Chambre des communes;

Que la Chambre note que, en 1885, Louis Riel a payé de sa vie le fait qu'il était à la tête d'un mouvement qui a lutté pour le maintien des droits et libertés du peuple métis;

Que la Chambre note que la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des Métis;

Que la Chambre note que, depuis la mort de Louis Riel, le peuple métis honore sa mémoire et poursuit son oeuvre dans la lutte honorable pour le respect de ces droits;

Que la Chambre reconnaisse le rôle unique et historique de Louis Riel à titre de fondateur du Manitoba et sa contribution à la Confédération; et

Que la Chambre appuie de ses actions la véritable atteinte, tant en principe qu'en pratique, des droits constitutionnels du peuple métis.

Telle est la résolution qui fut adoptée il y a 11 ans.

Honorables sénateurs, en adoptant cette résolution en 1992, le Parlement canadien reconnaissait officiellement la contribution de Louis Riel à la Confédération canadienne. La Chambre réaffirmait également son appui à «la véritable atteinte, tant en principe qu'en pratique, des droits constitutionnels du peuple métis».

En qualité de chef de ce que les historiens appellent la résistance de la rivière Rouge, en 1870, Louis Riel a joué un rôle important dans la négociation de l'entrée du Manitoba au sein de la Confédération et dans l'inscription des droits religieux et linguistiques dans la Loi sur le Manitoba.

Riel fut par la suite élu trois fois à la Chambre des communes.

Les concessions de terres aux Métis en réaction à leurs préoccupations concernant le besoin de terres fait aussi partie de l'héritage laissé par Riel.

Quinze ans plus tard, en 1885, Riel a participé à un mouvement de défense des intérêts des Métis le long des rives de la rivière Saskatchewan. Malheureusement, ces événements ont pris fin sur une tragédie, et Riel a été jugé et pendu pour trahison.

La vie et la mort de Louis Riel correspondent à l'une des périodes de notre histoire qui était restée sans solution et exposée à des tensions entre Autochtones et non-Autochtones, entre francophones et anglophones, et entre Canadiens de l'Ouest et Canadiens des provinces centrales. Il était donc tout à fait approprié que le Parlement agisse en 1992 et qu'il reconnaisse, après avoir beaucoup tardé, le rôle qu'a joué Louis Riel dans le façonnement du Canada. Le Parlement a montré que nous étions parvenus à maturité comme pays et que nous voyions dans notre histoire commune une source de force, et non de faiblesse.

Honorables sénateurs, je ne tiens pas à relater tous les faits et gestes de Louis Riel, car cela prendrait beaucoup plus de temps que j'en ai et ce serait superflu, Louis Riel ayant fait couler énormément plus d'encre que la majorité des autres personnages de notre histoire.

Le courage et l'adresse dont il a fait preuve, encore jeune homme, comme leader de la communauté de la rivière Rouge pendant une époque troublée de son histoire, sont remarquables, tout comme son attitude à désamorcer une situation très délicate. À son retour à Red River, après plusieurs années d'absence, Riel a trouvé une communauté profondément anxieuse à propos de son avenir au sein du nouveau Dominion du Canada. Le peuple métis, majoritaire dans la communauté de la rivière Rouge, l'a adopté comme chef de file, car il s'exprimait bien, il était instruit et bilingue et il était au courant des coutumes du pays qui se préparait à annexer son territoire.

Louis Riel a collaboré étroitement avec les membres de la communauté et leur a permis de définir et d'articuler leurs préoccupations et leurs objectifs collectifs. Le fait qu'il ait réussi à dégager un vaste consensus et à rallier presque toute la communauté de la rivière Rouge à ses initiatives est digne de mention. S'il ne fit pas l'unanimité, c'est simplement parce que la communauté était extrêmement divisée à cette époque.

En fin de compte, les réalisations de Riel, dans ce que l'histoire a appelé la résistance de la rivière Rouge, ont été appréciables. Il a joué un rôle important pour que le Manitoba se joigne à la Confédération à titre de province et non comme une partie des Territoires du Nord-Ouest, et que des garanties sur la religion et la langue figurent dans la Loi sur le Manitoba.

(1520)

Quinze ans plus tard, après avoir vécu aux États-Unis et être devenu citoyen américain, Louis Riel est rentré au Canada. De nouveau, il a participé à la défense des intérêts des Métis sur les rives de la rivière Saskatchewan. Malheureusement, ces événements ont fini dans le drame et la controverse, mais personne ne saurait contester le profond dévouement de Riel envers son peuple, ni son consentement à accepter de faire le sacrifice ultime de sa vie.

Comme M. Clark l'a dit en 1992 pour appuyer la résolution:

Le moment est arrivé de marquer le rôle primordial et positif qu'a joué Louis Riel dans la défense des intérêts du peuple métis et sa contribution au développement politique de l'Ouest et du Canada.

Toutefois, a ajouté M. Clark, nous devons maintenant bâtir en nous inspirant des dimensions positives et non négatives de cette expérience. Le Sénat n'a que trop tardé à reconnaître le rôle important que Louis Riel a joué dans l'édification du Canada ainsi que nous le connaissons aujourd'hui, mais cette reconnaissance montre que notre pays a mûri. Elle montre que nous percevons notre histoire commune comme une source de force et non comme une faiblesse.

Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur de collaborer avec le gouvernement de M. Mulroney quand, pour la première fois dans l'histoire du Canada, un Métis a été nommé lieutenant-gouverneur, un représentant de la reine, et surtout du Manitoba. Il demeure que notre histoire est la nôtre et que nous ne pouvons pas la modifier. Nous pouvons tous évoquer des événements passés que nous aurions souhaité ne jamais voir se produire. C'est la réalité. Je suis fermement convaincue qu'on ne peut, ni ne doit, réécrire l'histoire.

Je crois que le Parlement du Canada a reconnu Louis Riel comme il se doit dans la résolution adoptée en 1992. Bien que je sympathise avec les points de vue exprimés par les sénateurs St. Germain et Chalifoux, je ne puis, personnellement, souscrire au projet de loi S-9.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

L'HÉRITAGE DE GASPILLAGE—LES ANNÉES CHRÉTIEN-MARTIN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur LeBreton, attirant l'attention du Sénat sur l'héritage de gaspillage des années Chrétien- Martin.—(L'honorable sénateur Bryden).

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, depuis mon arrivée dans cette institution, en novembre 1994, les sénateurs d'en face ont consacré beaucoup de temps à redorer la réputation politique du premier ministre Brian Mulroney et celle de son gouvernement conservateur qui s'est avéré un échec.

Le sénateur St. Germain: La réputation de ce gouvernement n'a pas à être redorée.

Le sénateur Bryden: Les sénateurs d'en face se sont employés à faire oublier aux Canadiens pourquoi ils ont mis ce gouvernement à la porte et pourquoi ils ont réduit à un parti croupion — et pratiquement à néant — cette formation, jadis magnifique, qui a été un jour dirigée par des hommes de la trempe de Macdonald, Diefenbaker et Stanfield. Leurs tentatives se sont avérées vaines.

Puisque le personnage central de ces tentatives infructueuses, madame le sénateur LeBreton — et je regrette qu'elle soit déjà partie — a été l'amie et l'ancienne adjointe de Mulroney, il n'est guère étonnant que, avec toutes ces questions d'héritage dont on parle aujourd'hui, cette dernière interpellation constitue une nouvelle approche.

Madame le sénateur LeBreton a qualifié la conclusion du comité sénatorial au sujet de la décision du premier ministre Chrétien de renoncer à l'accord de développement intéressant l'aéroport de Pearson de mauvaise décision, cet accord étant, selon elle, à la fois valable et honorable. Elle a opportunément oublié de dire qu'un rapport minoritaire de 125 pages était arrivé à une conclusion très différente de celle dictée par la majorité conservatrice à ce comité.

Le rapport minoritaire fait état des documents effectivement déposés au comité, qui présentent l'évolution du marché de développement. Ces documents révèlent que l'administration Mulroney faisait régulièrement et allégrement parvenir des millions de dollars à des amis et à des personnes de confiance — dans certains cas, sans qu'il n'y ait services rendus — et était gentiment disposée à simplement imputer ces coûts excessifs aux voyageurs canadiens.

Le rendement que le sénateur LeBreton a qualifié, dans son intervention, de «raisonnable pour les promoteurs» s'est avéré absolument exorbitant après analyse. Les comptables de l'époque ont découvert qu'un rendement avant impôt de 11 à 13 p. 100 aurait été raisonnable. Dans les faits, le rendement avant impôt de 23,6 p. 100 a été du double. Par conséquent, le comité a appris que le gouvernement aurait perdu plus de 250 millions de dollars au cours du bail. Comme l'a souligné un témoin, «il s'agit effectivement d'un quart de milliard de dollars».

Le sénateur Stratton: C'est mieux qu'un milliard pour la défense.

Le sénateur Bryden: Ce rendement exorbitant réalisé par les promoteurs ne comprend même pas les nombreuses ententes particulières grâce auxquelles les membres du consortium devaient s'enrichir. Je cite un extrait du rapport:

Il y a, ainsi, ce contrat d'une page, signé le 4 octobre 1993, dans lequel T1T2 Limited Partnership...

— c'est-à-dire le consortium de développement —

... promet de verser 3,5 millions de dollars à Matthews Investments 4 Inc., une entreprise qui ne figure nulle part ailleurs dans les dossiers et au sujet de laquelle nous avons trouvé très peu de choses, si ce n'est que M. Don Matthews en est le président-directeur général.

À propos, Don Matthews faisait partie du consortium de développement et a également été président du Parti progressiste- conservateur et vice-président du Fonds PC du Canada. C'est un ami de longue date du premier ministre Mulroney.

Je reprends la citation du rapport qui précise que:

Cet argent s'appelait des «honoraires d'expert-conseil», mais il aurait pu s'appeler n'importe quoi, un cadeau par exemple, étant donné qu'aucune obligation n'incombait à Matthews Investments 4 Inc. pour le mériter. Les termes du contrat étaient très clairs: celui-ci ne pouvait être annulé ou révoqué pour aucun motif. Il pouvait cependant être cédé en totalité par Matthews Investments 4 Inc., de sorte que M. Matthews pouvait affecter les 3,5 millions de dollars à n'importe qui — à lui-même, à son fils ou à un ami particulièrement serviable. Pourtant, voilà un contrat qui devait être financé à même les recettes de Pearson, présumément dans le cadre du projet de réaménagement.

Ce n'est qu'une des ententes particulières que nous avons mises à jour. Dans notre rapport, nous n'avons souligné que certaines des ententes qui auraient rapporté plus de 170 millions de dollars aux membres du consortium et à leurs amis, soit beaucoup plus que le taux de rendement négocié.

Permettez-moi de donner un dernier exemple, celui de Fred Doucet, ami intime de longue date et attaché politique de Brian Mulroney, qui allait recevoir plus de deux millions de dollars pour des contrats de démarchage qui étaient subordonnés à l'obtention du contrat de l'aéroport Pearson par Paxport, la société de Matthews.

Ce modèle de favoritisme avait été mis en place par le premier ministre Brian Mulroney lui-même. Le comité a entendu comment, par suite d'une conversation lors d'une réception mondaine, il a demandé au greffier du Conseil privé de l'époque, le fonctionnaire exerçant la deuxième plus haute fonction de l'État, de tenter d'arranger les choses «de manière à ce que chacun ait une part du gâteau».

Selon notre examen, cette entente annulée par le premier ministre Chrétien montrait de toute évidence le gaspillage, la corruption et le copinage qui affligeaient le gouvernement conservateur Mulroney, particulièrement vers la fin de son mandat. La manœuvre consistant à ce que chacun puisse avoir une part du gâteau a placé le Canada au bord de la faillite.

Plusieurs sénateurs ont signalé les coûts entraînés par l'annulation du contrat conclu par le gouvernement conservateur pour l'acquisition de la Cadillac des hélicoptères, l'hélicoptère EH-101. Le sénateur Buchanan a dit que l'acquisition des hélicoptères aurait coûté 5,8 milliards de dollars. Où le gouvernement aurait-il pris cet argent? Il l'aurait emprunté, bien sûr, ce qui aurait fait grimper encore le déficit annuel et la dette nationale de plus en plus énorme. Les intérêts courus annuellement sur ce montant de 5,8 milliards de dollars auraient largement dépassé le coût d'annulation du contrat, ce qui donne une idée des économies réalisées.

(1530)

Permettez-moi de citer brièvement un livre très lucide intitulé The Show Must Not Go On, qui analyse les dépenses du gouvernement conservateur Mulroney pendant ses années au pouvoir. On y lit ce qui suit:

Les conservateurs de Mulroney ont réussi en 8 ans ce que tous les anciens premiers ministres et ministres des Finances n'avaient pas accompli ensemble en 117 ans: ils ont dépensé plus d'un billion de dollars!

Dans le chapitre portant le titre fort bien choisi de «Michael Wilson, l'homme d'un billion de dollars», on trouve ce qui suit:

Les 17 premiers ministres, de Macdonald à Turner, qui ont gouverné le Canada depuis la Confédération, ont dépensé 900 milliards de dollars en 117 ans. Ensuite, Mulroney est arrivé. Avec le concours de Wilson, Mazankowski, Campbell, Charest et leurs amis, Mulroney a réussi à dépenser plus d'un billion de dollars en 8 ans.

Honorables sénateurs, qu'est-ce que le Canada a obtenu en contrepartie de dépenses aussi extravagantes? Lorsque le premier ministre Mulroney a cédé le pouvoir, le Canada se trouvait, aux dires de la Chambre de commerce du Canada citée dans le Financial Post du 20 avril 1993, «au milieu d'une crise financière nationale et au bord d'une crise économique nationale».

Les conservateurs ont laissé derrière eux un héritage de dévastation économique. Le chômage était à un niveau record et, comme chacun le sait, le déficit avait atteint des niveaux effrayants. Les conservateurs semblaient avoir développé une approche unique à la gestion du gaspillage: ils ont en effet réussi à gaspiller des sommes énormes, le plus souvent empruntées, faisant grimper le déficit et la dette à des records inégalés, atteignant virtuellement le maximum de la marge de crédit du Canada et amenant le Fonds monétaire international à se préparer à mettre le Canada en faillite.

En 1983-1984, à l'arrivée au pouvoir du gouvernement Mulroney, la dette publique du Canada s'élevait à 167,8 milliards de dollars. En 1993-1994, après neuf ans d'incurie, la dette était passée à 482,1 milliards, représentant 66,3 p. 100, soit deux tiers, du produit intérieur brut.

En 1984, le Canada se classait premier dans le G-7 sur le plan de la croissance du PNB réel, premier sur le plan de la croissance de la productivité et deuxième pour ce qui est de la croissance de l'emploi. À cette époque, notre taux d'inflation se situait dans la moyenne du G7. En 1991, après sept années de gouvernement conservateur, le Canada était avant-dernier au chapitre de la croissance de l'emploi, avant-dernier pour le taux de chômage, quatrième sur le plan de la croissance de la productivité et également quatrième pour le taux d'inflation.

En 1993, après neuf ans de souffrance, les Canadiens en avaient assez du gouvernement Mulroney qu'ils ont chassé du pouvoir avec une véhémence remarquable. Le nouveau gouvernement libéral Chrétien a alors pris les choses en main. Il a réussi non seulement à éliminer le déficit en quatre ans, mais aussi à enregistrer des excédents budgétaires pendant cinq années consécutives. Depuis 1996-1997, il a réduit la dette fédérale de 47,6 milliards de dollars. Depuis 1997, la croissance réelle du PIB s'est située en moyenne aux alentours de 4 p. 100 par an, surclassant les États-Unis dans chacune des trois dernières années. Tant le Fonds monétaire international que l'OCDE ont prédit que le Canada se classerait premier parmi les pays du G7 au chapitre de la croissance cette année et la prochaine.

Nos collègues conservateurs qui ont discuté de la question de l'assurance-emploi ont à juste titre insisté sur la nécessité pour le gouvernement de travailler à la création d'emplois. Comparons les dossiers de réalisations, honorables sénateurs. Je me souviens qu'au cours de la campagne électorale de 1993, la première ministre conservatrice d'alors, Kim Campbell — c'est elle qui avait reçu le calice empoisonné de Brian Mulroney —, avait été citée par les médias: elle avait dit qu'aucun nouvel emploi ne serait créé avant l'an 2000. Même si elle a nié par la suite avoir prononcé ces mots, Mme Campbell avait dit qu'on ne devait pas lui reprocher d'être honnête. Autrement dit, elle ne pouvait honnêtement pas voir comment il était possible de créer de nouveaux emplois avant l'an 2000.

Honorables sénateurs, le gouvernement libéral savait qu'une meilleure gestion était possible. Entre le moment où le gouvernement Chrétien a pris le pouvoir en octobre 1993 et la fin de l'an 2000, deux millions de nouveaux emplois avaient été créés.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Bryden: En 2002, le marché du travail canadien comptait parmi les plus forts du monde, créant plus d'emplois que n'importe quel autre pays du G7. En 2002 seulement, 560 000 emplois ont été créés, représentant un record de croissance en douze mois. Par comparaison, le nombre d'emplois aux États-Unis a diminué de 229 000 durant la même période.

En 1993, les électeurs canadiens ont demandé au gouvernement libéral de remédier au terrible héritage économique des conservateurs. Le premier ministre Chrétien, avec l'aide compétente du ministre des Finances d'alors, Paul Martin, et d'autres membres du Cabinet, a dû prendre de dures décisions. Ses décisions n'ont été ni faciles ni populaires, ce qui explique pourquoi les conservateurs les avaient évitées pendant tant d'années, aggravant les problèmes des Canadiens. Toutefois, le premier ministre Chrétien et son gouvernement libéral ont fait ce qu'il y avait à faire et leur politique a eu du succès. Les Canadiens l'ont reconnu et, malgré ce qu'ils ont souffert dans les années de vaches maigres, ils ont accordé trois mandats majoritaires successifs au gouvernement. L'économie canadienne se porte bien et des millions d'emplois ont été créés, ce qui a rendu possibles les politiques sociales renforcées annoncées dans le dernier budget. Ce sont des politiques qui aideront nos collectivités autochtones, les enfants canadiens qui vivent dans la pauvreté, les sans-abri ainsi que les familles avec des enfants qui veulent se sortir de l'impasse de la sécurité sociale.

Honorables sénateurs, puisque cette interpellation traite d'héritage, comparons donc l'héritage du gouvernement conservateur Mulroney à l'héritage que laissera le gouvernement libéral Chrétien. Le gouvernement conservateur Mulroney a laissé un sillage catastrophique comprenant un déficit de 42 milliards de dollars, une dette publique qu'il avait réussi à porter de 167,8 à 482 milliards, c'est-à-dire 66,3 p. 100 du PIB, et des contrats qui auraient pu enrichir les amis politiques tout en augmentant davantage le fardeau de la dette sur les épaules des Canadiens.

Bien sûr, le premier ministre Chrétien a dû annuler certains de ces marchés et, oui, cela a coûté de l'argent aux Canadiens, mais ce n'est qu'un reproche de plus à faire au gouvernement conservateur Mulroney. Nous avions plus de 11 p. 100 de chômage et une première ministre qui, après avoir été accusée d'avoir dit qu'aucun nouvel emploi ne pouvait être créé, s'est félicitée de son courage et de son honnêteté. Nous avions un pays qui, en 1991, après sept ans de gouvernement conservateur, était avant-dernier parmi les pays du G7 pour ce qui est de la croissance de l'emploi, avant-dernier au chapitre du taux de chômage, quatrième pour ce qui est de la croissance de la productivité et quatrième pour l'inflation.

Examinons maintenant l'héritage Chrétien.

Nous n'avons pas de déficit. En fait, le gouvernement va enregistrer cinq excédents annuels consécutifs. Le ratio de la dette au PIB a chuté de 20 points, passant de 66,3 p. 100 à un taux projeté de 40 p. 100 en 2004-2005. En 1995, la dette gouvernementale totale du Canada n'était dépassée que par celle de l'Italie parmi les pays du G7. Aujourd'hui, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni nous dépassent à ce chapitre. Le service de la dette publique qui accaparait 37 p. 100 de chaque dollar de recettes fiscales en 1995- 1996 n'en absorbait plus que 23 p. 100 en 2001-2002. Les économies annuelles d'intérêts s'élèvent à 3 milliards de dollars. Notre taux de chômage est de 7,4 p. 100, avec un taux d'activité presque record de 67,3 p. 100 en janvier. Des millions d'emplois ont été créés pour les Canadiens, et nous avons une croissance économique solide, malgré le ralentissement mondial dont nous avons été témoins récemment. Notre économie s'est développée de 3 p. 100 en 2002, soit nettement plus que l'économie américaine qui n'a connu qu'une croissance de 2,4 p. 100.

Le sénateur St. Germain: Attendez que les Américains en aient fini avec vous.

Le sénateur Bryden: Aussi bien le FMI que la Banque mondiale prédisent que le Canada sera en tête du G-7 au chapitre de la croissance cette année et la prochaine.

Ces réalisations financières et économiques extraordinaires ne représentent pas tout l'héritage du gouvernement Chrétien. Permettez-moi d'énumérer un certain nombre de choses rendues possibles par la gestion prudente et visionnaire du gouvernement libéral Chrétien. Le soutien fédéral aux soins de santé augmentera de 17,3 milliards de dollars dans les trois prochaines années et de 34,8 milliards en cinq ans. Nous bénéficions d'une réduction d'impôt de 100 milliards de dollars qui va donner aux Canadiens des taux d'imposition inférieurs à ceux des Américains.

(1540)

Des voix: Bravo!

Le sénateur Bryden: Le Programme des bourses d'études du millénaire donne accès aux études postsecondaires à des milliers de Canadiens et il existe maintenant de nouveaux fonds de bourses d'études supérieures qui viendront chaque année en aide à quelque 2 000 étudiants du niveau de la maîtrise et 2 000 autres du niveau du doctorat. Il existe également un engagement de 12 millions de dollars pour permettre à la Fondation nationale des réalisations autochtones d'accroître son programme de bourses d'étude à l'intention des étudiants autochtones.

Son Honneur la Présidente intérimaire: J'ai le regret de faire savoir au sénateur que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Bryden: Puis-je poursuivre? Il ne me reste que quelques pages.

L'honorable Gerry St. Germain: J'invoque le Règlement. De combien de temps le sénateur a-t-il besoin? Restera-t-il du temps pour les questions?

Le sénateur Bryden: Il ne m'en reste pas long, je vous le promets.

Le sénateur Comeau: Comme le sénateur Robichaud le dirait, continuez encore une minute.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À l'ordre, s'il vous plaît. Honorables sénateurs, le sénateur Bryden est-il autorisé à poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Bryden: En plus de ce que j'ai déjà souligné, le programme des chaires de recherche du Canada, qui a été créé en 1999 par le gouvernement Chrétien, est venu en aide à bon nombre de scientifiques. Un article paru le 17 mars 2003 dans le Globe and Mail écrit ce qui suit sur le programme des chaires de recherche du Canada:

... il est venu en aide à environ 840 scientifiques et spécialistes des sciences sociales, dont environ 160 recrues d'autres pays. Quatre-vingt cinq de ces recrues étaient des Canadiens vivant à l'étranger.

Selon cet article, plus de 150 chercheurs, scientifiques et autres sont revenus au Canada au cours des trois dernières années. Les politiques du gouvernement libéral de M. Chrétien permettent d'assurer l'importation de nouveaux cerveaux au pays.

Le gouvernement actuel a également adopté des politiques visant à favoriser l'innovation, la recherche et le développement, et ce, pas seulement dans une partie du Canada, des politiques qui tirent profit des nouvelles technologies dans le but d'offrir de nouvelles possibilités aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays, dans les régions rurales comme dans les régions urbaines.

Puis, il y a la Prestation fiscale canadienne pour enfants, qui fournit une aide essentielle aux enfants des familles à faible revenu. On a annoncé dans le plus récent budget que cette aide passerait à 10 milliards de dollars d'ici 2007.

De plus, on a prévu une somme de 900 millions de dollars sur cinq ans pour aider les provinces et les territoires à accroître l'accès aux initiatives favorisant l'apprentissage des jeunes enfants et l'accès à des services de garde de qualité.

Honorables sénateurs, je pourrais continuer de vous décrire tout ce que le premier ministre Chrétien laisse en héritage aux Canadiens. Toutefois, les chefs de parti laissent tous quelque chose en héritage à leur parti. Comparons ce qu'a laissé chacun des chefs des divers partis politiques.

Lorsque le premier ministre Mulroney a quitté la politique, le Parti conservateur était décimé, ravagé. Il n'était plus que l'ombre de lui-même. La cote de popularité du parti et de son chef était inférieure à 10 p. 100 et s'est à peine améliorée au cours des dix dernières années. Le parti s'accroche tout juste à quelques sièges sur la côte est; il n'est plus un facteur déterminant dans le reste de notre grand pays et risque de complètement disparaître au Canada atlantique.

Lorsqu'il prendra sa retraite, le premier ministre Chrétien quittera un parti fort et prospère qui aura formé trois gouvernements majoritaires. À l'heure actuelle, le Parti libéral jouit d'une cote de popularité supérieure à 50 p. 100, soit au-delà de 40 p. 100 de la cote de son plus proche rival qui, soit dit en passant, n'est pas le pauvre Parti conservateur. Aujourd'hui, le Parti libéral est fort d'un océan à l'autre et compte sur un plan d'avenir qui ne peut qu'accroître sa popularité au niveau national, surtout quand on le compare aux solutions de rechange.

Je conseille aux honorables sénateurs d'en face...

Le sénateur St. Germain: Nous n'avons pas besoin des conseils du sénateur.

Le sénateur Maheu: Écoutez, écoutez.

Une voix: Gardez l'esprit ouvert.

Le sénateur Bryden: Au lieu de critiquer tout ce qu'ils peuvent facilement trouver de négatif dans le bilan du gouvernement, il serait préférable, puisqu'il y a énormément de choses à corriger depuis le règne de Mulroney afin d'éviter la faillite au pays et d'entrer enfin dans le XXIe siècle, que les honorables sénateurs se posent les questions suivantes: qu'est-il advenu du Parti conservateur? Sous le règne de quel premier ministre ce parti a-t-il cessé d'être une puissance politique au Canada? Les honorables sénateurs d'en face ont tous assisté à cette débâcle. Ils auraient dû se demander: comment peut-on renverser la vapeur? Voilà une question extrêmement intéressante.

Notre système fonctionne mieux lorsqu'il y a une forte majorité à la Chambre des communes de même qu'un bon parti d'opposition pour obliger le parti au pouvoir à rendre des comptes et pour offrir une solution de rechange à la majorité.

Pendant près de 130 ans, cela a fonctionné exceptionnellement bien pour le Canada et pour les Canadiens. Que s'est-il passé? Pourquoi, comme le sénateur LeBreton l'a dit, le parti d'opposition est-il inefficace? Pourquoi le parti d'opposition n'est-il pas fort? Pourquoi l'opposition à la Chambre des communes est-elle fragmentée en solitudes régionales? Dans l'interpellation que je propose, nous devrions demander à Brian Mulroney et à ses acolytes pourquoi ils ont réuni sa coalition de séparatistes et de gens de droite de l'Ouest avec les séparatistes du Québec autour d'un noyau faible, pour former son «gouvernement de possibilités», qui a déçu tout le monde et qui s'est fractionné en groupes réformiste, allianciste, bloquiste et le reste.

Honorables sénateurs, j'ai commencé par qualifier la prétendue interpellation du sénateur LeBreton de sorte de justification pour la performance du gouvernement conservateur de Brian Mulroney. Dix sénateurs d'en face ont déjà pris la parole dans cette apologie. Heureusement, d'autres prendront la parole — il n'en reste pas beaucoup, mais quelques-uns — car ils ont bien des choses à justifier.

Le sénateur St. Germain: J'ai une question à poser.

Le sénateur Bryden: Le sénateur me demande-t-il si je veux répondre à une question?

Le sénateur St. Germain: Oui, monsieur.

Le sénateur Bryden: Je refuse.

Le sénateur St. Germain: Diffamateur, personnage infâme, qui refuse même de répondre à une question. Quelle honte!

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je trouve étrange qu'après avoir donné la permission au sénateur Bryden de poursuivre le débat sur cette interpellation — dans l'espoir de le questionner par la suite — il abuse de notre gentillesse et continue dans ses attaques. Par contre, il refuse que nous lui posions des questions. La prochaine fois que le sénateur demandera la permission de poursuivre un débat, je peux vous assurer que je lui refuserai cette permission.

Le sénateur St. Germain: Exactement.

[Traduction]

(Sur la motion du sénateur Eyton, le débat est ajourné.)

(1550)

LE SÉNAT

L'ATTRIBUTION DE TEMPS POUR LES HOMMAGES—ADOPTION DE LA MOTION

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lapointe, appuyée par l'honorable sénateur Gill:

Que l'article 22 du Règlement du Sénat soit modifié par adjonction, après le paragraphe (9) de ce qui suit:

«Hommages

(10) À la demande du leader du gouvernement au Sénat ou du leader de l'opposition, la période des «déclarations de sénateurs» est prolongée d'au plus 15 minutes lors d'un jour donné afin de rendre hommage à un sénateur ou un ancien sénateur, ainsi que du temps supplémentaire que peut prendre la réponse visée au paragraphe (13).

Temps de parole

(11) Le Président informe le Sénat du temps accordé à chaque intervention d'un sénateur qui rend un hommage, laquelle ne peut dépasser trois minutes. Aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.

Aucune permission

(12) Si un sénateur demande la permission de prendre la parole après la période de 15 minutes réservée aux hommages, le Président ne peut mettre la question aux voix.

Réponse

(13) Lorsque tous les hommages ont été rendus, le sénateur qui est honoré peut y répondre.

Publications du Sénat

(14) Les hommages et la réponse visés aux paragraphes (10) à (13) apparaissent sous une rubrique distincte intitulée «Hommages» dans les Journaux du Sénat et les Débats du Sénat.

Précision

(15) Le présent article n'empêche pas un sénateur de rendre hommage à un autre sénateur ou un ancien sénateur à tout autre moment où le permet le présent règlement.

Autres hommages

(16) Le présent article n'empêche pas l'attribution de temps pour rendre hommage à des personnes autres que des sénateurs ou des anciens sénateurs.»—(L'honorable sénateur Hubley).

L'honorable Elizabeth Hubley: Honorables sénateurs, je parlerai brièvement de cette motion, notamment à titre d'ancienne vice- présidente de l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, une Chambre relativement modeste et intime, dont les règles parlementaires et le décorum sont respectés mais où les sujets de débat et de discussion peuvent parfois être de nature très locale et communautaire. Le caractère local et personnel des débats n'est nulle part plus évident que dans les déclarations des membres de l'assemblée qui marquent le début des travaux quotidiens. Je me souviens d'un ancien collègue, un législateur très efficace qui, chaque printemps, se levait en Chambre pour annoncer publiquement l'ouverture du restaurant Gillis' Drive-in et pour rendre hommage à ses fameux cheeseburgers et rondelles d'oignon. Gillis' Drive-in est un restaurant très couru de la ville d'origine de ce législateur.

Les déclarations permettent de rendre hommage aux institutions communautaires et aux personnes ainsi que de souligner certains événements. Les déclarations des députés demeurent un élément important du déroulement quotidien de nos assemblées législatives provinciales et elles sont farouchement défendues, plus particulièrement par les simples députés pour qui c'est la seule occasion qui leur est donnée de mettre leur circonscription en lumière. Il est vrai qu'il est déjà arrivé que des déclarations aient manqué de pertinence, mais la plupart du temps elles ont contribué aux délibérations de l'assemblée législative, et la présidence a toujours exigé que l'on s'en tienne au temps alloué.

La reconnaissance des invités est un élément distinct des activités quotidiennes de l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard, et la présidence autorise également l'expression de condoléances ou les éloges soulignant la contribution de personnalités éminentes de l'île, y compris, naturellement, de députés de l'assemblée.

Tous ces facteurs ajoutent infiniment, à mon avis, au caractère et à la personnalité de nos assemblées législatives provinciales. Naturellement, celles-ci se comparent dans une grande mesure au Parlement fédéral dont les pratiques et les traditions sont issues en retour du modèle des parlements, le Parlement de Westminster.

Au cœur de tout cela se situe le droit de parole du député. Dans cette enceinte, les déclarations de sénateurs constituent un élément extrêmement important des affaires courantes, que ce soit pour souligner le décès tragique d'un chef d'État, comme l'a fait le sénateur Graham il y a quelques semaines, ou pour rallier du soutien pour une collectivité assiégée, comme l'a fait si éloquemment le sénateur Cochrane au nom de la population de Badger, à Terre- Neuve.

Honorables sénateurs, nul doute que ces questions présentent un grand intérêt public et, en tant que telles, méritent d'être débattues dans cette enceinte. Toutefois, je crois que nous devons éviter d'abuser de notre droit de parole ou de le banaliser en nous étendant trop longuement sur une question. Lorsque cela se produit, notre jugement et notre crédibilité risquent d'être remis en question.

L'esprit de la motion du sénateur Lapointe, sauf erreur, consiste à mieux gérer le temps dont disposent les sénateurs pour rendre hommage à leurs collègues. C'est ce que les changements proposés au Règlement accompliraient. Nous sommes assurément habilités à modifier ou à autrement changer le Règlement, mais en l'occurrence, ce ne serait pas prudent de le faire, à mon avis. L'expérience m'a enseigné qu'il est préférable d'accorder le plus de latitude possible aux intervenants dans une discussion ou un débat en assemblée législative et que l'approche normative n'est pas la meilleure solution. À cet égard, nous devrions nous en remettre au jugement et à la discrétion de la présidence, qui jouit de la confiance de tous les sénateurs.

Il se présentera des occasions où le menu proverbial du Gillis' Drive-in sera le sujet de discussion ou que des hommages et d'autres déclarations prendront trop de temps. Qu'à cela ne tienne, je préférerais laisser aux délibérations toute leur souplesse.

[Français]

L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, je ne connais pas les règlements, mais puisque personne n'a ajourné le débat, la présidence peut-elle me guider dans la démarche à suivre?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Lapointe a le droit de réplique, mais s'il prend la parole au sujet de la motion, il mettra fin au débat. Nous passerons alors au vote. Si d'autres sénateurs souhaitent intervenir pour parler de la motion, ils doivent en informer la Chambre et doivent soit parler de la motion, soit ajourner le débat.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, la motion devant nous a déjà fait l'objet d'une étude au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement lors de la session précédente. Il serait de mise que le Sénat demande à ce comité d'étudier la motion de l'honorable sénateur Lapointe. Il pourrait faire rapport et indiquer si certains points de vue ont changé, si une autre façon ou cette façon serait la meilleure pour atteindre le but que le sénateur Lapointe s'est fixé, à savoir permettre aux sénateurs de s'exprimer tout en tenant compte du temps restreint dont dispose cette Chambre.

Le sénateur Lapointe: Honorables sénateurs, pour être concis avec ma suggestion au comité, ce dernier a fait une recommandation. Douze ou treize personnes en ont parlé. Nous n'avons reçu qu'un seul commentaire négatif jusqu'à maintenant. Je ne vois pas l'utilité de renvoyer cette motion au comité et de la remettre encore et encore.

Mon discours est très bref. Je veux remercier tous ceux et celles qui m'ont appuyé. Je n'ai plus rien à ajouter. Pour le temps alloué aux hommages, j'ai préparé des réponses à toutes les questions posées. Aucun sénateur n'a été brimé dans cette histoire puisque les modifications ne réduisent en rien les droits des sénateurs. En quatre ou cinq minutes, un sénateur a le temps de rendre ses hommages. Si nécessaire, le Président peut toujours demander le consentement de la Chambre pour lui accorder plus de temps. Un sénateur peut avoir recours aux déclarations de sénateurs, aux motions et aux interpellations pour rendre hommage à quelqu'un.

Mon but et ma contribution sont très simples. Je ne m'oppose en rien aux hommages à des sénateurs disparus ou à des personnalités. Il y a un temps pour le faire et une limite de temps à respecter. J'ai été témoin d'hommages à un sénateur qui ont duré une heure vingt minutes: ce sénateur n'en voulait pas. À cette occasion, ma lanterne s'est éclairée. Que ceux qui veulent des hommages s'envoient des lettres!

[Traduction]

Une voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Il a été proposé par l'honorable sénateur Lapointe, et appuyé par l'honorable sénateur Gill:

Que l'article 22 du Règlement du Sénat soit modifié par adjonction, après le paragraphe 9, de ce qui suit:

Le sénateur Prud'homme: Suffit!

Une voix: Honorables sénateurs, je crois que nous devrions entendre toute la motion.

Son Honneur le Président: Je vais donc continuer à lire la motion.

«Hommages

(10) À la demande du leader du gouvernement au Sénat ou du leader de l'opposition, la période des «déclarations de sénateurs» est prolongée d'au plus quinze minutes lors d'un jour donné afin de rendre hommage à un sénateur ou un ancien sénateur, ainsi que du temps supplémentaire que peut prendre la réponse visée au paragraphe (13).

Temps de parole

(11) Le Président informe le Sénat du temps accordé à chaque intervention d'un sénateur qui rend un hommage, laquelle ne peut dépasser trois minutes. Aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois.

(1600)

Aucune permission

(12) Si un sénateur demande la permission de prendre la parole après la période de quinze minutes réservée aux hommages, le Président ne peut mettre la question aux voix.

Réponse

(13) Lorsque tous les hommages ont été rendus, le sénateur qui est honoré peut y répondre.

Publications du Sénat

(14) Les hommages et la réponse visés aux paragraphes (10) à (13) apparaissent sous une rubrique distincte intitulée «Hommages» dans les Journaux du Sénat et les Débats du Sénat.

Précision

(15) Le présent article n'empêche pas un sénateur de rendre hommage à un autre sénateur ou un ancien sénateur à tout autre moment où le permet le présent règlement.

Autres hommages

(16) Le présent article n'empêche pas l'attribution de temps pour rendre hommage à des personnes autres que des sénateurs ou des anciens sénateurs.»

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

LES TRANSPORTS

LA SITUATION DU TRANSPORT AÉRIEN AU CANADA—INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cochrane, attirant l'attention du Sénat sur la situation du transport aérien au Canada.—(L'honorable sénateur Comeau).

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, suite aux événements des derniers jours causés par la guerre en Irak et le virus du syndrome respiratoire aigu sévère, la terrible maladie qui retarde les projets de voyage, je voudrais réexaminer mes commentaires au sujet d'Air Canada. J'aimerais ajourner et reprendre l'ordre du jour au début.

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur s'est déjà exprimé sur la question. Il demande l'ajournement pour pouvoir terminer ses remarques à une période ultérieure. Cette demande a pour effet de recommencer le décompte sans que l'on ait à considérer une motion.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Ce que dit le sénateur Robichaud, c'est que si l'honorable sénateur amorce son discours et souhaite ajourner dès maintenant, il obtiendra l'effet souhaité, conformément au Règlement.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LA FERMETURE POSSIBLE DE LA PÊCHE À LA MORUE DU NORD ET DU GOLFE

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joan Cook, ayant donné avis le 18 mars 2003:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur un énoncé de position présenté au ministre des Pêches et des Océans concernant la fermeture possible de la pêche de la morue du Nord et du Golfe dans les zones 2J3KL et 3Pn4RS de l'OPANO.

— Honorables sénateurs, j'aimerais vous entretenir aujourd'hui d'une autre menace qui guette la pêche de la morue dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. L'effondrement de la pêche de la morue au début des années 90 représente certes une des pires épreuves auxquelles ma province ait été confrontée. Cet événement mettait en péril notre prospérité, notre culture et l'avenir de nos collectivités. Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador ont su faire face à cette épreuve et prendre les moyens pour éviter qu'une telle crise ne se répète. Face à cette situation critique, les familles et les collectivités ont dû prendre des décisions difficiles.

Honorables sénateurs, nous voilà une dizaine d'années plus tard. Le 20 novembre 2002, le ministre des Pêches, l'honorable Robert Thibault, indiquait que certaines zones de pêche autour de Terre- Neuve-et-Labrador pourraient être fermées. Les zones de l'OPANO en question sont, dans le Golfe, la zone 3Pn4RS et, dans le Nord, la zone 2J3KL. Ces fermetures créeraient encore une fois de l'incertitude au plan économique et assombriraient l'avenir des pêches à Terre-Neuve-et-Labrador.

En réponse à cette annonce, l'assemblée législative de cette province a demandé à l'unanimité la formation d'un comité composé de représentants de tous les partis, dont les chefs de ces partis, et de membres du Parlement, y compris des sénateurs. Le comité a tenu sa première réunion au début de décembre 2002, ici à Ottawa.

Le comité était chargé de mettre au point une position commune sur la fermeture possible des pêches et de cerner les mesures qui sont nécessaires pour reconstituer les stocks de morue et pour venir en aide aux personnes dont la subsistance en dépend.

Dans le cadre de son travail, le comité multipartite a demandé l'avis d'experts des sciences halieutiques, de la gestion des pêches et du développement de la pêche et il a consulté des intervenants clés de l'industrie sur l'orientation à suivre.

Le lundi 17 mars, le comité a présenté son rapport intitulé «2J3KL, 3Pn4RS Position 2003» au ministre des Pêches et à ses collaborateurs de même qu'aux comités des pêches et des océans de la Chambre des communes et du Sénat.

Ce rapport d'ensemble offre une orientation fondée sur la certitude, la stabilité et la viabilité. Le Comité a fixé les quatre objectifs suivants: reconstituer et conserver ces stocks, qui sont de précieuses ressources renouvelables pour les gens de Terre-Neuve-et- Labrador; instaurer une approche efficace et viable dans la gestion et la valorisation de ces stocks de morue; maximiser les avantages provenant des ressources halieutiques marines de la province; et diversifier et développer davantage l'économie de Terre-Neuve-et- Labrador, notamment les industries de la pêche et de l'aquaculture.

Le rapport contient un plan d'action en 19 recommandations visant à assurer la reconstitution et la gestion du stock de morue. On y propose de tirer parti des possibilités pour aider le secteur privé à développer et à diversifier davantage l'économie de Terre-Neuve-et- Labrador, notamment les industries de la pêche et de l'aquaculture de la province. On estime que les partenariats entre les gouvernements, l'industrie et les organismes de développement régional, par l'intermédiaire d'ententes à frais partagés, sont la démarche la plus propice au développement économique.

Pour le comité, se contenter de fermer ces pêches n'est pas la solution. L'incertitude scientifique a fait l'objet d'un important débat. Le processus d'évaluation et les modèles utilisés pour déterminer l'état du stock de 3Pn4RS ont eux aussi soulevé de nombreuses questions. On s'entend largement pour dire que c'est à l'échelle écosystémique que les scientifiques devront désormais travailler. Se concentrer sur l'étude scientifique de la morue isolément des autres composantes de l'écosystème fera peu pour le rétablissement des stocks ou la viabilité de l'industrie de la pêche.

Honorables sénateurs, 4 400 pêcheurs et travailleurs d'usine seront directement touchés par une fermeture de ces pêches à la morue. Quatre cents travailleurs d'usine perdront leur emploi, 1 500 autres travailleurs connaîtront une réduction de leur revenu, nombre d'entre eux ne pouvant par conséquent se qualifier pour des prestations saisonnières d'assurance-emploi, et quelque 2 500 pêcheurs du secteur des petits bateaux de moins de 33 pieds essuieront une perte de revenus.

Annuellement, la fermeture coûterait à l'économie provinciale environ 35 millions de dollars au chapitre des exportations et 40 millions de dollars en ce qui concerne le produit intérieur brut. Les pertes de revenus des particuliers seraient d'environ 48 millions de dollars par année. Les répercussions frapperont le plus durement ceux dont les revenus sont déjà modestes.

Ces répercussions seront particulièrement importantes pour les femmes pêcheurs. Vu le rôle qu'elles jouent dans les soins dispensés aux enfants et aux personnes âgées, les femmes sont beaucoup moins mobiles que les hommes. Cette mobilité limitée restreint grandement la capacité des femmes de se prévaloir des possibilités de recyclage et d'autres perspectives d'emploi.

(1610)

En conclusion, honorables sénateurs, la fermeture éventuelle de la pêche de la morue du Nord et du Golfe a, encore une fois, secoué notre industrie halieutique et les communautés dont la subsistance dépend de ces stocks.

Il faut élaborer une solution pour ces stocks menacés, en partenariat avec le gouvernement de Terre-Neuve-et-du-Labrador, l'industrie et le milieu scientifique. De toute évidence, il faut faire cela en consultation avec la population et les localités dont la subsistance dépend de ces ressources. Il faut adopter une vision à long terme qui offre des certitudes et des garanties de stabilité et de viabilité.

Selon le comité multipartite, ce que le gouvernement du Canada doit faire, c'est élaborer et mettre en oeuvre un plan d'action global pour s'occuper de l'état des ressources de morue de la province et de l'industrie halieutique tributaire de ces ressources.

Je suis certaine de parler au nom de tous les membres du comité multipartite si je dis que nous sommes impatients de travailler avec le gouvernement fédéral et les personnes concernées de l'industrie de la pêche de Terre-Neuve-et-Labrador afin de relever les défis qui s'offrent à nous.

Honorables sénateurs, on peut obtenir des exemplaires de ce rapport global en communiquant avec mon bureau. On peut aussi y avoir accès en consultant le site Web du gouvernement de Terre- Neuve-et-du-Labrador.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre compréhension et je vous demande d'appuyer cet important projet.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Cook d'avoir porté cette question à notre attention et d'avoir fait cet excellent discours.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER L'AIDE JURIDIQUE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Catherine S. Calbeck, conformément à l'avis donné le 19 mars 2003, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner la situation de l'aide juridique au Canada et les difficultés qu'éprouvent de nombreux citoyens à faible revenu à obtenir l'aide juridique qu'il leur faut, au pénal comme au civil.

— Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, conformément à l'article 30 du Règlement, je voudrais modifier ma motion par adjonction, après les mots «au pénal comme au civil», des mots «et que le Comité fasse rapport au plus tard le 31 décembre 2003».

Son Honneur la Présidente intérimaire: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Callbeck: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui sur la question de l'accès à l'aide juridique au Canada. En 2001, j'ai présenté une interpellation sur ce sujet après avoir été contactée par plusieurs habitants de ma province n'ayant pas accès à notre système de justice. Mon interpellation a obtenu maints appuis, et un certain nombre de sénateurs en ont parlé. Toutefois, elle est morte au Feuilleton avec la prorogation.

Compte tenu de la gravité du problème, j'estime que la question mérite une étude approfondie. C'est pourquoi je propose que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier la question.

Cependant, honorables sénateurs, avant de parler en détail des problèmes et des conséquences du système d'aide juridique du Canada, je voudrais faire un bref historique de l'aide juridique dans notre pays.

Le concept d'aide juridique est né dans les années 70. Il s'agissait alors de permettre aux accusés disposant de faibles revenus d'obtenir de l'aide juridique. À partir de 1973, le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère de la Justice, a conclu des ententes de partage des coûts avec les provinces pour l'aide juridique en matière pénale. Pour les affaires civiles, des modes de financement ont été conçus plus tard dans les années 70 dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada (RAPC), le gouvernement fédéral assurant la moitié du financement, et les provinces, l'autre moitié. Pour les affaires civiles comme criminelles, les provinces conservaient la maîtrise de la façon dont l'aide juridique était fournie et gérée.

En 1990, le gouvernement fédéral a mis un plafond à sa contribution à l'aide juridique en matière pénale, le fixant à 86 millions de dollars. Toutefois, depuis deux ans, de l'argent frais a été consacré à l'aide juridique en matière pénale. Le mois dernier seulement, le budget du ministre des Finances prévoyait une hausse de 89 millions de dollars pour l'aide juridique en matière pénale au cours des deux années à venir.

Le ministère de la Justice a été mandaté pour administrer le programme d'aide juridique en matière pénale, et on peut donc dire qu'il y a une certaine transparence et une certaine obligation de rendre compte. Toutefois, la situation dans le cas de l'aide juridique en matière civile est très différente.

L'aide juridique en matière civile est passée du Régime d'assistance publique du Canada au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux en 1994-1995. Le partage des coûts à 50 p. 100 assuré auparavant pour les services d'aide juridique en matière civile a été annulé. Dans le cadre du TCSPS, l'aide juridique en matière civile est soudainement entrée en concurrence avec la santé, l'éducation et d'autres questions importantes.

Il en résulte, malheureusement, un régime d'aide juridique sous- financé et inefficace qui ne répond pas aux besoins des personnes qu'il est censé servir. Comme l'a expliqué récemment le ministre de la Justice, le système juridique est de plus en plus sollicité, à un point tel que si nous ne faisons rien, nous risquons de compromettre l'intégrité même du système de justice au Canada.

Or, je crois que l'intégrité du système de justice a été compromise. C'est ce qui explique que j'aie été déçu, mais guère étonnée, de prendre connaissance du rapport du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, diffusé lors de la première semaine de mars. Le chapitre consacré au Canada dans ce rapport contient la condamnation la plus sévère qui ait jamais été faite de notre pays. Les Nations Unies ont mis en exergue l'échec de notre système d'aide juridique en matière civile et les répercussions de cet échec sur les femmes et les enfants canadiens vivant dans la pauvreté.

Le comité onusien a enjoint le gouvernement du Canada de veiller à fournir aux femmes une aide juridique en matière civile pour les questions de droit familial et de droit des pauvres. Le rapport est certes consacré aux femmes et aux enfants, mais je peux vous dire que le problème ne concerne pas que cette catégorie de la population et qu'il concerne aussi tous les Canadiens gagnant des revenus faibles, ce qui comprend souvent les personnes handicapées, les immigrants récemment arrivés sur le territoire et les Autochtones.

L'aide juridique en matière civile concerne des dossiers en droit de la pauvreté et en droit de la famille. Les services offerts dans le domaine du droit de la pauvreté visent notamment les gens qui ont perdu leur emploi, les gens qui ont besoin de prestations d'invalidité, de sécurité du revenu ou du Régime de pensions du Canada ou des gens qui font face à des difficultés relativement à une faillite ou à leur locateur. Pour la plupart des provinces, de telles difficultés sont loin d'être des priorités.

Par exemple, les réductions massives du programme d'aide juridique en matière civile en Colombie-Britannique ont donné lieu à la fermeture de plusieurs cliniques de droit familial et à la suppression de la couverture au titre du droit des pauvres. Plus tôt cette année, la Société d'aide juridique du Manitoba a aussi supprimé toute couverture au titre du droit des pauvres, la plus grande part de la couverture au titre du droit de la famille et certains aspects de la couverture au titre du droit criminel.

Au Canada, le système d'aide juridique en matière civile est très fragmenté du fait que chaque province et territoire établit ses propres normes en matière d'aide juridique, définit ses propres couvertures et fixe ses propres critères d'admissibilité à l'aide juridique. Dans tout le Canada, les niveaux d'admissibilité sont bien en-deçà du seuil de pauvreté et les domaines du droit pour lesquels les gens peuvent obtenir de l'aide sont de plus en plus restreints. Puisqu'il n'y a pas de normes nationales en matière d'aide juridique, on a un système incohérent d'un bout à l'autre du Canada. Par exemple, une province peut accorder de l'aide à une femme pour la garde des enfants alors que la province voisine refuse une aide semblable à cet égard. Par ailleurs, il est possible que les couvertures ne soient disponibles que pour des difficultés d'ordre juridique précises, selon les provinces. Étant donné que le système d'aide juridique ne couvre parfois que certains domaines, les avocats ne sont pas toujours en mesure de fournir des services complets à un client de l'aide juridique.

(1620)

Je crois que cette répartition en sections de notre système d'aide juridique en matière civile est une tragédie qui menace les droits des citoyens et mine la règle de droit au Canada. Certains Canadiens n'ont plus confiance dans le système de justice, et les choses se dégraderont à moins que nous ne commencions à rechercher des moyens de réparer les dégâts.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles il y a lieu d'examiner l'accès à l'aide juridique, surtout pour s'assurer que les droits des Canadiens sont respectés. Comme le sénateur Hubley l'a signalé lorsqu'elle a abordé la question, l'article de la Charte canadienne des droits et libertés sur les droits à l'égalité dispose que la loi s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination. Par surcroît, l'article 7 et le paragraphe 11(d) donnent apparemment à tout citoyen le droit d'être présumé innocent et le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, sauf par suite d'un procès équitable. En outre, le pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose de façon non équivoque qu'une personne accusée d'une infraction criminelle a le droit de se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais. Il faut s'assurer que les droits que nous avons obtenus pour les Canadiens suite à des luttes difficiles ne sont pas niés.

Il faut également qu'une étude soit menée, parce qu'il n'y a pas d'arène nationale où peuvent avoir lieu les débats politiques sur l'aide juridique dans les instances civiles. Seuls les tribunaux établissent des normes. À ce jour, ils n'ont prévu des normes à cet égard que pour les affaires criminelles. Nos tribunaux n'ont pas encore établi la constitutionnalité du droit à l'aide juridique pour les affaires civiles, même s'ils commencent à être saisis de ce genre d'affaires un peu partout au pays et qu'ils auront peut-être sous peu à rendre des décisions à cet égard.

Il importe également de reconnaître que l'échec du système d'aide juridique et sa fragmentation ont des répercussions sociales et administratives graves dans d'autres secteurs. Par exemple, un parent qui ne peut obtenir de pension alimentaire parce qu'il n'a pas accès aux services de l'aide juridique dans sa région fait souvent appel aux services sociaux pour obtenir l'aide monétaire dont il a besoin. Les juges et les employés du tribunal consacrent de plus en plus de temps à travailler avec ceux qui n'ont pas accès à l'aide juridique pour les aider à se préparer en vue de leur procès. Ils ont donc moins de temps pour faire leur travail régulier et c'est l'efficacité de tout le système juridique qui en souffre.

Il y a une autre chose dont je n'ai pas encore parlé mais qui constitue un problème important. Je pense aux problèmes auxquels les Autochtones font face lorsqu'ils tentent d'obtenir de l'aide juridique. Dans la plupart des régions isolées, il n'y a pas d'avocat de l'aide juridique, et bon nombre de ceux qui ont besoin d'aide font face à d'importantes barrières linguistiques à ce niveau.

Si ceux qui devraient être en mesure de tirer profit des mesures législatives que nous adoptons ne peuvent le faire parce qu'ils n'ont pas accès à l'aide d'un avocat, alors tous les efforts législatifs que nous avons faits à titre de parlementaires sont à toutes fins utiles vains.

Honorables sénateurs, comme madame le sénateur Cook l'a fait remarquer lorsqu'elle a parlé de cette question, les causes qu'examinent les tribunaux sont fort différentes de celles qu'ils étudiaient il y a 30 ans, lorsque les services d'aide juridique ont commencé à être offerts. Les politiques et les programmes d'aide juridique doivent être adaptés aux besoins d'aujourd'hui. Les avocats canadiens font valoir cet argument depuis quelque temps. Au cours de son mandat à titre de présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, madame le sénateur Milne a écrit à des avocats d'un peu partout au Canada pour leur demander de lui faire part de leurs opinions sur des questions qu'ils jugeaient préoccupantes. Comme elle l'a fait remarquer dans cette Chambre, elle n'a pas donné d'indication sur les questions dont il faudrait discuter, mais 75 p. 100 des répondants, ce qui constitue un pourcentage énorme, ont souligné que le manque de ressources dans le système d'aide juridique posait un problème.

En effet, l'exaspération suscitée par la situation dans le système d'aide juridique au Canada a incité des avocats à agir. En août dernier, l'Association du Barreau canadien, qui représente environ 37 000 avocats, a annoncé qu'elle lancera dans tout le pays plusieurs poursuites contre les gouvernements fédéral et provinciaux, afin que les personnes qui ne peuvent avoir accès à un avocat puissent bénéficier de l'aide juridique. Comme Daphné Dumont, ancienne présidente de l'Association du Barreau canadien, l'a dit, et ses propos ont été rapportés dans le National Post:

La contestation a débuté et le recours aux procédures montre que nous n'avons pas réussi à rejoindre les sources de financement.

Comme les honorables sénateurs peuvent le constater et comme la communauté internationale peut l'apprendre dans le rapport de l'ONU dont j'ai parlé tout à l'heure, l'inaction n'est plus possible. Il est impérieux qu'une instance nationale se joigne au débat et amorce une analyse fort nécessaire de la politique. Je suis fermement convaincue qu'un comité sénatorial serait le plus indiqué pour s'attaquer à ce problème.

Les sénateurs sont chargés de protéger les droits et les intérêts de tous les Canadiens. Au fil des ans, nous avons contribué à attirer l'attention sur des éléments de notre société dont les droits et les intérêts étaient négligés. En matière d'accès à la justice, les droits et intérêts des Canadiens à faible revenu sont négligés. Bien des fois, ces gens sont réduits à l'indigence et n'osent pas se faire entendre parce qu'ils ont honte de leur situation. Ces gens méritent qu'on leur permette de s'exprimer publiquement.

Le Sénat peut devenir la première tribune nationale où ces questions seront discutées publiquement. Si le Sénat ne comble pas ce vide et ne fait pas preuve de leadership, les seules indications que nos décideurs peuvent s'attendre à recevoir sont celles des tribunaux, qui réagiront au coup par coup, au gré des causes dont ils seront saisis. Tolérer que les tribunaux établissent les normes de couverture de l'aide juridique province par province, cas par cas, est un jeu dangereux pour le gouvernement. Cela n'aidera pas à aplanir les injustices du système d'aide juridique.

Comme les honorables sénateurs peuvent le constater, le comité pourrait aborder la question sous divers angles. Il pourrait examiner les principes qui sous-tendent l'aide juridique au Canada et nos obligations relatives aux droits intérieurs et internationaux. Il pourrait examiner les coûts liés aux services d'aide juridique ainsi que les conséquences d'un financement insuffisant. Le comité pourrait aussi se pencher sur les différences quant à l'ampleur des services offerts d'une province à l'autre et il pourrait — et c'est peut- être l'aspect le plus important — examiner le rôle du gouvernement fédéral dans l'élaboration et le financement des services d'aide juridique. Comme les sénateurs Oliver et Day l'ont fait remarquer lorsqu'ils ont pris la parole à ce sujet, le gouvernement fédéral pourrait examiner plusieurs rôles, notamment le recours accru à la médiation et à l'arbitrage.

Honorables sénateurs, je crois que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles peut s'acquitter de cette tâche. Le comité peut obtenir les services d'experts, faire appel aux compétences de nos collègues sénateurs, définir les paramètres du débat et recommander une politique. Ce serait une contribution historique qui aiderait à faire en sorte que les droits des Canadiens soient respectés et la primauté du droit protégée.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

DROITS DE LA PERSONNE

MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À EXAMINER LES ASPECTS JURIDIQUES AYANT UNE INCIDENCE SUR LA QUESTION DES BIENS IMMOBILIERS MATRIMONIAUX SITUÉS
SUR UNE RÉSERVE EN CAS DE RUPTURE D'UN MARIAGE OU D'UNE UNION DE FAIT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Shirley Maheu, conformément à l'avis du 27 mars 2003, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait ainsi que leur contexte politique particulier.

Le Comité sera notamment autorisé à examiner:

- L'interaction entre les lois provinciales et les lois fédérales en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux (biens personnels et immobiliers) se trouvant sur une réserve et, en particulier, l'exécution des décisions des tribunaux;

- La pratique de l'attribution des terres sur les réserves, en ce qui concerne en particulier l'attribution coutumière;

- Dans le cas de mariage ou d'union de fait, le statut d'un conjoint et la façon de répartir les biens immobiliers en cas de rupture d'une union; ainsi que,

- Les solutions possibles qui maintiendraient un équilibre entre les intérêts personnels et les intérêts communautaires.

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 27 juin 2003.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je m'attendais à ce que le sénateur Maheu fournisse une explication, afin que je puisse lui demander une clarification.

Le sénateur Maheu: Oui, j'avais l'intention de prendre la parole à ce sujet. Les deux leaders au Sénat ont confirmé que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne entreprendrait cette importante étude.

(1630)

À la suite de cette entente, j'ai reçu une demande officielle dans laquelle le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien me demandait d'entreprendre une étude à court terme concernant la division des biens immobiliers matrimoniaux situés dans une réserve. À la suite de cette demande, j'ai consulté tous les membres du comité. Tous, sauf une, qui voulait consulter son dirigeant, reconnaissaient qu'il y avait de nombreuses questions ayant trait aux droits de la personne et disaient souhaiter entreprendre cette étude.

Le ministre a clairement indiqué que c'est une étude à court terme et il demande au comité de faire rapport aux alentours du 27 juin. Étant donné que les comités des affaires juridiques et des peuples autochtones ont déjà une lourde charge de travail, je crois comprendre qu'il leur serait difficile d'entreprendre cette étude.

Cette étude met en jeu plusieurs questions de droits de la personne — en particulier dans le cas des femmes autochtones. J'estime, tout comme les membres du comité, que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne est celui qui est qualifié pour aborder ce genre de problèmes de droits de la personne tout en se penchant sur l'étude de la division des biens immobiliers matrimoniaux situés dans une réserve. Le comité comprend des membres ayant les compétences voulues pour effectuer cette étude. Il dispose aussi du personnel de soutien voulu ayant déjà mis à profit ses compétences pour mener une étude de cette nature. Je suis convaincue que le comité sera très efficace. Le sénateur Chalifoux collaborera avec le Comité des droits de la personne tout au long de cette étude.

Le sénateur Kinsella: Je me demande si le sénateur Maheu pourrait m'aider à comprendre la motion.

L'avis de motion a été présenté le 27 mars. Il est rédigé sur du papier à en-tête du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Contrairement à la motion précédente dont nous venons tout juste de commencer à discuter — motion demandant qu'un comité effectue une étude proposée par un seul sénateur — cette motion vient du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Mon interprétation est-elle exacte?

Le sénateur Maheu: Elle est partiellement exacte. La motion a été rédigée sur du papier à en-tête du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Toutefois, la discussion initiale et la demande d'étude sont le fait des dirigeants des deux côtés du Sénat.

Le sénateur Kinsella: Je n'ai pas participé à ces discussions, mais peut-être que ma collègue y était. Cela mis à part, est-il exact de dire que madame le sénateur présente cette proposition en sa capacité de présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne?

Le sénateur Maheu: Oui, à la demande du leader. Je crois comprendre que mon honorable collègue était présent à l'une des réunions, mais il pourra me corriger si je me trompe. On m'a dit qu'il était présent.

Lorsque le ministre a appris que le Comité des droits de la personne pouvait effectuer l'étude, il a transmis une autre demande pour réclamer que nous procédions effectivement à cette étude.

Le sénateur Kinsella: Lorsque nous vieillissons, notre mémoire perd un peu de sa précision. Je ne me rappelle plus. Peu importe; ce qui me préoccupe avant tout, c'est que nous devons savoir que cette motion vient de l'un de nos comités permanents, puisque c'est le comité qui a demandé cette étude et que c'est la présidente du comité qui présente la motion.

À quelle réunion du Comité des droits de la personne cette discussion a-t-elle eu lieu ? Existe-t-il un compte rendu de cette discussion? Est-ce qu'une motion a été présentée et adoptée au Comité des droits de la personne pour demander que cette motion soit présentée au Sénat?

Le sénateur Maheu: Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit toutes les deux semaines. Lorsqu'il y a des semaines d'interruption, les comités ne tiennent pas de réunions. Par conséquent, il aurait fallu longtemps pour rejoindre les membres du comité et faire adopter une motion. Les contacts avec les membres ont été établis individuellement, sauf dans le cas d'un membre qui n'a jamais pu assister aux réunions et qui m'a informée qu'il n'avait pas la possibilité d'être membre du comité.

Le sénateur Kinsella: Est-ce que l'honorable sénateur peut informer la Chambre si ces consultations bilatérales entre membres du Comité des droits de la personne ont eu lieu avant ou après le 21 mars?

Le sénateur Maheu: Je regrette, honorables sénateurs, je n'ai pas la date exacte. Je peux la vérifier. Je suis sûre que notre président l'aurait.

Le sénateur Kinsella: L'honorable sénateur a mentionné le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je crois que le ministre a écrit à la présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne le 21 mars. Il s'agit d'une lettre de trois pages, que je serais heureux de déposer, dans laquelle le ministre demande au comité de s'occuper de l'étude.

J'ai des objections à cela. D'abord, si nous examinons le Règlement du Sénat et le mandat des différents comités, nous verrons ce qui suit. Il ressort très clairement du sous-alinéa 86(1)k)(v) que les questions reliées au mariage et au divorce relèvent du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. L'alinéa 86(1)q) définit le mandat du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, précisant que le comité doit s'occuper des affaires concernant les peuples autochtones du Canada. L'alinéa 86(1) définit le mandat du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Je ne comprends pas comment le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ou ses conseillers ont pu écrire à la présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne quand, de toute évidence, la question relevait soit du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, soit du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Pourquoi le ministre a-t-il écrit à mon honorable collègue plutôt qu'au président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ou, ce qui aurait été plus indiqué, à l'honorable sénateur qui préside le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones?

Le sénateur Maheu: Je croyais l'avoir expliqué. Le président a été approché à ce sujet parce que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et celui des affaires juridiques et constitutionnelles ont déjà une charge de travail extrêmement lourde.

(1640)

Je crois savoir que les leaders des deux côtés ont discuté de la question et ont décidé que, étant donné qu'il y a tellement de questions de droit de la personne en jeu, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne peut et doit examiner la question. Je crois que c'est à ce moment-là que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a été informé. Le leader du gouvernement au Sénat nous a alors demandé d'aller de l'avant et le ministre nous a adressé une lettre à cet effet.

Le sénateur Kinsella: J'ai une dernière question à poser. Je remercie le sénateur pour ses réponses.

Bien des sénateurs sont parfaitement au fait des ressources énormes dont disposent les ministères responsables et dont nous ne disposons pas nous-mêmes. Le budget du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est colossal. Ce ministère pourrait entreprendre d'importantes études sans pratiquement entamer son budget. Dans sa lettre, le ministre expose en détail les questions qu'il voudrait qu'on examine en prenant appui sur l'étude menée par Mme Cornet dans son document de travail intitulé «Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves».

Lorsque le comité a débattu la question de savoir s'il devait présenter cette motion au Sénat, je me demande pourquoi il a jugé que le ministère n'était pas en mesure d'effectuer l'étude, alors que le ministre a une idée très nette de ce qu'il voudrait examiner. À mon avis, étant donné que nous pourrions un jour être appelés à nous pencher sur un projet de loi émanant de ce ministre, nous aurions avantage à bien gérer nos ressources limitées afin de pouvoir étudier en profondeur quelque mesure législative qu'il proposerait. Les principes directeurs de la politique semblent clairs; le ministre comprend la politique mise de l'avant. Il semble proposer une sorte d'étude préalable à l'étude préalable dans sa lettre. Je ne suis pas convaincu. C'est la raison pour laquelle je demande à l'honorable sénateur pourquoi le ministère n'effectue pas lui-même l'étude au lieu d'hypothéquer nos ressources limitées. Le ministre a présenté une excellente description de l'étude. Pourquoi ne la fait-il pas lui- même?

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, je crois que le ministre connaît assez bien le Sénat. Notre réputation nous a précédés. Une chose est sûre, madame le sénateur Chalifoux a voué sa vie à tenter d'améliorer la condition des femmes dans les collectivités autochtones. C'est bien connu.

Pour ce qui est des ressources du Sénat, je n'envisage pas que le coût soit énorme. Si nous manquons de ressources, je pense que le ministère nous aidera, si besoin est. Je sais que l'indépendance du Sénat est très importante pour les sénateurs. Si nous pouvons trouver l'argent nécessaire pour entreprendre des études spéciales ailleurs, je suis certaine que nous pouvons assumer le coût minime de cette étude à l'intention des femmes autochtones et du ministre. Peut-être présentera-t-il une mesure législative qui, évidemment, serait envoyée au comité approprié.

J'ajouterais, honorables sénateurs, que dans une autre vie, l'attachée de recherche du Comité sénatorial permanent des droits de la personne se consacrait entièrement aux questions concernant les femmes autochtones. Les ressources qui sont à notre disposition sont phénoménales. Il serait très malheureux si, à cause de certains vices de procédure, nous devions décider de ne pas entreprendre cette étude.

Le sénateur Kinsella: Si je comprends ce que vient de dire madame le sénateur, je partage avec elle la haute estime qu'elle témoigne à la présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Ne conviendrait-elle donc pas que c'est ce comité qui devrait entreprendre cette étude, si le Sénat y consent?

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu. J'estime que madame le sénateur Chalifoux est toujours présidente du Comité des peuples autochtones. Si elle ne l'est plus, elle l'a été, et elle a dit que le comité n'avait pas le temps d'entreprendre une étude à court terme de ce genre. Nos dirigeants nous disent que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n'a pas le temps non plus. C'est pourquoi madame le sénateur Chalifoux a dit: «Je participerai à toutes vos réunions et je consacrerai tout le temps dont je dispose quand je ne travaille pas pour le Comité des peuples autochtones.»

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais proposer l'ajournement du débat pour avoir le temps de discuter de la date à laquelle le comité fera son rapport. Nous avons demandé aux comités qu'ils fassent leurs rapports lorsque le Sénat siège. Le 27 juin me paraît une date assez éloignée et c'est la raison pour laquelle j'aimerais que l'on en discute afin que le comité puisse présenter son rapport lorsque le Sénat siège.

[Traduction]

Le sénateur Maheu: Nous voudrions présenter le rapport lorsque le Sénat siège, honorables sénateurs. La motion dit «au plus tard le». Je suis parfaitement d'accord pour dire qu'aucun rapport ne devrait être déposé si le Sénat ne siège pas. Je croyais que nous avions modifié la règle à ce sujet et que les rapports devaient être déposés lorsque le Sénat siège.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Sénateur Robichaud, proposez-vous l'ajournement du débat?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, puisque la présidente du comité m'assure que le rapport ne sera présenté que si le Sénat siège, je m'en reporte à la parole de l'honorable sénateur.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Carney, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 2 avril 2003, à 13 h 30.)


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