Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 39

Le lundi 10 mai 2004
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le lundi 10 mai 2004

La séance est ouverte à 20 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je tiens à signaler la présence dans la tribune de la maire d'Iqaluit, Mme Elisapee Sheuriapik. Elle revient, tout comme le sénateur Adams, son hôte, d'un colloque sur le Nunavut, à l'Université Acadia, à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, qui a eu lieu pour célébrer le cinquième anniversaire de la création du Nunavut et de son gouvernement.

Bienvenue au Sénat du Canada.


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA MÉDAILLE LÉGER-COMEAU 2004

FÉLICITATIONS AU PEUPLE AUTOCHTONE MI'KMAQ

L'honorable Viola Léger: Honorables sénateurs, la Médaille Léger- Comeau est la plus haute distinction décernée par la Société nationale de l'Acadie. Créée en 1985, cette décoration est remise à des personnalités ou organismes, d'Acadie ou d'ailleurs, pour leur contribution ou leur attachement à l'égard de l'Acadie et du peuple acadien.

Parmi les récipiendaires de cette médaille figurent l'honorable Louis J. Robichaud, l'ancien premier ministre Brian Mulroney, les présidents français Mitterrand et Chirac, le père Anselme Chiasson et M. Gérard Pelletier.

Le 8 mai dernier, cette prestigieuse médaille a été décernée au peuple autochtone Mi'kmaq.

La remise de la médaille Léger-Comeau au chef Ben Sylliboy a eu lieu lors d'une cérémonie de remerciements et d'hommages aux anciens. Cette cérémonie est importante à plus d'un titre, car le choix porté sur le peuple Mi'kmaq n'est pas le fruit du hasard.

À travers cette distinction, les Acadiens comptent remercier le peuple Mi'kmaq pour son aide depuis 400 ans. Les nations Mi'kmaq ont joué un rôle crucial dans l'établissement des Européens en Amérique.

Les Mi'kmaq leur ont montré les lieux de chasse et les différences entre les plantes comestibles et médicinales. Ils leur ont appris les rudiments de survie dans cette contrée. Sans l'aide et l'amitié de ces braves gens, il eut été presque impossible d'assurer la survie des premiers arrivants européens. Il est même arrivé qu'un hiver, les Mi'kmaq aient sauvé les Français affamés en leur permettant de vivre avec eux. Les Mi'kmaq et les Français ont également entretenu un vigoureux et florissant échange commercial de la fourrure, la base de l'économie de la colonie.

[Traduction]

Depuis le début des années 1600 jusqu'à nos jours, les liens entre les Mi'kmaq et les Acadiens ont toujours été inextricables. Depuis près de 400 ans, ces deux groupes entretiennent des relations humaines et commerciales exceptionnelles, raffermies par des mariages, par une noblesse mutuelle soutenue et par des alliances. Bien qu'il y ait eu occasionnellement des incidents inévitables entre voisins, l'entente cordiale qui unit ces deux groupes a toujours été très solide.

[Français]

L'apport des Autochtones au patrimoine du Canada a été déterminant et continue à l'être. La colonisation n'aurait pas été possible sans leur apport et leur interaction pacifique avec les Européens. Malheureusement, cette précieuse contribution n'est pas toujours appréciée à sa juste valeur.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour saluer cette belle relation séculaire.

[Traduction]

LE PLAN D'ACTION NATIONAL POUR LES ENFANTS

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, je suis très heureuse de vous dire qu'aujourd'hui, dans l'antichambre du Sénat, nous avons lancé le Plan d'action national pour les enfants, avec l'appui du sénateur Austin et de beaucoup d'autres de mes estimés collègues.

«Un Canada digne des enfants» est la réponse officielle du gouvernement fédéral à l'engagement qu'il a pris à la Session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies en faveur des enfants, il y a exactement deux ans aujourd'hui, lorsqu'il a souscrit au document «Un monde digne des enfants».

J'étais particulièrement fière du fait que le lancement se soit passé dans l'antichambre du Sénat, car, dans une certaine mesure, j'en suis venue à nous considérer comme des parlementaires sages, dévoués sans équivoque au bien-être des enfants de notre pays et d'autres groupes vulnérables et capables également de reconnaître que le XXIe siècle appartiendra à nos enfants et petits-enfants. Ce sont leurs rêves et leurs aspirations, façonnés par le contexte dans lequel ils naissent et grandissent, qui définiront en fin de compte notre siècle.

Les jeunes de moins de 18 ans forment plus d'un tiers de la population mondiale et ils ont déjà un impact profond sur nos vies par leurs décisions et leurs actions. Dans leur intérêt et dans le nôtre également, nous devons faire tout en notre pouvoir pour réduire les souffrances qu'ils doivent supporter, leur offrir davantage de possibilités de réussir et leur garantir une culture du respect. C'est ce que les jeunes ont dit lorsqu'ils nous ont parlé à l'Assemblée générale, en mai 2002:

Nous voulons un monde digne de nous parce qu'un monde digne de nous est un monde digne de tous.

«Un Canada digne des enfants» est le plan d'action du Canada pour construire un tel monde. Des Canadiens de tous âges et de tous les secteurs de la société ont influencé sa conception par leurs pensées et leurs idées. Le soutien aux familles et le renforcement des collectivités sont devenus un thème central alors que nous avons tous uni nos efforts pour créer une stratégie cohérente tendant à améliorer la situation des enfants du Canada et du monde entier.

Nous savons, malheureusement, que de nombreux enfants au Canada n'échappent pas aux problèmes de pauvreté, de malnutrition ou de mauvais traitements qui affligent tant de leurs contemporains dans d'autres régions du monde. Nous savons également que les obstacles, ici et à l'étranger, qui les empêchent de jouir de leurs droits, tels que définis par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, sont souvent insurmontables. Pourtant, il y a bien des raisons d'espérer.

Durant le long processus de consultation auprès des Canadiens qui a conduit au document «Un Canada digne des enfants», il est devenu évident que les Canadiens qui se préoccupent des enfants ou qui s'en occupent, y compris les enfants eux-mêmes, partagent une vision commune de ce qui doit être fait et sont prêts à s'engager à le faire afin de nous assurer à tous un avenir meilleur.

Nous avons maintenant notre plan. Le prochain défi consiste à le mettre en oeuvre.


(2010)

AFFAIRES COURANTES

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Jane Cordy: Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger à 17 h 00, le lundi 17 mai 2004, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA—PRÉSENTATION DE PÉTITIONS

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 4h) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre les pétitions de 25 signataires demandant de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, ville bilingue reflétant la dualité linguistique du pays.

Les pétitionnaires prient le Parlement de considérer les points suivants:

Que la Constitution du Canada reconnaît le français et l'anglais comme les deux langues officielles de notre pays, ayant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;

Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;

Que les citoyens ont le droit, dans la capitale nationale, d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;

Que la capitale du Canada doit être le reflet de la dualité linguistique qui est au cœur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays;

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer dans la Constitution du Canada qu'Ottawa, la capitale du Canada, soit déclarée officiellement bilingue en vertu de l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 1982.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 4h) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre les pétitions de 50 autres signataires demandant de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, ville bilingue reflétant la dualité linguistique du pays.

Les pétitionnaires prient le Parlement de considérer les points suivants:

Que la Constitution du Canada reconnaît le français et l'anglais comme les deux langues officielles du pays, ayant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;

Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;

Que les citoyens ont le droit, dans la capitale nationale, d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;

Que la capitale du Canada doit être le reflet de la dualité linguistique qui est au cœur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays;

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer dans la Constitution du Canada qu'Ottawa, la capitale du Canada, doit être déclarée officiellement bilingue en vertu de l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 à 1982.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LE REVENU NATIONAL

L'AGENCE DU REVENU DU CANADA—LES FAILLITES STRATÉGIQUES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, et concerne l'Agence du revenu du Canada, ou ARC. L'ARC a récemment signalé qu'un nombre croissant de Canadiens se prévalent des dispositions sur la faillite pour se libérer de leurs dettes d'impôt. Pour l'exercice 2002- 2003, l'ARC enregistre un manque à gagner de plus de 319 millions de dollars parce des entreprises et des citoyens canadiens ont déclaré faillite. Il s'agit donc d'une hausse par rapport à l'exercice précédent, alors que le manque à gagner était de 300 millions de dollars, et d'une augmentation régulière par rapport à il y a cinq ans, alors que ce manque à gagner se chiffrait à 242 million de dollars.

L'ARC signale, dans un rapport interne, que cette situation est en partie attribuable au fait qu'elle n'a pas su prévenir ce qu'elle considère comme des faillites stratégiques. Dans nombre de cas, le gouvernement est le seul grand créancier.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il indiquer les mesures précises que prend le gouvernement afin de décourager le recours à la faillite stratégique pour éviter de payer ses impôts?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai moi aussi pris connaissance du rapport en question, et je dois dire que je trouve rafraîchissant de voir l'Agence du revenu du Canada faire état des difficultés qu'elle éprouve à l'égard des faillites stratégiques. Évidemment, il n'est pas facile de voir venir une faillite stratégique. Il s'agit d'une situation où bien avant que l'Agence du revenu du Canada ne reçoive des rapports sur l'actif et le passif d'une entreprise, cette dernière peut déjà être insolvable et des mesures peuvent avoir déjà été prises pour la placer délibérément en situation d'insolvabilité.

Quelles mesures le gouvernement prend-il actuellement? Comme le sénateur Oliver le sait certainement, la découverte du problème constitue la première étape importante. Nous osons espérer qu'il y aura des façons d'exiger une reddition de comptes additionnelle à l'égard de certains types d'information qui serviraient d'avertissement préalable à l'ARC.

L'AGENCE DU REVENU DU CANADA—LE TRAITEMENT RÉSERVÉ AUX PERSONNES HANDICAPÉES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, l'an dernier, l'Agence du revenu du Canada s'en est prise à nombre de Canadiens handicapés en les forçant à prouver qu'ils étaient toujours handicapés, qu'ils n'avaient pas été miraculeusement guéris, qu'ils n'avaient pas soudainement retrouvé la vue ou rangé leurs prothèses. Le leader du gouvernement pourrait-il expliquer au Sénat pourquoi le gouvernement a été si rapide à s'en prendre aux contribuables handicapés et si lent à sévir contre ceux qui ont choisi d'abuser de nos lois sur la faillite simplement pour éviter de payer leur impôts?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la comparaison est injuste. Les deux exemples sont sans rapport.

En ce qui concerne les personnes handicapées, l'Agence du revenu du Canada a reçu des rapports qui l'ont amenée à croire qu'elle devait indiquer son inquiétude au sujet de certaines pratiques utilisées par des personnes non handicapées afin de se faire traiter pour une déficience. Cette situation n'impliquait pas des personnes handicapées qui auraient présenté leur déficience sous un faux jour.

Il faut toujours faire un choix. Il est impossible de soumettre tous les contribuables canadiens à une vérification. L'Agence du revenu du Canada doit déterminer quels sont les sujets les plus pressants et quels types de signaux il convient d'envoyer aux diverses catégories de contribuables, pour leur rappeler qu'ils peuvent faire l'objet d'une enquête.

L'AGENCE DE REVENU DU CANADA—LA PERTE DE RECETTES FISCALES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, certaines personnes handicapées se sont senties injustement visées. Une porte- parole de l'agence, Mme Donna Labonté, a déclaré au Ottawa Citizen que ces 313 millions ne sont qu'une infime fraction du milliard de dollars que l'Agence perçoit quotidiennement en impôt. Ma question est la suivante: ces 313 millions correspondent-ils à la définition d'une infime fraction pour le gouvernement?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, là encore, la question, telle qu'elle est formulée, sous- entend quelque chose d'injustifié. La déclaration sert à évaluer le montant des impôts qui risquent d'être perdus et à établir une cible pour l'Agence du revenu. Elle vise également à prévenir certaines catégories de contribuables que leur comportement est sous surveillance. Cela n'a rien à voir avec la question que posait le sénateur Oliver.

(2020)

L'AGENCE DU REVENU DU CANADA—LE TRAITEMENT RÉSERVÉ AUX PERSONNES HANDICAPÉES

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, cette question m'intéresse. Les personnes qui ont une déficience permanente — et j'insiste sur le mot «permanente» — doivent se faire examiner à intervalle régulier par l'Agence du revenu du Canada. Pourquoi l'agence persiste-t-elle à humilier constamment ces gens? Je ne comprends pas. Je suis moi-même atteint de surdité. Des tests l'ont démontré dans le passé. Je suis toujours sourd. C'est ce qui se passe dans l'Ouest.

J'ai reçu une lettre de M. Colin Cantlie, président de l'Association des malentendants canadiens. Il se plaignait du fait que Revenu Canada abuse de son pouvoir en obligeant les personnes souffrant de déficience permanente à subir des tests à répétition. Pourquoi tolère-t-on cette situation?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais m'informer pour savoir s'il y a vraiment des enquêtes à répétition du genre dont parle le sénateur Gauthier. Cependant, je peux dire aux sénateurs que si le sénateur Gauthier dit qu'il est sourd, c'est certainement qu'il est vraiment sourd.

LA DÉFENSE NATIONALE

LA POSSIBILITÉ D'UN DÉMÉNAGEMENT DU QUARTIER GÉNÉRAL

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les biens immobiliers et le ministère de la Défense nationale.

On m'a dit que la société Minto Developments Inc. se propose à faire l'acquisition de l'ensemble immobilier de JDS Uniphase Corporation dans la circonscription du ministre de la Défense. Le coût serait de l'ordre de 100 millions de dollars s'il s'agissait d'un achat intégral.

Si Minto achète la propriété de JDS Uniphase et la loue au gouvernement, la situation sera extrêmement commode et plus facile pour le ministère de la Défense nationale, étant donné la fermeture éventuelle de quatre ou cinq grandes bases au Canada.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire s'il est au courant de ce dossier ou s'il possède quelque information sur de possibles négociations entre Minto et le gouvernement du Canada au sujet de cette transaction?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Forrestall m'a déjà posé une question similaire dans le passé. Je peux lui dire que je n'ai aucune information sur des relations commerciales réelles ou potentielles entre Minto Developments Inc., entreprise ayant son siège social à Ottawa si j'ai bien compris, et JDS Uniphase, ou quiconque est propriétaire de l'immeuble que cette société occupait auparavant.

Comme je l'ai déjà rappelé aux honorables sénateurs, le ministre Pratt a affirmé qu'il se retirait de tout dossier portant sur une transaction de quelque nature que ce soit qui pourrait avoir lieu à l'intérieur des limites de sa circonscription.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, voilà qui est aussi très utile.

Il est curieux de voir d'où viennent les priorités. Cette transaction se prépare. Elle est dans l'air depuis longtemps, elle se profile à l'avant-plan puis perd de l'importance, mais elle ne disparaît jamais. En fait, je me rappelle avoir soulevé cette question il y a 20 ou 25 ans; à l'époque, je me suis demandé pourquoi l'immeuble actuel avait été construit. Nous avons installé le ministère de la Défense nationale dans un bâtiment qui ne lui était pas destiné. Nous allons maintenant installer le ministère dans une ancienne usine sise au coeur même de la circonscription du ministre, pour que ce dernier puisse aller prendre son repas du midi chez lui. Voilà une excellente idée.

Y a-t-il des négociations en cours entre le gouvernement du Canada et Minto Developments en vue de louer l'immeuble de JDS?

Le sénateur Austin: On peut se poser la question, effectivement. Je vais me renseigner pour voir ce qu'il en est. Cela dit, je n'ai pas d'autres renseignements.

Le sénateur Forrestall et moi avons également eu des échanges sur la question de la sécurité physique du siège du quartier général du ministère de la Défense nationale, qui est rattaché à un centre commercial et sous lequel passe une route. Certes, c'est l'un des quartiers généraux les plus vulnérables. Si on devait le comparer au Pentagone et à l'anneau de sécurité qui entoure cet édifice, on verrait la différence.

Honorables sénateurs, j'ignore si le sénateur Forrestall et moi- même avons une divergence d'opinion quant à la sécurité du quartier général actuel. Par le passé, j'ai entendu le sénateur Forrestall dire des choses similaires à ce que j'avais moi-même dit. Peut-être a-t-il pour politique de déménager le quartier général n'importe où sauf dans la circonscription de M. Pratt.

Le sénateur Forrestall: Je dirais, en réponse aux propos du leader du gouvernement au Sénat, que je déménagerais le quartier général à Trenton et que je l'installerais sur la base que le gouvernement s'apprête à fermer. Elle se trouve à proximité des grands centres de notre pays. Je ne déménagerais pas le quartier général dans l'ouest de la ville, ce qui ajouterait engtre 3 000 et 4 000 voitures dans un secteur déjà aux prises avec des problèmes de circulation énormes.

Le quartier général de la Défense pourrait être situé dans bien des endroits. Le gouvernement pourrait choisir Shearwater; nous aimerions beaucoup cela.

Le sénateur Robichaud: Moncton ne serait pas mal non plus.

Le sénateur Rompkey: Goose Bay!

Le sénateur Forrestall: La question demeure entière. Le ministre est- il prêt à faire la lumière sur la question afin que la ville d'Ottawa puisse planifier? Par exemple, y a-t-il eu des discussions avec la ville d'Ottawa concernant le déplacement d'un tel nombre de personnes, qui, pour la majorité, vivent dans le sud ou dans l'est de la ville? Si ces personnes devaient toutes aller travailler dans l'ouest de la ville, cela aggraverait la congestion. Quelqu'un a-t-il parlé avec les représentants de la ville d'Ottawa concernant les difficultés qu'entraînerait un tel déplacement?

Enfin, a-t-on évalué ce qu'il en coûterait au gouvernement pour aménager les locaux de JDS pour qu'ils puissent recevoir le ministère de la Défense nationale? Après tout, c'était à l'origine une usine à laquelle était adjoint un petit complexe à bureaux.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, premièrement, comme je l'ai dit à maintes reprises, j'ignore tout des projets de déménagement du ministère de la Défense nationale.

Deuxièmement, j'ai accepté de me renseigner pour voir si je pouvais fournir au sénateur Forrestall et aux honorables sénateurs de l'information concernant une question précise au sujet des locaux JDS Uniphase et de Minto Developments Inc.

En ce qui concerne l'hypothèse du déménagement souhaitable du ministère de la Défense nationale, je suis heureux de voir que le sénateur Forrestall pose des questions pragmatiques sur les coûts comparatifs. La suggestion du sénateur Rompkey m'intéresse. Je me demande ce qu'il en coûterait de déménager le quartier général à Goose Bay ou de construire de nouvelles installations à Trenton, et ainsi de suite. Voilà donc autant de questions valables qu'il faudrait se poser si jamais la politique prévoyait le déménagement du quartier général de la Défense. Cependant, je tiens à assurer au sénateur Forrestall que je me renseignerai.

LE BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ

LA POLITIQUE DE RÉCUSATION DES MINISTRES

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'espère que j'ai bien entendu le leader du gouvernement au Sénat. Je l'ai entendu dire que le ministre de la Défense nationale s'était récusé lui-même de toute décision qui pourrait avoir un rapport avec la circonscription du ministre.

Est-ce que l'application précise d'une nouvelle politique d'ensemble est applicable à tous les ministres du Cabinet? Quel principe défend-on alors? Le leader du gouvernement au Sénat fournira-t-il une déclaration écrite relative à cette nouvelle politique, à son contenu précis et à ses modalités d'application?

(2030)

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai heureux de fournir l'énoncé écrit de la politique de récusation des ministres quand il y a apparence de conflit d'intérêts, selon ce que détermine le conseiller en éthique ou le ministre en cause.

Le principe général est essentiellement l'apparence de conflit. De toute évidence, s'il y a conflit, il serait compris, mais même s'il n'y a qu'apparence de conflit, le ministre est tenu de se récuser de sa responsabilité ministérielle. Ainsi, une personne nommée pour agir au nom du ministre — peut-être un autre ministre qui n'est pas en pareille situation de conflit — prendrait la décision qui s'impose dans les circonstances.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement semble confondre la question du conflit d'intérêts personnel, où le ministre ou sa famille pourrait avoir un intérêt financier ou autre dans une affaire, et la question de l'intérêt collectif de la circonscription. Il ne s'agit pas là, à mon avis, d'un conflit d'intérêts personnel touchant le ministre de la Défense nationale.

Si les ministres ne peuvent prendre part aux décisions qui pourraient avoir pour effet de conférer un avantage à leur circonscription, je suis d'avis que le système serait quelque peu dénaturé.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, c'est la position qu'a adoptée le ministre de la Défense nationale, nul doute à l'instigation du sénateur Forrestall.

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, j'ai une solution au problème des conflits. L'édifice de JDS Uniphase constitue un assez bel immeuble du voisinage où j'ai grandi, voisinage qui se composait de terres agricoles à l'époque. La solution consiste à battre le ministre aux prochaines élections.

RECHERCHE AUPRÈS DE GROUPES CIBLES—LE TRANSFERT DE SERVICES DE COMMUNICATION CANADA

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous avons appris que le premier ministre avait dépensé 50 000 $ pour que des groupes cibles trouvent un titre pour le discours du Trône. Selon le rapport de 50 000 $, rédigé par Les Études de marché Créatec, aucun titre gagnant n'est clairement ressorti des huit groupes cibles. Fait à remarquer, toutefois, nombre de groupes cibles ont identifié la mauvaise gestion comme un problème.

Le gouvernement a peut-être eu l'impression qu'il ne pouvait pas employer le titre «Désolés de gaspiller votre argent». Il a donc fallu laisser tomber l'idée.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire quelles autres initiatives préélectorales ont été confiées à des groupes de réflexion, et combien d'argent on a dépensé pour mener ces séances de réflexion?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne le peux pas.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, d'après les médias, c'est le Bureau du Conseil privé qui a établi les contrats pour les groupes de réflexion sur le discours du Trône. Une réponse différée déposée au cours de la semaine du 1er avril nous a appris que le Bureau du Conseil privé avait assumé le contrôle et la surveillance de la Direction générale des opérations régionales, de la Direction de l'analyse et de la recherche en opinion publique, des services d'information et du Groupe de conseil en communication, qui faisaient partie de Communication Canada.

Le leader du gouvernement peut-il nous dire si la recherche avec des groupes de réflexion fait partie des domaines qui ont été transférés de Communication Canada au Bureau du Conseil privé?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je le crois.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, le 22 mars 2004, j'ai posé une question au sujet du transfert de responsabilité entre Communication Canada et le Bureau du Conseil privé.D'après la réponse différée déposée la semaine dernière, nous savons qu'au 1er avril 2004, 105 postes équivalents temps plein ont été rattachés au Bureau du Conseil privé, mais nous ne connaissons toujours pas le coût de ces changements.

Je remarque, dans la réponse à ma question de mars, que le Budget principal des dépenses ne donne absolument aucune information sur ce que les Canadiens paieront pour que se poursuive le travail de Communication Canada. Le leader du gouvernement peut-il nous dire quand les Canadiens connaîtront le coût total que le gouvernement du Canada prévoit pour les services autrefois assurés par Communication Canada, y compris les sondages et la publicité?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je vais prendre note de la question.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA PÊCHE ILLÉGALE DE BATEAUX ÉTRANGERS SUR LE NEZ ET LA QUEUE DES GRANDS BANCS

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, ma question porte sur la conférence de presse que le ministre des Pêches et des Océans, le ministre des Ressources naturelles et le ministre des Affaires étrangères ont donnée la semaine dernière pour expliquer qu'il fallait sévir contre la pêche illégale pratiquée par des bateaux étrangers sur le nez et la queue des Grands Bancs.

À cette conférence de presse, les ministres ont annoncé que des contraventions avaient été remises aux navires étrangers pour pêche illégale. Au cours des 10 dernières années, le Canada a remis au delà de 300 contraventions. Il n'y a là rien de nouveau. Pourquoi alors a- t-on accordé soudainement beaucoup plus d'attention à la remise de contraventions la semaine dernière, si cette pratique a été courante au cours de la dernière décennie? S'agit-il là d'un changement dans la politique gouvernementale ou d'une autre manoeuvre préélectorale de la part du gouvernement?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question est des plus préoccupantes. Je suis convaincu que le sénateur Cochrane est au courant que les chalutiers qui pêchent sur le nez et la queue des Grands Bancs ont recours à des moyens illégaux pour pêcher certaines espèces, dont certaines font l'objet d'un moratoire. Cette question préoccupe de plus en plus.

Le gouvernement a reçu des indications préalables selon lesquelles des chalutiers portugais contrevenaient au traité de pêche de l'Atlantique Nord et aux pratiques convenues en vertu de celui-ci. Nous avons maintenant obtenu la preuve, en abordant ces chalutiers, qu'ils se livraient à des pratiques illégales, et l'un de ces chalutiers portugais a été rappelé dans son pays après inspection.

Il ne s'agit pas d'une simple mise en scène préélectorale, et je suis sûr que madame le sénateur Cochrane est satisfaite de ma réponse.

Le sénateur Cochrane: Honorables sénateurs, je suis loin d'être satisfaite de cette réponse. Plus tôt ce mois-ci, des fonctionnaires des pêches ont affirmé que le capitaine du Brites, le chalutier portugais auquel faisait allusion le sénateur Austin, s'est débarrassé d'un filet au cours d'une inspection. Le samedi, on a récupéré le filet contenant des poissons faisant actuellement l'objet d'un moratoire, et on l'a présenté aux médias. Selon les propos de l'expert en pêche Gus Etchegary, ce geste a été considéré comme une mise en scène par la plupart des gens oeuvrant dans le domaine des pêches à Terre-Neuve-et-Labrador.

Aujourd'hui, on nous annonce qu'après des négociations de haut niveau avec des fonctionnaires portugais, le Brites retourne à son port d'attache pour inspection. Toutefois, c'est un inspecteur des pêches de l'Union européenne — et non pas un Canadien — qui accompagnera le navire jusqu'au Portugal. Or, M. Etchegary affirme qu'à défaut d'un observateur canadien à bord du navire, la preuve ne s'y trouvera plus lorsque le bateau sera parvenu à son port. Cela s'est produit à de nombreuses occasions et je suis sûre que le sénateur Austin a déjà lu cette histoire à répétition.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire ce que ces mesures ont donné? Est-ce là le genre de mesures décisives promises la semaine dernière par le gouvernement lorsqu'il a dit qu'il prenait des mesures immédiates et décisives à la suite de la pêche illégale effectuée dans les eaux du nez et de la queue des Grands Bancs par des navires étrangers?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, en vertu du traité de l'Atlantique Nord sur les pêches, le Canada n'a pas de droit de saisie. Il ne peut qu'informer le pays hôte de la transgression. Afin de prouver cette transgression, le pays hôte doit envoyer des inspecteurs pour établir les faits allégués par l'inspecteur canadien, ce qui a été fait.

Évidemment, il n'est pas nécessaire que nous ayons un inspecteur à bord du chalutier en route vers le Portugal. Toute la preuve est recueillie par d'autres moyens et d'autres méthodes. Nous n'avons pas besoin qu'une personne reste assise là, toute la nuit, à se demander si les preuves seront enlevées du navire. Les preuves ont été recueillies lors de l'inspection. Dans le cas qui nous occupe, je crois que le Canada pourra prouver ses allégations.

(2040)

Je suis convaincu que madame le sénateur ne prend pas à la légère les intérêts des pêcheurs de l'Atlantique. Il y a un problème très grave — je suis sûr qu'elle le sait; sinon, elle n'aurait pas posé ces questions au départ —, et je ne pense pas que madame le sénateur nous presse de prendre le contrôle du nez et de la queue des Grands Bancs, à l'encontre du droit international. Je suis certain qu'elle pense que nous devons prendre des mesures respectant nos obligations découlant de traités internationaux.

Je suis sûr qu'elle croit aussi que nous devrions faire quelque chose au lieu de rester les bras croisés, comme sa question le laisse entendre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Demandez à madame le sénateur Cook comment elle se sent!

LA SANTÉ

LES EFFORTS VISANT À ATTÉNUER L'INCERTITUDE ENTOURANT LE SYSTÈME DE SANTÉ—LE PLAN DÉCENNAL

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat.

Honorables sénateurs, étant donné le ton actuel des débats sur les soins de santé, on craint dans le monde médical qu'on ne tienne pas les discussions qui s'imposent sur les questions difficiles. À l'occasion d'un discours prononcé la fin de semaine dernière, le président de l'Association médicale canadienne, le Dr Sunil Patel, a affirmé que l'AMC s'inquiétait de voir que les enjeux en matière de santé que les Canadiens aimeraient voir aborder — notamment la question de l'amélioration de l'accès aux services de santé de qualité et celle des services qui doivent être couverts par l'assurance médicale — ne faisaient pas l'objet d'un débat approfondi.

Comment le gouvernement fédéral répondra-t-il aux incertitudes touchant le système de santé, à la fois pour les patients et pour les membres de la profession médicale?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ce débat est très important pour les particuliers canadiens. Comme le sénateur Keon le sait bien, et comme nous l'avons déjà dit au cours d'échanges précédents, le gouvernement fédéral et les provinces et territoires se rencontreront en juillet prochain pour discuter d'un certain nombre de questions importantes. Le gouvernement fédéral, comme l'honorable sénateur le sait, a proposé de fournir un financement supplémentaire à condition que certains objectifs puissent être atteints par les provinces.

L'objet d'un grand nombre des questions que le sénateur a posées se retrouve dans ces objectifs. Quoi qu'il en soit, comme le sénateur Keon le sait bien, le gouvernement fédéral finance aujourd'hui le système de santé à hauteur de 34 milliards de dollars et il est disposé à ajouter un supplément à cette somme si les discussions sont concluantes.

L'honorable sénateur est également parfaitement au courant des discussions que le premier ministre Chrétien a menées l'an dernier avec les provinces, discussions qui ont abouti à la conclusion d'un accord dans le domaine de la santé. La réunion de juillet permettra de faire avancer les objectifs de cet accord sur la santé.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, à n'en pas douter, chacun s'est réjoui de l'accroissement du financement qui a découlé de l'accord sur la santé, mais on discute maintenant d'un plan de dix ans qui sera convenu — ou non — avec les provinces cet été. Le problème, c'est que ce plan n'est pas sur la place publique, pour que les gens en débattent et y réagissent. Il y a là tout un monde en ce qui concerne le mode de prestation des services et la question de savoir si nous pouvons demeurer le seul pays au monde où il n'y a pas de concurrence en matière de prestation des services de soins de santé. Nous sommes tous d'accord pour qu'il n'y ait qu'un seul intervenant; n'empêche que nous demeurons le seul pays au monde qui n'a pas de concurrence sur le plan de la prestation des services de soins de santé.

Nombreux sont ceux qui estiment que cette situation ne peut tout simplement pas continuer. S'il y doit avoir un plan sur dix ans, il devrait certainement être publié dès que possible de manière à ce que chacun puisse y avoir accès, particulièrement les professionnels de la santé.

C'est pourquoi je demande au ministre quand ce plan sera publié. Je ne lui demande pas de me dire la date des élections. Les détails de ce plan seront-ils rendus publics avant les élections ou est-ce qu'on le mettra en veilleuse, après quoi des élections seront déclenchées et le premier ministre se présentera devant les provinces sans débat public approprié?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je ne peux prédire la tournure que prendra le débat sur les soins de santé, mais je peux prédire sans crainte de me tromper qu'il y aura un débat sur les soins de santé. Le gouvernement fédéral déposera-t-il les éléments constitutifs et les objectifs d'un plan étalé sur dix ans pendant les élections ou attendra-t-il jusqu'après la tenue des élections? Je ne peux répondre à cette question maintenant, mais je sais que les discussions entre gouvernements sont extrêmement actives, en prévision de la réunion de juillet.

Tout semble transparent aujourd'hui. Si je manque une réunion du caucus, je peux obtenir plus d'information à ce sujet d'un journal que de mes collègues.

Je pense que le débat sera très animé.

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter des réponses différées à des questions orales posées au Sénat. La première réponse différée porte sur une question orale posée par le sénateur Rompkey, le 11 mars 2004, au sujet du projet d'unité d'enquête pour combattre le trafic de personnes. La deuxième porte sur une question orale posée par le sénateur Angus, le 11 mars 2004, concernant l'informatrice confidentielle Stevie Cameron et le coût des pistes d'enquête. La troisième porte sur une question orale posée par le sénateur Stratton, le 20 avril 2004, au sujet de la sécurité publique et de la protection civile. Enfin, la quatrième porte sur une question orale posée par le sénateur Andreychuk le 5 mai 2004, concernant le programme fédéral d'expérience de travail étudiant et son accessibilité à l'extérieur de la région d'Ottawa.

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LE PROJET D'UNITÉ D'ENQUÊTE POUR COMBATTRE LE TRAFIC DE PERSONNES

(Réponse à la question posée par l'honorable A. Raynell Andreychuk le 11 mars 2004)

Après les événements du 11 septembre 2001, la GRC a intensifié ses efforts pour assurer l'intégrité des frontières et a mis en oeuvre diverses initiatives pour renforcer les frontières canadiennes. Par exemple, elle a formé des équipes intégrées de la police des frontières (EIPF), des équipes intégrées d'exécution de la Loi sur l'immigration (EIELI) et des équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN). Ces équipes ont pour mandat de détecter, de prévenir et de réprimer les activités illégales à la frontière, notamment le trafic et le passage illégal d'êtres humains.

Le Programme d'exécution de la loi en matière d'immigration et de passeport joue un rôle critique pour assurer l'intégrité des frontières. Il doit se concentrer sur l'intégrité des frontières et le renforcement de la capacité d'enquêter proactivement sur les organisations criminelles transnationales qui facilitent la migration illégale au Canada et les conséquences qui en résultent à la fois pour les personnes qui entrent illégalement ou sont victimes de trafic ainsi que pour la société canadienne en général. Par conséquent, la Sous-direction des questions d'immigration et de passeport de la GRC, de concert avec ses partenaires, a fait du trafic et du passage illégal de personnes, particulièrement les femmes et les enfants, une de ses quatre priorités nationales. La GRC revoit régulièrement ses programmes de façon à harmoniser ses ressources avec ses priorités. Conformément à cette pratique, la Sous-direction des questions d'immigration et de passeport a procédé à un examen exhaustif du programme en octobre 2003, afin que ses ressources répondent aux priorités nationales de la GRC.

La présentation des résultats de l'examen de programme est en cours et des engagements ont été obtenus des divisions concernées en vue de la réallocation de postes prévus au budget à six endroits différents. La restructuration du programme permettra de créer:

- Des équipes chargées des questions d'immigration et de passeport à Vancouver, à Calgary, dans la région du Grand Toronto, à Ottawa, à Montréal et à Halifax. Lorsqu'elles seront entièrement dotées, ces équipes axées sur le renseignement auront pour mandat de réprimer et de perturber le passage illégal de migrants et le trafic de personnes organisés et, pour répondre à un besoin plus récent, de se concentrer sur les individus et les organisations qui représentent une menace pour la sécurité du Canada. Une fois en place, ces équipes régionales fourniront une masse critique de ressources chargées des questions d'immigration et de passeport afin de répondre aux attentes de la GRC et du gouvernement du Canada.

- Un groupe de lutte contre le trafic d'êtres humains qui partagera les locaux de l'équipe des questions d'immigration et de passeport à Ottawa. Ce groupe coordonnera les enquêtes nationales et internationales sur le trafic d'êtres humains et collaborera avec des organismes d'application de la loi étrangers afin d'appuyer les six autres équipes et favoriser l'éducation, la prévention et la sensibilisation au phénomène mondial du trafic d'êtres humains.

L'INFORMATRICE CONFIDENTIELLE STEVIE CAMERON—LE COÛT DES PISTES D'ENQUÊTE

(Réponse à la question posée par l'honorable W. David Angus le 11 mars 2004)

Cette affaire est présentement devant les tribunaux. L'enquête préliminaire sur une accusation criminelle de fraude découlant de l'enquête a repris à Ottawa le 19 avril 2004, la preuve ayant déjà été entendue en septembre et en octobre 2003, et a ajourné jusqu'à une date qui reste à être fixée soit en septembre ou octobre 2004. Pour ce qui est de Mme Cameron, un juge de la Cour supérieure de l'Ontario procède à instruire une enquête — dont le mandat exact doit encore être déterminé par le tribunal — sur les circonstances entourant la mise sous scellé de certaines informations concernant la perquisition afin de protéger l'identité de Mme Cameron. Cette procédure reprendra à Toronto le 31 mai 2004.

Comme ces affaires sont devant les tribunaux, il serait inopportun de faire d'autres commentaires.

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LA PROTECTION CIVILE

L'ACTIVITÉ TERRORISTE POSSIBLE—LE NIVEAU DE SÉCURITÉ

(Réponse à la question posée par l'honorable Terry Stratton le 20 avril 2004)

Le Canada n'a pas de système d'avertissement public comme le Système d'avis relatif à la sécurité intérieure du département de la Sécurité intérieure des États-Unis. Le gouvernement du Canada examine en ce moment diverses options à ce sujet.

Actuellement, la communauté de la sécurité et du renseignement évalue les menaces découlant du terrorisme qui touchent le Canada. Si les circonstances l'exigent, le gouvernement du Canada est prêt à intervenir afin d'assurer la sûreté et la sécurité des Canadiens et Canadiennes, notamment en avisant le public.

Bien qu'une menace générale découlant du terrorisme existe, il n'existe actuellement aucune menace précise pour les Canadiens et Canadiennes ou les intérêts canadiens.

Le niveau d'alerte est élevé au Canada depuis le 11 septembre 2001. Les efforts du gouvernement du Canada dans le domaine de la sécurité publique et de la sécurité nationale continuent d'être une priorité. Nous avons mis en place un système souple qui peut s'adapter rapidement à de nouvelles exigences. En guise de principe directeur, nous partons du principe que notre approche est un travail sans relâche.

Notre meilleure défense contre le terrorisme demeure la vigilance et la collaboration étroite à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières.

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

LE PROGRAMME FÉDÉRAL D'EXPÉRIENCE DE TRAVAIL ÉTUDIANT—L'ACCESSIBILITÉ À L'EXTÉRIEUR DE LA RÉGION D'OTTAWA

(Réponse à la question posée par l'honorable A. Raynell Andreychuk le 5 mai 2004)

La Commission de la fonction publique (CFP) est un organisme indépendant chargé par le Parlement d'assurer une fonction publique compétente, impartiale, représentative de la population canadienne et capable de servir les Canadiens et les Canadiennes dans la langue officielle de leur choix.

La CFP est engagée à améliorer l'accès des Canadiens et des Canadiennes aux emplois de la fonction publique fédérale, y compris les emplois d'étudiants et d'étudiantes.

Le Programme fédéral d'expérience de travail étudiant (PFETE) est le mécanisme le plus important de recrutement pour des emplois temporaires d'étudiants et d'étudiantes dans la fonction publique du Canada. Ce programme est administré par la CFP au nom de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada (AGRHFPC).

De nombreuses persones croient que la plupart des emplois d'étudiants et d'étudiantes sont dans la région d'Ottawa. Or, ce n'est pas le cas. En effet, pendant la campagne 2002-2003 du PFETE, 37 p. 100 des emplois d'étudiants et d'étudiantes étaient dans la région de la capitale nationale (RCN), tandis que 63 p. 100 de ces emplois étaient à l'extérieur de cette région. Ces pourcentages correspondent à la répartition de l'ensemble des fonctionnaires.

Cela dit, le lieu géographique est utilisé comme critère étant donné l'intérêt d'offrir aux étudiantes et aux étudiants locaux la possibilité d'obtenir un emploi dans leur communauté respective.

Toutefois, certaines considérations d'ordre opérationnel, notamment la durée de l'affectation et l'élément temps partiel de l'emploi peuvent rendre l'élargissement de la zone de sélection au niveau national difficilement réalisable.

Néanmoins, dans le cadre de la campagne du PFETE de l'automne 2004, la CFP lancera un projet pilote selon lequel, pour certains types d'emploi dans la RCN, la candidature de toutes les étudiantes et de tous les étudiants intéressés à travailler dans la RCN pourra être examinée, sans égard au lieu de résidence.


ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat puisque nous voulons étudier aujourd'hui une série de projets de loi inscrits à l'ordre du jour. Le point no 5 concerne le projet de loi C-9. Je voudrais proposer quelque chose à cet égard, parce que je pense que les sénateurs des deux côtés ont des intérêts en commun. Lors de notre dernière séance, le sénateur Corbin a parlé très clairement d'un problème que pose le projet de loi. Je crois comprendre que la ministre a reconnu l'existence de ce problème.

Nous, de ce côté-ci, et nos collègues de l'autre endroit appuyons le principe du projet de loi, mais il y a un problème. J'ai une suggestion qui pourrait, à mon avis, nous permettre de contourner la difficulté. Le gouvernement pourrait pressentir les députés du parti ministériel à l'autre endroit, et ceux-ci pourraient parler à d'autres de l'idée que nous retirions le projet de loi de notre ordre du jour, avec le consentement unanime du Sénat, et que nous le renvoyions à la Chambre des communes pour qu'elle y apporte l'amendement nécessaire. Les députés pourraient alors terminer l'étude de l'amendement en environ une journée. Nous avons la possibilité de siéger plus longtemps, ce qui n'est pas leur cas. Ils ont reçu une consigne selon laquelle ils ne siégeront pas la semaine prochaine.

Le problème, c'est la non-participation du Sénat au processus. Comme les sénateurs Corbin et Sparrow l'ont expliqué si clairement, nous reconnaissons tous que la Chambre pourrait adopter cet amendement et nous renvoyer immédiatement le projet de loi. Nous faisons donc cette proposition dans un esprit de coopération.

On peut vérifier le compte rendu, mais je pense que nos collègues à l'autre endroit ont appuyé le projet de loi et que nous pourrions arriver au résultat que souhaitent les sénateurs des deux côtés de cette enceinte. Je soulève cette idée avant que nous arrivions à l'étude de ce point à l'ordre du jour parce qu'il y a deux sénateurs qui veulent intervenir et cela pourrait laisser du temps aux leaders de l'autre côté pour réfléchir à cette suggestion.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas reçu d'avis concernant cette suggestion. Je la prends au sérieux, mais il y a certaines questions qu'il convient de poser à cet égard. Étant donné que quatre partis sont représentés à l'autre endroit, on ne peut savoir quel accueil ils réserveront à cette idée. Le parti auquel appartient le sénateur Kinsella peut se montrer très coopératif, mais ce ne sera peut-être pas le cas des autres.

Je dois convenir avec le sénateur Kinsella que le projet de loi C-9 est très important pour les Canadiens. Il constitue une affirmation des valeurs canadiennes et du rôle du Canada dans le monde. Ce projet de loi devrait être adopté. J'invite fortement mes collègues à continuer d'en débattre ce soir, car il faut le faire avancer.

Le ministre des Affaires étrangères est prêt à venir témoigner devant le Comité des affaires étrangères si celui-ci est prié d'étudier le projet de loi demain. Je pense que nous adoptons une position de repli très satisfaisante suite à l'engagement de la ministre de l'Industrie de faire amender comme il faut le projet de loi lors de la prochaine session. Cela dépend, bien sûr, de la réélection du présent gouvernement. Je suis certain que si les électeurs choisissent d'élire les conservateurs, c'est-à-dire le parti auquel adhère le sénateur Kinsella, ceux-ci assumeront le même engagement, car c'est important pour la dignité et pour le rôle même du Sénat.

Je tiens à remercier le sénateur Kinsella de sa suggestion. Je souhaite ardemment que le projet de loi suive son cours, mais je vais faire enquête demain, à la première occasion, ce qui veut dire très tôt, pour voir si le leader de l'autre endroit pourrait obtenir rapidement une entente entre les leaders à la Chambre.

Je suppose donc que l'opposition s'engage à ne pas chercher à amender d'autres parties du projet de loi.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella n'a jamais dit cela. Il a déclaré qu'il voulait poursuivre dans la même voie que le sénateur Corbin, en raison du fait que le sénateur Sparrow insistait pour que le Sénat participe à certaines délibérations découlant du projet de loi. Tout ce qu'il propose, ce qui est tout à fait sensé, c'est de renvoyer le projet de loi aux Communes ce soir en disant que c'est ce que nous voudrions qu'il se produise. Si cela ne leur convient pas, elles n'auront qu'à nous renvoyer le projet de loi demain ou après- demain et nous nous prononcerons sur ce dernier.

Je ne pense pas qu'il soit question en l'occurrence d'une objection au projet de loi. Il s'agit, selon moi, d'un sentiment chez les sénateurs des deux côtés qui veulent que le Sénat puisse participer au processus que la Chambre des communes a décidé de se réserver.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu le sénateur Lynch-Staunton accepter sans équivoque que le projet de loi ne soit pas amendé. Si j'ai raison de croire que l'opposition officielle au Sénat se réserve le droit de discuter d'autres parties du projet de loi, je ne pense pas alors que la suggestion soit franche.

Le sénateur Olliver: Ce n'est pas ce qu'il vient de dire.

Le sénateur Austin: Je voudrais que l'honorable sénateur nous dise qu'il n'y a aucune autre partie du projet de loi à laquelle un amendement serait proposé.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu le sénateur Kinsella dire que nous n'avions pas d'autres objections au projet de loi. Ce n'est pas ce qu'il a dit. Nous n'avons aucune objection au projet de loi. Nous pensons qu'il est bien réfléchi, même si sa mise en oeuvre peut être difficile. Cependant, le temps nous le dira. Nous comprenons l'intervention que le sénateur Sparrow a faite la semaine dernière, appuyée par le sénateur Corbin et par d'autres sénateurs des deux côtés, voulant que, dans le cadre d'un certain processus, le Sénat soit égal à la Chambre des communes. Le sénateur Joyal et d'autres ont insisté pour que nous ne soyons pas négligés comme nous l'avons été dans le cas de certaines autres mesures législatives depuis un bon bout de temps. Tout ce que nous proposons, c'est de renvoyer le projet de loi le plus tôt possible à la Chambre des communes. Dites-lui que nous n'avons aucune objection à ce projet de loi, si ce n'est que nous n'aimons pas l'idée qu'elle a le sentiment qu'elle devrait être la seule à prendre certaines décisions ou à formuler certaines recommandations. Mettez-nous sur le même pied qu'elle. Elle pourra alors nous renvoyer le projet de loi et je peux garantir à l'honorable sénateur que nous la soumettrons au comité, que nous entendrons les responsables du projet de loi et qu'il n'y aura aucune objection à son adoption une fois terminée la procédure que nous réclamons au nom de tous les honorables sénateurs.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je pense que la meilleure façon de procéder serait alors que le Sénat poursuive ses travaux sur le projet de résolution et que le Sénat le renvoie au comité demain. Je vais m'informer. Si tous les partis de l'autre endroit acceptent un amendement, nous saisirons l'autre endroit du projet de loi à l'étape de la troisième lecture, avec l'amendement, de façon à ce qu'il puisse adopter l'amendement final. Le projet de loi n'aurait pas à revenir ici.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement au Sénat de son offre.

Bien que le Sénat ait tout son temps, la Chambre des communes doit ajourner vendredi prochain. Si nous suivons la procédure habituelle et que nous rédigeons un amendement, au moment où le message sera transmis, après la troisième lecture au Sénat, il sera trop tard. C'est pourquoi, avec l'approbation du Sénat, nous proposons que l'autre endroit se charge d'apporter cet amendement au projet de loi demain ou après-demain. Il pourrait alors nous être retourné, tel qu'amendé, et représenté ici. Nous pouvons siéger toute la semaine prochaine, mais ce n'est pas le cas de la Chambre des communes. C'est là le problème.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, il n'est pas commode de renvoyer un projet de loi à ce stade pour que les députés s'en chargent. En outre, cela prend un certain temps pour que les partis de l'autre côté expriment leurs positions. Si cela doit vraiment être fait, la meilleure façon de procéder, selon moi, consisterait à adopter le projet de loi avec l'amendement approprié. En vertu du Règlement, la Chambre des communes siégera jusqu'à vendredi après-midi. Si tous les partis des Communes s'entendent, il peuvent adopter l'amendement en une ou deux secondes.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, est-ce que cela signifie que le leader du gouvernement au Sénat est d'avis que, si nous adoptons un amendement ce soir ou demain, pour donner à la Chambre des communes le temps nécessaire pour l'examiner, nous serons en mesure d'y parvenir?

Le sénateur Austin: Premièrement, je devrai me renseigner sur la procédure appropriée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui ou non?

Le sénateur Austin: Sénateur Lynch-Staunton, vous me rendez mal à l'aise. Comme je l'ai fait remarquer, il y a quatre partis à la Chambre des communes. L'accord de votre parti ne suffit pas pour faire adopter la suggestion faite par le sénateur Kinsella.

Le sénateur Lynch-Staunton: Lorsque le Sénat recommande à l'unanimité à la Chambre des communes d'apporter un amendement à un texte quelconque, c'est que nous estimons que celle-ci devrait apporter ce changement. Elle n'a qu'à refuser et à nous renvoyer la recommandation, et nous nous plierons à sa décision. Nous pourrions faire cela dès ce soir. Quel est le problème?

(2100)

J'ai posé une question au leader. J'imagine qu'il n'a pas de réponse à me donner, mais nous en sommes aux travaux prévus à l'ordre du jour, et le sénateur Kinsella a fait une recommandation. Nous pourrions étudier ce projet de loi immédiatement, y apporter un amendement et l'adopter. Nous pourrions alors le renvoyer à la Chambre des communes en espérant qu'elle l'approuve.

Le sénateur Austin: Suggérez-vous que nous adoptions immédiatement le projet de loi amendé à l'étape de la troisième lecture et que nous l'envoyions à la Chambre?

Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.

Le sénateur Austin: J'aimerais avoir quelques instants pour y réfléchir.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Austin est le représentant du gouvernement ici.

Le sénateur Austin: Lorsqu'on me presse de prendre une décision, je suis encore plus prudent.

LA LOI ÉLECTORALE DU CANADA
LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Terry M. Mercer propose: Que le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de lancer le débat sur la troisième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi C-3 donne suite, en temps opportun, à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Figueroa et garantit le fonctionnement efficace de notre système électoral.

Dans sa décision, la Cour suprême du Canada a statué que le fait d'exiger 50 candidats pour l'inscription d'un parti politique enfreignait les dispositions de la Charte des droits et libertés parce que cela désavantage les petits partis. Toutefois, la Cour suprême a suspendu sa décision pendant un an, soit jusqu'au 27 juin 2004, pour donner au Parlement le temps de modifier la loi. À défaut d'une loi rectificative, il y aurait un sérieux vide juridique dans les lois électorales du Canada. Une telle situation comporterait un risque considérable d'abus financier et compromettrait le bon fonctionnement de notre système électoral. Par conséquent, l'inertie n'est pas une option.

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention d'utiliser mon temps de parole, aujourd'hui, pour examiner en détail les dispositions du projet de loi. Ce travail a déjà été fait et les parlementaires ont eu l'occasion d'examiner la mesure législative et d'en débattre.

Permettez-moi de récapituler en rappelant aux honorables sénateurs que le projet de loi comporte deux éléments clés. En premier lieu, il remplace l'exigence selon laquelle un parti politique doit présenter 50 candidats pour obtenir son enregistrement par l'exigence d'un seul candidat, il ajoute une définition de «parti politique» où il est fait mention de l'objectif du parti, et il ajoute d'autres nouvelles exigences en matière d'enregistrement des partis et de reddition de comptes. En second lieu, le projet de loi prévoit une série de mesures pour contrer les abus et il permet la radiation des partis ayant eu une conduite frauduleuse.

Permettez-moi de m'arrêter un moment sur la définition de «parti politique» et sur la raison pour laquelle on présente l'appui ou le soutien à des candidats comme étant l'un des objectifs essentiels de l'organisation, et non le seul. C'est tout simplement parce que la définition tient compte du fait que les partis visent plusieurs objectifs. Cela évite une controverse inutile sur l'objectif principal du parti, qui serait susceptible de donner lieu à des décisions controversées.

Nombre de provinces canadiennes définissent de façon similaire la notion de «parti politique» sur leur territoire. C'est notamment le cas de la Colombie-Britannique, du Manitoba, de la Saskatchewan, de ma province de résidence, la Nouvelle-Écosse, et de Terre-Neuve- et-Labrador. Par ailleurs, le projet de loi doit établir une distinction entre les partis politiques et les simples groupes d'intérêt. C'est ce que fait la définition. Il est certain qu'un projet de loi portant sur l'inscription d'un parti politique soulève un débat. Les questions qui sont abordées nous touchent tous. La recherche d'un juste équilibre n'est pas une science exacte.

Les partis politiques doivent jouir d'une grande indépendance pour pouvoir s'acquitter de leur rôle essentiel au sein de la société canadienne. Par ailleurs, il est important de garantir transparence et responsabilité. Le projet de loi à l'étude n'est peut-être pas la solution parfaite en ce qui concerne l'inscription des partis, mais je crois qu'il assure le meilleur équilibre possible, compte tenu du délai imposé par la Cour suprême.

À cet égard, je rappelle aux honorables sénateurs que le projet de loi C-3 contient une importante modification, une clause de caducité de deux ans, qui avait été proposée par le gouvernement au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Autrement dit, les dispositions du projet de loi C-3 cesseront d'avoir effet deux ans après leur entrée en vigueur, ce qui signifie que le Parlement aura la possibilité de réexaminer ces questions dans un proche avenir.

Le projet de loi C-3 ouvre donc la voie à un examen plus approfondi. Il constitue une réponse ciblée et opportune à la décision de la Cour suprême et il laisse au Parlement la latitude voulue pour entreprendre un examen plus approfondi de ces questions. En fait, le gouvernement a déjà invité le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre à examiner les répercussions plus générales de l'arrêt Figueroa et d'autres aspects du processus électoral. Je suis également heureux de signaler que le leader du gouvernement à la Chambre des communes a clairement indiqué, pendant sa comparution devant le comité sénatorial, que le gouvernement est très désireux de connaître le point de vue des sénateurs sur ces questions.

En terminant, permettez-moi de parler brièvement de l'entrée en vigueur du projet de loi. On a dit que le projet de loi n'entrerait en vigueur que le jour où il recevrait la sanction royale, si elle survient après le 27 juin 2004. Permettez-moi d'être clair à ce sujet: contrairement à ce que certains ont laissé entendre, cette disposition n'est pas une échappatoire. Le projet de loi indique clairement qu'il doit, en principe, entrer en vigueur au plus tard le 27 juin 2004. Toutefois, par souci de prudence, le législateur a tenu compte de la possibilité que le projet de loi ne soit adopté par le Parlement que le 27 juin 2004 ou peu après. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, il entrerait en vigueur à la date de sa sanction royale. Cette disposition tient tout simplement compte d'une contrainte juridique qui veut qu'une mesure législative ne puisse prendre effet tant que le gouverneur général ne lui a pas donné la sanction royale.

De toute façon, l'adoption immédiate du projet de loi nous permet d'éviter le problème et de faire en sorte que la Loi électorale du Canada demeure fonctionnelle et qu'il n'y ait pas de vide juridique.

En conclusion, honorables sénateurs, la décision de la Cour suprême dans la cause Figueroa nous ouvre une porte importante. En réagissant à cette décision, nous avons l'occasion de réviser notre système d'enregistrement des partis et de faire en sorte que les véritables partis politiques aient davantage accès à l'enregistrement, tout en veillant à prévenir les abus de la part des faux partis.

Ces changements sont tout à fait conformes au renouvellement de la démocratie que les Canadiens réclament et que le gouvernement réalise grâce à son programme de réforme de la démocratie. En augmentant l'accès à l'enregistrement et en accueillant un plus grand nombre de partis dans le système, nous procurons aux Canadiens un plus large éventail d'opinions et un choix plus vaste au moment du vote.

La possibilité de choisir est une excellente chose pour la démocratie. Elle pourrait même inciter les Canadiens à s'intéresser à nouveau au processus politique et corriger la tendance à la baisse du taux de participation au scrutin, surtout chez les jeunes Canadiens.

Bien entendu, ce projet de loi n'est pas la mesure ultime d'amélioration de notre système électoral, mais c'est un pas essentiel dans cette direction. Il propose une solution équilibrée et bien ciblée, qui protège l'intégrité de notre système électoral, respecte la décision de la Cour suprême et assure un rôle aux parlementaires dans l'étude de ces questions à l'avenir.

C'est pourquoi je prie les honorables sénateurs d'appuyer cet important projet de loi qui nous est proposé.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Morin, appuyée par l'honorable sénateur Downe, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Kirby a présenté les points saillants de ce projet de loi la semaine dernière, et il a bien expliqué ses origines. Le Comité des affaires sociales a fait des observations qui résumaient parfaitement ses inquiétudes et ses craintes. Néanmoins, je vais explorer ces thèmes plus à fond et, plus tard, faire ressortir un effet possible du projet de loi C-24 qui n'avait pas du tout été prévu.

Le premier effet voulu de ce projet de loi est de permettre aux parlementaires prenant leur retraite entre les âges de 50 et 55 ans d'être admissibles aux régimes d'assurance-vie, de soins de santé et de soins dentaires, même s'ils n'ont pas droit à pension avant d'avoir atteint 55 ans. À l'heure actuelle, ces avantages sociaux ne sont offerts qu'aux députés qui reçoivent des prestations de retraite, et en vertu de la loi, ces derniers n'ont droit de toucher des prestations de retraite qu'à compter de l'âge de 55 ans.

(2110)

Le deuxième volet du projet de loi vise à permettre aux parlementaires âgés de plus de 65 ans et qui reçoivent une allocation d'invalidité d'être couverts par le régime de soins de santé. Ce deuxième volet ne vise qu'à apporter des précisions et il est uniquement requis parce qu'il semble que la loi dominante ne soit pas suffisamment claire et précise. Il serait anormal que la couverture médicale prenne fin à 65 ans pour les personnes qui reçoivent une allocation d'invalidité et non pour celles qui reçoivent des prestations de retraite. Je n'ai aucune objection à l'égard de cette disposition précise.

Le projet de loi C-24 a été adopté à toute vitesse à l'autre endroit. Au cours de la première session de la 37e législature, le projet de loi C-28, qui prévoyait notamment l'établissement d'une allocation d'invalidité pour les parlementaires âgés de plus de 65 ans, a été déposé à l'autre endroit le 4 juin 2001, il a été présenté au Sénat le 11 juin et il a reçu la sanction royale le 14 juin. Il ne s'agit que d'une hypothèse de ma part, mais je crois que nous pouvons supposer que le projet de loi C-24, dont nous sommes saisis, découle de l'adoption à toute vapeur du projet de loi en 2001, qui n'a pas été examiné attentivement, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le processus remarquablement rapide que privilégie l'autre endroit — et parfois le Sénat — pour traiter les projets de loi qui abordent les questions de rémunération et d'avantages pour les parlementaires, est invariablement accompagné d'une prolifération d'erreurs. Comme je l'ai dit plus tôt, j'estime que les propositions législatives, quelles qu'elles soient, doivent faire l'objet du même examen approfondi. Les argumentations qu'on entend trop souvent, voulant que le projet de loi n'est rien de plus qu'une simple rectification de détail, devraient être perçues comme un avertissement, et non pas comme une assurance.

Le fait de précipiter l'adoption de projets de loi afin qu'ils ne fassent pas l'objet de consultations ou d'un examen minutieux de la part de la population n'est pas acceptable, particulièrement lorsque nous sommes confrontés éventuellement à la nécessité d'étudier des mesures correctives comme celles présentées dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. En termes clairs, si nous adoptons et acceptons le processus abrégé, c'est de notre propre faute si des erreurs, des écueils possibles ou d'autres omissions passent inaperçus et doivent ultérieurement être corrigés. Une Chambre de réflexion ne devrait pas permettre de se voir imposer une telle façon de faire.

Ce qui me préoccupe, ce n'est pas le fait que les parlementaires qui n'ont pas le droit à une pension puissent avoir accès à ces avantages. Chacun veut bénéficier d'avantages bonifiés et garantis; or, ce qui différencie les parlementaires du reste de la population, c'est que ce sont eux qui prennent les décisions. Nos décisions peuvent faire l'objet de critiques de la part de la population, et l'autre endroit pourrait bien se retrouver sur la sellette s'il évalue mal les sentiments du public.

Ce qui me préoccupe, c'est le processus et, plus précisément, de savoir si le public devant qui le Parlement est responsable a suffisamment participé aux discussions. Ce qui me préoccupe, c'est de savoir si les coûts, à court et à long termes, ont été correctement évalués ou même pris en compte. Ce qui me préoccupe, c'est de savoir s'il existe de meilleurs mécanismes et si on a suffisamment exploré de tels mécanismes comme solution de rechange à l'élargissement généralisé des conditions d'admissibilité à divers avantages.

Il semble que le projet de loi ait eu pour déclencheur la situation d'une parlementaire qui ne se représentera pas aux élections pour des raisons médicales graves.

Il existe un vieil aphorisme qui s'applique en l'occurrence et je vais citer un passage tout entier de l'opinion dissidente d'Oliver Wendell Holmes, Jr., tiré de la décision rendue en 1904 par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Northern Securities Company v. United States. Il écrit:

Les cas d'exception font de mauvais précédents. Les cas d'exception sont exceptionnels, non pas du fait de leur importance réelle quant à l'orientation du droit à venir, mais en raison d'un accident présentant un intérêt irrésistible immédiat qui met en jeu les sentiments et déforme le jugement. Ces intérêts immédiats exercent un genre de pression hydraulique qui rend douteux ce qui était clair, et sous laquelle même des principes de droit bien établis sont déformés.

Je pense que, dans une grande mesure, cela couvre la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Nous éprouvons tous une grande sympathie et un intérêt national pour l'une des nôtres qui se trouve aux prises avec une grande incertitude. Il est certainement de notre ressort de lui offrir un certain soulagement, aussi temporaire et modeste soit-il, en élargissant, comme le prévoit le projet de loi, les conditions d'admissibilité à divers avantages; mais les cas exceptionnels font de mauvais précédents.

Peut-être est-ce pour cela que le projet de loi C-24 a été décrit comme corrigeant simplement un oubli, un effort en vue de donner aux parlementaires les mêmes avantages que les fonctionnaires. Le fait est qu'il ne corrige pas un oubli en accordant des avantages aux parlementaires âgés de 50 à 55 ans qui prennent leur retraite. Ces prestations ne sont pas accessibles aux fonctionnaires dans les mêmes conditions que celles qui sont offertes par ce projet de loi aux parlementaires qui prennent leur retraite.

Je vais citer longuement le témoignage donné au Comité sénatorial permanent des finances nationales par M. John Gordon, vice-président de l'exécutif national de l'Alliance de la fonction publique du Canada:

Il est interdit aux membres de l'AFPC et aux autres fonctionnaires fédéraux de contribuer au RSSFP, et au RSDP, à moins qu'ils ne touchent des prestations en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique. Bref, les députés de la Chambre des communes ont voté pour instituer en faveur des sénateurs et d'eux-mêmes un privilège qui n'est tout simplement pas accessible aux autres travailleurs qui relèvent de la compétence fédérale et qui sont payés par le gouvernement fédéral et ses différents ministères et organismes.

Il y a toutefois une différence. La Loi sur les allocations de retraite des parlementaires n'offre pas aux anciens députés la possibilité de toucher une allocation de retraite avant l'âge de 55 ans, alors que la Loi sur la pension de la fonction publique offre l'option de recevoir des prestations considérablement réduites à un âge inférieur dans certaines circonstances.

Je vais vous faire un bref survol des dispositions qui s'appliquent aux membres de l'AFPC et aux autres travailleurs visés par la Loi sur la pension de la fonction publique. Si l'on fait exception des employés qui optent pour une retraite pour des raisons médicales en raison d'une incapacité totale, un membre de l'AFPC ne peut pas toucher une prestation de retraite non réduite avant l'âge de 55 ans. Pour pouvoir prendre sa retraite à cet âge, le travailleur doit avoir accumulé au moins 30 années de service ouvrant droit à pension. À partir de ce moment-là, les travailleurs fédéraux peuvent contribuer au Régime de soins de santé de la fonction publique et au Régime de soins dentaires de la fonction publique à titre de retraités.

La retraite à l'âge de 50 ans est une option possible dans le cadre de la Loi sur la pension de la fonction publique, mais les travailleurs n'y ont droit que s'ils acceptent une réduction de leurs prestations. Pour les travailleurs comptant moins de 25 années de service ouvrant droit à pension, la réduction est calculée au taux de 5 p. 100 multiplié par le nombre d'années entre le moment de la retraite et l'âge de 60 ans. Par exemple, un fonctionnaire fédéral qui prend sa retraite à 50 ans après 24 années de service voit sa pension réduite de pas moins de 50 p. 100. En supposant une rémunération moyenne aux fins de la pension de 40 000 $ pour un travailleur de cet âge et comptant de tels états de service, la pension s'établirait à 9 600 $ plutôt que 19 200 $.

M. Gordon a ajouté, car on nous a dit — et c'est pourquoi j'insiste sur sa déclaration — que nous mettons les parlementaires sur le même pied que les fonctionnaires:

Dans le cas d'un fonctionnaire fédéral comptant au moins 25 années de service ouvrant droit à pension qui prend sa retraite après l'âge de 50 ans, la pension peut être réduite de 5 p. 100 multiplié par le nombre d'années qu'il lui manque pour atteindre 55 ans, ou par le nombre d'années supplémentaires qu'il lui faudrait pour accumuler 30 ans de service ouvrant droit à pension, le plus grand de ces deux nombres étant utilisé. Par exemple, un fonctionnaire fédéral comptant 26 années de service qui prend sa retraite à 50 ans voit sa pension réduite de 25 p. 100.

(2120)

Question de mettre ces chiffres en perspective, disons que les membres de l'AFPC et les autres travailleurs du secteur public de plus de 50 ans qui décident de prendre une retraite anticipée ou qui perdent leur emploi sont confrontés à un grave dilemme. Ils peuvent choisir de commencer à toucher immédiatement leur pension et se voir imposer une forte réduction qui, dans bien des cas, se traduira par une vie de retraité dans la pauvreté la plus abjecte, mais avec accès au régime de soins de santé dont ils ont tant besoin. Sinon, ils peuvent différer leur pension jusqu'à l'âge de 55 ou 60 ans, selon leurs états de service, et avoir alors droit à une pension non réduite, mais être privés de la protection des régimes de soins de santé et de soins dentaires jusqu'à ce qu'ils reçoivent cette pension.

Le projet de loi C-24 accorde également aux parlementaires un privilège dont ne jouissent pas les autres travailleurs fédéraux en ce qui a trait à l'assurance collective. En vertu du projet de loi à l'étude, la protection de l'assurance est en effet offerte aux anciens parlementaires qui quittent leur fonction après l'âge de 50 ans suivant les mêmes modalités qui s'appliquent aux personnes touchant une allocation, à l'exception de celles ayant droit à une allocation de retrait en vertu de la loi.

Au contraire, les fonctionnaires fédéraux qui quittent leur emploi dans des circonstances similaires et qui ne commencent pas immédiatement à toucher une pension de retraite en vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique peuvent seulement conserver la protection d'une assurance-vie dans le cadre du régime de prestations supplémentaires de décès en versant des primes considérablement plus élevées correspondant au taux du marché. En outre, l'Alliance de la Fonction publique du Canada tient à rappeler au comité que plusieurs milliers de ses membres ont vu leur poste être transféré au secteur privé au cours des dernières années et ne se voient pas offrir la protection d'un régime de soins de santé, de soins dentaires ou d'assurance-vie par leur nouvel employeur.

Comme je l'ai dit au départ, l'AFP préconise une loi qui verrait tous les travailleurs fédéraux, y compris les parlementaires, profiter du maintien de leurs régimes de soins de santé, de soins dentaires et d'assurance-vie lorsqu'ils deviennent admissibles, après l'âge de 50 ans, à une pension de retraite différée.

L'AFPC a peut-être prêché pour sa paroisse, et nombre d'entre nous se sont souvenus de l'Alliance du temps où nous étions au gouvernement, mais force est d'admettre qu'elle a fort bien présenté son point de vue.

Opposons à cela ce que le ministre a dit à l'autre endroit, énoncé que l'on trouve à la page 1459 des Débats de la Chambre des communes. Voici ce que le ministre a dit, à l'appui du projet de loi:

Ce projet de loi signifie donc que tous les parlementaires ayant droit à pension pourront se prévaloir des protections des régimes d'assurance-maladie à partir de 50 ans, exactement au même titre que les fonctionnaires.

Durant ce très court débat, d'autres intervenants ont fait part d'un sentiment similaire, faisant valoir que le projet de loi avait été conçu pour mettre les parlementaires sur un pied d'égalité avec les autres fonctionnaires, pour faire disparaître une faille involontaire, pour corriger une anomalie.

Le projet de loi C-24 ne fait rien de tel. Il donne accès à des prestations auxquelles les fonctionnaires n'ont pas droit à l'heure actuelle. Cela n'a rien à voir avec le fait de corriger une faille ou une anomalie. Seuls les fonctionnaires qui reçoivent actuellement une pension ou une indemnité ont droit à ces prestations. Les parlementaires ne sont actuellement admissibles ni à l'un ni à l'autre avant l'âge de 55 ans et ils n'y ont donc pas droit.

Comme l'a souligné le rapport du comité, ce qu'il faudrait faire serait de mettre les parlementaires sur un pied d'égalité avec les fonctionnaires en leur permettant d'accepter une pension réduite, dès l'âge de 50 ans. C'est ce que le projet de loi aurait dû prévoir, mais qu'il ne prévoit pas.

Puisqu'on affirme que le projet de loi C-24 ne cherche qu'à fournir un accès équivalent aux prestations dont jouissent déjà les fonctionnaires, ces derniers auront clairement la possibilité de réclamer les mêmes avantages dès l'approbation de ce projet de loi. Après avoir affirmé essentiellement que ce qui est bon pour l'un l'est aussi pour l'autre, le gouvernement aura du mal à refuser une demande similaire de la part de la fonction publique à la table des négociations. De plus, le régime de la fonction publique sera de nouveau à l'étude d'ici moins d'un an et le gouvernement devra alors faire face à une demande inattendue qui sera fondée sur un précédent qu'il aura lui-même créé.

Honorables sénateurs, les cas difficiles inspirent souvent de mauvaises lois. En tentant de régler un cas particulier par l'adoption d'une loi d'application générale, on en arrive tout simplement à une mauvaise loi. Bien que je comprenne tout à fait les circonstances qui ont mené à la rédaction de cet amendement et tout particulièrement le cas qui en est à l'origine, je crois fermement que la solution qui nous est proposée est non seulement mauvaise, mais qu'une fois adoptée, elle ferait du Parlement une identité à part qui doit être exempte des réalités auxquelles les Canadiens doivent faire face au moment de prendre leur retraite.

J'exhorte le gouvernement à prendre l'initiative et à proposer que le projet de loi soit renvoyé à l'autre endroit. Je sais très bien que si je devais proposer cet amendement moi-même, je n'obtiendrais certainement pas les résultats que la plupart d'entre nous ici espérons obtenir.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LES PARCS NATIONAUX DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, C.P., appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai dit jeudi dernier que je prendrais part au débat de deuxième lecture du projet de loi C-28. Je m'exécute donc.

Il s'agit d'un projet de loi très court qui modifie la Loi sur les parcs nationaux du Canada afin de retrancher des terres de deux de nos parcs nationaux, la réserve de parc national Pacific Rim en Colombie-Britannique et le parc national du Mont-Riding, au Manitoba, pour honorer des engagements du Canada concernant des réserves indiennes. Les circonstances qui donnent lieu à ces rajustements sont différentes pour chacun des deux parcs.

Voyons d'abord les rajustements proposés dans les terres du parc national de Mont-Riding. Une entente sur une revendication territoriale particulière a été conclue en 1994 entre le Canada et la Première nation ojibway Keeseekoowenin sur la réserve 61A. Il semble que, à cause d'une erreur dans la description juridique en vue du retrait des terres, une bande de cinq hectares ait été oubliée lorsque la réserve a été créée. Elle faisait toujours partie du parc national. Le projet de loi C-28 rectifie la situation.

Dans le cas des terres que ce projet de loi propose de transférer de la réserve du parc national Pacific Rim à la réserve indienne d'Esowista, nous devons revoir l'histoire de la création de la réserve et les circonstances qui l'ont entourée. A cette époque, il était clair que le gouvernement devrait un jour réévaluer le territoire accordé, et seulement sept hectares ont été mis de côté pour la réserve d'Esowista. S'il a été décidé de retarder le règlement final, c'est parce qu'on reconnaissait que la Première nation Tla-o-qui-aht, qui devait s'installer dans la réserve d'Esowista, était en train de changer pour devenir une communauté résidentielle permanente plutôt qu'un lieu de pêche saisonnière. La croissance de la population qui a accompagné ce changement a donné lieu à de graves problèmes dans la réserve: qualité de l'eau, élimination des eaux usées, surpeuplement et importants problèmes d'infrastructure.

Donc, quelque 30 ans plus tard, le gouvernement du Canada prend des mesures en se fondant sur ce qu'il savait depuis le début, soit qu'il faudrait éventuellement agrandir la réserve d'Esowista pour répondre aux besoins de la communauté. Avec la proposition du projet de loi C-28 de transférer 86,4 hectares supplémentaires du parc à la réserve, le gouvernement tente de régler le problème.

D'après ce que j'ai pu vérifier lors des nombreuses discussions et consultations tenues pendant la transition de ce projet de loi de l'autre endroit à celui-ci, notamment les observations de l'honorable sénateur Austin la semaine dernière, le projet de loi reçoit l'appui des principaux intéressés, des ONG et des gouvernements provinciaux.

Parcs Canada a adopté la position selon laquelle les mesures contenues dans ce projet de loi sont respectueuses de l'intégrité écologique des deux parcs nationaux en question. J'aimerais m'attarder quelques instants sur ce dernier point et je demande l'indulgence des honorables sénateurs.

Alors qu'on nous demande d'appuyer ce projet de loi pour que des ajustements appropriés soient apportés aux territoires des réserves autochtones ayant une frontière commune avec deux parcs nationaux importants, il est utile de saisir cette occasion de faire précisément le point sur la position du gouvernement face à l'intégrité écologique et à l'entretien des sites et parcs patrimoniaux du Canada. Dans ce contexte, je soulignerais que l'incapacité du gouvernement à protéger adéquatement l'intégrité écologique des parcs nationaux existants a été soulevée non seulement par la vérificatrice générale du Canada, mais aussi par la commissaire à l'environnement et au développement durable du Canada et par la Commission fédérale sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada.

(2130)

Ces critiques diffèrent quelque peu du refrain gouvernemental officiel sur les parcs nationaux. D'après la propagande gouvernementale, les parcs nationaux figurent parmi les plus beaux héritages légués par le gouvernement Martin-Chrétien. Ce qu'omettent ces propos auto-encenseurs, c'est le dossier libéral en matière de réduction des dépenses et des activités dans les domaines de l'environnement, des parcs nationaux et, particulièrement, de l'entretien des sites historiques nationaux.

Le gouvernement Martin-Chrétien aimerait nous faire croire que le simple fait de créer de nouveaux parcs nationaux et des réserves marines suffit à instaurer et à entretenir un patrimoine environnemental réel. Malheureusement, réserver ces endroits n'est que la première étape. Peut-être faudrait-il examiner si les territoires mis de côté pour des parcs nationaux sont suffisants.

En écoutant, la semaine dernière, les propos du sénateur Austin, je me suis demandé si nous ne devions pas adopter comme politique publique le principe selon lequel les terres réservées à des fins légitimes telles que des parcs nationaux — dans ce cas, des réserves indiennes — ou à quelque fin que ce soit, ne devraient pas être remplacées par une superficie équivalente de terres publiques et transférées au domaine des parcs nationaux, compte tenu d'un facteur d'inflation. Nous avons beaucoup de terres publiques fédérales. Pour qu'il n'y ait pas d'érosion de ce domaine dans notre réseau de parcs nationaux, peut-être devrions-nous consacrer une politique publique de ce genre.

Penchons-nous sur les terres qui font actuellement partie de ce réseau et sur la façon dont le gouvernement s'en occupe. C'est avant tout dans les activités subséquentes et concrètes que nous pouvons observer le véritable degré d'engagement à préserver notre merveilleux patrimoine naturel national.

Dans le contexte de la Commission de la capitale nationale, nous avons vu l'érosion des terres agricoles Moffatt, dans la région de la capitale nationale, au profit du développement commercial. De nombreux sénateurs ont suivi ce dossier particulier. Malheureusement, nous allons encore perdre une partie de la ferme Moffatt au profit du domaine fédéral.

Là où le gouvernement a particulièrement failli à la tâche, c'est sur le soin apporté aux détails, aux mesures de mise en oeuvre, au ciblage efficace de ses investissements et au suivi, qui est tellement essentiel pour promouvoir l'intégrité écologique des sites et des ressources historiques. Très souvent, les gestionnaires de ces sites ne prêtent pas assez attention aux aspects écologiques. Lorsqu'on observe en détail la façon dont certains de nos parcs ont été gérés et dont leur infrastructure a été négligée, nous arrivons à la conclusion que l'engagement de ce gouvernement à assurer un réseau sain et dynamique de parcs nationaux laisse beaucoup à désirer.

Honorables sénateurs, ces problèmes ont été vérifiés et documentés par la commissaire à l'environnement et au développement durable du Canada. Dans son rapport de 2002, elle affirme:

Plus des trois-quarts des parcs nationaux du Canada [...] subiraient un stress écologique important ou grave.

C'est ce qu'on peut lire à la page 7 de son rapport de 2002.

Cela signifie que 75 p. 100 de nos parcs nationaux sont dans un état déplorable. C'est honteux de la part d'un gouvernement qui prétend que les parcs nationaux font partie de l'héritage qu'il nous laisse. Ce n'est encore là que gaspillage.

Par ailleurs, au chapitre 31 d'un de ses rapports diffusés en 1996, le vérificateur général soutient que les conditions écologiques ne sont pas surveillées régulièrement ni de façon continue. Dans ce même rapport, le vérificateur général se dit aussi préoccupé du fait que, pour de nombreux parcs, les plans de gestion accordent plus d'importance aux facteurs économiques et sociaux qu'aux facteurs écologiques.

Quel jugement cela nous amène-t-il à porter sur le bilan du gouvernement en matière d'environnement et de protection de nos parcs nationaux? Selon la commissaire à l'environnement et au développement durable, outre les autres échecs du gouvernement en matière d'environnement, le Canada est confronté à un grave «déficit de l'environnement et du développement durable».

Les libéraux de MM. Martin et Chrétien voudraient vous faire croire autre chose. Ils préfèrent se cacher derrière les grandes promesses qu'ils ont faites dans le discours du Trône. Entre-temps, sur le plan pratique, les suivis à effectuer, les initiatives à mettre en oeuvre et les processus à respecter pour protéger l'environnement sont négligés à cause de l'inaction du gouvernement et, malheureusement, dans une grande mesure, de l'inertie des bureaucrates.

Revenons au parc national du Mont-Riding que vise notamment le projet de loi à l'étude. Un certain nombre de facteurs internes et externes menacent son intégrité écologique, ce qui devrait nous inciter à gérer et à surveiller la situation en tout temps. Parmi ces facteurs, mentionnons les sites d'enfouissement contrôlés pour les déchets des parcs; l'impact des grandes routes sur la faune et les effets du sel sur la flore; l'impact que l'utilisation de fertilisants et de pesticides dans les centres de service et sur les parcours de golf peut avoir sur les cours d'eaux et les ressources en eaux; le fait que le corridor hydroélectrique du parc fragmente les habitats dans ce secteur; la pression qu'exercent le braconnage et la chasse sur la faune le long de la frontière du parc; la construction de sites de villégiature autour de la frontière du parc, ce qui entraîne l'introduction de plantes exotiques et de mauvaises herbes en raison des activités agricoles et horticoles relatives attribuables à l'aménagement paysager près des chalets; et enfin, l'impact des substances chimiques disséminées par l'air sur les ressources du parc.

Honorables sénateurs, ces éléments fournissent, à échelle réduite, un exemple très précis de ce qu'il y a lieu de faire pour être en mesure de répondre aux besoins d'intégrité écologique de nos parcs nationaux. Chaque parc national se caractérise par son propre ensemble de problèmes dans le domaine de l'intégrité écologique. Dans quelle mesure le gouvernement actuel a-t-il réussi à donner suite à ces enjeux en matière d'intégrité écologique? Cette question n'est pas de mon domaine, mais elle relève de celui de la commissaire à l'environnement et au développement durable. Si l'on s'intéresse à la conclusion de son rapport, selon laquelle plus des trois-quarts des parcs nationaux du Canada subiraient un stress écologique important ou grave, on constate que le gouvernement a adopté la bonne ligne de conduite dans moins de 25 p. 100 des cas. Cet héritage honteux aura des conséquences durables, mais le problème ne s'arrête pas là. Il faut aussi parler des efforts fédéraux de conservation des sites historiques nationaux, notamment ceux qui se trouvent à l'intérieur de parcs nationaux.

Dans son rapport de novembre 2003, la vérificatrice générale signale que les besoins de conservation des sites patrimoniaux et des ressources patrimoniales ont rapidement augmenté. Vingt pour cent de toutes les ressources culturelles «bâties» dans les sites historiques nationaux et les parcs nationaux sont en mauvais état et nécessiteront des travaux de conservation au cours des deux prochaines années. Quarante pour cent de ces ressources culturelles est en assez bonne condition et nécessitera des travaux de conservation au cours des trois à cinq prochaines années. Selon la vérificatrice générale, ces ressources comprennent des immeubles, des ponts, des fortifications, des ouvrages maritimes et des terres. Parcs Canada a affirmé que la protection de ces sites historiques nationaux pourrait nécessiter le double des fonds alloués actuellement à ces immobilisations.

(2140)

Devant ces besoins de financement accrus, il ne faut pas oublier que le gouvernement a grandement réduit les sommes qu'il consacre aux parcs et aux sites historiques ainsi qu'à d'autres ressources patrimoniales. Selon Statistique Canada, en 2000-2001, aux ressources patrimoniales, les agences et les ministères fédéraux ont consacré quelque 14 millions de dollars de moins, soit 6 p. 100 de moins qu'en 1990-1991. En dollars constants, cela représente une diminution de 22 p. 100, l'inflation ayant réduit de 16 p. 100 de plus la valeur des dépenses.

Honorables sénateurs, il est nécessaire de porter un intérêt renouvelé à l'entretien des sites historiques nationaux, y compris au sein de nos parcs nationaux. Il faudra faire preuve de vigilance. Il faudra aussi un financement renouvelé et mieux ciblé. Un nouveau gouvernement, un gouvernement conservateur, veillerait à ce qu'on y parvienne.

Le projet de loi dont nous sommes saisis mérite un appui de principe. Il aborde plusieurs grands enjeux concernant l'état de nos parcs nationaux et de nos sites historiques. Je saisis l'occasion de souligner quelques-uns de ces enjeux. En tant que législateurs, nous avons le devoir de veiller à ce que le gouvernement ne perde pas de vue leur importance. Ces enjeux, l'intégrité écologique de nos parcs nationaux et l'entretien efficace des sites patrimoniaux du Canada, traversent les frontières partisanes. Si les parcs nationaux et les sites historiques doivent être des éléments patrimoniaux, faisons en sorte qu'ils soient des éléments d'un patrimoine authentique, d'un patrimoine qu'on a promu, protégé et préservé de façon adéquate plutôt qu'un enjeu utilisé à d'étroites fins partisanes. Qu'ils vivent pour nos enfants, nos petits-enfants et pour toutes les générations à venir.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Austin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

LA LOI SUR LES BREVETS
LA LOI SUR LES ALIMENTS ET DROGUES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les brevets et la Loi sur les aliments et drogues (engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique).

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, le projet de loi C-9 vise à faciliter aux pays en développement l'accès aux médicaments brevetés à des coûts relativement bas lorsque cela permet de remédier aux graves problèmes de santé publique. Il jouit de l'appui de tous les partis à l'autre endroit et, dans un rare esprit de collaboration, le gouvernement a accepté les amendements de l'opposition officielle et du Nouveau Parti démocratique.

Ce qui a motivé l'élaboration de ce projet de loi, c'est la nécessité de soutenir la lutte contre le sida dans les pays en développement, les statistiques au sujet de cette épidémie en pleine croissance étant effectivement alarmantes. Quelque 36 millions de personnes ont maintenant le sida, la plupart d'entre elles vivant en Afrique. Dans certains pays, comme l'Afrique du Sud, le taux d'infection est élevé au point où une personne sur cinq est atteinte. Cette maladie a tué plus de 20 millions de personnes et a fait 13 millions d'orphelins, dont bon nombre sont d'ailleurs infectés eux aussi. C'est la quatrième cause de mortalité parmi les adultes du monde entier. Chaque jour, quelque 15 000 nouvelles victimes sont infectées. Pour situer les choses dans une juste perspective, disons que c'est comme si la population d'une ville plus grande que la région du Grand Toronto était infectée chaque année.

Le sida est une maladie incurable. J'insiste là-dessus: c'est une maladie incurable. Les médicaments ne guériront pas les victimes et ils n'empêcheront pas non plus la propagation du sida. Je le répète: ils n'empêcheront pas la propagation du sida. Il est plutôt question d'un traitement qui prolongera et améliorera la vie des sidéens. Cela pose un énorme problème de société à long terme. Une maladie grave assortie d'une espérance de vie très courte pour ceux qui en sont atteints est maintenant transformée en maladie chronique qui risque d'infecter un très grand nombre de personnes.

Le drame, c'est que le sida est une maladie évitable, mais on insiste trop peu sur la prévention. Nous devons aborder le problème dans sa totalité. Ce n'est pas la seule maladie qui continue de ravager le monde en développement. La tuberculose et la malaria sont deux excellents exemples des autres maladies qui sévissent. Heureusement, ce sont deux maladies qui se guérissent.

Je tiens à formuler officiellement certaines observations, en commençant par le processus à l'autre endroit. Ce projet de loi, dont la version originale était le projet de loi C-56, a traversé à toute vitesse les étapes du processus législatif, à la dernière minute, de façon à ce qu'il puisse être inscrit au Feuilleton comme initiative du premier ministre sortant. Le sénateur Corbin s'est penché sur la question et a formulé une observation à ce sujet dans son allocution, l'autre soir. Nous avons également débattu de cette question ce soir. L'opposition officielle, à l'autre endroit, était disposée à adopter rapidement le projet de loi. Malheureusement, l'automne dernier, il était, à toutes fins pratiques, une ébauche.

Voici un passage tiré du Globe and Mail du 7 novembre 2003:

Des fonctionnaires ont déclaré, en privé, que le projet de loi a besoin d'être révisé. Ils ont ajouté qu'ils promettraient aux représentants de l'industrie pharmaceutique et des groupes oeuvrant dans le domaine du développement que le projet de loi serait mis au point à l'étape d'examen par un comité des Communes. «Le projet de loi est incomplet», a affirmé un haut fonctionnaire.

Le quotidien montréalais The Gazette signalait également ce qui suit en novembre 2003:

En attendant, le gouvernement semblait peu disposé à adopter rapidement le projet de loi. En effet, plusieurs ministres ont indiqué qu'il faudrait «deux ou trois mois» pour établir un cadre de réglementation qui soit satisfaisant pour les différents intervenants, dont des sociétés pharmaceutiques canadiennes et divers organismes d'aide internationale [...]. Le leader du gouvernement à la Chambre, M. Don Boudria, a affirmé que le gouvernement hésitait à adopter à la hâte des projets de loi complexes sans qu'ils ne soient d'abord examinés par un comité.

Ainsi, le gouvernement a déposé un projet de loi imparfait, puis il a prorogé la session. Si le Parlement avait continué de siéger fin novembre et début décembre, ce texte pourrait déjà avoir force de loi dans notre pays.

L'autre endroit a voté plusieurs modifications pour améliorer le projet de loi. La modification ministérielle la plus importante a supprimé ce qu'on appelle le «droit de premier refus». Pour dire les choses très simplement, aux termes du projet de loi au moment de sa présentation, les détenteurs de brevets auraient eu le droit de premier refus lorsqu'un fabricant de produits génériques proposait d'exporter un médicament vers un pays admissible, disposition qui émane des obligations du Canada en vertu de l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Le gouvernement a fait l'objet de vives critiquesen raison du fait que, si les fabricants de produits génériques devaient élaborer des contrats que le détenteur de brevets leur enlèverait tout simplement, ils n'investiraient pas de temps ni d'argent pour le faire.

Une modification a également été adoptée afin d'allonger la liste des produits pharmaceutiques admissibles de manière à y inclure ceux que l'Organisation mondiale de la santé a reconnus comme essentiels pour la satisfaction des besoins sanitaires, ainsi que d'autres médicaments signalés par des témoins devant le comité de la Chambre des Communes. Toutefois, on se préoccupe d'une autre modification ministérielle au projet de loi initial qui permettra à la Cour fédérale du Canada d'examiner l'attribution obligatoire de permis aux fabricants de médicaments génériques.

(2150)

Le gouvernement a accepté, dans l'autre endroit, un amendement de l'opposition officielle prévoyant un examen du processus d'homologation au terme de deux ans au lieu de trois. Si l'envoi de produits pharmaceutiques est retardé par des procédures judiciaires, cet examen du processus d'homologation attirera l'attention sur le programme beaucoup plus tôt et permettra de ce fait une réaction plus rapide.

Je ne doute pas que devant le comité, les témoins proposeront d'autres amendements pour améliorer le projet de loi.

Ma deuxième observation est que ce projet de loi doit constituer une exception très limitée à la façon dont les lois canadiennes traitent la propriété intellectuelle, sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce dans le présent cas. Il ne doit pas marquer le début d'un processus par lequel nous abandonnons toute protection à l'égard de la propriété intellectuelle. Le risque ici est encore une fois énorme.

Honorables sénateurs, exactement comme les lois sur les droits d'auteur protègent les écrivains et les autres artistes, les brevets donnent aux inventeurs le temps de tirer profit de leurs recherches et de leurs idées avant que d'autres ne le fassent. Si cette recherche n'entraîne que peu ou pas de résultat, alors la recherche n'est pas menée ou elle est menée ailleurs.

Notre loi doit permettre de trouver un équilibre entre l'élaboration de médicaments et de traitements nouveaux pour les Canadiens atteints de maladies graves et la fourniture de ces médicaments à des prix abordables sur le marché canadien. Cet objectif de politique doit également s'appliquer à nos interventions d'aide humanitaire à l'échelle internationale.

À titre de membre de l'OMC, le Canada doit respecter les aspects de l'Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Cet accord exige que le Canada assure une protection d'au moins 20 ans aux nouveaux produits pharmaceutiques. La Loi sur les brevets donne force de loi à cet accord.

La plupart des nouveaux médicaments utilisés pour traiter le sida et d'autres maladies graves sont encore protégés par un brevet. Au départ, en fait, c'est ce système de brevet qui génère les recettes qui rendent l'élaboration de ces médicaments possible. Toutefois, le prix que nous payons ici, au Canada, est hors de la portée de la plupart des pays en voie de développement et des organismes d'aide qui tentent de leur fournir ces médicaments.

En août dernier, l'OMC a accepté de laisser les pays pauvres importer des versions génériques des médicaments pour traiter le sida et d'autres maladies graves. À l'heure actuelle, un cocktail des médicaments brevetés utilisés pour traiter le sida peut coûter jusqu'à 10 000 $ par année ici, en Amérique du Nord, alors qu'une version générique ne coûterait qu'environ 300 $.

À l'heure actuelle, la Loi sur les brevets ne permet pas la fabrication légale au Canada aux fins d'exportation d'une version générique d'un médicament qui a été breveté ici. Sans les modifications prévues dans ce projet de loi, si une entreprise devait fabriquer une version générique, elle pourrait être accusée de contrefaçon de brevet et être tenue juridiquement responsable.

Les fabricants canadiens de médicaments génériques font du lobbying depuis plusieurs années pour obtenir des modifications qui leur permettraient d'exporter des médicaments génériques vers des pays pauvres. Ils donnent l'exemple de la tentative faite il y a quatre ans par le fabricant canadien de produits génériques Apotex pour fournir aux pays africains des médicaments contre le VIH/sida au prix coûtant, mais qui avait été rendue impossible par les dispositions sur les brevets.

En même temps, cependant, les fabricants de médicaments de marque vont vous dire qu'ils vendent déjà un large éventail de médicaments au tiers monde dans un but non lucratif.

Ma troisième observation concerne la liste des pays admissibles. Le projet de loi C-9 établit trois listes distinctes de pays qui peuvent avoir accès à des produits pharmaceutiques canadiens à moindre prix. Chaque annexe ajoute un critère supplémentaire.

La première liste s'applique aux pays les moins développés du monde. Cette liste comprend des pays comme l'Afghanistan, Haïti, le Rwanda et l'Ouganda. Pour ces pays, le fabricant devra donner avis qu'il voudrait acquérir une licence pour fabriquer le médicament aux fins d'exportation.

La deuxième liste s'applique à des pays comme l'Albanie, le Brésil, Cuba et l'Inde. En plus de l'avis prévu pour les exportations dans les pays figurant sur la première liste, les exportations dans ces pays exigent une attestation que les médicaments ne peuvent être fabriqués dans les pays importateurs. Chose curieuse, l'Inde est elle-même un pays grand fabricant de médicaments et elle est considérée, tout comme le Brésil, comme un exportateur potentiel important de copies génériques vers le tiers monde.

La troisième liste comprend des pays comme Israël, la Pologne, le Koweït, les Émirats arabes unis et la République tchèque. Pour ces pays, en plus des conditions établies pour la deuxième liste, les exportations sont assujetties à une attestation que le pays en question fait face à une situation d'urgence nationale.

Ces listes pourront être modifiées par décret.

Même si les listes semblent avoir été établies à partir de diverses listes des Nations Unies, il est surprenant de voir qui est admissible et qui ne l'est pas. Le Liechtenstein et les Émirats arabes unis sont loin d'être des pays pauvres. En fait, le Liechtenstein est le pays le plus riche du monde par habitant. Par contre, le gouvernement a d'abord rejeté, à l'étape de l'étude en comité, un amendement de l'opposition tendant à ajouter le Timor-Leste, avant de changer d'idée à l'étape du rapport.

Il est vrai que le projet de loi a reçu un nouveau nom, celui d'«engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique», mais, aux dernières nouvelles, le Liechtenstein se trouve toujours en Europe de l'Ouest et non en Afrique, et c'est un pays très riche. J'ai hâte qu'on explique au comité comment il se fait que le nom de ce pays figure sur la deuxième liste, pour laquelle il ne faut même pas attester qu'il y a urgence.

Ma dernière observation porte sur le travail concret à accomplir pour que cette mesure donne des résultats pour le tiers-monde. Une fois le projet de loi C-9 adopté et le règlement en vigueur, il y aura d'importants obstacles de logistique à surmonter pour que les médicaments parviennent à ceux qui en ont besoin. Ne nous leurrons pas. Le coût des médicaments n'est pas le seul obstacle. Expédier des médicaments en Angola ou au Togo, ce n'est pas aussi simple que les envoyer à Ancaster ou à Toronto. Les difficultés sont nombreuses, à commencer par les lacunes dans les infrastructures de base. Il peut ne pas y avoir de réseau de distribution. Souvent, on n'a pas un personnel médical suffisant pour surveiller l'utilisation du médicament.

Le cocktail complexe de médicaments nécessaire au traitement du sida peut parfois exiger des règles diététiques strictes que des patients du tiers-monde peuvent être incapables de respecter à cause des pénuries d'aliments, ou exiger de grandes quantités d'eau qui ne sont pas toujours disponibles.

Beaucoup d'entre nous se sont déjà vu prescrire un médicament qui doit être conservé au frais. Comment garder un médicament à la bonne température dans le désert du Sahara, si on n'a pas de frigo?

Les problèmes militaires et politiques locaux aggravent les difficultés que pose la distribution des médicaments à ceux qui en ont besoin. Dans des pays où les pots-de-vin et la corruption sont un mode de vie, on peut toujours craindre que les médicaments ne soient revendus, bien après la date de péremption, ou encore détournés vers des marchés plus lucratifs, loin du Canada et de notre contrôle. Comme le sénateur Morin a longuement parlé de ce problème l'autre jour, je ne vais pas revenir là-dessus.

Honorables sénateurs, nous appuyons cette initiative humanitaire visant à accélérer la distribution de médicaments dont les pays du tiers monde ont un grand besoin parce qu'ils sont aux prises avec des problèmes urgents de santé publique comme la tuberculose, le paludisme et le sida. Nous encourageons également le gouvernement à intervenir par l'entremise d'organismes comme l'ACDI et des organisations non gouvernementales pour venir à bout des problèmes de distribution et d'administration dans les pays bénéficiaires et faire de la prévention contre le sida.

Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi sans réserve, même s'il n'est pas sans faiblesses. J'espère qu'il sera adopté avant que nous n'ajournions nos travaux pour l'été.

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Keon de son excellent discours. Il a soulevé une question fort importante qui ne l'avait pas encore été, ni au comité ni à l'autre endroit. Il s'agit des médicaments génériques fabriqués au Brésil et en Inde. Cette question est de la première importance. La Fondation Clinton et la Banque mondiale ont déjà acheté et exporté vers l'Afrique des médicaments génériques fabriqués en Inde. Ces médicaments se vendent à prix très modique, bien meilleur marché que les médicaments génériques fabriqués au Canada, lesquels, bien entendu, sont moins chers que les médicaments protégés par un brevet, mais tout de même assez dispendieux.

(2200)

En vertu du présent projet de loi, les médicaments ne peuvent être vendus à plus de 25 p 100 de leur valeur au Canada. Les médicaments respectant cette disposition seraient tout de même plus dispendieux que les médicaments fabriqués soit en Inde, soit au Brésil. Par conséquent, il y a un problème. Nous essayons d'être généreux. Je comprends que nos normes d'approbation des médicaments sont supérieures à celles de certains autres pays, mais j'aimerais que le sénateur Keon nous entretienne à ce sujet.

Le sénateur Keon: Je suis parfaitement au courant de ce terrible problème. Effectivement, il y a de nombreux fabricants en Inde qui disposent de ressources scientifiques extraordinaires et qui fabriquent des médicaments génériques à une fraction du coût que nous pouvons atteindre au Canada.

L'autre soir, parlé du détournement des médicaments avec le sénateur Corbin. Le sénateur Morin a ensuite parlé de cela dans son discours. Je ne vais donc pas revenir sur ce point ce soir.

La situation va s'aggraver à n'en pas douter. Nous devrons y faire face au fur et à mesure. Néanmoins, je ne crois pas que ce soit une raison suffisante pour faire obstacle à ce projet de loi.

J'estime que le problème le plus grave ici, c'est la manipulation d'une maladie qui pourrait tuer, d'ici trois ou quatre ans, l'équivalent de la population du Canada en une seule année. Avec les médicaments, nous manipulons l'histoire naturelle de cette maladie. Nous augmenterons considérablement le nombre de porteurs de la maladie, car nous transformons une maladie aiguë qui laisse une courte espérance de vie en une maladie chronique avec une espérance de vie quasi illimitée, tant que le patient continue à prendre ses médicaments. La prise de médicaments ne change rien à la transmission de la maladie. Au lieu d'enregistrer 15 000 nouveaux cas chaque année, nous pourrions être confrontés à 100 000 cas à l'échelle mondiale.

Honorables sénateurs, il faut aller de l'avant et distribuer les médicaments. Nous ne priverions personne de ce traitement au Canada, en Amérique, ou en Europe, alors il n'y a aucune raison pour que nous en privions la population africaine. Nous devons par ailleurs accepter d'assumer notre responsabilité, ouvrir notre portefeuille et mettre en oeuvre les programmes éducatifs et médicaux nécessaires pour prévenir cette maladie.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, ce projet de loi est important et nous l'appuyons, mais nous aimerions que le Sénat participe davantage à certains aspects de sa mise en oeuvre. J'ai fait une suggestion au leader du gouvernement et je me demandais s'il pouvait, avec votre permission, prendre part au débat et nous dire ce qu'il en pense.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a quelques instants, je me suis entretenu avec le leader du gouvernement de l'autre endroit. J'ai eu deux conversations semblables depuis que le sénateur Lynch-Staunton et le sénateur Kinsella ont proposé d'apporter un amendement qui entraînerait le renvoi du projet de loi à l'autre endroit.

Le ministre Saada m'a dit que, sur les quatre jours qu'il reste cette semaine, deux journées d'opposition sont déjà prévues avant que l'autre endroit parte en vacances la semaine prochaine conformément à son Règlement. L'autre Chambre n'aurait donc pas le temps de débattre d'un amendement.

Honorables sénateurs, le paragraphe 21.18(1) du projet de loi donne à penser qu'il n'y a pas d'urgence puisque, et je cite:

Le ministre et le ministre de la Santé constituent, dans les trois ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, un comité consultatif...

Comme je l'ai déjà dit, la ministre de l'Industrie, Mme Robillard, s'est engagée, au nom du gouvernement, à amender l'article de manière à ce que le Sénat ait un rôle équivalent à celui de la Chambre des communes en vertu du paragraphe 21.18(2). Cette disposition, proposée sous forme d'amendement par un député conservateur et adoptée par la Chambre, stipule que:

Le comité permanent de la Chambre des communes habituellement chargé des questions concernant l'industrie évalue les candidats en vue de leur nomination à un poste au comité consultatif et présente au ministre des recommandations quant à leur admissibilité et leur qualification.

Malheureusement, l'amendement proposé par le député conservateur ne mentionnait pas le Sénat. Madame la ministre Robillard a cependant accepté qu'un projet de loi soit présenté pendant la prochaine législature ou la prochaine session, dès que l'occasion se présentera, afin d'apporter à la loi une modification de forme qui donnerait un rôle égal au comité permanent de la Chambre des communes et à notre comité permanent.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je siège ici depuis suffisamment longtemps pour savoir que les promesses faites par des ministres sont des promesses personnelles et qu'elles n'ont pas un caractère permanent. Malgré tout le respect que j'ai pour Mme la ministre Robillard, je crains que cet engagement ne dure pas plus longtemps que la législature actuelle.

J'ai cru comprendre, dans ce que disait la ministre, que l'autre endroit rejetterait immédiatement tout amendement que nous pourrions apporter cette semaine, parce qu'il n'aurait pas le temps de l'examiner. En effet, l'autre endroit sera en vacances la semaine prochaine. Toutefois, d'après le calendrier parlementaire, les députés sont censés être de retour la semaine suivante et siéger au moins jusqu'au 24 juin.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire pourquoi les députés ne pourraient examiner, à leur retour, des amendements ou des propositions que nous aurions adoptés cette semaine?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je me ferai une joie de répondre à la question réelle qui se cache derrière cette suggestion; ma réponse est donc la suivante: en effet, si nous revenons le 25 mai, nous aurons le temps de faire bien des choses. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion de peaufiner l'amendement avec la ministre et, à la prochaine session du Parlement, s'il y en a une, de compléter cette initiative qui, selon la proposition, doit être présentée au comité par écrit, pour ensuite être présentée au Sénat. C'est une initiative sérieuse au nom de ce gouvernement.

Les honorables sénateurs sont aussi malins que moi, ce qui ne signifie pas, dans le contexte de ce qui va suivre, que je suis terriblement malin, car les médias sont au courant de tout alors que nous n'en savons pas beaucoup. Cependant, on peut prendre en compte leurs écrits et leurs propos. Statistiquement parlant, ils tombent pile moins d'une fois sur deux, comme les honorables sénateurs en sont conscients, mais ils ont parfois raison.

Je présente toutes mes excuses au sénateur Munson — et siMme le sénateur Fairbairn était présente, je lui adresserais également mes excuses, de même qu'au sénateur Fraser et aux autres membres des médias, à temps partiel ou à temps plein, et à n'importe quel stade de leur carrière — mais il y a une supposition qui court. Les honorables sénateurs devront se faire à l'idée qu'il est approprié pour le leadership de ce côté et de ce caucus de faire preuve de prudence, de tenir compte des indications et de nous occuper des affaires de l'État le mieux possible jusqu'au moment où nous devrons ajourner.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je dois dire que je suis affligé de constater la manière dont cet endroit a fonctionné depuis le mois de septembre. Nous sommes revenus en septembre, avons entrepris des travaux, puis le Parlement a été prorogé en novembre parce que l'édifice Langevin ne voulait pas qu'un certain rapport soit déposé. Toutes les affaires en cours, des affaires importantes, ont été interrompues.

(2210)

Nous sommes revenus début février, à nouveau le couteau sous la gorge, car nous pensions que quelque chose se passerait avant Pâques. Nous sommes de retour et nous avons le couteau sous la gorge pour la troisième fois. Semaine après semaine... Vous pouvez vous trémousser et rire autant que vous voulez, mais ce n'est pas comme cela qu'on traite le Parlement. Ou bien nous sommes un organisme législatif ou bien nous ne le sommes pas. Ou bien nous avons le temps d'étudier les mesures législatives ou bien nous ne l'avons pas.

Nous nous vantons d'être indépendants de la Chambre des communes, mais nous sommes en train de devenir les serviteurs de l'édifice Langevin. C'est tout ce que nous sommes devenus. Est-ce que c'est ce que nous voulons?

Ce soir, nous avons présenté au gouvernement un amendement au projet de loi C-9 afin qu'il soit soumis à la Chambre des communes, qui, apparemment, selon la ministre, est tout à fait disposée à mettre le Sénat sur un pied d'égalité avec la Chambre des communes, non pas en raison de l'importance du dossier, mais en reconnaissance de l'importance du Sénat dans le système parlementaire.

La ministre nous a dit — et je me rends bien compte de sa position — que le leader parlementaire lui avait dit que, cette semaine, il y aurait deux journées d'opposition et que, par conséquent, la Chambre des Communes n'aurait pas le temps d'étudier l'amendement et qu'elle ne siégerait pas là la semaine prochaine. Ma réponse à cela, aussi naïve qu'elle puisse être, est pourquoi pas la semaine suivante ou la semaine d'après? Arrêtez de nous traiter de manière aussi cavalière. Ayez un peu plus de respect pour cet endroit. Pourquoi notre travail devrait-il être déterminé par les caprices d'une seule personne? C'est bien ce dont il s'agit ici.

Franchement, je suis affligé que nous en soyons réduits à cela. Jour après jour, nous suivons les sondages, nous consultons les médias, nous écoutons Mike Duffy. Ils nous disent où nous serons dans les jours à venir. Pourquoi ne pouvons-nous pas déterminer nous-mêmes notre propre calendrier? Pourquoi ne pouvons-nous pas dire: «Un instant, le Sénat du Canada a du travail à faire et il veut pouvoir le faire correctement, sans obstruction.» Dieu sait que, de ce côté-ci, nous n'avons pas fait d'obstruction depuis que je suis leader de l'opposition.

En cette qualité, je demande que le rôle du Sénat soit reconnu. Je crains que ce que nous avons entendu ce soir ait grandement diminué ce rôle et je ne veux certes pas y être associé.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je souscris pleinement aux propos du leader de l'opposition. Le Sénat est la Chambre d'examen. Notre tâche consiste à examiner les projets de loi. Toutefois, nous devons également, au nom de la population du Canada, examiner les projets de loi qui sont importants pour son bien-être. Nous devons tenir compte de facteurs comme les événements extérieurs et les pressions exercées par le temps et les préoccupations.

Honorables sénateurs, rien de ce que nous faisons n'est facile. Nous avons des responsabilités qui sont parfois extrêmement difficiles à assumer. Je demande aux sénateurs d'admettre que les projets de loi C-3, C-9 et C-30 sont des mesures très importantes, pas seulement pour le gouvernement du Canada, mais aussi pour les Canadiens. Dans le cas du projet de loi C-9, il est également important pour les millions d'Africains qui méritent de profiter des avantages de cette mesure et qui en ont extrêmement besoin. Je demande aux sénateurs de tenir compte de tous ces facteurs au fur et à mesure de la poursuite du programme législatif.

Son Honneur le Président: Suite du débat. C'est au tour du projet de loi du sénateur Corbin.

Le sénateur Corbin: Je prendrai la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi si personne d'autre ne souhaite prendre la parole maintenant.

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, au nom du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

[Français]

PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2004

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pierrette Ringuette propose: Que le projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 23 mars 2004, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-30, Loi d'exécution du budget de 2004.

Avant de discuter des mesures particulières contenues dans ce projet de loi, j'estime qu'il serait utile de prendre du recul et de considérer ce budget dans un plus vaste contexte stratégique.

Lors du discours du Trône prononcé en février 2004, le gouvernement du Canada a mis de l'avant un ambitieux programme visant à hausser le niveau et la qualité de vie de l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens.

[Traduction]

Ce nouveau programme découle du principe voulant que le gouvernement vive selon ses moyens. Il porte sur les ressources dont le gouvernement dispose pour mieux outiller les Canadiens et d'améliorer leur bien-être en adoptant de nouvelles mesures décisives dans des domaines clés comme les collectivités, l'apprentissage, les soins de santé et l'innovation.

Le budget de 2004 a mis en place d'importantes mesures à l'appui de ce programme national essentiel. Au cœur du budget de 2004 figure la constatation que, pour atteindre l'objectif fondamental d'améliorer la vie de tous les Canadiens, nos politiques sociale et économique doivent se renforcer mutuellement. Élément central de ce budget, ces politiques doivent également s'appuyer sur la prudence, plus précisément sur un budget équilibré — en d'autres mots, sur un gouvernement qui vit selon ses moyens.

À ce chapitre, le budget de 2004 s'inspire d'une prudente planification financière qui a été la marque de l'économie canadienne au cours des dernières années. Durant l'exercice financier 2003-2004, le gouvernement enregistrera son septième excédent consécutif, le Canada étant le seul pays du G7 à ne pas encourir un déficit. Nous sommes parvenus à ce résultat en dépit d'une série de catastrophes économiques, notamment le SRAS et l'ESB, qui ont frappé l'économie canadienne l'année dernière. Ce résultat montre bien pourquoi le budget continue de prévoir une réserve annuelle pour éventualités de trois milliards de dollars et de reconstituer une marge additionnelle de prudence pour 2004-2005 et 2005-2006. Nous pourrons ainsi rester prêts à faire face aux imprévus en toute confiance au plan financier. Autre aspect tout aussi important, si la réserve pour éventualités n'était pas nécessaire pour absorber tout choc financier inattendu dans l'avenir, elle serait affectée directement à la réduction de la dette.

J'invite les honorables sénateurs à garder à l'esprit que cette technique a aidé le gouvernement à réduire la dette nationale de 52 milliards de dollars depuis qu'il a équilibré son budget, en 1997- 1998, ce qui a permis des économies permanentes annuelles de trois milliards de dollars en frais d'intérêt. Voilà autant d'argent dégagé qui a pu être investi en soins de santé, en infrastructure et dans d'autres importantes priorités nationales. Voilà pourquoi le budget de 2004 vise à accroître la réduction de la dette en fixant comme objectif un abaissement de celle-ci à 25 p. 100 du PIB en dix ans.

Il ne s'agit pas d'un objectif comptable abstrait. Son atteinte se traduira par des avantages réels dans l'avenir pour tous les Canadiens, parce qu'un meilleur positionnement financier aujourd'hui nous assure de mieux répondre aux besoins de demain. C'est plus important que jamais si nous voulons relever les défis financiers d'une population grisonnante, dont une plus faible partie sera en âge de travailler pour financer les programmes sociaux, pendant qu'un plus grand nombre d'aînés pèsera de plus en plus lourd sur ces programmes.

Honorables sénateurs, revenons au présent, au projet de loi C-30 à l'étude aujourd'hui et aux mesures précises qu'il propose et qui correspondent aux priorités du Canada, soit les communautés, les soins de santé, l'apprentissage et l'environnement.

Commençons par la déduction intégrale de la taxe sur les produits et services accordée à toutes les municipalités et le remboursement de la partie fédérale des taxes de vente harmonisées. Permettez-moi d'expliquer pourquoi cette mesure est nécessaire. Comme nous le savons, les communautés canadiennes forment la fondation sociale et économique de notre pays. Peu importe leur taille, les communautés où les Canadiens choisissent de vivre ont une grande incidence sur la qualité de leur vie et sur les possibilités sociales et économiques qui s'offrent à eux.

(2220)

Les leaders municipaux ont fait ressortir les défis financiers qu'ils doiovent relever pour maintenir et accroître leur force économique et sociale. Ils ont tous désigné les infrastructures comme étant leur grande priorité. Toutefois, les obstacles que les municipalités doivent surmonter vont bien au-delà des infrastructures physiques. Des contraintes s'appliquent également aux programmes et services sociaux qui aident les Canadiens à participer à la vie de leur communauté, à se trouver un emploi et à exploiter toutes les possibilités autour d'eux.

De toute évidence, les municipalités subissent d'énormes pressions pour maintenir et renouveler leurs infrastructures et veiller à ce que leurs habitants aient accès aux programmes sociaux dont ils ont besoin. Tous reconnaissent cependant que les impôts sur la propriété foncière, la principale source de recettes des municipalités, ne peuvent suffire à financer tout cela. Reconnaissant ces défis, le gouvernement fédéral est résolu à élaborer une nouvelle entente pour les collectivités. La nouvelle entente sous-tendra un effort soutenu et à long terme visant à rehausser le niveau et qualité de vie des Canadiens vivant dans des villes et collectivités de toutes tailles.

La nouvelle entente du gouvernement pour les collectivités vise à garantir que les municipalités du Canada disposent d'un financement à long terme fiable et prévisible en oeuvrant de concert avec les gouvernements et municipalités provinciaux et territoriaux; à prodiguer un soutien des programmes plus efficace pour des infrastructures dont le besoin est pressant et des priorités sociales dans les collectivités; à aider les collectivités à acquérir les meilleurs instruments pour rechercher des solutions locales à des problèmes locaux; enfin, à donner aux municipalités une plus grande voix au chapitre dans le façonnement des politiques et programmes fédéraux qui ont des incidences sur elles.

Le budget de 2004 franchit des étapes initiales importantes en vue de l'élaboration de cette nouvelle entente. Le remboursement intégral de la TPS et du volet fédéral de la taxe de vente harmonisée payée par les municipalités d'un bout à l'autre du Canada pour la mise en place d'infrastructures municipales et les services communautaires sera accordé, avec effet à compter du 1er février 2004. Le projet de loi C-30 comprend également une modification dont le but est de faciliter une transition harmonieuse vers le remboursement intégral, de protéger l'intégrité du système fiscal et d'accroître la transparence.

Cette mesure d'allégement fait progresser les objectifs de la nouvelle entente de trois façons. Premièrement, le remboursement plus élevé représente une source supplémentaire de financement croissant, fiable et à long terme en faveur de toutes les municipalités. Deuxièmement, l'accroissement du remboursement profite aux municipalités de toutes tailles partout au Canada; troisièmement, cette mesure contribue grandement au financement de priorités cruciales en matière d'infrastructures comme les routes, des transports en commun modernes et l'eau potable. Cet accroissement du remboursement procurera aux municipalités un montant estimatif de sept milliards de dollars sous forme de recettes supplémentaires au cours des dix prochaines années. Je répète, sept milliards de dollars au cours des dix prochaines années, dont 100 millions de dollars pour deux mois de l'exercice 2003-2004, 580 millions de dollars en 2004-2005 et 605 millions de dollars en 2005- 2006. Cela, honorables sénateurs, c'est de l'argent réel pour des besoins réels en temps réel.

Ensuite, le budget de 2004 reconnaît que des investissements dans l'apprentissage sont également fondamentaux pour la vigueur de l'économie. Nous reconnaissons tous, j'en suis persuadée, que l'apprentissage produit une population active qualifiée pour répondre aux exigences d'une économie croissante et favorise des progrès dans le domaine du savoir, ainsi que la mise au point de nouvelles technologies, de nouveaux produits et de procédés de production améliorés. Ceux-ci, à leur tour, accroissent la productivité, favorisent de la croissance économique et augmentent notre compétitivité internationale. Pour créer, trouver et conserver de bons emplois dans l'économie du savoir, les Canadiens devront de plus en plus rechercher les possibilités d'apprentissage, à la fois pendant leur jeunesse et à titre d'adultes au travail, plus tard dans leur vie.

Le gouvernement fédéral reconnaît que l'aide à l'apprentissage commence dès la naissance d'un enfant et se poursuit bien après qu'il ait atteint l'âge adulte. Au cours des ans, le gouvernement a développé, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, un programme ambitieux à l'appui des enfants canadiens. Le budget de 2004 fait suite à cet engagement en accroissant notamment les mesures d'aide au développement de la petite enfance et à l'apprentissage des jeunes enfants. Cet engagement national fait partie à la fois de l'Accord sur le développement de la petite enfance signé par les premiers ministres en 2000 et du le Cadre multilatéral de 2003 pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants auquel ont souscrit les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des services sociaux.

Le projet de loi C-30 accélère la mise en oeuvre de ce cadre de travail en accroissant les transferts de fonds aux provinces et aux territoires dans le cadre du nouveau Transfert social canadien au cours des deux prochains exercices financiers, pour un total de 150 millions de dollars. Cela représente une augmentationde 75 millions de dollars par année, pour l'exercice en cours et le prochain, et porte le financement total au chapitre de l'apprentissage et de la garde de jeunes enfants à 375 millions de dollars pour ces deux années. Ces ressources pourraient permettre la création de jusqu'à 48 000 nouvelles places en garderie ou jusqu'à 70 000 places complètement subventionnées pour les enfants de familles à faible revenu.

Un autre des principaux éléments du nouveau programme du gouvernement et du budget pour 2004 vise le renforcement du régime public de soins de santé. Comme les sénateurs le savent bien, le premier ministre a confirmé en janvier que les provinces recevraient deux milliards de dollars de plus pour la santé, ce qui porterait à 36,8 milliards de dollars le financement accordé par le gouvernement fédéral à l'appui de l'accord conclu par les premiers ministres en 2003 sur le renouvellement des soins de santé. Des événements comme l'épidémie de SRAS qui a sévi l'an dernier soulignent l'importance de prendre des mesures concrètes pour réparer les failles dans notre régime public de soins de santé. Le budget répond à ce besoin en prévoyant des fonds pour améliorer la capacité du Canada de faire face aux urgences en matière de santé publique et apporter une solution aux problèmes immédiats.

Plus précisément, le projet de loi C-30 autorise le versement dans une fiducie d'une somme de 400 millions de dollars qui sera versée aux provinces et aux territoires sur une période de trois ans. De ce montant, 300 millions de dollars sont affectés à une stratégie nationale d'immunisation. Ces nouvelles sommes s'ajouteront aux 45 millions de dollars sur cinq ans prévus dans le budget de 2003 au chapitre de l'immunisation. Ces 300 millions de dollars permettront de faciliter l'adoption de nouveaux vaccins pour les enfants et les adolescents proposés par le comité consultatif national de l'immunisation dans le but de combattre certaines maladies comme la varicelle, la méningite, la pneumonie et la coqueluche.

Les 100 millions de dollars restants régleront une partie des problèmes éprouvés par les systèmes de santé publique des provinces et des territoires durant l'épidémie de SRAS. Ils aideront par ailleurs les provinces et les territoires à mieux répondre à leurs besoins en matière de santé publique en contribuant au financement des activités de première ligne, des programmes visant spécifiquement la protection de la santé et la prévention des maladies, des systèmes d'information, des laboratoires, de la formation du personnel et de la capacité d'intervention d'urgence. De même, des mesures ont été prises dans le budget pour que le régime public de soins de santé du Canada dispose des systèmes informatiques nécessaires pour faire face à toute épidémie future menaçant la santé publique.

En vertu du projet de loi C-30, la somme de 100 millions de dollars peut être payée et affectée à l'usage de Inforoute Santé du Canada Inc. pour permettre aux provinces et aux territoires d'investir dans des logiciels et du matériel informatique, afin d'évaluer, concevoir et mettre en place un système perfectionné de surveillance de la santé publique en temps réel qui mette l'accent sur la surveillance des maladies infectieuses. Grâce aux mesures du projet de loi C-30, les capacités et la surveillance en matière de soins de santé seront améliorées, de même que le diagnostic et la rapidité à donner des soins, l'échange de renseignements, la formation du personnel et la collaboration entre les différentes administrations.

Le projet de loi C-30 prévoit en outre une aide à la formation du personnel dans le secteur de la santé grâce aux transferts effectués dans le cadre du programme de péréquation. Depuis sa création en 1957, le programme de péréquation du Canada a joué un rôle important dans la définition de la fédération canadienne.

(2230)

Les provinces de la fédération ne sont pas toutes également prospères. Le gouvernement verse des paiements de péréquation aux provinces les moins prospères afin que leur population ait accès à des services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables à celui des autres provinces. Les provinces qui reçoivent ces fonds s'en servent pour aider à financer les programmes dont elles assument la responsabilité première, notamment les soins de santé, l'éducation et les programmes sociaux.

On réexamine le programme et on le renouvelle tous les cinq ans afin de garantir l'intégrité de la formule sur laquelle sont fondés les paiements. Le projet de loi C-30 renouvelle le programme de péréquation pour cinq autres exercices, c'est-à-dire de 2004-2005 à 2008-2009. Dans le cadre de ce renouvellement, le projet de loi prévoit des modifications visant à assurer l'intégrité du programme et à améliorer son fonctionnement. Ces modifications garantiront des paiements de péréquation plus stables et prévisibles et des évaluations plus justes de la capacité et des assiettes fiscales. À la suite de ces changements, on prévoit qu'environ 1,5 milliard de dollars seront transférés aux provinces qui reçoivent des paiements de péréquation au cours des cinq prochaines années. De plus, d'année en année, les fluctuations dans les paiements de péréquation diminueront considérablement.

Le projet de loi comprend aussi des dispositions concernant les accords sur les ressources hauturières, accords qui permettent à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve de gérer et d'imposer les ressources énergétiques en haute mer comme si elles relevaient de leur compétence. La Nouvelle-Écosse recevra un paiement équivalant à peu près à ce qu'elle aurait reçu si la disposition concernant la péréquation compensatoire était entrée en vigueur en 2000-2001. Le projet de loi reporte la date limite à laquelle la province de Terre-Neuve-et-Labrador devra opter soit pour une formule générale établie en vertu du programme de péréquation, soit pour les avantages découlant de l'accord, selon ce qu'elle préfère.

Jusqu'à maintenant, j'ai surtout parlé des mesures budgétaires qui visent directement les gens et les institutions, mais le budget reconnaît aussi qu'un environnement pur et sûr est fondamental pour une société saine et une croissance économique durable. Le gouvernement reste déterminé à continuer de soutenir la mise au point et la commercialisation de technologies environnementales qui respectent la promesse d'améliorer l'efficience économique tout en contribuant à un environnement moins pollué et plus sain, par exemple, grâce à une utilisation plus efficiente de l'énergie. Ces technologies seront des éléments fondamentaux qui nous permettront d'atteindre nos objectifs environnementaux, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, afin de régler le problème des changements climatiques.

Pour favoriser une meilleure intendance de l'environnement dans l'avenir, le budget, par l'entremise du projet de loi C-30, prévoit un investissement de 200 millions de dollars dans la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable, ce qui porte le financement fédéral à un total de 550 millions de dollars. La fondation est un organisme indépendant du gouvernement, sans but lucratif, qui vise à favoriser la mise au point et à l'essai de technologies qui réduisent les gaz à effet de serre et améliorent la qualité de l'air.

Le projet de loi élargit le mandat de la fondation pour qu'elle appuie également des technologies d'assainissement de l'eau et du sol. La fondation pourra ainsi proposer des solutions d'innovation technologique en ce qui concerne des questions relatives au développement durable, comme les changements climatiques et l'assainissement de l'air, de l'eau et du sol.

Une autre mesure prévue dans le projet de loi s'appuie sur les efforts que fait actuellement le Canada pour commercialiser les découvertes issues de la recherche en améliorant l'accès au financement par capital de risque. En 2002, Financement agricole Canada a lancé un nouveau secteur d'activités, Investissement FAC, afin d'offrir un financement par capital de risque au secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire. S'appuyant sur l'investissement initial de l'an dernier, soit 20 millions de dollars sur deux ans, le budget affecte à FAC un montant supplémentaire de 20 millions de dollars sur deux ans pour qu'il offre un financement à risque à des entreprises agricoles et agroalimentaires prometteuses. Le projet de loi C-30 modifie la Loi sur Financement agricole Canada pour accroître la limite prévue par la Loi sur les paiements en capital, afin de permettre l'injection de capital dans FAC à l'avenir.

J'ai donné beaucoup d'explications, car ce projet de loi est important et il a une grande portée. Avant de conclure, je souligne que le projet de loi C-30 comprend également plusieurs autres mesures importantes pour les Canadiens. Il clarifie les règles régissant les cotisations des employeurs et les remboursements aux termes du RPC et réduit le fardeau administratif des employeurs. Lorsqu'un employeur restructure son entreprise, les employés sont parfois traités comme s'ils avaient changé d'employeur, même si leur emploi demeure le même. Dans ces cas, l'employeur doit faire des cotisations pour les mêmes employés une deuxième fois au cours de la même année. Dorénavant, aux termes du projet de loi C-30, les employeurs qui modifient la structure de leur entreprise n'auront pas à payer des cotisations deux fois pour les mêmes employés.

Pour réduire davantage le fardeau administratif des employeurs qui restructurent leur entreprise, le projet de loi modifie également les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi en ce qui concerne les cotisations à l'assurance-emploi en cas de restructuration d'une entreprise.

Une troisième mesure garantit que les personnes handicapées ne seront pas pénalisées lorsqu'elles décident de réintégrer le marché du travail. À l'heure actuelle, les personnes qui touchent des prestations d'invalidité du RPC et qui ont vu échouer leurs efforts en vue de réintégrer le marché du travail car elles sont redevenues incapables de travailler, sont tenues de présenter une nouvelle demande de prestations d'invalidité. Les délais et l'incertitude entourant la nécessité de présenter une nouvelle demande peuvent décourager des gens à réintégrer le marché du travail. Ce projet de loi prévoit le rétablissement des prestations d'invalidité des personnes qui ont cessé de les recevoir parce qu'elles ont recommencé à travailler, mais qui sont redevenues incapables de travailler dans les deux ans suivant la date de leur retour au travail.

Une quatrième mesure confère au gouverneur en conseil l'autorité d'établir le taux de cotisation à l'assurance-emploi pour 2005 dans le cas où une mesure législative établissant un nouveau mécanisme pour l'établissement des taux de cotisation ne pourrait pas être adoptée à temps pour l'établissement du taux de l'an prochain.

Enfin, en réponse à la décision de la Cour suprême du Canada, le projet de loi C-30 fixe un délai de prescription de dix ans pour le recouvrement d'une dette fiscale fédérale en vertu de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, de la Loi sur l'accise, de la Loi de 2001 sur l'accise, de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi de l'impôt sur le revenu à compter du 4 mars 2004. Le projet de loi prévoit aussi que les dettes fiscales impayées au 4 mars 2004 feront l'objet d'un nouveau délai de prescription de dix ans à partir de cette date et que les montants recouvrés avant le 4 mars 2004, mais après l'expiration d'un délai de prescription qui s'est appliqué au recouvrement de la dette, ne seront pas remboursés. Ces mesures empêcheront les payeurs tardifs d'obtenir un bénéfice inattendu.

Honorables sénateurs, il est évident que, par le truchement de ces mesures, le budget de 2004 propose une démarche essentielle, parfois visionnaire pour l'avenir, tout en maintenant l'engagement du gouvernement à l'égard d'une planification financière prudente et de l'équilibre budgétaire. Les mesures que contient le projet de loi C-30 aident les Canadiens à améliorer le bien-être de leur famille dans la mesure de nos moyens. Cet objectif sert assurément le but fondamental de cet endroit et du gouvernement dans son ensemble et c'est pour cela que je n'hésite aucunement à presser les sénateurs de l'adopter sans délai.

[Français]

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Est-ce que le sénateur Ringuette permettrait quelques questions?

Le sénateur Ringuette: Certainement.

Le sénateur Lynch-Staunton: L'honorable sénateur pourrait-elle nous expliquer la comptabilité du gouvernement? Si je comprends bien, il est question de l'année financière 2004-2005, mais dans ce projet de loi, 620 millions de dollars seraient attribués à l'année 2003-2004. Comment peut-elle expliquer ce qui me semble une contradiction? On nous demande d'approuver des montants pour l'année en cours, mais certains montants sont attribués à une année fiscale précédente.

(2240)

Ma deuxième question est à l'effet qu'un des points saillants de la présentation de l'honorable sénateur était le fait qu'un rabais de la TPS pour les municipalités entrait en vigueur le 1er février. Qu'est-ce qu'une municipalité dans le contexte d'un rabais? Est-ce que ce sont des grandes villes seulement ou des municipalités incorporées, des cantons, des régions ou des villages? Quelle est la formule?

Sur quelles dates sont basés les paiements? Un montant de 580 millions de dollars pour l'année civile sera retourné aux municipalités. Je voudrais savoir si, dans la petite municipalité que j'habite — le village n'est pas incorporé mais le canton l'est — des incorporations municipales de ce type seront aussi avantagées par ces rabais ou s'ils seront seulement réserves à de grandes villes et à des municipalités mieux connues que la mienne?

Le sénateur Ringuette: Je remercie le sénateur Lynch-Staunton de cette question. Le rabais de la TPS s'applique aux municipalités incorporées. Les incorporations de ces municipalités, de ces territoires géographiques sont de la responsabilité des provinces. Tout ce que le gouvernement fédéral a dit, c'est qu'il y avait déjà une portion de la TPS qui était remboursée à ces municipalités. Donc, si votre canton est incorporé, il reçoit déjà un crédit sur la TPS du pourcentage qu'il paie et maintenant le rabais s'appliquera sur la totalité de la TPS qu'il paie.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vais poser cette question au comité et aux témoins.

J'aurais une dernière question. Dans le cas de Canada Health Infoway, un montant de 100 millions de dollars sera crédité en paiement cette année, mais dans les livres du gouvernement ils seront crédités dans l'année fiscale précédente. D'un autre côté, 200 millions de dollars iront au Canada Foundation for Sustainable Development Technology, et seront crédités dans l'année où le paiement sera fait.

Deux paiements seront faits à deux organismes différents, plus ou moins en même temps, mais l'un sera débité — on n'a pas le terme comptable — dans l'année fiscale 2003-2004 et l'autre se fera plus ou moins en même temps en 2004-2005.

Qui décide quoi et pourquoi?

Le sénateur Ringuette: Honorables sénateurs, cette question soulève une spécificité technique sur le plan administratif qui sera mieux étudiée lors des audiences du comité.

[Traduction]

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'ai une question pour l'honorable sénateur. Comme madame le sénateur le sait, puisqu'elle est membre du Comité des finances nationales, le comité a entendu, au cours des dernières semaines, un certain nombre de ministres des Finances provinciaux venus à Ottawa témoigner au sujet de la formule de péréquation en vigueur. Elle sait que les ministres des Finances de la Saskatchewan, de Terre-Neuve et d'autres provinces se sont plaints du fait que la formule actuelle est inéquitable, qu'elle crée des difficultés, et qu'elle est punitive et injuste. Un certain nombre de témoins comparaissant devant le comité ont demandé qu'une norme nationale soit remise en vigueur pour donner aux provinces les mêmes possibilités afin qu'elles puissent se conformer au mandat de la Constitution du Canada pour lequel la formule de péréquation a été établie.

Les dix premières pages du projet de loi C-30 traitent de la péréquation. L'honorable sénateur peut-il me dire où se trouve, dans ces pages, la nécessité et l'obligation d'avoir une norme nationale pour équilibrer la formule de péréquation fiscale établie?

Le sénateur Ringuette: L'honorable sénateur siège également au Comité des finances nationales. Il sait certainement que le programme de péréquation est censé permettre d'offrir des niveaux de service comparables pour des niveaux d'imposition comparables. Trente-trois éléments se sont ajoutés au calcul de cette formule au cours des années. Ce programme existe depuis plus de 50 ans. Le poids de la tradition y joue un rôle important.

Je suis parfaitement au courant des différentes demandes formulées par certains ministres des finances provinciaux. Je rappelle aux honorables sénateurs que 48 réunions fédérales- provinciales des ministres des Finances ont eu lieu au cours des cinq dernières années sur cette question. Certaines provinces ont demandé que l'on modifie la formule afin qu'elle tienne compte non plus seulement de cinq provinces principales, mais de dix provinces. Je rappelle à l'honorable sénateur que, ayant demandé à l'un des ministres des Finances qui présentait son témoignage ce qu'il pensait de l'idée de ne pas modifier le montant du programme mais de demander aux provinces opposées à la formule d'établir elles-mêmes une formule qui conviendrait à toutes les provinces, il a répondu: «Merci bien, mais cela créerait trop de division.»

Le sénateur Oliver: Dans son intervention sur le contenu du projet de loi d'exécution du budget de 2004, madame le sénateur a fait mention de l'agriculture, question qui s'avère d'un intérêt particulier. Elle a notamment fait remarquer que l'année dernière, 20 millions de dollars ont été réservés à un fonds de capital de risque, au titre de nouvelles entreprises exaltantes dans le secteur agricole. Je me rappelle qu'elle a ajouté que le budget de cette année prévoyait 20 millions de dollars de plus au titre d'un fonds de capital de risque. Toutefois, elle n'a pas abordé l'article 28, qui est plus important et plus significatif, qui figure à la page 22 du projet de loi et qui prévoit que le gouvernement exercera davantage de contrôle en ce qui concerne la Loi sur financement agricole Canada.

Madame le sénateur aurait-elle l'amabilité d'expliquer ce qui se cache derrière la demande au Conseil du Trésor de verser à la Société du crédit agricole jusqu'à 1,25 milliard de dollars en tout?

Le sénateur Ringuette: Honorables sénateurs, c'est une demande technique. Comme l'honorable sénateur préside notre Comité permanent de l'agriculture et des forêts, je me ferai un devoir de lui fournir une réponse écrite à cette question.

(Sur la motion du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)

(2250)

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

LA NOMINATION DE MARIA BARRADOS AU POSTE DE PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE—
ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (nomination de la présidente de la Commission de la fonction publique), présenté au Sénat le 6 mai 2004.

L'honorable Lowell Murray propose: Que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, l'étude des précédents révèle que l'adoption du rapport par le Sénat entraînera l'approbation de la nomination de Mme Maria Barrados au poste de présidente de la Commission de la fonction publique. À titre d'information pour les honorables sénateurs, je signale qu'ils peuvent se procurer, auprès des pages, un compte rendu non révisé de la séance du comité qui a eu lieu mercredi soir dernier.

Cette séance s'est avérée fructueuse. Nous avons convié la candidate proposée, en l'occurrence Mme Barrados, qui est présidente intérimaire de la Commission de la fonction publique depuis novembre dernier. Le président du Conseil privé, M. Coderre, était également présent.

Les membres du comité ont profité de l'occasion pour poser certaines questions qui, même si elles n'étaient peut-être pas directement liées à cette motion, étaient importantes du point de vue du moral et de l'efficacité des employés de la fonction publique et, par conséquent, de la saine gestion de notre pays.

Le sénateur Lynch-Staunton a soulevé la question de la pertinence du projet de loi sur la dénonciation présenté par le gouvernement ou, je devrais plutôt dire, comme c'est l'avis de la majorité, de la non-pertinence de cette mesure législative. Bien que le sénateur ait discuté de la question avec le ministre, on peut affirmer sans hésiter que, bien que ce ne soit pas le cas pour certains projets de loi que nous étudions à l'heure actuelle, le gouvernement aura tout le temps du monde pour revoir le projet de loi ou revenir sur certaines décisions, puisqu'il est peu probable que le projet de loi progressera de façon significative avant la dissolution du Parlement, qui devrait avoir lieu bientôt.

Le sénateur Ringuette, le sénateur Lynch-Staunton et d'autres sénateurs ont abordé la question des zones de sélection nationales et de la nécessité d'éliminer les restrictions géographiques dans l'embauche à la fonction publique. D'autres sénateurs ont soulevé d'autres questions. Je prends des libertés, puisque j'ai soulevé une question auprès du ministre et de la fonctionnaire, Mme Boudrias, qui l'accompagnait.

Il semble y avoir une certaine confusion entourant l'annonce faite le jour de l'assermentation du gouvernement Martin, en novembre, relativement à des changements proposés aux responsabilités ministérielles en ce qui concerne la fonction publique. Un nouvel organisme de gestion des ressources humaines a été créé, qui transfère les responsabilités du Conseil du Trésor au président du Conseil privé. Ce changement semble être en cours; c'est du moins ce que M. Coderre et Mme Boudrias nous ont dit.

Il a également été annoncé, le jour de l'assermentation, que l'employeur de la fonction publique pour les services de négociation collective qui, jusqu'à maintenant et durant de longues années, avait été le Conseil du Trésor, serait maintenant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Lorsque je m'en suis informé, Mme Boudrias, a dit qu'aucune décision n'avait été prise à ce sujet et M. Coderre a déclaré qu'ils attendaient la fin de la présente ronde de négociations.

Je pensais que l'annonce faite le jour de l'assermentation établissait clairement les intentions du gouvernement. Je ne suis pas certain que ce soit le rôle d'une fonctionnaire accompagnant un ministre qui se présente devant un comité parlementaire de nous informer qu'une décision annoncée par le premier ministre n'est pas une décision. En tout cas, il est bien indulgent de dire qu'une partie de ces mesures est encore en chantier, et nous n'avons pas besoin d'être au courant de tous les ragots qui circulent en ville pour savoir que la confusion règne.

Je souligne simplement que le fait de perpétuer ce genre d'incertitude et de confusion dans un domaine aussi important que la responsabilité ministérielle ne peut qu'avoir un effet négatif, aussi bien sur le moral que sur la bonne gouvernance.

Durant le témoignage de Mme Barrados, l'un des points soulevés a été la fonction de vérification exercée par la commission. Cette question est extrêmement importante, particulièrement depuis que nous avons adopté, en octobre dernier, une mesure législative prévoyant une délégation accrue des responsabilités de la commission aux administrateurs généraux et à leurs subalternes. Sans fonction appropriée de vérification, la commission ne sera pas en mesure d'exercer la surveillance nécessaire pour déterminer les pouvoirs ainsi délégués sont employés à bon escient et si le principe du mérite, qui est fondamental, est parfaitement respecté.

Je me souviens qu'au moment où le comité examinait le projet de loi C-25, l'été et l'automne derniers, le président de la commission, M. Serson, nous a révélé dans son témoignage que la commission avait compté jusqu'à une centaine de vérificateurs, dix ans auparavant. Depuis, en raison de diverses réductions, de contraintes financières et de Dieu sait quoi, leur nombre avait chuté à sept ou huit. Mme Barrados nous a dit qu'elle était déterminée à doubler leur nombre rapidement. En conversant avec les sénateurs Oliver, Downe et Chaput au comité, elle a indiqué que la commission fonctionne suivant les risques. Lorsque des membres de la commission ou elle-même estiment qu'un ministère ou un organisme particulier présente un risque supérieur à la moyenne, ils y envoient des vérificateurs. Évidemment, elle peut, comme sanction ultime, reprendre les pouvoirs délégués et elle nous a rappelé que c'est ce qui avait été fait dans le cas du Commissariat à la protection de la vie privée et que, rappelons-nous, ces pouvoirs n'ont pas été rendus au commissariat dans les semaines et les mois après que nous ayons reçu des nouvelles fort désagréables sur son fonctionnement.

En ce qui concerne la question de supprimer les contraintes géographiques dans l'embauche, Mme Barrados a expliqué que c'est une affaire de technologie. La commission a besoin de technologie lui permettant de publiciser tous les postes dans l'ensemble du pays. À ses dires — je la paraphrase correctement, je crois —, la commission dispose de l'argent nécessaire, mais elle a dû se débattre pendant quatre mois devant Conseil du Trésor en vue de faire approuver les fins auxquelles elle entend consacrer cet argent.

Cela soulève à nouveau la question générale du processus budgétaire sous l'angle de ses incidences sur les fonctionnaires du Parlement, ou des fonctionnaires qui font rapport directement au Parlement et non à un ministre. C'est le cas de la vérificatrice générale et de la présidente de la Commission de la fonction publique; et de certains autres — peut-être le président de la Commission des droits de la personne, peut-être la commissaire aux langues officielles, peut-être la commissaire à la protection de la vie privée ou le commissaire à l'information. Nous connaissons leur identité.

Ces personnes ne devraient pas avoir à quémander au Conseil du Trésor l'approbation de leur budget. Il devrait exister un moyen par lequel les deux chambres du Parlement auraient une participation clé à ce processus. Ce sujet est revenu à la surface à maintes reprises pendant presque toutes les années que j'ai passées ici. Toutefois, je dois dire que si nous attendons que le présent gouvernement, ou tout gouvernement, indépendamment de son orientation politique, fournisse une réponse satisfaisante qui lui enlèvera une partie du pouvoir et en donnera davantage au Parlement, nous allons attendre à jamais. Il nous incombe de concevoir un processus sensé et efficace, et d'essayer de l'imposer au pouvoir exécutif du pays.

(2300)

Il y a eu une discussion sur la composition de la commission. La loi que nous avons adoptée en octobre prévoit la nomination d'un président à temps plein nommé pour un mandat de sept ans et d'au moins deux commissaires à temps partiel. La nomination de ces derniers ne sera pas assujettie à l'approbation du Parlement. Ces personnes seront nommées par simple décret, ce qui signifie qu'il risque d'y avoir des nominations partisanes ou d'autres nominations inappropriées à la commission. Il s'agit là d'un véritable problème.

Il y a deux points que j'aimerais aborder. Le sénateur Lynch- Staunton a fait remarquer que certaines des décisions devront être prises à l'unanimité des membres de la commission, et par conséquent, le vote de la présidence aura moins de poids que celui des deux autres commissaires, ce qui fait ressortir la nécessité de faire preuve de rigueur, de prudence et de sérieux au moment de recruter et de nommer les deux commissaires à temps partiel. La présidente nous a dit que le présent gouvernement s'était engagé à la consulter avant qu'on procède à des nominations par décret de ce genre, ce qui est bien en soi; toutefois il s'agit là d'un dossier qui mérite d'être suivi attentivement par le Sénat.

Il est également clair que nous en avons fini, du moins pour l'instant, avec le ballet continuel qui a cours depuis trop longtemps. L'intention visée par le Parlement était que le président et les membres de la commission obtiennent des mandats plutôt longs, soit dix ans en vertu de l'ancienne loi. Cela doit faire 20 ans qu'un président a rempli un mandat complet. En pratique, il s'agissait d'un ballet incessant de présidents et d'autres membres de la commission qui étaient choisis dans les rangs des hauts fonctionnaires et qui y retournaient ensuite. Ce n'est pas ainsi que la commission doit fonctionner. Je suis heureux de souligner que Mme Barrados a affirmé que, à son âge et dans sa situation, elle ne cherche pas un autre emploi. Elle sera heureuse de remplir au moins un mandat à titre de présidente de la commission.

En ce qui concerne les problèmes avec d'autres commissaires ou d'autres problèmes, elle a affirmé, et je citerai ces propos pour le bénéfice des honorables sénateurs:

J'estime qu'à ce point de ma carrière, étant donné mes convictions, si jamais j'avais l'impression d'être compromise de cette façon, je demanderais aux présidents des comités parlementaires de venir vous en parler.

C'est une assurance sérieuse de la part de la présidente que je suis heureux de faire inscrire au compte rendu.

Il a été fait indirectement allusion à une autre question. Elle concerne le fait que la commission ne possède qu'un pouvoir limité sur certains des organismes que le Parlement, dans sa sagesse, a soustrait, il y a quelques années, à notre supervision. Je ne parle pas seulement de Parcs Canada, mais également de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Ces organismes ne font plus partie du noyau principal de la fonction publique du Canada. La commission ne dispose sur eux que d'un pouvoir assez limité, particularité à laquelle le Sénat devrait prêter une certaine attention.

Honorables sénateurs, je crois pouvoir prendre la parole au nom du comité pour dire que Mme Barrados nous a fait à tous une excellente impression. Nous la connaissons depuis un certain temps. Elle travaillait auparavant pour le Bureau du vérificateur général. Il est clair qu'elle sait très bien en quoi consisteront ses responsabilités de présidente de la commission, et elle adhère très fermement — on pourrait même dire très ardemment — aux valeurs d'une fonction publique non partisane et fondée sur le mérite.

Je suis heureux, et je crois que les membres du comité le sont aussi, de recommander que le Sénat approuve sa nomination. J'espère que non seulement nous approuverons sa nomination, mais que nous la soutiendrons dans le travail important qu'elle accomplira au cours des prochains mois et des prochaines années.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): L'honorable sénateur acceptera-t-il de répondre à une ou deux questions pour nous éclairer?

Son Honneur le Président: Cela ne pose pas de problèmes, mais le temps accordé au sénateur Murray est écoulé.

Le sénateur Murray voudrait-il un peu plus de temps?

Le sénateur Murray: Oui.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: J'ai quelques brèves observations à faire, honorables sénateurs.

Après avoir entendu l'intervention du sénateur Murray et lu la transcription des délibérations du comité, on comprend que Mme Barrados appuie le principe du mérite et qu'elle considère qu'il est l'essence même d'une fonction publique professionnelle.

À l'instar de nombreux autres sénateurs, j'ai été sidéré par une chose que j'ai apprise. Cela ne m'était jamais venu à l'esprit lorsque nous examinions le projet de loi. La personne dont on nous demande ici d'approuver la nomination relève directement du Parlement, mais ses décisions peuvent être renversées par les autres commissaires à temps partiel désignés aux termes de la loi, comme j'ai pu le lire à la page 19 de la transcription. D'ailleurs, le sénateur Murray en citait, il y a quelques minutes seulement, un extrait où le sénateur Lynch-Staunton interrogeait Mme Barrados. Selon le sénateur Murray, comment les choses se passeront-elles, dans les faits, s'il y a deux membres à temps partiel? Nous avons eu une commission composée de trois membres. J'estime que le gouvernement devrait bouger rapidement pour nommer au moins deux membres à temps partiel en plus de la présidente. Les membres à temps partiel ont-il un vote complet ou un demi-vote? Y a-t-il une possibilité sérieuse que la commission soit nommée de façon partisane, par la nomination de membres à temps partiel qui l'emporteraient sur la commissaire de la fonction publique approuvée par le Parlement?

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, pour répondre à cette question, le mieux est sans doute de lire ce que Mme Barrados a dit de son pouvoir d'agir seule. Je crois pouvoir dire qu'il s'agit surtout de choses administratives. Et elle ajoute:

Toutes les orientations stratégiques en matière d'ententes de délégation, le genre de responsabilités que nous déléguons, la manière de définir l'activité politique dans le processus que nous mettons en place, les plans de vérification, toutes les questions de ce genre devront être soumises à la commission. Toutes les questions de réglementation devront être soumises à la commission.

J'en conclus, à partir de cette réponse qu'une décision prise sur ces questions nécessiterait le consensus de la commission. Il n'est nullement proposé que les commissaires à temps partiel ne disposent de rien de moins qu'un vote sur chacune de ces questions.

C'est sans doute une des raisons pour lesquelles la présidente a exigé d'être consultée pour le recrutement et la nomination des commissaires à temps partiel. C'est aussi pour cela que le gouvernement a accepté qu'elle soit consultée et que la présidente nous a donné l'assurance que, si jamais sa position était compromise dans le processus, elle communiquerait avec le président de l'un ou l'autre des comités parlementaires pour que ce dernier fasse rapport au Sénat de la situation.

(2310)

Le sénateur Kinsella: Mon autre question concerne l'expérience et, encore une fois, le sénateur Murray a bien fait ressortir ce point. Dans le passé, les sous-ministres ou les adjoints de ministres étaient nommés et, deux ou trois ans plus tard, ils retournaient dans un organisme ou un ministère responsable.

Cela peut-il toujours se produire avec les membres à temps partiel? Autrement dit, les personnes nommées viendraient de la fonction publique et, après un certain temps, réintégreraient la fonction publique.

Le sénateur Murray: Je ne vois pas ce qui pourrait empêcher cela, honorables sénateurs.

Le sénateur Kinsella: Voici ma dernière question: dans vos discussions avec Mme Barrados, celle-ci s'est-elle prononcée sur l'importance du projet de loi concernant la dénonciation, de manière générale? Ainsi, une des solutions pour un mécanisme de dénonciation efficace consisterait à faire en sorte que le commissaire chargé de protéger les dénonciateurs devienne un des commissaires de la Commission de la fonction publique. S'est-elle prononcée là-dessus?

Le sénateur Murray: Je puis dire avec certitude que cet aspect particulier n'a pas été abordé. Sauf erreur, je pense que les discussions concernant le projet de loi sur les dénonciateurs ont eu lieu lorsque M. Coderre a témoigné devant le comité.

Le sénateur Rompkey: Le vote!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Murray, avec l'appui du sénateur Spivak, propose que le rapport soit adopté maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, les sénateurs des deux côtés de cette enceinte et tout autre sénateur indépendant ici présent seraient-ils d'accord pour que tous les autres points à l'ordre du jour soient reportés à la prochaine séance du Sénat sans perdre leur place respective au Feuilleton?

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au 11 mai 2004, à 14 heures.)


Haut de page