Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 93

Le jeudi 27 octobre 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le jeudi 27 octobre 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant que nous amorcions nos travaux, je vous signale la présence à notre tribune de représentants de l'ambassade de la République du Botswana : Son Excellence, Lapologang Lakoa, haut commissaire du Botswana; Herold Luke, deuxième secrétaire; et Marcel Bélanger, consul honoraire du Botswana. Ils sont les invités du sénateur Rompkey.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, je vous signale aussi la présence à notre tribune de Mme Dorothy Zinberg, membre du corps professoral du Programme des sciences, de la technologie et de la politique publique de l'Université Harvard, et de Mme Holly Sargent, vice-doyenne principale de l'avancement universitaire et directrice principale des initiatives en faveur des femmes dans le milieu universitaire de l'Université Harvard. Elles sont les invitées du sénateur Dyck.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite, à toutes les deux, la bienvenue au Sénat du Canada.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'IRAN

LE PROGRAMME D'ARMES NUCLÉAIRES

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, hier, le président de l'Iran a déclaré publiquement qu'Israël devrait être « rayé de la carte », et la foule a répondu en scandant : « À bas Israël. À bas l'Amérique. » Les paroles du président laissent peu de place à l'interprétation; leur signification est non équivoque. À une autre époque, nous avons entendu d'autres dirigeants arabes tenir le même genre de propos et nous n'avons rien dit. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire la même chose aujourd'hui.

Depuis un certain temps déjà, l'Iran ne laisse planer aucun doute sur ses ambitions nucléaires. On estime que d'ici cinq à dix ans, elle se sera fabriqué une arme qui pourrait permettre au président iranien de réaliser son rêve. Le 24 septembre de cette année, nulle autre que l'Agence internationale de l'énergie atomique, dernière lauréate du prix Nobel de la paix, a déterminé que l'Iran ne respectait pas son accord de garanties nucléaires. L'agence a aussi évoqué une affaire de dissimulation qui laisse planer de sérieux doutes quant à la vocation pacifique du programme nucléaire iranien. L'Institut international d'études stratégiques, organisme indépendant prestigieux, signale que, selon des informations récentes des services de renseignement, l'Iran travaille actuellement à la mise au point d'un missile Shahab-3, une arme dont la charge utile serait parfaitement adaptée à une arme nucléaire. L'Iran a formellement interdit à tout inspecteur l'accès à tout emplacement à proximité de ses installations militaires.

Honorables sénateurs, l'Iran a clairement fait part de ses intentions et il s'affaire à mettre au point les armes qui lui permettront de les réaliser. Le premier ministre a dénoncé les propos du président iranien en disant qu'ils ne servaient qu'à attiser la haine et l'antisémitisme. Nous devons aller au-delà des mots et agir. Nous devons nous ranger avec les États-Unis et Israël et tout faire pour mettre un frein au programme d'armes nucléaires de l'Iran. Nous devons également exhorter les membres du Conseil de sécurité des Nations Unies à prendre les mesures qui s'imposent. Ce n'est là qu'un début.

LES FEMMES DANS LE DOMAINE SCIENTIFIQUE

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, comme vous venez de l'entendre, nous recevons à notre tribune cet après-midi deux scientifiques de l'Université Harvard, Mmes Dorothy Zinberg et Holly Sargent. Mme Zinberg est membre du corps professoral du Programme des sciences, de la technologie et de la politique publique. Elle a occupé un poste de biochimiste pendant 10 ans à l'Université Harvard avant d'entreprendre des études de doctorat en sociologie. En plus d'avoir publié plusieurs articles et ouvrages, d'avoir enseigné et fait de la recherche, Mme Zinberg a fait partie de nombreux conseils, comités et groupes d'experts tels le Panel sur la politique scientifique et technologique de l'OTAN.

Holly Sargent est vice-doyenne principale responsable de l'avancement universitaire et directrice principale des initiatives en faveur des femmes dans le milieu universitaire. Son bilan est remarquable en ce qui concerne l'obtention de dons importants pour l'Université Harvard, dons qui ont permis de créer de nombreuses initiatives relatives aux femmes et aux droits de la personne. Elle a mis sur pied un comité consultatif de femmes éminentes pour appuyer les programmes destinés aux femmes à la Kennedy School of Government.

Ce matin, ces deux femmes remarquables ont aminé un débat sur le thème des femmes dans les disciplines scientifiques : le cas de Harvard appliqué au contexte canadien. Le groupe était présidé par Arthur Carty, conseiller national en matière de science auprès du premier ministre, et coprésidé par Carole Swan, sous-ministre déléguée à Industrie Canada, et moi-même.

Honorables sénateurs, en janvier 2005, Lawrence Summers, président de l'Université Harvard, a tenu des propos qui ont donné lieu à l'établissement de deux groupes de travail sur les femmes en minorité dans les disciplines scientifiques et l'engagement de 50 millions de dollars US sur 10 ans pour mettre à exécution les recommandations de ces groupes. Comme vous le savez sans doute, la sous-représentation des femmes dans les disciplines scientifiques n'est pas propre à Harvard. Elle touche aussi toutes les universités canadiennes.

Le Canada compte de nombreuses organisations indépendantes qui s'emploient à augmenter la participation des filles et des femmes dans le domaine des sciences et de la technologie. Nous avons des organisations fédérales, comme le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le CRSNG, des organisations non gouvernementales, programmes, et des chaires consacrées aux femmes en sciences et en génie. Nous avons la Coalition canadienne des femmes en sciences, ingénierie, métiers et technologie, appelée CCWEST, qui œuvre à la création d'un organisme national responsable de la coordination des efforts de tous ces organismes.

Ce matin, après la table ronde, M. Carty a dit qu'il mettrait les ressources de son bureau à contribution afin de réunir les gens clés, un petit groupe de leaders, qui prendront la cause en main. Ce groupe créera un comité national de gens influents vers qui les autres pays pourront se tourner pour trouver des solutions cohésives et de portée générale pour accroître la participation des hommes et, notamment, des femmes, dans le domaine des sciences et la technologie.

Des voix : Bravo!

(1340)

LES DISCUSSIONS INTERPARLEMENTAIRES SUR LES QUESTIONS INTÉRESSANT LE MOYEN-ORIENT

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, je ne me suis pas inscrit pour faire une déclaration. Il m'arrive rarement d'être d'accord avec le sénateur Tkachuk au sujet des questions intéressant le Moyen-Orient. Cependant, permettez-moi de déclarer de façon nuancée que je suis d'accord avec la condamnation proposée.

Je suis allé plus loin. J'ai fait connaître mon point de vue directement à l'ambassade d'Iran, où j'ai rencontré des représentants la semaine dernière et encore ce matin.

Je ne souhaite nullement me mettre du côté des États-Unis et d'Israël, qui viennent tout juste de faire cavalier seul en votant contre une initiative canadienne concernant l'UNESCO. Je n'ai pas besoin de faire avaliser ma conduite par les États-Unis et Israël. Il me semble tout simplement que ce qui a été dit est inacceptable. Le sénateur Tkachuk est occupé en ce moment avec madame le sénateur Fraser, qui a pris de nouvelles initiatives auprès de l'Union interparlementaire il y a deux semaines à peine, à Genève.

Il est facile de condamner. M. Trudeau avait l'habitude de dire que les mots ne coûtent pas cher. Cependant, j'estime comme parlementaire qu'il est plus efficace de participer avec d'autres à des discussions à la fois énergiques et civilisées.

Je ne demanderais pas mieux que de participer à des discussions avec le sénateur Tkachuk, pour qui j'ai beaucoup d'amitié et de respect. Nous pourrions facilement le faire en dehors du cadre du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, qui devrait se pencher sur ce genre de question. Malheureusement, le comité est trop occupé à autre chose pour s'intéresser à la question brûlante du jour. Il me semble que nous pourrions en discuter.

Lorsque nous estimons que l'Iran ne devrait pas se doter d'une capacité nucléaire au cours des cinq à dix prochaines années, nous ne devrions pas perdre de vue que ce pays a comme voisin un pays qui est une puissance nucléaire depuis une quarantaine d'années, grâce à l'aimable collaboration de la France et de Charles de Gaulle — ce pays, c'est Israël. C'est en Israël que la course aux armements a commencé, ce qui a donné à tous ses voisins l'envie d'en faire autant. Ceux qui n'avaient pas le savoir-faire nécessaire avaient l'argent pour se procurer la technologie. Il n'est pas très aimable de dire que ces pays n'avaient pas le savoir-faire nécessaire mais avaient l'argent qu'il fallait pour se le procurer, mais c'est ce qu'ils ont fait.

Nous devons faire plus que condamner. Je suis d'accord avec le sénateur Tkachuk pour dire que la chose est inacceptable, et je suis d'accord avec lui également pour dire que nous pouvons faire davantage. Cependant, j'aimerais que nous allions plus loin que de simplement formuler une condamnation et de faire des discours condamnant en termes vigoureux cette action.

Je trouve renversant que, en cette période de crise et de danger au Moyen-Orient, nos entreprises fassent des pieds et des mains pour décrocher des marchés en Iran. Nous devrions être conséquents avec nous-mêmes.

LA JOURNÉE D'ACTION POUR L'ALPHABÉTISATION

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, aujourd'hui, la Colline du Parlement a été envahie par une armée de 65 croisés qui nous demandent, à nous tous, de nous secouer un peu et d'épauler énergiquement la cause de l'alphabétisation au Canada. Une proportion renversante de 42 p. 100 des habitants adultes courent des risques tous les jours parce qu'ils leur manque des compétences de base pour lire, écrire, compter et communiquer, autant de choses que la plupart d'entre nous tiennent pour acquis.

Grâce à nos associations nationales, sous la conduite du Rassemblement canadien pour l'alphabétisation, nous soulignons sur la Colline du Parlement la 12e Journée d'action pour l'alphabétisation. Nous sommes encouragés à rencontrer et à écouter des militants et des personnes qui apprennent, pour nous renseigner sur ce problème qui est une honte nationale et sur les occasions offertes aux Canadiens, jeunes et vieux, de se bâtir une vie convenable, pour eux et pour leur famille.

La bonne nouvelle, c'est que plus de 70 parlementaires étaient là pour écouter. Ils ont entendu ce que la ministre de l'Alphabétisation, Claudette Bradshaw, a entendu au cours de sa tournée des villes et localités du Canada au cours de l'été. Nos gens veulent donner un coup de main, à commencer par ceux qui sont en train d'apprendre. Ils en ont assez des plans fragmentaires instables. Ils veulent une sorte de sécurité avec un programme décennal bien conçu, sur lequel la ministre Bradshaw travaille déjà.

Ils se réjouissent d'un certain nombre d'éléments : un budget plus généreux que jamais, qui a mis l'accent sur le soutien pour les compétences et la formation en milieu de travail; l'aide en langue seconde pour faciliter l'établissement des immigrants; un soutien sérieux pour les Autochtones tant à l'intérieur des réserves qu'à l'extérieur; un investissement de 30 millions de dollars dans le Secrétariat national à l'alphabétisation, organisme qui comprend les besoins des provinces et des territoires et qui travaille en partenariat avec eux et applique des programmes sur le terrain. Le secrétariat incarne l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de l'alphabétisation et il faut le protéger et lui donner de l'expansion.

Depuis 21 ans, je travaille à cette cause. C'est la première fois que j'ai l'impression que nous cherchons vraiment à faire des progrès importants. Je remercie de leur appui de nombreux sénateurs, tous ceux qui ont pris la parole au Sénat et travaillent sur le terrain pour faire avancer la cause. Je peux même leur dire qu'ils ont tous été d'un grand soutien, et je vais continuer de compter sur eux pour qu'ils me donnent ce solide encouragement.

Nous sommes à la croisée des chemins. Il est temps de chercher sérieusement les moyens d'améliorer ces statistiques déplorables et d'offrir à tous les Canadiens, où qu'ils habitent et quel que soit leur âge ou leur situation, une vraie chance de profiter des extraordinaires occasions que leur offrent notre pays béni.

J'ai la certitude que, en travaillant ensemble, nous saurons faire avancer les choses.


AFFAIRES COURANTES

LE GREFFIER DU SÉNAT

DÉPÔT DES COMPTES ANNUELS DE 2004-2005

Son Honneur le Président : Conformément au Règlement administratif du Sénat, j'ai l'honneur de déposer l'état des recettes et dépenses du greffier pour l'exercice se terminant le 31 mars 2005.

[Français]

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2005-2006

DÉPÔT DU BUDGET SUPPLÉMENTAIRE (A)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (A) 2005- 2006 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2006.

[Traduction]

LA DUALITÉ LINGUISTIQUE CANADIENNE : UN CADRE DE GESTION POUR LE PROGRAMME DES LANGUES OFFICIELLES

LE POINT SUR LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN D'ACTION POUR LES LANGUES OFFICIELLES : RAPPORT DE MI-PARCOURS

DÉPÔT DE DOCUMENTS

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, deux documents intitulés La dualité linguistique canadienne : Un cadre de gestion pour le programme des langues officielles et Update on the Implementation of the Action Plan for Official Languages.

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2005-2006

DÉPÔT DE LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT AU TROISIÈME RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse du gouvernement au douzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

LA DÉLÉGATION DU PRÉSIDENT EN POLOGNE

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Daniel Hays : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport qui a été préparé à la suite de la visite que j'ai eu le plaisir de faire à Varsovie et à Gdansk, en Pologne, afin de représenter le Canada et le premier ministre du Canada à l'occasion des cérémonies commémorant le 25e anniversaire du mouvement polonais Solidarité et de la signature de sa première entente avec le gouvernement de la Pologne.

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2005-2006

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ DES FINANCES NATIONALES À ÉTUDIER LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaires des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2006.

(1350)

[Français]

L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA RÉUNION DU BUREAU ET DE LA XXXIE SESSION DE L'APF, TENUES DU 5 AU 9 JUILLET 2005

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23.6 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire de la Section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie qui a participé à la réunion du Bureau de l'APF, tenue à Bruxelles, en Belgique, le 5 juillet 2005, de même qu'à la XXXIe session annuelle de l'APF, tenue également à Bruxelles, en Belgique, du 6 au 9 juillet 2005.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

LE MAINE—LE PROJET D'ÉTABLISSEMENT DE TERMINAUX DE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat porte sur le projet envisagé dans le nord du Maine, dans la baie de Passamaquoddy. Nous avons déjà eu l'occasion de soulever cette question au Sénat. A-t-elle fait partie des points abordés au cours de la visite à Ottawa, cette semaine, de la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice? Le gouvernement du Canada a-t-il exhorté la secrétaire d'État à déployer tous les efforts possibles pour que le gouvernement des États-Unis mette en évidence les risques environnementaux extrêmes de ce projet et ses répercussions négatives possibles pour le Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il faudra que je me renseigne pour savoir si les discussions ont porté sur ce point.

Le sénateur Kinsella : Je crois savoir que l'ambassadeur des États- Unis, David Wilkins, a déclaré que les installations seraient construites au terme du processus d'approbation américain, indépendamment des protestations canadiennes. Le Canada a-t-il intention de présenter un mémoire à l'organisme d'approbation américain, notamment au stade de l'évaluation environnementale du projet? Il est évident pour quiconque a navigué dans cet étroit chenal — en particulier le plus grand remous du monde, qui subit l'influence des marées et qu'on appelle Old Sow — qu'il est extrêmement difficile pour les pétroliers de faire un virage à angle droit à cet endroit sans risquer une terrible catastrophe.

Il est important que le gouvernement du Canada intervienne dans le processus d'approbation américain. Le gouvernement envisage-t- il de le faire?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'irai aux renseignements pour savoir si l'on tient compte des faits que vient d'exposer le sénateur Kinsella.

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LA RÉSERVE DE KASHECHEWAN—LA QUALITÉ DE L'EAU

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, ma question concerne la qualité de l'eau et le ravitaillement d'urgence de la réserve de Kashechewan, dans le Nord de l'Ontario. Cette collectivité doit faire bouillir son eau depuis 2003. Il y a deux semaines, les tests effectués sur des échantillons d'eau ont révélé la présence de colibacilles dangereux. On attribue à la qualité de l'eau différents troubles gastriques, de graves affections cutanées et des plaies ouvertes. On parle même d'une épidémie d'hépatite A.

Hier, le premier ministre de l'Ontario a dit que le gouvernement fédéral ayant brillé par son absence dans ce dossier, il avait ordonné l'évacuation de la réserve et le transfert de la population à Sudbury. Compte tenu du fait que le gouvernement provincial a dû intervenir pour prendre la situation en main, quelles mesures le gouvernement fédéral avait-t-il prises dans la semaine qui a précédé l'ordre d'évacuation?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il est malheureux que la situation en soit arrivée à ce point. Il aurait fallu agir plus tôt. Comme le premier ministre l'a dit, le gouvernement du Canada prend ses responsabilités très au sérieux. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, l'honorable Andy Scott, fera une déclaration, plus tard aujourd'hui, au sujet des autres mesures que le gouvernement prend.

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, avant-hier, le 25 octobre, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a publié ce qu'il appelle un plan d'action pour affronter la crise dans la réserve. Il y a deux semaines, le gouvernement était au courant de la présence de colibacilles dans l'eau. Le plan ne prévoit pas grand- chose de plus que le maintien des expéditions d'eau embouteillée et le lancement d'une étude sur la qualité de l'eau. C'est tout simplement une preuve de la négligence qui a donné lieu à cette crise. Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il décidé de maintenir le statu quo plutôt que d'intervenir d'une façon proactive dans cette situation d'urgence?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, à ma connaissance, le 12 octobre, une défaillance mécanique à l'usine de traitement de l'eau de la réserve de la Première nation de Kashechewan a suscité les préoccupations relatives à la présence de colibacilles.

Le gouvernement du Canada a un accord avec l'Ontario en vertu duquel il incombe à la province d'intervenir, et à Ottawa d'en assumer les frais. Par conséquent, aux termes de cet accord, la responsabilité de définir le problème appartient à l'Ontario.

Le ministre Scott était sur place en août et avait alors été mis au courant de la situation. On lui avait donné l'assurance que les dispositions techniques prises régleraient le problème et rétabliraient la qualité de l'eau. Il n'en a pas été ainsi. C'est pour cette raison qu'il est devenu nécessaire d'évacuer la réserve pour protéger la santé de la population.

Le gouvernement du Canada a un programme d'assainissement de l'eau et a engagé près de 2 milliards de dollars, je crois, pour améliorer les systèmes de traitement dans les réserves autochtones du pays. Des mesures ont été prises. Heureusement, personne n'a été gravement atteint par ce problème de qualité de l'eau. Comme je l'ai dit, M. Scott annoncera plus tard aujourd'hui les nouvelles mesures qui seront prises à cet égard.

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, je ne veux pas couper les cheveux en quatre, mais je ne sais pas si on peut dire que personne n'a été atteint par ce problème. Ces gens étaient obligés de faire bouillir leur eau depuis 2003, ce qui signifie qu'il y avait probablement déjà contamination de l'eau par des matières fécales, mais ce n'est que récemment qu'on a décelé la présence du bacille E. coli. C'est une situation embarrassante pour un pays comme le Canada d'avoir laissé traîner une situation pareille pendant deux ans sans intervention du gouvernement fédéral. Je demande au leader du gouvernement au Sénat d'essayer d'obtenir des renseignements pour déterminer si un ministère fédéral quelconque ou le cabinet du premier ministre a reçu des messages ces dernières semaines de Phil Fontaine, grand chef de l'Assemblée des Premières Nations, au sujet de la crise de l'eau dans cette réserve particulière. Si oui, le leader peut-il déposer ces messages au Sénat?

(1400)

Le sénateur Austin : Je serais heureux de demander des renseignements au sujet de toute communication reçue du grand chef Phil Fontaine. Comme je l'ai dit, cette affaire suscite des préoccupations et a été portée à l'attention du ministre Scott en août dernier.

LA SANTÉ

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER—LE FINANCEMENT ET L'ADOPTION DE LA STRATÉGIE NATIONALE DE LUTTE CONTRE LE CANCER

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement sur la stratégie nationale de lutte contre le cancer. La semaine dernière, le ministre de la Santé a annoncé qu'un montant de 59,5 millions de dollars sur cinq ans serait débloqué pour élaborer une stratégie nationale de lutte contre le cancer. Ce montant est bien inférieur aux 260 millions que les groupes qui luttent contre cette maladie estiment nécessaires. Réagissant à l'annonce du ministre, la Société canadienne du cancer a dit qu'il ne s'agissait guère que d'un acompte, ajoutant : « Il faudra plus d'argent pour obtenir des résultats réels dans la lutte contre la maladie. » Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'accorder un montant inférieur à ce que la société réclamait? Ce montant sera-t-il rajusté?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il est d'une importance cruciale d'élaborer une stratégie nationale de lutte contre le cancer. Une foule de questions doivent être prises en considération et évaluées : il faut comprendre les étapes à suivre pour parvenir à une stratégie nationale, il faut savoir s'il y a lieu de créer des centres d'excellence ou d'appuyer plutôt les centres d'excellence existants, et il faut prendre les conseils de l'Association médicale canadienne et de ses groupes de pairs au sujet des stratégies regroupées sous une stratégie générale. Le mémoire soulève un certain intérêt, mais on se demande également si le ciblage des dépenses est le meilleur moyen d'utiliser l'argent dans la lutte contre le cancer. Voilà le sujet à l'étude aujourd'hui, et j'espère que le dossier progressera rapidement.

Le sénateur Keon : À ce propos, la Société canadienne du cancer soutient qu'une stratégie a été élaborée, et le Globe and Mail a écrit que des divergences internes entre Santé Canada et l'Agence de santé publique du Canada ont empêché le gouvernement fédéral d'en annoncer l'adoption. Le même journal prétend que le ministre de la Santé et la ministre d'État à la Santé publique ont actuellement un grave désaccord sur cette stratégie, et tous ces éléments se conjuguent pour retarder les progrès et l'annonce de la stratégie.

Le leader pourrait-il nous dire si on s'efforce de trouver une solution et de dégager un consensus pour enfin annoncer la stratégie et, peut-on espérer, un rajustement du financement?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je n'avalise ni n'approuve les observations faites dans le Globe and Mail au sujet des différends qui existeraient entre divers secteurs et centres qui s'occupent de la question du cancer et de la façon dont le gouvernement du Canada devrait aborder l'amélioration de notre capacité de lutter contre le cancer.

Je le répète, il y a un certain nombre de questions à prendre en considération dans le choix d'une stratégie et de sous-stratégies. Dans ma province, par exemple, la Colombie-Britannique, le B.C. Cancer Institute a demandé un financement important et présente une description de ses compétences qu'il faut examiner et discuter. Bien entendu, il y a d'autres centres de lutte contre le cancer et de traitement au Canada, et ils ont aussi des compétences et des opinions sur ce qu'on devrait leur permettre de faire. Il nous faut donc une stratégie d'ensemble, il faut concilier les façons particulières de procéder des divers groupes de pairs afin d'éviter de dépenser de l'argent pour que, inutilement, les mêmes choses se fassent à divers endroits au Canada.

Il faut également que le gouvernement fédéral et les provinces reçoivent les conseils d'un groupe de pairs sur l'évaluation des diverses propositions de recherche. Les Instituts canadiens de recherche en santé sont le dispositif fédéral permettant de prendre des décisions fondées sur des groupes de pairs, et je sais que le sénateur Keon connaît fort bien l'approche suivie dans le cas du cancer. Les Instituts canadiens de recherche en santé ont pris des engagements intéressants, tant pour ce qu'ils ont fait que pour ce qu'ils n'ont pas accepté.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'IRAN—LA DÉCLARATION DU PRÉSIDENT CONCERNANT ISRAËL

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk a soulevé la question des déclarations du président d'Iran. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quelles mesures le gouvernement du Canada va prendre, sur les plans bilatéral ou international, à propos de ces déclarations fort troublantes?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Le premier ministre a réagi hier, et le sénateur Tkachuk s'est reporté à la dénonciation que le premier ministre a faite des déclarations du président d'Iran.

Quant aux suites à donner, honorables sénateurs, l'évaluation de la question commence à peine.

Le sénateur Andreychuk : Compte tenu de la gravité de ces déclarations, le gouvernement envisagera-t-il de saisir les Nations Unies de la question? Je ne parle pas d'expulsion, ce qui me semblerait stérile.

Le sénateur Austin : Je considère l'intervention du sénateur Andreychuk comme une recommandation, et je la communiquerai assurément au ministre des Affaires étrangères. Je sais que madame le sénateur Andreychuk est au courant du fait que des pays comme la France et l'Espagne ont également dénoncé la déclaration du président d'Iran.

[Français]

LA SIGNATURE DU TRAITÉ DE NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES PAR ISRAËL

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, pour aider à mieux comprendre la situation et même, dirai-je avec audace, aider plusieurs de nos collègues à comprendre la politique étrangère du Canada à l'égard de cette région du monde, le ministre des Affaires étrangères, mon successeur comme député, ne pourrait-il pas rappeler que la politique canadienne est aussi de demander à l'État d'Israël de signer le Traité de non-prolifération des armes nucléaires? Cela semble être un sujet défendu. Ce n'est pas une politique de moi-même ou de quelques hurluberlus, c'est de la politique canadienne que je parle. Or elle n'est pas souvent rappelée.

Chaque fois que je discute avec des représentants des Affaires étrangères, on me dit qu'on souhaite qu'Israël signe le Traité de non- prolifération des armes nucléaire, car ce pays dispose, depuis des dizaines d'années, des centaines d'armes nucléaires, bactériologiques et autres. Ce serait bon, pour mieux répondre aux vœux des sénateurs Tkachuk et Andreychuk ainsi qu'aux miens, de pouvoir mieux négocier avec l'Iran et montrer l'équilibre canadien. Je le répète, je leur ai parlé la semaine dernière. J'ai parlé aussi à des gens de l'Iran avant d'entrer dans cette enceinte pour leur dire que c'était une déclaration qui n'était certainement pas acceptable et qui n'aide pas la discussion actuelle.

Pourrions-nous donc, monsieur le ministre, vous prier de demander au ministre des Affaires étrangères et au premier ministre du Canada de réitérer officiellement ce qu'est la politique canadienne au Moyen-Orient en ce qui concerne la question des armes nucléaires et le Traité de non-prolifération des armes nucléaires qui n'a jamais été signé par Israël? C'est raisonnable, je crois.

[Traduction]

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme soulève une question importante. La communauté internationale est inquiète, je dirais même qu'elle est alarmée par le programme nucléaire de l'Iran. Ce pays a contracté des obligations en matière de non-prolifération. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, elle viole ces obligations. Des discussions sont en cours concernant un renvoi de ces violations au Conseil de sécurité.

(1410)

Il est arrivé souvent que le Canada se joigne aux protestations contre les actes de tromperie et de dissimulation que l'AIEA a relevés en rapport avec les programmes nucléaires de l'Iran.

Étant donné la déclaration faite par le président de l'Iran sur l'objectif déclaré de son pays concernant ses relations avec Israël, qui est d'assurer la destruction d'Israël, la question ayant trait au programme nucléaire d'Israël représente probablement un deuxième pas.

Je ne peux pas parler directement au nom du ministre des Affaires étrangères dans ce dossier, mais je sais que les discussions qui ont eu lieu dans le passé avec Israël n'ont amené ni le Canada ni les États- Unis à craindre son programme nucléaire, si toutefois ce pays en a un. Il refuse de reconnaître l'existence d'un tel programme. La conclusion est que le Canada n'est pas alarmé par le programme d'Israël, peu importe l'idée qu'il s'en fait, mais, dans le cas de l'Iran, la communauté internationale est très inquiète.

Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, j'ai entendu dire que la politique du gouvernement canadien n'a pas été réaffirmée sur la scène internationale. La politique canadienne doit se poursuivre publiquement; ce n'est pas une politique personnelle. J'exprime clairement mon opinion au sujet de la politique du gouvernement du Canada et, au nom de tous les partis politiques, j'affirme qu'Israël devrait signer le Traité de non-prolifération.

Je suis ce dossier depuis 51 ans et je dis au sénateur que les choses iraient mieux si nous étions plus fermes. Au nom de l'équilibre canadien, nous devrions rappeler à notre ami, mais pas notre allié, l'État d'Israël, qu'il devrait signer le Traité de non-prolifération, et admettre ainsi qu'il est une puissance nucléaire depuis le début de la course aux armements, il y a de cela 40 ans. La course aux armements entre l'Union soviétique et les États-Unis, nos voisins et amis, a été déclenchée à la fin de la Seconde Guerre mondiale par l'explosion de deux bombes nucléaires.

Pendant 30 ans, nous avons continué à nier qu'Israël était une puissance nucléaire. En ma qualité d'ancien président des Comités des affaires étrangères et de la défense nationale, on m'a même demandé de ne jamais faire allusion à cette question. Nous savons qu'Israël est une puissance nucléaire et que cet État invite ses voisins à participer. Nous savons également que ses voisins ne peuvent absolument pas participer, ni sur le plan intellectuel ni sur le plan scientifique, mais ils peuvent acheter la technologie. C'est ce qui se produit dans cette course aux armements.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, j'ignore si une question a été posée, mais le sénateur Prud'homme a fait allusion à un problème.

La position officielle du Canada est que l'Iran doit suspendre toutes ses activités liées à l'enrichissement de l'uranium jusqu'à ce qu'une entente satisfaisante soit conclue avec l'AIEA, le Royaume- Uni, la France et l'Allemagne, qui représentent la communauté internationale. En reprenant les travaux de conversion, l'Iran viole l'accord de Paris et les résolutions successives de l'AIEA.

Le Canada est d'avis que si l'Iran ne suspend pas de nouveau toutes ses activités liées à l'enrichissement de l'uranium, l'AIEA devra immédiatement prendre des mesures et saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies de la question.

En ce qui concerne l'intervention de l'honorable sénateur au sujet d'Israël, s'il a des preuves qu'une quelconque activité d'Israël est motivée par l'Iran, je serais heureux d'étudier la question avec lui.

L'honorable Yoine Goldstein : Au nom de l'« équilibre », un terme que vient tout juste d'employer l'honorable sénateur, peut-on mettre sur le même plan, d'une part, le simple refus de signer un traité et, d'autre part, un appel à l'éradication d'un État par la force?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je ne saurais mieux formuler l'équation.


ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES FONCTIONNAIRES DÉNONCIATEURS D'ACTES RÉPRÉHENSIBLES

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-11, Loi prévoyant un mécanisme de divulgation des actes répréhensibles et de protection des divulgateurs dans le secteur public.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat de deuxième lecture sur un important projet de loi qui a pris racine dans les travaux passés du Sénat.

J'aimerais commencer par souligner aux honorables sénateurs, avec la plus grande modestie, que nombre d'entre nous appuyons le principe général du projet de loi et que je l'appuie moi-même. Cependant, il y a toujours des problèmes en ce qui concerne les détails, et j'ai l'intention d'en parler maintenant.

Comme le sénateur Smith l'a dit clairement l'autre jour, le projet de loi C-11 vise à prévenir les actes répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre éthique de pratiques en milieu de travail pour traiter les allégations d'actes répréhensibles et protéger les divulgateurs.

Ce projet de loi vise à résoudre un problème qui inquiète nombre d'entre nous, au Sénat, et dont on aurait nettement dû s'occuper depuis longtemps. Nous traînons loin derrière nos collègues en Australie, aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et au Royaume- Uni, qui se sont déjà dotés d'une loi de cette nature.

Comme l'a dit le sénateur Smith au Sénat, le 25 octobre, personne ne sait exactement pourquoi on a mis tant de temps à présenter ce projet de loi, surtout lorsqu'on sait qu'il s'agissait d'un engagement libéral au cours de la campagne électorale fédérale de 1993. Cet engagement, écrit noir sur blanc, promettait que le gouvernement présenterait un projet de loi sur les divulgateurs après les élections de 1993. Nous sommes en 2005, et cet engagement a été pris il y a 12 ans.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-11 constitue un autre chapitre dans la longue histoire d'un gouvernement qui, de manière inacceptable, tarde sans cesse à donner suite à ses engagements. Nous sommes heureux des efforts fructueux des conservateurs pour garder ce dossier à l'avant-scène. Il est essentiel de protéger les fonctionnaires dans le monde d'aujourd'hui à cause de la complexité du milieu de travail et de la dynamique différente qui influe sur la sécurité et les droits des citoyens par rapport au passé. Ainsi, il y a quelque temps, nous avons reconnu ici même, au Sénat, qu'il était indispensable pour nous d'adopter une loi ferme sur la divulgation d'actes répréhensibles pour mettre en place un mécanisme contre le manque d'éthique et la corruption.

(1420)

Malheureusement, le gouvernement actuel a profité de toutes les occasions pour saper nos initiatives d'une manière inexplicable, puisque ce même gouvernement vantait le concept d'une telle protection dans ses promesses électorales d'il y a 12 ans. Mon projet de loi, le S-6, a été bien accueilli par le Sénat et étudié au Comité des finances nationales, mais le ministre responsable d'alors voulait régler la question de la divulgation d'actes répréhensibles au moyen d'une politique modèle. La plupart des sénateurs membres du comité se sont montrés sceptiques quant à l'efficacité possible d'une telle approche, mais les choses se sont quand même faites de cette façon. C'est seulement après que l'agent de l'intégrité de la fonction publique, nommé en vertu de cette politique du Conseil du Trésor, a dit qu'il était incapable de protéger les fonctionnaires divulgateurs que le gouvernement a bien voulu admettre qu'en fait, le Sénat avait raison de dire qu'une loi était nécessaire.

Le gouvernement a alors déposé un projet de loi tout à fait insuffisant, le C-25, qui, au lieu de protéger les divulgateurs, donnait simplement l'impression de les protéger. Le projet de loi voulait imposer aux fonctionnaires de faire part de leurs préoccupations à leur propre supérieur plutôt qu'à une tierce partie neutre. Les divulgateurs n'étaient pas protégés des représailles, le commissaire ne relevait pas directement du Parlement et le projet de loi contenait une longue liste de fonctionnaires exemptés. Avec le déclenchement des élections en 2004, le projet de loi C-25 est resté en plan au Feuilleton. Il n'a pas été pleuré par beaucoup de gens. Ses lacunes sont devenues encore plus évidentes lorsque la vérificatrice générale, Sheila Fraser, a dénoncé le règne de terreur instauré au Commissariat à la protection de la vie privée. Ensuite, le scandale des commandites a éclaté.

Même si le chemin à suivre pour remédier à la situation était clair, le gouvernement a choisi de déposer encore un autre projet de loi qui ne protégeait pas vraiment les divulgateurs. Même après avoir entamé la troisième série de discussions sur ce sujet, le gouvernement tenait bon et faisait encore la promotion de l'avant-projet de loi C- 11, qui avait été déposé pour la première fois à l'autre endroit. À ce moment, le projet de loi C-11 faisait abstraction de la nécessité d'une tierce partie indépendante chargée d'évaluer la divulgation d'actes répréhensibles, favorisant plutôt un système dans lequel les personnes accusées d'abus étaient chargées de remédier elles- mêmes à la situation à l'interne.

Les divulgateurs n'étaient protégés que s'ils pouvaient fournir des renseignements complets sur l'acte répréhensible. Le simple fait de fournir de l'information ne suffisait pas. Fait difficile à croire, l'avant-projet de loi C-11 visait à protéger non les divulgateurs, mais les politiciens, de la fureur d'un électorat dégoûté. Toute révélation faite par un fonctionnaire devait être gardée secrète pendant 20 ans, ce qui est plus que suffisant pour éviter un éventuel scandale et s'assurer que la plupart des protagonistes ne seraient plus là.

D'importants organismes du gouvernement étaient soustraits à la loi, et le commissaire n'était pas autorisé à enquêter sur des divulgations venant du public.

C'est seulement grâce à la persévérance des députés à l'autre endroit, comme l'a dit le sénateur Smith, que ces grossières lacunes ont été corrigées au comité des Communes, qui a apporté d'importants amendements, surtout à l'avant-projet de loi C-11. Je conviens avec le sénateur Smith que le projet de loi a été grandement amélioré par rapport à la première version initialement déposée à l'autre endroit.

Même si ces amendements représentent un pas dans la bonne direction, le projet de loi, tel qu'il a été adopté à l'autre endroit et que nous l'avons reçu au Sénat, contient des défauts importants qui nous amènent nécessairement à nous demander : ce projet de loi vise-t-il à protéger les fonctionnaires qui divulguent un acte répréhensible ou bien à créer un système réglementaire qui va inévitablement exclure et décourager de nombreux fonctionnaires honnêtes souhaitant révéler des actes répréhensibles au public?

Le projet de loi C-11 n'offre aucune protection aux fonctionnaires qui ne suivent pas exactement la procédure prescrite, indépendamment de l'exactitude de leurs révélations. Le projet de loi devrait protéger toute divulgation faite de bonne foi, peu importe si le fonctionnaire a respecté ou non les étapes complexes de la procédure prescrite.

De plus, le projet de loi dont nous sommes saisis ne reconnaît pas la nature particulièrement odieuse des mesures de représailles prises contre un divulgateur qui a agi de bonne foi pour rétablir l'honnêteté dans la fonction publique. Il ne prévoit aucun recours particulier pour les divulgateurs qui sont punis pour avoir dit la vérité. Leur seul recours est d'intenter des poursuites coûteuses, intimidantes et souvent inaccessibles pour congédiement injustifié. Il faut ajouter que la définition de « représailles » donnée dans le projet de loi a été restreinte sans nécessité et pourrait, de ce fait, facilement exclure des actes subtils mais insidieux destinés à punir les divulgateurs de bonne foi.

Honorables sénateurs, nous avons beaucoup appris au fil des ans au sujet de la discrimination motivée par la malice et de la discrimination non intentionnelle, c'est-à-dire systémique. Il semble qu'un projet de loi sur la divulgation d'actes répréhensibles devrait traiter des questions systémiques liées à la conduite, aux systèmes et aux processus contraires à l'éthique dans la fonction publique.

De plus, l'identité des personnes qui abusent de la confiance du public et qui se servent de leur poste pour voler les Canadiens demeure protégée parce que le projet de loi ne précise pas à quel moment les décisions peuvent être rendues publiques. L'identité des auteurs d'actes répréhensibles est protégée et, comme si cela ne suffisait pas pour réduire la confiance du public dans les intentions du gouvernement, le projet de loi C-11 permet de protéger l'information pendant cinq ans.

Les honorables sénateurs trouveront l'expression « administrateur général » dans l'article sur les définitions, à la page 2 du projet de loi. L'« administrateur général » y est défini comme étant l'administrateur général ou le premier dirigeant d'un ministère.

(1430)

Je soulève ce point parce que l'on pourrait croire, vu le vocabulaire employé, que le projet de loi tente d'emprunter les concepts et les termes organisationnels propres au secteur privé pour les appliquer au secteur public. Je suis d'avis que le secteur public fonctionne dans un contexte tout à fait différent de celui du secteur privé. Dans le secteur public, les citoyens ne sont pas des clients, mais c'est souvent ainsi qu'on les appelle. « Parties intéressées » — en voilà un autre. Quand j'ai vu qu'on avait employé l'expression « administrateur général », j'ai demandé ce qui n'allait pas avec celui de « sous-ministre ».

Honorables sénateurs, on utilise un nouveau langage, ou vocabulaire, qui correspond peut-être cependant à une conception différente de la fonction publique que celle dont il est question dans le paragraphe du préambule qui en parle comme d'un prolongement du Parlement.

Selon ce projet de loi, le sous-ministre, ou administrateur général, peut refuser la communication de documents relatifs aux dénonciations en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels pendant la période de cinq ans dont j'ai parlé. Je m'empresse toutefois d'ajouter que cinq ans, c'est beaucoup mieux que les vingt prévues dans l'avant-projet de loi.

Le projet de loi C-11 ne prévoit pas de protection pour les nombreuses personnes qui travaillent comme employés contractuels ou comme consultants pour la fonction publique. Ces personnes représentent une partie importante de l'appareil gouvernemental. Elles ont souvent accès aux mêmes renseignements et assument souvent les mêmes responsabilités que les fonctionnaires à temps plein, mais le projet de loi ne leur accorde pas le même traitement au regard de la loi. Cette distinction arbitraire sape le fondement du projet de loi.

Le Conseil du Trésor ne peut avoir le lard et le cochon. Il essaie de réduire la taille de la fonction publique en engageant des employés contractuels et des consultants parce qu'il veut avoir plus de latitude de gestion. Dans ce contexte, il convient de se demander quelles sont les protections contre les irrégularités. Je pense aux protections pour assurer l'équité en matière d'embauche dans un système où l'on a de plus en plus recours aux employés contractuels et aux consultants.

Certains soutiennent que cette pratique est un moyen de contourner le processus d'embauche dans la fonction publique et qu'elle pourrait laisser la porte ouverte à bien des abus si elle était utilisée comme méthode de dotation de la fonction publique au lieu du mode traditionnel de recrutement par concours. Mais il s'agit là d'une tout autre question, bien qu'elle soit importante.

Le rapport entre ce que je viens de dire et le projet de loi, c'est qu'un grand nombre de personnes travaillent pour la fonction publique à titre de contractuels ou de consultants. Elles pourraient être témoins des mêmes actes répréhensibles que les fonctionnaires qui sont protégés en raison de leur statut de fonctionnaires à temps plein. Par conséquent, elles ne devraient pas être exclues de la protection offerte par le projet de loi sur la divulgation d'actes répréhensibles.

Une lacune également troublante est l'ambiguïté au sujet du rôle des syndicats dans le régime de divulgation. La négociation collective n'est pas une mauvaise chose. Elle a été efficace, et elle a instauré une assez grande équité dans le domaine de l'emploi au Canada, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Or, les syndicats n'ont pas un rôle clair à jouer aux termes du projet de loi C-11. Ainsi, le projet de loi, tel qu'il se présente à nous, ne permet pas aux représentants des unités de négociation de participer au processus. Les syndicats de la fonction publique, les divers bureaux des syndicats et les délégués syndicaux, etc., ont une bonne feuille de route en ce qui concerne non seulement la protection des droits des fonctionnaires en matière d'emploi, mais aussi la teneur du travail accompli par leurs membres dans la fonction publique. Il n'y a pas par nature des relations d'inimitié entre les syndicats de la fonction publique et les fonctionnaires. Il n'y a pas nécessairement un conflit de rôle ou de fonction.

Au fil des ans, des gestionnaires du secteur public ont adopté comme point de vue que, pour quelque raison, les syndicats étaient une mauvaise chose et qu'il fallait s'en méfier. Je ne crois pas que ce point de vue soit acceptable, ni qu'il soit fondé.

Compte tenu de l'histoire réelle du travail des syndicats du secteur public, aux niveaux fédéral et provincial, on peut dire qu'ils ont joué un rôle essentiel pour la protection des fonctionnaires et des syndiqués. Dans le cadre du régime de divulgation, il faut examiner plus à fond leur rôle, et nous le ferons au cours de l'étude du projet de loi.

Le projet de loi C-11 permet toujours au cabinet du premier ministre de soustraire des sociétés d'État et d'autres entités à l'application du projet de loi. Une fois de plus, ceux-là mêmes qui risquent d'être les auteurs d'actes répréhensibles peuvent prendre des décisions susceptibles d'influer sur les enquêtes possibles. Nous avons bien vu dans le scandale des commandites que ce genre de société d'État était en cause, tout comme l'étaient des fonctionnaires du plus haut niveau. S'il y a fraude, pouvons-nous vraiment compter que les intéressés ne seront pas tentés d'user de leur pouvoir pour camoufler les faits, surtout lorsque les gouvernements sont dans une position précaire au Parlement?

La version du projet de loi C-11 maintenant à l'étude au Sénat est foncièrement différente de celle qui a été présentée à l'autre endroit et étudiée par son comité. Certaines dispositions qui font maintenant partie du projet de loi n'avaient pas été étudiées préalablement par un comité de parlementaires. La nature des changements proposés fait du projet de loi une mesure nettement différente, et notre rôle traditionnel d'examen nous donne une première occasion d'étudier ce texte.

Des témoins qui comparaîtront devant le comité sénatorial voudront peut-être avoir l'occasion de se faire entendre et de commenter un projet de loi qui a été amendé après leur contribution à son étude à l'autre endroit. L'audition de ces témoins facilitera grandement le travail de notre comité. Par exemple, nous n'avons pas à prolonger l'audition de ces témoins, mais les témoins dont nous tenons vraiment à recueillir le point de vue sont ceux qui comprennent ce genre de mesure législative. Nous profiterons de leurs conseils et de leur analyse du projet de loi maintenant à l'étude, qui est tellement différent de celui qu'ils ont déjà eu la possibilité de commenter.

(1440)

J'espère, et c'est une proposition, que seront appelées à témoigner des personnes qui ont fait l'objet de représailles comme Joanna Gualtieri, Allan Cutler, Margaret Haydon, à qui madame le sénateur Spivak a fait allusion, ainsi que d'autres personnes comme Rubin Friedman, Ned Franks et M. Hodges. Il est évident que nous voudrons entendre également des membres du ministère et les fonctionnaires qui ont participé à l'application de l'autre politique, comme l'agent de l'intégrité de la fonction publique.

Je voudrais voir comparaître comme témoins un ou deux représentants de ministères hiérarchiques comme le ministère de la Santé et le ministère de l'Agriculture, ainsi que de Postes Canada et de la Société Radio-Canada. Il serait également utile d'entendre un certain nombre de groupes de défense. Je songerais à certains qui ont comparu devant le comité de la Chambre et à d'autres qui ne l'ont pas fait, comme l'Association canadienne des journaux, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et, évidemment, le SCFP. Je pense encore à quelques experts canadiens et étrangers, notamment des gens du projet de responsabilisation publique de Washington. Il serait très utile d'entendre ces gens pour éclairer l'étude article par article que le comité réalisera.

Honorables sénateurs, il serait utile, pour dire le moins, d'expliquer et de préciser le sens de certains termes employés dans le projet de loi C-11. Certains prêtent un peu à confusion et ils sont peut-être mal compris.

Des honorables sénateurs ont soulevé des questions constitutionnelles graves au sujet de la désignation du commissaire à l'intégrité du secteur public. Il faut donner suite à ces questions bien mûries et pénétrantes, et elles doivent donner lieu à un examen approfondi au comité.

J'ai signalé les lacunes qui subsistent dans le projet de loi. J'incite tous les honorables sénateurs à faire preuve d'une diligence accrue au cours de l'étude du projet de loi au comité, car j'estime que le Sénat pourrait encore l'améliorer au moyen de judicieux amendements.

À notre époque, la politique et les affaires publiques au Canada s'enlisent dans les allégations de corruption et de scandale. Nous ne pouvons guère nous permettre d'adopter une loi qui prétend protéger ceux qui essaient de restaurer l'intégrité du système si cette loi ne fait que leur compliquer la tâche. Il n'est pas logique qu'une loi qui vise à encourager les divulgations contienne un préjugé favorable au secret dans l'appareil gouvernemental. Appliquer pareil préjugé ne ferait qu'élargir la catégorie des renseignements qui seront éventuellement cachés au public. Il faudrait qu'il y ait un préjugé favorable à la transparence, à moins que le gouvernement ne puisse établir ou prouver qu'il y a lieu de faire une exception. Ce ne devrait pas être le contraire.

Le Canada a progressivement glissé à son rang le plus bas de tous les temps dans l'index international de la perception de la corruption et de la transparence. Le Canada a reculé de presque dix places au cours de la dernière décennie à cause d'une hausse marquée du niveau de perception de la corruption au sein du gouvernement. Quand des gens d'affaires et des analystes disent à la communauté internationale que le Canada est un pays où la corruption gagne sans cesse du terrain, on doit se demander pourquoi. Nous devons faire tous les efforts possibles pour que des mesures législatives aussi confuses et contradictoires que le projet de loi C-11 ne servent pas davantage à détériorer notre réputation sur la scène internationale et à miner la confiance de nos concitoyens envers notre gouvernement.

Le projet de loi C-11 risque de créer une sortie d'urgence pour les décideurs haut placés qui recourront aux exceptions pour refuser de divulguer des actes répréhensibles ou pour se soustraire aux conséquences du mécanisme de divulgation. Le projet de loi C-11 sera nettement moins efficace s'il ne s'applique pas de façon objective et sans exception à tous ceux qui occupent des postes situés aux échelons supérieurs du gouvernement.

Je rappelle aux sénateurs que, en évaluant ce projet de loi, nous devrions avoir à l'esprit l'adage corruptio optimi pessima — la corruption est le meilleur du pire —, afin que ce projet de loi atteigne son objectif initiale et ne crée pas par inadvertance une structure qui fournirait des échappatoires et des issues de secours à ceux qui occupent les postes les plus élevés au gouvernement. Nous attendons avec impatience les travaux du comité.

Je souligne que j'appuie ce projet de loi en principe. Je pense toutefois que nous pourrons l'améliorer considérablement au comité, même si je reconnais que le projet de loi C-11 représente un progrès sensible par rapport à ce que nous avions il y a quelques années.

Son Honneur le Président : Le sénateur Kinsella accepterait-il qu'on lui pose une question?

Le sénateur Kinsella : Bien sûr, honorables sénateurs.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, nonobstant les réserves dont fait part le sénateur Kinsella, je ne doute pas qu'il éprouve une certaine satisfaction, et il a d'ailleurs droit à nos félicitations, parce qu'il voit que les efforts tenaces qu'il a déployés pendant tant d'années sont sur le point de porter fruit sous la forme de ce projet de loi du gouvernement. Je l'en félicite.

Je regrette de dire que je n'étais pas ici mardi quand le parrain du projet de loi, le sénateur Smith, a fait un exposé exhaustif sur le projet de loi C-11. Cependant, une ou deux choses retiennent mon attention. J'invite le sénateur Kinsella à les commenter. Peut-être que le sénateur Smith, lorsqu'il clora le débat, en parlera.

La première a trait aux organismes exclus de l'application de ce projet de loi, notamment le Centre de la sécurité des télécommunications, le SCRS et les Forces canadiennes. Le sénateur Smith a fait remarquer que chacun de ces organismes est tenu d'établir ses propres mécanismes de divulgation et de protection contre les représailles qui seront similaires à ceux décrits dans le projet de loi, et de prouver au Conseil du Trésor qu'il l'a fait. Je pense que, premièrement, dans l'esprit de collaboration parlementaire qu'a mentionné le sénateur Smith dans son discours et, deuxièmement, parce que le Parlement est tellement au cœur de tout cet exercice et du succès futur de ce projet de loi, il ne devrait pas revenir uniquement au Conseil du Trésor de croire que le CST, le SCRS et les Forces canadiennes, par exemple, ont mis en place des mécanismes de divulgation et de protection contre les représailles similaires à ceux qui sont décrits dans le projet de loi. Le Parlement devrait avoir son mot à dire là-dessus. À mon avis, le Parlement devrait avoir un droit de décision à cet égard. Le sénateur pourrait-il faire des observations à cet égard?

Un autre sujet auquel le sénateur a fait allusion, comme l'a fait madame le sénateur Spivak dans son discours hier, c'est que le projet de loi confère au gouverneur en conseil le droit d'ajouter à la liste ou d'en retrancher le nom de toute société d'État ou de tout organisme public. Comme nous le savons, il s'agit là d'une disposition assez courante dans bon nombre de projets de loi. La Couronne a le droit d'ajouter des organismes à l'annexe ou de les en retrancher. Encore une fois, dans une loi aussi axée sur le Parlement, il me semble que le gouvernement lui-même devrait avoir le droit de faire cela. Le Parlement devrait avoir un droit de regard en la matière.

L'honorable sénateur pourrait-il nous donner son opinion?

Le sénateur Kinsella : Je remercie l'honorable sénateur de ses questions. Il a entièrement raison en ce qui concerne la première. À l'article 2, où se trouvent les définitions du projet de loi, le secteur public est défini de manière à ne pas inclure les Forces canadiennes, le Service canadien du renseignement de sécurité et le Centre de la sécurité des télécommunications. Une forme de surveillance devrait s'appliquer à ces derniers.

(1450)

Les travaux du comité spécial du Sénat qui examine la Loi antiterroriste nous montrent l'importance de ces organismes spéciaux en ce qui concerne la défense du pays, et nous reconnaissons que parfois des pouvoirs spéciaux sont donnés dans des sociétés libres et démocratiques. Nous reconnaissons aussi que si nous établissons un mécanisme de surveillance même pour ce genre d'organisme, particulièrement une surveillance parlementaire, le potentiel d'abus est alors minimisé.

Le comité doit examiner si nous pouvons ou non trouver une façon de pousser la réflexion sur cette disposition.

Tout découle de l'exécutif et c'est précisément en raison de la mauvaise gestion et des abus qui ont entaché l'exécutif que nous avons besoin de ce projet de loi. Il est clair que je partage l'avis du sénateur Murray selon lequel le Parlement doit jouer un rôle dans l'ajout ou le retranchement de ces sociétés d'État.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, j'ai attentivement écouté l'intervention de l'honorable sénateur, particulièrement lorsqu'il a parlé du statut constitutionnel du haut fonctionnaire prévu à l'article 39 du projet de loi.

L'honorable sénateur est-il convaincu que le statut de ce haut fonctionnaire, tel que défini dans le projet de loi, respecte toutes les exigences constitutionnelles assurant son indépendance? Voilà un élément clé de son efficacité à satisfaire les objectifs du projet de loi. Le Parlement doit avoir l'assurance que ce haut fonctionnaire est entièrement protégé de façon à demeurer indépendant du pouvoir exécutif. D'après ce que je vois, avec le nouveau système, si un fonctionnaire souhaite dénoncer un acte répréhensible, il doit avoir la ferme conviction que le haut fonctionnaire à qui il se confie est suffisamment indépendant du gouvernement pour lui offrir la protection voulue. Les parlementaires doivent avoir l'assurance que, dans le contexte constitutionnel et institutionnel du gouvernement, ce haut fonctionnaire est en mesure de s'acquitter de sa tâche. Je me fie à l'intérêt que l'honorable sénateur porte depuis longtemps à la fonction publique. Est-il convaincu que le libellé actuel du projet de loi répond à toutes ces exigences?

Le sénateur Kinsella : Je remercie l'honorable sénateur de son importante question, qu'il a également posée à mon collègue, le sénateur Smith, mardi dernier. J'ai eu le temps d'y réfléchir aussi. Ma réponse est non, je n'en suis pas certain.

Le premier paragraphe du préambule du projet de loi est libellé comme suit :

... l'administration publique fédérale est une institution nationale essentielle au fonctionnement de la démocratie parlementaire canadienne...

J'espère que je ne suis pas trop vieux jeu. Je ne suis pas de ceux qui croient que rien ne doit jamais changer, mais nous devons être prudents lorsque nous établissons ces commissariats, surtout en ce qui a trait à leur relation avec le Parlement. Lorsqu'il n'est que vaguement question de ces hauts fonctionnaires du Parlement — le vérificateur général, le commissaire à la protection de la vie privée et ainsi de suite —, c'est que le projet de loi a parfois l'intention d'offrir une protection particulière à un agent administratif. C'est comme si le Parlement servait de mécanisme de défense, à moins que l'intention soit vraiment d'établir une relation essentielle et formelle entre le Parlement et cet agent.

Je n'ai pas de réponse à la question de l'honorable sénateur, mais le comité devra y réfléchir. Nous sommes conscients que bon nombre de postes de hauts fonctionnaires ont fait leur apparition au cours des 15 ou 20 dernières années. Je ne crois pas que nous ayons vraiment analysé ce phénomène, ni qu'il existe une théorie parlementaire satisfaisante sur leur rôle.

La question du sénateur est excellente. Nous devrions faire un petit sondage pour déterminer si nous pouvons en venir à une entente.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'estime que ce sont des questions pertinentes auxquelles le comité pourrait répondre.

Son Honneur le Président : J'informe les sénateurs que si le sénateur Smith parle sur le projet de loi maintenant, son discours aura pour effet de clore le débat.

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, je prendrai la parole. Je me réjouis que le sénateur Murray ait touché un mot sur les deux points que j'ai soulevés le 25 octobre. J'ai fait une erreur en disant que la GRC était exclue. Cela a été modifié, et je suis satisfait. Je me préoccupais toutefois de ce que le SCRS, les autres services du renseignement et les Forces armées canadiennes étaient exclues.

Je n'en dirai pas plus sauf pour réitérer que je me présenterai devant le comité s'il n'y a pas de conflit. Toutefois, je suis vivement préoccupé. Certains d'entre nous ont été très sollicités, peut-être parce que nous sommes des sénateurs indépendants. J'espère bien que non. Je ne veux pas être inondé. J'ai déjà eu cinq appels après mon intervention précédente.

Pour équilibrer les choses, j'ai appelé l'ambassade iranienne pour expliquer mon point de vue sur la question. Cela satisfera peut-être certains sénateurs.

Honorables sénateurs, nous devrions nous inquiéter du nombre considérable de fonctionnaires qui se préoccupent de la protection à laquelle ils devraient avoir droit pour le reste de leur carrière s'ils deviennent des divulgateurs.

Je ne suis pas un expert. Le sénateur Kinsella s'est intéressé à cette question pendant de nombreuses années. Le sénateur Murray connaît la question lui aussi. Quant à moi, je ne comprends pas cette question autant que je le voudrais.

J'espère que le comité invitera le plus de témoins possible afin que les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires des échelons inférieurs qui, parfois, en savent plus que les premiers, voient d'un bon oeil cette mesure qui revêt une si grande importance pour le gouvernement et qui se fait attendre depuis longtemps.

Ce sont les seules observations que je veux faire pour le moment, mais je tenais à les présenter. J'écouterai le sénateur Smith nous faire profiter de sa sagesse habituelle, et je donnerai suite à cela au comité.

Le sénateur Smith : Honorables sénateurs, les questions pertinentes qui ont été posées aujourd'hui peuvent être étudiées en profondeur et de bonne foi, comme cela a été le cas lorsque la question a été étudiée par le comité de l'autre endroit.

Je propose que ce projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Son Honneur le Président : La dernière intervention du sénateur Smith m'amène, en qualité de Président, à mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Smith, avec l'appui de l'honorable sénateur Eggleton, propose que ce projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Smith, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

(1500)

LA LOI SUR LES TÉLÉCOMMUNICATIONS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Claudette Tardif propose : Que le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre aujourd'hui la parole pour entamer la deuxième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les télécommunications.

Les modifications proposées à la Loi sur les télécommunications renforcent le rôle du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, en vertu de la Loi, en matière de réglementation des installations de télécommunication pour la fourniture de télécommunications non sollicitées, dans le but de prévenir tous inconvénients anormaux.

Ce projet de loi vise à instaurer une réglementation propice à un télémarketing responsable et intelligent. Nous voulons protéger la vie privée des Canadiens et leur droit de décider avec qui ils veulent communiquer.

[Français]

Le besoin d'apporter des changements à la Loi sur les télécommunications a été constaté par le CRTC lui-même, ainsi que par l'Association canadienne du marketing. Le gouvernement a alors décidé qu'il était nécessaire d'intervenir, afin de régler les problèmes associés avec le régime actuel, en déposant ce projet de loi pour faciliter l'établissement d'une liste nationale des abonnés autoexclus. Pour y parvenir, ce projet de loi propose l'établissement d'un cadre législatif qui permettra de résoudre le problème du télémarketing non sollicité grâce à la création d'une liste d'exclusion nationale.

Le projet de loi permettra au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, de faire trois choses : d'abord, imposer des amendes en cas d'inobservation des dispositions; deuxièmement, confier à un tiers l'administration d'une base de données; troisièmement, fixer des droits permettant de récupérer les coûts liés à la tenue à jour de la liste.

À bien des égards, les télécommunications non sollicitées ont fini par causer des désagréments et des embêtements à beaucoup de Canadiens et de Canadiennes.

[Traduction]

D'après un sondage effectué par Environics en 2003 pour le compte d'Industrie Canada, 97 p. 100 des personnes interrogées ont signalé qu'elles avaient une attitude négative à l'égard des appels non sollicités. Parmi ces personnes, 38 p. 100 ont dit les tolérer, 35 p. 100 ont dit s'en irriter et 24 p. 100 ont dit détester en recevoir. La majorité des personnes interrogées, soit presque 80 p. 100, sont en faveur de la création d'une liste d'exclusion nationale; 66 p. 100 d'entre elles ont indiqué qu'elles avaient l'intention de s'inscrire sur une telle liste. Un autre sondage effectué, cette fois par Ekos, vient appuyer ces résultats; en effet, 61 p. 100 des personnes interrogées ont dit vouloir que les appels de télémarketing cessent.

Le CRTC, l'organisme fédéral chargé de réglementer le télémarketing non sollicité, reçoit chaque année des milliers de plaintes de Canadiens exaspérés parce qu'ils sont incapables de mettre fin aux appels non sollicités. L'an dernier seulement, le CRTC a répondu à quelque 9 000 appels de Canadiens mécontents à ce sujet. Avec la réglementation actuelle, l'application des sanctions est inefficace parce qu'il est difficile de prouver qu'un nom figure effectivement sur la liste d'exclusion d'une firme de télémarketing donnée et parce que ces firmes, comme l'a reconnu le CRTC lui- même, ne semblent pas se laisser intimider par la réglementation en vigueur.

[Français]

Je voudrais rappeler aux honorables sénateurs que le CRTC a restreint le télémarketing non sollicité en 1994. Il a alors exigé que les entreprises de télémarketing tiennent chacune une liste des numéros à ne plus composer. Cette disposition oblige cependant les consommateurs à inscrire leur nom auprès de chaque entreprise. Comme il peut y avoir une centaine de listes, le consommateur n'a aucune façon de savoir quand une autre entreprise se permettra de composer son numéro. Par exemple, moi-même, en tant que sénateur et ayant accès facilement à tous les textes de loi, je n'étais pas au courant que, en vertu des dispositions actuelles de la loi, je pouvais demander à un télévendeur de me rayer de sa liste d'appel. Imaginez le consommateur moyen.

Il n'est donc pas surprenant que de nombreux consommateurs jugent cette solution insatisfaisante. Je voudrais aussi souligner, honorables sénateurs, que le CRTC lui-même, suite à des consultations publiques, a conclu que le cadre réglementaire actuel était insuffisant pour lui permettre d'établir une liste, d'imposer des amendes pécuniaires pour non-conformité et pour nommer un administrateur tiers chargé de gérer une base de données. Une modification à la loi est nécessaire pour donner au CRTC les pouvoirs voulus pour créer et entretenir une telle liste.

[Traduction]

D'autres pays ont adopté des règlements visant à protéger les consommateurs contre les appels de télémarketing non sollicités. En 2003, la Federal Trade Commission des États-Unis a mis sur pied un registre d'exclusion national. Environ 62 millions d'Américains s'y sont inscrits au cours de la première année. À la fin de la deuxième année, ils étaient 92 millions.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis est fondé sur l'expérience des États-Unis. Il fournit au CRTC les pouvoirs dont il a besoin pour mettre en place une liste d'exclusion nationale. Il permettra au CRTC d'imposer des amendes en cas de contravention, de confier à des tiers la gestion d'une base de données et de fixer des tarifs permettant de récupérer les coûts liés à la gestion de la liste.

Le CRTC a une longue expérience de gestion du télémarketing. Il le fait depuis 1994. Il possède également une expérience reconnue pour ce qui est de déléguer la gestion d'une telle liste à un tiers délégataire. C'est aussi un organisme de réglementation dotée de certains pouvoirs judiciaires.

Les trois modifications proposées permettraient de renforcer le rôle du CRTC ainsi que l'application générale de la Loi sur les télécommunications. Tout appel fait en contravention de la liste exposerait son auteur à une pénalité de 1 500 $ dans le cas d'une personne physique et de 15 000 $ dans le cas d'une personne morale.

(1510)

Ce projet de loi fournit au CRTC des lignes directrices concernant les activités de télémarketing auxquelles devrait s'appliquer la liste d'exclusion nationale. Plus précisément, il prévoit des exemptions pour certains groupes. Il s'agit notamment des organismes de bienfaisance enregistrés, des entreprises qui ont une relation d'affaires en cours avec le client, des entreprises de sondage ou d'enquête, des partis politiques enregistrés, des candidats à l'investiture, des candidats à la direction ou des candidats d'un parti politique et, enfin, des journaux.

Ces exemptions sont à peu près les mêmes que celles qui sont en vigueur aux États-Unis. Pendant les audiences du comité, il a été convenu que, sans exemptions, certaines organisations, par exemple les organismes de bienfaisance enregistrés, ne pourraient plus entreprendre une bonne partie de leurs activités de sollicitation de dons et leurs sources de revenus s'en trouveraient diminuées. À la suite de l'application de ces exemptions aux États-Unis, le nombre d'appels reçus par les personnes inscrites à la liste est passé de 30 à 6 par mois.

[Français]

Honorables sénateurs, les Canadiennes et les Canadiens s'attendent à recevoir un service qui leur permettra de freiner facilement et efficacement le télémarketing non sollicité. Pour le leur garantir, ce projet de loi est assorti de mécanismes d'examen qui permettront de déterminer si la liste nationale répond aux attentes.

En vertu de ce projet de loi, le CRTC serait tenu de présenter chaque année au ministre de l'Industrie un rapport sur l'exploitation de la liste d'exclusion nationale. Le projet de loi stipule aussi qu'après trois ans, un comité composé des membres de la Chambre des communes ou du Sénat, ou des deux Chambres, serait créé pour passer en revue l'administration et l'exploitation de la liste d'exclusion nationale.

L'administration de cette liste ne coûtera pas plus cher aux contribuables canadiens. Si ce projet de loi est adopté, on s'attend à ce que les coûts soient récupérés auprès du secteur du télémarketing. Ce seront ainsi les télévendeurs qui paieront.

[Traduction]

Ce ne sont pas seulement les consommateurs qui sont en faveur de l'établissement d'une liste nationale de numéros de téléphone exclus. Beaucoup d'entreprises de télémarketing préfèreraient une liste nationale au régime actuel. L'Association canadienne du marketing est d'avis que d'assujettir obligatoirement à une telle liste les entreprises qui utilisent le téléphone pour essayer de vendre leurs produits et leurs services serait le moyen le plus efficace de réduire la frustration des consommateurs à l'égard des entreprises de télémarketing.

Honorables sénateurs, la commissaire à la protection de la vie privée du Canada préconise également la création judicieuse d'une liste nationale et obligatoire de numéros de téléphone exclus. Lors de son témoignage devant le Comité permanent de l'industrie, des ressources naturelles, des sciences et de la technologie, avec l'appui de neuf de ses homologues provinciaux et territoriaux, la commissaire à la protection de la vie privée a souligné l'importance d'une telle liste pour la protection de la vie privée des Canadiens.

[Français]

En adoptant ce projet de loi, nous permettrons au CRTC d'agir rapidement dans ce dossier. Il entreprendra des consultations supplémentaires sur des questions telles que les droits à percevoir et le choix de l'organisme d'administration de la liste.

Le télémarketing est devenu de plus en plus répandu. Rien n'indique que ce phénomène soit passager. En outre, l'incapacité de limiter l'accès des entreprises de télémarketing aux téléphones de nos résidences et de nos commerces est devenue une source de mécontentement pour un fort pourcentage de Canadiennes et de Canadiens.

[Traduction]

Ce projet de loi fournira un cadre responsable pour l'établissement d'un régime national visant à enrayer les appels non sollicités. Il met à la disposition du CRTC les outils nécessaires pour créer et faire respecter une liste nationale de numéros de téléphone exclus. En adoptant ce projet de loi, nous fournirons aux Canadiens un moyen facile et efficace de mettre fin aux appels dérangeants. Nous prendrons les mesures qui s'imposent pour protéger leur vie privée. Je vous demande, honorables sénateurs, d'appuyer ce projet de loi.

Des voix : Bravo!

L'honorable Pierrette Ringuette : Puis-je poser une question? Je félicite madame le sénateur de son intervention.

[Français]

Toutefois, il faut être conscient que le CRTC a juridiction sur le territoire canadien seulement. La plupart des firmes de télémarketing qui exercent une certaine influence sur les consommateurs ne sont pas situées sur le territoire canadien. J'ai reçu un appel de l'Inde la semaine dernière. Le CRTC n'aurait donc aucune juridiction sur ces firmes. Toutefois, au Nouveau- Brunswick, par exemple, des emplois sont créés par certaines firmes crédibles de télémarketing.

Je crains qu'on puisse mettre en péril certains emplois générés au Nouveau-Brunswick à cause du caractère bilingue des citoyens du Nouveau-Brunswick. En fin de compte, l'ensemble du télémarketing qui se fait au pays n'origine pas du Canada et ne sera pas du ressort du CRTC. C'est ma crainte.

Le sénateur Tardif : Je remercie madame le sénateur Ringuette de sa question. Justement, le 8 juin dernier, la commissaire à la protection de la vie privée a mentionné qu'il y aurait partage des données entre divers pays. La commissaire faisait surtout référence aux États-Unis et au fait qu'il y avait partage des noms et des listes d'exclusion avec ce pays.

Sur la question des centres d'appel, les informations que j'ai obtenues montrent que la majorité des centres d'appel traitent les appels entrants, c'est-à-dire que les personnes qui téléphonent posent des questions ayant rapport à un produit ou à un service qu'ils ont déjà et demandent des renseignements supplémentaires. La majorité de ces centres traitent d'appels entrants et non d'appels sortants pour faire de la vente non sollicitée.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

(1520)

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-41, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (rapports sur les droits de la personne).

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, j'aimerais donner suite aux réflexions que l'honorable sénateur Kinsella nous a livrées le 29 septembre dernier sur le projet de loi S- 41.

Ce projet de loi est intéressant de point de vue de parlementaire, puisque le gouvernement tiendrait le Sénat informé des progrès réalisés par le Canada dans sa mise en œuvre des traités des Nations Unies auxquels il a souscrit dans le domaine des droits de la personne. Notre Chambre serait également avisée des réactions des Nations Unies face à ces progrès.

[Traduction]

Le projet de loi m'intéresse en outre, à titre de membre du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, parce qu'il est d'actualité. En effet, le comité est en train d'examiner la conformité du Canada à ces instruments internationaux. Le projet de loi renforcerait la responsabilité du gouvernement à cet égard.

[Français]

Le 29 septembre dernier, le sénateur Kinsella nous a rappelé deux choses. Premièrement, seuls quelques fonctionnaires et activistes sont systématiquement au courant des efforts que déploie le Canada en vertu des traités internationaux des droits de la personne dont il est signataire et du bulletin de notes que reçoit notre pays pour ses efforts.

Deuxièmement, il est essentiel que les personnes les plus affectées par ces documents et par ces droits, c'est-à-dire la population au sens large, puissent facilement savoir ce que fait le Canada en matière de respect des conventions des Nations Unies, et comment les Nations Unies jugent les efforts du Canada.

[Traduction]

Le projet de loi S-41 contribuerait à améliorer l'information en garantissant aux parlementaires, aussi bien au Sénat qu'à l'autre endroit, de recevoir un exemplaire des rapports du Canada et de la réponse des Nations Unies. Le projet de loi ne vise que les instruments liés aux droits de la personne émanant des Nations Unies et dont le Canada est signataire.

Il pourrait cependant viser d'autres instruments, qui seraient désigné par règlement. Vous savez peut-être, honorables sénateurs, qu'il y a de l'information qui circule et que les Canadiens ne sont pas nécessairement dans l'ignorance.

[Français]

Le site Web du ministère du Patrimoine canadien met, gratuitement à la disposition de n'importe quel internaute le texte intégral des rapports aux Nations Unies que le Canada soumet périodiquement sur ses progrès dans la mise en œuvre de six des sept instruments visés par le projet de loi S-41 : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; et enfin, la Convention relative aux droits de l'enfant.

Les réponses des Nations Unies à ces rapports, par contre, n'accompagnent pas les rapports soumis par le Canada. Je profite donc de l'occasion pour encourager le ministère à inclure ces réponses sur son site Web pour le bénéfice de tous et chacun.

Pour ce qui est du septième instrument visé par le projet de loi S- 41, soit la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, il ne semble pas que le Canada soit obligé de faire rapport périodiquement sur sa mise en œuvre, et ce probablement pour deux raisons.

Premièrement, la Déclaration universelle des droits de l'homme n'est pas exécutoire, transférant plutôt ce mandat aux deux pactes internationaux relatifs aux droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels qui l'ont suivie en 1966 et sur lesquels le Canada fait déjà rapport. Deuxièmement, notre pays a sa propre Charte des droits et libertés, promulguée en 1982.

Si notre pays n'est effectivement pas obligé de faire rapport aux Nations Unies au sujet de la Déclaration universelle des droits de la personne, il faudrait donc amender le projet de loi S-41 pour en retirer cette dernière. Il s'agit là d'un point que pourra clarifier le comité sénatorial qui se penchera sur le projet de loi.

[Traduction]

Si la publication de renseignements sur Internet constitue un moyen efficace de toucher ceux qui ont certaines capacités techniques, elle est de peu d'utilité si on ne sait pas que l'information a été publiée ou si on ignore où la trouver. C'est là que le projet de loi S-41 peut être utile en faisant en sorte que les Canadiens puissent, par l'entremise de leurs parlementaires, être au courant du degré de conformité de leurs pays à un certain nombre d'instruments internationaux sur les droits de la personne.

Le projet de loi S-41 peut donc sembler donner suite à des observations figurant dans le rapport publié en décembre 2001 par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne sous le titre Des promesses à tenir : Le respect des obligations du Canada en matière de droits de la personne. Dans ce rapport, le comité avait proposé que le Parlement joue.

... le rôle qui est le sien dans une démocratie. Il ne peut se contenter d'adopter les mesures législatives jugées nécessaires par l'exécutif pour honorer les engagements d'un traité. Le Parlement doit participer à l'examen de ces obligations et aider à déterminer ce qu'il faut faire pour les mettre en application.

[Français]

Le projet de loi permettrait aux parlementaires d'être mieux informés, et de mieux informer à leur tour leurs électeurs. Par contre, rien n'empêche les parlementaires de faire plus que de simplement lire un document.

Certains se demanderont peut-être si le projet de loi pourrait aller un peu plus loin et recommander que les rapports du Canada aux Nations Unies, ainsi que les réponses de l'ONU à ces rapports, soient non seulement déposés devant les deux Chambres, mais également référés pour étude aux comités parlementaires pertinents. Là encore, le comité sénatorial qui se penchera sur le projet de loi pourrait se prononcer sur cette question.

[Traduction]

Au cours de la période des questions du 30 juin dernier, le leader du gouvernement au Sénat a indiqué que le gouvernement considérait favorablement le projet de loi, pourvu qu'il fasse l'objet de certaines modifications. J'ai appris de source informelle que ces modifications pourraient être mineures et avoir pour seul objet de préciser les instruments internationaux visés par le projet de loi et de fixer des délais pour le dépôt des documents.

[Français]

C'est donc au comité sénatorial qui étudiera ce projet de loi que reviendra le loisir de se prononcer sur les amendements que proposera le gouvernement.

Si le principe du projet de loi S-41 est acquis, il me semble qu'il n'est pas nécessaire de retarder davantage l'étude qu'en fera le comité. Je suggère donc que l'étude de ce projet de loi soit référée au comité pertinent.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

(1530)

[Traduction]

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'ÉTAT DES MESURES D'URGENCE QUE LE GOUVERNEMENT DU CANADA METTRAIT EN OEUVRE EN CAS DE PANDÉMIE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner et faire rapport de l'état des mesures d'urgence que le gouvernement du Canada mettrait en oeuvre en cas de pandémie et, en particulier, des mesures que la population, les entreprises et organismes du Canada peuvent prendre pour se préparer à une pandémie;

Que le Comité fasse rapport le 8 décembre 2005, au plus tard.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots de la motion no 134, tout en sachant que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie n'a pas eu l'occasion de se réunir depuis la présentation de cette motion et que le président et le vice- président de ce comité ne sont pas présents.

Je reconnais sans réserves le sérieux de la motion que l'honorable sénateur Stratton a présentée avec l'appui de l'honorable sénateur LeBreton. Il ne fait pas de doute que leur intérêt et leurs préoccupations sont justifiés. Toutefois, à y regarder de plus près, il semble tout à fait irréaliste que ces bons sénateurs envisagent de présenter un rapport sur une question aussi importante au plus tard le 8 décembre.

Si je jette un coup d'œil sur notre calendrier, je constate qu'il reste d'ici là cinq semaines. Cette motion ne pourra être étudiée avant la semaine prochaine, ce qui ne laissera plus que quatre semaines. Si on considère que le comité est en train de faire une étude sérieuse sur la santé mentale, il ne me semble pas réaliste de compter que le comité puisse produire un rapport au plus tard le 8 décembre.

Je ferai également remarquer que le Canada est l'un des 30 ou 40 pays qui travaillent fort sur la question en ce moment. Il y a eu à Ottawa une réunion de deux jours les 24 et 25 octobre. Une réunion de suivi doit avoir lieu à Genève, en Suisse, du 7 au 9 novembre. Elle portera sur la même question, et entre 30 et 40 pays y participeront. À mes yeux, il s'agit là d'un échange d'information et d'une collaboration sans précédent; on élabore des plans d'action, on espère mettre au point un vaccin et d'autres produits antiviraux, et on voudra certainement faire le meilleur usage de notre nouvelle Agence de santé publique.

Certes, l'intention qui sous-tend la motion est irréprochable et digne de mention, mais j'estime pour ma part — et c'est une opinion personnelle, puisque le comité n'a pas siégé — qu'il n'est pas possible ni réaliste de faire ce travail. Il ne s'agit pas de sous-estimer l'importance d'une étude de la question au Parlement, au Sénat ou à l'autre endroit, mais il me semble impossible de donner suite à la motion dans les délais proposés.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une ou deux questions?

Le sénateur Trenholme Counsell : Oui.

Le sénateur Stratton : Savez-vous qu'il existe au Sénat une règle non écrite générale qui nous interdit de signaler l'absence de sénateurs?

Le sénateur Trenholme Counsell : Je suis désolée. J'en prends note, et je vous remercie.

Le sénateur Stratton : Savez-vous que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a fait une étude rapide du SRAS lorsqu'il y a eu une flambée de cette maladie? Nous demandons simplement la même chose cette fois-ci.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

L'ÉTAT DE L'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

INTERPELLATION

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur l'état de l'éducation postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur Callbeck)

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs...

L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant) : Honorables sénateurs, si madame le sénateur Callbeck prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette interpellation.

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, j'ai l'insigne honneur de demander à madame le sénateur si elle veut mettre fin au débat ou encore si elle préfère qu'il se poursuive. Je m'en remets à elle. Si elle veut prendre la parole, alors elle clora le débat.

Le sénateur Callbeck : Honorables sénateurs, c'est aux honorables sénateurs de décider. J'ai présenté cette interpellation en novembre dernier. Plusieurs sénateurs ont pris la parole et, croyant que personne d'autre ne voulait intervenir, j'avais prévu prendre la parole aujourd'hui pour clore le débat.

Honorables sénateurs, en novembre dernier, j'ai présenté une interpellation sur l'état de l'éducation postsecondaire au Canada, parce que je crois que la prospérité future de notre pays passe inévitablement par la bonne performance des établissements d'enseignement postsecondaire et le droit, pour tous les Canadiens, à une éducation postsecondaire accessible et abordable.

Peu de questions sont aussi étroitement liées à notre prospérité future que l'éducation. Au moment de présenter l'interpellation, j'ai fait part aux sénateurs de mes préoccupations et indiqué que nous pourrions faire davantage pour garantir aux Canadiens la possibilité de réaliser leur plein potentiel et, surtout, de réaliser le plein potentiel de notre grand pays grâce à l'éducation postsecondaire.

Je remercie les sénateurs qui ont participé à ce débat : le sénateur Atkins, le sénateur Kinsella, le sénateur Mercer, le sénateur Moore et madame le sénateur Tardif.

Je tiens également à remercier les nombreux autres sénateurs qui m'ont fait part de leurs idées et suggestions concernant les moyens dont nous disposons pour que les Canadiens soient plus nombreux à poursuivre des études postsecondaires. Certains d'entre eux ont fait valoir la nécessité d'assurer un paiement de transfert aux provinces spécialement affecté à l'éducation. D'autres ont parlé de la nécessité d'accroître les bourses d'études, d'investir davantage dans la recherche, d'assurer une aide au remboursement des prêts d'études et à la réduction de l'endettement des étudiants, de créer des normes nationales en matières d'éducation, de favoriser une plus grande collaboration entre les gouvernements, les établissements d'enseignement et le secteur privé, d'offrir davantage d'incitatifs aux parents pour les aider à économiser pour les études postsecondaires de leurs enfants, d'octroyer un financement plus important aux établissements postsecondaires et, enfin, d'établir une stratégie nationale faisant état des orientations à suivre et des priorités à respecter.

Toutes ces suggestions ont une grande valeur et doivent, à mon avis, être examinées de plus près. Je pense que tous les honorables sénateurs sont d'accord avec moi pour dire que l'avenir de l'éducation postsecondaire sera crucial pour l'avenir du Canada.

Bien entendu, ce n'est pas seulement à l'intérieur de cette enceinte que l'on reconnaît toute l'importance de cette question. Les Canadiens savent pertinemment que la réussite scolaire est synonyme de meilleures perspectives d'emploi, de meilleurs revenus et de meilleur niveau de vie. Selon Statistique Canada, la grande majorité des Canadiens sont bien conscients des possibilités qu'offret des études postsecondaires. Plus de 80 p. 100 des parents canadiens voudraient que leurs enfants fassent des études supérieures.

(1540)

Les données les plus récentes de Statistique Canada montrent que les diplômés des universités gagnent en moyenne deux fois plus que les titulaires d'un diplôme d'études secondaires. Il existe un rapport très réel entre les études et le revenu.

De plus en plus, c'est non seulement un revenu plus important, mais la possibilité même de dénicher un emploi qui dépend des études postsecondaires. Selon certaines études, viendra un moment où trois emplois sur quatre, dans une économie de plus en plus fondée sur le savoir, nécessiteront des études postsecondaires. Je cite l'ancien premier ministre de l'Ontario, Bob Rae :

Dans le monde entier, la transformation de l'économie moderne est en train de faire des études supérieures une question cruciale. Alors que, autrefois, les études supérieures étaient l'apanage d'une élite, elles répondent aujourd'hui à un besoin évident de la majorité de la population.

Les Canadiens eux-mêmes le comprennent. Ils comprennent le rôle que joue l'éducation dans la nouvelle économie. Ils savent que leur avenir, et celui du Canada, dépend en grande partie d'une main- d'œuvre instruite, bien préparée et capable de livrer concurrence sur le marché mondial d'aujourd'hui.

Selon l'Association des universités et collèges du Canada, la demande visant les études universitaires augmente à un rythme sans précédent. Depuis trois ans, le nombre des étudiants qui s'inscrivent à plein temps a augmenté de plus de 130 000, pour un total d'environ 800 000 étudiants.

Il faut que ces chiffres augmentent encore davantage. En 1994, l'économie canadienne employait plus de 2,3 millions de diplômés universitaires. En 2004, ou dix ans plus tard, ce chiffre a augmenté de 45 p. 100. L'Association des universités et collèges du Canada estime qu'il faudra 1,5 million de diplômés de plus d'ici 2014. Ce n'est que dans neuf ans et ce chiffre ne tient pas compte du nombre de diplômés qu'il faudra pour remplacer le nombre croissant de diplômés qui prendront leur retraite au cours de la prochaine décennie.

Honorables sénateurs, en règle générale, on reconnaît et on comprend le rôle essentiel de l'éducation pour la santé de notre économie, le bien-être de notre société et notre avenir en tant que pays. D'autres pays membres de l'OCDE augmentent leur taux de participation à l'éducation postsecondaire plus rapidement que nous ne le faisons, de sorte que nous continuons de prendre du recul.

À l'heure actuelle, moins de 40 p. 100 de notre population a fait des études postsecondaire, sous une forme ou sous une autre. Ce nombre ne nous permettra pas de satisfaire les besoins futurs. Il est trop bas pour que nous puissions garantir le maintien de la prospérité du Canada. Ce chiffre doit changer.

On peut se demander pourquoi les Canadiens ne fréquentent pas les institutions postsecondaires si vraiment ils comprennent à quel point leur avenir en dépend. Il y a deux ans, l'Alliance canadienne des associations étudiantes a fait une déclaration sur l'amélioration de l'accès aux études postsecondaires. Son document a relevé deux obstacles de taille à l'éducation supérieure. Le premier était le sous- financement des institutions postsecondaires et le deuxième, l'absence d'une aide financière appropriée pour les étudiants.

Les droits de scolarité ont augmenté de 160 p. 100 depuis dix ans. Les institutions postsecondaires sont aux prises avec des coûts de fonctionnement et d'immobilisation plus élevés. La dette d'un étudiant au moment de l'obtention de son diplôme est supérieure à 25 000 $ en moyenne. Si la tendance actuelle se maintient, on estime que d'ici 2020, un diplôme pour des études de premier cycle d'une durée de quatre ans coûtera environ 132 000 $.

Au Canada aujourd'hui, la possibilité d'accéder à des études postsecondaires est clairement limitée par la situation financière d'une personne. Bien sûr, il y a des bourses pour venir en aide aux étudiants, mais seul un petit nombre de ces derniers ont la chance d'obtenir des montants assez importants pour couvrir la plupart de leurs dépenses.

À moins que l'on adopte un bon plan d'action, l'accès aux études postsecondaires deviendra de plus en plus un privilège que seuls les nantis pourront se payer. Cela est inadmissible. Il est inadmissible qu'un citoyen de ce grand pays ne puisse réaliser son potentiel parce qu'il ne peut se payer les études dont il a besoin. C'est inadmissible parce que cela compromet la prospérité économique future de tout le pays.

Nous devons améliorer le niveau d'aide aux étudiants qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires. De plus, nos étudiants doivent pouvoir s'attendre à recevoir une instruction de qualité supérieure dans des institutions qui peuvent se vanter d'offrir ce qu'il y a de mieux sur le plan de l'enseignement, de la recherche et des installations afin de préparer des diplômés qui pourront s'adapter à toutes les situations.

Dans un pays dont l'avenir dépend d'une main-d'œuvre instruite et compétente, nous ne pouvons nous contenter de fournir des études postsecondaires à moins de la moitié de la population. Comme l'a dit le premier ministre Martin :

Nos ressources naturelles sont limitées, mais le talent et le potentiel ne le sont pas. C'est pourquoi nous devons nous concentrer intensément sur nos ressources renouvelables les plus importantes — les compétences de notre population, l'innovation et l'investissement...

La condition préalable pour participer à l'économie mondiale de demain est l'éducation — une éducation de qualité qui commence en bas âge et prépare les gens à réussir dans un monde compétitif

Le gouvernement du Canada a déjà fait quelques pas. Le budget, le projet de loi C-48 adopté au Sénat en juillet dernier, prévoit 1,5 milliard de dollars pour améliorer l'accès aux études postsecondaires et appuyer la formation professionnelle des jeunes Canadiens.

De plus, la Loi canadienne sur l'épargne-études a reçu la sanction royale en décembre dernier. Cette mesure a établi le versement de bons d'études canadiens et apporté des améliorations importantes aux subventions canadiennes pour l'épargne-études, un programme destiné aux familles à faible et à moyen revenu.

Des modifications, entrées en vigueur le 1er août, ont aussi été apportées au Programme canadien de prêts aux étudiants, afin de reconnaître les coûts constamment en hausse des études postsecondaires. Ces modifications réduisent la contribution parentale attendue des familles à faible et à moyen revenu aux enfants à charge. Le résultat, c'est qu'environ 20 000 étudiants de plus sont maintenant admissibles à une aide en vertu du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Je félicite le gouvernement fédéral d'avoir pris ces initiatives, entre autres, afin d'améliorer la qualité des études postsecondaires et d'en faciliter l'accès.

Les Canadiens savent la valeur et l'importance des études postsecondaires pour eux-mêmes et leurs familles. Il reconnaissent que les diplômés d'études postsecondaires gagnent des salaires plus élevés, occupent des postes plus élevés sur le marché du travail et ont le taux de chômage le plus bas. Les gouvernements reconnaissent aussi que notre niveau de vie national et notre position concurrentielle dans le monde dépendent d'une main-d'œuvre instruite, compétente et productive.

La question que nous devons nous poser aujourd'hui n'est pas de voir si nous pouvons nous permettre d'investir davantage dans les études postsecondaires, mais bien si nous pouvons nous permettre de ne pas le faire.

Honorables sénateurs, nous reconnaissons qu'au cœur de cette question repose une vérité fondamentale : le Canada sera diminué si nous ne regardons pas vers l'avenir et ne commençons pas à orienter davantage notre population vers les études postsecondaires. Les obstacles financiers à la poursuite des études n'ont pas leur place au Canada.

Honorables sénateurs, cette interpellation sur l'état de l'éducation postsecondaire a suscité un débat important. Nous devons en faire une grande priorité. Nous devons inviter les gouvernements fédéral et provinciaux, les institutions d'enseignement, le secteur privé et la population en général à prendre part à ce débat. De même, je crois que la question de l'accessibilité et de l'égalité doit être étudiée plus en profondeur. C'est pourquoi je compte présenter sous peu au Sénat une motion afin de renvoyer cette question à un comité sénatorial.

Ensemble, nous devons nous efforcer de mieux cerner les difficultés et les obstacles auxquels se heurtent les jeunes Canadiens au moment d'entrer dans l'économie du savoir. Nous devons aussi examiner les façons d'aider les établissements d'enseignement postsecondaire à fournir un environnement et une expérience d'apprentissage de qualité. Il nous faut offrir des solutions pour que tous ceux qui le désirent soient en mesure de faire des études postsecondaires. L'avenir des jeunes Canadiens et de notre nation en dépend.

Son Honneur le Président supléant : Sénateur Banks, avant que madame le sénateur Callbeck prenne la parole, les sénateurs ont été avisés que son discours aurait pour effet de clore le débat. Nous considérons donc que le débat est clos sur cette interpellation.

AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mardi 1er novembre 2005, à 14 heures.

Son Honneur le Président suppléant : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 1er novembre 2005, à 14 heures.)


Haut de page