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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 36

Le jeudi 13 février 2014
L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis, Pr�sidente suppl�ante

LE SÉNAT

Le jeudi 13 février 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, l'honorable Suzanne Fortin-Duplessis, Présidente suppléante, étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Journées québécoises de la persévérance scolaire

L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, je prends la parole cet après-midi afin de souligner les Journées québécoises de la persévérance scolaire. Un jeune Québécois sur cinq abandonne l'école avant d'avoir terminé le secondaire. Cette statistique est inacceptable. L'avenir de notre société passe par une génération de jeunes éduqués et ouverts sur le monde. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour encourager leurs efforts et valoriser leurs succès académiques.

[Traduction]

Chaque année, je me rends dans des écoles et des centres de détention pour jeunes, un peu partout au pays, pour échanger avec des jeunes dans le besoin ou en difficulté et les inciter à aller au bout de leurs rêves. J'ai appris beaucoup de choses en écoutant ces jeunes Canadiens me raconter leur histoire. Ils doivent souvent surmonter des obstacles colossaux dans leur vie personnelle, ce qui se répercute nécessairement sur leurs études et leurs résultats scolaires. Ils doivent vivre dans un milieu familial malsain où ils sont exploités et privés de tout. Ils sont aussi souvent victimes d'intimidation — et nous connaissons tous l'ampleur que prend ce phénomène dans les cours d'école — ou souffrent d'un trouble déficitaire de l'attention qui peut les empêcher de se concentrer en classe. Ils n'ont personne à qui ils pourraient se confier ou qui leur servirait de modèle.

[Français]

Après de nombreux échanges avec des jeunes décrocheurs et des jeunes en difficulté d'apprentissage, je sais aujourd'hui que la persévérance scolaire passe par un environnement familial stable, sain et uni; un milieu scolaire qui s'adapte aux besoins de ses étudiants et qui leur fournit le soutien nécessaire à la réussite personnelle et académique; une communauté sécuritaire et active, qui encourage l'activité physique et l'engagement civil chez ses jeunes; des adultes et des parents qui prennent au sérieux leur rôle de modèle pour nos enfants.

Honorables sénateurs, engageons-nous dès maintenant à contribuer au succès académique de nos jeunes Canadiens en les encourageant à poursuivre leurs études et à croire en leur potentiel. Créons une génération d'adultes éduqués et confiants.

[Traduction]

J'aimerais ajouter une chose, avant de conclure. L'allocution que vous entendez cet après-midi n'est pas écrite; pas vraiment. N'ayez pas peur : je vais prendre seulement une minute de votre temps, et je ne reviendrai plus jamais sur le sujet.

Quand je suis arrivé au Sénat, la lecture et l'écriture me donnaient du mal, comme tout le monde sait. Je me suis battu toute ma vie pour qu'on me traite avec un certain respect, et ça n'a pas toujours été facile. J'ai été élevé dans la pauvreté et j'ai été agressé quand j'étais enfant, mais je me suis battu pour m'en sortir.

J'ai côtoyé des gens extraordinaires, des deux côtés de la salle. L'éducation est un cadeau — un cadeau de Dieu. Malheureusement, je ne l'ai pas reçu. Cependant, comme Dieu m'a donné autre chose, je me suis concentré sur ces choses-là et j'ai tout fait pour que ma famille soit fière de moi, et plus particulièrement mes enfants et mon épouse.

Je tiens à dire une chose, et je précise tout de suite que ce n'est pas personnel. La première fois que je suis entré au Sénat... et je peux vous dire que la question n'est pas encore réglée aux yeux de certains sénateurs. En passant, quand je parlais à mes joueurs, je disais souvent « certains », mais je pouvais très bien parler de seulement un ou deux joueurs. Bref, certaines personnes me regardaient de haut et se demandaient ce qu'un simple entraîneur qui a du mal à lire faisait au Sénat. Sans nommer personne, je dirai simplement que, depuis un an, certaines personnes qui ont fait de longues études ont mis dans l'embarras un des sénateurs d'en face. Eh bien moi, qui n'ai que quelques années de scolarité, j'ai toujours fait attention de ne mettre personne dans l'embarras, sénateurs ou autres.

Lorsque je travaillais dans le domaine des sports, je pouvais m'adresser aux médias six ou sept jours de suite durant la saison de hockey. Le sénateur qui a dit à un représentant de la presse — qui l'a ensuite écrit — que je n'étais pas à ma place ici devrait se regarder dans le miroir et s'abstenir de juger qui que ce soit.

Des voix : Bravo!

Heather Moyse

L'athlète aux Jeux olympiques de 2014

L'honorable Elizabeth Hubley : Bonjour, honorables sénateurs. Je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à Heather Moyse, la seule athlète de l'Île-du-Prince-Édouard à participer aux Jeux olympiques de Sotchi. Heather participera mardi prochain à l'épreuve de bobsleigh avec sa coéquipière, Kaillie Humphries.

(1340)

Ce sera la troisième fois que Heather, athlète nationale dans trois disciplines, participe à des Jeux olympiques d'hiver. Heather a commencé à pratiquer le bobsleigh cinq mois seulement avant les Jeux olympiques de Turin, en 2006, où elle a terminé quatrième. Pour les Jeux olympiques de 2010 à Vancouver, elle a fait équipe avec Kaillie Humphries et elles ont décroché la médaille d'or.

Heather est une athlète qui excelle dans plusieurs sports. Elle a représenté le Canada dans l'équipe nationale féminine sénior de rugby. Elle s'est lancée dans le cyclisme sur piste en 2011 et a représenté le Canada au Championnat panaméricain de cyclisme en mars 2012. Elle est aussi connue pour son altruisme et a travaillé et fait du bénévolat auprès de personnes handicapées au Canada et à l'étranger. En outre, elle est ambassadrice de l'organisme Right to Play.

Heather est un modèle, un leader et une inspiration pour beaucoup de gens. Je lui souhaite la meilleure des chances à Sotchi. Je sais que, peu importe les résultats, elle fera la fierté de l'Île-du-Prince-Édouard et du Canada.

[Français]

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, c'est avec un immense plaisir que je m'adresse à vous à titre de président désigné de la Section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie afin de souligner un événement dont le prestige rejaillit sur tout le Sénat et sur le Parlement du Canada.

Le 12 juillet dernier, lors de sa session annuelle à Abidjan, en Côte d'Ivoire, l'Assemblée parlementaire de la Francophonie a élu notre collègue, l'honorable Andrée Champagne, à titre de présidente internationale.

Andrée Champagne est une personnalité exceptionnelle qui n'a pas besoin de présentation.

Elle m'a raconté à plusieurs reprises à quel point la Francophonie lui tient à cœur, l'importance qu'elle attache au fait français au Québec, au Canada et dans le monde. L'une de ses premières actions au début de sa deuxième vie parlementaire, comme elle le dit, fut de se joindre à nouveau à l'APF, après y avoir œuvré de 1986 à 1993.

J'aimerais profiter de cette occasion pour vous présenter brièvement l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. L'APF regroupe 79 parlements d'État ou de régions ayant le français comme langue d'usage et de partage ainsi que des organisations interparlementaires.

L'APF joue, pour l'essentiel, un double rôle : acteur politique et acteur de solidarité.

Tout d'abord, l'APF est un important acteur politique de la Francophonie institutionnelle. En effet, notre organisation représente les intérêts et les aspirations des peuples au sein du mouvement francophone.

Droits de la personne, diversité culturelle, gestion des ressources naturelles, non-discrimination à l'égard des femmes et, bien sûr, langue française. Voilà quelques exemples de thèmes ayant fait l'objet, au sein des différentes instances de notre organisation, de rapports, de débats et de résolutions au cours des deux dernières années.

Ces chantiers permettent un partage d'information entre les parlements de l'espace francophone, partage essentiel à l'heure de l'intégration mondiale qui est la nôtre, mais ils aspirent avant tout à apporter une perspective politique aux instances de la Francophonie.

Cette perspective se traduit par la transmission de l'Avis de l'APF, avis directement remis aux chefs d'État et de gouvernement lors des sommets de la Francophonie.

L'APF est également un acteur de solidarité. Cette solidarité s'exprime essentiellement autour d'enjeux chers aux parlementaires : la promotion de la démocratie, de l'état de droit et du respect des droits de la personne au sein de la communauté francophone.

Par ses activités de coopération, l'APF favorise directement le développement de la démocratie au cœur de la vie législative des États.

Honorables sénateurs, l'APF est l'acteur clé de la Francophonie en matière de renforcement des capacités organisationnelles et législatives des assemblées.

L'APF a la volonté d'adapter et d'améliorer en permanence ses actions et, en particulier, de les mener en lien avec les opérateurs de la Francophonie.

L'APF représente les peuples de la Francophonie; il lui revient, avec tous les acteurs du mouvement francophone, de la leur rendre proche, compréhensible et efficace dans ses actions.

Nous avons donc le privilège, honorables sénateurs, de compter parmi nous la nouvelle présidente de cette Assemblée parlementaire de la Francophonie, désormais Grand-Croix de l'Ordre de la Pléiade.

Des voix : Bravo!

Le décès de Mme Corinne Robertshaw

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup d'émotion que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à la mémoire de Mme Corinne Robertshaw, décédée le 21 janvier 2013 à l'âge de 80 ans, des suites d'une longue maladie. Vous comprendrez pourquoi je lui rends hommage aujourd'hui.

Mme Robertshaw était une avocate et une fonctionnaire de la fonction publique du Canada. Elle a consacré une bonne partie de sa vie à la protection des enfants, défendant l'idée que l'éducation des enfants, la discipline, devait se faire sans violence physique ou psychologique, sans frappe ni fessée.

[Traduction]

Dans un rapport intitulé Child Death Reviews and Child Mortality Data Collection in Canada, nous pouvons lire que :

Il y a plus de 30 ans, Corinne Robertshaw a entrepris une étude sur les décès d'enfants par suite de maltraitance ou de négligence au Canada, avec l'aide de Santé Canada, et a publié une étude sur les décès d'enfants, dans laquelle elle souligne que le manque d'information fiable sur leur incidence est troublant. Dans cette étude, elle a estimé le nombre de décès par suite de maltraitance ou de négligence à l'échelle nationale en 1977. Les travaux de Mme Robertshaw sont importants en raison des efforts déployés pour recueillir et analyser l'information provenant de différents systèmes, dont ceux de la protection de l'enfance, de la santé (y compris la santé mentale) et de la police.

Les problèmes de classification sont au cœur de l'étude de Mme Robertshaw. Dans les dossiers des organismes provinciaux de protection de la jeunesse, seulement 29 (54 p. 100) des décès d'enfant étudiés avaient été classés comme des décès attribuables à des mauvais traitements. Elle constate que l'expertise du coroner ou médecin légiste et du pathologiste est cruciale (et c'est toujours le cas maintenant) pour déterminer si la cause du décès a été correctement indiquée. Mme Robertshaw précise clairement que son estimation initiale n'incluait pas les décès non signalés ou ayant fait l'objet d'un diagnostic ou d'un classement erroné. Elle conclut qu'en fait, le nombre d'enfants décédés à cause de mauvais traitements est probablement beaucoup plus élevé puisque 5 p. 100 des décès d'enfants de moins de 5 ans classés dans la catégorie des accidents (à l'exclusion des accidents de la circulation) ou dans la catégorie des symptômes et des troubles de santé mal définis ont en fait été causés ou considérablement favorisés par des mauvais traitements ou de la négligence grave.

Voilà ce que dit l'étude réalisée en 1981 par Mme Robertshaw.

[Français]

Retraitée, Mme Robertshaw a fondé le Comité pour le retrait de l'article 43 du Code criminel, dont je vous entretiendrai plus tard aujourd'hui. Elle a dépensé beaucoup d'énergie à convaincre des gouvernements, elle appuyait avec ferveur les projets de loi libéraux demandant l'abolition de l'article 43 et elle tenait à jour un site Internet compilant toutes les informations pertinentes sur cette cause à l'adresse suivante : www.repeal43.org.

[Traduction]

Deux mois avant son décès, Corinne Robertshaw a reçu, de la part de l'Institut canadien de la santé infantile, les honneurs qu'elle méritait pour son travail.

[Français]

Je reconnais son travail utile pour les enfants du Canada et salue avec émotion sa mémoire. Je la remercie d'avoir été mon inspiratrice depuis le dépôt de mon premier projet de loi, et je souhaite qu'elle inspire également mes collègues à appuyer mon projet de loi, dont je parlerai plus tard aujourd'hui.

Je vous remercie.

[Traduction]

L'agente Joanna Styrczula

Récipiendaire de la Médaille de bravoure des policiers de la province de l'Ontario

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui rendre hommage à l'agente Joanna Styrczula, de la police régionale de Peel, qui a reçu la Médaille de bravoure des policiers de la province de l'Ontario en novembre dernier pour l'abnégation dont elle a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions au service de la population de la région de Peel.

En octobre 2011, l'agente Styrczula a répondu à un appel et s'est rendue sur les lieux d'un incendie dans une tour d'habitation pour personnes âgées de Mississauga. L'incendie avait pris naissance dans un appartement du sixième étage. Un agent de sécurité avait éloigné de la cuisinière l'homme âgé qui s'y trouvait, mais il avait été obligé de quitter l'appartement en raison de l'épaisse fumée et de la chaleur intense, sans pouvoir emmener l'homme, qui était alors sans connaissance.

L'agente Styrczula fut la première intervenante d'urgence à arriver sur les lieux. Après s'être frayé un chemin à travers l'épaisse fumée et le feu, elle parvint à localiser l'homme, qui était couvert de flammes et gisait sur le plancher de la cuisine.

Espérant pouvoir sauver l'homme de 83 ans, l'agente décida de ne pas attendre les pompiers. Elle s'empara d'un extincteur pour éteindre l'incendie et essaya de tirer l'homme hors des flammes. Malheureusement, l'homme est décédé sur place. Toutefois, la réaction rapide et les actes de courage de l'agente Styrczula ont prévenu la propagation de l'incendie, qui aurait pu faire d'autres victimes parmi les résidents.

Pour souligner les efforts héroïques de l'agente Styrczula, le lieutenant-gouverneur de l'Ontario lui a décerné la Médaille de bravoure des policiers de la province de l'Ontario. Cet honneur est décerné chaque année à des agents de police qui ont fait beaucoup plus que leur devoir afin de servir leurs concitoyens.

(1350)

En tant que fier résidant de la ville de Mississauga, je félicite l'agente Joanna Styrczula du courage et de la volonté exceptionnels dont elle a fait preuve pour protéger les autres.

Je souhaite également souligner le travail remarquable du service de police régional de Peel sous la direction de la chef de police, Jennifer Evans. Merci d'assurer notre sécurité.


AFFAIRES COURANTES

Le budget de 2014

Dépôt de documents

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le budget de 2014, intitulé Sur la voie de l'équilibre : Créer des emplois et des opportunités, et un document intitulé Rapport sur l'emploi : L'état du marché du travail canadien.

[Français]

La Commission de la santé mentale du Canada

Dépôt du rapport annuel de 2012-2013

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé Concrétiser le changement — Commission de la santé mentale du Canada — Rapport annuel 2012-2013.

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (C)

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2014.

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.

Le budget de 2014

Préavis d'interpellation

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le budget intitulé Sur la voie de l'équilibre : créer des emplois et des opportunités, déposé à la Chambre des communes le 11 février 2014 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 13 février 2014.

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La conférence annuelle de l'Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue du 14 au 16 juillet 2013—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la sixième conférence annuelle de l'Alliance des États du Sud des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue à Halifax, en Nouvelle-Écosse, au Canada, du 14 au 16 juillet 2013.

Les rencontres au Congrès américain, tenues les 26 et 27 février 2013—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation aux rencontres avec des membres du Congrès américain, tenues à Washington, D.C., aux États-Unis, les 26 et 27 février 2013.

L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN

La Sous-commission sur les relations transatlantiques, tenue du 14 au 16 mars 2011—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la Sous-commission sur les relations transatlantiques, tenue à Ankara, en Turquie, du 14 au 16 mars 2011.

La session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, tenue du 11 au 14 octobre 2013—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la 59e session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, tenue à Dubrovnik, en Croatie, du 11 au 14 octobre 2013.

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations et à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus dans le cadre de son étude sur les responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations, notamment :

a) le logement;

b) l'infrastructure communautaire (comme le traitement des eaux et des eaux usées, les écoles et autres bâtiments communautaires);

c) les possibilités novatrices de financement et de stratégies de collaboration plus efficaces;

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet durant la deuxième session de la quarante et unième législature dans le cadre de son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada, que le Sénat a autorisée le 21 novembre 2013, fassent partie des documents reçus et des témoignages entendus dans le cadre de la présente étude;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.


(1400)

[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La santé

La prévention du suicide

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, avant d'entrer dans le vif du sujet de ma question, j'aimerais remercier le sénateur Carignan pour la mise sur pied en 2001 d'une fondation pour venir en aide aux jeunes athlètes d'élite de la ville de Saint-Eustache. Il nous informait hier que Mikaël Kingsbury, qui a remporté la médaille d'argent lors de l'épreuve de bosses en ski acrobatique aux Jeux olympiques, a été boursier de cette fondation. C'est ce genre de geste qui aide concrètement les athlètes à remporter des médailles, pas seulement les fonds qu'ils reçoivent des gouvernements. Je le félicite. D'ailleurs, je suis peut-être un des rares planchistes...

[Traduction]

Je suis un des rares planchistes. Je suis donc reconnaissant du fait que mon sport pourrait bénéficier d'une aide de ce genre.

[Français]

Passons au sujet qui m'intéresse aujourd'hui : la prévention du suicide. J'aimerais remercier le leader du gouvernement d'avoir déposé en décembre la réponse à ma question concernant la suite à donner à l'adoption du projet de loi et à la motion sur la prévention du suicide, adoptée unanimement par cette Chambre.

La semaine dernière, notre collègue, le sénateur Carignan, nous a parlé de la Semaine de prévention du suicide, et je le félicite d'avoir ramené ce sujet en cette Chambre. Nous savons déjà que la problématique du suicide au Canada est préoccupante. Nous savons aussi que, pendant des années, le Québec détenait malheureusement la première position au Canada à ce chapitre. Je veux saluer les efforts de plusieurs membres de l'Association québécoise de prévention du suicide, et en particulier son directeur général, M. Bruno Marchand, que j'aimerais féliciter aujourd'hui pour le travail qu'il a réalisé. C'est lui qui m'a convaincu de me faire défenseur de cette cause et d'en parler le plus souvent possible, parce qu'en parler, c'est aider la cause.

Il reste du chemin à faire, toutefois, particulièrement auprès des francophones du Québec qui, selon une nouvelle étude, ont un taux de suicide presque deux à trois fois supérieur à celui de leurs concitoyens anglophones.

Je reviens sur la suite à donner à ce projet de loi d'intérêt privé, qui demandait la préparation par le gouvernement d'un plan de prévention du suicide. La réponse déposée n'est pas suffisante. Je félicite le sénateur Carignan d'avoir pris à cœur ce dossier, mais je souhaiterais savoir qui, au Cabinet, va prendre la responsabilité et assumer le leadership pour assurer un suivi serré de ce dossier. Je l'encourage à lire ses notes, peut-être, pour une fois, et à rappeler à cette Chambre les détails qui ont été déposés au mois de décembre.

Or, des plans, des stratégies et des consultations, c'est bien beau; mais qui, au Cabinet, assumera ce rôle au nom des Canadiens?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénateur, pour votre question, et également pour vos remerciements — dont je ferai remarquer que vous les avez lus également sur une note.

Le sénateur Dawson : Ça venait du cœur.

Le sénateur Carignan : J'en suis convaincu. Le suicide, comme vous le savez, est un dossier qui, à moi aussi, me tient à cœur, ainsi qu'à notre gouvernement et, je pense, à l'ensemble des membres de cette Chambre. Le taux de suicide au Canada, et particulièrement au Québec, est beaucoup trop élevé. Quant à moi, même s'il n'y avait qu'un seul suicide dans une année, ce serait encore trop.

Nous avons fait d'importants investissements pour contrer ce problème tragique et favoriser un dialogue avec tous les intervenants afin de trouver des solutions. Nous allons continuer à travailler pour promouvoir un état mental positif et contribuer à la prévention du suicide. Nous avons, comme vous le savez, investi 5,2 millions par le biais du Plan d'action économique 2012 pour appuyer la recherche sur le traitement de la dépression, en mettant l'accent sur la prévention du suicide. Nous avons, comme vous l'avez souligné, appuyé la loi sur le cadre fédéral de prévention du suicide qui a été présentée par le député Harold Albrecht. Nous avons également accru le nombre d'équipes travaillant dans le domaine de la santé mentale et du bien-être dans les collectivités des Premières Nations. Nous allons continuer, avec la ministre de la Santé, à prendre des mesures pour promouvoir un état mental positif et continuer à prévenir le suicide, qui est une véritable tragédie.

Le sénateur Dawson : Je suis content, pour une fois, que monsieur le sénateur fasse une lecture de ses notes. Un des défis concernant la prévention du suicide, c'est d'en parler davantage. Si vous me le permettez, je vais faire circuler la réponse que vous m'avez transmise au mois de décembre parmi nos collègues des deux côtés de cette Chambre, parce que le dialogue sur cette question est malheureusement tenu de façon trop privée.

Je vais vous donner quelques statistiques récemment rendues publiques par l'Institut national de santé publique du Québec, et mises en lumière par l'Association québécoise de prévention du suicide. On y voit que la problématique du suicide est encore un fléau.

Au Québec, il y a eu 1 105 suicides en 2011, soit trois suicides par jour. De ces suicides, 76 p. 100 sont commis par des hommes. La tranche d'âge la plus affectée est celle des hommes de 35 à 49 ans.

On apprend également que les statistiques sur le suicide ne sont qu'une facette du problème de la santé mentale. Des données de 2008 indiquent qu'on estime à 0,5 p. 100 la proportion de personnes au Québec qui ont fait une tentative de suicide au cours des 12 derniers mois, soit 5 personnes sur 1 000. Cela représente environ 28 000 tentatives de suicide par an.

Je compte sur vous pour suivre ce dossier, car rares sont les politiciens qui osent en parler. Néanmoins, je réitère ma question : qui, au sein du Cabinet, va prendre véritablement la responsabilité de ce dossier?

Le sénateur Carignan : Merci, sénateur, pour votre question. Comme vous le savez, c'est un dossier qui me tient à cœur, et que prend à cœur aussi la ministre de la Santé, Rona Ambrose, qui s'occupe des dossiers liés à la santé, dont celui de la prévention du suicide. Je pense que c'est un dossier qui ne doit pas seulement être l'affaire d'une ministre, mais celle d'un gouvernement, d'une équipe complète, et également un dossier qui doit être traité avec une approche non partisane.

Comme je le disais, le suicide est une solution permanente à un problème temporaire, et les chiffres que vous avez mentionnés sont des chiffres qui sont significatifs, alors que même un seul suicide en est un de trop. Nous devons continuer à travailler ensemble pour faire diminuer le nombre de suicides et le nombre de tentatives de suicide le plus possible. Merci pour votre question.

[Traduction]

L'énergie

Les Territoires du Nord-Ouest—Les sources d'énergie de remplacement

L'honorable Nick G. Sibbeston : Ma question aujourd'hui porte sur le coût élevé de l'énergie dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le coût de l'énergie dans beaucoup de localités éloignées du Nord est extrêmement élevé. Par exemple, le coût du chauffage d'une maison à Paulatuk, une petite localité située le long de la côte arctique, peut s'élever jusqu'à 11 000 dollars par année. À cela vient s'ajouter une facture d'électricité de 4 000 $, même si l'électricité est fortement subventionnée. Là-bas, elle coûte 33,3 cents le kilowattheure alors que, à Montréal, elle coûte 6,8 cents le kilowattheure. Si l'électricité n'était pas subventionnée par le gouvernement, son coût serait de 1 $ le kilowattheure.

Les projets d'énergie de remplacement sont la solution. Ils permettraient de réduire le coût et d'assainir l'environnement. Je pense notamment à l'énergie éolienne, à l'énergie solaire ou même à des petites valises d'énergie atomique qui, j'en suis certain, seront un jour mises au point. Cela nous aidera considérablement dans le Nord.

Par exemple, à Sachs Harbour, où il fait sombre l'hiver et très clair en été, un gîte touristique, avec l'aide du gouvernement, a installé un système d'énergie solaire, ce qui lui a permis d'économiser 7 800 $ cette année.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il demander au gouvernement de prendre des mesures pour augmenter l'utilisation des sources d'énergie de remplacement et améliorer l'efficacité énergétique dans les localités du Nord, et de nous tenir au courant de ce qu'il fait?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci, sénateur, pour votre question. Si vous me le permettez, je vais la prendre en note afin de vous répondre de la façon la plus complète possible quant aux différentes stratégies qui sont mises en place pour réduire au maximum les coûts dans le Grand Nord.

(1410)

Vous avez parlé des coûts de l'énergie, mais il y a aussi plusieurs coûts plus élevés dans le Nord, dont celui de la nourriture. Donc, je vais revenir avec une réponse écrite la plus complète possible.

[Traduction]

Le sénateur Sibbeston : Je sais que, lorsque le gouvernement se penche sur le Nord, il envisage souvent de rehausser la présence militaire dans la région. Nous, dans le Nord, pensons parfois que le gouvernement devrait prendre des mesures plus concrètes pour les gens ordinaires. Le recours à des sources d'énergie de remplacement en est un exemple.

Plusieurs pays nordiques, comme la Norvège et la Finlande, sont devenus des chefs de file en matière d'utilisation de sources d'énergie de remplacement dans les petites collectivités, ce qui leur a permis de réduire leur consommation de pétrole et les émissions de gaz à effet de serre. Puisque nous sommes l'un des plus grands pays nordiques au monde, comment le gouvernement peut-il placer ce genre d'initiatives au cœur de la stratégie sur l'Arctique du Canada?

[Français]

Le sénateur Carignan : En ce qui concerne la stratégie de l'énergie propre, le Canada est le troisième producteur d'hydro-électricité en importance et il se classe neuvième au chapitre de l'énergie éolienne. L'électricité nécessaire est composée à 77 p. 100 de sources non émissives de gaz et de carbone. Nous sommes très fiers des investissements de notre gouvernement dans l'énergie propre, dans l'assainissement de l'environnement.

Le Plan d'action économique 2013 a soutenu les compagnies canadiennes dans la mise au point de technologies innovatrices durables, mais, pour être plus précis et pour répondre à votre question par rapport aux activités particulières dans le Nord, je vais compléter ma réponse avec des notes écrites, comme je l'ai souligné tantôt.

[Traduction]

L'emploi et le développement social

Le logement social

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur les ententes à long terme sur le logement social que le gouvernement fédéral a conclues avec les provinces. Au cours des prochaines années, un grand nombre de ces ententes arriveront à échéance. En fait, les ententes qui vont expirer représentent 1,7 milliard de dollars. Vous avez bien compris. Dans ma province, il y a une cinquantaine de ces ententes, qui valent 12 millions de dollars par année.

Le gouvernement fédéral subventionne des milliers de logements partout au pays pour des aînés et des Canadiens à faible revenu qui ont besoin d'un coup de pouce.

Les ministres provinciaux demandent maintenant à leur homologue de tenir une réunion pour lancer les discussions afin de pouvoir planifier pour l'avenir. De plus, les municipalités mènent actuellement une campagne pour promouvoir l'élaboration d'une politique en matière de logement à long terme, et je connais leurs préoccupations, car j'ai rencontré à mon bureau des représentants de la Fédération canadienne des municipalités.

C'est un grave problème. Comme je l'ai mentionné, les provinces ont demandé la tenue de réunions, mais elles n'ont pas encore obtenu de réponse.

Quand le gouvernement fédéral a-t-il l'intention d'entamer les discussions au sujet de ces ententes à long terme sur le logement social?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Le gouvernement du Canada a une vision à long terme du logement social abordable, et ce, depuis longtemps. Notre gouvernement comprend qu'avoir un endroit sécuritaire et abordable où l'on se sent chez soi est important pour les familles canadiennes et les collectivités.

Depuis longtemps, de concert avec nos partenaires, nous avons aidé plus de 880 000 familles à avoir accès à un logement abordable. Dans le budget de 2013, nous avons attribué 1,25 milliard de dollars de plus au renouvellement de l'investissement dans les logements abordables. Grâce à cet investissement, les provinces et les territoires disposent de la souplesse nécessaire pour concevoir et exécuter des programmes en fonction des priorités et des besoins locaux. Depuis 2006, notre gouvernement a fait des investissements record dans le logement.

Si vous me demandez quand le gouvernement aura une vision à long terme par rapport au logement abordable, je vous répondrai que cette vision à long terme existe depuis notre arrivée en 2006.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Bon nombre de ces ententes à long terme sur le logement social expireront au cours des prochaines années et il n'y a pas de discussions du tout entre le gouvernement fédéral et les provinces. Les provinces ont demandé la tenue de réunions, mais elles n'ont pas encore obtenu de réponse.

Accepteriez-vous de prendre note de cette question en attendant de nous dire quand le ministre fédéral entamera les discussions avec ses homologues provinciaux?

[Français]

Le sénateur Carignan : Les représentants du gouvernement continuent toujours à travailler avec leurs partenaires, particulièrement dans le dossier du logement.

Comme je l'ai dit, dans le budget de 2013, une somme de 1,25 milliard de dollars a été attribuée au renouvellement de l'investissement dans le logement abordable. Les provinces et les territoires disposent donc de la souplesse nécessaire pour concevoir un plan qui corresponde à leurs besoins locaux. Évidemment, le gouvernement communique avec ses partenaires pour s'assurer d'atteindre les objectifs et veiller à la distribution des sommes du budget de 2013.

D'ailleurs, la Fédération canadienne des municipalités, qui a assisté à la présentation du budget de 2014, l'a appuyé et a dit, par rapport au logement, qu'elle continuait de collaborer avec les intervenants, les provinces et les municipalités pour maintenir cette priorité du logement abordable.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Sauf votre respect, vous dites que le gouvernement fédéral est en contact avec les provinces, mais c'est faux. Les ministres provinciaux ont demandé la tenue d'une réunion et ils n'ont pas encore reçu de réponse. Je vous serais donc reconnaissante de vous renseigner et de m'informer de la date à laquelle les discussions pourraient débuter. Les provinces ont les mains liées jusqu'à la conclusion d'une entente avec le gouvernement fédéral.

J'aimerais poser une autre question au sujet du logement, plus particulièrement au sujet des ententes conclues avec les coopératives d'habitation. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a conclu des ententes avec des coopératives d'habitation partout au pays. En fait, dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, 13 ententes ont été conclues et elles commenceront à expirer en 2018. Il s'agit d'ententes à long terme. Les coopératives sont très inquiètes au sujet de ce qui se passera. Elles sont inquiètes, car elles se demandent ce qui arrivera aux locataires si les subventions ne sont pas renouvelées. Le gestionnaire immobilier de l'une des coopératives de l'Île-du-Prince-Édouard a récemment dit aux médias que, selon les estimations, les loyers doubleraient, au minimum, si les ententes n'étaient pas renouvelées.

J'aimerais connaître les plans à long terme du gouvernement concernant les ententes sur les coopératives d'habitation; si vous n'avez pas de réponse à donner aujourd'hui, pourriez-vous prendre note de ma question et nous donner la réponse plus tard? Les gestionnaires des coopératives d'habitation et les personnes qui habitent dans ces unités de logement — qui, je le répète, sont des personnes âgées et des Canadiens à faible revenu — se font beaucoup de souci, c'est pourquoi je vous serais très reconnaissante de bien vouloir répondre à la question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le bilan parle de lui-même. Il devrait rassurer les personnes qui profitent du logement abordable. Depuis 2006, notre gouvernement a fait des investissements record dans le logement. Nous avons contribué à la création de plus de 46 000 nouvelles unités de logement abordable ainsi qu'à la construction et à la réparation de 104 000 unités de logement pour les familles à faible revenu en vertu du Plan d'action économique, et 594 000 ménages reçoivent de l'aide de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

(1420)

Nous sommes donc bien au fait du rôle joué par la Société canadienne d'hypothèques et de logement, et notre gouvernement, qui a fait des investissements record en matière de logement, a maintenu son engagement à cet égard, comme je l'expliquais tout à l'heure, dans le budget de 2013, en affectant 1,25 milliard de dollars de plus dans les investissements consacrés aux logements abordables. Cela devrait rassurer les gens qui bénéficient de logement abordable.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : J'ai une question complémentaire, honorables sénateurs. Ma question n'a rien à voir avec ce que l'on a fait par le passé. Ma question concerne l'avenir, étant donné que les ententes viendront à expiration en 2018. C'est une grande source d'inquiétude. Je ne saurais trop insister sur le niveau de stress et d'inquiétude qu'éprouvent les personnes qui gèrent ces coopératives et celles qui y habitent.

Accepterez-vous donc de demander au gouvernement quand la Société canadienne d'hypothèques et de logement compte entrer en communication avec les coopératives de logement pour parler de ce qui se passera en 2018?

[Français]

Le sénateur Carignan : Cet investissement de 1,25 milliard de renouvellement était inclus dans le budget de 2013. L'année 2013 se terminait il y a six semaines maintenant. Si on investit 1,25 milliard de dollars dans le renouvellement de l'investissement pour le logement abordable, c'est suffisant pour rassurer les gens sur la priorité du gouvernement en matière de logement abordable. Les intervenants du milieu continuent de discuter avec les représentants du ministère et de la Société canadienne d'hypothèques et de logement pour s'assurer que ces sommes puissent être investies là où les gens en ont vraiment besoin, compte tenu des priorités locales de chacune des régions.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore : À la lumière de la dernière partie de votre réponse à la question de la sénatrice Callbeck, pouvons-nous supposer que les discussions sont en cours avec les responsables concernés ou bien qu'elles vont commencer? Vous avez parlé de discussions avec les représentants du ministère et autres. Pouvons-nous donc avoir l'assurance que ces discussions sont en cours?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il y a des discussions constantes entre les intervenants provinciaux et locaux pour veiller à ce que les sommes qui sont dépensées correspondent aux besoins locaux.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela veut dire.

Le sénateur Mercer : Lui non plus!

Le sénateur Moore : Je ne pense pas être le seul sénateur qui n'est pas sûr de comprendre.

Monsieur le leader, j'estime que la question de la sénatrice Callbeck était raisonnable. Elle vous a demandé de prendre note de la question et de vous renseigner afin de déterminer si de telles discussions sont en cours et, dans la négative, quand on peut s'attendre à ce qu'elles commencent. Je ne pense pas qu'elle vous demande beaucoup. Vous avez fait du bon travail par le passé, bravo, mais nous voulons savoir ce qui se passe aujourd'hui. Ces ententes vont venir à échéance, et beaucoup de gens écoperont si nous ne réglons pas la question.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai déjà répondu que les intervenants locaux et provinciaux ont vu la stratégie du gouvernement en matière d'investissement dans le logement abordable, particulièrement le renouvellement de 1,25 milliard dans le budget de 2013. Les intervenants continueront de travailler ensemble pour répondre aux besoins locaux le plus rapidement possible.

[Traduction]

Les finances

Le budget de 2014—Le fractionnement du revenu

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'aimerais poser une question au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, je pense que le pays tout entier s'amuse énormément de constater que des ministres du gouvernement auquel vous appartenez ont des divergences d'opinions flagrantes au sujet du fractionnement du revenu. Je crois que M. Flaherty, le ministre des Finances, qui devrait savoir de quoi il parle, a soulevé un excellent point lorsqu'il a dit qu'il fallait étudier soigneusement cette question et y réfléchir profondément.

Le gouvernement n'a produit aucune étude sur les répercussions du fractionnement du revenu pour les couples ayant des enfants de moins de 18 ans, une idée proposée dans la plateforme électorale de votre parti. Pourriez-vous me dire s'il existe des études à ce sujet? Si oui, pourriez-vous les déposer au Parlement afin que les Canadiens puissent connaître les répercussions d'une telle mesure?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme je l'ai dit, hier, en répondant à une question de votre leader, je ne sais pas ce qui vous excite en particulier en 2015. Maintenant que vous êtes censés faire de la politique sans esprit partisan et que vous vous concentrez sur l'étude des projets de loi, nous devrions nous concentrer sur le plan budgétaire de 2014 que la sénatrice Martin a déposé tout à l'heure et nous concentrer à équilibrer le budget. Notre gouvernement s'est engagé à offrir aux familles canadiennes des allègements fiscaux encore plus importants, et, si j'étais une famille canadienne, j'aurais plus confiance en un gouvernement conservateur pour alléger le fardeau fiscal des Canadiens.

Nous avons mis en place le fractionnement du revenu pour les personnes âgées, et l'opposition a voté contre cette mesure lorsqu'est venu le temps de fractionner les montants pour les aînés. Grâce à notre plan axé sur un faible taux d'imposition, une famille canadienne paie 3 400 $ d'impôt de moins en 2014.

Le sénateur Robichaud : Une famille riche.

Le sénateur Carignan : Vous direz cela aux aînés qui fractionnent leur revenu qu'ils sont des riches et des millionnaires, sénateur Robichaud. On doit continuer à se concentrer à équilibrer le budget, et j'invite les sénateurs de l'autre côté à adopter une approche non partisane sur le budget de 2014 et de voter en sa faveur.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Dans le budget lui-même, le gouvernement dit très clairement que son objectif primordial consiste à atteindre l'équilibre budgétaire l'an prochain. Le gouvernement s'est fait élire en promettant notamment d'autoriser le fractionnement du revenu à des fins d'impôt dès que le budget serait équilibré. Le gouvernement pourrait même soutenir que le budget est déjà équilibré s'il ne faisait pas semblant que le fonds de prévoyance avait été dépensé.

Il s'agit d'un enjeu social important. Le traitement fiscal équitable des familles est un enjeu social important, qui a des répercussions considérables sur les finances du gouvernement et des familles.

L'Institut Fraser, qui est loin de regrouper des sympathisants communistes, dit que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Le Globe and Mail, qu'on ne peut accuser d'être le porte-parole des libéraux, dit qu'il faudrait à tout le moins étudier la question.

Pourquoi ne nous expliquez-vous pas les répercussions de cette mesure afin que les Canadiens puissent en discuter avec le dépôt du budget de l'an prochain?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, le Canada est un chef de file de la reprise économique mondiale. J'ai déjà répondu à ces questions. Plus d'un million de nouveaux emplois nets ont été créés au Canada, 85 p. 100 à plein temps, dont 80 p. 100 dans le secteur privé, et ce, depuis la fin de la récession en juillet 2009.

(1430)

Je veux quand même donner une réponse complète, car c'est la période des questions. Il est important de vous rappeler que le Canada est premier. Le Canada a affiché le meilleur bilan de création d'emplois de tous les pays du G7, et ce, de très loin. Les Canadiens bénéficient également de la plus forte croissance du revenu du G7. Il est le seul pays du G7 à avoir plus que pleinement récupéré les investissements des entreprises perdus pendant la récession. Les organismes indépendants que sont le Fonds monétaire international et l'Organisation de coopération et de développement économiques prévoient que le Canada aura la plus forte croissance...

Son Honneur la Présidente suppléante : À l'ordre! J'ai remarqué, en fait, que c'est du côté de l'opposition que tous les cris proviennent. J'ai regardé mes collègues et n'en ai vu aucun qui parlait.

Je vais permettre au leader du gouvernement de terminer sa réponse.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : J'invoque le Règlement. Le Règlement du Sénat établit très clairement ce qui doit se produire quand le greffier se lève et qu'il dit que le temps est écoulé, que le sénateur continue de radoter et que le Président se lève. Lorsque la personne qui est au fauteuil se lève, on s'assoit. C'est aussi simple que cela, on s'assoit.

[Français]

Le sénateur Carignan : Madame la Présidente, je veux m'excuser de ne pas vous avoir vue vous lever. J'étais tellement concentré sur ma réponse, à regarder les gens de l'autre côté et à leur expliquer, les yeux dans les yeux, le bilan de ce gouvernement en matière économique, que je n'ai pas pu vous voir. Toutefois, j'avais terminé ma réponse.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénateur Carignan, C.P.,

Que l'Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada :

À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.

QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L'honorable Marjory LeBreton : Je remercie madame la Présidente, envers qui nous éprouvons tous un grand respect.

Honorables sénateurs, je suis très heureuse de participer aujourd'hui au débat sur le discours du Trône. J'ai été tentée de me concentrer sur un sujet qui me tient à cœur, c'est-à-dire « Protéger les familles et les communautés », que j'aborderai un jour afin de parler des données humaines et statistiques sur les dangers de la marijuana non seulement pour la santé ou parce qu'elle ouvre la porte à la consommation d'autres drogues, mais parce qu'elle constitue à bien des égards une grave menace pour nos familles et nos collectivités, y compris à cause de ceux qui conduisent avec les facultés affaiblies. Cependant, ce débat important sera pour un autre jour. Aujourd'hui, je vais parler de l'engagement pris dans le discours du Trône à l'égard de la réforme du Sénat, une question cruciale qui tombe à point.

Voici ce que dit le discours du Trône à ce sujet :

.Le gouvernement demeure convaincu que le statu quo au Sénat du Canada ne peut plus durer. Ce dernier doit subir une réforme ou être éliminé, comme ses équivalents provinciaux. Les travaux du gouvernement à cet égard reprendront lorsque la Cour suprême se sera prononcée.

J'ai l'insigne privilège de siéger au Sénat du Canada depuis juin 1993. J'emploie le mot « privilège » à dessein, parce que même si siéger au Sénat n'est pas toujours une partie de plaisir, cela demeure un privilège qu'aucun d'entre nous ne devrait tenir pour acquis.

Je suis fière d'appartenir au Parti conservateur du Canada de même qu'au caucus conservateur national. Les partis politiques sont la pierre angulaire d'un système de gouvernement bicaméral comme le nôtre, basé sur le modèle du Parlement de Westminster. Les partis politiques sont une bonne chose, tout comme la partisanerie. Il n'y a rien de mal à être ce que le dictionnaire définit comme une « personne attachée, dévouée à une organisation, à un parti politique », puisqu'il est important de défendre vigoureusement les causes auxquelles on croit.

La partisanerie n'est pas une manifestation unidimensionnelle. Les partisans possèdent de vastes connaissances et des aptitudes considérables et ils apportent beaucoup à la vie publique. Au cours de son histoire, le Sénat a compté dans ses rangs un bon mélange de partisans farouches ou modérés. Tous, cependant, nous faisons profiter le Sénat de nos aptitudes et de nos expériences de vie, comme le sénateur Demers l'a si bien dit un peu plus tôt.

Au fil des ans, j'ai vu toutes les facettes du Sénat — le bon, le mauvais, parfois le ridicule à outrance et, oui, parfois aussi les excès au nom de la politique partisane. Cependant, c'est ainsi que la démocratie fonctionne depuis des générations. On n'a qu'à penser au fait que sir Winston Churchill, un grand parlementaire qui est aussi considéré, à juste titre, comme l'un des plus grands hommes d'État, était aussi un partisan.

Ce n'est pas la partisanerie qui pose problème au Sénat, comme l'a si bien fait remarquer la sénatrice Cools dans sa lettre à l'éditeur publiée il y a quelques jours dans l'Ottawa Citizen. Il y en a d'autres qui ont fait valoir le même point. La partisanerie a le dos large depuis quelque temps. La vérité, c'est que ce n'est pas la partisanerie qui pose problème, mais le manque de légitimité.

Qu'arrivera-t-il au Sénat, voilà la question. Le Sénat est censé être une entité égale à la Chambre des communes en ce qui concerne la prise de décisions parlementaires, un acteur important dans le processus législatif.

Théoriquement, le Sénat et la Chambre des communes jouissent presque des mêmes pouvoirs. Cependant, lorsque le Sénat décide d'exercer ses pouvoirs afin de rejeter une mesure législative de la Chambre, sa légitimité est immédiatement remise en question, ce qui soulève le débat actuel quant à la façon dont il peut ou devrait exercer le principal rôle auquel on le destinait à l'origine.

Au fil des ans, le Sénat a adopté un nouveau rôle qui lui permet de justifier son existence en prenant ses propres initiatives. Je n'entends pas critiquer l'excellent travail accompli par les sénateurs dans des domaines de politique publique importants, mais plutôt montrer l'existence d'un rôle bien différent de celui prévu à l'époque de la Confédération.

Si le Sénat ne peut exercer son véritable rôle principal en tant qu'organe légiférant, c'est tout simplement parce qu'il n'a pas, comme je le disais à l'instant, la légitimité démocratique de le faire et qu'il ne s'est pas adapté aux réalités de la vie moderne.

Ce n'est pas un hasard si le Sénat exerce un rôle d'organe légiférant. En fait, c'était l'une des principales caractéristiques qu'on lui a conférées lorsqu'il a été conçu, à l'époque de la Confédération. La raison d'être du Sénat est justement d'exercer ce que sir John A. Macdonald appelait le « pouvoir de contenir » les « excès démocratiques » — advenant qu'une telle chose existe — de la Chambre des communes. Pensons-y un peu dans le contexte actuel. Ce qui était de mise en 1867 nous est étranger dans notre société moderne, en 2014.

Le Sénat, tel qu'il a été établi à l'origine, a également pour but de représenter des secteurs d'intérêt donnés dans la société, autrement dit, de représenter les régions afin d'assurer un contrepoids à la représentation selon la population de la Chambre des communes. C'est là, selon moi, une fonction du Sénat qui est toujours précieuse.

La capacité du Sénat d'agir en tant que porte-parole efficace des régions est malheureusement limitée parce qu'il a perdu sa légitimité démocratique dans certaines régions du pays. Celles-ci ne sont pas du tout les mêmes qu'elles l'étaient il y a 147 ans, si bien qu'une importante partie de la population est largement sous-représentée au Sénat. Je parle bien entendu de l'Ouest, dont les 24 sièges représentent 30,7 p. 100 de la population, soit presque le tiers de la population canadienne.

Honorables sénateurs, on répète souvent que le Sénat est aussi censé représenter les minorités, que nous définissons selon la réalité d'aujourd'hui. Cependant, la définition de « minorités », en ce qui a trait aux fonctions du Sénat, a radicalement changé en 147 ans. Sir John A. Macdonald l'a dit lui-même :

Les droits de la minorité doivent être protégés, et les riches sont toujours moins nombreux que les pauvres.

Voilà la minorité que nous protégeons. Il est donc inexact d'affirmer que la protection des régions et des minorités est une tradition qui remonte à la Confédération.

Autrement dit, le Sénat a été conçu sur la base d'une théorie du XIXe siècle selon laquelle il fallait un gouvernement mixte, où un élément démocratique populaire devait être contrebalancé par un élément aristocratique nommé, pour éviter qu'on soit gouverné par les masses, un phénomène que l'on craignait. La notion même de gouvernement par les masses dans le contexte politique moderne du Canada serait sévèrement discréditée.

(1440)

J'énonce une évidence lorsque je dis que le Sénat ne peut fonctionner en tant qu'institution au XXIe siècle s'il demeure cantonné dans les traditions du XIXe siècle. Il est on ne peut plus évident que le Sénat doit être réformé; c'est pratiquement incontestable.

Honorables sénateurs, lorsque le premier ministre Stephen Harper a comparu devant un comité sénatorial spécial en 2006, il a cité un extrait d'un livre intitulé The Unreformed Senate of Canada, qui a été écrit en 1926 par Robert A. MacKay. Je cite M. MacKay, qui était professeur et diplomate :

Aucune autre question publique au Canada n'a probablement fait une telle unanimité dans l'opinion publique que la nécessité d'une réforme du Sénat.

Cela a été écrit en 1926. Il s'agit d'un livre très intéressant; je vous suggère d'ailleurs de l'emprunter à la bibliothèque du Parlement et de le consulter. Lorsque je l'ai lu, je me suis prise à espérer sincèrement qu'il y aura très bientôt une véritable réforme du Sénat et que nos paroles ne seront pas citées avec ironie dans 88 ans.

Il y a un an, soit le 1er février 2013, la question de la réforme du Sénat a été renvoyée à la Cour suprême du Canada afin d'obtenir son opinion au sujet de quatre grandes questions, en l'occurrence la limitation de la durée du mandat des sénateurs, l'établissement d'un processus de consultation afin de permettre à la population de chaque province de faire connaître ses préférences quant à la nomination de candidats sénatoriaux, l'abolition de la qualification des sénateurs en matière de propriété et l'abolition du Sénat. Pour ma part, j'attends avec impatience la décision de la Cour suprême du Canada.

Cela dit, honorables sénateurs, je crois qu'il est important d'étudier la question de la réforme du Sénat dans le contexte des événements de la dernière année. Collectivement, nous ne sommes pas demeurés là à ne rien faire, malgré ce qu'en disent certains antagonistes du milieu politique et des médias.

Adopté en 2004, le Règlement administratif du Sénat fournit un cadre de référence pour l'administration du Sénat et aligne le Règlement du Sénat sur celui d'autres organes législatifs. Il y est souligné que :

Les principes suivants de la vie publique s'appliquent pour l'administration du Sénat : intégrité, obligation redditionnelle, honnêteté et transparence.

C'est ce qui a servi de toile de fond à mon intervention du 4 juin 2013, lorsque, à titre de leader du gouvernement au Sénat, j'ai donné préavis de la motion suivante :

Que le Sénat invite le vérificateur général du Canada à procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat, les dépenses des sénateurs y comprises.

Tout au long de la controverse entourant les réclamations indues des sénateurs Wallin, Brazeau, Harb et Duffy, j'ai reçu, à l'instar de beaucoup d'autres sénateurs, des centaines et des centaines de courriels, d'appels et de lettres de Canadiens qui réclamaient à juste titre que le Sénat rende compte de ses dépenses.

Pour que le Sénat demeure au Canada un organe de gouvernance majeur, il lui faut, dans la mesure où il est financé à même les deniers publics, tenir des comptes en bonne et due forme, comme n'importe quelle autre entité publique. Toute dépense doit se faire dans le respect des principes d'économie et d'efficacité ainsi qu'en conformité avec l'intégralité des règles et des procédures pertinentes. Encore aujourd'hui, je demeure fermement convaincue qu'il est indispensable de rétablir la confiance de la population envers le Sénat et donc impératif d'ouvrir les livres du Sénat au vérificateur général.

Le Sénat a adopté ma motion avec dissidence, mais j'ai été ravie de l'appui général qu'elle a remporté, tous partis confondus. Au cours du débat, la sénatrice McCoy a formulé un commentaire qui m'apparaît particulièrement positif :

À mon sens, une vérification ne signifie pas que nous donnons le contrôle du Sénat au vérificateur général. Nous lui demandons son aide, comme nous avons demandé celle de Deloitte, de KPMG ou encore de notre propre vérificateur interne avant cela. C'est la quatrième vérification pour laquelle nous demandons de l'aide. Il ne s'agit pas d'une suspension de nos droits et de nos privilèges ou d'une atteinte à ceux-ci, ni d'une renonciation à nos responsabilités.

C'est ainsi que s'est exprimée la sénatrice McCoy.

Honorables sénateurs, bien que le Sénat ne soit pas soumis à des élections selon les dispositions de la Constitution, il a à cœur de rendre des comptes à la population de différentes manières. Ainsi, contrairement à ce qui se fait à la Chambre des communes, les réunions du Comité de la régie interne du Sénat sont ouvertes au public. Pour être équitable envers nos collègues de l'autre endroit, je me dois toutefois de souligner qu'ils sont appelés à rendre des comptes dans le cadre d'un processus qu'on nomme les élections.

Les données sur la présence des sénateurs sont consignées chaque jour et publiées dans les Journaux du Sénat. Le budget des frais de déplacement et de subsistance de sénateurs est divulgué dans les comptes publics depuis déjà un certain temps. En janvier 2011, il y a trois ans, on a même commencé à publier chaque trimestre, sur le site web du Parlement du Canada, une ventilation selon les catégories de dépenses des sénateurs. C'est dans un esprit de transparence et de reddition de comptes que nos collègues du Comité de la régie interne ont choisi de poser ce geste.

Signalons aussi que, en mai 2013, nos collègues du Comité de la régie interne, appuyés par une vaste majorité de sénateurs, ont fait adopter de nouvelles règles concernant les déplacements, dans le but de doter le Sénat de règles plus solides et plus claires et d'accroître la reddition de comptes. Les nouvelles règles prévoient, par exemple, que les sénateurs qui voyagent sont tenus d'indiquer l'objectif précis de chaque déplacement; que ceux qui demanderont une indemnité de kilométrage doivent tenir un registre de leurs déplacements routiers et que ces réclamations doivent être soumises à des vérifications périodiques; que des reçus sont exigés pour les frais de taxi; et, enfin, que l'Administration du Sénat est tenue de présenter au Comité de la régie interne des rapports mensuels sur les habitudes de déplacement des sénateurs.

L'invitation que le Sénat a lancée au vérificateur général marque simplement un autre pas dans la même direction. Elle permettra à notre institution de rendre davantage de comptes aux Canadiens qui, somme toute, paient les coûts de fonctionnement du Sénat. En ce qui concerne la reddition de comptes et même la réforme du Sénat, les deux gestes posés par nos collègues du Comité de la régie interne, avec un vaste appui des sénateurs, sont probablement plus importants que tout ce qui s'est fait pendant les 144 premières années du Sénat.

J'attends avec impatience de découvrir, grâce aux recommandations et au suivi du vérificateur général, quels sont les points faibles de notre institution et comment on pourrait en améliorer la gestion. Ce rapport nous mènera vers un Parlement plus solide, un Sénat plus solide et un Canada plus solide.

Pour conclure, honorables sénateurs, comme je l'ai dit plus tôt, nous attendons avec impatience l'avis de la Cour suprême du Canada au sujet de la réforme du Sénat. Cela dit, je tenais à profiter de ma participation au débat sur le discours du Trône pour souligner les nombreuses réalisations du Sénat au cours des dernières années.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Journée nationale de la santé et de la condition physique

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Raine, appuyée par l'honorable sénateur Gerstein, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi visant à instituer une journée nationale de promotion de la santé et de la condition physique auprès de la population canadienne.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, cet article est inscrit au nom de la sénatrice Hubley. J'aimerais prendre la parole maintenant, puis ajourner le débat à son nom.

Honorables sénateurs, je suis très heureuse d'appuyer le projet de loi S-211, Loi visant à instituer une journée nationale de promotion de la santé et de la condition physique auprès de la population canadienne, que la sénatrice Raine a présenté au Sénat. Je suis persuadée que nous nous souvenons tous de la fierté que nous avons éprouvée en tant que Canadiens lorsqu'elle a remporté l'argent et l'or aux Jeux olympiques de 1968. C'est la championne idéale pour ce projet de loi. Ayant communiqué depuis longtemps son enthousiasme pour le sport amateur et le ski de tourisme, elle veut maintenant faire du Canada le champion mondial de la santé et de la condition physique.

Merci beaucoup, honorable sénatrice, d'avoir présenté ce projet de loi. J'espère qu'il sensibilisera les Canadiens à l'importance de l'activité physique, et qu'il les motivera en ce sens.

Je suis d'avis qu'il faut en faire davantage pour encourager les Canadiens à faire des activités physiques et sportives. Il ne fait aucun doute que ces activités contribuent de façon positive à la santé et au bien-être. Avec la hausse des coûts en soins de santé et le vieillissement de la population, il faut plus que jamais prévenir la maladie et faire en sorte que les Canadiens de tous âges gardent la meilleure santé possible tout au long de leur vie.

L'activité physique est bien entendu l'une des façons les plus simples et les moins coûteuses d'y parvenir. L'Agence de la santé publique du Canada souligne que l'activité physique joue un rôle crucial dans la santé, le bien-être et la qualité de vie des Canadiens.

(1450)

De façon générale, les gens qui font de l'activité physique vivent plus longtemps et en meilleure santé. Ils sont plus productifs et moins sujets aux maladies et aux blessures. Selon des études, la pratique régulière d'activités physiques réduit les risques de maladie du cœur et d'accident vasculaire cérébral, de diabète de type 2, d'hypertension, d'ostéoporose, de cancer du côlon, de cancer du sein et de dépression. La pratique régulière d'activités physiques et une bonne forme physique facilitent l'accomplissement des tâches quotidiennes. En fait, les recherches montrent que jusqu'à la moitié du déclin des fonctions motrices entre 30 et 70 ans ne sont pas attribuables au vieillissement, mais plutôt à un mode de vie inactif.

L'activité physique est nécessaire pour les enfants : elle favorise une saine croissance. La pratique régulière d'activités physiques chez les jeunes développe la capacité cardiovasculaire, la force et la densité osseuse. Elle leur permet de bien réussir à l'école, d'améliorer leur confiance en soi et d'avoir du plaisir entre amis. La personne qui en fait une habitude lorsqu'elle est jeune est plus susceptible de continuer tout au long de sa vie.

Or, selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de la moitié des Canadiens sont considérés inactifs. C'est d'ailleurs ce qui explique que l'agence ait modifié il y a trois ans les lignes directrices nationales afin de diminuer le temps pendant lequel les adultes et les enfants devraient faire de l'exercice chaque jour. Les nouvelles normes recommandent 60 minutes d'activités par jour pour les enfants âgés de 5 à 17 ans, alors que l'on recommandait 90 minutes auparavant. Les adultes et les aînés devraient faire au moins 150 minutes d'activités physiques par semaine, soit environ 20 minutes par jour, alors qu'avant on recommandait 60 minutes par jour pour les adultes et de 30 à 60 minutes par jour pour les aînés. En diminuant ainsi les cibles et en les rendant plus facilement atteignables, l'agence espère que les gens essaieront de les atteindre au lieu de simplement abandonner.

Au moment où ces lignes directrices ont changé, le Dr Mark Tremblay, directeur du groupe de recherche sur les saines habitudes de vie et l'obésité à l'Institut de recherche du Centre hospitalier pour enfants de l'Est de l'Ontario, a déclaré, au cours d'une entrevue : « Nous sommes loin des objectifs associés à des avantages substantiels pour la santé. » Le médecin a également signalé qu'un grand nombre de Canadiens sont essentiellement sédentaires pendant une proportion de 60 à 70 p. 100 de leurs heures d'éveil.

Une telle inactivité peut coûter cher. Une étude publiée en 2012 a établi à 6,8 milliards de dollars le fardeau économique de l'inactivité physique, ce qui comprend les dépenses directes en soins de santé et les coûts indirects que représente la perte de productivité due aux maladies, à l'incapacité de travailler en raison de blessures et aux décès prématurés. À lui seul, le coût que doit supporter le système de soins de santé a été évalué à quelque 2,4 milliards de dollars par année.

Le manque d'activité physique contribue également à l'obésité. Les statistiques sont effarantes. En 2012, 13,5 millions de Canadiens adultes étaient considérés comme souffrant d'embonpoint ou d'obésité, selon Statistique Canada.

Ce qui inquiète le plus, c'est l'effet de l'inactivité chez les enfants. Les plus récentes données de Statistique Canada révèlent qu'entre 2009 et 2011, près du tiers des enfants âgés de 5 à 17 ans souffraient d'embonpoint ou d'obésité. L'obésité infantile a plus que triplé chez nous au cours des 30 dernières années. Les enfants et les adolescents d'aujourd'hui sont plus lourds, plus gras, plus ronds et physiquement plus faibles que ceux de la génération précédente.

Chaque année, en collaboration avec ses partenaires, ParticipACTION et le groupe de recherche sur les saines habitudes de vie et l'obésité du Centre hospitalier pour enfants de l'Est de l'Ontario, l'organisme Jeunes en forme Canada publie un bulletin de l'activité physique chez les enfants et les jeunes. Il s'agit de l'évaluation la plus complète de l'activité physique chez les enfants et les jeunes du pays.

La note obtenue est de D-. Seulement 7 p. 100 des enfants âgés de 5 à 11 ans et 4 p. 100 des adolescents de 12 à 17 ans respectent les normes fixées dans les nouvelles lignes directrices canadiennes sur l'activité physique pour leurs groupes d'âge. Il n'est pas étonnant que le Canada n'ait pas obtenu la note de passage compte tenu de la sédentarité observée. Seulement 19 p. 100 de la population visée respecte les lignes directrices qui recommandent moins de deux heures par jour devant un écran — télévision, ordinateur, entre autres — pour les enfants et les adolescents.

Il est clair que nous ne sommes pas suffisamment actifs. La plupart des Canadiens, jeunes et moins jeunes, auraient avantage à accroître leur activité physique. Nous avons beaucoup à faire, mais nous faisons du progrès. Dans ma province, une campagne a vu le jour pour aider les citoyens à intégrer davantage d'activités physiques dans leur vie. Intitulée go!pei, la campagne mise sur la marche, la course à pied, le vélo et la randonnée pédestre — des activités qui ne coûtent pas cher, qui requièrent bien peu d'équipement et qui se pratiquent n'importe où. Elle encourage également les choix alimentaires sains et met l'accent sur les aliments produits ou cultivés dans la province.

À sa première année, en 2010, la campagne a attiré plus de 10 000 participants. Depuis, de 5 000 à 8 000 personnes s'y inscrivent ou réinscrivent chaque année. Des programmes sont offerts dans plus de 70 collectivités sur l'île, et ce nombre continue d'augmenter.

La plus récente initiative de go!pei a été lancée dans le cadre des célébrations, en 2014, du 150e anniversaire de la Conférence de Charlottetown. Le projet est d'amener 20 140 habitants de l'île-du-Prince-Édouard à s'inscrire et à travailler ensemble pour atteindre l'objectif de 2 014 secondes d'activité physique cinq jours par semaine, soit un peu plus de 30 minutes par jour. Afin d'encourager les citoyens à s'inscrire et d'appuyer les participants, go!pei et ses partenaires communautaires offriront tout au long de l'année des activités amusantes et accessibles, dont beaucoup conviennent pour toute la famille, et ce, dans toute la province.

De telles initiatives aident à favoriser un mode de vie plus actif et devraient contribuer à réduire le coût des soins de santé dans les années à venir.

Je me réjouis que des programmes tels que go!pei soient mis sur pied dans les provinces. Cela dit, il reste encore beaucoup à faire. Voilà pourquoi j'appuie la désignation d'un jour national pour promouvoir la santé et le conditionnement physique auprès de tous les Canadiens. J'espère qu'il permettra à un plus grand nombre de Canadiens de vivre en santé et plus longtemps.

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, le débat est ajourné.)

Projet de loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'interviens au sujet du projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

On dit souvent que le droit pénal est la déclaration des valeurs les plus fondamentales d'une nation, un énoncé des normes que tous les citoyens doivent respecter. Nous sommes tous prêts à être jugés par l'État en fonction de ces normes : nous admettons que c'est la justice.

Cela dit, chers collègues, le droit pénal n'est pas à sens unique. Nous sommes prêts à être jugés, mais en tant que citoyens, nous avons le droit et même la responsabilité d'être disposés à juger de l'état de la justice dans notre pays. En tant que citoyens, nous portons un jugement sur la façon dont la justice pénale fonctionne. Nous ne le faisons pas en théorie, ou à partir de ce que semblent en dire nos livres de droit, mais en posant des gestes, dans nos tribunaux et nos prisons. De plus, chers collègues, nous le savons tous, et les statistiques sont claires : la justice pénale dans ce pays donne lieu à de véritables injustices.

(1500)

De plus en plus, nos prisons sont remplies non pas de criminels endurcis, mais bien de personnes souffrant de problèmes de santé mentale et de maladies mentales. L'Association canadienne pour la santé mentale appelle ce phénomène la « criminalisation de la maladie mentale ».

Je vous fais part de quelques statistiques du Service correctionnel du Canada. Le nombre de délinquants dont les besoins en santé mentale sont identifiés au moment de leur entrée dans le système a doublé entre 1997 et 2008. Selon l'enquêteur correctionnel du Canada, 62 p. 100 des délinquants qui entrent dans un pénitencier fédéral sont désignés comme ayant besoin d'une évaluation ou de services de suivi en matière de santé mentale. Environ 70 p. 100 des femmes détenues dans les établissements correctionnels fédéraux ont obtenu des services de santé mentale en établissement en 2010-2011. Comme l'a expliqué le sénateur Runciman l'année dernière, un homme sur sept et près d'une femme sur trois sont désignés comme ayant des problèmes de santé mentale au moment de leur entrée en établissement.

Enfin, comme l'a fait valoir en 2012 Ivan Zinger, du Bureau de l'enquêteur correctionnel, les statistiques sur la santé mentale dans nos prisons constituent probablement une faible représentation de la réalité. Pour reprendre ses mots :

[...] les troubles de santé mentale sont généralement sous-signalés dans un contexte carcéral en raison des préjugés, de la peur, du manque de détection ou de diagnostic.

En effet, il fait ensuite valoir que les données omettent un large éventail de troubles de santé mentale, puisque les services correctionnels fédéraux ont une capacité limitée à les évaluer de façon systématique.

Trop souvent, les détenus qui ont besoin de services de traitement en santé mentale n'y ont tout simplement pas accès dans notre système correctionnel et, chers collègues, nos prisons ne sont pas des hôpitaux. Les détenus qui ont des problèmes de santé mentale ne fonctionnent pas bien dans un environnement carcéral. L'enquêteur correctionnel a souligné que le fait même d'être en prison poussait certaines personnes à adopter un comportement perturbateur : agressivité, violence, automutilation, idées suicidaires, retrait et refus ou incapacité de respecter les ordres ou les règles de l'établissement.

Honorables sénateurs, les gardiens et les responsables de nos prisons ne sont pas des professionnels de la santé mentale. Trop souvent, ils ne comprennent pas ce qui se passe, et, pour reprendre encore une fois les propos de l'enquêteur correctionnel, ils interviennent fréquemment en prenant toute une gamme de mesures inappropriées.

En enfermant des gens qui ont des problèmes de santé mentale, notre prétendu système correctionnel fait tout sauf corriger leurs problèmes. Au contraire, le système entraîne ces gens dans une véritable descente aux enfers.

En outre, cette pratique ne fait que stigmatiser encore plus ceux qui souffrent de maladies mentales ou de troubles mentaux. Mme Louise Bradley, présidente de la Commission de la santé mentale du Canada, a succinctement résumé la situation lorsque je l'ai rencontrée dernièrement. Elle a dit que les gens atteints d'une maladie mentale qui se retrouvent dans le système de justice pénale subissent une double stigmatisation en étant considérés comme fous et dangereux.

Honorables sénateurs, nous devons combattre les préjugés associés à la maladie mentale, pas les accentuer.

Nous savons que les préjugés alimentent un cercle vicieux qui fait en sorte que les gens hésitent ensuite à demander l'aide dont ils ont besoin. D'ailleurs, vaincre les préjugés associés à la santé mentale est une priorité de la Commission de la santé mentale du Canada, qui a été créée par le gouvernement actuel à la suite de la mise en œuvre bien accueillie d'une recommandation non partisane du Sénat.

Selon la Commission de la santé mentale du Canada, chaque année, un Canadien sur cinq souffre d'une maladie mentale ou de troubles mentaux. Soyons clairs : la plupart des gens qui vivent avec une maladie mentale ou des troubles mentaux n'ont jamais de démêlés avec le système de justice pénale. Loin d'être les auteurs de crimes, ils sont, selon les recherches, de deux fois et demie à quatre fois plus susceptibles d'être victimes d'un crime violent que n'importe quel autre groupe de la population canadienne.

Voici d'autres faits tirés de publications de la Commission de la santé mentale du Canada.

Deux adultes sur trois qui ont besoin de services de santé mentale ou de traitements ne les reçoivent pas en raison des préjugés associés à la maladie mentale.

Trois personnes souffrant de maladie mentale sur dix ont déjà vu les policiers intervenir à un moment ou à un autre afin qu'elles puissent recevoir des soins.

Deux personnes atteintes de maladie mentale sur cinq ont déjà été arrêtées au cours de leur vie.

Une intervention policière sur 20 met en cause des personnes ayant des problèmes de santé mentale.

Il est rare que les policiers doivent avoir recours à la force lors de leurs interventions auprès des personnes ayant une maladie mentale. Cependant, ces personnes sont plus souvent impliquées dans des fusillades, maîtrisées avec des matraques paralysantes ou tuées lors de telles interventions que le reste de la population.

Dans l'ensemble, les personnes qui souffrent de maladie mentale et sont soupçonnées d'avoir commis un acte criminel sont plus susceptibles d'être arrêtées que les personnes qui n'ont pas de troubles de santé mentale. Bien entendu, il y a des variations selon le type d'infraction et le sexe du suspect, mais en soi, cela est très révélateur et pose de graves problèmes.

Honorables sénateurs, la dure réalité, c'est que les personnes qui ont des problèmes de santé mentale sont surreprésentées dans l'ensemble de notre système de justice pénale. Est-ce que c'est parce que ceux qui souffrent de problèmes mentaux — y compris les troubles mentaux graves — sont plus violents et plus dangereux que les autres Canadiens? La réponse, qui s'appuie sur de vastes travaux de recherche, est catégorique : non. En fait, une étude menée en 2001 par la Dre Heather Stuart et le Dr Julio Arboleda-Florez, qui sont tous deux professeurs au département de psychiatrie de l'Université Queen's, indique que moins de 3 p. 100 des crimes violents sont commis par des personnes atteintes de maladie mentale. Cette proportion grimpe de 7 p. 100 dans le cas des personnes qui ont aussi un problème de toxicomanie. Autrement dit, les chiffres ne justifient tout simplement pas cette surreprésentation.

Donc, quelle est la cause? Certaines personnes, y compris le sénateur Runciman, ont mentionné la désinstitutionalisation, un processus qui a commencé pendant les années 1950 et 1960, à la suite de la découverte des substances psychotropes. On a alors autorisé les patients à quitter les hôpitaux psychiatriques pour être traités dans la collectivité. Cela semblait alors être une approche sensée. Au lieu d'enfermer les gens aux prises avec des problèmes de santé, on leur permettrait de vivre et d'être traités dans la collectivité. Nombre d'intervenants du système de justice pénale sont d'avis que cela a permis à ces gens d'être mieux acceptés socialement et d'être traités avec respect. La plupart des gens qui ont des problèmes de santé mentale parviennent très bien à vivre dans la collectivité. Cela dit, une minorité d'entre eux, et plus particulièrement ceux qui ont beaucoup de besoins complexes, ont été en fait abandonnés en raison de la politique de désinstitutionnalisation.

Les mécanismes de soutien communautaire sur lesquels reposait la politique n'ont jamais vu le jour, ou alors ont été mis en œuvre puis abolis, ou encore ils ne convenaient tout simplement pas. Les différentes ressources, notamment les services de santé, les logements abordables et les mesures de soutien du revenu, étaient insuffisantes.

Cette question me tient à cœur parce que j'ai participé à la planification et à la prestation des services de santé mentale de la Nouvelle-Écosse pendant une bonne partie des années 1970 et des années 1980. Nous croyions sincèrement que, en réduisant le nombre de lits dans les établissements psychiatriques et en laissant les patients vivre dans la collectivité, on agissait pour le mieux et qu'il s'agissait de mesures progressistes. Malheureusement, pour bien des gens aux prises avec les troubles les plus graves, ces mesures n'ont pas eu les résultats espérés.

Cependant, le problème n'est pas seulement attribuable à la désinstitutionnalisation. Il y a un an, le 19 février 2013, le Canadian Medical Association Journal a publié une série d'articles sur l'« emprisonnement des personnes atteintes de maladies mentales ». Les auteurs ne parlent pas de désinstitutionnalisation, mais plutôt de « transinstitutionnalisation », car ces personnes ne quittent pas réellement le milieu institutionnel. Elles sont plutôt institutionnalisées dans d'autres établissements, c'est-à-dire les prisons. Les auteurs citent des spécialistes disant que la transinstitutionnalisation n'est pas le seul facteur. Je vous en lis un extrait :

Selon eux, le programme de répression de la criminalité que met en œuvre le premier ministre Stephen Harper a aussi une incidence considérable sur le nombre de personnes incarcérées.

L'article se poursuit ainsi :

Proportionnellement, un trop grand nombre de malades mentaux se retrouvent parmi les personnes emprisonnées en raison de ce programme de répression de la criminalité [...]

Je reprends les propos du Dr Gary Chaimowitz, directeur du service de psychiatrie légale de l'hôpital St. Joseph's Heathcare, à Hamilton, en Ontario, et ancien président de l'Académie canadienne de psychiatrie et droit. Il dit ceci :

Lorsqu'on commence à arrêter et à incarcérer des gens pour des délits mineurs, on se retrouve avec un plus grand nombre de personnes atteintes de maladies mentales; on se rapproche alors de l'incarcération des malades mentaux [...] Au bout du compte, ces mesures mènent uniquement, selon moi, à l'incarcération d'un plus grand nombre de malades mentaux.

(1510)

En fait, Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, a signalé à maintes reprises que les pénitenciers fédéraux deviennent rapidement les plus grands établissements psychiatriques du pays, où l'on enferme ceux qui souffrent de troubles mentaux.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas d'un problème propre au Canada. Le week-end dernier, le 9 février, le New York Times a publié un article du célèbre chroniqueur Nicholas Kristof intitulé « D'un hôpital psychiatrique appelé prison ». L'article commence ainsi :

Le plus grand centre de soins psychiatriques en Amérique est un énorme complexe situé ici, à Chicago. Des milliers de personnes souffrant de manies, de psychoses et autres troubles s'y trouvent. L'endroit est entouré de hautes clôtures et de barbelés.

Un seul détail : il s'agit d'une prison. Se faire arrêter est la seule manière d'y recevoir un traitement.

Les troubles psychiatriques constituent le seul genre de maladies auquel nous réagissons non pas avec de la sympathie, mais avec les menottes et l'incarcération. Et, comme les moyens plus humains et moins coûteux de traiter la maladie mentale ont subi des compressions, nous avons de plus en plus recours aux outils des forces de l'ordre : les prisons.

M. Kristof a interviewé Thomas Dart, le shérif du comté de Cook, en Illinois, là où est situé ce « plus grand centre de soins psychiatriques en Amérique ». Le shérif Dart a posé la question suivante :

Comment serons-nous perçus dans 20, 30, 50 ans? On nous verra comme ceux qui ont enfermé les malades mentaux.

C'est là une situation très paradoxale : dans une société qui exècre l'idée d'enfermer des personnes dans des hôpitaux psychiatriques, on les enferme plutôt dans des prisons.

Je suis d'accord.

Je cite encore une fois un article paru l'an dernier dans le Canadian Medical Association Journal :

« On peut mesurer le degré de civilisation d'une société en visitant ses prisons. » C'est ce que le géant de la littérature russe, Fiodor Dostoïevski, a écrit sur son exil de quatre ans dans un camp de prisonniers en Sibérie. Selon cette norme, il est difficile de ne pas arriver à la conclusion que le Canada réserve un traitement barbare aux détenus atteints de troubles mentaux [...]

Honorable sénateurs, le projet de loi S-208 est ma façon à moi de dire : « Assez ». C'est ma façon de proposer une piste de solution. Le projet de loi part de la prémisse — énoncée au premier paragraphe du préambule — selon laquelle :

[...] une approche englobante pour la promotion du bien-être mental et le traitement de la maladie mentale contribuerait à la sécurité publique et que cela entraînerait une baisse de la criminalité, de l'incarcération et des coûts associés et assurerait de meilleures chances de réhabilitation et une utilisation plus judicieuse des ressources du système de justice pénale.

Le projet de loi établirait une nouvelle commission canadienne de la santé mentale et de la justice, assortie d'un mandat détaillé qui est clairement énoncé dans la mesure législative. Le Parlement fait ainsi état de ce que nous jugeons nécessaire. La mission de la nouvelle commission est formulée à l'article 4. Il s'agit d'une longue disposition, à l'image de la complexité du problème et du fait que l'objectif est d'adopter une approche réellement englobante. Permettez-moi de lire le début de l'article :

La Commission a pour mission de faciliter, dans tout le Canada, le développement, la mise en commun et l'application des connaissances, des données statistiques et des compétences spécialisées sur les sujets liés à la santé mentale et au système de justice pénale afin de contribuer à la santé, à la sécurité et au bien-être de l'ensemble des Canadiens et d'aider à établir des méthodes appropriées, justes et efficaces pour répondre aux besoins des individus — adolescents ou adultes — souffrant de troubles de santé mentale ou d'une maladie mentale et qui sont pris en charge par le système de justice pénale.

Le texte se poursuit avec une explication détaillée de la façon dont la commission est censée accomplir cette mission, à commencer par un mandat qui consisterait à aborder la prévention du crime grâce à des initiatives visant à améliorer la santé mentale et, chose tout à fait cruciale, à assurer le dépistage précoce et le traitement de la maladie mentale.

La commission aurait également pour mandat d'élaborer des mesures visant à combattre la stigmatisation de la maladie mentale et à dissiper les fausses croyances concernant le lien entre la maladie mentale et la criminalité.

La commission inciterait et participerait à l'examen et à l'élaboration de mesures législatives, de politiques et de pratiques exemplaires répondant aux besoins des individus atteints d'une maladie mentale qui sont pris en charge par le système de justice pénale ou qui risquent de l'être, en vue d'améliorer la santé mentale, de réduire les taux de criminalité et de récidive, ainsi que de protéger la population. Le projet de loi précise que ces mesures législatives, ces politiques et ces pratiques exemplaires porteraient notamment sur le dépistage, l'identification et l'évaluation des problèmes de santé mentale à chacune des étapes du processus de justice pénale; ainsi que sur l'établissement et la mise en œuvre de programmes de dépistage précoce et de déjudiciarisation, de tribunaux de la santé mentale, de programmes de traitement préalables au procès ou de programmes de traitement présentenciels, et de mesures relatives aux peines alternatives, entre autres.

Ces politiques, mesures législatives et pratiques exemplaires porteraient bien entendu également sur l'accès des délinquants à des services et programmes de qualité en soins de santé mentale durant leur incarcération et après leur libération dans la collectivité, et la prestation de ces services et programmes.

Elles incluraient des politiques, mesures législatives et pratiques exemplaires relatives au traitement des individus faisant l'objet d'un verdict de non-culpabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, y compris la prestation à ces derniers et à leur famille de services et de mesures de soutien efficaces après la libération.

Cependant, puisque notre système de justice pénale ne s'occupe pas seulement des malfaiteurs, le projet de loi mandaterait aussi la nouvelle commission pour examiner les besoins en santé mentale des victimes d'actes criminels et de leurs familles et pour chercher des moyens d'aider le système de justice pénale à mieux y répondre.

La commission examinerait aussi les défis sur le plan de la santé mentale, y compris le stress professionnel, que doivent relever les policiers et les agents correctionnels, et elle chercherait des moyens de mieux traiter ces questions.

Elle élaborerait des programmes de formation à l'intention des intervenants du système de justice pénale, notamment les policiers, les fonctionnaires judiciaires, les avocats, les juges et les agents correctionnels.

De plus, la commission serait mandatée pour examiner le lien entre la maladie mentale et la toxicomanie dans le contexte du processus de justice pénale et pour encourager la collaboration entre les intervenants des domaines de la toxicomanie, de la santé mentale et de la justice pénale.

Elle examinerait les incidences des peines minimales obligatoires sur les individus souffrant de troubles mentaux.

Elle encouragerait la prise en compte des déterminants sociaux de la santé dans l'élaboration de stratégies sur la santé mentale et la prestation de services de santé mentale. Nous avons inclus à cet égard une référence aux besoins des collectivités autochtones.

Le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui visent à favoriser ce que je considère comme une collaboration essentielle dans les domaines de la santé mentale et de la justice pénale, tant à l'échelle fédérale qu'avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec les particuliers et les organisations au Canada ou à l'étranger qui possèdent de l'expérience ou des connaissances spécialisées dans ces domaines; autrement dit, chers collègues, on mettrait fin au fonctionnement en vase clos. Les enjeux sont tout simplement trop importants pour que les personnes et les organisations qui peuvent avoir une telle incidence sur la santé et la sécurité de nos familles et de nos collectivités travaillent sans se consulter.

Le projet de loi comporte également une disposition soulignant l'importance des analyses fondées sur des preuves, qui mettent à contribution les recherches et les constatations en sociologie, en criminologie, en psychologie, en psychiatrie et dans d'autres disciplines.

Le dernier élément que je veux mentionner est l'accent mis sur la collecte, l'analyse et la publication de données statistiques et autres au sujet de la santé mentale et de la justice pénale. Plusieurs dispositions portent sur ces activités essentielles.

En ce qui a trait à la structure de la commission, vous constaterez que j'ai confié la responsabilité première d'en choisir les membres au ministre de la Santé, avec l'appui du ministre de la Justice et du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Tous trois ont bien sûr un rôle crucial à jouer, mais je voulais souligner le fait que la santé mentale est, d'abord et avant tout, une question de santé. Afin de tenir compte de notre réelle préoccupation en la matière, le projet de loi prévoit que le ministre de la Santé doit consulter le chef de chacun des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes avant de faire des recommandations concernant la nomination de commissaires.

La commission bénéficierait, pour son travail, de l'aide d'un conseil consultatif de la santé mentale et de la justice. La structure proposée du conseil est décrite dans le projet de loi, mais j'attire l'attention sur le fait que le projet de loi exigerait qu'il comprenne au moins un membre ayant lui-même vécu — ou dont un proche parent a connu — des problèmes de santé mentale tout en étant pris en charge par le système de justice pénale. Plusieurs personnes intervenant sur des questions de santé mentale et de justice pénale m'ont dit à quel point ce serait important.

Honorables sénateurs, plusieurs points dans ce projet de loi font écho à ce que j'ai entendu lors de rencontres avec des personnes et des organismes et à ce que j'ai lu dans plusieurs études et rapports sur cette importante question. Je trouve les idées ni novatrices ni originales, mais je crois que tout le monde reconnaît qu'elles sont appropriées et nécessaires.

(1520)

Par exemple, la santé mentale et le système de justice pénale ont été les sujets à l'ordre du jour d'un grand symposium qui a eu lieu en mai 2011, à Calgary. Il a été organisé par les sous-ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice. Le ministre albertain de la Justice de l'époque, Verlyn Olson, a ouvert le symposium en faisant la déclaration suivante :

Les ministères et les organismes non gouvernementaux ne peuvent pas travailler isolément les uns des autres. La coopération est essentielle pour éviter une approche fragmentaire pour traiter les gens qui souffrent de problèmes de santé mentale.

Je suis de son avis. La coopération est au cœur du projet de loi S-208.

Le ministre de la Sécurité publique de l'époque, Vic Toews, a également pris la parole à ce symposium. Il a dit ceci :

Je tiens à faire une observation importante concernant les limites du système correctionnel fédéral : la prévention de la criminalité et l'intervention adéquate une fois le crime commis signifie que nous devons bien comprendre la portée et l'étendue des défis en matière de santé mentale que notre pays doit affronter. Même si je m'attends à ce que le processus de transition soit long, nous devons arrêter de prendre nos établissements pour un système de soins de santé parallèle après qu'un crime a été commis.

La façon dont nous traitons les personnes atteintes de troubles mentaux touche les valeurs fondamentales de ce pays. C'est une question de compassion et de justice, c'est-à-dire des valeurs que nous chérissons tous en tant que Canadiens.

Nous devons trouver des réponses. Nous devons trouver des solutions. Et tous ensemble, je sais que nous pouvons le faire.

Il y a un an, en janvier 2013, 81 membres du système de justice pénale se sont réunis à Montréal dans le cadre d'un symposium. Il y avait notamment des policiers, des avocats de la défense, des procureurs de la Couronne, des fonctionnaires judiciaires et des représentants du gouvernement de partout au pays. Le sujet de discussion qu'ils ont choisi était le suivant : comment le système de justice pénale peut-il collaborer avec d'autres pour réduire la surreprésentation des personnes atteintes de troubles mentaux dans le système tout en améliorant la sécurité publique?

Je vous recommande la lecture de ce rapport, chers collègues. Il présente un contenu sérieux et réfléchi, en plus d'avoir été produit par des personnes qui s'occupent directement de ce dossier, si je puis dire. En voici un bref extrait :

Il est important de traiter la maladie mentale, mais les programmes et services doivent aussi porter sur les autres facteurs qui sont plus directement responsables du comportement criminel. Pour les individus dont les problèmes relèvent à la fois du système de justice pénale et du système de santé, les participants au symposium estiment que les approches existantes dans les deux secteurs ne sont ni appropriées, ni adéquates. Il faut intégrer les services et procéder à une réallocation des ressources pour le grand groupe de gens vivant avec diverses difficultés de santé et de santé mentale qui aboutissent dans le système de justice pénale et dans les salles d'urgence des hôpitaux. Les stratégies à long terme doivent viser à prévenir la criminalité, à promouvoir la santé mentale et à répondre efficacement aux besoins des personnes atteintes d'une maladie mentale.

Il a été question parmi les participants au symposium d'une « observation fréquemment formulée », soit la nécessité d'offrir des logements stables, y compris des logements de transition, et des mesures d'appui pour gérer les comportements asociaux et les problèmes de toxicomanie.

Les participants ont aussi parlé de la nécessité d'obtenir des services appropriés pour les personnes atteintes d'une maladie mentale à tous les stades du processus pénal. Ils ont insisté sur l'importance de la formation pour tous les intervenants du système de justice. Enfin, ils ont fait valoir qu'il fallait améliorer la qualité des recherches, des statistiques et des autres données et mieux diffuser celles-ci.

Les participants ont ajouté ce qui suit :

À la lumière des problèmes complexes auxquels sont confrontées les personnes atteintes d'une maladie mentale, il est crucial que le système de justice pénale fonctionne en synergie avec les secteurs de la santé, du logement et des services sociaux.

Ils poursuivent en faisant une série de recommandations pour retirer les personnes aux prises avec un trouble de santé mentale du système de justice pénale et aider celles-ci à plutôt tirer parti des programmes et des ressources qui répondent à leurs besoins en matière de santé mentale et à d'autres égards.

Les participants au symposium ont unanimement convenu qu'un système de justice efficace et efficient, dont le but est la sécurité publique, requiert que l'on procède à des interventions qui portent sur les facteurs de santé mentale responsables de l'intersection chronique avec le système de justice pénale. Lorsque cela est possible et selon les faits particuliers de chaque cas, les personnes atteintes d'une maladie mentale devraient être traitées plutôt que punies. C'est pourquoi le symposium a formulé une série de recommandations demandant, entre autres, que la police soit mieux formée à reconnaître les symptômes de maladie mentale et qu'elle ait la capacité d'orienter immédiatement l'individu vers des services de santé plutôt que vers le système de justice pénale. Les procureurs de la Couronne, les avocats de service et de la défense ainsi que les juges doivent également être sensibilisés à ces questions et être informés des solutions pour les personnes atteintes d'une maladie mentale. Les personnes atteintes d'une maladie mentale doivent bénéficier de supports additionnels que ni le système de justice, ni le système de santé ne peuvent fournir, notamment des logements abordables et stables et la possibilité d'acquérir des habiletés d'emploi.

Chers collègues, ce n'est qu'un exemple parmi une multitude d'autres rapports provenant de groupes et d'organismes variés qui œuvrent dans ce domaine, sur la première ligne de la santé mentale et de la justice pénale. Les détails peuvent varier d'un rapport à l'autre — et loin de moi l'idée de prétendre que les auteurs appuieraient l'intégralité du projet de loi S-208 —, mais je crois pouvoir affirmer que tous s'entendraient généralement sur la marche à suivre.

À vrai dire, il n'y a plus une minute à perdre. Trop de temps et trop de vies ont déjà été perdus. Le moment est venu pour le Parlement d'assumer un rôle structurant et de permettre d'y voir un peu plus clair relativement à ce problème épineux et complexe qui a déjà fait de terribles ravages dans la vie de tant de Canadiens et de leurs proches.

Chers collègues, j'espère que nous pourrons renvoyer rapidement ce projet de loi au comité afin que nous puissions l'examiner en détail et entendre de vive voix le point de vue des nombreux Canadiens qui ont des connaissances et de l'expérience en la matière. Ces Canadiens ne demandent rien d'autre que de faire entendre leur voix.

L'honorable Jane Cordy : Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Oui.

La sénatrice Cordy : Les statistiques que vous avez présentées, soit un homme sur sept et une femme sur trois, sont en effet très inquiétantes. Ainsi, dans notre système carcéral, 33 femmes sur 100 éprouvent des problèmes de santé mentale à leur admission dans un pénitencier. Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a mené son étude sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie, nous avons abordé la question de la désinstitutionalisation qui a eu lieu pendant les années 1950 et 1960 et qui était, à mon avis, une bonne idée. Cependant, comme vous l'avez souligné dans votre discours, puisque les réseaux et les logements n'étaient manifestement pas en place pour prendre ces gens en charge, bien des problèmes se sont posés. Les établissements carcéraux sont, en quelque sorte, devenus des institutions psychiatriques.

Il a également été question du fait que le comportement des détenus atteints de problèmes de santé mentale se dégrade parfois en prison et que l'isolement et le retrait de la famille aggravent considérablement la maladie mentale. Avez-vous entendu quoi que ce soit à ce sujet? Selon vous, les gens atteints de maladie mentale ont-ils davantage besoin d'être aidés qu'enfermés?

Le sénateur Cowan : Oui. Les statistiques que j'ai citées proviennent de diverses sources, notamment de la Commission de la santé mentale du Canada. Vous avez aussi signalé, comme moi, que c'est grâce à l'excellent travail du Sénat qu'elle a été créée par le gouvernement — ce qui est tout à son honneur.

Si vous me le permettez, je vais faire une parenthèse. Le problème tient au fait que la Commission de la santé mentale du Canada n'a aucune assise législative. Elle a reçu un mandat — et il est à espérer que le gouvernement le prolongera —, mais elle n'a pas l'assise législative que je propose dans mon projet de loi.

Vous avez tout à fait raison : les statistiques sont déconcertantes. Je me remémore parfois l'époque où je siégeais au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je me souviens que des fonctionnaires du Service correctionnel du Canada venaient témoigner.

(1530)

Je me rappelle un échange en particulier où le sénateur Runciman avait fait part de sa frustration — cette observation est-elle juste, sénateur Runciman? — au sujet de l'incapacité du Service correctionnel du Canada de répondre à ce que nous pensions tous être un grand besoin. Les représentants s'étaient justifiés et excusés en disant qu'ils étaient incapables de trouver du personnel ou qu'il y avait des postes vacants. Nous n'avons jamais compris la raison de cela.

Certes, on s'accorde généralement pour dire que ce n'est pas le système pénal, notre système de justice pénale, qui est censé s'occuper des personnes atteintes de problèmes mentaux qui sont incarcérées. Tout tend à démontrer que les problèmes de ces personnes s'aggravent, au lieu d'être traités, parce que les prisons ne sont pas des hôpitaux. Nous devons reconnaître le rôle et les besoins légitimes du système de justice pénale. Ce dernier doit essayer de prévenir la criminalité, punir les auteurs de crimes, traiter et réadapter ceux qui ont des démêlés avec la justice, protéger correctement les victimes d'actes criminels, mais également répondre aux besoins des personnes qui ont été incarcérées en raison bien souvent des problèmes mentaux dont elles étaient déjà atteintes lorsqu'elles sont prises en charge et qui ne font que s'aggraver durant leur détention.

Ce projet de loi est simplement une tentative et j'espère que nous le renverrons au comité. Nous pourrions convoquer des personnes qui s'y connaissent beaucoup mieux que moi pour en discuter. S'il existe une meilleure façon de mettre en œuvre les mesures qui font l'unanimité entre nous, alors adoptons-la.

[Français]

L'honorable Diane Bellemare : Sénateur Cowan, ce que vous venez de dire révèle un peu l'ampleur de la problématique. Je me demandais s'il n'y avait pas déjà des institutions actuelles, comme l'Agence de la santé publique du Canada, qui pourraient avoir des mandats liés à cette problématique, possiblement en matière de prévention.

J'aimerais savoir précisément si vous avez pensé à des organismes qui existent déjà auxquels on pourrait greffer cette mission, parce que la problématique est évidemment très importante. Je vous remercie.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Merci, sénatrice Bellemare. C'est une très bonne question. J'ai rencontré les représentants de la Commission de la santé mentale et j'ai discuté avec eux des propositions contenues dans le projet de loi. J'espère qu'ils vont venir. En fait, je suis persuadé qu'ils vont venir nous présenter leur point de vue quant à la façon dont ils pourraient intervenir. Plusieurs organismes font de leur mieux. Ce que j'ai essayé de faire, c'est de montrer ce qu'il faut faire, compte tenu de l'ampleur du problème. Loin de moi l'idée de dénigrer l'excellent travail réalisé par les autres organismes. Je tente plutôt de montrer notre engagement en tant que parlementaires à lutter contre ce problème.

Nous avons besoin d'une entité précise, chargée de lutter contre ce problème en vertu d'un mandat prévu par la loi. Je pense qu'il ne s'agit peut-être pas du moyen parfait et qu'il pourrait donc être modifié pour répondre aux besoins. Nous pourrions être en mesure d'adapter le mandat d'un organisme existant pour atteindre cet objectif. Toutefois, aucun organisme n'a le mandat précis d'assumer les fonctions que je propose dans le projet de loi. C'est pourquoi j'ai présenté cette mesure législative.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous parler du projet de loi S-206, qui vise à protéger les enfants contre la violence éducative ordinaire.

Au fil des réactions de certains parlementaires, de certains groupes religieux, de certains médias conservateurs et d'une partie de l'opinion publique, je vois bien qu'une forme d'incompréhension demeure sur les enjeux et la portée de ce projet de loi. Certains le caricaturent en le réduisant à un projet de loi anti-fessée, d'autres le dénigrent en estimant qu'il y a plus important à traiter. D'autres encore, comme les animateurs de Sun News, Brian Lilley et Michael Coren, semblent penser qu'il s'agit là de l'extravagance d'une femme qui est, de plus, progressiste — imaginez l'horreur d'être une libérale progressiste! Bref, ces gens estiment que mon projet de loi est inutile, farfelu et dangereux pour les parents.

À ce stade de mon introduction, je me permets un rappel. S'il est vrai que la Cour suprême, le 30 janvier 2003, a estimé, à six juges contre trois, l'article 43 du Code criminel comme constitutionnel, elle n'en a pas moins limité la portée de manière très significative.

Pourquoi limiter la portée de l'article 43? Selon la juge en chef McLachlin, qui a précisé les motifs de la majorité, et je cite :

[...] il existe d'importants terrains d'entente chez les experts des deux parties.

Quelles sont ces limitations qu'apporte la Cour suprême?

Les actes de violence physiques faits aux enfants sont limités à ceux âgés entre, approximativement, 2 et 12 ans. Ces châtiments corporels, pour demeurer raisonnables, ne peuvent être infligés à l'aide d'un objet ou, encore, être portés à la tête de l'enfant.

J'attire votre attention sur ce point : la Cour suprême a limité la portée de l'article 43 en raison du fait qu'il existe d'importants terrains d'entente chez les experts des deux parties, c'est-à-dire que la Cour suprême reconnaît la nocivité de la violence éducative. Autrement dit, le demandeur et le défendeur, dans ce cas-ci, étaient d'accord.

Voici comment s'exprimait la juge en chef à ce sujet, elle qui, je le rappelle, était favorable au maintien rétréci de l'article 43 :

Le châtiment corporel infligé à un enfant de moins de deux ans lui est préjudiciable et n'est d'aucune utilité pour corriger, vu les limites cognitives d'un enfant de cet âge. Le châtiment corporel infligé à un adolescent est préjudiciable en ce sens qu'il risque de déclencher un comportement agressif ou antisocial. Le châtiment corporel infligé à l'aide d'un objet, comme une règle ou une ceinture, est préjudiciable physiquement et émotivement. Le châtiment corporel consistant en des gifles ou des coups portés à la tête est préjudiciable. Ces formes de châtiment, pouvons-nous conclure, ne sont pas raisonnables.

Et c'est toujours la juge qui le dit.

Par conséquent, de l'aveu même de la Cour suprême, la violence éducative est préjudiciable sur des enfants de moins de 2 ans et de plus de 12 ans. Outre le fait que la cour crée une discrimination basée sur l'âge, par quel mystère la Cour suprême peut-elle estimer que la nocivité de cette violence disparaît entre 2 et 12 ans? Et j'ajouterais : par quel mystère la cour peut-elle estimer qu'une méthode d'éducation serait nocive à l'école sur un enfant âgé entre 2 et 12 ans — puisque c'est interdit maintenant —, et bonne à la maison pour le même enfant?

Alain Robert Nadeau, avocat, membre du Barreau du Québec et docteur en droit constitutionnel, explique cela ainsi, et je cite :

En faisant abstraction pour le moment des considérations d'ordre essentiellement juridique, il nous est possible d'affirmer que la décision de la Cour suprême semble s'être appuyée sur quatre postulats : 1) la violence physique faite aux enfants est utile à leur éducation; 2) la violence morale, bien qu'on l'évoque en passant, est sans importance; 3) les enfants ne jouissent pas de la même protection constitutionnelle que les adultes; 4) l'infliction de châtiments corporels est acceptée tant dans la société canadienne que dans les sociétés libres et démocratiques, en ce sens qu'elle fait l'objet d'un vaste consensus social.

Or, ces postulats, qui reposent manifestement sur une vision morale du XIXe siècle, sont hautement contestables, ne serait-ce que parce que les deux premiers sont en contradiction avec la connaissance scientifique moderne sur le développement de l'enfant et que les deux derniers évoquent un consensus social dont aucune preuve n'a été faite à la cour et qui est contredit par les sondages, puisqu'une majorité de Canadiens condamnent l'usage de la correction physique parentale.

(1540)

Alain Robert Nadeau ajoute ceci :

À vrai dire, tant les postulats moraux, particulièrement celui qui veut que la violence faite aux enfants peut servir à leur éducation, que la justification juridique, la non-reconnaissance du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, la répudiation de ses propres principes d'interprétation en ce qui a trait au droit international, ainsi que l'utilisation de cette technique de l'interprétation atténuée — sur lesquels se fonde cette décision — m'apparaissent en porte-à-faux avec les principes judiciaires établis par la Cour suprême du Canada.

Et le docteur en droit constitutionnel de conclure :

Bien que l'on puisse prétendre, dans certaines chaumières, que l'invalidation de cette disposition aurait eu pour effet de « criminaliser les rapports familiaux », il ne faut pas oublier que son effet véritable, du moins une fois dépouillé de son enrobage, est de permettre que des enfants âgés de deux à 12 ans subissent des voies de fait [...]

— puisque si on le fait sur l'enfant du voisin, c'est une voie de fait.

C'est pourquoi j'estime que le ministre de la Justice et procureur général du Canada doit proposer un amendement législatif au Code criminel, afin de faire échec à cette décision de la Cour suprême.

La juge Arbour disait la même chose lorsqu'elle faisait appel au législateur :

L'invalidation de l'article 43 pour cause d'imprécision est la réparation la plus convenable étant donné que c'est le législateur qui est le mieux en mesure de revoir cette disposition imprécise et controversée.

Donc, la Cour suprême a renvoyé cette question au Parlement.

Cet appel, je l'ai entendu. Et, comme je l'ai dit plus tôt, Mme Robertshaw m'a contactée et j'ai travaillé avec elle pendant plusieurs années. C'est pourquoi j'ai déposé le projet de loi S-206. Or, compte tenu du fait que la décision de la Cour suprême du 30 janvier 2003 est largement fondée sur des postulats moraux, en contradiction même avec les connaissances scientifiques actuelles, il n'est pas surprenant de trouver, au sein de l'opinion publique, un déficit de compréhension et d'information sur ce sujet. Aussi, je vais axer principalement ce discours sur la pédagogie, en expliquant par des situations concrètes pourquoi la violence éducative est toujours une erreur, et comment elle a des conséquences négatives sur l'enfant, tout en minant l'autorité de la personne qui l'exerce, contrairement à son objectif.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, honorables sénateurs, de replacer ce discours dans le contexte de mes trois discours précédents, tenus alors que je défendais des projets de loi similaires — plusieurs d'entre vous n'étaient alors pas là.

Dans mon discours de mai 2009, je vous rappelais que ce n'est qu'au Ve siècle que la religion catholique a inventé, à partir de l'interprétation des Saintes Écritures, le dogme du péché originel, selon lequel l'enfant était un être corrompu. J'ajoutais que, ensuite, saint Augustin a théorisé le péché originel en interprétant les pleurs d'un bébé comme la preuve de l'existence du péché. On voit que c'est hautement scientifique. Je citais Olivier Maurel, professeur de lettres en France, fondateur de l'Observatoire sur la violence éducative ordinaire, qui parle d'une conception pessimiste de l'enfant qui a renforcé la croyance populaire en la nécessité de corriger les enfants par la violence.

En revanche, dans mon discours de juin 2010, je vous rappelais que ce n'est que depuis 100 ans, sinon moins, que la science a fait des découvertes significatives, au point qu'on veuille aujourd'hui inverser les pratiques éducatives parentales enracinées depuis des siècles dans nos croyances. J'ai déjà mentionné, évidemment, que, dans le droit romain également, le père de famille pouvait tuer sa femme, ses enfants et ses serviteurs. Donc, la violence dans la famille n'existe pas depuis la semaine dernière.

En novembre 2007, mon discours évoquait notamment une grande étude de Statistique Canada portant sur 2 000 enfants à travers le pays, suivis pendant six ans, ainsi que son rapport intitulé Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes : milieu familial, revenu et comportement des enfants. Tous deux démontraient les impacts négatifs concrets de la violence éducative.

En 2010, je vous expliquais que, contrairement au postulat de l'église, l'agressivité n'est pas innée chez l'homme, précisant que c'était désormais un consensus scientifique mondial exprimé par la déclaration de Séville en 1986, et diffusé par l'UNESCO en 1989. Pour l'anecdote, j'évoquais dans ce discours ces missionnaires français arrivés au Canada au XVIIIe siècle, qui furent stupéfaits de constater que les Amérindiens ne frappaient jamais leurs enfants.

En 2009, j'évoquais Darwin et Freud. L'analyse contemporaine de leurs travaux contradictoires nous amène à conclure que l'être humain n'est pas violent par nature, mais qu'il apprend à être violent.

Honorables sénateurs, en d'autres termes, cela signifie que nous avons légitimé l'usage de la violence dans l'éducation des enfants car, en l'absence de la science, nous nous sommes basés sur des croyances et des données empiriques qui, pour certaines, remontent à l'Ancien Testament. Or, après 2 000 ans, voilà que tout s'écroule en quelques décennies. Les études publiées par les administrations gouvernementales, les neuroscientifiques, les médecins, les biologistes, les sociologues d'Amérique et d'Europe aboutissent à la même conclusion : la violence subie dans l'enfance freine le bon développement des enfants, a des répercussions sur le devenir de l'adulte et laisse une empreinte sur notre descendance.

J'ai donc bien conscience que mon projet de loi heurte 2 000 ans de convictions erronées et de fausses représentations. Certains me disent : « Soit, mais nous risquons de criminaliser les parents », et à ceux-là j'ai déjà répondu, notamment dans mon discours de 2010 :

Ceux qui prétendent que ces dispositions entraîneraient la criminalisation des parents ou des tuteurs pour des raisons soi-disant banales, disais-je à l'époque, font preuve de mauvaise foi. Les articles 34 et 37 du Code criminel autorisent toute personne à avoir recours à la force nécessaire pour se défendre ou pour défendre toute personne placée sous sa protection. De plus, les moyens de défense fondés sur le principe de minimis et de nécessité, que l'on retrouve dans la common law, protègent déjà les parents, indépendamment de l'article 43.

La juge Arbour l'expliquait très bien dans l'arrêt de la Cour suprême de 2003 qui parlait de l'invalidation de l'article 43 à ce moment-là :

[L'invalidation de l'article 43] n'exposera pas les parents et les personnes qui les remplacent à l'application systématique du droit criminel pour le moindre geste qui constitue strictement parlant des voies de fait. Les moyens de défense de common law fondés sur la nécessité et le principe de minimis protègent suffisamment ceux et celles, parmi eux, qui adoptent un comportement excusable ou anodin. La nécessité comme moyen de défense repose sur la constatation réaliste de la faiblesse humaine et reconnaît que, dans certaines situations urgentes, la loi ne tient pas les gens responsables lorsque leur instinct normal les pousse à l'enfreindre pour se protéger eux-mêmes ou pour protéger autrui.

Cette année, j'ai voulu aller plus loin. J'ai donc rencontré, pour en discuter, l'ambassadeur de Suède, Son Excellence Teppo Tauriainen, l'ambassadeur du Danemark, Son Excellence Niels Abrahamsen, et le haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande, Son Excellence Simon Tucker, tous trois de pays qui ont aboli le droit au châtiment corporel.

En Suède, cela fait 34 ans que la loi a supprimé la violence des outils éducatifs parentaux. Au Danemark, cela fait 16 ans. En Nouvelle-Zélande, pays du Commonwealth, dont la tradition parlementaire britannique est similaire à celle du Canada, cela fait six ans.

[Traduction]

Ces rencontres ont eu lieu il y a quelques mois, le 27 novembre et le 4 décembre. La conclusion était assez claire : les parents ne sont pas trouvés coupables d'un acte criminel — ni en Nouvelle-Zélande, après 6 ans, ni au Danemark, après 16 ans, ni en Suède, après 34 ans. Comme l'a dit l'ambassadeur de Suède, la loi n'a aucunement criminalisé le comportement des parents.

L'ambassadeur de Suède a également réfuté le rapport alarmiste popularisé par certains médias qui rapporte qu'un psychiatre suédois, le Dr David Eberhard, aurait déclaré que l'autorité parentale est compromise en Suède et que le pays est en voie de produire des générations d'enfants gâtés. Or, le Dr Eberhard s'est plaint de la façon dont ses propos avaient été interprétés dans les médias. Il souligne qu'il est contre le châtiment corporel des enfants et qu'il avait simplement voulu signaler le problème des parents qui n'assument pas toujours leurs responsabilités parentales et qui n'imposent aucune limite à leurs enfants. Il soutient néanmoins que la violence et la force ne devraient jamais être employées.

L'ambassadeur de la Nouvelle-Zélande a fourni quelques statistiques, qui sont également disponibles sur Internet. Depuis que l'article 59 du Code criminel de la Nouvelle-Zélande a été abrogé et que le pays a commencé à tenir des statistiques sur la violence faite aux enfants, il y a eu huit poursuites judiciaires pour gifle assénée à un enfant. Huit poursuites en cinq ans, c'est-à-dire entre 2007 et juin 2012, date de dépôt du rapport de police le plus récent. De plus, selon les services policiers néo-zélandais, le nombre de cas était encore inférieur dans les six premiers mois de 2012.

(1550)

L'ambassadeur m'a confirmé que, depuis 2007, aucun gouvernement ni aucune assemblée législative de la Nouvelle-Zélande n'a envisagé de remettre en question la loi sur la protection des enfants au pays. Par conséquent, permettez-moi de déclarer sans équivoque : quiconque prétend que le projet de loi S-206 risque d'incriminer les parents fait de la propagande pure et simple. C'est un mythe, un mensonge et une tactique de manipulation. Les parents canadiens ne courraient pas plus de risque que les parents de la Nouvelle-Zélande, du Danemark ou de la Suède.

[Français]

Et d'ailleurs, mon projet de loi ne vise pas à punir. Il vise d'abord à protéger les enfants, mais aussi à aider les parents dans leur objectif éducatif et, enfin, à concourir à bâtir une société sereine, car il est démontré que nous apprenons la violence et que nous la reproduisons. Pour le cas des jeunes dans les cours d'école qui se battent, l'exemple vient de la maison.

Oui, mon projet de loi vise aussi à aider les parents à faire preuve d'autorité sans violence, car les pédiatres expliquent que l'autorité s'exerce d'autant mieux qu'elle est non violente. Le parent gagnera d'autant plus le respect de son enfant en parvenant à le faire obéir avec son intelligence.

D'autres personnes disent qu'une fessée ne constitue pas de la violence, que ce n'est pas de la maltraitance et que cela ne peut pas faire de mal. C'est précisément à cette erreur de jugement que je vais répondre aujourd'hui.

Le 5 juillet 2011, je rencontrais à Paris une députée du parti de Nicolas Sarkozy, Mme Edwige Antier. C'est une pédiatre qui a aussi une formation universitaire en psychopathologie. Elle venait de déposer un projet de loi pour abolir les châtiments corporels dans l'éducation des enfants en France.

Elle précisait que c'était une disposition du Code civil en France, et non du code pénal. Autrement dit, pour elle non plus il ne s'agissait pas de punir ou de criminaliser les parents. Au contraire, sa proposition de loi était assortie d'une aide à la parentalité avec une politique publique de prévention en matière de châtiments corporels.

Dans le même esprit, mon projet de loi est assorti d'un sursis d'un an pour permettre une campagne d'information et de sensibilisation auprès des parents, comme l'actuel gouvernement ne se prive pas de le faire dans d'autres domaines.

Edwige Antier a 40 années de pratique en pédiatrie. Quarante années! Elle précise, dans son livre intitulé L'autorité sans fessée, qu'elle possède une expérience clinique étalée sur deux générations. Son ouvrage explique aussi les ravages de la violence éducative ordinaire, un recul qui lui permet d'affirmer qu'une loi est absolument nécessaire.

Comment une simple claque ou une fessée occasionnelle peuvent-elles être néfastes pour l'enfant? Elle nous dit que, généralement, un coup vient avec des menaces, des paroles violentes et des humiliations, même petites, autant de conditions qui créent un climat toxique, anxiogène, qui se répercute sur le cerveau de l'enfant.

Mme Antier écrit ce qui suit :

Les violences, petites ou grandes, créent un fond d'angoisse. La peur, la douleur déclenchée par ces gestes violents font sécréter des hormones du stress qui changent le travail des circuits hormonaux et entraînent des liaisons neurophysiologiques modifiant la personnalité et entraînant des troubles de comportement.

Elle ajoute ceci :

Ces conséquences sont visibles désormais grâce à l'imagerie médicale.

On a donc des preuves scientifiques à cet effet. Mme Antier ajoute ce qui suit :

En effet, en imagerie médicale par IRM, on arrive à montrer comment les enfants qui ont reçu gifles et fessées ont eu un hippocampe moins développé...

L'hippocampe est une partie du cerveau impliquée dans la régulation de l'humeur, de la mémoire et de l'apprentissage.

... en plus d'avoir d'autres zones du cerveau affectées. Il n'est donc pas étonnant que les enfants élevés dans un environnement toxique connaissent à divers degrés des troubles du développement, de la personnalité, du comportement et de l'apprentissage.

Mme Edwige Antier précise :

L'imagerie médicale montre comment s'impriment dans le cerveau, dès les premières années, les gestes reçus par les parents, en particulier, et comment l'être humain les reproduira ensuite, convaincu qu'il les avait bien mérités et qu'il est en droit de les répéter sur sa descendance. J'ajoute que ces gestes seront d'autant plus répétés que la société les considérera comme légitimes, normaux, voire essentiels pour l'éducation des enfants.

Mme Antier dit également ce qui suit :

Le jour viendra où l'imagerie fonctionnelle montrera les effets des claques sur le tissu nerveux, effets directs par de minimes saignements, mais surtout effets indirects par la sécrétion des neuromédiateurs de la peur, de la honte et surtout de l'inhibition.

Il y a une expérience en laboratoire, qui est éloquente, qu'explique Dr Alice Miller. Cette dernière a un doctorat en philosophie, psychologie et sociologie.

Cette expérience étudie les conséquences de la violence sur des rats qui sont dans l'impossibilité de fuir ou de combattre. Or, les hormones du stress qui sont normalement destinées à assurer ces deux fonctions, la fuite et le combat, se retournent en quelque sorte contre l'organisme et l'autodétruisent. La tension monte, les tissus gastriques sont atteints mais aussi les neurones. Certaines parties du cerveau, le corps calleux et l'hypophyse s'atrophient littéralement, comme cela a pu être vérifié au scanner. Or, la situation de l'enfant frappé est exactement comme celle du rat, qui ne peut ni fuir, ni combattre, ni se défendre.

Qui plus est, pour l'enfant l'expérience se répète souvent tout au long de la période pendant laquelle son cerveau se forme et ses neurones s'interconnectent. Le système de sauvegarde, système fondamental pour l'équilibre de l'individu, ne peut qu'être gravement perturbé par une telle répétition, car il faut bien comprendre que l'enfant n'est pas équipé de façon innée pour se défendre des coups qu'il reçoit de ceux dont dépend sa survie.

Edwige Antier ajoute ceci :

Au contraire, le jeune enfant a besoin de se sentir en sécurité affective pour développer ses capacités cognitives.

La violence n'est pas dans la nature de l'homme. La Dre Edwige Antier précise qu'aucune mère primate n'adopte à l'égard de ses bébés des comportements semblables à nos punitions corporelles. Frapper un enfant n'est pas naturel pour la maman. C'est la mémoire des tapes qu'elle a reçues et le discours sociétal sur la nécessité des châtiments corporels qui poussent la maman humaine à taper la petite main ou la couche du bébé.

Voilà donc, honorables sénateurs, quelques éléments de réponse à ceux et celles qui estiment que les claques et les fessées seraient sans conséquence sur l'enfant. Je vous le dis tout simplement. Le bon sens familial qui puise ses racines dans nos habitudes séculaires et nos croyances religieuses est désavoué depuis 100 ans par la science.

En effet, à partir du XVIIIe siècle, en Europe, l'émergence de la science et de la raison et, au XIXe siècle, le développement de la psychanalyse et de la psychiatrie ont fait prendre conscience de l'impact de la violence sur nos sociétés que la littérature commença également à dénoncer. Cela a contribué à amorcer la baisse du seuil de la violence socialement acceptée.

Il s'en est suivi un début d'apaisement des sociétés, particulièrement en Europe, en dépit de deux guerres mondiales dont la violence fut à la hauteur du conditionnement brutal de la jeunesse à l'époque. Progressivement, notre tolérance à la violence a diminué, que ce soit à l'école ou dans les foyers, d'abord envers les femmes, puis envers les enfants.

Il nous reste encore du chemin à parcourir. Nous considérons comme de la maltraitance une violence manifestement excessive, visuellement insupportable, ostentatoire, comme on dirait au Québec. Mais nous acceptons encore une violence insidieuse, un goutte-à-goutte tout aussi cruel et redoutable pour le développement harmonieux de nos enfants : la violence éducative ordinaire, qui s'exprime par les claques, les fessées et les humiliations répétées.

Plus je me documente sur ce sujet, plus je constate que la violence éducative est utilisée par le parent parce qu'il ne comprend pas les étapes du développement de son enfant, car il faut se l'avouer : contrairement à ce qu'a mentionné le premier ministre Harper dans son dernier discours du Trône, tous les parents ne sont pas les meilleurs experts en matière d'éducation de leurs enfants, et je vais vous en parler. En d'autres termes, la violence pourrait être supprimée si les parents pouvaient avoir de meilleurs outils pour décoder leurs enfants et leur autorité en serait même renforcée. Je vous donne quelques exemples.

Mme Antier nous dit ce qui suit :

Il faut comprendre que l'enfant est comme un extraterrestre qui arrive sur une planète nouvelle. Il a besoin d'en connaître son environnement et d'en connaître les codes en permanence.

Elle précise que ni la contrainte ni la violence ne seront d'aucune utilité pour empêcher son énergie de déborder, car cette soif de découverte est aussi vitale pour l'enfant que l'oxygène lui est nécessaire pour respirer. Comprendre comment fonctionne le monde qui l'entoure est son travail.

Par conséquent, plutôt que d'essayer de contraindre ce boulimique de la découverte, il faut l'accompagner, y mettre des mots, du sens, le nourrir d'actions et d'expérimentations. L'enfant attendra alors son parent comme un guide et les limites pourront être fixées sans violence. Les bêtises viennent le plus souvent de l'ennui, qui oriente l'enfant vers l'exploration d'objets interdits. Lui refuser l'accès à quelque chose peut s'obtenir sans drame ni violence lorsque le parent réoriente l'attention et la curiosité de l'enfant vers autre chose.

(1600)

Je parle des jeunes enfants, qui sont plus frappés que les autres. Les enfants entre 3 et 6 ans sont ceux qui reçoivent le plus de corrections physiques. Enfin, lorsque des limites s'imposent, il convient de mettre l'enfant au repos avec des jouets dans un endroit familier, sans humiliation. Le parent garde le contrôle de son humeur, ainsi que du temps durant la mise à l'écart.

[Traduction]

Maintenant que nous avons établi ce cadre, prenons l'exemple d'une petite tape sur la main pour montrer à un enfant qu'il n'a pas le droit de toucher à un objet sur la table. On espère ainsi que la douleur ressentie fera comprendre à l'enfant que ce geste n'est pas permis. La Dre Antier fait toutefois valoir que :

[...] les enfants ne fonctionnent pas de cette façon. La découverte est essentielle pour eux. Si on laisse un enfant seul avec un objet intéressant à explorer, mais qu'on le prévient d'abord qu'il n'a pas le droit d'y toucher, il préférera risquer de recevoir une tape sur la main plutôt que de rater l'occasion d'explorer l'objet.

En résumé, la pédiatre fait remarquer qu'en frappant un enfant, on ne fait que lui apprendre à défier notre autorité. Il vaudrait mieux retirer l'objet de la table et le remplacer par un autre pour détourner son attention tout en nourrissant sa curiosité.

[Français]

Votre enfant refuse de descendre du manège, fait une crise, et vous finissez par lui donner une fessée pour vous faire obéir. Bon, vous pensez que votre enfant a un caractère fort et qu'il faut affirmer votre autorité. En réalité, ces petites crises, très fréquentes vers l'âge de 2 ou 3 ans, marquent un phénomène psychique appelé « persévération ». Antier le décrit ainsi : « L'enfant pense en boucle, le circuit lancé ne parvient pas à s'interrompre et l'angoisse l'envahit si on lui demande de briser la boucle mentale de façon soudaine et menaçante. »

Mieux vaut alors, conseille le pédiatre, associer le décompte des tours de manège à un petit jeu et accompagner tranquillement l'enfant « à voir le temps » pour l'aider à passer ce cap difficile qui n'est pas un caprice.

Autre exemple, à cinq ans, vous lui demandez de ranger sa chambre. Après une heure, vous constatez que rien n'est fait, alors vous sévissez avec une claque. Vous ne pouvez malheureusement pas le faire chez les adolescents, parce que ce n'est pas permis pour les parents. Mais à cet âge, dit le pédiatre, il est trop tôt pour ranger sa chambre seul. L'enfant, qui part d'une bonne volonté, sera vite déconcentré par son imaginaire vagabond au milieu de ses jouets et finira même par oublier la demande de rangement. Mieux vaut partager ce temps de rangement avec lui en le rendant ludique. C'est ainsi que vous l'éduquerez au plaisir de ranger, conseille Antier. Autrement, sous l'effet de la peur ou de la violence, l'enfant finira par tout entasser sous son lit, et vous ne lui aurez appris que l'art de la dissimulation.

Je pourrais multiplier les exemples où la violence éducative est exercée à la suite d'une mauvaise interprétation de la réalité, une méconnaissance des parents.

Cette violence est toujours au désavantage de l'enfant et même au désavantage de la relation parent-enfant, mais s'il fallait ne retenir qu'une formule, ce serait celle-là : « Dans l'éducation des enfants, il faut apprendre à être plus fort avec sa tête qu'avec ses mains. »

[Traduction]

Les conséquences de la violence éducative faite aux enfants sont nombreuses. Une telle violence répétée au cours du développement de l'enfant peut avoir des conséquences troublantes sur plusieurs plans. Les pédiatres et éducateurs ont remarqué un manque d'empathie et de compassion chez bien des enfants qui ont grandi dans un milieu toxique. Ce manque entraîne généralement l'introversion ou une incapacité à exprimer ses émotions. Ces enfants s'endurcissent et développent un sentiment de ressentiment de même qu'une soif de vengeance refoulée. Ils règlent leurs conflits par la violence, et c'est sans compter les conséquences sur l'apprentissage, le décrochage scolaire et même les idées suicidaires.

Cependant, selon Edwige Antier, les enfants élevés sans violence ni menace de coups « présentent de meilleures facultés d'apprentissage et une plus grande soif de connaissances; ils développent davantage leur imagination et cherchent à résoudre les conflits de manière pacifique ».

L'article 43 du Code criminel du Canada autorise les parents de notre société à commettre des actes de violence. Évidemment, ce n'est pas tout le monde qui a recours à la violence. D'ailleurs, 80 p. 100 de la population ne croit pas en cette méthode. Certaines personnes l'emploient avec parcimonie, alors que d'autres abusent de ce privilège. Les reportages effectués récemment sur la secte juive Lev Tahor, établie au Québec, et la communauté mennonite du Manitoba ne présentent qu'une infime partie des cas où des enfants sont maintenus en captivité par des parents que nous avons autorisés à commettre des actes de violence.

En mai dernier, le gouvernement de l'Alberta a présenté le projet de loi 25, la Children First Act, qui protège les enfants contre la violence familiale. Ce projet de loi exigerait la création d'un nouveau comité gouvernemental chargé d'étudier ce type de violence. Le gouvernement de l'Alberta cherche à étendre son rôle de protecteur à l'égard des enfants, à réviser ses lois sur l'enfance et la famille, et à redéfinir les lois pénales qui peuvent toucher les enfants.

L'Alberta affiche le deuxième taux de violence conjugale en importance au pays. Selon l'ancien ministre des Services à la personne de l'Alberta, Dave Hancock, le taux de violence familiale en Alberta est inadmissible, et on sait que cette forme de violence a des effets à long terme sur les victimes, c'est-à-dire les enfants et les femmes. M. Hancock a ajouté que le nouveau comité gouvernemental permettra de déterminer les changements utiles et nécessaires afin de mieux protéger les Albertains les plus vulnérables.

Enfin, selon le gouvernement de la province, ces changements mèneront à l'élaboration d'une charte de l'enfance.

Comme vous pouvez le constater, l'article 43 du Code criminel du Canada, qui autorise des actes de violence, est comme une épée de Damoclès suspendue de façon permanente au-dessus de la tête des enfants canadiens. Cette menace est d'autant plus inacceptable que les enfants canadiens sont des personnes qui ont des droits, qui constituent un groupe vulnérable de la société, et qui dépendent entièrement de leurs parents.

[Français]

Notre société accepte d'accorder ce permis de violence aux parents parce qu'elle a toujours défendu la perspective des parents — qui, eux, peuvent rencontrer leur député, mais pas les enfants —, qui réclament le droit de posséder ce permis alors que même la science leur dit aujourd'hui que c'est non seulement inutile, mais, en plus, dangereux et contreproductif. A contrario, 34 pays dans le monde ont choisi de changer et de défendre désormais la perspective de l'enfant en révoquant ce permis de violence archaïque. D'autres pays ont commencé à s'interroger, comme le Brésil, le Mali, le Pakistan, le Paraguay, les Philippines et certains États d'Europe et des États-Unis. C'est une tendance de fond. Elle ne s'arrêtera pas et elle est conforme à la charte des droits de l'enfant des Nations Unies. Ces gens sont en train de réfléchir. Ces 34 pays ont déjà adopté des mesures.

Ici, au Canada, nous pouvons faire tomber cette menace. Nous pouvons décider de protéger les enfants, ces citoyens qui ont besoin de l'intervention du Parlement et du gouvernement. Pour ce faire, nous devons adresser aux parents un message clair : la violence n'est d'aucune façon un outil éducatif. L'autorité s'exerce d'autant mieux qu'elle est non violente, et nos enfants s'épanouiront d'autant mieux qu'ils auront grandi au sein d'une famille qui aura compris les étapes de leur développement.

Ce faisant, nous pourrions aider les gouvernements provinciaux comme l'Alberta à lutter contre la violence familiale. Je suis en train de faire le tour des gouvernements provinciaux pour avoir leur appui. J'ai eu une réponse fantastique de l'Ontario, et je verrai la Colombie-Britannique sous peu.

C'est dans cette voie de changement, honorables sénateurs, que je vous propose d'avancer, sans risque pour les parents et en supprimant les risques qui pèsent sur nos enfants. Nous n'avons rien à perdre et tout à gagner. C'est pourquoi je vous invite à appuyer le projet de loi S-206. Je conclurai par cette phrase de Ken Gersten : un enfant terrible est un enfant terriblement malheureux.

Je vous invite tout simplement à vous rappeler ceci : peut-être que, en tant que sénateurs, nous n'avons pas de vote, évidemment, pour les enfants qui ne subiront pas de punition corporelle entre 2 et 12 ans, mais nous pouvons aider des citoyens canadiens, futurs contribuables, à progresser dans la vie de façon harmonieuse en ayant une éducation sans violence. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

(1610)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Tardif, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel).

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, le débat a été ajourné au nom du sénateur Maltais. Je voudrais qu'on reprenne le compte des jours à zéro et que l'ajournement reste inscrit à son nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Maltais, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Fonds du Canada pour les périodiques

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Chaput, attirant l'attention du Sénat sur la décision unilatérale du gouvernement conservateur de ne pas entreprendre une révision des normes et des critères du Fonds du Canada pour les périodiques, et sur les conséquences désastreuses de cette inaction sur des journaux francophones en milieu minoritaire, tel le journal La Liberté, le seul hebdomadaire francophone au Manitoba.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier la sénatrice Chaput pour son dévouement et sa ténacité dans la défense des droits linguistiques des minorités, et surtout d'avoir lancé cette interpellation qui touche au sort des médias de langue officielle minoritaire au Canada.

Les sénatrices Chaput et Tardif nous ont bien expliqué, lors de leur discours, l'importance du Fonds du Canada pour les périodiques dans la survie de ces médias, surtout des journaux communautaires dans leur cas. Elles ont parlé des journaux francophones au Manitoba et en Alberta, de l'importance que ces journaux ont pour leur communauté et de l'impact dévastateur des réductions du financement disponible par l'intermédiaire du fonds.

Ce qui est vrai pour les journaux communautaires francophones à l'extérieur du Québec l'est aussi pour les journaux et les autres médias anglophones à l'intérieur du Québec.

[Traduction]

Au Québec, nous avons des médias communautaires et des journaux communautaires, hebdomadaires surtout, destinés à la population anglophone de la province. Selon la façon de les compter, le Québec compte entre 600 000 et 900 000 anglophones. Un grand nombre d'entre eux habitent à Montréal, mais il y en a beaucoup qui habitent ailleurs. Nombreux sont ceux qui habitent dans des collectivités très dispersées dont la réalité ressemble davantage à celle des collectivités francophones dispersées dans certaines autres provinces qu'à la réalité urbaine qu'on associe à Montréal. Cependant, même à Montréal, les anglophones ont besoin de leurs journaux communautaires. En effet, comme c'est le cas dans toutes les grandes régions métropolitaines, les grands médias et les grands journaux ne peuvent pas couvrir les événements communautaires ni procurer le sentiment de compréhension, de connaissance et de sensibilisation dont dépend l'épanouissement de toute communauté.

Il y a presque trois ans — je ne pensais pas que cela faisait aussi longtemps —, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a présenté le rapport de son étude sur les communautés anglophones du Québec, qui comprenait des passages sur les médias anglophones. Je cite les propos d'un témoin qui, selon moi, résumaient en partie l'importance vitale de ces médias : « Si nous ne pouvons pas raconter des histoires qui nous touchent, nous risquons de perdre notre sentiment d'identité et d'attachement au niveau local. »

Mais là-bas comme ailleurs, les journaux ont terriblement de difficulté à s'adapter. Aucun média d'information ne fait exception. Pensons simplement aux licenciements massifs que les grands médias nationaux — le Globe and Mail, Sun Media, Postmedia — semblent annoncer sur une base régulière parce qu'ils sont incapables suivre la parade. C'est encore pire pour la presse de langue minoritaire.

Un témoin représentant la Hudson St-Lazare Gazette qui a comparu devant le Comité des langues officielles a été direct et percutant; il a dit : « Nous nous battons pour notre survie. » Un autre témoin nous a expliqué l'incidence de la perte de ces journaux pour sa communauté. Cette dame parlait de la disparition de la version papier du journal anglophone du quartier Verdun, à Montréal. Au dire de cette personne, cela a eu un impact énorme sur la communauté, surtout auprès des aînés pour lesquels ce journal local était le moyen de prédilection — sinon le seul moyen — pour savoir ce qui se passait au niveau social, notamment.

Le témoin a par la suite dit que les aînés « se sentent lésés car toute l'importance de pouvoir s'informer, d'être partie prenante en tant que citoyen et citoyenne dans la communauté de Verdun n'existe plus ».

Les gouvernements du Canada qui se sont succédé ont compris et accepté le devoir qui leur incombait concernant les minorités de langue officielle — peu importe le type de minorité, mais il est question ici des minorités de langue officielle — et ils ont trouvé les fonds pour subventionner toutes sortes d'initiatives qui avaient besoin de l'être. Ils ont compris que le maintien des communautés linguistiques minoritaires des quatre coins du pays est un élément essentiel de l'identité canadienne. La disparition de ces communautés serait une perte incommensurable pour le Canada et son unité en serait même compromise.

Mais qu'en est-il des journaux régionaux? L'Association des journaux régionaux du Québec m'a fourni des chiffres qui montrent ce qui s'est passé relativement au Fonds du Canada pour les périodiques au cours des dernières années. Dans la plupart des cas, le financement des journaux a considérablement diminué. Par exemple, en seulement deux exercices, soit de 2011-2012 à 2013-2014, le financement accordé au vénérable Quebec Chronicle-Telegraph — et quand je dis vénérable, je ne blague pas, car il est publié depuis environ 200 ans — a diminué de 29 p. 100. La subvention n'était pas énorme au départ. Elle se chiffrait à un peu moins de 25 000 $, mais, en 2013-2014 elle est inférieure à 18 000 $. Pour cette petite publication, qui a tant d'importance pour la communauté anglophone peu nombreuse, mais persistante, de la ville de Québec, cette baisse peut avoir un effet dévastateur.

(1620)

Une autre mesure est encore plus inquiétante. Les dépenses fédérales en publicité dans les journaux communautaires du Québec ont diminué de 59 p. 100 en quatre ans, soit entre 2008-2009 et 2012-2013. Vous devez comprendre que les annonces du gouvernement sont importantes pour tous les médias, mais pour les journaux communautaires, elles sont indispensables.

On nous dit que l'argent est désormais affecté en priorité à la télévision et — fait intéressant — non plus aux médias des communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais aux médias des autres communautés ethniques dont la langue est autre que le français ou l'anglais.

Selon Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, en 2011-2012, dernier exercice pour lequel j'ai des données, les journaux de langue officielle ont obtenu, en tout, 900 000 $ d'un budget de publicité total de 7,6 millions de dollars pour les médias ethniques, autochtones et de langue officielle. Moins de 1 million de dollars sur plus de 7,5 millions de dollars pour les collectivités que le pays est moralement, légalement et constitutionnellement tenu de soutenir!

Les publications communautaires dans les deux langues officielles ont obtenu 900 000 $. Les médias imprimés dans d'autres langues ont reçu 1,8 million de dollars, soit deux fois plus. C'est assez aberrant.

Cependant, ce qui m'irrite au plus haut point, c'est ceci : dans la législation canadienne, l'article 11 de la Loi sur les langues officielles prévoit que :

Les textes — notamment les avis et annonces — que les institutions fédérales doivent ou peuvent, sous le régime d'une loi fédérale, publier, ou faire publier, et qui sont principalement destinés au public [...]

Autrement dit, les messages publicitaires du gouvernement fédéral doivent être publiés dans les deux langues officielles. Une seule annonce bilingue ne suffit pas : il faut publier une annonce dans les médias anglophones locaux et une autre dans les médias francophones locaux. C'est ce que dit la loi.

Le sénateur Robichaud : C'est ce que je comprends.

La sénatrice Fraser : Chers collègues, les dispositions de la loi ne semblent pas vraiment faire de différence dans les faits. Plusieurs gouvernements successifs, pas seulement le gouvernement actuel, semblent avoir trouvé cette exigence dérangeante.

Plusieurs commissaires aux langues officielles ont aussi souligné ce problème au fil des ans. En 2002, la commissaire aux langues officielles a déclaré que 15 p. 100 des plaintes reçues concernaient des ministères fédéraux qui refusaient de respecter les instructions claires prévues dans la loi à cet égard.

Les ministères font de la publicité en anglais au Canada anglais, et en français au Canada français. Ils croient ainsi s'acquitter de leurs obligations, même si le message s'adresse surtout aux communautés de langue officielle minoritaire d'une région particulière.

En 2006, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a inclus, dans son rapport sur les médias d'information canadiens, une recommandation que nous étions presque embarrassés de formuler mais que nous avons tout de même incluse. La recommandation no 35 se lit comme suit : « Que l'on ordonne à tous les ministères fédéraux de se conformer à la loi en ce qui concerne la publicité dans les deux langues officielles. »

Cela devrait aller de soi, n'est-ce pas, chers collègues? C'est l'évidence même.

Eh bien, quelque temps après la publication du rapport, l'honorable Bev Oda, alors ministre du Patrimoine canadien, nous a envoyé une réponse officielle. Après quelques paragraphes des boniments habituels, qui expliquent que le gouvernement est toujours résolu à faire tout ce qui est bien en tout temps et en tout lieu, le commentaire crucial à propos de la recommandation no35 disait ceci :

Le secrétariat du Conseil du Trésor encouragera les ministères à revoir leurs normes et leurs processus pour répondre aux plaintes liées à la publicité dans les langues officielles.

Autrement dit, on ne va pas dire aux gens de se comporter de manière à éviter les plaintes en respectant la loi; non, on va plutôt leur proposer des moyens de donner suite aux plaintes.

Sauf erreur de ma part, honorables sénateurs, rien n'a changé. Rien n'a changé, si ce n'est que, plus les sources de financement de ces petits médias se tarissent, plus la qualité de leur travail en souffre, plus ils risquent de devoir cesser leurs activités et moins ils peuvent contribuer à la vitalité des populations qu'ils desservent et qui ont désespérément besoin d'eux. C'est donc à nous, au gouvernement du Canada — j'utilise l'expression dans son sens neutre —, de leur venir en aide. Pour le moment, nous sommes loin de faire notre devoir.

Je ne dis pas qu'il ne se passe jamais rien de bon en lien avec les minorités linguistiques — au contraire —, je dis simplement que, pour l'heure, le gouvernement non seulement ne fait pas assez de cas de ce qui constitue pourtant un des fondements d'une société en santé, mais qu'il y nuit carrément et systématiquement. C'est scandaleux, chers collègues, et j'espère sincèrement qu'un de ces jours, le gouvernement du Canada va se réveiller et qu'il va comprendre la véritable nature de ses responsabilités.

Cela dit, chers collègues, on m'a demandé d'ajourner le débat au nom de la sénatrice Charette-Poulin.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Charette-Poulin, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité d'examiner l'état actuel des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent d'identifier les infrastructures souterraines essentielles

L'honorable John D. Wallace, au nom du sénateur Neufeld, propose, conformément au préavis donné le 11 février 2014 :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'état actuel des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent, au Canada, d'identifier les infrastructures souterraines essentielles. Que le comité soit, en particulier, autorisé à :

Examiner la facilité d'accès à ces centres d'appels uniques et leurs procédures de prévention des dégâts en vue de favoriser des programmes de centre d'appels uniques;

Examiner l'harmonisation des pratiques exemplaires en matière de protection des infrastructures souterraines ainsi que les initiatives d'« appels avant de creuser » lancées au niveau fédéral, provincial, territorial ou municipal;

Recommander des mesures précises visant à faciliter l'harmonisation des pratiques exemplaires et la mise en place d'un centre national d'appels uniques.

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je me demande si le sénateur Wallace pourrait répondre à ma question habituelle sur ce qu'exigerait cette étude, notamment en ce qui a trait aux frais de déplacement et aux autres dépenses qui pourraient être engagées.

Je devrais mentionner que le sénateur Mitchell, notre personne ressource pour ce comité, m'a dit qu'il appuie la motion, mais j'ai tout de même besoin de la réponse à ma question.

Le sénateur Wallace : Si l'opinion du sénateur Mitchell ne vous suffit pas, j'y répondrai volontiers.

Ce sera une étude relativement courte. Le comité présentera son rapport le 31 décembre 2014. Il n'y a pas de budget de déplacement ni de demande de financement.

Le sujet découle du rapport que notre Comité de l'énergie a présenté l'année dernière sur le transport des hydrocarbures par train, par bateau et par oléoduc. Un des problèmes qui avait été relevé était que les bris d'oléoduc étaient principalement attribuables à des dommages occasionnés lors de travaux d'excavation.

(1630)

On a notamment proposé, en guise de solution, la création d'un programme national que l'on peut rejoindre en composant un seul numéro, où qu'on se trouve au Canada. Cette idée jouissait d'un grand appui. Nous pensions qu'elle valait la peine d'être étudiée de plus près après avoir terminé le rapport. C'est un élément très important de la sécurité du transport de produits pétroliers par pipeline, sujet tout à fait d'actualité aujourd'hui.

(La motion est adoptée.)

La réforme du Sénat

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Terry M. Mercer, ayant donné préavis le 5 février 2014 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la réforme du Sénat et la façon dont le Sénat et ses sénateurs peuvent réaliser des réformes et améliorer la raison d'être du Sénat par l'examen du rôle des sénateurs dans leurs régions.

— Honorables sénateurs, la réforme préoccupe beaucoup de Canadiens. De récents événements ont amorcé plusieurs débats sur la réforme du Sénat sur des questions comme le processus de nomination, le style que nous nous donnons, l'influence de la politique sur notre travail, etc.

L'interpellation tombe fort à point. Admettons-le : nous nous enlisons si profondément dans le sectarisme politique mesquin qu'il n'est pas étonnant que certains Canadiens remettent en question l'existence même du Sénat.

J'ai toujours été convaincu du fait que toute réforme du Sénat devrait se faire à l'interne. Nous devons nous évaluer objectivement, ainsi que nos processus et nos politiques, de manière à veiller au bon fonctionnement du Sénat.

Le Sénat est conçu conformément à ce que voulaient les Pères fondateurs de la Confédération : une Chambre indépendante de second examen objectif. Il suffit de se pencher sur les principes sur lesquels se fondent le Sénat, soit la représentation régionale, et de reconnaître la complexité du système pour comprendre l'importance que les Pères fondateurs accordaient aux régions.

Certaines dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 proviennent de lois qui avaient été adoptées avant cette année-là et qui régissaient les colonies britanniques dotées de leur propre assemblée législative et d'un gouvernement responsable au moment de la Confédération. Bien que les Pères de la Confédération aient choisi la représentation selon la population par les députés élus à la Chambre des communes, ils optèrent plutôt pour une représentation selon le principe de l'égalité des régions par les sénateurs nommés à la Chambre haute.

Au cours des débats sur la Confédération, sir John A. Macdonald a fourni l'explication suivante :

Afin de protéger les intérêts locaux et d'empêcher des jalousies régionales, on a jugé nécessaire que les trois grandes divisions qui composent l'Amérique du Nord britannique soient représentées à la Chambre haute en fonction du principe de l'égalité.

Il a dit encore ceci :

À la Chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts de section : il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes combinaisons de majorités dans l'Assemblée.

Il voulait dire la Chambre des communes.

En octobre 1864, à la suite de la Conférence de Charlottetown, qui avait eu lieu en septembre, des délégués des provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard de même que des observateurs provenant de Terre-Neuve se réunirent à Québec. Sir John A. Macdonald présenta à cette occasion la première motion visant à assurer la représentation des provinces au Sénat. Elle prévoyait un nombre égal de sénateurs pour chaque division sénatoriale : 24 sénateurs pour le Haut-Canada, 24 pour le Bas-Canada, 10 pour la Nouvelle-Écosse, 10 pour le Nouveau-Brunswick et 4 pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Fait à souligner, honorables sénateurs, il a été également convenu, à l'époque, que, si Terre-Neuve devait se joindre plus tard au Dominion, elle serait représentée par quatre sénateurs. Bien qu'il ait fallu attendre jusqu'en 1949 avant que Terre-Neuve entre dans la Confédération, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait déjà la représentation de cette colonie britannique au Sénat le jour où elle déciderait de faire partie du Canada. Et, lorsque ce fut le cas, la province de Terre-Neuve-et-Labrador se vit en fait accorder six sièges au Sénat. Mes collègues de cette province sont assurément heureux de cette décision.

La conférence de Londres tenue en décembre 1866 n'a pas eu pour effet de changer le fond de l'entente initiale sur le Sénat, mais celle-ci a été modifiée légèrement. La région des Maritimes a conservé 24 sénateurs, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick en recevant 12 chacun. À l'époque, on a envisagé que la représentation de ces provinces pourrait passer à 10 sénateurs chacune si l'Île-du-Prince-Édouard était un jour admise au sein de la Confédération. Dans ce cas, cette dernière aurait droit à quatre sénateurs.

En 1870, le Parlement canadien a créé la province du Manitoba en adoptant la Loi de 1870 sur le Manitoba. Cette loi prévoyait que la province serait représentée par deux sénateurs.

En 1871, la Colombie-Britannique est devenue une province canadienne et a reçu trois sièges au Sénat.

En 1905, le Parlement canadien a créé les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan.

Chacune de ces provinces était représentée à l'origine par quatre sénateurs, « le Parlement du Canada pouvant, à l'issue du prochain recensement décennal, porter cette représentation à six ».

En 1914, le premier ministre Borden a présenté quatre projets de loi à la Chambre des communes dans le but de faire passer à six le nombre de sénateurs pour chacune des quatre provinces de l'Ouest, faisant ainsi de celles-ci la quatrième division sénatoriale du pays.

À l'époque, on s'est interrogé sur le pouvoir du Parlement d'augmenter le nombre de sièges au Sénat pour le Manitoba et la Colombie-Britannique. Le premier ministre a décidé que les changements proposés à la Constitution devraient être adoptés par la Parlement britannique, ce qui aurait pour effet de dissiper tous les doutes quant à la constitutionnalité des changements en question. Il n'existait pas alors de formule officielle pour modifier la Constitution, puisque nous n'avons eu notre propre Constitution qu'en 1982.

Les propositions de M. Borden ont par la suite été adoptées et ont amené le Parlement britannique à promulguer la Loi constitutionnelle de 1915. La représentation de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba a été fixée à six sénateurs pour chaque province, et les provinces de l'Ouest ont été reconnues comme formant une division sénatoriale distincte.

En 1870, les Territoires du Nord-Ouest et la Terre de Rupert ont été admis au Canada. En 1887, le Parlement a promulgué par une loi que la représentation des Territoires du Nord-Ouest au Sénat serait de deux sièges.

En 1903, le nombre de sénateurs a été porté à quatre, mais a été réduit à zéro seulement deux ans plus tard, lorsque les provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta ont été créées.

Lorsque le Yukon a été fondé en 1898, aucune disposition ne prévoyait sa représentation au Sénat. Donc, de 1905 à 1975, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon n'y étaient pas représentés jusqu'à la promulgation de la Loi constitutionnelle no 2 de 1975 prévoyant un siège pour les Territoires du Nord-Ouest et un pour le Yukon. Bien entendu, nous savons qu'un siège au Sénat a été accordé au Nunavut, à sa création en 1999.

Honorables sénateurs, nous sommes maintenant 105 à siéger au Sénat. Il y a vingt-quatre sénateurs pour chacune des quatre régions, six représentant Terre-Neuve-et-Labrador et trois représentant les trois territoires.

L'évolution du Sénat et, plus particulièrement, sa composition régionale, fait partie de l'identité canadienne. Le soin mis par les gouvernements pour définir correctement et équitablement les régions est manifeste. Cette leçon nous rappelle que les décisions touchant le Sénat n'ont pas été « prises sur un coup de tête ».

Honorables sénateurs, nous sommes maintenant à un carrefour de l'histoire du Canada. L'avenir du Sénat ne peut pas et ne doit pas être balayé d'un geste. Nous devons opérer notre propre réforme. Nous devons réformer notre façon de penser en comprenant les raisons qui ont motivé la création du Sénat, comment il a évolué et comment nous pouvons le changer pour assurer son avenir et pour l'améliorer.

Il appartient au Sénat de prendre le taureau par les cornes. Mais comment enclencher le processus? Comment pouvons-nous réformer cet endroit sans modifier la Constitution?

(1640)

Pouvons-nous le faire? Oui. Avons-nous le courage de le faire? Je n'en suis pas sûr.

Comment pouvons-nous travailler ensemble dans l'intérêt de nos régions? Nous pourrions commencer par nous distancer d'un certain type de politique. Dans l'ouvrage Protéger la démocratie canadienne : Le Sénat en vérité..., réalisé sous la direction de notre collègue, le sénateur Serge Joyal, Gil Rémillard et Andrew Turner nous rappellent ce qui suit :

Les Pères de la Confédération ont voulu confier au Sénat des fonctions particulières sans lesquelles il est peu probable que les provinces auraient consenti à s'unir.

Plus loin, on peut lire ceci :

Ce deuxième rôle confié par les Pères de la Confédération au Sénat et qui consiste à assurer l'égalité des régions et à représenter les minorités est issu du compromis fédératif canadien.

En effet, ma province, la Nouvelle-Écosse, n'aurait jamais consenti à s'unir, ne souhaitant pas se faire dominer par le Haut et le Bas-Canada, aujourd'hui appelés l'Ontario et le Québec, dont les populations étaient supérieures à la sienne. Le compromis fédératif canadien se résumait essentiellement à l'établissement d'un système bicaméral au Canada protégeant les plus petites provinces grâce à la représentation régionale.

Honorables sénateurs, ma proposition est simple. J'aimerais que les 24 sénateurs des Maritimes, libéraux et conservateurs, se réunissent, tout d'abord pour briser la glace. Pour simplifier les choses et pour éviter que l'on s'enlise dans un débat sur ce qu'il faut accomplir, nous devrions inviter soit les ministres des Affaires intergouvernementales des trois provinces des Maritimes, soit leurs représentants, à venir parler aux 24 sénateurs en question des priorités de leur province et, ainsi, de la région. Je pense que ce serait un bon début.

Ensuite, j'estime qu'il serait intéressant d'établir des caucus régionaux plus structurés, composés de tous les sénateurs d'une même région, toutes affiliations politiques confondues. Nous pourrions même commencer par des caucus encore plus petits, soit des caucus provinciaux multipartites, afin que les sénateurs puissent parler des problèmes particuliers à leur province avant de se réunir en caucus régionaux multipartites.

Les origines du Sénat en tant qu'assemblée devant « protéger les intérêts des régions », comme le disait sir John A. Macdonald, sont tout aussi apparentes aujourd'hui qu'elles l'étaient en 1867.

En regroupant les sénateurs d'une même région, nous pourrions discuter de manière productive des questions particulières aux régions que nous devons représenter. Les réunions qui auraient lieu, par exemple la réunion que je propose et qui se tiendrait avec les ministres des Affaires intergouvernementales ou des fonctionnaires de leurs ministères, pourraient être utilisées par les sénateurs pour recevoir de l'information de la part des gouvernements provinciaux ou des groupes régionaux sur les enjeux particuliers à chaque région. Ces réunions permettraient aux sénateurs siégeant normalement les uns en face des autres d'établir de meilleures relations. Elles pourraient éventuellement nous amener à proposer des projets de loi qui ont des répercussions sur nos provinces et nos régions respectives ainsi que sur le pays que nous servons tous, évidemment.

Il ne s'agit pas de créer une alliance politique, ce qui ne se produira jamais, nous en conviendrons tous. Il s'agit de nous unir pour coopérer.

Lorsque j'ai été nommé sénateur par le premier ministre Jean Chrétien, à la fin de 2003, la coopération entre libéraux et conservateurs n'était pas inhabituelle. D'ailleurs, le jour de mon assermentation, le chef de l'opposition de l'époque a pris le temps de souligner la qualité des nominations faites ce jour-là. Il ne parlait pas seulement de moi, car il y avait aussi une autre personne. Je m'en souviens. J'ai même voté pour une motion de l'opposition d'alors, qui portait sur l'aide au développement international et dont la sénatrice Andreychuk se souviendra. La motion a été battue, mais j'étais fier de l'avoir appuyée, même si la plupart de mes collègues avaient voté contre.

Il est arrivé à plusieurs autres reprises que des sénateurs votent pour ou contre des projets de loi, des rapports de comité ou des motions sans égard à leur allégeance politique, en tenant plutôt compte des intérêts de leur province et de leur région. Cependant, le Sénat est devenu dernièrement une assemblée qui est tellement dominée par la partisanerie que ce genre de situation se produit de moins en moins souvent. Les Canadiens devraient pouvoir compter sur nous. Nous devrions pouvoir leur montrer que le Sénat est la Chambre où les politiciens coopèrent dans l'intérêt de la population.

En outre, une réforme de ce type est possible sans qu'on risque l'impasse constitutionnelle. La collaboration existe encore; c'est ce qu'on constate dans les comités sénatoriaux. Les sénateurs des deux côtés travaillent très bien ensemble dans les deux comités dont je fais partie.

David Smith nous rappelle une chose dans son livre Protecting Canadian Democracy. Il dit ceci :

On peut apporter des changements en vertu du Règlement du Sénat, des pratiques et des conventions parlementaires, d'une loi du Parlement, ou en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui permet d'apporter des modifications restreintes au pouvoir exécutif, au Sénat et à la Chambre des communes.

Il serait donc facile de faire en sorte que le Sénat représente mieux les régions, car il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement constitutionnel des provinces. Il nous faut simplement le courage de le faire.

J'en arrive à ma dernière remarque, honorables sénateurs : pourquoi ne pas essayer? L'idée des groupes régionaux multipartites n'est pas nouvelle. Je suppose qu'elle n'intéressera pas tout le monde, mais j'ai pu constater la fin de semaine dernière que certains sénateurs pensent la même chose que moi.

Je réfléchis depuis longtemps à la façon d'améliorer le Sénat pour qu'il représente mieux les régions. Selon moi, il vaut mieux que ce soit le Sénat qui s'occupe de cette question et qui en discute. C'est pour cette raison que j'ai présenté cette interpellation. Tous ceux qui ont déjà réfléchi à la question devraient participer au présent débat, car, selon moi, nous pouvons, ne serait-ce qu'un moment, mettre la partisanerie politique de côté. Mon collègue, le sénateur Greene, qui vient de la Nouvelle-Écosse, a déjà écrit ceci :

Pour être efficaces, les sénateurs doivent changer de perspective et s'éloigner de la partisanerie. Que les sénateurs participent ou non à leur caucus national, ils devraient tous, indépendamment de leur allégeance politique, se regrouper selon leur région.

Je suis d'accord, sénateur Greene. Il s'agit d'une idée intéressante et j'invite tous les sénateurs à participer au débat. Je vous encourage à réfléchir non seulement à ce que vous avez entendu aujourd'hui, mais aussi, et surtout, à ce que vous ressentez. Je parle non pas de la réaction de votre parti ou de votre chef, mais bien de ce que vous ressentez et de ce que vous pensez. Comment voulez-vous représenter le mieux possible votre région et la population?

Honorables sénateurs, nous devons songer sérieusement à l'avenir du Sénat. Soyons dignes de l'intention des Pères de la Confédération, qui consistait à protéger les intérêts des régions. Il est de notre devoir de le faire. Il nous revient de choisir la manière de procéder.

Merci, honorables sénateurs.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Mercer m'a incitée à répondre. J'ai de la difficulté avec le fait que le mot « partisan » ait une connotation négative, alors qu'il pourrait en être tout autrement. De même, le mot « politique » peut être très positif. Je veux donc proposer l'ajournement à mon nom afin de m'engager dans un débat avec le sénateur Mercer.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

L'ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 25 février 2014, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente suppléante : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 25 février 2014, à 14 heures.)

© Sénat du Canada

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