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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 93

Le mercredi 5 novembre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 5 novembre 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la nouvelle consule générale des États-Unis d'Amérique à Vancouver, Mme Lynne Platt. Elle est l'invitée de l'honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada. Je suis persuadé que l'exercice de ces fonctions au Canada, au nom de votre grand pays, sera riche d'enseignements.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les banques alimentaires

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je tiens à souligner que l'organisme Banques alimentaires Canada a publié hier son rapport « Bilan-Faim 2014 ». Cette année, le rapport s'intitule « Pourquoi avons-nous besoin de banques alimentaires dans un pays aussi riche que le Canada? »

Honorables sénateurs, tous les mois, 841 191 Canadiens sont obligés d'avoir recours aux banques alimentaires, et ce, pour toutes sortes de raisons. Le nombre d'usagers de ce service a augmenté de 25 p. 100 depuis 2008. Les enfants constituent plus du tiers des personnes aidées par les banques alimentaires. Un bénéficiaire sur six des banques alimentaires a un revenu d'un emploi actuel ou récent.

Le recours aux banques alimentaires a augmenté dans 6 des 10 provinces. Quarante-trois pour cent des ménages qui ont recours aux banques alimentaires sont composés de célibataires, c'est-à-dire de personnes qui vivent seules, sans enfant. Ce groupe a connu la plus forte hausse au fil des ans. En 2001, les Canadiens célibataires représentaient 29 p. 100 des usagers des banques alimentaires. En 2014, cette proportion est passée à 43 p. 100.

Les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits sont de plus en plus nombreux à se rendre dans les banques alimentaires.

Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, 20 000 personnes ont eu recours à une banque alimentaire en 2014; 30 p. 100 d'entre elles étaient des enfants.

En fait, beaucoup de Canadiens ne se sont pas encore remis des conséquences désastreuses de la récession de 2007-2008. La pauvreté étant l'un des principaux facteurs qui poussent les gens à avoir recours aux banques alimentaires, l'organisme Banques alimentaires Canada a formulé plusieurs recommandations pour remédier à quelques problèmes qui entretiennent le cercle vicieux de la pauvreté pour beaucoup de Canadiens. Il recommande de construire des logements abordables, de réduire l'insécurité alimentaire dans le Nord, de corriger le système d'aide sociale, de réduire le taux de pauvreté chez les enfants et de permettre aux Canadiens d'acquérir les compétences nécessaires pour occuper un emploi bien rémunéré.

Honorables sénateurs, je remercie l'organisme Banques alimentaires Canada de son rapport et je félicite tous ceux qui s'emploient à fournir de la nourriture aux Canadiens qui n'ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins. J'espère que nous saurons unir nos efforts pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.

Je vous remercie.

Le projet oléoduc Énergie Est

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'aimerais vous parler aujourd'hui de l'Oléoduc Énergie Est.

[Français]

Je m'en voudrais de ne pas reconnaître, en cette enceinte, le leadership des sociétés TransCanada Corporation et Irving Oil concernant le projet Oléoduc Énergie Est.

[Traduction]

Comme je viens du Nouveau-Brunswick, je peux dire que ce projet fera primer les intérêts de l'Est du Canada et du Nouveau-Brunswick et permettra aux Canadiens d'être dans une classe à part. Il a pour but de bâtir un avenir meilleur pour tous grâce à la filière énergétique.

Je suis tout à fait convaincu que les sociétés TransCanada et Irving sont des entreprises socialement responsables. On n'a qu'à se rappeler la bienveillance dont elles font preuve d'un océan à l'autre, dans les régions, les provinces et l'ensemble du pays.

Honorables sénateurs, le jeudi 30 octobre 2014, la société TransCanada, soucieuse de ses responsabilités environnementales, a soumis officiellement son projet à l'Office national de l'énergie. Dans sa demande réglementaire, qui fait 30 000 pages, TransCanada présente aussi les retombées économiques de son projet.

Honorables sénateurs, je vous demande de bien écouter pendant que je vous fais part de certains avantages du projet Oléoduc Énergie Est, un projet de 12 milliards de dollars, et de ses retombées pour le Nouveau-Brunswick et l'Est du Canada.

Il rendra effectivement plus concurrentielles les raffineries de l'Est du Canada. Il créera en moyenne environ 14 000 emplois à temps plein, directs et indirects, pendant sa construction. Honorables sénateurs, ce projet est plus qu'un simple oléoduc. Il renforcera l'économie et offrira un avenir sûr à nos familles.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mockler : Oui, je crois que le Nouveau-Brunswick et la côte Est peuvent être des chefs de file dans ce projet, parce que nous connaissons depuis la Confédération les résultats que peut donner une attitude dynamique.

[Français]

Ce pipeline se terminera à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, à la raffinerie de la société Irving Oil.

[Traduction]

Au Nouveau-Brunswick et dans l'Est du Canada, nous sommes conscients de l'importance du complexe de raffineries Irving et nous en sommes fiers. C'est la plus grande raffinerie au Canada et elle figure parmi les 10 plus grandes en Amérique du Nord. Il ne fait aucun doute que le projet de la société TransCanada et d'Irving Oil, qui se lancent dans la construction et l'exploitation d'un nouveau terminal portuaire en eau profonde, sera un succès. Il sera viable sur le plan économique et respectueux de l'environnement, et ce, dans l'intérêt des habitants de l'Est du Canada, pour ne pas dire de tout le pays. Je suis convaincu que nous pouvons y arriver. Les habitants du Nouveau-Brunswick et de l'Est du Canada ont besoin des retombées économiques de ce projet.

(1340)

Je me réjouis de l'annonce faite par le Conference Board du Canada, qui dit que le Nouveau-Brunswick tirera environ 2 400 emplois de la phase de construction.

Honorables sénateurs, nous avons une approche proactive en ce qui concerne l'exploitation de nos ressources naturelles. Ce projet n'est pas attribuable au hasard. C'est parce que nous avons un dirigeant, le premier ministre Harper, qui est constant...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Mockler : ... et qui a à cœur nos familles et nos emplois, ainsi que notre économie et la sécurité de nos collectivités. En outre, il a une approche proactive.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, personne ne peut nier le fait que ce projet a été conçu par les Canadiens, pour tout le Canada.

[Traduction]

L'honorable Jane Cordy : Je vous remercie. Peut-être que le sénateur Mockler pourrait rappeler au premier ministre que, dans le Canada atlantique, nous n'avons pas une culture de défaitisme. Veuillez le rappeler au premier ministre.

Le jour du Souvenir

Le rôle des femmes au cours des deux guerres mondiales

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, nous soulignerons mardi prochain le jour du Souvenir, la journée désignée chaque année au cours de laquelle nous nous rappelons les Canadiens et les Canadiennes qui ont fait tant de sacrifices au service de leur pays. Tous, qu'il s'agisse des hommes et des femmes de l'armée de terre, de la marine ou des forces aériennes qui ont combattu au front, qu'il s'agisse des hommes et des femmes du corps médical ou qu'il s'agisse de leurs familles ou leurs voisins chez eux, les efforts en temps de guerre exigent l'appui de toute la nation.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, je tiens à souligner le rôle essentiel qu'ont joué de jeunes femmes canadiennes dans les efforts de guerre du Canada au cours des deux guerres mondiales.

Avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, l'organisation des infirmières militaires du Canada ne comptait que 80 infirmières de la réserve. À la fin de la guerre, plus de 3 000 femmes canadiennes se sont portées volontaires pour servir dans l'armée à l'étranger dans l'un des 30 hôpitaux médicaux ou postes d'évacuation sanitaire en Angleterre, en France, en Belgique, en Grèce, à Malte et dans la région de la Méditerranée orientale. Nombre d'entre elles ont également travaillé tout près du front, où l'on avait le plus besoin d'elles. Plus de 4 000 infirmières militaires canadiennes ont servi à l'étranger au cours de la Seconde Guerre mondiale. À ce moment-là, chaque branche des forces armées disposait de son propre corps d'infirmières militaires.

Surnommées les « oiseaux bleus » par les soldats de la Première Guerre mondiale en raison de leur uniforme — une robe bleue assortie d'un tablier blanc et d'un voile blanc transparent —, les infirmières militaires assistaient directement et quotidiennement aux horreurs de la guerre. Comme elles prenaient soin des soldats malades et blessés, elles étaient perçues comme de véritables anges de compassion et de bienveillance.

Souvent stationnées près de la ligne de front, les infirmières militaires travaillaient dans des conditions dangereuses. Plusieurs d'entre elles succombèrent à la maladie et aux attaques ennemies. Le 19 mai 1918, l'Hôpital général canadien no 1 et l'Hôpital général canadien no 7 furent touchés par un raid aérien allemand. Ils étaient situés à Étaples, en France, où se trouvaient également le dépôt principal et le camp de transit du corps expéditionnaire britannique. Dans cette attaque, 66 Canadiens furent tués et 73 furent blessés. Trois infirmières militaires comptaient parmi les morts.

De nombreuses infirmières restèrent auprès des patients immobilisés durant le bombardement. D'ailleurs, les infirmières militaires Helene Hanson et Beatrice McNair se sont vu décerner une médaille militaire pour leur sens du devoir exceptionnel et sont ainsi devenues les premières femmes canadiennes à être décorées pour actes de bravoure.

Le 27 juin 1918, un sous-marin allemand torpilla le navire hospitalier canadien Llandovery Castle alors qu'il se dirigeait vers Liverpool en provenance d'Halifax; celui-ci fit naufrage au large des côtes du Sud de l'Irlande. Le navire servait au transport des soldats blessés de l'Angleterre vers le Canada. Au moment du torpillage, le Llandovery Castle ne transportait aucun patient, mais 258 membres de l'équipage et du personnel médical se trouvaient à son bord.

Attaquer un navire hospitalier était contraire aux lois internationales et aux ordres permanents de la marine allemande. Le navire fut néanmoins torpillé par le sous-marin, qui tira également sur les naufragés réfugiés dans les canots de sauvetage. Seulement 24 personnes ont survécu à l'attaque. Les 14 infirmières militaires qui se trouvaient à bord du navire furent tuées, y compris deux femmes de la Nouvelle-Écosse, Margaret Fraser, du comté de Pictou, et Minnie Follette, du comté de Cumberland. Le médecin en chef du personnel médical, le lieutenant-colonel Thomas MacDonald, de Port Hawkesbury, comptait aussi parmi les victimes.

Ces jeunes femmes courageuses ont répondu à l'appel de leur pays, tout comme des milliers de jeunes hommes l'avaient fait. Plus de 500 infirmières ont été décorées pour services rendus pendant la Première Guerre mondiale. Je suis honorée de pouvoir rendre hommage à ces courageuses jeunes Canadiennes et de souligner le rôle crucial qu'elles ont joué pendant ces deux périodes tragiques de notre histoire, qui ont contribué à forger le pays dans lequel nous vivons aujourd'hui.

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, les tableaux que nous voyons tous les jours nous rappellent le rôle qu'a joué le Canada pendant la Première Guerre mondiale. Cependant, les femmes sont largement absentes dans ces œuvres. Pourtant, on ne peut souligner notre participation à ce conflit sans saluer leur courage.

Même si les femmes étaient considérées comme des êtres humains de deuxième classe, elles ont été des milliers à s'enrôler dans le corps du service de santé militaire à titre d'infirmières. Plusieurs d'entre elles ont servi tout près de la ligne de front. Au pays, les femmes ont donné l'exemple. Elles récupéraient des vêtements, du caoutchouc et du métal. Elles donnaient du sang, soudaient du métal et fabriquaient des armes. Elles trayaient les vaches et labouraient les champs. Après des journées éreintantes passer à assurer le bon fonctionnement des usines, des fermes, des écoles et des magasins, elles prenaient soin des enfants et recueillaient des millions en participant aux campagnes de collecte de fonds pour la guerre. Les femmes ont accompli tout ce travail sans rémunération et sans reconnaissance. En 1913, elles ont été effacées des paroles de la version anglophone de l'hymne « Ô Canada ». N'est-il pas curieux que cela se soit produit à la veille d'une guerre, alors que le Canada s'apprêtait à porter le plus lourd fardeau de son histoire?

Alors que les contributions des femmes dans plusieurs domaines étaient de plus en plus importantes, leur désir de se faire entendre et d'être prises en compte est aussi devenu de plus en plus fort.

Les campagnes des suffragettes ont pris de l'ampleur. Nellie McClung avait déjà attiré l'attention du pays sur cette cause. En effet, dans sa parodie d'une séance du Parlement, elle a inversé les rôles et a remis en question la pertinence d'accorder aux hommes le droit de vote. Grâce à ses discours et à ceux d'autres activistes, elle a su montrer la nécessité d'accorder aux femmes le droit de vote. Cependant, les femmes, de chaque collectivité, tant à l'étranger qu'au pays, ont su étayer leurs arguments de façon concrète. Dans les bureaux, les usines et les champs, elles ont prouvé qu'elles étaient capables de faire le travail des hommes en plus du travail qui leur était habituellement confié. Elles ont, par le fait même, contribué à la transformation du Canada.

À la fin de la guerre, nous étions un pays différent sur le plan socioéconomique. Nous nous étions taillé une place plus importante dans le monde, une place qui, à l'époque comme maintenant, est en grande partie le fruit du travail et du leadership des Canadiennes.


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 18 novembre 2014, à 14 heures.

[Français]

La Loi sur le droit d'auteur
La Loi sur les marques de commerce

Projet de loi modificatif—Préavis de motion tendant à déclarer nulles et non avenues toutes les délibérations tenues jusqu'à présent

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que toutes les délibérations tenues jusqu'à présent sur le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur les marques de commerce et d'autres lois en conséquence, soient déclarées nulles et non avenues.

[Traduction]

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
La Loi sur le mariage civil
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1350)

[Français]

L'Association parlementaire Canada-Europe

La troisième partie de la session ordinaire de 2014 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue du 23 au 27 juin 2014—Dépôt du rapport révisé

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport révisé de la délégation parlementaire canadienne concernant sa participation à la troisième partie de la session ordinaire de 2014 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 23 au 27 juin 2014.

[Traduction]

L'Association parlementaire du Commonwealth

La visite bilatérale au Royaume-Uni, du 8 au 13 mars 2014—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant la visite bilatérale au Royaume-Uni, qui a eu lieu à Londres, au Royaume-Uni, du 8 au 13 mars 2014.

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à siéger à 15 h 30 le mardi 18 novembre 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Les régimes de pension à prestations cibles

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et elle fait partie de la série de questions que nous avons reçues de Canadiens qui nous ont demandé de les poser en leur nom. La question d'aujourd'hui provient d'un retraité de Postes Canada, M. Peter Whitaker, qui habite à Orléans, en Ontario. Il souhaite revenir sur l'échange que nous avons eu, vous et moi, et sur les questions complémentaires posées par la sénatrice Cordy la semaine dernière concernant l'intention du gouvernement d'instaurer un régime de pension à prestations cibles.

Je vous lis la question de M. Whitaker telle qu'il me l'a envoyée :

En 2000, le gouvernement a accordé à la Société canadienne des postes le droit de créer son propre régime de pension et d'y verser les cotisations versées par les employés à l'ancien régime. Rappelons que, l'année d'avant, en 1999, le gouvernement fédéral avait puisé 30 milliards de dollars dans les excédents du régime de pension. Le gouvernement fédéral avait garanti ces pensions, de même que les prestations accumulées par les employés de la Société canadienne des postes jusqu'à l'an 2000 en précisant que nul ne pouvait y toucher ni les modifier. La société et le gouvernement fédéral avaient tous deux garanti que les éventuels déficits seraient assumés par la société et son unique actionnaire, le gouvernement fédéral. À peu près aucun retraité de Postes Canada n'a été informé que des consultations avaient lieu sur le régime de pension à prestations cibles ou n'a été invité à y prendre part, même si nous « [avons] des liens avec le milieu, soit à titre de participants [ou] de bénéficiaires », n'en déplaise au sénateur Carignan.

Le gouvernement fédéral respectera-t-il sa promesse et le précédent établi en 2000? Si le régime de pension à prestations déterminées des employés de la Société canadienne des postes est converti en un régime à prestations cibles, les prestations déterminées accumulées par ces employés jusqu'au jour de la conversion seront-elles garanties par la société et son unique actionnaire, le gouvernement fédéral?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur, en ce qui concerne la question des nouveaux régimes à prestations cibles, il s'agit d'une option innovatrice qui offre aux entreprises du secteur privé et aux sociétés d'État sous réglementation fédérale une troisième option en matière de régimes de pension.

Les régimes à prestations cibles constituent un nouveau type de pension viable et souple qui permet l'ajustement des prestations et des cotisations en fonction de la situation financière du régime. Ce type de régime offre aux participants et aux retraités une forte probabilité de sécurité des prestations, que les conditions du marché soient favorables ou non.

Le cadre proposé permet la conversion en régime à prestations cibles sous réserve du consentement de toutes les parties. J'insiste sur le fait que cela se ferait sous réserve du consentement de toutes les parties. Cette formule pourrait aussi être adoptée lors de la création de nouveaux régimes de pension. Contrairement à ce qui peut avoir été allégué ou sous-entendu lors des consultations, ce régime ne visait pas à modifier les régimes de retraite fédéraux du secteur public qui sont assujettis à leur propre loi, comme la Loi sur la pension de la fonction publique, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et La Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale.

Le gouvernement a déjà pris des mesures pour que les régimes de retraite fédéraux du secteur public correspondent davantage à ceux qui sont offerts dans le secteur privé.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Merci, sénateur. Je comprends qu'il s'agit d'une troisième option, comme vous le dites. D'un côté, il y a le régime à prestations déterminées, de l'autre, le régime à cotisations déterminées, et entre les deux, il y a ce régime à prestations cibles, qui constitue une sorte d'hybride. Je comprends cela.

J'écoutais l'interprète, alors j'aimerais que vous confirmiez que j'ai bien compris votre réponse à la question que m'ont posée les gens qui m'ont écrit et ont exprimé ces préoccupations. Vous dites qu'aucun régime à prestations déterminées ne sera converti en un régime à prestations cibles sans le consentement des participants. Est-ce bien cela?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, c'est ce que j'ai dit. Le cadre proposé permet la conversion au régime à prestations cibles sous réserve du consentement des parties concernées.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Ainsi, dans le cas de Postes Canada ou de tout autre employeur, cela ferait l'objet de négociations collectives? Une convention collective serait en vigueur et, si le gouvernement ou l'employeur désirait passer d'un type de régime à un autre, cela se ferait dans le cadre des négociations habituelles entourant la convention collective, est-ce bien cela?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué plus tôt, il s'agit d'une troisième option possible au sein du système de pensions, et le cadre proposé permet la conversion au régime à prestations cibles sous réserve du consentement des parties concernées.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : La semaine dernière, dans le cadre de nos discussions à ce sujet, la sénatrice Cordy a posé des questions au sujet du processus de consultation. Elle vous a demandé qui avait été consulté et pourquoi certains groupes ne l'avaient pas été. Bien entendu, vous ne possédiez pas l'information concernant la nature du processus de consultation, mais vous nous avez assuré qu'il s'agit d'un processus exhaustif et complet.

M. Whitaker dit qu'il a écrit au ministre d'État aux Finances, M. Sorenson, en juillet pour lui faire part de ses réserves concernant ce qu'il qualifie de « processus de consultation lacunaire et discriminatoire ». Dans la lettre qu'il a envoyée à M. Sorenson, M. Whitaker a écrit que même si quelques groupes de retraités et syndicats ont été informés du processus de consultation et ont été invités à y participer — et la proportion information-consultation n'est pas claire — la vaste majorité des employés et des retraités de la société d'État n'ont même pas été informés. Voilà la position de M. Whitaker. Il dit qu'il a eu de la difficulté à joindre le ministère. Il a laissé des messages vocaux et a envoyé des courriels et n'a obtenu une réponse que deux jours avant la date d'échéance du dépôt des propositions pour la consultation. Puis, en septembre, il a une fois de plus écrit au ministre Sorenson et affirmé ceci : « Il est injuste que le gouvernement décide d'élaborer une mesure législative en se fondant sur un processus qui nous excluait, nous, les retraités de société d'État, en ne nous informant pas ou en ne nous invitant pas à participer au processus de consultation. »

(1400)

Si des retraités comme M. Whitaker, des employés retraités de Postes Canada, n'ont pas été consultés, le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire aujourd'hui, étant donné qu'il n'était pas en mesure de nous fournir ces renseignements la semaine dernière, qui a été consulté dans le cadre de ce processus?

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce qu'il est important de retenir, c'est que le cadre proposé permettrait la conversion à des régimes à prestations cibles, comme je l'ai dit, et sous réserve du consentement de toutes les parties. Cette formule peut être adoptée lors de la création d'un nouveau régime de pension par les membres et les retraités. La structure de gouvernance conjointe qui est proposée tiendrait compte du partage des risques inhérents au régime à prestations cibles et assurerait une représentation efficace des employeurs, des participants et des retraités. Tout cela est prévu dans la structure de gouvernance.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : J'ai compris l'explication au sujet du régime et du fait qu'il offrait, comme vous l'avez mentionné, une troisième option, mais, de toute évidence, ce qui préoccupe ces gens, c'est qu'on leur impose cette troisième option, vraisemblablement sans les consulter ou sans tenir de consultations acceptables à ce sujet.

Vous nous avez donné l'assurance qu'aucun régime ne serait converti et que ces mesures ne seraient pas imposées à des groupes d'employés, sauf dans le cadre du processus usuel de négociations collectives ou en dehors de ce processus, mais avec le consentement de l'employé. Je vais donc transmettre votre réponse et ces assurances à M. Whitaker et à ses collègues.

Les transports

Les véhicules aériens sans pilote—La protection de la vie privée et de la sécurité

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, n'aimez-vous pas ces questions posées par des Canadiens ordinaires? Je remercie le leader du gouvernement au Sénat. Ces questions posées par les Canadiens ordinaires nous permettent de nous ouvrir au monde. Avez-vous lu l'article publié la semaine dernière dans la page des lecteurs de l'Ottawa Citizen, où l'auteur traitait de la plus grande ouverture du Sénat? C'était fort intéressant, et je me suis dit que c'est une bonne chose que les Canadiens puissent poser de telles questions. C'est une excellente lecture pour nous tous, et plus particulièrement pour les sénateurs d'en face. Cet article montre que nous faisons les choses différemment ici, au Sénat, sans compter que nous ouvrons maintenant les portes de notre caucus aux Canadiens. Je voulais simplement le mentionner. C'est une bonne chose.

Monsieur le leader, j'ai une question de M. Matthew Dillon-Leitch, de Markham, en Ontario, au sujet des drones et des répercussions sur la vie privée.

Pour mettre la question en contexte, honorables sénateurs, les drones, qui sont des véhicules aériens sans pilote, ou UAV, sont de plus en plus utilisés à des fins militaires, commerciales et récréatives. Le nombre de signalements de drones volant devant des fenêtres d'appartement et au-dessus d'arrière-cours augmente. Aussi, certains Canadiens, comme M. Dillon-Leitch, s'inquiètent de plus en plus des répercussions de ceux-ci sur la vie privée. Il pose la question suivante :

À l'heure actuelle, tout ce qui concerne les drones utilisés à des fins civiles et commerciales et leur réglementation relèvent de Transports Canada. Toutefois, la législation en vigueur porte sur la sécurité aérienne sans traiter des atteintes possibles à la vie privée. Compte tenu de la popularité croissante des véhicules aériens sans pilote dans tout le Canada, que fait le gouvernement pour que la vie privée des citoyens soit raisonnablement protégée?

Pourquoi permet-on l'utilisation de drones à des fins de surveillance sans qu'il y ait de dispositions législatives ou de règlements pour garantir le respect de la vie privée des Canadiens?

Comment un Canadien signalerait-il un tel crime s'il ne peut apercevoir l'utilisateur de l'appareil et qu'aucun signe extérieur ne permet d'identifier?

M. Dillon-Leitch pose une autre question. Il demande ceci :

Que fait le gouvernement pour que les Canadiens aient des recours en cas d'intrusion dans leur vie privée par des utilisateurs de drones?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je trouve les questions des citoyens extrêmement intéressantes et variées. Certains collègues d'en face devraient même parfois utiliser les questions des citoyens plutôt que de rédiger leurs propres questions. Évidemment, j'apprécie beaucoup ces questions.

En ce qui a trait à l'utilisation des drones et à l'atteinte à la vie privée, comme vous le savez, il s'agit de la limite des droits. Les droits des uns se terminent là où commencent ceux des autres. La vie privée est un champ de compétence provincial normalement légiféré par le droit civil au Québec et par la common law dans les autres provinces. Il est évident que ces appareils ne doivent pas être utilisés de manière à porter atteinte à la vie privée.

Je me souviens de certains dossiers municipaux où on avait soulevé le problème des caméras de surveillance installées sur des propriétés et qui, parfois, captaient des images de l'autre côté. Cela peut créer des problèmes de voisinage.

Il s'agit de dossiers qui relèvent davantage des questions de propriété du droit civil, qui est de compétence provinciale.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Permettez-moi une intrusion ici, mais vous venez de survoler la question de la compétence provinciale. La question que je me dois de poser n'est pas aussi succincte que celle du citoyen.

Vous dites que cette question est de compétence provinciale. Or, même si Transports Canada a créé un groupe de travail sur les UAV chargé de proposer des amendements à la réglementation et exige actuellement des utilisateurs commerciaux d'UAV pesant plus de 35 kilogrammes qu'ils détiennent un permis spécial, la sécurité demeure sa priorité.

Que ce dossier relève ou non de la compétence des provinces, le Commissariat à la protection de la vie privée a publié un rapport de recherche sur le recours aux drones au Canada et ses répercussions sur la vie privée. On y affirme le besoin :

[...] d'encadrer leur utilisation au moyen d'une structure de reddition de comptes visant à garantir qu'ils sont justifiés, nécessaires et adaptés [...]

Le rapport précise par ailleurs que :

[...] Même dans le cas où un individu aurait des raisons de croire que l'utilisation d'un véhicule aérien sans pilote pourrait porter atteinte à sa vie privée, il risquerait d'avoir de la difficulté à présenter des éléments probants suffisants pour étayer une plainte en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, en particulier dans le cas de surveillance effectuée au moyen de véhicules dissimulés ou banalisés.

Pour M. Dillon-Leitch, c'est là le cœur du problème. C'est pourquoi il a posé la question. Je la pose de nouveau. Compétence provinciale ou pas, Ottawa a un rôle à jouer dans le dossier.

Que fait le gouvernement pour que les Canadiens aient des recours en cas d'intrusion dans leur vie privée par des utilisateurs de drones?

[Français]

Le sénateur Carignan : Les actions du gouvernement en ce qui concerne les drones touchent surtout la sécurité liée à l'utilisation de ces appareils. D'ailleurs, le 21 octobre 2014, la ministre Raitt a lancé une campagne nationale sur la sécurité des drones, dont l'objectif est d'aider les Canadiens à comprendre leurs responsabilités et à respecter les lois sur la sécurité au Canada.

Votre question portait sur l'atteinte à la vie privée, lorsqu'un drone survole une propriété et pourrait capter des images de cette propriété, de la vie privée d'un individu ou de sa demeure. La partie à laquelle vous faites référence est tirée de la campagne nationale lancée par la ministre Raitt concernant la sécurité des drones. Je peux vous lire un extrait du communiqué dans lequel on mentionne que la campagne de sensibilisation du gouvernement du Canada sur l'utilisation sécuritaire des véhicules aériens sans pilote, aussi appelés drones, ou UAV, aidera les utilisateurs de ces appareils qui s'en servent à des fins récréatives ou commerciales à comprendre les règles à suivre dans l'espace aérien et les incitera à penser à la sécurité d'abord.

La première phase de la campagne offre au public des lignes directrices sur la sécurité et une infographie facile à comprendre qui précise dans quelles circonstances il faut obtenir une autorisation de Transports Canada.

(1410)

Il y aura également, cet hiver, une deuxième phase à cette campagne qui comprendra de la publicité sur les moteurs de recherche et dans les médias sociaux, des vidéos de sensibilisation, ainsi qu'un processus simplifié pour demander l'autorisation de piloter un appareil. De plus, le 21 octobre dernier, afin d'offrir aux Canadiens l'information et les conseils dont ils ont besoin pour utiliser des drones de manière sécuritaire et légale, des lignes directrices sur la sécurité ont été présentées en complément aux exigences actuelles, qui visent à renseigner le public sur les risques et les responsabilités liés à l'utilisation des drones.

[Traduction]

Le Comité des banques et du commerce

Les travaux du comité

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'adresse ma question au président du Comité sénatorial des banques, qui est fréquemment cité.

J'ai remarqué qu'au cours des derniers mois seulement la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a renvoyé à la transcription de témoignages donnés au Comité des banques, tout comme la Cour provinciale de l'Alberta, qui a fait référence à d'autres transcriptions de témoignages. Pour sa part, la Cour supérieure de justice de l'Ontario, dans la décision 2014 ONSC 1828, a mentionné un rapport produit par le comité. Enfin, la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dans la décision Watson c. Bank of America Corporation, a cité de longs passages d'un rapport que le comité avait produit en 2010.

Le président de l'important Comité sénatorial des banques, qui est souvent cité, pourrait-il faire le point sur les activités du comité?

L'honorable Irving Gerstein : Merci, chers collègues. Je tiens à remercier le sénateur Baker de sa question, même si elle me prend quelque peu par surprise, et je le félicite de poser des questions aux présidents de comité.

Je suis très heureux d'avoir l'occasion d'informer la Chambre des travaux du comité, et je suis flatté que le sénateur m'ait demandé de le faire, car j'admire beaucoup le sénateur Baker. Comment faire autrement? Le sénateur Baker est, avant tout, un vrai gentleman, et il siège au Parlement canadien depuis plus de 40 ans.

Le sénateur MacDonald : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, chers collègues. Le sénateur Baker a gagné huit élections consécutives avant d'être élu au Sénat.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Mettons les choses en perspective. Sir John A. Macdonald, le père de notre grand pays, a gagné sept élections consécutives.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Gerstein : C'est une réalisation incroyable qui prouve que le sénateur Baker a toujours su appliquer avec brio la règle la plus importante que doit suivre un élu : il faut toujours s'occuper de ses électeurs.

Le sénateur Munson : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Je reviens à la question du sénateur, mais, chers collègues, permettez-moi d'abord de faire quelques observations. Je ne prendrai pas beaucoup de temps.

Avant d'informer le Sénat au sujet des activités actuelles du comité, j'aimerais donner un aperçu historique qui devrait vous intéresser.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce existe depuis la première séance du Parlement, en novembre 1867, soit quelques mois seulement après le début de la Confédération. À l'origine, il s'appelait le Comité des banques, du commerce et des chemins de fer.

Au cours de ses 100 premières années d'existence, le Comité des banques a étudié la majorité des projets de loi qui n'étaient pas examinés par le Sénat en comité plénier, car, à cette époque, le Sénat siégeait régulièrement en comité plénier.

D'ailleurs, ce n'est qu'en 1968 que le Règlement du Sénat a été modifié afin de donner aux comités des mandats précis, soit la même année où l'idée de la période des questions a été adoptée au Sénat.

En 1968, le Comité sénatorial des banques et du commerce a reçu le mandat d'examiner les mesures législatives et d'étudier les questions concernant les banques, les assurances, les sociétés fiduciaires et compagnies de prêts, les sociétés de crédit, les caisses populaires, les sociétés de petits prêts, la douane et l'accise, la législation fiscale, les brevets et droits d'auteur, les sociétés et les faillites. De plus, la loi exige que le Comité des banques examine en détail diverses lois du Parlement.

Depuis ma nomination au Comité des banques, il y a presque six ans, nous avons examiné la Loi sur les banques, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et la Loi sur la Banque de développement du Canada. C'est un programme très chargé.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, le comité examine des projets de loi du gouvernement et de projets de loi d'initiative parlementaire, s'acquitte de son mandat général et procède à ce qu'on pourrait appeler des études sur des intérêts particuliers. Voici un survol de nos activités actuelles dans chacune de ces catégories.

Deux projets de loi du gouvernement nous seront renvoyés. Nous procéderons sous peu à l'étude préliminaire de six sections de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi d'exécution du budget. Les audiences à ce sujet commenceront le mercredi 19 novembre avec le témoignage du ministre des Finances.

Ensuite, nous examinerons le projet de loi C-8, Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, un projet de loi du gouvernement qui modifie la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur les marques de commerce. Les audiences consacrées au projet de loi C-8 commenceront dans quelques semaines avec le témoignage du ministre de l'Industrie.

Passons maintenant aux projets de loi d'initiative parlementaire, catégorie qui comprend notamment le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement, qui propose de réduire les frais d'acceptation d'une carte de crédit. Le comité a déjà tenu cinq réunions et entendu des témoins.

Le comité étudiera demain une autre mesure d'initiative parlementaire provenant d'un sénateur, le projet de loi S-1001, Loi modifiant la Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne du Canada. Je suis d'ailleurs ravi que l'examen de cette mesure ait été confié à notre comité.

Ensuite, nous étudierons les projets de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel), et S-217, Loi sur la modernisation des conseils d'administration.

Pour s'acquitter de son mandat général, le comité entend régulièrement certains témoins. Parmi ceux-ci figure le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, qui a comparu la semaine dernière en compagnie de la nouvelle sous-gouverneure, Carolyn Wilkins. Des représentants de la Banque du Canada témoignent devant le comité deux fois par année, pour l'informer de la politique monétaire de la banque et de ses prévisions concernant l'économie du pays.

Soit dit en passant, j'ai été heureux de constater que la comparution du gouverneur devant notre comité a attiré l'attention des médias nationaux, bien qu'elle n'ait pas suscité autant de controverse que son témoignage devant la Chambre des communes hier, dont nous avons pris connaissance en lisant les journaux ce matin.

Ce soir, de nouveau dans le cadre de notre mandat général, nous entendrons le témoignage du nouveau surintendant des institutions financières, M. Jeremy Rudin, dont le bureau, également appelé BSIF, est chargé de la réglementation et de la supervision de l'ensemble des institutions financières et des régimes de retraite privés de compétence fédérale.

En plus de toutes ces réunions, le comité mène également une étude importante sur la monnaie numérique. Sénateur Baker, la monnaie numérique, et surtout les bitcoins, est un sujet aussi fascinant que complexe. Je dois admettre que c'est l'étude la plus intéressante à laquelle je participe depuis que je siège au Sénat.

La monnaie numérique attire beaucoup d'attention, notamment de la part d'organismes de réglementation qui se demandent quels aspects réglementer, de responsables de l'application de la loi qui la voient comme un moyen de blanchir de l'argent ou de financer le terrorisme, et d'investisseurs et d'entrepreneurs qui se demandent pourquoi un certain nombre de bourses ont fait faillite.

Honorables collègues, le sénateur américain Thomas R. Carper, président du Comité sénatorial américain de la sécurité intérieure et des affaires gouvernementales, a très bien expliqué la situation quand il a dit que :

Les monnaies virtuelles, dont le bitcoin est sans doute l'exemple le plus notoire, frappent l'imaginaire de certains, créent la peur chez d'autres et laissent beaucoup d'entre nous perplexes.

Depuis qu'on nous a confié cette étude au mois de mars, le comité a tenu 11 réunions sur la monnaie numérique. Divers témoins ont comparu, y compris des représentants du ministère des Finances, de la Banque du Canada, de l'ARC et de l'Association canadienne des paiements; des universitaires spécialisés dans l'histoire économique et monétaire et dans la cryptographie; diverses institutions associées aux bitcoins; des entreprises de systèmes de paiement; et, enfin, Andreas Antonopoulos, gourou des bitcoins.

(1420)

Le concept des monnaies virtuelles paraît très compliqué de prime abord, mais, grâce à ces excellents témoins, le comité commence à comprendre le potentiel d'utilisation de ces monnaies dans le système financier canadien et mondial. Nous comptons déposer notre rapport en juin prochain.

Comme vous pouvez probablement en déduire à la teneur de mon propos, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se penche actuellement sur des questions stimulantes, qui présentent un grand intérêt. Honorables sénateurs, je remercie encore une fois mon collègue pour sa question. Je suis heureux d'avoir pu mettre la Chambre au courant des travaux actuels de notre comité. Merci.

Le sénateur Baker : C'est la réponse la plus complète que j'aie entendue au Parlement en 41 ans.

Je voudrais également souligner que les sénateurs suivants sont membres du comité : le sénateur Tkachuk, le sénateur Tannas, la sénatrice Ringuette, le sénateur Massicotte, le sénateur Maltais, le sénateur Greene, le sénateur Campbell, le sénateur Black, la sénatrice Bellemare et la sénatrice Hervieux-Payette.

Ma question complémentaire est très simple. Je devrais peut-être aussi mentionner au passage que le président du comité, le sénateur Gerstein, est un diplômé de la Wharton School, qui fait partie de l'Université de la Pennsylvanie, et qu'il compte parmi ses confrères diplômés de la même école Warren Buffet et Donald Trump. Je ne puis m'empêcher de demander au sénateur pourquoi lui et les autres membres du comité ont trouvé le sujet aussi intéressant. Il dit que l'étude des monnaies numériques est la plus intéressante qu'il ait entreprise. Je suis mal placé pour le savoir. Pourrait-il nous expliquer ce qui rend cette étude si intéressante?

Le sénateur Gerstein : Je vous remercie de cette question tout à fait judicieuse, à laquelle je ne m'étais pas du tout préparé non plus. Les monnaies numériques comme le bitcoin suscitent la curiosité pour plusieurs raisons. Je pense que c'est à cause de leurs répercussions éventuelles sur les systèmes financiers et sur la vie des gens dans le monde entier. Compte tenu de la nature des monnaies numériques, n'importe qui dans le monde peut, grâce à elles, avoir accès à une structure financière et y participer activement. Les gens qui n'ont pas de compte bancaire ou qui n'ont même pas accès à une banque peuvent se servir des monnaies numériques, eux aussi.

Notre témoin, le guru du bitcoin, Andreas Antonopoulos, a fort bien résumé la situation. Voici ce qu'il a dit :

[...] le plus intéressant n'est pas ce que le bitcoin peut apporter aux pays occidentaux développés, parce que nous avons déjà des systèmes bancaires assez élaborés. Je suis plutôt fasciné à l'idée de pouvoir déployer le bitcoin sur un téléphone intelligent Nokia au Kenya et à Lagos, au Nigeria, afin d'offrir des services en ligne à l'économie mondiale, à des gens qui n'ont jamais eu accès à des services financiers ni à du crédit international et qui pourraient désormais être liés au reste du monde en toute équité.

M. Antonopoulos a également fait une analogie avec Internet que j'ai trouvée plutôt fascinante. Il a mentionné que, au début des années 1990, Internet existait, mais que personne ne croyait que tous les ménages y seraient connectés et qu'il ferait partie de notre vie quotidienne 20 ans plus tard. Je cite, encore une fois, M. Antonopoulos :

La capacité d'innover sans permission à la périphérie du réseau bitcoin est la même force fondamentale qui a mené l'innovation à un rythme effréné dans Internet pendant 20 ans, créant une immense valeur pour les consommateurs, la croissance économique et l'emploi.

Voilà pourquoi, chers collègues, le Comité sénatorial des banques mène cette étude. D'après plusieurs témoins, l'utilisation du bitcoin et de sa structure de données, appelée chaîne de blocs, présente un grand potentiel — comme ce fut le cas d'Internet à ses débuts, lorsque nous ne comprenions pas de quoi il s'agissait. Durant nos audiences, nous essayons de déterminer comment établir un équilibre entre ce potentiel et le besoin de protéger les consommateurs contre les activités illégales, sans freiner l'innovation. C'est, effectivement, fascinant. Merci.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer aux réponses différées, je ne veux pas émettre de jugement sur les contributions de deux de nos meilleurs orateurs durant la période des questions, mais le Règlement est clair en ce qui concerne la nature et la portée des questions et des réponses pouvant être formulées par un président de comité durant la période des questions. Autrement dit, vous pouvez poser une question, mais il n'y a pas de débat.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi sur la preuve au Canada
La Loi sur la concurrence
La Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur McInnis, appuyée par l'honorable sénateur McIntyre, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-13, Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité.

Afin de vous mettre en contexte, je souhaite partager avec vous certains témoignages d'enfants qui ont exprimé leurs inquiétudes et leurs expériences face à la cyberintimidation devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Shelby Anderson, une élève de la Springbank Middle School, a déclaré, et je cite :

La cyberintimidation est partout, et ça fait vraiment mal. Ça donne envie de se tapir dans un trou et d'y rester. Ça donne l'impression qu'on est tout seul et que personne n'est là pour nous aider, que personne ne peut nous aider.

Un autre jeune, qui a témoigné à huis clos a, quant à lui, déclaré ce qui suit, et je cite :

Chaque jour de ma vie, depuis que je suis arrivé à cette école, ils vont sur MSN pour rire de moi. Tout a commencé lorsque j'étais en neuvième année. Des filles ont commencé à aller en ligne pour rire de moi. Elles me traitaient de tapette, de gai, d'idiot, de perdant, de nègre. Elles disaient que j'étais laid.

De son côté, Mariel Calvo, également élève à la Springbank Middle School, a dit au comité, et je cite :

La principale différence entre l'intimidation en classe ou dans la cour d'école et la cyberintimidation, c'est que nous pouvons être victimes de cyberintimidation en tout temps et que cela nous donne l'impression de n'être en sécurité nulle part. [...] Cela nous rend la vie extrêmement difficile, car nous en ressortons toujours assez ébranlés et quelque peu effrayés.

Ce ne sont pas là mes mots ni ceux d'autres experts et observateurs. Ce sont les mots d'enfants qui vivent avec ce problème quotidiennement.

J'estime qu'il était important de commencer par ces témoignages. Ils représentent concrètement la situation qui se passe à l'extérieur des écoles et des terrains de jeux.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je tiens à commencer mon discours à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-13 en remerciant le sénateur McInnis de son exposé exhaustif. Il a présenté un discours clair sur un projet de loi complexe et en a exposé les principaux détails. Je lui en suis reconnaissante et je me réjouis à l'idée de travailler avec lui sur cette mesure législative.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur la concurrence et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, se compose de deux parties distinctes, mais apparentées.

Comme l'a dit le parrain du projet de loi à la Chambre, l'honorable ministre Peter MacKay, la première partie porte sur une forme particulièrement violente et ravageuse de cyberintimidation, à savoir la distribution non consensuelle d'images intimes. La deuxième partie vise à ce que le Code criminel et les autres lois fédérales ne soient pas dépassés par l'évolution technologique. Je vais examiner en détail le projet de loi C-13 afin d'en éclaircir le contenu.

[Français]

Voici les différentes modifications apportées par ce projet de loi, telles qu'elles sont présentées dans le sommaire.

(1430)

Premièrement, le texte modifie le Code criminel afin de prévoir une nouvelle infraction de distribution non consensuelle d'images intimes, ainsi que des dispositions connexes visant, notamment, à ordonner le retrait de telles images de l'Internet et le dédommagement de la personne qui a engagé des dépenses pour l'obtention d'un tel retrait, et visant à permettre la confiscation de matériel utilisé pour la commission de l'infraction, l'obtention d'une ordonnance d'interdiction d'utiliser un ordinateur ou l'Internet, et l'obtention d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public pour prévenir la distribution de telles images.

[Traduction]

Ce projet de loi crée également le pouvoir de donner un ordre de préservation et de rendre une ordonnance au même effet, ce qui rendra obligatoire la préservation de la preuve électronique.

Le projet de loi modifie également le Code criminel de manière à créer de nouvelles ordonnances de communication qui rendront obligatoire la communication de données concernant la transmission de communications et le lieu où se trouvent des opérations, des personnes physiques ou des choses. Il crée également un mandat visant à élargir les pouvoirs d'enquête, actuellement restreints aux données relatives aux téléphones, aux données de transmission relatives à tout autre moyen de télécommunication.

Le projet de loi modifie le Code criminel de manière à rendre possible l'émission de mandats, assujettis aux seuils juridiques appropriés aux intérêts en cause, qui permettront de localiser des opérations, des personnes physiques ou des choses.

[Français]

Le projet de loi a apporté une modification quant à la simplification de la procédure pour l'obtention des ordonnances, des mandats connexes ou des autorisations d'intercepter les communications privées, et ce, en prévoyant qu'ils peuvent être délivrés par le juge qui a accordé les autorisations et en précisant que tous les documents relatifs aux demandes d'ordonnances ou de mandats connexes sont automatiquement soumis aux mêmes règles que la demande d'autorisation en ce qui concerne leurs caractéristiques.

[Traduction]

Il apporte une modification à la Loi sur la preuve au Canada pour rendre habile à témoigner et contraignable pour le poursuivant le conjoint de la personne accusée de la nouvelle infraction de distribution non consensuelle d'images intimes.

[Français]

Il apporte une modification à la Loi sur la concurrence afin de rendre applicables, pour assurer le contrôle d'application de certaines dispositions de cette loi, les nouvelles dispositions du Code criminel concernant les ordres et ordonnances de préservation des données informatiques et les ordonnances de communication à l'égard de documents concernant la transmission de communications ou concernant des données financières.

Enfin, il modifie la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle afin que certains des nouveaux pouvoirs d'enquête prévus au Code criminel puissent être utilisés par les autorités canadiennes qui reçoivent des demandes d'assistance et afin que le commissaire de la concurrence puisse exécuter des mandats de perquisition délivrés en vertu de la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle.

Il est convenu qu'il est nécessaire d'aborder la question de la cyberintimidation, car il est important de créer de nouvelles dispositions interdisant la distribution non autorisée d'images intimes. Les jeunes de partout au pays sont confrontés à une nouvelle réalité que bien des parents et éducateurs ont beaucoup de difficulté à comprendre.

L'intimidation dont les jeunes étaient autrefois victimes, principalement à l'école ou sur les terrains de jeux, s'est maintenant infiltrée dans les foyers par l'intermédiaire d'Internet et d'appareils électroniques. Il est donc important de fournir aux organismes d'application de la loi des instruments supplémentaires pour contrer la cyberintimidation.

[Traduction]

Pour nous aider à mieux comprendre le projet de loi, j'aimerais parler maintenant de certains articles pertinents du projet de loi C-13 qui sont directement liés à la cyberintimidation.

L'article 1 du projet de loi énonce le titre abrégé, soit la « Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité ». L'article 2 prévoit qu'un renvoi à un élément de communication dans le cadre de la perpétration d'une infraction au Code criminel s'entend de tout moyen de télécommunication.

L'article 3 ajoute une nouvelle disposition interdisant la distribution d'images intimes sans le consentement de la personne visée.

L'article 4 donne aux juges le pouvoir d'ordonner la saisie des exemplaires d'une publication ou des copies d'une représentation, d'un écrit ou d'un enregistrement contenant des images intimes.

Au titre de l'article 5, un juge peut ordonner que soient effacées les images intimes figurant dans un ordinateur et il peut ordonner au gardien de l'ordinateur d'identifier la personne qui a affiché les documents. La même disposition modifie également la définition de « données » afin qu'elle englobe le fait de donner accès à du contenu interdit.

L'article 6 autorise la confiscation d'un bien utilisé pour commettre une infraction liée à la publication d'images intimes.

Enfin, l'article 7 prévoit un ajout à la liste des infractions pour lesquelles un juge peut autoriser la surveillance des communications s'il y a des motifs raisonnables de croire que l'infraction a été commise ou qu'elle le sera. À titre d'information, les articles 8 à 47 ne sont pas directement liés à la cyberintimidation.

Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant mettre en contexte la présentation de ce projet de loi. Au cours des dernières années, l'intimidation, tout particulièrement la cyberintimidation, a suscité beaucoup d'attention, à l'échelle nationale. Ces questions font régulièrement les manchettes, et c'est peut-être pourquoi le grand public est de plus en plus préoccupé et qu'il croit que l'intimidation a atteint un niveau alarmant chez les jeunes.

Au cours des dernières années, plusieurs provinces ont adopté de nouvelles lois visant à créer dans les écoles des programmes obligatoires pour lutter contre l'intimidation. Nous sommes au courant des suicides de Rehtaeh Parsons et d'Amanda Todd, ces suicides qui ont fait les manchettes et qui ont attiré l'attention des Canadiens sur la question de la cyberintimidation. Les responsables de l'application de la loi, les législateurs, les éducateurs et les parents doivent composer avec l'utilisation accrue d'Internet, ainsi qu'avec les abus et le harcèlement en ligne auxquels elle peut donner lieu.

[Français]

Enfin, compte tenu de son caractère instantané, anonyme et accessible, l'Internet, grâce aux réseaux sociaux et autres modes d'interaction, offre une tribune idéale au harcèlement et aux autres plaies sociales que subissent les enfants et les adolescents.

[Traduction]

En deux mots, l'isolement, la distance et l'anonymat que procure Internet amplifient le problème de l'intimidation simplement en élargissant la portée de la menace bien au-delà de la sphère publique à laquelle elle était auparavant limitée. Ainsi, les enfants victimes de cyberintimidation ne peuvent plus chercher refuge dans le confort de leur foyer.

[Français]

En raison du manque de connaissances et de recherche sur le sujet, il n'existe pas de consensus quant à une définition concrète de la cyberintimidation. Cependant, lorsque nous parlons de cyberintimidation, nous pouvons comprendre qu'elle consiste à utiliser des appareils électroniques, comme un ordinateur ou un téléphone cellulaire, pour intimider, embarrasser, menacer ou harceler une ou plusieurs personnes.

Des commentaires inappropriés ou blessants sont parfois affichés dans des sites web. Des photos, des vidéos embarrassantes ou des textes de harcèlement sont envoyés par courriel ou par téléphone cellulaire.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je trouve que, au Sénat, nous avons beaucoup étudié le problème de la cyberintimidation. Je tiens à saluer la sénatrice Ataullahjan qui, en novembre 2011, a recommandé au Sénat d'entreprendre cette étude. C'était un peu avant que nous soyons sensibilisés à ce problème. Je la félicite donc d'avoir pris conscience de ce problème avant tout le monde.

Le 30 novembre 2011, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a reçu du Sénat le mandat d'étudier le problème de la cyberintimidation au Canada. Nous avons entendu plus de 60 témoins, dont des chercheurs universitaires, des bénévoles, des exploitants de site web, des représentants de ministères et d'organismes non gouvernementaux, des enseignants et des étudiants. J'en profite encore pour remercier les membres du Comité des droits de la personne pour le travail remarquable qu'ils ont fait.

(1440)

Pendant les audiences, le comité a pu constater que la cyberintimidation est un problème grave qui exige une stratégie nationale efficace. Les membres du comité ont aussi appris que ce problème n'est pas bien compris et qu'il exige d'autres travaux de recherche et des solutions novatrices. On sait que les auteurs et les victimes de ces actes peuvent aussi être des adultes, mais la cyberintimidation est une réalité qui touche surtout les enfants et qui peut avoir d'importantes conséquences sur leur développement et leur avenir.

[Français]

Riche de son expérience dans l'étude de problèmes ayant trait aux droits des enfants, le comité a choisi d'axer sa réflexion sur la cyberintimidation sur les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, aux termes de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, et sur les mesures à prendre pour les respecter.

Nous avons particulièrement étudié l'article 19, qui reconnaît à l'enfant le droit d'être protégé contre toute forme de violence physique et mentale. À la suite de notre étude, nous avons produit trois rapports. Normalement, le comité n'aurait produit qu'un rapport; cependant, nous avons produit un rapport, un guide pour les parents et un guide pour les jeunes. Ces derniers nous ont grandement apporté et nous voulions les remercier en leur donnant une voix.

Les différents témoins nous ont éclairés sur le phénomène de la cyberintimidation et nous ont permis d'en apprendre davantage. Plus précisément, les témoignages d'enfants ont réellement changé notre façon de voir les choses. Ils nous ont encouragés à examiner des solutions qui font appel à l'ensemble de la collectivité.

Ces jeunes courageux qui sont venus nous raconter leur histoire, ainsi que les nombreux experts dans ce domaine, nous ont dit que nos efforts à tous devraient être axés sur la sensibilisation et la prévention par l'intermédiaire de la collectivité.

Dans son rapport intitulé La cyberintimidation, ça blesse! Respect des droits à l'ère numérique, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne étudie le phénomène de la cyberintimidation et ses répercussions sur les jeunes Canadiennes et Canadiens.

[Traduction]

Votre Honneur, j'ai fait une chute récemment. Je demande la permission de m'asseoir pour finir mon intervention,

Son Honneur le Président intérimaire : Je n'y vois pas d'inconvénient.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie.

[Français]

À la suite de son étude, notre comité a élaboré six recommandations dans le but de guider notre gouvernement dans sa lutte contre ce phénomène, et j'aimerais profiter de cette occasion, honorables sénateurs, pour vous les rappeler.

[Traduction]

Nos six recommandations tiennent compte du fait que tout le monde a un rôle à jouer pour régler ce problème. Cela dit, voici la première recommandation : le comité recommande que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour contribuer à l'élaboration d'une stratégie coordonnée de lutte contre la cyberintimidation. Comme je l'ai déjà dit, cette stratégie nationale doit s'inscrire dans une approche communautaire. Tous les intervenants — les enfants, les parents, les écoles, les bénévoles, les services sociaux, les entreprises, les législateurs, les hauts fonctionnaires, les conseillers politiques et les autres membres de la société — ont un rôle à jouer.

Le comité déplore l'absence d'uniformité dans les mesures prises au Canada. Les divers gouvernements abordent différemment la question des mesures disciplinaires, de la sensibilisation, de la prévention et de la prestation des programmes et des services.

De nombreux témoins craignaient que l'information et les messages transmis aux enfants et aux adultes sur la cyberintimidation et sur les mesures à prendre pour s'y attaquer soient contradictoires. Selon eux, le problème, c'est que les provinces, au lieu de mettre en commun leurs pratiques exemplaires et leurs recherches, cherchent constamment à réinventer la roue lorsqu'elles mettent au point des programmes et des lois anti-intimidation.

Le peu de définitions dont nous disposons nous empêche d'asseoir nos politiques et nos programmes sur des données probantes. Pendant ce temps, les enfants qui ont témoigné devant le comité nous ont dit à quel point ils étaient frustrés et inquiets de ne pas savoir vers qui se tourner pour se défendre contre la cyberintimidation.

Ces problèmes exigent une approche pancanadienne concertée pour lutter contre le phénomène de la cyberintimidation. C'est la seule manière d'assurer l'uniformité des messages envoyés à la population, l'utilisation efficace des ressources, la mise en commun des pratiques exemplaires et la diffusion des programmes qui donnent de bons résultats. L'expertise du gouvernement fédéral dans divers domaines, comme la justice réparatrice, l'application de la loi, la prévention de la criminalité et la réglementation des télécommunications, pourrait aussi être mieux ciblée afin d'aider davantage les provinces à mettre en œuvre leurs propres programmes.

En coordonnant la diffusion de l'information entre les différents ordres de gouvernement et en organisant des initiatives en ce sens, on augmente aussi les chances d'expliquer à un nombre accru d'enfants que la cyberintimidation est inacceptable et qu'ils peuvent contribuer à en réduire les occurrences dans leur école.

Les enfants aussi doivent connaître les programmes qui sont là pour les aider lorsqu'ils sont victimes ou témoins de cyberintimidation, ou d'intimidation en général. Les membres du comité sont d'avis que, lorsqu'un enfant est en détresse, il doit savoir qu'il y a quelqu'un pour l'écouter et pour l'aider à bien réagir. La participation des enfants est un élément clé de toute bonne stratégie. Ils ont le droit de dire ce qu'ils pensent des décisions les concernant. Voilà pourquoi ces problèmes exigent une approche pancanadienne concertée pour lutter contre le phénomène de la cyberintimidation. Il faut par exemple que chaque région dispose de programmes et de ressources pour lutter contre la cyberintimidation.

Dans sa deuxième recommandation, le comité dit que la promotion de l'enseignement des droits de la personne et de la citoyenneté numérique devrait être une composante essentielle de la stratégie coordonnée de lutte contre la cyberintimidation élaborée en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.

Le comité a entendu plusieurs témoins se plaindre du manque de temps consacré, dans les écoles, à enseigner aux élèves comment bien se comporter en société et comment respecter les règles d'éthique. La dégradation des relations interpersonnelles qui, selon plusieurs témoins, se manifeste par la cyberintimidation et d'autres formes de comportement inapproprié constitue un problème particulier pour la jeune génération d'aujourd'hui.

À l'instar du comité, des témoins ont indiqué que les écoles, les commissions scolaires et les ministères de l'Éducation devraient intégrer aux programmes d'études les notions essentielles de citoyenneté numérique et de droits de la personne. Des efforts de promotion d'une culture de respect des droits doivent être consentis à tous les échelons, du national au local, et des assemblées législatives aux salles de classe.

Troisièmement, le comité recommande que la promotion d'initiatives de justice réparatrice soit une composante essentielle de la stratégie coordonnée de lutte contre la cyberintimidation élaborée en partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.

Les cas de cyberintimidation peuvent avoir différents degrés de gravité. Il peut s'agir tantôt de commentaires inappropriés dans les médias sociaux, tantôt de harcèlement criminel tel que défini dans le Code criminel. Un comportement inapproprié, quelle qu'en soit la forme, exige une intervention appropriée.

Les témoins ont indiqué que l'intervention la plus appropriée consiste à adopter les pratiques de la justice réparatrice. C'est ainsi qu'on est susceptible d'obtenir les meilleurs résultats non seulement pour résoudre individuellement chaque cas de cyberintimidation, mais aussi pour transformer les cultures qui, dans les écoles et dans la société en général, engendrent des comportements d'intimidation. Nous devrions notamment favoriser la formation à ce sujet pour tous les intéressés, en particulier les enseignants.

Quatrièmement, le comité recommande que le gouvernement du Canada ait comme priorité de travailler avec les acteurs de l'industrie intéressés pour rendre Internet plus sécuritaire pour les enfants et de les soutenir en cherchant des façons de surveiller et de retirer tout contenu en ligne offensant, diffamatoire ou autrement illégal d'une manière qui respecte la confidentialité des renseignements personnels, la liberté d'expression et autres droits pertinents.

Une autre préoccupation commune qui a été exprimée au cours de nos audiences concerne la difficulté de retirer d'Internet des messages, des photos et des vidéos qui servent à faire de la cyberintimidation. Un professeur a dit à notre comité qu'il a demandé plus d'une centaine de fois à Facebook, en vain, de retirer une image d'une jeune fille.

Le comité estime que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle, de concert avec les intervenants pertinents, pour trouver des moyens de rendre Internet plus sûr. Par exemple, on pourrait élaborer de meilleurs moyens pour signaler du contenu inapproprié ou choquant dans les sites de médias sociaux et pour en obtenir le retrait.

Voici la cinquième recommandation : le comité recommande que le gouvernement fédéral songe à la possibilité d'établir, en collaboration avec les provinces et les territoires, un groupe de travail qui aurait pour mandat de définir le phénomène de la cyberintimidation et d'établir une manière uniforme de le surveiller à l'échelle nationale.

L'absence de définition reconnue de la cyberintimidation est un obstacle véritable qui nous empêche de bien comprendre la portée, la gravité, les causes et les conséquences du phénomène. À la lumière des témoignages entendus, le comité estime que nous devons élaborer une définition commune du problème et une approche uniforme pour le surveiller. Cela nous aidera à expliquer aux jeunes et aux adultes en quoi consiste la cyberintimidation et de quelle façon elle se manifeste.

La sixième et dernière recommandation est la suivante : le comité recommande que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et territoires pour appuyer les initiatives de recherche à long terme afin d'accroître notre compréhension du phénomène de la cyberintimidation, et de nous renseigner sur les différences de genres, les facteurs de risque et de protection liés à la cyberintimidation et l'influence des technologies de l'information et des communications sur le développement socio-affectif des jeunes.

(1450)

Tout au long de l'étude, de nombreux témoins se sont plaints de l'absence quasi totale de recherche longitudinale sur la cyberintimidation et ont fait valoir que de nombreux aspects de la question nous étaient encore inconnus. Par exemple, certains témoins nous ont décrit toutes les causes et conséquences de l'intimidation, précisant que nous n'en saisissons pas entièrement les répercussions. Le comité convient avec les témoins que ce n'est qu'en approfondissant les recherches qu'on en viendra à mieux comprendre les facteurs qui contribuent au phénomène. Le gouvernement sera ainsi davantage en mesure d'élaborer des interventions plus efficaces afin de mieux lutter contre le problème. Le comité reconnaît également que le développement rapide de technologies de l'information et de communication complique énormément la tâche aux chercheurs.

Nous avons la chance d'avoir de prolifiques chercheurs dans le domaine de la cyberintimidation au Canada. Il faut leur donner les outils dont ils ont besoin pour approfondir leurs recherches de manière à pouvoir cerner les meilleurs moyens d'empêcher l'intimidation et de promouvoir des relations saines.

À l'instar de plusieurs témoins, les membres du comité estiment que le gouvernement fédéral peut apporter une contribution positive en appuyant, de concert avec les provinces, la recherche fondée sur des données probantes dans le but d'avoir à notre disposition le plus grand nombre de renseignements sur les façons les plus appropriées de réagir à la cyberintimidation.

Honorables sénateurs, je vous ai lu les recommandations, et peut-être vous demandez-vous ce que je suis en train de faire. Pourquoi prendre la peine de répéter le contenu d'un rapport de comité? J'ai beaucoup réfléchi à la question durant l'été, lorsque j'étudiais le projet de loi. Je dois dire que, lorsque j'ai lu le projet de loi pour la première fois, j'ai été heureuse d'apprendre que le ministre nous avait félicités pour notre rapport. Il a à plusieurs reprises louangé le rapport du Sénat. Cependant, après avoir lu le projet de loi, et malgré le fait que le ministre nous avait félicités et avait loué nos constatations, j'ai commencé à être déçue, car j'en venais à comprendre que l'adoption du projet de loi n'aurait fait aucune différence dans la vie d'Amanda Todd et de Rehtaeh Parsons.

Des enfants sont venus témoigner, ce qui est une première pour le Sénat. Les membres du Comité sénatorial des droits de la personne vous diront que ces enfants s'exprimaient très bien. Ceux-ci nous ont dit : « Un jour, nous exerçons l'intimidation; le lendemain, nous en sommes témoins; le surlendemain, nous la subissons. Nous demeurons pourtant la même personne. La solution n'est pas de nous envoyer en prison, mais plutôt de nous enseigner la civilité en ligne, pour trouver une manière de faire cesser ce genre de comportement. » Or, ce n'est pas l'objectif du projet de loi, honorables sénateurs. Allons-nous emprisonner un enfant de 13 ans parce qu'il a diffusé certaines images sur Internet? Allons-nous nous diriger dans cette voie?

Honorables sénateurs, c'est après mûre réflexion que j'ai décidé vous lire toutes les recommandations; vous vous demandez peut-être pourquoi je l'ai fait. Je les ai lues parce que je demeure optimiste et j'espère que, durant l'étude du projet de loi, les sénateurs Runciman et Baker envisageront d'autres recommandations à soumettre au ministre. Si ce projet de loi doit honorer la mémoire d'Amanda Todd et Rehtaeh Parsons, comme certains l'ont affirmé, il est important. Or, ce n'est pas ce que fait le projet de loi. C'est pourquoi je demande au comité de l'étudier avec attention, tout en prenant en considération le plaidoyer des enfants qui ont comparu devant notre comité.

Bref, l'approche que propose le comité pour contrer la cyberintimidation fait appel à toute la collectivité, reconnaît l'importance de la diversité, fait participer les différentes communautés, prône l'appréciation des différences individuelles et désapprouve la création de divisions. La mise en œuvre d'une stratégie nationale contribuera à réduire éventuellement les méfaits de la cyberintimidation et à promouvoir des valeurs sociales positives et incompatibles avec celle-ci. Le gouvernement fédéral pourrait devenir un leader dans cette lutte qui concerne tous les Canadiens.

Les politiques réactionnaires, comme les politiques de tolérance zéro et d'autres mesures punitives obligatoires, n'ont pas fonctionné. Le comité a consacré beaucoup de temps à étudier la question de la justice réparatrice. C'est pour cette raison que nous croyons que nos recommandations sont importantes.

Je garantis à mes collègues que je mettrai l'accent sur la cyberintimidation lorsque le comité examinera le projet de loi C-13. Cette étude sera l'occasion idéale d'en apprendre davantage sur les répercussions du projet de loi de manière à pouvoir nous attaquer au problème posé par la cyberintimidation.

Nos jeunes méritent d'être protégés comme il se doit contre ce genre de situation, qui les touche plus particulièrement.

Honorables sénateurs, comme j'ai travaillé au tribunal de la jeunesse pendant de nombreuses années, je suis d'avis qu'aucun enfant ne devrait être envoyé en prison. La prison est l'endroit par excellence pour apprendre comment commettre d'autres crimes. Tous les enfants ont besoin qu'on les protège, et tous les enfants doivent apprendre à utiliser Internet. L'étude en comité nous permettra de mieux comprendre ce problème et d'en savoir plus sur les mesures à prendre pour s'y attaquer.

Je vais terminer mon intervention en citant les propos d'un jeune qui a témoigné devant le comité, à huis clos. Lorsqu'on lui a demandé quelle était la meilleure façon de s'attaquer à la cyberintimidation, il a répondu ceci :

Je crois que nous devons sensibiliser davantage les jeunes enfants et bien leur expliquer qu'Internet n'est pas simplement une tribune où ils peuvent faire ce qu'ils veulent, dire ce qu'ils veulent et publier ce qu'ils veulent. Cette croyance est si profondément ancrée que nous devons montrer aux enfants comment utiliser Internet de façon responsable et leur dire ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, et leur expliquer pourquoi il en est ainsi.

Honorables sénateurs, ce ne sont pas mes propos. Ce sont ceux d'un jeune Canadien qui affirme que la solution, ce n'est pas de condamner les gens, mais plutôt d'enseigner aux jeunes la bonne façon d'utiliser Internet.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur McInnis, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Projet de loi sur la croissance économique et la prospérité — Canada-Corée

Deuxième lecture

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) propose que le projet de loi C-41, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de la Corée, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis très heureuse de parler du projet de loi C-41, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de la Corée, ainsi que des avantages que nous en tirerons.

Avant d'entrer dans les détails de cet accord de libre-échange important et complet, je m'en voudrais de ne pas rappeler aux sénateurs l'histoire de cet accord, un accord auquel bien des gens ont consacré beaucoup de temps et d'efforts pendant plus d'une décennie. Au total, 13 séries de négociations ont été tenues après le 15 juillet 2005, là où tout a commencé. Tant les gouvernements libéraux que conservateurs ont mis l'épaule à la roue.

À la fin du XIXe siècle, bien avant le début des négociations, des missionnaires et des professeurs canadiens se rendaient en Corée pour aider et soutenir les gens dans le besoin. Les Canadiens étaient, bien entendu, vraiment admirés et estimés par les Coréens. Pensons par exemple au Dr Frank Schofield : ce Torontois est l'unique étranger, le seul non-Coréen à reposer dans le cimetière national. C'est un honneur insigne, et c'est un Canadien qui l'a mérité.

(1500)

En cette Semaine des anciens combattants, où nous arborons le coquelicot, symbole du souvenir, il convient d'avoir aussi une pensée pour les Canadiens qui ont servi en Corée. Seuls deux autres pays ont alors fourni davantage de soldats à l'ONU. À l'époque, la Corée était littéralement l'un des pays les plus pauvres du monde. Le Canada a fait la différence. Les Canadiens côtoyaient évidemment des soldats d'autres nationalités, mais ils se démarquaient par leur résilience et leur altruisme. Le Canada s'est porté à la défense des libertés et des droits des citoyens de la République de Corée face à l'agression des communistes. Je suis intervenue à de nombreuses reprises dans cette enceinte à ce sujet. L'accord repose sur la sueur, les larmes, le sang et les efforts d'innombrables soldats qu'il ne faudra jamais oublier.

Étant moi-même Canadienne de naissance, mais Coréenne d'ascendance, j'ai joui des retombées de cette aide. Comme vous le savez tous, mes parents ont immigré au Canada. Je doute que les anciens combattants aient pu imaginer que nous débattrions un jour à l'étape de la deuxième lecture d'un accord de libre-échange liant deux partenaires égaux. Soixante ans après la guerre, la Corée fait figure de modèle exceptionnel d'entrepreneuriat et de résilience, et c'est beaucoup grâce aux Canadiens. Les pionniers qui ont quitté la Corée pour refaire leur vie au Canada ont aussi contribué à faire fructifier l'économie canadienne et à sensibiliser nos concitoyens à cette relation de première importance. Je sais d'ailleurs que beaucoup d'immigrants espèrent que l'Accord de libre-échange Canada-Corée sera ratifié rapidement. Sur le plan historique, nous vivons un grand moment, celui où la relation bilatérale qu'entretiennent deux pays atteindra de nouveaux sommets en ce XXIe siècle. Je suis ravie d'avoir l'occasion de faire ressortir la multitude d'avantages que présente l'accord pour tous les secteurs et toutes les régions, ainsi que de souligner l'importance de le faire entrer en vigueur dans les plus brefs délais.

L'Accord de libre-échange Canada-Corée est sans aucun doute une réalisation remarquable et un tournant dans la relation bilatérale entre le Canada et la Corée du Sud. Avec ses 50 millions d'habitants et son PIB de 1,3 billion de dollars — le quatrième en importance en Asie —, la République de Corée est l'un des plus grands exemples de réussite économique de notre époque. Le pays est devenu une grande puissance sur le plan technologique, et ses conglomérats mondiaux jouent un rôle de premier plan dans les chaînes de valeur régionales et mondiales. Je suis prête à parier que bien des sénateurs possèdent un grand nombre d'objets conçus en Corée, que ce soit un téléphone multifonctions ou une télévision de Samsung, ou un autre appareil. Il se pourrait même que vous conduisiez un véhicule coréen.

Cependant, dans ce marché important, les entreprises canadiennes ont rapidement perdu du terrain face à leurs concurrents, notamment les États-Unis et l'Union européenne, qui bénéficient déjà d'un accord de libre-échange avec la Corée du Sud qu'ils ont ratifié en 2012 et 2011 respectivement. Comme l'ont montré les efforts déployés par le gouvernement pour conclure les négociations et accélérer la ratification de l'accord, le Canada ne veut pas rester les bras croisés pendant que les États-Unis et l'Union européenne tirent profit du lucratif marché sud-coréen en pleine expansion. Fait important, l'Accord de libre-échange Canada-Corée égalisera les chances pour les entreprises canadiennes en Corée du Sud. Ces entreprises pourront soutenir la concurrence en bénéficiant d'un accès équitable ou préférentiel à ce marché de plus en plus important.

En offrant de nouveaux débouchés qui donneront à notre économie un coup de pouce dont elle a grand besoin, l'Accord de libre-échange Canada-Corée devrait créer des milliers de bons emplois pour les Canadiens. Selon les prévisions de l'économiste en chef du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, grâce à l'accord, le PIB du Canada augmentera de 1,7 milliard de dollars par année, et la valeur des exportations canadiennes connaîtra une hausse à peu près semblable, soit une augmentation de 32 p. 100. Ces chiffres sont éloquents, honorables sénateurs.

Voyons maintenant l'accord lui-même. Je voudrais en préciser les avantages particuliers à chaque secteur. Ces avantages couvrent ensemble pratiquement toutes les facettes du commerce moderne.

Commençons par l'agriculture et l'agroalimentaire. Le Canada est le cinquième exportateur dans le monde des produits de ce secteur, avec des exportations totalisant 46 milliards de dollars en 2013. Nos produits sont le reflet de l'engagement du Canada à l'égard de l'excellence, de la salubrité et de l'innovation. Les agriculteurs et les producteurs agroalimentaires du Canada approvisionnent les marchés avec des produits figurant parmi les meilleurs au monde pour leur qualité. Par conséquent, il n'est pas étonnant que le gouvernement continue d'œuvrer sans relâche pour faciliter l'accès de ces produits à des marchés à forte croissance, y compris celui de la République de Corée.

Grâce à l'Accord de libre-échange Canada-Corée, la Corée du Sud éliminera les tarifs sur presque 70 p. 100 des exportations agricoles canadiennes dans un délai de 5 ans. Au bout de 15 ans, 97 p. 100 des exportations seront exempts de droits de douane. Les gains seront substantiels pour le secteur agricole, puisqu'il est fortement protégé en Corée du Sud. Par exemple, actuellement, les droits de douane effectifs appliqués par la Corée du Sud aux produits agricoles sont de 52,7 p. 100, comparativement à 6,8 p. 100 dans le cas des autres produits. Ainsi, d'importants droits de douane frappent les produits agricoles clés, comme les viandes, les grains, les légumineuses, les oléagineuses, les pelleteries, les aliments pour animaux, les aliments transformés, les boissons alcoolisées, les fruits et les légumes.

Le bœuf et le porc faisaient partie des priorités canadiennes au cours des négociations. L'Accord de libre-échange Canada-Corée prévoit que les droits applicables au bœuf et au porc réfrigérés ou congelés, qui peuvent atteindre présentement 40 p. 100, seront éliminés au cours d'une période variant entre 5 et 15 ans. Voilà qui est très intéressant pour les agriculteurs, les éleveurs et les travailleurs agricoles de toutes les régions du pays, qui verront leurs produits devenir plus concurrentiels sur le marché à croissance rapide de la Corée du Sud.

Je voudrais citer l'exemple d'un Canadien d'origine coréenne qui vit à Séoul, en Corée. C'est un restaurateur prospère. Lui et ses partenaires sont propriétaires d'une chaîne qui sert de la viande rôtie sur le barbecue, un mets dont les Coréens raffolent. Son restaurant est plein pratiquement tous les jours et tous les soirs. C'est un endroit où j'adore me rendre lorsque je suis de passage à Séoul. Évidemment, ces Canadiens qui exploitent une chaîne de restaurants en Corée aiment beaucoup la viande canadienne, qu'ils voudraient servir davantage à leurs clients, mais les droits élevés nuisent assurément à leur marge bénéficiaire. Après la ratification des accords de libre-échange entre la Corée et les États-Unis et entre la Corée et l'Union européenne, nous avons perdu du terrain, et ces restaurateurs ont été obligés de servir moins de viande canadienne puisque ce n'était pas du tout rentable. Je sais que des Canadiens en Corée attendent avec impatience la réduction prévue des droits de douane.

Des organismes nationaux, comme le Conseil des viandes du Canada, la Canadian Cattlemen's Association et le Conseil canadien du porc, les associations qui en sont membres et les producteurs et transformateurs de bœuf et de porc, comme Olymel, HyLife et les Aliments Maple Leaf, ont appuyé publiquement l'Accord de libre-échange Canada-Corée.

L'Accord de libre-échange Canada-Corée aura aussi des retombées importantes dans le secteur forestier et des produits du bois à valeur ajoutée. L'industrie forestière du Canada apporte une contribution substantielle à l'économie canadienne. En valeur, le Canada est le plus grand exportateur mondial de pâte de bois et de pâte à papier journal et le cinquième exportateur en importance de panneaux de bois. En 2012, ce secteur représentait plus de 20 milliards de dollars du PIB du Canada et employait quelque 235 000 Canadiens.

La Corée du Sud est actuellement le quatrième marché pour les produits forestiers canadiens. L'Accord de libre-échange Canada-Corée sera très avantageux pour les producteurs et les exportateurs de produits forestiers et de produits du bois qui souhaitent accroître leurs débouchés et qui pourront profiter de l'élimination des droits de douane pour offrir leurs produits sur le marché sud-coréen. Les principaux produits du bois et produits forestiers d'intérêt pour les exportations du Canada, comme les bois d'épinette, de pin et de sapin, les panneaux de lamelles orientées, le bois de pruche de l'Ouest, les granulés de bois, les poutres et les arcs en bois ainsi que le bois de cèdre rouge, sont actuellement assujettis à des droits de douane qui vont jusqu'à 8 p. 100.

(1510)

En vertu de l'Accord de libre-échange Canada-Corée, tous les droits de douane sud-coréens sur les produits forestiers et les produits du bois à valeur ajoutée seront supprimés, l'exemption prenant effet dès l'entrée en vigueur de l'accord pour près de 58 p. 100 de ces produits. Cela est particulièrement intéressant pour la Colombie-Britannique, les Prairies et le Québec, car l'accès amélioré au marché dynamique de la Corée du Sud grâce à l'Accord de libre-échange Canada-Corée ouvrira de nouveaux débouchés.

L'industrie est très favorable à ces débouchés pour les produits forestiers et les produits du bois, comme l'illustre la déclaration suivante de l'Association des produits forestiers du Canada :

La Corée du Sud est maintenant le quatrième marché en importance pour l'industrie canadienne des produits forestiers. Elle représente aussi un important pays cible alors que le Canada cherche à augmenter ses exportations dans la région de l'Asie-Pacifique. Cet accord de libre-échange s'attaque aux obstacles tarifaires et non tarifaires qui s'appliquent actuellement à nos produits forestiers qui sont vendus en Corée. Il permettra donc à notre secteur d'atteindre son objectif ambitieux dans le cadre de l'initiative Vision 2020, soit augmenter ses revenus de 20 milliards de dollars d'ici la fin de la décennie au moyen de nouveaux produits et de nouveaux marchés.

Les avantages ne s'arrêtent pas là. L'Accord de libre-échange Canada-Corée créera de nouveaux débouchés pour le secteur des produits de la mer du Canada. Bordé par les océans Arctique, Atlantique et Pacifique et englobant une partie des Grands Lacs, le Canada compte l'une des industries de la pêche commerciale les plus importantes du monde. Il est le septième exportateur de produits de la mer en importance dans le monde. En effet, on estime que le Canada exporte, en valeur, environ 7 p. 100 de sa production de poissons et de fruits de mer.

Dans ce secteur, qui comprend les poissons et les fruits de mer frais, congelés et transformés, les droits de douane imposés par la Corée du Sud peuvent atteindre 47 p. 100. Une fois sa mise en œuvre achevée, l'Accord de libre-échange Canada-Corée éliminera les droits de douane sud-coréens sur tous les produits du poisson et les fruits de mer. Le résultat est le suivant : les principaux intervenants du secteur canadien des poissons et fruits de mer bénéficieront d'avantages semblables ou supérieurs à ceux dont profitent les États-Unis et l'Union européenne.

Parmi les produits qui seraient avantagés par une élimination immédiate des droits de douane, on retrouve le homard congelé et le saumon du Pacifique et de l'Atlantique, qu'il soit réfrigéré, congelé ou fumé. À l'heure actuelle, des droits pouvant atteindre 20 p. 100 s'appliquent à ces produits.

Le homard, crustacé emblématique du Canada, est à la fois le plus important produit d'exportation du secteur de la pêche et des fruits de mer au pays et le plus précieux. L'Accord de libre-échange Canada-Corée éliminera tous les droits de douane sur le homard et les produits de homard du Canada, droits qui peuvent actuellement atteindre 20 p. 100.

L'été dernier, nous avons eu un aperçu des effets que l'accès accru à la Corée du Sud aura sur le marché du homard. Quelques mois à peine après l'annonce de la conclusion des négociations concernant l'Accord de libre-échange Canada-Corée, la compagnie Korean Air Cargo a lancé un service de transport aérien entre la Corée du Sud et Halifax pour expédier un minimum prévu de 40 000 kilogrammes de homards vivants chaque semaine.

Des entreprises comme Clearwater Seafoods, de la Nouvelle-Écosse, le plus grand producteur, transformateur et distributeur intégré de produits de la mer en Amérique du Nord, bénéficieront grandement de l'accord de libre-échange, qui favorisera une hausse des exportations vers la Corée du Sud.

En septembre dernier, à l'occasion du Chuseok, l'Action de grâces sud-coréenne, familles, amis et collègues ont échangé des cadeaux en gage d'affection et d'amour et en hommage à la récolte. L'un des cadeaux les plus populaires : les homards de la Nouvelle-Écosse emballés individuellement. Des gens qui vivent en Corée m'ont même écrit des courriels ou téléphoné pour m'en parler.

Le secteur du poisson et des fruits de mer emploie des milliers de Canadiens de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. En créant de nouveaux débouchés commerciaux, l'accord de libre-échange favorisera la création d'emplois au Canada atlantique.

Puisqu'il comporte des avantages de taille, l'Accord de libre-échange Canada-Corée a reçu d'importants appuis de différents intervenants au Canada, comme le Conseil canadien du homard, qui a déclaré ce qui suit :

Le Conseil canadien du homard est en faveur d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Corée du Sud parce qu'il renforcera considérablement la compétitivité de notre industrie dans ce pays. La suppression des tarifs et l'amélioration de l'accès aux marchés pour les exportations de homard contribueront à assurer la prospérité à long terme de notre industrie et des milliers de personnes qu'elle emploie dans la région du Canada atlantique.

Je suis enchantée par tous les avantages dont bénéficiera l'industrie du poisson et des fruits de mer grâce à l'Accord de libre-échange Canada-Corée.

Le secteur des produits industriels, qui offre des produits d'une grande importance pour l'économie du Canada, profitera lui aussi de l'Accord de libre-échange Canada-Corée. Près de 96 p. 100 des exportations canadiennes dans le secteur des produits industriels seront immédiatement exemptes de droits de douane. D'ici cinq ans, plus de 99 p. 100 de ces produits seront exempts de taxes, et la totalité des produits le sera d'ici 10 ans.

Prenons pour exemple les produits de technologie de l'information et des communications ainsi que les produits du secteur de l'aérospatiale et du transport ferroviaire : les droits de douane sud-coréens pour ce type de produits peuvent atteindre 13 p. 100 à l'heure actuelle, mais ils seront tous éliminés immédiatement. Le secteur de l'aérospatiale exporte plus de 80 p. 100 de sa production et emploie directement ou indirectement 170 000 Canadiens.

Il y aura également d'importantes retombées pour les secteurs de la machinerie industrielle, des produits chimiques, des plastiques, des métaux et minerais, des produits pharmaceutiques, des textiles et des vêtements, pour lesquels les droits de douane imposés par la Corée du Sud — qui peuvent atteindre 13 p. 100 — seraient éliminés immédiatement, alors que les autres seraient éliminés sur une période de cinq ans. Ainsi, les obstacles imposés par la Corée du Sud pour ces produits seront réduits, ce qui améliorera la compétitivité des exportations canadiennes. C'est essentiel pour certaines industries comme celles des produits chimiques et des plastiques, qui exportent plus de la moitié de leur production.

Les entreprises de fabrication canadiennes, notamment celles de l'Ontario, du Québec, de la Colombie-Britannique et des Prairies, devraient bénéficier de retombées significatives. En effet, l'Accord de libre-échange Canada-Corée créera des débouchés pour ces entreprises, qui pourront alors accroître leurs activités à l'étranger tout en créant des emplois au Canada.

En plus d'éliminer tous ces droits de douane, l'accord renferme une gamme de mesures ambitieuses touchant les obstacles non tarifaires jugés prioritaires par nos entreprises, comme les normes, les obstacles techniques, la transparence, la non-discrimination et la résolution rapide et efficace des différends.

Au-delà des mesures touchant les biens, le Canada a aussi réussi à faire des gains appréciables concernant les investissements, les services, la mobilité des entreprises, les marchés publics et la propriété intellectuelle.

Le chapitre sur les investissements, qui comprend des mesures de protection exhaustives pours les investisseurs, prévoit l'établissement d'un cadre réglementaire plus transparent et plus prévisible en matière d'investissements. Il va notamment faciliter le maintien des investissements sud-coréens directs dans les provinces et territoires du Canada, y compris dans le secteur de l'énergie, ce qui ne pourra qu'en favoriser la croissance.

Cet accord va permettre aux fournisseurs de services canadiens d'avoir plus aisément accès aux marchés des services professionnels, environnementaux et commerciaux.

En ce qui concerne la mobilité des entreprises, le Canada a obtenu les dispositions les plus avantageuses jamais consenties par la Corée du Sud dans un accord de libre-échange. Les professionnels hautement spécialisés pourront ainsi circuler plus librement entre les deux pays, puisque les professionnels canadiens auront un accès préférentiel au marché sud-coréen.

Les marchés publics constituent une source importante d'activité économique en Corée du Sud. Les dispositions qui s'y rapportent vont permettre aux fournisseurs canadiens d'avoir un accès préférentiel étendu aux marchés publics sud-coréens, qui représentent une part importante du marché global de l'approvisionnement dans ce pays, lequel est évalué à plus de 100 milliards de dollars par année. Les fournisseurs canadiens pourront alors lutter à armes égales avec leurs concurrents américains. Ils se retrouveront même avantagés par rapport à d'autres concurrents de taille, comme le Japon ou l'Union européenne.

On trouve dans l'accord divers engagements touchant la protection des droits de propriété intellectuelle, mesures qui plairont aux Canadiens qui créent et commercialisent des produits innovateurs et créatifs et qui souhaitent percer le marché sud-coréen.

En plus de comporter de nouvelles mesures de protection pour les indications géographiques « whisky canadien » et « rye whisky canadien », l'accord protégera mieux les titulaires canadiens de droits d'auteur, de brevets et de marques de commerce qui font des affaires sur le marché sud-coréen. Je songe notamment aux solides dispositions sur l'application des droits de propriété intellectuelle, qui permettront aux titulaires canadiens de droits de propriété intellectuelle de s'aventurer en toute confiance sur le marché sud-coréen.

(1520)

En terminant, je dirais que l'Accord de libre-échange Canada-Corée est un accord ultra-moderne, qui produira des résultats équivalents, voire supérieurs, à ceux obtenus par les États-Unis et l'Union européenne dans le cadre de leur accord de libre-échange respectif avec la Corée du Sud. Comme on l'a déjà fait remarquer, les dispositions de l'Accord de libre-échange Canada-Corée sont généralement conformes à celles des accords conclus entre la Corée du Sud et les États-Unis et l'Union européenne. Dans certains cas, elles leur sont même supérieures.

Les producteurs et les exportateurs canadiens exercent des pressions pour que cet accord entre en vigueur le plus rapidement possible. Ce sentiment d'urgence continue de s'intensifier parce que les prochaines réductions tarifaires prévues dans l'accord entre la Corée du Sud et les États-Unis entreront en vigueur le 1er janvier 2015, ce qui aura pour effet d'accroître les pressions concurrentielles sur les entreprises canadiennes. Il est aussi possible que l'accord de libre-échange Corée-Australie entre en vigueur le 1er janvier 2015, ce qui ne ferait qu'intensifier les répercussions négatives sur les exportateurs canadiens qui découlent de la mise en œuvre des accords de libre-échange entre la Corée et les États-Unis, l'Union européenne et d'autres pays. En effet, de plus en plus de concurrents auront un accès préférentiel au marché sud-coréen, alors que ce n'est toujours pas le cas pour les entreprises canadiennes.

Plusieurs organisations dans toutes sortes de secteurs différents, dont le Conseil canadien des chefs d'entreprise, l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire et l'Association des vignerons du Canada, réclament la ratification rapide de l'Accord de libre-échange Canada-Corée afin que les entreprises canadiennes cessent de prendre du retard par rapport à leurs concurrents américains à mesure qu'entrent en vigueur les réductions tarifaires prévues dans les accords de libre-échange Corée-États-Unis et Corée-Union européenne.

Les intervenants ont signalé clairement qu'il était absolument essentiel que l'Accord de libre-échange Canada-Corée soit mis en œuvre le plus tôt possible pour rétablir et maintenir la compétitivité du Canada en Corée du Sud. Nous convenons tous que l'Accord de libre-échange Canada-Corée sera très avantageux pour les Canadiens. Il est aussi important de souligner que l'accord et sa mise en œuvre ont reçu l'appui de tous les grands partis représentés à la Chambre des communes.

Ainsi, j'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer la mise en œuvre rapide de l'Accord de libre-échange Canada-Corée du Sud — qui contribuera à stimuler tant les exportations canadiennes que notre économie nationale — et à voter en faveur de l'adoption du projet de loi C-41 à l'étape de la deuxième lecture aujourd'hui.

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre part au débat sur le projet de loi C-41, l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République de Corée du Sud. En outre, j'aimerais faire un lien avec les observations de la sénatrice Martin, qui a fait état de la longue tradition du Canada en Corée du Sud, qui va bien au-delà des sacrifices consentis par de si nombreuses personnes pendant la guerre de Corée. Lorsque je suis allé en Corée, je ne m'attendais pas à rencontrer autant de presbytériens, mais j'ai appris que les missionnaires y jouent un rôle important dans les domaines de l'éducation et de la santé. Nous avons en effet une longue tradition d'association avec la Corée.

Je tiens d'abord à remercier le gouvernement d'avoir conclu cet accord. Après plusieurs années et de nombreux accords de ce genre avec, si je peux me le permettre, de petits partenaires commerciaux, il est encourageant de voir que le Canada a conclu un accord avec un marché important. Les exportations canadiennes en Corée du Sud l'an dernier ont totalisé environ 3,5 milliards de dollars. La Corée du Sud était donc le huitième marché d'exportation du Canada. De même, nos importations l'an dernier ont totalisé plus de 7 milliards de dollars, et la Corée se classait en septième place de nos sources de biens. Je félicite de nouveau le gouvernement d'avoir enfin hissé le Canada au rang des plus grands partenaires de la Corée du Sud en concluant cet accord.

Cependant, comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises, les accords de libre-échange ne constituent pas une fin en soi. La sénatrice Martin a parlé de certains des merveilleux avantages que nous tirerons de cet accord, mais, selon mon expérience, seul le temps nous dira si nous avons pris une bonne décision. Malheureusement, dans le cadre d'accords antérieurs visant la croissance économique et la prospérité, on a constaté la plupart du temps au Canada, par la suite, une détérioration de la balance commerciale.

Par exemple, en 1996, l'année avant que soit conclu l'accord de libre-échange avec Israël, nous avions un déficit commercial se situant tout juste sous la barre des 27 millions de dollars. En 2013, notre déficit commercial avec Israël est passé à plus de 678 millions de dollars. En ce qui concerne le Chili, nous avons enregistré en 1996, l'année précédant la signature d'un accord avec ce pays, un excédent de 73 millions de dollars, et nous sommes passés à un déficit de 950 millions de dollars en 2013. Et la liste continue.

Lorsque les échanges ont été libéralisés avec le Costa Rica, en 2003, notre déficit commercial frôlait 226 millions de dollars; en 2013, il dépassait 476 millions de dollars. Depuis l'adoption de l'accord de libre-échange conclu avec le Pérou — les sénateurs se souviendront de nos délibérations à ce sujet —, il y a deux ans, notre déficit commercial est passé de 2,1 à 2,5 milliards de dollars.

En outre, selon les statistiques de la Banque mondiale, la valeur des biens et des services exportés par le Canada, en pourcentage du PIB, a chuté de 5 p. 100 depuis que le gouvernement de Stephen Harper a été porté au pouvoir, en 2006. Notre balance commerciale annuelle est passée d'un excédent de plus de 35,3 milliards de dollars en 2006 à un déficit de 28 milliards de dollars l'an dernier. Je répète : notre balance commerciale est passée d'un excédent de plus de 35,3 milliards de dollars en 2006 à un déficit de 28 milliards de dollars l'an dernier.

Qui plus est, en proportion, de plus en plus de nos exportations prennent la forme de produits de base, ce qui reflète leur importance croissante au sein de l'économie en général. L'inconvénient, bien sûr, comme le signalait en juin 2012 un rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques, c'est le déclin de l'industrie manufacturière, qui, depuis des années, assurait aux Canadiens des emplois stables, à l'abri des cycles d'expansion et de ralentissement de l'économie qu'engendrent les variations dans le prix des produits de base, comme c'est actuellement le cas pour le prix du pétrole.

Certaines personnes hésiteront à mesurer l'efficacité des accords commerciaux à l'aune de la balance commerciale. Or, si la balance commerciale n'était d'aucune importance, nous n'aurions pas besoin de négocier d'accords commerciaux. Nous pourrions nous contenter d'ouvrir nos marchés à l'importation de toutes sortes de produits en provenance de n'importe quel pays, sans demander quoi que ce soit en retour. Ce n'est évidemment pas ainsi que nous procédons. L'importance d'un accord de libre-échange réside dans sa réciprocité. Notre objectif en le signant consiste à accéder à un marché. Autrement, à quoi bon? Après tout, nous n'avons pas de société pour l'expansion des importations, n'est-ce pas?

Qu'on me comprenne bien : les accords de libre-échange sont utiles — les meilleurs, du moins —, mais ils ne sont qu'un aspect du programme commercial d'un pays. Voilà l'une des conclusions du rapport intitulé Un point tournant : Comment rétablir notre succès commercial sur les marchés étrangers, que la Chambre de commerce du Canada a publié en mai dernier. J'en recommande la lecture à quiconque s'intéresse à ce que le Canada doit faire pour continuer d'être un pays commerçant prospère. Le rapport recense les nombreux accords de libre-échange du gouvernement et s'attarde notamment à l'accord qui est sur le point d'être conclu avec l'Union européenne ainsi qu'à celui dont il est question aujourd'hui. Le rapport dit ce qui suit :

[...] les accords de libre-échange englobent rarement tous les obstacles érigés par les politiques et la réglementation. Qui plus est, même lorsqu'un accord aborde tous les obstacles, son application par le règlement des différends représente un processus long et ardu et ne constitue peut-être pas une option valable pour les entreprises qui exercent leurs activités en fonction de courts délais. En outre, les difficultés opérationnelles supplémentaires liées au commerce à l'étranger sont décourageantes. Les entreprises doivent établir des relations avec des clients et des fournisseurs nouveaux, obtenir des capitaux, se plier à toutes sortes de formalités administratives et gérer les risques — tout ça dans un nouveau contexte politique, culturel et juridique. Le succès des entreprises dépend également des relations diplomatiques plus générales entre les pays, notamment dans les marchés où l'État continue de jouer un rôle important dans l'économie.

Et j'ajouterais ceci : dans les marchés comme la Corée du Sud.

Le rapport préconise que le gouvernement canadien, au lieu de conclure l'entente et de se croiser les doigts, prenne des mesures plus proactives. Les auteurs du rapport parlent de renforcer la promotion des échanges commerciaux et la diplomatie économique.

(1530)

Je ne citerai pas le rapport au complet, mais j'aimerais lire quelques lignes supplémentaires, tirées de sa conclusion.

[...] les accords de libre-échange [...] ne suffiront pas à compenser les inefficacités des marchés inhérentes au commerce international ou à remplacer la nécessité d'établir entre gouvernements des relations capables d'ouvrir des possibilités pour les entreprises canadiennes. [...]

Le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour intégrer l'offre de services actuelle et la relier aux entreprises appropriées, uniformiser et améliorer l'image de marque du Canada, voir à ce que le SDC ait le savoir-faire et les compétences nécessaires pour répondre aux besoins de ses clients, et mieux impliquer le secteur privé dans les stratégies de développement international du Canada.

Il s'agit d'un défi de taille, qui exige que nous reconnaissions que nos efforts passés n'ont pas été aussi fructueux que nous aimerions le croire et que nous soyons réellement déterminés à apporter les changements qui s'imposent.

Toutefois, une publicité d'Exportation et développement Canada qui passe actuellement à la télévision révèle peut-être mieux que n'importe quoi d'autre l'approche adoptée par le gouvernement dans ce dossier. On peut y voir un homme qui se prépare à aller travailler. Tandis qu'il s'habille et qu'il prépare son petit-déjeuner, des petits graphiques apparaissent à l'écran, indiquant le pays d'origine de chaque objet qu'il utilise : une chemise turque, des souliers anglais, du café colombien, des oranges mexicaines. Il y a même un terrier écossais sous la table. À la fin de la publicité, le narrateur pose la question suivante : les autres pays ne semblent avoir aucun problème à nous vendre leurs produits. Pourquoi ne faisons-nous pas comme eux?

C'est peut-être, honorables sénateurs, parce que les « autres pays » font davantage pour aider leurs exportateurs que de signer des accords de libre-échange dans leur propre intérêt et de produire des messages publicitaires. Ils reconnaissent que, pour donner de bons résultats, une politique d'exportation doit reposer sur un plan visant à tirer parti des talents se trouvant dans les diverses branches du gouvernement, et ailleurs, afin de développer et de renforcer le secteur des exportations, qui est un élément clé de notre économie.

Honorables sénateurs, tout comme les autres membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, j'ai hâte d'étudier le projet de loi dont nous sommes saisis et de faire rapport de nos conclusions.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international).

Projet de loi sur la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche

Troisième lecture

L'honorable Lynn Beyak propose que le projet de loi C-501, Loi instituant la Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-501, une loi qui a pour objet de désigner le troisième samedi de septembre Journée du patrimoine national en matière de chasse, de piégeage et de pêche.

J'ai appuyé ce projet de loi au Sénat à la mémoire de mon défunt mari, Tony, et des nombreuses années heureuses que nous avons passées au lac des Bois dans notre centre de villégiature, le Windy Bay Lodge. Nous avons eu le privilège d'accueillir des invités de partout dans le monde.

Après la deuxième lecture, j'ai dit à la sénatrice Fraser que sa compréhension du projet de loi m'avait beaucoup touchée. Mon mari aurait tenu les mêmes propos qu'elle : nous ne créons pas une journée de la chasse, du piégeage et de la pêche, mais une journée du patrimoine en matière de chasse, de piégeage et de pêche. C'est une différence très importante et je l'en remercie. À mon avis, c'est pour cette raison que tous les partis à l'autre endroit ont appuyé le projet de loi et qu'il touche les sénateurs droit au cœur.

J'avais préparé un très long discours pour aujourd'hui, dans lequel je comparais le projet de loi C-501 au projet de loi réconfortant de la sénatrice Hubley, que nous semblons tous appuyer parce qu'il nous touche et qu'il allège le fardeau parfois très lourd et controversé qui nous incombe au Sénat. Cependant, je crois comprendre que le sénateur Baker souhaite prononcer quelques mots à l'étape de la troisième lecture. J'abrégerai donc mon discours et, avec votre permission, Votre Honneur, je céderai la parole au sénateur Baker. Est-ce possible?

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, la sénatrice Beyak a beaucoup travaillé à ce projet de loi. Elle a suivi l'étude complète qui en a été faite à la Chambre des communes, puis au Sénat, au comité sénatorial, jusqu'à maintenant, à l'étape de la troisième lecture. Je propose, honorables sénateurs, que nous lisions maintenant ce projet de loi pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la sensibilisation à la densité mammaire

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat au nom de la sénatrice Eaton.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Eaton, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Ses racines, l'histoire de ses origines et son évolution—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur ses racines, l'histoire de ses origines ainsi que sur son évolution.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai l'intention de m'exprimer à ce sujet, mais je n'ai pas terminé la rédaction de mes notes. Je demande donc la permission d'ajourner le débat à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 6 novembre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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