Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 40e Législature,
Volume 146, Numéro 5

Le mardi 3 février 2009
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 3 février 2009

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

L'AFGHANISTAN—LE SOLDAT TOMBÉ AU CHAMP D'HONNEUR

MINUTE DE SILENCE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je vous demanderais de bien vouloir vous lever et observer une minute de silence à la mémoire du sapeur Sean Greenfield, qui a tragiquement perdu la vie ce week-end alors qu'il servait son pays en Afghanistan.

Les honorables sénateurs observent une minute de silence.

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à la période réservée aux déclarations des sénateurs, je vous rappelle que les interventions ne doivent pas dépasser trois minutes. Pour nous aider, un des greffiers se lève habituellement pour nous indiquer que nous en sommes à la troisième minute. J'invite tous les sénateurs à respecter cette règle.


(1405)

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'ALPHABÉTISME EN MATIÈRE DE SANTÉ MENTALE

L'honorable Joan Cook : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale d'avoir lancé, le 20 octobre 2008, une initiative marquante qui vise à améliorer les connaissances des Canadiens sur la santé mentale.

L'alphabétisme en matière de santé mentale est défini comme étant l'ensemble des connaissances et des aptitudes qui permettent aux gens d'acquérir, de comprendre et d'appliquer l'information sur la santé mentale. Les résultats d'un projet de recherche mené par l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale seront comparés à ceux d'autres pays pour voir comment se classent les Canadiens. Le projet est destiné à aider ceux d'entre nous qui sont touchés par les questions de santé mentale à trouver des services et à s'en prévaloir efficacement.

Comme beaucoup d'entre nous le savent, en améliorant les connaissances des Canadiens sur la santé mentale, nous pouvons contribuer à assurer un dépistage précoce des questions de santé mentale, améliorer les interventions et réduire sensiblement les stigmates et la discrimination qui entourent encore les maladies mentales. L'étude vise à améliorer la capacité de nos systèmes, programmes et services de santé mentale afin qu'ils visent toutes les époques de la vie, qu'ils transcendent les cultures et valorisent la vie. J'attends avec impatience de pouvoir faire connaître aux sénateurs les résultats de ce projet de recherche.

J'exhorte les sénateurs à appuyer les politiques et les programmes qui font la promotion de l'alphabétisme en matière de santé mentale au Canada.

LES ARTS ET LA CULTURE

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je félicite le gouvernement d'avoir prévu un généreux financement des arts et de la culture dans le budget présenté la semaine dernière. Je suis très heureuse que ce secteur soit si bien traité. Les arts et la culture élèvent l'esprit et nourrissent l'intelligence. L'art et la vérité qu'il représente sont peut-être plus vitaux pour la survie de notre monde que jamais auparavant.

Le gouvernement l'a clairement reconnu, tout comme il a reconnu l'importance des arts et de la culture dans l'économie canadienne. Le budget inclut ceci : 60 millions de dollars pour les coûts de l'infrastructure des institutions locales comme les théâtres, les bibliothèques et les petits musées; 28,6 millions de dollars sur les deux prochaines années pour le Fonds des nouveaux médias du Canada et près de 15 millions de dollars par année après cela; 200 millions de dollars sur deux ans pour le Fonds canadien de télévision; 100 millions de dollars sur deux ans pour les festivals et les événements culturels populaires; une augmentation de 20 millions de dollars sur les deux prochaines années du budget du Programme national de formation dans le secteur des arts et 13 millions de dollars par années après cela; 30 millions de dollars sur les deux prochaines années pour soutenir les magazines ayant un contenu canadien et les journaux communautaires; et, enfin, un fonds de dotation de 25 millions de dollars pour soutenir la création de prix internationaux d'excellence en danse, en musique, en art et en art dramatique.

Il y a d'autres points saillants et je tiens à souligner tout particulièrement l'importance, en cette période de difficultés économiques, de la promesse que le gouvernement a faite d'étudier la possibilité d'accorder des prestations aux travailleurs autonomes, dont bon nombre d'artistes font partie. Les prestations de maternité, d'assurance-emploi et les prestations parentales sont une grande source de préoccupation pour les travailleurs autonomes et c'est donc là une excellente nouvelle.

Je tiens à remercier mon gouvernement d'avoir pris de telles mesures pour venir en aide à la communauté artistique canadienne. L'engagement du gouvernement à l'égard des arts aujourd'hui et dans l'avenir permettra d'apporter des changements dans notre monde.

LE DÉCÈS D'EDWARD SAMUEL ROGERS, O.C.

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, le 2 décembre 2008 est décédé l'un des plus grands visionnaires et chefs d'entreprise de l'histoire de notre pays, Ted Rogers. Ses contemporains dans le domaine des communications l'ont souvent qualifié de visionnaire et le mot le faisait sourire. Il a affronté avec succès trois vagues de changements technologiques. Il a fait œuvre de pionnier dans le secteur de la radio FM au Canada et a été le premier à en reconnaître le potentiel. Il a ensuite concentré son attention sur la toute nouvelle industrie du câble, donnant vie au plus important secteur du câble et de la télédiffusion au pays, et il y a ajouté par la suite d'importants éléments dans le secteur des médias et du sport. Il a également créé de toutes pièces une société de téléphonie cellulaire qui est devenue la meilleure au Canada.

Plus qu'un visionnaire, Ted était un entrepreneur qui a toujours été prêt à investir argent, temps et courage au cours de la période de développement. Plus qu'un entrepreneur, il était aussi un homme d'affaires capable de réunir une équipe, de motiver ses employés et de gagner leur engagement et leur loyauté grâce à l'intérêt qu'il accordait à leur travail et à l'appui qu'il était toujours prêt à leur donner.

Ted Rogers était un visionnaire, un entrepreneur et un homme d'affaires, et il était même plus encore. C'était un philanthrope. Son épouse Loretta et lui ont investi des millions de dollars pour venir en aide à leurs concitoyens. Dévoué à sa famille, il était toujours très fier de ses enfants et de tous les membres de sa famille élargie, tant les employés du niveau de la gestion que ceux du centre d'appels. Il se préoccupait de leur bien-être au plus haut point.

Ted a laissé à un pays qui est né de la construction d'un réseau ferroviaire un réseau de communications qui réunit tous les Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Il terminait tous ses discours en disant : « Le meilleur est à venir. »

Ted, vous avez donné ce que vous aviez de meilleur à votre pays et c'est pour nous aujourd'hui un héritage vivant.

(1410)

À sa famille et à sa famille élargie, je dirai que nous partageons leur fierté à son égard. Ted Rogers a fait bouger les choses, et le Canada n'en est que meilleur et plus riche.

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur une fois de plus d'attirer votre attention sur l'importance de célébrer le mois de février comme étant le Mois de l'histoire des Noirs au Canada. Les Canadiens d'ascendance africaine tels que le milliardaire Michael Lee-Chin et Son Excellence la Gouverneure générale Michaëlle Jean, qui est une descendante d'esclaves, ont apporté et continuent d'apporter des contributions remarquables à notre paysage culturel, politique et économique.

Le Mois de l'histoire des Noirs est une période de réflexion et de compréhension — de réflexion sur les contributions magistrales que les Noirs ont apportées à l'édification du Canada. Pendant ce mois de l'année, les élèves, les enfants et les adultes de tous les horizons peuvent apprendre à mieux connaître les superstars noires, les héros qui se sont illustrés dans divers domaines d'activités, que ce soit en affaires, dans les arts, en sciences, dans les sports, sur la scène politique ou dans la défense des droits de la personne.

En Amérique du Nord, notre superstar est sans contredit Barack Obama, le nouveau président des États-Unis, mais d'innombrables Canadiens d'ascendance africaine ont aussi fait l'histoire au cours de la dernière année et ont été reconnus comme des héros par les jeunes et les moins jeunes. Par exemple, Karine Sergerie, une athlète de 24 ans qui a remporté la médaille d'argent en taekwondo aux Jeux olympiques de Pékin, détient le titre de championne mondiale dans cette discipline; P. K. Subban a remporté la médaille d'or au Championnat du monde de hockey junior de 2008-2009 et il se joindra aux Canadiens de Montréal; Willie O'Ree qui, en 1958, a été le premier hockeyeur de race noire dans la LNH, a été décoré de l'Ordre du Canada en 2008; Yolande James fut la première femme noire quia été élue députée à l'Assemblée nationale de Québec et la première à être nommée ministre; et enfin Abraham Dora Shadd, qui fut le premier Noir à occuper des fonctions officielles au Canada, en 1859, figure sur un timbre commémoratif émis pour souligner le Mois de l'histoire des Noirs. Ces personnes ont non seulement inspiré les Noirs, elles ont aussi pris leur place dans notre histoire collective.

Je serai de nouveau très occupé tout au long du mois de février car je me rendrai dans des écoles aux quatre coins du Canada afin d'expliquer aux jeunes le sens de l'histoire des Noirs et le chemin que nous avons parcouru depuis l'époque où l'esclavage des Noirs était une réalité au Canada. J'ai commencé jeudi, lorsque j'ai prononcé une allocution aux bureaux du Service de police de Toronto à l'occasion du 30e anniversaire du Mois de l'histoire des Noirs.

En 1979, Toronto est devenue la première ville canadienne à déclarer février Mois de l'histoire des Noirs. En 1995, la Chambre des communes a adopté une motion similaire à cet égard; et, l'année dernière seulement, le Sénat du Canada a officialisé la position du Parlement du Canada au sujet de ma résolution visant à reconnaître février en tant que Mois de l'histoire des Noirs.

Au cours de la fin de semaine, j'ai enregistré une entrevue dans les studios de la chaîne anglaise de Radio-Canada à Toronto sur ce que signifie pour moi le Mois de l'histoire des Noirs. Cette entrevue s'inscrit dans le cadre d'une série d'entretiens avec d'éminents Canadiens de race noire, qui sera diffusée la fin de semaine, en février, à la chaîne d'information continue Newsworld de la CBC.

Honorables sénateurs, les Noirs au Canada ont fait d'énormes progrès depuis la promulgation, en 1833, de la British Slavery Abolition Act. Pourtant, de nombreux Canadiens ne savent pas que l'esclavage était une pratique courante acceptée à partir des années 1620 jusqu'en 1834, et que, pendant les 175 dernières années, les Canadiens de race noire ont été confrontés à de nombreux autres obstacles raciaux, notamment l'obtention du droit de vote et de l'abolition de la ségrégation dans les écoles et les transports en commun. Honorables sénateurs, il y a encore bien du chemin à faire.

En conclusion, j'exhorte tous mes collègues à inviter les Canadiens à participer, en février, aux célébrations visant à rendre hommage à leurs concitoyens de race noire. Personnellement, j'incite les sénateurs à en apprendre davantage sur les Noirs et sur le rôle important qu'ils ont joué dans l'édification du Canada, notamment dans les domaines politique, commercial et artistique.

LES LIEUX HISTORIQUES NATIONAUX

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, je porte à votre attention les récentes conclusions d'une étude Environics sur les lieux historiques nationaux du Canada.

Cette étude, réalisée à la demande de Parcs Canada, révèle que 69 p. 100 des 689 lieux historiques nationaux non gérés par le gouvernement fédéral se détériorent et devront faire l'objet de travaux de réhabilitation majeurs d'ici deux ans.

La situation est tout aussi décourageante en Ontario. L'enquête révèle que seulement 37 p. 100 des propriétaires de lieux historiques, dans cette province, ont répondu que le lieu qu'ils gèrent est en bon état.

Les lieux historiques nationaux du Canada sont très variés. Ils vont des lieux sacrés et des champs de bataille à des bâtiments et des sites archéologiques. Parcs Canada les considère comme des lieux de grande importance pour le Canada, car ils rappellent des moments déterminants de l'histoire du pays.

Les lieux historiques nationaux comptent des symboles nationaux, comme les édifices du Parlement ou la forteresse de Louisbourg, et des endroits moins connus, comme l'ancien bureau de poste d'Almonte, en Ontario.

(1415)

Malgré leur importance nationale, le gouvernement fédéral finance rarement l'entretien de ces lieux. Selon la fondation Héritage Canada, entre 1988 et 2000 le Programme de partage des frais des lieux historiques nationaux a accordé un financement matériel à 57 lieux non gérés par le gouvernement fédéral.

Ce financement a profité à des lieux comme les silos à grains d'Inglis à Dauphin, au Manitoba, et le marché de la ville de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Les projets du Programme de partage des frais des lieux historiques nationaux ont permis des investissements de deux à trois fois supérieurs aux 27 millions de dollars consacrés par le gouvernement. Depuis 2000, toutefois, le programme stagne faute de financement. En 2003, la vérificatrice générale a signalé qu'au moins 118 demandes de financement étaient demeurées sans réponse.

Le gouvernement actuel a proposé une « fiducie nationale » administrée par le secteur privé pour recueillir des dons de particuliers en vue de la restauration des édifices patrimoniaux. À cette fin, une réunion de deux jours des parties intéressées a eu lieu en février dans le but de mettre au point un modèle fondé en grande partie sur un programme similaire au Royaume-Uni.

Dans le budget de 2007, 5 millions de dollars sur deux ans avaient été affectés à l'établissement de cette fiducie. Cette fiducie nationale pourra recevoir des dons et des subventions pour assurer sa viabilité à long terme. Apparemment, elle sera administrée et dirigée par des gens du secteur privé et sera indépendante du gouvernement. Toutefois, je crois comprendre que cette fiducie n'a pas encore été mise sur pied, même si des centaines de lieux patrimoniaux ont besoin d'être restaurés maintenant.

Pourquoi les Canadiens n'investiraient-ils pas directement dans la restauration de leur propre histoire? Je ne propose pas que les contribuables financent la totalité de ces projets, mais je crois que nous avons besoin d'un financement supplémentaire d'urgence pour remettre en état les lieux qui en ont le plus besoin avant qu'ils ne s'effondrent.

Malheureusement, cette situation ne peut attendre, car lorsqu'un lieu historique disparaît, c'est pour de bon. Aucune somme d'argent ne peut le ramener.

Honorables sénateurs, ni le récent discours du Trône ni le budget ne renferment un seul mot sur ce sujet. Qu'est-il advenu de ces 5 millions de dollars?

L'ÉQUITÉ SALARIALE

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, jeudi dernier, pendant la période des questions, le sénateur Mitchell a sermonné le leader du gouvernement au Sénat. Voici ce qu'il a dit :

Honorables sénateurs, le président Obama a signé aujourd'hui une loi sur l'équité salariale — un souffle d'air frais en Amérique du Nord. De son côté, le premier ministre Harper, qui s'est vu mettre en probation hier, veut interdire aux Canadiennes de porter des affaires d'équité salariale devant la Commission canadienne des droits de la personne, sous prétexte qu'elles peuvent aussi bien passer par la négociation collective.

À quoi peut bien servir la négociation collective quand la majorité des femmes mal ou inégalement payées n'appartiennent pas à un syndicat et n'ont donc pas accès à la négociation collective?

Après que madame le leader lui eut répondu, il a ajouté ce qui suit :

Celui qui a rédigé cette réponse pour madame le leader ne comprend pas, pas plus de toute évidence qu'elle-même, que l'exemple invoqué contre mon affirmation ne fait qu'apporter de l'eau à mon moulin.

L'argument du sénateur Mitchell, comme les honorables sénateurs l'auront bien compris, concerne l'équité salariale. Il a cité le travail du président Obama, plus particulièrement sa signature, la semaine dernière, d'une loi intitulée la Lilly Ledbetter Fair Pay Act. Quelle est la différence? Il n'y a pas de doute que la différence est subtile. La Lilly Ledbetter Fair Pay Act n'a rien à voir avec l'équité salariale. Elle porte sur le principe de la parité salariale pour un travail égal, et même à cela, de façon détournée.

Par exemple, disons qu'une personne fait un travail manuel et qu'une autre travaille dans un bureau. Quelqu'un décide que leur travail a la même valeur et qu'elles devraient toucher le même salaire. C'est ce qu'on appelle l'équité salariale.

Toutefois, ce n'est pas ce dont il s'agit dans la Lilly Ledbetter Fair Pay Act. Dans cette dernière, il s'agit de parité salariale entre les sexes pour un travail égal. En d'autres mots, une femme superviseure peut travailler avec des homologues masculins et faire le même travail qu'eux, mais les hommes gagnent plus qu'elle. Voilà la situation que la Lilly Ledbetter Fair Pay Act veut corriger, bien que, comme je l'ai dit, de façon indirecte seulement.

La loi porte directement sur le fait que la Cour suprême a rendu une décision qui n'a pas été en faveur de Mme Ledbetter dans sa poursuite contre la compagnie Goodyear Tire & Rubber. La cour a statué, dans un jugement à cinq contre quatre, que Mme Ledbetter n'avait pas intenté à temps sa poursuite visant la parité salariale pour un travail égal, c'est-à-dire dans les 180 jours suivant le premier chèque de paie sur lequel elle a reçu un salaire inférieur à celui de ses homologues masculins. Cette nouvelle loi reprend le compte à zéro chaque fois qu'un travailleur reçoit un chèque de paie.

(1420)

Il est facile de comprendre comment le sénateur Mitchell a pu se tromper, mais avant de commencer à accuser qui que ce soit au Sénat de ne pas comprendre ce qu'il ou elle dit, peut-être le sénateur devrait-il commencer par s'assurer qu'il a lui-même compris de quoi il parle.

Une voix : Bon point.

VISITEUR À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Paul McIntyre, membre distingué du Barreau du Nouveau-Brunswick. M. McIntyre est l'invité de l'honorable sénateur Percy Mockler.

Monsieur McIntyre, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LES AFFAIRES INDIENNES ET LE NORD CANADIEN

LE COMITÉ DE MISE EN ŒUVRE DE L'ENTENTE SUR LA REVENDICATION TERRITORIALE GLOBALE DES GWICH'IN—DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2005-2007

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2005-2007 du Comité de mise en œuvre de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich'in.

LE COMITÉ DE MISE EN ŒUVRE DE L'ENTENTE SUR LA REVENDICATION TERRITORIALE GLOBALE DES DÉNÉS ET MÉTIS DU SAHTU—DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2004-2005

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2004-2005 du Comité de mise en œuvre de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu.

LE COMITÉ DE MISE EN ŒUVRE DE L'ENTENTE SUR LA REVENDICATION TERRITORIALE GLOBALE DES DÉNÉS ET MÉTIS DU SAHTU—DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL 2005-2007

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2005-2007 du Comité de mise en œuvre de l'Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et Métis du Sahtu.

LE COMITÉ DE MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DÉFINITIVE DES INUVIALUIT—DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2004-2005

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2004-2005 du Comité de mise en œuvre de la Convention définitive des Inuvialuit.

LE COMITÉ DE MISE EN ŒUVRE DE LA CONVENTION DÉFINITIVE DES INUVIALUIT—DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2005-2007

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2005-2007 du Comité de mise en œuvre de la Convention définitive des Inuvialuit.

[Traduction]

COMITÉ DE SÉLECTION

PRÉSENTATION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable David Tkachuk, président du comité, présente le rapport suivant :

Le mardi 3 février 2009

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Conformément aux articles 85(1)a) et 85(2) du Règlement du Sénat, votre comité informe le Sénat qu'il désigne l'honorable sénatrice Losier-Cool au poste de présidente à titre intérimaire.

Respectueusement soumis,

Le président,
DAVID TKACHUK

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LA LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Yoine Goldstein présente le projet de loi S-219, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (prêts aux étudiants).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Goldstein, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

(1425)

PROJET DE LOI ANTI-POURRIEL

PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Yoine Goldstein présente le projet de loi S-220, Loi concernant les messages électroniques commerciaux.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Goldstein, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

[Français]

LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA-ÉTATS- UNIS

LA RÉUNION ANNUELLE, TENUE DU 16 AU 19 MAI 2008—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire concernant sa participation à la 40e réunion annuelle Canada-États- Unis, tenue à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, aux États-Unis, du 16 au 19 mai 2008.

[Traduction]

LA RÉUNION ANNUELLE DE LA WESTERN GOVERNOR'S ASSOCIATION, TENUE DU 29 JUIN AU 1er JUILLET 2008—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne à l'assemblée annuelle de 2008 de la Western Governor's Association, tenue à Jackson Hole, dans le Wyoming, aux États-Unis, du 29 juin au 1er juillet 2008.

L'ASSEMBLÉE ANNUELLE DU COUNCIL OF STATE GOVERNMENTS-WEST, TENUE DU 16 AU 20 JUILLET 2008—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne à l'assemblée annuelle de 2008 du Council of State Governments-West, tenue à Anchorage, en Alaska, aux États-Unis, du 16 au 20 juillet 2008.

LE SOMMET LÉGISLATIF DE 2008 DE LA NATIONAL CONFERENCE OF STATE LEGISLATURES, TENUE DU 22 AU 26 JUILLET 2008—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne au sommet législatif de 2008 de la National Conference of State Legislatures, tenue à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, aux États-Unis, du 22 au 26 juillet 2008.

LA RÉUNION ANNUELLE DE LA SOUTHERN GOVERNORS' ASSOCIATION, TENUE DU 8 AU 11 AOÛT 2008—DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne à la réunion annuelle de 2008 de la Southern Governors' Association, tenue à White Sulphur Springs, en Virginie-occidentale, aux États-Unis, du 8 au 11 août 2008.

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION PORTANT QUE LE SÉNAT SE RÉUNISSE EN COMITÉ PLÉNIER POUR ENTENDRE LES REPRÉSENTANTS DE LA COLLECTIVITÉ AUTOCHTONE

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le jeudi 11 juin 2009 à 15 heures, le Sénat se réunisse en comité plénier pour entendre le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, le chef national du Congrès des peuples autochtones, le président d'Inuit Tapiriit Kanatami, et le président du Ralliement national des Métis, qui feront rapport des progrès faits relativement aux engagements pris par les parlementaires des deux Chambres au cours de l'année ayant suivi les excuses présentées par le gouvernement aux anciens élèves des pensionnats autochtones.

AVIS DE MOTION TENDANT À L'ENREGISTREMENT AUDIOVISUEL DES DÉLIBÉRATIONS

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

3 février 2009—Que le Sénat approuve en principe l'installation de l'équipement nécessaire pour l'enregistrement audiovisuel de qualité radiodiffusion de ses délibérations et d'autres événements approuvés se déroulant dans la salle du Sénat et dans au moins quatre salles normalement utilisées par des comités du Sénat;

Que, pour les fins énoncées au paragraphe suivant, les délibérations publiques du Sénat et de ses comités soient enregistrées au moyen de cet équipement, sous réserve des politiques, pratiques et lignes directives approuvées périodiquement par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (« le comité «);

Que des délibérations choisies et regroupées par sujet d'intérêt soient préparées et mises à la disposition de tout télédiffuseur ou distributeur de programmes audiovisuels, sous réserve des conditions énoncées dans tout accord actuel ou futur entre le Sénat et le télédiffuseur ou distributeur en question;

Que, sur demande, les délibérations choisies soient aussi mises à la disposition du public sur le site Internet du Parlement;

Que le Sénat engage à contrat un producteur qui, uniquement sous la direction du comité, décidera des délibérations choisies et classées du Sénat et de ses comités qui seront retenues aux fins des émissions;

Que l'on se dote à ces fins de l'équipement et du personnel requis pour choisir, préparer et classer les délibérations de qualité radiodiffusion;

Que le comité soit chargé de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre cette motion.


(1430)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LES DISPOSITIONS TRANSFRONTALIÈRES

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, plus précisément le 28 janvier 2009, les membres de la Chambre des représentants, aux États-Unis, ont adopté un train de mesures de stimulation de l'économie représentant 819 milliards de dollars. Cette série de mesures comporte entre autres une disposition d'achat chez soi qui porterait un dur coup à l'économie canadienne déjà vacillante. Hier, le Sénat américain étudiait le projet de loi, qui pourrait être adopté dès vendredi dans une version renforcée, prévoyant des politiques protectionnistes encore plus radicales.

Honorables sénateurs, le gouvernement dort aux commandes. Encore une fois, il a failli à son devoir de protéger les intérêts des Canadiens et il essaie maintenant, tant bien que mal, de réagir à la crise. Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu qu'il soit moins une avant d'intervenir sur une question aussi importante pour notre économie?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le fait est que nos diplomates et nos fonctionnaires ont travaillé très fort à Washington — et ailleurs dans le monde — sur cette question et sur bien d'autres. Tout de suite après l'élection du président Obama, nos fonctionnaires et diplomates ont commencé à travailler avec la future administration. Depuis le 20 janvier, date de l'investiture du président Obama, nos diplomates ont redoublé leurs efforts.

Les mesures protectionnistes sont très inquiétantes, non seulement pour le Canada mais pour tous les pays du G20. Elles ont donné lieu à des discussions mouvementées dans les derniers jours à Davos, en Suisse. Notre ambassadeur, l'honorable Michael Wilson, a fait connaître la position du Canada aux leaders de la majorité et de la minorité au Sénat. Nos diplomates et fonctionnaires et des chefs d'entreprise canadiens ont tous fait connaître leurs points de vue.

Honorables sénateurs, je crois que notre gouvernement fait valoir sont point de vue très fermement et que nos amis américains comprendront notre message.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, madame le leader pourrait-elle nous dire de quelle crédibilité jouit M. Harper pour dénoncer le protectionnisme américain, alors qu'il suffirait au président Obama de rappeler que M. Harper voulait élever un mur de protection autour de l'Alberta?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur Mitchell cause du tort à la fois au président Obama et au premier ministre Harper. C'est notre parti et notre gouvernement qui ont mis en place l'Accord de libre- échange et l'Accord de libre- échange nord-américain. Le parti du sénateur voulait déchirer l'ALENA. C'est notre parti qui a réglé le différend sur le bois d'œuvre, c'est notre parti qui a réglé le dossier de l'ESB, et c'est notre parti qui s'occupe de la question de la sécurité des produits.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : En fait, c'est sous un gouvernement conservateur que le différend sur le bois d'œuvre a été réglé.

Le sénateur Rompkey : C'était le Parti progressiste-conservateur.

Le sénateur LeBreton : Quand le président Obama viendra au Canada, le 19 février, pour rencontrer notre premier ministre, ils feront tous deux honneur à leur pays quand ils se pencheront sur les graves problèmes auxquels leurs deux pays se heurtent. Les États- Unis et le Canada sont voisins dans un monde qui traverse une période de difficultés économiques. Ce sera tout à l'honneur du président Obama et aussi du premier ministre Harper de se pencher sur des problèmes qui sont une véritable source d'inquiétude pour les Canadiens, les Américains et tous nos alliés et amis dans le monde entier.

(1435)

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, dans le cadre de ses conversations avec le premier ministre concernant la visite de M. Obama, madame le leader du gouvernement pourrait-elle lui souligner les propos qu'a tenus M. Erin Weir, un économiste du Syndicat des Métallos, lors du Progressive Economics Forum qui a eu lieu la semaine dernière :

Malheureusement, plutôt que de travailler en coopération et concrètement avec les Américains afin d'obtenir des exemptions, les politiciens canadiens [...] leur font publiquement la morale au sujet de leurs « obligations internationales » et des mérites théoriques du libre-échange mondial. Cet argument ne tient pas la route dans le contexte économique actuel et ne convaincra personne chez nos voisins du Sud.

Madame le leader pourrait-elle expliquer au premier ministre qu'il est parfois préférable d'utiliser du miel plutôt qu'un bâton de baseball?

Le sénateur LeBreton : C'est curieux, car d'autres au sein du parti du sénateur veulent que nous fassions le contraire.

En réalité, nous ne faisons pas la morale aux Américains. Je suis au courant des propos de M. Weir et il a droit à son opinion. Nous tentons de convaincre nos amis du Sud de l'importance des relations commerciales qui existent entre nos deux pays. Nous sommes le plus gros partenaire commercial de plusieurs États américains. Je suis certaine que tous nos fonctionnaires, notre ambassadeur et nos diplomates canadiens qui travaillent sur ces dossiers font preuve de respect et de persuasion. Jamais nous n'aurions la prétention de faire la morale à la nouvelle administration américaine. Nous faisons tout simplement ce que chaque Canadien attend de nous, soit présenter un dossier convaincant sur le rôle important du Canada dans les relations commerciales avec les États-Unis, l'Amérique du Nord et le reste du monde.

LES FINANCES

LE BUDGET DE 2009

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, la semaine dernière, madame le leader du gouvernement au Sénat a affirmé que le budget gouvernemental de 2009 appuyait la recherche scientifique au Canada. Si elle parlait spécifiquement de l'infrastructure pour les universités et les entreprises, elle aurait raison. Toutefois, de nombreux scientifiques ont noté que l'aide financière directe accordée par le Canada aux programmes de recherche existants est insuffisante. Cela risque de mettre en danger des milliers d'emplois, de forcer l'interruption de travaux de recherche médicale prometteurs et d'entraîner un exode des cerveaux important à un moment où l'on a besoin de personnes brillantes au Canada. J'ai peur que nous nous retrouvions avec beaucoup de belles installations, mais sans personne pour y travailler. Comment pouvons-nous demeurer confiants que le Canada continuera d'être un chef de file mondial en recherche?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, si on examine les documents budgétaires et les fonds affectés au milieu scientifique ainsi qu'aux universités et à Inforoute Santé du Canada, on constate que le sénateur fait preuve d'un grand pessimisme lorsqu'il affirme que nous perdrons nos scientifiques au profit d'autres pays. Comme je l'ai affirmé la semaine dernière, nous avons investi 2,4 milliards de dollars supplémentaires en recherche et développement depuis 2006, et notre Plan d'action économique comporte de nouveaux investissements de 3,5 milliards de dollars. Cela comprend des fonds importants pour les infrastructures collégiales et universitaires, la Fondation canadienne pour l'innovation et le Programme d'aide à la recherche industrielle.

Honorables sénateurs, je crois que l'argent que nous investissons dans ces institutions aura un effet positif sur les chercheurs et les scientifiques qui y travaillent.

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, je ne suis pas pessimiste. Je suis réaliste. Je comprends également qu'il est nécessaire d'avoir la confiance des chercheurs pour pouvoir les attirer au pays et les y garder.

(1440)

Ce budget n'offre aucun argent frais pour les subventions de fonctionnement en recherche aux Instituts de recherche en santé du Canada, au Conseil de recherches en sciences humaines et au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Il y en avait dans les budgets précédents, mais pas dans ce budget. Il s'agit là des trois organismes de financement du Canada.

Cette absence d'argent frais arrive après que les instituts de recherche en santé des États-Unis, qui sont le principal organisme de financement de la recherche médicale dans ce pays, ont vu leur budget augmenter de 4 milliards de dollars dans le cadre du plan de relance économique du président Barack Obama.

Sans argent frais prévu dans le plan de relance et destiné aux organismes fédéraux pour le financement de la recherche , comment pouvons-nous avoir confiance en notre capacité de soutenir la concurrence des autres pays, comme les États-Unis, pour attirer et garder de brillants scientifiques au Canada?

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai dit la semaine dernière, lorsque le gouvernement présente un budget et propose un plan de relance pour aider le pays à traverser une crise économique, on ne croirait pas qu'il soit nécessaire d'énoncer de nouveau le financement accordé à divers secteurs dans les budgets précédents.

La semaine dernière, on a posé une question au sujet de Génome Canada. Notre gouvernement a investi 100 millions de dollars sur cinq ans dans le budget de 2007 et 140 millions de dollars sur cinq ans dans le budget de 2008 pour appuyer l'important travail que fait cet organisme. Ce financement se poursuit. Génome Canada recevra 106 millions de dollars au cours du présent exercice et 107 millions en 2009-2010. Comme nous l'avons dit, nous examinerons au cas par cas toute nouvelle demande de financement venant de ces organismes. Comme cette question a été soulevée la semaine dernière, je veux lire aux sénateurs un énoncé que le conseil d'administration de Génome Canada a publié sur son site web :

Génome Canada est heureuse du budget 2009 du gouvernement fédéral qui prévoit des millions de dollars pour l'infrastructure de recherche au cours des deux prochaines années. Il s'agit là de bonnes nouvelles pour toute la communauté scientifique canadienne...

Nous traversons une période difficile. Tous les Canadiens, y compris les scientifiques, les chercheurs et les travailleurs, veulent que le gouvernement fasse tout en son pouvoir pour aider le pays à se sortir de cette crise économique mondiale.

Comme je l'ai dit la semaine dernière, le Fonds monétaire international est d'avis que, malgré la situation difficile à laquelle le monde est confronté, nous demeurons quand même le port le plus sûr dans la tempête. Ce sont là mes paroles et non celles du FMI. Ce dernier a dit que le Canada était dans la meilleure position pour se sortir de cette situation sans trop d'écorchures.

Je crois que les Canadiens — en tout cas, certainement ceux qui vivent à l'extérieur d'Ottawa — surveillent la situation politique et souhaitent que tous les parlementaires travaillent fort dans l'intérêt de l'économie du pays et qu'ils appuient tout ce que le gouvernement tente de faire pour mettre en œuvre le budget présenté par le ministre des Finances en janvier et qui, je suis heureuse de le dire, a reçu l'appui de l'opposition officielle.

L'honorable Joan Fraser : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. A-t-on assujetti le budget à une analyse différenciée selon les sexes avant que le ministre des Finances le présente à la Chambre des communes la semaine dernière?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'aurais besoin de plus de détails sur ce à quoi le sénateur Fraser fait allusion.

Le sénateur Fraser : L'analyse différenciée selon les sexes est un outil de budgétisation très connu. Elle fait l'objet de nombreuses études, tant ici qu'à la Chambre des communes, ainsi qu'un peu partout dans le monde.

J'invite madame le sénateur à consulter un document intitulé Les budgets de genre — Un aperçu, qui a été produit par la Bibliothèque du Parlement il y a un an et demi. Le sous-ministre des Finances a déclaré devant un comité de la Chambre des communes il y a près de deux ans qu'au cours de la période précédant la présentation du budget — soit avant même sa comparution devant le comité — le ministère avait mené une analyse différenciée selon les sexes de plus de 90 p. 100 des idées qu'on envisageait d'inclure dans le budget. C'est le budget qui a été présenté par ce gouvernement. Une analyse comparative entre les sexes évalue l'impact des diverses mesures budgétaires sur les hommes et les femmes. Il s'agit d'un outil à la fois très simple et extrêmement utile.

(1445)

Je demanderais à la ministre de nous dire si elle est certaine qu'une telle analyse a bel et bien été effectuée et, le cas échéant, si elle peut mettre cette analyse à la disposition du Sénat. À l'inverse, s'il n'y a pas eu d'analyse, la ministre pourrait-elle nous donner les motifs de cette omission?

De nombreuses dispositions du budget semblent avoir des effets inégaux sur les deux sexes, à commencer par les dispositions sur la parité salariale. Le budget semble mettre le sujet des négociations collectives dans le même panier que les postes fractionnés et les chemises fournies gratuitement aux gens qui doivent porter un uniforme.

J'aimerais entendre la ministre s'engager à trouver des réponses à mes questions.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tout budget présenté par le gouvernement tient compte des intérêts de l'ensemble des Canadiens, hommes et femmes.

Au sujet de la question de la parité salariale, il est très clair que les femmes ne devraient pas être obligées d'attendre 10 années ou plus pour que les litiges sur la parité salariale soient tranchés par les tribunaux. Les femmes dont les emplois relèvent du gouvernement fédéral méritent d'être traitées sur un pied d'égalité. Les femmes devraient prendre part aux négociations salariales. Le gouvernement ne devrait pas faire attendre les femmes qui ont droit à la parité salariale. Il est temps que le gouvernement fédéral suive les pratiques de l'Ontario, du Québec et du Manitoba et modernise la législation fédérale sur la parité salariale.

Le budget vise à aider tous les Canadiens, hommes et femmes. Le programme de stimulation de l'économie, les contributions à l'amélioration des infrastructures des universités, l'argent prévu pour la recherche et, du point de vue des gens âgés, l'augmentation du crédit en raison de l'âge sont des mesures qui vont aider tous les Canadiens.

Il serait injuste de ne pas traiter également tous les Canadiens. Nous pensons à tous les Canadiens lorsque nous préparons un budget. D'ailleurs, je ne pense pas que le gouvernement actuel ait des leçons à recevoir d'un autre pays en ce qui concerne les droits des femmes ou des hommes.

Le sénateur Fraser : J'aimerais que la ministre nous dise si une analyse différenciée selon les sexes a été réalisée. Si tel est le cas, pourrions-nous la voir? Sinon, madame le leader peut-elle se renseigner et nous donner les raisons de cette omission? La question que je pose est pourtant simple.

(1450)

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, ce sont sans doute les propositions relatives à l'aide à l'industrie forestière qui ont créé le plus de déception, non seulement au Québec, mais au Nouveau-Brunswick également.

Les sommes prévues dans le budget pour venir en aide à l'industrie forestière sont totalement coupées de la réalité et des graves difficultés que connaît cette industrie. Je ne prétends pas qu'il aurait fallu apporter plus d'aide à l'industrie forestière qu'à l'industrie automobile parce que, à mon avis, les travailleurs de l'industrie automobile en Ontario auraient eu droit à une aide financière plus importante.

Le Conseil de l'industrie forestière du Québec et le gouvernement du Nouveau-Brunswick sont unanimes : les porte-parole régionaux, les maires, les dirigeants d'entreprise et les travailleurs ont tous attiré l'attention du gouvernement sur l'insuffisance des propositions présentées dans le budget pour faire face à la situation.

La ministre conviendra avec moi que l'industrie forestière comprend de petites et moyennes entreprises qui ont un impact économique et social considérable sur les collectivités régionales.

Le gouvernement a-t-il l'intention de rencontrer les porte-parole de l'industrie forestière dans le but d'accroître de façon significative les dispositions prévues dans le budget? Ou, à tout le moins, s'engage-t-il à trouver d'autres moyens administratifs pour soutenir cette industrie?

Deuxièmement, la ministre a évoqué des discussions qui se sont tenues entre le premier ministre Harper et le président des États- Unis, Barack Obama. Les mesures de soutien américaines contiennent certaines dispositions qui remettent en cause l'entente sur le bois d'œuvre. Cela s'ajoute à la difficulté objective de cette industrie et à l'insuffisance des mesures budgétaires proposées par le gouvernement. Si des difficultés survenaient lors de la mise en œuvre de l'Accord de libre-échange, on imagine facilement les conséquences économiques et sociales que cela comporterait.

Le gouvernement est-il conscient de cette situation, et qu'entend-il faire pour corriger la situation?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, ce n'est un secret pour personne que le premier ministre, le ministre des Finances et de nombreux autres ministres ont mené d'intenses consultations pour préparer le budget. Selon une liste que j'ai lue l'autre jour, ils ont rencontré des représentants de toutes les industries, y compris du secteur forestier et de l'industrie de l'automobile. Il n'y a pas une industrie, par une organisation au Canada qui n'ait été consultée, dont on n'ait recueilli les conseils au cours de l'élaboration du budget.

Quant à la deuxième partie de la question du sénateur, celle qui porte sur le bois d'œuvre et les préoccupations suscitées par la loi proposée aux États-Unis, il appartiendra à nos représentants et à nos diplomates de faire comprendre clairement à nos amis américains que nous avons un accord sur le bois d'œuvre et que cet accord a un sens qu'il faut respecter d'un côté comme de l'autre de la frontière.

Pour ce qui est des questions précises du sénateur sur le secteur forestier, je dirai ceci. Il est certain qu'il s'agit d'une industrie plus petite et plus diversifiée qui est présente d'un bout à l'autre du Canada. Le budget prévoit les mesures suivantes pour aider ce secteur : 80 millions de dollars sur deux ans pour le Programme des technologies transformatrices administré FPInnovations, institut de recherche forestière à but non lucratif; 40 millions en 2010-2011 pour mettre au point des projets pilotes de démonstration de nouveaux produits forestiers pouvant être utilisés dans des applications commerciales; 40 millions de dollars sur deux ans pour les programmes Produits de bois canadien, Valeur au bois et Le bois nord-américain d'abord; 10 millions sur deux ans pour appuyer des démonstrations de marketing à grande échelle de l'utilisation du bois à la canadienne pour la construction. Comme nous le savons, beaucoup de technologies nouvelles, dans les produits du bois, arrivent sur le marché.

(1455)

Le crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire et le programme d'écorénovation sont utiles pour aider les producteurs. Si nous pouvons encourager les propriétaires à participer au programme de rénovation domiciliaire, ils aideront beaucoup les industries du bois d'œuvre, de la forêt et de la fabrication de produits de bois au Canada.

Voilà les mesures proposées dans le budget. Et en plus des consultations, le premier ministre a rencontré ses homologues des provinces et les dirigeants des territoires à la mi-janvier. Ils ont abordé toutes ces questions. Comme les sénateurs le savent, cette réunion a permis aux premiers ministres de dégager une orientation claire : tous feront leur part afin que le Canada puisse s'affranchir de ses difficultés économiques.

LA CONDITION FÉMININE

L'ÉQUITÉ SALARIALE

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, en ce qui concerne les observations sur l'équité salariale, je ne vois pas à quoi m'en tenir après avoir écouté la réponse de madame le leader du gouvernement au Sénat. A-t-elle dit que, à cause des contestations portant sur l'équité salariale — puisqu'il faut parfois 10 ans au système judiciaire pour trancher —, il est préférable d'éliminer toute possibilité de contestation judiciaire?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Absolument pas. J'ai dit simplement qu'il faudrait aborder la question de l'équité salariale au moment des négociations collectives au lieu de contraindre les femmes à s'occuper de ces questions après et à attendre des années pour obtenir l'équité parce que leurs causes traînent en longueur devant les tribunaux. En fait, si la question est abordée dès le départ, comme cela se fait au Manitoba, au Québec et en Ontario, les femmes n'auront pas à suivre cet interminable processus avant d'obtenir l'équité salariale.

Le sénateur Cordy : Par le passé, le processus n'a pas servi les femmes particulièrement bien. Madame le sénateur veut-elle dire que si les femmes n'ont pas obtenu l'équité salariale au moment des négociations, c'est terminé et qu'elles ne peuvent pas contester?

Le sénateur LeBreton : Je n'ai jamais rien dit de tel. Le sénateur Cordy présume que ceux qui sont à la table de négociation — dont bon nombre représentent des groupes importants de femmes — ne négocient pas de bonne foi pour défendre les femmes. Je ne le présume aucunement.

L'honorable David Tkachuk : C'est exactement ce qu'elle dit.

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

L'ASSURANCE-EMPLOI

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, comment les femmes peuvent-elle faire confiance au processus de négociation collective puisque, l'automne dernier, le premier ministre a annoncé son intention de revenir sur les accords signés avec des syndicats du secteur public quelques jours auparavant? Comment quiconque pourrait-il croire la réponse du premier ministre?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Les accords ont été conclus grâce à la négociation collective. Le premier ministre et le gouvernement honorent les accords conclus entre l'État et ses employés.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, les femmes qui perdent leur emploi au Canada ont à peu près deux fois moins de chance que les hommes de toucher des prestations ordinaires d'assurance- emploi. La comparaison est particulièrement frappante lorsqu'il s'agit de mères célibataires.

Pourquoi le gouvernement a-t-il laissé passer, dans ce dernier budget, une autre chance d'assouplir les critères d'admissibilité à l'assurance-emploi de façon que les Canadiennes aient un accès plus juste aux prestations du régime?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous avons apporté des améliorations à l'assurance-emploi. Nous avons engagé plus de personnel. Nous avons réaménagé les charges de travail dans tout le Canada pour accélérer l'étude des dossiers. Le gouvernement a rappelé des retraités de Ressources humaines et Développement des compétences Canada pour absorber l'augmentation prévue de la charge de travail. De plus, les centres d'appel de l'assurance-emploi travaillent pendant le week-end.

Nous prenons beaucoup de mesures pour aider les chômeurs à avoir accès au régime. Quant aux statistiques citées par le sénateur, je vais me renseigner pour en vérifier l'exactitude.

Toutefois, le gouvernement travaille très fort dans le dossier de l'emploi et de la formation professionnelle. Beaucoup de femmes participent aussi aux programmes d'emploi et de formation.


(1500)

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LES DOUANES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable David Tkachuk propose que le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les douanes, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, la gestion de la frontière est un élément essentiel de la sécurité nationale du Canada. Une frontière efficace met en évidence nos forces et nos valeurs nationales et nous protège des menaces à notre sécurité et à notre liberté, tout en laissant la porte ouverte à la prospérité et à la diversité qu'offrent les relations internationales, le commerce et l'immigration.

C'est là une énorme responsabilité qui impose de maintenir constamment l'équilibre entre la sécurité et la facilitation, ce qui nécessite vigilance, innovation, coopération et flexibilité.

L'un des éléments essentiels pour parvenir à cet équilibre consiste à fournir aux agents des services frontaliers les pouvoirs, les moyens et les renseignements dont ils ont besoin pour prévoir et évaluer les risques. Les agents ont pour rôle d'interdire la frontière aux personnes et aux marchandises dangereuses le plus tôt possible dans leur déplacement, tout en facilitant les voyages et les échanges commerciaux légitimes.

Au cours des cinq dernières années, l'Agence des services frontaliers du Canada a mis au point l'un des régimes de gestion frontalière les plus robustes et les plus élaborés du monde, en adoptant une approche scientifique de l'évaluation et de la détection des risques. Cette approche a rendu la frontière plus « intelligente », plus sûre et plus ouverte au commerce.

Au cours des trois dernières années, le gouvernement a fait d'importants investissements destinés à améliorer la coopération frontalière et à resserrer la sécurité. Nous avons consacré plus de 500 millions de dollars à des initiatives qui moderniseront la sécurité et l'accès à la frontière. Nous sommes persuadés que nos ressources humaines et nos processus feront de notre frontière l'une des plus sûres et des plus efficaces du monde et que nos investissements nous permettront de rester à la hauteur des nouveaux défis que nous aurons constamment à relever.

Honorables sénateurs, en novembre 2007, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport intitulé Assurer la sécurité et l'ouverture de nos frontières, dans lequel elle formule un certain nombre de recommandations concernant l'évaluation des menaces et des risques. Nous nous sommes efforcés de donner suite à chacune de ces recommandations.

Le projet de loi dont nous sommes saisis permettra de régler certains problèmes en renforçant les systèmes destinés à obtenir des données préalables sur les marchandises et les personnes arrivant au Canada et en assurant une meilleure gestion des risques aux aéroports et aux ports maritimes. Cette mesure législative est essentielle pour optimiser la sécurité frontalière et faciliter le passage des personnes et des marchandises.

L'Agence des services frontaliers du Canada est chargée de l'application de la Loi sur les douanes, qui régit l'importation et l'exportation des marchandises. L'agence souhaite modifier certaines dispositions de la loi pour appuyer la stratégie du gouvernement en renforçant la sécurité frontalière et l'équilibre entre les mesures d'exécution et de facilitation.

Après les attentats du 11 septembre 2001, l'Agence des services frontaliers du Canada a renforcé la sécurité frontalière en mettant en œuvre des programmes d'évaluation des risques. Grâce à des outils d'évaluation perfectionnés, l'agence analyse les données préalables concernant les cargaisons, les équipages, les passagers et les moyens de transport afin de déceler les menaces avant l'arrivée au Canada.

La politique opérationnelle a évolué au point que deux programmes clés de sécurité frontalière — le Programme de l'information préalable sur les expéditions commerciales et les zones de contrôle des douanes — nécessitent des modifications législatives.

Le Programme de l'information préalable sur les expéditions commerciales est l'élément central de la stratégie de l'Agence des services frontaliers du Canada pour les expéditions commerciales. Il permet aux agents d'accéder à des données électroniques préalables sur les cargaisons pour qu'ils puissent reconnaître à temps les menaces à la santé et à la sécurité avant l'arrivée des marchandises au Canada.

L'initiative comporte trois phases. La première a été mise en œuvre en avril 2004. Elle consistait à obtenir des transporteurs des renseignements électroniques préalables sur les marchandises et les expéditions à destination du Canada. La deuxième a été réalisée en juin 2006. Elle portait sur les renseignements électroniques préalables relatifs aux marchandises expédiées par voie aérienne et aux expéditions maritimes en provenance des États-Unis. La troisième phase, celle du manifeste électronique, a pour but d'obtenir des renseignements préalables sur les équipages et les marchandises transportées par la route et par chemin de fer ainsi que des renseignements commerciaux supplémentaires provenant des transitaires, des importateurs ou de leurs courtiers pour tous les modes de transport.

À l'heure actuelle, seuls les propriétaires et les exploitants de moyens de transport sont tenus de transmettre des renseignements préalables. Cela crée des situations difficiles parce que les propriétaires et exploitants ne possèdent pas toujours les renseignements détaillés dont l'agence a besoin pour procéder à son évaluation des risques. Les transitaires qui possèdent des renseignements détaillés fournissent leurs données sur une base volontaire, sans qu'il soit possible de le leur imposer.

Les modifications mettent en œuvre la troisième phase, celle du manifeste électronique, et étendront cette exigence à tous les éléments de la chaîne, de l'importateur au transporteur, à l'agent et au transitaire. Cela permettra à l'agence de dresser un tableau complet des risques.

Les modifications répondront également aux préoccupations exprimées dans le rapport de la vérificatrice générale concernant les améliorations à apporter au système de gestion des risques frontaliers. Avec ces données, l'Agence des services frontaliers du Canada renforcera sa capacité d'évaluation des risques et sera mieux en mesure de cibler les expéditions les plus risquées tout en facilitant l'entrée des marchandises à faible risque.

En ce moment, les partenaires de la chaîne commerciale utilisent sur une base volontaire les échanges de données électroniques pour signaler 99 p. 100 des marchandises expédiées au Canada par chemin de fer. Il n'y aura par conséquent que très peu de répercussions sur les rapports que doivent produire les partenaires du mode ferroviaire. Le nombre est beaucoup plus petit dans le cas du transport routier, de sorte que le manifeste électronique n'accroîtra les exigences en matière de rapports que pour ceux qui ne fournissent pas déjà des données électroniques. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'industrie et les intervenants pour mettre au point les outils et les stratégies destinés à assurer une transition harmonieuse, économique et efficace aux nouvelles exigences en matière de rapports.

Honorables sénateurs, l'initiative du manifeste électronique donnera à l'agence les moyens de mieux déceler les expéditions dont le risque est inconnu ou élevé avant leur arrivée au Canada. Les modifications proposées contribueront donc à la lutte contre le crime et renforceront la sécurité des Canadiens. Il sera ainsi possible d'améliorer le processus d'importation, les clients qui se conforment aux exigences étant récompensés par un traitement rapide et prévisible qui réduira les retards et l'encombrement à la frontière. De plus, les ressources seront concentrées sur les personnes, les marchandises et les moyens de transport qui comportent le plus de risques pour la sécurité et la prospérité du Canada.

Le second élément des modifications concerne les zones de contrôle des douanes. Au départ, ce concept avait été mis au point pour combattre les conspirations internes et la criminalité organisée aux ports d'entrée. Toutefois, sa mise en œuvre a soulevé des difficultés attribuables aux contraintes législatives.

Les zones en question sont celles où se trouvent simultanément les marchandises et les voyageurs n'ayant pas passé la douane ainsi que les travailleurs locaux, comme l'aire de trafic des aéroports, les quais des gares maritimes, les entrepôts, les terminaux des navires de croisière, les gares de triage, et cetera.

Le risque se produit lorsque des éléments criminels soudoient des travailleurs locaux ou exercent des pressions sur eux afin de retirer de la drogue ou d'autres articles de contrebande avant que les agents des douanes n'examinent les cargaisons, les conteneurs ou les navires. En vertu des dispositions actuelles de la loi, les agents ne peuvent examiner les marchandises et fouiller les personnes qu'aux points de sortie des zones de contrôle des douanes. Les modifications leur permettront de le faire à l'intérieur des zones désignées, où la plupart des actes criminels sont commis.

Même si les personnes qui sortent d'une zone contrôlée sont actuellement tenues de s'adresser à un agent, le contrôle est très difficile sur le double plan opérationnel et économique parce que les travailleurs locaux peuvent constamment entrer et sortir pendant leur poste de travail. Même si elles sont principalement prévues pour les aéroports et les terminaux maritimes, des zones de contrôle des douanes peuvent également être établies dans les gares ferroviaires et les entrepôts où se trouvent des marchandises et des conteneurs non dédouanés.

Honorables sénateurs, les modifications proposées à la Loi sur les douanes permettront aux agents d'interroger les personnes présentes sur les motifs de leur présence dans la zone de contrôle et d'examiner de façon non intrusive — à l'aide de rayons X, par exemple — les marchandises qu'ils ont en leur possession. Les agents ne procéderont à des fouilles plus poussées que s'ils ont des motifs raisonnables pour le faire conformément aux règlements.

Ces modifications préservent les droits et libertés des Canadiens. Même si les voyageurs ont l'obligation de se présenter à l'agent et de répondre honnêtement à ses questions, la nécessité pour l'agent d'avoir des motifs raisonnables pour agir avant de pousser plus loin son interrogatoire ou sa fouille assurera une protection suffisante des droits et libertés.

(1510)

Honorables sénateurs, l'influence croissante du crime organisé est un thème qui revient souvent dans le rapport annuel du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense sur la sécurité dans les aéroports et terminaux portuaires canadiens. Le renforcement des zones de contrôle des douanes répondra à certaines des préoccupations à ce sujet.

On propose également d'autres modifications à la Loi sur les douanes qui renforceront davantage la sécurité frontalière. En vertu des programmes Information préalable sur les passagers et Dossier du passager, l'information sur les passagers aériens à destination du Canada est recueillie et analysée d'avance afin d'identifier ceux qui présentent un danger pour la sécurité.

Les renseignements recueillis dans le cadre du programme Information préalable sur les passagers comprend le nom du passager, sa date de naissance, sa citoyenneté ou sa nationalité et les données figurant sur ses documents de voyage, comme le passeport. Ceux recueillis dans le cadre du programme Dossier du passager comprend son itinéraire de voyage, son adresse et les renseignements d'enregistrement le concernant. Ces renseignements sont tirés des systèmes de contrôle des départs et de réservation des transporteurs aériens.

Actuellement, sous le programme Information préalable sur les passagers, les transporteurs sont tenus de fournir les données sur les passagers avant qu'ils n'atterrissent au Canada, ou encore dans un délai raisonnable après l'arrivée. Une des modifications clarifierait les exigences du programme en exigeant des transporteurs qu'ils soumettent les données sur les passagers et l'équipage avant leur arrivée au Canada. Bien que ces dispositions soient généralement respectées, elles permettront également une évaluation rapide du risque et combleront le vide juridique signalé dans le rapport de novembre 2007 de la vérificatrice générale.

Honorables sénateurs, comme les transporteurs sont déjà tenus de soumettre les données recueillies en vertu des programmes Information préalable sur les passagers et Dossier du passager à l'Agence des services frontaliers du Canada, les modifications législatives n'auront donc aucune incidence sur leurs opérations. D'ailleurs, l'information qu'ils soumettent à l'agence est celle qu'ils recueillent dans le cadre de leurs activités régulières. Les données sont protégées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Charte canadienne des droits et libertés. L'ASFC a consulté le commissaire à la protection de la vie privée et a mis en application de rigoureuses politiques et lignes directrices administratives afin d'assurer la protection des renseignements personnels, en régissant notamment la quantité de renseignements ainsi que leur collecte, leur accès, leur conservation et leur utilisation.

Honorables sénateurs, le projet de loi Bill S-2 propose également des modifications d'ordre administratif destinées à rendre la Loi sur les douanes conforme aux obligations du Canada en tant que signataire de l'Accord sur la mise en œuvre de l'article VII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994. Ces modifications contribueront à aligner la Loi sur les douanes sur l'Accord sur l'évaluation en douane de l'Organisation mondiale du commerce qui sert à établir la valeur en douane des marchandises importées.

Honorables sénateurs, certaines discordances entre les versions anglaise et française de la Loi, ce qui pose actuellement problème, seront également corrigées.

Ces modifications viennent appuyer des programmes préalablement approuvés par le Parlement. Des fonds ont été alloués à l'initiative du Manifeste électronique dans le budget de mai 2006. Pour ce qui est des zones de contrôle des douanes, des fonds ont été fournis dans le cadre de l'initiative gouvernementale en matière de sécurité publique et de lutte au terrorisme en 2001. Des modifications antérieures prévoyant la création de zones de contrôle des douanes ont été incorporées dans le projet de loi S-23, qui a reçu la sanction royale en octobre 2001.

Honorables sénateurs, l'Agence des services frontaliers du Canada a mené des consultations auprès d'associations commerciales et des transports telles que l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, la Société canadienne des courtiers en douane, l'Association des courtiers et intervenants frontaliers et la Canadian/American Border Trade Alliance. Ces organisations appuient les modifications proposées en vue de la mise en œuvre du Manifeste électronique en raison de l'efficacité globale des rapports électroniques par rapport aux rapports sur support papier. L'agence a également consulté son propre Comité consultatif sur les activités commerciales à la frontière, qui sert de tribune aux camionneurs, aux importateurs, aux exportateurs, aux transitaires, aux courtiers et aux exploitants d'entrepôts pour discuter du Manifeste électronique.

Des partenaires fédéraux comme la GRC, le SCRS et Transports Canada réservent un accueil favorable aux modifications relatives aux zones de contrôle des douanes, y voyant une importante amélioration aux fins de la lutte contre le crime organisé aux points d'entrée du Canada. Les autorités aéroportuaires considèrent le recours à des zones de contrôle des douanes comme une mesure de sécurité raisonnable. Les autorités portuaires reconnaissent le besoin de zones de contrôle des douanes à proximité des navires commerciaux et de croisière et en appuient l'idée comme moyen de faire obstacle aux activités criminelles liées aux frontières et aux complots internationaux qui sont de plus en plus courants.

Honorables sénateurs aucun rôle n'est plus fondamental pour le gouvernement que la protection de ses citoyens. Cette protection inclut la sécurité publique, mais elle va quand même bien au-delà. En effet, elle comprend la sécurité de l'économie et de la société dans son ensemble et la protection des droits et libertés des citoyens. En raison des menaces à la sécurité, nouvelles ou émergentes, ainsi que de l'environnement économique actuel, protéger nos frontières et faciliter la circulation entre les deux pays est à la fois un défi et une priorité pour le Canada.

Grâce à ces modifications, le gouvernement du Canada obtiendra davantage de renseignements, de meilleurs renseignements, pour améliorer l'évaluation des risques, pourra compter sur des pouvoirs accrus pour détecter et combattre les activités illégales et le crime organisé, en plus de pouvoir ainsi rehausser la sécurité et l'efficacité de notre commerce international.

Honorables sénateurs, ce projet de loi a une importance critique du point de vue de notre capacité de relever les défis inhérents à la sécurité et à la prospérité du Canada dans ce monde où nous vivons, qui évolue rapidement. Je vous exhorte donc à adopter rapidement ce projet de loi.

L'honorable Terry M. Mercer : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tkachuk : Je ne promets pas de répondre, mais il va de soi que le sénateur peut poser sa question.

Le sénateur Mercer : De ce côté-ci, nous sommes plutôt habitués à ce que nos questions restent sans réponse.

Voici un important projet de loi. Je n'ai pas l'intention de révéler à ce stade si je suis pour ou contre, mais la nature du projet de loi m'intrigue.

Le sénateur n'a peut-être pas la réponse à cette question, mais il pourrait peut-être nous informer des intentions du gouvernement en ce qui concerne le choix du comité qui sera saisi de ce projet de loi, soit le Comité de la sécurité nationale et de la défense, le Comité des transports et des communications ou encore le Comité des finances nationales. C'est un projet de loi qui touche à bien des domaines différents. Le sénateur Tkachuk connaît mon intérêt pour les opérations du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Il pourrait peut-être nous donner une idée du comité auquel sera renvoyé le projet de loi, selon lui.

Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas quel comité en sera saisi car cela n'a pas encore été déterminé. Il s'agit d'un enjeu important. C'est pourquoi le comité plénier serait probablement le plus à même d'en discuter.

L'honorable Tommy Banks : Ce n'est peut-être pas là une question à laquelle le sénateur pourra répondre spontanément, mais j'espère quand même qu'il le fera.

Je constate que, selon la dernière partie de la modification proposée par l'article 17 du projet de loi : « L'incorporation par renvoi d'un document dans un règlement ne lui confère pas, pour l'application de la Loi sur les textes réglementaires, valeur de texte réglementaire. » Le sénateur est-il en mesure de nous dire, ou peut-il vérifier, quel est l'effet de cette disposition pour ce qui est de l'examen auquel ces documents peuvent être assujettis?

Le sénateur Tkachuk : Je suis en mesure de répondre à la question. Cependant, lorsque nous renverrons le projet de loi au comité, je suis certain que le sénateur pourra poser cette question aux juristes qui comparaîtront devant nous.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Tkachuk concernant l'aspect de la gestion de part et d'autre de la frontière entre le Canada et les États- Unis. Il s'agit de savoir si le projet de loi à l'étude améliore la situation ou l'empire.

Nous savons maintenant que la nouvelle secrétaire à la Sécurité intérieure — l'ancienne gouverneure Janet Napolitano — a fait sa première déclaration. À première vue, la déclaration semble montrer plus d'intransigeance que les déclarations antérieures de la part de l'ancien secrétaire Michael Chertoff, qui adoptait déjà lui-même une attitude assez dure sur ces questions. A-t-on tenu compte du projet de loi S-2 dans les discussions avec nos homologues des États-Unis? Nous ont-ils fait savoir si ce projet de loi sera utile ou nuisible aux transactions transfrontalières?

Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas quelles consultations ont eu lieu. Selon moi, ce projet de loi vise à protéger nos frontières. Nous avons certainement consulté les groupes d'affaires canado- américains qui utilisent la frontière. Jusqu'à maintenant, la mesure bénéficie de leur appui. Il me semble que ce sont les interlocuteurs les plus valables sur cette question.

Le sénateur Grafstein : S'agit-il de la Canadian/American Border Trade Alliance?

Le sénateur Tkachuk : J'ai participé à l'une de leurs conférences à Washington.

Le sénateur Grafstein : La deuxième question a trait aux effectifs à la frontière. Nous avons découvert, à notre grand étonnement, que lorsqu'ils ont mis en œuvre de nouvelles mesures visant à faciliter et accélérer les transactions et les passages aux postes frontaliers, les Américains n'ont pas prévu des effectifs en nombre suffisant à la frontière, de sorte que les temps d'attente ont été longs. Le gouvernement du Canada a-t-il affecté les budgets nécessaires pour assurer des effectifs suffisants à la frontière, de manière à ce que les nouvelles dispositions concernant l'information n'entraînent pas des retards?

(1520)

Le sénateur Tkachuk : Nous espérons que, grâce à la modification proposée, il faudra moins de ressources humaines, simplement parce que l'information est demandée à l'avance. Nous voulons substituer l'information électronique à l'information sur papier. Nous avons toujours des débats sur les besoins en ressources humaines. Pourtant, plus il y a de personnel à la frontière, moins il y a d'efficacité. J'espère que, grâce à des logiciels et à la nouvelle technologie, nous pourrons assurer la sécurité de notre pays et accélérer le passage des voyageurs et des marchandises à la frontière.

L'honorable Peter A. Stollery : L'expression « zones de contrôle des douanes » m'a rappelé un incident auquel j'ai été mêlé au Peace Bridge, à Fort Erie. Je profite de l'occasion pour signaler le problème au Sénat.

L'incident ne s'est pas produit quand j'ai traversé le pont, mais lorsque je me suis rendu chez Tim Hortons pour prendre un café. Lorsque je suis revenu, on m'a informé que je me trouvais dans une zone de contrôle des douanes. Rien n'indiquait que j'étais entré dans une telle zone. J'ai répondu : « Je ne suis allé nulle part, et je n'ai rien à montrer à qui que ce soit. »

Ce genre d'incident m'est arrivé trois fois. Je ne dis pas que cela se produit à tous les passages frontaliers. Je me trouvais du côté canadien du Peace Bridge, à Fort Erie. Je veux obtenir l'assurance que, si nous voulons mieux organiser ces déplacements — car je présume que c'est le but du projet de loi —, nous nous attaquerons à ce genre de problème et que les autorités tireront les choses au clair.

Le sénateur Tkachuk : C'est la première fois que j'entends parler de ce problème. Il me serait donc difficile de répondre. Je suis sûr que le sénateur pourra poser la question au ministre lorsqu'il comparaîtra.

L'honorable Hugh Segal : J'ai une question complémentaire. Je remarque que le projet de loi ne prévoit aucune disposition de dérogation à la Charte des droits et libertés. Je présume que les avocats de la Couronne ont étudié le texte et conclu que le projet de loi n'enfreignait pas, par inadvertance ou autrement, la Charte canadienne des droits et libertés ou n'imposait pas des droits de perquisition et de saisie qui violent les droits des citoyens canadiens. Le sénateur peut-il s'engager à communiquer au Sénat ou au comité compétent, le moment venu, les avis écrits que le procureur général a remis au ministre, son collègue, de sorte que les sénateurs soient rassurés à ce point de vue?

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, je ne peux pas prendre cet engagement, mais je vais transmettre la question au ministre.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Ethel Cochrane propose que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'efficacité énergétique, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est pour moi un plaisir de vous parler aujourd'hui du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'efficacité énergétique.

Certains sénateurs se rappelleront peut-être que j'ai parlé de la même question en juin dernier. Le projet de loi s'est rendu à l'étape de la deuxième lecture au cours d'une session antérieure, mais il est resté en plan au Feuilleton au moment du déclenchement des dernières élections. Il est maintenant présenté de nouveau sous le numéro S-3.

On ne saurait surestimer l'importance du texte proposé. Pour l'essentiel, il adapte au nouveau millénaire la Loi sur l'efficacité énergétique, qui a déjà vieilli.

Depuis la présentation de la loi initiale, en 1992, des changements technologiques et sociaux majeurs sont survenus. On peut même dire que nombre de nouveaux produits qui sont rapidement devenus chose courante dans nos foyers n'y étaient pas mentionnés.

Il suffit de considérer les produits électroniques courants et notre utilisation relativement récente de gadgets comme des téléphones portables, des téléphones intelligents, des iPods et des ordinateurs portables. La Loi sur l'efficacité énergétique sera mise à jour si on en étend l'application à ces produits.

Bien entendu, il ne sert à rien d'actualiser la loi si les consommateurs n'ont pas l'information voulue pour prendre des décisions d'achat judicieuses et éclairées.

La loi existante reconnaît cette nécessité également, et c'est pourquoi un étiquetage indiquant la consommation d'énergie est exigé sur des produits comme les machines à laver, les sécheuses, les réfrigérateurs et les climatiseurs.

Dans les modifications proposées ici, on reconnaît aussi l'importance de l'étiquetage et vise à l'améliorer quelque peu. Ainsi, aux termes de la loi actuelle, le gouvernement ne peut imposer des règlements que par produit. En revanche, le projet de loi S-3 autorise le gouvernement à réglementer des catégories de produits.

Concrètement, quels seront les effets de ce pouvoir? Il sera possible de simplifier le processus et d'assurer une plus grande clarté, car un seul règlement vaudra pour des catégories entières de produits. Il importe de signaler également que ces produits englobent ceux qui ont toujours été considérés comme des consommateurs d'énergie et ceux qui influencent ou contrôlent la consommation d'énergie. Un exemple évident de ce dernier type de produit est le thermostat.

Des mesures comme celles-là visent à aider les Canadiens et les entreprises canadiennes à réduire leur consommation d'énergie et à alléger leurs factures énergétiques. La diminution de la consommation est bonne pour l'économie, bonne pour le consommateur et bonne pour l'environnement.

J'ajoute que les modifications proposées dans le projet de loi découlent de l'examen, effectué par nos collègues de l'autre endroit, du projet de loi C-30, qui comprenait des dispositions relatives à la Loi sur l'efficacité énergétique. Ils ont fait cette étude au cours de la première session de la 39e législature.

Les modifications présentées dans le projet de loi S-3 comprennent des propositions avancées par l'opposition au cours de l'étude du projet de loi C-30. L'une de ces propositions prévoyait un préambule affirmant que le gouvernement du Canada « est résolu à assurer l'amélioration constante de l'efficacité énergétique dans tous les secteurs de l'économie canadienne ».

Honorables sénateurs, nous appuyons cet énoncé, qui figure maintenant dans le préambule du projet de loi.

Nous avons également pris bonne note de la proposition de l'opposition voulant que les normes d'efficacité énergétique du Canada soient aussi complètes et rigoureuses que celles des États- Unis et du Mexique. Le projet de loi impose au gouvernement l'obligation de remettre régulièrement au Parlement des rapports pour faire le point sur notre situation à cet égard.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-3 est conforme à l'approche globale que le gouvernement a retenue pour combattre les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Il a souvent été dit que la plus importante source d'énergie inexploitée au Canada était l'énergie que nous gaspillons quotidiennement. C'est plus important que la production des sables bitumineux, plus important que toutes nos autres sources d'énergie.

Malheureusement, cette énergie se gaspille souvent parce que les consommateurs ne sont pas au courant d'autres possibilités qui seraient préférables. Imaginons combien d'argent les familles canadiennes pourraient économiser si nous les aidions en leur proposant des outils pour réduire leur consommation d'énergie. Imaginons les bienfaits pour l'environnement, si nous arrêtions de gaspiller tant d'énergie au quotidien.

Notre expérience passée montre que, en imposant des normes minimums de rendement énergétique, nous pouvons réussir de façon extraordinaire à réduire la consommation d'énergie.

(1530)

Pour mettre en évidence ce point, honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur l'exemple irréfutable des appareils électroménagers. Lorsque la première Loi sur l'efficacité énergétique a été déposée, il y a 17 ans, elle était essentiellement axée sur les gros appareils électroménagers. Si on examine les données chronologiques, on constate qu'entre 1990 et 2005, l'utilisation de ces appareils a augmenté de 38 p. 100 tandis que leur consommation totale d'énergie baissait de 17 p. 100. Il est évident qu'en établissant des normes de rendement énergétique pour ces produits et en donnant aux consommateurs canadiens les renseignements dont ils ont besoin grâce à des programmes d'étiquetage comme ÉnerGuide et Energy Star, nous avons beaucoup avancé sur la voie des objectifs canadiens relatifs aux changements climatiques.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-3 nous permettra d'aller beaucoup plus loin en concentrant nos efforts sur les produits d'utilisation courante. En réduisant leur consommation d'énergie, nous gagnons sur tous les plans. Cela contribue non seulement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi à donner aux Canadiens la possibilité de réaliser des économies monétaires. En éliminant les gaspillages d'énergie dans la vie courante, nous pourrons consacrer l'énergie économisée à d'autres fins. En même temps, des coûts d'énergie moindres assureront des économies aux consommateurs et aux entreprises du Canada.

Honorables sénateurs, c'est en fait la raison pour laquelle le projet de loi S-3 est important. Il donne au gouvernement les pouvoirs dont il a besoin pour continuer à établir des objectifs qui nous font gagner sur tous les plans et à élaborer des normes, règlements et exigences d'étiquetage correspondant aux réalités du marché et des technologies d'aujourd'hui.

Beaucoup de changements et de progrès sont survenus depuis l'adoption de la première loi. Aujourd'hui, nous disposons de produits et de technologies que plusieurs d'entre nous auraient difficilement imaginés en 1992. Le marché d'aujourd'hui est inondé de technologies extraordinaires en évolution constante qui peuvent plaire tant aux consommateurs éclairés qu'aux technophobes. Toutefois, même en présence de ces changements, certaines choses restent les mêmes, comme nos principes directeurs et notre engagement à progresser.

Comme la loi de 1992, le projet de loi S-3 est conçu pour atteindre trois objectifs : premièrement, créer un système national de normes de rendement énergétique et d'exigences d'étiquetage réglementées; deuxièmement, compléter les régimes provinciaux; troisièmement, harmoniser les normes canadiennes avec celles d'autres pays. Ces principes demeurent au centre de ce que nous nous efforçons de réaliser.

Honorables sénateurs, en 1992, la première Loi sur l'efficacité énergétique nous a donné une nouvelle orientation en dotant le Canada de quelques-unes des normes les plus élevées du monde en matière de rendement énergétique. Les modifications prévues dans le projet de loi S-3 réaffirment l'engagement du gouvernement envers les principes de cette loi et sa détermination à l'actualiser de façon à refléter les réalités actuelles.

Lorsque le premier règlement a été adopté en vertu de la loi en 1995, il comprenait des normes pour les appareils électroménagers courants, les appareils de chauffage domestiques et certains équipements commerciaux et industriels. Aujourd'hui, nous avons en place des normes de rendement énergétique touchant plus de 30 produits, des normes qui sont devenues de puissants outils et ont permis d'aboutir à des résultats. En fait, un peu partout dans le monde, les gouvernements ont commencé à les adopter comme moyens de lutte contre les changements climatiques.

Au fil des ans, le Canada a été un chef de file mondial dans l'utilisation des normes de rendement énergétique. Nous voulons garder ce rôle. En octobre 2006, le gouvernement a annoncé qu'il avait intention d'ajouter 20 autres articles à la liste des produits devant être conformes à des normes minimales de rendement énergétique. Les articles en cause vont des machines commerciales à laver le linge et la vaisselle aux ampoules incandescentes et fluorescentes et aux chargeurs de téléphones portables.

Nous renforçons également les normes existantes relatives à 10 autres produits. L'un des groupes de produits inclus comprend, par exemple, les appareils électroniques qui fonctionnent en mode de veille. Comme les sénateurs le savent sans doute, beaucoup des appareils électroniques que nous utilisons tous les jours ne sont pas vraiment éteints lorsqu'on finit de les utiliser. Ils sont maintenus en état de veille et continuent donc à consommer de l'énergie. Ces produits sont très nombreux. Ils comprennent par exemple les ordinateurs, les chargeurs, les chaînes stéréophoniques, les télés et les micro-ondes. Même s'il peut sembler plus simple de débrancher ces appareils, ce n'est pas toujours possible car on peut alors modifier leur mémoire ou leur programmation.

Toutefois, les sénateurs seraient probablement — comme moi — très surpris d'apprendre que ces produits consomment une quantité non négligeable d'énergie. D'après les chiffres de Ressources naturelles Canada, les appareils en mode de veille peuvent consommer jusqu'à 10 p. 100 de l'ensemble de l'électricité utilisée par les ménages canadiens. En fait, les estimations de l'Office de l'efficacité énergétique de Ressources naturelles Canada établissent ce qui suit :

[...] que, si tous ces produits consommaient une quantité d'énergie minimale en mode veille, le ménage canadien type économiserait au moins 35 dollars par an sur les coûts d'électricité et que, dans tout le pays, on économiserait une quantité d'électricité équivalant à la consommation de plus de 300 000 ménages.

Cet extrait est tiré d'un rapport de l'office.

De toute évidence, d'importantes économies peuvent découler de la réduction de l'énergie consommée par les appareils qui fonctionnent en mode de veille. Ce projet de loi nous permettra de traiter ces produits d'une manière efficace. Il fera également du Canada l'un des premiers pays du monde à élaborer des normes complètes régissant l'énergie consommée en mode de veille.

Honorables sénateurs, les modifications proposées nous permettront essentiellement d'établir des normes à l'égard d'un plus grand nombre de produits qui consomment de l'énergie ou — ce qui est également très important — qui agissent sur la consommation d'énergie, comme les thermostats. Avec la mise en œuvre de tous les changements que nous envisageons, notre pays continuera d'être un chef de file sur le plan du nombre de produits dont le rendement énergétique est réglementé.

Autre aspect important du projet de loi, le ministre des Ressources naturelles sera tenu de présenter tous les trois ans au Parlement un rapport sur les progrès enregistrés en matière de rendement énergétique. Ces rapports permettront aux parlementaires de se tenir au courant de l'état de nos normes et de la façon dont elles se comparent à celles d'autres provinces et pays d'Amérique du Nord sur le plan de la rigueur et de l'exhaustivité.

Je voudrais conclure en encourageant tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi S-3. Ce faisant, ils montreront leur engagement envers le rendement énergétique, les choix éclairés des consommateurs, les économies d'énergie des familles et des entreprises, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la rationalisation des processus énergétiques.

Honorables sénateurs, je crois que ce projet de loi aura des répercussions positives sur tous les Canadiens. Il garantira au Canada son rôle de chef de file mondial dans la promotion et la réglementation des normes de rendement énergétique.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : J'espère que madame le sénateur acceptera de répondre à quelques questions sur ce projet de loi aux multiples ramifications.

Premièrement, parmi les produits manufacturés qui consomment de l'énergie, quel pourcentage est fabriqué au Canada et quel pourcentage est importé?

Le sénateur Cochrane : Je ne peux pas répondre tout de suite à cette question, mais je peux obtenir ces renseignements pour l'honorable sénateur.

Le sénateur Grafstein : Les questions que soulève ce projet de loi sont assez détaillées.

Deuxièmement, quand on parle de l'énergie nécessaire pour fabriquer des produits, je suppose que cela comprend les véhicules automobiles, n'est-ce pas?

Le sénateur Cochrane : Toutes ces questions seront abordées lors de l'examen du projet de loi au comité. Il sera alors possible de convoquer le ministre et les fonctionnaires qui peuvent répondre à ces questions très précises.

Le sénateur Grafstein : Il est important de savoir si cela s'applique aux véhicules automobiles parce qu'une disposition du projet de loi dit que, tous les trois ans, il faudra établir si les produits utilisés au Canada sont conformes aux normes les plus rigoureuses des États- Unis. Ainsi, si la Californie avait des normes plus rigoureuses en matière de consommation d'énergie et de pollution, le gouvernement fédéral serait tenu de choisir les normes les plus strictes. Est-ce bien là l'intention de cette mesure législative?

(1540)

Le sénateur Cochrane : L'intention est de mettre à jour les normes canadiennes en matière d'efficacité énergétique et tous les éléments connexes afin que le Canada demeure un chef de file dans ce domaine. Voilà le but global de cette mesure législative. Nous nous pencherons sur la question et effectuerons une analyse dans trois ans pour voir comment nous progressons.

L'honorable Joseph A. Day : J'ai une question à poser au sénateur Cochrane et une suggestion à lui faire, si elle est disposée à répondre à ma question.

D'entrée de jeu, je félicite madame le sénateur de son intervention fort claire sur le projet de loi S-3 sur l'efficacité énergétique. Le sénateur a fait mention des exigences de rapport qui aideraient les parlementaires et je constate que l'article 6 de la loi prévoit un rapport aux trois ans. En vertu du paragraphe 2, le ministre est tenu de faire une comparaison avec d'autres pays pour évaluer la rigueur de nos normes.

J'ai également examiné l'article 7, qui exige la préparation d'un autre rapport quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi. Madame le sénateur notera que l'article 6 prévoit un rapport triennal régulier alors que l'article 7 — qui correspond au nouvel article 37 de la loi actuelle — ne fixe qu'une échéance temporelle, si j'ai bien compris. Je me demande s'il s'agit d'une erreur. Madame le sénateur souhaite peut-être porter cette question à l'attention du ministère pour voir s'il devrait plutôt être question de rapport aux quatre ans.

Le sénateur Cochrane : Je remercie le sénateur Day de me signaler la chose. Son observation est tout à fait pertinente. J'ai moi aussi un exemplaire du projet de loi. Soyez assurés qu'on se penchera sur la question et je suis convaincue que le sénateur sera heureux d'avoir une réponse.

Le sénateur Prud'homme : Nous vous faisons confiance.

L'honorable Tommy Banks : J'aimerais poser une question au madame le sénateur Cochrane. Je félicite moi aussi madame le sénateur de la présentation qu'elle a faite concernant le projet de loi. De toute évidence, il s'agit d'une mesure qui vise un objectif louable et elle est opportune.

Pour ce qui est des rapports dont vient de faire mention le sénateur Day, madame le sénateur pourrait-elle nous dire si, dans le projet de loi initial — que vise à modifier le projet de loi S-3 —, ces rapports doivent être présentés aux deux Chambres du Parlement?

Le sénateur Cochrane : Je pourrais me tromper, mais je crois bien que si.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

LE BUDGET DE 2009

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Michael Duffy, avis ayant été donné par le sénateur Comeau, le 28 janvier 2009 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le budget intitulé Le plan économique du Canada, déposé à la Chambre des communes le 27 janvier 2009 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 28 janvier 2009.

Honorables sénateurs, après toute une vie passée en radiodiffusion, je ne pensais pas avoir des papillons dans l'estomac, mais je dois pourtant vous avouer que j'en ai aujourd'hui alors que je prononce mon premier discours au Sénat du Canada.

Je suis ravi d'avoir cette occasion de servir les Canadiens et je tiens à remercier le premier ministre Stephen Harper de m'avoir fait cette offre. Je ne cherchais pas à occuper ce poste, mais il s'agit d'un défi que j'accepte avec enthousiasme.

Il n'a pas été facile pour moi de choisir de me réorienter après une longue carrière en journalisme. J'ai d'abord hésité, puis j'ai pensé à tout ce que mes amis dans cette assemblée ont pu accomplir au cours des dernières années, et la liste est impressionnante. J'ai pensé au Dr Keon et à son travail en ce qui concerne le système des soins de santé du Canada, à madame le leader du gouvernement au Sénat et à ce qu'elle fait pour le secteur bénévole en ce qui a trait à l'organisme Les mères contre l'alcool au volant, au sénateur Kenny et au sénateur Meighen, qui interviennent dans les questions qui touchent la défense nationale, au sénateur Fairbairn, qui œuvre dans le domaine de l'alphabétisation. La liste est encore longue. Après avoir réfléchi à tout cela, je me suis dit que c'était peut-être ma chance de faire un travail différent pour aider à bâtir un meilleur pays.

Rétrospectivement, je n'étais pas un de ces journalistes qui se sentent investis de la mission sacrée de « changer le Canada ». J'ai grandi à l'Île-du-Prince-Édouard avec l'idée traditionnelle qu'il ne revient pas aux journalistes, mais bien aux parlementaires de changer le Canada. À titre de journaliste, je m'employais à « expliquer » le gouvernement aux gens, à jeter la lumière sur les aspects les moins connus de la politique publique et à donner à ceux qui n'étaient pas en vue l'occasion de se faire entendre.

À la télévision, je me suis toujours efforcé d'accorder du temps aux pauvres, aux anciens combattants et aux aînés, bref à tous ceux dont la cause est négligée par les grands médias. Ces derniers s'intéressent aux grands dossiers; ils font la chasse à la nouvelle du jour. J'espère pouvoir faire de même ici pour tous ceux qui n'ont pas de voix.

Si je regarde en arrière, je constate que ça a été une aventure extraordinaire. Dans la famille Duffy, on parlait toujours de politique. Mon père et ma mère s'intéressaient aux affaires courantes. En fait, ma mère, qui a 91 ans et tous ses esprits, regarde tout ce qui se passe sur la Colline du Parlement avec beaucoup d'intérêt et un esprit très critique. Je ne peux répéter certaines des choses qu'elle a dites à propos de George Bush.

Feu mon grand-père, Charles Gavan Duffy, a été député provincial libéral et Président de l'Assemblée législative de l'Île- du-Prince-Édouard dans les années 1920.

Le sénateur Segal : On vous pardonne.

Le sénateur Duffy : Le meilleur reste à venir. Comme de nombreux bons avocats libéraux, il est finalement devenu juge. Il était — comme certains de nos collègues ici — extrêmement loyal envers le Parti libéral du Canada. À quel point, diriez-vous? Dans le bureau de mon grand-père, il y avait un coffret de disques RCA Victor 78 tours sur lesquels étaient enregistrés les plus grands succès de Mackenzie King : ses plus célèbres discours. Comme le savent les sénateurs qui ont entendu M. King parler, on voit l'intérêt que mon grand-père pouvait porter à la fédération libérale puisqu'il est allé jusqu'à acheter cette collection. En ce qui concerne l'éloquence, M. King n'était pas Winston Churchill.

Mon grand-père maternel, Peter McCarron, était chef de train pour le CN et un conservateur tout aussi convaincu. Cette situation donnait lieu à de grandes discussions entre mes deux grands-pères.

Le sénateur Prud'homme : Vous devriez siéger comme indépendant.

Le sénateur Duffy : Le sénateur Prud'homme m'invite à joindre son parti, le parti indépendant.

Ma chère Île-du-Prince-Édouard est le genre d'endroit où tout le monde connaît l'allégeance politique de tout le monde, ou du moins croit la connaître. Dans de nombreuses sociétés, les divergences politiques de ce genre engendrent des conflits civils. Dieu merci, ce n'est pas le cas au Canada. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous faisons preuve de tolérance à l'égard du point de vue des autres, ce qui nous permet de vivre dans une société caractérisée par la cohésion. Nous avons un sain respect pour les opinions des autres même si, de temps à autre, nous croyons qu'ils ont tort.

J'ai tenté d'aborder mon travail de journaliste avec le même sentiment d'équilibre et d'équité qui m'avait été inculqué pendant mon enfance. Les écoles de la province peuvent compter sur d'excellents enseignants. Lors de mes études au parcours plutôt irrégulier, j'ai reçu l'aide d'enseignants qui m'ont encouragé à approfondir mon intérêt pour la politique et la presse électronique. Grâce à feu Tom Bradley, j'ai acquis une passion pour l'histoire et la politique canadiennes. Ses collègues plus jeunes, Mike Hennessey et Brian McCallum, m'ont encouragé à faire carrière dans le monde de la radiodiffusion, tout comme Helen MacDonald, qui a produit ma première émission de télévision en 1962. Inutile de dire que c'était en noir et blanc.

Les sénateurs se souviendront de son fils, David MacDonald, un membre du Conseil privé de la Reine qui a, pendant longtemps, occupé un poste de ministre à l'autre endroit.

Les personnalités politiques de premier plan n'étaient jamais avares de leur temps avec un jeune reporter des Maritimes qui se voulait prometteur. J'ai beaucoup appris, et vous pouvez comprendre cela comme vous le voulez, du « Chef » Diefenbaker.

Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 1965 alors que je n'étais qu'un jeune reporter de 18 ans, et j'ai interviewé M. Diefenbaker dans son train de campagne qui l'emmenait de Amherst à Truro, en Nouvelle-Écosse.

(1550)

C'est l'honorable Bob Coates, qui a pendant des années représenté le comté de Cumberland à titre de député et qui est par la suite devenu le ministre canadien de la Défense nationale, qui m'avait fait monter dans ce train. L'entrevue de M. Coates a été pour moi la première occasion de rencontrer John Diefenbaker, mais ce ne fut pas la dernière. Il m'a même téléphoné 24 heures avant sa mort et nous avons parlé pendant 45 minutes. Je me souviens qu'il m'a dit alors : « Dis donc mon grand, tu ne viens plus jamais me rendre visite. »

Je vais vous parler de cette première entrevue avec « le Chef » et de l'incroyable impression que cette entrevue a faite sur moi. J'étais très impressionné parce que j'avais entendu dire que M. Diefenbaker avait été membre de l'Association du Barreau canadien aux côtés de mon grand-père, et il semblait tout connaître de la famille Duffy : « Ah, ces libéraux, ils sont tous libéraux à l'Île-du-Prince-Édouard. » Ce n'est que plus tard que j'ai compris que « le Chef » avait été mis au courant de tout cela par Bob Coates et qu'il m'avait soumis au traitement Diefenbaker classique.

Les conservateurs ont été aux commandes en 1967, puis, tel un dieu, Pierre Trudeau a été porté au pouvoir en 1968. Je suis arrivé sur la Colline après les élections de 1972, lors desquelles feu Robert L. Stanfield est passé très près de devenir premier ministre du Canada : il lui manquait deux sièges. À cette époque, M. Diefenbaker m'invitait souvent à aller prendre une tasse de café à son bureau — un vrai professeur de science politique. Il était incomparable. Il était un partisan fier de l'être, mais il savait reconnaître le talent politique. Malgré les propos qu'il tenait en public, M. Diefenbaker admirait, aussi incroyable que cela puisse paraître, deux libéraux en vue dont il parlait souvent. Le premier était le très honorable Pierre Trudeau, sur qui il émettait des doutes en public, mais qu'il tenait en très haute estime en privé. Le second était le sénateur Fox, qui ne manquera pas, j'en suis sûr, de lire ceci dans le hansard. Il tenait le sénateur Fox en haute estime et, pour tout vous dire, il avait prédit que ce dernier deviendrait un jour premier ministre du Canada.

Pendant que je travaillais à la radio de la CBC dans les années 1970, Pierre Trudeau demandait parfois à ses attachés de presse : « Avez-vous entendu Duffy Kravitz à l'émission The World at 8? Il avait d'autres Bryce Chrispies ». M. Trudeau faisait bien sûr allusion au jeune personnage fougueux du roman de Mordecai Richler et à l'honorable Bryce Mackasey, que l'on supposait généralement être le ministre qui me tenait au courant de ce qui se passait au sein du Cabinet fédéral.

Le sénateur Prud'homme : Et c'était la vérité.

Le sénateur Duffy : Les journalistes ne révèlent jamais leurs sources, sénateur.

Je m'en voudrais toutefois de ne pas mentionner l'honorable Dan MacDonald, un héros de guerre qui a été ministre provincial et fédéral et ministre des Anciens Combattants. Si on lit entre les lignes, c'est la générosité de Dan MacDonald à l'endroit d'un jeune journaliste, compatriote prince-édouardien, qui m'a permis de révéler certaines des histoires les plus juteuses de l'époque, ce qui a entraîné mon passage de la radio à la télévision de la CBC et m'a permis de causer autant de trouble depuis. La veuve de Dan, Pauline, et sa grande famille prennent toujours une part active dans la vie de l'île. Je ne l'oublierai jamais.

Au fil des ans, j'ai eu une place de choix pour assister à nombre de batailles politiques et j'ai beaucoup appris sur le leadership en politique. J'ai assisté à la lutte entre Dalton Camp et John Diefenbaker au milieu des années 1960. C'est à ce moment que j'ai rencontré plusieurs de nos collègues sénateurs, y compris le sénateur Segal, le sénateur Atkins et le sénateur Murray. Évidemment, madame le leader du gouvernement au Sénat était restée neutre, mais elle était là elle aussi.

Dans les années 1970 et 1980, ce fut Brian Mulroney contre Joe Clark sous diverses formes, puis Jean Chrétien contre John Turner. Enfin, il y a eu l'attaque sans précédent de Paul Martin contre un premier ministre distingué, Jean Chrétien, qui avait été élu à la tête de trois gouvernements majoritaires successifs, exploit que même le grand Pierre Trudeau n'avait jamais accompli. Les partisans de Paul Martin l'ont tout de même renversé.

Je mentionne ces batailles, car elles m'ont appris qu'on ne peut pas être un chef accompli si on n'a pas un jugement politique solide et le courage de prendre des décisions difficiles devant une opposition déterminée.

Je suis ici aujourd'hui pour dire aux sénateurs — c'est ici que commence la partie difficile — que Stephen Harper a à la fois ce jugement et ce courage. Je crois qu'il a un bon plan économique pour la période difficile que nous traversons. D'aucuns se lamentent, mais ce Plan d'action économique fait davantage pour un plus grand nombre dans un plus grand nombre de régions du Canada que tout budget dont j'ai souvenir.

Avant d'éteindre mon BlackBerry j'ai lu un message de mon adjoint à l'Île-du-Prince-Édouard qui me rappelle de ne pas oublier de dire à quel point la petite entreprise est chère à cette province. La petite entreprise représente 60 p. 100 de l'ensemble de l'activité économique de l'île. Les petites entreprises se sont multipliées sur l'île et mon adjoint m'a signalé que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a émis un communiqué dans lequel elle louange le gouvernement pour les mesures qu'il a prises pour la petite entreprise.

Un des aspects du Plan d'action économique qu'on passe sous silence, c'est l'accent qu'il met sur les jeunes entrepreneurs. Le gouvernement fédéral investit 30 millions de dollars sur deux ans dans le Réseau Entreprises Canada, puis 10 millions de dollars en 2009-2010 dans la Fondation canadienne des jeunes entrepreneurs. En outre, le gouvernement fédéral créera un groupe de travail indépendant qui aura pour mandat de formuler des recommandations en vue de l'établissement d'une stratégie nationale en matière de connaissances financières de base. Voilà le type d'idées innovatrices qui aidera les jeunes à comprendre les rouages de l'économie canadienne et à mieux se préparer pour les carrières qu'ils choisiront.

Honorables sénateurs, je vous prie d'ignorer les champions de la grogne de la côte Est, particulièrement le premier ministre de Terre- Neuve-et-Labrador qui, je crois, ne fait aucune faveur aux Terre- Neuviens et aux Labradoriens en lançant les attaques personnelles qu'il a lancées ces dernières années ou en faisant des commentaires qui décrivent les Terre-Neuviens, qui sont des gens parmi les plus généreux, bienveillants et dévoués qui soient, comme des êtres cupides et égoïstes. Ces commentaires sont indignes des formidables habitants de Terre-Neuve-et-Labrador.

Honorables sénateurs, j'ai été déçu de voir que le dynamique jeune premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, Robert Ghiz, a fait son lit avec le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, et les sénateurs savent à quel point c'est une scène grotesque. Est-ce que les sénateurs savent ce qui se passe lorsque deux hommes politiques font leur lit ensemble? Un des deux se retrouve sur l'autre et je crains que lorsque l'on fait son lit avec Danny Williams, c'est lui qui se retrouve sur le dessus, et cela m'inquiète de voir où se retrouvera l'Île-du-Prince-Édouard au bout du compte. Mais je n'en dis pas plus là-dessus pour le moment.

J'encourage les sénateurs à soutenir de tout cœur ce plan économique prometteur et je remercie les sénateurs de leur attention et de m'avoir accordé du temps dans cette auguste enceinte.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, avant d'ajourner le débat, je tiens à demander au sénateur Duffy de cesser de me suivre. Nous avons tous deux commencé notre carrière en 1965, lui dans une petite station de radio d'Amherst et moi à Yarmouth, où je gagnais 36 $ par semaine. Il m'a suivi à Montréal, puis à Ottawa dans une station de radio locale, puis à l'hôtel de ville, puis sur la Colline du Parlement, et le reste.

Je lui souhaite la bienvenue au Sénat. Mon grand-père était un grand conservateur. Il est intéressant de parler du sujet parce que, lorsque j'ai interviewé John Diefenbaker pour la première fois, c'était pour CJLS, à Yarmouth. J'ai alors fait une des plus merveilleuses interviews d'homme politique. J'ai dit à M. Diefenbaker : « En tant qu'annonceur de cette station de radio locale » — et tous les scribes étaient là dans leur imperméable — « je vous souhaite la bienvenue à Yarmouth. » Trente minutes plus tard, je l'ai remercié. Je ne lui ai pas posé une seule question et les scribes ont tout pris en note.

Le sénateur Duffy se décrit comme étant maintenant un conservateur. Lors de la campagne électorale de 1958, mon père m'a amené à la gare de Campbellton, ville où j'ai grandi. Des banderoles et de la vapeur sortaient de l'arrière du train et M. Diefenbaker a prononcé son discours de campagne, puis il est descendu du train pour serrer des mains. C'est peut-être à cause de ma petite taille, mais j'ai tendu la main et il a passé tout droit sans s'arrêter. Mon père, le révérend J. D. Munson, m'a alors dit de ne pas m'en faire, parce que M. Pearson viendrait dans quelques jours. M. Pearson est effectivement venu sur un autre train, il en est descendu pour donner des poignées de mains, j'ai tendu la mienne et il l'a serrée. J'imagine que je suis un libéral depuis ce temps-là.

(1600)

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Le sénateur a dit que les sénateurs font ici des choses admirables. C'est effectivement un lieu où de bonnes choses sont faites. Je sais que madame le sénateur Wallin réalisera aussi de grandes choses au Sénat, car nous pouvons le faire.

Le temps passe vite ici. Hier, c'était le cinquième anniversaire de mon arrivée. Je suis maintenant dans ma sixième année au Sénat. C'est vraiment un endroit où il fait bon travailler.

Je parlerai plus tard de l'autisme. J'ai bénéficié d'un appui extraordinaire de la part du sénateur Keon et du sénateur Oliver dans mon travail sur l'autisme. Une fois que les comités auront repris leurs travaux — j'espère que ce sera bientôt —, les sénateurs trouveront un endroit où leurs efforts joueront un rôle important.

J'ai fait quelques recherches pour connaître l'âge du sénateur Duffy. Je crois qu'il devra partir à la retraite en mai 2021. Pour ma part, je partirai en juillet 2021, de sorte que l'honorable sénateur devra encore me suivre.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai cru comprendre que le sénateur Munson souhaitait proposer l'ajournement du débat. Il lui reste 12 minutes. À moins qu'un autre sénateur ne veuille prendre la parole...

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Duffy.

Son Honneur le Président : Il ne reste plus de temps au sénateur Duffy. Toutefois, s'il demandait le consentement du Sénat pour disposer de cinq minutes de plus, le sénateur Fraser aurait le temps de poser une question.

Le sénateur Duffy : Avec la permission du Sénat, je serais enchanté d'écouter la question du sénateur Fraser.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Je remercie le sénateur. Je suis sûre que c'est la dernière fois qu'il dit qu'il est enchanté de m'entendre lui poser une question. Vous pouvez demander au sénateur LeBreton si mes questions sont vraiment agréables à entendre.

Avant de poser ma question, je voudrais féliciter le sénateur de sa nomination. Le jour de son assermentation, nous avons pu échanger quelques mots. Il a regardé la salle dans laquelle nous étions et a dit : « Nous pourrions avoir une salle de nouvelles ici. » C'est probablement vrai.

C'est assez étrange, mais j'ai moi aussi commencé à travailler comme journaliste en 1965, à Montréal. C'est madame le sénateur Wallin qui tranche sur le plan de l'âge. Elle est vraiment toute jeune. Elle n'est entrée dans le métier que très longtemps après. Nous pourrions peut-être l'accepter comme apprentie.

Nous sommes toujours heureux d'accueillir de nouveaux sénateurs, surtout quand ils viennent de la plus belle profession du monde.

De toute évidence, le sénateur a de nombreux amis dans son caucus. Je suis sûre qu'il a déjà pu compter sur leur appui et leurs conseils. Toutefois, je me demande si l'un d'entre eux n'a pas attiré son attention sur une décision du Président interdisant l'utilisation du BlackBerry dans la salle du Sénat.

Le sénateur Duffy : On m'a signalé que les appareils qui font du bruit ne sont pas permis ici. Je ne savais pas, par contre, que les BlackBerry étaient interdits.

Son Honneur le Président : Comme le Règlement du Sénat vient d'être mentionné et qu'il incombe à la présidence de le faire respecter et de maintenir l'ordre, je dois dire au sénateur Duffy qu'il a tout à fait raison. Le paragraphe 19(4) du Règlement prévoit que « personne, ni aucun sénateur, n'apporte dans la salle du Sénat... de dispositif électronique produisant des sons ».

L'honorable Joseph A. Day : Je crois savoir que les BlackBerry font indirectement du bruit en brouillant notre système de sonorisation. Si le Président nous dit maintenant qu'il est acceptable d'apporter un BlackBerry au Sénat tant qu'il est en mode de vibration, je suis bien d'accord, mais je ne crois pas que ce soit là notre interprétation de la situation.

Son Honneur le Président : Le BlackBerry brouillait notre ancien système de sonorisation, mais nous l'avons fait modifier pour éviter ce brouillage. C'est ce que les techniciens nous ont dit.

D'après le Règlement, les appareils qui font du bruit ne sont pas autorisés dans la salle du Sénat.

Le sénateur Munson : Je réserve le temps qu'il me reste et propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Munson, le débat est ajourné.)

LE DISCOURS DU TRÔNE

MOTION D'ADOPTION DE L'ADRESSE EN RÉPONSE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénateur Gerstein,

Que l'Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la Gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, Chancelière et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelière et Commandeure de l'Ordre du mérite militaire, Chancelière et Commandeure de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneure générale et Commandante en chef du Canada.

QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, je ne me souviens pas pourquoi j'avais choisi de prononcer ma première allocution après le sénateur Duffy. Toutefois, comme on récolte ce que l'on sème, je ne tenterai pas de me défiler.

Honorables sénateurs, alors que je prends la parole pour la première fois devant vous, je tiens à vous dire à quel point il s'agit à la fois d'un immense honneur et d'une leçon d'humilité. Je sais que vous savez tous comment je me sens, car vous avez déjà vécu cette expérience. Vous semblez tous y avoir très bien survécu, ce qui me réconforte grandement.

J'aimerais commencer par remercier des gens et des groupes qui m'ont accueilli chaleureusement et m'ont réconforté au cours des trois semaines qui ont suivi l'annonce de ma nomination.

De nombreux amis et connaissances du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs m'ont transmis leurs salutations. Je ne peux leur dire ce que cela représente pour moi. J'ai reçu de nombreuses lettres auxquelles je dois répondre. J'ai hâte de le faire et je le ferai.

L'accueil que m'ont réservé les sénateurs des deux côtés du Sénat m'a également beaucoup réconforté et je leur en suis très reconnaissant.

Je veux mentionner un homme en particulier, qui vient de la même région que moi. Je le connais depuis de nombreuses années et je le considère comme un bon ami — j'ai nommé le sénateur Joseph Day. Le sénateur Day a été l'un des premiers à m'appeler et à me féliciter, et son geste a représenté beaucoup pour moi.

Je vous remercie beaucoup, sénateur.

Un autre sénateur est un bon ami à moi dont j'apprécie les conseils. Je parle évidemment de notre Président. Ceux qui étaient au Sénat jeudi dernier se souviendront peut-être que, pendant un court moment, j'étais assis dans son fauteuil. Je suppose que j'ai alors présidé notre assemblée. Ce fut pour moi un moment très agréable et relaxant, mais je dois dire que cinq minutes m'ont amplement suffi.

Je vous remercie de m'avoir donné cette chance.

Aujourd'hui, au sein de cette assemblée, je ne me sens pas isolé. Je ne me sens pas isolé du tout. D'abord et avant tout, et tout le monde ici peut le comprendre, je représente ma famille. Je représente mon patronyme et je fais très attention à la façon dont je me comporte. Je regarde la tribune et je me souviens de la cérémonie d'assermentation de lundi dernier. Jill, ma femme, s'y trouvait avec mes enfants, Kate, Jacqueline et Peter, ainsi qu'avec mon père, Colin. Isabelle, ma mère, n'a pas pu venir pour des raisons de santé. Donc, ma famille se trouvait à la tribune, et c'était très rassurant. Quand je lève les yeux aujourd'hui, je sens leur présence et cela fait une grosse différence pour moi.

(1610)

Dans la collectivité d'où je viens et dans ma province, le Nouveau- Brunswick, on désire ardemment avoir des représentants qui savent se faire entendre à Ottawa, et je sais que beaucoup de gens espèrent que je serai de ceux-là. Le premier ministre Graham ainsi que David Alward, le chef du Parti progressiste-conservateur du Nouveau- Brunswick, m'ont aussi félicité. J'ai discuté avec eux et je sais qu'ils espèrent avoir des représentants du Nouveau-Brunswick qui parlent d'une seule voix et qui savent se faire entendre. Je ferai tout ce que je peux pour combler leurs désirs.

Je vais maintenant brièvement parler de mon parcours professionnel. Je ne suis pas en train de soumettre mon curriculum vitae aux sénateurs, mais j'ai beaucoup appris au cours de ma carrière, dans mon travail de développement communautaire. J'espère que mes nombreuses expériences et les nombreuses leçons que j'en ai tirées m'ont préparé pour ce nouveau rôle. J'aimerais vous faire part de quelques unes d'entre elles, honorables sénateurs.

Ma carrière en droit a été partagée pour ainsi dire également entre mon temps dans la pratique privée et environ 17 ans à titre de conseiller juridique pour Irving Oil. Au cours de cette période, j'ai eu le plaisir et l'honneur de travailler en étroite collaboration avec Arthur et Jack Irving, des hommes que je tiens en haute estime. Ils ont accompli de grandes choses au Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas facile d'essayer d'établir un géant national et international dans cette province. Ce n'est pas l'endroit où l'on s'attend à ce que ce genre de chose se produise, mais c'est ce que les Irving ont fait. Ils ont eu beaucoup de succès. Irving Oil possède la plus grande raffinerie du pays et l'entreprise a une grande présence dans l'ensemble de l'Est du Canada et de la Nouvelle-Angleterre.

Cette expérience m'a permis de travailler avec des gens qui possédaient des capacités de chef exceptionnelles. J'ai appris de nombreuses leçons au cours de cette période, mais la principale, c'est que rien ne remplace le travail acharné. On peut avoir toutes les idées du monde, mais il faut leur donner suite et y consacrer beaucoup d'efforts. Quoi que l'on fasse, il faut faire preuve d'une grande passion. Il faut y trouver du plaisir.

Les dirigeants doivent donner le ton, et servir d'exemple. Il faut concentrer ses efforts. Il faut poursuivre ses objectifs sans relâche et ne jamais sous-estimer l'importance des détails si l'on désire obtenir les résultats voulus. Il va sans dire que j'ai appris beaucoup pendant que j'ai été à l'emploi de cette entreprise, et j'espère que cela m'aidera à m'acquitter de mes nouvelles obligations.

J'ai également fait beaucoup de travail communautaire à Saint John, plus précisément du travail de développement communautaire, et j'ai vraiment aimé cela. Nous savons tous que ce type de travail est différent d'un emploi. C'est quelque chose que l'on fait par choix, et non par obligation. Le travail avec les gens, le travail d'équipe, qui est très important pour moi, m'a vraiment comblé.

Je suis allé à l'Université du Nouveau-Brunswick. J'ai toujours fait beaucoup de sports. À l'université, j'ai fait du basketball et du football universitaires. Je sais ce qu'est le travail d'équipe. Je connais les joies qui découlent d'un travail d'équipe efficace, et c'est ce que je veux amener au Sénat. Tous les sénateurs ici présents font partie de l'équipe.

Une chose que j'ai apprise, et nous l'avons tous appris dans le cadre de projets avec le secteur sans but lucratif, c'est qu'il existe de nombreux obstacles. Quand on parvient à faire ce que les autres estimaient impossible, cela procure une satisfaction et un plaisir infinis. Un exemple me saute aux yeux quand je dis cela, et je veux dire qu'il me saute littéralement aux yeux. Je regarde le sénateur Mahovlich en disant cela.

Pour ceux d'entre nous qui s'en souviennent — et c'est le cas de la plupart d'entre nous —, la série de hockey Canada-Russie en 1972 nous a fait vivre un moment merveilleux. Tous les Canadiens ont ce sport dans le sang et c'est une merveilleuse partie de notre histoire. La victoire a été extraordinaire. Cependant, ce qui a vraiment rendu cette série exceptionnelle, c'est que l'équipe était assurée de la défaite. On la tenait pour perdante lorsqu'elle a quitté le Canada pour aller en Russie, ainsi que pour le match final, mais elle a renversé la vapeur à force de persévérer et est sortie victorieuse d'une situation qui semblait a priori sans issue. J'ai rencontré le même genre d'approche et de mentalité, en particulier, dans mon travail communautaire, mais aussi tout au long de ma carrière. Cela vous force à ne jamais abandonner, à toujours avancer. Il y a toujours une possibilité. Le truc consiste à reconnaître cette possibilité et à la saisir.

Je suis extrêmement fier que ma province d'origine soit le Nouveau-Brunswick. C'est un endroit merveilleux pour vivre et élever une famille. Je suis extrêmement fier du fait que le Nouveau- Brunswick soit la seule province officiellement bilingue du Canada. Tout cela m'amène à dire que je suis extrêmement heureux qu'il y ait un autre nouveau sénateur du Nouveau-Brunswick, l'honorable Percy Mockler, une personne que j'admire beaucoup et pour qui j'ai un grand respect.

J'habite la région du grand Saint John. Cette ville a grandement contribué à faire de moi celui que je suis aujourd'hui. Pour le meilleur ou pour le pire, je peux lui en attribuer le mérite ou le blâme. Saint John est une ville splendide et historique. C'est la plus vieille ville constituée en corporation au pays. Située sur la baie de Fundy, une des merveilles de la nature où l'on peut admirer les plus hautes marées du monde, on trouve dans cette ville une architecture extraordinaire semblable à celle que l'on peut voir à Boston. Évidemment, on doit cette architecture à notre passé loyaliste.

L'économie de Saint John est encore très vigoureuse, même en cette période difficile. La raison est que l'économie de la ville s'appuie sur des bases solides. Parmi celles-ci, on note : l'émergence de Saint John à titre de carrefour de l'énergie; la force de nos entreprises du secteur de la technologie, comme c'est également le cas pour Moncton et Fredericton; le développement d'un secteur des sciences de la santé à Saint John, avec, par exemple, une nouvelle école de médecine dont la construction sera achevée en 2010; et bien sûr, le secteur forestier qui vit des moments difficiles. Quoi qu'il en soit, Saint John peut compter sur des usines de pâtes et papiers qui ont toujours été une pierre angulaire de son économie.

Actuellement, la pierre angulaire de l'économie de Saint John est la production d'énergie. En tant que carrefour de l'énergie, Saint John compte l'une des plus importantes raffineries du pays, dont la production atteint 250 000 barils par jour. L'entreprise exporte la majeure partie de cette production aux États-Unis, profitant au maximum des avantages découlant de l'Accord de libre-échange, ce qui est justement ce que les Canadiens devraient faire. On envisage la construction d'une deuxième raffinerie à Saint John, et on devrait savoir cette année si le projet sera réalisé. C'est très prometteur.

La construction d'une installation de gaz naturel liquéfié et d'un port méthanier est à 90 p. 100 terminée et devrait prendre fin cette année. Elle est le fruit d'un partenariat entre Irving Oil et Repsol.

Le dernier point, et non le moindre, est la centrale nucléaire à Point Lepreau. Le premier ministre Graham et Jack Keir, ministre de l'énergie, travaillent d'arrache-pied pour qu'un second réacteur soit construit à Point Lepreau, et cela semble prometteur.

Voilà les pierres angulaires du carrefour de l'énergie qu'est Saint John.

Cela dit, j'aimerais parler d'un grand événement pour le Nouveau- Brunswick qui a eu lieu la semaine dernière. Je parle de la présentation, par le ministre Flaherty, du Plan d'action économique. Ce plan économique est une excellente nouvelle pour le Nouveau-Brunswick. Il touche à toutes les questions importantes pour la province. Si je ne m'abuse, c'est à Saint John que le ministre Flaherty a commencé ses consultations prébudgétaires pancanadiennes. Je ne peux que supposer qu'il y a obtenu toutes les réponses dont il avait besoin, ou presque.

(1620)

Je vais parler brièvement des faits saillants du Plan d'action économique du Canada qui concernent particulièrement le Nouveau-Brunswick : 12 milliards de dollars pour l'infrastructure pour poursuivre le développement de notre plaque tournante énergétique, de nos routes, de nos ponts et du réseau de transport qui relie notre pays aux États-Unis. Comme c'est le cas pour bien des industries, la formation d'une main-d'œuvre qualifiée est importante. Nous avons une pénurie de main-d'œuvre qualifiée au Nouveau-Brunswick, et le plan d'action prévoit justement des fonds additionnels pour créer un bassin de travailleurs qualifiés.

Le plan d'action prévoit 351 millions de dollars de plus pour Énergie atomique du Canada, ce qui revêt une importance critique pour la mise au point du deuxième réacteur à Point Lepreau, au Nouveau-Brunswick. Le secteur forestier recevra 170 millions de dollars de plus, ce qui revêt aussi une importance critique pour ma province. Le secteur agricole, quant à lui, recevra 500 millions de dollars de plus.

Il y aura aussi une somme de 2 milliards de dollars qui sera mise à la disposition des municipalités pour l'infrastructure. À Saint John, l'amélioration du réseau d'aqueduc, qui coûtera 285 millions de dollars, est une priorité. Ces fonds supplémentaires représentent pour la ville une occasion formidable de réaliser ce projet. Ce financement découle de la promesse faite par le premier ministre Harper en 2006. Il avait alors promis des fonds pour le nettoyage du havre Saint John, où le déversement des eaux usées posait un grave problème. Après 13 ans d'inaction totale de la part de ses prédécesseurs, le premier ministre a dit que ce serait fait, et le financement a été accordé, ce qui a permis d'entreprendre le projet.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur est écoulé.

Le sénateur Wallace : Puis-je avoir encore cinq minutes?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Wallace : Le Plan d'action économique contient des mesures pour le logement social, qui constitue un problème énorme à Saint John, où de nombreux démunis ont besoin de se loger. L'argent prévu va être d'une grande utilité.

Il y a quatre ou cinq ans, j'ai présidé un comité sur les loisirs qui avait pour tâche d'examiner l'ensemble des installations de Saint John et sa banlieue. Nous nous sommes aperçus que les patinoires avaient grandement besoin d'attention. La somme de 500 millions de dollars prévue dans le plan d'action sera extrêmement utile. Le sénateur Johnson a parlé du financement pour le patrimoine culturel. Voilà une autre forme d'aide qui sera fort utile.

Je connais bien les problèmes liés au report des travaux de maintenance dans les établissements postsecondaires parce que je fais partie du conseil d'administration de l'Université du Nouveau- Brunswick. Deux milliards de dollars sont prévus pour résoudre ces problèmes.

Dans une ville industrielle, comme Saint John, la protection de l'environnement a une importance cruciale. Or, le plan d'action économique prévoit la mise sur pied du Fonds pour l'énergie propre, qui est conçu spécialement dans cette optique. De plus, on a prévu de terminer le Sentier Fundy en lui ajoutant un segment entre Saint John et le parc national Fundy.

Le plan prévoit aussi des allégements fiscaux pour les particuliers et des mesures ciblant le domaine de l'habitation. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de mesures extrêmement importantes.

J'ai résumé seulement la moitié du plan, mais je crois qu'il n'en faut pas davantage aux sénateurs pour saisir que le Nouveau- Brunswick en bénéficiera grandement. Le Plan d'action économique du Canada est fait sur mesure pour répondre aux besoins de notre province et de notre ville, auxquelles il sera extrêmement profitable.

Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur de pouvoir prendre la parole aujourd'hui, et c'est en toute humilité que je me suis exprimé. Je remercie particulièrement le premier ministre Harper, grâce à qui je suis ici aujourd'hui. Nous savons tous que le travail du Sénat est important. C'est un travail qui exige de notre part vaillance, persévérance, audace et respect les uns pour les autres. Je vous assure que c'est dans cet esprit que je compte travailler. Je considère que j'ai une occasion en or de servir les gens de mon milieu, de ma province et du pays que j'aime. D'après moi, il ne peut pas y avoir de plus grand privilège.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, permettez-moi d'être le premier à féliciter l'honorable sénateur Wallace, qui vient de se rasseoir, à l'occasion de son premier discours dans cet endroit. Je n'avais jamais rencontré le sénateur Wallace avant son entrée au Sénat. Cependant, notre cher ami commun, le regretté Gordon Fairweather, avait la plus haute opinion de lui, à ce qu'il m'avait déjà dit. Pour moi, c'était suffisant.

L'honorable sénateur arrive ici avec tout un bagage tiré de sa profession dans le monde des affaires et de son engagement communautaire. Il en a lui-même mentionné certains éléments, y compris le siège qu'il occupe au conseil des gouverneurs de l'Université du Nouveau-Brunswick. Il arrive donc bien équipé et prêt à apporter une contribution vraiment positive aux travaux du Sénat. Je lui souhaite donc la plus chaleureuse des bienvenues. Il sera un nouveau membre distingué de l'impressionnante délégation du Nouveau-Brunswick dans cet endroit.

Je me hâte de féliciter la motionnaire de l'Adresse en réponse, le sénateur Fortin-Duplessis, et le comotionnaire, le sénateur Gerstein, et de souhaiter par la même occasion la bienvenue à tous les nouveaux sénateurs. Je suis absolument ravi de voir tous les postes de cet endroit comblés. Je suis persuadé que cela favorisera le processus législatif et politique dans ce pays et, par conséquent, le Parlement et la bonne gouvernance. Je suis persuadé que ce sera bon pour l'unité nationale, car nos régions disposent maintenant de tous leurs effectifs. Même si ce n'est pas de mes affaires, ce sera probablement bon pour le parti au pouvoir.

Ces 18 nominations seront peut-être l'héritage le plus durable du premier ministre Harper. Comme je prendrai moi-même ma retraite en 2011 au plus tard, je suis à même de comprendre qu'un premier ministre ou quiconque puisse penser, au crépuscule de sa carrière, à l'« héritage » qu'il laissera. Grâce à ces nominations, il aura laissé un héritage honorable.

Je note que, parmi les nouveaux sénateurs, il y en plusieurs avec qui j'ai eu le plaisir de travailler à l'époque lointaine de l'ancien Parti progressiste-conservateur. Ils se reconnaissent, mais je ne les nommerai pas, de crainte de les mettre dans l'embarras ou d'attirer l'attention sur eux en raison de leurs associations passées.

Honorables sénateurs, la première session de la 40e législature, qui s'est ouverte le 18 novembre 2008 et a été prorogée le 4 décembre 2008, est maintenant chose du passé. Ce fut un épisode bref et turbulent. Je n'ai pas l'intention de revenir sur les événements qui ont marqué ces semaines ou d'émettre des hypothèses sur leurs répercussions possibles sur le climat politique et parlementaire dans les semaines et les mois à venir. Cependant, ces événements sont à l'origine d'un certain nombre de questions de nature constitutionnelle et quasi constitutionnelle aussi importantes qu'intéressantes qui persistent — comme une sorte de malaise qui plane depuis novembre et décembre — dans les débats politiques et médiatiques. Je vais ajouter mon grain de sel concernant deux d'entre elles. Je ne le ferai pas de manière dogmatique car je reconnais qu'il y a toujours place à la discussion, même quand il s'agit de questions constitutionnelles — peut-être surtout quand il s'agit de questions constitutionnelles.

La première question concerne l'affirmation, selon certains porte- parole des partis d'opposition et certains universitaires et commentateurs, que la nomination de nouveaux sénateurs, et par extension, toutes les importantes décisions et engagements pris par le gouvernement pendant la récente prorogation, dont la prorogation elle-même, constituent un exercice illégal du pouvoir exécutif.

(1630)

Qu'on me permette de ne pas partager cet avis. En ce qui concerne les nominations, je demande ceci à ceux qui avancent cette argumentation : auraient-ils trouvé ces nominations plus acceptables si le premier ministre Harper les avait faites l'après- midi du 8 décembre, juste avant un vote de censure qui aurait pu entraîner la chute de son gouvernement?

C'est exactement ce qui s'est passé le 4 février 1963. Le premier ministre Diefenbaker, avant un vote de censure que son gouvernement devait perdre, comme on le prévoyait largement, et qu'il a effectivement perdu, a nommé un certain nombre de sénateurs et fait d'autres nominations l'après-midi même, juste avant le vote. Le premier ministre Trudeau n'a pas agi autrement en 1974. Son gouvernement était soumis à un vote de censure portant sur le budget Turner de cette année-là. On prévoyait largement qu'il allait le perdre, et il l'a effectivement perdu. Mais auparavant, le premier ministre Trudeau a comblé des postes au Sénat, fait d'autres nominations et pris diverses décisions. Un élément commun se dégage dans ce qu'ont fait les premiers ministres Diefenbaker, Trudeau et Harper : tous trois avaient survécu à au moins un vote de censure pendant la session en cours.

S'il n'y avait pas eu de vote de confiance au cours de la dernière session, j'estime que M. Harper aurait été dans une position beaucoup plus faible pour recommander la prorogation du Parlement ou la nomination de sénateurs. Il se trouve qu'il avait obtenu la confiance, et c'est donc en toute légitimité qu'il a agi. Je suis persuadé que les précédents le confirment.

Une question connexe a été soulevée par un certain nombre d'universitaires ou au moins de professeurs de droit dans le National Post du 17 décembre, sous le titre « Unconstitutional Senate nominations ». Ils ont affirmé que la prorogation même était dangereusement proche de l'inconstitutionnalité. Dans leurs lettres à la Gouverneure générale, les 1er et 3 décembre, MM. Dion et Layton ne disaient pas autre chose. M. Dion allait même plus loin, disant que le premier ministre Harper avait « de facto » perdu sa légitimité comme principal conseiller du gouvernement. Tout cela était fondé sur des énoncés, des déclarations, des pétitions signés par des députés de l'opposition aux Communes, et cela englobait un accord conclu entre eux selon lequel ils appuieraient une coalition libérale- néodémocrate une fois le gouvernement renversé.

Toutefois, honorables sénateurs, il faut dire et il faut qu'on nous rappelle que la confiance est accordée ou retirée par un vote aux Communes, non sur la foi de déclarations, de communiqués, de pétitions, et cetera.

Je le répète, le gouvernement conservateur avait survécu à un vote de confiance le 27 novembre. La thèse du porte-parole de l'opposition et d'autres commentateurs des médias au sujet des pétitions, lettres, communiqués, et cetera, était étrangement semblable — identique, en fait — à celle avancée par M. Harper lui-même en septembre, lorsqu'il essayait de justifier sa décision d'aller à l'encontre de l'esprit de sa loi prévoyant des élections à date fixe. Il prétendait que, tôt ou tard, les partis d'opposition censureraient son gouvernement de toute manière. Par conséquent, par souci de clarté et de stabilité, il allait déclencher les élections, peu importe ce que la loi disait.

En somme, la thèse de M. Harper, en septembre, et celle des chefs de l'opposition, en décembre, me semblent tout aussi hypothétiques et aussi peu convaincantes l'une que l'autre.

La prorogation du Parlement , quelques jours plus tard, et même la nomination de sénateurs dans ces circonstances, notamment, rien de tout cela n'est très joli, mais il s'agit là d'une argumentation politique, pas d'une argumentation fondée sur la Constitution. Je dirai aux sénateurs que, à mon sens, les précédents sont favorables à M. Harper à cet égard.

[Français]

En bref, honorables sénateurs, sur ce sujet, les arguments — selon moi prétendument constitutionnels — me semblent plutôt d'ordre politique ou moral que constitutionnel. Je suis d'avis qu'il n'existe aucun précédent ni convention constitutionnelle qui aurait pu justifier un refus de la part de Son Excellence la Gouverneure générale de proclamer la prorogation du Parlement, en décembre dernier, et de pourvoir les sièges vacants au Sénat selon les recommandations de son premier ministre.

L'acte décisif de la Chambre des communes a été le vote de confiance du 27 novembre dernier entérinant le discours du Trône. C'est cet acte du Parlement qui a permis au gouvernement d'exercer toute son autorité et toutes ses prérogatives légales. Cette légitimité continuera tant et aussi longtemps qu'on ne la leur aura pas retirée par un vote de confiance.

[Traduction]

D'autres arguments ont été invoqués au sujet de toute l'idée des gouvernements de coalition et de leur légitimité. La question semble assez largement débattue. J'ai été frappé, notamment, par un article de Tom Flanagan publié dans le Globe and Mail du 9 janvier sous le titre « Only voters have the right to decide on the coalition ».

Il y a de bonnes raisons d'ordre politique de s'opposer à la coalition qui était envisagée en novembre et décembre. J'en ai moi- même invoqué quelques-unes au cours de la dernière session. Toutefois, M. Flanagan va bien au-delà de la situation actuelle. Selon lui, les gouvernements de coalition appartiennent « au mécanisme vétuste du gouvernement responsable à l'ère prédémocratique du début du XIXe siècle ». Il enchaîne en disant que ce « mécanisme vétuste » est dépassé à cause de l'histoire, de l'avènement du droit de vote universel, de l'apparition de partis politiques nationaux, de la Charte des droits et libertés et même de l'opinion exprimée par la Cour suprême du Canada dans le renvoi au sujet de la sécession du Québec, en 1998. Selon l'auteur, tout ce bagage historique équivaut à une convention selon laquelle la seule coalition légitime serait une coalition qui a reçu à l'avance la bénédiction des électeurs. Il exhorte la Gouverneure générale à faire respecter cette convention. À mon avis, cet effort de définition d'une convention relative à la légitimité des gouvernements de coalition, à partir des éléments d'histoire cités, est loin d'être convaincant.

Je voudrais toutefois signaler un point plus concret. Comme nous le savons tous, les élections de 2004, de 2006 et de 2008 ont toutes donné des gouvernements minoritaires. Nous ne pouvons pas continuer à tenir des élections tous les deux ans. Personne n'ira dire que cela favorise la bonne gouvernance, la stabilité économique ou la capacité du gouvernement de mener efficacement les relations internationales. Par contre, personne ne peut ni ne devrait attendre des partis d'opposition que, au nom de la stabilité, ils renoncent par crainte des élections à leur droit d'amender ou de rejeter des mesures gouvernementales. Bien franchement, cela s'est produit bien trop souvent au cours de la 39e législature, et je ne crois pas que cela ait très bien servi le Canada.

Les prochaines élections — ou d'autres, plus tard — pourraient aboutir à une situation où aucun parti n'est en mesure d'obtenir seul la confiance des Communes et où aucune entente officieuse ou officielle, comme celle qu'il y a eu en Ontario en 1985, n'est possible parce qu'un parti important — ou plusieurs — qui est en position d'arbitrage insiste pour faire partie du gouvernement ou pour faire appliquer les mesures qu'il appuie. En pareille situation, il se peut qu'une coalition soit la seule solution souhaitable, ou la solution la moins détestable.

(1640)

Dans l'intérêt du pays, il pourrait être nécessaire de renforcer la stabilité politique de toute urgence. Par ailleurs, l'opinion publique, qui a rapidement rejeté la coalition proposée à la fin de l'automne, pourrait justement réclamer cette solution et cette stabilité lorsque le moment sera venu.

[Français]

N'en déplaise à M. Flanagan, le Canada demeure une démocratie parlementaire.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, souhaitez-vous accorder cinq minutes supplémentaires au sénateur Murray?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Murray : La diversité et, parfois, la polarisation politique, économique, culturelle et démographique de notre pays ont créé une conjoncture politique qui est aujourd'hui multipartite. Je reconnais aussi, et c'est un débat pour un autre jour, que le régime de financement public des élections des candidats et des partis politiques a indirectement contribué à fragmenter notre système politique.

Au lendemain des élections générales, c'est la responsabilité de tous les parlementaires, de toutes les formations politiques, d'assurer de leur mieux le bon fonctionnement du Parlement. Ils doivent avant toute chose et ce, quelle que soit la composition de la Chambre des communes émanant du processus électoral, s'assurer que le Canada ne soit pas dépourvu d'un gouvernement capable de gouverner. La stabilité politique du Canada est essentielle. Il n'en demeure pas moins que, depuis 2004, comme je le disais en anglais, les trois dernières élections fédérales ont amené au pouvoir des gouvernements minoritaires. Si, après de nouvelles élections et l'ouverture d'une nouvelle législature, aucune des formations politiques n'est capable de gouverner seule avec la confiance de la Chambre des communes, il faudra envisager la formation d'une coalition gouvernementale multipartite. Il s'agirait probablement d'un moindre mal car, compte tenu des circonstances, cette solution est infiniment préférable aux autres solutions envisageables, à savoir appeler encore une fois les électeurs aux urnes ou subir encore une fois un équilibre parlementaire non seulement précaire mais malsain, car des partis d'opposition seraient contraints de s'abstenir lors de votes décisifs sous peine de déclencher de nouvelles élections.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je conclurai sur cette note : M. Flanagan, le stratège, pourrait un jour souhaiter que le professeur Flanagan, l'érudit, n'ait pas été aussi catégorique dans ses déclarations. Son Parti conservateur pourrait être en train de rechercher frénétiquement des partenaires pour former une coalition, et qui sait où il pourrait les trouver.

L'honorable Pierrette Ringuette : Le sénateur Murray serait-il disposé à répondre à une question?

Le sénateur Murray : Oui.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, je suis toujours impressionnée par l'expérience parlementaire du sénateur Murray et par sa connaissance de l'appareil gouvernemental. Ses commentaires ayant trait à une coalition sont très à propos.

En l'espace de cinq ans, il y a eu trois élections de gouvernements minoritaires. Un milliard de dollars a été dépensé pour élire démocratiquement 308 députés à la Chambre des communes, qui représentent une population désignée. Ceux-ci ont une responsabilité envers les électeurs, leur pays.

Je suis très heureuse que le sénateur soulève aujourd'hui la possibilité d'une coalition. Selon moi, il est inévitable que, tôt ou tard, la population canadienne en fasse l'expérience. Je l'invite à commenter davantage ce point.

Le sénateur Murray : Je remercie madame le sénateur Ringuette de ses commentaires. D'abord, je ne considère pas nécessairement inévitable qu'une coalition soit formée dans un avenir prévisible. Je vous rappelle que, pendant les années 1960, il y a eu trois gouvernements minoritaires élus — en 1962, 1963 et 1965 — puis un gouvernement majoritaire en 1968. On ne sait jamais ce qu'il va advenir dans notre système politique et dans le climat politique actuel.

Deuxièmement, je vous rappelle également que j'ai exprimé mon objection concernant la formation d'une coalition, à l'automne dernier, pour certaines raisons que j'ai évoquées lors de mon discours à ce moment-là, d'abord parce que le gouvernement n'avait pas eu l'occasion ou le temps de présenter un budget. Je me suis donc opposé à la défaite du gouvernement, et à la formation d'un nouveau gouvernement, avant qu'il n'ait eu le temps de présenter un budget.

(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur Lang, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LA LOI SUR LA BIBLIOTHÈQUE ET LES ARCHIVES DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—RECOURS AU RÈGLEMENT—REPORT DE LA DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose que le projet de loi S- 201, Loi modifiant la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada (Musée national du portrait), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs — j'adresse mes propos aux anciens sénateurs comme aux nouveaux —, j'ai trouvé intéressant ce que le sénateur du Nouveau-Brunswick a dit au sujet de l'énergie, de l'engagement, de la cohérence et du fait d'aller à l'encontre de l'opinion populaire.

Nous sommes saisis d'un projet de loi qui a la faveur du public, mais qui rencontre une certaine résistance au Parlement. La question n'est pas nouvelle; le Parlement en est saisi depuis 2003. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la population souhaite l'adoption de cette mesure; toutefois, on observe une certaine résistance au sein du Parlement et de la part du gouvernement, et ce, par pur égoïsme politique, selon moi.

Les gens aiment bien s'attribuer le mérite de certaines choses, mais lorsque cela n'est pas possible, ils aiment les remettre à plus tard ou les modifier. L'héritage de chacun des gouvernements est d'une certaine façon retardé par le gouvernement qui lui succède et il est refaçonné. C'est ce qui se passe ici. Pendant ce temps-là, c'est l'intérêt public qui en souffre.

D'entrée de jeu, permettez-moi de citer le projet de loi. Loin d'être compliqué, il est fort simple.

Le projet de loi S-201 propose de modifier la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada dans les termes suivants :

17.1(1) Dans l'exécution de sa mission, Bibliothèque et Archives du Canada établit une exposition permanente de portraits et d'œuvres faisant partie de sa collection de portraits, notamment des tableaux, des croquis, des sculptures et des photographies.

(2) L'exposition permanente établie en vertu du paragraphe (1) porte le nom de Musée national du portrait et est accessible au public.

(3) Le Musée national du portrait est situé au 100, rue Wellington, à Ottawa.

Honorables sénateurs, on définit parfois le génie comme un coup d'œil pénétrant l'évidence. Vous vous demandez certainement qu'est-ce qui est si évident au sujet de la création d'un Musée national du portrait ayant pignon sur rue en face des édifices le plus connus du Canada, en l'occurrence les édifices du Parlement.

(1650)

Il y a un édifice vide de l'autre côté de la rue, en face du Parlement. Cet édifice est disponible depuis que les Américains l'ont quitté il y a presque dix ans maintenant. Le gouvernement de M. Chrétien avait créé un Musée du portrait dans cet édifice il y a sept ou huit de cela. On a dépensé 20 millions de dollars pour entretenir l'édifice et mettre sur pied un concours pour les plans de conception. C'est l'actuel gouvernement qui a payé pour ces plans.

Nous possédons un trésor — en l'occurrence une immense collection d'œuvres d'art et de sculptures qui se trouve actuellement en possession de Bibliothèque et Archives Canada, de l'autre côté de la rivière. Toutefois, le problème vient du fait que seulement un petit nombre de Canadiens ont vu cette collection. J'invite les nouveaux sénateurs à traverser la rivière pour à aller voir ces œuvres aux archives.

Lorsque j'y suis allé il y a dix ans, on m'a dit que j'étais uniquement le quatrième parlementaire à voir la collection et qu'un seul ministre l'avait vue. Traversez la rivière. Une simple course de 5 $ en taxi vous permettra de découvrir un incroyable trésor.

Une occasion s'offre à nous. Nous avons entendu des sénateurs de l'autre côté promouvoir le plan d'action. Nous avons l'occasion de prendre une partie des fonds d'infrastructure — quelques sous en réalité, 1,50 $ par Canadien — et d'établir le Musée national du portrait de l'autre côté de la rue. C'est facile. Tout est prêt. Des emplois pourront être créés. Le projet est prêt à se concrétiser. Les travaux peuvent commencer d'ici un mois.

Si le gouvernement est sérieux au sujet de son plan d'action pour développer quelque chose, ce projet créera des emplois et attirera des touristes dans la ville. Les Canadiens qui visitent les édifices du Parlement et Ottawa profiteront de ce musée, tout comme l'ensemble du pays.

Je ne m'approprie pas le mérite de cette idée, mais j'ai quand même joué un rôle important. Cette idée circulait dans les milieux de la création et de la culture depuis des années. Quand l'édifice s'est libéré, je me suis joint au sénateur Joyal, qui est l'un des grands spécialistes de l'art au Canada. Nous avons pris l'initiative d'examiner des musées du portrait à l'étranger et nous avons déterminé que le Canada devait avoir un tel musée. Le Canada est l'un des rares pays qui n'a pas de musée national du portrait dans sa capitale nationale.

Quand l'ambassade s'est libérée, nous avons pensé qu'il s'agissait de l'endroit idéal. Nous avons soumis l'idée au premier ministre Chrétien, et après un certain temps, nous l'avons convaincu ainsi que ses collègues du Cabinet — c'était un travail de persuasion — de promouvoir et d'établir le Musée national du portrait de l'autre côté de la rue.

Le projet de loi S-201 est simple en soi, mais il prévoit un élément plus important. De ce côté-ci du Sénat, nous sommes d'avis qu'une question d'une telle importance, surtout dans un gouvernement minoritaire, doit relever du Parlement et qu'un vote doit se tenir dans les deux Chambres pour déterminer si la mesure que je propose dans ce projet de loi est acceptable au Parlement du peuple. Laissons le Parlement décider. Laissons le gouvernement et les whips se retirer et laissons le gouvernement décider.

Le plan de gouvernance a été supprimé. Le gouvernement avait un plan. Quand M. Harper est arrivé au pouvoir, il a supprimé le plan de M. Chrétien, laissé l'édifice vacant et lancé un processus d'appel d'offres. Cependant, ce processus était injuste. Le Canada renferme plusieurs régions et le processus d'appel d'offres était injuste pour certaines régions du pays. Des régions ont été exclues du processus d'appel d'offres.

Le sénateur Segal : Est-ce le premier ministre Martin ou le premier ministre Harper qui a arrêté le processus?

Le sénateur Grafstein : C'est le premier ministre Harper.

M. Chrétien a adopté cette mesure et des fonds ont été accordés, mais l'argent n'a pas été rendu disponible aussi rapidement que nous l'aurions voulu. Lorsque le gouvernement de M. Harper est arrivé au pouvoir, il a annulé la proposition et mis un processus d'appel d'offres sur pied. Par chance, le ministre Moore a pris une mesure intelligente et réfléchie et a annulé ce processus parce qu'il avait compris qu'il était vicié et qu'il ne fonctionnerait pas.

Nous en sommes maintenant revenus au statu quo, ce qui donne au Sénat l'occasion d'adopter cette mesure, de la renvoyer à l'autre endroit et de laisser les deux Chambres décider si l'idée est bonne. Pour ma part, je le crois.

L'endroit qui est proposé pour le musée du portrait est situé au 100, rue Wellington, juste de l'autre côté de la rue. Cet immeuble est l'un des plus beaux immeubles Art déco, non seulement dans le secteur, mais dans tout le pays. Plus de 20 millions de dollars ont déjà été dépensés en préparatifs, en inventaires et en organisation. Des millions de dollars de plus seront dépensés uniquement pour l'entretien de l'immeuble. Des rumeurs ont laissé entendre que le gouvernement voudrait se servir de cet immeuble pour en faire un centre d'accueil des visiteurs ou un endroit où le premier ministre pourrait recevoir des invités internationaux.

Je suis d'avis que le ministre doit avoir un endroit où recevoir nos invités. Les États-Unis ont la Maison Blair à Washington. Toutefois, ce magnifique immeuble n'est pas l'endroit idéal pour les réceptions. Il y a d'autres endroits plus convenables. Il y a, par exemple, l'ancienne gare Union, juste un peu plus loin sur la rue. C'est un magnifique immeuble. Je crois que nous ne devrions pas laisser passer une telle occasion.

Honorables sénateurs, pensez-y un peu. Je m'adresse à nos collègues qui sont des experts des médias, entre autres le sénateur Munson et le sénateur Duffy. Pensez-y, honorables sénateurs. Ces sénateurs ont été journalistes et ils ont pris place tous les soirs sur la Colline avec les édifices du Parlement à l'arrière-plan. Tout ce qu'il nous resterait à demander aux sénateurs Munson et Duffy, ce serait de demander à leurs anciens collègues de tourner la caméra une fois par semaine pour qu'au lieu de voir les édifices du Parlement, nous voyions le Musée national du portrait à l'arrière-plan.

Nous aurions alors de la publicité d'une valeur de centaines de millions de dollars gratuitement pour cet immeuble qui deviendrait en quelques semaines le deuxième immeuble le plus connu du Canada. Ce serait facile à faire et il n'en coûterait rien aux contribuables.

Sénateur Duffy, je vous invite à y réfléchir. Sénateur Munson, je vous invite à y réfléchir. Madame le sénateur Wallin n'est pas ici, mais je l'invite également à y réfléchir.

Honorables sénateurs, ce projet est valable : il est rentable et il n'entraîne pas de perte d'argent. Il correspond très bien à ce que le gouvernement Harper nous prêche avec constance : l'économie et la frugalité.

Comme sénateur, je favorise la frugalité. Je ne crois pas qu'il faille gaspiller l'argent des contribuables. Cependant, nous gaspillerions l'argent des contribuables si nous décidions de ne pas permettre aux Canadiens de voir ces trésors inestimables de la peinture et si nous laissions tomber un projet déjà à moitié payé.

Certaines villes comme Calgary ou Edmonton ne voient pas d'un bon œil d'être exclues de ce projet. Or, elles ne le sont pas. En effet, avec les technologies de la réalité virtuelle et des grands écrans de télévision à haute définition, tous les musées du Canada qui le souhaitent pourraient investir quelques milliers de dollars et voir les expositions chaque semaine. Lorsqu'une nouvelle exposition aura lieu au Musée du portrait du Canada, il suffira à tous les autres musées de mettre une caméra en marche pour la diffuser partout au pays. Toutes les écoles, toutes les universités et tous les musées du pays entier auront accès à ces trésors grâce à la réalité virtuelle.

C'est tellement facile, et lucratif aussi. Je tiens à le dire tout particulièrement aux nouveaux sénateurs, qui ont l'occasion de parcourir les corridors du Parlement. Je me réjouis d'y voir tous ces écoliers et tous ces touristes. Nous recevons chaque année entre 750 000 et un million de touristes, ici au Parlement. Cependant, lorsqu'ils quittent la Colline du Parlement, ils n'ont pas d'endroit où aller à distance de marche. Ils n'auraient qu'à traverser la rue pour se rendre au musée. Je puis vous garantir que, dans un ou deux ans, ce serait le musée du portrait et le musée le plus visité au Canada, et il n'en coûterait rien de plus aux contribuables ou aux bureaux du tourisme. Ce musée serait à la disposition du public et présenterait une histoire virtuelle de notre pays, ce dont nous ne disposons pas à l'heure actuelle.

J'ai eu l'occasion de visiter la National Portrait Gallery à Londres, située tout près de Grosvenor Square. Ce musée est un vrai bijou. Il a été modernisé. Un étage est réservé aux portraits de parlementaires, un autre, à ceux de la famille royale, et d'autres encore, à ceux de personnalités du monde des affaires et des arts. Ce musée constitue un tableau du Royaume-Uni. Les portraits qu'on y expose ne sont pas limités à une certaine catégorie de personnes.

(1700)

On trouve aux Archives nationales une incroyable collection de portraits de peuples autochtones et de représentants des Premières nations que personne n'a vus. Ce musée nous permettrait de mieux connaître et de mieux comprendre notre pays.

Quand on a terminé la visite de la National Portrait Gallery de Londres, on peut appuyer sur un bouton et obtenir un portrait de la taille d'une affiche pour quelques livres sterling. Si nous créons un musée moderne du portrait, comme le sénateur Joyal et moi le souhaitons, les enfants qui voudront obtenir le portrait d'un grand poète ou d'un premier ministre pourront appuyer sur un bouton pour en obtenir un. Cela ne coûterait rien au gouvernement fédéral, ce serait plutôt une source de revenus. Les visiteurs du musée ou toute personne désirant acheter une telle affiche produiraient des recettes pour le gouvernement et, au bout du compte, toute l'affaire ne coûterait pratiquement rien.

Un musée national du portrait ne coûterait pas cher. Il attirerait plus de touristes. Ce serait un point d'attraction supplémentaire. L'intérêt suscité ne se limiterait pas au musée. Les visiteurs s'intéresseraient aussi aux artistes.

J'ai une anecdote à raconter. Quand je suis venu à Ottawa pour la première fois, j'ai rencontré l'un des plus grands photographes au monde. Il vivait au Château Laurier et y avait aussi son studio. Il s'appelait Yousuf Karsh. Bon nombre de sénateurs ont déjà vu la photographie célèbre entre toutes, celle de Winston Churchill. Cette photo a été prise dans les appartements du Président de l'autre endroit. On dit que M. Karsh a enlevé le cigare de M. Churchill, que celui-ci a fait la moue et que la photo a alors été prise. Au Château Laurier, où vivent quelques nouveaux sénateurs, comme moi d'ailleurs, on trouve plusieurs portraits de Yousuf Karsh dans le hall d'entrée. On y voit Hemingway, Riopelle et Pablo Casals. Nous possédons la plus belle collection de photos au monde. Et à qui appartient-elle? Aux Archives du Canada. Yousuf Karsh a donné toute sa collection de photos à cet organisme. Elle appartient donc aux Canadiens, et elle n'a jamais été vue dans sa totalité. On pourrait la voir. Elle pourrait être sur le web. On pourrait aussi en tirer des revenus.

Je sais que Yousuf Karsh, que j'ai rencontré et avec qui j'ai passé un peu de temps, se retournerait dans sa tombe s'il avait l'impression que sa contribution au Canada et au monde ne serait jamais vue par les Canadiens. Son intention était de remettre sa collection au Canada afin que les Canadiens puissent en profiter et être fiers de pouvoir dire qu'un des plus grands photographes du monde était un des leurs.

Honorables sénateurs, la question ne se pose même pas.

Son Honneur le Président : Je suis au regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je demande cinq minutes de plus, honorables sénateurs.

Le sénateur Grafstein : Après dix ans, dix minutes conviendraient peut-être mieux.

Cela fait 20 ans que je vous écoute, sénateur Prud'homme; vous pourriez bien m'accorder dix minutes de plus.

Honorables sénateurs, la question ne se pose même pas.

Laissez-moi vous raconter une dernière petite histoire. Au Canada, les artistes des arts visuels n'ont pas de lobby. Nous, au Sénat, connaissons bien les groupes de pression culturels. Des lobbyistes culturels tels que des réalisateurs de télévision sont venus nous voir et, semaine après semaine, ce puissant lobby s'est présenté devant un comité du Sénat. Nous avons acquiescé à leur demande et modifié une disposition au profit des réalisateurs de télévision du pays. Bien fait, selon moi. C'était une question qui soulevait la controverse. Ce lobby était puissant.

Nous avons les grandes pétrolières, les grandes entreprises, les grandes universités, les grands instituts de recherche. Ce sont de gros groupes d'intérêts, mais les artistes des arts visuels canadiens, qui vivent des projets qu'ils réalisent, n'ont pas les moyens de se doter d'un groupe de pression. Ils sont néanmoins venus me voir. J'ai rencontré leurs représentants à mon bureau à plusieurs occasions. Ce sont des artistes qui veulent contribuer à l'essor du pays par leurs créations. Deux femmes en particulier m'ont dit, les larmes aux yeux : « Je pourrais être une Van Gogh, sénateur. Mes créations n'ont pas été vendues; il se pourrait que, à un moment donné, quelqu'un découvre mon œuvre comme c'est arrivé à Van Gogh, et je vivrai dans le cœur et l'esprit des Canadiens. Je vous prie de veiller à ce que ce musée voie le jour, car j'ai l'intention de léguer toute mon œuvre aux Archives nationales et au Musée national du portrait. » C'est une histoire crève-cœur véridique.

J'invite les sénateurs à adopter rapidement cette mesure, dans l'esprit de coopération évoqué dans les rangs d'en face, dans le respect de l'intelligence, de l'évidence et du bon sens. Convainquons nos collègues d'en face que cela va de soi, que la question ne se pose même pas. Faisons ce que prévoit la mesure. Faisons une chose formidable pour le Canada. Créons en cette enceinte une nouvelle histoire visuelle pour notre pays.

J'exhorte les sénateurs à adopter promptement le projet de loi et à le renvoyer à l'autre endroit.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'invoque le Règlement au sujet du projet de loi S-201.

Je n'ai aucunement l'intention de m'attarder sur le pour et le contre du projet de loi, mais à mon avis, il augmenterait les dépenses du gouvernement et il est par conséquent irrecevable.

Les sénateurs savent que l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit que tout projet de loi ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public devra originer dans la Chambre des communes. L'article 54 exige que ces projets de loi soient recommandés au Sénat par le Gouverneur général.

Dans la quatrième édition de son ouvrage, Bourinot qualifie les initiatives financières de la Couronne d'initiatives constitutionnelles, ce qui signifie que le gouvernement est seul à être en mesure de proposer des mesures financières.

Dans la 21e édition de l'ouvrage d'Erskine May, les initiatives financières de la Couronne sont décrites comme suit :

[...] une règle de procédure ancienne et suivie à la lettre, qui exprime un principe de la plus haute importance sur le plan constitutionnel, voulant qu'aucuns fonds publics ne puissent être affectés à une initiative autre que celle de la Couronne [...]

Comme les sénateurs le savent, l'article 81 du Règlement du Sénat dit ce qui suit :

Le Sénat ne doit pas procéder à l'étude d'un projet de loi comportant l'affectation de fonds publics, sauf si [...] le représentant de la Reine a recommandé cette affectation.

Je vais expliquer en quoi le projet de loi S-201 n'est pas conforme à la Constitution et aux exigences procédurales que je viens de citer.

L'article 1 du projet de loi S-201 établit une exposition permanente de portraits et d'œuvres faisant partie de la collection de portraits de Bibliothèque et Archives Canada, notamment des tableaux, des croquis, des sculptures et des photographies. L'article stipule que cette exposition permanente est située au 100, rue Wellington, à Ottawa.

Autrement dit, l'article 1 établirait un nouveau musée national du portrait et en précise même l'emplacement.

Le sénateur Grafstein a déjà dit ici même qu'un nouveau musée national du portrait...

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement fait un recours important au Règlement et la présidence doit pouvoir entendre ce que le sénateur dit.

Le sénateur Comeau : Je vous remercie. J'apprécie au plus haut point.

Le sénateur Grafstein a déclaré dans cette enceinte que l'aménagement d'un nouveau Musée du portrait du Canada, au 100, rue Wellington coûterait entre 30 et 40 millions de dollars. Honorables sénateurs, la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada ne prévoit aucune autorisation d'ordre général pour créer une nouvelle exposition permanente d'œuvres collectionnées et acquises par Bibliothèque et Archives Canada. La loi autorise plutôt les expositions semi-permanentes. L'alinéa 8(1)e) permet au bibliothécaire et archiviste de :

[...] mettre en place des programmes visant à faire connaître et comprendre le patrimoine documentaire et encourager ou organiser des activités — notamment des expositions, des publications et des spectacles — à cette fin;

Par conséquent, l'autorisation concernant les expositions semi- permanentes à l'alinéa 8(1)e) n'englobe pas les dispositions du projet de loi S-201 visant l'établissement d' une nouvelle exposition permanente sous la forme d'un Musée du portrait du Canada.

Cela signifie que le projet de loi S-201 ajouterait un nouvel objectif à la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.

Le 27 février 1991, le Président du Sénat a rendu une décision, relativement à la recevabilité du projet de loi S-18, Loi favorisant la réalisation des aspirations des peuples autochtones du Canada, à l'effet que :

[...] les paragraphes 8(2) et 8(3) imposent nettement de nouvelles fonctions au ministre des Affaires indiennes et du Nord et, par conséquent, à son ministère. Elles empiètent donc sur les prérogatives financières de l'État et ne sont pas conformes au Règlement.

(1710)

Dans sa décision, le Président du Sénat a rejeté l'argument selon lequel les mesures, en soi, n'entrainent pas nécessairement la dépense de fonds publics et peuvent être prises sur-le-champ, dans le cadre des pouvoirs ministériels exercés dans les domaines de compétence du ministre en vertu d'autres lois et à même d'autres enveloppes budgétaires.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-201 impose à une loi actuelle un nouvel objectif et engage des dépenses qui, selon le sénateur Grafstein, comprennent des frais initiaux de 30 millions à 40 millions de dollars, ainsi que des frais d'exploitation continus. Par conséquent, le projet de loi S-201 contrevient à l'article 81 du Règlement du Sénat du Canada et devrait donc être jugé irrecevable.

Son Honneur le Président : Y a-t-il des observations sur ce rappel au Règlement?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Avant tout, je suis heureux de l'appui dont jouit cette mesure. Je suis également heureux de pouvoir débattre de la question avec mon collègue. J'ai été pris au dépourvu; la question n'a pas été soulevée la dernière fois que j'ai présenté ce projet de loi. Elle a été soulevée pour la première fois par les occupants des banquettes ministérielles, ce que je respecte. J'aimerais en profiter pour souhaiter aux nouveaux sénateurs la bienvenue au Sénat. J'espère pouvoir répondre le plus tôt possible, d'ici un ou deux jours, car je crois que le sénateur a soulevé une importante question qui a une incidence sur le projet de loi.

En passant, je ne suis pas en train de dire que le recours au Règlement est fondé. Bien au contraire. . Il y a plusieurs façons de plumer un canard. Cela dit, je pense que le sénateur a invoqué le Règlement de bonne foi, et je compte répondre à son recours de bonne foi, le plus tôt possible. J'aimerais demander l'ajournement du débat et avoir l'occasion de répondre au recours au Règlement ultérieurement.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Comme je l'ai dit quand j'ai répondu au recours au Règlement soulevé par mon collègue la semaine dernière, ces mesures ne sont pas nécessairement des projets de loi de finances. Le Sénat est souvent saisi de projets de loi qui engagent des dépenses, mais ces dépenses ne sont pas leur objectif principal, et ces mesures n'ont d'incidence ni sur le budget ni sur les processus budgétaires du gouvernement.

Par ailleurs, on n'a pas encore terminé l'étude de ce projet de loi. Le comité pourra en faire une étude plus poussée. À ce stade-ci, ce n'est pas à nous de déterminer si le projet de loi a des répercussions sur le plan financier. Si cela devait être le cas, et je ne crois pas que ce le sera, la recommandation royale pourrait être obtenue à n'importe quelle étape de l'étude du projet de loi. Par conséquent, il est prématuré de dire que ce projet de loi est irrecevable. Il pourra être étudié au comité et ensuite renvoyé à la Chambre des communes, où les députés pourraient également exiger la recommandation royale.

L'honorable Joan Fraser : On commence à déceler une tendance ici. Quant à savoir s'il s'agit de collaboration, c'est une autre affaire. Le recours au Règlement d'aujourd'hui est, à bien des égards, semblable à celui du leader adjoint du gouvernement de jeudi dernier sur le projet de loi du sénateur Carstairs. Mes observations seront donc semblables, avec les modifications qui s'imposent, à celles que j'ai faites jeudi dernier. Je vais remplacer les « critères d'admissibilité à l'assurance-emploi » par les « critères d'utilisation des biens immobiliers du gouvernement ».

Il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi de crédits. La recommandation royale peut lui être annexée à tout moment pendant que nous l'étudions ou une disposition pourrait lui être insérée, si elle ne s'y trouve pas déjà, selon laquelle le projet de loi entrera en vigueur seulement après que le Parlement aura fait tout ce qui s'impose, comme nous en avons discuté la semaine dernière au sujet de l'autre recours au Règlement. J'ai écouté avec intérêt le sénateur Grafstein exprimer sa volonté d'examiner ces questions et de faire tous les changements nécessaires, le cas échéant.

Je le répète, je ne pense pas que nous ayons besoin d'invoquer le Règlement en ce moment.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, je ne répéterai pas les arguments que j'ai soulevés la semaine dernière. Toutefois, ma collègue a mentionné qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi qui entraîne une dépense de fonds publics. Je m'étonne de la façon de lire du sénateur puisque le nouvel article de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada donne, à la limite, des instructions. On peut y lire, au paragraphe 1, que dans l'exécution de sa mission, Bibliothèque et Archives du Canada établit... — donc c'est un ordre du Parlement. La loi donne instruction à cet organisme de l'État d'établir une exposition permanente.

Au paragraphe 2, on peut lire que cette exposition permanente établie, en vertu du paragraphe 1, porte le nom de musée national. S'il ne s'agit pas d'une dépense de fonds publics, je ne sais pas de quoi il s'agit.

Honorables sénateurs, je vous reporte au texte que j'ai lu la semaine dernière et à l'argument de ma collègue selon lequel ce problème pourrait survenir en tout temps pendant l'examen législatif de la mesure. Je vous rappelle que le jour où ce projet de loi serait présenté à la Chambre des communes, il aurait un défaut viscéral, puisque la recommandation royale n'aurait pas été, au préalable, annexée au projet de loi. Pour cette raison, le projet de loi serait vicié, ab initio, dès le départ. Donc, cette mesure ne peut pas être examinée par le Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Comeau : Je rappelle aux sénateurs une rengaine qu'on entend souvent : « Nous exigerons une recommandation royale au moment opportun, au cours du processus — si nous décidons que cela est nécessaire. Toutefois, cela peut se faire en tout temps : quelques millions de dollars par-ci, quelques millions par-là, il n'y a pas de problème. »

Permettez-moi de lire l'article 81 du Règlement. On y dit ceci :

81. Le Sénat ne doit pas procéder à l'étude d'un projet de loi comportant l'affectation de fonds publics, sauf si, à la connaissance du Sénat, le représentant de la Reine a recommandé cette affectation.

C'est aussi simple que cela. Nous ne pouvons pas faire de règles plus simples que celle-là. Est-ce que nous ferons fi des règles pour dire, « nous exigerons une recommandation royale en temps opportun au cours du processus »? L'article 81 du Règlement dit clairement « ne doit pas procéder ». J'ai invoqué le Règlement relativement à une habitude soulevée par ma collègue, le sénateur Fraser. Il s'agit de notre travail, de notre rôle. Il s'agit de la responsabilité de tous les sénateurs, pas seulement de la mienne. Si nous nous mettons à contourner les règles ou à les ignorer, cela aura un impact à long terme sur tous les sénateurs — des deux côtés. Un jour, le sénateur pourrait bien être de ce côté-ci. Qu'on y pense un peu. Dieu nous en garde — j'espère que ce cela n'arrivera pas de sitôt. Je ne crois pas que cela arrivera avant longtemps, mais la chose est tout de même possible.

Je me permets de dire au sénateur que le mépris du Règlement n'est pas une voie dans laquelle nous voulons nous engager. Respectons le Règlement. Appliquons-le. Si le Règlement dit que nous ne devons pas procéder à l'étude d'un projet de loi comportant l'affectation de fonds publics, abstenons-nous de le faire.

[Français]

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, je voudrais faire référence à une décision du Président du Sénat concernant le projet de loi S-221. Notre Président a jugé bon de dire :

Le bon sens me porte également à croire que l'on ne souhaite certainement pas que tout projet de loi ayant des répercussions financières de quelque sorte doive être nécessairement présenté dans l'autre endroit. Une telle interprétation entraverait sérieusement le pouvoir du Sénat de proposer des mesures législatives. Pour cette raison et les raisons que j'ai mentionnées précédemment, je déclare que le projet de loi S-221 dont le Sénat est actuellement saisi est recevable et que le débat à l'étape de la deuxième lecture peut se poursuivre.

Voilà une décision très juste et très honorable de notre cher Président.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais exprimer mes remerciements pour toutes vos intervention. Ce rappel au Règlement touche, d'un certain point de vue, le rappel au Règlement soulevé la semaine dernière. Nous avons déjà commencé notre recherche et l'étude de la littérature procédurale. Je crois que nous pourrons rendre une décision bientôt.

(1720)

[Traduction]

LA LOI SUR LA CAPITALE NATIONALE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—RECOURS AU RÈGLEMENT—REPORT DE LA DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

L'honorable Mira Spivak propose que le projet de loi S-204, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (création et protection du parc de la Gatineau), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, ce projet de loi est essentiellement identique à ses prédécesseurs, les projets de loi S-201 et S-227. Il s'agit ici de ma troisième tentative d'apporter une légère mais combien importante amélioration à la protection du parc de la Gatineau. Ce parc fédéral est situé à quelques minutes seulement de la Colline du Parlement.

Pour reprendre les paroles d'une représentante de la Commission de la capitale nationale, qui en est le gardien depuis des décennies :

Le parc de la Gatineau fait non seulement partie de notre patrimoine naturel, mais il abrite d'autres ressources à caractère patrimonial. Le domaine Mackenzie King qui comporte des jardins et des édifices historiques est l'attrait culturel le plus important du parc alors que quelque 60 000 visiteurs s'y rendent chaque année. Deux des six résidences officielles que gère la CCN se trouvent également dans le parc de la Gatineau, soit la ferme, la résidence du Président de la Chambre des communes, et la résidence du lac Mousseau, connue sous le nom de Harrington Lake, résidence de campagne du premier ministre, et contribuent toutes à rehausser le caractère symbolique, national et politique du parc.

Le parc de la Gatineau fait peut-être partie de notre patrimoine naturel, mais l'un après l'autre, les gouvernements ont omis de lui accorder la même protection juridique que nous accordons à nos parcs nationaux. Ce projet de loi vise à corriger cette omission. Plus précisément, les frontières du parc seraient déterminées par la loi et toute modification future devrait être approuvée par le Parlement.

Comme je l'ai déjà dit à deux occasions par le passé, La Commission de la capitale nationale a bien protégé l'intégrité de ce parc, autant qu'il est possible de le faire en l'absence de la protection juridique et des fonds qui permettraient de faire mieux.

Toutefois, en raison de pressions de promoteurs de l'autre côté de la rivière, la CCN a aussi été tentée de vendre des portions du parc. Cela ne doit pas se produire. Au fur et à mesure que les pressions exercées sur le gouvernement augmentent— les pressions attribuables à la récession et au déficit— il est clair que l'on envisagera de vendre des biens de la Couronne. Les terres du parc de la Gatineau ne doivent pas être vendues.

Sur le plan juridique, la majorité du parc appartient au gouvernement, et la décision de vente lui revient. Sur le plan moral, cependant, le parc appartient à tous les Canadiens des générations passées, présentes et futures. Nous sommes ses gardiens temporels. Nous devons nous assurer de protéger notre patrimoine et le transmettre aux générations futures. Le Parlement doit être l'arbitre final des changements qui seront apportés au parc de la Gatineau, comme il l'est pour nos parcs nationaux.

Le projet de loi encouragerait également, sans l'obliger, la CCN à acheter des terres privées dans le parc quand des personnes décident de vendre leur propriété. Il exigerait seulement que les propriétaires donnent à la commission un droit de premier refus par rapport à une vente.

Depuis que j'ai présenté ce projet de loi pour la première fois, il y a eu des signes très encourageants montrant que le gouvernement prend au sérieux la protection des parcs. Cela n'a pas toujours été le cas. Par le passé, le gouvernement a permis la construction de routes importantes qui traversent le parc. Il a permis à des promoteurs immobiliers d'acheter à bas prix des terres dans le parcs. Il a permis la mise sur le marché de résidences privées dans le parc et l'escalade de leurs prix, et il a laissé ces résidences demeurer des sanctuaires privés dans un parc qui appartient à tous les Canadiens. Comme cela a été signalé dans différents articles de journaux au cours des deux dernières années, quelque huit kilomètres carrés ont été supprimés de la superficie du parc et plus de cent nouvelles maisons ont été construites dans cet espace.

Toutefois, ces dernières années, il s'est produit trois choses importantes. Cela n'a pas nuit qu'un député de la région soit nommé ministre responsable de la CCN. L'ancien ministre des Transports, Lawrence Cannon, était bien conscient de l'importance du parc pour ses électeurs, pour les milliers d'autres Canadiens qui s'y rendent et pour l'industrie de l'écotourisme. Nous ne pouvons qu'espérer que, même s'il a été promu au rang de ministre des Affaires étrangères, il continuera de surveiller de prêt ce joyau de sa circonscription.

Au printemps dernier, lorsque le ministre était en poste, le gouvernement, a freiné l'aménagement d'un nouveau complexe résidentiel de taille moyenne à l'intérieur du parc en achetant le terrain privé sur lequel il devait être construit. L'été dernier, sous la surveillance du ministre, le gouvernement a également pris une mesure importante, par voie de décret, en permettant à la CCN de faire l'acquisition d'autres terrains privés dans le parc sans devoir obtenir l'autorisation du Conseil du Trésor pour les achats de plus de 25 000 $.

Le ministre occupait encore ses fonctions lorsque la CCN a finalement complété la description technique des limites du parc, qui figure en annexe de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, il y a eu des progrès. Il nous reste maintenant à donner un statut juridique à ces limites, à les fixer définitivement, pour nous assurer que la superficie du parc n'est pas encore rognée par de nouvelle demandes de construction de routes ou d'autres raisons pour contenir le déficit fédéral. Nous devons, au moyen de ce projet de loi, permettre au Parlement d'exercer un contrôle sur ces limites du parc.

Une question évidente se pose : pourquoi le gouvernement ne déclare-t-il pas simplement le parc de la Gatineau parc national? Comme l'histoire nous le montre, cela a déjà été envisagé.

D'abord, la question de la propriété privée prendrait des décennies, voire des générations, à régler. En outre, il y a la question de la revendication de la province de Québec de quelque 17 p. 100 du parc à titre de propriétaire et la province a refusé de céder cette partie du territoire pour la création d'un parc national.

Cependant, comme le sénateur Banks l'a clairement expliqué à l'étape de la deuxième lecture des deux projets de loi précédents visant le parc de la Gatineau, cette allégation voulant que 17 p. 100 du parc appartienne au Québec semble impossible, étant donné que le terrain a été cédé au gouvernement fédéral en 1973 en échange des terrains du cégep de Hull.

De plus, j'ai reçu à mon bureau des documents qui confirment que la CCN a versé l'an dernier des paiements en remplacement d'impôts de plus de 260 000 $ à la municipalité de Pontiac pour ces terres qui appartiendraient prétendument à la province de Québec.

En ce qui concerne le terrain du cégep de Hull, j'ai aussi obtenu des documents de la Ville de Gatineau qui confirment que le gouvernement du Québec verse des paiements en remplacement d'impôts pour cette propriété.

Honorables sénateurs, je ne crois pas que le gouvernement ait l'habitude de verser des paiements en remplacement d'impôts pour des terres qui ne lui appartiennent pas. De toute façon, j'espère que les responsables de la CCN pourront mettre les choses au clair lorsqu'ils comparaîtront devant le comité.

Une autre explication au fait que le parc de la Gatineau n'est pas un parc national est que Parcs Canada ne veut pas s'en occuper. Parcs Canada a ses propres priorités en vertu d'un plan de représentation d'écosystèmes et de régions précis de notre pays dans son réseau de parcs nationaux. Selon ces critères, le parc de la Gatineau serait identique à un autre parc national et serait un fardeau de plus imposé à une agence qui manque déjà de ressources. De plus, une note rédigée le printemps dernier par des fonctionnaires de Parcs Canada à l'intention du ministre de l'Environnement de l'époque, John Baird, est très révélatrice. Cette note avisait le ministre que Parcs Canada ne pouvait administrer adéquatement le Parc de la Gatineau avec le budget fourni par la CCN à ce chapitre.

(1730)

Par conséquent, selon ce projet de loi, la gestion du parc de la Gatineau continuerait de relever de la CCN, organisme qui souhaite continuer d'en assurer la gestion. Le projet de loi établit légalement les limites du parc et fait du Parlement le surveillant suprême de cette aire de nature sauvage très précieuse qui se trouve à nos portes, comme c'est le cas pour plusieurs autres parcs nationaux au pays.

Lorsque notre comité a étudié le projet de loi S-210 auparavant, M. Andrew McDermott, président de la New Woodlands Preservation League, nous a confié que les responsables de la planification ont déjà cru que le parc de la Gatineau deviendrait le premier parc national du Québec. En fait, il devait être le premier parc national situé à l'extérieur des montagnes Rocheuses, mais cela ne s'est jamais réalisé.

Un autre témoin, M. Stephen Hazell, directeur exécutif du Sierra Club du Canada, a confié au comité que, sans ce projet de loi, le parc de la Gatineau jouit de la même protection que les plates- bandes de tulipes de la place de la Confédération; il pourrait s'agir de notre prochain projet. Bref, la protection dont jouit le parc est seulement attribuable au fait qu'il appartient presque entièrement à la CCN ou que celle-ci en gère la majeure partie.

M. Doug Anions, vice-président de la section de la vallée de l'Outaouais de la Société pour la nature et les parcs du Canada, a dit au comité :

Nous sommes en faveur du projet de loi S-210. Le parc de la Gatineau a un urgent besoin de protection. [...] L'empiètement urbain augmente à un rythme alarmant.

Non seulement ces témoins sont-ils en faveur de ce projet de loi, mais au cours de leur examen du mandat de la CCN, une quinzaine de groupes réunis pour former la Coalition pour le renouvellement de la CCN se sont prononcés en faveur de ce projet de loi comme étant une solution pratique à de nombreuses menaces pesant sur le parc. Évidemment, la CCN a répondu :

Nous sommes heureux que le Sénat ait proposé un projet de loi qui reconnaît le rôle essentiel que joue le parc de la Gatineau au sein de la capitale du Canada en intégrant clairement le parc dans la Loi sur la capitale nationale.

Des représentants ont clairement indiqué que l'acquisition de terrains privés à l'intérieur des limites du parc constituait une priorité pour la CCN. Cela a été énoncé dans des plans directeurs successifs pour le parc. Le projet de loi en fait donc mention dans son préambule et dans certains de ses articles.

Après ces audiences, on s'est interrogé sur les répercussions financières du projet de loi et on s'est demandé s'il devait être considéré comme un projet de loi de finances exigeant une recommandation royale. De toute évidence, ce n'est pas le cas, comme l'a expliqué Micheline Dubé, de la CCN :

Le projet de loi propose de fixer une limite juridique pour le parc. La CCN a des limites dans lesquelles fonctionner, donc cette disposition n'aurait pas de répercussion monétaire. Le projet de loi propose que la CCN achète des terres et c'est un objectif de la Commission que de le faire.

Mme Dubé a indiqué qu'il y aurait des répercussions financières uniquement si le projet de loi obligeait la CCN à acquérir les propriétés à l'intérieur d'un certain nombre d'années. Toutefois, ce n'est pas ce que fait le projet de loi. Il n'oblige pas la CCN à acquérir quelque propriété que ce soit. La CCN n'aurait d'autre obligation que de répondre aux propriétaires désireux de vendre leur terrain et de communiquer au Parlement ses décisions sur l'acquisition des propriétés.

Comme votre comité a pu l'apprendre, la CCN dispose d'un fonds bien établi pour acquérir des terrains et s'en départir. Ce fonds provient de la vente de propriétés à Gatineau depuis 1990, propriétés dont la CCN a tiré 16,5 millions de dollars pour des achats. Il n'y a aucune raison de craindre que le projet de loi puisse avoir des incidences financières et que, de ce fait, il aille au-delà des prérogatives du Sénat.

L'organisme New Woodlands Preservation League nous a suggéré d'amender le projet de loi pour qu'il indique clairement que le parc de la Gatineau a été créé à l'intention des générations actuelles et à venir du peuple canadien. Il voudrait en outre que le maintien et le rétablissement de l'intégrité écologique des lieux constituent la priorité de la CCN dans sa gestion du parc. À l'instar des membres de votre comité, d'autres groupes se sont montrés favorables à ces amendements, qui ont pour but d'introduire dans le projet de loi l'esprit qui caractérise la Loi sur les parcs nationaux.

Le comité a également apporté une modification de pure forme pour clarifier le texte concernant le premier refus. De plus, un œil de lynx du bureau du juriste a relevé d'autres petites erreurs de pure forme dans le projet de loi et elles ont été corrigées.

Évidemment, le but visé par le projet de loi ne fait pas l'unanimité. Les habitants du coin préfèrent le statu quo. Ils croient qu'ils sont de bons gardiens du parc et il se pourrait bien que ce soit le cas la plupart du temps. Cependant, l'été dernier, lors de travaux de terrassement d'une propriété située très près du lac Meech il y a eu du ruissellement de surface et des sédiments se sont déposés dans des eaux peu profondes où l'achigan était très abondant auparavant et où les gens pêchaient. Le comité n'a pas été insensible aux préoccupations des propriétaires situés à l'intérieur des limites du parc. Il a évalué leur situation à la lumière des avantages pour l'ensemble des Canadiens.

Par conséquent, le projet de loi n'exige le départ d'aucun propriétaire de maison ou de chalet situé dans le parc. En fait, grâce à des fiducies, les familles pourraient continuer de se transmettre leurs propriétés d'une génération à l'autre. Le projet de loi n'exige qu'une seule chose d'eux, et c'est que, lorsqu'ils désirent mettre leur propriété en vente, ils donnent à la CCN la possibilité de dire oui ou non.

Lorsque les sénateurs voteront sur le projet de loi, j'espère qu'ils tiendront compte de la grande valeur du parc, tant du point de vue historique que du point de vue de sa biodiversité. Une étude de la CCN publiée en décembre 2006 révélait que le parc de la Gatineau contient environ 2 800 espèces, dont 53 espèces de mammifères, 234 espèces d'oiseaux, 52 espèces de poissons et 1 100 formes distinctes de végétaux. C'est, et de loin, la propriété de la CCN la plus diversifiée. On y trouve des couguars, des loups et des cerfs de virginie en abondance. Il y a des refuges sauvages où des adeptes de ski dans l'arrière-pays et des élèves peuvent passer la nuit et s'informer de première main sur notre monde naturel. Cependant, le parc doit être mieux protégé.

Dans sa publication intitulée Le parc de la Gatineau : Un trésor à protéger, la Société pour la nature et les parcs du Canada affirme que « Le parc de la Gatineau doit devenir un parc national canadien », et c'est exactement l'objectif du projet de loi.

Honorables sénateurs, il est temps que le Parlement assure au parc de la Gatineau la protection législative dont il a clairement besoin. J'espère que vous appuierez le projet de loi et que vous le renverrez à l'autre endroit sans délai indu.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Est-ce que je peux poser quelques questions au sénateur?

Le sénateur Spivak : Oui.

Le sénateur Nolin : Je prends connaissance de l'alinéa 3 c) du projet de loi.

Le sénateur Stollery : Renvoyez-le au comité.

Le sénateur Nolin : Je vais vous demander vos commentaires une fois que j'en aurai pris connaissance. Voici le libellé de l'alinéa 3c) :

[... ] de faire l'acquisition de biens immeubles situés dans le parc de la Gatineau qui n'appartiennent pas à la Commission.

Premièrement, qui devra faire l'acquisition?

(1740)

Le sénateur Spivak : C'est la Commission de la capitale nationale. Toutefois, comme je l'ai indiqué, la commission peut uniquement le faire si elle en a l'occasion et si personne d'autre ne se porte acquéreur.

Le sénateur Nolin : Ma question est plus simple que cela. Dans la loi, le mot « acquérir » renvoie-t-il à une directive de la Commission de la capitale nationale?

Le sénateur Spivak : Non.

Le sénateur Nolin : S'agit-il d'un mandat plutôt que d'une directive?

Le sénateur Spivak : La commission a ce mandat.

Le sénateur Nolin : Qui sera chargé de se porter acquéreur?

Le sénateur Spivak : La CCN a déjà ce mandat.

Le sénateur Nolin : D'où viendra l'argent pour permettre à la CCN de faire l'acquisition, en vertu de son mandat actuel, de biens immeubles situés dans le parc de la Gatineau qui ne lui appartiennent pas?

Le sénateur Spivak : Comme je l'ai indiqué dans mon intervention, la CCN dispose d'un fonds de réserve pour les acquisitions. C'est une pratique courante depuis des années.

Le sénateur Nolin : Disons que cet argent est déjà dans un compte de banque. D'où est venu cet argent?

Le sénateur Spivak : Je vois où vous voulez en venir.

Le sénateur Nolin : Répondez d'abord à ma question et nous nous occuperons du reste ensuite.

Le sénateur Spivak : Je crois que l'argent vient de la vente de propriétés. La CCN a vendu certaines propriétés au fil des ans, comme je l'ai mentionné dans mon intervention.

Si le sénateur me demande si cet argent vient du Parlement, je ne lui répondrai pas. J'invoque le cinquième amendement.

Le sénateur Nolin : C'est une réponse valable.

Le sénateur Spivak : Vous ne m'aurez pas.

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, malgré toute l'élégance dont a fait preuve l'honorable sénateur Spivak dans sa réponse, j'aimerais invoquer un rappel au règlement similaire à celui du leader adjoint du gouvernement.

J'attirerai votre attention plus particulièrement sur un petit mot important que nous retrouvons dans les versions anglaise et française de la Loi constitutionnelle de 1867 et qui a fait l'objet du débat.

[Traduction]

L'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que :

Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public...

Le mot « tout » est plutôt vaste.

[Français]

Dans la version française, l'article 53 se lit comme suit :

Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque [...]

Il peut s'agir d'un dollar ou d'un sou.

Honorables sénateurs, j'ai entendu des arguments qui militent en faveur de faciliter le travail parlementaire. J'appuie la mesure législative de ma collègue. Toutefois, j'aimerais que notre travail se fasse dans le respect le plus intègre de la Constitution du Canada.

À mon avis, nous ne pouvons pas étudier cette mesure sans qu'il y ait une recommandation royale, qui ferait en sorte que le projet de loi devrait être présenté à l'autre endroit d'abord, après quoi nous disposerions de toute la latitude voulue pour en faire l'examen.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'ai noté avec intérêt que madame le sénateur Spivak, pendant son discours — sachant sans doute ce qui l'attendait — a formulé une réponse claire et, à mon avis, très convaincante en fonction de toute possibilité d'invoquer un rappel au Règlement concernant ce projet de loi. Je suggère donc que le sénateur consulte ses remarques.

[Traduction]

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, à une certaine époque, j'étais présidente d'un conseil scolaire. Le conseil avait un avocat qui était chargé de s'opposer à tout.

Notre conseiller juridique, qui, le sénateur en conviendra, est très compétent, a examiné le projet de loi. Comme on le sait, tout projet de loi d'initiative parlementaire à l'étude au Sénat n'avance qu'au prix de sueurs, de larmes et de sang. La dernière fois que notre assemblée a été saisie de ce projet de loi, le gouvernement l'a appuyé, et le sénateur Nolin aussi.

Il est étonnant qu'une même personne puisse appuyer quelque chose à un moment donné et, à un autre moment, refuser de l'appuyer pour des raisons d'ordre juridique. On peut vraiment invoquer la loi à n'importe quelles fins.

Je siège au Sénat depuis un certain temps. C'est un endroit où il nous vient souvent de merveilleuses idées. Ces idées n'ont un caractère ni politique ni partisan; elles profitent à tous les Canadiens. Oublions un peu les États bleus et les États rouges et rappelons-nous que nous vivons tous au Canada.

Le point le plus important à retenir est que, la dernière fois, tout le monde s'est entendu pour dire qu'il n'était pas nécessaire que le projet de loi s'accompagne d'une recommandation royale. J'ai terminé mon plaidoyer.

L'honorable Tommy Banks : Au sujet du recours au Règlement et dans un esprit de coopération, le sénateur Spivak a soulevé un point important. Je crois que la règle veut que les nouvelles dépenses à l'égard desquelles des fonds n'ont pas déjà été affectés exigent l'obtention d'une recommandation royale.

Je crois toutefois que, dans le cas qui nous occupe, il est tout à fait normal que la Commission de la capitale nationale fasse l'acquisition de propriétés de temps à autre, comme l'a démontré madame le sénateur Spivak dans son intervention. Elle l'a fait à maintes reprises dans le passé. Elle a même fait l'acquisition d'un assez gros terrain l'an dernier.

Elle n'a pas obtenu de recommandation royale à cette fin. Elle a fait un chèque parce que les membres du conseil étaient d'avis que la Commission de la capitale nationale devrait puiser à même ses propres ressources les fonds nécessaires à l'achat d'un certain terrain afin de protéger ce parc.

Comme le sénateur Spivak l'a précisé, son projet de loi ne fait qu'établir et définir dans la loi les limites du parc. Ce projet de loi n'exige aucunement qu'on embauche une seule personne ou qu'on dépense un sou. Il fixe les paramètres du parc dans la loi, ce qui n'avait jamais été fait, et cela est honteux. Ce projet de loi n'exige aucune dépense à part l'acquisition du terrain, ce qui relève habituellement de la CCN. Que l'argent nécessaire provienne de la vente d'une propriété ou de crédits parlementaires n'a aucune importance, car les crédits parlementaires sont accordés à la CCN précisément pour acheter des propriétés dans la région de la capitale nationale.

J'exhorte Son Honneur à considérer qu'il n'y a pas lieu d'invoquer le Règlement.

Le sénateur Spivak : Il doit toujours y avoir un équilibre. La partie la plus importante de ce projet de loi n'est pas l'aspect monétaire, mais bien que le Parlement doit s'assurer que cette propriété, qui est un trésor national, est protégée.

(1750)

On peut faire valoir que la question de la protection est moins importante qu'un argument ésotérique inexact au sujet du financement, mais je signale au sénateur qu'il n'a pas prouvé son point. La question de la protection est primordiale et elle devrait l'être pour tout le monde.

Son Honneur le Président : Je remercie tous les sénateurs de leurs interventions concernant le recours au Règlement du sénateur Nolin. La présidence prendra la question en délibéré et rendra une décision.

LA CAPACITÉ NUCLÉAIRE DE L'IRAN ET SES PRÉPARATIFS DE GUERRE

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Hugh Segal, ayant donné avis le 27 janvier 2009 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la capacité imminente du gouvernement iranien de déclencher une guerre nucléaire et sur ses préparatifs en prévision d'une guerre au Moyen-Orient, sur l'engagement du Canada et de ses alliés, notamment les États-Unis, la Russie, la Turquie, les États du golfe Persique, l'Égypte, la Jordanie, l'Arabie saoudite et d'autres États, à prendre des initiatives diplomatiques et stratégiques qui excluent le recours en premier aux attaques nucléaires, sur la capacité du Canada de s'engager auprès de ses alliés afin de comprendre cette menace, d'en mesurer l'ampleur et de la contenir, et sur la capacité du Canada d'appuyer les efforts des pays alliés visant à empêcher une guerre thermonucléaire au Moyen- Orient.

— Honorables sénateurs, en soulevant brièvement la question de l'Iran ce soir, j'espère que nous pourrons générer dans cette enceinte un élan positif pour que le Canada puisse contribuer de façon constructive à un règlement pacifique de la question nucléaire iranienne. Ce matin, les médias ont annoncé que la République islamique d'Iran a lancé dans l'espace une fusée dont la portée géographique potentielle est encore plus inquiétante pour nous tous. La question est donc d'autant plus pertinente.

La complexité de la tâche qui nous attend ne devrait pas nous décourager. Le coût de l'inaction ou de l'échec serait intolérable et ni l'une ni l'autre ne peuvent être tolérés comme une option ou un aboutissement pour l'Iran, ses voisins de la région ou le reste du monde. L'échec ou l'inaction pourraient conduire, et je crois que ce serait le cas, à un affrontement thermonucléaire en comparaison duquel les pertes de vies humaines attribuables aux guerres dans la région, y compris l'horrible conflit entre l'Irak et l'Iran qui a fait des centaines de milliers de morts, sembleraient insignifiantes en comparaison.

Depuis la fin des années 1950 et la nomination de l'honorable Howard Greene, de la Colombie-Britannique, au poste de ministre des Affaires étrangères de M. Diefenbaker, l'un des piliers de la politique du Canada en matière d'affaires étrangères et de défense a été l'échec à la guerre nucléaire. Ce qui a motivé en grande partie les travaux de M. Pearson à l'ONU sur Suez, dans le milieu des années 1950, travaux qui lui ont valu le prix Nobel, c'était la nécessité d'empêcher un différend au sein de l'OTAN et de réduire le risque d'un engagement de la Russie aux côtés de l'Égypte au début de la guerre froide. Ainsi, une initiative canadienne dans ce dossier ne serait pas sans précédent ni dépourvue de profondes racines historiques.

Contrairement aux États-Unis, le Canada entretient des relations diplomatiques complètes avec la République islamique d'Iran ainsi que des rapports chaleureux et cordiaux avec la République d'Israël. Nous avons des problèmes et différends consulaires épineux avec l'Iran. Cependant, en dépit des tensions, nous avons maintenu des rapports fonctionnels et essentiellement pragmatiques avec ce pays. Très certainement, quels que soient nos désaccords avec le gouvernement de l'Iran, nous ne sommes nullement en froid avec son peuple. Des entreprises canadiennes font affaire en Iran et le Canada a été très grandement renforci depuis des générations au Canada par une diaspora iranienne dynamique, croissante et diverse sur le plan religieux, et dont le leadership sur les plans économique, culturel et professionnel, de même que sur ceux du bénévolat et des activités sans but lucratif, est tout à l'honneur de ses représentants et du climat accueillant qui caractérise le Canada qui nous est cher.

Honorables sénateurs, à mon avis, au lieu de se borner à des sondages et des consultations ou de se laisser guider par les initiatives des grandes puissances ou leur l'immobilisme, le Canada devrait proposer un plan rationnel et humanitaire à l'appui d'un traité de non agression pour le Proche-Orient qui serait le fait de plusieurs États, qui affirmerait la souveraineté et que garantiraient voisins et alliés. Le Canada devrait proposer un accord multi-États visant la stabilité, tenant compte des réalités critiques et englobant les éléments essentiels au bien-être de tous les peuples de la région. Les éléments clés d'un tel accord de stabilité multi-États seraient les suivants : premièrement, l'acceptation par tous les signataires des droits à la souveraineté, du droit au respect et au traitement équitable pour tous les gouvernements signataires; deuxièmement, l'affirmation claire des droits de tous les signataires d'utiliser de façon pacifique l'énergie nucléaire aux fins du développement économique; troisièmement, l'acceptation par tous les signataires du droit illimité des inspecteurs internationaux de l'énergie nucléaire d'inspecter toutes les installations, tous les laboratoires et tous les sites de construction de réacteurs à 12 heures d'avis dans tous les pays signataires; quatrièmement, l'acceptation, aux fins d'établir et de raffermir la confiance, de visites conjointes régulières de la part de délégations composées de représentants des collectivités politiques et scientifiques de tous les signataires; cinquièmement, l'acceptation officielle par tous les signataires d'un « accord de renonciation au premier recours » visant l'ensemble des armes non conventionnelles, y compris les gaz, les armes biologiques et les armes nucléaires; sixièmement, un accord de surveillance conjointe des signataires par le truchement des technologies AWACS et satellitaires de l'OTAN aux fins de la surveillance et de la mise en application ainsi que l'engagement de la part de la Russie et de l'OTAN d'assurer une aide conjointe en matière de surveillance visant cette partie de l'accord; septièmement, l'acceptation par les « témoins signataires » (Russie, Union européenne, France, Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Japon et Chine, notamment) d'un soutien financier et logistique et d'investissements dans le développement en collaboration avec les pays signataires afin de favoriser le développement économique et social dans tous les pays signataires de l'accord de stabilité multipartite.

Les pays signataires, en plus de l'Iran et d'Israël, incluraient le Liban, la Syrie, la Turquie, la Libye , la Jordanie, l'Égypte, l'Arabie saoudite, la Tunisie, l'Algérie, l'Irak, le Koweït et les membres souverains du Conseil de coopération du Golfe.

Dans un monde parfait, l'organisme d'administration de cet accord aurait son siège dans un État arabe de la région qui entretient des relations normales avec tous les acteurs clés. Son personnel proviendrait de multiples pays de la région également.

D'autres personnes qui s'y connaissent plus que moi sur la question, qui ont voyagé davantage ou qui possèdent une expérience militaire ou diplomatique que je n'ai pas auront d'autres points de vue sur la question. Je serais heureux qu'il y ait un débat de fond sur mon interpellation. Je crois que le Sénat peut assurer un certain leadership dans ce dossier, ce qui, pour différentes raisons, ne semble pas exister ailleurs.

À mon avis, nous devons être clairs sur deux choses : traiter l'Iran comme un endroit éloigné dont nous savons peu et dont nous nous soucions peu, pour paraphraser les paroles de M. Chamberlain au sujet de la Tchécoslovaquie vers la fin des années 1930, nous conduira aux mêmes événements horribles dans lesquels le déni de la réalité par Chamberlain et le manque de préparation a entraîné le monde à l'époque.

Nos alliés américains sont maintenant dirigés par un gouvernement qui tend la main à ceux qui veulent bien desserrer le poing. Le président Obama a l'avantage d'un mandat large, d'une extrême bonne volonté mondiale et d'une nouvelle secrétaire d'État remarquablement forte et compétente en la personne du sénateur Clinton. Le Canada et tous les alliés des États-Unis ont la possibilité de mettre fin au désespoir suscité par les poings et les cœurs fermés pour saisir la promesse d'un dialogue et de nouvelles idées.

En tant que Canadiens, peu importe nos défis et nos possibilités dans nos rapports commerciaux avec nos voisins américains, en qui nous avons confiance et que nous soutenons, nous avons envers le monde le devoir de faire preuve d'une pensée nouvelle et de mettre de l'avant de nouvelles idées car les risques géopolitiques de tous n'ont jamais été aussi grands. Si notre dialogue avec les États-Unis ne porte que sur les irritants dans nos rapports bilatéraux, nous serons, comme l'a souvent affirmé l'ancien ambassadeur des États- Unis au Canada, « les otages des pressions intérieures et protectionnistes des États-Unis ». Dans la mesure où le Canada dialogue avec le monde en tant que puissance moyenne indépendante, à défaut d'être neutre, avec l'objectif d'aider à gérer ou à atténuer les risques et les menaces géopolitiques qui pèsent sur les valeurs que nous partageons avec nos alliés et partenaires américains, européens, asiatiques, africains et moyen-orientaux, nous accroissons notre capacité de faire valoir nos propres intérêts commerciaux et géopolitiques auprès de beaucoup d'autres États, dont les États-Unis.

(1800)

Alors que le président Obama s'apprête à se rendre au Canada au beau milieu d'une restructuration économique et financière dans le monde entier — ce qui pourrait déstabiliser encore davantage le Moyen-Orient —, il n'a jamais été aussi pressant de prendre une initiative audacieuse sur la question de l'Iran et de l'envisager sous un angle nouveau.

Lorsque le Comité de la sécurité nationale et de la défense ou le Comité des affaires étrangères finiront par être formés, éventuellement, j'espère que leurs membres seront invités à étudier davantage ce genre d'initiatives. Je ne doute pas que des sénateurs possédant une vaste expérience et des témoins experts du Canada et de la région en question seront capables, dans toute leur sagesse, d'améliorer grandement les suggestions que j'ai faites aujourd'hui au Sénat.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, bien que je sois en désaccord avec certaines parties de l'interpellation du sénateur Segal, je demande l'ajournement du débat puisque j'ai l'intention d'y participer très activement. Je suis en train d'écrire sur ce sujet et je crois que ce sera un débat très intéressant.

[Traduction]

Le sénateur Segal et moi avons débattu sur le sujet de manière civilisée, et je le sais enchanté de savoir que je vais me joindre au débat sur ce grave danger. Bien que nous ayons des désaccords majeurs, nous nous entendons sur d'autres points. On pourrait faire quelque chose et, par conséquent, je vais demander l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, je dois quitter le fauteuil à moins que vous soyez d'accord pour ne pas tenir compte de l'heure. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour ne pas tenir compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il reste encore du temps au sénateur Segal, selon moi.

Le sénateur Prud'homme : Puis-je rappeler au sénateur qu'il est impossible qu'il m'ait entendu pendant 20 ans puisque je suis au Sénat depuis seulement 15 ans?

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Oui, mais je connais le sénateur depuis 50 ans et je l'ai entendu tout ce temps.

Ma question s'adresse au sénateur Segal. Je suis heureux de la tenue de ce débat sur cette question internationale épineuse, qui représente probablement l'un des dossiers les plus délicats que doit aborder le monde, et particulièrement le nouveau gouvernement des États-Unis. Les Américains ont fait preuve d'un changement d'attitude au niveau des contacts et je crois que c'est une chose que nous devrions essayer. Ma question porte sur un point que le sénateur a soigneusement tenté d'éviter. Les Nations Unies ont eu, et continuent d'avoir, une politique sur les boycotts économiques. Le sénateur a utilisé les mots « boycotts économiques ». Les Nations Unies ont adopté une dizaine de résolutions à ce sujet. Le sénateur Prud'homme se souviendra que les résolutions portaient sur la possibilité de restreindre, par des moyens pacifiques comme le boycott économique, les prétendues intentions du gouvernement iranien quant à la production d'armes nucléaires. Quel est l'avis du sénateur sur les boycotts?

Le sénateur Segal : Je remercie le sénateur de sa question. Nous avons atteint le point où nous devons être honnêtes envers nous- mêmes pour ce qui est de l'efficacité de telles mesures. Je ne veux pas diminuer le rôle des Nations Unies ou de son agence de l'énergie nucléaire responsable des inspections. Toutefois, la situation économique dans laquelle se trouve le peuple iranien est difficile à plusieurs égards. Cela dit, il y a un intérêt commun dans cette région entre les sunnites et les chiites et entre les chrétiens, les Israéliens et les musulmans à l'égard d'une solution pacifique à ce problème. Je ne crois pas un instant que nos amis israéliens seraient très heureux de signer une entente prévoyant qu'ils n'utiliseraient pas leurs armes en premier parce que cela les obligerait à admettre qu'ils ont des biens que le monde entier sait qu'ils ont, mais qu'il ne sont pas prêts à reconnaître officiellement et publiquement.

Je crois que les Iraniens seraient profondément bouleversés si on leur présentait une proposition qui ne leur accorderait pas le respect auquel ils ont droit et qui est très important pour la stabilité générale de la région, à titre de grande puissance régionale. Sans une entente multinationale qui confirmerait à la fois leur statut et le respect de leur souveraineté, il n'y aurait aucun intérêt pour eux à s'engager dans un accord qui ferait disparaître certaines des options sur lesquelles ils semblent se pencher, à tout le moins sur l'un des aspects de leur gouvernement, sinon sur tous, en ce qui a trait au meilleur moyen d'exercer la plus grande influence dans la région.

C'est une proposition qui peut être discutée et améliorée. Ce que j'espère, c'est qu'en essayant d'amener d'autres forces qui sont à la fois pacifiques et réalistes à chercher à atteindre une paix basée sur la confiance mutuelle et le renforcement de la confiance, nous pouvons faire certains progrès. Par ailleurs, je crois que le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis, qui se sont unis dans leurs sanctions contre l'Iran pour le non-respect de ses conditions sur le plan nucléaire, cherchent maintenant de nouvelles options. Des réunions auront lieu cette semaine. Le Canada, notre gouvernement, notre premier ministre et le Sénat peuvent jouer un rôle en présentant des idées et des perspectives nouvelles permettant d'ouvrir le débat de telle manière que les Iraniens, les Israéliens et tous nos amis sunnites et chiites des États partenaires dans cette région auront une chance de progresser. Il est essentiel que la Turquie et la Russie soient partenaires dans ce processus, parce que ce sont des interlocuteurs importants. Bien sûr, les Turcs sont de bons alliés de l'OTAN depuis de nombreuses années.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur est écoulé. Désire-t-il demander la permission de continuer?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Pas plus de cinq minutes.

Des voix : D'accord.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Je suis le parrain du mouvement Pugwash, qui a vu le jour en 1957 dans une petite ville de la Nouvelle-Écosse du nom de Pugwash. L'objectif du mouvement est d'amener le monde à mettre un terme à l'augmentation du risque d'usage des armes nucléaires. Nous n'avons pas eu particulièrement de succès dans notre entreprise. Au cours des dernières années, l'administration précédente des États-Unis nous a vraiment empêchés d'avancer. Tous les efforts en vue de la non-prolifération et du désarmement se sont finalement limités à la non-prolifération. L'objectif ultime est d'éliminer ces instruments qui sont les plus abominables qu'on puisse concevoir et qui enfreignent le droit reconnu à la sécurité pour les personnes, car non seulement on maintient les arsenaux nucléaires, mais on continue aussi à les moderniser.

Ce que je veux faire valoir au sénateur, c'est que l'attitude des puissances mondiales qui détiennent l'arme a été de favoriser plutôt la non-prolifération, et non le comportement qui serait exemplaire, soit une tentative de désarmement de tous ces pays. Au bout du compte, le sénateur ne voit-il pas que le but de l'exercice serait d'essayer d'amener les dirigeants de la région du monde la plus instable et la plus importante pour l'avenir de l'humanité à renoncer à la possibilité de se doter d'armes nucléaires?

Le sénateur Segal : Honorable sénateur, je suis convaincu que la notion de dénucléarisation des pays de cette région qui ont des armes nucléaires surgira dans la discussion. Je serais étonné si mon bon ami, le sénateur de Québec qui se prépare à demander l'ajournement du débat, ne trouvait pas une façon d'amener cette question sur la table.

(1810)

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'optimisme des grands hommes qui travaillent au sein du mouvement Pugwash. Je m'en remets au sénateur pour ce qui est de l'optimisme. Toutefois, un accord équilibré pourrait être conclu entre les partenaires clés dans la région dont nous parlons maintenant, et je crois que cela pourrait avoir un effet d'entraînement pour d'autres parties du monde.

Nous savons tous à quel point Berlin a été divisée et désespérée à une époque, et comment les accords conclus entre les grandes puissances relativement à la destruction du mur ont ouvert de nouvelles possibilités pour des millions d'êtres humains. Je crois donc qu'il y a lieu d'essayer d'être optimistes, réalistes et francs quant à la nécessité d'aller dans le sens dont nous discutons ce soir, par rapport au Moyen-Orient.

Le sénateur Dallaire : Un jour où je m'adressais à des jeunes d'une école secondaire au sud-ouest de Winnipeg, des élèves m'ont posé la question suivante : y a-t-il encore des armes nucléaires?

C'était il y a quatre ans environ, et alors que je croyais que nous étions en train de nous débarrasser de ces armes, j'ai appris que les pays développés avaient consacré près d'un billion de dollars à leur modernisation depuis la fin de la guerre froide. Il en existe encore 27 000, dont 3 000 sont prêtes à être lancées en tout temps du haut des airs et à partir de la terre ou de la mer.

Quand j'ai dit : « Oui, il existe encore ce genre d'armes », les enfants m'ont posé la question suivante : pourquoi nous inquiétons- nous tant des sacs en plastique et de l'environnement alors que ces mêmes adultes savent que seulement cinq ou six de ces armes pourraient détruire tout l'environnement et, en fait, toute la planète?

Le sénateur ne pense-t-il pas que nous nous livrons à un exercice bicéphale ici, dans lequel, d'une part, nous rivalisons quant à la meilleure façon de protéger l'environnement et, d'autre part, nous maintenons des politiques qui sont fondées sur la possibilité ultime d'utiliser des armes nucléaires, par exemple, dans le cadre de l'OTAN?

Le sénateur Segal : Je dirais que ce qui saute aux yeux en ce qui concerne les grandes questions environnementales, c'est précisément ce dont les gens qui sont en faveur de ces armes nucléaires ne veulent pas parler. Ces armes existent à cause de la peur, pour maintenir, à l'aide de tous les armes possibles, l'équilibre du pouvoir qui paraît nécessaire aux yeux des gens, précisément parce qu'ils ont peur. Comme M. Pearson et d'autres l'ont dit dans le passé, désormais nous devons tenter d'établir des liens de confiance sans nous armer jusqu'aux dents et essayer de remplacer la peur par le progrès. Je crains que l'épreuve à laquelle nous serons confrontés, plus tôt que plus tard, ne soit la proposition iranienne. Si, donc, nous pouvions réaliser des progrès à ce chapitre, nous donnerions de l'espoir à ces élèves du secondaire et à d'autres encore pendant de nombreuses décennies à venir.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

LE RÈGLEMENT DU SÉNAT

MOTION TENDANT À MODIFIER L'ARTICLE 28(3.1)DU RÈGLEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Tommy Banks, conformément à l'avis du 29 janvier 2009, propose :

Que l'article 28(3.1) du Règlement du Sénat soit modifié comme suit :

Que les mots « l'augmentation de ces frais ou la prolongation de leur imposition, » soient ajoutés après les mots « dépose un document dans lequel est proposée l'imposition de frais d'utilisation, »;

Que les mots « à condition que ce comité ait été dûment constitué avec l'autorisation du Sénat, et » soient ajoutés après « désigné au Sénat à cette fin par le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat, ».

— Honorables sénateurs, je serai bref. La motion se passe d'explications et fait exactement ce qu'elle propose; je la recommande à votre attention. Comme le sénateur Di Nino nous l'a dit en 2006 quand il a présenté le deuxième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, aux termes de la Loi sur les frais d'utilisation de 2004, tout nouveaux frais d'utilisation, ainsi que toute augmentation de ceux-ci et tout ajout à ceux-ci, proposés par le gouvernement doivent être présentés au Parlement et recevoir son approbation. De plus, aux termes de la même loi, toute proposition déposée auprès d'une Chambre du Parlement est réputée avoir été renvoyée au comité compétent, sans faire l'objet d'un débat ni être mise aux voix. C'est effectivement ce qui s'est passé avec le changement proposé aux frais d'utilisation dont nous sommes actuellement saisis.

Le comité a 20 jours de séance pour étudier la proposition. S'il n'en fait pas rapport dans le délai prévu, il est considéré comme ayant recommandé l'approbation des frais d'utilisation. Cependant, le Règlement du Sénat présente deux lacunes : premièrement, il n'est que question de nouvelles propositions de frais d'utilisation et, deuxièmement, il ne tient pas compte de la situation actuelle dans laquelle le décompte a commencé et aucun comité n'a été nommé.

La proposition vise à établir clairement que, pour être conformes à la loi, les propositions gouvernementales de nouveaux frais d'utilisation, les changements à ces frais ou la prolongation de ces frais sont tous inclus dans la même entente que j'ai décrite. Elle vise également à préciser que le compte à rebours de 20 jours peut seulement commencer quand un tel comité sera créé et non, comme dans le cas actuel, quand le projet de loi aura été renvoyé à un comité qui n'existe pas. J'espère que nous examinerons tous rapidement et attentivement cette motion et qu'elle sera renvoyée immédiatement au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement dès qu'il sera mis en place.

L'honorable Consiglio Di Nino : Je veux remercier mon collègue d'avoir attiré notre attention sur cette question. J'aimerais l'examiner et y réfléchir, puis j'y répondrai le plus tôt possible. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que la présidence a rendu une décision il y a quelques séances sur cette question. La décision stipulait que le compte à rebours commençait quand le comité était formé. J'aurais dû fournir des explications puisque j'occupais le fauteuil.

La conséquence de cette décision est que l'on considérera que le projet de loi a été présenté par le leader adjoint du gouvernement la journée où la liste des membres du comité a été adoptée par la Chambre. La décision est conforme à ce qui est proposé ici. Toutefois, je veux préciser que c'est la décision qui a été acceptée par la Chambre, et les conséquences de cette décision sont que l'on considérera que le projet de loi sur les frais d'utilisation a été présenté par le leader adjoint du gouvernement la journée où le comité a été formé.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


Haut de page