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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 19

Le jeudi 1er juin 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 1er juin 2006

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous recevrons aujourd'hui un visiteur à la tribune. Comme il s'agit d'un visiteur de marque de la belle ville de Vancouver, je voudrais obtenir votre consentement pour qu'il puisse se présenter à la barre, ce qui serait un compromis raisonnable. D'accord?

Des voix : D'accord.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

EXCUSES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, hier vers la fin de l'après-midi, j'ai fait des commentaires qui devraient servir de rappel à nous tous, moi compris, qu'il nous faut faire preuve de retenue et garder notre calme, ce que je n'ai pas fait hier.

Je m'excuse sincèrement auprès du sénateur Ringuette et de tous les autres que j'aurais pu offenser.

(1340)

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'avais donné avis que j'allais soulever la question de privilège concernant les déclarations diffamatoires, fausses et préjudiciables faites par le leader adjoint du gouvernement au Sénat le 31 mai 2006. Cependant, comme le leader adjoint s'est excusé officiellement et que j'accepte ses excuses, je retire mon avis.

L'IMPORTANCE DE LA CONCURRENCE ET DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, nous avons ici l'occasion de penser à plus long terme que nos collègues à l'autre endroit. Une importante question n'est pas abordée de façon adéquate au Parlement canadien : où se trouvera le Canada sur le plan économique au milieu de ce siècle?

Le rapport présenté le mois dernier au ministre de l'Industrie par un groupe exceptionnel d'experts composé de leaders du monde des affaires, de l'industrie et du milieu universitaire et dirigé par Joseph Rotman, fournit de précieux conseils et renseignements. Le rapport s'intitule : Les gens et l'excellence : au coeur du succès de la commercialisation.

L'économie de chaque pays dépend de la capacité de ce dernier à concurrencer les autres pays. M. Rotman et ses collègues, ainsi que d'autres experts, ont indiqué que le Canada ne soutient pas très bien la concurrence des autres économies industrialisées. Le Canada possède moins d'industries de haute technologie axées sur la recherche et le développement; les Canadiens n'ont pas l'esprit d'entreprise aussi développé, ils détiennent moins de brevets, produisent moins et ne livrent pas une aussi bonne concurrence en ce qui concerne les produits ou les services uniques. Le Canada compte moins de diplômés universitaires, surtout au niveau supérieur. Au Canada, la recherche et le développement représentent un plus petit pourcentage du PIB. Cependant, nos crédits d'impôt pour la recherche et le développement comptent parmi les plus élevés au monde. De plus, le Canada a des programmes pour promouvoir la commercialisation. Le problème, c'est qu'ils ne semblent pas donner de résultats.

Honorables sénateurs, dans une cinquantaine d'années, nous aurons épuisé une grande partie de nos ressources naturelles. Les retraités se feront de plus en plus nombreux, et les salariés, de plus en plus rares. De plus, les pays comme la Chine et l'Inde, qui représentent déjà le tiers de la population mondiale, livreront une concurrence beaucoup plus féroce sur les marchés mondiaux.

Pour se démarquer, le Canada devra changer complètement d'attitude envers la croissance économique. Nous devons nous diriger énergiquement vers une économie axée sur le savoir, qui repose sur les cerveaux, Nous devons exporter des biens et des services plutôt que des matières premières, et nous doter d'une capacité à produire des biens de consommation qui soient concurrentiels sur le marché international. Par-dessus tout, nous devons favoriser la culture de l'innovation et de la découverte par le truchement de la recherche.

Il est certain que si nous ne prenons pas dès maintenant un engagement ferme en tant que pays dans le but de développer notre économie du savoir, nos enfants et nos petits-enfants n'auront pas les possibilités et le niveau de vie dont nous jouissons aujourd'hui.

LE JOUR DU MAINTIEN DE LA PAIX

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, le 9 août 2006, les Canadiens pourront rendre hommage aux personnes qui servent notre pays partout dans le monde en tant que gardiens de la paix. Bien que les missions et les rôles puissent évoluer avec le temps, le drapeau des Nations Unies et ce qu'il représente ne changent pas. Créé par l'Association canadienne des vétérans des forces des Nations Unies chargées du

maintien de la paix, le Jour du maintien de la paix devrait nous inspirer à tous de la fierté, car il commémore le sacrifice et les efforts courageux des Canadiens pour prévenir les conflits, protéger les droits fondamentaux, favoriser le progrès social et rehausser le niveaux de vie dans de nombreux pays.

Une des plus grandes réussites du Canada en matière de maintien de la paix et de diplomatie internationale est le Traité d'Ottawa de 1997 sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Les mines antipersonnel sont une relique horrible des guerres et des conflits civils. Elles blessent et tuent des civils innocents, dont beaucoup d'enfants, bien après la fin des combats. Les mines terrestres retardent le développement économique et le redressement des pays après les conflits. L'enlèvement des mines antipersonnel est une opération lente, délicate et dangereuse qui doit être menée par des techniciens hautement spécialisés et qui exige, bien entendu, des ressources financières.

Grâce aux efforts de la Fondation des mines terrestres du Canada et d'autres organismes humanitaires, plus de 60 millions de mines terrestres ont été détruites et des milliers de victimes ont été aidées.

Honorables sénateurs, l'inauguration de la Journée des soldats de la paix a eu lieu il y a deux semaines à Summerside, à l'Île-du-Prince- Édouard, à l'occasion d'une activité de financement spéciale où danse et poésie ont été à l'honneur, en même temps que le message plus sobre de la menace des mines antipersonnel pour des collectivités entières.

(1345)

Des casques bleus seront honorés au cours des prochains mois, dont le major-général à la retraite Alain Forand et l'agent Louis Gignac, du Service de police de Québec.

Honorables sénateurs, les Canadiens sont toujours fiers d'être des gardiens de la paix et des humanitaires qui s'acquittent de leurs responsabilités avec honneur et altruisme, en pensant aux autres avant tout. Je sais que, le 9 août, vous vous joindrez à moi pour célébrer la toute première Journée des soldats de la paix au Canada.

LE POINT DE VUE DU NORD SUR LE REGISTRE DES ARMES D'ÉPAULE

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part du point de vue du Nord sur la récente annonce faite par le gouvernement d'un moratoire sur l'enregistrement des armes d'épaule. La plupart des gens du Nord n'ont jamais appuyé le registre des armes à feu et le système de permis d'achat d'armes et de munitions.

Pour donner un exemple, il y a quelques années, lorsque le registre des armes à feu faisait les nouvelles, je me suis rendu dans une petite collectivité. J'y ai rencontré un homme âgé, un chasseur et trappeur de plus de 90 ans. Il m'a demandé s'il devait enregistrer son arme de chasse. Je lui ai dit que oui, que M. Chrétien voulait qu'il enregistre ses armes et je lui ai demandé ce qu'il dirait à M. Chrétien s'il avait la chance de lui parler. Il m'a répondu : « Je suis un homme âgé. J'ai chassé et trappé toute ma vie, depuis l'âge de dix ans. J'ai abattu des centaines d'orignaux et du gros gibier, mais je n'ai jamais pointé mon arme à feu vers qui que ce soit. Je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit. Je gagne ma vie et mon arme est mon outil. »

Un autre chasseur et trappeur âgé de la même collectivité a dû acheter des cartouches une journée. On lui a dit au poste de traite où il avait échangé ses fourrures toute sa vie qu'il ne pouvait acheter des cartouches, car il n'avait pas une Autorisation d'acquisition d'armes à feu.

Ces exemples montrent bien que le registre est inapplicable, qu'il cause toutes sortes d'inconvénients et qu'il constitue une atteinte à la vie et à la liberté des gens du Nord qui vivent dans une région très difficile et qui ont besoin de leurs armes à feu pour gagner leur vie.

Honorables sénateurs, je suis un sénateur d'une région éloignée de notre pays qui appuie la position du gouvernement au sujet du registre des armes à feu. Plus vite nous nous en débarrasserons, le mieux ce sera. Que Dieu préserve la liberté des gens du Nord de chasser, de trapper et de pêcher sans aucune restriction.

LA RÉPONSE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DANS L'ARCTIQUE

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur un article voisin de la page éditoriale publié dans le Globe and Mail il y a plusieurs jours. Il était signé par Sheila Watt-Cloutier et disait ceci :

En essayant d'éliminer le Protocole de Kyoto et d'empêcher l'adoption sur la scène internationale d'« objectifs vigoureux » en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre,

le gouvernement fédéral abandonne les peuples de l'Arctique circumpolaire — surtout les Inuits dont la culture fondée sur la chasse et le partage de la nourriture est amenée au bord de la destruction par les changements climatiques. De plus, cette position malavisée va affaiblir la prétention du Canada quant à sa souveraineté dans l'Arctique et miner gravement sa crédibilité internationale.

En novembre 2004, les huit États arctiques, y compris le Canada et les États-Unis, ont souscrit à l'Évaluation de l'impact du changement climatique dans l'Arctique (ACIA). Cette évaluation, qui était le fruit de quatre années de travail par plus de 300 scientifiques de 15 pays et de peuples autochtones de l'Arctique, a permis d'établir que des changements climatiques dus à l'activité humaine dans l'Arctique se produisent à l'heure actuelle et s'accélèrent et ont de ce fait de graves conséquences sur les plans social, culturel, environnement et économique, ainsi qu'en matière de santé. Des plans d'urgence sont déjà en place pour déménager quelques collectivités inuites en Alaska et ailleurs à cause des changements climatiques.

[...] Les Inuits essaient depuis toujours d'exercer une influence sur le plan politique au lieu de manifester, et nous essayons toujours de réunir les gens au lieu de les diviser. Cependant, les récentes décisions du gouvernement fédéral demandent de nouvelles réponses. Nous sommes vivement préoccupés de voir que le gouvernement fédéral a adopté cette position, qui sème la discorde au Canada et sur la scène internationale, à une époque où la ministre de l'Environnement, Rona Ambrose, préside les négociations mondiales sur les changements climatiques.

La politique étrangère du gouvernement fédéral sur les changements climatiques doit soutenir, et non miner, la souveraineté du Canada dans le Nord et refléter, plutôt que d'ignorer, la situation dans l'Arctique, la région du Canada qui est la plus directement et la plus durement touchée par ce problème mondial.

C'est ce qu'a dit Sheila Watt-Cloutier, la présidente élue de la Conférence circumpolaire inuite, qui a reçu le prix Champion de la Terre des Nations Unies et le prix international Sophie en matière d'environnement et de développement. Elle va également recevoir le prix d'excellence pour l'ensemble de ses réalisations de l'Environmental Award du Canada le 5 juin, et le prix international de l'environnement dans le cadre du Jour de la Terre, le 8 juin. Mme Watt-Cloutier est la soeur du sénateur Charlie Watt.

(1350)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

LE PROJET DE LOI S-202—DÉPÔT AU COMITÉ DE LA LISTE DES LOIS NON ENCORE PROCLAMÉES

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, au cours du débat, le 26 avril, sur le projet de loi S-202, qui a été renvoyé hier par cet endroit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, j'ai répondu à une question posée par le sénateur Nolin qui voulait savoir si le ministère de la Justice m'avait communiqué une liste plus complète des lois qui avaient reçu la sanction royale plus de dix ans avant cette date. J'ai répondu que je n'avais rien reçu de tel.

Cependant, j'ai reçu une lettre du ministère qui me rappelait qu'une liste de lois avait en fait été fournie aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles avant son audience du 10 février 2005. Le ministère m'a fourni une copie de cette liste intitulée « Projet de loi S-202 » — soit le projet de loi à l'étude — « Lois ou dispositions législatives adoptées après 1985 et avant 1999, mais non encore entrées en vigueur au 5 avril 2006 »

Il y a également une autre liste que celle que j'ai mentionnée. Le ministère de la Justice l'a distribuée aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des anciens de la Première nation Membertou du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse. Ils sont les invités du sénateur Lovelace Nicholas.

Au nom de tous les honorables sénateurs, nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE

DÉPÔT DU RAPPORT DU SÉMINAIRE PARLEMENTAIRE RÉGIONAL VIETNAM-LAOS-CAMBODGE SUR LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE, TENU DU 19 AU 21 DÉCEMBRE 2005

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer au Sénat, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire de la section canadienne de l'APF, qui a participé au Séminaire parlementaire régional Vietnam-Laos-Cambodge sur le contrôle budgétaire, tenu à Vientiane, au Laos, du 19 au 21 décembre 2005.


(1355)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES FINANCES

LA FORMULE DE PÉRÉQUATION—LES PROPOS DU PREMIER MINISTRE

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur la controverse entourant la formule de péréquation et les changements susceptibles d'y être apportés.

En guise d'introduction, voici une citation extraite du programme prôné par le Parti conservateur au cours de la dernière campagne électorale :

[...] les revenus découlant des ressources naturelles non renouvelables sont retirés de la formule de péréquation, ce qui stimulera la croissance économique.

C'était une citation exacte tirée du programme électoral des conservateurs concernant la nouvelle formule de péréquation à laquelle ils faisaient allusion dans leurs documents de campagne.

Plus tôt cette semaine, le ministre Flaherty a dit aux journalistes que les recettes pétrolières seraient exclues de la formule. « Nous en avons pris l'engagement dans notre programme électoral », a-t-il déclaré.

Hier, le premier ministre a qualifié cette promesse électorale de simple « préférence » et il a dit qu'il voulait voir les résultats d'un rapport qui a été demandé par le gouvernement fédéral sur cette question et qui devrait être présenté la semaine prochaine, avant de prendre une décision.

Le premier ministre se dédirait-il de l'engagement pris par le Parti conservateur au cours de la dernière campagne électorale?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Hays de sa question.

Le premier ministre ne s'est pas dédit. Au cours d'une conférence de presse, il a simplement énoncé d'une manière franche et honnête, selon son habitude, diverses opinions auxquelles il fait face dans le dossier de la péréquation et de l'équilibre fiscal. Il a ajouté que le gouvernement a hâte de lire le rapport du groupe d'experts sur la péréquation et qu'il se penche déjà sur les propositions énoncées dans le rapport du groupe consultatif du Conseil de la fédération.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, les Canadiens suivent attentivement ces dossiers. Cette affaire soulève la controverse et je vais y revenir dans le cadre d'une question complémentaire, si on me le permet.

À propos de la position changeante du premier ministre, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle indiquer si une telle hésitation va s'appliquer à bien des choses qui ont été promises au cours de la campagne électorale et énoncées en guise d'engagements du Parti conservateur? Nous les avons entendues de la bouche du premier ministre ou lues dans son programme électoral. Toutes ces promesses deviendront-elles simplement des préférences?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il est intéressant de voir le sénateur s'interroger au sujet de la « préférence » du premier ministre. Ce dernier a déclaré sans ambages pendant la campagne électorale que le Parti conservateur changerait la manière de faire concernant la garde d'enfants, Kyoto et d'autres dossiers. Or, le sénateur ne veut pas le croire sur parole.

Dans le cas en question, j'ai lu l'article. Je sais ce qu'a dit le premier ministre. Je sais également ce qu'a dit le ministre Flaherty. Le premier ministre a simplement exprimé une évidence, soit que bien des gens ont des opinions différentes sur la question et qu'il en prend acte.

Il a simplement affirmé qu'il y a bien des façons de regarder la question. Il n'a pas dit que sa position ou celle du parti avait changé. Il a simplement dit qu'il attendait le rapport de la Commission O'Brien sur tout le dossier de la péréquation.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, je n'ai aucune certitude concernant la position du gouvernement sur la garde d'enfants ni sur Kyoto. J'ai l'impression que le gouvernement tente de jouer sur deux tableaux. Il semble dire qu'il est déterminé à mettre en œuvre l'accord de Kyoto, mais en fait il ne l'est pas. De même, il semble dire qu'il est déterminé à mettre en place des services de garde d'enfants, mais en fait il présente un autre programme.

(1400)

À cet égard, le premier ministre provincial Lorn Calvert a déclaré ce qui suit hier :

Il ne s'agit pas d'une préférence, mais d'un engagement.

Aucune autre interprétation n'est possible. Ce serait revenir sur une promesse faite et même, d'après moi, trahir la confiance que s'est mérité ce premier ministre dans la province de la Saskatchewan.

La controverse est d'autant plus vive que le premier ministre provincial Klein avait déclaré plus tôt qu'il s'opposerait farouchement à toute proposition d'inclure les recettes des ressources naturelles, ajoutant ceci, en parlant du gouvernement et de sa promesse durant la campagne électorale :

J'ose espérer qu'il la tiendra, autrement il y aura de la bagarre.

Le premier ministre provincial McGuinty s'oppose également à l'inclusion des redevances pétrolières et gazières dans le calcul, parce que, selon lui, cela gonflerait la norme de péréquation et que, aux termes de la Constitution,

Ces redevances pétrolières et gazières ne peuvent pas servir à effectuer les paiements.

Je demande donc à nouveau à madame le ministre comment elle peut concilier les avis des premiers ministres provinciaux, et particulièrement celui du premier ministre provincial Calvert concernant le caractère irrévocable de l'engagement, avec la position plutôt insatisfaisante du premier ministre selon laquelle cette question — et bien d'autres je suppose — ne constitue pas un engagement que les Canadiens peuvent considérer comme ferme et qui les convainc que le gouvernement agira conformément aux attentes créées chez eux lors de la campagne électorale?

Le sénateur LeBreton : J'ai également lu les propos du premier ministre provincial Calvert. Comme mise en contexte, je dirais que le premier ministre répondait à une question concernant son accessibilité aux journalistes — ce qui est fort intéressant, étant donné que certaines personnes semblent croire qu'il ne répond pas aux questions des journalistes — et il ne faisait qu'énoncer une évidence, à savoir que les avis sont partagés sur cette question. Il n'a pas dit qu'il allait rompre un quelconque engagement.

Les premiers ministres provinciaux, comme on peut s'y attendre, ne font qu'exprimer leur opposition à la réalisation d'une chose qui n'était qu'une éventualité. Cependant, le premier ministre n'a rien dit de tel et nous devrions attendre le rapport sur la péréquation, question qui, comme l'ont souligné le premier ministre et le ministre des Finances, est de ressort fédéral.

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LE PROJET DE PROGRAMME NATIONAL DE GARDE D'ENFANTS—LES PROPOS DU LEADER DU GOUVERNEMENT

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, il est temps de voir la réalité en face.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Eggleton : Hier, durant la période des questions, madame le leader du gouvernement au Sénat a répondu à une question du sénateur Chaput. Elle a dit :

Au cours de la campagne électorale, notre position sur la garde des enfants était très claire, y compris nos intentions concernant les différentes ententes qui avaient été signées avec certaines provinces. C'est un fait que pas une seule place en garderie n'était créée.

Tout d'abord, Madame le ministre, vous avez eu tort de dire « certaines provinces » parce que les dix provinces ont signé des ententes. Ensuite, vos faits étaient erronés quand vous avez dit que pas une seule place en garderie n'a été créée parce que l'Ontario, par exemple, a créé quelque 14 000 places sur la foi de l'entente et de l'argent qui l'accompagnait.

Je voudrais donc demander à madame le leader du gouvernement de corriger ses déclarations. Après tout, ces ententes existaient bel et bien. Des places en garderie ont été créées. Les parents pouvaient faire un choix. Les enfants pouvaient profiter d'une occasion, mais votre gouvernement a décidé de mettre tout cela au rancart.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je n'ai pas l'intention de revenir sur ce que j'ai dit au sujet de l'absence de places en garderie, car aucune place n'a été créée. Ces ententes dépendaient de beaucoup de choses. Il y avait bien des si et bien des conditions dans ces ententes de dernière minute que le ministre signait à tour de bras avec les provinces et dans lesquelles, si je ne m'abuse, le gouvernement ne s'engageait de toute façon qu'à financer le programme pendant un an. Entre-temps, aucune place en garderie n'a été créée par ce programme de la dernière heure.

(1405)

Le fait est qu'après 13 ans de gouvernements libéraux qui promettaient un programme de garde d'enfants sans jamais tenir promesse, notre gouvernement a finalement agi en présentant un programme universel de garde d'enfants. Nous affecterons 3,7 milliards de dollars sur deux ans à la prestation universelle pour la garde d'enfants, ce qui assurera à toutes les familles une allocation de 100 $ par mois pour chaque enfant de moins de six ans. Nous avons également réservé 250 millions de dollars pour la création de nouvelles places en garderie. Notre objectif est de créer 25 000 nouvelles places chaque année.

Le sénateur Eggleton : Avec tout le respect que je vous dois, il faut que je dise que ce n'est pas un programme d'éducation préscolaire et de garde d'enfants. Le gouvernement offre aux gens une allocation tout à fait insuffisante pour répondre à leurs besoins ou pour assurer la qualité de la garde des enfants.

Madame le leader parle d'ententes de la dernière heure. N'oublions pas que beaucoup des gouvernements qui les ont signées en toute bonne foi sont conservateurs et pensent avoir perdu une bonne occasion. Ils ont sévèrement critiqué le gouvernement à cet égard.

Le sénateur peut bien parler des 13 années précédentes mais, jusqu'à il y a près d'un an, il était impossible pour toutes les provinces d'accepter ces ententes. Elles ont finalement accepté, et qu'arrive-t-il maintenant? Son gouvernement met tout au rancart. Je ne suis pas non plus d'accord avec le leader au sujet de l'Ontario, mais je reviendrai sur ce point.

La Saskatchewan, par exemple, envisageait de créer un programme provincial de garderies pour tous les enfants de quatre ans. En Colombie-Britannique, 6 000 familles ont profité d'une augmentation de la subvention à la garde d'enfants. Tout cela est menacé maintenant. Pour ce qui est de l'Ontario, après les 14 000 places, le gouvernement avait l'intention d'en créer 11 000 autres, mais il a dû suspendre son projet par suite de l'annulation du programme. Le Manitoba a cessé de créer des places, perdant par la même occasion plus de 3 000 places. Terre-Neuve-et-Labrador comptait augmenter le nombre de places réglementées, notamment dans les régions les moins desservies. Une fois de plus, ses projets sont à l'eau.

Le gouvernement n'a tout simplement pas un plan viable de création de places en garderie. Les provinces ont dit que le plan du gouvernement concernant les encouragements fiscaux aux entreprises et aux collectivités — sans crédits permanents pour financer les frais de fonctionnement, dois-je ajouter — ne donnera pas grand-chose. En fait, il y a eu un projet du même genre en Ontario, qui n'a pas réussi et qui n'a pas permis de créer une seule place en garderie.

Pourquoi le gouvernement ne prend-il pas le temps de réfléchir avant qu'il soit trop tard? Pourquoi ne collabore-t-il pas avec les provinces, dont beaucoup ont des gouvernements conservateurs, et ne maintient-il pas ces ententes pour donner aux parents un vrai choix et aux enfants, une véritable occasion?

Le sénateur LeBreton : En fait, le gouvernement collabore bien avec les provinces au sujet du nouveau programme conservateur de garde d'enfants.

J'ai noté que le sénateur a parsemé encore une fois le préambule de sa question de « envisageait », « avait l'intention », « comptait », et cetera. Tout cela ne fait que confirmer ce que je disais : pas une seule place en garderie n'a été créée grâce au programme strictement sur papier du gouvernement précédent.

LA DÉFENSE NATIONALE

LA SOUVERAINETÉ DANS L'ARCTIQUE—LA POSSIBILITÉ D'ACQUÉRIR DES BRISE-GLACES

L'honorable Bill Rompkey : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques semaines, je lui ai posé une question au sujet des brise-glaces de l'Arctique. Je lui rappelle qu'au cours de la campagne électorale, le premier ministre a pris un engagement concernant trois brise-glaces arctiques tout équipés et un port en eau profonde dans l'Arctique. C'était là un engagement clair pris par le premier ministre durant la campagne.

Je voudrais attirer l'attention du leader sur un article paru le 30 mai dans le National Post, d'après lequel :

Le gouvernement conservateur envisage d'acquérir une nouvelle flotte de corvettes « pouvant naviguer dans les glaces »...

Durant la Seconde Guerre mondiale, nous avions des corvettes. Il s'agissait de chalutiers marchands armés qui n'avaient pas de coque renforcée et qui ne pouvaient pas patrouiller dans les eaux de l'Arctique canadien.

... et de renoncer [...] à son engagement électoral de bâtir de nouveaux brise-glaces armés pour les Forces canadiennes.

L'article se poursuit ainsi :

[...] on ne s'attend pas à ce que cela fasse partie des dépenses hautement prioritaires de M. O'Connor, qu'il doit présenter aujourd'hui au Cabinet.

Cet article est daté du 30 mai. Ma question est simplement la suivante : à un moment où le réchauffement de la planète est en train d'ouvrir le passage du Nord-Ouest à la navigation et où de nombreux navires franchissent le passage, pourquoi le premier ministre ne tient-il pas la promesse qu'il a faite? Pourquoi permettons-nous aux bureaucrates de l'empêcher de tenir un excellent engagement qu'il a pris au cours de la campagne électorale?

(1410)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Encore une fois, le sénateur fonde sa question sur des hypothèses relevées dans un article de journal. Il dit que nous avons utilisé des corvettes durant la Seconde Guerre mondiale. Je ne veux pas me laisser entraîner dans un débat sur la question de savoir jusqu'à quand remonte notre utilisation des Sea King et des hélicoptères de ce genre.

Attendons que le ministre de la Défense nationale présente le plan sur les besoins de son ministère. Ne commençons pas à répondre à des questions hypothétiques lues dans des articles de journaux.

Le sénateur Rompkey : Honorables sénateurs, parlant d'attendre, permettez-moi de lire un extrait d'un article paru dans l'Ottawa Citizen ce matin.

Selon l'auteur d'un nouveau livre sur l'histoire de l'Arctique, le Canada est engagé dans une course contre la montre pour empêcher la fonte des glaces de l'océan Arctique et établir sa souveraineté dans le passage du Nord-Ouest avant qu'il ne soit trop tard.

Gerard Kenney, dont l'ouvrage Dangerous Passage sort aujourd'hui [...] affirme que, si des navires internationaux se mettent à utiliser le passage de manière régulière, le Canada aura de la difficulté à faire reconnaître sa souveraineté sur ces eaux.

Le premier ministre Stephen Harper, écrit-il :

[...] a promis trois nouveaux brise-glaces et un port pour l'Arctique, des initiatives que M. Kenney salue.

Il dit que le Canada a aussi besoin d'un système garantissant que les navires s'identifient avant de pénétrer dans le passage du Nord-Ouest [...]

Sheila Watt-Cloutier a fait ces commentaires au nom de la Conférence circumpolaire inuite. Mme Watt-Cloutier a dit à la conférence que les Inuits savent que leur environnement est en train de s'éroder. Elle a dit qu'ils savent aussi que cette érosion sera accentuée par l'ouverture du passage du Nord-Ouest aux navires de commerce étrangers.

La question que je pose, c'est qu'allons-nous faire maintenant et quand le premier ministre remplira-t-il son engagement de construire les brise-glaces et le port en eau profonde?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Je pense que personne ne remettra en question l'engagement du gouvernement à accroître la capacité des Forces canadiennes de défendre la souveraineté canadienne dans l'Arctique au lieu de laisser les navires passer sans même informer le gouvernement, comme cela se faisait dans le passé.

Le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes examinent actuellement les diverses options pour assurer la présence navale des Forces canadiennes dans le Nord. Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, attendons que le ministre de la Défense, les fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et le chef d'état- major de la Défense aient fait savoir au Cabinet, au Parlement et au public canadien de quel matériel ils auront besoin à court et à long terme pour les Forces canadiennes.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE RÉSINEUX—LA CONSULTATION DE L'INDUSTRIE

L'honorable Pierrette Ringuette : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Hier, durant la période des questions, j'ai demandé pourquoi l'Alberta Forest Products Association n'a pas été consultée sur l'accord sur le bois d'œuvre résineux. Madame le leader du gouvernement a répondu ceci : « Je crois savoir que certains petits producteurs ont exprimé des craintes. »

Faut-il en conclure que l'Alberta Forest Products Association n'est qu'un intervenant de moindre importance? Faut-il en conclure que les petits producteurs ne sont pas importants pour le gouvernement et qu'ils ne seront donc pas consultés? Faut-il en conclure que les PME du pays devront lutter toutes seules pour leur survie? Faut-il en conclure que les politiques du gouvernement ne s'intéresseront qu'aux grandes entreprises?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : La réponse est non, ce n'est pas ce qu'il faut en conclure.

Le sénateur Ringuette : C'est la réponse que nous avons coutume d'entendre.

L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE RÉSINEUX—DEMANDE DE DÉPÔT

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, hier, madame le leader du gouvernement a refusé de m'accorder la permission de déposer au Sénat le projet d'accord sur le bois d'œuvre. Elle refuse de m'accorder cette permission depuis quatre semaines. Le gouvernement a refusé d'agir de manière ouverte, transparente et responsable dans ce dossier au Sénat. En refusant de permettre le dépôt du projet d'accord, on perpétue la culture du secret.

(1415)

Cela veut-il dire que le Sénat devra appeler Brian Mulroney ou George W. Bush pour vous persuader de déposer et d'étudier le projet d'accord sur le bois d'œuvre?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Le Sénat est déjà saisi du projet d'accord sur le bois d'œuvre puisqu'il a été déposé devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

LES RELATIONS CANADO-AMÉRICAINES

LA SÉCURITÉ À LA FRONTIÈRE—LES EXIGENCES CONCERNANT LES PASSEPORTS

L'honorable James S. Cowan : Honorables sénateurs, mardi, les premiers ministres des provinces de l'Ouest et les dirigeants des territoires ont exhorté le gouvernement à exercer des pressions pour faire retarder l'entrée en vigueur des nouvelles exigences des États- Unis concernant les passeports. Les exigences imposées par le gouvernement américain ne nuiraient pas uniquement aux exportations et au tourisme canadiens, elles limiteraient également les libertés individuelles des Américains et des Canadiens.

Honorables sénateurs, les premiers ministres des provinces de l'Ouest ont reconnu la nécessité de resserrer la sécurité à la frontière. Toutefois, comme l'a dit le premier ministre Doer, mardi, si nous voulons mettre en œuvre ces nouvelles exigences efficacement, il faut obtenir un délai et faire les choses comme il faut. Le Globe and Mail rapportait ce matin que M. Doer a dit que ce serait un suicide économique tant pour le Canada que pour les États-Unis de ne pas repousser l'entrée en vigueur de ces exigences.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement fédéral tiendra-t-il compte des arguments du premier ministre Doer et fera-t-il en sorte que ces exigences nuisibles ne soient pas mises en œuvre sans une étude et une évaluation appropriées?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Cowan de cette question. Nous convenons qu'il s'agit d'une question très importante de part et d'autre de la frontière, non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour les Américains qui vivent à proximité de la frontière. Le sénateur a peut-être entendu les propos qu'a tenus hier, à Gimli, l'ambassadeur canadien à Washington, l'honorable Michael Wilson, ainsi que ceux de la directrice d'un groupe d'entreprises canadiennes et américaines, propos qui appuient les efforts de l'ambassadeur Wilson à cet égard.

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une question importante. Comme je l'ai dit en réponse à une question posée aujourd'hui, cette loi a été adoptée par le Congrès des États- Unis. Il y a des signes en provenance des États-Unis qui nous permettent d'espérer. Tous les ordres de gouvernement, et en particulier les États frontaliers, s'affairent à trouver un système ou, si l'amendement est adopté au Sénat, à obtenir un report de manière à ce que la mesure ne nuise pas à la circulation transfrontalière des biens et des services ainsi que des personnes.

Le sénateur Cowan : Le premier ministre a dit que, selon lui, le report proviendrait probablement d'un désaccord au sein du gouvernement américain et non des pressions exercées de ce côté- ci de la frontière. Que cette observation soit juste ou non, madame le leader du gouvernement demandera-t-elle au premier ministre de soulever la question et de prendre la défense du Canada lorsqu'il rencontrera le président des États-Unis à Washington, le 6 juillet?

Le sénateur LeBreton : Je vais certainement mentionner cette question au premier ministre, mais je pense que c'est justement parce que le premier ministre en a déjà parlé au président Bush que nous obtenons enfin des résultats et que le problème reçoit enfin de l'attention. Comme mon collègue le sénateur Angus me l'a rappelé, cette question sera étudiée la semaine prochaine par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Il ne s'agit pas d'un problème qui nous est tombé sur les bras le 23 janvier. Pour notre gouverne, j'ai étudié les comptes rendus et j'ai constaté que des questions à ce sujet ont été posées à mes prédécesseurs au Sénat. Il y a eu premièrement le sénateur Oliver, en mars 2003, puis madame le sénateur Andreychuk en avril 2004 et le sénateur Segal l'automne dernier. Pourtant, rien n'a été fait pour donner suite à ces questions. Quand on se rappelle que nous avons remporté les élections le 23 janvier 2006 et que notre gouvernement a prêté serment le 6 février 2006, on voit que nous avons fait davantage, au cours de la période d'un peu plus de 100 jours depuis notre entrée en fonctions pour faire avancer ce dossier et pour trouver une solution que ce qu'a fait le gouvernement précédent après la présentation du projet de loi au Congrès des États-Unis, il y a plusieurs années.

Compte tenu des résultats que nous avons obtenus en une centaine de jours, nous avons bien plus de raisons d'être optimistes que nous n'en avons jamais eu dans le passé.

(1420)

Le sénateur Cowan : Je crois comprendre que la réponse à ma question complémentaire est oui.

Le sénateur LeBreton : C'est oui.

L'ENVIRONNEMENT

LE PROTOCOLE DE KYOTO—L'ÉCHANGE DE DROITS D'ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, et elle concerne ce qui a l'air d'une incohérence dans l'approche gouvernementale en matière d'environnement. Hier, pendant la période des questions, madame le leader a dit dans une réponse que la ministre, Rona Ambrose, avait rencontré les dirigeants d'autres gouvernements qui convenaient tous que le Protocole de Kyoto ne donnait rien. La meilleure façon d'échouer, c'est d'arrêter d'essayer. L'attitude du gouvernement actuel consiste à dire que, si on ne réussit pas du premier coup, on renonce.

La ministre a aussi rencontré des dirigeants d'autres pays qui lui ont dit que le Protocole de Kyoto donnait des résultats, et qu'ils atteignaient les objectifs visés. Après avoir rencontré le ministre britannique de l'Environnement, la ministre a dit aux journalistes que le gouvernement songeait maintenant au système d'échange de droits d'émissions qui existe en Europe.

Pendant la campagne de dénigrement de Kyoto que le Parti conservateur a menée jusqu'aux dernières élections, on disait en gros que nous n'allions pas acheter de droits d'émission à la Russie. Le gouvernement estime-t-il que la Russie fait partie de l'Europe?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, voilà une question plutôt étrange, je dois dire. Je ne sais pas si un membre de notre gouvernement a jamais dit que la Russie faisait ou ne faisait pas partie de l'Europe.

L'honorable sénateur a fait allusion à ma réponse à une question d'hier. Je rappelle que le Canada a reçu de larges appuis pour son leadership parmi les pays industrialisés représentés à la récente réunion de Bonn. Comme je l'ai dit hier, la ministre Ambrose et ses collaborateurs ont incarné admirablement ce leadership. La ministre a pris la tête d'un consensus parmi les pays participant à une évaluation de deux ans, après 2012, c'est-à-dire dans la deuxième étape prévue par le Protocole de Kyoto.

Richard Kinley, dirigeant suppléant du Secrétariat des Nations Unies sur les changements climatiques, a dit ceci de la ministre Ambrose, d'après un article paru le 27 mai dernier dans le Montreal Gazette :

La présidente s'est acquittée de ses responsabilités avec la confiance totale des membres de l'exécutif et avec impartialité.

La ministre Ambrose a dit également que les Nations Unies s'intéressaient à l'effort que fait le Canada pour amener les États- Unis à jouer un rôle plus actif au cours de la deuxième phase. Chez nous, les premiers ministres de l'Ouest ont récemment annoncé qu'ils étaient en faveur d'un plan de conception canadienne, et il est clair que, au niveau international, nous avons obtenu des appuis également.

Il est regrettable que l'opposition officielle ne puisse pas trouver le moyen d'appuyer un plan canadien de lutte contre les changements climatiques. Si les honorables sénateurs ne me croient pas, ils devront croire l'un des candidats à la direction du Parti libéral, Michael Ignatieff. Selon un article paru dans The Record, il aurait dit que le Protocole de Kyoto est un énorme handicap politique pour son parti. C'était il y a une semaine et demie, le 23 mai 2006.

Je vais le citer directement :

Nous pensons que Kyoto a été un atout pour nous. Il a été au contraire un énorme handicap politique.

L'article cite un extrait d'une allocution prononcée lors d'un déjeuner :

Je crois que notre parti s'est mis dans le pétrin en ce qui concerne l'environnement. Sur un plan politique pratique, personne ne sait en quoi consiste ce protocole, ni ce à quoi il nous engage.

Je le dis aux honorables sénateurs d'en face : si vous ne nous croyez pas, croyez au moins l'un des candidats à la direction de votre parti.

Le sénateur Banks : Je vais me charger de renseigner M. Ignatieff sur la nature du Protocole de Kyoto. Je vais simplifier ma question. Même s'il s'est engagé à ne pas acheter de droits d'émission à la Russie, le gouvernement envisage-t-il la possibilité que des entreprises canadiennes échangent des droits sur une bourse européenne?

(1425)

Le sénateur LeBreton : Je le répète, le sénateur devrait trouver de meilleurs attachés de recherche que les journaux.

La ministre Ambrose a rencontré des représentants de la Communauté européenne et de la Grande-Bretagne, et ils ont discuté d'une foule de questions. Comme la plupart des ministres de notre gouvernement, la ministre Ambrose n'a aucune difficulté à discuter ouvertement et honnêtement des enjeux qui sont sur la table.

Malheureusement, lorsqu'elle a ces discussions ouvertes et honnêtes — et cela arrive à d'autres membres du gouvernement, dont le premier ministre —, on les interprète comme s'il s'agissait d'engagements fermes. Néanmoins, je vais encourager les ministres à toujours faire savoir au public de quoi ils discutent, ouvertement et honnêtement.

Le sénateur Banks : Soyons clairs. Je suis tout à fait en faveur des échanges de droits d'émission. J'ai dit que le gouvernement envisageait cette possibilité. C'est une bonne idée, et j'espère que le gouvernement y donnera suite. Comme le mot « possibilité » a été mis entre guillemets, j'espère que la ministre n'a pas été mal citée à ce propos-là.

Avant de conclure, je rappelle à madame le leader du gouvernement au Sénat que, il y a un certain temps — puisqu'elle a évoqué la question d'un plan canadien de réduction des émissions —, je lui ai demandé pendant la période des questions quelle partie des engagements qui existaient alors n'était pas canadienne. Elle a dit qu'elle se renseignerait et m'en reparlerait. J'ai hâte d'entendre cette réponse.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Je vais voir où en est la réponse différée. Je vais aussi demander à la ministre Ambrose ce qu'elle a dit au juste et vérifier si elle a été citée fidèlement.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à la question orale du sénateur Plamondon, posée le 27 avril 2006, concernant les changements climatiques.

L'ENVIRONNEMENT

LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES—LES EFFETS SUR L'ÉCONOMIE—LES NÉGOCIATIONS AVEC LES ÉTATS-UNIS

(Réponse à la question posée le 27 avril 2006 par l'honorable Madeleine Plamondon)

La modification du temps désigne toute action visant à changer le temps très rapidement, en quelques heures tout au plus, afin, par exemple, de dissiper le brouillard ou d'augmenter les précipitations. L'Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations Unies dirige un programme de recherche sur la modification du temps depuis 1975. Ce programme s'emploie à fixer des bases scientifiques solides pour la modification du temps et à faciliter l'échange de renseignements, tant pour des activités opérationnelles que de recherche. Ce qui continue de les intéresser, c'est la possibilité de modifier la météo de façon positive et de concourir ainsi à une atténuation des effets néfastes des sécheresses, de la grêle, du brouillard ou des phénomènes météorologiques violents.

Des discussions se poursuivent toujours au sein de la communauté scientifique concernant le degré de réussite d'une telle modification. On remarque, entre autres, que le niveau de confiance est très élevé en ce qui a trait à la modification de certains types de brouillard, et soit pauvre ou modéré relativement à l'augmentation des précipitations, mais qu'il est pauvre lorsqu'il s'agit de réduire la grêle.

Néanmoins, de nombreux pays réalisent actuellement des projets sur la modification du temps partout dans le monde, en particulier dans des régions arides et semi-arides où les ressources en eau insuffisantes ne permettent pas de répondre adéquatement à la demande alimentaire, agricole et énergétique. Une mise au point réussie de cette technologie profiterait visiblement à ces régions.

Des projets se déroulent également au Canada et aux États- Unis. Au Canada, l'industrie des assurances investit chaque année dans des activités de modification du temps visant à réduire les dommages causés par la grêle dans les Prairies. Aux États-Unis, plusieurs États s'y adonnent afin de, nous croyons, réduire les phénomènes météorologiques violents ou de régler des enjeux relatifs à la gestion des eaux. Même si le gouvernement fédéral menait des recherches approfondies sur la modification du temps dans les années 1970, aucune somme fédérale n'y est allouée pour l'instant, et nous savons qu'il en va de même pour les États-unis.

De plus, ni le Canada ni les États-Unis ne se sont dotés d'une politique fédérale en matière de modification du temps. Au Canada, la Loi sur les renseignements en matière de modification du temps (appliquée par la ministre de l'Environnement) stipule que quiconque a l'intention de se livrer à des essais de modification du temps par des moyens chimiques doit en « aviser » le gouvernement fédéral. Aucun permis fédéral n'est nécessaire, et aucune autorité fédérale n'a le pouvoir de faire cesser l'activité en question.

Aux États-Unis, des projets de loi prévoient « l'élaboration et la mise en œuvre d'une politique nationale complète et coordonnée en matière de recherche sur la modification du temps ». Ces projets de loi sont à l'étude.

Dans ce contexte, vous comprendrez qu'il est difficile, voire impossible, à l'heure actuelle d'attribuer, de façon crédible, des valeurs économiques spécifiques ou autres à des essais de modification du temps. Il est clair, également, que les différentes parties intéressées peuvent soulever les aspects juridiques, éthiques et moraux de telles pratiques, si ce n'est déjà fait. Certains intervenants, notamment l'OMM, mentionnée précédemment, l'American Meteorological Society et la Société canadienne de météorologie et d'océanographie, en parlent déjà clairement. Ces organisations favorisent la quête sérieuse et rigoureuse de ces recherches au plan scientifique afin d'assurer une évaluation appropriée de leurs conséquences, tant positives que négatives.

Même si les communautés scientifiques au Canada et aux États-Unis échangent des renseignements scientifiques depuis de nombreuses années, ces deux pays n'ont pris part à aucun pourparler sur la modification du temps dernièrement. Comme l'a souligné la sénateur Plamondon, les années 70 ont été riches sur le plan des politiques internationales. C'est à cette époque, le 5 octobre 1978, qu'est entrée en vigueur la « Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles » des Nations Unies, convention qui fut ratifiée par le Canada le 11 juin 1981.

[Traduction]

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons parmi nous aujourd'hui un page de la Chambre des communes. Il s'agit de Chloé Ward, de Pembroke, en Ontario. Elle étudie actuellement à l'Université Carleton au programme de spécialisation en neuroscience du baccalauréat en sciences. Au nom de tous les sénateurs, je lui souhaite la bienvenue.

VISITEUR À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Honneur le maire de Vancouver, M. Sam Sullivan. Je suis persuadé que tous les honorables sénateurs se joignent à moi pour lui souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


(1430)

ORDRE DU JOUR

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) propose que le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse d'avoir l'occasion d'amorcer ce débat sur le projet de loi S-4, qui limiterait la durée du mandat des sénateurs à huit ans. Comme les sénateurs le savent, il n'y a actuellement pas de limite à la durée du mandat des sénateurs, autres que les grands paramètres établis par la Constitution. Un sénateur pourrait théoriquement occuper son siège pendant 45 ans s'il était élu à l'âge de 30 ans et qu'il restait jusqu'à l'âge de la retraite obligatoire, soit 75 ans.

Dans le discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à étudier les moyens de faire en sorte que le Sénat reflète mieux les valeurs démocratiques canadiennes et réponde mieux aux besoins des régions du Canada. Le projet de loi S-4 marque un premier pas important vers la réalisation de cet objectif.

Je souhaite commencer par passer en revue le texte du projet de loi, qui propose une modification de la Loi constitutionnelle de 1867 et expliquer ensuite le contexte de cette importante réforme. Plus précisément, le projet de loi remplacerait l'actuel article 29 de la loi par une disposition limitant la durée du mandat des sénateurs à huit ans. Le projet de loi contient également une disposition de transition qui permettrait aux sénateurs actuels de conserver leur poste jusqu'à l'âge de 75 ans. Cette modification indique implicitement qu'il n'existerait plus d'âge obligatoire de départ à la retraite pour les nouveaux sénateurs. Le Parlement se servirait, pour apporter cette modification, du pouvoir que lui confère l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui dispose :

[...] le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

L'article 44 est assujetti à l'article 42 de la Constitution, qui énonce les questions devant faire l'objet d'un amendement qui nécessiteraient le soutien de sept provinces comptant 50 p. 100 de la population. L'article 42 énonce notamment :

(b) les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs;

(c) le nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être représentée [...].

Toutefois, la durée du mandat des sénateurs ne figure pas parmi les éléments énumérés à l'article 42. Le projet de loi S-4 ne modifie aucunement les pouvoirs du Sénat, le mode de sélection ou la répartition des sénateurs par région. Il existe également un fort précédent donnant au Parlement le pouvoir d'agir unilatéralement pour limiter la durée du mandat des sénateurs.

En 1965, le Parlement a modifié l'article 29 de la Loi constitutionnelle afin de réduire la durée du mandat des sénateurs. Précédemment nommés à vie ils doivent, depuis cette modification constitutionnelle, partir à la retraite dès l'âge de 75 ans. À cet égard, il est intéressant de faire observer qu'un renvoi de 1980 à la Cour suprême évoquait la modification de 1965 pour illustrer comment le Parlement peut modifier unilatéralement la Constitution en ce qui concerne le Sénat.

Même si les honorables sénateurs seront d'accord pour dire que le Sénat continue de jouer un rôle précieux dans l'examen des projets de loi et l'étude de questions stratégiques clés, en vérité, le Sénat n'a pratiquement pas changé depuis sa première séance, le 16 novembre 1867. Dans l'intervalle, le Canada a évolué, tout comme les opinions des Canadiens au sujet de leurs institutions politiques. J'en prends pour preuve l'activité et l'intérêt considérables que suscitent, partout au pays, la réforme et le renouvellement démocratiques.

Nous devons nous demander si le Sénat du XIXe siècle répond aux attentes des Canadiens au XXIe siècle. Certes, les Canadiens ont dit clairement qu'ils désiraient une réforme du Sénat. Par exemple, selon un sondage réalisé par la maison Environics en mars dernier, une vaste majorité des répondants appuyaient une réforme du Sénat, et non son abolition ou le statu quo. Par le passé, des efforts concertés ont été déployés pour réformer le Sénat, surtout dans l'accord du lac Meech et l'accord de Charlottetown.

L'accord du Lac Meech instituait une mesure provisoire autorisant les provinces à nommer des sénateurs, l'objectif à long terme étant une réforme fondamentale du Sénat. Bon nombre d'entre nous se rappellent que des sénateurs, notamment les anciens sénateurs Beaudoin et Bolduc, voulaient que le Sénat soit réformé dans l'esprit de l'accord du lac Meech.

L'accord de Charlottetown aurait donné lieu à une réforme fondamentale de tous les aspects importants du Sénat, dont la répartition des sénateurs entre les provinces et les territoires, la méthode de nomination des sénateurs et les pouvoirs du Sénat. Les deux initiatives portaient sur une réforme constitutionnelle importante et exhaustive dans bien des secteurs.

Bien que la réforme du Sénat constitue un aspect clé de chaque proposition, son sort était étroitement lié au succès ou à l'échec des accords dans leur ensemble. Lorsque ces accords ont échoué, les espoirs d'une réforme du Sénat, quoique légitimes, se sont également envolés, même si les éléments portant sur la réforme du Sénat étaient extrêmement valables et recueillaient l'appui des Canadiens. C'est pourquoi le gouvernement actuel a adopté une approche totalement différente à l'égard de cette réforme, une approche par étapes qui lancera le processus de réforme et qui établira ainsi les assises d'une réforme plus fondamentale à l'avenir.

Il convient de noter que le rapport Molgat-Cosgrove du Comité mixte spécial sur la réforme du Sénat, paru en 1984, recommandait une approche semblable. Ce rapport avait pour objectif ultime une réforme constitutionnelle fondamentale du Sénat, mais il concluait que certaines réformes bénéfiques pourraient être effectuées immédiatement. Le rapport recommandait entre autres que le mandat des sénateurs soit limité à une période de neuf ans et que le Parlement applique unilatéralement cette mesure en invoquant l'article 44 de la Constitution.

Beaucoup d'autres études ont recommandé des modifications au Sénat. Tout comme le rapport Molgat-Cosgrove, bon nombre d'entre elles recommandaient qu'on limite la durée du mandat des sénateurs et énuméraient un large éventail de propositions quant à la durée souhaitable. Par exemple, le rapport d'un groupe de travail intitulé Regional Representation : The Canadian Partnership, publié en 1981 par la Canada West Foundation, et le rapport de 1985 du comité spécial de l'Alberta chargé d'étudier la réforme de la Chambre haute ont tous deux recommandé que le mandat des sénateurs soit renouvelable et qu'il soit limité à deux législatures. Le rapport de 1992 du Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada recommandait que la durée des mandats soit limitée à six ans. La plupart de ces propositions imposaient des limites à la durée du mandat des sénateurs dans un Sénat élu. Les tentatives antérieures de réforme et le grand nombre de recommandations en ce sens qui ont été formulées par les années passées montrent clairement que la réforme du Sénat est fortement souhaitée et nécessaire.

Malheureusement, aucune de ces propositions n'a porté fruit. Comme le premier ministre l'a fait observer, il semble évident que les Canadiens aimeraient voir des améliorations au Sénat, mais les tentatives précédentes ayant été trop radicales dans leur approche, rien n'a été fait. Bien que le projet de loi sur la durée du mandat des sénateurs ne traite pas de toutes les préoccupations soulevées au sujet du Sénat, il représente néanmoins une première étape importante dans un processus de réforme à long terme. En faisant des améliorations une étape à la fois et en misant sur le consensus, nous allons arriver à progresser.

Je m'écarte maintenant du texte de la modification proposée pour attirer l'attention des sénateurs sur le préambule du projet de loi, qui est important pour plusieurs raisons. D'abord, le préambule explique pourquoi il s'agit là d'une étape importante.

ATTENDU : qu'il est important que les institutions représentatives du Canada, notamment le Sénat, continuent d'évoluer de concert avec les principes d'une démocratie moderne et les attentes des Canadiens;

Le troisième énoncé dit ceci :

Que la durée du mandat des sénateurs doit être conciliable avec les principes d'une démocratie moderne;

Dans ce contexte, le deuxième énoncé du préambule rappelle que cette initiative représente une partie de l'engagement du gouvernement d'effectuer une réforme du Sénat, exprimé dans le discours du Trône.

Les quatrième et cinquième énoncés précisent respectivement que le Parlement a déjà modifié la durée du mandat des sénateurs, en 1965, et que, de la même façon, le Parlement a compétence, en vertu de l'article 44 de la Constitution, pour effectuer les changements visés dans le projet de loi S-4.

(1440)

Enfin, le dernier « attendu » prévoit qu'en modifiant la durée du mandat des sénateurs :

[...] le Parlement entend préserver les caractéristiques essentielles du Sénat, lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive au sein de la démocratie parlementaire canadienne,

Ensemble, ces articles représentent la base d'une justification éclairée du projet de loi. À cet égard, je me permets d'arrêter un peu sur les messages essentiels que renferme le préambule.

D'abord, on pourrait demander ce qu'il faut entendre par les principes d'une démocratie moderne et les attentes des Canadiens à cet égard. Nous pourrions probablement convenir qu'un certain nombre de principes importants sous-tendent nos institutions démocratiques, dont la responsabilité, la légitimité et la représentation effective, pour n'en nommer que quelques-uns.

À ce que je vois, le sénateur St. Germain apprécie la mention de la représentation effective.

Le sénateur St. Germain : Bravo!

Le sénateur LeBreton : La principale question est la suivante : nos institutions démocratiques, qui doivent donner corps à ces principes, ont-elles évolué de manière à correspondre aux attentes des Canadiens du XXIe siècle? C'est une question fondamentale que bon nombre d'entre nous se sont sûrement posée et, s'ils ne l'ont pas fait, qu'ils devraient se poser. De nombreux sénateurs, dont moi- même, répondraient par la négative.

En 1867, la nomination à vie de sénateurs pouvait convenir parfaitement aux opinions qui prévalaient au moment où l'on tentait de structurer le Sénat sur le modèle de la Chambre des lords. De nos jours, les longs mandats sont considérés comme une des principales causes du manque de légitimité du Sénat. Les Canadiens voient mal comment le Sénat pourrait être une institution dynamique et démocratique du fait qu'il est possible pour un sénateur de siéger pendant plus de 40 ans.

Les exigences concernant la propriété, que renferme la Constitution, sont un autre bon exemple du changement des attitudes prédominantes à l'égard du Sénat. Même si le fait de posséder des biens immobiliers d'une valeur de 4 000 $ ne semble pas être une exigence très rigoureuse pour bien des Canadiens, l'inflation ayant aplani ce problème, en 1867 cela représentait une petite fortune et signifiait que, dès le départ, le Sénat était un lieu réservé aux nantis. Aujourd'hui, nous n'imposerions pas une telle exigence concernant la propriété, alors pourquoi l'accepter aux fins de la nomination des sénateurs? Les temps ont changé et nos institutions doivent évoluer en conséquence.

De nos jours, les Canadiens insistent pour que le Parlement soit une institution dynamique qui prenne en compte leurs besoins et leurs attentes. Ils sont nombreux à croire que la nomination à vie des sénateurs ne correspond pas à cet idéal. Cela a eu pour effet d'alimenter la critique selon laquelle le Sénat est devenu une institution stagnante qui manque de légitimité. Si la durée du mandat était de huit ans, le Sénat connaîtrait un renouveau d'idées et de points de vue.

Enfin, comme je l'ai dit précédemment, le dernier « attendu » renferme une déclaration très importante, selon laquelle le projet de loi ne change pas les caractéristiques essentielles du Sénat. Plus précisément, le mode de nomination des sénateurs demeure inchangé et les pouvoirs du Sénat ne sont diminués d'aucune façon.

Mis à part ces facteurs, je crois qu'une caractéristique importante du Sénat réside dans son indépendance et son rôle qui consiste à apporter un second examen objectif dans le processus législatif fédéral. Le fait de limiter à huit ans la durée du mandat des sénateurs ne diminuera pas du tout ces caractéristiques. De toute évidence, un mandat de huit ans se démarque du mandat électoral à l'autre endroit. Un mandat de huit ans devrait donner amplement de temps à un sénateur d'acquérir de l'expérience et de mettre cette expérience à profit pendant une période raisonnablement longue.

Il faut noter, dans ce contexte, qu'un grand nombre de sénateurs auraient siégé plus longtemps parmi nous aux termes de ce projet de loi. Les honorables sénateurs se souviendront du sénateur Doris Anderson et du sénateur Peggy Butts, qui ne sont restées au Sénat que deux ans. Madame le sénateur Finestone a été parmi nous deux ans et demi, le sénateur Thelma Chalifoux, de l'Alberta, sept ans, le sénateur Finnerty six ans, madame le sénateur Léger quatre ans, le sénateur Mercier cinq ans. Je pourrais continuer longtemps encore. À lui seul, l'ancien premier ministre Chrétien a nommé 22 sénateurs qui ont siégé ici moins de huit ans parce qu'ils ont dû partir après avoir atteint l'âge de la retraite obligatoire. Nous n'avons donc pas à craindre, honorables sénateurs, que le Sénat manque d'expérience par suite de cette proposition. En effet, qui pourrait dire que le travail des sénateurs que je viens de nommer n'a pas été précieux et n'a pas considérablement contribué à faire de notre institution ce qu'elle est? En même temps, le projet de loi nous garantirait de recevoir régulièrement du sang neuf et de nouvelles idées.

Comme je l'ai déjà mentionné, le fait que nous ne changions aucune caractéristique essentielle du Sénat constitue bien sûr un important facteur pour établir que le Parlement peut agir seul pour adopter cette modification, comme il l'a fait en 1965 sous le gouvernement du premier ministre Lester B. Pearson. Si le Parlement souhaite modifier une caractéristique fondamentale du Sénat, il aurait bien sûr besoin de l'appui des provinces, en vertu de l'article 42 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ce n'est pas le cas de cette modification.

L'adoption du projet de loi ne suffira pas pour apaiser toutes les préoccupations exprimées par les Canadiens au sujet du Sénat. Elle ne répondra pas non plus complètement aux critiques concernant sa légitimité en tant qu'institution démocratique moderne. D'autres changements seront nécessaires pour atteindre ce but. Comme l'a clairement dit le premier ministre, une réforme fondamentale du Sénat est un objectif à long terme.

Je répète que le projet de loi constitue un premier pas important et une mesure qui est en soi louable et extrêmement utile. Même s'il n'était suivi d'aucune autre réforme, il représenterait quand même une nette amélioration par rapport au statu quo.

Le projet de loi répond à l'une des principales préoccupations que suscite le Sénat. Des mandats d'une trop longue durée sont incompatibles avec ce que les Canadiens attendent de leurs institutions démocratiques. Le projet de loi atteint cet objectif sans modifier le caractère essentiel du Sénat et en maintenant sa nature indépendante et son rôle de Chambre chargée de faire un second examen objectif. Il renforcera même ce rôle en donnant au Sénat plus de dynamisme grâce à des idées neuves et à de nouvelles expériences.

Le projet de loi ne nous mènera pas au terme des réformes requises, mais c'est un important début. Il jettera les fondations d'améliorations futures. Commençons donc à répondre aux attentes des Canadiens en entamant le processus de modernisation de cette institution si importante. Je vous demande donc, honorables sénateurs, d'appuyer cette modification très valable de notre Constitution.

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Madame le ministre me permettrait-elle de lui poser quelques questions?

Le sénateur LeBreton : Très volontiers.

Le sénateur Hays : Je voudrais commencer par la remercier de ses observations. Elle a donné des détails sur le projet de loi, ce qui est bien sûr utile. Nous débattrons le projet de loi ici. Après avoir posé des questions, je proposerai, si je peux encore le faire, l'ajournement du débat.

J'ai quelques questions à poser, dont certaines sont très simples, au sujet du mandat de huit ans. Le projet de loi changera-t-il les dispositions actuelles de la Constitution concernant l'admissibilité au Sénat entre 30 et 75 ans? Est-ce que ces dispositions disparaîtront? Une personne pourra-t-elle accéder au Sénat à n'importe quel âge? Est-il clair que le mandat de huit ans est renouvelable?

Le sénateur LeBreton : Je vous remercie de votre question. Comme le précise le projet de loi, l'âge de la retraite est automatiquement atteint après huit ans. Le projet de loi ne dit rien de l'âge minimal, mais j'imagine qu'il serait maintenu. Nous pourrions peut-être examiner cette question lorsque le projet de loi ira au comité.

Pour ce qui est du mandat de huit ans, ceux d'entre vous qui ont étudié les recommandations du rapport Molgat-Cosgrove se souviendront que le rapport préconisait un mandat non renouvelable de neuf ans. Dans ce cas, si nous en venons à nommer des sénateurs élus à des endroits précis, le mandat ne serait renouvelable que si le titulaire se présente à nouveau et remporte l'élection.

C'est une question intéressante. Je suis très curieuse de connaître l'avis des constitutionnalistes et des autres témoins que le comité convoquera. Quoi qu'il en soit, d'après l'interprétation actuelle, oui, le projet de loi permet de renouveler le mandat.

(1450)

Le sénateur Hays : J'ai une autre question de détail. D'abord, je trouve intéressant que vous prévoyiez que l'on réussira à modifier la Constitution de manière à y inclure l'élection des sénateurs dans l'avenir.

Comme nous le savons tous, sur les questions d'ordre constitutionnel le Sénat a un droit de veto suspensif de six mois seulement. Il s'agit d'un projet de loi ministériel présenté au Sénat. Pouvez-vous clarifier la question du temps, c'est-à-dire le temps que nous aurions pour examiner la mesure, compte tenu de la période de six mois que nous avons pour exercer notre droit de veto suspensif sur les questions d'ordre constitutionnel?

Non pas que je prévoie qu'il en sera ainsi, mais si cette période de six mois s'avérait insuffisante, la question deviendrait-elle automatiquement une résolution de la Chambre des communes, si cette dernière adoptait le projet de loi, et serait-ce la fin du processus?

Le sénateur LeBreton : Nous avons présenté ce projet de loi au Sénat parce que nous croyions que le Sénat était l'endroit approprié pour le faire. La question touche le Sénat plus directement.

Quant au droit de veto suspensif, au cours des discussions que nous avons eues avec les experts en matière constitutionnelle, dont le sénateur Beaudoin, je ne crois pas que l'on ait songé à la possibilité que le Sénat ne soit pas saisi de ce projet de loi. Personne n'a un fusil pointé sur la tempe.

Nous commençons par un petit pas dans la voie de la réforme du Sénat. Je devrai renvoyer cette question à une personne plus ferrée que moi sur le sujet de la Constitution.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, il est possible que nous ayons un droit de veto absolu relativement à des modifications constitutionnelles présentées conformément à l'article 44, mais je n'en suis pas certain. J'aurais dû faire mes devoirs, mais je croyais pouvoir m'en remettre à votre expertise.

Il est important et intéressant de noter qu'on qualifie cette mesure de première étape. Nous nous posons probablement tous les mêmes questions, à savoir : quelle sera l'étape suivante? Quand y passera-t- on? En quoi consistera cette étape? Pouvez-vous fournir des précisions?

Le sénateur LeBreton : Non, je ne peux pas. Le premier ministre a dit très clairement, comme dans l'entrevue qu'il a accordée il y a quelques jours, qu'il ne s'agit que d'une modeste première étape. Nous allons franchir cette étape.

Comme vous le savez, toute réforme du Sénat exige une modification de la Constitution avec l'accord de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population. Le premier ministre a reçu bon nombre de propositions. La Colombie-Britannique et l'Alberta ont déjà adopté des dispositions visant l'élection provinciale des sénateurs.

Le premier ministre Lord, du Nouveau-Brunswick, et le premier ministre Binns, de l'Île-du-Prince-Édouard, ont déclaré publiquement qu'ils seraient prêts à étudier des propositions relatives aux élections sénatoriales dans leurs provinces respectives. Ce ne sont que des idées qui ont été avancées, il n'y a aucun plan définitif quant à l'étape suivante.

Lorsque nous visitons les différentes régions du pays, le premier reproche que les Canadiens font au Sénat porte sur les très longs mandats, sur le fait que les sénateurs sont nommés pour de si longues périodes.

En fait, il y a un précédent. Quand l'ancien premier ministre Mulroney a nommé le sénateur Stan Waters au Sénat, les gens ont dit la même chose. Bien que le sénateur Waters ne fût âgé que de 70 ans au moment de sa nomination, il est malheureusement décédé. Si le sénateur Waters avait été plus jeune et si le premier ministre l'avait nommé à la suite d'une élection en Alberta, le même problème se serait posé. Il aurait été nommé jusqu'à l'âge de 75 ans.

Dans le contexte de la réforme démocratique, la première étape consisterait à utiliser un article de la Constitution déjà utilisé par le premier ministre Pearson. Il n'exigeait pas l'approbation des provinces pour prendre une petite mesure. Cependant, je ne veux pas faire une hypothèse sur ce qui pourrait se passer ensuite ni sur le temps qu'il faudrait.

Le sénateur Hays : Il est en effet très important de déterminer si c'est la meilleure façon de procéder. Nous devons étudier la question en profondeur dans le cadre d'une analyse étape par étape ou de façon plus globale, sans rien enlever à la difficulté. J'ignore comment nous pouvons parler de réforme du Sénat à moins d'étudier cette option plus en profondeur.

Je remarque que, dans votre discours, vous avez mentionné le dernier paragraphe du préambule à quatre ou cinq reprises au moins. Vous avez dit que celui-ci montrait que l'approbation des provinces n'était pas nécessaire. Ce n'est pas une modification qui est relié à cette exigence.

Pourrions-nous vous demander de fournir les avis ou les documents sur lesquels vous vous êtes fondés et qui venaient du ministère de la Justice ou des Affaires intergouvernementales ou encore du Conseil privé, et nommer les gens qui vous ont conseillés et qui ont préparé ce document, afin que nous puissions prendre un bon départ dans ce dossier? Tout cela sera, sans aucun doute, remis en question. Le plus tôt nous pourrons recevoir l'information, plus vite nous pourrons répondre à cette question. Je suis persuadé que nous resterons à l'étape de la deuxième lecture pendant un certain temps, mais nous renverrons la question au comité sous peu.

Le sénateur LeBreton : Je serais heureuse de partager les renseignements que j'ai en ma possession et qui pourraient être utiles.

Je suis certaine que certains des gens que nous avons consultés seront appelés comme témoins, comme le professeur Monahan, le sénateur Beaudoin et d'autres, lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité pour une étude en profondeur.

L'honorable Anne C. Cools : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

J'ai écouté très attentivement et deux questions se posent. Je poserai peut-être la plus facile en premier lieu.

En langage constitutionnel et en droit parlementaire, on parle de l'équilibre d'une Constitution. Les Constitutions sont conçues comme un tout et toutes les parties doivent fonctionner ensemble.

Ma première question porte sur le mandat. À la suite de l'adoption de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, on pensait que le mandat des sénateurs devait tomber dans la même catégorie que le mandat des juges de la Cour suprême. Lorsqu'on examine notre histoire, on s'aperçoit que le mandat était à vie dans les deux cas. La décision de changer les choses pour que les juges et les sénateurs soient nommés non plus à vie mais jusqu'à l'âge de 75 ans a été prise à peu près en même temps, dans les deux cas, dans notre histoire.

(1500)

Je me demande si, pour préserver l'équilibre dans la Constitution, le gouvernement envisage de légiférer pour réduire la durée du mandat des juges des cours supérieures. Un aspect important dans la composition de la Chambre haute est l'équilibre des relations entre tous les éléments qui s'agencent dans la Constitution. Si le gouvernement n'y a pas réfléchi, je comprends. Toutefois, je me demande si madame le sénateur LeBreton a quelque chose à dire du rapport entre la durée du mandat des juges des cours supérieures et celle du mandat des sénateurs.

Le sénateur LeBreton : Non, je n'ai rien à dire. Nous n'abordons cette question que dans le contexte strict du Sénat du Canada. Je n'ai participé à aucune discussion dans laquelle on aurait établi un lien avec les juges des cours supérieures.

Le sénateur Cools : Il y a tout un ensemble de liens et d'équilibres importants avec bien des dispositions de la Constitution. Il faut aussi tenir compte des lois sur le Parlement et du droit de la prérogative, dont il n'a pas été question non plus.

Ma deuxième question porte sur l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. Le sénateur parle à ce propos du Parlement qui agit « unilatéralement ». Je crois que le terme juste est plutôt « exclusivement ». Nous n'aimons pas dire que le Parlement agit unilatéralement.

Ma question est liée à celle du sénateur Hays, mais elle est un peu plus développée. Je m'interroge sur l'autorité constitutionnelle selon laquelle l'article 44 suffit pour modifier la durée du mandat des sénateurs. S'il est exact que ce mandat peut être modifié en vertu de l'article 44, je voudrais savoir s'il y a des limites à l'utilisation qu'on peut faire de cet article. Autrement dit, pourrait-on l'invoquer pour le ramener à une seule année? Le gouvernement a choisi un mandat de huit ans, mais pourrait-on, en vertu de l'article 44, le ramener à un an, une semaine, une journée ou même à rien du tout? Pourrait- on invoquer cet article pour réduire le mandat des sénateurs et finir par paralyser et abolir le Sénat?

Le sénateur LeBreton : Excellente question. J'ai bien hâte d'entendre ce que les constitutionnalistes diront lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité. Selon l'opinion qu'on m'a communiquée, cet article de la Constitution a été utilisé pour modifier le mandat des sénateurs en 1965, et c'est le même article qu'on pourrait invoquer cette fois-ci.

Le sénateur Cools : J'invite madame le sénateur à réfléchir au fait que bien de prétendus constitutionnalistes peuvent se tromper. Deuxièmement, les constitutionnalistes ont souvent l'habitude de dire aux gouvernements ce qu'ils veulent entendre. Ils sont payés pour cela. Troisièmement, ils se donnent l'air d'en savoir long sur des questions dont ils ne savent pas grand-chose. Ce n'est pas rare chez ces prétendus experts. À dire vrai, ce que savent un grand nombre d'entre eux du droit parlementaire est bien mince.

Quoi qu'il en soit, s'il est possible d'invoquer cet article pour ramener à huit ans le mandat des sénateurs, il est possible de le faire aussi pour le ramener à un an ou à zéro. C'est une question très importante.

Je ne crois pas que l'article 44 était destiné à être utilisé de cette manière. Madame le sénateur LeBreton parle sans cesse du « Parlement du Canada ». L'article 44 ne parle pas du Parlement du Canada, mais du Sénat et de la Chambre des communes. Autrement dit, il peut être utilisé pour des questions qui concernent seulement le Sénat ou seulement la Chambre des communes, mais pas le Parlement du Canada. C'est une tout autre question.

De plus, faire dépendre la durée du mandat de l'âge des sénateurs est une erreur constitutionnelle. Je suis très curieuse de connaître l'autorité constitutionnelle invoquée. Je voudrais savoir sur quelle loi on s'appuie pour faire ces affirmations, et j'ai hâte au débat.

La composition et le service du Sénat sont une question à laquelle nous sommes nombreux à attacher un intérêt plus que passager. Je ne pense pas, comme beaucoup le font, que puisque le projet de loi ne me touche pas personnellement, je ne dois pas m'y intéresser. Ce n'est pas ainsi que j'aborde la vie.

Lorsque des changements et que des améliorations s'imposent — et je suis sûre que cela arrive —, la meilleure façon de s'y prendre est habituellement d'opter pour les modalités les plus fidèles à la Constitution et à la loi plutôt que pour la précipitation. Cela m'inquiète un peu. Changer l'âge de la retraite n'est pas l'équivalent, sur le plan constitutionnel, d'un changement de la durée du mandat. Le mandat dépasse les questions personnelles. Lorsque l'âge a été modifié, cela était conforme à la Constitution, et l'équilibre était maintenu. À l'époque de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la durée de vie moyenne était de 47 ans, et l'idée de servir à vie était conçue différemment.

Une vieille plaisanterie raconte que, après avoir nommé une personne de 73 ans, sir Wilfrid Laurier aurait dit : « Ne vous inquiétez pas. Ce ne sera pas très long avant que le siège soit vacant. » Il se trouve que ce vieux monsieur a vécu jusqu'à 103 ans ou à peu près.

Nous devons nous assurer que l'équilibre constitutionnel est maintenu. La plupart des gens, y compris moi-même, aimerions qu'il y ait des changements, mais les changements doivent être faits dans les formes. Madame le sénateur LeBreton a donné une liste de sénateurs qui ont servi pendant deux ou trois ans — il y en avait même un qui n'a servi que six mois — au cours des dix dernières années. J'ai toujours trouvé désolant que le Sénat soit devenu ce que les premiers ministres en ont fait. Il y a d'énormes problèmes avec le Sénat actuel, mais nous devons en rendre les premiers ministres successifs responsables, car ce sont eux qui ont créé le Sénat qu'ils voulaient.

Le sénateur LeBreton : Nous n'agissons pas à la hâte. Certains constitutionnalistes que nous avons consultés ne sont pas rémunérés par le gouvernement. Le sénateur Beaudoin, qui est professeur à l'Université d'Ottawa, n'est pas sur les listes de paie du gouvernement.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : J'ai deux questions qui se rattachent à ce que madame le sénateur Cools a dit. Elle a soulevé un argument important en demandant jusqu'à quel point le Parlement pouvait abréger la durée du mandat des sénateurs. En fait, il n'y a pas de limite. Ce pourrait même être un moyen détourné d'abolir le Sénat, ce qui, comme nous le savons, nécessiterait le consentement des provinces.

(1510)

Lorsque madame le leader du gouvernement nous présentera des documents, pourrait-elle nous donner de l'information sur les conseils que le gouvernement a reçus concernant la durée du mandat où il serait nécessaire, de l'avis du gouvernement, d'obtenir le consentement des provinces pour modifier la durée du mandat des sénateurs?

Si nous abolissons la limite supérieure d'âge et conservons un système de nomination, qu'est-ce qui empêcherait un premier ministre — peut-être même le premier ministre actuel — de nommer un groupe d'octogénaires, de nonagénaires, voire de centenaires? J'éprouve énormément de respect pour les personnes âgées; j'espère en devenir une moi-même. Cependant, elles ont habituellement moins d'énergie que les gens plus jeunes. En d'autres mots, on peut prévoir que cela limiterait l'efficacité du Sénat. Qu'est-ce qui nous protègerait d'un tel scénario?

Le sénateur LeBreton : Je n'avais pas pensé à ce scénario. J'espère que le débat permettra de voir vraiment ce que représente ce projet de loi pour ce qui est d'un modeste premier pas en vue d'une réforme du Sénat afin qu'il corresponde mieux aux attentes de la population. Je ne peux concevoir un scénario où un premier ministre ferait une telle chose.

Bref, je n'ai pas la réponse à cette question.

Le sénateur Oliver : Il faudrait qu'ils soient élus d'abord.

Le sénateur LeBreton : C'est exact, il faudrait qu'ils soient élus.

Le sénateur Fraser : C'était peut-être une manière un peu exagérée de dire qu'à mon avis, il pourrait y avoir une limite à revoir le principe de l'abandon de la condition d'âge maximal.

Ma deuxième question a trait au préambule. J'étais contente d'y voir la mention du Sénat comme « lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive... ». Je pense que le sénateur Grafstein a été le premier à me faire remarquer qu'une fois un tel projet de loi adopté, le préambule disparaît à jamais — mais la reconnaissance est appréciée d'où qu'elle vienne.

Pourtant, on sait bien que toute personne ayant un pouvoir d'embauche ou de nomination exerce sur la personne embauchée ou nommée le pouvoir de la congédier ou de ne pas la renommer, dans le cas d'employés contractuels ou nommés pour une période déterminée. C'est un moyen bien établi pour tenir les gens en laisse. Si le gouvernement parle d'un système dans lequel les sénateurs pourraient être renommés, quel effet cela aura-t-il sur la capacité de réfléchir de façon indépendante?

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur Fraser de sa question. Le débat sur la renomination dépend toujours du scénario, si jamais il se concrétisait, d'un sénateur réélu puis renommé. Aujourd'hui, les sénateurs sont nommés et ne peuvent être congédiés à moins de contrevenir aux règles ou de commettre une action clairement illégale ou assimilée à une trahison.

On a formulé de nombreuses hypothèses sur la possibilité de renomination. J'ai déjà soulevé la question. Cependant, pour que ce soit possible, une personne devra se présenter et être élue aux élections dans une province, si c'est ainsi que nous voulons procéder, et ensuite être nommée, puis être réélue et ensuite, renommée. Voilà ce qui justifierait une renomination.

Honnêtement, c'est une des questions qui feront l'objet de débats intéressants lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité; il sera intéressant de voir comment on traitera cette question.

Toutes ces questions sont bonnes. Ce projet de loi aura pour effet de susciter le débat. On présentera des données historiques et des scénarios intéressants que certains d'entre nous ignorent peut-être.

C'est une des raisons pour lesquelles j'espère que le projet de loi donnera lieu à une étude très soigneuse au Sénat et au comité. Les réponses à un grand nombre de ces questions seront données par des gens qui en savent beaucoup plus que moi en matière de droit constitutionnel et de faits historiques.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, selon mon interprétation, l'article 44 de la Loi constitutionnelle prévoit un veto absolu de la part du Sénat. Dans ce débat, il est important de tenir compte du fait que certains articles exigent un veto suspensif ou de 180 jours pour le Sénat, mais que ce n'est pas le cas ici.

Ma question porte sur la durée du mandat de huit ans. Il y a un peu de déjà-vu ici parce que mon père était sénateur en 1965. D'ailleurs, c'était un sénateur nommé à vie. Je me rappelle que cette discussion a eu lieu autour de la table familiale et voici que nous la reprenons de nouveau.

Il y a déjà eu un renvoi à la Cour suprême. Ce renvoi a clairement établi qu'un changement fondamental ne pouvait être apporté au Sénat du Canada sans que les provinces ne soient consultées.

On peut soutenir, comme le sénateur Murray l'a fait hier dans les médias, qu'un mandat de huit ans représente peut-être un changement fondamental, qui devra donc être soumis à l'étude par les provinces. Ma question précise est la suivante : pourquoi le gouvernement a-t-il fixé la durée à huit ans et non à 12, par exemple, qui est la moyenne des années que passent ici les sénateurs?

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur Carstairs de sa question.

Au départ, un mandat de six ans avait été suggéré. Nous sommes alors retournés en arrière et avons consulté le rapport du comité Molgat-Cosgrove qui recommandait un mandat d'une durée de 12 ans. On a ensuite songé à un mandat de six ans, selon l'exemple australien, puis le comité est revenu à la charge en recommandant un mandat de neuf ans.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, le mandat de huit ans que prévoit le projet de loi fait partie de l'ensemble de mesures du gouvernement concernant la réforme démocratique. Comme le savent les honorables sénateurs, un projet de loi visant l'établissement d'une date fixe pour les élections a été présenté à l'autre endroit. On s'est entendu sur un mandat de huit ans pour les sénateurs étant donné qu'il correspondrait à deux cycles à l'autre endroit. C'est raisonnable comme durée de mandat. Il donnerait aux sénateurs amplement l'occasion de servir leur pays. En même temps, il permettrait un plus grand roulement au Sénat. Comme je l'ai dit publiquement, c'est une façon de maintenir la vitalité du Sénat et d'y apporter de nouvelles idées. Voilà pourquoi on s'est entendu sur huit ans. Une fois de plus, toutes ces questions donneront lieu à d'excellents débats ici même et en comité quand nous accueillerons les experts constitutionnels et parlementaires.

(1520)

Le sénateur Carstairs : Ma deuxième question porte sur ce que j'ai toujours considéré comme étant de la discrimination fondée sur l'âge. Personne ne peut être appelé au Sénat avant l'âge de 30 ans; personne ne peut y rester après avoir atteint l'âge de 75 ans. Puisque j'estime que ces restrictions sont contraires à la Charte, j'aimerais savoir pourquoi on n'en a pas profité pour les éliminer.

J'aimerais aussi savoir pourquoi on n'en a pas profité pour éliminer l'exigence anachronique relative à la possession d'une propriété d'une valeur d'au moins 4 000 $.

Le sénateur LeBreton : Merci, sénateur Carstairs. Le sénateur Hays a déjà soulevé la question de l'âge minimum. Il va sans dire que nous renoncerons à la restriction relative à l'âge maximum de 75 ans; peut-être que l'amendement sera présenté en comité. Comme je l'ai dit au sénateur Hays, c'est une question de logique : si nous retirons l'exigence d'un côté, pourquoi ne pas le faire de l'autre?

L'honorable Percy Downe : Dans son discours d'aujourd'hui, madame le leader du gouvernement au Sénat a mentionné à plusieurs reprises les modifications apportées par le premier ministre Pearson en 1965. Toutefois, depuis 1965, les règles ont changé. Nous avons la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte des droits et libertés. J'ai remarqué que les gouvernements précédents se sont souvent enquis de la possibilité de faire des changements semblables. Nous avons également appris que, depuis 1982, le ministère de la Justice s'est dit d'avis que toute modification du mandat des sénateurs devrait être faite en vertu de l'article 42 et non de l'article 44.

Ma question est la suivante : le gouvernement a-t-il demandé un avis juridique au ministère de la Justice et, si oui, la ministre aurait- elle l'obligeance de déposer cet avis avant que le débat ne commence?

Le sénateur LeBreton : Merci, sénateur Downe. Nous avons évidemment obtenu des avis du ministère de la Justice et du Conseil privé. Je me renseignerai pour déterminer s'il est possible d'avoir ces documents. Lorsque nous en arriverons à l'étape des audiences du comité, je suis sûre que tous ces documents pourront être déposés, mais je m'efforcerai de savoir ce qu'il en est.

Le sénateur Downe : Merci. Comme madame le ministre le sait, les documents confidentiels du Cabinet ne sont pas tous des documents du premier ministre, mais je sais d'expérience que le Bureau du Conseil privé estimait alors que cela ne pouvait pas se faire. J'aimerais bien savoir ce qui a changé depuis 1998.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur a l'avantage d'avoir occupé, comme moi, un poste au cabinet du premier ministre. Je ne sais donc pas, sénateur Downe, qui vous a fait part de cet avis ni pourquoi il a changé, mais je ferai de mon mieux pour déterminer s'il y a des conseillers différents.

Nous travaillons sur cette question depuis un certain temps et nous l'examinons depuis plus longtemps encore. Toutefois, je vais sûrement poser la question aux gens avec qui je travaille au Bureau du Conseil privé. Je trouve vraiment remarquable que vous ayez réussi à conserver ces documents. Je ne me souviens pas d'en avoir gardé beaucoup quand j'étais au cabinet du premier ministre. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, sénateur Downe.

Le sénateur Downe : Vous aurez besoin de ces documents pour votre livre, madame le ministre.

Le sénateur LeBreton : Je n'écris pas un livre.

L'honorable Serge Joyal : Je voudrais féliciter madame le leader du gouvernement d'avoir présenté cet important projet de loi au Sénat. Je trouve tout à fait justifié que le Sénat soit le premier à l'examiner. J'apprécie beaucoup cette initiative.

Le sénateur a mentionné à plusieurs reprises dans son discours le dernier « attendu » du projet de loi, d'après lequel « le Parlement entend préserver les caractéristiques essentielles du Sénat [...] au sein de la démocratie parlementaire canadienne ».

Je comprends bien sûr que le sénateur parle de la Constitution du Canada. À mon avis, le mandat d'un sénateur constitue une caractéristique essentielle du Sénat. En fait, la Constitution renferme une disposition particulière à ce sujet. Il s'agit de l'article 29, qui est intitulé « Sénateurs nommés à vie » et compte deux paragraphes. Le mandat des sénateurs est une des caractéristiques essentielles prévues dans la Constitution du Canada.

Je voudrais donc demander à madame le sénateur sur quoi elle se base pour soutenir que la modification de la durée du mandat des sénateurs prévue dans la Constitution actuelle — modification que propose le projet de loi S-4 — ne change pas une caractéristique essentielle du Sénat, alors que la Constitution poursuivait à l'origine un but très précis en donnant aux sénateurs un mandat à long terme. Comment peut-elle affirmer que le changement proposé dans le projet de loi S-4 ne modifie pas une caractéristique essentielle prévue à l'article 29?

Le sénateur LeBreton : Merci, sénateur Joyal. D'après les avis que nous avons reçus, les caractéristiques générales du Sénat et son rôle législatif ne changeront pas tout simplement parce que les sénateurs seront nommés pour huit ans au lieu de 20 ou 30 ans ou au lieu de prendre leur retraite à 75 ans. Cela fera l'objet d'un excellent débat lorsque nous convoquerons des témoins. J'ai signalé que beaucoup de sénateurs ont siégé moins de huit ans, vraiment beaucoup. Ils ont pourtant admirablement servi le Sénat. Le fait qu'ils aient siégé moins de huit ans n'a en rien modifié le rôle ou les caractéristiques du Sénat.

J'ai été convaincue par les arguments de ceux qui nous ont parlé de cette disposition de la Constitution et qui nous ont dit que la modification de la durée du mandat des sénateurs ne changera pas le travail du Sénat ou ce que nous y faisons. En fait, on pourrait même soutenir qu'un tel changement améliorerait la situation par suite de l'arrivée de gens qui auront de nouvelles idées et de nouvelles approches. À mon avis, cela renforcera les caractéristiques du Sénat.

Encore une fois, sénateur Joyal, le gouvernement et moi-même, ainsi que le premier ministre, reconnaissions que lorsque nous présenterions ce projet de loi au Sénat, il provoquerait un débat vigoureux et éclairé. C'est certainement le point de vue du sénateur Beaudoin, et il l'a répété encore hier. Je l'ai vu à l'un des débats télévisés. Le sénateur Beaudoin est toutefois inflexible quant à son point de vue. On dit souvent que si l'on demande l'opinion de dix personnes, on aura dix opinions différentes. Je suppose que c'est l'un des débats que nous aurons à mesure que le projet de loi franchira les étapes ici, puis au comité, puis de nouveau ici.

Le sénateur Joyal : Encore une fois, madame le sénateur a parlé de « lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive » quand elle a cité les « attendus ». Nulle part dans la Constitution de 1867 on ne trouve une description du Sénat en ces termes, mais cette expression décrit bien les caractéristiques essentielles du Sénat qui sont inscrites dans la Constitution.

(1530)

Si le sénateur prétend que de modifier la durée du mandat des sénateurs ne change rien à l'indépendance ou à la capacité de l'institution d'assurer une réflexion indépendante, sereine et attentive, en fait cela a un lien direct avec la nature de l'indépendance du Sénat. Le mandat du Sénat est plus long que celui de l'autre endroit. Nous ne dépendons pas du cycle électoral. Le taux de roulement des membres du Sénat n'a rien à voir avec les élections. Comme vous le savez, les sénateurs partent à l'âge de la retraite ou quand ils décident de démissionner de leur plein gré, comme c'est arrivé par le passé. Les sénateurs peuvent démissionner, par exemple, pour des raisons de santé ou pour poursuivre une autre carrière.

La même chose est vraie pour la réflexion indépendante, sereine et attentive. Pourquoi pouvons-nous prétendre assurer une telle réflexion? Parce que nous arrivons ici, pour la plupart, alors que nous avons atteint l'âge de 50 ans ou davantage. Nous avons acquis la richesse de notre expérience professionnelle quand nous sommes appelés à occuper ce poste par le représentant de Sa Majesté. Il y a un lien entre l'âge que nous avons à notre arrivée et la durée du mandat. C'est cela qui assure l'indépendance de notre institution et la réflexion indépendante, sereine et attentive.

À mon avis, le gouvernement ne peut pas simplement fixer la durée du mandat à six ou à huit ans ou pourquoi pas à neuf ans, comme le mentionnent divers rapports. Pour exiger une condition d'âge pour devenir sénateur, si on veut préserver la caractéristique essentielle du Sénat — ce que vise ce projet de loi selon l'honorable sénateur —, il faut prendre en compte le genre de travail attendu du Sénat.

Le sénateur n'a pas expliqué comment le projet de loi préserve ce lien. Autrement dit, l'âge est très important pour déterminer quelles personnes on veut choisir pour être sénateurs, le genre d'expérience qu'on exige d'elles et, bien sûr, le genre de résultats qu'on attend du Sénat, résultats qui diffèrent de ceux de l'autre endroit. Personne ne pense que l'autre endroit est indépendant et apte à faire un second examen objectif.

Les délibérations du Sénat présentent une certaine indépendance et offrent la possibilité de faire un second examen objectif parce que c'est là notre rôle essentiel. Le Sénat est une assemblée délibérante et nous apportons aux délibérations certaines qualités qu'on ne trouve pas dans l'autre endroit. Pourquoi? Parce que, à mon avis, la durée du mandat est un facteur déterminant. Toute modification à cet égard a une incidence immédiate sur le résultat final. En fait, je renvoie les honorables sénateurs au rapport Wakeham de la commission royale du Parlement de Westminster, dont nous nous inspirons. Le rapport de la commission royale sur la réforme de la Chambre des lords contient un chapitre très éclairant sur la durée du mandat et propose des durées précises, à condition de respecter les objectifs et le but d'une Chambre de second examen.

J'aimerais entendre madame le sénateur nous dire comment le gouvernement peut être si convaincu que ce qu'elle propose actuellement ne changerait pas les caractéristiques essentielles du genre de travail que doit effectuer le Sénat dans le cours de ses débats.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur. Il présente ses arguments de manière très convaincante.

Je suis d'avis que les caractéristiques fondamentales du Sénat ne seraient pas compromises — mais je reconnais encore une fois que nous ne sommes pas tous de cet avis. Ce qui était peut-être considéré comme une caractéristique en 1867 n'est peut-être plus considéré de la même manière aujourd'hui, tout comme le Sénat a évolué depuis ce temps.

Le sénateur fait bien valoir son point de vue, mais ce qu'il exprime est manifestement un point de vue. D'autres points de vue seront exprimés de part et d'autre du Sénat et ne seront pas nécessairement conformes à la position d'un parti. Ils correspondront simplement aux convictions personnelles des sénateurs. Les arguments défendus par l'honorable sénateur nourrissent utilement le débat sur ce projet de loi, tout comme les opinions des experts que nous appelons à témoigner devant le comité.

J'ai entendu de nombreuses interventions du sénateur Joyal. Il comprend à fond les rôles historique et traditionnel du Sénat et du Parlement et il apprécie la valeur de ces institutions. Je ne peux pas lui donner une réponse qui lui conviendra, mais je crois que les changements que nous envisageons sont très modestes. Il s'agit de revitaliser et de moderniser le Sénat, et je ne crois pas personnellement que ces changements vont altérer les caractéristiques fondamentales du Sénat, tel que nous le connaissons.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Je vais tâcher d'être bref. Je partage les craintes du sénateur Joyal concernant la nature des débats que nous nous devons de préserver dans cette Chambre de second examen objectif. Nous sommes tous d'avis que c'est essentiel.

Permettez-moi de faire une comparaison plus pointue. Il y a un autre élément de l'État canadien qui possède un peu les caractéristiques du Sénat, comme en fait état le chapitre intitulé « La séparation des pouvoirs » dans l'œuvre de William Blackstone. Il y a séparation des pouvoirs avec l'exécutif dans l'autre endroit. Nous participons aussi à cette séparation des pouvoirs. Nous sommes un contrepoids aux pouvoirs de l'exécutif et de l'autre endroit. L'autre endroit, lui, est un contrepoids aux pouvoirs du Sénat et de l'exécutif. Le système est ainsi conçu pour qu'il y ait équilibre des pouvoirs.

Le dernier contrepoids, ce sont les juges. Les caractéristiques du processus de délibération changeraient-elles si le gouvernement choisissait de nommer les juges pour huit ans?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur. Sa question ressemble à celle du sénateur Cools.

Je ne crois pas qu'il faille aller au-delà de l'intention du projet de loi, qui consiste à moderniser le Sénat et à le rendre plus conforme aux démocraties modernes. L'intention est d'instaurer un système dans le cadre duquel les personnes seraient nommées à cette chambre pour un mandat de huit ans. Les gens n'ont pas à supposer un motif ultérieur concernant ce qui pourrait arriver ensuite aux juges, car il n'y a pas un tel motif. Cette mesure constitue simplement un effort de modernisation et de revitalisation visant à répondre aux préoccupations importantes que nous avons entendues à l'échelle du pays. Les Canadiens nous ont dit qu'ils ne perçoivent plus le Sénat comme une institution démocratique viable.

Le sénateur Grafstein : La Cour suprême du Canada a dit bien clairement qu'aucun changement ne peut être apporté au Parlement sans que la Constitution n'ait été modifiée de la manière que nous connaissons bien.

Le fondement même de son argument est qu'on ne peut apporter de changement à une Chambre ou à toute partie de cette structure organisationnelle tripartite au sein du Parlement — l'exécutif, la Chambre ou le Sénat — sans respecter le mode de révision agréé.

(1540)

Ma question ne porte donc pas sur une petite modification, un changement satisfaisant, un pas dans la bonne direction, une petite modernisation, un peu de ceci ou de cela qu'on proposerait dans l'espoir que tout marche bien. La Cour suprême a dit que, si nous changions la caractéristique essentielle d'une des Chambres ou n'importe quel aspect de sa gouvernance, il fallait modifier la Constitution.

Je pose de nouveau la question au leader du gouvernement au Sénat : n'est-il pas juste de comparer les nominations au Sénat à celles des juges, qui, par la nature de leurs fonctions, ont une certaine indépendance, tout comme les sénateurs? S'il y a une différence dans la nature du processus, ne change-t-on pas la nature et les caractéristiques essentielles, ce qui exigerait, d'après la Cour suprême, une modification de la Constitution?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il s'agit de savoir si le projet de loi modifierait les caractéristiques essentielles du Sénat. La prémisse du projet de loi est qu'il ne le fait pas. Les opinions de constitutionnalistes que nous avons reçues, notamment celle de l'ancien sénateur Beaudoin, nous disent qu'il n'est pas nécessaire de s'en remettre aux tribunaux, puisque le projet de loi ne modifie pas les caractéristiques essentielles du Sénat.

Ce sera l'enjeu central du débat, mais, selon les opinions que nous avons reçues — et je fais grandement confiance aux conseils de gens comme l'ancien sénateur Beaudoin —, le projet de loi qui a été présenté sur la limitation du mandat à huit ans ne peut faire l'objet d'aucune contestation judiciaire.

Par conséquent, la question du sénateur et celles du sénateur Joyal portent sur l'enjeu essentiel : quelles sont, selon nous, les caractéristiques essentielles du Sénat? Je crois pour ma part — d'autres ne partagent pas mon avis, mais certains sénateurs d'en face le font peut-être — qu'il s'agit d'un modeste premier pas et que le projet de loi n'altère en rien les caractéristiques essentielles du Sénat.

L'honorable Tommy Banks : Le gouvernement a évidemment étudié avec soin l'objet du projet de loi, y compris la question des caractéristiques essentielles.

Tous les sénateurs conviendront que la caractéristique essentielle par excellence, la caractéristique cruciale du Sénat — sa raison d'être, en somme — est son indépendance, dont il est question au dernier paragraphe du préambule du projet de loi. Si le Sénat n'est pas indépendant, son existence n'est justifiée par aucune raison logique.

Selon mon interprétation, le projet de loi permet de nommer les sénateurs pour un deuxième mandat. En tout cas, il ne l'empêche pas. J'invite madame le leader du gouvernement au Sénat à imaginer la situation suivante : une jeune personne de 40, 45 ou 50 ans a été nommée au Sénat, elle s'est acquittée d'un mandat de huit ans et elle mérite ou demande un nouveau mandat, ce qui dépend du bon plaisir du premier ministre dans les circonstances actuelles, qui sont celles dont il faut tenir compte.

Est-il possible d'imaginer, dans cette situation, que l'indépendance du Sénat, de ce sénateur en particulier ou d'autres, soit vraiment préservée si, pour être nommés de nouveau, ils doivent éviter, à moins d'être tout à fait remarquables, de s'attirer l'inimitié du premier ministre de l'heure ou de lui déplaire?

Je vais manquer à la modestie et parler de moi. J'ai été nommé par un premier ministre, j'ai servi sous un autre qui lui a succédé, et voici que nous en avons un autre, à qui j'ai donné quelque déplaisir à l'occasion, mais je l'ai fait en toute impartialité parce que, disons-le carrément, il ne pouvait pas se débarrasser de moi. Je me pose des questions sur l'opposition entre la possibilité d'un nouveau mandat après les huit premières années, d'une part, et l'indépendance, d'autre part. Il me semble que l'une exclut l'autre.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, c'est toujours le même débat. Le cas hypothétique d'une nouvelle nomination est toujours lié à la volonté d'une personne de se faire réélire. Un autre premier ministre pourrait traiter le projet de loi un peu différemment, mais il reste que c'est là un des scénarios hypothétiques intéressants qui permettront de tenir un débat passionnant lorsque le projet de loi sera renvoyé à un comité.

L'honorable Elaine McCoy : J'ai une question à poser au leader du gouvernement. Le projet de loi S-4 parle deux fois dans son préambule des « principes d'une démocratie moderne ». Madame le leader aurait-elle l'obligeance d'énoncer ces principes pour la plus grande édification des sénateurs?

Le sénateur LeBreton : De combien d'heures madame le sénateur dispose-t-elle? A-t-elle écouté toute mon intervention?

Je vais prendre note de cette question. Nous pourrions nous engager dans un débat philosophique sur les principes de la démocratie moderne, et cela nous demanderait encore quatre ou cinq heures.

J'ai hâte d'entendre l'intervention du sénateur sur le sujet. Si j'ai des questions, je les poserai. Si elle veut nous expliquer dans son intervention son opinion sur les principes de la démocratie moderne, je me ferai un plaisir de l'écouter.

Le sénateur McCoy : Ai-je bien compris madame le leader du gouvernement? Elle prend note de ma question et elle nous expliquera sa conception de ces principes?

Le sénateur LeBreton : J'ai dit simplement que, si nous nous engageons dans un débat sur les principes de la démocratie moderne, puisque madame le sénateur pose la question dans le contexte de mon intervention, je vais aller à mon bureau rédiger quelques paragraphes sur ce que sont, à mon avis, les principes de la démocratie moderne, et je me ferai un plaisir de les communiquer à l'honorable sénateur.

(Sur la motion du sénateur Hays, le débat est ajourné.)

(1550)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose que le projet de loi S- 206, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides), soit lu pour la deuxième fois. —(L'honorable sénateur Grafstein).

— Les honorables sénateurs se souviendront que l'objet du projet de loi S-206 figurait au Feuilleton en tant que projet de loi S-43 durant la dernière législature et que la deuxième lecture a eu lieu le 18 octobre 2005. Le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque la trente-huitième législature a été dissoute le 29 novembre 2005.

Le projet de loi S-43 était, et le projet de loi S-206 est, une simple modification visant à combler un vide manifeste dans le Code criminel. Il est proposé que l'article 83.01 soit modifié par adjonction de ce qui suit après le paragraphe (1.1) :

(1.2) Il est entendu que l'attentat suicide est visé aux alinéas a) et b) de la définition de « activité terroriste » au paragraphe (1).

Cette modification ferait clairement de « l'attentat suicide » une infraction criminelle. Depuis quatre ans, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le principal organisme parlementaire et gouvernemental international voué à la défense des droits humains, au sein duquel j'ai le privilège de jouer le rôle d'agent principal, a adopté de nombreuses résolutions unanimes, appuyées par le Canada, condamnant les attentats suicides à titre de crimes, et plus particulièrement de crimes contre l'humanité.

De Vladivostok à Vancouver, 55 États civilisés, dont le Canada, sont des membres actifs de l'OSCE. L'OSCE a été mise sur pied en 1990; elle est issue du processus d'Helsinki, qui a été amorcé en 1974. La plus récente résolution de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE sur « les attentats suicides » relate l'évolution sur plus de quatre ans de la résolution de l'OSCE, et elle a été adoptée, encore une fois à l'unanimité, lors de la dernière session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à Washington en juillet 2005. Elle vise l'intégration de cette modification dans notre code dans le contexte international approprié.

Le Canada, en tant que membre actif de l'OSCE, a maintes fois appuyé des résolutions décrivant les « attentats suicides » comme un crime et, plus précisément, comme un « crime contre l'humanité ». Le présent amendement a évidemment pour objet d'assurer la conformité de notre droit pénal avec les principes et les pratiques que préconise le Canada à l'échelle internationale. Honorables sénateurs, nous avons appris que « les principes et les pratiques sont plus efficaces lorsqu'ils fonctionnent ensemble ».

Cet amendement, bien entendu, est totalement en accord avec les enseignements des religions juives, chrétiennes et musulmanes contre le fait d'enlever volontairement la vie à des innocents en commettant l'acte tragique que représente le suicide.

Les sénateurs se souviendront que le 18 juillet dernier, en réaction aux attentats à la bombe survenus à Londres le 7 juillet, plus de 500 dirigeants et spécialistes britanniques de la religion musulmane, après avoir exprimé leurs condoléances aux familles des victimes, ont émis une fatwa condamnant explicitement « le recours à la violence et la destruction de vies innocentes ». Selon cette fatwa, « les attentats à la bombe sont rigoureusement prohibés ». La fatwa a été proclamée par le British Muslim Forum, ou le BMF, devant le Parlement britannique. À cette occasion, le secrétaire général du BMF, Gul Muhammad, a cité le Coran, en disant : « quiconque tuerait une personne [...] c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes ». Ce passage est extrait du Coran, sourate al- Ma'ida, paragraphe 5, verset 32.

M. Muhammad a ajouté :

La position de l'islam est claire et sans équivoque : le meurtre d'un être humain est celui de toute l'humanité; celui qui ne respecte pas la vie humaine est l'ennemi de l'humanité.

Une cinquantaine de dirigeants et de spécialistes de l'islam de partout au Royaume-Uni s'étaient réunis devant le Parlement à Londres pour appuyer M. Muhammad pendant qu'il lisait publiquement cette fatwa.

Dans une autre déclaration publique, le British Muslim Forum, qui compte au Royaume-Uni près de 300 mosquées affiliées, a annoncé que cette fatwa serait lue dans les mosquées partout en Grande-Bretagne le 22 juillet, ce qui a été fait. Cette déclaration publique incluait aussi ce qui suit : « Nous prions pour la défaite de l'extrémisme et du terrorisme dans le monde. »

Puis, lors d'une réunion tenue au Centre de la culture islamique de Londres et convoquée par le Conseil musulman de Grande- Bretagne, une organisation différente, 40 dirigeants et spécialistes de l'islam ont rendu publique une autre déclaration condamnant les attentats suicide.

Comme l'a déclaré un sénateur, il était prohibé, même avant l'époque de Moïse, d'attenter volontairement à la vie humaine. L'histoire de Caïn et d'Abel en témoigne. Cette prohibition est prévue dans le sixième des Dix Commandements. Au Sinaï, dans les deux tables de l'alliance révélée par Moïse, la notion de liberté était limitée ou circonscrite par les Dix Commandements. L'une des tables traitait de l'honneur, du respect; l'autre, du bien-être de l'homme. Le Décalogue se trouve dans l'Ancien Testament, dans l'Exode 20:13 et dans le Deutéronome 5:17. Le texte original de l'Ancien Testament en araméen utilise des mots différents pour distinguer le fait de tuer volontairement ou involontairement.

Dans les traductions modernes, la version du roi Jacques dit : « Tu ne tueras point ». Du point de vue linguistique, cette traduction apporte plus de nuances et se rapproche davantage de la signification initiale de l'ancien texte en hébreu. Le terme hébreu original est « tirtzach » et se rapporte habituellement au fait de tuer volontairement et sans motif. Ce terme vient du mot « ratzach » qui apparaît dans le sixième commandement et qui signifie généralement le fait de tuer volontairement sans motif.

Au sujet du suicide, le Talmud explique que « le monde a été créé pour un seul individu pour indiquer que celui qui détruit une vie humaine est considéré comme s'il avait tué le monde entier. » Le Talmud suit en cela le Coran.

La loi juive considérait que le fait de tuer accidentellement n'était pas punissable. L'Ancien Testament faisait soigneusement la distinction entre le fait de tuer volontairement sans motif et le fait de tuer accidentellement. Ainsi, dans l'Ancien Testament, les « cités du refuge » permettaient à celui qui tuait involontairement d'échapper à la vengeance. En vertu de l'Ancien Testament, il était permis de violer d'autres lois sacrées, comme celle d'honorer le sabbat, si cette violation aidait à sauver une vie humaine. De même, pour protéger sa vie contre le meurtre intentionnel, l'autodéfense était permise.

La théologie chrétienne, incluant les religions protestantes, catholique et de rite oriental, prohibe clairement le meurtre volontaire de personnes innocentes.

Selon Matthieu 19:18, Jésus aurait déclaré : « Tu ne tueras pas. » Le fait de tuer pour se défendre n'est pas considéré non plus comme un meurtre dans le Nouveau Testament. Quant au suicide, selon l'Épître aux Corinthiens 6 :19-20, il est interdit d'attenter à sa propre vie. Les sénateurs qui connaissent davantage les codes chrétiens pourront peut-être en dire plus long sur la théologie traitant de la question d'attenter volontairement à la vie d'innocents avec une intention criminelle.

Notre Code criminel doit être précis, de sorte que l'on puisse prouver, hors de tout doute raisonnable, qu'un crime a été commis. Le lourd fardeau de la preuve repose sur l'État; la clarté est donc un critère essentiel pour que le Code criminel et le pouvoir de l'État puissent mener à la mise en accusation d'une personne.

Honorables sénateurs, le Code criminel représente la codification des normes de conduite qui régissent notre société civilisées et notre civilisation. Pour quelle raison refuse-t-on de clarifier le Code criminel et d'y définir expressément l'attentat suicide comme une infraction criminelle? Après une lecture attentive de notre Code criminel et de notre Loi antiterroriste, force est de constater que l'attentat suicide n'est nulle part mentionné comme étant une infraction criminelle.

Une disposition interdisant expressément les attentats suicides permettrait certainement d'engager des poursuites contre les auteurs d'attentats suicides manqués et ceux qui participent individuellement ou collectivement à la préparation de ces complots. La paix, l'ordre et le bon gouvernement constituent le fondement de notre État de droit. Les attentats suicides vont donc à l'encontre de nos principes nationaux de gouvernement constitutionnel.

Notre droit pénal, dans sa forme actuelle, n'interdit pas directement à quiconque de choisir de sacrifier sa vie pour prendre en retour celle de plus grand nombre possible de civils. Si un attentat suicide équivaut à un homicide, alors le Code criminel devrait éliminer tout doute possible et le considérer comme une infraction criminelle.

Cette précision permettra de poursuivre les auteurs d'attentats suicides ratés et leurs complices en justice. Elle découragerait, comme c'est le rôle du Code criminel, ceux qui encouragent une telle conduite dont nous concluons qu'elle est odieuse aux yeux de la société civilisée toute entière. Bien qu'elle soit modeste, cette modification représente une clarification importante des principes profondément enchâssés dans notre Code criminel.

Le Code criminel a évolué et accorde désormais une plus large place aux victimes, ainsi qu'à leur famille. La modification proposée permettrait d'apaiser les préoccupations légitimes des victimes.

(1600)

De par sa nature, le droit pénal consiste à concilier moralité et raison. Il a pour objet d'établir une démarcation claire entre les comportements considérés comme admissibles et les comportements déviants. Ce faisant, le droit pénal prévient, réprouve, bannit, isole et cherche à atténuer — et si possible à réduire, voire à éliminer — les comportements déviants dans notre société. Il préfère la netteté à l'imprécision, sans quoi l'État ne pourrait exercer tous ses puissants pouvoirs contre les comportements déviants.

Honorables sénateurs, je pense avoir bien expliqué pourquoi il fallait modifier le droit pénal et interdire explicitement, dans le Code criminel, les attentats suicides.

Je recommande aux honorables sénateurs un livre qui a été publié après la présentation initiale de ce projet de loi. Il est intitulé Dying to Win : The Strategic Logic of Suicide Terrorism. Son auteur, Robert Pape, un professeur de l'Université de Chicago, analyse et documente minutieusement le profil du kamikaze et des groupes qui conspirent pour l'aider. Il conclut que, pour la plupart, ces individus ne sont ni des pauvres, ni des désespérés, ni même des fanatiques religieux incultes. Le plus souvent, ce sont des activistes politiques instruits issus de la classe moyenne.

Honorables sénateurs, nous avons passé la plus grande partie de notre vie en politique. Nous avons pu observer des politiques du désespoir au pays et à l'étranger. Cette nouvelle arme humaine que sont les kamikazes a profondément transformé l'activisme politique, au point de le rendre étranger aux croyances et principes fondamentaux de la civilisation.

Mardi dernier, j'ai reçu un message pessimiste de M. Pape, de Chicago, dans lequel il me confiait que :

Les attentats suicides continuent de prendre de l'ampleur dans le monde entier.

Honorables sénateurs, le Canada ne pourrait-il pas emboîter le pas aux 54 autres pays de l'OSCE qui ont condamné les actes des kamikazes comme odieux pour toutes les sociétés civilisées?

Je suis reconnaissant à mes collègues parlementaires de l'OSCE et je rends hommage au travail d'un organisme canadien, Canadians Against Suicide Bombing, qui a exhorté l'ONU et le Parlement à prendre des mesures pour faire disparaître le flou qui persiste à cet égard dans notre droit pénal. Le site de cet organisme a été visité plus de 35 000 fois, ce qui signifie que les Canadiens de tous les coins du pays portent un intérêt profond à cette question. Les points de vue juridiques que j'ai examinés comprennent ceux de M. Jean Castel.

J'exhorte les sénateurs à adopter rapidement cette modification. Cela permettrait d'exprimer le caractère odieux des attentats suicides et de condamner ceux qui encouragent, planifient ou mettent en oeuvre de tels actes contre des citoyens innocents.

Pour conclure, je citerai mon ancien doyen, le distingué Cecil Augustus Wright, de la faculté de droit de l'Université de Toronto. Ces mots sont tirés d'un discours qu'il a prononcé à l'occasion de l'inauguration de la faculté de droit de l'université de Toronto en 1962. Lui-même citait alors le juge Frankfurter, de la Cour suprême des États-Unis :

Aussi fragile que soit la raison et aussi limité que puisse être le droit en tant qu'expression du médium institutionnalisé de la raison, c'est tout ce qui nous sépare de la tyrannie de la simple volonté et de la cruauté d'un esprit débridé et indiscipliné.

Honorables sénateurs, cette modification législative concerne l'essence profonde de notre Code criminel. Je recommande à cette assemblée de l'appuyer.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA SEMAINE NATIONALE DU DON DE SANG

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Terry M. Mercer propose que le projet de loi S-214, Loi instituant la Semaine nationale du don de sang, soit lu pour la deuxième fois.— (L'honorable sénateur Mercer)

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi S- 214, Loi instituant la Semaine nationale du don de sang.

Je présente ce projet de loi avec le concours de ma collègue, l'honorable sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, et de plusieurs députés représentant tous les partis politiques.

L'an dernier, la Société canadienne du sang et Héma-Québec ont demandé l'aide des parlementaires pour la présentation de cette mesure. Nous les avons alors assurés de notre appui et nous sommes toujours déterminés à les aider.

Honorables sénateurs, ce projet de loi permettra au gouvernement de désigner une semaine en juin, qui coïncidera avec la Journée mondiale du don du sang, le 14 juin. Cette mesure appuie les efforts déployés durant l'année pour recruter des donneurs de sang, de plasma, de plaquettes et de moelle osseuse. Ces donneurs sont le fondement de notre système d'approvisionnement national en sang. Le projet de loi donnera aussi l'occasion aux Canadiens de prendre le temps de remercier les donneurs et les bénévoles qui donnent leur temps précieux et leurs produits sanguins pour aider leurs concitoyens canadiens.

Je crois que les sénateurs conviendront que cette cause mérite l'appui du Sénat du Canada, de la Chambre des communes et de tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, les organismes d'approvisionnement en sang attachent une importance cruciale à la sécurité de leurs approvisionnements. Chaque unité de sang sert à fabriquer jusqu'à trois produits différents, qui ont plusieurs utilisations. Peu de gens se rendent compte qu'il faut jusqu'à 50 unités de sang pour traiter un cas de traumatologie, 100 unités pour faire une greffe du foie et six unités pour pratiquer un pontage. Ce ne sont là que quelques- unes des raisons pour lesquelles les organismes d'approvisionnement en sang ont besoin de notre soutien.

Une autre raison pour laquelle ils ont besoin de notre soutien, c'est une fillette de sept ans, Shanelle Longman, de Regina, en Saskatchewan. Shanelle a subi un si grand nombre de transfusions de sang, de plasma et de plaquettes au cours de deux années de traitement actif contre la leucémie que sa famille ne peut plus les compter. Elle n'a plus le cancer aujourd'hui, et elle n'a que quelques mots à dire au sujet des donneurs de sang avant d'aller jouer avec ses camarades de 2e année : « Je suis bien contente qu'ils aient été là. » Je n'aurais pas su dire mieux.

Les deux organismes d'approvisionnement en sang recueillent annuellement 1,1 million d'unités de sang auprès de moins de 4 p. 100 des donneurs admissibles. Il faut accroître ce pourcentage. Avec l'aide de ce projet de loi, les Canadiens se rendront compte qu'ils ne peuvent plus attendre que leur voisin aille donner du sang. C'est pourquoi je suis très heureux qu'on m'ait demandé encore une fois de piloter cette initiative réunissant tous les partis afin de proposer la désignation d'une Semaine nationale du don du sang.

Je désire remercier mes nombreux collègues qui ont accepté de collaborer avec moi pour que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. À l'approche du 14 juin, Journée mondiale du don du sang, je suis encouragé de constater que nous pouvons tous unir nos efforts pour défendre une cause commune, une cause qui touchera la vie de plus de la moitié des Canadiens à un moment donné.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant le paragraphe 37(3) du Règlement, je demande que la période de temps habituellement réservée au premier sénateur à prendre la parole immédiatement après le parrain du projet de loi ne soit pas accordée à madame le sénateur Cochrane, mais réservée à l'honorable sénateur qui prendra la parole au nom du gouvernement.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour faire écho aux propos tenus par l'honorable sénateur Mercer au sujet du projet de loi S-214, Loi instituant la Semaine nationale du don de sang.

En appuyant une Semaine nationale du don de sang au Canada, nous nous joindrons à des citoyens du monde entier pour célébrer les dons de sang, de plasma, de plaquettes et de moelle osseuse. Ce sont là de véritables actes d'héroïsme. L'Organisation mondiale de la santé célèbre la Journée mondiale du don de sang le 14 juin, chaque année, date à laquelle 190 États membres de l'Organisation mondiale de la santé et plus de 200 organisations bénévoles œuvrant pour le don de sang prêtent leur appui à cette cause. Ce projet de loi permettra aux Canadiens de se joindre à cette action mondiale à l'occasion d'une semaine complète de célébrations tous les ans.

(1610)

Les organismes d'approvisionnement en sang, Héma-Québec et la Société canadienne du sang, agissent de concert, avec Santé Canada, les provinces et les territoires, pour soutenir un système d'approvisionnement en sang qui est de premier ordre et l'un des plus sûrs au monde. Le sang et les produits sanguins fournis par ce système maintiennent des gens en vie et améliorent leur qualité de vie. Ce système assure la sécurité de tous les produits au moyen de tests à la fine pointe de la technologie qui ne cessent de suivre les avancées des sciences.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler l'ampleur du système d'approvisionnement en sang au Canada. Les dons sont recueillis à 45 emplacements permanents et dans le cadre de plus de 17 000 collectes de sang par des unités mobiles tenues chaque année d'un bout à l'autre du pays. En fait, l'une de ces unités mobiles se trouvera ici même, sur la Colline du Parlement, pour recueillir des dons de sang. Près de 6 000 employés, avec l'aide de plus de 40 000 bénévoles, assurent le bon fonctionnement de ces sites et cliniques. Ces efforts permettent de faire la collecte, chaque année, de près de 1,1 million d'unités de sang auprès de plus d'un demi-million de donneurs. C'est notre système de collecte et de distribution du sang.

Cependant, comme le sénateur Mercer l'a déclaré dans ses observations — et je pense que cela mérite d'être répété — moins de 4 p. 100 des personnes en mesure de donner le font. Honorables sénateurs, avec ce projet de loi dont nous sommes saisis, nous avons une chance unique de changer la situation.

Les honorables sénateurs viennent d'entendre le sénateur Mercer nous raconter l'histoire de Shanelle. Je sais qu'il y a dans tout le pays des milliers d'autres histoires de gens dont la vie a été sauvée grâce aux efforts d'étrangers. Je suis persuadée que pratiquement tous les sénateurs dans cette enceinte aujourd'hui ont quelqu'un dans leur vie qui, comme Shanelle, a profité de dons de sang et de produits sanguins. Je vous demande simplement : que serait-il arrivé si le sang et les produits sanguins nécessaires n'avaient pas été là au moment voulu?

Les Canadiens savent qu'en donnant simplement une heure environ de leur temps deux fois par année ils peuvent aider un père à devenir grand-père, un jeune homme à devenir un adulte et de fiers parents à voir leurs enfants grandir. C'est pourquoi je vous exhorte à adopter ce projet de loi.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je ne me suis pas beaucoup intéressée à ce projet de loi la dernière fois qu'il a été présenté dans cette enceinte. Comme la plupart d'entre vous, je reconnais l'importance des dons de sang, mais cela ne m'avait pas frappée.

Le 5 décembre dernier, j'ai reçu un appel de ma fille, qui me disait que mon gendre était aux soins intensifs et que sa situation était désespérée. C'était un homme de 42 ans en parfaite santé qui s'est retrouvé aux soins intensifs alors que 24 heures plus tôt, il enseignait.

Il se trouve qu'il avait une maladie très rare appelée anémie hémolytique auto-immune. Nous l'avons presque perdu à deux reprises. Tous les jours, il recevait des unités de sang jusqu'à ce que les médecins puissent trouver la cause du problème. Après avoir procédé à l'ablation de la rate, sans succès et sans amélioration de son état de santé, et après lui avoir donné des traitements de chimiothérapie, même s'il ne souffrait pas de cancer, ils ont continué de lui administrer des unités de sang. C'est la raison pour laquelle il est maintenant un membre de la société canadienne en parfaite santé à nouveau. Cependant, sans les nombreuses unités de sang qu'il a constamment reçues sur une période de 15 jours, Paul ne serait plus parmi nous et notre famille aurait subi une grande perte.

Je vous exhorte tous à appuyer ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

BANQUES ET COMMERCE

MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER L'ACCORD SUR LE BOIS D'OEUVRE RÉSINEUX—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Milne :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie et fasse rapport sur l'entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique à propos du bois d'œuvre;

Que le Comité analyse, entre autres, l'impact sur la souveraineté du Canada dans la gestion de ses ressources, l'impact quant à l'interprétation des chapitres 11 et 19 de l'ALENA, et les mesures incluses dans l'entente en ce qui à trait au soutien financier offert à l'industrie et ses travailleurs. —(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable David Tkachuk : Ne vous en déplaise, j'ai pris la place du sénateur Comeau.

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, si je prends part à ce débat, c'est parce que je suis vivement préoccupée par la question que soulève sans cesse madame le sénateur Ringuette, soit l'accord sur le bois d'oeuvre. Ce dernier est d'une importance vitale pour sa province, le Nouveau-Brunswick, et il est important pour le Canada entier.

La mise en oeuvre de cet accord ravagera l'économie de ma région, le nord de l'Ontario, qui éprouve déjà d'énormes difficultés et où des scieries ferment tous les mois.

J'aimerais continuer à faire comprendre aux Canadiens ce que cet accord, cette capitulation, signifie pour nous tous. J'aimerais citer le document qu'a lu madame le sénateur Ringuette hier, et particulièrement l'article IV, qui se lit comme suit :

Sur cette somme, 500 millions de dollars américains...

— la somme étant le montant des droits compensateurs perçus qui ne sera pas remboursé au Canada —

...seront distribués à la Coalition for Fair Lumber Imports et 500 millions de dollars américains seront versés dans un fonds [pour les initiatives conjointes bénéficiant au marché nord américain du bois d'oeuvre et des initiatives méritoires menées aux États-Unis, qui auront été choisies par le gouvernement américain en consultation avec le Canada].

Honorables sénateurs, c'est une honte.

La troisième partie de l'article V dit :

3. Les Parties reconnaissent que cette distribution des dépôts ne constitue pas un précédent pour la distribution des droits à toute entité autre que les importateurs visés.

Pour moi, cela signifie que toute nouvelle entreprise qui se lance en affaires se butera encore une fois à ces droits infâmes.

L'article VI, là où s'est arrêtée madame le sénateur Ringuette, est essentiellement du texte stéréotypé sur trois pages.

L'article XV présente un large éventail d'options. Encore une fois, c'est du texte stéréotypé sur trois pages. Nous avons maintenant largement dépassé les trois pages qui ont été présentées au Comité de l'agriculture.

ARTICLE XVII NON-OBSERVATION DES ENGAGEMENTS

1. Si les exportations des provinces de l'Atlantique vers les États-Unis dépassent 100 p. 100 de la production de bois d'oeuvre de ces provinces pour un trimestre donné, au cours du trimestre suivant, les exportations de ces provinces seront assujetties à une pénalité de 200 dollars canadiens par MBF sur le montant excédentaire.

Je présume qu'ils veulent dire l'équivalent, en dollars canadiens, du prix de 200 millions de pieds-planche sur le montant excédentaire. Ce sera complètement dévastateur pour l'industrie dans tout l'Est du Canada.

ARTICLE XVIII DURÉE

1. L'accord demeurera en vigueur pour une durée de sept ans et pourra être reconduit pour une période de deux ans.

ARTICLE XIX MODIFICATIONS

1. L'accord peut être modifié en tout temps du consentement des Parties.

Cela signifie généralement les États-Unis.

L'article XX présente les définitions, l'article XXI, les modalités d'entrée en vigueur, et nous en sommes presque à la fin, du moins à la fin des 11 pages qui constituent l'essentiel du document. C'est plus que les trois pages qui ont été présentées au comité.

Les annexes constituent également une lecture très intéressante. L'annexe 1, Produits de bois d'oeuvre résineux, énumère quels produits sont visés par cet accord. Le cinquième élément correspond aux parquets de bois de conifères — y compris les lames et frises à parquet, non assemblées — profilés, c'est-à-dire languetés, rainés, bouvetés, feuillurés, chanfreinés, joints en V, moulurés, arrondis ou similaires, tout au long d'une ou de plusieurs rives ou faces, même rabotés, poncés ou aboutés. Autrement dit, pour tout produit à valeur ajoutée dont la valeur ajoutée a été réalisée au Canada, l'industrie ne pourra plus bénéficier de l'aide financière du gouvernement ni d'aucune subvention pour une durée de sept ans, période susceptible d'être prolongée pour deux ans.

(1620)

Le bois d'œuvre d'origine américaine envoyé au Canada pour y subir un traitement mineur et importé par les États-Unis est exclu, bien sûr, de cette ordonnance sous réserve des conditions suivantes : premièrement, le traitement effectué au Canada est limité au séchage au séchoir, au dégauchissage et au ponçage en vue de rendre les planches lisses; deuxièmement, l'importateur confirme à la satisfaction du United States Customs and Border Protection que le bois d'œuvre est bien d'origine américaine. La liste de conditions est longue, et cela m'inquiète. C'est une très mauvaise nouvelle pour l'industrie canadienne du bois d'œuvre.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Ringuette :

Que la motion soit modifiée en remplaçant le « . » par un « ; » après le mot « travailleurs » et :

« Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 2 octobre 2006. »

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion d'amendement?

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai suivi avec un vif intérêt les interventions du sénateur Ringuette relativement à l'accord sur le bois d'œuvre annoncé par le premier ministre. Il y a des choses que les sénateurs devraient savoir relativement au débat sur cette question. Celle-ci relève du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui s'est réuni. Je ne sais pas si madame le sénateur Ringuette a parlé à sa collègue, madame le sénateur Fairbairn, qui préside le comité, et si elle sait que l'honorable Gary Lunn, le ministre des Ressources naturelles, a comparu devant le comité. Le ministre, qui a présenté l'entente-cadre, a longuement parlé de l'accord sur le bois d'œuvre devant le comité.

J'ignore quel texte les sénateurs lisent, mais il n'y a pas d'autre accord. Le ministre Lunn a déclaré au comité que des négociations étaient en cours sur l'accord-cadre. On s'attend à ce que cet accord soit prêt à la fin de l'été. J'ajouterai que le Comité de l'agriculture a aussi accepté d'entendre, mardi prochain, à 17 heures, le ministre du Commerce international, l'honorable David Emerson, qui parlera de l'accord sur le bois d'oeuvre. Je crois comprendre que des fonctionnaires de Ressource naturelles Canada comparaîtront aussi et je suis convaincu qu'une bonne partie des discussions portera sur le bois d'oeuvre.

Honorables sénateurs, je ne sais trop pourquoi nous discutons de la possibilité de donner le mandat d'étudier ce sujet au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a déjà proposé une série d'objets d'étude au Sénat. L'horaire de ce comité est complet jusqu'à la fin de juin.

Je sais que madame le sénateur Ringuette s'est dite très enthousiasmée par l'accord sur le bois d'oeuvre, mais le ministre Lunn a déclaré devant le comité que les provinces maritimes en avaient été complètement exclues. Le commerce du bois d'oeuvre entre les États-Unis et les provinces maritimes est encore soumis à un régime de libre-échange total. La discussion avec le ministre Emerson aura lieu à la réunion du Comité de l'agriculture de la semaine prochaine.

Honorables sénateurs, ce n'est pas un sujet à confier au Comité des banques, mais bien un sujet qui est du ressort du mandat du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Il est malheureux que madame le sénateur Fairbairn ne soit pas ici en ce moment, mais je suis convaincu qu'elle admettrait que le Sénat ne devrait pas retirer ce sujet au Comité de l'agriculture.

L'honorable Sharon Carstairs : Le sénateur accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Tkachuk : Je serai heureux de répondre aux questions de ma collègue.

Le sénateur Carstairs : Le sénateur admettrait-il que l'étude d'un accord commercial international cadre parfaitement dans le mandat du Comité des banques?

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, je n'ai pas dit autre chose. J'ai simplement dit que le Comité de l'agriculture, qui a pour mandat d'étudier la foresterie, juge approprié d'étudier la question du bois d'oeuvre et a donc pris l'initiative de convoquer des témoins de temps à autre pour leur poser des questions sur le sujet. Je n'ai pas dit que le Comité des banques ne pouvait pas étudier ce sujet, mais simplement que le Comité de l'agriculture était déjà en train de l'étudier.

Le sénateur Carstairs : Si je comprends bien, le sénateur ne s'opposerait pas à ce que deux comités du Sénat du Canada étudient la question sous un angle différent — l'un examinerait l'industrie forestière en général et l'autre se pencherait sur les aspects des échanges et du commerce — et il serait bon pour le Sénat et le Canada que la question fasse l'objet d'un examen détaillé?

Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas d'accord. Je ne crois pas que les sénateurs du Comité de l'agriculture soient incapables. Plusieurs d'entre nous ont siégé au Comité des banques et au Comité des affaires étrangères. Le Comité de l'agriculture traite souvent de questions commerciales liées à l'agriculture, parce que l'agriculture, principalement dans l'Ouest canadien, ne tourne qu'autour des échanges. Nous avons eu plusieurs discussions sur la question du commerce international en ce qui concerne les produits du blé et, dans le passé, nous avons discuté des échanges internationaux concernant les produits forestiers.

Les membres du comité ont l'expertise pour étudier la question et il semblerait étrange que le Sénat demande à deux comités d'étudier la même question. Par conséquent, je crois qu'un comité suffit et que les ministres ne devraient pas avoir à comparaître devant deux comités pour la même question.

Le sénateur Carstairs : Le sénateur a indiqué que les provinces de l'Atlantique ne seraient pas touchées par cette entente parce qu'elles sont exemptées. Pourtant, il y a quelques minutes, madame le sénateur Milne a déclaré à la Chambre qu'une des annexes limite le montant des exportations que les provinces de l'Atlantique peuvent faire.

Le sénateur Milne : Il s'agit de l'article XVII.

Le sénateur Carstairs : Le sénateur pourrait-il demander au ministre, lorsqu'il comparaîtra devant le comité, d'expliquer comment il est possible que les provinces atlantiques ne soient pas touchées, alors qu'une des annexes dit qu'elles le seront?

Le sénateur Tkachuk : Le sénateur Oliver est un bon défenseur des provinces maritimes. Je suis sûr qu'il posera ces questions quand le ministre Emerson comparaîtra devant le comité jeudi prochain. Je n'ai aucun doute à cet égard.

Le document qui a été lu dans cette Chambre provenait d'une enveloppe brune.

(1630)

Nous ne savons absolument pas d'où il vient. Nous ne savons pas si c'est une ébauche. Nous ne savons pas si c'est un gribouillis de fonctionnaire. Nous ne savons rien de ce document.

Nous pouvons déposer ce document et l'envoyer au sénateur Mercer, qui pourra alors poser des questions sur ce document au comité, s'il le souhaite.

Je pense qu'il ne manque pas de sénateurs s'intéressant à l'agriculture et aux forêts pour défendre les intérêts de l'Ouest du Canada, des provinces maritimes et du reste du pays.

Le sénateur Carstairs : Je dois intervenir. J'allais finir de répondre à cette question, mais le sénateur a indiqué que les sénateurs de ce côté étaient prêts à ce que le document soit déposé. Le sénateur n'accepte-t-il pas que le document dont a parlé madame le sénateur Ringuette soit maintenant déposé au Sénat?

Le sénateur Tkachuk : Je voulais dire que le document pourrait être déposé auprès du sénateur Mercer, qui pourrait alors le présenter au comité.

C'est une question assez sérieuse. Cela concerne la présidente du Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts, qui n'est pas présente. Le président suppléant ne l'est pas non plus. Le président du Comité sénatorial des banques n'est pas présent. Le président suppléant de ce comité n'est pas présent. En toute justice pour tous, je ne vois pas pourquoi nous traiterions de cette question lorsque tous ces gens-là sont absents, sachant que le ministre Emerson comparaîtra devant le comité mardi.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Le sénateur Tkachuk accepterait-il de répondre à une autre question? J'avais cru comprendre qu'il demandait la parole pour traiter de l'amendement dont nous sommes saisis, qui aurait pour effet d'ajouter une date pour le dépôt du rapport. J'ai eu le plaisir de travailler avec le sénateur Tkachuk au sein d'au moins un comité dans le passé. Je sais qu'il prend très au sérieux la nécessité de la rigueur dans les travaux des comités ainsi que de la nécessité d'adhérer à des principes solides. Par conséquent, ne convient-il pas, dans cet esprit, qu'il est hautement souhaitable que, lorsque le Sénat songe à confier une étude à un comité, une date limite soit inscrite dans l'ordre de renvoi?

Le sénateur Tkachuk : Est-ce une question?

Le sénateur Fraser : J'ai dit « ne convenez-vous pas? ».

Le sénateur Tkachuk : À mon avis, c'est une question de pure forme parce que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se penche déjà là-dessus. Comme je n'ai pas beaucoup réfléchi à l'amendement, je devrais peut-être simplement demander l'ajournement et continuer mardi. Je propose l'ajournement du débat sur l'amendement.

Son Honneur le Président : Le sénateur propose...

L'honorable Pierrette Ringuette : Comme le sénateur est déjà intervenu au sujet de l'amendement, si je ne m'abuse, d'après le Règlement, il ne peut pas demander l'ajournement encore une fois.

Son Honneur le Président : Le Bureau m'informe que comme les 15 minutes du sénateur Tkachuk ne sont pas écoulées, il peut toujours présenter une motion d'ajournement du débat pour le reste de son temps de parole.

L'honorable sénateur Tkachuk, avec l'appui de l'honorable sénateur Stratton, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Avec dissidence? La motion est adoptée avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné avec dissidence.)

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Robert W. Peterson, au nom de l'honorable Joyce Fairbairn , conformément à l'avis du 31 mai 2006, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 17 heures, le mardi 6 juin 2006, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

— Honorables sénateurs, nous avons présenté cette motion parce qu'à ce moment-là nous entendrons le ministre du Commerce international, qui a un emploi du temps très chargé.

L'honorable Terry Stratton : C'est la deuxième semaine consécutive que nous procédons ainsi. Je suis d'accord dans ce cas-ci parce que le ministre sera présent à notre prochaine séance. La même chose se reproduira-t-elle la semaine prochaine? Vous ne pouvez répondre à cette question.

Le sénateur Peterson : Je ne peux pas. Je n'ai pas d'autres papiers.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopté la motion?

(La motion est adoptée.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE CONTINUER L'ÉTUDE DE L'INCLUSION DANS LA LOI DE DISPOSITIONS DE NON- DÉROGATION CONCERNANT LES DROITS ANCESTRAUX ET ISSUS DE TRAITÉS EXISTANTS DES PEUPLES AUTOCHTONES

L'honorable Donald H. Oliver, conformément à l'avis du 31 mai 2006, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les conséquences de l'inclusion, dans la loi, de clauses non dérogatoires concernant les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones du Canada aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question par le Comité au cours de la deuxième session de la trente-septième législature et la première session de la trente-huitième législature soient renvoyés au Comité;

Que le Comité présente son rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2007.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je crois comprendre en lisant le texte de la présente motion qu'il est tiré d'un ordre de renvoi précédent. Je demanderais au président de ce comité de confirmer que c'est bien le cas. Dans l'affirmative, j'aimerais savoir s'il y a eu quelque modification que ce soit à l'ordre de renvoi depuis la précédente législature.

Le sénateur Oliver : Honorables sénateurs, la motion présentée aujourd'hui porte sur l'inclusion de dispositions de non-dérogation dans une mesure législative fédérale. Ces dispositions portent sur le maintien des droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones et plusieurs formulations ont été utilisées. Je crois qu'on peut dire que cela a entraîné une certaine incertitude juridique.

Le 5 novembre 2003, une représentante du ministère de la Justice, Mme Clare Beckton, sous-procureure générale adjointe du Canada, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à la suite du dépôt d'un ordre de renvoi identique à celui que j'ai présenté aujourd'hui. Elle a présenté la position du ministère sur cette question. Mme Beckton est la seule personne a avoir témoigné devant le comité à ce sujet bien que cet ordre de renvoi ait maintenant été déposé au cours de trois législatures différentes.

La représentante a insisté sur l'importance des choix politiques dans la région. Une fois que choix sont faits, les mécanismes juridiques appropriés peuvent être élaborés afin de les rendre exécutoires.

La question fondamentale consiste à déterminer la relation appropriée entre la loi fédérale et les droits ancestraux et issus de traités. Les législateurs doivent être à l'affût des possibilités que les lois aient des conséquences imprévues sur les droits prévus par l'article 35 de la Constitution, puisque le Parlement n'a aucun moyen d'évaluer les effets des lois à cet égard.

Cependant, dans les lois-cadres où la mise en œuvre exacte est laissée aux règlements, s'il s'avère impossible qu'aucun droit prévu par l'article 35 ne soit enfreint, même si cela devait être vérifié, il pourrait être difficile d'équilibrer les objectifs politiques qui entrent en conflit les uns avec les autres.

Notre témoin a fait remarquer qu'il n'y a pas de consensus sur la raison d'être des dispositions de non-dérogation. Certains les considèrent comme des dispositions déclaratoires qui rappellent que ces lois sont assujetties à l'application de l'article 35 de la Constitution. Ce point de vue peut ne pas être accepté selon les principes de l'interprétation des lois. C'est en précisant les objectifs politiques généraux qu'il pourra être déterminé s'il est nécessaire d'inclure des dispositions de non-dérogation et d'en rédiger le libellé.

(1640)

Le ministère a fait remarquer au comité qu'un vaste éventail d'approches peuvent être envisagées, en fonction du choix politique. D'une part, à cause de l'incertitude relative aux dispositions de non- dérogation, elles pourraient être abrogées. D'autre part, s'il est établi que les droits prévus par l'article 35 ont besoin d'une protection supplémentaire, une disposition de non-dérogation plus générale, applicable à toutes les lois fédérales, pourrait être ajoutée à la Loi d'interprétation.

Il y a également des approches non législatives qui pourraient être envisagées relativement à certaines de ces préoccupations. Attendre que le projet de loi soit présenté au Parlement est une option, mais votre comité demande cet ordre de renvoi afin d'explorer cette importante question comme une question générale par rapport à la loi.

L'honorable Anne C. Cools : Je constate que le deuxième paragraphe de la motion propose que le Sénat renvoie au comité les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question au cours de la deuxième session de la 37e législature et de la première session de la 38e législature.

Habituellement, le Sénat ne reçoit jamais de documents ou de témoignages des comités. Dans ce cas, je ne sais pas si le Sénat a reçu un rapport sur toutes ces questions. Selon l'ordre des choses, le Sénat confie au comité un mandat, et le comité lui présente un rapport, ne serait-ce qu'un rapport provisoire. Ainsi, sur la foi d'un rapport les témoignages sont transmis au Sénat et on peut y revenir dans les mois ou les années à venir.

Je n'insisterai pas. Toutefois, je réussirai peut-être à faire germer une graine dans quelques têtes en répétant qu'il est important de présenter un rapport provisoire si le rapport final n'est pas prêt vers la fin d'une session. Ainsi, le Sénat sait que des travaux ont été menés et le rapport permet, aux termes du droit parlementaire, que l'on renvoie le Sénat aux questions qu'il renferme dans l'avenir.

Je ne mets pas en doute le point de vue du sénateur à cet égard. Tout ce que je lui dis, c'est que la même chose est déjà arrivée à maintes reprises. Autrement dit, la leçon qu'il faut en tirer est que le président d'un comité doit toujours faire rapport au Sénat car, de cette façon, il peut être sûr que l'information sera communiquée au Sénat. Le Sénat ne peut débattre d'informations dont il n'a pas été saisi.

Je tiens à le souligner, car ce problème revient fréquemment. Dans cet endroit, pour une raison ou pour une autre, il y a certaines mauvaises habitudes et certaines anomalies que les sénateurs finissent par croire appropriées et correctes. J'ai toujours pensé que, dans la vie, il est toujours plus facile de faire les choses correctement.

L'honorable Sharon Carstairs : J'appuie sans réserve l'étude entreprise par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Pendant des dizaines d'années, nous avons introduit des dispositions de non-dérogation dans la législation. Ce serait une chose si toutes ces dispositions étaient uniformes. En réalité, elles sont plutôt disparates. Le problème, c'est qu'après un certain temps, on peut se demander si ces dispositions conservent toujours la force et la signification qui leur avaient été conférées initialement.

Voilà une étude qui aurait dû être faite depuis longtemps. Je félicite le sénateur Olivier et son comité, qui vont s'y consacrer.

L'honorable Tommy Banks : J'appuie les propos que vient de tenir madame le sénateur Carstairs. J'attire l'attention du comité sur les témoignages entendus par d'autres comités, qui parlent de la différence entre la présente forme de la disposition de non- dérogation et la forme qu'elle avait précédemment.

En fait, j'ai entendu des informations en provenance du ministère de la Justice qui me portent à croire que la disposition actuelle résulte de modifications apportées par suite d'une décision de la Cour suprême. Celle-ci y déclarait que les droits font tous l'objet de contestations à un moment où à un autre et qu'aucun droit ne peut être soustrait à des contestations dans certaines circonstances.

D'aucuns estiment, chez certains peuples autochtones, que l'actuelle disposition de non-dérogation va à l'encontre de leurs intérêts.

Le comité devrait également se pencher sur des engagements pris précédemment par des ministres d'examiner cette question et sur un engagement, pris à un moment donné, de présenter un projet de loi pour retirer la disposition de non-dérogation de toutes les lois en vigueur et aussi, comme l'a dit le sénateur Oliver, d'insérer dans une autre loi une disposition globale qui s'appliquerait à toutes les lois fédérales.

Il s'agit d'une question très cruciale qu'il faut aborder différemment de tout ce qui a été fait dans le passé, et avec plus de profondeur aussi.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

[Français]

L'AJOURNEMENT

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 6 juin 2006, à 14 heures.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 6 juin 2006, à 14 heures.)


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