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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 87

Le mardi 21 octobre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 21 octobre 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le soldat décédé

Minute de silence

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, avant que nous commencions, je vous demanderais de bien vouloir vous lever et observer une minute de silence à la mémoire du militaire des Forces armées canadiennes qui est décédé après l'événement tragique survenu hier à Saint-Jean-sur-Richelieu, au Québec.

Les honorables sénateurs observent une minute de silence.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Blue Puttees

L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, il y a environ deux semaines, la Chambre des communes a adopté une motion demandant que le gouvernement du Canada participe aux frappes aériennes multinationales dirigées par les États-Unis contre l'EIIS, dans le Nord de l'Irak.

Je suis sûr que mes collègues voudront se joindre à moi pour souhaiter bonne chance aux militaires des Forces armées canadiennes et leur souhaiter de revenir sains et saufs de leur mission dans cette partie très dangereuse de la planète.

Deux jours après l'approbation par le Parlement de la plus récente mission militaire du Canada à l'étranger, des milliers de personnes à St. John's, dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, ont assisté à la reconstitution d'un autre défilé qui avait précédé un départ pour une guerre à l'étranger, il y a 100 ans, le défilé des Blue Puttees.

Lorsque la Première Guerre mondiale a éclaté, en 1914, bien des Terre-Neuviens ont pris fait et cause pour le roi et le pays. Notre dominion naissant d'un quart de million d'habitants a décidé de lever un régiment pour répondre à l'appel aux armes de la Grande-Bretagne. À l'époque, on manquait de tissu vert olive pour fabriquer les jambières des soldats appelées « molletières ». Un corps de cadets local, la Church Lads Brigade, qui portait un uniforme bleu, est venu à la rescousse en leur donnant des molletières bleues.

Le 5 octobre 1914, 540 hommes et garçons du Royal Newfoundland Regiment, portant fièrement leurs nouvelles molletières bleues, ont défilé de leur campement, sur les berges du lac Quidi Vici, jusqu'à un navire qui les attendait dans le port de St. John's, dans l'est de la capitale. Ils ont pris la route pour l'Écosse pour suivre un entraînement avant d'être envoyés à la guerre.

Les Blue Puttees ont fini par être le seul régiment nord-américain à avoir participé à la bataille tragique de Gallipoli, qui a eu lieu en 1915. Hélas, nombre des soldats du régiment Blue Puttees qui ont survécu à la bataille de Gallipoli ont consenti le sacrifice suprême le premier jour de la bataille de la Somme, le 1er juillet 1916, lorsque le Royal Newfoundland Regiment a été presque complètement décimé en essayant de s'emparer du village de Beaumont-Hamel, qui était passé entre les mains des Allemands. Au matin du 1er juillet, 801 soldats partaient à l'offensive. Quinze minutes plus tard, la bataille était finie et le lendemain, seulement 68 soldats répondaient à l'appel.

Pour les Terre-Neuviens, le 1er juillet de chaque année est donc une journée qui provoque des sentiments mitigés. Ce jour-là, nous rendons hommage à la mémoire des soldats de notre régiment et au sacrifice qu'ils ont fait il y a 98 ans. C'est aussi l'occasion de réfléchir à notre chance de vivre aujourd'hui dans un pays comme le Canada. Dans environ trois semaines, le 11 novembre, à l'instar de tous les autres Canadiens, nous nous réunirons devant divers monuments commémoratifs partout au pays pour nous souvenir de nos soldats morts à la guerre.

Un jour ou l'autre, le Canada, comme tout autre pays, participera à un conflit armé. En tant que citoyens d'une démocratie, nous pouvons avoir des divergences d'opinion quant à la nécessité d'une intervention, mais il y a une chose sur laquelle tous les citoyens et tous les chefs politiques devraient pouvoir s'entendre. Nous devons des remerciements et, par-dessus tout, du respect à nos militaires qui mettent leur vie en danger quand leur pays leur lance un appel à l'action.

Nos soldats courent un danger même dans les rues de leur quartier, comme en témoigne la tragédie survenue hier au Québec.

La reconstitution de la marche des Blue Puttees est une des façons dont les Terre-Neuviens rendront hommage à ceux des leurs qui sont morts à la guerre, dans le cadre des célébrations du centenaire de cette guerre qui devait être la dernière. N'oublions jamais. Nous nous souviendrons d'eux.

Les jamatkhanas

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je ne compte plus le nombre de reprises où je vous ai parlé de mon arrivée au Canada. J'ai toujours exprimé ma sincère gratitude à la population canadienne, qui a accueilli des milliers de réfugiés ougandais, dont ma famille et moi, qui ont dû fuir leur pays avec pour seul bagage les vêtements qu'ils avaient sur le dos.

J'ai tout fait pour m'intégrer à la société canadienne, et je suis immensément reconnaissante pour la générosité dont mes voisins ont fait preuve à mon égard, mais malgré tout, au début, il m'arrivait de m'ennuyer de chez moi. Mes amis me manquaient, mon ancienne maison me manquait et mes mets préférés me manquaient. Or, chaque fois que le mal du pays me prenait, je me rendais dans un jamatkhana.

(1410)

Pour les musulmans ismaéliens, le jamatkhana est un lieu de culte et de socialisation. C'est un temple à la contemplation et à l'amitié. On peut y rendre grâce pour tout ce que l'on a tout comme on peut y trouver du réconfort. On peut y purifier son cœur et y élever son âme.

Quel que soit l'endroit du monde où je me trouve, quelle que soit la distance qui me sépare des miens, je me sens toujours chez moi dès que je mets les pieds dans un jamatkhana.

La sénatrice Ataullahjan et moi avons assisté à l'inauguration du nouveau jamatkhana de Toronto, où Son Altesse l'Aga Khan a déclaré ce qui suit :

Pour exprimer leur identité, les ismaéliens ont toujours utilisé leur lieu de prière, le jamatkhana pour utiliser le nom qu'on lui donne aujourd'hui. Les autres communautés musulmanes donnent d'autres noms à leurs lieux de culte : ribat, zaouïa, khanaqa, auxquels s'ajoutent les autres endroits où les musulmans de toutes les mouvances peuvent se rassembler, comme les mosquées non confessionnelles.

Nous inaugurons aujourd'hui un centre ismaélien, c'est-à-dire une bâtisse au cœur de laquelle se trouve notre jamatkhana, mais qui compte aussi de nombreux locaux laïques.

Et au-dessus de tout cela, le magnifique dôme de verre cristallin à travers lequel, vous avez pu le constater, la lumière provenant de la salle de prière formera un faisceau lumineux symbolisant le sentiment d'élévation qui sera toujours la raison d'être du centre.

Honorables sénateurs, pour moi, la mouvance ismaélienne est plus qu'une religion, et les jamatkhanas sont plus que de simples lieux de culte. Il s'agit de deux pans de mon identité, et, sans eux, je serais perdue.

Le Canada est le seul pays du monde où Son Altesse a construit deux jamatkhanas de grande envergure.

Je remercie encore une fois Son Altesse l'Aga Khan d'avoir choisi de construire le Musée Aga Khan et deux centres ismaéliens au Canada.

Votre Altesse, vous avez enrichi le Canada, et nous vous remercions de votre générosité.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Devendra Gupta, professeur et chef du département de chirurgie pédiatrique de l'All India Institute of Medical Sciences, à New Delhi, en Inde. Il est l'invité de l'honorable sénatrice Seth.

Docteur Gupta, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La santé des mères, des nouveau-nés et des enfants

L'honorable Asha Seth : Honorables sénateurs, les parents ne souhaitent qu'une chose, voir leurs enfants grandir en bonne santé. Le diagnostic d'une longue maladie grave peut être effrayant et éprouvant pour une famille. Malheureusement, les études montrent qu'encore aujourd'hui, à l'âge de 12 ans, un jeune Canadien sur cinq souffre d'une maladie chronique.

Je rappelle le rôle essentiel du développement de la petite enfance dans la prévention des maladies chroniques à l'âge adulte, notamment du diabète, du cancer et des maladies du cœur.

Les maladies chroniques sont un lourd fardeau pour le système de santé. Elles représentent au Canada 67 p. 100 des coûts directs en santé.

De nouvelles études montrent toutefois que les programmes de développement de la petite enfance qui traitent de la santé et de la nutrition peuvent contribuer à prévenir les maladies chroniques à l'âge adulte ou les retarder.

C'est donc dire que, grâce à de bonnes mesures de sensibilisation à la nutrition et à la santé, nous pourrions réduire le coût des soins de santé et améliorer la santé et la productivité des Canadiens.

Il faut miser sur la santé dès l'enfance pour pouvoir améliorer la santé des adultes.

Il est primordial de surveiller et de protéger la santé de la mère et de l'enfant pendant la grossesse, car les maladies chroniques peuvent commencer à se développer dans le ventre de la mère.

L'absence de soins médicaux et d'instruction relative à la nutrition peut avoir des effets néfastes sur la santé de l'enfant et de la mère, pendant et après la grossesse. Pour assurer la santé à long terme des enfants, il est très important que les mères aient accès à des soins prénatals et postnatals réguliers, en particulier tant que les enfants sont âgés de moins de cinq ans.

Chaque année, le gouvernement investit déjà des millions de dollars dans des projets visant à réduire les facteurs de risque qui sous-tendent la plupart des maladies chroniques chez les mères et les jeunes enfants, notamment en faisant la promotion d'une saine alimentation et d'un mode de vie actif.

Aujourd'hui, nous poursuivons ces efforts en accueillant la Canada India Network Society, l'organisation Fraser Health et d'autres intervenants internationaux, afin de discuter du rôle que la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants joue dans la prévention des maladies chroniques chez les adultes.

Nous allons également entendre avec plaisir les déclarations de la ministre Rona Ambrose, du ministre Jason Kenney et d'Ed Holder.

J'éprouve beaucoup de gratitude à l'égard de tous les parlementaires et intervenants qui appuient les efforts que je déploie au Sénat pour élargir la conversation relative à la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, en particulier mon intention de réserver chaque année une période pendant laquelle nous pourrons poursuivre cette discussion dans le cadre de la Semaine de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, qui se déroule au mois de mai.

Honorables sénateurs, je vous accueillerai, comme toujours, dans la salle 256-S, de 17 h 30 à 19 h 30, où nous aurons une discussion instructive. Je vous prie d'y assister.

Le Mois de sensibilisation à l'autisme

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, le mois d'octobre est le Mois de sensibilisation à l'autisme. Cela nous donne une excellente occasion de nous familiariser avec cette maladie et de réfléchir à ses répercussions sur la vie des gens.

Bien que je parle de l'autisme tous les ans pendant cette période, ainsi que le 2 avril, qui marque bien sûr la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, je ne suis pas à court de faits nouveaux à mentionner à ce sujet. Grâce à la détermination d'un grand nombre de personnes, des milliers de gens qui composent la courageuse communauté canadienne de l'autisme, il y a toujours quelque traitement novateur ou quelque découverte révolutionnaire à signaler. Toutefois, nous avons maintenant de nouveaux chiffres incroyables à annoncer. Après 10 ans, le taux national d'autisme est maintenant de 1 sur 68. Il est en train d'atteindre un niveau qu'on peut qualifier de crise dans le domaine de la santé publique.

Au début, mes messages portaient sur les enfants autistes et les personnes qui s'occupaient d'eux. Maintenant, ces enfants sont devenus des adultes, et leurs parents et les autres membres de leur famille ont eux aussi vieilli.

Maintenant que les enfants autistes sont devenus des adultes, la société canadienne a un défi fondamental à relever, à savoir répondre efficacement aux besoins des personnes autistes pendant toute leur vie.

Durant la semaine de relâche, j'ai passé deux jours au Ability Hub, à Calgary, en Alberta. Financé par la fondation de la famille Sinneave, ce centre impressionnant fournit des services à la communauté autiste de l'Alberta. Il y a beaucoup de bonnes choses qui se font en Alberta et au Ability Hub, comme la création d'un programme avant-gardiste de services de données et de logiciels pour les adultes autistes. Ce programme s'appelle Meticulon, et il permet aux adultes atteints d'autisme de trouver un travail valorisant en les jumelant avec un fabricant de logiciels. Il y a aussi un programme d'accès communautaire qui forme les adultes et les jumellent avec des sociétés comme London Drugs, Tim Hortons et Safeway.

Il existe également un autre programme appelé Launch, qui vise à améliorer la qualité de vie et à accroître l'indépendance des adolescents et des adultes atteints de troubles du spectre autistique.

Environ 425 familles ont recours au Ability Hub. Là-bas, on aime parler des pratiques prometteuses. Je regarde ce qui se fait dans ce centre à Calgary, et j'y vois une occasion de faire connaître ces pratiques au reste du pays. Nous nous approchons progressivement de la principale recommandation formulée dans notre rapport sénatorial, Payer maintenant ou payer plus tard, à savoir l'adoption d'une stratégie nationale relative aux troubles du spectre autistique.

À bien des égards, le gouvernement fédéral a relevé le défi en offrant des crédits d'impôt pour personnes handicapées, en adoptant des initiatives de création d'emplois et en établissant des chaires de recherche, mais il y a encore beaucoup à faire. La solution consiste à rassembler tous les intervenants et à s'assurer qu'ils travaillent sur la même longueur d'ondes.

Je prends la parole aujourd'hui pour vous parler d'un garçon de cinq ans que j'ai rencontré la semaine dernière également à Calgary. Il s'appelle Tahir. C'est une organisation pour autistes, la Society for Treatment of Autism, qui s'occupe de lui. Bon sang qu'elle fait du travail remarquable! Tahir était avec un thérapeute du comportement dans une salle sensorielle qui offre un environnement à la fois paisible et stimulant. Tahir a souri et m'a pris la main. Il sautait joyeusement de temps à autre, en communiquant de la seule façon qu'il sait le faire. Il ne parle pas, mais il communique avec son sourire et ses yeux. Tahir ne souriait même pas il y a deux ans.

Grâce au Mois de sensibilisation à l'autisme, j'espère que lorsque Tahir atteindra l'âge adulte, il pourra avoir sa place dans la société, où il pourra s'épanouir, travailler et aimer. Nous, en tant que politiciens, avons l'obligation morale de faire en sorte qu'il puisse avoir cette chance, une étape à la fois.

Cette question nous concerne tous.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La justice et le procureur général du Canada

L'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels—Dépôt du rapport annuel de 2012-2013

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2012-2013 du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.

(1420)

[Traduction]

L'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels—Dépôt de la réponse du gouvernement au rapport annuel de 2012-2013

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au rapport annuel de 2012-2013 du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.

Le commissaire au lobbying

Le Code de déontologie des lobbyistes—Dépôt de la correspondance contenant les modifications proposées

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la correspondance reçue du commissaire au lobbying contenant les modifications proposées au Code de déontologie des lobbyistes.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Règlement, procédure et droits du Parlement

Dépôt du sixième rapport du comité

L'honorable Vernon White, président du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, dépose le rapport suivant :

Le mardi 21 octobre 2014

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l'honneur de déposer son

SIXIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 12-7(2)a) du Règlement, votre comité fait rapport de ce qui suit :

Le 1er avril et le 16 juin 2014, le Sénat a respectivement adopté les troisième et cinquième rapports du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs, qui ont donné lieu à des modifications au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, renommé Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs. Ces deux rapports font observer qu'il faudra apporter des modifications corrélatives au Règlement du Sénat à la suite des modifications au Code. Par conséquent, le Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs a recommandé que votre comité entreprenne une étude afin de recommander les modifications corrélatives pertinentes au Règlement du Sénat.

Votre comité a donc examiné le Règlement du Sénat à la lumière du nouveau Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs et recommande que le Règlement du Sénat soit modifié :

1. par substitution des mots « Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs » par les mots « Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs » là où ils figurent dans le Règlement, notamment dans les dispositions contraires et les renvois;

2. par substitution des mots « Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs » par les mots « Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs » là où ils figurent dans le Règlement, notamment dans les dispositions contraires et les renvois;

3. par substitution du renvoi au Code après l'article 6-12(1) par un renvoi au paragraphe 51(2);

4. par substitution de l'article 9-7(1) actuel par ce qui suit :

« Procédure pour le vote par appel nominal

9-7. (1) À l'expiration de la durée fixée pour la sonnerie, le Président doit :

(a) faire connaître le nom de chaque sénateur présent qui a déclaré un intérêt personnel dans l'affaire et qui n'a pas retiré cette déclaration; son nom ne doit être appelé qu'en cas d'abstention;

(b) informer au Sénat, le cas échéant, que le sénateur qui fait l'objet d'un rapport du Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs ne peut voter sur toute motion portant sur le rapport et son nom ne doit être appelé;

(c) inviter les sénateurs votant oui à se lever pour l'appel nominal, puis invite ceux votant non à faire de même, suivis de ceux qui s'abstiennent. »;

5. par substitution de la note marginale de l'article 12-7(16) par « Éthique et conflits d'intérêts des sénateurs »;

6. par substitution de la note marginale de l'article 12-27(2) par « Quorum du comité »;

7. par substitution de l'article 12-28 actuel par ce qui suit :

« Séances à huis clos

12-28. (1) Les séances du comité se tiennent à huis clos, à moins que le comité décide, sur demande du sénateur qui fait l'objet d'un rapport d'enquête du conseiller sénatorial en éthique, de siéger en public.

RENVOICode régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, paragraphes 36(1) et (2)

Participation des non-membres

12-28. (2) Seuls les membres du comité et, avec l'autorisation de celui-ci, le sénateur qui fait l'objet d'un rapport d'enquête peuvent assister aux séances à huis clos du comité et participer à ses délibérations.

RENVOICode régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, paragraphes 36(3) et (4) »;

8. par substitution de l'article 12-30(1) par ce qui suit :

« Motion présentée d'office

12-30. (1) Le cinquième jour de séance suivant la présentation d'un rapport du comité concernant un sénateur la motion portant adoption de ce rapport est présentée d'office si elle n'a pas été présentée auparavant. »;

9. par suppression des renvois au Code après les articles 12-30(2) et (3);

10. par adjonction, après l'article 12-30(2) actuel, des nouveaux articles 12-30(3) et (4) suivants :

« Renvoi au Comité

12-30. (3) Il est entendu que le Sénat peut renvoyer un rapport du comité au comité pour qu'il l'étudie à nouveau.

RENVOICode régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, paragraphe 51(4)

Ancien sénateur

12-30. (4) Lorsqu'un rapport du comité porte sur la conduite d'un ancien sénateur, celui-ci est invité à témoigner devant un comité plénier.

RENVOICode régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, paragraphes 51(3) »;

11. en changeant la désignation numérique de l'article 12-30(3) actuel à l'article 12-30(5);

12. par adjonction, après l'article 12-30(3) actuel, du nouvel article 12-30(6) suivant :

« Votes

12-30. (6) Le sénateur qui fait l'objet d'un rapport du comité ne peut voter sur toute motion portant sur ce rapport.

RENVOI

Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs, paragraphe 51(5) »;

13. en changeant la désignation numérique de l'article 12-30(4) actuel à l'article 12-30(7);

14. en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, les listes des exceptions y comprises.

Respectueusement soumis,

Le président,
VERNON WHITE

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur White, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance

Dépôt du quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quinzième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada : Les conséquences involontaires.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Ogilvie, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Code criminel
La Loi sur la preuve au Canada
La Loi sur la concurrence
La Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président intérimaire annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à examiner les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. L'accent sera mis sur :

a) les attentes et les préoccupations des intervenants du secteur agricole et agroalimentaire canadien;

b) l'amélioration durable des capacités de production de la chaîne d'approvisionnement;

c) la diversité, la sécurité alimentaire et la traçabilité; et

d) la compétitivité et la rentabilité du secteur agricole et agroalimentaire canadien (incluant les producteurs et les transformateurs);

Que le Comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour faire connaître ses conclusions pendant 180 jours après le dépôt du rapport final.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

Le suicide assisté

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Elle fait partie encore une fois d'une série de questions que j'ai reçues en réponse à l'invitation que nous avons faite aux Canadiens de nous transmettre leurs questions pour que nous les posions en leur nom.

La question d'aujourd'hui nous vient de M. David Moscrop, de Vancouver, en Colombie-Britannique. La voici :

Le peuple canadien est largement favorable à la légalisation du suicide assisté, et l'expérience vécue à l'étranger nous permet de constater que ce droit pourrait être accordé aux citoyens de façon sûre et responsable. Le gouvernement soutient toutefois que les Canadiens ne devraient pas se voir accorder le droit de mourir. Puisqu'une forte majorité de Canadiens ne souscrivent pas à la position du gouvernement et puisque le droit de mourir pourrait être établi de manière sûre et responsable, comment le gouvernement peut-il continuer de s'opposer au suicide assisté?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le Parlement s'est déjà prononcé sur la question de l'aide médicale à mourir au moyen d'un projet de loi privé qui avait été déposé à la Chambre des communes. Le gouvernement n'a donc pas l'intention de rouvrir le débat.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : De toute évidence, le gouvernement ne souhaite pas rouvrir le débat, mais il me semble que, comme M. Moscrop l'a fait remarquer dans sa question, l'attitude des Canadiens a évolué. Vous n'ignorez pas que la Cour suprême est actuellement saisie de la question et a entendu les points de vue des parties la semaine dernière.

Je suis persuadé qu'il existe des clivages dans l'opinion publique, tout comme il y en a chez les parlementaires, tant au Sénat qu'à la Chambre des communes.

À l'une de nos réunions de caucus ouvertes, qui portait sur les questions de fin de vie, votre collègue, Steven Fletcher, est venu livrer un très éloquent plaidoyer en faveur d'un projet de loi d'initiative parlementaire qu'il a lui-même présenté. À l'inverse, votre collègue, le ministre de la Justice, Peter MacKay, a défendu la position que vous avez présentée dans votre réponse à la question de M. Moscrop.

Comme il s'agit d'une question importante et que les Canadiens semblent appuyer vigoureusement une modification de la loi existante, le gouvernement envisagerait-il au moins de publier un livre blanc qui exposerait les pour et les contre de la loi existante pour que les Canadiens aient l'occasion de tenir ce type de débat et que ce débat se déroule dans le contexte qui convient?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, le suicide assisté est une question importante qui est chargée d'émotions et qui divise de nombreux Canadiens et de nombreuses familles. D'ailleurs, le sujet est actuellement en délibéré devant la plus haute instance du pays.

En avril 2010, une grande majorité des députés de la Chambre des communes ont choisi de ne pas modifier la loi et, comme je l'ai mentionné, le gouvernement n'a pas l'intention de rouvrir le débat à ce moment-ci.

(1430)

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, il s'agit effectivement d'une question chargée d'émotions et très difficile. Plus on l'étudie de près, plus elle devient difficile et compliquée. Cependant, je dirais au leader que le Sénat aurait peut-être un rôle à jouer ici, un rôle qu'il a souvent joué, et fort bien joué par le passé.

Au milieu des années 1990, la sénatrice Joan Neiman a présidé le Comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide, qui a publié son rapport en 1995. À l'époque, la majorité des membres du comité ont recommandé que l'euthanasie et l'aide au suicide demeurent des actes criminels, mais qu'on fasse des recherches sur le nombre et les motifs des demandes d'aide au suicide. Par contre, une minorité a recommandé la légalisation de l'aide au suicide.

Vingt ans ont passé et, comme le sénateur Cowan l'a fait remarquer, il y a eu un vaste débat dans la population, l'attitude du public a beaucoup évolué et, sauf erreur, on a fait beaucoup de recherche sur la question. Le gouvernement consentirait-il au moins à appuyer la mise sur pied d'un nouveau comité spécial qui étudierait de nouveau la question avec beaucoup d'attention, de façon réfléchie et objective, comme le Sénat l'a si bien fait il y a 20 ans?

[Français]

Le sénateur Carignan : Il y a 20 ans, la Cour suprême s'est également prononcée dans l'arrêt Rodriguez, et, à l'heure actuelle, elle est de nouveau en délibéré à ce sujet. Comme je l'ai dit, le gouvernement du Canada n'a pas l'intention de rouvrir le débat à ce moment-ci.

La citoyenneté et l'immigration

L'immigration francophone

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne, encore une fois, l'immigration francophone.

Je viens de nouveau vous faire part du mécontentement des francophones en situation minoritaire par rapport à l'abolition du programme d'immigration Avantage significatif francophone. Plusieurs employeurs manitobains des communautés francophones ont manifesté leur découragement, car ils ne pourront plus se prévaloir de ce programme pour faire venir la main-d'œuvre francophone qualifiée qu'ils ne retrouvent pas au Canada.

À titre d'exemple, un agriculteur de chez nous s'est dit stupéfait et complètement découragé; des propriétaires de pâtisseries et de boulangeries ne comprennent pas les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a pris cette décision. Il s'agissait, voyez-vous, du seul outil dont disposaient ces communautés en situation minoritaire pour atteindre des résultats tangibles en matière d'immigration francophone chez nous.

Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, cette décision aura un impact économique sérieux sur nos petites entreprises francophones. Plusieurs de ces employeurs parlent de fermer boutique en l'absence de ce savoir-faire qu'ils allaient chercher ailleurs, parce qu'il n'est pas disponible chez eux.

Pourriez-vous demander au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de se pencher immédiatement sur cette préoccupation et de songer à mettre sur pied une autre initiative permettant d'appuyer l'immigration francophone?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme vous le savez, les changements que le gouvernement a apportés récemment au Programme des travailleurs étrangers temporaires francophones visent à ce que les emplois disponibles soient d'abord proposés aux Canadiens. Or, dans le cadre de ces changements, il fallait avant tout garantir la cohérence des programmes. C'est pourquoi la dispense exceptionnelle, qui était en vigueur dans le cadre du programme Avantage significatif francophone, a été éliminée à compter du 30 septembre.

En 2013, le nombre de francophones qui sont venus au Canada au moyen de ce programme correspondait à moins de 1 p. 100 du nombre total de travailleurs étrangers au Canada.

En ce qui a trait à l'importance de promouvoir l'immigration francophone, je puis vous assurer que le gouvernement continuera de promouvoir l'immigration francophone au moyen de ses programmes d'immigration permanents. Certaines demandes d'immigration seront traitées en l'espace de six mois ou moins dans le cadre du système Entrée express; nous allons donc continuer à faire notre travail pour promouvoir cette immigration francophone.

La sénatrice Chaput : Merci.

Il est difficile d'entendre dire que certains programmes ont eu un impact de moins de 1 p. 100; je l'ai entendu à plusieurs reprises et pas seulement ici. J'ai de la difficulté à entendre cela, à titre de francophone en situation minoritaire, parce que moins de 1 p. 100, ce n'est pas beaucoup pour une majorité, mais c'est beaucoup pour une minorité. Il ne faut jamais oublier cela.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a promis qu'une consultation serait effectuée, parce qu'il veut appuyer les communautés en situation minoritaire; il l'a dit de façon assez directe. Ces communautés attendent avec impatience les consultations promises par le ministre. Ma question complémentaire est la suivante : quand auront lieu les consultations promises par le ministre avec les communautés de langue officielle en situation minoritaire?

Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous en informer et me fournir ensuite la réponse?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je l'ai dit, notre gouvernement va continuer à promouvoir l'immigration francophone dans le cadre de ses programmes permanents. Comme vous le savez, dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018, laquelle vise les domaines de l'éducation et de l'immigration et les communautés, Citoyenneté et Immigration Canada a investi 29,4 millions de dollars pour appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le gouvernement du Canada finance 13 réseaux d'immigration francophone aux quatre coins du pays. Ces réseaux mobilisent des intervenants clés afin de favoriser la collaboration dans le but d'accroître l'immigration francophone dans les communautés visées. Le ministre Alexander s'est récemment engagé à tenir des consultations pour trouver des moyens d'attirer les francophones les plus talentueux et les plus brillants qui nous aideront à répondre à nos besoins en matière de main-d'œuvre.

Connaissant le ministre Alexander, qui est un ministre du gouvernement conservateur et d'un gouvernement qui tient parole, je puis vous assurer qu'il tiendra parole.

La sénatrice Chaput : J'ai confiance que le ministre tiendra parole, mais ma question était la suivante : pouvez-vous vous informer et me fournir ensuite la réponse, afin de savoir quand auront lieu les consultations du ministre auprès des communautés de langue officielle en situation minoritaire?

Le sénateur Carignan : Je pense que le ministre a été clair; il tiendra des consultations. Au moment où il décidera de tenir ses consultations, si vous le voulez bien, je m'assurerai de vous en informer.

L'honorable Claudette Tardif : J'ai une question complémentaire qui s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Pouvez-vous nous indiquer pourquoi le gouvernement a annulé le programme Destination Canada, qui permettait aux organismes francophones de diverses provinces de se rendre dans des pays francophones pour y faire du recrutement?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme je l'ai dit, il y a des groupes, des réseaux d'immigration francophone qui sont financés aux quatre coins du pays pour permettre d'obtenir une immigration francophone de qualité, et cela fonctionne bien. Si vous avez des suggestions pour améliorer le système, comme nous l'avons dit, le ministre Alexander tiendra des consultations pour trouver des moyens d'attirer les francophones les plus talentueux et les plus brillants. Vous pourrez donc faire vos suggestions au ministre lorsqu'il tiendra ces consultations.

La sénatrice Tardif : Quand?

Le sénateur Robichaud : Quand?

[Traduction]

Le Comité de la sécurité nationale et de la défense

Les menaces à la sécurité—Les travaux du comité

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, le très compétent sénateur Lang, qui siège à côté du très compétent sénateur Neufeld. À eux deux, ils ont siégé au Cabinet d'une province ou d'un territoire et dirigé au moins une douzaine de ministères.

(1440)

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, dont il a été question aux informations ce matin et hier soir, étudie la question très grave des menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada.

Le président du comité pourrait-il faire le point sur les activités du comité qui se rapportent à cette question?

L'honorable Daniel Lang : Sénateur Baker, merci beaucoup de votre question, et merci des compliments que vous m'adressez, ainsi qu'à mon collègue de la Colombie-Britannique, en rappelant le travail que nous avons fait à ce niveau dans le monde politique.

Avant toute chose, chers collègues, je tiens, au nom de tous les membres du Comité de la sécurité nationale et de la défense, à exprimer mes condoléances à la famille du jeune soldat canadien qui a perdu la vie à cause de l'attentat d'hier. Nos pensées et nos prières vont aux membres de sa famille, et nous n'oublions pas non plus le deuxième soldat canadien qui a été blessé.

Quant au comité et à son travail, je rappelle une étude qui a été déposée au Sénat, qui l'a approuvée. Il s'agit du rapport sur la défense antimissile balistique. Ce rapport a donc été déposé et approuvé. Tous les membres du comité, de quelque côté qu'ils siègent, ont un grand mérite et sont dignes d'un grand respect pour le travail qu'ils ont consacré à ce rapport que le gouvernement a étudié très sérieusement. Je sais que le gouvernement des États-Unis a reçu un exemplaire de ce rapport. Il sera intéressant de voir les suites qui seront données à l'avenir à tout ce travail acharné.

J'ajoute que le comité est en train de compléter un rapport approfondi sur l'Agence des services frontaliers du Canada et la façon de déterminer quelles personnes ne peuvent être admises au Canada. Nous espérons le terminer d'ici la fin de l'année.

Hier, chers collègues, le comité a entrepris deux nouvelles études. Le sénateur a fait allusion à l'une d'elles, qui traite des menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada. Je voudrais simplement reprendre ici le renvoi. L'étude porte, sans s'y limiter, sur le cyberespionnage, les menaces aux infrastructures essentielles, le recrutement de terroristes et le financement d'actes terroristes, les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes.

Cette étude des très graves menaces que le terrorisme fait planer sur nous arrive à point nommé. Nous étudions là un sujet qui, selon moi, est au premier plan des préoccupations des Canadiens. Les questions qui se posent sont les suivantes : quelles sont les menaces que le terrorisme fait planer sur les Canadiens, quelle en est la gravité et que peuvent raisonnablement faire le gouvernement, le secteur privé et le grand public pour contrer ces menaces qui sont constantes et de plus en plus graves? À mon sens, il faut que ce débat se déroule de façon raisonnée et éclairée, et je suis heureux que le Sénat ait confié au comité le soin de réaliser cette étude.

Je voudrais également dire à tous les sénateurs que le comité entreprend une étude sur les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique et leurs répercussions sur les politiques, pratiques, situation et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense.

En ce qui concerne la région Indo-Asie-Pacifique, James Boutilier, conseiller spécial en politiques au quartier général des Forces maritimes du Pacifique, nous a dit hier que le Canada accusait du retard dans la région et qu'il nous fallait mettre l'accent aussi bien sur les questions de défense et de sécurité que sur les questions de commerce.

Honorables sénateurs, dans ce contexte, je suis heureux de mentionner que notre comité se réunit de 13 heures à 17 h 30 les lundis. Nous faisons de notre mieux pour utiliser pleinement les quatre heures qui nous ont été accordées.

Je reviens à la question posée par le sénateur relativement à l'antiterrorisme. Je fais un retour dans le temps pour rappeler à tous mes collègues le rapport du comité sénatorial sur l'antiterrorisme, qui a été déposé ici, sauf erreur, en 2011, par le sénateur Joyal. Ce document nous sert de fondement pour une partie de notre étude. Je veux donc simplement vous dire que les rapports sénatoriaux déposés ici sont étudiés et ensuite utilisés comme documents de référence.

Le sénateur Baker : Très bonne réponse, monsieur le président.

Je me dois aussi de mentionner d'autres membres du comité, à savoir le sénateur Mitchell, la sénatrice Beyak, le sénateur Dagenais, le sénateur Day, le sénateur Kenny, le sénateur Ngo, la sénatrice Stewart Olsen et le sénateur White.

Le président peut-il dire au Sénat à quelle date le comité prévoit terminer son étude sur cette question très importante?

Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, en vertu de notre mandat, nous sommes tenus de faire rapport au Sénat au plus tard en décembre 2015. J'espère que nous serons en mesure de présenter un ou deux rapports intérimaires avant cette échéance, selon les conclusions auxquelles nous en arriverons.

Je signale que, lundi prochain, le comité accueillera le commissaire Paulson de la GRC, qui viendra discuter plus en détail du dossier du terrorisme et de la responsabilité confiée à la GRC. Ces précisions devraient compléter l'information communiquée au grand public.

Je veux simplement conclure en disant qu'il est très important que les gens comprennent que si le Sénat a entrepris cette étude, c'est, comme je l'ai mentionné plus tôt, pour tenir un débat public raisonnable et pour faire en sorte que les Canadiens soient pleinement conscients des menaces qui pèsent contre nous.

[Français]

Le revenu national

La transmission de données financières aux États-Unis

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Au cours de la semaine qui a précédé le congé de l'Action de grâce, mes collègues ont peut-être rencontré plusieurs personnes, ici à Ottawa, dans le cadre de la rencontre des coopératives canadiennes. Le dernier budget prévoyait la mise en œuvre d'un traité avec les États-Unis qui avait pour effet de demander à l'Agence du revenu du Canada de fournir, au gouvernement américain, toutes les données financières concernant les Américains d'origine. Cette opération a coûté 750 millions de dollars aux banques canadiennes jusqu'à maintenant. Par contre, les coopératives ne sont pas visées. Elles en font même une publicité.

Ma question est très simple : les coopératives, qui sont composées surtout de gens du milieu rural ou de petites et moyennes entreprises, seront-elles sommées, elles aussi, de remettre toutes leurs données financières liées aux Américains d'origine qui sont installés ici, au Canada?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Il s'agit d'une question technique au sujet de l'entente. Je vais donc prendre votre question en note et vous présenter une réponse plus tard.

La sénatrice Hervieux-Payette : Pour vous permettre de faire votre devoir convenablement, je vais continuer en anglais, parce que c'est la langue dans laquelle on a étudié cette loi, nommée FATCA.

[Traduction]

Il ne s'agit pas seulement d'un traité entre le Canada et les États-Unis. Tous les grands pays sont tenus de fournir les mêmes renseignements au gouvernement américain. Cela signifie qu'une très grande partie de l'information sur le système financier mondial sera détenue par le gouvernement américain. Or, cette information pourrait être très profitable si elle tombait entre les mains d'une institution financière privée. Elle pourrait être extrêmement rentable pour une économie qui voudrait que ses services financiers dominent les finances mondiales. N'oublions pas la débâcle de Wall Street.

Quelles garanties le gouvernement conservateur a-t-il que toute l'information sera protégée au sein du gouvernement américain et qu'aucune institution financière privée ou publique aux États-Unis ne tirera profit de ces renseignements?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je puis vous assurer que, lorsque les données sont transmises, elles le sont conformément à la loi. Toutes les mesures sont prises pour protéger la vie privée des gens et la confidentialité des renseignements qui sont transmis.

En outre, je pourrai compléter cette partie de la réponse, si vous le voulez bien, dans le cadre de ma réponse à la première partie de la question.


(1450)

[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Judith Seidman propose que le projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre encore une fois la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-17, Loi visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses, également connue sous le nom de Loi de Vanessa.

J'ai eu le privilège de prendre part à l'examen du projet de loi à titre de membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Notre comité a eu l'occasion d'entendre des médecins, des pharmaciens, des chercheurs, des universitaires, des experts en innocuité des médicaments et en droit de la santé ainsi que des intervenants tels que des représentants d'associations de patients et de l'industrie pharmaceutique et, bien sûr, le député Terence Young et la ministre de la Santé.

Le projet de loi C-17 améliorera sensiblement la santé et la sécurité des familles canadiennes. Si elle est adoptée, la Loi de Vanessa donnera au ministre de la Santé de nouveaux moyens d'assurer l'innocuité des médicaments, comme le pouvoir de rappeler les drogues dangereuses, d'imposer de sévères sanctions pécuniaires et d'exiger des établissements de soins de santé la déclaration obligatoire des réactions indésirables.

Je voudrais aujourd'hui concentrer mes propos sur les dispositions du projet de loi C-17 relatives à une population particulière, les enfants.

Tout parent qui apprend que son enfant est gravement malade vous dira que cette nouvelle bouleverse tout son univers. Il oublie tout : travail, routine quotidienne, amis et souvent lui-même. Son seul objectif est de veiller à ce que son enfant reçoive les meilleurs soins possibles. Il suit ses progrès heure après heure, semaine après semaine et souvent mois après mois. Il consacre toute son énergie à l'aide qu'il peut apporter. Après tout, il veut que son enfant aille mieux pour pouvoir recommencer à jouer avec ses amis et aller à l'école. Il veut simplement qu'il soit de nouveau heureux et en santé.

Comme parent, vous aimez et soignez votre enfant pendant toute la durée de sa maladie. Vous passez d'innombrables heures à l'hôpital ou dans une clinique. Vous finissez par bien connaître le personnel de l'établissement : médecins, infirmières, employés de la réception et même le personnel de la cafétéria. Vous commencez à vous fier aux professionnels de la santé et aux traitements qu'ils administrent. Vous souhaitez, bien entendu, que ces traitements soient les meilleurs que le système puisse offrir.

Chose encore plus importante, vous vous attendez à ce que les médicaments prescrits à votre enfant soient sûrs et efficaces. Ne perdons pas de vue, honorables sénateurs, que ce projet de loi porte le nom d'une enfant, Vanessa, qui a malheureusement été victime d'une réaction indésirable à un médicament.

Je voudrais, à ce stade, prendre quelques instants pour parler des dispositions de la Loi de Vanessa qui permettront à Santé Canada d'être mieux en mesure d'exercer ses fonctions d'organisme de réglementation. Si le projet de loi est adopté, il garantira que les traitements administrés aux enfants sont les plus pertinents et les plus actuels et se fondent sur les données les plus récentes concernant l'innocuité des médicaments et des dispositifs médicaux.

Si le projet de loi C-17 est adopté, il permettra de s'assurer que nous continuerons à recueillir des renseignements sur les médicaments et les dispositifs approuvés aussi bien après qu'avant leur mise en marché.

Par le passé, les décisions concernant les médicaments prescrits aux enfants se fondaient souvent sur les données tirées d'études faites sur des adultes. Nous savons cependant que l'innocuité et l'efficacité des médicaments peuvent être très différentes chez l'adulte et chez l'enfant. La recherche a révélé que les enfants ont une physiologie très différente de celle des adultes, qu'ils métabolisent différemment les médicaments et que les maladies n'évoluent pas de la même façon dans les deux groupes.

Par conséquent, lorsqu'une société pharmaceutique conçoit un traitement à usage pédiatrique, elle doit recueillir des renseignements au sujet du médicament utilisé avant qu'il ne soit approuvé par Santé Canada et mis en marché. Au cours de son développement, le médicament passera du laboratoire au chevet du patient, puis à l'étape de la synthèse et, ce qui est encore plus important, au stade des essais cliniques.

À l'heure actuelle, les essais cliniques constituent une très importante source d'information. Les responsables de l'essai clinique recrutent des enfants partout dans le pays, sinon dans le continent, dans les différents centres universitaires et les hôpitaux afin d'étudier l'utilisation, la posologie, la durée du traitement et la façon d'administrer le médicament. Ils déterminent aussi les situations dans lesquelles le produit devrait ou ne devrait pas être utilisé dans la population en cause. Santé Canada revoit ensuite tous les résultats et, si le produit est sûr, efficace et de grande qualité, autorise la société en cause à le mettre en marché au Canada pour un usage particulier, dans une population pédiatrique particulière et pour une durée déterminée.

Toutefois, une fois qu'un produit a été mis en marché, Santé Canada n'a plus qu'une possibilité limitée de recueillir des renseignements à son sujet et même de prendre des mesures en cas de problème. Quand il s'agit de traitements administrés à des enfants, Santé Canada doit avoir la même capacité d'agir après qu'avant la mise en marché du produit.

C'est là qu'interviennent les nouvelles dispositions du projet de loi C-17. Si elle est adoptée, cette mesure législative conférera au ministre de la Santé le pouvoir d'assujettir une autorisation à des conditions et celui de les rendre publiques. Cela signifie que, dans le cadre de l'autorisation, Santé Canada pourra demander aux sociétés pharmaceutiques de continuer à recueillir des renseignements pratiques après la mise en marché du produit et de veiller à ce que les Canadiens aient facilement accès à ces renseignements.

Dans ces circonstances, Santé Canada pourra exiger des sociétés de recueillir des données sur les enfants souffrant d'affections multiples. Par exemple, le ministère pourrait leur demander d'examiner les effets des médicaments sur des enfants atteints d'une maladie du rein. Ces effets pourraient ne pas avoir été étudiés lors des essais cliniques initiaux, ce qui serait indiqué sur l'étiquette approuvée. Toutefois, ces renseignements pourraient devenir importants plus tard une fois que nous disposerons de données pratiques et que le produit aura été administré à des enfants atteints de certaines maladies.

Grâce à ce nouveau pouvoir, Santé Canada sera en mesure de faire plus que de se contenter d'envoyer des lettres d'avertissement. Le ministère pourra forcer les sociétés pharmaceutiques qui profitent de la vente de ces médicaments à exercer une surveillance active de la sécurité auprès de sous-groupes n'ayant pas auparavant fait l'objet d'études. Il pourra aussi voir de quelle façon le produit est utilisé sur le marché.

L'adoption du projet de loi C-17 permettrait au ministre de la Santé d'exiger un changement d'étiquette pour le médicament et de communiquer cette information aux Canadiens. Autrement dit, s'il existe une préoccupation liée au médicament, l'étiquette doit être mise à jour. Grâce à ce nouveau pouvoir, la mise à jour se fera immédiatement, sans faire l'objet de longues négociations, ce qui permettra aux professionnels de la santé qui traitent des enfants d'être au courant des changements demandés et d'obtenir des renseignements récents et à jour.

Nous savons que les réactions indésirables aux médicaments ne sont pas toutes rapportées et il faut absolument corriger cette situation. Le projet de loi C-17 propose évidemment de rendre obligatoire la déclaration des réactions indésirables graves et des incidents liés aux instruments médicaux dans les établissements de santé. Les déclarations de telles réactions graves reçues des fabricants, des établissements de santé, des professionnels de la santé et du public sont souvent le premier indice d'un problème de sécurité lié à un médicament.

En vertu du projet de loi C-17, Santé Canada devra agir rapidement et communiquer cette information à d'autres professionnels de la santé et à d'autres Canadiens, afin de prévenir des préjudices et des conséquences tragiques pour d'autres enfants qui prennent le même médicament.

Ce sont là quelques-unes des nouvelles dispositions proposées dans la Loi de Vanessa afin de favoriser la collecte continue d'information sur les médicaments et les appareils médicaux, tant avant qu'après leur mise en marché.

(1500)

Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir encore une fois donné l'occasion de parler des avantages du projet de loi C-17 et de la façon dont cette mesure législative va améliorer la sécurité des patients et avoir un impact positif sur les Canadiens et leurs familles. C'est un honneur et un privilège pour moi d'avoir participé au processus entourant cette importante mesure législative, qui vise à assurer un système de santé sûr et efficace aux familles canadiennes.

Je sais que tous les sénateurs vont se joindre à moi pour remercier le député Terence Young et la ministre Ambrose d'avoir présenté ce projet de loi. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon
La Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Daniel Lang propose que le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de proposer la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi sur l'amélioration de la réglementation au Yukon et au Nunavut. Je tiens à souligner le travail du président et du vice-président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, c'est-à-dire les sénateurs Neufeld et Massicotte, ainsi que de leurs collègues et employés, lors de l'examen exhaustif qu'ils ont fait de la mesure législative dont nous sommes saisis.

Comme la majorité des sénateurs le savent, le projet de loi S-6 vise à mettre à jour et à moderniser les processus de réglementation environnementale au Yukon, au moyen de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, et au Nunavut, par le truchement de la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut.

Lors des audiences, le comité a entendu des témoins du Yukon et du Nunavut, qui ont dit que le projet de loi S-6 était nécessaire et avantageux pour leurs territoires respectifs.

L'un d'entre eux, le premier ministre du Yukon, Darrell Pasloski, a dit qu'il appuyait fortement les modifications proposées à la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon. Il a fait remarquer que, lors de son entrée en vigueur, en 2003, cette loi était à l'avant-garde et qu'elle faisait l'envie du reste du pays, car elle favorisait le principe d'une seule évaluation par projet.

Depuis, toutes les autres administrations au pays ont adopté ce principe. Toutefois, il a déclaré que, en raison de modifications supplémentaires visant à moderniser les lois sur l'évaluation environnementale ailleurs au Canada :

[...] nous ne sommes pas aussi concurrentiels que les autres provinces et territoires. Honnêtement, nous aimerions être à nouveau sur un pied d'égalité avec les autres provinces et les autres territoires du pays.

L'été dernier, j'ai rencontré plusieurs intervenants au Yukon qui m'ont dit la même chose.

Ces intervenants ont soulevé diverses questions relativement aux problèmes que pose le régime de réglementation actuel, notamment le fait que des projets d'exploitation minière ayant déjà obtenu l'approbation et les permis nécessaires font souvent l'objet de nouvelles évaluations environnementales à la suite de simples changements mineurs aux projets. Plusieurs projets ont été retardés, voire abandonnés, en raison de cette exigence, ce qui a entraîné la perte de possibilités d'emploi et de développement économique.

Honorables sénateurs, l'obligation d'assujettir de nouveau les projets à une évaluation environnementale sans que des changements importants y soient apportés fait perdre beaucoup de temps et constitue une utilisation inefficace de l'argent des contribuables. En outre, cette situation crée un climat d'investissement incertain, qui met en péril le développement économique de demain.

Le projet de loi S-6 propose d'éliminer ces formalités administratives et d'exiger la tenue d'une nouvelle évaluation uniquement lorsqu'on souhaite apporter des changements « importants » au projet, ce qui est conforme aux changements apportés récemment à d'autres lois en matière d'évaluation environnementale. Le projet de loi précise également que n'importe quel organe décisionnel peut déterminer si un projet doit faire l'objet d'une évaluation ou non. Dans le cas des terres visées par un accord, l'organe décisionnel serait la Première Nation.

L'inclusion de délais du « début à la fin » dans le projet de loi S-6 va aussi garantir un certain degré de prévisibilité et, par voie de conséquence, une plus grande certitude économique et une plus grande confiance chez les investisseurs. Le fait d'avoir des délais définis va aussi assurer une discipline nécessaire au niveau des décisions prises dans le processus de réglementation.

David Morrison, président et directeur général de la Yukon Energy Corporation, a parlé au comité de la nécessité d'avoir un degré de certitude pour favoriser les investissements lorsqu'il a fait valoir les avantages découlant des délais prévus dans le projet de loi S-6. Il a expliqué qu'il a subi 3 examens du comité de direction, 33 examens de bureaux désignés et 39 examens dans le cadre de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, la LEESY. Ce témoin, qui a plus d'expérience pratique avec la LEESY que quiconque dans le territoire, a fait état des défis posés par le système actuel.

Il a décrit un cas récent où il s'est écoulé 82 jours entre l'ébauche d'une étude préalable et le rapport d'examen final pour un projet visant une ligne de transmission longeant une route. Le témoin s'est demandé pourquoi il a fallu 30 jours pour solliciter l'opinion du public, puis 52 jours supplémentaires pour compléter un rapport d'examen dont l'ébauche avait déjà été rédigée.

Le témoin a aussi expliqué l'importance d'avoir des délais prévisibles pour lancer des projets de mise en valeur des ressources tout en respectant les échéanciers et les budgets. Il a dit : « Lorsque vous dépensez des centaines de millions de dollars, vous devez connaître les règles et celles-ci doivent être cohérentes. » Le projet de loi est utile non seulement aux sociétés minières, mais aussi aux municipalités qui comptent sur ce processus pour les projets d'infrastructure.

Certaines préoccupations ont été soulevées au sujet du projet de loi, en particulier l'article 6, qui prévoit la délégation des pouvoirs du ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien à un ministre territorial, et l'article 121, qui prévoit que le ministre doit donner des instructions générales obligatoires à l'office.

Ces questions ont été soulevées au comité et je veux les aborder brièvement.

La délégation de pouvoirs reflète la volonté de transférer des pouvoirs au gouvernement du Yukon et la conviction du gouvernement conservateur que les décisions les plus éclairées sont prises par ceux qui sont sur place. Cela dit, le ministre et le premier ministre du Yukon ont été très clairs sur le fait qu'aucune délégation de pouvoirs n'est envisagée pour le moment.

Pour ce qui est de donner des instructions, le projet de loi stipule que ces instructions doivent être conformes à l'accord-cadre définitif entre la Couronne et les Premières Nations du Yukon.

Des instructions ne peuvent être données que relativement à l'exercice des pouvoirs ou à l'accomplissement des fonctions de l'office en vertu de la loi. Les instructions ne peuvent servir à guider un projet précis, à gêner la capacité de l'office de s'acquitter de ses obligations juridiques, à élargir les pouvoirs de l'office ou à les restreindre.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, le gouvernement n'a pas élaboré le projet de loi S-6 à la hâte. Au contraire, cette mesure est le fruit de vastes consultations auprès des intervenants clés, en particulier les Premières Nations. Les consultations ont duré sept ans. Elles ont débuté avec le premier processus d'examen quinquennal, en 2008, qui s'est poursuivi jusqu'en 2012. Cet exercice a permis d'en arriver à un accord sur 72 des 76 recommandations concernant la façon d'améliorer le processus.

Le processus d'évaluation quinquennale a été suivi de consultations sur des modifications supplémentaires afin que la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon intègre les changements apportés à d'autres mesures législatives sur l'évaluation environnementale dans les autres territoires du Nord ainsi qu'au sud du 60e parallèle.

Le comité a appris que, tout au long du processus, tous les groupes autochtones ont eu accès à du financement pour étudier les propositions législatives, rédiger des présentations et assister à des séances de consultation. Des préoccupations ont été formulées au comité relativement à la prépondérance du projet de loi sur l'accord-cadre définitif.

Le comité a tenu compte de cette préoccupation en ajoutant l'observation suivante au rapport sur le projet de loi S-6 :

Le comité prend acte des préoccupations entourant la délégation d'attributions et il recommande au gouvernement de veiller à ce que toute délégation d'attributions au gouvernement territorial soit conforme à l'Accord-cadre définitif conclu avec les Premières Nations du Yukon.

Je tiens aussi à signaler que rien dans le projet de loi S-6 ne change le fait que la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est un processus cogéré qui garantit la participation et la représentation des Premières Nations puisque qu'elles nomment trois des sept membres de l'office de réglementation

Enfin, en ce qui concerne les modifications apportées à la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, qui gère et réglemente l'utilisation de l'eau au Nunavut, mon collègue, le sénateur Patterson, qui représente le Nunavut, dirait que la disposition la plus importante du projet de loi vise l'article 76, qui porte sur la question du surcautionnement au Nunavut.

Cette disposition indiquera aux promoteurs et aux Nunavummiuts la façon de procéder pour les accords de sûreté visant les terres inuites et les terres publiques. Cela est très important parce que les Inuits possèdent environ 18 p. 100 des terres du Nunavut, ce qui fait d'eux les plus grands propriétaires fonciers au monde, et parce que presque tous les projets miniers proposés au Nunavut sont situés sur des terres inuites ou doivent emprunter ces terres.

En outre, le projet de loi prévoit l'augmentation des amendes, l'établissement de sanctions administratives pécuniaires, la mise en place d'échéanciers complets pour les décisions concernant les permis d'utilisation des eaux et la création de règlements visant le recouvrement des coûts.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, le ministre de l'Environnement du Nunavut, Johnny Mike, a qualifié le projet de loi d'« étape importante dans la création d'un régime de réglementation efficace et moderne pour le Nunavut » et a dit que le projet de loi « donnera à l'office et aux organismes de réglementation de nouveaux pouvoirs importants qui assureront une utilisation durable et écologique de l'eau au Nunavut. »

(1510)

Chers collègues, l'objectif ultime du projet de loi et de nos efforts visant à renforcer les régimes de réglementation dans le Nord est de libérer davantage le potentiel économique de la région tout en assurant une saine intendance en matière d'environnement. Cela aidera les territoires à demeurer pendant des années un lieu attrayant pour y investir, vivre, travailler et élever une famille.

J'exhorte tous les sénateurs à se joindre à nous pour appuyer l'avenir économique du Nord en adoptant le projet de loi.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je prends la parole avec plaisir pour appuyer les observations de mon collègue, le sénateur Lang. Il a expliqué de façon exceptionnelle ce que le projet de loi S-6 vise à faire. Je ne reprendrai donc pas la liste exhaustive des initiatives prévues dans le projet de loi.

Je félicite les sénateurs Lang et Patterson. Tous deux sont des représentants aussi passionnés qu'efficaces de leurs régions respectives, et leur travail m'inspire une profonde admiration.

Moi aussi, je félicite, comme le sénateur Lang l'a fait, le président du comité, le sénateur Neufeld, et le comité lui-même du travail excellent et exhaustif qu'ils ont accompli dans le cadre du projet de loi. Il y avait une longue liste très complète de témoins issus d'horizons très divers. Nous conviendrons tous qu'il serait difficile de nier que tous les aspects du projet de loi ont été plus que suffisamment étudiés et que les témoignages ont porté sur chacun de ces aspects.

Je félicite les fonctionnaires du gouvernement fédéral et de chacun des territoires qui ont travaillé à cet important projet de loi. C'est avec une passion remarquable qu'ils se sont attaqués à cette grande initiative visant à bâtir le Nord, à bâtir ces deux territoires et les Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu'à d'autres mesures législatives. Ils nous ont donné des réponses directes, des réponses fort détaillées, et ils ont tout fait — je songe plus particulièrement aux fonctionnaires fédéraux lors d'une des dernières réunions — pour répondre aux préoccupations soulevées au cours des séances et des témoignages.

Je félicite donc les fonctionnaires et j'attire l'attention des sénateurs sur la qualité de leur travail.

Le sénateur Lang y a fait allusion : des préoccupations ont été soulevées au cours des témoignages, et le comité les a prises très au sérieux. Il y a longuement réfléchi.

Des groupes autochtones, notamment, se sont inquiétés du niveau, de l'ampleur et de l'intensité des consultations. Je suis sensible à ce problème, autant qu'on peut l'être quand on n'est pas autochtone, peut-être. J'espère que c'est le cas, mais je crois qu'il y a eu de vastes consultations. Je ne dirai pas que les consultations ont permis aux peuples autochtones d'obtenir tout ce qu'ils demandaient ou souhaitaient obtenir, mais je crois qu'il y a eu un effort légitime, intense, profond afin de mener des consultations larges, authentiques et sincères avec eux.

Il y a également la question de la capacité, un problème que nous avons souvent relevé en étudiant diverses questions dans le Nord, mais peut-être moins du côté du Yukon, qui est un peu plus développé que le Nunavut. Il ne s'agit pas de minimiser la grandeur et les moyens du Nunavut, mais il y a là une préoccupation à prendre en considération dans l'application de cette mesure législative, avec le transfert de pouvoirs et l'application des processus qu'elle prévoit. Il s'agit de la capacité de la fonction publique, et aussi de la capacité — financière entre autres — des nombreux groupes en cause, plus particulièrement des groupes autochtones, de participer aux processus relatifs au développement, au traitement des certificats et à la certification de divers projets de développement.

Je dirai, car je suis sensible comme nous le sommes tous aux questions environnementales, que nous devons protéger avec grand soin l'environnement du Nord. Chose certaine, les habitants du Nord en sont bien conscients, en particulier les peuples autochtones.

Ce qu'on peut sûrement affirmer, c'est qu'il serait injuste de ne pas avoir dans le Nord le même processus environnemental, les mêmes avantages pour le développement économique qui semble s'annoncer que ce qui existe pour le développement dans le Sud. Dans la mesure où cette égalité est assurée, il s'agit ici d'une initiative valable.

Le sénateur Lang a également parlé des pouvoirs de délégation du ministre et du fait que le ministre conserve le pouvoir de choisir des orientations dans le cadre de certains de ces examens environnementaux et autres processus. Je dois avouer que, au départ, cela a semblé préoccupant, aussi bien pour moi que pour d'autres, mais nous avons étudié la question posément et en profondeur.

Fait intéressant, le ministre possède actuellement ces pouvoirs. Si le projet de loi n'en traite pas, cela ne constitue en rien un changement. Le statu quo est maintenu, c'est tout. D'aucuns diront peut-être que nous avons laissé passer une occasion, mais il n'est pas dit qu'elle ne reviendra pas. Il sera possible de revoir la question ultérieurement.

J'ai demandé expressément aux fonctionnaires fédéraux qui travaillent dans le domaine combien de fois le ministre avait exercé ce pouvoir. Ils ont dit clairement qu'il l'avait fait quatre fois. Chose curieuse, puisque cette préoccupation est venue au moins en partie de groupes autochtones, les fonctionnaires ont dit que le ministre était intervenu quatre fois pour protéger et promouvoir les intérêts de peuples autochtones, notamment ceux qui sont visés par divers accords et droits.

Ce pouvoir d'imposer des orientations a été exercé, mais il se trouve qu'il l'a été, paradoxalement, pour répondre aux préoccupations de ceux qui, aujourd'hui, s'inquiètent de ce pouvoir. Par conséquent, je ne suis plus aussi préoccupé par cette disposition. De plus, je le répète, il n'est pas exclu qu'elle soit modifiée ultérieurement. Au gré de l'évolution des capacités, de l'histoire, des traditions, des processus et de la vie dans le Nord, bien d'autres changements viendront.

Je crois qu'il faut souligner qu'à bien des égards ce projet de loi est un autre projet de loi, l'un des trois, qui constitue l'édification de la nation. Ce n'est pas tous les jours que nous commençons à bâtir une région ou un gouvernement. Ce ne sont pas encore des provinces. Ils le seront peut-être un jour, mais il s'agit d'une étape pour s'y rendre. En terminant, je ne suis pas avocat, mais j'aimerais dire qu'une initiative qui renforce ainsi les institutions et la présence dans le Nord pourrait fort bien nous être très utile dans nos revendications en ce qui concerne notre souveraineté dans l'Arctique, un enjeu de plus en plus critique, comme nous en sommes tous conscients.

J'appuierai le projet de loi, et je félicite les territoires, les premiers ministres, les gouvernements et tous ceux qui y ont collaboré.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Batters, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Procureur général du Canada c. Bedford et apportant des modifications à d'autres lois en conséquence.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Procureur général du Canada c. Bedford et apportant des modifications à d'autres lois en conséquence, qui est mieux connu sous son titre abrégé, Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d'exploitation. Comme le savent les honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a réalisé une étude préliminaire du projet de loi C-36. Je voudrais, à cet égard, remercier la sénatrice Batters, qui a parrainé le projet de loi, pour l'important travail qu'elle a fait à cet égard.

(1520)

J'ai toujours cru que la Chambre des communes s'occupait des projets de loi en pensant aux droits de la majorité, tandis que le Sénat a été créé pour protéger les droits des minorités. Je suis persuadée que notre rôle consiste à protéger les gens les plus marginalisés et à défendre les minorités.

Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord mettre en évidence les changements fondamentaux que propose le projet de loi C-36. Le ministre de la Justice a dit explicitement que cette mesure législative rendrait la prostitution illégale au Canada. Pour la première fois, la prostitution serait contraire à la loi dans notre pays en vertu du projet de loi C-36.

Ce projet de loi se fonde sur la conviction que tous les travailleurs et travailleuses du sexe sont des victimes. Le ministre de la Justice, Peter MacKay, a dit que le projet de loi propose « d'accorder aux vendeurs le traitement réservé aux victimes d'exploitation sexuelle, victimes qui ont besoin d'aide pour quitter le monde de la prostitution ». C'est le fondement du projet de loi C-36, qui tient cette hypothèse pour un fait. Toutefois, cela ne concorde pas avec ce que nous avons entendu ces derniers mois lors des audiences du Comité de la justice de la Chambre des communes ainsi qu'au cours de l'étude préliminaire du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et durant les discussions respectives qui ont suivi.

Nous avons appris que certaines travailleuses du sexe ont choisi de travailler dans cette industrie. C'est en fait la principale raison pour laquelle Terri-Jean Bedford, Valerie Scott et Amy Lebovich ont porté l'affaire Procureur général du Canada c. Bedford devant la Cour suprême. À titre de travailleuses actives du sexe, qu'elles avaient choisi comme profession, elles avaient jugé que leurs droits garantis par la Charte étaient violés par les lois actuelles du Canada.

La Cour suprême, qui est notre plus haut tribunal, s'est prononcée en leur faveur. Elle a estimé que les personnes qui choisissent délibérément l'industrie du sexe ont droit aux mêmes protections, en vertu de la Charte, que tous les autres citoyens. Par conséquent, les lois existantes qui violent ces droits cesseront d'être en vigueur en décembre. En statuant que ces lois violent les droits des travailleuses actives du sexe, la Cour suprême a admis implicitement qu'il y a dans cette industrie des personnes qui travaillent de leur propre gré, ce que rejette le fondement du projet de loi C-36.

Je voudrais prendre quelques instants pour examiner plus en détail ce concept car je crois qu'il constitue le facteur fondamental qui est en cause dans le projet de loi, surtout si l'on tient compte du débat qui l'a entouré. Le ministre de la Justice, les fonctionnaires du ministère et les partisans du projet de loi, dans sa forme actuelle, croient tous que les travailleuses du sexe sont invariablement des victimes.

Honorables sénateurs, je comprends la fausse impression qu'ont ces gens. En fait, je partageais leur point de vue jusqu'en septembre dernier. Pendant tout l'été et au début de l'automne, j'ai discuté du projet de loi avec beaucoup de gens à Vancouver et en Ontario. J'ai appris beaucoup de choses que je ne savais pas et qui m'ont amenée à changer d'avis. Je suis maintenant persuadée que les travailleuses du sexe doivent être protégées. Ce projet de loi ne les protège pas.

Honorables sénateurs, lorsque je vais dans la rue en compagnie de travailleurs sociaux et que je constate les effets qu'aura le projet de loi, je suis vraiment troublée. Je dois dire qu'il m'a fallu un certain temps pour me rendre compte que le travail du sexe peut constituer un choix actif. Ma vie, mes expériences et la société que je connais m'avaient toujours donné l'impression que les travailleurs — et surtout les travailleuses — du sexe étaient des victimes.

Après d'innombrables entretiens avec ces travailleuses ainsi qu'avec des groupes de défense de leurs droits, après l'étude préliminaire réalisée par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, je comprends maintenant qu'il y a deux catégories de personnes dans l'industrie du sexe : les victimes qui sont exploitées ou forcées et les personnes qui sont là délibérément. Comment l'ai-je appris? J'ai posé la question à un groupe de travailleuses du sexe. Je leur ai demandé de me dire si elles se considéraient comme des victimes. Certaines ont dit que ce n'était pas le cas. J'ai entendu un « non » catégorique lorsque j'ai posé la question à un groupe de travailleuses du sexe qui avaient délibérément choisi ce domaine, lors de l'étude préliminaire du comité du Sénat. Elles ont rejeté cette affirmation et ont refusé de se considérer comme des victimes.

Honorables sénateurs, je voudrais réfuter quelques mythes sur lesquels se fonde cette victimisation des travailleuses du sexe. Aucun sénateur, aucun parlementaire ne dit que nous devrions fermer les yeux sur l'exploitation de n'importe quel membre de notre société. Toutefois, ce projet de loi nous est présenté comme un instrument qu'il n'est pas. Il n'a pas pour but de protéger les victimes de l'industrie du sexe. Nous avons déjà des mesures législatives qui le font. Ce n'est ni un projet de loi contre la traite de personnes ni un projet de loi de lutte contre l'agression sexuelle.

Par exemple, beaucoup des témoins qui ont comparu devant le Comité de la justice de la Chambre et devant notre comité ont parlé de l'exploitation de jeunes filles de moins de 18 ans dans l'industrie du sexe. Honorables sénateurs, cette exploitation est déjà illégale au Canada. La traite de personnes, mineures ou majeures, est contraire à la loi. Il est également illégal d'exploiter n'importe quelle personne, y compris les mineurs.

L'inquiétude que suscite la traite de personnes est très réelle. C'est une industrie vraiment cruelle. La ressource qui fait l'objet du plus grand trafic dans le monde, ce sont les personnes. Il s'agit d'une industrie brutale et déshumanisante à laquelle nous devons mettre fin, mais ce projet de loi ne s'attaque pas à cet aspect. Des dispositions contre la traite sont déjà inscrites dans notre Code criminel.

Les partisans du projet de loi C-36 prétendent aussi qu'il protégera les membres les plus vulnérables de la société, et particulièrement ceux qui sont vulnérables au trafic du sexe. Nous savons qu'un nombre disproportionné de femmes autochtones sont forcées de travailler dans l'industrie du sexe, mais ce projet de loi ne les protégera pas la davantage.

Lorsque j'ai parcouru les rues de Vancouver et parlé à des membres de cette industrie, elles m'ont dit que le projet de loi n'avait rien qui puisse les protéger et qu'il pourrait en fait leur nuire. Permettez-moi, pour être parfaitement claire, de répéter ce point : il s'agit non pas d'un projet de loi sur le trafic du sexe, mais d'un projet de loi sur le travail du sexe, un travail consensuel entre adultes consentants et non un travail forcé. Toutes les questions que je viens d'énumérer sont d'une très grande importance et méritent une plus grande attention.

Honorables sénateurs, je crois fermement, après avoir entendu les témoignages, que nous devons consacrer plus de ressources à la protection des membres vulnérables de notre société. Le projet de loi à l'étude ne le fera pas parce que cela ne fait pas partie de ses objectifs et que les groupes en cause ne constituent pas ses principales cibles. Toutefois, c'est un sujet différent que, à mon avis, nous devrons aborder.

Il faut raffermir les importantes lois qui sont en place pour contrer les atrocités comme la traite des personnes ou accorder plus d'attention aux initiatives visant à les appuyer. Le gouvernement devrait montrer qu'il les appuie sérieusement. Selon moi, lancer une commission d'enquête sur les femmes et les jeunes filles autochtones disparues et assassinées au pays constituerait un bon point de départ. Le gouvernement manifesterait ainsi son engagement à cibler les agresseurs qui sévissent dans nos collectivités et le fait qu'il se préoccupe sérieusement du bien-être des Canadiennes.

Rendre illégale la prostitution entre adultes consentants n'éliminera pas l'exploitation sexuelle et celle de mineurs, ou la traite des personnes — on pose déjà ces actes illégaux clandestinement. Ces pratiques sont illégales au Canada et le demeureront, que le projet de loi soit adopté ou pas. Je suis absolument de cet avis.

Comme les honorables sénateurs le savent, je consacre beaucoup d'efforts à la lutte contre la traite des personnes. Pendant plusieurs années, j'ai collaboré étroitement avec des organisations qui font un travail extraordinaire partout dans le monde pour éradiquer cette pratique et aider ses victimes à regagner leur liberté. L'une de ces organisations est l'International Justice Mission. Personne n'ignore que les victimes de la traite des personnes sont en général destinées à l'exploitation sexuelle. Personnellement, comme tous ceux ici présents, j'ai en horreur cette activité révoltante et je continuerai à la combattre par tous les moyens qui sont à ma portée.

Je ne saurais trop insister sur la distinction entre les véritables victimes du commerce du sexe et les prostituées qui choisissent ce travail de plein gré.

(1530)

Les personnes mineures victimes d'abus, de même que les victimes de la traite des personnes à des fins sexuelles et de toute autre forme d'exploitation sexuelle ou humaine sont protégées par les lois en vigueur à l'heure actuelle au Canada. Il est donc faux de prétendre que le projet de loi C-36 nous permettra maintenant de protéger ces victimes. Il s'agit d'une affirmation trompeuse, qui a pour objectif de changer de sujet, au lieu d'aborder la mesure législative. Ce sont de belles paroles, qui font également en sorte qu'il sera beaucoup plus difficile pour ceux qui choisissent de travailler dans l'industrie du sexe d'être en sécurité.

La coordonnatrice juridique de l'organisation Sex Professionals of Canada, Mme Valerie Scott, qui est aussi l'une des personnes ayant porté l'affaire Bedford devant la Cour suprême, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans le cadre de l'étude préliminaire du projet de loi C-36, au début du mois de septembre. Lorsqu'elle s'est adressée à mes collègues et moi, elle n'a pas mâché ses mots. Voici ce qu'elle a déclaré :

Le débat sur le projet de loi C-36 a été détourné par des personnes et des groupes qui mettent l'accent sur le mal causé par le trafic des personnes et l'exploitation des mineurs. Toutefois, aucune des dispositions correspondantes n'a été contestée et aucune d'entre elles ne faisait l'objet de l'arrêt de la Cour suprême [dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Bedford]. Ce détournement nous empêche de parler de ce qui importe ici, c'est-à-dire les effets du projet de loi sur les travailleurs du sexe adultes et consentants.

Je vais consacrer le temps qu'il me reste à parler des personnes qui seront touchées par la mesure législative proposée.

Honorables sénateurs, il s'agit des personnes que la Cour suprême nous a demandé de mieux protéger dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-36 n'améliore pas leur sécurité. En fait, il risque de la compromettre.

Les honorables sénateurs se souviendront que l'arrêt Bedford a été rendu en décembre 2013, à la suite du procès intenté par Terri-Jean Bedford, Valerie Scott et Amy Lebovich. À l'heure actuelle, l'échange de sexe contre de l'argent n'est pas illégal au Canada, mais certaines activités entourant ce commerce le sont. Ces femmes ont plaidé que trois dispositions législatives violaient leurs droits constitutionnels : l'article 210, qui rend illégal le fait d'habiter une maison de débauche, d'en être propriétaire, locateur, et cetera; l'alinéa 212(1)j), qui rend illégal le fait de vivre des produits de la prostitution d'une autre personne; et l'alinéa 213(1)c), qui rend illégal l'acte d'arrêter, de tenter d'arrêter ou de communiquer avec une personne dans un endroit public dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services d'une personne qui s'y livre.

La Cour suprême leur a donné raison. Elle a déclaré que ces femmes ont droit à la sécurité lorsqu'elles exécutent leur rôle de travailleuses du sexe. Ce sont là les trois dispositions dont la validité sera suspendue en décembre cette année.

Dans son jugement Canada (Procureur général) c. Bedford, la Cour suprême énonce clairement son principe de la protection des femmes. Dans le contexte de l'arrêt Bedford et du projet de loi C-36, assurer la protection des femmes signifie notamment créer des lois à l'égard de la prostitution qui ne rendent pas plus dangereux, pour les femmes ou les personnes vulnérables en cause, l'échange de sexe contre de l'argent. Autrement dit, dans ce contexte, le gouvernement doit protéger les femmes en veillant à ce que les lois n'exacerbent pas les risques inhérents de la prostitution. Pour citer le jugement de la Cour suprême :

L'objectif des demanderesses n'est pas que l'État adopte des mesures qui fassent de la prostitution une activité sûre, mais plutôt que notre Cour invalide des dispositions qui accroissent le risque de maladie, de violence et de décès.

Honorables sénateurs, j'ai travaillé tout l'été sur ce dossier et j'en ai profité pour étudier l'arrêt de la Cour suprême; à mon avis, le paragraphe 89 est le paragraphe le plus important, le cœur de la décision. Je le cite :

Le fait que le comportement des proxénètes et des clients soit la source immédiate des préjudices subis par les prostituées n'y change rien. Les dispositions contestées privent des personnes qui se livrent à une activité risquée, mais légale, des moyens nécessaires à leur protection contre le risque couru. La violence d'un client ne diminue en rien la responsabilité de l'État qui rend une prostituée plus vulnérable à cette violence.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-36 ne remplit pas ce rôle. On tente plutôt de nous faire croire qu'il protégera les plus vulnérables de notre société. Personne ne propose d'abroger des dispositions qui visent à lutter contre ces maux qui affligent notre société, mais la criminalisation du travail des prostituées qui ont des relations sexuelles consensuelles avec leurs clients n'atteindra pas cet objectif. Ni la demande ni l'offre ne diminueront si nous compliquons la tâche des travailleuses du sexe. Ces dernières seraient plutôt obligées d'exercer leurs activités dans la clandestinité, et leurs conditions de travail en pâtiraient.

Plusieurs travailleuses du sexe nous ont dit que le projet de loi compromettrait leur sécurité. Or, cela va carrément à l'encontre de ce que la Cour suprême a voulu faire dans la décision Bedford.

Soyons clairs, honorables sénateurs. Le gouvernement a la responsabilité de protéger les gens qui se prostituent de leur plein gré. Or, le projet de loi C-36 ne remplit pas cet objectif. Il ne protège pas ces femmes. En fait, il compromet leur sécurité.

Honorables sénateurs, examinons ce que le gouvernement cherche à réaliser grâce au projet de loi C-36. Le ministre MacKay a déclaré que cette mesure législative réduirait la prostitution. J'appuie cet objectif. Je crois qu'il faut limiter la prostitution de façon à ce que l'industrie du sexe ne fasse aucune victime. L'idéal serait que tous les hommes et les femmes qui se prostituent le fassent de leur plein gré. Personne ne devrait être exploité, et même le ministère de la Justice reconnaît que le gouvernement a le devoir de protéger ceux qui continuent à se prostituer. Je cite M. Piragoff, qui a témoigné au comité de la Chambre des communes. Voici ce qu'il a dit :

L'objectif général du projet de loi C-36 est de réprimer la prostitution, de décourager les personnes d'entrer dans ce monde, et de dissuader les clients d'y participer. Dans le projet de loi, on reconnaît aussi qu'essayer de contrer la prostitution n'a rien de simple et que, à ce chapitre, les personnes qui se livrent à la prostitution et qui vendent des services sexuels doivent être protégées.

Je suis tout à fait de son avis.

J'aimerais souligner que, en invalidant les dispositions législatives actuelles qui vont à l'encontre des droits constitutionnels des travailleurs du sexe, la Cour suprême a affirmé les droits de ces personnes. Nous avons le devoir et l'obligation de protéger ces droits, et les fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont élaboré le projet de loi C-36 en sont conscients.

Bien que le projet de loi C-36 vise à réduire la prostitution, aucune disposition n'énonce clairement les moyens qui seront pris pour y parvenir. Comment créera-t-on plus de possibilités économiques pour les personnes qui font ce travail afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille? Où sont le système de soutien et les fonds qui permettront d'offrir cette aide?

Imaginez que vous soyez une femme ou un homme qui essaie de subvenir aux besoins de sa famille, et que vous ayez choisi un métier qui vous apporte un revenu raisonnable à condition d'avoir des clients. Supposez que votre clientèle soit réduite de façon considérable, et que tous les clients qui restent soient ceux que vous aviez refusés parce qu'ils vous harcelaient, vous incommodaient, ou allaient jusqu'à vous faire du mal. En criminalisant le client, nous n'allons pas aider les femmes à choisir leurs clients de manière à se protéger, ni créer des conditions de travail suffisamment sûres. En criminalisant le client — c'est-à-dire celui qui achète les services —, le gouvernement oblige la travailleuse du sexe à protéger l'identité du client pour continuer à avoir du travail.

Rien ne prouve qu'une diminution de la clientèle réduira la demande ou mettra fin à la prostitution. Nous savons tous que la prostitution existe depuis toujours. La seule chose qui est certaine, c'est que les clients qui resteront seront majoritairement des gens à l'aise dans le monde criminel. C'est une hypothèse, mais je crois pouvoir dire sans me tromper que ces clients présenteront un risque plus grand pour les travailleuses du sexe que ceux qui sont réticents à se livrer à des activités criminelles.

(1540)

Permettez-moi de citer encore une fois le témoignage de Mme Scott :

En 2001, la Ville de Montréal a adopté une version du modèle nordique.

Je rappelle que le projet de loi C-36 correspond fondamentalement au modèle nordique, qui criminalise l'achat de services sexuels plutôt que leur offre.

La police devait cibler exclusivement les clients. Pendant la période de trois mois qui a suivi les rafles, Stella, une organisation qui milite pour les droits des travailleurs du sexe de Montréal, a constaté une incidence trois fois supérieure à la norme des agressions violentes à l'égard des travailleuses du sexe et une incidence cinq fois supérieure à la norme des agressions avec une arme mortelle.

Mme Scott a ensuite donné l'exemple de ma province, la Colombie-Britannique :

En 2013, la ville de Vancouver a adopté le modèle nordique comme politique officielle, quoique ce modèle ait déjà été appliqué depuis cinq ans. En juin dernier, le BMJ Open a indiqué que la tentative canadienne de criminaliser les clients avait comme résultat d'accroître les risques en matière de santé et de sécurité pour les travailleurs du sexe.

Elle conclut ses réflexions à ce sujet par un message marquant :

Peu importe si on criminalise les travailleurs du sexe ou les clients, le résultat demeure le même.

Nous devons examiner toutes les facettes de cette situation. Criminaliser l'achat de services sexuels n'est pas une façon efficace d'assurer la sécurité des travailleurs du sexe.

Honorables sénateurs, je crains que les travailleurs du sexe n'hésitent encore plus à rapporter des gestes violents à la police, puisque le client ainsi dénoncé sera inculpé, ce qui réduira le bassin de clients du travailleur et le poussera vers une clientèle plus restreinte et plus risquée. Je tiens à rappeler que le gouvernement a pour rôle de réduire les risques qu'encourent les travailleurs du sexe et d'assurer leur sécurité.

Un aspect essentiel de la protection des Canadiens consiste à assurer une relation saine entre les citoyens et les forces de l'ordre. Or, nous savons que ce genre de criminalisation ne fera que nourrir un manque de confiance entre les deux parties. La mise en œuvre du projet de loi C-36 ne permettra pas de cultiver une relation saine entre ces deux groupes, et cela est un risque en soi pour la sécurité des travailleurs du sexe.

Cela m'amène à ce qui, selon moi, constitue le principal problème du projet de loi C-36. Le ministre a dit qu'on ne rendrait pas les travailleurs du sexe vulnérables à la criminalisation. Or, c'est explicitement ce que fait l'article 213 du projet de loi C-36. En effet, le paragraphe 213(1) du projet de loi C-36 maintient que :

Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, dans un endroit soit public soit situé à la vue du public et dans le but d'offrir, de rendre ou d'obtenir des services sexuels moyennant rétribution [...]

Cette restriction empêche les travailleurs du sexe de prendre des mesures de sécurité. Or, il est énoncé au paragraphe 69 de l'arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford :

La juge de première instance conclut que la communication entre les intéressés est [...] « essentielle » à l'accroissement de la sécurité des prostituées de la rue.

L'alinéa 213(1)c) va plus loin. Il impose des restrictions sur les communications dans un endroit public dans le but de rendre des services sexuels. Comme le fait remarquer le paragraphe 70 de l'arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford :

La juge estime en outre que l'interdiction de la communication a eu pour effet de faire migrer les prostituées vers des lieux isolés et peu familiers où elles ne peuvent compter sur l'appui de leurs amis et de leurs clients habituels, ce qui les a rendues plus vulnérables.

Le projet de loi C-36 continuerait de soumettre les travailleurs du sexe à cette vulnérabilité.

Même si le Comité de la justice de la Chambre des communes a, par amendement, fait passer la restriction interdisant l'acte de discuter de la vente de services sexuels partout où il est « raisonnable » de s'attendre à ce que des enfants soient présents, à l'interdiction de telles discussions sur les lieux ou à proximité d'une garderie, d'un terrain d'école ou d'un terrain de jeu, le problème demeure. Les implications de cette formulation sont les mêmes que celles de la disposition initiale qui a été invalidée par la Cour suprême.

En outre, le projet de loi C-36 criminalise l'achat de services sexuels, mais non la vente de tels services. Toutefois, étant donné que la personne qui fournit ces services est intrinsèquement liée à l'acheteur, il semble que cette approche ne va pas protéger les travailleuses du sexe. Une lecture attentive de l'article 213 confirme que ces travailleuses pourraient faire l'objet d'accusations criminelles.

Honorables sénateurs, je vais tenter de proposer un amendement à l'étape de la troisième lecture. Je vous fais simplement part de ce point, étant donné que nous avons fait une étude préalable du projet de loi.

J'aimerais proposer un amendement très simple, à savoir la suppression complète de l'article 213 du projet de loi C-36. Cet article, qui se fonde sur la décision rendue dans la cause Bedford, ne tiendra pas la route, et d'ici à ce qu'il fasse de nouveau l'objet d'une contestation devant les tribunaux, il va assujettir un trop grand nombre de personnes aux effets préjudiciables de la mesure législative. C'est ma principale préoccupation à l'égard du projet de loi, et un grand nombre de personnes partagent cette préoccupation.

Honorables sénateurs, je vis à Vancouver. Cet été, j'ai eu de nombreuses rencontres avec des femmes qui s'étaient rendues à la ferme de Pickton, des femmes dont des amies ou des membres de leur famille ont été tuées à cet endroit. Ces femmes m'ont dit que le projet de loi va encore les renvoyer à la ferme de Pickton. Honorables sénateurs, nous, qui sommes dans cette enceinte, avons le devoir de protéger ces femmes.

Tant des personnes qui appuient le projet de loi que d'autres qui s'y opposent ont fait allusion à cet article et ont dit que celui-ci devrait à tout le moins être modifié et, idéalement, supprimé. Les travailleuses du sexe ne doivent jamais être passibles d'accusations criminelles si nous voulons les protéger adéquatement.

Nous avons la responsabilité de protéger ces personnes, comme on l'a mentionné clairement dans la décision Bedford. Les hommes et les femmes qui choisissent d'être des travailleurs du sexe ont été très clairs : criminaliser la vente de services sexuels dans quelque circonstance que ce soit ferait plus de tort que de bien. Si le ministre veut vraiment protéger des femmes, il va supprimer cet article.

Le ministre de la Justice reconnaît que le gouvernement a la responsabilité de garantir la sécurité de ceux qui choisissent de continuer de travailler dans l'industrie du sexe. La criminalisation de ces personnes, peu importe l'élément de la transaction qui est visé, le gouvernement de s'empêcherait de nous acquitter de cette responsabilité à l'égard des Canadiens.

Mme Scott a décrit l'objectif des efforts déployés dans le cadre de l'affaire Bedford. Les trois demanderesses ont travaillé inlassablement pour défendre leurs droits, et j'aimerais donc vous lire ce qu'elle a dit :

Après l'arrêt de la Cour suprême, nous espérions pouvoir adopter des règles en matière de santé et de sécurité sur les lieux de travail, bénéficier d'une protection aux termes de la loi sur le travail et travailler avec l'Agence du revenu du Canada pour constituer des régimes de pension. Il faut renoncer à tout cela avec le projet de loi C-36, qui a un fondement moralisateur motivé par le dégoût. Tout un groupe de Canadiens qui exercent une activité toujours légale devra encore une fois se cacher pour travailler, tout simplement parce que nous avons des rapports sexuels entre adultes consentants à l'extérieur du cadre familial prescrit.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir de porter un regard critique sur le projet de loi à l'étude. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, le Sénat a la responsabilité de protéger les droits de toutes les minorités. Nous devons voir au-delà de nos préjugés personnels, de notre compréhension superficielle de ce qui se passe dans notre société. Nous devons regarder telle qu'elle est la situation à laquelle nous sommes confrontés, laisser la raison l'emporter sur les sentiments.

Nous savons tous que le travail du sexe existe, que le projet de loi C-36 n'y changera rien. C'est une réalité qui ne disparaîtra pas. Par conséquent, nous ne pouvons pas ignorer les voix de Valerie Scott, de Terri-Jean Bedford, de Maxime Durocher et des autres travailleurs du sexe qui ont comparu devant nous dans le cadre de l'étude préliminaire du Sénat, qui a clairement établi qu'ils ne se considèrent pas comme des victimes. Nous ne pouvons pas faire fi des demandes des autres Canadiens qui ont choisi le travail du sexe comme métier. La réalité est que le travail du sexe avec consentement mutuel existe. Nous avons donc le devoir de garantir leur sécurité et de nous assurer que leurs droits constitutionnels sont respectés.

Le projet de loi aura de profondes répercussions sur la vie de ces Canadiens, et leur sécurité nous tient à cœur. Tout citoyen a droit de vivre en sécurité. Si nous adoptons le projet de loi C-36 sous sa forme actuelle, nous mettrons en danger la sécurité des travailleurs du sexe au Canada.

Honorables sénateurs, je vous le demande, est-ce vraiment ce qu'on attend de cette mesure législative?

Je vous encourage à examiner attentivement les ramifications du projet de loi. Je suis consciente du fait qu'il sera maintenant renvoyé au comité, et je vous demande de prendre tout le temps qu'il faut pour examiner le projet de loi de façon exhaustive. C'est notre responsabilité. Je vous remercie.

(1550)

Des voix : Bravo!

L'honorable Denise Batters : La sénatrice Jaffer accepterait-elle de répondre à une question? Vous avez cité abondamment Valerie Scott, qui a témoigné devant le comité sénatorial, et vous avez mentionné qu'elle a livré un message éloquent. Selon moi, l'un des messages les plus importants qu'elle nous a communiqués lorsqu'elle a témoigné, c'est le fait qu'elle disait savoir dès un très jeune âge qu'elle souhaitait travailler comme prostituée. Cette déclaration m'a profondément bouleversée.

Elle a mentionné les filles de saloons dans les vieux westerns qu'elle avait l'habitude de regarder à la télévision. Je lui ai dit quand je l'ai interrogée que je trouvais cela très choquant. Il n'est pas question ici d'un scénario à la Pretty Woman, et Richard Gere ne viendra sauver personne. Je viens de la Saskatchewan, un endroit où la prostituée moyenne est le plus souvent une jeune Autochtone âgée d'environ 14 ans qui a été battue par son proxénète le matin même et qui est sans doute toxicomane.

J'ai également mentionné le jugement rendu par la Cour suprême du Canada où Valerie Scott reconnaît, comme elle l'a fait au comité, qu'elle avait voulu ouvrir une maison de prostitution après le jugement rendu dans l'affaire Bedford.

Lorsque j'ai parlé du projet de loi C-36, le jeudi précédant la relâche, j'ai précisé que, s'il fait en sorte qu'une toute petite minorité de personnes qui dit choisir de son plein gré la prostitution comme profession ne puisse pas exercer cette profession, eh bien, il s'agit d'une conséquence nécessaire pour que l'on puisse protéger la grande majorité des personnes vulnérables qui font l'objet d'exploitation sexuelle.

Madame la sénatrice Jaffer, vous avez une connaissance approfondie des droits de la personne. Selon moi, la prostitution constitue une pratique sexiste, raciste et inégalitaire. Je me demande comment vous pouvez appuyer la position que vous venez d'énoncer.

Lorsque Trisha Baptie, une ancienne prostituée, a témoigné devant notre comité, elle a parlé du caractère consensuel de la prostitution, et elle a dit ceci :

L'argent, ce n'est pas un consentement. [...] Quelle que soit la raison pour laquelle nous nous sommes retrouvées dans cette situation, des hommes ont pris avantage de l'inégalité et de notre désespoir pour assouvir leurs besoins sexuels et ils ont utilisé leur argent afin de se sentir moins coupables.

Comment pouvez-vous être de cet avis après avoir entendu un tel témoignage?

La sénatrice Jaffer : Sénatrice Batters, vous n'étiez pas ici lorsque je vous ai remerciée pour le travail que vous avez accompli, et je sais que vous avez travaillé très fort dans ce dossier. Je comprends ce que vous dites.

Quand j'ai commencé en juin, c'est-à-dire quand j'ai appris que je serais la critique du projet de loi, je me suis empressée de dire aux gens que je défendrais ce dernier. Lorsque le modèle nordique a été mis sur pied, je me suis rendue en Suède et j'ai travaillé avec de nombreuses femmes sur ce dossier. J'ai été une partisane de ce modèle, et je dois vous dire tout de suite que je suis en faveur de ce projet de loi parce que je crois qu'il protégera les femmes.

Au cours de l'été, j'ai rencontré beaucoup de femmes. Cette saison a été très éprouvante sur le plan personnel — je réponds à votre question, même si ce n'est pas un sujet que je comptais aborder —, puisque j'ai dû examiner mes croyances personnelles. Je suis musulmane et j'ai été élevée dans un milieu très conservateur, où on m'a transmis des idées précises. J'ai étudié un monde que je n'avais vu auparavant, et j'ignorais l'existence de bien des choses que j'ai observées cet été.

En septembre, j'ai eu à prendre une décision très difficile. En tant que défenseure des droits de la personne, je ne peux décider quelle personne doit être protégée. Ce n'est pas mon travail. Mon travail, en tant que sénatrice, consiste à protéger les droits de tout le monde.

Il a fallu que j'évolue considérablement parce que ce n'est pas là quelque chose que mes préjugés me permettaient de croire. J'ai cependant fini par comprendre que, si je me regarde dans un miroir, je ne peux pas dire que je protégerai désormais les droits des femmes qui sont comme moi, qui me ressemblent et qui ont besoin de protection. Je dois chercher à protéger les droits de toutes les Canadiennes.

L'honorable Linda Frum : Je voudrais simplement faire un commentaire sur ce que vient de dire la sénatrice Jaffer. Nous respectons et admirons le travail qu'elle a fait dans le domaine des droits de la personne.

Je me rends compte qu'il n'a pas dû être facile pour vous de jouer le rôle de critique de l'opposition à ce sujet. Par contre, dois-je déduire de ce que vous avez dit que, pour les hommes, c'est un droit de la personne d'acheter le corps d'une femme ou que, pour les femmes, c'est un droit de la personne de vendre son corps? Est-ce vraiment un droit de la personne?

La sénatrice Jaffer : C'est un sujet très difficile, parce que j'ai toujours lutté contre l'exploitation de la femme. C'est pour cette raison qu'à l'origine, je croyais que la prostitution devait disparaître. J'étais alors jeune, et je n'en savais pas assez sur la vie. J'ai compris que nous n'arriverons jamais à nous débarrasser de la prostitution. J'ai ensuite collaboré avec des parlementaires suédoises. Soit dit en passant, la raison pour laquelle le modèle scandinave a pris de l'importance, c'est que beaucoup de femmes parlementaires de la Suède s'y sont intéressées.

J'ai lu beaucoup de ces études qui affirment que le modèle scandinave ne fonctionne pas et fait du tort aux femmes. Depuis, j'ai réexaminé mes propres valeurs.

Sénatrice Frum, sénatrice Batters, nous avons assisté à ces audiences. Pour ma part, elles m'ont vraiment déchirée. C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles je suis tombée malade. Ce que j'ai entendu m'a vraiment torturée parce que tout mon système de croyances me disait que les femmes ne doivent pas être exploitées pour de l'argent. Cela faisait partie de mes convictions.

Toutefois, après avoir parlé à des centaines de travailleuses du sexe, surtout à Vancouver, j'ai fini par comprendre que je devais aller au-delà de mon système de croyances et admettre que le travail du sexe ne disparaîtra pas.

En quoi consiste alors mon rôle de sénatrice? Ce rôle de sénatrice et de défenseure des droits de la personne me dicte de veiller à protéger les droits des minorités et à trouver un moyen pour que ces femmes — je parle non pas de traite ou d'exploitation, mais de femmes et d'hommes qui ont choisi délibérément de faire partie de cette industrie — puissent jouir de droits garantis.

L'honorable David Tkachuk : Je sais que votre discours se basait en partie sur l'hypothèse que cette mesure ne fera pas disparaître la prostitution. La loi ne fait que reprendre ce que dit la société. Qu'il s'agisse d'excès de vitesse ou d'un vol chez un dépanneur, nous n'arriverons pas à faire complètement disparaître ces choses dans notre société. Elles existent, mais la société tient à faire savoir qu'elle n'approuve pas ces comportements et qu'elle cherche à les décourager de toutes les façons possibles. Aucune de nos lois ne fera disparaître un crime. On nous avance continuellement cet argument, que je comprends mal.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Tkachuk, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue.

J'ai souvent dit en faisant mon travail législatif qu'un projet de loi ne peut pas à lui seul supprimer totalement la prostitution. Je conviens avec vous qu'il est nécessaire d'adopter une approche globale.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque je suis arrivée au Canada, il y a 40 ans, j'ai assisté à des réceptions où les gens buvaient, puis prenaient le volant. Je regrette de le dire car je ne suis pas bien fière de ce comportement, mais nous faisions semblant de ne pas voir les gens qui buvaient et prenaient le volant. Ensuite, des lois ont été adoptées pour combattre ce comportement, mais ce n'est pas tout. Nous avons organisé des programmes d'éducation et de sensibilisation et avons pris différentes mesures globales pour lutter contre la conduite en état d'ébriété.

Au cours des 40 ans que j'ai passés dans le pays, les attitudes ont changé. Nous n'avons plus la même façon de considérer les gens qui prennent le volant après avoir bu. Par conséquent, la loi ne suffit pas. Il faut mettre en œuvre différents moyens d'éducation et de sensibilisation et prévoir les ressources nécessaires pour changer l'attitude des gens.

Le plus choquant, dans ce projet de loi, c'est la façon dont le ministre a affirmé qu'il permettrait de se débarrasser totalement de la prostitution. Ce ne sera pas le cas. Pour ce faire, il faudra une approche globale.

Demain, je dois parler d'un autre projet de loi qui me donnera l'occasion d'expliquer ce que j'entends par « effort global ». C'est quelque chose que j'ai vu dans d'autres régions du monde qui cherchaient à mettre fin à certains comportements.

Bref, ce projet de loi ne fera pas l'affaire tout seul, et les 4 millions de dollars par an qui sont prévus ne suffiront pas.

À lui seul, le Manitoba a consacré 8 millions de dollars à ce problème. À l'échelle nationale, nous avons prévu 4 millions. Si nous voulons sérieusement changer l'attitude des gens au sujet de la prostitution, oui, nous avons besoin du projet de loi, mais il nous faudra aussi des moyens globaux pour aider les femmes en cause à se sortir de la prostitution.

Je m'occupe de femmes à Calcutta, en Inde. Là-bas, nous recrutons des femmes qui sont dans l'industrie du sexe. Nous avons créé des manufactures de vêtements. Des groupes religieux canadiens ont mis sur pied des manufactures de vêtements qui permettront à ces femmes de trouver du travail dans ces entreprises.

Nous devons adopter une approche globale. Or, ce n'est pas ce que fait le projet de loi C-36.

(1600)

L'honorable George Baker : La sénatrice Jaffer est-elle d'accord pour dire que le projet de loi comme tel sème vraiment la confusion? Il y a maintenant un préambule. Normalement, il n'y a pas de préambule dans une mesure législative pénale, mais il y en a un ici qui dit que la prostitution ne devrait pas exister et qui précise la raison pour laquelle cette activité ne devrait pas exister. Ensuite, lorsque vous jetez un coup d'œil au projet de loi, vous constatez, comme l'a souligné le ministre, que suite à la décision rendue par la Cour suprême, nous allons maintenant permettre aux prostituées d'exercer leurs activités chez elles. Le ministre a dit que nous allions maintenant permettre aux prostituées de travailler dans leur appartement. Dorénavant, elles pourront embaucher une réceptionniste, un garde ou un chauffeur. Elles sont maintenant libres parce qu'elles sont visées par une exemption. En effet, une exception est prévue à la fin de chaque article afin d'exclure les personnes qui se prostituent.

Or, le préambule s'oppose à cette activité. Le corps du projet de loi autorise les prostituées à fournir leurs services, mais le ministre a prononcé un discours dans lequel il dit que, pour la première fois dans l'histoire du Canada, le fait de se livrer à la prostitution deviendra illégal et illicite.

À mon avis, la majorité des Canadiens vont dire : « Écoutez, si vous voulez que cette activité soit illégale, agissez en conséquence. Si vous voulez qu'elle soit légale, légalisez-la, mais ne présentez pas un projet de loi qui sème la confusion comme celui-ci. » Êtes-vous de mon avis?

La sénatrice Jaffer : Sénateur Baker, vous êtes le doyen du comité. Je ne saurais mieux exprimer les choses que vous ne l'avez fait. Je vais vous donner un exemple.

La semaine dernière, j'ai rencontré des femmes dans plusieurs salons de massage et je leur ai dit : « Écoutez, vous allez pouvoir continuer à faire ce que vous faites, mais maintenant vous pourrez exercer vos activités chez vous. » Or, plusieurs femmes m'ont répété la même chose, à savoir : « Vous voulez rire? Si nous travaillions chez nous, nous serions expulsées. Nous n'allons pas pouvoir travailler dans nos maisons et nous n'allons pas pouvoir travailler au salon de massage, parce que cela risque de devenir illégal. En ce moment, nous travaillons dans un lieu sûr, dans un endroit protégé. S'il y a un problème, nous avons une sonnette pour appeler à l'aide. Or, nous allons maintenant être jetées à la rue. Le projet de loi va détruire la sécurité dans laquelle nous travaillons. »

Son Honneur le Président intérimaire : Il reste deux minutes à la sénatrice Jaffer.

L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, il faut bien commencer quelque part. J'ai trois filles et une petite-fille qui va avoir 14 ans. L'année dernière, j'ai eu l'occasion d'accompagner un policier, une nuit, dans un des quartiers les plus durs de Montréal. Pour ceux qui connaissent Montréal, c'était au coin de Sainte-Catherine et Saint-Laurent. Il y avait aussi une policière.

Nous commençons quelque chose, du moins c'est ce que nous espérons, parce que les gangs de rue contrôlent entièrement ces jeunes filles. Leurs parents sont divorcés ou leur père et leur mère sont toxicomanes. Elles sont dans la rue. Il n'y a personne pour veiller sur elles. Elles ne veulent pas se livrer à cette activité. Ce n'est pas qu'elles veulent faire cela.

Il faut commencer quelque part. Lorsque vous construisez une maison, vous commencez par le sous-sol et cela prend du temps. Un beau jour, vous achevez le toit et vous emménagez. Nous devons commencer quelque part et cibler précisément notre action. Nous devons sauver nos jeunes.

Si une femme de 35 ans décide de devenir prostituée, je n'y peux rien. Je m'en fais pour les jeunes dans notre société. Les baby-boomers quittent la ville et il y a davantage d'écolières de 14 ans qui se font suivre par des gangs de rue jusqu'à la maison, après l'école, parce que leurs parents sont absents. Les gangs leur donnent de la drogue et une chose menant à une autre... c'est cela qui m'inquiète le plus. Nous devrions être nombreux à nous en inquiéter. Merci beaucoup.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Demers, je suis tout à fait d'accord avec vous. Toute ma vie, j'ai travaillé à ces problèmes. Même maintenant, je travaille sur ces questions et, demain, j'en parlerai encore pour un autre projet de loi. Je n'ai pas le temps maintenant.

Je parle de ce que vous venez de mentionner : la femme de 35 ans qui fait un choix. Je ne veux pas qu'elle soit jetée à la rue, où elle ne sera pas en sécurité. C'est d'elle que je parle.

Son Honneur le Président intérimaire : Comme je ne vois aucun sénateur se lever, je vous demande, honorables sénateurs, si vous êtes prêts à vous prononcer.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Batters, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Cinquième rapport du comité—Motions d'amendement et de sous-amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénatrice Frum, tendant à l'adoption du cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 11 juin 2014;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié :

1. par substitution, à l'alinéa 1. j), de ce qui suit :

« Que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes ne soit plus ajournée; »;

2. par substitution, au titre principal précédant le nouvel article 6-13, de ce qui suit :

« Fin du débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

3. par substitution, à l'intertitre précédant le nouvel article 6-13, de ce qui suit :

« Préavis de motion proposant que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes ne soit plus ajourné »;

4. au paragraphe 2.6-13 (1), par adjonction, après les mots « affaire autre qu'une affaire du gouvernement », des mots « qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

5. au paragraphe 2.6-13 (3), par adjonction, après les mots « affaire autre qu'une affaire du gouvernement », des mots « qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

6. au paragraphe 2.6-13 (5), par adjonction, après les mots « affaire autre qu'une affaire du gouvernement », des mots « qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

7. à l'alinéa 2.6-13 (7) c), de la version anglaise, par adjonction, après les mots « Other business », des mots « that is not a Commons Public Bill »;

8. Et à la dernière ligne du paragraphe 2.6-13(7) de la version anglaise, de ce qui suit :

« This process shall continue until the conclusion of debate on the item of Other Business that is not a Commons Public Bill »;

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Mitchell, appuyé par l'honorable sénateur Day, que l'amendement ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par l'ajout, immédiatement après le paragraphe 8, de ce qui suit :

9. Et que les modifications du Règlement proposées dans ce rapport entrent en vigueur à la date où le Sénat commencera à offrir sur une base régulière la télédiffusion audiovisuelle en direct de ses délibérations quotidiennes.

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole sur ce rapport particulier. Le comité se penche sur nos règles en matière de radiodiffusion, les projets de loi d'initiative parlementaire, les amendements et les sous-amendements, et tout ce dossier.

Avant de commencer mon discours, je me suis dit que les remarques de la sénatrice Jaffer étaient excellentes, de même que celles des députés ministériels. Je serai heureux d'entendre le porte-parole du gouvernement dans le cadre de ce débat. Nous tenons le débat dans cette salle à l'intérieur de ces murs, et qui nous voit? Qui nous écoute? Je pense qu'il est temps — et j'y reviendrai dans mon discours — qu'on voie le genre de débats tenus ici que nous ne voyons jamais à la Chambre des communes. Il se peut que nous ne parvenions pas à nous amener les uns les autres à changer d'idée, mais nous sommes mieux renseignés pour savoir quoi faire, prendre position et informer les Canadiens de notre façon de fonctionner ici. J'y reviendrai dans un instant.

Je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet du rapport du sous-comité de la radiodiffusion présenté au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, et de discuter des amendements proposés à ce rapport. Jusqu'ici, le débat s'est articulé autour de l'incidence d'une règle proposée sur l'attribution de temps pour les débats sur des affaires autres que gouvernementales. Je vais traiter de ce sujet et de questions connexes seulement au début de mon discours. J'arriverai ensuite au thème principal.

Le vice-président du Comité du Règlement, le sénateur Smith, a souligné l'importance de cette motion. Le Comité du Règlement n'a pas l'habitude d'adopter des mesures et de modifier le Règlement qui nous régit sans qu'il y ait consensus. Lors d'une réunion du comité, le sénateur Smith a demandé aux membres s'il fallait « abandonner notre culture » ou « essayer un peu plus fort ».

(1610)

Comme lui et d'autres sénateurs, y compris le sénateur Cowan, qui a souligné les mêmes préoccupations dans son discours au Sénat le mois dernier, je suis conscient des valeurs et des coutumes sur lesquelles s'appuie le consensus entourant les règles.

Le printemps dernier, le sénateur Nolin a fait une interpellation sur les nombreuses facettes du Sénat, y compris le rôle que joue cette institution pour protéger les minorités. Quelques mois plus tard seulement, nos obligations envers les minorités pourraient être affaiblies par la proposition d'une règle sur l'attribution de temps. Le sénateur Cowan a donné l'explication suivante dans son discours :

Ces modifications permettraient à la majorité d'accélérer l'étude des initiatives autres que ministérielles qu'elle juge louable et de retarder indéfiniment les initiatives auxquelles elle s'oppose sans jamais que ces dernières soient mises aux voix.

Je suis étonné et frustré qu'on se préoccupe à ce point du temps consacré aux débats, alors que c'est la qualité des débats qui aurait vraiment besoin d'être améliorée. Je suppose que c'est ce qui arrive quand le pouvoir va à la majorité. Qu'importe la logique et la persuasion, puisque vous avez le pouvoir et que vous êtes déjà assuré du résultat?

Les conséquences de la règle dont nous discutons vont à l'encontre d'une promesse clé du gouvernement. Je parle de la réforme du Sénat, ce projet tant attendu, mais jamais mis en branle, qui vise, entre autres, à accorder plus d'indépendance aux sénateurs.

Je remercie le sénateur Mitchell d'avoir bien résumé dans son discours à quel point la proposition de modification au Règlement du Sénat est « insensée » — c'est le mot qu'il a employé —, compte tenu des promesses concernant la réforme du Sénat. Je le cite :

La motion dont nous sommes saisis augmenterait le pouvoir et l'influence de l'organe exécutif de la Chambre des communes, soit le premier ministre et son Cabinet, sur les travaux du Sénat.

La règle proposée touche les projets de loi d'initiative parlementaire, qui constituent justement le moyen de prédilection du gouvernement pour apporter de manière détournée des modifications législatives importantes. La règle vise également à légitimer l'attribution de temps, qui est l'une des tactiques dont le gouvernement se sert souvent pour faire adopter ses projets de loi.

À ce qu'il paraît, la règle repose sur l'idée que, en limitant le temps alloué au débat sur les affaires autres que les affaires du gouvernement, on pourrait rendre nos délibérations beaucoup plus intéressantes aux yeux du public, advenant qu'elles soient télévisées, comme on l'espère, mais cet argument ne tient pas debout. Tout porte à croire qu'il y a d'autres motifs. De plus, l'idée de modifier notre Règlement pour améliorer la qualité d'un produit télévisé va à l'encontre de toutes les bonnes raisons pour lesquelles il faut diffuser ce qui se passe dans cette enceinte.

À mon avis, si nous voulons que les Canadiens prennent notre travail au sérieux, ils doivent nous voir à l'œuvre. Je crois que nous avons besoin d'un Sénat télévisé dès maintenant. Chaque année, je rentre dans ma région, dans le Nord du Nouveau-Brunswick. Nous avons un petit chalet à Bathurst. Quand je suis là, j'allume la télévision le soir et je regarde, sur la chaîne de Rogers, les débats du maire et des conseillers. Toutes leurs séances sont télévisées. Dans une des réunions, ils étaient en train de débattre du type d'égouts à installer et de leur emplacement. Ces discussions peuvent être ennuyantes, mais au moins, je vois les politiciens à l'œuvre.

C'est ce qu'on fait en 2014. D'ailleurs, des collectivités d'un peu partout au pays le font depuis longtemps. Des stations locales produisent des émissions où l'on peut voir les politiciens accomplir leur travail. On les voit à l'hôtel de ville, en train de présenter motion après motion. C'est la partie ennuyante, puis tout à coup, on a droit à un débat fougueux. Si vous êtes un fana de la politique, vous regarderez ces procédures, du début à la fin, même si on répète sans cesse « reporter ». Quand je les entends dire « reporter », je me dis : « C'est reporté, mais je suis toujours là. »

Mes nombreuses années d'expérience en journalisme pour la télévision m'ont certainement appris ce que la télédiffusion peut faire pour conscientiser la population et lui faire mieux comprendre la réalité. La télédiffusion de nos interventions et des délibérations du Sénat n'a pas pour but de divertir. Elle sert en fait l'intérêt des Canadiens de façon beaucoup plus importante et respectueuse.

Depuis plusieurs mois, les yeux du public sont tournés vers nous et nous sommes l'objet de commentaires cyniques. C'est une période difficile pour tous les sénateurs. La connaissance intime qu'ont les sénateurs de cette institution et leur conviction profonde qu'elle est nécessaire ont donné l'impression à bon nombre d'entre eux qu'un océan les séparait des gens mêmes qu'ils ont l'honneur de servir. Ce que nous pouvons tirer de mieux de cette situation est la certitude que les Canadiens gagneraient à ne pas s'arrêter aux grands titres et à savoir ce qui se passe vraiment au Sénat.

Mes années de journalisme m'ont enseigné que rien n'est plus convaincant que la vérité et la réalité des choses. Ce qu'on peut offrir de plus précieux aux téléspectateurs qui ont le goût de se renseigner et d'enrichir leurs connaissances, ce sont des faits précis et exacts. Les gens qui suivront les débats libres et approfondis du Sénat en sortiront gagnants.

Le cours naturel de nos discussions ne manque pas de révélations. Ce serait extraordinaire si les Canadiens pouvaient voir par eux-mêmes que notre travail est approfondi et utile et que nous pouvons nous montrer coopératifs, comme on l'a vu tout à l'heure lorsque le sénateur Mitchell a félicité le sénateur Lang à propos du projet de loi sur le Yukon. On ne voit pas cela tous les jours. Ce serait formidable que les gens puissent le voir.

Le sénateur Mitchell : Avec la taille que j'ai, je n'apparaîtrai jamais à l'écran.

Le sénateur Munson : Je songe même à créer un nouveau parti, car le sénateur Lang a pris la parole, puis le sénateur Mitchell et enfin moi. On pourrait l'appeler le Parti des très petites personnes. Mais je m'écarte du sujet. Bon, les gens se souviendront seulement de cela, et pas du reste de mon discours. Tant pis.

Certains événements sans fondement qui surviennent ici contribueraient beaucoup plus à rétablir la confiance envers le Sénat que des activités promotionnelles accrocheuses ou manigancées. Honorables sénateurs, nous avons l'avantage d'assister et de participer à des situations qui renforcent la croyance en la raison d'être et l'efficacité du Sénat et de notre système parlementaire. Il n'est que justice d'offrir cet avantage aux autres.

Un débat fort intéressant a eu lieu il n'y a pas tellement longtemps. Je me trouve à travailler en collaboration avec la sénatrice Nancy Greene Raine dans un très grand nombre de domaines, dont le Comité des pêches et les rapports sur la condition physique, et à marcher avec elle sur la Colline du Parlement, en compagnie d'un député de la Colombie-Britannique, ce qui permet de nous réunir et d'apprendre à nous connaître. On marche et on parle en même temps. Elle parraine un projet de loi sur la Journée nationale de la santé et de la condition physique, et je souhaitais obtenir des renseignements à son sujet. Je suis très enthousiaste à propos de ce projet de loi. Il est excellent et bien intentionné. Une figure marquante a prononcé un discours à son sujet au Sénat et a parlé avec passion. Je ne la connais pas sous le nom de Nancy Greene Raine, mais plutôt de Nancy Greene. Nous étions ici avec elle hier pendant le lancement de Movember, et sa présence était aussi frappante que celle d'Erik Karlsson. Nous travaillons ensemble, et je pense qu'il serait bon que les Canadiens la voient débattre du projet de loi et observent la façon dont quelqu'un d'autre réagit à ce débat. Je pense simplement que c'est très important. Et quand je dis que nous travaillons ensemble, je veux dire en collaboration, et non pas d'une façon partisane, ou parce que l'union fait la force.

Nous n'avons pas besoin de modifier le Règlement pour pouvoir diffuser des points de vue légitimes au Sénat. Le sénateur Cowan a présenté un amendement pour modifier la règle relative à l'attribution de temps qui a été proposée. Le sénateur Mitchell a contribué au débat en présentant un sous-amendement qui, s'il est adopté, aura pour effet d'empêcher l'amendement du sénateur Cowan d'entrer en vigueur tant que nos travaux ne sont pas diffusés.

Mon argument repose sur une affirmation que j'entendais souvent lorsque j'étais journaliste, à savoir que, si une chose n'a pas été télévisée, elle ne s'est jamais produite. Nos débats au Sénat sont réels et passionnés, et ils sont alimentés par notre préoccupation à l'égard de la vie des Canadiens. Au printemps dernier, par exemple, le débat sur le contenu et les répercussions potentielles du projet de loi C-279 a suscité de vives émotions et donné lieu à des interventions énergiques. Les sénateurs Plett et Mitchell faisaient partie des sénateurs ayant exprimé leurs convictions profondes à propos des droits de la personne et des répercussions sociales du projet de loi d'initiative parlementaire mieux connu sous le nom de projet de loi sur les droits des transgenres. Ils avaient des points de vue contraires, mais leurs interventions ont permis d'enrichir notre réflexion sur ce projet de loi. Pourquoi les Canadiens ne peuvent-ils pas voir ce débat?

Je ne peux pas penser à un endroit plus propice que le Sénat pour échanger des idées, des connaissances et des croyances, ainsi que pour avoir des débats tout aussi passionnés qu'éclairés.

La télédiffusion nous permettrait de faire pénétrer les Canadiens au Sénat afin qu'ils puissent voir par eux-mêmes les avantages d'un débat démocratique. Nous permettrons peut-être à certains d'entre eux de rattraper un peu de sommeil, et nous ouvrirons peut-être les yeux de quelques personnes. Dans un cas comme dans l'autre, la télédiffusion est logique, et c'est la mesure qui s'impose. Le sous-comité sur la télédiffusion a été créé pour déterminer les rôles du comité en ce qui a trait à la télédiffusion. Il est malheureux que le sous-comité se soit orienté vers d'autres domaines, comme l'a déclaré le sénateur White lorsqu'il a expliqué, durant une réunion du Comité du Règlement, la genèse de ce rapport.

La télédiffusion est l'un des moyens les plus prometteurs dont nous disposons pour toucher la population. Il ne faudrait pas l'utiliser à mauvais escient pour obtenir d'autres résultats. Je souhaiterais que le Sénat consacre plus de temps et d'efforts à la détermination de la meilleure façon d'intégrer la télédiffusion à nos pratiques. J'exhorte donc le Sénat à considérer ce projet comme notre meilleur espoir pour nous rapprocher de l'idéal du resserrement des liens entre les Canadiens.

Je vous remercie, honorables sénateurs, de l'attention que vous m'avez accordée pendant le temps dont j'avais besoin pour vous communiquer mes convictions profondes.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1620)

Le Sénat

Motion exhortant le gouvernement du Venezuela à mettre fin immédiatement aux actes de violence et de répression illicites à l'endroit de civils—Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l'honorable sénatrice Johnson,

Que le Sénat du Canada prenne acte des tensions continues dans la République bolivarienne du Venezuela et qu'il encourage le gouvernement du Venezuela :

1. à immédiatement mettre fin aux actes de violence et de répression illicites à l'endroit de civils, notamment aux activités des groupes civils armés,

2. à instaurer un dialogue sérieux et inclusif axé sur la nécessité :

a) de rétablir la primauté du droit et le constitutionnalisme, y compris l'indépendance de l'appareil judiciaire et des autres institutions de l'État;

b) de respecter et de protéger les droits universels de la personne, y compris la liberté d'expression et la liberté de la presse;

c) de prendre sans tarder les mesures qui s'imposent pour combattre l'inflation, la corruption et l'anarchie et pour assurer la sécurité et le bien-être de tous les Vénézuéliens.

Que le Sénat du Canada invite également tous les partis et les parlementaires du Venezuela :

1. à encourager leurs partisans à s'abstenir de tout acte de violence et de destruction de biens publics et privés;

2. à s'engager à tenir un dialogue dans le but de trouver une solution politique à la crise actuelle et à ses causes.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je remercie la sénatrice Andreychuk d'avoir présenté cette motion. Étrangement, j'ai passé une bonne partie de mon enfance dans un pays voisin du Venezuela. Je pense que nous ne nous intéressons pas suffisamment à ce qui s'y passe. Malheureusement, je n'ai pas encore pu compléter mes recherches sur ce sujet, alors je propose l'ajournement du débat pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné).

Son rôle de protection des minorités—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de protection des minorités.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, le sénateur Nolin a présenté une interpellation importante concernant le rôle du Sénat dans la protection des droits des minorités ou des minorités en général. J'aimerais aborder cette question sous trois angles. Premièrement, je comparerais le rôle et la structure du Sénat du Canada à ceux d'autres Chambres hautes dans le monde. J'aimerais porter une attention particulière à la façon dont le Sénat américain fonctionne et traite la question des minorités, le cas échéant, bien sûr; à la façon dont la Chambre des lords, au sein du Parlement à l'origine du modèle de Westminster, traite la question des minorités; et à la façon dont le Sénat canadien le fait.

Deuxièmement, à la suite de l'initiative du sénateur Nolin, je veux proposer une réflexion sur la façon dont les Pères de la Confédération ont structuré le Sénat canadien pour régler la question de la protection des droits des minorités.

Troisièmement, j'aimerais examiner la décision qu'a rendue la Cour suprême du Canada en avril 2014 et les observations et conclusions concernant la protection des minorités.

Ce sont là les trois parties de l'allocution que j'aimerais vous proposer. Compte tenu de l'heure tardive, je réserverai le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Malala Yousafzai

Message des Communes—Adoption de la motion visant à octroyer la citoyenneté honorifique à Malala Yousafzai

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai reçu de la Chambre des communes le message suivant :

Attendu que plus de 57 millions d'enfants dans le monde n'ont pas accès à l'enseignement primaire;

Attendu que des filles de partout dans le monde se voient refuser l'accès à une éducation de base de façon disproportionnée;

Attendu que le Canada appuie les efforts mondiaux pour que toutes les filles et tous les garçons aient accès à une éducation de base;

Attendu que Malala Yousafzai a bravement documenté les défis qu'il faut relever simplement pour aller à l'école sous le régime barbare des talibans, une organisation terroriste en vertu de la loi canadienne;

Attendu qu'elle a été victime d'une attaque horrible commise par les talibans qui, à ce jour, souhaitent toujours la réduire au silence;

Attendu que les Canadiens et le monde civilisé se sont unis pour se prononcer contre cette attaque et ont l'intention de rendre hommage au courage de Malala Yousafzai;

Attendu qu'elle a été reconnue à de nombreuses occasions en tant que championne des droits fondamentaux de la personne et de l'accès à l'éducation, y compris récemment lorsqu'elle a reçu le prix Nobel de la paix en reconnaissance de ses efforts pour défendre l'éducation universelle;

Attendu qu'elle continue de lutter pour renforcer l'autonomie des filles et des femmes;

Attendu qu'elle sert de modèle et d'inspiration pour les Canadiens et le monde entier dans sa lutte pour l'éducation universelle,

Par conséquent__________ la Chambre des communes résolvent d'accorder à Malala Yousafzai le titre de citoyenne canadienne honoraire;

Et qu'un message soit envoyé au Sénat l'invitant à se joindre à la Chambre en remplissant l'espace avec les mots « le Sénat et ».

ATTESTÉ

Le greffier par intérim de la Chambre des communes,
MARC BOSC

(1630)

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce message?

Des voix : Maintenant.

Son Honneur le Président intérimaire : Avec le consentement du Sénat?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5 du Règlement, je propose :

Que le Sénat se joigne à la Chambre des communes pour agréer ladite résolution et qu'il insère les mots « le Sénat et » dans l'espace en blanc qui s'y trouve;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Honorables sénateurs, nous pouvons être fiers de rendre aujourd'hui hommage à Malala Yousafzai, car cette jeune Pakistanaise a profondément ému le monde entier par sa lutte pour l'éducation des jeunes filles et, surtout, dans le but que ces dernières aient une place égale dans sa société, bien sûr, mais aussi dans toutes les sociétés du monde.

Elle a également ému la planète entière lorsqu'elle a été sauvagement attaquée, en 2012, pour ses convictions. Avec force et détermination, soutenue par les plus grands spécialistes des blessures de guerre, elle a survécu à de graves blessures à la tête et au cou et s'est rétablie rapidement pour ensuite continuer, contre vents et marées, à porter son message d'égalité et de liberté.

Honorables sénateurs, je vous invite à appuyer la motion présentée aujourd'hui à l'autre endroit en l'honneur de Malala Yousafzai et à voter en faveur de cette motion, afin que Malala Yousafzai soit nommée citoyenne d'honneur du Canada.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, c'est avec des sentiments partagés que j'interviens pour appuyer la motion tendant à accorder le titre de citoyenne canadienne honoraire à Malala Yousafzai, ou tout simplement « Malala », nom sous lequel elle est connue dans le monde entier.

D'une part, la force, le courage et la détermination dont fait preuve Malala pour défendre les droits des femmes et l'éducation des jeunes filles sont incomparables. D'autre part, il est terrible de penser que, au XXIe siècle, un très grand nombre de jeunes femmes doivent faire preuve d'un tel courage pour pouvoir obtenir une éducation et faire respecter leurs droits fondamentaux.

Le 19 octobre 2012 — soit il y a à peine un peu plus de deux ans, comme le sénateur Carignan l'a fait remarquer —, Malala s'est fait tirer dessus à bout portant par deux jeunes hommes talibans qui avaient fait signe à l'autobus qui la transportait de s'arrêter à une centaine de mètres de son école, dans la vallée de Swat, au Pakistan. Ils sont montés à bord de l'autobus et ont demandé : « Qui est Malala? » Sans attendre que Malala leur réponde, ils lui ont tiré une balle en plein visage. Elle avait 15 ans. Quel crime avait-elle commis? Elle rédigeait un blogue et parlait ouvertement de l'importance de l'éducation.

On a tiré sur Malala pour tenter de les empêcher, elle et d'autres jeunes filles, de s'instruire et de les réduire au silence. Le mieux que je puisse faire, c'est d'ajouter ma voix à la sienne pour la renforcer et de citer ses paroles ici, au Sénat du Canada.

À l'occasion de son 16e anniversaire de naissance, Malala s'est adressée à une assemblée mondiale des Nations Unies. Voici ce qu'elle a dit :

J'élève ma voix, non pas pour crier, mais pour que ceux sans voix puissent être entendus.

Au nom de tous ceux qui luttent pour leurs droits :

Leur droit de vivre dans la paix;

Leur droit d'être traité avec dignité;

Leur droit à l'égalité des chances;

Leur droit à l'éducation.

Ils...

Elle parle ici des talibans.

... ont pensé que la balle qui m'a touchée nous pousserait à nous taire, mais ils ont eu tort. Au lieu du silence, une clameur s'est élevée. Ils ont pensé changer nos objectifs et nos ambitions, mais une seule chose a changé : la faiblesse, la peur et le désespoir ont disparu et le courage et le pouvoir sont nés. [...] Le sage qui disait qu'un stylo est plus puissant qu'une épée avait raison. Les extrémistes ont peur des livres et des stylos. Le pouvoir de l'éducation les effraie. Ils ont peur des femmes. Le pouvoir de la voix des femmes les effraie.

Malala a parlé des choses qu'elle a apprises. Elle a dit aux jeunes du monde réunis à l'ONU qu'elle ne cherchait pas à se venger des talibans ni d'aucun autre groupe terroriste, mais qu'elle souhaitait plutôt prendre la défense du droit à l'éducation de tous les enfants.

Elle a dit ceci :

Je veux que les fils et les filles de tous les extrémistes, en particulier des talibans, aient accès à l'éducation. Je n'entretiens aucune haine à l'égard du taliban qui a tiré sur moi. Même si j'avais un fusil et qu'il se tenait devant moi, je ne tirerais pas.

En fait, au cours de l'entrevue qu'elle a accordée à Anna Maria Tremonti pour l'émission The Current, à la radio de CBC, Malala a parlé de ce qu'elle aimerait pouvoir dire au jeune taliban qui l'a attaquée.

Voici ce qu'elle a dit :

Je lui dirais de m'écouter avant de tirer sur moi. Je lui dirais que l'éducation est mon droit et que c'est aussi le droit de sa fille et de son fils. Je lui dirais que je parle en leur nom et au nom de la paix.

C'est là un thème qui apparaît dans tous les discours de Malala, dans son livre et dans les entrevues qu'elle a accordées : la paix passe par l'éducation.

Elle a dit ce qui suit à Anna Maria Tremonti :

Il existe de nombreux problèmes, mais je crois qu'on peut tous les résoudre grâce à une seule solution : l'éducation. L'éducation pour tous, garçons et filles. Il faut leur donner l'occasion d'apprendre.

Elle a ajouté ceci :

Mon objectif, c'est la paix. Mon objectif, c'est l'éducation pour tous les enfants.

L'éducation. Malala, ses amies et des millions de personnes autour du monde comprennent que le savoir ouvre la voie aux possibilités que renferme le monde, alors que l'ignorance et les mensonges sont les véritables ennemis de tous.

Chers collègues, je me suis souvent fait la réflexion qu'il est possible d'évaluer une société en considérant le statut des femmes, leur liberté et leur rôle, et à quel point on reconnaît leur égalité. J'ignore pourquoi tant d'hommes se sentent menacés par des femmes éduquées et puissantes, ou qu'ils ont peur d'elles. On en voit la preuve dans la détermination avec laquelle ils privent les jeunes femmes comme Malala de leur droit à l'éducation — les réduisant au silence sans leur donner l'occasion de répondre à leurs agresseurs et leur refusant le droit de parler en leur propre nom. C'est au nom de toutes les femmes et les jeunes filles que Malala prend la parole aujourd'hui pour dire fièrement : « Je suis Malala. »

Chers collègues, nous rendons hommage à Malala aujourd'hui, mais, en vérité, c'est nous qui sommes honorés de l'accueillir au sein de la famille canadienne, parce que ses aspirations sont le reflet de nos plus grandes valeurs. Aujourd'hui, en tant que nation, nous affirmons devant le monde entier que nous sommes tous avec Malala.

(1640)

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je vous ai parlé de Malala Yousafzai pour la première fois il y a deux ans, le 11 octobre, à l'occasion de la Journée internationale de la fille.

Comme vous le savez maintenant, et comme le reste du monde le sait aussi, Malala a fait preuve d'un courage exemplaire devant le mal. Elle a été ciblée et blessée par balles par les talibans lorsqu'elle revenait à la maison après l'école, parce qu'elle avait défié l'interdiction d'aller à l'école imposée aux filles et tenu un blogue sur le sujet.

L'histoire de Malala a profondément touché ma famille, car nous faisons toutes les deux partie de la tribu Yousafzai, une tribu guerrière pachtoune. Les femmes yousafzai sont reconnues pour leur courage, leur résilience et leur débrouillardise, et elles ont été confrontées à de nombreux défis tout au long de leur histoire.

Je vous ai lu un poème que ma fille a écrit pour Malala.

Le dimanche après-midi,
Mon père racontait souvent des histoires sur l'honneur.
Il parlait de familles aux racines enfouies dans les pays lointains.
Je découvrais mes propres racines,
Je découvrais mes origines,
Mes ancêtres,
Ma lignée.
Ma mère posait ses lèvres sur mon front
Et murmurait : « Tu es une pachtoune, une Yousafzai.
Le sang qui coule dans tes veines est source d'obligations.
Tu dois lutter pour l'honneur,
Mon enfant,
Tu es une guerrière ».
On a dû dire la même chose à Malala, je crois.
Nos femmes ont l'habitude de porter des fardeaux bien lourds pour leurs frêles épaules.
Nous avons appris depuis longtemps qu'il nous faut protéger l'honneur,
Alors nous prenons sur nos épaules les espoirs et les attentes de nos pères.
Malala,
À 11 ans seulement,
A allumé une bougie dans le noir.
Rebelle et audacieuse,
Fidèle au nom de la guerrière Malala, qui a combattu à la bataille de Maiwand,
Elle a osé, enfant,
Ce que bien des hommes adultes n'osent pas.
La peur lui était aussi étrangère que les deux balles qui ont transpercé son jeune corps. La petite Malala, l'innocente Malala,
Dont la bravoure dépasse les années, Malala,
Le nom que je voulais donner à ma fille,
Malala,
Authentique femme pachtoune,
Et nous portons la révolution dans notre sein.

En juin 2013, le Sénat a adopté ma motion visant à exprimer notre appui à Malala Yousafzai pour le courage, la ténacité et le soutien remarquable dont elle a fait preuve à l'égard du droit des jeunes filles à l'éducation partout dans le monde. Aujourd'hui, en 2014, un autre chapitre de l'histoire extraordinaire de Malala se déroule sous nos yeux. Elle est la plus jeune lauréate du prix Nobel de la paix. Elle le partage avec l'Indien Kailash Satyarthi.

J'exhorte aujourd'hui le Sénat à adopter cette motion. Malala mérite pleinement ce privilège. Je suis fière qu'elle soit Pakistanaise et je serais fière de dire qu'elle est Canadienne.

Des voix : Bravo!

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Avant de formuler mes observations, je tiens à reconnaître le travail accompli par la sénatrice Ataullahjan pour appuyer Malala avant même que nous en entendions parler. Elle s'est envolée pour Londres, à ses propres frais, pour appuyer la famille de Malala et est à ses côtés depuis longtemps.

Madame la sénatrice, je pense que je parle au nom de tous mes collègues lorsque je dis que vous nous avez bien représentés. Je sais que vous êtes également une Yusafzai, comme elle, et nous vous remercions du leadership dont vous avez fait preuve pour appuyer Malala. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Jaffer : Le 9 octobre 2012, le monde a appris, avec effroi, qu'on avait tiré une balle dans la tête de la jeune Malala Yousafzai, 15 ans, simplement parce qu'elle fréquentait l'école. Elle voulait s'instruire.

Au Pakistan, les talibans ont envoyé un message clair et ont essayé de dissuader d'autres jeunes filles d'essayer d'obtenir ce qui leur revient de droit.

Permettez-moi de citer Malala :

Les terroristes ont cru qu'ils contrecarreraient mes objectifs et mes ambitions, mais rien n'a changé dans ma vie, à l'exception de ceci : la faiblesse, la peur et le désespoir ont disparu. J'ai découvert la force, la puissance et le courage.

Malala a lutté contre la douleur et a survécu. Elle défend maintenant le droit de toutes les jeunes filles de recevoir une éducation. Son courage et sa force sont des leçons d'humilité.

Ce qui aurait paralysé de terreur la plupart des gens a plutôt poussé Malala à en faire encore davantage et, au fil des ans, elle est devenue la porte-parole de toutes les jeunes filles du monde. Ce sont les jeunes femmes de demain. Elles méritent mieux, et Malala les aide à améliorer leurs perspectives d'avenir.

La question de l'éducation des jeunes filles est de première importance. L'état actuel des choses est très préoccupant. Selon un rapport de l'UNESCO de 2013, il y a encore 31 millions de jeunes filles d'âge scolaire qui ne vont pas à l'école primaire. On s'attend à ce que 17 millions d'entre elles ne fréquentent jamais l'école. Il y a 4 millions de moins de garçons que de filles qui ne vont pas à l'école. Les deux tiers des 774 millions d'analphabètes dans le monde sont des femmes. Il y a trois pays où plus d'un million de filles ne fréquentent pas l'école, et le Pakistan, le pays d'origine de Malala, est l'un d'eux.

Les terroristes comme les talibans essaient d'attiser la peur dans le monde. Ils se délectent à l'idée de réduire à néant les fondations des sociétés fortes et de perturber la paix et la stabilité. Il suffit de voir qui ces terroristes ciblent pour savoir qui est leur ennemi le plus terrifiant : les jeunes filles instruites.

Nicholas Kristof, du New York Times, a rédigé en mai dernier un billet percutant dans lequel il explique pourquoi les terroristes craignent tant les jeunes filles instruites. Je le cite :

Pourquoi les fanatiques craignent-ils tant que les jeunes filles aillent à l'école? Parce qu'il n'y a rien comme l'éducation des filles pour transformer une société. La plus grande menace contre l'extrémisme, ce ne sont pas des missiles tirés par des drones, ce sont des fillettes occupées à lire un livre.

En interdisant aux jeunes filles de s'instruire, les terroristes font le nécessaire pour que la pauvreté se perpétue. Rien ne favorise autant la mobilité sociale que l'éducation. Les jeunes filles éduquées deviennent des femmes instruites et indépendantes qui occupent un emploi et qui gagnent un salaire.

Les jeunes filles instruites grandissent et deviennent des femmes instruites qui attendent d'être un peu plus âgées avant d'avoir des enfants. Leurs enfants auront d'ailleurs de bien meilleures chances de survie grâce à ce qu'elles auront appris. Les jeunes filles instruites grandissent et deviennent des femmes instruites qui contribuent à l'économie, dirigent leur collectivité et protègent la prochaine génération de garçons et de filles.

Il n'est pas étonnant que les jeunes filles inspirent une telle frayeur aux terroristes. Les terroristes ne peuvent pas s'épanouir dans une société où hommes et femmes sont égaux et unis. Voilà pourquoi ils continuent de cibler les jeunes filles.

C'est ce que montre l'attaque contre Malala en 2012, ou l'exemple de Boko Haram, qui a capturé 200 jeunes Nigérianes il y a exactement 190 jours. Malheureusement, les événements de ce genre sont si nombreux qu'il serait impossible de les énumérer ici.

Bien des jeunes filles doivent se battre chaque jour et risquer leur vie pour obtenir ce qui devrait leur revenir de droit, un droit dont profitent leurs frères mais dont elles sont privées, c'est-à-dire l'accès à l'un des outils les plus puissants qui soient : l'éducation. Les jeunes filles n'ont pas accès à l'éducation. C'est une catastrophe pour l'humanité.

Dans ce monde où l'éducation des jeunes filles est gravement menacée, Malala montre la voie. Elle symbolise l'espoir et le courage.

Les talibans espéraient la faire taire, mais sa voix est plus puissante que jamais. Elle nous rappelle chaque jour que nous devons faire mieux; que nous devons continuer de nous battre pour faire valoir les droits de nos enfants; que nous devons lutter pour protéger l'accès à l'éducation.

Grâce au Fonds de Malala, Malala vise à « créer un monde dans lequel les jeunes filles peuvent atteindre leur plein potentiel grâce à une éducation de qualité ». Voilà comment on éliminera l'extrémisme à l'échelle mondiale. À 17 ans, Malala l'a déjà compris.

L'éducation est la clé pour résoudre de nombreux problèmes dans notre univers mondialisé, et nous devons en faire une priorité.

Malala nous relie mondialement, nous rappelant que ni race, ni religion, ni pays n'a le droit de faire obstacle à l'éducation d'un enfant.

Si son œuvre résonne autant partout dans le monde, c'est grâce à la pureté de ses intentions. Nous félicitons Malala d'avoir remporté, le 10 octobre dernier, le prix Nobel de la paix, ainsi que celui qui partage avec elle cet honneur, Kailash Satyarthi, en reconnaissance de ses efforts en vue de lutter contre l'esclavage des enfants.

Le fait qu'une jeune femme de 17 ans seulement possède une telle humilité, un tel sens de l'engagement et un tel courage est fort inspirant. Je suis convaincue que Malala continuera d'apporter des changements positifs dans notre monde.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, j'ai été l'envoyée spéciale du Canada au Soudan pendant de nombreuses années. L'une de mes plus grandes fiertés en tant que canadienne était de voir, partout où j'allais, des écoles bâties par le gouvernement du Canada.

Nous pouvons tous être fiers de ce que nous avons fait pour l'éducation dans le monde, notamment pour les jeunes filles.

(1650)

Ce que j'ai observé, c'est qu'on enseignait le Coran aux garçons et qu'on donnait une bonne éducation aux filles. Honorables sénateurs, on a utilisé l'argent des contribuables pour éduquer les jeunes filles. Je pense que nous pouvons tous en être fiers.

Je tiens également à profiter de cette occasion pour remercier M. Ziauddin Yousafzai, le père de Malala, qui a appuyé sans réserve sa fille en fondant une école pour qu'elle reçoive la meilleure éducation possible. Il lui a prodigué des soins lorsqu'elle a été grièvement blessée et il continue de l'appuyer dans sa mission. Monsieur, vous nous montrez tous l'exemple en soulignant l'importance de l'éducation des jeunes filles, et, pour cela, nous vous rendons hommage.

Au Sénat, nous savons que le soutien d'un père contribue grandement à la réussite scolaire de sa fille. La sénatrice Ataullahjan nous a souvent dit comment son père, M. Saranjam, l'a aidée pendant ses études; comment il s'est assuré qu'elle recevait la meilleure éducation qui soit; comment il s'y est pris pour l'envoyer dans une des meilleures écoles du monde; et comment il continue encore aujourd'hui de l'appuyer dans son travail.

Honorables sénateurs, vous m'avez également entendue parler de mon propre père, Sherali Bandali Jaffer. Il a participé à la construction d'une école maternelle parce que celle de mon quartier n'a pas voulu m'accepter à cause de la couleur de ma peau. Mon père m'a encouragée et a dépensé beaucoup d'argent durement gagné pour que je devienne avocate. Il m'a envoyée dans une des meilleures universités au monde.

Honorables sénateurs, pendant les années 1960, il n'y avait pas beaucoup de femmes avocates, et j'entends encore les gens décourager mon père. Ils lui disaient : « Pourquoi gaspilles-tu de l'argent pour qu'une fille étudie le droit? Elle ira habiter chez son époux, elle aura des enfants et toute cette instruction ne servira à rien. » Mon père n'a pas tenu compte de leurs commentaires. À ce jour, c'est mon père, Sherali Bandali Jaffer, qui m'encourage le plus dans tout ce que j'entreprends.

Ce ne sont pas toutes les jeunes filles qui bénéficient d'un tel appui, et je suis très reconnaissante pour l'appui qu'on m'a donné, comme le sont également la sénatrice Ataullahjan et Malala.

Je suis sûre que la sénatrice Ataullahjan vous dirait que ce qu'elle a accompli, c'est grâce à l'appui de son père qu'elle a pu le faire. Quant au père de Malala, il a été présent pour elle à chaque étape, et nous lui rendons hommage, car nous sommes conscients des sacrifices qu'il a faits.

Honorables sénateurs, nous devons toutefois penser également aux enfants qui ne disposent pas d'un appui solide à la maison. C'est dans ce genre de cas que des institutions solides sont importantes. Je me fonde sur ma propre expérience, puisque c'est ce que je connais le mieux. Les écoles que j'ai fréquentées en Ouganda ont été construites par Son Altesse l'Aga Khan. Il s'agit des meilleures écoles du pays, et j'aimerais vous faire part du point de vue de Son Altesse l'Aga Khan sur l'instruction des jeunes filles, qui va bien au-delà des valeurs des ismaéliens. Ce sont des valeurs que l'on prône dans le monde entier :

Je crois que le message de l'islam, c'est qu'il faut respecter la dignité des femmes dans la société. Pour ce qui est de la pratique, toutefois, tout est une question d'interprétation. Il reste que le principe de base, c'est le respect de la dignité et de l'égalité des femmes dans la société [...] Cela ne se produit pas si les femmes ne reçoivent pas une éducation convenable. Nous croyons que l'éducation donne de la dignité aux femmes, et je suis d'avis que nous avons raison de croire cela.

Dans une autre déclaration, Son Altesse a également dit ce qui suit :

Une éducation de qualité à tous les niveaux est et a toujours été d'une importance cruciale pour toutes les sociétés.

Honorables sénateurs, voilà pourquoi il est très important que nous poursuivions nos efforts afin que les jeunes filles aient accès à l'éducation; c'est une valeur canadienne de la plus haute importance. Mon argument est le suivant : ceux parmi nous qui ont eu la chance d'être appuyés à la maison savent que ce n'est pas donné à tout le monde et font preuve de gratitude tous les jours. Nous avons fait des efforts en raison du soutien qui nous a été donné, et il est maintenant temps de donner au suivant. Toutefois, les établissements d'enseignement et les gouvernements ont aussi la responsabilité de s'assurer que les jeunes filles sont scolarisées. Pour que ces efforts donnent des résultats, l'État doit avoir la volonté de créer un environnement où l'éducation des jeunes filles est tout à fait normale.

J'irais même jusqu'à dire que l'État doit créer un environnement où l'éducation des jeunes filles est obligatoire. Le monde entier doit rendre l'éducation des jeunes filles obligatoire. Nous félicitons Malala pour le travail qu'elle a accompli, notamment par l'entremise de sa fondation, et qui nous rapproche de ce but. Comme vous le savez tous, lorsque l'on donne à une fille la possibilité d'apprendre, sa famille, son village et sa collectivité apprennent à leur tour. Malala illustre parfaitement l'influence que la voix d'une seule fille peut avoir sur une société; elle a prouvé qu'une seule voix peut attirer l'attention du monde entier.

Malala est déterminée, forte et modeste. Nous admirons son travail, et nous devrions tous nous efforcer de suivre son exemple. Elle fait sa part, et nous devons faire la nôtre afin que tous nos enfants puissent faire des études.

Honorables sénateurs, je vous invite à adopter cette motion. Joignez-vous à moi pour souligner le travail de Malala Yousafzai, véritable leader mondiale, et pour lui accorder le titre de citoyenne canadienne honoraire.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Affaires étrangères et commerce international

Motion tendant à autoriser le comité à utiliser les témoignages entendus lors de l'étude du projet de loi S-10, menée au cours de la première session de la quarante et unième législature, aux fins de l'étude actuelle du projet de loi C-6—Ajournement du débat

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis, conformément au préavis donné le 9 octobre 2014, propose :

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international au cours de son étude du projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, durant la première session de la quarante et unième législature, soient renvoyés au comité en vue de son étude du projet de loi C-6, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions, durant la présente session.

— Honorables sénateurs, je serai brève. La sénatrice Andreychuk m'a demandé de proposer l'adoption de cette motion à sa place avant que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international ne commence à étudier le projet de loi C-6.

La motion vise à porter à l'attention du comité tout le travail substantiel qu'il a déjà entrepris lors de la dernière session, quand il a étudié le projet de loi S-10, précurseur du projet de loi C-6. Cette motion aura pour effet de rafraîchir la mémoire des sénateurs qui ont siégé à ce comité au cours de l'étude du projet de loi S-10, et de porter à l'attention des nouveaux membres les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité durant la première session de la 41e législature.

Cette façon de procéder permettra au comité de concentrer son étude du projet de loi C-6 sur l'amendement qui le distingue du projet de loi S-10. Nous espérons que cela permettra également de réaliser une étude plus approfondie du projet de loi. Je vous remercie, honorables sénateurs.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : La sénatrice Fortin-Duplessis accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Fortin-Duplessis : Avec énormément de plaisir, madame la sénatrice.

La sénatrice Fraser : Cette procédure n'est pas inhabituelle; on a souvent vu un comité reprendre les documents et les témoignages entendus lors d'une session précédente, mais je voudrais être assurée du fait que cela ne va pas encourager le comité à en faire une étude accélérée.

Vous avez parlé d'une étude approfondie; pourriez-vous nous en dire un peu plus? C'est cela qui est important, car il ne s'agit plus du même projet de loi que lors de la dernière session parlementaire. Je voudrais donc m'assurer que vous allez vraiment étudier non seulement le texte de l'amendement, mais également l'implication de celui-ci pour tout le projet de loi et le système auquel il serait assujetti.

(1700)

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'aimerais d'abord dire qu'il était très important pour le gouvernement de supprimer le mot « utiliser » de l'alinéa 11(1)c). Nous voulons rassurer l'opposition que le gouvernement a décidé de retirer le terme « utilisation » de la liste d'exceptions.

Quant au projet de loi S-10, il mettait en œuvre la convention et rien de plus, alors que « prohiber l'utilisation des armes à sous-munitions » va plus loin. Actuellement, par contre, je n'ai pas devant moi la liste des témoins qui seront entendus dans le cadre de l'étude du projet de loi C-6. Cependant, je peux vous assurer que nous entendons accorder au projet de loi un second regard objectif et sérieux.

En aucun temps le projet de loi C-6 n'autorise les membres des Forces canadiennes à ordonner l'utilisation de ces armes dévastatrices et à appuyer leur utilisation par d'autres pays qui ne font pas partie de la convention. Les Forces canadiennes sont au courant que l'interdiction d'utiliser des armes à sous-munitions est absolue. J'aimerais aussi vous rappeler que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, est déjà au courant que le projet de loi C-6 a été entériné à l'autre l'endroit.

J'espère que nous réussirons à faire un excellent travail. Je suis certaine que les témoins qui comparaîtront seront entendus, et nous verrons pour la suite.

La sénatrice Fraser : Je n'ai pas vraiment reçu de réponse à ma question, mais je n'ai nullement l'intention, ici, ce soir, d'entrer dans un débat de fond sur le contenu du projet de loi. Je voulais simplement m'assurer qu'une vraie étude serait menée à l'aide de tous les témoins qui ont des expertises et des éléments à apporter à cette étude.

Le fait de transférer tout ce qui a déjà été fait dans le cadre d'un comité ne devrait jamais servir d'excuse pour accélérer ou pour couper court à l'étude d'un projet de loi qui se trouve devant le Sénat, surtout un projet de loi de cette importance.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Nous n'avons pas l'intention de couper court ou de faire cette étude de façon extrêmement rapide.

L'honorable Fernand Robichaud : Madame la sénatrice, j'aimerais être rassuré sur le fait que l'adoption de cette motion n'aura pas pour effet de limiter la comparution des témoins qui ont déjà témoigné lorsque nous étions saisis de ce projet de loi, et que nous aurons toute la liberté de les inviter et de les entendre à nouveau.

Ce n'est pas parce que nous aurons tous les documents devant nous que nous n'aurons pas besoin d'entendre ces témoins. J'aimerais qu'on puisse les inviter même s'ils ont déjà comparu lorsque le projet de loi avait été présenté sous une autre forme.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, sénateur Robichaud. Personnellement, je ne peux pas prendre l'engagement que le comité pourra réentendre tous les témoins qu'il a déjà entendus, mais il est question d'entendre des témoins qui en ont fait la demande. Je crois que notre comité fera un travail sérieux et qu'il se penchera sur cette deuxième version du projet de loi sur la Convention sur les armes à sous-munitions.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je comprends que cela place sans doute la sénatrice Fortin-Duplessis dans une situation délicate, mais je crois que nous devrions peut-être étudier cette question d'un peu plus près. Par conséquent, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 22 octobre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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