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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 24

Le mardi 4 mai 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 4 mai 2010

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Arturo Guillermo Bothamley, ambassadeur de la République argentine.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'Afghanistan—Le marin tombé au champ d'honneur

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer nos travaux, je vous invite à vous lever et à observer une minute de silence à la mémoire du maître de 2e classe Craig Blake, décédé tragiquement hier pendant qu'il servait son pays en Afghanistan.

Le maître de 2e classe Craig Blake faisait partie de l'Unité de plongée de la Flotte de l'Atlantique, basée à Shearwater, en Nouvelle-Écosse.

Les honorables sénateurs observent une minute de silence.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La santé mentale des enfants et des adolescents

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, un enfant ou adolescent canadien sur cinq souffre de troubles mentaux, ce qui équivaut à plus de deux millions de jeunes. Autrement dit, quatre ou cinq enfants dans chaque salle de classe du Canada sont atteints de troubles mentaux.

Or, seulement un jeune sur six reçoit des traitements ou des services. Cette absence de traitements s'explique à la fois par le manque de services de santé mentale et par la stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux.

Honorables sénateurs, les maladies mentales et les troubles physiques ne sont pas perçus de la même façon. Les parents d'un enfant atteint du cancer ou d'un trouble cardiaque reçoivent de l'aide et disposent de ressources. Mais quand un enfant souffre de dépression, les parents ont souvent peur ou honte de demander de l'aide.

Il y a bien des marathons de marche et des téléthons pour la recherche sur le cancer et les maladies du cœur, mais pas pour la prévention du suicide, la sensibilisation aux troubles mentaux ou la lutte contre les maladies mentales. Pourquoi?

Plus de 70 p. 100 des adultes qui souffrent de troubles mentaux voient leurs symptômes apparaître pendant l'enfance ou au début de l'adolescence. Il est important d'offrir de l'aide et des services, surtout aux jeunes, pour réduire les probabilités que des problèmes plus graves se déclarent plus tard dans leur vie. N'oublions pas les programmes de sensibilisation aux troubles mentaux à l'intention des jeunes, de leur famille, de leurs professeurs et de leurs amis.

Personne n'est à l'abri, peu importe l'endroit de résidence, l'âge ou la profession. Impossible d'être en bonne santé si on n'est pas en bonne santé mentale.

Les sénateurs savent-ils que, dans les années 1800, la couleur verte était utilisée pour identifier les personnes jugées « folles »? La communauté de la santé mentale des enfants utilise encore la couleur verte de nos jours, mais pour une raison différente. Le vert est la couleur du renouveau, de l'espoir et des nouveaux départs.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour montrer que la cause de la santé mentale des enfants et des adolescents vous tient à cœur en portant un ruban vert cette semaine.

La Semaine nationale des soins palliatifs

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, partout au pays, cette semaine, des gens célèbrent la Semaine nationale des soins palliatifs. La Marche pour les soins palliatifs, une activité nationale de financement et de sensibilisation qui a lieu dans une centaine de collectivités au pays, a marqué, dimanche, le début de la semaine.

La Semaine nationale des soins palliatifs est l'occasion de souligner ensemble les réalisations en matière de soins palliatifs, de rendre hommage au dévouement et à la compassion de ceux qui travaillent dans ce domaine et de sensibiliser la population aux besoins en matière de soins palliatifs.

Le thème de la campagne de cette année est « Découvrir votre voix ». Il encourage les gens souffrant d'une maladie limitant l'espérance de vie, leurs fournisseurs de soins et les membres de leur famille à échanger sur la signification des soins palliatifs, afin d'aider le reste de la population à en comprendre l'importance.

La devise de l'Association des soins palliatifs de l'Île-du-Prince- Édouard est « Que chaque jour compte ». Ce thème est très approprié, car les soins palliatifs n'ont rien à voir avec la mort. Ils permettent plutôt de bien vivre jusqu'à la toute fin. Ils se concentrent sur les personnes qui souffrent d'une maladie limitant leur espérance de vie et sur les membres de leur famille et ne visent pas uniquement à satisfaire les besoins physiques, mais aussi les besoins sociaux, émotionnels et spirituels. Les soins palliatifs cherchent à offrir soins, compassion, réconfort et espoir jusqu'à une mort paisible et sans douleur, ainsi qu'un soutien et des services de suivi pour les personnes en deuil.

La mort est un processus naturel, une expérience que nous allons tous connaître Il est plus que temps que nous acceptions le fait qu'il faut améliorer les soins palliatifs et s'efforcer de les offrir à tous les Canadiens.

La Marine canadienne

Félicitations à l'occasion de son centième anniversaire

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, cette année marque le centenaire de la Marine canadienne. Le Canada, pays maritime, a vraiment trouvé son identité pendant les conflits des 100 dernières années, en grande partie grâce à notre marine.

De nombreux événements et activités ont lieu partout au pays cette année pour souligner l'importance de la Marine canadienne. De nombreux Canadiens ont notamment commémoré la bataille de l'Atlantique, dimanche dernier.

(1410)

De plus, Son Honneur était l'un des hôtes d'une cérémonie tenue ici même il y a tout juste quelques heures pour marquer le 100e anniversaire de la marine par la consécration de la cloche du centenaire de la Marine canadienne, puisque nous célébrons aujourd'hui le 100e anniversaire de la Loi du service naval, qui a obtenu la sanction royale ici même il y a 100 ans aujourd'hui.

Cette cérémonie très émouvante visait à confirmer que la marine sera là pour servir le Canada pour les 100 prochaines années. La cloche a été baptisée avec de l'eau provenant des océans et des voies maritimes du Canada ainsi que des océans du monde. Les sénateurs auraient été très fiers de nos pages, dont certains ont lu des poèmes tandis que d'autres, à la tribune, ont chanté, notamment un très émouvant Alléluia. Nous devrions être très fiers des jeunes qui travaillent avec nous au Sénat.

Les célébrations du centenaire de la Marine canadienne se déroulent sous le thème « Faire connaître la Marine aux Canadiens et Canadiennes ». Ma famille a des liens directs avec la Marine royale canadienne. Le père de ma belle-sœur, l'officier marinier Laurent Bertrand, est décédé sur le NCSM Athabaskan, qui a coulé dans la Manche en 1944. Mon père, premier officier marinier Bob Mercer, et ses compagnons marins ont capturé un U- Boot ennemi au large des côtes de la Nouvelle-Écosse vers la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Étant le fier fils d'un marin et le fier père d'un fils qui porte aujourd'hui l'uniforme d'un officier de réserve de la marine et qui enseigne à de jeunes cadets, j'invite tous les sénateurs à prendre part à des événements visant à commémorer le travail que la marine a fait et continuera de faire pour le Canada. Je félicite la Marine canadienne et tous les hommes et les femmes qui font tant pour protéger le mode de vie des Canadiens. À tous ces hommes et ces femmes et à ceux qui ont perdu un être cher membre de la marine, j'offre ceci :

Père éternel, puissant sauveteur,
Dont le bras calme les flots,
Qui l'océan peut garder
Bien sage dans ses limites,
Entend notre appel,
Sauve les marins en péril!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Les Ressources humaines et le Développement social

L'Accord sur la sécurité sociale entre le gouvernement du Canada et la République de Macédoine—Dépôt du document

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 42 (1) de la Loi sur la sécurité sociale, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le décret C.P. 2010-556 concernant l'Accord sur la sécurité sociale entre le gouvernement du Canada et la République de Macédoine.

Les Affaires indiennes et le Nord canadien

L'état de la culture et de la société inuites dans la région du Nunavut—Dépôt du rapport annuel de 2007-2008

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur l'état de la culture et de la société inuites pour 2007-2008.

L'Accord définitif Nisga'a—Dépôt des rapports annuels de 2006-2007 et 2007-2008

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels pour 2006-2007 et 2007-2008 de l'Accord définitif Nisga'a.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (vol d'automobile et trafic de biens criminellement obtenus).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

La session plénière 2009, tenue du 13 au 17 novembre 2009—Dépôt du rapport

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la session plénière 2009, tenue à Édimbourg, en Écosse, du 13 au 17 novembre 2009.

Le Sénat

Avis de motion tendant à encourager le ministre de la Défense à changer l'appellation officielle de la Marine canadienne

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat du Canada encourage le ministre de la Défense nationale, considérant les longues années de service, les sacrifices et le courage du personnel et des membres des forces navales canadiennes, à désigner les forces navales canadiennes sous l'appellation officielle de « Marine canadienne » au lieu de « Commandement maritime » à compter de cette année, à l'occasion du centenaire de la Marine canadienne, et que cette appellation soit utilisée dès que possible dans tous les documents officiels et opérationnels, dans les deux langues officielles.

Je dois dire, honorables sénateurs, que c'est un grand honneur pour moi de donner cet avis le jour même où la Loi du service naval a reçu la sanction royale dans cette enceinte.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La coopération internationale

La conférence sur la santé maternelle

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, dans quelques semaines seulement, une importante conférence internationale sur la santé maternelle, commanditée par le groupe Women Deliver, sera tenue à Washington, D.C., c'est-à-dire pas très loin d'Ottawa. Pourtant, bien que 3 500 dirigeants, praticiens et décideurs spéciaux du monde entier y assisteront, il semble que le Canada n'enverra personne pour représenter le gouvernement du Canada. C'est étrange, honorables sénateurs, puisque le gouvernement du Canada fait grand cas de son programme d'aide à la santé maternelle. Force est de se demander si la vision qu'ont les conservateurs de l'aide étrangère ne se résume pas à une chose qui doit leur servir au pays.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous dire pour quelle raison le Canada n'est pas représenté par un fonctionnaire ou un ministre à cette conférence extrêmement importante? Cette conférence est importante pour le Canada, puisque le gouvernement semble connaître peu, voire pas du tout, les protocoles généralement reconnus en matière d'aide à la santé maternelle dans le monde.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de la question. En ce qui concerne la conférence et la question de savoir si des représentants du Canada y participeront, je prends note de la question.

Toutefois, honorables sénateurs, je n'ai pas besoin de répéter au sénateur Mitchell que l'initiative prise par le gouvernement du Canada en sa capacité d'hôte du sommet du G20 et particulièrement du sommet du G8, dans le domaine de la santé des mères et des enfants, a été largement saluée. En dépit des efforts de certains en vue de transformer cette démarche en histoire politique nationale, comme je l'ai dit l'autre jour, de nombreux organismes d'aide internationale applaudissent les efforts du Canada. Notre mission consiste à promouvoir la santé et le bien-être des mères et des enfants, et rien ne nous détournera de nos objectifs à cet égard.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, j'accepte la réponse de madame le leader. Cependant, je vais lui dire quelque chose qui va empêcher le gouvernement d'atteindre pleinement les nobles objectifs dont il parle souvent et qui, la plupart du temps, visent des à des fins politiques. Il faut forger un consensus avec les gens du monde entier. Trois mille cinq cents représentants se rendront à Washington. Pourquoi madame le leader n'est-elle pas absolument certaine qu'un ou deux de nos ministres, comme les ministres Oda et Cannon, participeront à cette conférence pour commencer à forger un consensus avec les gens susceptibles de nous aider à mettre en œuvre le programme du gouvernement dans le monde entier?

(1420)

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai déjà dit au sénateur, je vais prendre note de sa question sur cette conférence. Je n'ai pas eu la chance de me renseigner ce matin. C'est probablement parce que j'ai assisté à la célébration de la marine et à cause d'un petit verre de rhum qui a dû brouiller mes pensées. Je vais mettre cela au compte du rhum.

Le sénateur Mercer : J'ai déjà essayé, et cela ne marche pas.

Le sénateur LeBreton : Je peux dire que le sénateur a essayé bien souvent par le passé. Il n'a pas besoin de me convaincre.

Honorables sénateurs, j'ai remarqué cet article et j'en ai pris note. J'étais persuadée que, si le sénateur Mitchell ne posait pas de question, quelqu'un d'autre le ferait.

L'éclairage baisse. Est-ce moi ou est-ce à cause du rhum?

Quoi qu'il en soit, j'avais l'intention de vérifier avant la période des questions de quoi il s'agissait. Peut-être quelqu'un entendra-t-il mes supplications et me fera-t-il parvenir la réponse pour que je puisse la transmettre au sénateur.

Le sénateur Mitchell : Je me demandais pourquoi les réponses de madame le leader semblaient venir beaucoup plus facilement. Puis, je me suis dit que c'était peut-être à cause du rhum qu'on avait l'impression que l'éclairage avait baissé.

Le président Obama a dit qu'il irait probablement à cette conférence. Étant donné ce qui s'est passé à Copenhague, où le premier ministre n'est pas allé avant que M. Obama ne décide de le faire, est-ce que, cette fois-ci encore, lorsque M. Obama dira : « Saute », M. Harper répondra : « À quelle hauteur? »

Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur est mal informé. Le président Obama allait simplement faire un arrêt pour recevoir le prix Nobel de la paix. Le premier ministre s'était déjà engagé à assister à la conférence de Copenhague. C'est ainsi que le ministre Prentice et la délégation canadienne ont réussi leur mission à Copenhague, d'où a découlé un accord que nous pouvons tous chercher à concrétiser.

Bien entendu, nous ne suivons pas l'emploi du temps du président Obama au jour le jour. S'il a dit qu'il assisterait à cette conférence, je n'en savais rien. Toutefois, elle a lieu à Washington, comme le sénateur Mitchell l'a fait remarquer.

Le résultat ultime, en somme, pour ce qui est de la santé maternelle, c'est que nous sommes les hôtes de la réunion cette année. Avec nos partenaires du G8, nous élaborerions un plan. Nous ferons porter nos efforts sur les pays du tiers monde et ferons tout en notre pouvoir pour améliorer les services — installations, alimentations, médicaments et hygiène — et garantir que les mères et les enfants puissent vivre longtemps et en bonne santé.

[Plus tard]

Honorables sénateurs, quelqu'un a entendu mes supplications, et on m'informe que la ministre Oda assistera à la conférence à Washington, où elle représentera le gouvernement du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Cela veut-il dire que le gouvernement prend ses décisions après avoir lu le Globe and Mail?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur Mitchell a du mal à comprendre le sens du mot « oui ».

[Français]

La condition féminine

La Coalition pour l'équité salariale du Nouveau-Brunswick

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Au début du mois d'avril, la Coalition pour l'équité salariale du Nouveau- Brunswick apprenait que sa demande de subvention avait été refusée par Condition féminine Canada. Depuis ses débuts en 1998, c'est la première fois que la coalition essuie un refus de la part de Condition féminine Canada.

La Coalition pour l'équité salariale ne reçoit pas de financement de base et travaille uniquement de projet en projet. Elle a pour objectif de faire une promotion engagée et réaliste de l'équité salariale afin de permettre aux Néo-Brunswickoises de contribuer à l'économie de la province.

Ce projet très spécifique s'adresse aux Néo-Brunswickoises et touche les domaines des relations médias et du réseautage. C'est un projet qui cadre parfaitement avec la position publique du gouvernement. Cependant, depuis le rejet de la demande de subvention, la coalition a appris la nomination d'une nouvelle ministre responsable de Condition féminine Canada.

Je sais que madame le ministre ne peut pas justifier la décision de l'ancienne ministre de refuser de cette subvention. Toutefois, la position du gouvernement a-t-elle changé depuis la nomination de la nouvelle ministre?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne suis pas au courant de toutes les demandes de fonds présentées à Condition féminine Canada. Je ne vois pas comment le remplacement d'un titulaire modifierait la politique. Ces décisions ne sont pas prises par un seul ministre; elles tiennent compte de l'avis des bureaucrates et des collègues du Cabinet.

Je ne puis donner de réponse précise au sujet de ce projet, en dehors du fait que nous avons porté à un sans précédent le budget du Programme de promotion de la femme à Condition féminine Canada. Bien entendu, de nombreuses organisations demandent des fonds, et certaines ne les obtiennent pas. Le nombre de projets financés a augmenté de 69 p. 100, et 47 p. 100 des groupes financés reçoivent des fonds pour la première fois.

Malheureusement, la demande présentée pour ce projet n'a pas été fructueuse. Pour une raison ou pour une autre, ce projet ne fait pas partie de ces 69 p. 100. Toutefois, 47 p. 100 des fonds sont allés à de nouvelles organisations et à de nouveaux groupes. Je crois que c'est dans l'ordre des choses.

Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas parce que des programmes ont été en place pendant des années que les fonds sont assurés pour toujours et que personne d'autre ne peut bénéficier du programme. Nous avons accru les fonds alloués à Condition féminine Canada, et je suis persuadée que les responsables des nouveaux programmes qui ont été financés à hauteur de 47 p. 100 des fonds ont été reconnaissants d'avoir pu obtenir des fonds cette année.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : La coalition avait soumis ce projet très spécifique. D'ailleurs, elle a déjà été reconnue comme étant parmi les 10 meilleurs organismes au Canada pour la gestion des programmes de condition féminine.

Nous avons demandé à la nouvelle ministre, Mme Rona Ambrose, de revoir la façon de mener ce projet. Madame le leader pourrait-elle au moins demander à la ministre de vérifier si cette demande lui a été acheminée?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je me ferai un plaisir de transmettre ces observations à la ministre Ambrose. Je répète que nous avons beaucoup augmenté les fonds alloués à Condition féminine Canada. Nous avons augmenté le nombre de projets locaux qui sont financés.

Comme les honorables sénateurs le savent, les allégations voulant que nous ayons sabré les fonds sont sans fondement. Nous avons injecté l'argent, dans des programmes qui aident davantage les femmes au niveau local.

Bien entendu, lorsque cette demande a été présentée, elle a été étudiée. Je ne sais rien de ce qui est arrivé à ce projet précis. Toutefois, c'est une excellente nouvelle pour moi que les demandes aient été nombreuses et que 47 p. 100 d'entre elles aient été nouvelles. Cela veut dire que le gouvernement et Condition féminine Canada tendent la main à des groupes de femmes qui ont été négligés pendant de nombreuses années par le passé.

[Français]

Les Affaires étrangères et le commerce international

Les langues officielles

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada et ses pratiques en matière de communication.

Si le Canada désire vraiment projeter à l'étranger la dualité linguistique inscrite dans la Loi sur les langues officielles, madame le ministre ne croit-elle pas que tout document public provenant du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada devrait être publié dans les deux langues officielles, à l'intérieur d'un seul document comprenant deux textes, un en anglais et un en français?

La ministre ne convient-elle pas que cette nouvelle pratique de communication serait un exemple parfait de mesure positive faisant une promotion égale des deux langues officielles du pays? Enfin, madame le ministre pourrait-elle en discuter avec le ministre responsable?

Des voix : Bravo!

(1430)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne connais pas les détails de la question soulevée par madame le sénateur. Le Canada est un pays officiellement bilingue, et toutes les publications diffusées au nom du gouvernement du Canada doivent être présentées dans les deux langues officielles.

[Français]

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat, j'aimerais porter à votre attention le fait qu'il y a une énorme différence entre publier un volume dans les deux langues, comme madame le sénateur Chaput l'a suggéré, et la publication de deux documents distincts, chacun dans une seule langue. Publier deux volumes, l'un en français et l'autre en anglais, c'est comme cet adage qui disait, à un moment donné, aux États- Unis : « Equal but separate ». La philosophie se doit de refléter la dualité linguistique, et la façon de faire, évidemment, c'est de présenter deux rapports dans chaque langue dans une seule publication.

Sur Internet, c'est réglé : on appuie sur le bouton « français » ou « anglais » et on obtient la version désirée.

Si les publications imprimées sont distinctes dans chacune des langues, la conséquence est inéluctable : il y aura peu de volumes en français.

Prenons exemple sur le ministère de la Justice : toutes les lois sont publiées dans un même volume, en français et en anglais. Les légistes anglophones et francophones travaillent ensemble et les lois reflètent les deux dimensions linguistiques dans le même document.

Honorables sénateurs, j'aimerais beaucoup que cette recommandation du sénateur Chaput soit prise en considération.

Je me souviens que, quand je suis devenu parlementaire, toutes les publications du gouvernement du Canada se trouvaient dans un seul volume, en français et en anglais; la version française et la version anglaise se trouvaient dans un seul document.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur De Bané de cette question. À ma connaissance, les différents ministères n'ont pas modifié leur façon de procéder depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles. L'autre jour, le sénateur De Bané a attiré l'attention du Sénat sur une invitation, ce qui était une bonne chose. J'examinerai soigneusement sa suggestion, mais je ne crois pas que notre gouvernement, pas plus qu'aucun gouvernement précédent, ait fait quoi que ce soit qui soit contraire à la Loi sur les langues officielles. Je n'ai cependant pas de réponse définitive à donner au sénateur.

Notre gouvernement, dirigé par le premier ministre, est absolument déterminé à respecter les deux langues officielles du Canada et à mettre en œuvre les dispositions de la loi à l'égard de ses publications.

Je suis fière d'appartenir au parti qui a introduit l'interprétation simultanée à la Chambre des communes, sous le gouvernement du très honorable John George Diefenbaker. Je suis sûre que les historiens révisionnistes préféreraient que je ne signale pas ce fait.

Tout en écoutant les observations du sénateur d'une oreille sympathique, je dois dire que je n'ai constaté aucun changement de politique de la part de notre gouvernement ou d'un gouvernement précédent, qui s'emploient et se sont employés à la mise en œuvre pleine et entière de la Loi sur les langues officielles du Canada.

L'Agence de promotion économique du Canada atlantique

Le développement régional

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Partout au pays, des organismes gouvernementaux ont mis en place un mécanisme essentiel pour aider les entreprises et les collectivités à promouvoir le développement économique rural et régional. Après quatre années de constantes réductions des budgets de ces organismes par l'ancien gouvernement libéral, notre gouvernement a non seulement maintenu les budgets existants, mais a également créé deux nouvelles agences.

Originaire de Terre-Neuve-et-Labrador et ayant travaillé avec de nombreuses collectivités et régions en faveur du développement économique aux niveaux municipal, provincial et fédéral, je me rends compte de l'importance du rôle que l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA, joue dans notre région du pays. Comme toujours, nous devons prêter attention à la façon dont le gouvernement dépense l'argent durement gagné par les contribuables canadiens.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante : alors que notre gouvernement examine l'ensemble des dépenses, quel rôle prévoit-il pour l'APECA et les autres organismes de développement régional du pays?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Manning de son excellente question. Certains ont fait des efforts considérables pour susciter des inquiétudes au sujet de l'examen stratégique entrepris par l'honorable Stockwell Day, président du Conseil du Trésor, afin d'essayer de réaliser des économies dans l'ensemble des ministères et organismes fédéraux.

Le gouvernement s'est engagé, dans le discours du Trône, à examiner soigneusement toutes ses dépenses en vue de réduire le déficit. Il n'est jamais nuisible, honorables sénateurs, de chercher des moyens d'améliorer les programmes et d'en assurer une plus grande efficacité en l'obtenant des résultats réels pour les Canadiens.

L'APECA est un organisme exceptionnel qui a fait ses preuves dans le domaine de la création d'emplois et de la promotion de la croissance économique dans la région. Notre gouvernement a montré son appui pour l'APECA et pour la région de l'Atlantique. Par exemple, comme le sénateur le sait, le budget de 2010 prévoit 19 millions de dollars par an pour maintenir le Fonds d'innovation de l'Atlantique. Même si le gouvernement cherche à réaliser des économies au sein des ministères, il reste déterminé à soutenir le développement régional.

Le sénateur a parfaitement raison. Avant que le Parti conservateur ne remporte les élections de 2006, certains ont prétendu qu'il se débarrasserait de toutes les agences de développement économique régional. En réalité, le gouvernement a créé deux nouvelles agences. Notre engagement envers le développement régional, et particulièrement envers l'APECA, demeure très fort.

[Français]

La sécurité publique

La qualité de la traduction

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans le même ordre d'idées, mais sur des questions beaucoup plus triviales que la publication de rapports officiels, le 22 avril dernier, la ministre a indiqué qu'elle allait se renseigner au sujet des erreurs de traduction qui pullulent dans une invitation de son collègue, Gary Lunn, envoyée à tous les parlementaires et rédigée dans un français plus que lamentable.

Aujourd'hui, Le Devoir publie, à la une, cette invitation adressée à tous les parlementaires, donc à chacun d'entre nous, dans un français si mauvais que la journaliste s'exprime ainsi :

[...] Mais bien malin qui le comprendrait à lire la version française de l'envoi.

Le titre du document se lit comme suit :

« Pour la Libération Immédiate » [...]

Je ne sais pas si c'est la libération du gouvernement, mais enfin.

[...] clame le communiqué de presse au lieu du « Pour diffusion immédiate » traditionnel.

Il faut quand même se creuser les méninges pour comprendre. Enfin, si vous comprenez, peut-être pourrez-vous me l'expliquer.

Le texte se lit ainsi :

Le Ministre de Défense Peter MacKay, le Ministre de Sécurité Publique Vic Toews et M.P.s de tous les partis politiques tiendra un événement sur la Colline de Parlement dans le soutien de troupes canadiennes servant en Afghanistan.

Un MP, ou « member of Parliament » en anglais, est un député. Le communiqué se poursuit ainsi :

L'événement doit lever de l'argent pour acheter des cartes de cadeau pour le retour à la maison de membres CAF de l'Afghanistan. Pour l'instant, $45,000 a été levé. Le sénateur Pamela Wallin exercera les fonctions du maître du soir de cérémonies.

(1440)

Avec la liste d'envoi utilisée, au moins 1 100 personnes ont reçu ce message. Il arrive parfois que des communiqués soient « rappelés » par leur expéditeur lorsqu'une coquille y est décelée, généralement dans les minutes suivant l'envoi. Cinq heures après réception du message, le communiqué n'avait toujours pas été rappelé hier.

D'ailleurs, le communiqué avait été émis hier à midi. Aujourd'hui, il fait la une du Devoir et, au moment où on se parle, aucune modification n'a été apportée. La journaliste conclut donc que le ministre Vic Toews doit rougir de honte ou, encore, qu'il n'est pas informé par ses adjoints qu'un communiqué de presse en français, visiblement traduit par un logiciel, est incompréhensible.

Quand le gouvernement va-t-il vraiment attacher de l'importance à la clientèle francophone de ce pays et lancer des invitations dans un français convenable?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai vu l'article d'Hélène Buzzetti dans Le Devoir au sujet de cette invitation.

La première fois que j'ai entendu parler de cet événement, je me suis dit qu'il s'agissait d'une idée géniale, d'une cause formidable et d'un emplacement magnifique. J'ai ensuite lu les commentaires d'Hélène Buzzetti.

À mon avis, le sénateur Hervieux-Payette exagère en prêtant de mauvaises intentions au gouvernement et en laissant entendre que, d'une façon ou d'une autre, le gouvernement ne respecte pas l'une de nos langues officielles.

Lorsque le sénateur De Bané a soulevé la question de l'invitation envoyée par le bureau du ministre Lunn, celui-ci, gêné par l'incident, s'est confondu en excuses et a indiqué qu'il avait pris des mesures afin de veiller à ce que, lorsque son bureau envoie des invitations, des précautions soient prises pour qu'elles soient rédigées correctement.

Dans ce cas en particulier, je ne peux répondre à la place des gens qui ont envoyé une telle invitation, mais, à mon avis, honorables sénateurs, personne, anglophone ou francophone, bilingue ou non, ne verrait des motifs cachés derrière les erreurs commises par divers fonctionnaires, qu'elles aient été commises en anglais ou en français. Cet incident est regrettable, mais il ne veut absolument pas dire, comme madame le sénateur semble le dire, que le gouvernement manque à son devoir en ce qui concerne le respect des langues officielles du Canada, en l'occurrence le français. Au contraire, le premier ministre fait tout ce qu'il peut pour montrer l'importance des deux langues officielles du pays, le français et l'anglais.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, dans un premier temps, j'aimerais bien que madame le ministre nous confirme que ce communiqué sera corrigé et envoyé aux invités francophones dans une langue compréhensible et, dans un deuxième temps, qu'elle nous indique les mesures prises par son gouvernement pour assurer que les représentants de tous les ministères aient une connaissance suffisante du français pour envoyer un communiqué. Comme nous avons toujours l'impression que ces communiqués passent par le bureau du premier ministre, qui, au bureau du premier ministre, est chargé de vérifier la qualité de la langue? Qui a laissé passer un communiqué aussi incompréhensible?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Il n'y a pas de police de la langue dans certains endroits de ce pays.

Le sénateur Mercer : Non, mais ils se contentent de contrôler tout le reste.

Le sénateur Ringuette : Est-ce qu'on parle d'une phrase obligatoire?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, cette invitation a été envoyée par un ministre, en l'occurrence le ministre Lunn. Cela me trouble que l'on puisse insinuer que, pour quelque raison que ce soit, cette erreur dénote un manque de respect. C'est indigne de notre fonction de prêter de mauvaises intentions à autrui.

Honorables sénateurs, visiblement, c'est un employé du cabinet de ce ministre qui a envoyé cette invitation, mais je ne suis pas au courant du processus qui a été suivi. Nous demandons instamment à tous les services du gouvernement, lorsqu'ils envoient un document au nom du gouvernement ou du cabinet du ministre, de veiller à le rédiger correctement, que ce soit en français ou en anglais. Comme je l'ai dit au sénateur De Bané, je vois des erreurs en anglais presque tous les jours.

Cela dit, dans ce cas-ci, prenons le message pour ce qu'il est. C'était une invitation qui partait d'une bonne intention et qui, de l'avis de certains, était mal rédigée. Je prends note de la critique et, comme je l'ai fait auprès du ministre Lunn, je soumettrai le cas au ministre Toews et lui demanderai de veiller à ce que cela ne se reproduise pas.

En ce qui concerne le cabinet du premier ministre, nous avons essuyé suffisamment d'accusations injustifiées. Les sénateurs peuvent s'imaginer ce que les médias et l'opposition diraient si nous vérifiions toutes les invitations. Les critiques fuseraient de toutes parts.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse différée à une question posée par le sénateur Poulin, le 18 mars 2010, concernant le patrimoine, la propriété étrangère, ainsi qu'une réponse différée à une question posée par le sénateur Fox, le 15 avril 2010, concernant l'infrastructure, Internet haute vitesse pour les régions éloignées.

Le Patrimoine

Les télécommunications—La propriété étrangère

(Réponse à la question posée le 18 mars 2010 par l'honorable Marie-P. Poulin)

Comme il l'a annoncé dans le budget de 2010, le gouvernement prend des mesures pour supprimer les restrictions actuelles sur la propriété étrangère des satellites canadiens. Les entreprises pourront ainsi accéder aux capitaux et au savoir-faire étrangers et investir dans des technologies nouvelles et de pointe. La suppression des restrictions permettra également aux entreprises canadiennes de développer des relations mondiales stratégiques grâce auxquelles elles pourront participer pleinement aux activités menées dans des marchés étrangers.

La suppression des restrictions actuelles sur la propriété étrangère des satellites canadiens se fera par une modification de la Loi sur les télécommunications. La modification appropriée est contenue dans le projet de loi C-9, Loi d'exécution du budget. Le projet de loi C-9 a été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes et est maintenant étudié par le Comité permanent des finances.

Seule la Loi sur les télécommunications est modifiée, pas la Loi sur la radiodiffusion.

L'infrastructure

Internet haute vitesse pour les régions éloignées

(Réponse à la question posée le 15 avril 2010 par l'honorable Francis Fox)

En tout, 570 demandes ont été adressées à Large bande Canada, faisant appel à un financement de près de 1 milliard de dollars.

En raison du vif intérêt soulevé par ce programme, l'étape de l'évaluation des projets a pris un peu plus de temps que prévu et un grand nombre des projets soumis se recoupaient, en tout ou en partie, quant à la zone géographique des services à large bande proposés.

Le personnel du programme Large bande Canada a maintenant terminé d'évaluer les demandes. Il a commencé à communiquer avec les demandeurs pour les aviser de l'état de leur demande et les inviter à fournir de l'information supplémentaire s'il y a lieu. Cette information est requise pour aider les responsables du bureau de Large bande Canada à déterminer lesquels des projets soumis permettront de tirer le meilleur parti du financement disponible pour offrir des services à large bande au plus grand nombre possible de foyers non et mal desservis.

Chaque demandeur sera avisé d'ici les prochaines semaines de l'état de sa demande.

Le programme a pour objectif de permettre au plus grand nombre possible de foyers non ou mal desservis d'avoir accès aux services à large bande. Les demandes ont été évaluées à la lumière de cet objectif, de sorte qu'il n'y a pas eu de répartition régionale.

Aucune recommandation d'approbation de projet n'a été formulée jusqu'à présent. Les demandeurs sont invités à soumettre leurs questions au personnel du programme Large bande Canada.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi de 2010 pour la mise en Œuvre de conventions fiscales

Troisième lecture

L'honorable Stephen Greene propose que le projet de loi S-3, Loi mettant en œuvre des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Colombie, la Grèce et la Turquie afin d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu, soit lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à constituer un comité spécial sur l'antiterrorisme

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 29 avril 2010, propose :

Qu'il y ait création d'un comité spécial du Sénat chargé d'étudier toute question se rapportant à la lutte contre le terrorisme que le Sénat pourrait lui renvoyer de temps à autre;

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, ce comité spécial comprenne neuf membres, à savoir les honorables sénateurs Furey, Joyal, C.P., Jaffer, Marshall, Nolin, Segal, Smith, C.P., Tkachuk et Wallin, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à entendre des témoins, à présenter des rapports de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour des documents et témoignages, selon ses instructions;

Que, nonobstant l'article 92(1) du Règlement, le comité soit habilité à tenir des séances à huis clos, de façon occasionnelle, pour entendre des témoignages et recueillir des informations particulières ou délicates;

Que les témoignages entendus, les documents reçus et les travaux accomplis par le Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste et le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme depuis la première session de la trente-huitième législature soient renvoyés au comité pour les fins de ses travaux;

Que, conformément à l'article 95(3) du Règlement, le comité soit autorisé, pour le reste de la présente session, à se réunir le lundi précédant immédiatement un mardi où le Sénat doit siéger, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.

(La motion est adoptée.)

.(1450)

[Traduction]

Bibliothèque du Parlement

Adoption du rapport du Comité mixte visé par l'article 104 du Règlement

Le Sénat passe à l'étude du premier rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement (mandat du comité et quorum), présenté au Sénat le 28 avril 2010.

L'honorable Percy E. Downe propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'érosion de la liberté d'expression

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Finley, attirant l'attention du Sénat sur l'érosion de la liberté d'expression dans notre pays.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis ravi de participer au débat que le sénateur Finley a amorcé sur la liberté d'expression au Canada.

La notion de liberté d'expression ou de liberté de parole remonte aux temps les plus anciens. Dans l'Ancien Testament, Moïse avait la témérité d'argumenter avec Dieu. Loin de critiquer une telle audace, les membres de nombreuses confessions religieuses considèrent Moïse comme l'un des grands personnages de l'histoire.

Dans les dialogues socratiques de Platon, qui remontent à l'antique démocratie athénienne, on peut lire que la liberté de discussion entre les citoyens constitue un élément essentiel de toute grande démocratie.

Au Canada, la notion de liberté d'expression remonte directement au Bill of Rights britannique de 1689. Il est intéressant de souligner que cette déclaration des droits prévoit également la liberté d'expression au Parlement. Il dit notamment ceci :

L'exercice de la liberté de parole et d'intervention dans les débats et délibérations du Parlement ne peut être contesté ni mis en cause devant un tribunal quelconque ni ailleurs qu'au Parlement.

Un siècle plus tard, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen adoptée par l'Assemblée nationale française en 1789 allait encore plus loin en rendant le droit à la liberté d'expression applicable en tout temps et pour tous les pays. L'article 11 se lit comme suit :

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Bien entendu, cette déclaration n'a pas manqué de susciter la controverse, car elle était vraiment révolutionnaire. Le sénateur Finlay et d'autres sénateurs d'en face connaissent sûrement très bien Edmund Burke, le soi-disant père du conservatisme moderne, qui s'est insurgé contre ces droits métaphysiques, comme il les appelait dédaigneusement. En rétrospective, l'histoire lui a donné tort car cette idée et cet idéal se sont répandus dans le monde entier.

Il y a 28 ans, s'inspirant de la Déclaration canadienne des droits présentée en 1960 par le premier ministre John Diefenbaker, le Canada intégrait à la Constitution sa propre déclaration relative à la liberté d'expression. L'article 2 de notre Charte des droits et libertés est ainsi libellé :

Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

c) liberté de réunion pacifique;

d) liberté d'association.

Bien entendu, la Charte découle de la vision du premier ministre Trudeau relative à une « société juste » pour les Canadiens.

Comment le gouvernement Harper envisage-t-il de faire du Canada une société juste? En truffant le Code criminel de peines d'emprisonnement de plus en plus longues? En faisant travailler les Canadiens pour construire et payer des prisons de plus en plus nombreuses et de plus en plus grandes pour incarcérer tous les délinquants condamnés en vertu de ces lois? Il ne faut pas se surprendre si le premier ministre Harper n'a pas vraiment envie d'attirer l'attention sur le vif contraste entre sa stratégie et les principes et la vision consacrés dans notre Charte des droits et libertés.

J'étais heureux d'entendre le sénateur Finlay lancer cette interpellation. Comme il l'a déclaré dans sa motion, son intention était d'attirer l'attention de cette Chambre sur l'érosion de la liberté d'expression dans notre pays.

Tout d'abord, la liberté d'expression s'exerce par rapport à ce que fait le gouvernement. Notre Charte est une déclaration des droits et libertés fondamentaux des Canadiens vis-à-vis de leur gouvernement, et non de leurs voisins, des membres de leur famille ou de leurs employeurs. Pour bien évaluer s'il y a érosion de notre liberté d'expression, nous devons tout d'abord examiner, de façon critique, les mesures prises par notre gouvernement. Honorables sénateurs, j'appuie la prémisse de l'interpellation du sénateur Finley. Il est vrai que les mesures prises par le gouvernement Harper entraînent une grave érosion de la liberté d'expression au Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Ce qui semble avoir en partie poussé le sénateur Finley à lancer cette interpellation, c'est l'incident provoqué par l'annonce de la visite d'Ann Coulter, qui devait prendre la parole à l'Université d'Ottawa. Je ne compte pas parler de cette affaire bien longtemps. Je désapprouve la plupart des commentaires de Mme Coulter que j'ai lus ou entendus, mais je n'ai aucune objection à ce qu'elle ait la liberté d'exprimer ses opinions au Canada.

Les actes en question étaient ceux de l'université ou des organisateurs de Mme Coulter et non ceux du gouvernement. Ce qui me préoccupe bien davantage, ce sont les mesures que le gouvernement du Canada a prises directement et qui ont empêché des gens d'exprimer leur opinion.

Mme Coulter, qui est citoyenne américaine, n'a eu aucun problème à entrer au Canada pour venir donner une conférence à l'Université d'Ottawa. Elle a, par la suite, effectivement pris la parole à l'Université de Calgary et à l'Université Western Ontario. D'autres personnes dont les opinions ne recueillent pas le même appui auprès des membres de notre gouvernement n'ont pas eu la même chance.

Le sénateur Downe a demandé au sénateur Finley s'il était d'avis que le gouvernement avait fait erreur en empêchant la venue au Canada de gens qui voulaient venir y prononcer une conférence. Le sénateur Finley a répondu qu'il présumait que le sénateur Downe parlait de George Galloway et a ajouté qu'il était déçu qu'on ne lui ait pas donné la possibilité de s'exprimer ici au Canada.

Nous avons lu dans les journaux au cours des derniers jours que, alors que le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, l'honorable Jason Kenney, avait déclaré que ni lui ni aucun membre de son personnel n'avaient été directement en contact avec les responsables de l'Agence des services frontaliers du Canada au sujet du statut de M. Galloway, des documents obtenus par la suite montrent qu'il y a eu, comme le décrit un rapport, « une campagne courte, mais intense, de la part du cabinet de M. Kenney et des fonctionnaires du gouvernement en vue de garder Galloway à l'extérieur du pays ».

En effet, on a mené cette campagne en dépit de la forte opposition du haut-commissaire du Canada en Grande-Bretagne, qui a écrit ce qui suit, entre autres choses, aux hauts fonctionnaires du cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé. Voici :

[...] je suppose que les Britanniques seront quelque peu étonnés d'une telle décision de la part du Canada et d'aucuns (dont possiblement le gouvernement du Royaume-Uni) se sentiront obligés de défendre sa liberté d'expression, d'autant plus qu'il est un député élu.

Bien sûr, notre gouvernement n'a pas suivi le conseil de notre haut-commissaire, et il a refusé d'accorder à M. Galloway, un député dûment élu du Parlement britannique, la permission d'entrer au Canada.

Malheureusement, honorables sénateurs, l'incident Galloway semble s'inscrire dans le droit fil d'une tendance bien réelle au sein du gouvernement actuel.

Le 6 février, un journaliste américain s'est vu refuser l'entrée au Canada. Martin Macias junior aurait été détenu et interrogé pendant plusieurs heures par les autorités frontalières à l'aéroport international de Vancouver, puis mis à bord d'un avion pour Seattle après qu'on lui eut refusé l'entrée au Canada. M. Macias est un reporter qui travaille pour différents médias, notamment un média de nouvelles en ligne affilié à la Chicago Public Radio. Il est aussi membre de « No Games Chicago », une organisation qui s'oppose à la candidature de Chicago pour les Jeux olympiques de 2016. Selon un reportage de CBC/Radio-Canada, M. Macias se rendait à Vancouver afin de participer à divers événements politiques, notamment une conférence de deux jours organisée par le Réseau de résistance olympique. Il devait quitter Vancouver le 11 février, avant le début des Jeux olympiques. Rien n'indique qu'il prévoyait poser des actes qui auraient pu nuire aux jeux.

M. Macias a dit qu'il avait été interrogé de façon très serrée pendant deux heures quant à savoir ce qu'il venait faire à Vancouver, qui il allait rencontrer, qui organisait la conférence, et même de quoi ces gens avaient l'air. Les autorités se sont emparées de toutes ses informations sur ses contacts et de toutes les cartes d'affaires des journalistes et des autres personnes avec qui il envisageait de s'entretenir à Vancouver.

Amy Goodman est aussi une journaliste américaine. Elle est l'animatrice principale de l'émission « Democracy Now! », une émission radiophonique américaine souscrite. Elle a eu des problèmes lorsqu'elle a voulu entrer au Canada. Elle venait ici dans le cadre de la tournée de promotion de son nouveau livre, Breaking the Sound Barrier.

(1500)

Je vais vous lire un extrait de l'article paru le 26 novembre sur le site web de CBC News :

Mme Goodman, âgée de 52 ans et bien connue pour ses opinions contre les guerres en Irak et en Afghanistan, a dit à CBC News, jeudi, que les agents des services frontaliers du Canada lui avaient demandé à maintes reprises quels sujets elle allait aborder dans les allocutions qu'elle devait prononcer à Vancouver et à Victoria.

Mme Goodman a dit que sa voiture avait été fouillée et que les agents avaient exigé qu'elle leur montre ses notes et son ordinateur.

« Cela m'inquiète énormément qu'on m'ait interceptée en tant que journaliste et que le problème — le principal problème — ait été le contenu de mon discours », a dit Mme Goodman.

Je suppose que les agents des services frontaliers étaient satisfaits de ce qu'elle prévoyait dire dans son allocution puisqu'ils l'ont laissée entrer au Canada, en lui remettant toutefois son passeport accompagné d'un document exigeant qu'elle quitte le pays dans un délai de 48 heures. Pour la liberté d'expression, on repassera.

Comme je l'ai dit, honorables sénateurs, ces incidents me préoccupent encore plus que ce qui s'est passé à l'Université d'Ottawa. Contrairement au cas d'Ann Coulter, ces incidents concernent des gestes posés par le gouvernement du Canada pour empêcher qu'on exprime, dans ce pays, des opinions qu'il ne veut pas que les gens d'ici entendent, pour quelque raison que ce soit. Les fonctionnaires exigent de savoir ce qu'une personne — des journalistes dans les deux cas — dira avant de décider de la laisser entrer et parler, comme dans le cas de Mme Goodman, ou de l'empêcher d'entrer et de la faire monter dans un avion qui quitte le Canada, comme dans le cas de M. Macias. Fait intéressant, on n'a pas entendu dire que Mme Coulter, dont les opinions sont souvent similaires à celles du gouvernement Harper, avait même été interrogée à la frontière.

J'espérais que, lorsque le sénateur Wallin et le sénateur Duffy, qui ont tous deux eu d'impressionnantes carrières en journalisme, participeraient au débat sur cette interpellation, ils diraient quelque chose au sujet de leurs collègues journalistes, M. Macias et Mme Goodman. Le sénateur Wallin et le sénateur Duffy, qui sont tous deux allés aux quatre coins du monde au cours de leurs carrières de journalistes, siègent maintenant dans cette enceinte et appuient un gouvernement qui empêche d'autres journalistes d'entrer dans leur propre pays.

Oui, honorables sénateurs, nous avons un sérieux problème en ce qui a trait à la liberté d'expression sous le gouvernement Harper, et cela ne se limite pas au harcèlement sélectif de certaines personnes à la frontière.

Pour tout vous dire, j'ai trouvé pour le moins étonnant que le sénateur Finley soit l'auteur de cette interpellation. Peut-être est-il plus ouvert à certains sujets après avoir siégé quelques mois au Sénat.

Si l'on en croit un article publié en 2008 dans le Toronto Star, le sénateur Finley n'accordait pas une priorité très élevée à la liberté d'expression lorsqu'il était le directeur de campagne national du Parti conservateur.

On décrit dans cet article comment M. Mark Warner, avocat spécialisé dans le commerce international qui avait été choisi comme candidat du Parti conservateur dans la circonscription de Toronto- Centre et dont la campagne était déjà en cours, a reçu en 2007 une lettre dans laquelle on lui faisait savoir qu'il ne représenterait pas le Parti conservateur aux élections. Devinez un peu, honorables sénateurs, qui a signé cette lettre. Nul autre que notre bon ami, le sénateur Plett.

L'auteur de l'article publié en 2008 dans le Toronto Star décrit ensuite en détail comment, à ce qu'on dit, les choses se sont passées.

« On m'avait interdit de parler aux médias », confie M. Warner. « Je leur ai dit que je ne pouvais pas me permettre de ne pas mener de campagne médiatique alors que j'avais pour adversaire Bob Rae parce que ce serait signer mon arrêt de mort. »

On l'a autorisé à participer à un forum sur la pauvreté à l'occasion duquel Bob Rae a pris la parole, à la condition qu'il ne dise pas un mot.

M. Warner raconte que le bureau de M. Finley l'a convoqué à Ottawa, où il a rencontré M. Finley au 12e étage du quartier général du Parti conservateur, situé au 130, rue Albert. M. Finley aurait, semble-t-il, engueulé M. Warner à plusieurs reprises pendant les cinq heures que dura leur entretien, notamment à propos de l'interdiction faite à M. Warner de remplir un questionnaire sur l'égalité distribué par une association de gais et de lesbiennes. « Il m'a dit que, si je le remplissais, mon geste serait dénoncé par le premier ministre et tous les autres membres du caucus. »

On rapporte que M. Warner aurait qualifié cet entretien de véritable inquisitoire de la Chambre étoilée. Plus loin, on lit ceci :

M. Warner fut officiellement congédié par un cadre du parti, M. Don Plett, dans une Chambre d'hôtel des environs de l'aéroport de Toronto.

Les sénateurs comprendront que cela m'ait rendu perplexe d'entendre le sénateur Finley se glorifier de son sincère attachement à la liberté d'expression. Si l'on ne permet pas à des candidats dûment mis en nomination d'exercer leur liberté d'expression — si l'on ne permet pas aux Canadiens de connaître la position d'un candidat donné ou de son parti sur un sujet —, alors à quoi sert la liberté d'expression?

Bien sûr, nous savons qu'il ne s'agit pas d'un incident isolé. Des candidats ont refusé d'assister à une assemblée des candidats. Les ministres ont apparemment très peu de liberté, parfois pas du tout. Il ne faudrait surtout pas que les Canadiens puissent savoir ce que pense un ministre sur une question relevant de son portefeuille.

À combien de reprises les Canadiens ont-ils entendu dans les médias que « le ministre responsable a refusé notre invitation », ou qu'il a « refusé de commenter »? The Current, une émission d'affaires publiques au réseau anglais de la radio de CBC/Radio- Canada, avait un volet intitulé « Request Count », qui fait le compte des demandes adressées à des membres du gouvernement Harper et qui permet de savoir combien ont été acceptées et combien se sont butées à un refus. Ce volet a finalement disparu en raison du nombre dérisoire de demandes acceptées. Il y a quelques jours, 46 demandes avaient été faites. Six demandes avaient été acceptées et pas moins de 40 avaient été rejetées, et c'est seulement pour la saison en cours.

Le numéro du Hill Times de la semaine dernière présentait un article à la une concernant le contrôle « sans précédent » exercé par le cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé, le service administratif du premier ministre. Selon cet article, « le personnel politique du Parti conservateur régit presque totalement les communications quotidiennes du gouvernement ».

C'est bien connu que les diplomates sont bâillonnés. Un diplomate a dit que l'attitude du gouvernement Harper avait « supprimé toute forme de diplomatie ouverte, d'activités de diffusion et de relations avec les médias ». Selon Jeff Davis, l'auteur de l'article, « les conservateurs ont assorti toutes les communications gouvernementales de formalités administratives telles qu'ils ont réduit radicalement la quantité d'information dévoilée au public ». Il cite un diplomate qui critique cette attitude du gouvernement, faisant remarquer que « les fonctionnaires n'ont pas renoncé à leur liberté d'expression ».

Le 29 janvier, David Akin, le respecté journaliste de Canwest, traitait dans son blogue des limites constantes imposées à la tribune de la presse par le cabinet du premier ministre, depuis l'arrivée de M. Harper. Il y décrit un voyage effectué en Suisse où une délégation de journalistes accompagnait le premier ministre au Forum économique mondial. Les membres de la tribune de la presse avaient droit, collectivement, à deux questions, une en français et une en anglais. Une journaliste ayant osé profiter d'une séance de photos pour poser une question a été immédiatement avertie que, si elle continuait, les journalistes se verraient interdire ces séances de photos. Ils ne pourraient plus y assister. Le personnel du CPM a aussi formulé des menaces voilées selon lesquelles l'organisme qui emploie cette personne pourrait faire l'objet d'autres sanctions — tout cela parce qu'elle a eu l'impertinence de poser une question.

Honorables sénateurs, comme le dit explicitement la Charte des droits et libertés, la liberté d'expression et la liberté de la presse vont de pair. Comme le sénateur Fraser, le sénateur Munson, le sénateur Wallin et le sénateur Duffy, surtout, le savent bien, réprimer la liberté de la presse, c'est supprimer le droit de parole. Pourtant, c'est ainsi que fonctionne le gouvernement Harper.

Compte tenu de tout ce que j'ai décrit, je n'ai pas été surpris d'apprendre hier, lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse, que les Journalistes canadiens pour la liberté d'expression avaient attribué la note F au gouvernement, c'est-à-dire même pas la note de passage, pour ses innombrables retards dans le traitement des demandes d'accès à l'information et pour tous les obstacles qu'il avait imposés à l'accès à l'information. Plusieurs de mes collègues d'en face ont affirmé que l'interpellation était orwellienne. Ce terme est peut-être plus approprié qu'ils ne le croyaient.

J'ai parlé d'un marché des idées. Je croyais que c'était un concept qui serait compris par le gouvernement conservateur, qui affirme tenir au principe des marchés libres. La prémisse fondamentale de la liberté d'expression est de permettre des discussions ouvertes sur une vaste gamme de questions. La liberté d'expression est similaire à un marché libre et achalandé d'idées divergentes que les citoyens peuvent adopter et auquel ils peuvent apporter leurs idées, leurs connaissances et leur analyse critique et réfléchie. Toutefois, sous le gouvernement Harper, la liberté d'expression ressemble davantage à un magasin de l'ancien régime soviétique : peu de marchandises à l'exception des marchandises approuvées par le gouvernement et étroitement contrôlées, et des longues files d'attente de personnes affamées qui attendent dehors dans le froid.

Honorables sénateurs, on ne peut pas vraiment parler de liberté d'expression si le gouvernement refuse de fournir des renseignements aux citoyens sur ses gestes et ses activités.

Guy Giorno, qui est le chef de cabinet du premier ministre, a dit à un comité de la Chambre des communes que l'accès à l'information est l'oxygène de la démocratie. Les actions du gouvernement contredisent constamment cette déclaration.

Robert Marleau, un ancien greffier de la Chambre des communes qui a été nommé commissaire à l'information du Canada en 2007, a signalé en 2008 que, contrairement à la promesse électorale de M. Harper selon laquelle son gouvernement serait caractérisé par la transparence, un « épais brouillard entoure l'information » relative aux activités du gouvernement. Il a déclaré que les restrictions appliquées au processus d'accès à l'information avaient littéralement « étranglé » les communications.

(1510)

Le successeur de M. Marleau, Suzanne Legault, commissaire à l'information du Canada par intérim, a présenté récemment un rapport spécial au Parlement qui contient les fiches de rendement de 2008-2009 sur les problèmes systémiques influant sur l'accès à l'information au Canada. Mme Legault a intitulé le rapport Hors délais. Elle ne mâche pas ses mots. Elle affirme que le droit des Canadiens d'accéder rapidement à l'information « risque même l'oblitération ».

Honorables sénateurs, mes amis d'en face aimeraient bien que les Canadiens pensent que ce qui menace la liberté d'expression, c'est quelques étudiants universitaires qui se comportent mal en présence d'une commentatrice politique américaine. Imaginez la scène : des étudiants universitaires qui se comportent mal. Du jamais vu dans l'histoire. Quel scandale! Pendant ce temps, la commissaire à l'information par intérim signale que le droit des Canadiens d'obtenir rapidement de l'information de leur gouvernement risque « l'oblitération » — non qu'il soit simplement restreint; il risque l'oblitération pure et simple.

Cette question n'a aucun intérêt pour mes amis d'en face. Penchons-nous de nouveau sur la véritable menace : le comportement répréhensible d'étudiants universitaires. C'est ainsi qu'on fait preuve d'un esprit orwellien tout en, pour reprendre les mots de Neil Postman, se distrayant à en mourir.

Le gouvernement tente sans relâche d'empêcher les Canadiens d'exercer leur liberté d'expression en les privant des éléments essentiels d'une information exacte. Le directeur des communications de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, Diane Finley, serait intervenu récemment pour tenter d'empêcher la divulgation, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, de renseignements qui auraient révélé qu'Ottawa a dépensé 5 millions de dollars pour mener une campagne de publicité à la télévision entourant les Jeux olympiques de Vancouver.

Avant cela, le 7 février, on a appris que, en juillet dernier, un attaché politique conservateur travaillant pour le ministre des Travaux publics de l'époque, Christian Paradis, aurait ordonné la « non-divulgation » d'un rapport délicat sur le portefeuille immobilier du gouvernement. Selon les médias, des fonctionnaires, des avocats du ministère de la Justice et des consultants avaient convenu qu'aucun fondement juridique ne pouvait empêcher la divulgation intégrale du document de 137 pages. Pourtant, cet attaché politique se serait précipité — eh oui, il aurait couru — à la salle du courrier pour empêcher qu'un paquet de documents soit envoyé en réponse à une demande d'accès à l'information. Par la suite, il a exercé des pressions sur les fonctionnaires pour qu'ils ne divulguent que 30 des 137 pages du document en question.

Le Hill Times a alors publié un article dans lequel un attaché politique conservateur déclarait que le personnel des cabinets des ministres intervient souvent dans les demandes d'accès à l'information. L'attaché cité, qui n'a pas voulu être identifié — on se demande bien pourquoi —, affirme également ce qui suit à propos du fameux Sebastian, celui qui faisait des pieds et des mains pour rattraper l'information qui venait d'être rendue publique :

[...] à ma connaissance, il n'a jamais rien fait d'autre que ce que le cabinet du premier ministre a demandé au personnel des cabinets des ministres de faire.

Selon le Hill Times, l'attaché en question a affirmé que le cabinet du premier ministre faisait pression sur les attachés politiques des ministres pour que les nouvelles potentiellement explosives ne soient pas publiées.

Cet article a été publié le 22 février. La semaine suivante, le 1er mars pour être exact, le Hill Times a publié un autre article, dans lequel on peut lire ceci :

Au début de la semaine dernière, un attaché politique conservateur qui a demandé à garder l'anonymat a incité la rédaction du journal à continuer de fouiller le dossier des demandes d'accès à l'information.

D'après l'attaché cité, malgré les déclarations voulant que tous les employés aient reçu l'ordre de se conformer à la lettre à la Loi sur l'accès à l'information, le cabinet du premier ministre a continué d'intervenir :

« Ce n'est pas fini, et même si, en public, les employés se font dire de respecter le processus, on s'attend à ce qu'ils trouvent des moyens de déjouer les règles, poursuit-il. Croyez- moi, malgré les déclarations publiques, c'est les doigts croisés derrière le dos que les employés se font dire de ne pas intervenir. »

Le mur du secret érigé par le gouvernement Harper s'étend même au reste de la fonction publique, dont il tente de museler la liberté d'expression. Je disais tout à l'heure que les ministres semblaient avoir tous fait vœu de silence; eh bien figurez-vous que le gouvernement tente aussi de museler ses propres scientifiques. Pas plus tard que le mois dernier, le 15 mars exactement, le National Post, qui a pourtant l'habitude d'applaudir chaque fois que les conservateurs de Harper ouvrent la bouche, a rapporté dans un article que les scientifiques étaient muselés par la politique médiatique des conservateurs. Apparemment, c'est la goutte qui a fait déborder le vase pour le National Post.

À peine 10 jours plus tard, le chroniqueur du Globe and Mail, Lawrence Martin, ne pouvant pas se retenir plus longtemps, a publié un article dans lequel il affirmait que la liberté commence à se faire rare dans la capitale nationale. Je vous en cite quelques passages :

Tout le monde à Ottawa avait reçu l'ordre de se taire : les membres du caucus, les fonctionnaires, les dirigeants des sociétés d'État, l'état-major, tout le monde. S'il fut un temps où tout un chacun pouvait faire connaître son opinion, cette époque est bel et bien révolue dans la capitale de Stephen Harper. Du moins, pas tant que le cabinet du premier ministre ou le Bureau du Conseil privé ne donne pas au préalable son approbation.

Jamais avait-on vu un contrôle exercé avec une telle poigne. Le gouvernement a tenté par tous les moyens d'éviter que les images montrant le retour au pays des soldats morts en Afghanistan ne soient diffusées. Il a tenté de restreindre la liberté de la presse comme jamais auparavant et a même déjà eu recours aux policiers pour faire sortir les journalistes d'un hôtel de Charlottetown. Selon le commissaire à l'information, Robert Marleau, dans les faits, les restrictions imposées au processus d'accès à l'information ont littéralement étouffé les communications.

Le cabinet du premier ministre ne limite pas ses interventions aux fonctionnaires fédéraux. Selon un reportage diffusé l'an dernier par CBC/Radio-Canada, une série de courriels gouvernementaux montrait que le CPM dictait le contenu des communiqués du Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, un organisme consultatif prétendument indépendant. Qui plus est, il aurait demandé à l'organisme d'attendre après les élections du 14 octobre avant de publier le rapport de sûreté sur la mort de Laura Gainey, survenue en haute mer. En effet, le rapport, qui était prêt à être publié le 24 septembre, ne l'a été que le 30 octobre, soit deux semaines après les élections.

Il ne faut sans doute pas s'étonner du fait que le bureau d'enquête ait acquiescé à la demande du premier ministre. Nous avons tous constaté ce qui arrive aux organismes de surveillance indépendants qui ne sont plus dans les bonnes grâces du gouvernement. C'est toujours la même histoire, mais elle mérite d'être racontée de nouveau.

Linda Keen a été congédiée de son poste de présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Ce congédiement est survenu le soir précédant son témoignage devant un comité parlementaire de l'autre endroit.

Peter Tinsley était président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. À ce titre, il a tenté de mener une enquête sur des allégations concernant la situation des détenus afghans, une enquête que le gouvernement Harper a tenté de contrecarrer et de gêner par tous les moyens imaginables. Pendant cette enquête, M. Tinsley a demandé une prolongation de mandat, ce qui aurait dû être, selon moi, une simple formalité, pour pouvoir terminer son enquête. Il a plutôt reçu une lettre du ministre de la Défense, Peter MacKay, qui lui disait : « Je vous encourage à mettre de l'ordre dans vos affaires personnelles et professionnelles et à planifier le plus tôt possible la suite de votre carrière ».

M. Tinsley a dit aux médias, en décembre dernier, que la décision du gouvernement Harper de ne pas reconduire quelqu'un dans son mandat pendant une enquête importante était sans précédent. Il a dit :

Le manque de coopération de la part du gouvernement, ou sa résistance envers les rôles des tribunaux administratifs, et les répercussions sur les personnes nommées par le Cabinet ne peuvent être que néfastes pour tout le monde.

Il poursuit en disant ceci :

Il a dit que les présidents des organismes de surveillance pourraient être intimidés par « un contexte où le gouvernement en place envoie le message que si vous ne devinez pas correctement ce qu'il veut », il y aura des conséquences.

Linda Keen s'est prononcée, en janvier, à propos de l'attitude du gouvernement Harper à l'égard des chiens de garde indépendants, comme elle et Peter Tinsley. Elle n'a pas mâché ses mots quand elle a dit :

Les présidents de tribunaux administratifs et, par extension, leurs tribunaux et le droit administratif, sont menacés aujourd'hui au gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, sous le gouvernement Harper, même les chiens de garde indépendants ont perdu leur droit à la liberté d'expression. C'est justement dans les dossiers où l'exercice de ce droit est le plus précieux, dossiers où les Canadiens comptent sur leur possibilité de s'exprimer ouvertement et librement, sans crainte de représailles, motivés exclusivement par la défense de l'intérêt public tel qu'ils le perçoivent, qu'ils en ont été privés.

Le successeur de M. Tinsley à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, choisi par le gouvernement Harper, n'a pas mieux réussi que ce dernier à lever le voile du secret et le gouvernement n'a pas hésité à faire savoir à la commission précisément qui peut dire quoi, à qui et quand. Pas plus tard que la semaine dernière, le nouveau président, M. Glenn Stannard, a demandé à un représentant du gouvernement, nommément Alain Préfontaine, avocat du ministère de la Justice, la date à laquelle la commission pouvait s'attendre à recevoir certains des documents demandés. M. Préfontaine lui a répondu qu'il n'était pas en mesure d'en parler.

(1520)

M. Stannard, naturellement abasourdi, a réitéré sa question. Cette fois-là, M. Préfontaine lui a répondu que les documents seraient envoyés aux avocats de la commission quand ils seraient prêts, et pas avant.

M. Stannard a dit au Globe and Mail par la suite que la commission n'avait reçu presqu'aucun document depuis la mi- février. Des milliers de documents n'ont toujours pas été divulgués, et ceux qui l'ont été sont fortement censurés. Plus inquiétant encore, il semblerait que les documents soient triés avant même d'être envoyés aux censeurs. Des journalistes ont réussi à mettre la main sur des documents qui, l'a-t-on appris par la suite, n'ont jamais même été soumis à la commission.

Le gouvernement prétend être le défenseur de la transparence et de la reddition de comptes, un gouvernement déterminé à faire régner la justice, la loi et l'ordre. De quelle sorte de justice est-il question lorsqu'on dissimule des documents à la commission? Il n'y a pas de transparence, il n'y a que des atermoiements, de la censure et de l'arrogance. Au lieu de rendre des comptes aux Canadiens, on les traite avec dédain et mépris.

Les sénateurs comprendront qu'il m'est difficile de prendre au sérieux les pieuses déclarations du gouvernement sur son dévouement à la cause de la liberté d'expression, ou bien l'orientation que mes amis de l'autre côté veulent donner à cette enquête. Ils préfèreraient ne pas parler de Richard Colvin, qui s'est retrouvé à mener en Afghanistan une guerre bien différente de celle à laquelle il avait accepté de participer. Il a mené un combat personnel contre le gouvernement même qu'il représentait, alors qu'il tentait de lui faire part de ses préoccupations au sujet des prisonniers afghans.

Bien entendu, comme nous le savons tous, les tentatives du gouvernement Harper pour empêcher M. Colvin de parler ne se sont pas arrêtées en Afghanistan. Invoquant une fois de plus la sécurité nationale, le gouvernement a essayé à plusieurs reprises de l'empêcher de comparaître devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Enfin, après que des députés de l'autre endroit soient intervenus pour que M. Colvin puisse prendre la parole ici, sur la Colline du Parlement, le gouvernement a eu recours au dernier argument des vauriens et il a honteusement tenté de discréditer le témoignage de M. Colvin. C'est là le vrai visage de l'engagement du gouvernement à l'égard de la liberté d'expression.

Honorables sénateurs, parlez à des gens qui travaillent pour des organisations non gouvernementales n'importe où au Canada. Trop nombreux sont ceux qui ont peur de dénoncer certains problèmes par crainte de subir le courroux du gouvernement Harper et de perdre le financement qui leur est essentiel.

Le sénateur LeBreton trouve cela amusant, mais je ne crois pas que les ONG qui vivent cette peur au quotidien trouvent cela aussi drôle.

La fin de semaine dernière, le Globe and Mail publiait une entrevue avec Joanna Kerr, directrice générale d'ActionAid International. Elle a confié ce qui suit au journal :

Il est très difficile pour les ONG de dénoncer certains faits, car elles peuvent perdre leur financement. C'est ce qui se passe. Si vous avez pour mission d'aider des gens dans le monde, il ne faut pas faire de vagues. Le genre de censure qui a lieu actuellement à Ottawa sort tout à fait de l'ordinaire.

Avant de conclure, je tiens à parler brièvement de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, sur lequel ont porté les observations de plusieurs sénateurs au cours de cette interpellation. Je comprends que certaines causes fondées sur cet article de la Loi canadienne sur les droits de la personne suscitent de grandes préoccupations. Bien sûr, nous devrions toujours chercher des moyens d'améliorer les lois canadiennes. Au cours du débat, j'ai été impressionné par les arguments de plusieurs sénateurs, notamment ceux du sénateur Nancy Ruth et du sénateur Fraser, illustrant l'utile complémentarité des dispositions de cette loi et des dispositions du Code criminel. Mentionnons, par exemple, le fait que la Loi canadienne sur les droits de la personne, comme l'a signalé le sénateur Nancy Ruth, traite de la propagande haineuse fondée sur le sexe, tandis que les dispositions du Code criminel sur les crimes haineux n'en traitent pas. Comme le souligne le sénateur Fraser, les recours prévus dans les deux lois sont distincts et ont des utilités différentes.

J'ai également la conviction que nous ne devrions pas perdre de vue la raison d'être de ces lois. On dit souvent que de mauvaises données ne font pas de bonnes lois, un adage que le gouvernement ferait bien de suivre lorsqu'il s'empresse de présenter certains de ses projets de loi à caractère judiciaire. La même logique s'applique lorsqu'on considère certaines décisions discutables, voire franchement mauvaises. Le fait qu'un enquêteur ou, même, un arbitre ait fait une déclaration ou ait rendu une décision avec laquelle on est peut-être en désaccord ne justifie pas qu'on rejette tout le processus. Au fil des ans, je n'ai pas appuyé bon nombre de décisions, même de la Cour suprême du Canada, mais ce n'est certainement pas une raison pour démanteler le système judiciaire.

Honorables sénateurs, le racisme et la propagande haineuse ne sont pas des questions qu'il faut régler à un autre moment ou dans un autre lieu. Malheureusement, ces questions demeurent pertinentes aujourd'hui, aussi bien chez nous, au Canada, qu'ailleurs dans le monde. Comme le sénateur Nancy Ruth nous l'a rappelé avec éloquence, les mots sont souvent plus que de « simples mots ». Les mots peuvent avoir des effets puissants et même dangereux.

Des érudits ont observé que chaque cas moderne de génocide avait été précédé par une campagne de propagande. Certains vont même jusqu'à affirmer qu'une telle campagne est, en fait, un complément indispensable au génocide ou, si on veut, une condition préalable. Comme le sénateur Dallaire peut nous le dire, le génocide au Rwanda avait été précédé par plusieurs années de propagande haineuse. Il en fut de même en Bosnie-Herzégovine et dans l'Allemagne nazie.

Avant que le génocide puisse se produire, on doit faire appel à beaucoup de gens pour justifier l'assassinat en masse des membres du groupe visé. Cela ne veut pas dire que toutes les expressions du racisme ou de la haine doivent être censurées parce qu'elles mènent inévitablement au génocide. Ce n'est pas du tout le cas, mais cela porte à croire que le Canada a raison de prendre la propagande haineuse au sérieux et de tracer une ligne pour faire la distinction entre la liberté d'expression et les discours incendiaires qui imposent d'agir.

Comme c'est souvent le cas, c'est une question d'équilibre. Dans ce cas, c'est l'équilibre entre la liberté d'expression, qui doit être pleinement protégée à titre de droit fondamental, et les communications qui ne sont que des messages haineux contraires aux lois canadiennes.

Y a-t-il des précautions à prendre, comme des garanties de procédure protégeant contre les abus de la loi et mettant en évidence l'importance de la liberté d'expression? Peut-être, mais, une fois de plus, les faits erronés entraînent inévitablement de mauvaises lois. Nous devons toujours nous montrer ouverts aux améliorations, mais la loi, dans sa forme actuelle, a permis de régler efficacement les cas sérieux de propagande haineuse.

Je voudrais, pour conclure, remercier le sénateur Finley d'avoir pris l'initiative de cette interpellation. Je souscris à ses propos : nous sommes en butte à une sérieuse érosion de la liberté d'expression dans notre pays par suite des agissements du gouvernement Harper. Je fais appel au sénateur Finley et aux autres collègues qui ont pris la défense de la liberté d'expression avec tant d'éloquence. Je demande à ces sénateurs de se joindre à nous, de ce côté-ci, afin de demander des comptes au gouvernement Harper pour les nombreuses mesures qui ont affaibli la liberté d'expression au Canada. Je suis sûr que les sénateurs se joindront à nous pour dénoncer publiquement les actes de leur gouvernement et prendre la défense de la vraie liberté d'expression dans notre pays.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Le sénateur Cowan accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Je serais enchanté de le faire.

Le sénateur LeBreton : Je n'ai pu m'empêcher de remarquer que le sénateur Cowan a dit que des faits erronés font de mauvaises lois. J'irai en fait un peu plus loin : les faits erronés entraînent de mauvais discours. Je dirais même, des discours incendiaires.

L'intervention du sénateur Cowan est l'incarnation même de ce que mon collègue, le sénateur Finley, appuie. Le sénateur Cowan a exercé son droit à la liberté d'expression, que nous appuyons tous. Toutefois, il s'est trompé du tout au tout en interprétant le discours du sénateur Finley. Le sénateur Cowan semble s'être concentré sur Ann Coulter. Je ne compte pas particulièrement parmi les admirateurs d'Ann Coulter, mais le sénateur a tout confondu.

Faisant partie du gouvernement du premier ministre Harper, je ne peux pas me croiser les bras et écouter des affirmations sans fondement attribuées à des sources inconnues et faisant état de toute une flopée d'actes allégués, comme si des membres de notre gouvernement s'étaient d'une façon ou d'une autre faits complices d'un système dans lequel aucun d'entre nous n'est autorisé à parler, ce qui est absolument faux.

Puisque le sénateur a parlé de son grand héros, M. Trudeau, et de la Charte, que fait-il des droits des centaines de Québécois jetés en prison lors de la proclamation de la Loi sur les mesures de guerre? Passons maintenant au premier ministre suivant du parti du sénateur, M. Chrétien. Que fait-il des droits de ce contestataire hullois que l'ancien premier ministre a essayé d'étrangler parce qu'il avait osé protester?

(1530)

Qu'en est-il des droits de M. Beaudoin, ancien dirigeant de la Banque de développement du Canada, lorsqu'il a tenu tête au premier ministre Chrétien et a refusé de donner de l'argent à l'un de ses amis pour un terrain de golf dans lequel ils détenaient des intérêts? Il a été victime d'abus de pouvoir incroyables, d'une chasse aux sorcières, d'une descente de la GRC. Il a dû consacrer beaucoup de temps à défendre sa réputation.

Ce sont là des faits, alors que le sénateur se contente de citer le Hill Times et CBC/Radio-Canada. Moi qui suis membre du Parti conservateur depuis longtemps, je peux dire au sénateur que je n'ai jamais fait partie d'un gouvernement qui travaille autant à gagner la confiance des Canadiens. Nous savons ce qu'il faut affronter. Nous devons lutter contre ces anonymes d'Ottawa qui sont si habitués à leurs liens avec les libéraux qu'ils communiquent cette information, que le Hill Times imprime et que, tout à coup, cela devient un fait.

Je dois dire, honorables sénateurs, que j'ai été profondément offensée par l'intervention du sénateur Cowan. C'est une insulte aux parlementaires et au gouvernement du premier ministre Stephen Harper. C'est une insulte à tous ceux qui siègent au Cabinet et, soit dit en passant, c'est une insulte aux Canadiens, qui manifestent constamment leur appui au gouvernment.

Le sénateur Dawson : La question!

Le sénateur Fraser : Est-ce un discours ou une question?

Le sénateur LeBreton : Il se passe précisément ce que dit l'adage de Confucius : celui qui lance de la boue perd du terrain.

Ma question est la suivante : comment expliquez-vous les actes de M. Trudeau et de M. Chrétien, dans des cas où il y avait des preuves concrètes d'abus de pouvoir?

Le sénateur Cowan : Ni M. Trudeau ni M. Chrétien n'ont besoin de mon aide pour expliquer leurs décisions. Ils le font très bien.

J'invite le sénateur LeBreton à développer ses idées dans un discours et à participer au débat. Je vais essayer de ne pas être aussi insulté par son intervention qu'elle prétend l'avoir été par la mienne.

De toute évidence, il y a ici un peu de paranoïa à fleur de peau, et j'aurai égratigné un peu trop profondément, mais j'invite madame le leader à noter ses réflexions, à les étoffer et à participer au débat.

Le sénateur Mercer : Ne la froissez pas.

Le sénateur Cowan : Encore une fois, je félicite le sénateur Finley de cette interpellation et j'exhorte les sénateurs de deux côtés à exprimer leurs vues. Assurément, si nous ne pouvons pas exprimer nos opinions au Sénat, il n'y a pas beaucoup d'endroits dans le monde où nous pouvons le faire.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur a parlé de paranoïa. Il y a une différence entre la paranoïa et une réaction à des affirmations d'une fausseté flagrante. Je vais revoir l'intervention du sénateur Cowan. Un grand nombre de ses affirmations sont d'une fausseté évidente, mais il les fait certainement avec la protection du privilège parlementaire.

Lorsque le sénateur parle de liberté d'expression, il ressemble à son chef, M. Ignatieff.

Le sénateur Cowan : C'est un compliment.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur ne manifeste aucun respect à l'endroit du premier ministre. Il l'appelle sans cesse « Harper ».

Le sénateur Rompkey : Vous avez dit « Iggy ».

Le sénateur LeBreton : Iggy n'est pas le premier ministre, et il ne le sera jamais.

Voici ce que je demanderais aussi au sénateur Cowan : s'il veut faire un discours qui, à son avis, repose sur des faits, est-il acceptable qu'il cite des sources anonymes au Parlement? C'est faire un terrible affront à tous, car on ne peut pas se défendre contre une source anonyme.

Le sénateur Mockler : Incroyable.

Le sénateur Mercer : Lisez vos points de discussion, Percy.

Le sénateur LeBreton : Je ne lis pas de points de discussion.

Le sénateur ne croit-il pas que, lorsque les gens ont quelque chose à dire et s'expriment au nom de la liberté d'expression, ils devraient au moins avoir le courage de s'identifier avant de faire des affirmations? Ne pense-t-il pas qu'il faut se fier uniquement à des personnes identifiables?

Le sénateur Cowan : Je remercie le sénateur LeBreton de son intervention. Je l'invite à lire la mienne. S'il y a des inexactitudes, je suis persuadé qu'elle me les signalera.

Chaque fois qu'il ne s'agissait pas de mes propres opinions, j'ai indiqué ma source. Il est parfaitement acceptable de citer des observateurs qui ont leurs propres sources.

Le sénateur Hubley : Comme Mike Duffy.

Le sénateur Cowan : Madame le sénateur LeBreton peut en rire, mais je l'ai entendue, jour après jour, déclarer : « Voici un article de journal ». Elle cite des journaux comme s'ils constituaient une source parfaitement valable sur laquelle appuyer sa position.

Le sénateur LeBreton : Je donne les noms.

Le sénateur Cowan : J'ai dit qu'il s'agissait des opinions de journalistes. Je ne les ai pas présentées comme les miennes. J'ai exposé ces opinions au Sénat et j'ai chaque fois donné la source, dans la mesure où j'en avais une. Si madame le leader relève des erreurs de fait, je lui demande de me les signaler.

L'honorable Joan Fraser : Le sénateur Cowan accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

Le sénateur Fraser : Honorables sénateurs, à propos des sources non identifiées, c'est-à-dire non identifiées dans un compte rendu public, le sénateur conviendrait-il qu'il survient des cas où il n'est pas possible de transmettre l'information au public, à moins de donner à la source une garantie d'anonymat? Dans notre passé immédiat, l'exemple le plus célèbre est probablement celui de l'homme qui, pendant des années, a été identifié comme « Deep Throat », mais qui a fourni aux journalistes, à condition qu'on lui garantisse l'anonymat, une information d'une importance vitale pour la santé de la démocratie aux États-Unis. Je dirais qu'il y a eu d'autres exemples comparables.

Les exemples que le sénateur a cités illustrent-ils un climat de peur dans lequel les gens craignent de dire publiquement ce qu'ils savent pourtant être la vérité?

Le sénateur Cowan : Je suis persuadé que les sénateurs Fraser, Duffy, Wallin et Munson, et d'autres peut-être que je n'ai pas à nommer, qui possèdent nettement plus d'expérience que moi dans le domaine du journalisme et de l'information, ont déjà reçu des renseignements à condition de ne pas en divulguer la source. Si j'ai bien compris, tout journaliste responsable vérifie les renseignements obtenus auprès d'autres sources. S'il obtient le niveau de confirmation approprié, il fait alors publier ces renseignements, même s'il ne peut en identifier publiquement la source. Si je ne m'abuse, cette façon de procéder respecte les normes reconnues en matière de journalisme responsable.

Je ne puis parler que de mon expérience personnelle, non pour la préparation de la présente intervention, mais il y a un an environ, lorsque j'ai parlé de recherche scientifique au Canada. À cette occasion, je me suis adressé à de nombreux scientifiques un peu partout au Canada, dans des universités et des instituts de santé, au sujet du financement de leurs établissements, des perspectives d'avenir de la recherche et du développement scientifiques au Canada et de la façon dont nous nous comparerions à d'autres pays à cet égard.

Des scientifiques m'ont assuré à plusieurs reprises qu'ils me fourniraient de l'information, mais que je ne pourrais en préciser publiquement la source. Ils craignaient — je ne puis dire si cette crainte était justifiée — des représailles contre eux ou contre l'établissement qu'ils représentaient.

Je ne puis affirmer si cette crainte était fondée, mais c'est ce qu'on m'a dit. J'imagine que mes collègues qui ont des antécédents journalistiques ont connu ce genre de situation. Je suis persuadé que le sénateur Mockler, qui possède de l'expérience politique sur la scène provinciale, a déjà reçu de l'information dont il s'est servi dans le cadre de ses fonctions, après, bien entendu, avoir fait les vérifications appropriées, sans pouvoir cependant en divulguer la source.

Lorsque nous débattons de questions comme celle-ci, nous avons tous la responsabilité de vérifier l'information de notre mieux et d'en identifier la source, même si cette source n'est qu'un article de journal. Les publications que moi et d'autres sénateurs avons citées sont bien connues et fort respectées au Canada. Je crois que nous pouvons tenir pour acquis que les journalistes qui écrivent pour ces périodiques respectent en général les normes de vérification journalistique, ce qui, pour nous tous, est tout à fait normal.

(1540)

Le sénateur Fraser a fait allusion à la situation aux États-Unis. S'il avait été impossible d'écrire sur cette situation, on peut se demander où en serait la démocratie aujourd'hui.

(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

L'impact des démences sur la société

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carstairs, C.P., attirant l'attention du Sénat sur l'impact des démences sur la société canadienne.

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, je veux intervenir brièvement dans le débat sur l'interpellation du sénateur Carstairs, qui attire l'attention du Sénat sur l'impact des démences sur la société canadienne. Comme le sénateur Carstairs l'a souligné, la démence, et particulièrement la maladie d'Alzheimer, est rapidement en train de devenir un grave problème. On prévoit que le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer passera de 500 000 à 1,1 million en une génération et que le coût du traitement des patients atteints de démence passera de 15 milliards de dollars à 153 milliards de dollars par année. Ces chiffres ne sont que des estimations, mais ils restent très alarmants.

L'appel à l'action du sénateur Carstairs, particulièrement pour les gens de plus de 65 ans, inclut un volet du programme ParticipAction spécialement conçu pour eux, une alimentation saine et un programme sur le mode de vie ainsi qu'un programme de soutien en acquisition de compétence pour les aidants naturels comme les conjoints et les enfants des personnes atteintes de démence. Ces mesures peuvent réduire d'environ 50 p. 100 le coût des soins des personnes atteintes de démence.

Le sénateur Carstairs souligne également que le Canada n'a pas de stratégie pour faire face à la situation, même si plusieurs autres pays développés en ont adopté une. Notre collègue insiste sur l'importance de mettre fin à l'inaction et d'agir puisque lorsqu'ils atteindront l'âge de 85 ans, 40 p. 100 des Canadiens auront la maladie d'Alzheimer.

Le sénateur Hubley a parlé du fait que nous en savons très peu sur la démence et la maladie d'Alzheimer chez les Autochtones. Il faut vraiment se pencher sur cette question jusqu'à ce que nous comprenions véritablement les problèmes.

J'insiste sur l'importance de la recherche dans ce domaine. De nouvelles technologies d'imagerie permettent maintenant de détecter la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence. Bien qu'on connaisse mal ce qu'on appelle les points blancs, ils ouvrent une fenêtre sur une toute nouvelle compréhension de la maladie. La meilleure chose à faire pour l'instant est sans doute d'appuyer nos extraordinaires chercheurs et d'encourager la formation de nouveaux scientifiques qui poursuivront les travaux dans ce domaine.

La combinaison de pharmacothérapie et de programmes favorisant un mode de vie sain donne de bons résultats. Par exemple, le contrôle vigilant de la pression sanguine tout au long de la vie peut ralentir, voir prévenir, l'éclosion de la maladie.

Personne ne sait combien de temps il faudra pour comprendre parfaitement ce fléau, mais nous avons fait d'énormes progrès depuis dix ans. Nous pouvons faire des pas de géants au cours des 10 prochaines années, et il faut souhaiter que les horribles prévisions à propos du nombre de cas de la maladie d'Alzheimer et du fardeau sur la société ne se concrétisèrent pas, car nous aurons réussi à prévenir un grand nombre de cas.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

L'environnement et les droits de la personne

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Grant Mitchell, ayant donné avis le 27 avril 2010 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les liens qui existent entre l'environnement et les droits de la personne.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir prendre la parole sur une question qui a été portée à mon attention par le sénateur Carstairs. Madame le sénateur Carstairs a une façon bien à elle de voir des choses que d'autres ne voient pas et d'éclairer ces personnes. Elle est intuitive et perspicace.

Il y a environ un mois, elle m'a invité à participer en tant qu'orateur, avec le sénateur Jaffer et elle, à un atelier sur les droits de la personne, dans le cadre d'une conférence organisée au Manitoba. Je n'ai jamais fait de discours sur les droits de la personne, alors je lui ai demandé pourquoi elle invitait et de quoi elle voulait que je parle en particulier. Elle a suggéré que je parle de la relation entre les droits de la personne et l'environnement. J'ai cru qu'elle parlait des changements climatiques parce que, comme les sénateurs le savent peut-être, je m'intéresse aux changements climatiques.

Dès que le sénateur Carstairs m'a demandé cela, la relation m'a semblé si évidente que je me suis demandé comment il se faisait que je n'avais jamais constaté de liens, auparavant, entre l'environnement et les droits de la personne. En me penchant sur la question, j'ai compris que j'avais peut-être quelques raisons de n'avoir pas fait le lien. Cela tient à la nature des écrits sur les droits de la personne et des écrits et théories sur les changements climatiques. Dans un domaine ou dans l'autre, presque aucun lien n'est établi entre droits de la personne et changements climatiques. Il y a deux ou trois ans, certains documents des Nations Unies ont commencé à traiter de la question, mais les écrits philosophiques sur les droits de la personne rejetaient cette thèse, mais la situation commence à changer en faveur de ce qu'on devrait considérer comme évident.

Dans une colonne, j'ai énuméré tout ce que nous pouvons considérer comme étant des effets des changements climatiques, qu'il s'agisse d'hypothèses ou, dans certains cas, de faits établis. Dans une autre colonne, j'ai énuméré les droits de la personne classiques que nous comprenons et admettons généralement. Ces deux colonnes mises côte à côte, ce ne sont pas des liens que nous pouvons établir entre leurs éléments, mais plutôt des contradictions majeures. Il y a peu de doutes que les changements climatiques nuisent grandement aux droits de la personne généralement admis.

Les principales conséquences des changements climatiques sont la sécheresse attribuable à une quantité d'eau réduite, ce qui va de soi, et la sécheresse attribuable à une quantité d'eau accrue, ce qui semble contradictoire, mais je m'explique. Il se peut que certains endroits reçoivent plus de pluie, et c'est probablement le cas, mais comme ces endroits sont plus chauds, l'eau s'évapore plus rapidement, provoquant la sécheresse dans la région. Enfin, les changements climatiques causent la fonte des glaciers, ce qui engendrera la sécheresse et l'incapacité de trouver de l'eau.

(1550)

Il y a également certaines tempêtes violentes qui, selon moi, s'expliquent par les changements climatiques. Ce point de vue s'appuie sur les données scientifiques. Certains prétendent le contraire, mais nier l'évidence revient à nier la gravité de la situation.

Le niveau de la mer monte. Les gens disent : « Et puis après? » Bien des gens vivent dans des collectivités situées à proximité de plans d'eau dont le niveau va augmenter ou commence déjà à augmenter en raison des changements climatiques. Il y a des sceptiques pour dire qu'il n'y a pas suffisamment de glace à fondre et que si la glace qui se trouve déjà dans l'eau se met à fondre, elle ne fera pas monter le niveau de la mer de façon significative. C'est n'est pas l'eau libérée par la fonte des glaces qui sera surtout responsable de l'augmentation du niveau de la mer. Ce qui va arriver c'est que le niveau de la mer augmentera parce que l'eau elle-même se réchauffera et, comme tout ce qui réchauffe prend de l'expansion, le niveau de l'eau va augmenter. Ce phénomène est déjà en train de se produire.

Regardons ce qui se passe dans le monde. Il y a quelques années, avec le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, j'ai eu l'occasion de visiter Tuktoyaktuk. Cette collectivité est en train de perdre son littoral et un grand nombre d'habitations sont menacées par la montée du niveau de la mer.

Le monde subira bien d'autres impacts, notamment des inondations, des feux de forêts et un réchauffement des températures. Cela se produit déjà.

Les sénateurs peuvent associer ces impacts à certains droits de l'homme pour entrevoir de graves problèmes. Ces droits de l'homme comprennent, par exemple, le droit à la santé, à l'alimentation, à l'eau potable, à l'accès sécuritaire à l'eau, à la subsistance, au logement, à la sécurité et à la culture.

Prenons l'exemple de la sécheresse. Celle-ci aura sûrement un impact sur l'approvisionnement alimentaire. Elle produira en outre un impact sur l'approvisionnement en eau et sur le logement car les gens ne pourront plus vivre au même endroit.

Prenons aussi l'exemple des tempêtes violentes. Les sénateurs ont déjà pu constater leur impact. Nous tenons peut-être ces violentes tempêtes pour acquises du fait qu'elles ont gravé une puissante image dans nos esprits. Cependant, si les sénateurs se rendaient à la Nouvelle-Orléans ou dans d'autres collectivités touchées par l'ouragan Katrina, ils verraient des maisons qui sont encore inhabitables et des collectivités qui ont été détruites. Les habitants de ces collectivités ont dû partir, en abandonnant peut-être leur gagne-pain. Dans un grand nombre de collectivités, l'économie a été détruite ou profondément transformée.

Je ne voudrais pas m'attarder à la crise de l'ouragan Katrina, mais les sénateurs peuvent penser à n'importe quelles répercussions des changements climatiques et en évaluer les conséquences dans le contexte des droits de la personne. Il existe une relation directe qui tient beaucoup plus de la collision que de la correspondance.

Toutes ces répercussions sont d'ailleurs décuplées parce que des guerres et des migrations de masse s'inscrivent souvent dans le prolongement des changements climatiques. Au Soudan, par exemple, la guerre qui sévit au Darfour résulte des changements climatiques. La terre qui servait autrefois à deux cultures ayant des modes de subsistance différents a été réduite par la désertification de la région. Il reste maintenant moins de terres arables. Autrefois, ceux qui faisaient la culture et ceux qui faisaient paître leurs animaux pouvaient cohabiter sur ces terres. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il n'y a pas assez de terre pour les deux groupes et la guerre qui sévit présentement au Darfour est donc attribuable aux changements climatiques.

Il est intéressant de voir ce qui risque de se produire dans certaines autres régions. Si les changements climatiques touchent le Moyen- Orient, comme ils risquent de le faire, en faisant monter la température à des niveaux encore plus élevés qu'ils ne le sont à l'heure actuelle, cela pourrait entraîner de graves problèmes dans une région qui est déjà très sensible, ce qui pourrait par la suite avoir d'importantes répercussions du point de vue de la sécurité pour nos alliés dans la région ainsi que pour le Canada et nos alliés du monde entier.

Il est malheureux que les pauvres soient inévitablement les plus gravement touchés par les changements climatiques, parce qu'ils n'ont pas autant de ressources que les plus riches pour y faire face. De plus, comme ce sont les femmes qui constituent la majeure partie des pauvres, ce sont elles qui subiront les plus grandes répercussions des changements climatiques. N'est-il pas presque inévitable que les femmes fassent les frais de telles circonstances?

Le Canada n'est nullement à l'abri des répercussions des changements climatiques. Les feux de forêt dévastateurs qui sévissent tous les ans en Colombie-Britannique sont en grande partie attribuables au fait que, les températures étant plus clémentes, le froid n'a pas tué le dendroctone du pin qui, lui, fait mourir les arbres qui alimentent le feu.

La pêche sur les côtes Est et Ouest a été fondamentalement perturbées. La situation s'explique en partie par les pratiques de pêche et de gestion de l'industrie, mais il est peu probable que ces pratiques soient le seul facteur en cause. Pourquoi n'a-t-on pas observé l'arrivée du saumon sur la côte Ouest il y a un an ou deux? Probablement parce que les variations de températures ont fait se déplacer leurs sources de nourriture et perturbé leurs aires d'alimentation habituelles.

La sécheresse cause des difficultés aux agriculteurs du Nord de l'Alberta. Edmonton voit mourir en grand nombre les arbres qui poussent dans notre magnifique vallée fluviale. Le climat sec qui prévaut depuis une dizaine d'années ne permet pas aux arbres de subsister.

Les membres de notre comité ont constaté d'importantes répercussions des changements climatiques lors de leur visite dans le Nord. Le pergélisol est en train de fondre, les routes se gondolent et les bâtiments ont commencé à s'enfoncer. La structure des mouvements migratoires sur lesquels comptent tant les Autochtones est en train de changer. Des gens nous ont dit qu'ils étaient partis chasser certaines espèces d'oiseau au moment de l'année où ils ont l'habitude de le faire, mais que les oiseaux étaient passés deux ou trois semaines plus tôt en raison du réchauffement des températures. J'ai déjà mentionné que l'érosion côtière s'aggrave à Tuktoyaktuk et qu'elle menace de nombreuses maisons situées au bord de l'eau.

Il est particulièrement regrettable que les Autochtones risquent d'être les plus touchés, car ils représentent souvent un fort pourcentage des moins nantis. De plus, les Autochtones tirent souvent leur subsistance de la terre et de la faune, lesquelles sont particulièrement touchées par les changements climatiques.

Au Canada, les effets des changements climatiques ne créeront sans doute pas, dans l'ensemble, un problème en matière de droits de la personne, sauf dans le cas des peuples autochtones parce que ceux-ci n'obtiennent généralement pas le soutien nécessaire pour régler leurs problèmes.

Il paraît fondé, à première vue, d'affirmer que les effets des changements climatiques se répercutent sur les droits de la personne et créent des problèmes à cet égard. Il est nécessaire de tenir un raisonnement logique pour établir un lien clair, irréfutable, entre les changements climatiques et les droits de la personne.

L'idée selon laquelle la société a une obligation à l'égard d'une personne qui n'est pas encore née est nouvelle dans le domaine des droits de la personne. Bon nombre de gens qui seront touchés par les changements climatiques ne sont pas encore nés. Deux arguments appuient cette idée. D'abord, bien des gens touchés par les effets des changements climatiques sont vivants. Leurs enfants seront touchés à l'avenir. Les sénateurs ont une profonde obligation, si ce n'est à l'égard de tous les humains, à tout le moins à l'égard de leurs enfants, parce que les effets des changements les climatiques les toucheront à l'avenir.

Puis, une analogie fournie par le sénateur Banks vient renforcer cet argument. Son analogie pour décrire les effets des changements climatiques sur les générations subséquentes est la suivante : imaginons que, en se réveillant dans 50 ans, une personne découvre qu'on a contracté une dette de 50 000 $ en son nom et qu'elle est obligée de la rembourser. Cette dette aurait été contractée par une personne qui aurait vécu 50 ans auparavant. Le débiteur perdrait sa maison s'il ne remboursait pas immédiatement la dette en question.

Voilà précisément le type d'obligation qui découlent des changements climatiques — les changements climatiques qui se découvre aujourd'hui auront des répercussions sur des gens qui ne sont peut-être pas encore nés. Cette idée prouve bien que les changements climatiques ont des répercussions sur les droits de la personne.

Tous les sénateurs s'entendent pour dire que nous causons les changements climatiques. Y a-t-il un sénateur qui lèvera la main pour indiquer que les humains ne sont pas à l'origine des changements climatiques?

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Mitchell : Les preuves scientifiques indiquent que les humains causent les changements climatiques. À ceux qui disent que les changements climatiques sont indéniables, mais qui sont d'avis qu'ils ne sont pas causés par les humains, je répète que nous ferions mieux d'espérer que les humains les causent, car si ce n'est pas le cas, nous ne pourrons pas trouver de solutions. Nous n'aurons aucune chance. Nous sommes incapables de manipuler les taches solaires de manière à maintenir la température voulue. D'aucuns diront que ce phénomène existe depuis des millions d'années. Je dirais même qu'il existe depuis des milliards d'années, mais pendant longtemps, à cette époque, la terre était inhabitable.

(1600)

Si les honorables sénateurs ne croient pas que nous sommes la cause des changements climatiques, ils devraient prier pour que nous le soyons, parce qu'au moins nous pourrions réagir. Les données scientifiques sont convaincantes. Il existe un vaste consensus au sein de la communauté scientifique. Les sceptiques qui nient l'existence des changements climatiques ne peuvent jamais citer de preuve scientifique à l'appui de leurs affirmations. Ils manipulent une seule donnée scientifique dans la masse afin de faire valoir que, si celle-ci est inexacte, toutes les données sont erronées. C'est comme si je disais qu'une phrase dans le National Post est fausse et que, par conséquent, aucun article publié dans le National Post n'est crédible.

Ce que je veux dire, c'est que les données scientifiques sont irréfutables. Nous sommes la cause des changements climatiques. Nous avons néanmoins les moyens de remédier à la situation, ce qui m'amène à la fin de mon discours. Les changements climatiques portent atteinte aux droits de la personne aujourd'hui. Malheureusement, ils porteront davantage atteinte aux droits de la personne dans l'avenir, et plus encore si nous ne commençons pas à agir comme il le faut et à faire preuve du leadership nécessaire de la part d'un pays comme le Canada.

[Français]

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Honorables sénateurs, est-on d'accord pour accorder cinq minutes supplémentaires à l'honorable sénateur Mitchell?

Des voix : Oui.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, je l'apprécie.

[Traduction]

Cette question renforce notre argument. J'ai souvent dit que nous n'avons pas besoin de plus de technologies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre; nous avons besoin d'une nouvelle technologie qui nous aidera à convaincre le gouvernement et les gens de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une partie de l'argument dépend de ce sur quoi nous mettons l'accent. En général, le débat porte sur ce qui arrive aux économies, aux États et aux pays. Quand nous nous penchons sur les droits de la personne, nous commençons à mettre l'accent sur ce qui arrive aux gens et sur la souffrance qu'ils éprouveront en raison des changements climatiques. Cette prise de conscience renforcé le sentiment d'obligation.

Au Canada, nous bénéficions de tous les processus industriels qui ont provoqué les changements climatiques, pour nous assurer un niveau de vie qui dépasse l'imagination des gens vivant dans la plupart des régions du monde — des centaines de millions de personnes —, et ce sentiment d'obligation est lié aux droits de la personne. En outre, il met en évidence le fait que nous avons une obligation à l'échelle internationale, pas seulement à l'égard des gens qui vivent dans notre pays, mais à l'égard des gens du monde entier puisque notre pollution contribue au problème, ailleurs et dans le monde entier.

Je crois que le point de vue des droits de la personne aide à élaborer la politique publique, à déterminer dans quels domaines appliquer cette politique publique et à quoi l'appliquer. Il offre un cadre de référence compréhensible sur la façon dont nous devrions examiner toutes les possibilités et commencer à nous concentrer sur certains types de changements climatiques, sur les endroits où ils se produisent et sur les façons de les atténuer pour le bien de ceux qui en souffrent déjà tellement.

Ce point de vue permet aussi d'envisager des discussions et la possibilité d'instaurer un droit à l'information. Les gens ont le droit d'être tenus informés sur des sujets comme les changements climatiques et les données scientifiques à ce sujet, un droit que le gouvernement aurait pu défendre, ce qu'il n'a pas fait, bien au contraire. Le gouvernement a empêché les chercheurs qui se penchaient sur les changements climatiques de parler de ce qu'ils savaient, ce qui n'a fait qu'aggraver le problème.

Honorables sénateurs, j'ai apprécié pouvoir parler de ce sujet. Je vais conclure en disant que oui, les changements climatiques ont des effets. Il y en aura davantage à l'avenir. Ces effets ont trait aux droits de la personne. Selon moi, et les sénateurs devraient être du même avis, les changements climatiques n'ont pas une quelconque incidence abstraite sur les droits de la personne. Ils ont des répercussions sur les gens de ce pays, les gens de notre Nord, les peuples autochtones et les gens de partout dans le monde qui pourraient bénéficier de notre leadership pour atténuer, corriger ou prévenir les effets qu'ils devront certainement subir si ce gouvernement ne commence pas à poser les gestes qui s'imposent en ce qui a trait aux changements climatiques.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à instituer la Journée de commémoration et d'action—Ajournement du débat

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, conformément à l'avis donné le 21 avril 2010, propose :

Que, de l'opinion du Sénat, le gouvernement devrait instituer une Journée nationale de commémoration et d'action au sujet des atrocités de masse en date du 23 avril de chaque année, jour de l'anniversaire de naissance de l'ancien Premier ministre Lester B. Pearson, en reconnaissance de son engagement envers la paix et la collaboration internationale en vue de mettre fin aux crimes contre l'humanité.

— Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole aujourd'hui parce qu'une motion similaire à celle-ci a été présentée à l'autre endroit et adoptée à l'unanimité. J'espère être en mesure d'inciter les honorables sénateurs à agir dans le même sens.

De plus, nous avons eu la visite du secrétaire général adjoint des Nations Unies pour la prévention des génocides qui a prononcé un discours sur la prévention des génocides devant le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis ce matin et qui a comparu au Comité permanent des affaires étrangères de l'autre endroit aujourd'hui. Lui et ses collaborateurs prendront la parole dans le cadre d'autres événements demain.

J'aimerais prendre la parole au sujet de cette motion cet après- midi.

De plus, je souligne qu'il y a aujourd'hui 16 ans jour pour jour que le Conseil de sécurité a finalement amorcé le débat visant à déterminer si le massacre au Rwanda était un génocide.

[Français]

Honorables sénateurs, j'aimerais profiter d'une rare occasion qui se présente à nous pour commémorer les victimes des atrocités de masse et honorer leur mémoire par des actions concertées.

[Traduction]

De plus, je souligne que cela fait 16 ans jour pour jour que le Conseil de sécurité a finalement commencé le débat visant à déterminer si le massacre au Rwanda était un génocide.

[Français]

Comme vous le savez, j'ai présenté une motion pour instituer, le 23 avril de chaque année, une Journée nationale de commémoration et d'action contre les atrocités de masse. Cette motion ressemble beaucoup à une motion présentée à l'autre endroit. Le 23 avril correspond à l'anniversaire de naissance de notre 14e premier ministre, le distingué Lester B. Pearson, et a été choisi en reconnaissance de son engagement envers la paix et la coopération internationale en vue de mettre fin aux crimes contre l'humanité.

En tant qu'homme d'État le plus éminent du Canada, M. Pearson s'est assuré non seulement que l'opinion de la nation a été entendue, mais qu'on en a tenu compte. Sa carrière a montré qu'une puissance moyenne comme le Canada peut avoir un très grand poids sur la scène internationale quand le discours est jumelé à l'action.

Pendant plus de 20 ans au ministère des Affaires extérieures, M. Pearson a joué un rôle d'une importance cruciale dans la construction de l'image internationale du Canada. De sa stratégie visionnaire en vue de maintenir la paix pendant la crise de Suez de 1956 — qui a vu l'établissement du concept de maintien de la paix, cette institution canadienne tant vantée — jusqu'à sa participation à la défense de nos voisins, amis et alliés par la création de l'OTAN, M. Pearson est devenu le Canadien le plus connu dans le monde diplomatique.

Lorsqu'on lui a remis le prix Nobel de la paix en 1957, en reconnaissance de ses efforts pendant la crise de Suez, le comité du prix Nobel a dit qu'il avait, et je cite, « sauvé le monde ». Grâce au leadership de M. Pearson, au Canada et ailleurs dans le monde, cette époque est devenue une période charnière de la promulgation et de la défense des valeurs essentielles qui nous tiennent tant à cœur.

Même si M. Pearson est surtout reconnu pour la création du concept de « maintien de la paix », l'histoire montre que cet homme dynamique et pragmatique était un sportif et même un soldat, un intellectuel et un homme d'État, un politicien et un premier ministre. Ses réussites exceptionnelles sont la preuve de sa poursuite tenace de l'idéalisme en action — des réussites que le Canada a grand besoin de répéter.

(1610)

Il croyait en un corps diplomatique dynamique et rigoureux et en une force militaire d'envergure qui peut être déployée pour aider à assurer la paix et la sécurité au-delà de nos frontières.

Cependant, avant que M. Pearson participe à la vie politique au Canada et ait l'occasion de façonner la conscience internationale, notre communauté de nations a été témoin d'une tragédie sauvage, abominable et évitable, aux proportions inquiétantes, mais qui n'était pas la première ni la dernière, loin de là.

[Traduction]

La réponse initiale du Canada à l'Holocauste n'est pas un chapitre particulièrement glorieux de notre histoire. En effet, à la conférence d'Evian de 1938, qui avait été organisée pour discuter du « problème » des réfugiés juifs qui s'enfuyaient de l'Allemagne nazie, le Canada a refusé obstinément d'augmenter son quota et d'accepter un plus grand nombre d'immigrants juifs.

Ce qui est encore plus troublant, c'est la décision que le Canada a prise en 1939 quand il a refusé l'entrée au SS St. Louis, un paquebot transportant 907 Juifs allemands. En raison de ce refus, le SS St. Louis a été forcé de retourner en Europe, où la plupart de ses passagers ont été condamnés à mourir dans les camps de la mort d'Hitler.

Après l'Holocauste, le Canada et la communauté internationale ont reconnu les conséquences horribles de leur indifférence et ont juré de ne plus jamais permettre l'extermination systématique de personnes pour des raisons de nationalité, d'origine ethnique, de race ou de religion.

[Français]

Ainsi, il y a eu ce moment décisif quand, en 1948, la nouvelle Assemblée générale des Nations Unies — organisme dont M. Pearson fut président — a adopté la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, déclarant que le génocide, commis en temps de paix ou pendant une guerre, était un crime selon la loi internationale, et déclarant que les parties contractantes à la convention s'engageaient à prévenir et à punir ce crime.

En 1946, l'Assemblée générale avait défini le génocide comme étant :

[...] le refus du droit à l'existence de groupes humains entiers, de même que l'homicide est le refus du droit à l'existence d'un individu.

Elle ajoutait :

[...] un tel refus bouleverse la conscience humaine [...] la répression du crime de génocide est une affaire d'intérêt international.

[Traduction]

Ce sont des belles paroles, mais elles sont loin de répondre à l'appel à l'action internationale, qui est une obligation expresse en vertu du droit international et une obligation juridique qui a été reconnue par le Canada quand il a ratifié la Convention sur le génocide en septembre 1952. Comment des pays comme le Canada qui prétendent être des modèles d'équité, de justice et d'impartialité ont-ils réagi aux atrocités qui ont été commises dans des endroits comme le Cambodge, la Bosnie et le Rwanda?

Nous avons observé quelques réussites, mais il y a eu beaucoup trop d'échecs et de paroles creuses. On débite des platitudes pour apaiser la conscience collective de la communauté internationale, qui est troublée par l'inaction des autorités. Les atrocités qui sont commises actuellement dans des pays comme la République démocratique du Congo et le Soudan continuent de mettre à l'épreuve notre détermination et notre volonté de défendre vigoureusement les personnes qui risquent de devenir victimes d'atrocités de masse.

[Français]

Les auteurs et les victimes des atrocités de masse comprennent trop bien ce qu'une absence de préoccupation implique : les auteurs comprennent qu'on leur donne carte blanche pour continuer leurs crimes honteux; les victimes comprennent la faible valeur accordée à leurs vies par les nations puissantes, par ceux qui se disent les défenseurs de la décence et des droits prétendument inébranlables et inaliénables des individus.

La reconnaissance du génocide n'est que le début. Sans des actions appropriées, l'utilisation du terme « génocide » n'est que de la sémantique politique. J'en ai vécu l'expérience personnellement et j'en ressens les conséquences depuis.

J'ai posé cette question par le passé : « Sommes-nous tous des humains ou certains le sont-ils plus que d'autres? » Si nous croyons que tous les humains sont humains, comment allons-nous le prouver? Nous ne pouvons le prouver que par nos actions. Ce sont les seules méthodes qui permettent de participer à l'évolution de l'humanité afin de contrer les crimes contre l'humanité. Il y a plusieurs façons de combler le fossé entre les bonnes intentions et les efforts concertés sur les scènes locale, nationale et internationale.

Cependant, pour que cette transformation ait lieu, nous devons apporter des changements conceptuels et normatifs. Il faut reconnaître que les actions visant à contrer les atrocités de masse sont dans l'intérêt supérieur du Canada.

Il n'y a aucun doute que le fait de sauver la vie de personnes innocentes dans les prochains Rwanda et Kosovo permettra de sauver des vies au Canada. De plus en plus, notre sécurité est menacée par les crises que nous laissons durer dans des endroits éloignés.

L'augmentation du nombre de gens d'affaires, de touristes et de travailleurs humanitaires voyageant à l'étranger a augmenté les risques que posent, pour notre santé publique, les épidémies de maladies infectieuses dans des pays ignorés par le passé comme la République démocratique du Congo, le Soudan et le Zimbabwe.

De plus, les atrocités de masse ébranlent les fondements de la stabilité politique dans des régions entières. Dans un contexte d'économie mondialisée, ceci menace notre prospérité économique.

Plus que jamais, nos intérêts envers la sécurité internationale ont rejoint nos intérêts à l'égard des principes humanitaires. Nous devons redéfinir nos intérêts nationaux de façon plus large, non seulement pour aider les États menacés, mais aussi pour nous aider et nous protéger nous-mêmes afin de pouvoir en faire plus pour éliminer ce concept d'atrocité de masse.

La clé pour mobiliser la communauté internationale, dans le but de prévenir les atrocités de masse, est d'obtenir le soutien national. Il faut commencer chez nous. La prévention et le combat doivent débuter chez soi : le peuple canadien a sans doute besoin de meneurs qui vont résolument de l'avant dans cette affaire cruciale, car un leadership solide et convaincant de nos autorités politiques et législatives renforcera la volonté du public d'intervenir. Que Dieu nous amène des hommes d'État, de grâce!

Le chef de notre pays, le premier ministre Stephen Harper, a une occasion unique de faire de la prévention des atrocités de masse une priorité pour le Canada. De plus, M. Harper a une possibilité inégalée de s'engager stratégiquement avec l'administration de M. Obama, qui a pris des mesures concrètes pour faire de la prévention du génocide une « priorité nationale en matière de sécurité ». J'étais à la Maison-Blanche il y a deux semaines, avec son équipe, pour formuler leurs positions.

Lors de la cérémonie de commémoration de l'Holocauste, en avril 2009, le président Barack Obama a déclaré ce qui suit :

Aujourd'hui, et tous les jours, nous avons la possibilité, de même que l'obligation, de lutter contre ces fléaux [...] de s'engager à résister à l'injustice, à l'intolérance et à l'indifférence, peu importe leur forme, soit en confrontant ceux qui ne disent pas la vérité concernant l'histoire, soit en prenant toutes les mesures possibles pour prévenir et mettre fin aux atrocités comme celles qui ont eu lieu au Rwanda et celles qui se produisent au Darfour. C'est mon engagement en tant que président.

Il n'y va pas avec le dos de la cuillère. C'est un homme fort déterminé.

Dans son évaluation annuelle des menaces présentées au Congrès des États-Unis en février 2010, le directeur du renseignement américain, l'amiral Dennis Blair, a déclaré ceci :

[...] au cours des trois dernières années, la République démocratique du Congo et le Soudan avaient connu des homicides de masse par la violence, la famine ou le décès dans des camps de prisonniers et aussi le viol en vaste quantité inexcusable. Dans les cinq prochaines années, certains pays d'Afrique et d'Asie courent un risque important de nouveaux épisodes d'homicides de masse.

(1620)

De plus, reconnaissant les problèmes de sécurité nationale que posent les génocides et les atrocités de masse, l'examen quadriennal de la Défense américaine, publié en février 2010, affirme que le ministère américain de la Défense devrait se préparer à présenter des options au président pour « prévenir la souffrance humaine en raison d'atrocités de masse ou d'importantes catastrophes naturelles à l'étranger ».

De manière déterminante, le président Obama, profitant du dynamisme du groupe de travail sur la prévention du crime de génocide d'Albright-Cohen et d'une recommandation particulière du projet Will to Intervene — je salue d'ailleurs le Dr Shaw, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler à l'Université Concordia et qui se trouve à la tribune aujourd'hui —, pour prévenir les atrocités de masse, a créé un nouveau comité de politique interinstitutionnelle, au Comité national de sécurité sur la reconstruction et la stabilisation, qui aidera à assurer que la prévention des atrocités de masse reçoive une plus grande attention du gouvernement américain.

Honorables sénateurs, j'aurais besoin de cinq minutes supplémentaires pour terminer mon discours.

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'accorder cinq minutes supplémentaires au sénateur Dallaire?

Des voix : Oui.

Le sénateur Dallaire : Malgré ces efforts, aucun pays ne peut à lui seul résoudre le problème des atrocités de masse. Fondamentalement, la crédibilité de notre pays et son aptitude à coopérer avec nos alliés sont à risque. Pour être un leader responsable et efficace, le Canada et ses politiciens doivent être aux avant-postes pour créer nos propres politiques et programmes de prévention d'atrocités de masse.

Comment pouvons-nous empêcher les génocides et les autres crimes contre l'humanité? Bonne question. Encore une fois, nous devons transformer notre engagement envers les principes abstraits en des gestes concrets. Nous devons insister pour que nos lois et politiques nationales reflètent et appuient nos obligations juridiques et politiques internationales. Il ne suffit pas d'apposer notre signature à Genève, on doit également en faire des lois à Ottawa. Nous devons donner à nos citoyens et aux organisations des outils plus puissants afin d'exercer de la pression sur les futurs gouvernements, parce que nous avons constaté que la pression morale est souvent insuffisante pour assurer que les politiciens respectent nos obligations internationales.

Nous ne pouvons pas en être fiers.

[Traduction]

Ce ne sont pas là de nobles demandes inspirées par un idéalisme fantaisiste. Ces demandes trouvent écho auprès de nos alliés les plus puissants. Elles reposent sur des études universitaires. Elles sont appuyées par toutes les allégeances politiques.

Dans le discours du Trône de 2010, M. Harper a promis que son gouvernement allait défendre ce qui est bon dans le monde, notamment la sécurité mondiale, les droits de la personne, les soins de santé pour les mères et les enfants, la réglementation des marchés financiers et les mesures de lutte contre les changements climatiques à l'échelle planétaire. À bien des égards, je trouve cela très encourageant, mais, comme toujours, c'est passer de la parole aux actes qui compte vraiment.

Comme le premier ministre n'est certes pas sans le savoir, pour défendre ce qui est bon, il faut faire preuve de leadership, et il faut forcément défendre les gens dont la voix a été étouffée par tant de haine, d'ignorance et d'intolérance. Nous tous, dirigeants qui en ont le pouvoir, travailleurs humanitaires dévoués et citoyens inquiets devons donner espoir aux personnes marginalisées et tenues à l'écart du pouvoir. L'espoir naîtra lorsque nous aurons adopté une nouvelle approche et que nous aurons reconnu que la prévention des atrocités de masse devrait être une priorité nationale du gouvernement du Canada.

Des ressources doivent être affectées à l'élaboration de stratégies à long terme destinées à prévenir les atrocités de masse en ayant recours à l'aide étrangère du Canada, à notre expérience diplomatique — si nous projetons un jour de reconstruire notre corps diplomatique — et à nos capacités militaires. Ces ressources peuvent être mises à profit lors de missions exceptionnelles, au cours desquelles on a intelligemment recours à la force à des fins de contrainte pour faire progresser les droits de la personne et pour protéger les personnes innocentes.

Le gouvernement doit reconnaître le lien qui existe entre l'intérêt national du Canada et la prévention des atrocités de masse et s'engager à travailler avec nos alliés pour protéger les personnes sans voix et sans pouvoir contre les violations massives des droits de la personne.

Comme il me reste peu de temps, je vais conclure comme suit : en faisant du 23 avril la journée nationale annuelle de commémoration et d'action au sujet des atrocités de masse, j'espère que tous les Canadiens auront régulièrement l'occasion de se souvenir des victimes des atrocités de masse et des leçons apprises après l'Holocauste, la Bosnie, le Cambodge et le Rwanda, ainsi que de poursuivre les efforts pour faire du Canada un chef de file international dans la prévention des atrocités de masse, et non un pays à la remorque de la communauté internationale, ce que nous semblons être devenus pour des raisons inconnues.

Honorables sénateurs, permettez-moi de citer un extrait de la conclusion du livre que j'ai écrit et qui s'intitule J'ai serré la main du diable : La faillite de l'humanité au Rwanda. Par « faillite de l'humanité au Rwanda », j'entends le fait que l'humanité entière a laissé tomber le peuple rwandais. Voici l'extrait en question :

[Français]

En tant que soldats, nous avons l'habitude de déplacer des montagnes pour protéger notre souveraineté ou lutter contre les menaces à notre mode de vie. À l'avenir, nous devons nous préparer à aller au-delà des intérêts nationaux afin d'employer nos ressources et faire couler notre sang pour l'humanité. Nous avons vécu pendant des siècles de lumière, de raison, de révolution, d'industrialisation et de mondialisation. Même si cet objectif semble très idéaliste, ce nouveau siècle doit devenir le siècle de l'humanité où les humains vont au-delà de la race, de la foi, de la couleur, de la religion et de leurs propres intérêts nationaux limitatifs comme ils le sont pour mettre le bien de l'humanité avant celui de leur propre tribu. Pour nos enfants et notre avenir : Peux ce que veux. Allons-y.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Adoption de la motion tendant à autoriser le comité à renvoyer les documents reçus lors de son étude du projet de loi S-210 durant la deuxième session de la trente-neuvième législature et du projet de loi S-205 durant la deuxième session de la quarantième législature en vue de l'étude du projet de loi S-215

L'honorable Joan Fraser, conformément à l'avis donné le 29 avril 2010, propose :

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de son étude du projet de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides), durant la deuxième session de la trente- neuvième législature, et du projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides), durant la deuxième session de la quarantième législature, soient renvoyés au comité en vue de son étude du projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides) durant la présente session.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 5 mai 2010, à 13 h 30.)


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