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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 110

Le mardi 23 octobre 2012
L'honorable Pierre Claude Nolin
, Président suppléant


LE SÉNAT

Le mardi 23 octobre 2012

La séance est ouverte à 14 heures, l'honorable Pierre Claude Nolin, Président suppléant, étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l'honorable Lincoln M. Alexander, C.P., C.C., O. Ont.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un leader canadien d'exception, l'ancien lieutenant-gouverneur de l'Ontario, qui a aussi été député progressiste-conservateur et ministre, l'honorable Lincoln Alexander.

Lincoln Alexander est un pionnier de l'histoire canadienne dont les nombreuses réalisations en politique ont fait tomber bien des barrières. Il est et était un symbole de l'égalité canadienne et un modèle pour les jeunes générations parce qu'il nous a montré que, moyennant beaucoup de travail, de courage et d'assurance, n'importe qui peut changer les choses pour le mieux dans la société et réaliser ses aspirations.

Ce fils d'immigrants de descendance antillaise est né à Toronto. Sa carrière au service de la population a débuté dans l'Aviation royale du Canada pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès son plus jeune âge, la mère de Lincoln Alexander lui répétait sans cesse : « Tu dois aller à l'école; tu es un petit Noir », phrase qui non seulement est devenu le titre de ses mémoires publiées en 2006, mais l'a aussi incité à poursuivre ses études. Il a obtenu un diplôme de premier cycle à l'Université McMaster et un diplôme en droit à Osgoode Hall.

Après ses études, Lincoln Alexander a exercé le droit pendant 10 ans et est devenu un membre actif de la collectivité. Bien entendu, il a commencé à se passionner pour la politique. Il avait un grand respect pour John Diefenbaker et ses idées progressistes en matière de dignité et de droits de la personne, y compris lorsque, premier ministre, il a contesté la politique d'apartheid du Commonwealth en Afrique du Sud, un si grand respect que, devant son insistance et fort de l'appui des progressistes-conservateurs d'Hamilton, en 1965, il a fait le grand saut et s'est présenté aux élections.

C'est à cette époque que j'ai rencontré cet être humain grandiose et si merveilleusement positif.

Sa première tentative n'a pas été fructueuse, mais cela ne l'a pas découragé. En 1968, Lincoln Alexander a tenté sa chance une fois de plus et a été élu député d'Hamilton-Ouest, devenant ainsi le premier député noir à la Chambre des communes. Cela a, bien entendu, eu pour conséquence que toutes ses entreprises subséquentes ont été des premières, que ce soit à titre de ministre ou de lieutenant-gouverneur.

Je demande à mes collègues de se reporter en 1968, année de la Trudeaumanie. Lincoln a été élu malgré la Trudeaumanie. Martin Luther King et Robert Kennedy venaient d'être assassinés. Il n'y avait pas de Noirs au Sénat américain, et Lincoln Alexander a été élu.

J'aimerais vous faire part d'une anecdote intéressante. Il me l'a racontée, ainsi qu'à d'autres, à quelques reprises. Son élection avait suscité un grand intérêt parmi les réseaux de télévision américains, soit ABC, NBC et CBS à l'époque. Ils lui ont demandé quelle était la proportion de Noirs dans sa circonscription. Il a répondu « vingt ». « C'est intéressant. Vingt pour cent de Noirs et 80 p. 100 de Blancs? » « Non, 20 familles », a-t-il rétorqué. Voilà quel genre d'homme était Lincoln.

Il a été député pendant 12 ans, puis est devenu ministre du Travail dans le Cabinet de l'éphémère gouvernement Clark. Il a démissionné en 1980 pour devenir président de la Commission des accidents du travail de l'Ontario. Puis, sur la recommandation de Brian Mulroney, il a été nommé lieutenant-gouverneur de l'Ontario, poste qu'il a occupé avec brio pendant six ans, en se concentrant notamment sur la jeunesse et l'éducation.

En 1992, il a reçu l'Ordre de l'Ontario, et est devenu Compagnon de l'Ordre du Canada. Il a également été chancelier de l'Université de Guelph de 1991 à 2007, soit plus longtemps que quiconque avant lui.

Je suis convaincue que tous se joignent à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à sa femme, Marni, aux membres de sa famille et à ses milliers d'amis. Lincoln Alexander était respecté et admiré d'un bout à l'autre du Canada et incarnait tout ce qui est bon et honorable de la carrière publique. Il nous laisse en héritage des réalisations qui auront pendant longtemps une incidence sur la vie des gens.

Sœurs par l'esprit

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, l'initiative Sœurs par l'esprit, de l'Association des femmes autochtones du Canada, organise le 4 octobre des veilles un peu partout au Canada. Cette année, environ 160 veilles ont eu lieu.

L'initiative Sœurs par l'esprit prend de l'ampleur. Cette année, près de 250 personnes se sont réunies à l'école secondaire Oskayak, puis ont marché dans Saskatoon pour conscientiser la population à la question des femmes autochtones disparues ou assassinées. J'étais l'une des conférencières invitées à cette occasion.

Avant 2005, ce grave problème qui touche les Autochtones était peu connu au Canada et dans le monde entier. Grâce à l'excellent travail de l'initiative Sœurs par l'esprit de l'Association des femmes autochtones du Canada, la base de données statistiques de l'association a permis de faire la lumière sur plus de 582 cas de femmes et de jeunes filles autochtones disparues ou assassinées au Canada.

En outre, l'initiative Sœurs par l'esprit s'est employée à faire ressortir les causes profondes de la violence faite aux femmes et aux jeunes filles afin de remédier dès le départ à ce problème dans les collectivités autochtones du Canada. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que, sans Sœurs par l'esprit, nous serions encore dans l'ignorance.

(1410)

Il s'agit d'une situation pressante qui nécessite des actions immédiates. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership et contribuer activement à la solution, car il ne faudrait pas que nos enfants aient eux aussi à porter ce lourd héritage.

Malheureusement, le gouvernement actuel reste les bras croisés. En 2010, il a coupé le financement de l'initiative Sœurs par l'esprit pour le consacrer à une base de données de la GRC sur les personnes disparues, laquelle ne sera hélas pas en service avant 2013. Des citoyens et des organismes de partout au pays ont alors réclamé du gouvernement fédéral qu'il lance une enquête nationale sur le dossier des femmes et des jeunes filles autochtones assassinées ou portées disparues, appel qui a d'ailleurs été repris le 4 octobre dernier à l'occasion des veilles qui ont été organisées à Saskatoon et dans le reste du pays.

La veille qui a eu lieu à Saskatoon dans le cadre de l'initiative Sœurs par l'esprit a été organisée par des membres d'Iskwewuk E-wichiwitochik, d'Amnistie internationale, de l'école secondaire Oskayak, de l'association des femmes de la fédération des nations indiennes de la Saskatchewan et du Cercle des femmes autochtones de Saskatchewan. Cette année, il y avait plus de jeunes — et de jeunes hommes — qu'à l'habitude. Une jeune femme a même lu un poème et un jeune homme a chanté une chanson, afin de mettre des mots sur les sentiments que suscitent chez eux la disparition et la mort de femmes autochtones.

En collaboration avec la compagnie de théâtre autochtone de Saskatchewan, le Cercle des femmes autochtones de Saskatchewan a présenté la première de la pièce The Hours That Remain, qui raconte l'histoire de la route des pleurs. Quelle pièce puissante, honorables sénateurs. Autant l'auteur, Keith Barker, que le metteur en scène, David Storch, et les acteurs, Tara Beagan, Eli Ham et Keira Loughran, ont réussi à nous faire vivre les réactions chaotiques, émotives et spirituelles de deux proches d'une femme autochtone portée disparue. Cette pièce, qui nous montre que le problème des femmes autochtones assassinées ou portées disparues ne touche pas que les femmes, permettra au reste du Canada de comprendre toute l'ampleur de la situation. Elle est présentée à Toronto, au théâtre Aki Studio, du 19 octobre au 3 novembre. J'espère que les sénateurs torontois, comme le sénateur Nancy Ruth, ne manqueront pas l'occasion d'y assister.

Le décès de l'honorable Lincoln M. Alexander, C.P., C.C., O. Ont.

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, les Canadiens de l'ensemble du pays ont été attristés d'apprendre le décès de Lincoln Alexander. J'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à ce grand Canadien.

Suivant la fière tradition de notre merveilleux pays et du Parti conservateur du Canada, Lincoln Alexander a illustré à merveille la notion selon laquelle le multiculturalisme fait partie intégrante de la société canadienne. En effet, en 1968, Lincoln Alexander a ouvert un nouveau chapitre de l'histoire canadienne quand il a été élu le premier député noir du Parti progressiste-conservateur du Canada, dans la circonscription d'Hamilton-Ouest. Il a motivé une nouvelle génération de Canadiens, et il les a inspirés à travailler au service du public et à mettre l'accent sur les principes fondateurs du Canada, c'est-à-dire l'égalité, la justice et la tolérance.

Véritable dirigeant politique, Lincoln Alexander a rejoint les rangs d'autres grands conservateurs canadiens qui proviennent d'une grande variété de communautés culturelles et d'origines ethniques. Parmi ce groupe, on trouve : Paul Yuzyk, un Manitobain d'origine ukrainienne, mieux connu comme le « père du multiculturalisme »; madame le sénateur Yonah Martin, sénateur conservateur de la Colombie-Britannique, qui est la première parlementaire canadienne d'origine coréenne; Larry Shaben, ancien ministre provincial et député conservateur à l'Assemblée législative de l'Alberta, qui était d'origine libanaise et l'un des premiers musulmans à occuper une haute charge publique au Canada.

Comme ces personnes et d'autres dirigeants, l'honorable Lincoln Alexander a fait face à l'adversité, et c'est ce qui l'a façonné. Né durant les années folles et témoin de la Grande Crise, Lincoln Alexander a fait partie de cette merveilleuse génération de Canadiens qui ont permis de vaincre la tyrannie durant la Seconde Guerre mondiale et qui ont appuyé la démocratie et la lutte contre le racisme. Il nous a appris que les sacrifices et la force constituent les piliers de la survie. Il a également montré que le dévouement à la collectivité, autant dans les bons que dans les mauvais moments, est ce qui fait du Canada un grand pays.

Notre pays a été fondé sur les notions de communauté, d'égalité et de tolérance. La vie de M. Alexander prouve que le succès du Canada est fondé sur l'engagement de citoyens ordinaires à l'égard de la population. L'honorable Lincoln Alexander ne s'est pas uniquement engagé comme député. En effet, il fut également le premier Noir à occuper la fonction de ministre, sous le gouvernement de Joe Clark, puis le premier noir à occuper la fonction de lieutenant-gouverneur de l'Ontario. Pour finir, il fut le chancelier de l'Université de Guelph comptant le plus d'années de service, un record dont il était très fier.

Cet homme aimait son pays et ses principes conservateurs. Nous nous souviendrons de lui comme d'un homme qui, après des débuts modestes, est devenu un fier symbole de ce qui fait la grandeur du Canada. Nous offrons nos condoléances à sa famille.

Le décès d'Aziz Khaki

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à Aziz Khaki, un leader très respecté dans sa collectivité, un ardent défenseur des droits de la personne et un musulman fier de l'être.

M. Khaki, qui est né et a grandi en Tanzanie, a consacré sa vie entière à rassembler des gens de différentes communautés et à les unir par des liens résistant à l'épreuve des générations.

Pour Aziz Khaki, le fait que vous soyez chiite, sunnite, musulman, juif ou chrétien, un homme ou une femme, noir ou blanc, n'avait pas d'importance, car il s'intéressait davantage aux similitudes et aux valeurs qui nous unissent qu'aux différences qui nous séparent.

Aziz Khaki avait une vision large et inclusive du monde et de l'humanité qui se reflétait directement dans son travail d'activiste.

Alors qu'il vivait en Afrique, il a travaillé sans relâche pour améliorer le sort des musulmans et de la population en général dans son pays. En tant que secrétaire général de la Tanzania Welfare Society, il a joué un rôle clé dans la création d'un système d'écoles secondaires musulmanes qui a permis à des milliers d'Africains, sans égard à la couleur de leur peau, à leur confession ou à leur sexe, de recevoir une éducation.

Après avoir immigré au Canada, Aziz Khaki est rapidement devenu un chef de file respecté dans son milieu en Colombie-Britannique, ma province. Il a favorisé le dialogue entre divers groupes confessionnels d'un bout à l'autre de la province, ainsi que partout ailleurs au pays.

Aziz Khaki a notamment été vice-président du Conseil des communautés musulmanes du Canada et vice-président de la Fédération musulmane canadienne. De plus, Aziz a été l'un des membres fondateurs de l'International Development and Relief Foundation.

Honorables sénateurs, Aziz Khaki incarnait à merveille ce que cela signifie que d'être Canadien. Il a fait sienne et promu l'identité canadienne, qui se compose d'une mosaïque de religions et de cultures. De plus, il a aidé à jeter, entre les différentes communautés, des ponts que les Canadiens emprunteront fièrement pendant encore des décennies.

J'ai eu l'honneur et le privilège de bien connaître Aziz Khaki et j'ai travaillé avec lui pendant plusieurs années. Ayant eu l'occasion d'observer les répercussions positives de son travail sur les habitants de la Colombie-Britannique et les autres Canadiens, je décris souvent Aziz Khaki comme un artisan qui fabrique des courtepointes. Toute sa vie, Aziz Khaki a rassemblé des gens appartenant à des communautés différentes, chacune représentant un morceau de tissu unique. Cousus les uns aux autres, ces morceaux sont soudés ensemble pour toujours, et l'ensemble crée une magnifique courtepointe.

Honorables sénateurs, Aziz Khaki s'est éteint cet été, peu après son 83e anniversaire de naissance, mais le travail qu'il a réalisé continuera de profiter aux habitants de la Colombie-Britannique et à l'ensemble des Canadiens pendant encore des années. Il nous manquera énormément.

[Français]

La réunion annuelle de la communauté franco-albertaine de 2012

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, les 12 et 13 octobre derniers, j'ai eu le grand plaisir de participer à l'édition 2012 du Rond Point, le Congrès annuel de la francophonie albertaine organisé par l'Association canadienne-française de l'Alberta. Plus de 450 participants ont pris part à ce rendez-vous annuel de la francophonie albertaine qui s'est déroulé à Edmonton. Les gens présents ont eu l'occasion de participer à plusieurs ateliers sur divers enjeux de la francophonie albertaine, dont l'accès aux services en français, l'immigration francophone en Alberta et l'engagement des citoyens.

Ces ateliers visaient à informer et à outiller les participants et permettaient de discuter d'une vision d'avenir pour la communauté franco-albertaine. Les participants ont également été interpellés par plusieurs kiosques d'exposants, qui étaient sur place pour promouvoir les produits et services disponibles en français, et ont pu assister à des performances d'artistes francophones.

Le Rond Point s'est clôturé le 13 octobre lors du Gala reconnaissance, qui souligne annuellement la contribution exceptionnelle des Franco-Albertains au sein de leur communauté.

Dans le cadre de cet événement, j'ai eu le grand plaisir et l'honneur de remettre la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II à 20 concitoyens de ma province qui se sont démarqués au sein de la communauté francophone. Les récipiendaires ont été recommandés par un comité de mise en candidature formé par l'Association canadienne-française de l'Alberta. Ils proviennent de diverses régions de l'Alberta et se distinguent par leur contribution exemplaire dans leur domaine respectif. Je félicite chaleureusement les récipiendaires pour cet honneur bien mérité.

(1420)

Les récipiendaires sont les suivants : Linda Arsenault, de Rivière-la-Paix, David Fréchette, de Saint-Albert, Mireille Cloutier, de Lethbridge, Oumar Lamana, d'Airdrie, Reed Gauthier, de Plamondon, Herman Poulin et Marie-Claire Brousseau, de Saint-Paul, Yvonne Hébert et Marguerite Sigur, de Calgary, Pierre Bergeron, Jean-Louis Dentinger, sœur Silvia Landry, France LeVasseur-Ouimet, Frank McMahon, Luketa M'Pindou, Dolorèse Nolette, Rhéal Poirier, sœur Thérèse Potvin, Ronald Tremblay et Eugène Trottier, d'Edmonton.

Je les remercie de faire rayonner la langue et la culture françaises en Alberta.

[Plus tard]

[Traduction]

Les relations entre le Canada et la Jamaïque

Permission ayant été accordée de revenir aux déclarations de sénateurs :

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, l'année 2012 continue de marquer un jalon pour les Jamaïcains qui vivent ici au Canada et ailleurs dans le monde. Hier, la très honorable Portia Simpson Miller, première ministre de la Jamaïque, est arrivée à Ottawa. Elle doit rester quatre jours au Canada.

En tant que premier Jamaïcain nommé au Sénat et fier membre de la communauté canado-jamaïcaine, je suis ravi que le premier ministre Stephen Harper ait lancé à la première ministre jamaïcaine cette invitation qui tombe à point nommé, afin de discuter de commerce, de sécurité, d'investissements, et aussi pour lui présenter les dynamiques communautés jamaïcaines du Canada.

Au cours de la visite qui s'est déroulée hier, le premier ministre Harper a annoncé deux initiatives qui favoriseront la croissance économique durable dans la région des Caraïbes. Le Programme pour les Caraïbes de l'ACDI offrira son soutien au Programme de réduction des risques liés aux catastrophes dans les collectivités. Celui-ci aidera plus de 15 collectivités à intervenir en cas de catastrophes naturelles et à gérer les répercussions sociales néfastes qui en découlent.

Le Programme pour les Caraïbes offrira aussi son soutien à la Fondation canadienne contre la faim, qui travaille avec le réseau des agriculteurs des Caraïbes pour permettre aux agriculteurs d'accroître la qualité et la quantité des fruits et des légumes frais cultivés à l'échelle régionale. Ce projet aidera aussi ces producteurs à établir des liens avec des acheteurs et leur permettra de respecter des normes reconnues à l'échelle internationale en matière de qualité et de salubrité des aliments.

Hier après-midi, j'ai eu l'honneur de me joindre aux deux premiers ministres à l'occasion d'un déjeuner de travail à Ottawa. Nous nous sommes ensuite rendus à Toronto, où le premier ministre Harper a souligné les contributions des Jamaïcains au Canada, y compris celles de l'honorable Lincoln Alexander, un modèle exemplaire et un grand Canadien.

Nous avons ensuite visité les locaux de G98.7 FM, qui est considérée comme la première station radio de musique urbaine contemporaine pour adultes du Canada. Les premiers ministres Harper et Simpson Miller ont tous deux participé à une émission spéciale en compagnie du fondateur et président de la station, Fitzroy Gordon, qui est né en Jamaïque. Celui-ci a remercié le gouvernement conservateur du rôle qu'il a joué dans le lancement de la station.

Au cours des prochains jours, la première ministre de la Jamaïque rencontrera des membres de la dynamique communauté jamaïcaine du Canada, dont des entrepreneurs de la région du Grand Toronto.

Cette visite coïncide avec un jalon de l'histoire qui revêt une grande importance pour tous les Jamaïcains de la planète, soit le 50e anniversaire de l'indépendance de leur pays. Elle souligne également un demi-siècle de relations diplomatiques avec le Canada.

En août dernier, j'ai dirigé une délégation composée de 18 parlementaires et entrepreneurs canadiens — dont ma collègue Salma Ataullahjan et notre collègue de l'autre endroit, Joe Daniel, le député de Don Valley-Est —, qui s'est rendue en Jamaïque pour participer aux célébrations entourant cet important anniversaire de l'indépendance nationale et promouvoir les relations entre nos deux pays. Notre délégation a rencontré divers représentants gouvernementaux, dont la première ministre de la Jamaïque et d'autres dirigeants mondiaux.

La présence de représentants des Chambres haute et basse du Canada aux célébrations officielles de l'indépendance qui se sont déroulées à Kingston le 6 août était une manifestation évidente de la bonne volonté de notre pays et de l'amitié qu'il porte au peuple jamaïcain.

Honorables sénateurs, je vous encourage à tendre la main à la communauté jamaïcaine du Canada à l'occasion de ce jalon de l'histoire. Le Canada et la Jamaïque entretiennent des liens commerciaux et d'amitié depuis 300 ans. Que la visite de cette semaine marque le début d'un autre demi-siècle de fraternité entre nos deux pays et de prospérité pour chacun d'eux.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire au lobbying

Dépôt du rapport d'enquête sur les activités de lobbying de Mme Julie Couillard

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de Julie Couillard du commissaire au lobbying, conformément à l'article 10.4 de la Loi sur le lobbying.

Le vérificateur général

Dépôt du rapport de l'automne 2012

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l'automne 2012 du vérificateur général du Canada, conformément au paragraphe 7(3) de la Loi sur le vérificateur général du Canada.

[Traduction]

L'étude sur la gestion des populations de phoques gris au large de la côte Est du Canada

Dépôt du septième rapport du Comité des pêches et des océans

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le septième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé La gestion durable des populations de phoques gris : vers le rétablissement des stocks de morue et autres poissons de fond.

(Sur la motion du sénateur Manning, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur les allocations de retraite des parlementaires

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président suppléant annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-6.(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour pour la deuxième lecture plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président suppléant : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-6.(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour pour la deuxième lecture dans un jour.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de demain.)

(1430)

[Traduction]

Les universités et les autres établissements d'enseignement postsecondaire

Préavis d'interpellation

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 56 du Règlement, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les nombreuses contributions des universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, ainsi que de leurs instituts de recherche, à l'innovation et à la recherche dans notre pays, et en particulier aux activités que ceux-ci entreprennent, en partenariat avec le secteur privé et celui sans but lucratif, avec un appui financier de sources nationales et internationales, dans l'intérêt des Canadiens et des gens un peu partout dans le monde.

Des voix : Bravo!


PÉRIODE DES QUESTIONS

La santé

La santé mentale

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En mai dernier, la Commission de la santé mentale a publié la Stratégie en matière de santé mentale du Canada, qui est une première. Cette stratégie s'intitule Changer les orientations, changer des vies. Elle contient une centaine de recommandations pour améliorer notre système de santé mentale. Le jour où la stratégie a été annoncée, la ministre fédérale de la Santé a déclaré ceci dans un communiqué :

Améliorer la santé mentale et le bien-être des Canadiens est prioritaire pour notre gouvernement et pour les Canadiens.

Un peu plus loin, la ministre remercie la Commission de la santé mentale d'avoir mis au point la toute première stratégie en matière de santé mentale du Canada.

Ma question à l'intention du leader est la suivante : le gouvernement a-t-il l'intention de jouer le rôle de chef de file dans cette stratégie et de commencer à la mettre en œuvre dès que possible?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Évidemment, comme elle et moi le savons, puisque nous avons été membres du comité sénatorial, notre gouvernement a créé la Commission de la santé mentale dans la première année de son mandat. En mai dernier, comme le sénateur l'a souligné, le gouvernement a publié cette stratégie, sur laquelle les pouvoirs publics, l'industrie et le secteur bénévole peuvent s'appuyer. C'est une feuille de route pour que nous puissions améliorer la santé mentale au pays.

Manifestement, comme gouvernement, nous comprenons l'importance de la santé mentale pour les familles canadiennes. Voilà pourquoi tous les budgets que nous avons présentés depuis notre arrivée au pouvoir ont consacré des sommes importantes à la recherche et à la sensibilisation en matière de santé mentale. La Société pour les troubles de l'humeur du Canada a applaudi les nouveaux investissements prévus dans le budget de 2012.

Comme les sénateurs le savent, le gouvernement se penche sur le grave problème de la maladie mentale dans plusieurs sphères, notamment dans le système carcéral fédéral. Je serais heureuse de remettre au sénateur un relevé des différentes enveloppes budgétaires dans le cadre de la stratégie.

Le sénateur Callbeck : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat. Je la remercie de nous informer de ce qui a été fait, mais ma question concerne la stratégie en matière de santé mentale que la Commission de la santé mentale du Canada a présentée plus tôt cette année.

Il devient de jour en jour plus évident qu'il faut donner une bien plus grande priorité à la santé mentale au Canada. Plus tôt ce mois-ci, le Centre de toxicomanie et de santé mentale a publié un rapport qui concluait que les problèmes de santé mentale, les maladies mentales et les problèmes de dépendance ont un effet plus néfaste sur la santé des Ontariens que tous les cancers réunis.

Ma question concerne cette stratégie. J'aimerais savoir quelles sont, le cas échéant, les mesures concrètes prises par le gouvernement pour aider à la mise en œuvre de cette stratégie en matière de santé mentale et quelles mesures ce dernier compte prendre à l'avenir.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je souligne encore une fois que nous sommes le premier gouvernement qui s'attaque directement aux graves problèmes de la santé mentale et de la maladie mentale. J'ai indiqué au sénateur que tous les budgets, depuis notre arrivée au pouvoir, ont prévu et mis de côté des sommes importantes pour les problèmes de santé mentale. Comme je l'ai indiqué dans ma première réponse, je serais très heureuse de remettre une liste des sommes que le gouvernement a consacrées et consacrera à cet important enjeu.

[Français]

Le patrimoine canadien

Le Fonds du Canada pour les périodiques

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En avril et mai 2012, j'ai posé des questions sur le Fonds du Canada pour les périodiques, ayant trait à l'aide aux éditeurs.

Honorables sénateurs, je reviens aujourd'hui sur ce sujet. Tous semblent reconnaître qu'il existe des particularités dont ne tient pas compte la formule de financement, et que cette formule, comme je l'ai déjà mentionné, représente un recul pour nos journaux francophones en situation minoritaire, puisqu'ils font face à une réduction assez considérable de l'appui financier qu'ils recevaient jusqu'à présent.

Le gouvernement a toujours montré une volonté d'appuyer les publications de langue officielle en milieu minoritaire. Ma question est la suivante : puisqu'il est maintenant reconnu qu'il est possible de procéder aux ajustements nécessaires à la formule existante de financement, pourquoi ces ajustements n'ont-ils pas encore été faits?

Madame le leader pourrait-elle faire part au ministre Moore de l'urgence d'une directive ministérielle de sa part afin que la formule puisse être adaptée à la réalité spécifique des publications de langue officielle en milieu minoritaire?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Madame le sénateur pose des questions précises sur des programmes précis. Je me rappelle qu'elle a demandé des renseignements au sujet de ce programme au printemps, et je crois lui avoir répondu alors que divers organismes sont financés par ce programme. Je me ferai cependant un plaisir, comme toujours, de prendre note de sa question. Elle pose des questions précises sur un programme précis au sein d'un ministère précis, et je n'ai pas la réponse à portée de main.

[Français]

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai aussi posé des questions sur ce sujet et, justement, il semble que le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles aurait pu profiter du fait qu'il y a eu moins de demandes au Fonds du Canada pour les périodiques lors du dernier exercice pour faire les ajustements nécessaires au programme sans nuire à l'ensemble des demandeurs. Le problème a déjà été évoqué, décortiqué et exposé.

La solution est bien connue et facilement applicable. Tout le monde attend la directive du ministre. Une lettre a été envoyée par l'Association de la presse francophone pour réclamer une rencontre avec le ministre. Le ministre va-t-il au moins, finalement, accepter la demande de l'Association de la presse francophone qui, depuis plusieurs mois, voudrait le rencontrer pour lui expliquer le problème de vive voix? Madame le ministre peut-elle nous dire s'il va enfin accepter cette demande de rencontre?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je serai ravie de transmettre la demande du sénateur au ministre. Comme le savent les sénateurs, ces changements ont été effectués il y a trois ans afin de renforcer le programme. Le but était clairement établi, c'est-à-dire offrir aux lecteurs un contenu canadien de qualité dans les magazines de leur choix.

(1440)

Je crois avoir dit clairement, lorsque j'ai répondu à ces questions au printemps, que, dans le cadre du Fonds du Canada pour les périodiques, les publications de langue officielle en situation minoritaire jouissent de critères d'admissibilité spéciaux.

Honorables sénateurs, je vais me renseigner au sujet de la situation actuelle du programme et je vais transmettre cette demande au ministre Moore.

[Français]

Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, j'aimerais mentionner à madame le ministre que la difficulté s'est produite lors du renouvellement du programme et après que la nouvelle formule ait été développée. Entre-temps, lors des discussions entre les employés du ministère et les communautés, les communautés francophones en situation minoritaire ont découvert qu'il était possible de changer la formule en prenant en considération les besoins particuliers découlant du fait qu'il s'agit d'un journal existant à l'intérieur d'une communauté en situation minoritaire.

Madame le leader pourrait-elle s'informer et s'assurer que le ministre Moore rencontrera effectivement les représentants qui ont demandé à le voir afin de discuter de cette situation?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur de sa question. Comme je l'ai mentionné à sa collègue, le sénateur Tardif, je crois qu'il existe des critères d'admissibilité spéciaux pour les publications de langue officielle en situation minoritaire.

Cependant, comme je l'ai dit au sénateur Tardif, je vais soumettre ces questions au ministre du Patrimoine canadien et nous fournirons une réponse écrite.

L'énergie

Le projet d'oléoduc Northern Gateway

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, le gouvernement est au pouvoir depuis sept ans. Certains diront qu'il est au pouvoir depuis six ans et 9,625 mois. C'est une longue période. Les conservateurs n'ont pas été en mesure de construire un oléoduc au Canada, un pays riche en énergie. Après sept ans à la tête d'un pays riche en énergie comme le Canada, ils ne sont toujours pas parvenus à construire un oléoduc. Or, s'ils n'y sont pas parvenus, c'est parce que les temps ont changé. C'est une chose qu'ils ne comprennent pas. Ils pensent que ce sont les processus environnementaux qui sont à l'origine du problème et que ces processus entravent en quelque sorte la réalisation des projets. Si ma mémoire est bonne, aucun processus environnemental n'a eu raison d'un projet.

Le monde a changé. Ce qui entrave des projets comme l'oléoduc Gateway et l'oléoduc Keystone Pipeline, c'est le fait que le public — les électeurs, ceux qui votent — ne donnent pas aux entreprises et aux gouvernements la légitimité sociale nécessaire pour construire ces oléoducs et de réaliser ces projets. La seule façon d'obtenir cette légitimité sociale, c'est d'afficher un excellent bilan du point de vue environnemental. Le gouvernement envoie un message tout à fait paradoxal qui ne lui gagnera pas la confiance des Canadiens ou de la communauté internationale, qui prendront ces décisions.

L'une des principales inquiétudes des gens à l'égard du projet Gateway concerne les déversements de bitume au large de nos côtes. Quel message enverra-t-on à ceux qui accordent — ou non — cette légitimité sociale, lorsque le gouvernement fermera les portes du centre d'intervention en cas de déversements de Vancouver, pour le déménager au Québec, à plus de 3 000 kilomètres de là? Quel génie du marketing a pensé à transmettre un tel message?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Mon Dieu — et nous ne sommes que mardi, honorables sénateurs.

En ce qui concerne le projet d'oléoduc Northern Gateway, le sénateur Mitchell sait, tout comme moi, que le projet est étudié par un groupe indépendant, qui fondera sa décision sur des données scientifiques et non sur des propos partisans et outranciers. Il s'agit d'un processus ouvert qui permet à toutes les parties intéressées, y compris les peuples autochtones, d'exprimer leur point de vue. Le gouvernement attend les recommandations du groupe pour prendre une décision. Bien sûr, le gouvernement est en faveur de la diversification de nos exportations, mais nous sommes déterminés à ce que seuls les projets écologiquement viables aillent de l'avant.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, le problème, c'est le message qui est envoyé aux gens de la Colombie-Britannique, par exemple, qui sont convaincus que le gouvernement ne se soucie pas particulièrement de l'environnement. Lorsque le gouvernement annonce la fermeture du centre d'intervention en cas de déversements, c'est exactement le message que les habitants de la Colombie-Britannique en retirent.

Pour aggraver les choses, le gouvernement vient de nommer un sous-ministre de l'Environnement qui — c'est insensé — s'est montré incapable de répondre lorsqu'on lui a demandé quelles étaient les causes des changements climatiques. Voici ce qu'il a répondu :

Ouah. Hum. On ne m'avait pas dit qu'on me poserait de telles questions lorsque j'ai accepté ce poste. Je crois que c'est... je ne peux pas répondre pleinement à cette question...

Quel message le gouvernement a-t-il envoyé aux Britanno-Colombiens et aux Américains à propos de Keystone en embauchant — j'espère qu'on lui a au moins fait passer une entrevue — un sous-ministre de l'Environnement qui ignore ce qui cause les changements climatiques et qui ne s'est jamais informé à ce sujet au cas où la question lui serait posée, ce qu'il admet tout de go devant le pays entier lors de son témoignage devant un comité parlementaire? Je n'en reviens pas.

Le sénateur LeBreton : Je crois que le sénateur se montre injuste envers un haut fonctionnaire. Je crois que cette personne est amplement qualifiée pour être sous-ministre. De toute évidence, les sous-ministres au service du gouvernement passent d'un portefeuille à l'autre. J'ai lu les articles. Je n'ai pas lu la transcription même des propos, mais je pense que le sous-ministre de l'Environnement connaît certainement la réponse ainsi que tous les enjeux dont il devra un jour s'occuper dans le cadre de ses fonctions.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, ce sont les mots du sous-ministre, et il les a prononcés en public. Si le leader doit trouver des excuses au sous-ministre à peine deux jours après qu'il ait obtenu le poste, que le ciel protège l'environnement!

Le gouvernement envoie aussi un autre message — c'est probablement M. Harper qui a de telles idées — : il fermera la Région des lacs expérimentaux, qui a pourtant mené des travaux de calibre mondial sur des sujets comme la qualité et le recyclage de l'eau, des questions qui ont une incidence sur les sables bitumineux et donc sur le pétrole que l'oléoduc acheminera jusqu'à Gateway, ce qui explique qu'il soit si difficile de légitimer socialement le projet.

Pourquoi le gouvernement fermerait-il la Région des lacs expérimentaux alors qu'elle joue un rôle aussi important pour ce qui est d'asseoir la crédibilité du pays, de l'Alberta et des sables pétrolifères en matière d'environnement, et qu'elle véhicule son message dans le monde entier? Au contraire, en mettant la hache dans la Région des lacs expérimentaux, le gouvernement montre qu'il ne se soucie pas assez de ces enjeux.

Le sénateur LeBreton : En ce qui concerne la Région des lacs expérimentaux, ma réponse demeure la même. Nous avons décidé que ce ne serait plus une installation fédérale. Le gouvernement a considérablement augmenté l'investissement dans la recherche scientifique. Nous obtiendrons des résultats semblables des investissements que nous faisons dans ce secteur.

Le sénateur Mitchell : La première ministre de la Colombie-Britannique a explicitement demandé au premier ministre du Canada de se réunir avec elle et la première ministre de l'Alberta pour régler certaines questions d'environnement, de financement et d'équilibre entre le risque et l'avantage. Ces deux premières ministres ont expressément demandé au chef du pays de représenter les intérêts nationaux et de les aider à régler cette importante question. Quel premier ministre fédéral refuserait une telle rencontre? Se sent-il incapable de faire quoi que ce soit ou est-ce tout simplement qu'il ne s'intéresse pas assez à la situation pour rencontrer deux des plus hautes figures politiques du pays afin de travailler à ce projet, qui est d'une telle importance pour l'avenir économique du pays et la façon dont nous traitons les questions environnementales? Pour quelle sorte de premier ministre madame le sénateur travaille-t-elle?

Le sénateur LeBreton : Pour le meilleur premier ministre que le Canada ait jamais eu.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : C'est la deuxième journée qu'il s'expose aux coups.

Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on arrête de poser des questions quand on sait qu'elles reposent sur des données erronées.

Le premier ministre a rencontré ses homologues des provinces et territoires à des centaines de reprises pour examiner plusieurs questions. Il s'est récemment entretenu avec les premières ministres de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.

(1450)

La sécurité publique

Le projet Kanishka

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les ministres Toews et Kenney ont annoncé, le 30 mai, la première série de mesures de financement, d'une valeur de 1,1 million de dollars, accordées dans le cadre du projet Kanishka, un programme pluriannuel de financement de la recherche contre le terrorisme. Comme le sait le leader, le nom du projet vient de l'attentat à la bombe contre le vol 182 d'Air India, qui, le 23 juin 1985, a tué 329 personnes, dont une majorité de Canadiens. Pour honorer la mémoire de ces gens, le gouvernement du Canada s'est engagé à consacrer en tout 10 millions de dollars sur cinq ans à ce projet. Je tiens à le féliciter de cette initiative progressiste, qui rend dignement hommage aux victimes de l'attentat. La lecture du résumé des propositions retenues me convainc que le Canada en tirera certainement une meilleure connaissance du sujet.

La stratégie antiterroriste du Canada a été publiée en 2012. Le ministre Toews a toutefois dit ceci : « La menace terroriste évolue et nous devons nous efforcer d'améliorer nos connaissances et notre compréhension afin de pouvoir mieux lutter contre ces menaces. »

Comment le gouvernement prévoit-il incorporer les résultats des travaux financés par le projet Kanishka dans la prochaine phase de la stratégie antiterroriste du Canada de façon à élaborer une stratégie globale qui tienne compte des données scientifiques les plus récentes?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Le sénateur Jaffer demande toujours des renseignements précis et ses questions sont toujours détaillées. J'ai parcouru l'autre jour les réponses que j'ai données aux questions judicieuses et bien étayées qui m'ont été posées. Je dois dire que c'est madame le sénateur Jaffer qui, de loin, en comptait le plus. J'ai un dossier très épais qui contient les réponses que j'ai données aux questions pertinentes et bien ciblées qu'elle m'a posées. Honorables sénateurs, la présente question n'est pas différente des autres. Je me renseignerai et répondrai par écrit à sa question.

Le sénateur Jaffer : Quels processus précis Sécurité publique Canada a-t-il mis en place pour faire en sorte que les travaux de recherche et les connaissances se traduisent en politiques et en mesures concrètes?

Le troisième appel de propositions de recherche lancé dans le cadre du projet Kanishka doit prendre fin le 31 octobre. Quels critères et processus le gouvernement utilise-t-il pour évaluer les propositions, et d'autres possibilités seront-elles offertes aux universitaires et aux étudiants canadiens pour qu'ils puissent participer à cette initiative gouvernementale fort utile?

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je prends note de la question et j'y répondrai par écrit. Je remercie le sénateur de sa question.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les textes réglementaires

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Linda Frum propose que le projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis très heureuse de vous parler aujourd'hui de la Loi sur l'incorporation par renvoi dans les règlements. Le projet de loi C-12 porte sur une technique de rédaction de textes réglementaires. En gros, il porte sur la possibilité d'utiliser ou non la technique d'incorporation par renvoi dans les règlements fédéraux. L'incorporation par renvoi permet au gouvernement d'établir des règlements de manière efficace et adaptée aux besoins. Cette technique est utilisée actuellement pour un large éventail de règlements fédéraux. Par exemple, elle est utilisée dans le cas des règlements destinés à prévenir le financement du terrorisme, des règlements portant sur les instruments médicaux ainsi que sur le contrôle et le prélèvement d'organes à des fins de don, et des règlements qui régissent le mode de construction des navires. En fait, il est difficile d'imaginer un secteur fortement réglementé dans lequel l'incorporation par renvoi n'est pas utilisée dans une certaine mesure.

Ce projet de loi répond à des préoccupations exprimées par le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation au sujet de l'opportunité d'avoir recours à l'incorporation par renvoi. Il vise à répondre aux préoccupations du comité et à créer une certitude indispensable dans ce domaine. Ce projet de loi codifie le pouvoir du gouvernement d'utiliser la technique d'incorporation par renvoi courante, tout en décrivant clairement quand et comment cette technique doit être utilisée.

Plusieurs règlements incorporent par renvoi des documents externes sans qu'il soit nécessaire de reproduire ces documents. Cela réduit la quantité incroyable de documents qu'il faudrait autrement inclure dans certains règlements.

De plus, en ajoutant « avec ses modifications successives » au renvoi à un document externe, le règlement restera à jour malgré toutes les modifications apportées à ce document externe et il ne sera donc pas nécessaire de l'amender ou de le modifier. Ainsi, les règlements demeurent fluides, souples et à jour, et cela réduit les reproductions inutiles.

L'incorporation par renvoi est une technique de rédaction très utilisée de nos jours, mais ce projet de loi rendrait son recours légitime et établirait des directives claires concernant son utilisation. Voici un exemple simple de la façon dont cela fonctionne.

Si un règlement stipule que les casques de hockey doivent être fabriqués conformément à une norme précise de l'Association canadienne de normalisation, le renvoi est destiné à inclure cette norme dans le règlement sans en reproduire le texte dans le règlement. Les règles qui se trouvent dans la norme de l'Association canadienne de normalisation font partie de la loi même si elles ne sont pas reproduites dans le règlement.

Il arrive souvent qu'une norme technique comme la norme de l'Association canadienne de normalisation utilisée dans cet exemple soit incorporée « avec ses modifications successives ». Cela signifie que, lorsque l'Association canadienne de normalisation apportera des modifications à la norme afin qu'elle suive les progrès technologiques ou scientifiques, ou encore les améliorations dans les méthodes de fabrication, ces modifications sont automatiquement incluses dans le règlement. Autrement dit, les modifications apportées à cette norme sont incorporées dans le règlement et deviennent loi sans qu'il soit nécessaire de modifier le libellé du règlement. On appelle cela « incorporation par renvoi à caractère dynamique ».

Il arrive que des documents soient incorporés dans leur version à un moment précis. Cela signifie que seule une version de ce document est incorporée et que, peu importe quels changements sont apportés à ce document par la suite, seule la version décrite dans le règlement y est incorporée. Si l'organisme de réglementation souhaite adopter une version plus récente du document, il doit modifier le règlement. Il s'agit alors d'« incorporation par renvoi statique ».

L'incorporation par renvoi est devenue un outil largement utilisé pour atteindre les objectifs du gouvernement. On y recourt de plus en plus dans les règlements fédéraux depuis 15 ans. C'est un moyen efficace d'atteindre un grand nombre des objectifs de la Directive du Cabinet sur la gestion de la réglementation, une importante directive du gouvernement conçue pour accroître l'efficience et le rendement en ce qui a trait aux règlements.

Les règlements ainsi rédigés facilitent la coopération et la collaboration intergouvernementales. En incorporant les dispositions législatives d'autres ordres de gouvernement avec lesquels une harmonisation est souhaitée ou en incorporant des normes internationales, on évite les doubles emplois et les répétitions inutiles dans les règlements. L'incorporation par renvoi peut réduire, voire éliminer les obstacles indésirables au commerce, objectif qui est aussi une obligation internationale.

Le projet de loi réalise un équilibre important quant aux types de documents pouvant être incorporés avec leurs modifications successives. Pour réaliser cet équilibre, le projet de loi ne permet que l'incorporation statique de certains types de documents produits par l'autorité réglementaire. Il y a deux points à souligner au sujet de ces types de documents. Premièrement, les seuls documents produits par l'autorité réglementaire qui pourront être incorporés seront les documents qui contiennent uniquement des éléments accessoires aux règles énoncées dans le règlement. Les plus importantes règles et obligations, celles qui forment l'essentiel du régime de réglementation, continueront d'être insérées dans le texte du règlement et soumises à tout le processus de réglementation.

Deuxièmement, seuls les renvois statiques seront permis pour les documents produits par l'autorité réglementaire, contrairement à ce qu'il en est de la capacité de l'autorité réglementaire d'incorporer des textes produits par une autre personne ou un autre organisme. Les documents produits par l'autorité réglementaire pourront être incorporés seulement dans leur version à une date donnée. Bref, si les autorités réglementaires veulent modifier un document après son incorporation par renvoi, elles doivent alors modifier le règlement lui-même. Il sera ainsi possible de garantir que tout changement à un règlement attribuable à la modification d'un document incorporé par renvoi fera l'objet du processus réglementaire habituel et sera soumis aux mêmes exigences liées aux examens, à la publication et à l'enregistrement.

(1500)

Il va sans dire que l'accessibilité est un élément central du projet de loi. Il faut en effet que les personnes qui doivent se conformer aux documents incorporés par renvoi puissent y avoir accès. Il en va de même pour celles qui veulent savoir en quoi la réglementation en vigueur s'applique à leur domaine d'activité. Ce projet de loi prévoit expressément que personne ne pourra être blâmé de ne s'être pas conformé à un document incorporé par renvoi s'il lui était impossible d'y avoir accès. Il s'agit d'ailleurs d'un élément essentiel du projet de loi, qui s'inscrit directement dans l'obligation qu'ont les autorités réglementaires de rendre accessibles les documents incorporés par renvoi.

Ce projet de loi inscrira noir sur blanc dans la loi la position longtemps défendue par le gouvernement quand il s'agit de savoir quels règlements peuvent avoir recours à l'incorporation par renvoi. Il établira en toutes lettres le cadre juridique de l'utilisation de ce principe et confirmera la validité des règlements où des documents sont incorporés par renvoi, si tant est que ce cadre soit respecté.

Cette mesure législative doit être adoptée si nous voulons mettre en œuvre les recommandations du Comité mixte permanent de l'examen de la réglementation. Ce faisant, le Parlement énoncera clairement ses intentions, en plus de donner suite aux recommandations du comité. Ce dernier aura pour mandat de déterminer si le principe d'incorporation par renvoi est utilisé selon le cadre établi dans le projet de loi. Chose certaine, il va continuer d'étudier les documents incorporés par renvoi à la lumière de ses critères d'examen.

L'adoption de cette mesure législative est la prochaine étape logique et nécessaire pour assurer, de manière responsable, l'incorporation par renvoi dans les règlements.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finley, appuyée par l'honorable sénateur Frum, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (protection des libertés).

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, avant d'exprimer mon opposition au projet de loi C-304 et de faire part de mes critiques à son égard, j'ai examiné les débats qui ont précédé cette étape du processus législatif, les arguments des députés, des sénateurs et des groupes d'intérêts qui sont déterminés à faire adopter le projet de loi, ainsi que les préoccupations soulevées par les personnes qui tentent de trouver un juste milieu et les amendements qu'elles ont proposés. Je tente toujours d'apporter des nouveaux arguments au débat et de faire valoir mon point de vue. Ensuite, je tente de déterminer les aspects auxquels je veux le plus m'attaquer, par exemple un raisonnement faible ou des faits peu convaincants. J'ai constaté que plusieurs possibilités s'offraient à moi.

L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne joue un rôle primordial dans la promotion de la tolérance et du respect chez les Canadiens. Selon cet article, il est discriminatoire d'utiliser Internet ou d'autres moyens de télécommunications pour aborder des questions susceptibles d'exposer des personnes à la haine ou au mépris en raison de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur âge, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur état matrimonial, de leur situation de famille, de leur déficience ou de leur état de personne graciée.

Comme l'Association du Barreau canadien l'a affirmé, l'article 13 est l'un des outils dont nous disposons pour lutter contre l'intolérance. Les autres dispositions sur les propos haineux que nous avons au Canada se trouvent dans le Code criminel du Canada. Ces dispositions de droit civil et de la common law se complètent.

La norme de la preuve — une prépondérance des probabilités — prévue à l'article 13 est moins contraignante que celle prévue dans le Code criminel. Cette disposition de droit civil est cependant tout aussi pertinente que nos dispositions de la common law. Elle est inscrite dans la Loi canadienne sur les droits de la personne depuis 35 ans. C'est ce qu'on appelle, honorables sénateurs, une expérience considérable et une perspective, ainsi qu'une sensibilité, d'importance capitale.

Pour leur part, les dispositions du Code criminel proscrivant la propagande haineuse imposent un fardeau de la preuve plus contraignant, à savoir la preuve hors de tout doute raisonnable. En outre, pour pouvoir engager des poursuites, il faut au préalable obtenir le consentement du procureur général. De plus, ce sont, en règle générale, des policiers et des procureurs qui ne possèdent ni l'expertise ni l'expérience nécessaires pour instruire des affaires de propagande haineuse qui sont responsables du processus. Le Code criminel n'est appliqué que dans les cas les plus extrêmes et, jusqu'à présent, l'actuel gouvernement n'a pas intenté une seule poursuite pour ces motifs.

Je rappelle que notre pays s'est engagé, dans le cadre de divers traités internationaux, à promouvoir les droits de la personne en protégeant les gens contre la prolifération de la propagande haineuse et la montée de la haine et de la violence qui en résulte. Pourtant, voilà qu'on veut faire adopter, à la hâte, le projet de loi C-304.

Grâce à notre collègue, le sénateur Nancy Ruth, plusieurs d'entre nous ont appris qu'il existe une disparité dangereuse entre les groupes protégés contre la discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et ceux protégés en vertu du Code criminel. Parmi les groupes auxquels le Code criminel ne s'applique pas, il y a ceux qui se différencient par leur race, leur religion ou leur origine ethnique. Il n'y est pas fait mention des autres groupes protégés en vertu de l'article 13, notamment ceux qui se différencient par leur âge, leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur déficience.

C'est un monde de différences juridiques. Aussi inconcevable que cela puisse paraître — que nos dispositions proscrivant la propagande haineuse pourraient ne pas s'appliquer à certains groupes, comme les femmes et les homosexuels, et ne pas les protéger contre des propos haineux et la violence engendrée par la haine —, c'est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Ce serait l'une des répercussions liées à l'adoption du projet de loi C-304.

On ne peut pas dire que ce soit nouveau pour ceux qui exercent des pressions en faveur de l'adoption de ce projet de loi. On le leur a dit. Ils le savent.

Je ne peux imaginer de source plus fiable d'avis et d'informations au sujet du projet de loi C-304 que l'Association du Barreau canadien. En juin dernier, un article du Huffington Post portant sur ce projet de loi rapportait que, selon l'association :

Le débat sur le caractère sommaire de l'article 13 est devenu prétexte à une attaque en règle contre l'existence même d'un cadre administratif protégeant les droits de la personne dans ce pays [...].

En avril dernier, la section du droit constitutionnel et des droits de la personne du comité sur l'égalité de l'Association du Barreau canadien a présenté un rapport situant le contexte historique, social et juridique de l'article 13 de la Loi sur les droits de la personne. Au début du rapport, il y a une citation de la juge de la Cour suprême Rosalie Abella, qui a prononcé, en 2009, un discours intitulé « Les droits de la personne et le jugement de l'Histoire ». Voici ce qu'elle a dit :

Nous pensions que les camps de concentration d'Europe nous avaient enseigné trois leçons inoubliables. Premièrement, que l'indifférence engendre l'injustice. Deuxièmement, que l'important, ce n'est pas seulement les valeurs auxquelles nous souscrivons, mais celles qu'on défend. Et troisièmement, que nous ne devrions jamais oublier comment ceux qui sont vulnérables voient le monde.

Le Canada et ses citoyens ont besoin de lois qui interdisent la publication de propos haineux qui risquent d'engendrer de la haine et de la violence envers des groupes vulnérables. Le risque en soi est un affront à la dignité humaine.

(1510)

Les plaintes au titre de l'article 13 traitées par la Commission canadienne des droits de la personne démontrent, selon l'Association du Barreau canadien, que les propos haineux visant « des groupes religieux et [d'autres] groupes identifiables continuent de poser problème au Canada. »

Dans son étude de 2011 sur les tendances antisémites, la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith Canada constate qu'on « utilise toutes les nouvelles technologies web ou mobiles pour répandre la haine, quoique de tels incidents soient désormais si courants qu'il est peu probable que le nombre de cas signalés reflète l'augmentation réelle du phénomène en ligne. »

Avec la progression constante d'Internet et des autres moyens de télécommunication, nous avons besoin plus que jamais de l'article 13. Pratiquement quiconque le souhaite peut trouver l'information qu'il cherche dans Internet sans courir de risque personnellement. De plus, Internet nous permet d'atteindre facilement et à faible coût un vaste public ou un public bien défini, comme on le désire. Ces facteurs sont au nombre des principales raisons pour lesquelles Internet est le moyen de diffusion préféré de ceux qui veulent répandre la haine.

Nous disposons d'une abondance de statistiques troublantes ainsi que des observations et des conseils d'experts sur les dispositions contre la propagande haineuse de nos lois civiles et pénales. Si nous en avons le courage, nous pouvons aussi consulter, hélas trop facilement, les sites des groupes suprémacistes blancs, des misogynes et des homophobes.

Notre collègue, le sénateur Doug Finley, s'est prononcé pour ce projet de loi sournois d'initiative parlementaire. Je me demande comment le sénateur —-ou quiconque d'autre — peut être conscient de ce que subissent les groupes visés par des discours aussi ignobles et empreints de haine et tenir des propos comme ceux qu'il a tenus en juin dernier devant le Sénat :

Si vous croyez qu'une idée est stupide, vous avez le droit de l'ignorer. Si vous trouvez qu'une blague est offensante, vous avez le droit de faire comme si vous n'aviez rien entendu. Même les déclarations qui semblent intolérables ou tout à fait déplacées doivent pouvoir être entendues et ignorées.

Une idée stupide? Une blague? Une déclaration déplacée? Je pense que c'est ainsi que je qualifierais certaines déclarations que nous avons dû endurer à l'appui du projet de loi C-304. Toutefois, pour quiconque a le moindre sens moral, ces termes sont inapplicables à ce qu'on trouve sur certains de ces sites. C'est comme dire qu'une montagne est une taupinière.

Si nous adoptons le projet de loi C-304, c'est que nous n'avons pas tiré les leçons du passé. Malheureusement, ce que déplore la juge Abella n'est que trop vrai.

« Nous n'avons pas encore appris la plus importante de toutes les leçons, dit-elle, c'est-à-dire qu'il faut d'abord essayer d'empêcher les abus. »

Comment en sommes-nous arrivés là? Que cache cette volonté d'abroger l'article13, sans égard au gouffre que laisserait cette suppression dans le panorama des droits de la personne?

Ceux qui veulent abroger l'article 13 ne fondent pas leur argumentation sur la menace que constituent les propos haineux ou sur les moyens de combattre ces propos, mais plutôt sur la primauté de la liberté d'expression dans une démocratie.

Honorables sénateurs, j'ai été journaliste pendant 30 ans et j'ai couvert des événements dans le monde entier, notamment dans des pays non démocratiques où des citoyens se font tuer pour avoir exprimé leur opinion. À ce titre, je suis profondément reconnaissant de vivre dans un pays où la liberté d'expression est protégée par la loi. Cependant, je n'admets pas la notion de liberté d'expression qui est défendue par les partisans du projet de loi C-304. Le sens qui est donné à cette forme de liberté est dénaturé.

Comme le Huffington Post l'a souligné le printemps dernier, ce ne sont pas seulement les parlementaires qui appuient ce projet de loi qui voient son adoption comme une victoire pour la liberté d'expression. Il y a un autre groupe qui l'acclame à grands cris : les tenants de la suprématie blanche. Sur le site de StormFront, dont le slogan clame « La fierté blanche à l'échelle du monde », on peut lire des propos tenus par des gens qui sont enchantés de ce que le projet de loi C-304 pourrait vouloir dire pour notre pays.

Honorables sénateurs, je voudrais bien vous donner un aperçu du genre de propos qu'on trouve sur les sites haineux de nos jours et qui, de l'avis des partisans du projet de loi C-304, devraient être protégés au nom de la liberté d'expression. J'aimerais bien vous en fournir des exemples, mais ma conscience ne me permet pas de répéter de telles ordures, même en les paraphrasant.

À l'étape de la deuxième lecture, le député Brian Storseth a dit du projet de loi C-304, dont il est le parrain, qu'il :

[...] contribuerait à protéger et à favoriser notre liberté la plus fondamentale, c'est-à-dire la liberté de parole et d'expression. Comme George Washington l'a dit : « Si nous sommes privés de la liberté d'expression, alors, muets et silencieux, nous pouvons être menés, comme des moutons, à l'abattoir. »

En passant, à l'instar de millions de Canadiens, je considère la Charte canadienne des droits et libertés comme un symbole de notre identité nationale. Je n'ai donc pas été impressionné par le peu d'importance que le gouvernement actuel a choisi d'accorder au 30e anniversaire de la Charte, comme on a pu le constater dans le cadre de l'interpellation présentée par le sénateur Cowan concernant cette importante étape de l'histoire de notre Constitution. Tout ce que le gouvernement a daigné faire pour souligner l'anniversaire de la Charte, c'est de publier un vague communiqué du ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles.

Il est ironique que la majorité des parlementaires qui préconisent l'adoption du projet de loi au nom de la liberté d'expression proviennent du parti qui méprise le document même qui protège la liberté d'expression ainsi que d'autres libertés et droits fondamentaux. Voilà une attitude pour le moins hypocrite. Pis encore, les défenseurs du projet de loi fondent leurs arguments sur une notion dénaturée de la liberté d'expression. Ils parlent de cette liberté comme si elle était un droit absolu, oubliant le fait qu'elle vient avec des responsabilités.

En 1965, plus de 15 ans avant le rapatriement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution, le Comité spécial de la propagande haineuse a réfléchi aux limites qu'il convenait d'imposer à la liberté d'expression. Cela supposait notamment l'adoption de lignes directrices pertinentes et précises concernant la diffusion de propos haineux. À l'époque, le comité avait déclaré ceci :

[...] les Canadiens, membres de groupes identifiables au Canada, ont le droit de jouir des libertés et des privilèges des citoyens canadiens, protégés contre toute propagande de haine odieuse et méthodique. Dans une société démocratique, la liberté de parole n'implique pas le droit de diffamation. Le nombre des organismes visés ou des individus atteints n'est pas un critère : en dernière analyse, dans une société libre, on ne saurait prétendre que le problème est résolu en simplifiant les données et en affirmant que les assaillants et leurs victimes sont peu nombreux. Ce qui compte, c'est que la malveillance et la brutalité naissantes, inhérentes à la propagande haineuse, doivent préoccuper la nation.

Cette déclaration a été faite en 1965.

Honorables sénateurs, 25 ans plus tard, dans l'arrêt Commission canadienne des droits de la personne c. Taylor, la Cour suprême du Canada a fait référence à la profonde vérité énoncée dans le rapport du comité, dans son examen d'une allégation voulant que l'article 13 violait le droit à la liberté d'expression garanti par la Constitution. En tentant d'établir un équilibre entre la liberté d'expression et les droits compensateurs prévus dans la Charte, la cour a conclu que l'article 13 constituait une limite raisonnable et qu'il visait un objectif très important. On peut lire ce qui suit dans le jugement :

On peut donc en conclure que les messages constituant de la propagande haineuse portent atteinte à la dignité et à l'estime de soi des membres de groupes cibles et, d'une façon plus générale, contribuent à semer la discorde entre divers groupes sociaux, culturels et religieux, minant ainsi la tolérance et l'ouverture d'esprit qui doivent fleurir dans une société multiculturelle vouée à la réalisation de l'égalité.

Même si des députés et des sénateurs se sont opposés au projet de loi C-304 et ont proposé des amendements, et même si, dans le cadre de leur témoignage, des groupes et des particuliers nous ont mis en garde contre les répercussions qu'aurait cette mesure législative si elle n'était pas modifiée, il n'en demeure pas moins que tous ont convenu que la liberté d'expression est l'un des fondements de la démocratie. Un député conservateur, Brian Storseth, a déclaré qu'elle est la pierre d'assise de toutes les autres libertés. Je souscris entièrement à cette affirmation, mais je suis en désaccord avec ce que M. Storseth et d'autres partisans du projet de loi C-304 veulent faire passer pour la liberté d'expression. Ils ont fait preuve d'opportunisme lorsqu'ils ont défini ce droit, ont polarisé le débat et ont empêché la tenue de discussions productives sur les véritables enjeux liés à cette mesure législative.

Comme M. Richard Moon, professeur de droit à l'Université de Windsor, l'a mentionné dans le rapport qu'il a présenté en 2008 à la Commission canadienne des droits de la personne :

Il est impossible de mettre fin aux préjugés dans la collectivité par la censure. L'objet des dispositions sur le discours haineux doit donc être défini plus étroitement : il doit consister plutôt à protéger les membres d'un groupe identifiable du risque de violence qui découle de l'expression qui comporte une menace de violence, préconise la violence ou la justifie.

Honorables sénateurs, cela aurait fort bien pu être un bon point de départ pour les discussions visant à déterminer la meilleure façon d'intégrer la liberté d'expression aux dispositions juridiques fédérales en vue de promouvoir la tolérance et le respect auprès des Canadiens. Cependant, depuis le début, ce processus n'a jamais eu pour objectif d'établir un équilibre ou de régler les problèmes. L'article 13 laisse très peu de latitude et il est loin d'être parfait, mais il peut être amélioré.

(1520)

Tout au long du processus, nous avons pris connaissance d'excellentes propositions d'amendement à l'article 13 et au projet de loi C-304, mais toutes sont restées lettre morte.

Loin de moi l'idée de soutenir que les parrains du projet de loi ont des intentions cachées. Il n'y a rien du tout de caché; au contraire, l'objectif est d'une évidence aveuglante : faire adopter le projet de loi à tout prix.

Il suffit, honorables sénateurs, de considérer certains des groupes et des organismes qui l'appuient. Prenons Ezra Levant, qui considère que le respect de la diversité et la protection contre la discrimination sont discriminatoires, voire l'empêchent de cracher librement son venin sur Internet et dans d'autres médias. Il est un détracteur virulent de la Commission canadienne des droits de la personne et il est passé maître dans la distorsion des faits et dans l'art de faire passer ses points de vue auprès du grand public. Les gains que lui procurera l'adoption du projet de loi tranchent de façon sinistre avec les pertes et les difficultés que subiront les groupes que protège l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ezra Levant a des tactiques qui lui sont propres, tout comme ceux qui ont élaboré le projet de loi C-304 et ont réussi à lui faire atteindre les étapes ultimes du processus législatif. Les conservateurs n'avaient même pas mentionné la mesure dans leur plateforme électorale, mais je crois comprendre qu'ils l'ont inscrite à leur programme politique en juin dernier. Ils l'ont déposée en tant que projet de loi d'initiative parlementaire, nous laissant pantois devant leur mépris total des leçons tirées et des sages mesures convenues.

Voici ce qu'a déclaré Irwin Cotler, qui est professeur, à propos de l'abrogation de l'article 13 :

[...] les arguments avancés par certains dans cette enceinte en faveur d'une telle abrogation ont tourné notre droit constitutionnel en dérision, notamment les arguments concernant la liberté d'expression et la jurisprudence afférente, plus particulièrement la jurisprudence de la Cour suprême.

Comment s'attaque-t-on aux discours violents et haineux au Canada? Pouvons-nous nous permettre de perdre l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne? Voilà la question — le problème — qui n'a malheureusement pas été abordée au cours du débat sur le projet de loi C-304. Nous avons été entraînés dans des débats qui n'en étaient pas vraiment sur des mots et des concepts qui n'ont jamais été censés signifier ce qu'on en comprend normalement. Cela suffit.

Nous avons le devoir de réfléchir à ce que cela signifie que d'être exposé à la haine parce qu'on est ce que l'on est. Nous devons résister aux railleries cruelles de ceux qui mettent sur le même pied les conséquences d'un tel agissement et les blessures d'amour-propre, qui en font facilement fi et qui considèrent qu'il n'y a pas lieu d'y prêter attention. Ils se comportent en lâches; c'est leur droit. Ils peuvent bien continuer, mais pour ceux qui veulent vraiment savoir ce qui peut se produire en l'absence de protection, il existe une foule de données tragiques dont on peut apprendre beaucoup.

Dans son jugement confirmant la constitutionnalité de l'article 13, l'ex-juge en chef Brian Dickson s'est judicieusement inspiré de la sagesse passée :

Le comité Cohen...

— aussi connu sous le nom de Comité spécial de la propagande haineuse au Canada —

... a fait remarquer que les individus soumis à la haine raciale ou religieuse risquent d'en subir une profonde détresse psychologique, les conséquences préjudiciables pouvant comprendre la perte de l'estime de soi, des sentiments de colère et d'indignation et une forte incitation à renoncer aux caractéristiques culturelles qui les distinguent des autres. Cette réaction extrêmement douloureuse nuit assurément à la capacité d'une personne de réaliser son propre « épanouissement », pour reprendre le terme employé à l'article 2 de la Loi.

Honorables sénateurs, si vous êtes d'accord un tant soit peu avec mes propos d'aujourd'hui, exprimez-vous maintenant et considérez-vous chanceux de ne pas vous être laissé influencer par ce qu'on ne cesse de vanter comme étant les mérites du projet de loi C-304. Je suis profondément préoccupé par ce projet de loi pour plusieurs raisons, à commencer par son incidence sur la capacité de la Commission canadienne des droits de la personne de protéger les droits de la personne et d'éduquer le public canadien. Soutenant qu'on ne saurait exagérer les contributions des organismes de défense des droits de la personne tels que la commission, l'Association du Barreau canadien a récemment déclaré ce qui suit :

Au fil des ans, les commissions des droits de la personne ont sans cesse mené une action d'avant-garde pour favoriser l'égalité et supprimer la discrimination fondée sur la race, la religion, le sexe, un handicap, l'orientation sexuelle et d'autres motifs.

Honorable sénateurs, il est de mon devoir aujourd'hui de défendre, comme d'autres, les personnes les plus vulnérables de notre société. Cela dit, je suis tout à fait à l'aise à l'idée de ne pas faire partie de ceux qui, bientôt, s'applaudiront et se féliciteront mutuellement d'être parvenus à leurs fins. Honorables sénateurs, le jour viendra où la complicité ayant abouti à l'adoption de ce projet de loi sera reconnue pour ce qu'elle est réellement : une source de regret et de honte pour l'ensemble du pays.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le projet de loi C-304 est la Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le débat entourant ce projet de loi porte sur la propagande haineuse. Il porte sur la protection de trois principes essentiels de la Loi canadienne sur les droits de la personne : égalité des chances, accommodements, absence de discrimination. Ces mêmes termes définissent le cadre de ce débat.

En 2009, dans un discours intitulé « Les droits de la personne et le jugement de l'Histoire », la juge Rosalie Abella a déclaré ceci :

Nous pensions que les camps de concentration d'Europe nous avaient enseigné trois leçons indélébiles. Premièrement, que l'indifférence couve l'injustice. Deuxièmement, que l'important n'est pas seulement les valeurs auxquelles on souscrit, mais celles qu'on défend. Et troisièmement, que nous ne devons jamais oublier comment ceux qui sont vulnérables voient le monde.

Malheureusement, le projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, ne tient pas compte de ces leçons. Elle abrogerait une disposition qui considère les messages haineux comme une pratique discriminatoire. Cela éroderait les valeurs canadiennes fondamentales qui définissent notre société.

J'aimerais faire valoir trois arguments aujourd'hui. Premièrement, l'indifférence à l'égard des messages haineux ne favorise pas l'égalité des chances et les accommodements sans discrimination. Deuxièmement, les messages haineux constituent une attaque contre la dignité humaine. Troisièmement, les messages haineux visent les membres les plus vulnérables de notre société.

Mon premier argument est donc que l'indifférence à l'égard des messages haineux ne favorise pas l'égalité des chances et les accommodements sans discrimination.

Honorables sénateurs, il faut confronter la haine. Les économistes parlent du pouvoir théorique de la main invisible. Les partisans du projet de loi C-304 utilisent cet exemple et prétendent que la main invisible fera en sorte que les mauvaises idées ne dureront pas. Toutefois, les économistes nous disent également que les marchés parfaits n'existent que sur les tableaux et dans les livres. Dans le monde réel, les excès et les injustices abondent et mènent parfois à l'effondrement du marché. Dans le monde réel, l'intolérance haineuse et l'indifférence persistent et mènent parfois à des atrocités contre les droits de la personne qui restent marquées à jamais.

Conformément à la véritable vision d'un marché parfait et dans l'esprit du respect des Canadiens pour la dignité humaine, l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne limite pas les profits, il réduit les injustices. Cet article reconnaît que l'intolérance haineuse qui ne répond pas aux exigences du Code criminel peut néanmoins enfreindre le droit inaliénable d'une personne à la dignité humaine. Il reconnaît que l'indifférence à l'égard de la haine, un report du devoir moral qu'a une société de protéger ses membres les plus vulnérables, rejette implicitement l'engagement visant à assurer l'égalité des chances et les accommodements sans discrimination pour tous.

Mon premier argument reprend essentiellement la première leçon de la juge Abella : l'indifférence est l'incubateur de l'injustice.

Mon deuxième argument concerne ce droit on ne peut plus fondamental qu'est le droit à la dignité humaine.

Jeremy Waldron, professeur à l'Université de New York et à l'Université d'Oxford, définit le discours haineux comme une attaque contre la dignité. Les discours qui attaquent la dignité sont différents de ceux qui offensent. Se sentir offensé est une réaction subjective, tandis que la dignité concerne le statut social fondamental des individus dans la société. La justesse du statut social d'une personne correspond aux mêmes principes de droits de la personne qui encadrent la Loi canadienne sur les droits de la personne : égalité des chances et accommodements, sans discrimination.

Honorables sénateurs, les propos haineux ne constituent pas une démonstration de la liberté de parole, mais plutôt une attaque contre la dignité humaine.

(1530)

Comme M. Waldron l'a mentionné lors des conférences qu'il a données en 2009, dans le cadre des conférences Oliver Wendell Holmes à la Harvard Law School, le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme commence ainsi :

[...] la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce que les droits qu'il protège « découlent de la dignité inhérente à la personne humaine ». La dignité est inhérente à toute personne et le droit à la dignité est une loi naturelle. Les Canadiens comprennent ce droit, y croient et l'ont à cœur. C'est la raison pour laquelle un Canadien, John Peters Humphrey, est le rédacteur principal de la déclaration et que le Canada fait partie des 48 États membres de l'Assemblée générale de l'ONU qui ont voté pour son adoption.

La primauté de la dignité humaine est un élément fondamental de l'identité canadienne. La dignité humaine est le seul droit qui n'est pas limité par le droit canadien, en quelque circonstance que ce soit. L'article 26 de la Charte canadienne des droits et libertés affirme que :

Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne constitue pas une négation des autres droits ou libertés qui existent au Canada.

En d'autres termes, la Constitution canadienne ne permet pas qu'il soit possible de nier le droit d'une personne à la dignité humaine au nom de quelque liberté que ce soit. Il n'y a pas de liberté sans droit.

L'Association du Barreau canadien est de cet avis. Dans un mémoire présenté en janvier 2010, elle écrivait ce qui suit :

Au Canada, la liberté d'expression n'a toutefois pas valeur absolue. Elle est assujettie à des limitations légales, notamment les lois contre les diffamations et les calomnies. L'ABC souscrit au point de vue selon lequel une interdiction civile convenablement formulée visant la propagation de propos haineux est également une restriction raisonnable à la liberté d'expression.

Honorables sénateurs, cette association, qui compte 37 000 juristes, nous a récemment dit ce à quoi nous pouvons nous attendre si le projet de loi C-304 était adopté :

Les Canadiens peuvent s'attendre à être soumis à une prolifération de messages et communications haineux et par conséquent à un recul de la civilité, de la tolérance et du respect dans la société canadienne.

Honorables sénateurs, il faut défendre la dignité humaine, mais surtout dénoncer les messages haineux.

Mon troisième et dernier aspect repose sur les propos essentiels de la juge Abella :

[...] nous ne devons jamais oublier comment ceux qui sont vulnérables voient le monde.

Les messages haineux prennent pour cible les personnes les plus vulnérables de la société.

Comme le sénateur Nancy Ruth l'a souligné en juin dernier, le Code criminel ne protège pas les femmes contre les messages haineux. Or, nous savons sans l'ombre d'un doute que certains de ces messages prennent les femmes pour cible. Dans le mémoire qu'elle a présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, la professeure Kathleen Mahoney dit ceci :

Parfois, on ne reconnaît pas que les femmes font l'objet d'une propagande haineuse.

C'est important parce que les femmes ne sont pas protégées en vertu d'autres lois que celles sur les droits de la personne.

Je pense en particulier aux lesbiennes.

Je pense aussi à la manière dont les femmes de race noire sont dépeintes dans les discours haineux.

Je pense aussi à la manière dont les femmes autochtones sont rabaissées dans diverses expressions haineuses.

Enfin, je pense à la manière dont le discours haineux a encouragé l'eugénisme et l'euthanasie à l'égard des handicapés.

Le droit des Canadiens à la dignité humaine est compromis par la discrimination et le sexisme omniprésents, qui reposent sur la peur et la haine.

Jeanie Blanchette et son amie Chantal Dubé ont été retrouvées mortes en octobre 2010 à Orangeville, en Ontario. Melissa Carroll, de l'Université McMaster, constate que ce double suicide a été « décrit par les médias comme étant une perte inévitable ».

Mme Carroll poursuit en disant ce qui suit :

Voilà une étrange apathie devant la mort de ces jeunes personnes [...] qui me semble découler d'un crainte en Occident du [...] lesbianisme chez les jeunes.

La peur, la haine et la souffrance ont une relation causale. Ces phénomènes deviennent de plus en plus fréquents dans une société qui confond parfois la discrimination préjudiciable et les critiques constructives. Nous devrions débattre de nouvelles idées. Nous ne devons pas faire de discrimination en fonction de préjugés antédiluviens.

Les nouveaux médias électroniques alimentent parfois ces préjugés. Depuis juillet 2012, un site web créé par une équipe de l'Institute for Sexual Minority Studies and Services de l'Université de l'Alberta a relevé plus de 3 271 millions de gazouillis qui utilisaient le mot « tapette ». Au cours de la même période, plus de 1 161 millions de gazouillis ont utilisé l'expression « c'est tellement gai ». De plus, 1 161 millions ont utilisé la phrase « pas d'homosexuels », et 452 000 ont utilisé le mot « gouine ». On peut lire ceci sur le site web :

Les termes homophobes ne visent pas toujours à blesser quelqu'un, mais combien de fois les utilisons-nous sans penser?

La réponse? Souvent. La propagande haineuse est omniprésente. Nous devons faire davantage, pas moins, pour résoudre ce problème.

Que ce soit clair : l'article 13 n'a pas pour objet les propos blessants ou offensants, honorables sénateurs. Le président de la fondation canadienne du Centre Peres pour la paix, Mark Freiman, affirme ceci :

Son objectif est de protéger la société contre les conséquences désastreuses des messages les plus dangereux.

Il vise à interdire les communications susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base de motifs de distinction illicites. Il vise à promouvoir le droit intrinsèque et incontestable de vivre dans la dignité. Il porte sur les principes fondateurs de la Loi canadienne sur les droits de la personne, à savoir l'égalité des chances et les accommodements sans discrimination.

Ce sont des fonctions essentielles qui ne peuvent être assumées uniquement par le Code criminel. Les crimes haineux, comme le meurtre violent d'Aaron Webster en Colombie-Britannique en 2001, sont favorisés par la diffusion de messages haineux. Même si c'est de façon indirecte, les messages haineux entraînent des crimes haineux.

Honorables sénateurs, l'envoi de plus de 4,5 millions de gazouillis homophobes exige que nous nous penchions sur la vie des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles et transgenres du Canada. Quelles répercussions l'adoption de cette mesure législative aura-t-elle sur la vie des personnes vulnérables?

Un groupe créé sur Facebook, inspiré par le dessin animé satirique South Park, recommande vivement aux parlementaires de « donner des coups de pieds aux rouquins » le 20 novembre. Je ne regarde pas l'émission South Park, mais on m'a dit que l'intention artistique était de protester, de façon satirique, contre le racisme. Or, l'année dernière, plusieurs élèves roux, y compris Aaron Mishkin, un jeune Britanno-Colombien de 13 ans qui pense avoir reçu environ 80 coups de pieds, ont été la cible d'une haine viscérale. La discrimination, le racisme et la haine sont si répandus dans notre société, en dépit des progrès que nous avons réalisés, que cette satire critique n'a fait qu'ajouter de l'huile sur le feu.

Il y a une autre leçon à tirer de la tournure qu'a prise la diffusion de cette émission : nous sommes tous à risque de devenir vulnérables si un groupe minoritaire dont nous sommes membres est la cible d'une propagande haineuse. Si nous n'agissons pas, la haine dont sont victimes les personnes vulnérables finira par tous nous détruire.

Honorables sénateurs, à l'étape de la deuxième lecture, nous débattons des principes fondamentaux du projet de loi. Aujourd'hui, je vous ai fait part de trois messages clés concernant ces principes. Premièrement, nous ne pouvons pas rester indifférents à la haine si nous voulons promouvoir les principes de l'égalité des chances et de l'accommodement sans discrimination; deuxièmement, les propos haineux sont une atteinte à notre droit universel à la dignité; troisièmement, les propos haineux ciblent les membres les plus vulnérables de notre société.

À la fin de son discours, le sénateur Finley a fait une déclaration à laquelle je souscris complètement. Je crois qu'elle mérite d'être répétée. Il a dit que nous vivons dans le meilleur pays au monde. La raison est expliquée à la fin de la version française de notre hymne national.

[Français]

Et ta valeur, de foi trempée,

Protégera nos foyers et nos droits.

Protégera nos foyers et nos droits.

(1540)

[Traduction]

La valeur du Canada, de foi trempée — j'en déduis que l'on parle ici de compassion et d'amour universels — protégera nos foyers et nos droits.

La compassion est source de dignité humaine, et l'amour triomphe de la haine. Honorables sénateurs, voilà une promesse toute canadienne que nous devrions honorer.

Si vous me le permettez, honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part de quelques autres expériences personnelles. Comme vous le savez déjà, je suis venue au Canada comme réfugiée. En 1972, quand nous avons été chassés... puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président suppléant : Les sénateurs acceptent-ils d'accorder au sénateur cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Jaffer : Quand nous avons été chassés d'Ouganda, j'ai vu la haine dans le regard de ceux qui nous poursuivaient, et je peux vous garantir que cette vision ne me quittera plus jamais. En 2001, quand j'ai été nommée sénateur, Aaron Webster a été tué dans le parc Stanley, l'un des parcs préférés des Britanno-Colombiens. C'est là que, cheftaine scout, j'emmenais mes castors et mes louveteaux faire des randonnées nocturnes. Or, c'est précisément dans le secteur du parc où j'allais avec mes jeunes qu'Aaron Webster a été roué de coups de pied jusqu'à ce qu'il meure. Son seul péché — son seul problème, devrais-je dire — était qu'il était gai. Parce qu'il était gai, on l'a battu à mort. Précisément à l'endroit où j'emmenais mes castors et mes louveteaux se promener, le soir. Voilà où la haine peut nous mener.

Honorables sénateurs, comme vous le savez sans doute, le Comité des droits de la personne étudie la question de la cyberintimidation au Canada. Tous les membres du comité vous diront qu'un garçon, venu témoigner à huis clos, nous a raconté qu'il reçoit des messages haineux parce qu'il a les cheveux roux. Sa vie est anéantie, et tout cela parce que ses cheveux suscitent de la haine chez les autres.

Honorables sénateurs, notre responsabilité, en tant que sénateurs, est de protéger les droits des minorités. Nous sommes ici pour protéger les droits des Canadiens. Aujourd'hui, je vous dis solennellement que nous devons continuer de les protéger.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

[Français]

La guerre de Corée

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Martin, attirant l'attention du Sénat sur

a) l'importance de la guerre de Corée, troisième guerre la plus sanglante de l'histoire du Canada, mais souvent appelée « la guerre oubliée »;

b) la contribution du Canada à cette guerre de trois ans dans la péninsule coréenne, notamment le déploiement de 26 791 Canadiens en renfort de la Corée du Sud, dont 516 qui ont fait l'ultime sacrifice, et de 7000 gardiens de la paix arrivés après la signature à Panmunjom de la Convention d'armistice en Corée, il y aura 59 ans le 27 juillet.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole sur l'interpellation du sénateur Martin qui attire l'attention du Sénat sur la guerre de Corée, la troisième guerre la plus sanglante de l'histoire du Canada.

Je suis reconnaissant au sénateur Martin d'avoir soulevé ce sujet, particulièrement au mois de juin dernier, mois anniversaire du début de cette guerre et de ma naissance, le 25 juin plus particulièrement.

Il est important, plus que jamais, de ramener cette guerre à l'ordre du jour si nous voulons changer notre vision de la guerre. Le sacrifice des combattants canadiens outre-mer doit être reconnu et honoré non seulement par la population de ces pays meurtris, mais par tous, car les combattants des forces armées sont un reflet de la population en général. Ils sont une réflexion de nous-mêmes.

Madame le sénateur, je suis d'accord avec votre proposition et j'aimerais y apporter quelques éléments d'histoire.

[Traduction]

Au cours des années 1950, lorsque j'étais un jeune cadet de l'armée, les camps de cadets étaient organisés par l'armée, la marine et la force aérienne du Canada, et c'est un peu moins le cas aujourd'hui qu'à l'époque. Au camp des cadets de l'armée canadienne de Farnham, où je suis allé plusieurs étés, les instructeurs était tous des sous-officiers de la Force régulière. Il y avait aussi quelques officiers. C'étaient tous des anciens combattants de la guerre de Corée ou de la Seconde Guerre mondiale. La majorité de ceux qui étaient encore en service actif étaient récemment revenus de la guerre de Corée. Cela se passait dans les années 1950. Ces gens étaient allés à la guerre et avaient eu la chance de rentrer au pays vivants.

Leur philosophie en matière de formation était axée sur les opérations. Ils voyaient les cadets comme des recrues potentielles. Nous passions beaucoup de temps à faire des exercices militaires, même à l'âge de 13 ou 14 ans, avec de grands fusils, les Lee-Enfiel de calibre .303, et avec des mitrailleuses, des grenades, des casques d'acier et autres.

La discipline, l'entraide au sein du groupe, les qualités de chef, la motivation, la fierté à l'égard des forces et du pays et les liens d'amitié extraordinaires que nous tissions occupaient une place importante dans notre formation, mais nous consacrions aussi beaucoup de temps à essayer d'acquérir des compétences militaires sans en être vraiment capables en fin de compte. Nous nous demandions plutôt comment résister au choc des armes sur nos épaules quand nous tirions.

Lorsque j'ai terminé mes études au Collège militaire royal, en 1969, et que j'ai rejoint mon régiment, notre premier sergent-major de batterie était un vétéran de la guerre de Corée. Nous étions à l'époque où les vétérans de cette guerre étaient en fin de carrière. En raison des réductions budgétaires importantes qui touchaient les forces armées, plusieurs anciens combattants prenaient leur retraite, anticipée ou non.

Nous avons ainsi perdu une mine d'expérience inestimable, mais notre respect pour les vétérans de Corée et leurs anecdotes ne s'est pas démenti, non seulement parce qu'il s'agissait de combattants courageux qui avaient réussi à survivre — certains malgré des blessures que nous commençons à peine à mieux comprendre, comme les blessures de stress opérationnel —, mais aussi parce qu'ils nous avaient généreusement transmis leur vaste expérience afin d'enrichir nos connaissances et nos compétences et de nous rendre plus à même de nous acquitter de nos fonctions, surtout en ce qui concerne les armes de combat.

Étant donné que j'ai été soldat pour mon pays et pour les Nations Unies — n'oublions pas qu'il s'agissait de la première mission d'envergure de l'ONU —, je suis conscient de l'importance de reconnaître le courage des hommes et des femmes qui ont donné leur vie pour nous. Nous devrions nous formaliser qu'on qualifie la guerre de Corée de « guerre oubliée », non pas parce que cette expression est impropre, mais parce que ce qu'elle dénote est proprement consternant. On oublie les sacrifices énormes que les Canadiens ont consentis dans un pays lointain — il était certainement perçu comme tel à cette époque — et le prix qu'ils ont payé pour prêter main-forte à ce pays, qui tentait alors de se sortir de l'étau communiste qui se resserrait sur lui.

(1550)

Nous ne pouvons pas oublier l'engagement des Canadiens, non seulement les 26 791 militaires qui ont servi en Corée du Sud, dont 516 sont morts au combat et les quelque 2 000 autres qui ont subi des blessures physiques et psychologiques, mais aussi l'engagement de plus de 7 000 soldats, aviateurs et marins qui, après la signature de l'accord de paix, ont participé aux opérations de maintien de la paix destinées à stabiliser cette zone et à aider la démocratie naissante à devenir ce qu'elle est aujourd'hui.

Honorables sénateurs, il est important de ne pas oublier qu'effectivement, l'histoire de notre pays pacifique est fondée sur notre éthique de travail, notre maîtrise des technologies, notre respect des droits de la personne — nous avons eu une discussion intéressante à ce sujet un peu plus tôt — et le fait que notre pays ne cherche pas à assujettir d'autres peuples, que ce soit par la force ou par d'autres moyens. Au contraire, notre pays est prêt à consentir les sacrifices nécessaires — c'est-à-dire les personnes qui sont présentes sur le terrain et leurs familles — pour aider d'autres pays à atteindre le même niveau de démocratie que le nôtre ou à tout le moins faire en sorte qu'ils empruntent cette voie. La Corée est un exemple frappant de pays qui a su se ressaisir de façon admirable.

Le fait d'évoquer ces grands concepts et ces questions constitue une façon de reconnaître cette guerre, et je suppose que c'est le genre de choses que les membres de la classe politique devraient dire.

Cependant, je pense qu'il est important de prendre quelques minutes pour situer ce conflit un peu plus près de nous. Pour ce faire, il pourrait être utile de donner quelques précisions sur la façon dont nous nous sommes engagés dans ces opérations et sur ce que nous sommes parvenus à réaliser. Si vous me le permettez, j'aimerais me reporter au volume II de l'ouvrage intitulé The Gunners of Canada, qui décrit l'histoire de quelques-uns des régiments qui ont participé à ce conflit et présente certains éléments précis.

Je crois que, au départ, le Canada n'était aucunement prêt à répondre à la demande de l'ONU d'envoyer des troupes à l'étranger. J'aimerais, si vous le permettez, attirer votre attention sur le fait que, lorsque le premier ministre a été invité à fournir des effectifs pour les forces qui étaient déployées sous le commandement américain — mais sous les auspices de l'ONU — , il s'est montré réticent, comme il l'avait fait en 1939, pendant la Seconde Guerre mondiale, à envoyer des troupes terrestres, parce que les troupes au sol requièrent un engagement total. Autrement dit, vous plantez votre drapeau sur le territoire du pays et vous devez être prêt à défendre celui-ci. L'envoi de troupes terrestres signifiait le déploiement d'un grand nombre d'êtres humains et un risque élevé de victimes.

Les politiciens sont toujours condamnés pour les victimes qui résultent de leur engagement, alors le gouvernement canadien a répondu à l'appel cinq jours après le début du conflit en envoyant trois destroyers à partir de la côte Ouest, puis six avions cargo pour appuyer le ravitaillement.

C'est une réponse moins risquée, si je puis dire, un genre de mesure provisoire, parce que si les choses se corsent, vous pouvez toujours rappeler vos navires rapidement sans risquer trop de victimes et de dégâts. C'est la même chose avec les avions : en cas de menace, vous pouvez les faire sortir du pays en moins de 24 heures.

La situation est différente dans le cas des troupes au sol : lorsque vous envoyez des troupes terrestres, vous êtes complètement engagé. Il serait donc intéressant que je vous lise, si vous le voulez bien, un court extrait d'un texte décrivant la façon dont le Canada a réagi à la demande de l'ONU et dont il y a d'abord répondu.

L'Extrême-Orient n'avait jamais été un secteur où le Canada avait des intérêts nationaux particuliers. Contrairement à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, il n'avait pas de forces armées dans cette partie du monde. On avait prévu que son armée servirait à défendre le pays contre des attaques de diversion dans le cas d'une troisième guerre mondiale, et non de corps expéditionnaire destiné à servir à l'étranger à court préavis. Lors de la réorganisation de l'armée après la Seconde Guerre mondiale, seulement deux rôles principaux avaient été prévus : d'abord, la défense de l'Amérique du Nord conjointement avec les forces américaines, et ensuite, la capacité de superviser une mobilisation générale si cela était nécessaire.

Devinez quoi? Nous n'avions pratiquement pas de troupes à déployer. Par conséquent, le Canada a dû procéder à un recrutement accéléré pour mettre sur pied les troupes qui allaient être déployées et ce processus a été mis en branle le 14 juillet seulement. Le conflit avait déjà débuté depuis trois semaines quand nous avons finalement décidé que nous voulions peut-être rassembler des troupes pour les envoyer là-bas.

Cependant, le Canada a répondu à l'appel et l'a fait très rapidement et de façon assez exceptionnelle. J'utiliserai l'exemple de mon ancien régiment pour poursuivre ma lecture :

Les recrues affluaient à l'unité et le tableau des effectifs de guerre, établi à 39 officiers et 635 sous-officiers, fut bientôt comblé et même surpassé. Le 6 septembre, une quatrième batterie a dû être formée pour prendre en charge le personnel excédentaire.

Les deux tiers du personnel étaient composés d'anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale; seul un tiers était composé de recrues. Plusieurs militaires d'expérience revenaient dans les rangs pour servir de nouveau dans un autre théâtre d'opérations. Ces gens avaient déjà combattu, ils étaient des anciens combattants. Ils avaient réintégré la mosaïque canadienne ou tentaient de le faire lorsqu'ils ont saisi l'occasion qui leur était offerte de servir de nouveau et de répondre à l'appel. Toutefois, il y a un léger problème lorsqu'on procède à une sorte de gestion de crise au cas par cas et que l'on tente de mettre sur pied une mission.

Un peu moins de 25 p. 100 de toutes les personnes recrutées ont dû être libérées pour des motifs médicaux avant même d'être déployées outre-mer, et d'autres ont déserté parce qu'ils ne supportaient pas ce rôle. Je suis fier de dire le taux de perte ou de désertion de mon régiment n'a été que de 5 p. 100.

Ce qui m'amène précisément à faire preuve d'encore plus de fierté dans ma réponse à l'interpellation en y apportant une dimension beaucoup plus personnelle. La guerre de Corée n'a pas seulement fait des victimes outre-mer. Il nous arrive d'oublier que pendant l'entraînement — comme dans le cas de la guerre en Afghanistan — on peut perdre beaucoup de gens. Ce peut même être le cas pendant qu'on se rend à destination. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'armée canadienne n'avait même pas tiré sa première salve de colère qu'elle avait déjà perdue près de 30 000 personnes en raison de l'entraînement, de la malnutrition, de toutes sortes de permissions exceptionnelles et d'autres motifs exigeant un rapatriement. Nous comptions, à l'époque, des centaines de milliers de soldats.

Je crois que c'est une histoire qui mérite qu'on s'y attarde, car elle montre que ceux qui ont servi et qui ont fait le sacrifice ultime ne l'ont pas seulement fait en Corée. Parfois, c'était pendant qu'elles se préparaient. J'aimerais vous relater l'exemple suivant.

[Français]

Son Honneur le Président suppléant : J'ai le regret d'informer le sénateur Dallaire que son temps de parole est écoulé. Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Je vais donc poursuivre avec ce volet. Je ne veux pas raconter l'histoire d'un régiment comme tel, mais plutôt dire qu'on a oublié cette histoire.

(1600)

Il est facile de l'oublier, quand on a été impliqué dans plusieurs autres opérations qui présentaient beaucoup plus d'envergure. On se souvient de la crise du canal de Suez en 1956, et de la création de la première force de maintien de la paix; on se souvient du Congo en 1960, où nous avons déployé de nombreuses troupes, là encore, sous l'égide des Nations Unies; on se souvient de 1973 et 1974, lors de l'invasion de Chypre par la Turquie, occasion pour laquelle, encore une fois, nous avons déployé des troupes. Également, pendant les années 1990 et 2000, soit au cours des 21 dernières années, les Forces armées canadiennes ont été présentes dans des théâtres de guerre partout dans le monde, et on semble toujours y revenir, particulièrement en Afghanistan, ayant déjà oublié, même en cette ère moderne, les conflits en Bosnie, en Afrique, et même les 300 soldats que nous avons déployés au Cambodge en 1992.

Pourtant, la guerre de Corée ne peut être oubliée, à cause de l'ampleur de cette mission et du prix que nous avons payé pour y participer. Je songe à la capacité de ce pays de rebondir après qu'on lui ait permis de retrouver une certaine stabilité et une atmosphère de sérénité et de sécurité en déployant des militaires canadiens et 416 000 militaires de 16 autres pays qui ont servi en Corée pour apporter de la stabilité à ce pays.

Si vous me le permettez, j'aimerais revenir aux sacrifices de ceux qui ont payé le prix avant même de se rendre en Corée pour servir.

[Traduction]

Le déplacement du 2e régiment de la Royal Canadian Horse Artillery depuis le Camp Shilo...

— où je me trouvais le weekend dernier, en compagnie du régiment —

... faisait partie de l'opération « Sawhorse », qui consistait à transporter par train plus de 6 000 militaires des Forces spéciales de l'Armée canadienne, depuis différents points au Canada en direction de Fort Lewis.

Fort Lewis, Washington, était le point de départ vers la Corée. Le trajet à bord des deux premiers trains, qui transportaient les membres du régiment d'artillerie, s'est déroulé sans incident.

Mais à 10 h 35, le 21 novembre 1950, la tragédie a frappé.

Nous sommes alors près de quatre mois après le début du conflit.

Juste à l'est de Canoe River en Colombie-Britannique, le deuxième train est entré en collision frontale avec un train de passagers à destination de Montréal depuis Vancouver. Les locomotives et les premières voitures-coach des deux trains ont déraillé. On n'a compté aucune victime parmi les passagers du train en direction est, mais les wagons à l'avant du train militaire ont dévalé un talus et étaient démolis, ce qui a fait bien des victimes.

Le train de passagers était fait d'acier; il s'agissait d'un train moderne. Le train des militaires, qu'on a dû mobiliser rapidement, était fait de bois. Il s'agissait d'un vieux train. Non seulement il a déraillé et a été démoli, mais j'ajouterai, si vous me permettez, que « la récupération des corps a été extrêmement difficile, et que le feu avait rendu impossible l'identification de certains d'entre eux ». Certaines victimes ont péri dans l'incendie qui a suivi le déraillement du train de bois. En tout, 17 soldats sont morts, y compris quatre dont on n'a jamais pu récupérer le corps. Les blessés, 33 au total, ont été soignés par un médecin d'Edson, en Alberta, en attendant l'arrivée d'un train spécialement nolisé pour le transport des médecins et des infirmières au lieu de l'accident, quatre heures plus tard.

Fait intéressant, le mécanicien du train a été blâmé pour l'accident et il a été trainé en justice, mais comme il a été défendu par John Diefenbaker, il s'en est tiré.

Le sénateur LeBreton : C'était un bon avocat.

[Français]

Le fait que l'honorable sénateur Martin ait soulevé notre absence de reconnaissance de cette guerre est exceptionnellement valable. Je l'appuie sur ce point et j'espère qu'elle va continuer d'attirer notre attention sur ce sujet. J'espère également que l'on va reconnaître cette guerre de la façon responsable qui se devrait d'être.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, c'est à regret que je me dois d'intervenir pour retirer la parole au sénateur Dallaire, en espérant que quelqu'un va prendre la relève et poursuivre son discours.

[Traduction]

Nous devons reprendre le débat, car nous n'avons pas de temps pour des questions.

Je dois informer les sénateurs que, si le sénateur Martin prend la parole, cela mettra fin à l'interpellation.

L'honorable Yonah Martin : Je remercie tous les sénateurs qui ont pris la parole au sujet de cette interpellation, et plus particulièrement le sénateur Dallaire. Il n'a fait qu'un survol de la question. Il y aurait tant à dire pour que les Canadiens prennent conscience des sacrifices qui ont été consentis et des vies qui ont été perdues, ne serait-ce que lors des préparatifs qui ont mené à notre participation à la guerre de Corée, aux côtés des forces des Nations Unies. Je remercie le sénateur de nous avoir fait part au moins de certaines de ses observations.

Une partie de moi attend la prochaine étape avec impatience, laquelle se fera je l'espère en collaboration avec mon collègue et comotionnaire, le sénateur Day. Il y a déjà plusieurs mois que nous discutons de la possibilité de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire visant à instituer une journée en hommage aux anciens combattants qui ont pris part à la guerre de Corée.

Je tiens à remercier tous mes collègues qui ont pris la parole au sujet de mon interpellation : le sénateur Oliver, le sénateur Unger, le sénateur Dallaire aujourd'hui, le sénateur Day et le sénateur Duffy. Je remercie aussi tous ceux qui auraient voulu parler, mais qui n'en ont pas eu l'occasion, faute de temps. Je peux vous assurer que, lorsque nous présenterons notre projet de loi d'initiative parlementaire, tout le monde pourra faire valoir son point de vue.

Le sénateur Dallaire a parlé des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale qui ont aussi pris part à la guerre de Corée. J'ai rencontré l'un d'eux, et les sénateurs se souviendront que j'en ai même parlé au Sénat. Je parle du Dr Nairn Knott, qui est aujourd'hui décédé. Cela m'a bouleversée quand j'ai appris qu'à l'époque où il est parti pour la Corée, son troisième fils venait de naître et qu'il laissait derrière lui une carrière médicale florissante, à Vancouver. Il n'est pas parti pour assouvir son goût de l'aventure, ni parce qu'il s'ennuyait et qu'il n'avait rien de mieux à faire. Il a laissé derrière lui une vie remplie et dynamique de même qu'un troisième enfant tout juste venu au monde — et que je connais, soit dit en passant. Si je sais tout cela, c'est parce que j'ai pu parler à Lyall, que je connais depuis quelques années. C'est lui qui m'a dit — après que le Sénat a eu adopté sa motion à l'unanimité, en 2010 — que son père avait combattu lors de la guerre de Corée.

Lorsque j'ai rencontré le Dr Knott avant son décès, il y avait au-dessus de son lit la carte qu'il avait utilisée lors de ses vols. Il était pilote médical dans la marine et s'était rendu dans les endroits les plus dangereux pendant cette guerre. Il avait alors trois enfants et son troisième fils venait tout juste de naître.

Tels étaient les courageux Canadiens qui sont allés au front et ont servi notre pays, et aussi les Canadiens qui voulaient servir notre pays et ont risqué leur vie de bien des façons, par exemple pendant leur entraînement, comme le sénateur l'a mentionné. Ceux qui ont servi dans le cadre de missions de paix étaient aussi en danger, car il s'agissait d'un cessez-le-feu, et non de la fin d'une guerre, qui se termine par la signature de l'armistice.

Pour moi, le temps presse, et c'est pour cette raison que je coparrainerai ce projet de loi d'initiative parlementaire avec le sénateur Day. L'an prochain, nous célébrerons le soixantième anniversaire de la signature de l'armistice. Des anciens combattants et le ministre, M. Steven Blaney, entreprendront un pèlerinage afin de souligner cet anniversaire. Nous savons que les choses se font lentement dans cette enceinte, et nous voulons nous y prendre à temps pour que, si tout va comme prévu, une loi instituant une journée des anciens combattants de cette guerre soit en place avant le soixantième anniversaire de la signature de l'armistice.

Je remercie mes collègues d'avoir consacré du temps à cette question, d'avoir fait des interventions judicieuses et d'avoir pris part à cette interpellation. Du fond du cœur, je vous en remercie.

Nos anciens combattants nous écoutent. Ils lisent. Lorsque je les rencontre, ils me montrent la version imprimée du hansard. Ils me montrent ce que vous avez dit. Ils me disent, les yeux pleins d'eau, à quel point ils apprécient qu'on reconnaisse leur contribution, à quel point ils aiment la Corée et sont fiers de ce qui se passe là-bas. Ils rêvent de voir la paix s'installer enfin de leur vivant.

Le temps file. Je remercie mes collègues de m'avoir écouté.

(1610)

Le sénateur Dallaire : Madame le sénateur Martin accepterait-elle de se faire poser une question?

Le sénateur Martin : Oui.

Le sénateur Dallaire : J'ai essayé de faire valoir que si nous avons pu, en quelques mois, envoyer des troupes en campagne pour faire face à une crise pour laquelle le pays n'avait ni politique ni préparation, c'est uniquement parce que nous comptions beaucoup de vétérans dont les compétences et l'expérience ont considérablement écourté la période de préparation et d'entraînement.

Nous nous trouvons actuellement dans une situation intéressante : les Forces armées sont remplies de vétérans. Je me demande si nous allons tirer des leçons de notre expérience en Corée et veiller à ce qu'ils ne quittent pas l'armée, afin que nous soyons en mesure de réagir plus tard à une éventuelle crise.

Je tiens à signaler à l'attention des anciens combattants et du sénateur que j'ai remarqué que, même si le ministre Blaney et d'autres personnes ont travaillé à préparer le 60e anniversaire, nous avons au pays très peu de monuments reconnaissant les efforts déployés en Corée. Le mot Corée est gravé sur le Monument commémoratif de guerre qui se trouve ici. À Perth, ils ont dû amasser de l'argent pour ériger leur propre monument. Ils n'ont reçu aucune aide du service de la commémoration du ministère des Anciens Combattants. Je pense que la guerre de Corée est beaucoup plus que la série M*A*S*H, même si celle-ci n'était pas mauvaise, et que nous pouvons faire mieux.

Madame le sénateur est-elle d'avis que le ministère des Anciens Combattants devrait également prendre les devants et veiller à ce qu'on n'oublie pas la guerre de Corée, puisqu'il a une politique concernant l'érection de monuments, et qu'il commence à chercher les régiments qui ont participé à cette guerre de Corée et les anciens combattants qui y sont tombés?

Le sénateur Martin : Je remercie l'honorable sénateur. Je sais qu'il y a le mur du souvenir à Brampton, où a lieu la commémoration annuelle. L'argent a été recueilli par les anciens combattants. Nos anciens combattants de la guerre de Corée peuvent recueillir des sommes assez impressionnantes. Ils profitent d'un grand appui.

Un autre monument à la mémoire des combattants de la guerre de Corée se trouve dans le parc central de Burnaby, en Colombie-Britannique. Il a été financé par le gouvernement provincial et en partie par le gouvernement fédéral. C'est le premier du genre dans l'Ouest du pays. Je sais qu'il y en a un à Winnipeg. Il y a des monuments. Je crois que, depuis que je travaille avec Anciens Combattants Canada, ce ministère a alloué des ressources pour rendre hommage à nos anciens combattants. C'est pourquoi il est déjà question de mettre l'accent sur les anciens combattants de la guerre de Corée dans le cadre de la Semaine des anciens combattants l'année prochaine.

Je sais que, à l'occasion du Bal de neige de 2013, le producteur Guy Laflamme prévoit la création de sculptures sur glace évoquant des anciens combattants de la guerre de Corée. Une ville coréenne participera à l'événement en fournissant une lanterne géante. On y organise le plus grand festival de lanternes au monde, et la lanterne, qui représentera une scène de la guerre de Corée, sera exposée au Musée canadien de la guerre.

Diverses initiatives sont en cours en collaboration avec Anciens Combattants Canada. Il y a le nouveau sous-ministre et, bien entendu, le ministre Blaney et son infatigable dévouement. J'ai déjà vu un tel dévouement, mais il n'y en a jamais assez. J'espère que nous continuerons de nous concentrer sur cette question tandis qu'il reste encore des anciens combattants de la guerre de Corée — la plupart d'entre eux sont des octogénaires et des nonagénaires après tout — et que nous continuerons de leur rendre hommage. Nous avons hâte de pouvoir présenter notre projet de loi d'initiative parlementaire.

Le sénateur Dallaire : J'ai une question complémentaire. Les anciens combattants nous quittent rapidement, mais les régiments demeurent, et ils commémorent avec fierté les campagnes menées en Corée. Les sénateurs se souviendront que le PPCLI a reçu une distinction présidentielle américaine au sujet de la colline 677. Outre un bataillon australien, le PPCLI est la seule unité non américaine à avoir obtenu cette distinction. Il y a aussi le 2 RCHA, et les sénateurs se souviendront que, la première fois que je suis intervenu à ce sujet, j'avais dit que chaque fusil avait fait feu plus de 800 fois pour le PPCLI cette nuit-là. Même les cuisiniers déchargeaient les munitions des camions pour les insérer dans la culasse des fusils et tiraient pour les protéger.

Un certain nombre de ces régiments, situés un peu partout au pays, ont exprimé leur intérêt. Nous érigeons des monuments pour les 158 soldats morts en Afghanistan. Or, nous avons eu trois plus de morts en Corée et Anciens Combattants Canada n'a rien fait de tel. Seuls quelques régiments ont fait quelque chose au niveau local.

Le sénateur envisagerait-il la possibilité qu'Anciens Combattants Canada qui, dans le cadre de son programme de monuments commémoratifs, cherche à améliorer les monuments dans tout le Canada, songe à consacrer autant de temps et de fonds à la guerre de Corée qu'il en consacre en ce moment à la guerre de 1812 et à commémorer ces anciens combattants, et ceux de leurs camarades qui sont morts, là où les régiments sont basés?

Le sénateur Martin : Je remercie le sénateur de sa passion dans ce dossier. Il sait que je la partage avec lui et que je ne demanderais pas mieux que de continuer de défendre nos anciens combattants.

Dans le parc de la Confédération, il y a un monument honorant ceux qui sont morts en service qui est identique à celui érigé dans le cimetière commémoratif des Nations Unies, à Pusan, en Corée. Ils se font face. C'est un important monument pour nos anciens combattants, que les Canadiens peuvent aller voir à un endroit très important, à Ottawa.

Comme je l'ai dit, je pense vraiment que, dorénavant, nous verrons plus de ces témoignages et marques d'honneur pour nos anciens combattants de la guerre de Corée. J'ai bien hâte de travailler avec le sénateur et mes collègues des deux côtés du Sénat pour faire du soixantième anniversaire un événement mémorable. L'année prochaine, ce sera le centenaire du PPCLI et, d'après ce que je sais, de vastes projets de commémoration sont en cours de préparation. Ce sera une année importante pour nous tous.

Son Honneur le Président suppléant : Honorables sénateurs, il nous reste au moins quatre minutes.

L'honorable Joseph A. Day : Ma question ne prendra pas quatre minutes, mais la réponse peut-être. Elle concerne un commentaire du sénateur Dallaire. D'abord, lorsque le sénateur Dallaire a parlé d'artilleurs, les sénateurs devraient savoir qu'il parlait du Royal Canadian Regiment et des divers régiments de l'artillerie qu'on appelle les artilleurs.

Le sénateur Dallaire et moi connaissons un ancien combattant de la guerre de Corée. Nous avons connu le sergent Alexandre Doucette au Collège militaire royal de Saint-Jean alors qu'il était dans la fleur de l'âge. Il était notre sergent instructeur. L'anecdote que je vais vous raconter illustre ce que je veux dire. Nous l'avons côtoyé pendant trois ans, mais j'ignorais qu'il avait combattu en Corée. Pendant bien des années, on a parlé du « conflit coréen » à cause de la nature même de ce conflit, qui ne découlait pas d'une traditionnelle déclaration de guerre entre deux pays. C'était plutôt une mission des Nations Unies.

Serait-ce tout simplement à cause de cela? Le conflit aurait-il moins retenu l'attention des gens parce qu'on n'a pas employé le mot « guerre »? La population était-elle lasse des conflits? Serait-ce plutôt parce que les anciens combattants ne voulaient tout simplement pas parler des choses horribles qu'ils avaient vécues?

Madame le sénateur a parlé de cette question avec beaucoup d'anciens combattants. Pourrait-elle nous aider à comprendre pourquoi on n'a jamais accordé à ce conflit, qu'on appelle maintenant une guerre, l'attention qu'il mérite du fait de l'importance de l'apport, pourtant énorme, du Canada à cette guerre.

Le sénateur Martin : Je remercie le sénateur de sa question et de sa perspicacité. Mis à part ce que j'ai appris à ce sujet, il est difficile de comprendre ce qui s'est passé. Les anciens combattants disent qu'il n'y avait ni fanfare ni réception en leur honneur à leur retour au Canada. On les a mis dans un train et on leur a dit de descendre à la gare la plus près de chez eux. Voilà comment s'est passé leur retour au Canada. Ceux qui ne sont pas restés dans les forces armées se sont évaporés dans la vie civile ou sont tombés dans l'oubli. Je crois que plusieurs d'entre eux n'ont pas survécu bien longtemps.

C'était bel et bien un conflit, et bien des anciens combattants du monde entier estiment que leur participation à la guerre de Corée n'est toujours pas reconnue à sa juste valeur. Lorsqu'ils sont retournés dans leurs pays respectifs, ils n'ont pas été traités comme des vétérans de la Première et de la Seconde Guerres mondiales. Ils n'ont pas retrouvé leur sentiment d'appartenance à leur pays.

(1620)

Je suis fier de souligner que, en 2008, l'ancien ministre Greg Thompson a fait les changements nécessaires pour englober les anciens combattants de la guerre de Corée et leur fournir le statut et les avantages consentis aux autres. Je ne sais pas si j'en ai déjà parlé, mais un vétéran canadien de la guerre de Corée qui, après deux années de démarches, était enfin considéré comme un ancien combattant traversait un jour la frontière avec les États-Unis. Le garde-frontière qui l'avait arrêté lui a fait le salut militaire à la fin. Cela ne lui était jamais arrivé de toute sa vie.

Son Honneur le Président suppléant : Malheureusement, je dois mettre fin au débat sur l'interpellation du sénateur Martin.

(Le débat est terminé.)

La promotion des intérêts de l'Alberta

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur le rapport entre le maintien de la licence sociale pour exercer des activités dans le secteur de l'énergie et la promotion des intérêts de l'Alberta.

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de l'interpellation du sénateur Mitchell sur la légitimité sociale de l'exploitation des sables pétrolifères en Alberta.

La légitimité sociale signifie que le public accepte et approuve un grand projet, ce qui permet de le réaliser. Ce principe fait partie des grandes priorités du rapport Maintenant ou jamais que le Sénat a produit récemment sur le secteur de l'énergie, et qui, par ailleurs, souligne la nécessité d'accroître nos marchés d'exportation de l'énergie.

Honorables sénateurs, l'exploitation des sables pétrolifères ne concerne pas seulement l'Alberta. Il s'agit d'un projet d'exploitation des ressources naturelles d'une magnitude si grande qu'il jouera un grand rôle dans l'avenir économique du Canada. Les sables pétrolifères concernent les employés de Cambridge, en Ontario, qui fabriquent des modules de canalisation pour les projets d'extraction. Ils concernent les nouvelles technologies découvertes dans nos universités pour que le développement du Nord soit faisable. Ils concernent les Canadiens de partout au pays qui participent à l'exploitation d'une ressource naturelle faisant l'envie du monde entier. Nos populations autochtones sont particulièrement concernées, car elles constituent un grand pourcentage de la main-d'œuvre employée pour exploiter les sables pétrolifères. Nous devrions tous être fiers de cette grande réussite canadienne.

Lorsque le sénateur Mitchell a pris la parole dans le cadre de son interpellation, il a à juste titre affirmé que le Canada doit diversifier son économie et trouver de nouveaux marchés où vendre ses ressources énergétiques. Il a par la suite expliqué pourquoi cette diversification est nécessaire, soit à cause de l'emplacement de l'Alberta, qui n'a d'autre choix que de vendre ses ressources énergétiques à nos voisins américains au rabais, soit de 35 à 37 $ le baril en dessous du prix du marché. Le fait que nous ne puissions vendre notre pétrole qu'à un seul acheteur empêche le Canada et les provinces d'engranger des millions de dollars par jour.

L'avenir n'est pas plus rose, sur le plan économique. Les États-Unis deviennent de plus en plus autosuffisants en ce qui a trait aux combustibles fossiles. Grâce aux avancées dans le domaine des techniques de forage, on s'attend à ce que les États-Unis extraient suffisamment de gaz naturel d'ici 2020 pour répondre à leurs besoins et qu'ils produisent davantage de pétrole sur leur territoire pour leur propre utilisation. Qui aurait pu prévoir il y cinq ans qu'en 2012 le Dakota du Nord produirait davantage de pétrole que l'Alaska? Honorables sénateurs, le marché est en pleine évolution, et le Canada doit trouver de nouveaux acheteurs pour son énergie si nous voulons maintenir notre qualité de vie.

Ce n'est pas sorcier. Si le Canada ne trouve pas d'autres acheteurs, nous vendrons moins de ressources énergétiques et nous les vendrons à rabais.

Passons maintenant à la question soulevée par le sénateur Mitchell au sujet de la légitimité sociale. Les sénateurs se souviendront que le sénateur Mitchell a blâmé le gouvernement canadien pour la controverse soulevée par le projet Northern Gateway et l'échec de l'oléoduc Keystone. Il n'a jamais mentionné qu'il y a moins de trois ans, son parti, ainsi que le NPD, a présenté une motion à la Chambre des communes selon laquelle l'Alberta n'avait pas besoin d'un oléoduc vers la côte Ouest. Il n'a jamais mentionné que ce sont les partis d'opposition au fédéral qui ont polarisé ce débat qui fait rage au Canada. Il ne nous a pas non plus expliqué comment assurer cette légitimité sociale si importante pour la réussite de ces projets qui sont dans l'intérêt des provinces et du pays.

Je sais que des mesures sont et ont déjà été prises pour garantir la légitimité sociale, comme la rationalisation du processus de réglementation environnementale qui consiste à faire « un examen par projet ».

Cette modification législative donne des certitudes et impose à tous les intervenants un cadre à respecter lorsqu'un projet est en cours d'examen. Il est à noter que toutes les provinces et tous les territoires ont demandé que cette modification soit apportée. Plus jamais il n'y aura d'examen réglementaire comme celui qui a été réalisé dans le cadre du gazoduc de la vallée du Mackenzie, lequel a duré plus de huit ans sans qu'aucune décision définitive ne soit prise. En fait, eu égard au contexte énergétique actuel, la viabilité économique de ce gazoduc est maintenant remise en question. Là où je veux en venir, honorables sénateurs, c'est que le manque de discipline dont nous avons fait preuve dans le dernier processus de réglementation nous a peut-être empêchés de mener à bien ce projet.

Le regroupement des responsabilités environnementales du gouvernement du Canada est une autre mesure prise en vue d'assurer la légitimité sociale. Grâce à cette mesure, nous pouvons consacrer 5 p. 100 de ressources supplémentaires à l'examen des projets de ressources naturelles. Je peux garantir aux Canadiens que toutes les mesures nécessaires seront prises pour garantir que le Canada respecte ses responsabilités environnementales lorsqu'il procède à ces examens.

L'allocation, dans le budget, de plusieurs millions de dollars pour la tenue de consultations avec les Premières nations concernées par le développement des ressources vise également à garantir la légitimité sociale. Cet engagement devrait grandement aider nos peuples autochtones à participer à des projets répondant à leurs objectifs environnementaux, sociaux et économiques. Parallèlement, le Canada respectera son « obligation de consulter » les Premières nations avant d'approuver un projet.

Le sénateur Mitchell a soulevé la question du financement des organismes environnementaux. Malheureusement, il a blâmé les sénateurs pour avoir soulevé la question des dons de bienfaisance et de la façon dont certains organismes transfèrent des fonds de sources étrangères pour exercer une influence sur la politique publique. Par la même occasion, il a reproché au gouvernement d'avoir clarifié la politique fiscale régissant le statut d'œuvre de bienfaisance de ces organismes. Malheureusement, il n'a pas fourni de réponse à savoir pourquoi un si grand nombre de ces organismes environnementaux consacraient autant d'argent à exercer une influence sur la politique environnementale au Canada tout en négligeant les véritables problèmes écologiques dans des pays comme le Venezuela ou la Chine. Pour mettre les choses en perspective, les sables pétrolifères de l'Alberta émettent, en une année, l'équivalent des gaz à effet de serre émis par la Chine tous les deux jours.

Nous devons nous demander pourquoi ces organismes voués à la protection de l'environnement qui sont financés par des fondations étrangères s'intéressent autant à nos ressources énergétiques et à la façon dont nous les exploitons. Pourquoi financent-ils des organismes qui s'opposent à la construction d'oléoducs vers la côte alors qu'ils ne soulèvent pas la moindre objection à l'égard des pétroliers au large des côtes de l'Alaska?

Honorables sénateurs, l'acquisition de l'assentiment du public est primordiale à la réussite de projets relatifs aux ressources naturelles tels que la construction d'oléoducs.

(1630)

Je suis d'avis que la rationalisation de nos processus de réglementation, l'octroi de ressources accrues aux examens environnementaux, la reconnaissance de notre devoir de consulter les communautés autochtones du Canada et la clarification des avantages fiscaux consentis pour les dons de bienfaisance qui aident à financer les groupes environnementalistes contribueront considérablement à faire progresser les choses.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 24 octobre 2012, à 13 h 30.)


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