Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 30

Le mercredi 2 février 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mercredi 2 février 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA NOUVELLE-ÉCOSSE

LA 24e ÉDITION DU TOURNOI ANNUEL DE BASKET-BALL COAL BOWL CLASSIC DE NEW WATERFORD

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, cette semaine au Cap-Breton, dans une localité minière de 7 000 habitants, a commencé la 24e édition du tournoi annuel Coal Bowl Classic.

Ce tournoi national de basket-ball de niveau secondaire se tient à New Waterford, en Nouvelle-Écosse, à l'école secondaire Breton Education Centre, qui accueille quelque 1 200 étudiants. Sous la houlette de la direction et du conseil d'administration, le tournoi Coal Bowl donne à près de 200 jeunes venant d'un peu partout au Canada une occasion unique de participer à des activités éducatives, sociales, culturelles et athlétiques. Par surcroît, plus de 500 étudiants, employés et bénévoles de la collectivité participent à son organisation et à son déroulement.

Honorables sénateurs, cette année, les équipes participantes viennent de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard, de l'Ontario et du Manitoba. Cet événement de prestige est véritablement canadien. Des excursions sur le thème de l'industrie minière historique de New Waterford sont prévues à l'intention des participants. De plus, des soirées dansantes, un concert, un banquet et des activités sociales sont inscrits au programme. Autre tour de force, toutes les équipes sont logées dans une aile de l'école — je suis convaincu que ce sera une grande fête. Les étudiants de 7e année sont chargés de décorer chaque salle pour créer une atmosphère accueillante à l'intention des équipes invitées.

L'élément éducatif principal est un ouvrage intitulé Cape Breton Island : A Select View, qui raconte l'histoire du Cap-Breton et fait une mention particulière de l'industrie minière du charbon. Cet automne, les participants recevront tous un exemplaire de ce livre. Pendant la semaine de tournoi, il y aura des jeux-questionnaires et les gagnants se verront décerner des prix lors de la cérémonie de clôture. Cet élément fournit, sur une région du Canada, des connaissances durables qui n'auraient pas été acquises autrement.

L'un des parents a bien résumé le tournoi en quelques mots : « Vous avez fait beaucoup pour donner la chance à nos jeunes de se faire une idée de la vie dans une autre région de notre pays, et l'occasion qui leur a été donnée de constater que les Néo-Écossais sont amicaux, enthousiastes et travailleurs les aidera beaucoup à s'accomplir en tant que citoyens canadiens. »

Honorables sénateurs, je suis convaincu que vous vous joindrez à moi pour féliciter les coprésidents de l'événement, Brian Spencer et Lorraine Sheppard, dont la direction avisée a permis à l'équipe de bénévoles de réaliser le tournoi de basket-ball du Coal Bowl Classic. Je les félicite de leurs efforts et je leur souhaite tout le succès possible.

LA LIBÉRATION D'AUSCHWITZ-BIRKENAU

LE 60eANNIVERSAIRE

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, le 27 janvier marquait le 60e anniversaire de la libération d'Auschwitz-Birkenau, le camp de concentration nazi situé en Pologne. C'est à cet endroit que plus d'un million de juifs ont été assassinés, de même que 75 000 Polonais, 20 000 Tsiganes, 10 000 prisonniers de guerre russes et des dizaines de milliers de personnes d'autres groupes qui étaient systématiquement éliminés. Le nom de ce camp est synonyme de génocide institutionnalisé sanctionné par l'État et de mort.

L'armée soviétique est entrée dans le camp en 1945 et elle y a trouvé 7 000 prisonniers décharnés. Quelques jours auparavant, les nazis avaient forcé l'évacuation de 67 000 prisonniers qui ont marché vers leur mort, en direction de camps situés plus à l'ouest. Les Soviétiques ont trouvé des bâtiments remplis de vêtements d'hommes et de femmes, ainsi que de chaussures et de lunettes. Ils ont aussi découvert 7,7 tonnes de cheveux humains qui contenaient des traces de Zyklon B, ce qui confirme qu'ils provenaient de la tête de cadavres.

Nous avons dit à juste titre : « Jamais plus! ». Nous ne permettrons plus que des populations entières soient ainsi détruites. Plus jamais le Canada ne fera ce qu'il a fait pendant les années 30 et 40 en fermant ses portes aux Juifs européens. Plus jamais nous ne ferons comme en 1939, lorsque le Canada, à l'instar d'autres nations de l'hémisphère occidental, a fait la sourde oreille aux appels des 900 Juifs européens du S.S. St. Louis, qui a été forcé de retourner en Europe, ce qui a coûté la vie à presque la moitié de ses passagers.

(1340)

Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a pris la parole devant l'Assemblée générale la semaine dernière lors d'une session spéciale marquant l'anniversaire de la libération des camps de la mort nazis. Il nous a rappelé à quel point notre « Jamais plus! » pouvait sonner faux. Il a déclaré :

Depuis l'Holocauste, il est arrivé plus d'une fois que le monde, à sa grande honte, n'ait pas su empêcher le génocide ou y mettre un terme — par exemple au Cambodge, au Rwanda et en ex-Yougoslavie.

Même aujourd'hui nous voyons des exemples horribles d'inhumanité dans diverses régions du monde.

Il ne faut surtout pas nier les événements ou se cantonner dans l'indifférence, comme tant de gens l'ont fait alors que les usines de mort nazies faisaient leur travail lugubre.

On peut lire sur une plaque à Auschwitz l'inscription suivante, une citation du philosophe Georges Santayana :

Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter.

Souvenons-nous de notre passé. Souvenons-nous d'Auschwitz, et aussi de Treblinka, de Dachau, de Bergen-Belsen, de Belzec, de Sobibor et de tous ces autres endroits.

Honorables sénateurs, nous avons la responsabilité de lever les yeux et de voir la réalité qui nous entoure aujourd'hui. Cette fois-ci, par contre, au lieu de nous tenir à l'écart, agissons.

LE SÉNAT

JEAN COCHRANE—HOMMAGE À L'OCCASION DE SON DÉPART À LA RETRAITE

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, tout nouveau sénateur découvre très tôt que cet endroit et nous, qui en avons la garde pour un temps, sommes extrêmement bien servis par les membres du personnel du Sénat dans l'exercice de leurs fonctions nombreuses et variées. Quelle que soit notre expérience antérieure, nous n'aurons jamais été suffisamment préparés à bénéficier des soins si méticuleux et généreux qu'ils nous prodiguent sans compter.

Ils nous accompagnent avec bienveillance dans notre apprentissage — un cheminement de plusieurs années — sans jamais nous donner l'impression que nous ne sommes pas à la hauteur, comme il peut nous arriver de ne pas l'être. Et, pour la plupart d'entre nous, les apprentissages les plus ardus et les plus périlleux ont trait à la procédure et aux précédents du Sénat. Dans ce domaine, nous avons perdu le mois dernier l'une de nos guides les plus fiables et les plus respectées en la personne de Jean Cochrane, greffière législative au service des Journaux du Sénat, qui a pris sa retraite après 33 ans de service sur la Colline du Parlement.

Au début de sa carrière au Sénat, Mme Cochrane a travaillé pour les bureaux de nos regrettés collègues Muriel Fergusson, Présidente du Sénat, et Paul Lucier, ainsi que pour Joan Neiman. En 1979, elle est passée à la Direction des Journaux du Sénat et y est rapidement devenue greffière législative.

Lorsque nous quittons cet endroit le soir, nous laissons derrière nous beaucoup de travail que d'autres doivent entreprendre et terminer, notamment à la Direction des Journaux du Sénat. Mme Cochrane et ses collègues travaillent souvent très tard dans la nuit pour mettre en forme les Journaux du Sénat, le compte rendu officiel, le Feuilleton et Feuilleton des avis ainsi que le document intitulé Progrès de la législation.

Avec le temps, elle est devenue une source de savoir et de conseils qu'elle a généreusement partagés non seulement avec les honorables sénateurs qui essaient encore de percer les mystères des usages et des précédents parlementaires, mais aussi avec le personnel de la Direction des comités et des services des débats, ainsi que les fonctionnaires de différents ministères désireux de suivre l'évolution des projets de loi au Sénat. Elle est devenue un maillon important de la mémoire institutionnelle du Sénat, aidant les greffiers du bureau à formuler leurs avis et à rédiger les motions et avis d'interpellation.

Comme chacun le sait, il s'agit ici d'un milieu merveilleusement collégial. Ceux qui y travaillent sont unis par leur loyauté et leur dévouement envers le Sénat. Tous sont fiers du professionnalisme de Jean Cochrane et apprécient sa gentillesse et son esprit de coopération. Nous et tous ceux qui ont servi à titre de sénateurs depuis une trentaine d'années savons que le profond sens des responsabilités de Jean Cochrane a contribué à assurer l'intégrité et le dynamisme du Sénat au sein de notre démocratie parlementaire. À l'occasion de sa retraite, nous lui offrons nos plus sincères remerciements et nous lui souhaitons la meilleure des chances.

Des voix : Bravo!

LES PRIX NATIONAUX D'EXCELLENCE 2005 DÉCERNÉS AUX AUTOCHTONES

FÉLICITATIONS À JOHN JOE SARK

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, a une histoire longue et célèbre. Sous le régime français, elle s'appelait l'Isle Saint-Jean. Après la conquête britannique en 1763, ce joyau de l'empire français du Nouveau Monde a été renommé en l'honneur du prince Édouard, le père de la reine Victoria.

Toutefois, bien avant l'arrivée des Britanniques et des Français, bien entendu, l'Île-du-Prince-Édouard était habitée par nos Autochtones, les Mi'kmaqs algonquins, qui connaissaient l'île sous le nom d'Epekwitk ou Abegweit, ce qui signifie « terre bercée par les vagues ».

À titre de conquérants européens, nous avons fait de notre mieux pour bafouer les Mi'kmaqs, ainsi que leur culture et leur mode de vie vieux de plusieurs siècles. Nous leur avons nié les droits reliés à la citoyenneté. Nous avons pratiquement exterminé le morse, le caribou et l'ours dont ils dépendaient pour se nourrir et se vêtir. Nous les avons ensuite regroupés dans des réserves et nous avons mis leurs enfants dans des pensionnats où on leur interdisait de parler leur propre langue et où beaucoup ont été victimes de mauvais traitements et ont ressenti un sentiment d'aliénation.

C'est un chapitre tragique et honteux dans notre histoire nationale, honorables sénateurs, mais je peux vous dire qu'un génocide culturel n'est jamais facile à raconter. À l'Île-du-Prince- Édouard, la population mi'kmaq lutte pour surmonter les préjugés et, du même coup, la marginalisation économique.

Cependant, il y a maintenant une confiance croissante chez les jeunes Autochtones, surtout à notre époque, où l'on redécouvre les traditions du passé et retrouve de nouvelles forces. Au centre de ce réveil culturel et spirituel, il y a notamment un homme vraiment remarquable et héroïque. La plupart des gens de l'île connaissent John Joe Sark de nom et de réputation. Ce keptin élu du grand conseil mi'kmaq a passé toute sa vie à travailler pour redresser les torts historiques et rendre justice à son peuple. John Joe est un militant, un éducateur et un leader spirituel.

Le premier Mi'kmaq à sortir de l'Université de l'Île-du-Prince- Édouard avec un diplôme en 1979, il a confronté courageusement les gouvernements et les pouvoirs établis, y compris l'Église catholique, ce qui lui a coûté beaucoup sur le plan personnel, afin de défendre les droits juridiques, constitutionnels et culturels de son peuple. Dans une entrevue qu'il a accordée au magazine National Geographic il y a plusieurs années, M. Sark a expliqué sa mission. Il a dit alors :

Pour obtenir la confiance dont nous avons besoin pour améliorer nos vies, nous devons devenir fiers de nous-mêmes en découvrant qui nous sommes et qui nous étions.

Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de plaisir que je vous informe que, plus tôt aujourd'hui, on a annoncé ici, à Ottawa, que John Joe Sark avait été choisi comme l'un des 14 récipiendaires des Prix nationaux d'excellence décernés aux Autochtones. Ce prix est l'un des plus grands honneurs que la collectivité autochtone peut accorder à ses propres membres. Je sais que vous allez vous joindre à moi pour le féliciter ainsi que les autres récipiendaires de tout le pays pour leur travail désintéressé et remarquable.

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

L'ENTENTE SUR LES RECETTES PÉTROLIÈRES EXTRACÔTIÈRES

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour annoncer le début d'une ère nouvelle passionnante pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador et sa population.

Vendredi soir dernier, le premier ministre Danny Williams a conclu, avec le gouvernement du Canada, une entente de principe sur les recettes tirées des ressources extracôtières. Évaluée à 2,6 milliards de dollars sur les huit années à venir, l'entente marque le début de l'ascension de la province au rang des provinces riches.

Le premier ministre Williams a le mieux résumé la situation en disant :

Nos efforts visant l'obtention d'une meilleure entente sur l'accord atlantique ne se résumaient pas à la question financière. C'était aussi une question d'intégrité, de dignité, d'honneur et de fierté.

C'est en outre l'occasion pour nous d'échapper aux stéréotypes et aux modèles de notre passé. Comme l'a aussi dit le premier ministre Williams :

C'est un tournant dans l'histoire de Terre-Neuve-et- Labrador. Nous amorçons aujourd'hui la marche vers l'autosuffisance et la prospérité.

En effet, nous prenons enfin la place qui nous revient dans la fédération canadienne; nous devenons les maîtres de notre destinée. Qui mieux est, notre prochaine autosuffisance profitera à tous les Canadiens.

Pour ma province, cette entente nous permet d'espérer et d'entrevoir l'avenir avec optimisme. Elle nous permet de tourner la page sur notre passé et d'espérer en un avenir meilleur où nos jeunes n'auront plus à se déraciner pour survivre.

Honorables sénateurs, cette entente témoigne de la sagesse du gouvernement du Canada et de celui de Terre-Neuve-et-Labrador. Faisant suite à un engagement pris durant la campagne, l'entente est le produit d'impressionnantes relations fédérales-provinciales. Elle est à l'origine d'une relation nouvellement renforcée et productive qui transcende les partis politiques, les régions et les styles de leadership. Cela, à mon avis, est en soi un aboutissement incroyable.

Je félicite tous les intéressés — mais surtout le premier ministre du Canada, le premier ministre Williams, le ministre des Finances Loyola Sullivan, le chef de l'opposition, Stephen Harper, et les députés fédéraux conservateurs — de leur excellent travail. Cette victoire, ils la doivent strictement à leur détermination sans limites et à leur engagement inébranlable envers Terre-Neuve-et-Labrador et ses habitants.

(1350)

Honorables sénateurs, une ère nouvelle s'ouvre pour ma province, grâce à la détermination de nos dirigeants. J'espère que ce n'est que le début de la prospérité pour Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai confiance.

LE DÉCÈS DE LATHAM B. JENSON, O.C.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage au regretté commandant Latham B. Jenson, de Queensland, en Nouvelle- Écosse, que ses collègues de la Marine et ses nombreux amis appelaient affectueusement Yogi. Lorsqu'il a fait le grand saut, le 29 décembre dernier, le commandant Jenson a laissé derrière lui un splendide héritage, car il a bien servi le Canada.

Le commandant, qui est né à Calgary, était captivé par la mer et l'idée d'une carrière dans la Marine. Il s'est donc enrôlé en 1939, à 18 ans. Il a servi sur les navires de Sa Majesté Renown, Matabele et Hood. Le 13 septembre 1942, Jenson, alors sous-lieutenant et âgé de 21 ans, était officier d'artillerie navale et officier des transmissions à bord du NCSM Ottawa. Le navire a été torpillé et coulé tandis qu'il escortait un convoi dans l'Atlantique Nord. Lui et 68 de ses compagnons ont été secourus par une corvette britannique après avoir passé cinq heures dans l'eau. Malheureusement, 138 hommes et officiers ont perdu la vie. Jenson a ensuite servi à bord des NCSM Niagara, Long Branch et Algonquin. Ce dernier navire a d'ailleurs été le premier à bombarder les défenses de Juno Beach, en Normandie, le 6 juin 1944. Après la guerre, Jenson a enseigné à l'Université Royal Roads, où il a eu des élèves qui sont devenus amiraux et officiers supérieurs de la marine. Plus tard, il a commandé les NCSM Crusader, Micmac et Fort Erie, ainsi que le 7e groupe d'escorteurs.

En 1964, il a pris sa retraite de la marine, il a jeté l'ancre et il s'est installé à Queensland. Il a mis à profit ses superbes talents d'artiste et d'auteur. Parmi les sept livres qu'il a fait paraître, signalons Vanishing Halifax, Nova Scotia Sketchbook, Fishermen of Nova Scotia, l'autobiographie Tin Hats, Oilskins and Seaboots, ainsi que l'ouvrage à tirage limité intitulé Last of the Tall Schooners. Son livre intitulé Saga of the Great Fishing Schooners est le grand ouvrage de référence lorsqu'il s'agit de gréer une goélette, et c'est un guide pour les modélistes qui voudraient construire un modèle réduit du Bluenose II. Jenson a illustré neuf autres livres.

Quand il était vice-président bénévole de la Heritage Trust of Nova Scotia, Yogi Jenson n'a pas cessé de militer, avec succès, pour mettre fin à la démolition de bâtiments historiques au bord de l'eau à Halifax. Pendant qu'il se dévouait à la communauté à titre de président du conseil consultatif pour le Musée maritime de l'Atlantique, il a organisé l'acquisition du NCSM Sackville, la dernière corvette de la Seconde Guerre mondiale, afin de rendre hommage aux soldats qui ont remporté la bataille de l'Atlantique.

En 2004, le commandant Jenson s'est vu octroyer l'Ordre du Canada en reconnaissance de son courage et de son héroïsme, en temps de guerre comme en temps de paix.

Nous offrons nos plus sincères condoléances à l'épouse du commandant Jenson, Alma, à sa fille Sarah et à ses fils, Lynn et Tom. Nous les remercions d'avoir partagé ce courageux marin, artiste, auteur et bénévole avec nous.

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de notre greffière législative à la retraite, Jean Cochrane.

Je vous souhaite la bienvenue.

Des voix : Bravo!


AFFAIRE COURANTES

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger à 15 h 15, le mardi 8 février 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE MARIAGE ENTRE CONJOINTS DE MÊME SEXE—LE RÔLE DE L'ÉGLISE—LES PROPOS DU MINISTRE

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat. Le leader approuve-t-il la doctrine novatrice, voire nouvelle, de la séparation de l'Église et de l'État, récemment prônée par le ministre des Affaires étrangères?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'attendais une question du genre de la part du sénateur St. Germain. J'ai reçu avis d'une question à ce sujet hier. J'ai pris connaissance des nouvelles dans les médias et je me suis entretenu avec le ministre.

La question que m'adresse le sénateur St. Germain reprend une expression contenue dans la manchette d'un article publié dans la Gazette du 1er février 2005 et qui se lit ainsi : « Le mariage est antérieur au gouvernement, réplique-t-on au ministre qui avait conseillé aux Églises de ne pas s'en mêler. » Le ministre Pettigrew n'a jamais employé l'expression « ne pas s'en mêler ». On y attribue les propos suivants à Mary Ellen Douglas, présidente de la Coalition nationale pour la vie : « Son affirmation selon laquelle les Églises ne devraient pas s'en mêler est odieuse. » L'auteur de la manchette a fait là une allusion, bien involontaire, j'en suis sûr. La presse commet rarement ce genre d'erreur, cela va de soi.

Le ministre Pettigrew a dit :

À mon avis, la séparation de l'Église et de l'État est l'une des inventions les plus merveilleuses des temps modernes.

Et il a poursuivi ainsi :

J'ai vu que beaucoup de journaux de droite, y compris certains commentateurs, ont ajouté toutes sortes de commentaires à ce sujet. Ce que j'ai dit, c'est que, à mon avis, la séparation de l'Église et de l'État est une invention merveilleuse du modernisme. Elle nous permet de procéder à des mariages civils. Lorsque nous parlons de ce type de mariage, j'aimerais que chacun parle bien du mariage civil et veille à préciser dans ses interventions que nous parlons du mariage civil et non pas du mariage religieux.

Je fais remarquer que la société canadienne reconnaît clairement dans sa Constitution cette séparation de l'Église et de l'État, et la met en œuvre dans son système politique en la considérant comme l'un de ses fondements essentiels. Au Royaume-Uni, il existe une séparation de fait de l'Église et de l'État, même s'il reste quelques liens historiques avec l'Église anglicane. Aux États-Unis, la séparation de l'Église et de l'État est expressément inscrite dans la Constitution.

(1400)

C'est pourquoi je ne vois pas comment toute personne qui connaît le mode de fonctionnement de notre régime constitutionnel pourrait s'inscrire en faux contre les propos du ministre Pettigrew.

LA JUSTICE

LE MARIAGE ENTRE CONJOINTS DE MÊME SEXE—LA PARTICIPATION DE L'ÉGLISE—LES LIBERTÉS D'EXPRESSION ET DE RELIGION

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous sentons qu'un grand changement se prépare dans l'histoire de la démocratie canadienne. La doctrine de la séparation de l'Église et de l'État a un sens particulier dans le cadre de notre modèle de Westminster. De crainte que cette question ne soit trop théorique, je veux connaître, dans l'intérêt de tous les Canadiens, la position ou la politique du gouvernement du Canada lorsqu'un ministre prend la parole pour contester le droit — sous quelque prétexte que ce soit — à la liberté d'expression d'un dirigeant religieux ou de tout autre Canadien qui est opposé à une politique gouvernementale donnée à un moment donné. L'actuel gouvernement considère-t-il la liberté d'expression comme étant une question susceptible d'être limitée par ses caprices?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le gouvernement en place ne limite aucunement les droits des citoyens canadiens, quels qu'ils soient, de débattre des politiques publiques dans notre pays. Aucune autre interprétation ne devrait être possible et le ministre Pettigrew n'a aucunement limité la liberté d'expression.

Certaines personnes avancent l'argument très ténu selon lequel l'interprétation que fait la Cour suprême du Canada des droits de la personne aux termes de la Charte, mise en vigueur par le projet de loi C-38, qui a été déposé à la Chambre des communes hier, porte atteinte aux droits des Églises de déterminer qui sont ceux qui peuvent être mariés. Cela ne correspond aucunement à la vérité. Les Églises sont libres de déterminer selon leurs propres pratiques et convictions religieuses quelles personnes sont admissibles au mariage.

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, si l'honorable ministre est à ce point à l'aise dans sa position, comment expliquer que certaines Églises et institutions religieuses estiment que la liberté de religion est attaquée? Si le projet de loi C- 38 est à ce point une merveilleuse panacée, pourquoi avons-nous à justifier la liberté de religion dans notre pays? Le simple fait que nous ayons à la défendre montre bien qu'elle est attaquée. Pourquoi en ferions-nous ne serait-ce que mention? C'est parce que ces gens estiment que leur capacité d'agir en fonction de leurs croyances religieuses est attaquée.

Le ministre Pettigrew et d'autres peuvent bien faire fi des cardinaux, des juifs orthodoxes et des autres chefs religieux de ces diverses organisations, mais pourquoi le gouvernement se montre-t- il si cavalier? Je crois que la question, en ce qui a trait au projet de loi C-38, sera celle de la liberté de religion.

Nous faisons face à l'heure actuelle, à Port Coquitlam, à une situation touchant les Chevaliers de Colomb et il y a d'autres exemples dont je ne parlerai pas pendant la période des questions.

Les chefs religieux du pays ont tout lieu de s'inquiéter de la liberté d'expression et de la véritable liberté de religion telles que nous les connaissons dans ce pays. Le ministre ne perçoit-il d'aucune manière ce point de vue?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, la question ne se situe pas dans la liberté de pratiquer une religion et aucune religion n'est mise en péril au Canada. Les gens qui adhèrent à une religion quelle qu'elle soit sont libres de la pratiquer dans le contexte de leurs institutions religieuses.

Le sénateur St. Germain : Aujourd'hui.

Le sénateur Austin : Là n'est pas la question. Il s'agit en fait du droit des Canadiens à l'égalité. Il est fort possible que certains chefs religieux s'opposent à l'idée du mariage civil. Il est fort possible qu'ils ne soient pas d'accord avec la Constitution du Canada ou qu'ils n'acceptent pas la Charte des droits. Quand ils prennent de telles positions, ils ne visent pas leur propre conviction religieuse. Ils visent ceux qui ne les appuient pas et ils s'efforcent de les assujettir aux croyances religieuses de la collectivité dont a parlé l'honorable sénateur. Ils peuvent ne pas reconnaître que c'est ce qu'ils font, mais la Charte, selon l'interprétation qu'en donne la Cour suprême du Canada, précise sans aucune équivoque que le mariage civil fait partie des droits des Canadiens. On ne contourne ni la Charte ni les droits qu'elle garantit à moins d'invoquer la Constitution. Il y a bien une disposition de dérogation dans la Constitution. Si le parti auquel appartient le sénateur St. Germain veut que l'on recoure à cette disposition, il s'agira alors d'un débat constitutionnel légitime et chacun peut présenter ses arguments.

Le sénateur St. Germain : Je n'ai jamais dit cela.

Le sénateur Austin : Autrement, entendons-nous pour dire clairement que la Charte des droits, comme l'interprète la Cour suprême du Canada, garantit à tous les Canadiens un droit égal au mariage civil.

Le sénateur St. Germain : Je n'ai fait aucune mention de la disposition de dérogation. Ce n'est qu'une diversion, comme le signale le sénateur Kinsella, de la part du premier ministre Martin. Il y a tout juste un an, le premier ministre Martin déclarait clairement qu'il ne s'agissait pas d'une question de droits de la personne. C'est devenu très soudainement une question de droits de la personne après que certains incidents se soient produits au pays.

Ma préoccupation demeure tournée vers les gens qui refusent de célébrer des mariages homosexuels. Ils font l'objet de discrimination et, dans certaines provinces, on leur a dit de démissionner. Que fait le gouvernement à ce sujet? Il ne fait rien. Il reste les bras croisés et observe en spectateur alors que ces gens sont victimes d'une discrimination en raison de leurs croyances religieuses.

Si le ministre croit un seul instant qu'il va pouvoir embobiner le monde jusqu'à le convaincre que les organisations religieuses ne sont pas attaquées, je pense qu'il se tourne dans la mauvaise direction. Sa position est factice et je suis d'avis que les Canadiens ont le droit de connaître la vérité. Ils méritent de savoir que s'il faut que le projet de loi précise que la religion est protégée sous son régime, c'est de toute évidence parce qu'elle subit des attaques qu'illustrent divers exemples actuels, comme l'affaire des Chevaliers de Colomb de Port Coquitlam et d'autres incidents qui se sont déroulés devant les tribunaux. En Ontario, par exemple, un imprimeur, en plus de devoir verser une amende, a été forcé d'imprimer des textes contraires à ses croyances religieuses. Ces situations justifient certainement les vives inquiétudes de nos cardinaux et archevêques catholiques, tout comme des dirigeants des Églises évangélique et juive orthodoxe. Le ministre se trompe s'il pense pouvoir les écarter du revers de la main.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le sénateur St. Germain s'est exprimé avec vigueur et nous l'entendrons à nouveau quand le projet de loi nous aura été soumis. De notre côté, nous serions disposés à accélérer le débat en réalisant une étude préliminaire du projet de loi afin de pouvoir y travailler le plus tôt possible. Je constate que le sénateur St. Germain serait, pour le moins, favorable à cette proposition.

Le sénateur St. Germain : L'honorable leader veut seulement en finir avec cette question parce qu'il sait qu'elle le mènera à sa perte.

(1410)

Le sénateur Austin : Je voudrais bien que nous allions de l'avant. Si vos arguments sont justes, c'est-à-dire qu'il y a des dirigeants religieux qui se sentent menacés, il faut alors tenir un débat. Étudions les faits avec eux.

Le sénateur St. Germain : Pourquoi devrions-nous discuter de la liberté de religion? La liberté de religion fait partie des droits!

Le sénateur Austin : C'est exact. J'allais faire le même commentaire. La Cour suprême a précisé dans sa décision que la liberté de religion était également protégée par la Charte, tout comme le mariage civil.

Le sénateur n'est pas sans savoir que, pour ce qui est du mariage, les pouvoirs constitutionnels appartiennent au gouvernement fédéral. Par ailleurs, la célébration du mariage est de compétence provinciale. Si les provinces entravent d'une façon ou d'une autre la liberté de pratiquer une religion, ceux qui se sentent lésés devraient alors exiger qu'on respecte leurs droits constitutionnels. Le gouvernement fédéral part du principe que tous ont le droit de pratiquer leur religion. J'aimerais préciser très clairement, et je le répéterai souvent, que les croyances religieuses de tous les Canadiens, et la pratique de leur religion, sont respectées au pays. La Charte le permet. Les droits civils sont les mêmes pour tous.

Je ne sais pas si le sénateur St. Germain connaît l'opinion incidente bien connue du Pasteur Niemöller, figure marquante des années 30 dans l'Allemagne nazie. Après la guerre, il a dit :

En premier, ils vinrent pour les communistes, et je n'ai rien dit car je n'étais pas communiste. Ensuite ils vinrent pour les socialistes, et je n'ai rien dit car je n'étais pas socialiste. Ensuite ils vinrent pour les dirigeants syndicaux, et je n'ai rien dit car je n'étais pas un dirigeant syndical. Ensuite ils vinrent pour les juifs, et je n'ai rien dit, car je n'étais pas juif. Puis ils sont venus pour moi, et il ne restait plus personne pour protester en ma faveur.

Honorables sénateurs, les droits civils constituent l'essence même de notre pays. La Charte est l'essence de notre pays.

Le sénateur St. Germain : La liberté de religion est l'essence de notre pays. Ce sont les libéraux qui ont refusé l'entrée aux juifs en 1939.

Le sénateur Austin : A-t-on entendu les conservateurs manifester contre la décision prise par les libéraux à ce moment-là?

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire. Je suis heureux que le ministre ait réaffirmé très clairement la distinction entre la société civile et les religions. Il serait peut-être utile qu'on rappelle aux membres de cette enceinte, tout en tenant compte des préoccupations qui viennent d'être exprimées — et qui sont d'ailleurs partagées par de très nombreux Canadiens —, que ce Parlement a déjà bien établi la distinction entre la société civile et la société religieuse sur des questions d'éthique.

Par exemple, la religion catholique est contre le contrôle des naissances, contre l'avortement et contre le divorce, affirmant l'indissolubilité du mariage. Le Parlement a déjà légiféré sur ces trois questions en tant que porte-parole de la société civile et cela n'a jamais été perçu comme une attaque, de quelque façon que ce soit, contre la liberté des religions et des Canadiens qui partagent des croyances religieuses.

Il est très important de réaffirmer ces distinctions entre la société civile et la société religieuse et de témoigner, comme le projet de loi l'indique très clairement, du respect profond que le Parlement éprouve pour les religions. Il s'agit de questions civiles, d'une institution civile, donc de la prééminence de la Charte et de l'égalité de l'ensemble des citoyens.

[Traduction]

Le sénateur Austin : Je remercie le sénateur Rivest des propos qu'il vient d'ajouter dans le cadre de la période de questions. Pendant qu'il prenait la parole, je me suis rappelé les difficultés que les dirigeants de la société civile ont éprouvées au fil des ans pour faire cadrer leurs responsabilités civiles, en tant que politiques élus ou désignés, avec leurs convictions religieuses ou les convictions des institutions religieuses auxquelles ils appartiennent.

Sir Wilfrid Laurier a été le premier catholique parmi les premiers ministres élus au Canada. À l'époque, on débattait la question de savoir si l'Église devait se prononcer sur la conduite d'un politicien catholique. Aux États-Unis, en 1928, un candidat appelé Alfred E. Smith a probablement perdu ses élections contre Herbert Hoover parce qu'il était catholique. John Kennedy a pu renverser cette tendance en rejetant toute mainmise des autorités religieuses sur ses responsabilités politiques envers l'ensemble de son pays.

Ces enjeux sont difficiles, honorables sénateurs, mais, nous avons fait évoluer les choses au Canada. Aujourd'hui, personne ne se demande si le premier ministre est catholique ou protestant. C'est ainsi que la société devrait considérer la situation. Ce qui compte, c'est la qualité de la personne, et non ses convictions religieuses.

LA SANTÉ

LE PROCESSUS D'APPROBATION ET DE SURVEILLANCE DU VIOXX

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, j'ai appris que le Journal de l'Association médicale canadienne a vivement critiqué Santé Canada et la Food and Drug Administration, aux États-Unis, à propos du processus d'approbation et de la surveillance du Vioxx, un médicament contre l'arthrite qui a été retiré du marché. Dans un éditorial du journal, on demandait pourquoi Santé Canada a mis autant de temps à dévoiler ce qu'il savait au sujet des risques de maladies cardiovasculaires liés à ce médicament. L'éditorial disait également qu'en n'utilisant pas un système de surveillance active pour découvrir rapidement les réactions indésirables du médicament :

La FDA et Santé Canada ont échoué lamentablement dans l'exercice de cet aspect important de leur mandat auprès de la population.

Cette critique est-elle justifiée? Dans l'affirmative, quelle explication Santé Canada peut-il donner, en son nom et en celui de la FDA, pour avoir permis que cette situation se produise?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ignore si cette critique est justifiée. J'ignore si quelqu'un dans cette chambre peut émettre une opinion fondée sur les renseignements de fond qui sont disponibles. Cela m'amène à dire au sénateur Keon qu'il pourrait peut-être présenter une motion visant à traiter les questions qu'il pose. Un comité pourrait examiner ces questions.

LES TRANSPORTS

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE—L'EFFET DE LA CONGESTION DES COULOIRS COMMERCIAUX

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Selon Stephen Poloz, économiste en chef d'Exportation et développement Canada, la congestion du couloir commercial de Vancouver mine l'économie canadienne au point où il a réduit sa prévision de croissance économique pour 2005 de 3,2 p. 100 à 2,9 p. 100. De plus, Transports Canada estime que la congestion des artères commerciales coûte plus d'un milliard de dollars par année. Les camions, qui transportent plus de 70 p. 100 de la valeur des marchandises transitant par le port de Vancouver, mettent plus de temps à atteindre leur destination, ce qui augmente les coûts pour les entreprises et les consommateurs.

Dans un rapport sur la question du transport, le professeur Michael Goldberg, de l'Université de la Colombie-Britannique, pointe du doigt la pénurie systémique d'investissements dans les infrastructures, qui est selon lui la cause du problème. Il propose d'élargir à huit voies les principaux axes est-ouest et nord-sud qui partent de Vancouver.

Le programme d'infrastructures existe depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, en 1993. Selon ces personnes, les résultats ne sont pas au rendez-vous, et les perspectives économiques du Canada en souffrent. Le leader du gouvernement au Sénat a-t-il des explications à nous donner concernant cet échec?

(1420)

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur St. Germain d'avoir attiré notre attention sur ce problème très important qui nuit à l'économie de la Colombie-Britannique, de l'Ouest canadien et même de l'ensemble du pays

Si je comprends bien, le problème est qu'aucun planificateur, ni dans le secteur gouvernemental ni dans les secteurs des chemins de fer, des transports ou des ports, n'a prévu la croissance du trafic maritime entre l'Asie et le Canada, surtout entre la Chine et le Canada. Le trafic du port de Vancouver a pris le secteur des chemins de fer au dépourvu. En effet, le Canadien Pacifique Limitée a annoncé qu'il envisageait la possibilité d'investir plus de 500 millions de dollars afin de doubler les voies, de manière à permettre une réelle accélération du trafic en provenance des basses terres continentales, à travers toute la Colombie-Britannique et les Rocheuses. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada examine aussi les possibilités de développement du chemin de fer dans le port de Vancouver.

Le port n'a jamais été aussi achalandé. Le sénateur St. Germain parle des activités d'affaires qui pourraient être menées si on avait pris ces décisions stratégiques. Comme le sénateur St. Germain le sait, le port de Vancouver, comme d'autres ports au Canada, est un port indépendant en vertu de la Loi maritime du Canada. Ce fut d'ailleurs une politique que les deux côtés de la chambre ont défendue avec ardeur. Je peux affirmer que les autorités portuaires de Vancouver sont de meilleurs administrateurs que ne l'a été le ministère des Transports dans le passé. Il n'en demeure pas moins que le sous-investissement est une réalité et que nous avons besoin de nouvelles ressources financières. Les chemins de fer doivent agir plus rapidement.

En plus d'augmenter les capacités ferroviaires et routières, on doit élargir les corridors, ce qui nécessite le respect des délais des processus environnementaux prévus dans la loi. Que fait-on de l'immobilier résidentiel et commercial dans les collectivités établies? On l'exproprie? La question est difficile.

En vérité, comme l'indique le rapport de cet éminent économiste d'EDC, la croissance soutenue du PIB de la Chine, de 8,9 à 9 p. 100, entraîne une poussée du commerce dans le Pacifique, et la tendance se maintiendra. Nous devons réagir.

Enfin, le sénateur St. Germain et moi-même, qui venons de la Colombie-Britannique, examinons comment on pourrait développer le port de Prince Rupert, desservi par le CN, pour qu'il puisse accepter le trafic des conteneurs. Le secteur privé, prenant la forme d'un investisseur américain, du CN et du gouvernement de la Colombie-Britannique, a offert des capitaux additionnels pour l'expansion du port de Prince Rupert en vue de réduire de deux jours la durée du trajet vers le Midwest américain, là où se dirige une grande partie du trafic.

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, je ne peux qu'être d'accord avec le ministre pour dire qu'il était pratiquement impossible de prévoir la croissance. Il n'en demeure pas moins que celle-ci est bien réelle. La Colombie-Britannique, sous la gouverne de Gordon Campbell, fait un excellent travail en vue de faciliter les développements nécessaires.

En ce qui a trait au port de Prince Rupert, je pense que nous devrions envisager de trouver une façon d'en confier la responsabilité à la province, afin d'être mieux en mesure d'accélérer ce processus. Le temps de déplacement nécessaire pour se rendre à Chicago serait réduit de deux jours si cette installation portuaire était pleinement exploitée comme elle le devrait. Le gouvernement fédéral devrait envisager sérieusement d'inclure la province plus rapidement dans le processus.

Le sénateur est au courant qu'à certains moments le réseau routier de la vallée du bas Fraser en Colombie-Britannique est pratiquement saturé et que les coûts de transport sont très élevés, comme le professeur Goldberg, de l'Université de la Colombie- Britannique, l'a clairement expliqué.

Il est évident que nous avons besoin de fonds provenant du transfert de la taxe fédérale sur l'essence et ce, le plus tôt possible. Comme on l'a annoncé hier, une somme de deux milliards de dollars provenant de ce transfert sera consacrée à la cinquième année du pacte. Toutefois, selon John Godfrey, ministre d'État à l'Infrastructure et aux Collectivités, le montant transféré au cours des deux premières années du pacte de cinq ans sera relativement modeste. C'est ce que mentionne le Globe and Mail, dans un article portant sur l'application de la taxe sur l'essence à des projets importants. Il existe un besoin urgent d'avoir cet argent.

Même si le leader du gouvernement et moi avons eu des divergences d'opinion sur certaines questions dans le passé, je dois dire qu'il a fait preuve d'un grand leadership en Colombie- Britannique lorsqu'il occupait les fonctions de ministre, avant le gouvernement conservateur et au cours des dernières années du gouvernement Trudeau. Le moment est venu pour lui de briller de nouveau et de faire en sorte que ces fonds soient acheminés afin de soutenir l'infrastructure de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'ai été un fervent défenseur du nouveau pacte pour les municipalités, qui est l'une des priorités du gouvernement. Il s'agit d'une intervention dans un secteur qui relève exclusivement des provinces. Cependant, les provinces ont accueilli à bras ouverts l'aide du gouvernement fédéral dans le nouveau financement de l'infrastructure communautaire.

L'annonce faite hier, à laquelle l'honorable sénateur a fait référence, porte sur l'allocation aux municipalités de 5 milliards de dollars provenant de la taxe sur l'essence. Chaque province a été informée de la part qu'elle recevra, proportionnellement au nombre d'habitants. L'Île-du-Prince-Édouard et les territoires recevront un montant fixe étant donné leur faible population.

L'annonce a été faite avec l'approbation des intervenants. Elle découle d'une entente, et des dispositions législatives veilleront à ce que les fonds annoncés par le gouvernement et approuvés par les provinces, les municipalités et les collectivités soient versés aussitôt que possible. À cet égard, je suis impatient de collaborer avec l'honorable sénateur.

Comme l'a dit l'honorable sénateur, ces fonds serviront à assurer la durabilité de l'infrastructure municipale comme les transports en commun et les réseaux d'aqueduc. On s'affaire actuellement à mettre la dernière main à cette initiative, et je suis heureux que l'honorable sénateur ait attiré l'attention du Sénat sur cette question.


ORDRE DU JOUR

LA LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CONCERNANT LES OISEAUX MIGRATEURS
LA LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT (1999)

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Lewis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi C-15. Ce projet de loi est la plus récente incarnation du projet de loi C-34, qui avait été déposé pendant la 37e législature, mais qui est mort au Feuilleton lors du déclenchement des dernières élections générales.

Le projet de loi C-15 part de bonnes intentions. Il vise à renforcer les mesures en vigueur permettant de protéger des ravages de la pollution les milieux marins du Canada. Je suis persuadée que les honorables sénateurs savent que les eaux marines au large des côtes canadiennes comptent parmi celles qui recèlent l'une des plus grandes richesses mondiales sur le plan des oiseaux marins.

En effet, environ 30 millions d'oiseaux marins fréquenteraient les eaux côtières de l'est du Canada l'année durant. Ils partagent leur habitat avec les milliers de navires, chaque année, qui sillonnent nos océans.

(1430)

Ici, au Sénat, les honorables sénateurs ont été nombreux à demander avec insistance que l'on protège mieux les espèces, par exemple les espèces en péril ou menacées de disparition. Pour protéger ces dernières, nous devons d'abord protéger leur habitat. Voilà, en principe, l'objet du projet de loi.

Nos milieux marins ne sont pas épargnés par la pollution, comme nous le rappellent les innombrables incidents survenus récemment. Citons, par exemple, les deux déversements d'hydrocarbures de la plate-forme Terra Nova qui se sont produits à la fin de l'année dernière. Le plus important versement a eu lieu le 21 novembre. Plus de 1 000 barils de pétrole se sont alors répandus dans l'océan. Un mois plus tard environ, deux autres barils de pétrole ont été échappés de la plate-forme.

Il y a d'autres sources de déversement d'hydrocarbures et de pollution marine qui causent de graves dommages à l'environnement. La plus importante est peut-être les hydrocarbures vidangés par les navires. On pense généralement que les déversements de pétrole dévastateurs sont la conséquence d'accidents spectaculaires et catastrophiques, comme ce fut le cas pour l'Exxon Valdez. Toutefois, les petits déversements, qu'ils soient attribuables à une défaillance technique, à la négligence ou à un acte illégal et intentionnel, sont tout aussi destructeurs. Ils ne sont pas moins nuisibles.

Le Fonds mondial pour la nature indique qu'il n'existe aucune corrélation significative entre la quantité d'hydrocarbures déversés et le nombre d'oiseaux marins englués de pétrole. De plus, il souligne que « le taux de mortalité à long terme attribuable à la pollution chronique par les hydrocarbures a des répercussions aussi importantes, voire plus grandes encore, sur les populations d'oiseaux marins que les déversements importants qui se produisent de façon sporadique ».

On voit donc, honorables sénateurs, que même de très petites quantités d'hydrocarbures représentent un grave danger pour les oiseaux marins. Il suffit d'une gouttelette de pétrole pour diminuer les qualités d'isolation, d'imperméabilité et de flottabilité du plumage des oiseaux. Ceux-ci risquent alors de souffrir d'hypothermie et d'être privés de nourriture. Il va sans dire que les oiseaux peuvent également ingérer ou inhaler le pétrole, lequel abîmera leurs organes internes et, éventuellement, causera leur mort.

Ces oiseaux sont considérés comme les « organismes les plus visibles de l'écosystème marin », et ils servent souvent d'indicateur de pollution du milieu marin par les hydrocarbures. Honorables sénateurs, je soutiens que, si tel est le cas, il est de notre devoir de sonner l'alarme.

Le premier incident d'oiseaux mazoutés retrouvés sur les plages de Terre-Neuve-et-Labrador a été documenté dans les années 50. Selon les dernières estimations, le taux de mortalité annuel seulement au large de la presqu'île Avalon, à Terre-Neuve, s'élèverait à 300 000 oiseaux. Et c'est le bilan établi uniquement pour une partie d'une des côtes canadiennes. Malheureusement, le gouvernement du Canada n'a pas encore terminé ses estimations pour la côte du Pacifique.

Il faut convenir qu'il n'est pas facile de déterminer combien d'oiseaux meurent chaque année. Lorsqu'ils meurent au large, les oiseaux ne tardent pas à perdre leur flottaison et à sombrer au fond. Certaines des carcasses sont mangées par d'autres espèces de la chaîne alimentaire, et le vent en pousse d'autres plus loin au large ou vers la rive. En fait, un pourcentage relativement faible d'oiseaux morts sont rejetés sur les berges et attirent notre attention.

Voici où je veux en venir. Les chiffres que nous compilons, quoique inadéquats, ne permettent pas nécessairement de dresser un portrait précis de la situation. Néanmoins, selon les données qu'a recueillies le Service canadien de la faune entre 1984 et 1999, 62 p. 100 des oiseaux morts qui échouent sur nos plages sont souillés par les hydrocarbures. Il convient de souligner cependant que des études effectuées au cours des cinq dernières années indiquent que ce taux se rapprocherait davantage des 75 p. 100. Autrement dit, sur quatre oiseaux trouvés morts sur les plages, trois ont été tués à cause des hydrocarbures. Dans une étude publiée récemment par le Fonds mondial pour la nature, on apprend également que le « risque, pour les oiseaux, d'entrer en contact avec des hydrocarbures déversés et d'en mourir est très élevé dans le Canada atlantique ».

Honorables sénateurs, permettez-moi d'examiner ces taux de mortalité ailleurs dans le monde. En Allemagne et au Danemark, ils sont demeurés stables à 47 p. 100; aux Pays-Bas, ils ont diminué au cours des 20 dernières années pour passer de 57 à 38 p. 100. Ces chiffres sont beaucoup moins élevés que ceux qui ont été enregistrés ici, récemment et il y a quelques années.

Le Fonds mondial pour la nature souligne que, comme suite des pressions qu'a exercées le public au cours des deux dernières décennies, les gouvernements aux quatre coins du monde ont établi des lois visant à protéger les milieux marins et côtiers. La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires et la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer sont deux exemples d'accords que le Canada a ratifiés. Or, en dépit des conventions signées, on trouve encore, partout dans le monde, des oiseaux mazoutés jonchant les berges.

Bien entendu, les navires qui traversent nos eaux doivent respecter les lois canadiennes. Le Canada a adopté de nombreuses lois visant à atténuer les répercussions environnementales du trafic maritime, y compris la vidange d'hydrocarbures dans les eaux maritimes. Je pense notamment à la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999, à la Loi sur les pêches et, enfin, à la Loi sur la marine marchande du Canada.

Actuellement, ce sont les peines imposées et l'application de la loi qui posent problème, et c'est là que les modifications proposées feront la différence. Bien que le projet de loi proposé s'inscrive dans la tradition des conventions dont j'ai parlé et d'autres accords, il vise des objectifs plus grands. En fait, il a pour but de renforcer la réglementation en vigueur du Canada et à combler les lacunes actuelles.

D'abord et avant tout, sur le plan de l'environnement, le projet de loi C-15 prévoit des mesures qui permettront de protéger les oiseaux migrateurs des effets de substances nocives telles que les hydrocarbures.

Il vise également à modifier la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs en faisant en sorte que cette dernière s'applique à la zone économique exclusive du Canada et en étendant la compétence de nos tribunaux pour qu'elle englobe cette zone.

Si le projet de loi est adopté, la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs s'appliquera non seulement aux propriétaires et aux exploitants de navires, mais également aux bâtiments mêmes. De plus, les pouvoirs d'application de la loi seront élargis de sorte que le Canada puisse enjoindre aux bâtiments contrevenants de se rendre dans un autre lieu et ordonner leur détention. Mais surtout, le projet de loi que nous avons devant nous permettra d'imposer des peines et des amendes beaucoup plus importantes aux pollueurs marins.

Comme le dit son titre officiel, le projet de loi C-15 vise à modifier la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999. Je souligne que bon nombre de ces modifications reflètent celles que l'on propose d'apporter à la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Essentiellement, le projet de loi renforcera davantage la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999 en vigueur en protégeant les milieux marins des activités répréhensibles de personnes et de navires, en élargissant les pouvoirs d'application de la loi sur les questions touchant aux navires qui violent cette loi et les règlements, puis en prévoyant des dispositions interdisant aux navires l'immersion et l'incinération de substances en mer.

Grâce à ces modifications, nous serons en mesure de nous attaquer plus efficacement aux questions d'application de la loi dans les cas de pollution marine. Qui plus est, ces mesures législatives permettront d'apporter des éclaircissements quant à la nouvelle zone économique exclusive de 200 milles, puisqu'elles confirmeront que les agents chargés de l'application de la loi détiennent des pouvoirs en la matière.

Le montant maximal des amendes étant passé à un million de dollars, c'est un projet de loi à la mesure des méthodes des grandes entreprises de transport maritime. Toutefois, c'est un projet de loi important pour d'autres raisons. Il nous permettra d'adopter des mesures qui s'harmonisent davantage avec celles de nos voisins, les États-Unis, où les lois visant la protection de l'habitat marin sont plus rigoureuses.

Les rapports publiés partout dans le monde le disent clairement : en imposant des amendes élevées, on fait savoir aux exploitants de navires qu'aucune activité illicite ne sera tolérée. Nous n'avons qu'à regarder du côté des Américains et des Britanniques pour le constater. Leurs gouvernements imposent aux pollueurs marins des amendes de l'ordre de centaines de milliers de dollars. Il n'est pas surprenant alors que les relevés sur les oiseaux échoués dans ces deux pays révèlent de faibles proportions d'oiseaux mazoutés.

(1440)

Avec ce projet de loi, je crois que le Canada envoie enfin un message très fort aux compagnies de navigation susceptibles de déverser des substances toxiques illégalement en mer. Nous leur disons que, si elles nuisent à notre environnement marin, elles feront face à des sanctions très strictes. Ne vous y trompez pas, le transport maritime moderne représente beaucoup d'argent de nos jours. Le temps, c'est de l'argent. C'est lorsque les gens commencent à rogner sur les coûts que notre environnement souffre et que nous sommes confrontés à des résultats catastrophiques.

Comme vous le savez, les navires ont des huiles de cale dont ils doivent se débarrasser. Lorsque la procédure voulue, prévue par la loi, est suivie, les navires vont au port, ils y pompent leur cale, ce qui est très coûteux, et ils poursuivent ensuite leur route. Les honorables sénateurs peuvent comprendre que cela peut prendre du temps et, étant donné les pressions reliées aux délais et à la nécessité d'être rentables, il n'est pas surprenant que certains cherchent à sauter une étape ou deux.

Jusqu'à maintenant, étant donné les exigences commerciales et les sanctions minimales, les navires étaient en fait incités à ne pas suivre les procédures. Étant donné les amendes minimes rattachées à des actions comme le déversement de pétrole et la très faible surveillance exercée, les déversements illégaux ne représentent que de faibles risques et offrent de grandes possibilités de s'enrichir.

Cependant, même si les intentions du projet de loi sont nobles, j'ai des préoccupations reliées directement à la surveillance et à l'application de la loi. Des gens nous ont dit à je ne sais combien de reprises au comité, dans les médias et ailleurs que notre garde côtière souffre d'un grave sous-financement et que nos capacités de surveillance et d'application de la loi ont été réduites. Ainsi, lorsque nous serons saisis de ce projet de loi au comité, je voudrais entendre des témoins nous préciser comment nous pourrons assurer la surveillance et le suivi nécessaires pour veiller à ce que ces modifications ne soient pas simplement des voeux pieux.

Nous savons, à partir d'exemples internationaux, que l'application de la loi et la surveillance sont des facteurs importants dans la lutte contre la pollution par les hydrocarbures. Les Pays-Bas surveillent leurs plages depuis près d'un siècle et, au cours des 20 dernières années, leurs relevés des oiseaux échoués le long de la mer du Nord ont montré une chute de 57 p. 100 de la pollution par les hydrocarbures. Le WWF attribue cette baisse directement à une surveillance accrue et à une meilleure application de la loi et aux décisions de nettoyer les marées noires plutôt que d'attendre qu'elles se dissipent naturellement.

Une autre de mes préoccupations concerne l'infrastructure. Selon une étude de cas internationale, l'Allemagne a fait état d'une réduction du nombre d'oiseaux souillés par les hydrocarbures quand les installations de traitement des huiles usées ont cessé d'exiger des frais à la fin des années 80. Cependant, quand les frais ont été rétablis, le nombre d'oiseaux souillés par les hydrocarbures a augmenté à nouveau.

J'espère que notre comité se penchera en partie du moins sur les questions liées à l'infrastructure maritime du Canada et toute possibilité d'accroître la conformité à nos dispositions législatives.

Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi C-15 en principe. Il me tarde d'examiner ce projet de loi plus en détail au comité. J'espère notamment que nous pourrons aborder certaines des préoccupations que des représentants de l'industrie ont soulevées récemment.

Je sais, par exemple, que l'industrie du transport maritime a exprimé des inquiétudes au sujet de ce projet de loi. La dernière mise à jour des questions maritimes contient des critiques à l'endroit de nos collègues de l'autre endroit, qui n'ont autorisé que deux groupes d'intérêts maritimes à s'exprimer sur le projet de loi. Ils estiment que cela n'est pas adéquat, mais ils continuent d'espérer que les intervenants de l'industrie pourront faire valoir leurs points de vue. J'ai bon espoir que, pendant notre examen du projet de loi C- 15, nous pourrons aborder certaines de ces préoccupations.

Comme je l'ai déjà dit, ce projet de loi repose sur des principes solides. J'espère donc qu'il contribuera pour beaucoup à dissiper la perception selon laquelle il est facile de déverser des hydrocarbures au Canada et à protéger les oiseaux marins et leur habitat.

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, puis-je poser une question à l'honorable sénateur?

Le sénateur Cochrane : Oui, bien sûr.

Le sénateur Adams : L'honorable sénateur est vice-présidente du Comité sénatorial permanent de l'énergie. Je suis chasseur et, à ce titre, je sais que les populations d'oiseaux de mer sont en déclin à cause des déversements de pétrole. Cependant, je suis préoccupé par les coûts additionnels que pourraient avoir à payer les armateurs qui ont des navires circulant dans l'Arctique. Je me demande également comment ces coûts se traduiront dans le coût du transport des marchandises dans le Nord. Dans l'Arctique, on trouve principalement des outardes, des oies des neiges et des canards colverts, ce que j'appellerais nos oiseaux nationaux, qui fournissent de la nourriture aux chasseurs. L'adoption de cette mesure législative fera-t-elle augmenter le coût du transport? Les habitants du Nord paient déjà des frais de transport extrêmement élevés pour les marchandises acheminées dans leurs collectivités. C'est parfois une tâche difficile.

Je reconnais toutefois que si nous n'adoptons pas une mesure législative pour faire cesser cette activité, rien ne changera.

Évidemment, nous ne pouvons rien faire pour éviter un déversement de pétrole ou de produits chimiques lorsqu'un navire coule. La navigation en bordure des côtes peut s'avérer difficile pour l'exploitant d'un navire. Les navires peuvent avoir une avarie de machine pendant une tempête. De telles situations ne dépendent pas de notre volonté. Ces règlements s'appliqueraient-ils aux catastrophes naturelles?

Y aura-t-il des règlements plus sévères et des amendes plus considérables pour les armateurs qui ne respectent pas la loi?

Le sénateur Cochrane : Je suis ravie que le sénateur fasse partie du comité. Nous consulterons également les membres pour déterminer quels sont les témoins que nous devrions entendre, afin qu'on puisse répondre à toutes ses questions.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, aujourd'hui j'ai écouté attentivement le sénateur, comme j'avais écouté hier madame le sénateur Hubley, qui a proposé la deuxième lecture du projet de loi. Je ne peux me dissocier de son objectif. Cependant, pendant que j'écoutais ces discours bien préparés, hier et aujourd'hui, je me suis rappelé le débat qui s'est déroulé dans cet endroit il y a quelques années, au moment du vote sur le projet de loi sur les espèces en péril. Certains sénateurs se rappelleront du débat en question. Je crois que le sénateur Sibbeston était le parrain du projet de loi. La principale inquiétude que nous avons exprimée à l'époque, et voici que le sénateur Adams hoche la tête, concernait la participation des Autochtones à la mise en oeuvre des objectifs du projet de loi. Dans cet endroit, nous sommes tous engagés, lorsqu'un projet de loi a des incidences sur le statut des Autochtones, à nous demander s'ils ont été consultés, pendant sa rédaction, au sujet de la définition de son objectif, de la façon dont il serait mis en oeuvre et de son impact sur les activités traditionnelles de pêche, de chasse et de récolte. Je crois que nous avons tous soulevé des questions. Tous se souviendront, et je salue le sénateur Bryden, que cela a été une préoccupation constante dans le cas du projet de loi sur la cruauté envers les animaux. Le sénateur St. Germain est un porte-parole de cette question au Sénat.

Je ne fais pas partie du comité parce que je ne peux, bien entendu, faire partie de tous les comités, mais j'ai à coeur que nous fassions ce qu'il faut pour que, lorsqu'un projet de loi qui a des incidences sur les Autochtones est présenté, les procédures de consultation et de préparation ayant trait aux Autochtones soient suivies. Au moment de la présentation du projet de loi au Sénat, nous pourrions alors être certains d'avoir dûment reconnu et respecté les droits des Autochtones.

(1450)

C'est bien ce qui me préoccupe, et j'invite les honorables sénateurs membres de ce comité, ainsi que la présidence de ce comité, à s'assurer que, parmi les témoins auxquels il a été fait allusion dans l'allocution de la présidence, les représentants des peuples autochtones susceptibles d'être touchés par l'objet et la portée du projet de loi soient invités à livrer leur témoignage au comité.

Mon deuxième point concerne l'effet de l'article 35 de la Loi constitutionnelle, qui porte sur la reconnaissance des droits ancestraux des peuples autochtones. Vous vous souviendrez, honorables sénateurs, que lorsque nous avons adopté le projet de loi sur les espèces sauvages en péril, le leader du gouvernement d'alors, le sénateur Carstairs, a déposé une motion subséquente à ce projet de loi, renvoyant la question de l'étude des répercussions de la disposition de non-dérogation au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, que présidait alors l'honorable sénateur Milne. Nous avons entamé l'étude de cette question, mais il y a eu dissolution du Parlement. Le problème demeure et nous n'avons pas abordé le fond de la question, qui continue de refaire surface au fil des projets de loi.

Cette enceinte a pour fonction d'être saisie des projets de loi et de se prononcer sur ceux d'entre eux des effets sur les peuples autochtones. Je désire simplement porter ce point à l'attention de mes honorables collègues, car j'ai la ferme conviction que nous devons progresser dans la marche à suivre au cours de la rédaction des projets de loi du gouvernement afin que, lorsqu'ils parviennent au Sénat, nous ayons la conviction que le processus a été observé et que les intérêts des peuples autochtones ont été dûment pris en compte.

J'ai été heureux d'entendre le sénateur Adams soulever certains points et je suis certain que d'autres sénateurs auront des points à faire valoir pour nous permettre de servir l'objectif de la Constitution canadienne au chapitre des peuples autochtones.

J'ai eu l'occasion, hier, de partager ces vues avec le sénateur Hubley. Je ne veux certainement pas retarder le cheminement du projet de loi. Il revient au comité d'aborder ces questions mais il me semble juste, honorables sénateurs, de les soulever aujourd'hui afin que le projet de loi puisse progresser.

Le sénateur Cochrane : Honorables sénateurs, si vous me le permettez, je dois dire au sénateur que je me soucie aussi constamment des peuples autochtones. Depuis mon arrivée au Sénat, je veux moi aussi qu'un processus soit suivi pour aboutir au peaufinage total des projets de loi. Je verrai à ce que l'honorable sénateur soit invité à assister aux réunions du comité quand les témoins pertinents comparaîtront. Peut-être son emploi du temps le lui permettra-t-il. Je l'informerai des dates et heures où ces témoins seront appelés à comparaître afin qu'il ait la chance de poser les questions pertinentes dont il parle. Je me rends compte que le sénateur, en sa qualité de juriste, posera des questions valables, tout comme le feront les autres membres du comité. Il en aura l'occasion.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Hubley, avec l'appui de l'honorable sénateur Ringuette, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois maintenant. Vous plaît- il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je désire remercier ma collègue, le sénateur Cochrane, de sa réponse très instructive au projet de loi C-15, qui a souligné de manière éloquente son importance pour le Canada. Cette mesure vise à assurer la salubrité des eaux canadiennes pour protéger nos oiseaux migrateurs et à prévoir un cadre législatif pour réprimer les pollueurs occasionnels qui déversent illégalement en mer des eaux contaminées d'hydrocarbures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Hubley, cette question ne peut faire l'objet d'un débat. J'ai demandé : quand lirons-nous le projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Hubley, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

LA LOI SUR LA STATISTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre du débat de deuxième lecture sur le projet de loi S-18, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

Je me propose de mettre l'accent sur le processus plutôt que sur le fond du projet de loi. Le fond a été examiné de manière approfondie, mais, à ce jour, le processus a suscité de nombreuses inquiétudes. En particulier, je ferai brièvement état de préoccupations relatives à la diffamation à l'encontre du sénateur Lynch-Staunton, au mépris dont notre Chambre a fait l'objet, à la violation de nos privilèges de sénateurs et à la confusion des fonctions exécutive et législative du Parlement.

Les différents rôles joués par l'exécutif au Parlement ont, je crois, été bien résumés par la maxime « Le gouvernement propose; le Parlement dispose ». Il existe une exception en ce sens que chacun des parlementaires peut proposer de nouvelles lois ou des modifications de loi en vigueur sous forme de projets de loi d'intérêt public au Sénat ou de projets de loi d'initiative parlementaire à l'autre endroit. C'est une démarche que font tous les honorables sénateurs, pour le bien des travaux du Parlement, à mon avis.

De manière générale, cette exception n'a pas constitué une source de grande confusion entre les deux fonctions du gouvernement, soit la présentation de textes législatifs et le rôle du Parlement qui est de disposer de ces projets de loi proposés. Notre expérience révèle que l'on a bien compris le rôle du pouvoir législatif et le rôle du pouvoir exécutif; c'est peut-être dû à une limite stricte imposée aux projets de loi d'initiative parlementaire, selon laquelle sont interdites les propositions comportant des dépenses à partir des fonds publics.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne ce projet de loi S-18, nous savons tous que sa conception était due au travail acharné du sénateur qui a proposé la deuxième lecture de ce texte. Cet honorable sénateur a proposé une série de projets de loi semblables en qualité de parlementaire et a oeuvré assidûment à l'avancement de ces mesures, en défenseur compétent et ardent d'une bonne cause : assurer au grand public l'accès aux renseignements confidentiels fournis par les Canadiens au recenseur.

Une chose n'a pas été mentionnée auparavant au cours de ce débat : répondre au questionnaire du recensement ne constitue pas un acte volontaire de la part des Canadiens. Le gouvernement peut obtenir ces renseignements sous la menace de sanctions pénales et même d'incarcération. Voici le texte de l'article 31 de la Loi sur la statistique :

31. Est, pour chaque refus, négligence, fausse déclaration ou fraude, coupable d'une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de cinq cents dollars et d'un emprisonnement maximal de trois mois, ou de l'une de ces peines, quiconque, sans excuse légitime :

a) soit refuse ou néglige de répondre, ou donne volontairement une réponse fausse, à une question indispensable à l'obtention de renseignements recherchés dans le cadre de la présente loi ou se rapportant à ces renseignements, et qui lui est posée par une personne employée ou réputée être employée en vertu de la présente loi;

b) soit refuse ou néglige de fournir des renseignements ou de remplir au mieux, d'après ce qu'il sait ou croit savoir, un questionnaire ou une formule qu'il a été requis de remplir, et de les transmettre au moment et de la manière fixés en application de la présente loi, ou sciemment donne des renseignements faux ou trompeurs ou commet toute autre fraude sous le régime de la présente loi.

(1500)

Autrement dit, honorables sénateurs, les Canadiens doivent, sous peine de sanctions sévères, fournir l'information qui leur est demandée par le recenseur.

Il est intéressant de noter qu'après avoir invoqué sèchement ses pouvoirs dans le domaine pénal pour menacer les Canadiens qui n'auraient pas envie de fournir l'information demandée et après s'être employé à rassurer la population en lui promettant que l'information resterait confidentielle, le gouvernement du Canada semble envisager de revenir sur sa promesse tout en précisant que la communication de l'information ne se ferait pas sans délais. Manifestement, il y a lieu de se demander, en toute logique, si les Canadiens ne prendront pas le risque de subir des sanctions en ne fournissant pas toute l'information demandée dans les recensements à venir, de manière à ce que cette information reste vraiment confidentielle.

Je comprends facilement que le statisticien en chef ait des réserves à cet égard. Je ne serais pas surpris si le gouvernement concluait prochainement qu'il est nécessaire d'augmenter les peines pour inciter les Canadiens à fournir comme avant de l'information exacte dans les prochains recensements.

Mon collègue le sénateur Comeau a parlé assez longuement de la valeur de la promesse du gouvernement et de l'effet d'une loi rétroactive. Je n'ai pas l'intention de revenir là-dessus. Néanmoins, j'espère que le comité qui étudiera ce projet de loi entendra les témoignages et les questions qui proviendront des honorables membres du comité à ce sujet.

Honorables sénateurs, il y a un autre problème qui doit encore être examiné. Il s'agit d'un domaine relativement nouveau de l'exploration des données. La plupart des Canadiens qui appuient ce projet de loi souhaitent sincèrement en savoir plus long sur leurs ancêtres. Toutefois, j'espère que le comité tiendra également compte de la possibilité que des gens s'intéressent à l'information pour des raisons commerciales, même si elle ne concerne pas directement des personnes qui sont toujours vivantes. Les caractéristiques de nos ancêtres peuvent être révélatrices à notre sujet et au sujet de nos descendants, pour certaines entreprises, notamment pour les compagnies d'assurance, dont les activités reposent essentiellement sur des données actuarielles.

Pour revenir à mes inquiétudes au sujet de la démarche suivie et de la position de certains, qui se sont dits favorables à la proposition du gouvernement, je déplore la désinformation à laquelle on se livre à propos de la démarche suivie et des intentions de certains honorables sénateurs. Je suis certain que les honorables sénateurs comprennent tous qu'il est beaucoup plus facile de diffuser de la propagande que d'en empêcher la circulation ou de la corriger une fois qu'elle circule.

C'est avec un peu d'inquiétude que bon nombre de sénateurs ont écouté les observations préliminaires que le sénateur Lynch- Staunton a faites à ce sujet le 2 décembre 2004. En effet, n'eût été de la campagne d'intimidation menée par correspondance en novembre, ce qui a suscité plusieurs préoccupations dans mon esprit et probablement dans celui d'autres sénateurs, je présume que ce projet de loi aurait franchi l'étape de la deuxième lecture avant Noël.

Je désire souligner que je ne m'oppose aucunement à ce qu'un comité sénatorial fasse une étude réfléchie et exhaustive des enjeux, comme à l'accoutumée. Cela dit, je voudrais corriger certaines fausses informations qui ont circulé et qui continuent d'être envoyées par courriel et par courrier.

D'abord, nous débattons actuellement, à l'étape de la deuxième lecture, un projet de loi d'initiative ministérielle. Bien que le gouvernement ait demandé au sénateur qui a proposé la deuxième lecture du projet de loi de prendre la parole en premier, sans doute en raison de ses travaux antérieurs sur ce sujet, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'une initiative ministérielle. Ainsi, le gouvernement peut, à n'importe quel moment, présenter une motion visant à limiter le débat ou à recourir à d'autres mécanismes de clôture. Le Règlement du Sénat, que nous ne connaissons que trop bien, accorde au gouvernement les moyens dont il a besoin pour faire en sorte que les travaux du gouvernement ne soient pas retardés indûment.

L'idée qu'un petit nombre de sénateurs, qu'ils soient conservateurs, libéraux ou indépendants, puisse retarder ce projet de loi indéfiniment est tout simplement fausse. Ainsi, lorsque l'adjoint de madame le sénateur qui en a proposé la deuxième lecture a écrit que cette dernière avait besoin de votre aide en ajoutant ne pas pouvoir faire grand-chose de son côté puisque « les conservateurs pouvaient nous envoyer paître sans égard aux conséquences », il avait tort. En réalité, s'agissant d'un projet de loi ministériel, le gouvernement pouvait alors, et il le peut encore aujourd'hui, imposer son adoption à la condition d'avoir l'appui de la moitié seulement des sénateurs votants. Pour les non-initiés à l'extérieur de cette enceinte, je signale que les ministériels détiennent une nette majorité au Sénat depuis quelque temps déjà.

En deuxième lieu, on a prétendu que l'absence du sénateur Lynch- Staunton faisait en sorte que l'étude du projet de loi ne pouvait aller de l'avant tant qu'il n'aurait pas pris la parole. Les honorables sénateurs savent fort bien que le Sénat aborde tous les articles inscrits à son ordre du jour à chaque séance. Il nous arrive souvent de choisir de ne pas prendre la parole sur certains articles, mais tout sénateur qui ne s'est pas déjà prononcé sur un projet de loi peut le faire, n'importe quel jour, quel que soit le sénateur sous le nom duquel le projet de loi est inscrit au Feuilleton. Rien n'exige qu'on garde un projet de loi pour qu'un sénateur particulier puisse faire une intervention, si ce n'est la bienséance et la volonté d'assurer que tous ceux qui souhaitent se prononcer sur un sujet aient l'occasion de le faire. Je constate avec plaisir que cette chambre en est une non seulement de mûre réflexion mais aussi d'observation attentive des convenances et usages établis.

On a également prétendu que ce projet de loi était retenu indûment dans l'espérance de quelque avantage en contrepartie. Je ne m'étendrai pas plus longuement sur cet aspect puisque j'ai pu comprendre que des excuses ont déjà été données. Je tiens à répéter que, selon nos règles, le gouvernement dispose des moyens d'établir ses objectifs prioritaires et de faire avancer ses projets de loi en fonction de son programme et de son calendrier.

Honorables sénateurs, sans devoir revenir sur les détails des allégations qui circulent, j'ose croire que nous ne verrons pas continuer la campagne orchestrée d'obstruction à mesure que nous poursuivons l'étude de ce projet de loi. Les efforts d'intimidation ou de tentative d'intimidation, qui ont commencé avant la pause de Noël, n'apporteraient vraisemblablement aucun avantage à leurs auteurs, de quelque côté du Sénat qu'ils siègent.

(1510)

Honorables sénateurs, croyez-moi, les sénateurs qui siègent à ce comité pour faire une étude détaillée du projet de loi, y compris l'étude article par article, savent qu'ils ne seront pas importunés par les milliers de courriels et d'appels téléphoniques désagréables qui sont parvenus au Sénat durant la deuxième lecture.

Son Honneur le Président : Je constate qu'aucun sénateur ne demande la parole. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Milne, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

PROJET DE LOI SUR LES CANDIDATURES DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE

DEUXIÈME LECTURE—RENVOI DE LA TENEUR AU COMITÉ

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-20, Loi visant à accroître la transparence et l'objectivité dans la sélection des candidats à certains postes de haut niveau de l'autorité publique.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, il y a eu dans cette enceinte des discussions selon lesquelles les sénateurs se sont entendus pour que cette importante mesure soit renvoyée au comité afin que celui-ci en fasse une étude détaillée. Par conséquent, je propose :

Que le projet de loi S-20 ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais que la teneur en soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles;

Que l'ordre pour la reprise du débat sur la motion portant deuxième lecture du projet de loi demeure au Feuilleton et Feuilleton des Avis.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

L'ÉTUDE SUR L'ÉTAT DU SYSTÈME DE SANTÉ

TROISIÈME RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport (premier provisoire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, déposé au Sénat le 23 novembre 2004. —(L'honorable sénateur Kirby)

L'honorable Michael Kirby : Honorables sénateurs, je veux commenter les trois rapports déposés le 23 novembre 2004 par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Le premier rapport s'intitule : Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada et représente en quelque sorte le premier portrait national de l'état de la prestation des services de santé mentale au Canada. Le deuxième rapport, intitulé Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, porte notamment sur l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni et compare les programmes canadiens avec ceux de ces pays. Le troisième rapport s'intitule : Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Problèmes et options pour le Canada et représentera le point de départ des audiences pancanadiennes que le comité tiendra d'ici la fin du mois de juin dans toutes les provinces et tous les territoires.

J'aimerais faire part aux sénateurs de quelques statistiques intéressantes portant sur les neuf mois suivant la publication du rapport. La greffière du Comité des affaires sociales m'a dit qu'elle avait reçu 1 705 demandes postales d'obtention d'exemplaires du rapport. Ce chiffre ne comprend pas les téléchargements à partir du site Internet du comité. Dans le monde de l'édition, un ouvrage vendu à 2 000 exemplaires est considéré comme un best-seller au Canada. Mais le plus surprenant, même pour les membres du comité, bien que nous ne connaissions pas les données pour le mois de janvier parce qu'il faut plusieurs jours après la fin du mois pour les compiler, est que notre site Internet a été visité à plus de 110 000 reprises entre le 23 novembre et le 31 décembre, soit pendant une période d'environ cinq semaines.

Nous avons fait une chose qu'aucun autre comité parlementaire n'avait encore essayée. Nous avons publié sur notre site Web un questionnaire simple et court afin de donner à nos bénéficiaires en santé mentale, à leur famille et à ceux qui s'en occupent, l'occasion de nous faire part de leur réalité quotidienne. Le questionnaire comptait environ sept questions. Nous avions espéré recevoir entre 100 et 120 réponses, mais nous en avions déjà reçu plus de 500 hier et nous continuons d'en recevoir deux ou trois chaque jour. Cela démontre donc qu'une consultation électronique de ce genre peut donner des résultats si on sait poser les bonnes questions. Il est clair que le comité a frappé dans le mille dans ce cas-ci parce que les Canadiens ont pris le temps de raconter leur histoire. Les renseignements contenus dans ces questionnaires seront très utiles en ce sens qu'ils nous permettront de donner une dimension humaine au rapport que nous devrions déposer d'ici la fin de l'année. Ce rapport contiendra les recommandations du comité en vue de modifier la situation à l'égard de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie.

Il arrive souvent que nous n'ayons pas le temps de lire les rapports des comités, mais je demanderais à tous les sénateurs de lire au moins les deux premiers chapitres du premier rapport portant sur la situation au Canada intitulé Le visage humain de la maladie mentale et de la toxicomanie. Tous ceux à qui j'ai demandé de lire ces chapitres ont été très touchés. Ils étaient à la fois fâchés et émus. Si les sénateurs veulent vraiment comprendre ce qui a entraîné le système de santé mentale dans l'état dans lequel il se trouve, je les exhorte à prendre le temps de lire ces deux chapitres. C'est la raison pour laquelle je considère que le visage humain de la question est si important.

L'immense intérêt, comme en témoigne le nombre de visites sur le site Web, s'explique du fait que les consommateurs, les parents, les soignants, les décideurs, les fournisseurs et les universitaires, entre autres, n'avaient pas d'endroit où il était possible de discuter de santé mentale et de maladies mentales au Canada. En effet, le comité a comme ultime objectif de produire un rapport qui deviendra une référence que pourront utiliser divers groupes d'intérêts pour aider à changer ce segment du système de soins de santé — un segment que de nombreuses personnes considèrent comme étant l'orphelin du système de soins de santé, un segment que personne ne devait voir, entendre ou financer. Nous espérons produire un rapport qui aura une incidence importante sur le système de santé mentale.

Je vais donner aux honorables sénateurs une idée de la gravité du problème. Bien des membres du comité ont été étonnés de voir les statistiques, même si la majorité d'entre eux ont, dans leur famille assez immédiate, un parent qui a déjà eu un problème de santé mentale. Nous savions que le problème était assez répandu. Des sondages effectués au fil des ans ont indiqué qu'environ un Canadien sur cinq, soit 4,5 millions, aura un problème de santé mentale dans sa vie.

(1520)

Il est plus troublant de constater que 1,2 million d'enfants et d'adolescents ont des problèmes de santé mentale et de dépendance suffisamment graves pour entraîner une détresse importante et des troubles de comportement. Très peu de ces 1,2 million d'enfants reçoivent des traitements. Les diagnostics précoces sont presque inexistants, et il n'y a guère de ressources pour les traitements. Quand on pense que 70 p. 100 des adultes aux prises avec une maladie mentale souffraient déjà de cette maladie quand ils étaient enfants, et que le problème a empiré faute de traitement, on comprend que l'absence de services de santé mentale adéquats au Canada a un terrible impact social et humain.

Les maladies mentales et les problèmes de dépendance sont la première et la deuxième causes d'incapacité au Canada. Ce ne sont pas les maladies du coeur, ce n'est pas le cancer, ce sont les maladies mentales et les problèmes de dépendance. Le cas du Canada n'est pas unique. Les maladies mentales et les problèmes de dépendance viennent au premier et au second rang dans tous les pays d'Europe, dans tous les pays industrialisés, en Australie et aux États-Unis. Pourtant, ce segment du système de soins de santé est en grande partie laissé pour compte.

Les conséquences économiques des maladies mentales pour l'entreprise sont énormes. On a réalisé une étude détaillée fondée sur les données de 1998. Les chiffres seraient beaucoup plus élevés aujourd'hui, six ans plus tard. Selon les estimations de 1998, le coût, pour l'économie, des maladies mentales, en partie à cause de l'absentéisme, en partie parce que des malades qui se présentent au travail ne sont pas vraiment productifs, était de 14,4 milliards de dollars. Les coûts directs en soins de santé étaient de 6,3 milliards de dollars en 1998, et ils doivent être beaucoup plus élevés aujourd'hui.

Les causes sont frappantes. D'abord, nous préférerions croire que cela n'existe pas, mais le phénomène de la stigmatisation et de la discrimination à l'égard des malades mentaux est encore très répandu. Un grand nombre de questionnaires que nous avons reçus des consommateurs ont montré que l'infamie de la maladie mentale est le fardeau le plus lourd à porter. Les malades nous disent que c'est en fait un problème plus grave que la maladie même, parce qu'ils craignent des réactions très négatives s'ils s'ouvrent à des amis, à des membres de leur famille ou à leur employeur.

Deuxièmement, seul le tiers des Canadiens qui souffrent de maladie mentale sont traités. À l'inverse, on peut dire que les deux tiers ne sont pas traités. Si les deux tiers des Canadiens qui ont une autre forme de maladie n'étaient pas traités, on jetterait les hauts cris. Lorsqu'il s'agit de maladie mentale, on prétend simplement que le problème va se résorber naturellement.

Troisièmement, notre comité a étudié de façon très détaillée ce qu'on appelle le système de soins de santé, et il nous a semblé en difficulté. Je dois vous dire que le système de soins pour malades mentaux est le système de prestation de services le plus désorganisé que j'aie vu au cours de mes 30 ans dans le secteur public. Il comprend tellement de compartiments étanches, il est tellement fragmenté et il manque tellement de coordination que, par comparaison, le simple système hospitalier et médical en paraît extraordinairement efficace. L'une des questions qu'il faudra étudier de près est celle de savoir quoi faire de tous ces compartiments.

Enfin, je vais faire une réflexion qui, à titre de Canadien, me semble troublante. Le Canada est le seul pays de l'OCDE qui n'a aucune stratégie nationale de santé mentale. Tous les autres ont un plan national, qu'il soit fédéral ou non. Ce n'est pas le fédéralisme qui fait problème. L'Australie, par exemple, qui a une structure constitutionnelle à peu près identique à la nôtre — les services de santé sont assurés par les États, mais le gouvernement national assume une grande partie du financement — est doté d'un plan, tout comme l'Allemagne et divers autres pays d'Europe. Le Canada n'en a pas, et il est évident que l'absence de stratégie nationale est une lacune béante du système. Il est arrivé rarement qu'un homme ou une femme politique au niveau fédéral parle de la santé mentale. Loin des yeux, loin du coeur, peut-on dire.

Trois segments de la population sont particulièrement mal desservis. J'ai parlé des enfants et des adolescents. Les données indiquent que les Canadiens autochtones sont beaucoup moins bien traités que le reste de la population. Lorsque j'ai dit plus tôt qu'environ un tiers de la population bénéficiait de traitements, je parlais de l'ensemble de la population. La proportion concernant les Canadiens autochtones est nettement plus élevée.

Enfin, les aînés sont extrêmement mal desservis, et cela n'est pas attribuable à l'évolution démographique. Ce serait une réponse facile. Le fait est que, pendant des décennies, les aînés qui commençaient à montrer des signes de démence — ou de sénilité, pour reprendre l'expression utilisée lorsque nous étions jeunes — n'étaient pas traités de la façon appropriée.

La situation s'est-elle améliorée? Un peu. Y a-t-il encore beaucoup de chemin à parcourir? Oui, beaucoup.

Notre comité compte élaborer un train de recommandations qui pourraient aider les gouvernements fédéral et provinciaux à prendre enfin les mesures qui s'imposent dans ce domaine. Des gouvernements provinciaux nous ont donné un appui solide. Nous n'avons pas d'opposition. Le comité a reçu l'appui enthousiaste des gouvernements provinciaux, que séduit l'idée de coordination en matière de planification des politiques.

Nous essaierons de faire ce que nous croyons avoir accompli avec notre dernier rapport, c'est-à-dire proposer quelque chose d'applicable. Nous avons établi deux contraintes ou limites à l'égard de nos recommandations.

Premièrement, pour que nos recommandations soient applicables, nous veillerons à ce qu'elles soient juste en deçà de la limite de la faisabilité politique. Autrement dit, nous pousserons le système jusqu'où nous estimons qu'il peut l'être sans toutefois le pousser trop, au point où tout le monde s'en désintéresserait sous prétexte qu'il est irréalisable.

Deuxièmement, comme nous avons réussi à le faire dans notre dernier rapport, je pense, nous essaierons de respecter le principe du malheur égalitaire qui existe de longue date au Canada. Ce que je veux dire, c'est que, une fois que nous aurons terminé, la plupart des groupes intéressés se réjouiront d'environ les trois quarts de ce que nous proposons et que la plupart d'entre eux seront mécontents d'environ 25 p. 100 de nos propositions. Par conséquent, pour se prévaloir des 75 p. 100 qui les satisfont, ils devront faire des compromis et accepter les 25 p. 100 qui leur déplaisent. Sauf en ce qui concerne une ou deux exceptions notables, comme la Coalition canadienne de la santé, c'est ce qui s'est produit avec notre rapport précédent.

Notre objectif, honorables sénateurs, est de tenir des audiences nationales dans la capitale de chaque province et territoire. J'exhorte tous mes collègues à assister aux séances que nous tiendrons dans leurs provinces respectives. Nous invitons tous les sénateurs à y participer, comme s'ils étaient des membres à part entière du comité. Nous n'établissons aucune hiérarchie et nous croyons important qu'ils montrent l'intérêt qu'ils portent à la question.

Nous nous servirons de ces audiences pour produire un rapport qui sera essentiellement ciblé sur le rôle du gouvernement fédéral et sur la transformation du système de prestation de services de manière à éviter le nombre incroyable de structures traditionnelles et la fragmentation qui existe actuellement.

Nous espérons finalement produire un rapport proposant un plan pour la prestation de services de santé mentale et de toxicomanie à l'intention des Canadiens, pendant toute leur vie, services offerts d'une manière qui tienne compte de la réalité linguistique et culturelle des personnes visées, ce qui est particulièrement opportun vu la nature du Canada. Il est important de respecter les diverses cultures de notre pays. Il faut adopter une approche axée sur le consommateur, c'est-à-dire le patient, et non pas, comme c'est le cas actuellement, sur ceux qui dispensent le service. Il faut partir du principe que la plupart des personnes qui souffrent de maladie mentale pourront aller mieux. C'est une perspective extrêmement différente de celle dans laquelle s'est toujours inscrit le système.

Je me permets de rappeler aux honorables sénateurs un fait qui nous a tous surpris. Les établissements de santé mentale ne sont pas prévus dans la Loi canadienne sur la santé. D'ailleurs, ils ont toujours été exclus de la Loi canadienne sur la santé. Ils n'étaient même pas pris en compte dans la Loi sur l'assurance-hospitalisation de 1957. La raison pour laquelle ils étaient exclus est que, à l'époque, on tenait pour acquis que quiconque était atteint de troubles mentaux ne pourrait jamais s'en remettre et que, par conséquent, quiconque était hospitalisé pour cause de troubles mentaux l'était à vie; on considérait que cette personne faisait partie d'un programme de soins à long terme, et non d'un programme visant le rétablissement. En 1957, le gouvernement fédéral a fait valoir que les gens atteints de troubles mentaux devaient être hospitalisés à long terme, qu'il finançait ces soins de longue durée avec le RPC et que, par conséquent, ces établissements et ces malades seraient exclus de la Loi canadienne sur la santé. En 1984, lors du débat sur la Loi canadienne sur la santé, il faisait toujours valoir les mêmes arguments.

De toute évidence, aujourd'hui nous nous devons d'adopter une stratégie visant le rétablissement; par analogie, il y a 20 ans, on estimait qu'une personne atteinte de traumatismes médullaires était incapable de faire quoi que ce soit d'utile.

(1530)

Je demanderais aux honorables sénateurs de penser aux changements que nous avons apportés aux lois, à l'accès, aux places de stationnement et aux autres progrès qui ont été faits pour améliorer et faciliter la vie des gens atteints de handicaps physiques.

Son Honneur le Président : Sénateur Kirby, vos 15 minutes sont écoulées.

Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée au sénateur Kirby de poursuivre?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Kirby : Honorables sénateurs, il nous faut traiter les gens atteints de troubles mentaux ou souffrant de toxicomanie de la même façon que nous avons traité, au cours des 25 dernières années, les Canadiens atteints de handicaps physiques, et ainsi leur permettre de profiter de la vie et d'être productifs. Nous avons beaucoup de travail à faire, étant donné que nous sommes au même point que nous étions quand il n'existait aucun service pour les personnes en chaise roulante ou atteintes de handicaps physiques. Ce n'est pas comme si nous n'avions que quelques améliorations à apporter; nous devons reprendre de la case départ.

Enfin, le gouvernement fédéral — davantage que les autres — a un énorme rôle à jouer dans la sensibilisation à la santé mentale et dans la promotion des moyens de parvenir à cet équilibre, notamment faire campagne contre la stigmatisation des victimes de maladie psychique.

L'Australie, malgré son image machiste, a mis sur pied un programme anti-stigmatisation bien conçu, qui a transformé l'attitude de la population de façon absolument étonnante au cours de la dernière décennie. Ce programme a été administré et payé par le gouvernement national. Aujourd'hui, dans ce pays, les personnes souffrant de maladie mentale sont beaucoup mieux acceptées qu'il y a dix ans, lors du lancement du programme. On vient tout juste de mettre en oeuvre le troisième plan quinquennal et déjà on observe une évolution considérable.

J'exhorte les honorables sénateurs à assister à nos audiences. À la reprise de nos travaux, avant la fin de l'année — ou, si le pire devait se réaliser, début 2006 —, nous dresserons un plan qui, nous l'espérons, recueillera la faveur de tous les Canadiens, aussi bien des bénéficiaires directs que des fournisseurs de soins, des groupes d'intérêt ou des gouvernements fédéral ou provinciaux, et qui enclenchera un processus évidemment de long terme.

Honorables sénateurs, il s'agit là d'une entreprise de longue haleine, et non pas d'un projet ponctuel. Cette entreprise devra être poursuivie longtemps après la fin des travaux du comité. Nous devons ramener au sein de la société les Canadiens souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie, et faire pour eux exactement ce qui a été fait pour les handicapés physiques au cours des 25 dernières années. Mes collègues du comité et moi-même éprouverions une énorme satisfaction si, comme nous le souhaitons, notre rapport devenait la pierre d'assise d'un tel processus.

(Sur la motion du sénateur Keon, le débat est ajourné.)

LA DÉCENTRALISATION DES MINISTÈRES, ORGANISMES GOUVERNEMENTAUX ET SOCIÉTÉS D'ÉTAT FÉDÉRAUX

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Percy Downe, ayant donné avis le 25 novembre 2004 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les avantages de la décentralisation des ministères fédéraux, organismes gouvernementaux et sociétés de la Couronne de la capitale nationale vers les différentes régions du Canada.

— Honorables sénateurs, depuis longtemps, le premier ministre Paul Martin dit sans ambiguïté que traiter avec les provinces et les régions comme entités distinctes ne lui pose aucune difficulté. Cette orientation s'est récemment concrétisée de manière éclatante lorsqu'une entente distincte a été conclue pour le Québec lors du récent sommet sur les soins de santé.

Beaucoup de Canadiens réfléchis, notamment certains membres de notre assemblée, soutiennent qu'une approche de ce genre affaiblit le rôle du gouvernement fédéral; cependant, cette politique comporte un élément qui pourrait offrir de nombreux avantages au plan de la perception qu'a le grand public du gouvernement fédéral et du rôle qu'il joue dans toutes les régions du pays. Le pouvoir bureaucratique est centralisé depuis trop longtemps entre les mains d'un petit nombre d'institutions concentrées dans la région de la capitale nationale. Le temps est venu pour le gouvernement du Canada de scinder l'orientation stratégique et le processus, et de décentraliser les ministères et organismes fédéraux et les sociétés d'État de la région de la capitale nationale vers les régions du pays.

La réticence à poursuivre le processus de décentralisation s'est aggravée au cours de la période de restrictions fiscales fédérales qui a commencé en février 1995. Cette année-là, on a annoncé dans le budget des plans pour l'ensemble du gouvernement visant l'élimination de programmes et la réduction de la taille de la fonction publique. Selon le site Web du Conseil du Trésor, des provinces comme le Manitoba et la Colombie-Britannique ont perdu des milliers de postes de fonctionnaire alors que le nombre en est resté constant dans la région de la capitale nationale. Aux plus hauts échelons exécutifs de la fonction publique, de EX1 à EX5, la région d'Ottawa a conservé 70 p. 100 des postes de 1994 à 2003. À mon avis, ces chiffres indiquent l'existence d'un problème dans la manière dont le gouvernement fédéral est administré.

Les avantages possibles que comporte la réinstallation des ministères gouvernementaux sont énormes. Les coûts de départ seraient très largement récupérés de différentes manières. La région recevant l'institution obtiendrait des postes bien rémunérés et permanents. En outre, des déplacements de ce genre rendraient moins nécessaires d'autres formes de développement régional. Simultanément, les ministères ou organismes touchés réduiraient le roulement du personnel et feraient des économies en termes de frais de formation et de recrutement. Autre facteur, qui a aussi son importance, le gouvernement canadien établirait une présence permanente et forte dans les régions concernées, ce qui aiderait à réduire les tensions dues à l'aliénation régionale.

La réinstallation ne devrait pas servir uniquement d'outil de développement économique, mais être considérée comme une mesure logique pour mieux répondre aux défis auxquels est confrontée une nation vaste et diversifiée. Par exemple, il y plusieurs années, l'Office national de l'énergie a été déménagé à Calgary et se trouve maintenant plus près des activités de production de l'énergie. Pourquoi, alors, la société Exportation et développement Canada se trouve-t-elle actuellement au centre-ville d'Ottawa? Elle pourrait avoir pignon sur rue à Vancouver. Après tout, les échanges commerciaux du Canada avec la Californie seulement se chiffrent à plus de 20 milliards de dollars.

Est-il sensé que les employés du ministère des Pêches et des Océans soient installés dans un gratte-ciel à Ottawa où ils ne peuvent apercevoir ni un port ni un bateau de pêche? Ne serait-il pas plus sensé que leurs bureaux soient établis sur l'une des côtes du Canada, d'où ils pourraient voir plus directement l'incidence de leurs décisions sur les collectivités qui vivent de la pêche et sur les résidents?

Certains diront qu'il est trop difficile de s'engager dans un véritable programme de décentralisation. Cet argument, toutefois, repose sur le postulat voulant que le travail important ne peut être accompli qu'à Ottawa. Or, les nouvelles technologies de communication, notamment les vidéoconférences qui donnent plus de souplesse à toutes les organisations, invalident complètement une telle idée.

En matière de décentralisation, le gouvernement peut regarder ce qui se fait à l'étranger. Le premier ministre britannique Tony Blair a annoncé, dans son budget du printemps 2004, le transfert de 20 000 fonctionnaires de Londres vers différentes régions du Royaume- Uni. En 2003, le gouvernement de la Norvège a annoncé son projet de déménager huit agences d'État à l'extérieur de la capitale. Les transferts sont possibles; ils n'exigent qu'une volonté politique.

Dans le passé, certaines mesures ont été prises dans ce sens. En 1976, Jean Chrétien, alors président du Conseil du Trésor, et Dan MacDonald, alors ministre des Anciens Combattants, ont annoncé l'installation de l'administration centrale du ministère des Anciens Combattants à Charlottetown, ma ville de résidence, à l'Île-du- Prince-Édouard. Ce projet a suscité de l'opposition, notamment de la part du maire d'Ottawa de l'époque, qui a qualifié cette réinstallation de mesure insensée. Or, 28 ans plus tard, nous constatons clairement les avantages de cette décision pour l'Île-du- Prince-Édouard et nous les apprécions grandement.

(1540)

J'ai déjà parlé des retombées économiques du déménagement de l'administration centrale des Anciens Combattants à Charlottetown, et je vais les rappeler de nouveau. Il y a 1 200 emplois à temps plein de la fonction publique, une masse salariale de 68 millions de dollars par année, beaucoup d'emplois d'été pour les étudiants et des possibilités de carrière pour ceux qui veulent rester dans la région.

Outre sa contribution économique, le ministère des Anciens combattants a par sa présence fait une importante contribution à la société. Il a enrichi la société de l'Île-du-Prince-Édouard de l'apport de nombreux fonctionnaires très compétents qui consacrent toutes leurs journées de travail aux affaires publiques et à la société de l'île.

À un niveau entièrement différent, l'une des conséquences les plus intéressantes de l'implantation des Anciens Combattants à Charlottetown a été une augmentation remarquable de l'utilisation du français. La province a toujours eu une collectivité acadienne dynamique, mais l'arrivée du ministère a conféré un plus grand rôle au français. Selon Statistique Canada, après ceux du Québec et du Nouveau-Brunswick, les habitants de l'île sont au troisième rang pour leur connaissance des deux langues officielles. Il ne fait pas de doute que la vigueur de la collectivité acadienne y a été pour quelque chose, mais, selon moi, le plus grand facteur de cette augmentation de l'usage du français a été la présence du ministère.

Hélas, malgré toutes ces retombées, l'intense controverse suscitée par le déménagement du ministère, il y a de nombreuses années, a rendu inévitable la discrète mise au rancart du programme national de décentralisation. Comme je l'ai dit, le calme revenu, il faut dire que Anciens Combattants Canada était et demeure aujourd'hui encore le seul ministère fédéral dont l'administration centrale n'est pas à Ottawa.

Par contre, certains signes portent à croire que cela pourrait changer. On a suggéré de déménager la Commission canadienne du tourisme, agence qui compte moins de 100 employés, d'Ottawa à Vancouver. Les récentes annonces faites par le ministre des Travaux publics, Scott Brison, laissent également sous-entendre qu'il pourrait éventuellement avoir place à la décentralisation. Le ministre Brison a annoncé la proposition de vendre les édifices du gouvernement au secteur privé afin d'économiser les coûts opérationnels. Ce projet faciliterait encore davantage le déménagement des ministères et des agences vers les régions. M. Brison a lui-même fait allusion à cette éventualité en disant que le changement de propriété créerait des chances pour des villes comme Halifax et Moncton. Cependant, ces propositions devraient amorcer un programme de décentralisation encore plus vaste.

Pour terminer, honorables sénateurs, en plus du cas de l'administration centrale des Anciens combattants, j'aimerais souligner le leadership du très honorable Brian Mulroney, qui a déménagé le centre de la TPS à Summerside, à l'Île-du-Prince- Édouard. Je crois qu'il est maintenant temps que le premier ministre Paul Martin relance le programme de décentralisation et offre aux autres régions du Canada les mêmes possibilités et les mêmes avantages dont a joui l'Île-du-Prince-Édouard au cours des 28 dernières années.

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je tiens à appuyer les commentaires du sénateur Downe. La théorie de la décentralisation des services gouvernementaux a d'importantes répercussions sur toutes les collectivités. Il suffit de se rendre à Charlottetown pour constater les avantages tirés par le déménagement des bureaux des Anciens Combattants dans cette ville. Un grand nombre de collectivités canadiennes pourraient tirer profit d'une telle situation.

Bon nombre de ressources appartenant actuellement au gouvernement du Canada sont considérées comme excédentaires ou superflues. Avant de nous en débarrasser, il serait bon de voir si un autre ministère ou organisme du gouvernement fédéral pourrait s'y réinstaller. Le transfert de grands secteurs de la BFC de Shearwater à la Société immobilière du Canada dans ma circonscription en est un bon exemple. J'ai bien peur qu'on finisse par y installer des habitations plutôt que d'en faire une utilisation industrielle ou toute autre utilisation pouvant bénéficier d'un aéroport.

Honorables sénateurs, je vous renvoie à d'autres décisions prises par le Comité des pêches de l'autre endroit. Ce comité a plaidé à l'unanimité en faveur de la décentralisation du ministère des Pêches et des Océans tant sur la côte ouest que sur la côte est. S'il fallait qu'un seul employé de ce ministère soit muté à l'un ou l'autre de ces endroits et qu'il y rencontre un pêcheur! S'il y a un ministère qui devrait se rapprocher des gens qu'il est censé desservir, c'est bien le MPO.

La décentralisation peut être très avantageuse pour de petites régions du Canada. Je m'inquiète du déplacement à Vancouver d'un organisme comptant 100 employés; toutefois, si 100 employés étaient déplacés vers, disons, Kamloops ou un autre endroit à l'intérieur des terres de la Colombie-Britannique, leurs retombées sur l'économie locale seraient considérables.

Le Canada est un des pays les plus branchés dans le monde. Il n'est pas nécessaire que les gens soient ici à Ottawa pour faire une grande partie de leur travail.

Prenez, par exemple, certaines collectivités des provinces de l'Atlantique. Il y a un débat au Nouveau-Brunswick au sujet de l'aéroport de Saint-Léonard qui est sur le point de fermer. S'il y avait un organisme du gouvernement fédéral dans cette collectivité, que ce soit à Grand Falls, à Edmundston ou ailleurs, cela attirerait des gens qui se déplacent fréquemment pour affaires, ce qui, à son tour, soutiendrait davantage l'autre infrastructure qui se trouve dans la collectivité. Le déménagement n'est pas seulement une question d'emplois et de masse salariale; il présente d'autres avantages.

L'observation du sénateur Downe au sujet des questions linguistiques est importante. Partout où des organismes gouvernementaux se sont installés à l'extérieur de la région de la capitale nationale, l'effet a été positif, Charlottetown en étant un des meilleurs exemples, ainsi que Summerside, et Vegreville, et le centre fiscal de Shawinigan. Certains des bureaux à Moncton ont eu un effet positif dans l'ensemble du Nouveau-Brunswick.

C'est une étude qui mérite que nous la poursuivions et c'est pourquoi j'appuie l'interpellation du sénateur Downe.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 3 février 2005, à 13 h 30.)


Haut de page