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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 158

Le mardi 23 juin 2015
L'honorable Leo Housakos, Président

LE SÉNAT

Le mardi 23 juin 2015

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le vol 182 d'Air India

Le trentième anniversaire de l'attentat terroriste

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à des victimes du terrorisme, plus précisément aux 329 victimes du vol 182 d'Air India, qui décollait de Vancouver il y a 30 ans, jour pour jour. À bord de l'appareil se trouvaient 268 Canadiens.

Le Kaniskha, comme avait été surnommé l'appareil, s'est abîmé dans l'océan au large de Cork, en Irlande, après l'explosion de bombes placées dans des valises par des terroristes sikhs du Canada. À l'époque, c'était la pire tragédie de l'aviation civile à être survenue dans le monde. C'était l'œuvre de terroristes séparatistes sikhs qui voulaient se venger du gouvernement indien.

Chers collègues, l'horrible tragédie qui est survenue ce jour-là est impardonnable. On ne peut imaginer la tristesse de Mme Ann Venketeswaran, de Beamsville, en Ontario, qui a perdu son mari, et de ses deux enfants, David et Ester, qui ont perdu leur père, ou la tristesse de M. Susheel Gupta, d'Ottawa, dont les deux enfants ne connaîtront jamais leur grand-mère.

Chers collègues, Mme Chandra Vaidyanathan, qui a perdu son frère ce jour fatidique, se trouve à la tribune aujourd'hui.

Chers collègues, cette tragédie canadienne a déchiré 329 familles et a laissé des blessures qui ne se refermeront jamais. Ceux qui ont fait exploser l'avion du vol 182 d'Air India étaient des sikhs radicaux. Bien qu'ils ne soient pas représentatifs de la majorité de la communauté sikhe, ils ont réussi à trouver dans la communauté de l'aide et du soutien de personnes sympathiques à leur cause politique, le nationalisme sikh et la création d'un Khalistan, et de groupes comme la World Sikh Organization au Canada.

Il n'était pas facile de contester ce message radical. À Vancouver, l'honorable Ujjal Dosanjh, futur premier ministre de la province devenu, plus tard, ministre fédéral, qui a condamné les radicaux, a été agressé et sauvagement battu, et il reçoit encore des menaces. Le rédacteur en chef d'un journal sikh, M. Tara Sigh Hayer, a été agressé et finalement assassiné pour avoir dénoncé les terroristes.

En Ontario, deux sikhs qui avaient dénoncé le radicalisme, M. Balraj Deol et M. Gurdev Mann, ont été agressés et battus. La journaliste Kim Bolan, du Vancouver Sun, lauréate d'un prix littéraire de PEN, a été victime de diffamation de la part de sikhs canadiens, et sa maison a été la cible de coups de feu pendant que ses enfants étaient à l'intérieur parce qu'elle a publié des reportages sur les terroristes et leurs sympathisants. Le journaliste Terry Milewski, de CBC, a reçu des menaces de mort et a fait l'objet de poursuites intentées dans le but de le faire taire.

Honorables sénateurs, la radicalisation des sikhs est toujours une réalité au Canada et il faut y faire face. La glorification des terroristes dans les temples sikhs et les défilés doit cesser. Il faut améliorer les lois canadiennes contre la propagande haineuse et poursuivre les gens qui font la promotion et l'apologie du terrorisme.

Aujourd'hui, alors que nous nous remémorons les victimes du vol 182 d'Air India, rappelons-nous aussi les gens de Cork, en Irlande, qui ont participé aux recherches pour retrouver les corps et qui ont accueilli à bras ouverts les nombreux Canadiens qui sont allés là-bas pour retrouver et identifier les corps, dont Ester, une jeune fille de 15 ans envoyée sur place pour retrouver le corps de son père.

Rendons aussi hommage aux courageux Canadiens qui dénoncent le terrorisme et la radicalisation.

Au nom du Sénat du Canada, nous promettons aux familles des passagers du vol 182 d'Air India de ne jamais oublier les victimes.

Des voix : Bravo!

Le génocide arménien

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, pendant que nous commémorons la Première Guerre mondiale et réfléchissons à ses conséquences, n'oublions pas que nous avons souligné, le 24 avril dernier, le 100e anniversaire du génocide arménien.

Je signale aux sénateurs la publication d'un nouveau livre qui a été lancé à l'occasion des activités de commémoration du centenaire du génocide arménien et qui décrit la réaction du Canada au génocide de 1915-1916.

L'ouvrage s'intitule The Call from Armenia : Canada's Response to the Armenian Genocide — ce qui pourrait se traduire par « L'appel de l'Arménie : la réaction du Canada au génocide arménien » —, et il a été écrit par Aram Adjemian, qui est aussi l'un de mes adjoints de recherche. Pour accompagner la lecture, le livre contient des centaines de documents d'archives : des illustrations, des photographies, des affiches, des articles de journaux et des caricatures politiques. Il présente aussi les résultats de nouveaux travaux de recherche sur la réaction du Canada aux atrocités que l'Empire ottoman a fait subir aux Arméniens de la fin du XIXe siècle jusque pendant les années 1920.

[Français]

Il est consternant de constater qu'environ 1,5 million d'Arméniens ont perdu la vie, ce qui représente 22 p. 100 de toutes les victimes civiles de la Première Guerre mondiale.

[Traduction]

Même si cette information s'est perdue avec le temps, les Canadiens ont réagi massivement au génocide arménien. Ils ont été très actifs après la Première Guerre mondiale. D'importantes campagnes d'envoi de lettres et de collecte de fonds pour venir en aide aux Arméniens, toutes organisées au quart de tour, ont convaincu le gouvernement canadien, qui prenait de plus en plus conscience de son influence sur le reste du monde, de transmettre une série de dépêches officielles sur le sujet à la Grande-Bretagne.

N'oublions pas que, durant la guerre, l'empire ottoman s'était joint au Kaiser allemand contre le Canada et les Alliés. Voici un bref extrait d'une lettre envoyée par le secrétaire d'État suppléant aux Affaires extérieures au sein du gouvernement d'union du premier ministre Robert Borden, Newton W. Rowell, qui fait état de la position canadienne par rapport au traité de paix avec la Turquie qui fut négocié le 20 février 1920 :

[...] le soussigné est d'avis que le gouvernement canadien devrait dire publiquement qu'il s'oppose catégoriquement au retour de quelque province arménienne de Turquie que ce soit sous l'autorité turque et que le gouvernement de Sa Majesté devrait en être informé.

[Français]

Permettez-moi de vous lire une partie des témoignages qui apparaissent au dos du livre, y compris celui de notre ancien collègue, le sénateur Roméo Dallaire :

[Traduction]

Cet ouvrage jette un regard intéressant et inédit sur l'une des catastrophes oubliées de l'histoire moderne et prouve encore une fois que les Canadiens n'ont jamais été indifférents à la souffrance humaine, quel que soit l'endroit du monde où elle se manifeste.

En faisant ressortir la manière dont le Canada a réagi au génocide arménien, ce livre comble à mon avis un vide dans le savoir universel. Il risque d'être particulièrement utile à quiconque s'intéresse aux génocides et aux droits de la personne, à l'influence des missionnaires canadiens de par le monde, aux mouvements religieux ici, au Canada, de même qu'aux premiers pas du Canada sur la scène internationale.

N'en doutez donc plus, honorables sénateurs : le Canada était du bon côté de l'histoire.

Des voix : Bravo!

(1410)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Chandra Vaidyanathan, qui est ici dans le cadre de la Journée nationale du souvenir des victimes du terrorisme. Elle a perdu son frère lors de l'attaque terroriste d'Air India, il y a 30 ans. M. Susheel Gupta est également ici à l'occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes du terrorisme. Sa mère est morte lors de la tragédie d'Air India. Ils sont les invités du sénateur Lang.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le premier ministre

Le ramadan—L'iftar à la résidence du premier ministre

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, hier soir, j'ai eu le privilège d'assister au tout premier iftar donné à la résidence du premier ministre. Durant le mois islamique du ramadan, les musulmans jeûnent du lever au coucher du soleil. L'iftar est le repas qui est pris au coucher du soleil, lors de la rupture du jeûne.

Plusieurs assistaient à ce repas : des membres de la communauté musulmane, le premier ministre Stephen Harper, le ministre du Multiculturalisme, Jason Kenney, le ministre d'État au Multiculturalisme, Tim Uppal, et moi. La communauté musulmane est l'une des communautés les plus diversifiées au monde, et les invités d'hier soir n'ont pas fait exception à la règle. Parmi eux, on trouvait des musulmans canadiens de toutes les origines, notamment du Burkina Faso, de l'Inde, du Liban, du Pakistan, de l'Afghanistan, de la Somalie et du Bangladesh. Nous nous sommes réunis pour rompre le jeûne. Voir tous ces gens prier les uns à côté des autres, au 24, promenade Sussex, fut une expérience émouvante. Ils se sentaient vraiment chez eux.

Honorables sénateurs, la présence des musulmans au Canada n'est pas nouvelle. Ces derniers font partie de notre histoire. En effet, le premier recensement canadien, effectué en 1871, seulement quatre ans après la Confédération, a révélé la présence au pays de 13 musulmans d'origine européenne.

La première mosquée canadienne a été construite à Edmonton en 1938. À l'époque, il y avait près de 700 musulmans au Canada. Le premier ministre Harper l'a souligné en rendant hommage aux premiers musulmans arrivés au Canada. Il a dit ceci :

Cette résidence appartient en fin de compte à tous les Canadiens, et j'espère que tous les Canadiens, en particulier nos amis et voisins musulmans, partagent notre bonheur ce soir.

Honorables sénateurs, je suis fière d'avoir été présente à une telle occasion historique et j'espère qu'on en fera une tradition annuelle.

Le vol 182 d'Air India

Le trentième anniversaire de l'attentat terroriste

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre la parole aujourd'hui, mais les mots du sénateur Lang sur la tragédie du vol d'Air India m'ont ému. En raison d'un étrange concours de circonstances, au moment où cet avion se rendait au bout de la piste, en préparation pour le décollage, je garais ma voiture dans le stationnement d'un hôtel qui se trouve tout près de l'aéroport et où je me rendais pour assister à une réception de mariage. J'ai regardé l'avion passer lentement. Il portait l'inscription « Air India ». J'étais avec mon épouse et je lui ai dit : « J'aimerais être à bord de cet avion. » Je n'étais jamais allé en Inde jusque-là. J'y suis allé 20 fois depuis.

Je pouvais apercevoir des hommes portant des turbans par les hublots. J'étais près de l'avion et je l'ai littéralement regardé s'envoler. Lorsque j'ai appris la terrible nouvelle le lendemain, je me suis rendu compte que j'avais été témoin des dernières heures de tous les gens qui étaient à bord. J'ai un très grand respect pour la communauté sikhe. Ce fut une expérience dramatique et haute en émotions. Je suis de tout cœur avec vous. Je vous remercie de ce rappel, sénateur Moore. Ce fut un moment dramatique pour moi, et je ne l'oublierai jamais.

J'espère que rien de tel n'arrivera de nouveau. Qui sait. En tout cas, j'espère que cela n'arrivera pas au Canada.


AFFAIRES COURANTES

Le parc national du Canada de Prince Albert

Le Plan communautaire de Waskesiu amendé—Dépôt d'un document

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais présenter deux documents. Premièrement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Plan communautaire de Waskesiu amendé pour le parc national du Canada de Prince Albert.

Le parc national du Mont-Riding

Le Plan communautaire de Wasagaming—Dépôt d'un document

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé Parc national du Mont-Riding : Plan communautaire de Wasagaming.

L'étude sur les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations

Dépôt du douzième rapport du Comité des peuples autochtones

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Le logement et l'infrastructure dans les réserves : Recommandations de changements.

Avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5f) du Règlement, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Patterson, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Les données du registre des armes d'épaule—La décision de la Cour fédérale—La primauté du droit

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Ce matin, la Cour fédérale du Canada a dû obliger le gouvernement Harper à produire les données québécoises du registre des armes d'épaule parce qu'elle ne croyait pas qu'il tiendrait sa promesse de ne pas détruire ces données.

Je m'aventure quelque peu en terrain inconnu, mais voici ce que j'aimerais savoir. Pourquoi votre gouvernement va-t-il à l'encontre de la loi?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Notre gouvernement est heureux d'avoir respecté l'engagement qu'il avait pris d'éliminer définitivement le coûteux et inefficace registre des armes d'épaule. Le Parlement a exprimé clairement sa volonté, et celle-ci a été respectée.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Monsieur le leader, je pense que personne ne conteste l'orientation stratégique et la volonté du gouvernement Harper quant à l'abolition du registre des armes d'épaule. Cependant, vendredi dernier, pendant mon intervention sur la section 18 du projet de loi C-59, j'ai dit qu'il était évident que le gouvernement a enfreint la loi pour ce qui est de la destruction du registre.

La commissaire à l'information du Canada a effectivement reçu une lettre écrite par le ministre de la Sécurité publique, confirmant que celui-ci allait rendre ces données accessibles. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Cependant, puisque le tribunal craignait que les données relatives au Québec ne soient pas conservées, il s'en est suivi une poursuite au terme de laquelle les données devaient être livrées au tribunal par le ministre et par le commissaire de la GRC avant 10 heures ce matin.

J'aimerais que vous expliquiez aux Canadiens pourquoi ils devraient respecter les lois du pays alors que leur propre gouvernement ne leur en donne pas l'exemple.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, la volonté du Parlement a été clairement exprimée et elle a été respectée.

(1420)

[Traduction]

Le sénateur Moore : C'est une chose d'avoir une préférence et c'en est une autre de déclarer son intention d'imposer sa volonté. Quoi qu'il en soit, j'estime qu'on ne peut pas agir de façon contraire à la loi.

Vous affirmez, tout comme le gouvernement que « La volonté du Parlement a clairement été exprimée à plusieurs reprises : toutes les copies du registre seront détruites », comme l'a déclaré aujourd'hui le ministre de la Sécurité publique.

Le gouvernement se fichait de la volonté du Parlement par le passé; il a d'ailleurs été reconnu coupable d'outrage au Parlement. Pourtant, il en affirme aujourd'hui la suprématie. Quel opportunisme. Comment pouvez-vous expliquer aux Canadiens le fait que le gouvernement n'est tenu ni de se plier à la décision de la Chambre des communes le déclarant coupable d'outrage ni de respecter la loi?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, comme je l'ai dit, la volonté du Parlement s'est exprimée de façon claire à plusieurs reprises et a été pleinement respectée.

D'ailleurs, le projet de loi C-59 a été adopté hier, comme vous le savez, à l'étape de la troisième lecture, et il recevra la sanction royale au cours des prochaines heures.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Au début de la semaine, on a mentionné que le lundi précédent marquait le 800e anniversaire de la Grande Charte. Il est clair que le gouvernement Harper a bafoué pratiquement tous les organes, principes et institutions fédéraux qui s'opposent à sa philosophie ou à son programme. Je citerai quelques exemples avant de poser ma question.

La liste est longue. On y trouve la Cour suprême, l'ombudsman des vétérans, le directeur parlementaire du budget, le Parlement lui-même, la Cour fédérale, Élections Canada, la fonction publique, les scientifiques, CBC/Radio-Canada, Statistique Canada, Environnement Canada, la Charte des droits, l'ombudsman des prisons, la commissaire à l'information, la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, l'organisme Droits et démocratie, le commissaire à l'environnement et au développement durable, le directeur du Programme canadien des armes à feu, la Commission canadienne des droits de la personne, le conseiller national des sciences, la présidente de la Commission de sûreté nucléaire, la Commission des plaintes du public contre la GRC, et maintenant, la primauté du droit.

Pouvez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi le gouvernement Harper se considère au-dessus du principe de la primauté du droit, de la Grande Charte?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, comme je vous l'ai expliqué, le principe de la suprématie du Parlement et le Parlement se sont exprimés à plusieurs reprises avec clarté, et la volonté du Parlement a été respectée.

[Traduction]

Le sénateur Moore : La volonté du Parlement a été exprimée et on y a donné suite. Cependant, lorsque la décision en matière d'outrage a été rendue, ce qui a eu pour effet de déclencher les dernières élections, elle n'a pas été respectée et on n'y a pas donné suite. Faut-il en conclure qu'on a le choix?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, les Canadiens peuvent choisir, au moment des élections, de voter pour le gouvernement qu'ils désirent, selon le programme politique que ce dernier aura présenté au cours de la campagne électorale. Dans le cas du registre des armes à feu, le Parlement s'est exprimé de façon évidente, précise et répétée, et sa volonté a été respectée.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Il me semble que vous avez dit la même chose tout à l'heure, mais il ne s'agit pas ici du fait que le Parlement puisse déclarer : « Aujourd'hui, nous décidons d'agir ainsi et nous donnerons suite à cette décision, mais il pourrait en être autrement plus tard. Nous vous en reparlerons. »

J'essaie de vous dire qu'il est tout à fait condamnable de la part du gouvernement d'excuser ses gestes en faisant valoir qu'il suit la volonté du Parlement, alors que, ce faisant, il viole la loi et qu'il va même jusqu'à adopter un projet de loi qui l'absoudra d'avoir violé cette loi.

Je ne me rappelle pas vous avoir vu promouvoir ce genre de plateforme — vous ou tout autre parti au Canada. Je n'ai pas entendu un chef de parti — le vôtre ou un autre — proposer son programme en disant : « Ne vous en faites pas au sujet de la loi que nous venons de transgresser, car nous adopterons éventuellement une loi qui nous blanchira de cette infraction. »

Les rois et les reines seraient obligés de se soumettre au principe de la primauté du droit, et le Parlement aussi, alors que l'actuel premier ministre en serait exempt? Allez expliquer cela aux Canadiens.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, vous devriez peut-être suivre le programme électoral de votre chef, Justin Trudeau, qui répète ad nauseam sur toutes les tribunes que, s'il a la chance de prendre le pouvoir, il changera à peu près tout le programme de notre gouvernement et effacera son bilan des dernières années, particulièrement en renforçant les peines et en modifiant notre programme économique. Il semble assez clair que votre jeune chef n'est pas prêt à agir comme premier ministre. Il est évident qu'il est complètement décalé par rapport à la réalité des gens sur le terrain, qui souhaitent que l'on soit plus sévère envers les criminels.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Monsieur le leader, je suppose que vous pensez qu'il est sans doute acceptable qu'un chef dise que c'est lui qui fixe les règles, et non le Parlement ni les Canadiens. C'est ce que votre chef a déclaré publiquement.

Comment expliquez-vous cela aux Canadiens?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, comme vous le savez, nous allons adopter d'autres projets de loi aujourd'hui. Il semble donc évident que le Parlement adopte les lois.

En ce qui a trait au sujet sur lequel vous avez commencé votre série de questions, le Parlement s'est exprimé de façon claire à plusieurs reprises, et sa volonté a été respectée.

Règlement, procédure et droits du Parlement

L'état des dossiers dont le comité est saisi

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Compte tenu du fait que le président du Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement est absent, si vous me le permettez, j'adresserai ma question au vice-président.

[Traduction]

La semaine dernière, j'ai déposé une motion portant sur une question de privilège. Je sais qu'il y avait une réunion aujourd'hui...

[Français]

Son Honneur le Président : Je m'excuse de vous interrompre. Vous n'avez pas le droit de poser de question au vice-président du comité. À la Chambre, les règles sont claires. Durant la période des questions, l'opposition a le droit de poser des questions au leader du gouvernement au Sénat.

La sénatrice Hervieux-Payette : Eh bien, le président du comité n'est pas là. Ma question s'adressera donc au leader du gouvernement au Sénat. Il me répondra sans doute qu'il ne connaît pas la réponse. Quoi qu'il en soit, je vais la lui poser.

À la suite de la réunion du Comité du Règlement tenue ce matin, j'aurais aimé connaître les résultats des discussions, à savoir : quelles mesures notre institution prendra-t-elle pour donner suite à ma plainte, une enquête sera-t-elle menée et, le cas échéant, qui en sera chargé? Ma question s'adresse à vous, monsieur le leader, et j'espère que vous avez une réponse.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Il faudrait poser la question au président du comité.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Lynn Beyak propose que le projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-61, Loi sur l'aire marine nationale de conservation du lac Supérieur. Cette mesure législative vise à protéger officiellement et juridiquement une aire d'environ 10 000 kilomètres carrés du lac Supérieur, pour les prochaines générations. En adoptant ce projet de loi, nous établirons la plus grande aire protégée d'eau douce consacrée à la conservation dans le monde entier.

Dans le cadre de notre étude du projet de loi C-61, nous ne devons pas perdre de vue que le Canada est un pays maritime. Il est bordé par trois des grands océans du monde — l'Atlantique, le Pacifique et l'Arctique —, et une bonne partie de notre frontière sud longe le plus grand réseau de lacs d'eau douce au monde, les Grands Lacs.

(1430)

Le Canada a le littoral le plus long du monde : 243 000 kilomètres, en fait, auxquels s'ajoutent 9 500 kilomètres en bordure des Grands Lacs. Environ 7 millions de personnes vivent sur ces côtes impressionnantes et prennent part à des activités liées à l'océan qui contribuent énormément à l'économie nationale. Notre environnement marin renferme quelques-uns des fonds de pêche les plus riches du monde, abrite des populations de mammifères marins et d'oiseaux de mer d'importance planétaire et offre, avec ses rivages aux vagues déferlantes, des panoramas marins de toute beauté. Il fait partie de l'essence même de l'identité canadienne.

En établissant des aires marines protégées, nous pouvons contribuer à faire en sorte que les océans continuent à nous fournir les services environnementaux, sociaux, culturels et économiques auxquels nous tenons. Comme le premier ministre l'a montré quand il a annoncé le Plan national de conservation, en 2014, le Canada s'est engagé — tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale — à protéger son extraordinaire environnement marin et ses Grands Lacs pour le bénéfice des générations d'aujourd'hui et de demain.

Le gouvernement a affecté plus de 56 millions de dollars aux efforts en matière de protection marine par l'intermédiaire de l'Initiative Santé des océans et du Plan national de conservation. Il a également ajouté plus de 19 000 kilomètres carrés d'eaux marines protégées — ce qui représente au-delà de 31 p. 100 des eaux actuellement protégées — en désignant trois réserves nationales de faune en milieu marin au Nunavut, en vertu de la Loi sur les espèces sauvages du Canada, et en désignant des aires marines protégées, en vertu de la Loi sur les océans, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et dans les Territoires du Nord-Ouest.

La première fois qu'il a annoncé la création d'une aire marine protégée après son arrivée au pouvoir en 2006, le gouvernement a signé une entente établissant l'aire marine nationale de conservation du lac Supérieur, que le projet de loi vise à désigner officiellement, ce qui ajoutera encore 10 000 kilomètres carrés à notre réseau toujours plus grand d'aires marines protégées.

Enfin, le gouvernement a annoncé, financé et appuyé des initiatives visant à créer d'autres aires marines protégées partout au pays. Si tous ces projets se concrétisaient, le Canada pourrait voir la surface de ses eaux protégées augmenter de près de 90 000 kilomètres carrés au cours des prochaines années, ce qui permettrait d'augmenter de plus du double la superficie actuelle des aires protégées.

Les aires marines nationales de conservation visent à encourager la population à découvrir, à apprécier et à admirer le patrimoine marin du Canada. Comme dans le cas des parcs nationaux, la création d'aires marines nationales de conservation indique aux visiteurs du Canada et de l'étranger que ces aires représentent ce que le Canada a de mieux à offrir et qu'il s'agit de destinations de calibre mondial pour ceux qui veulent admirer par eux-mêmes notre patrimoine marin, naturel et culturel sans pareil. Ces aires permettent également de diversifier l'économie des collectivités côtières éloignées.

Pour conclure, honorables sénateurs, j'ajouterais que la création de l'aire marine nationale de conservation du lac Supérieur est un autre exemple de la détermination du gouvernement à protéger les eaux précieuses des aires marines du Canada et des Grands Lacs, et j'encourage tous les sénateurs à appuyer le projet de loi C-61.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais seulement parler brièvement de ce projet de loi. Nous allons étudier trois projets de loi de ce genre qui sont tous interreliés. Je remercie l'honorable sénatrice Beyak de ses observations et de nous faire connaître l'intention du gouvernement à l'égard des prochaines aires marines nationales de conservation.

Le projet de loi C-61 est la deuxième d'un ensemble de mesures législatives liées à la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada. Il y a un autre projet de loi concernant la côte Ouest et la nation haïda, et nous sommes maintenant saisis de cette mesure concernant la partie nord du lac Supérieur, où on cherche à protéger quelques îles, mais surtout les eaux et le lit du lac.

L'Ontario devait transférer le titre de propriété au gouvernement fédéral, puisque c'est ce dernier qui administre cette zone depuis 2007 aux termes d'un accord conclu avec le gouvernement de l'Ontario. Or, le gouvernement provincial insistait pour conserver certains droits à l'égard non pas du lit du lac ou des îles, mais de la législation, ce qu'il nous a exprimé de la façon suivante : « La province souhaite continuer d'exercer sa compétence sur l'administration et la gestion du transfert des eaux et de l'approvisionnement en eau dans les aires marines nationales de conservation. »

Le projet de loi C-61 prévoit que les lois de l'Ontario s'appliqueront à l'aire marine de conservation dont il est question et aux aires futures qui pourraient être instaurées en Ontario. Il est intéressant de voir qu'une partie d'une loi provinciale a été intégrée à une loi fédérale, à propos de l'eau tirée du lac ou transférée.

Je tenais à m'assurer que, si les dispositions de la loi provinciale qui touchent la loi fédérale sont modifiées, les modifications seront intégrées automatiquement. Ainsi, une personne qui souhaite se renseigner n'aura qu'à consulter la loi de l'Ontario pour savoir ce que prévoit la loi fédérale au sujet du bassin hydrographique en question.

Voilà ce que je souhaitais souligner, honorables sénateurs. J'ajouterais que chacune de ces initiatives revêt une grande importance pour les Canadiens. Ce projet de loi bénéficie d'un solide appui des deux côtés du Sénat. En fait, l'autre endroit était à ce point d'accord avec l'idée proposée qu'il n'a pas pris la peine d'examiner ces projets de loi. Je crois qu'il était important pour les leaders de ce côté-ci de la Chambre que nous procédions avec toute la diligence voulue.

Le projet de loi C-61 a été présenté à la Chambre des communes le 2 juin. Il ne s'est ensuite rien produit jusqu'au 17 juin. Le 17 juin, le projet de loi a été réputé lu pour la première fois, renvoyé à un comité et retourné à la Chambre des communes, puis la Chambre a procédé à la troisième lecture. Tout cela en un jour. Le projet de loi a ensuite été renvoyé au Sénat.

Dans ce genre de situation, il ne suffit pas de dire que c'est ce que les Canadiens veulent. Nous devons faire preuve de diligence raisonnable et prendre le temps de bien faire les choses. J'ai été ravi d'entendre les témoignages des différents témoins — convoqués par le gouvernement, bien entendu. Le comité a reçu Alan Latourelle, directeur général de Parcs Canada, Kevin McNamee, de l'Établissement des parcs, ainsi que Rob Prosper. Nous avons aussi accueilli un témoin du secteur privé, M. Éric Hébert-Daly, directeur exécutif de la Société pour la nature et les parcs du Canada. Ce dernier a appuyé le projet de loi et a dit avoir hâte que l'on passe à la prochaine étape. En fait, il avait tellement hâte que le projet de loi soit adopté qu'il a réduit considérablement la longueur de son mémoire écrit afin de ne pas ralentir le processus.

Je ne le ralentirai pas davantage, honorables sénateurs. Je crois qu'il est temps de passer à l'étape de la troisième lecture.

Le sénateur Munson : Au moins, nous avons pu en discuter.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1440)

La Loi de mise en Œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable David M. Wells propose que le projet de loi C-64, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer cette importante mesure législative, qui vise à prolonger le moratoire relatif aux activités pétrolières et gazières dans le banc de Georges.

Le projet de loi reflète la profonde conviction du gouvernement selon laquelle l'énergie, la sécurité, la croissance économique et la protection environnementale peuvent aller de pair; d'ailleurs, elles doivent aller de pair.

Le projet de loi C-64 constitue un autre exemple de la façon dont nous nous acquittons de notre responsabilité. Comme le savent les sénateurs, le gouvernement a montré très clairement qu'il était fermement résolu à exploiter de façon responsable les énormes réserves pétrolières et gazières du Canada, afin de favoriser la création d'emplois, la croissance économique et la prospérité à long terme pour tous les Canadiens. Toutefois, le gouvernement a indiqué tout aussi clairement que l'exploitation de nos ressources ne peut se faire à n'importe quel prix. Comme l'a précisé le ministre des Ressources naturelles à plusieurs reprises, la protection de l'environnement est prioritaire et doit le demeurer.

Le projet de loi témoigne de notre inébranlable résolution à protéger les zones écosensibles, comme le banc de Georges, qui sont importantes sur le plan écologique. C'est pourquoi le projet de loi vise à modifier la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, afin d'interdire, jusqu'en 2022 au moins, l'exploitation pétrolière dans le banc de Georges.

D'autres prolongations pourraient plus tard être accordées, mais 2022 est notre priorité immédiate, ainsi que celle de la Nouvelle-Écosse et d'autres intervenants et partenaires locaux.

La Nouvelle-Écosse et le Canada sont des partenaires dans la gestion des ressources pétrolières et gazières dans la zone extracôtière du Canada et de la Nouvelle-Écosse. Les deux ordres de gouvernement travaillent de concert pour promouvoir l'exploitation pétrolière et gazière et, dans des cas comme celui-ci, pour protéger l'environnement.

Ce projet de loi reflète la politique américaine actuelle qui s'applique à la vaste partie américaine du banc de Georges.

Le projet de loi C-64 propose une approche intelligente, concertée et responsable. Les courants et la topographie uniques du banc de Georges en font un lieu de reproduction pour une foule d'espèces de poissons et d'autres créatures marines. Le banc de Georges est aussi le lieu d'importantes pêches commerciales et son habitat est une source abondante de nourriture pour les baleines et les oiseaux de mer. Nous devons protéger cette zone écosensible et nous sommes fiers de le faire.

Le projet de loi C-64 est un exemple de plus qui prouve que notre plan de développement responsable des ressources fonctionne. Comme vous le savez, notre plan de développement responsable des ressources s'articule autour de quatre grands objectifs : rendre les examens des grands projets plus prévisibles et plus rapides, réduire les chevauchements dans le processus d'examen, renforcer la protection de l'environnement et, enfin, consulter les Autochtones pour tout ce qui touche au développement des ressources. Cette approche globale donne des résultats.

Je vais d'abord parler du système d'évaluation réglementaire. Le gouvernement comprend que notre régime de réglementation doit être aussi efficient qu'efficace.

C'est la raison pour laquelle nous avons légiféré des échéanciers de bout en bout pour les évaluations de grands projets. Cela donne aux investisseurs potentiels la prévisibilité dont ils ont besoin pour prendre des décisions.

Nous avons aussi réussi, dans une grande mesure, à éliminer les dédoublements coûteux, qui font perdre du temps, dans les évaluations fédérales et provinciales. Ce faisant, nous avons accru l'efficience et réalisé des économies dans tout le système.

Dans les deux cas, nous nous sommes employés à concevoir une réglementation qui donne des résultats.

Je sais que le ministre des Ressources naturelles et le gouvernement continueront de collaborer avec l'industrie et nos partenaires provinciaux à l'amélioration du cadre de réglementation.

Le gouvernement a aussi dit clairement que seuls les projets qui ne présentent aucun danger pour les Canadiens et l'environnement seront autorisés.

C'est pourquoi nous cherchons à améliorer encore plus l'un des régimes de réglementation extracôtière les plus rigoureux du monde.

En adoptant la Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique, nous avons apporté, en collaboration avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, d'importants changements au régime de responsabilité du Canada, qui était déjà de calibre mondial, afin de le moderniser et de le renforcer. Cette loi a notamment augmenté le plafond de responsabilité absolue à 1 milliard de dollars, amélioré la reddition de comptes et la transparence et mis en œuvre de nouvelles mesures d'application de la loi afin d'accroître le nombre d'outils à la disposition de l'office.

Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont aussi participé à l'élaboration de la Loi sur la santé et la sécurité de la zone extracôtière, que j'ai présentée au Sénat en mai 2014. Cette loi précise les rôles et les responsabilités des employeurs et des employés qui travaillent dans la zone extracôtière de l'Atlantique. Les dispositions relatives à la sécurité des travailleurs en zone extracôtière et aux pouvoirs en matière de santé et de sécurité au travail ont été inscrites dans la loi. La loi instaure de nouvelles règles applicables aux travailleurs qui se rendent sur les plateformes de forage en mer ou qui en reviennent. Elle confie aussi des pouvoirs exécutoires précis aux responsables de la santé et de la sécurité en milieu de travail, de la sécurité des opérations et de la conservation.

Ces mesures renforcent les importants changements que font les organismes de réglementation, dont les offices des hydrocarbures extracôtiers, pour améliorer encore plus la sécurité. Parmi ces initiatives, mentionnons la mise en commun et l'harmonisation des mesures de sécurité, des leçons apprises et des pratiques exemplaires.

Le bon travail des organismes de réglementation conjoints indépendants a joué un rôle essentiel dans la protection des travailleurs en zone extracôtière et dans l'exploitation sûre et responsable des ressources.

Comme nous venons de le voir, nous ne ferons rien qui pourrait nuire à la protection des travailleurs. Or, il en va de même pour l'environnement. C'est la raison pour laquelle nous sommes saisis aujourd'hui du projet de loi C-64. Et c'est aussi pourquoi nous avons amélioré la sûreté du transport des hydrocarbures par voie maritime et ferroviaire et par pipelines. Dans chacun des cas, nous avons été guidés par les trois grandes assises de la prévention : la préparation et l'intervention, la responsabilité, et l'indemnisation.

Nous avons notamment resserré la surveillance, les inspections et les vérifications de sécurité, en plus de renforcer les pouvoirs de ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi.

Nous donnons également suite aux recommandations du Comité indépendant d'experts sur la sécurité des navires-citernes, qui était d'avis que les plans d'intervention et les ressources servant au nettoyage doivent être adaptés à la zone à laquelle ces ressources sont associées, qu'il s'agisse des caractéristiques géographiques de la zone en question, du nombre de pétroliers qui y circulent ou des conditions environnementales qu'on y rencontre.

Nous avons commencé par cibler les quatre zones où la circulation de pétroliers est la plus intense ou devrait le devenir. Il s'agit de Saint John et de la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick, de Port Hawkesbury, en Nouvelle-Écosse, du golfe du Saint-Laurent et de la côte sud de la Colombie-Britannique.

Pour mieux exploiter les ressources du Canada de manière responsable, le gouvernement est conscient du fait que les Premières Nations doivent absolument participer à tous les aspects du processus.

Qu'il s'agisse de créer et de mettre au point nos systèmes de sécurité de pointe, de prévenir les accidents ou d'élaborer les plans d'intervention et de préparation aux urgences, nos partenaires autochtones doivent être de la partie. Ce sont eux qui connaissent le mieux les zones ciblées et qui possèdent l'expertise nécessaire pour faire fonctionner ces systèmes. Ils doivent participer de près à l'exploitation des ressources, et c'est ce qu'ils font.

Le gouvernement s'engage à entretenir et à renforcer les liens avec ses partenaires autochtones afin qu'ils puissent profiter des perspectives économiques qui s'offrent à eux.

Comme je le disais plus tôt, tous ces efforts sont essentiels pour préserver l'environnement et favoriser l'essor de l'industrie pétrolière et gazière. Il n'y a pas de place à l'erreur. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger l'environnement et le préserver pour les générations à venir, et c'est ce que nous faisons.

Ce moratoire sur les activités pétrolières et gazières dans le banc de Georges en constitue une preuve patente. J'exhorte tous les sénateurs à adopter cette importante mesure législative.

Merci, chers collègues.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je vais moi aussi appuyer le projet de loi, même si le sénateur Wells devra me pardonner de ne pas m'enthousiasmer autant que lui pour le bilan du gouvernement en la matière. Je dois néanmoins admettre que, dans ce dossier, il a effectivement collaboré avec le gouvernement de ma province, la Nouvelle-Écosse. Comme je le disais l'autre jour, celui-ci va présenter une loi similaire dès que le projet de loi fédéral sera adopté afin d'établir le cadre législatif nécessaire à la mise en œuvre du moratoire.

Tout comme le sénateur Wells, je crois qu'il est important de préserver la richesse du banc de Georges. Cependant, je tiens à signaler aux sénateurs que tout n'est pas rose : des nuages se profilent à l'horizon. Un membre de mon personnel m'a montré ce matin un article paru le 16 juin dans le Boston Globe, qui, je crois, devrait nous faire comprendre que nous devons être vigilants dans ce dossier et nous rappeler que le banc de Georges n'est pas complètement du ressort du Canada.

Selon cet article paru le 16 juin dans le Boston Globe, le Conseil de gestion des pêcheries de la Nouvelle-Angleterre, qui surveille l'industrie de la pêche de la région, a voté mardi en faveur de la réouverture de zones de pêche d'approximativement 5 000 milles carrés dans le secteur du banc de Georges. Cette décision doit être approuvée par les organismes fédéraux de réglementation de l'administration océanique et atmosphérique nationale. Cependant, si cette décision est ratifiée et approuvée, elle ouvrira 70 p. 100 des zones du banc de Georges qui étaient autrefois fermées.

Les mesures que nous prenons ici doivent être jumelées à celles prises par les États-Unis. Autrement, les efforts que nous déployons ne seront pas aussi fructueux et importants que nous le croyons.

(1450)

Sur cet avertissement, je me joins au sénateur Wells pour exhorter mes collègues à appuyer ce projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Dennis Glen Patterson propose que le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-72, Loi sur le parc national Qausuittuq du Canada.

Le projet de loi C-72 a pour but de protéger un peu plus de 11 000 kilomètres carrés d'étendues sauvages de l'Arctique faisant partie du territoire des Inuits, en modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, dans l'intérêt des générations présentes et futures.

Pour les Nunavummiuts, le parc national Qausuittuq a toujours fait partie des terres qu'utilisent les Inuits et qui font partie intégrante de leur culture, de leur histoire et de leur patrimoine naturel. Pour Parcs Canada, ce parc représentera très bien, dans le réseau des parcs nationaux, la nature de la région de l'Extrême-Arctique Ouest.

Les négociations en vue d'établir un parc national dans la plus septentrionale des 39 régions de notre réseau de parcs nationaux ont commencé en 1996. Parcs Canada a déterminé que les terres qui représenteraient le mieux cette région étaient celles de l'île Bathurst. Elles ont bénéficié d'une protection provisoire pendant que Parcs Canada entreprenait les études, les consultations et les négociations qui permettraient d'élaborer la proposition de parc national contenue dans le projet de loi C-72 actuellement soumis au Sénat.

La création du parc national Qausuittuq constitue également un engagement pris dans la Stratégie pour le Nord du gouvernement, intitulée « Notre Nord, notre patrimoine, notre avenir ». L'aménagement et l'exploitation de ce nouveau parc national contribueront à la mise en œuvre de cette stratégie en protégeant notre patrimoine environnemental, en contribuant au bien-être culturel, économique et social des Inuits, et en exerçant notre souveraineté dans l'Arctique.

L'adoption du projet de loi C-72 permettra au gouvernement de respecter un engagement pris dans le discours du Trône de 2013 quant à l'achèvement des travaux visant à protéger l'île Bathurst, en accordant à celle-ci le statut de parc national d'ici 2015. Promesse faite, promesse tenue.

Comme l'indiquait le discours du Trône, les familles canadiennes veulent vivre dans un environnement propre et sain. La création de nouveaux parcs nationaux contribue donc à assurer un environnement sain en protégeant d'importants habitats fauniques qui assurent la subsistance des collectivités locales, comme la baie Resolute, au Nunavut.

Enfin, dans le plan budgétaire de 2015, le ministre des Finances a signalé ceci :

Les parcs nationaux du Canada constituent des exemples remarquables des paysages naturels de notre pays; ils génèrent une importante activité économique en attirant des visiteurs du pays et de l'étranger et donnent aux Canadiens l'accès à leur patrimoine naturel.

À cette fin, le plan budgétaire indique que :

Le gouvernement agrandira davantage nos aires protégées et prendra les dernières mesures pour établir l'aire marine nationale de conservation du lac Supérieur, l'aire protégée en eau douce la plus grande du monde, et, bientôt, le parc national Qausuittuk sur l'île Bathurst, au Nunavut.

Honorables sénateurs, l'adoption par le Sénat du projet de loi C-72 permettra de finaliser ce projet.

Puisque l'établissement, l'aménagement et l'exploitation des aires protégées du lac Supérieur et de Qausuittuq sont déjà pleinement financés, nous pouvons commencer immédiatement à faire rejaillir sur les collectivités locales les retombées environnementales, récréatives et économiques associées à ces deux grandes initiatives.

Pendant l'étude de faisabilité du projet et l'établissement des limites définitives, Parcs Canada a consulté des organisations inuites, des collectivités locales, le gouvernement territorial, des organismes de conservation et l'industrie minière. Ce sont d'ailleurs les deux derniers intervenants qui ont suggéré les limites proposées aujourd'hui.

Une des étapes finales comprenait l'évaluation du potentiel minier et énergétique du parc proposé. Cette évaluation a permis de déterminer que la partie est de l'île Bathurst présente un potentiel minier élevé. Des études sur la faune ont aussi révélé que la partie est de l'île Bathurst comprend une partie des aires de mise bas des caribous de Peary. À titre de compromis, l'Association minière du Canada et la Fédération canadienne de la nature, qui s'appelle maintenant Nature Canada, ont proposé conjointement une approche à deux volets pour l'avenir de l'île Bathurst.

Premièrement, elles ont proposé les limites du parc qui figurent dans le projet de loi C-72 et qui excluent une partie du territoire présentant un potentiel minier élevé.

Deuxièmement, elles ont recommandé que le secteur exclu fasse l'objet d'une ordonnance de protection provisoire, qui interdirait l'exploration et le développement miniers jusqu'à ce que l'avenir du caribou de Peary soit fixé. En fin de compte, ces limites proposées pour le parc ont été adoptées par les gouvernements du Canada et du Nunavut, ainsi que par la Qikiqtani Inuit Association.

En décembre 2014, le gouvernement du Canada a déclaré l'inaliénabilité des terres pendant une période provisoire de cinq ans en vertu de la Loi sur les terres territoriales, ce qui, entre autres choses, a pour effet d'interdire l'exploration et le développement miniers dans le secteur situé à l'est des limites du parc national. Au cours de cette période de cinq ans, on tiendra un forum dans le but de créer un plan de gestion de ce secteur.

La création du parc national Qausuittuq a été rendue possible grâce à la conclusion, entre le Canada et les Inuits, d'une entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits. Signée par le ministre de l'Environnement du Canada et le président de la Qikiqtani Inuit Association, cette entente établit les modalités relatives à la création du nouveau parc national. Après examen, le gouvernement du Nunavut a donné son appui à cette entente, qui stipule clairement que le parc national sera géré de manière conforme à l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Le Canada et les Inuits s'entendent sur un certain nombre d'objectifs, ce qui témoigne des liens étroits qui se sont noués durant la négociation de l'entente et qui se maintiendront durant l'exploitation du 45e parc national du Canada. Les objectifs consistent entre autres à assurer la participation des Inuits à l'aménagement, à la gestion et à l'exploitation du parc; à respecter les droits des Inuits de la région du Nunavut; à générer des retombées économiques pour les Inuits; à reconnaître l'importance du savoir traditionnel inuit pour la région du parc et s'engager à l'utiliser dans l'aménagement, la gestion et l'exploitation du parc; à assurer l'intégrité et la conservation des ressources naturelles et patrimoniales du parc; à assurer la protection du caribou de Peary et de son habitat dans la création, le développement et l'exploitation du parc; et, enfin, à créer le parc dans le cadre d'un réseau de parcs nationaux qui mettent en valeur la vitalité de la culture inuite ainsi que la beauté et le caractère unique de l'Extrême-Arctique pour tous les Canadiens et pour le monde entier;

Le parc national Qausuittuq sera géré en coopération par Parcs Canada et les Inuits afin de veiller à ce qu'il demeure une aire naturelle vivante et vigoureuse qui soutient les pratiques et la culture inuites. Les Inuits auront le droit d'accéder librement et sans restriction aux terres, aux eaux et aux aires marines aux fins de la chasse. Il convient également de mentionner que la chasse qui aura lieu dans le parc sera surveillée de près par le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut afin d'éviter la surexploitation des espèces. Pour sa part, le comité de gestion du parc Qausuittuq garantira l'efficacité de la gestion coopérative du parc.

De plus, Parcs Canada établira un bureau et un centre d'accueil à Resolute Bay. Les entreprises inuites pourront ainsi s'en servir pour profiter des débouchés économiques rendus possibles par la création du parc. L'ERAI contient des dispositions assurant l'embauche préférentielle des Inuits en tant qu'employés du parc, et Parcs Canada investira près de 22 millions de dollars sur sept ans dans l'établissement et le développement du parc, consacrant par la suite 2,6 millions de dollars par année à l'exploitation du parc national Qausuittuq.

(1500)

Pour conclure mon intervention en faveur du projet de loi, je remercie les deux côtés du Sénat, et en particulier le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, son président, le sénateur Richard Neufeld, son vice-président, Paul Massicotte, ainsi que les membres du comité, d'avoir accordé au projet de loi l'attention et l'examen qu'il mérite, malgré un court préavis.

Honorables sénateurs, je vous presse d'appuyer l'adoption du projet de loi C-72, afin qu'au cours de la présente législature le parc national Qausuittuq soit inclus dans la famille des parcs nationaux, des aires marines nationales de conservation et des lieux historiques nationaux, et que cette région soit protégée pour les générations futures.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-72. Je remercie le sénateur Patterson de nous avoir présenté le contexte et expliqué qu'il est important de tenir compte des droits et du milieu de vie des Inuits de la région pendant que nous transformerons celle-ci en parc national pour tous les Canadiens et, en fait, le monde entier.

Le parc national Qausuittuq est situé dans la partie nord de l'île de Bathurst. Il est intéressant de souligner que, juste au sud, il existe une réserve faunique nationale. À l'est du nouveau parc qui est créé, sur le long de la côte, se situent des terres appartenant aux Inuits. Les gens de l'endroit poursuivront leurs activités dans cette région. En fait, ils contribueront à gérer la saine utilisation des terres.

Si nous votons en faveur de ce projet de loi, honorables sénateurs, il entrera en vigueur le 1er septembre 2015 ou, si elle est postérieure, à la date de sa sanction. C'est donc dire que, le 1er septembre de cette année, nous aurons un autre parc national.

Plus tôt, nous avons parlé d'une aire marine de conservation. Il était uniquement question de l'eau. Maintenant, nous parlons de terres et d'une autre mesure législative. Il s'agit d'une modification à la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Tous les renseignements contenus dans le projet de loi décrivent cette entité géographique, qui formera un nouveau parc national. Dans la mesure législative, on trouve la description de ce parc national, puis une disposition relative à l'entrée en vigueur de la loi, comme je l'ai mentionné.

Nous avons entendu le point de vue d'une organisation non gouvernementale, la Société pour la nature et les parcs du Canada, qui était représentée par M. Éric Hébert-Daly; lui aussi appuyait fermement cette initiative.

Je recommande donc, honorables sénateurs, que nous passions à l'étape de la troisième lecture de cette mesure législative.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il est proposé que le projet de loi soit maintenant lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 22 juin 2015, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au jeudi 25 juin 2015, à 13 h 30.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motions d'amendement, motion de sous-amendement et motion—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur Doyle, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Black, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1, à la page 5, par adjonction, après la ligne 45, de ce qui suit :

« c) aux organisations ouvrières dont les activités de relations de travail ne relèvent pas de la compétence fédérale;

d) aux fiducies de syndicat dans lesquelles aucune organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale ne possède d'intérêt juridique, bénéficiaire ou financier;

e) aux fiducies de syndicat qui ne sont pas constituées et administrées en tout ou en partie au bénéfice d'une organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale, de ses membres ou des personnes qu'elle représente. ».

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyé par l'honorable sénatrice Ringuette, que la motion d'amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par adjonction, dans le paragraphe introductif, suivant les mots « à la page 5 » de ce qui suit :

« :

a) par substitution de la ligne 35 par ce qui suit :

"ont trait à l'administration, à la";

b) ».;

Et sur la motion subsidiaire de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., que le sous-amendement ne soit pas adopté, mais, conformément au paragraphe 12-8(1) du Règlement, qu'il soit plutôt renvoyé avec l'amendement au comité plénier aux fins d'examen et de rapport, et que le Sénat se forme en comité plénier immédiatement après la période de questions de la deuxième journée de séance suivant l'adoption de la présente motion;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Cordy, appuyée par l'honorable sénatrice Jaffer, que la motion subsidiaire ne soit pas adoptée maintenant mais qu'elle soit modifiée en remplaçant le mot « deuxième » par le mot « troisième ».

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole au sujet du projet de loi C-377. Mes honorables collègues savent que ce projet de loi vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'exiger que les organisations ouvrières fournissent des renseignements financiers au ministre afin qu'il puisse les rendre publics. Je souhaite également parler des amendements proposés par les sénatrices Cordy et Ringuette visant à renvoyer le dossier au comité plénier.

Il est important de souligner d'emblée qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi d'initiative ministérielle, mais d'un projet de loi d'initiative parlementaire, et que le député qui le parraine ne cherche pas à se faire réélire.

Le projet de loi s'appuie sur l'argument voulant qu'il soit nécessaire d'accroître la transparence et la reddition de comptes au sein des syndicats. Je suis généralement favorable à ce principe, mais je crois que cette mesure a été gâchée à cause de la situation dans laquelle nous nous retrouvons. Bien que la transparence et la reddition de comptes soient souhaitables, on ne peut pas en dire autant de ce projet de loi. Il comporte bien des lacunes. Les sénateurs ne devraient pas s'en étonner puisqu'ils l'ont étudié et qu'ils ont proposé des amendements. J'aurais espéré que l'autre endroit reprenne la version amendée par le Sénat. Hélas, il ne l'a pas fait. Nous avions exprimé des préoccupations légitimes et nous étions parvenus à une entente, mais l'autre endroit a tout simplement dit non.

Comme je suis de nature optimiste, je n'ai pu m'empêcher de constater à quel point notre travail était un excellent exemple de collaboration. On nous avait présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui comportait bien des lacunes. Nous avons donné notre avis et proposé des amendements pour combler certaines de ces lacunes. La version amendée du projet de loi a été adoptée grâce à nos efforts de collaboration. Malheureusement, nos efforts n'ont pas été pris en compte, et nous nous retrouvons de nouveau avec un mauvais projet de loi qui comporte des lacunes.

Mes collègues sénateurs ont déjà mentionné certaines préoccupations. Elles portent notamment sur les exigences de divulgation relatives aux cadres, aux administrateurs, aux fiduciaires et aux employés dont la rémunération est supérieure à 100 000 $, et aux transactions ou versements d'une valeur supérieure à 5 000 $. Des sénateurs ont fait valoir que ce seuil de 5 000 $ était trop bas, une observation tout à fait pertinente.

Tout d'abord, comme quelques sénateurs l'ont souligné, il n'est pas certain que ce projet de loi soit constitutionnel. C'est une observation tout à fait pertinente, que je souhaite réitérer.

D'après le témoignage de ministres provinciaux, cette mesure empiète sur les champs de compétence des provinces. Le ministre du Travail de l'Ontario, l'honorable Kevin Flynn, a soutenu que ce projet de loi :

[...] mènerait à des poursuites coûteuses et inutiles pour les syndicats, les gouvernements et les contribuables.

Il faudrait dépenser des fortunes en frais d'avocats. Je dois reconnaître que je viens d'un grand cabinet d'avocats, du plus grand cabinet du monde, en fait. Mais qui voudrait dépenser des milliers ou des millions de dollars de cette manière? Pas moi.

L'honorable Erna Braun, ministre du Travail et de l'Immigration du Manitoba, est du même avis. Selon elle, ce projet de loi :

[...] explore clairement le domaine des relations de travail qui est, en vertu de la Constitution, un domaine qui relève des provinces et territoires [...]

Elle a aussi souligné que la mesure proposée n'était pas le résultat d'un dialogue fructueux avec les organisations patronales et syndicales.

En feuilletant la Charte canadienne des droits et libertés, j'ai remarqué que l'article 32(1) dit ceci :

32. (1) La présente charte s'applique [...]

b) à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature.

(1510)

Les provinces ont-elles toutes un ministre du Travail? Bien sûr que si.

Un autre point qui me préoccupe — et il a été soulevé par le commissaire à la protection de la vie privée, ce qui n'est pas rien —, c'est que le projet de loi prévoit la déclaration de toute activité politique et autre activité non liée aux relations du travail. C'est un affront à la liberté individuelle.

À notre époque, alors que le taux de participation aux élections est si bas — le taux de participation était de 66,1 p. 100 aux dernières élections et de 58,8 p. 100 aux élections de 2008 —, il ne faudrait surtout pas créer un obstacle qui pourrait faire peur aux gens et les éloigner du processus politique. Ce n'est pas l'approche qu'il faut adopter. De toute façon, comment ferions-nous pour qualifier les activités politiques?

D'accord, conformément au projet de loi, faire du porte-à-porte et exercer son droit d'aider des candidats locaux serait considéré comme une activité politique. Faut-il déclarer une telle activité? Ce n'est l'affaire de personne si l'on choisit de distribuer des dépliants de campagne électorale pendant son temps libre. Est-ce que le fait d'assister à un rassemblement politique sur une question constitue une activité politique? Qu'en est-il des appels téléphoniques? En fin de compte, cela n'a pas d'importance. L'État n'a pas le droit de s'immiscer dans les temps libres des gens, et j'estime que ce serait tout à fait scandaleux et inacceptable s'il le faisait.

Les contributions politiques personnelles figurent déjà sur Internet. Le lobbying est déjà visé par la Loi sur le lobbying. Cependant, la liberté des Canadiens de vivre comme ils l'entendent et de participer à des activités politiques, sans être épiés par Big Brother, constitue un droit fondamental. De telles activités ne devraient pas avoir à être déclarées, et le gouvernement ne devrait pas s'en mêler. Je crois qu'il est difficile d'imaginer qu'il ne s'agit pas d'autre chose que d'une attaque mesquine contre le milieu syndical.

Des voix : Non, non!

Une voix : Je ne suis pas d'accord.

Le sénateur D. Smith : Je n'en doute pas. D'importants éléments ont été intégrés au projet de loi dans le but de rendre la vie des membres de syndicats plus difficile. Cependant, ces éléments finiront par causer des problèmes graves pour d'autres industries — qui forment la base conservatrice —, selon l'Institut des fonds d'investissement du Canada, porte-parole de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes et d'autres groupes de professionnels du domaine des investissements. L'Institut des fonds d'investissement du Canada représente 150 organisations et gère des biens dont la valeur totale est d'environ 1,15 billion de dollars. Ainsi, ce projet de loi s'attaque surtout aux grandes entreprises; les organisations ouvrières ne seront pas aussi durement touchées.

L'industrie des fonds communs de placement croit que, en raison du libellé actuel, le projet de loi aura : « [...] des conséquences imprévues graves et coûteuses sur l'industrie des fonds d'investissement au Canada, au détriment des millions de Canadiens qui ont des fonds communs de placement ».

La définition de « fiducie de syndicat » pose problème, puisqu'elle pourrait malencontreusement créer une obligation de rendre compte de tous les fonds communs de placement et de toutes les autres fiducies d'intérêt public. J'aimerais citer un extrait du mémoire qui a été présenté au comité permanent. On peut y lire que la définition contenue dans le projet de loi s'applique à :

[...] toute fiducie ou tout fonds d'investissement organisé en fiducie offerte au public ne serait-ce que si un seul détenteur de titres ou bénéficiaire est membre d'une organisation syndicale, ce qui voudrait dire que ces fonds seraient assujettis à toutes les obligations de rendre compte prévues dans le projet de loi.

Ça alors!

Au Canada, la plupart des fonds communs de placement offerts au public sont organisés en fiducie. Ainsi, tout fonds commun de placement distribué publiquement auxquels participent des milliers de détenteurs de titres serait visé par le projet de loi et serait assujetti aux obligations de rendre compte si un seul des détenteurs travaille dans un milieu syndiqué ou est membre du syndicat dans ce milieu de travail.

Comment peut-on déterminer qui est membre d'un syndicat?

[...] les gestionnaires de fonds communs de placement publics ne disposent d'aucun moyen pour déterminer si un épargnant est membre d'une organisation ouvrière [...] Les conseillers en placements ne demandent pas et n'ont jamais demandé de renseignements sur l'appartenance à un syndicat à leurs clients.

Quant à la portée de la définition d'une fiducie de syndicat, voici ce que l'IFIC a dit :

Compte tenu de tous les barèmes de frais imposés aux investisseurs, un fonds commun de placement détient normalement plusieurs séries de titres. À l'heure actuelle au Canada, il y a plus de 9 000 séries de fonds communs de placement qui pourraient tous être considérés comme des fiducies de syndicat selon la définition actuelle. Il s'ensuit que les 9 000 fonds pourraient être tenus de fournir ces renseignements.

C'est un exercice très coûteux.

L'IFIC ajoute que le projet de loi pourrait aussi toucher d'autres fonds que les fonds communs de placement et s'appliquer :

[...] à n'importe quels autres fiducies et régimes de retraite auxquels pourrait participer un seul membre d'une grande organisation ouvrière, même si la fiducie ou le fonds n'a pas été créé principalement, spécifiquement ou exclusivement pour [...] une organisation ouvrière.

Compte tenu des répercussions que pourrait avoir ce projet de loi, je ne pense pas qu'il a bien été planifié. Le sénateur Cowan et la sénatrice Bellemare ont présenté bien plus d'arguments que le temps me permet de le faire aujourd'hui, mais voici ce que l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes a dit :

Sans [...] modification, la définition exigera des institutions financières qu'elles vérifient, lors de chaque opération effectuée par chaque client, si celui-ci est membre d'une organisation ouvrière, et [...] qu'elles fassent rapport par la suite sur [ces] participants.

C'est manifestement irréalisable, de quelque manière que ce soit.

Donc, c'est la base qui ressentira les effets de cette mesure. Je crois que la mesure comporte beaucoup de lacunes, et je pense tout simplement que nous devrions faire ce qui s'impose, c'est-à-dire mettre ce projet de loi sur la glace, comme nous l'avons fait la dernière fois, à juste titre d'ailleurs. Mettons-le de côté, et peut-être que, à la prochaine session, nous pourrons régler certains de ces problèmes et agir, sans faire subir toutes ces graves conséquences aux gens, des conséquences auxquelles ceux qui ont proposé ces idées n'ont même pas songé. Je crois qu'il serait approprié de le mettre de côté, puis de le corriger.

[Français]

L'honorable Grant Mitchell : Merci beaucoup, madame la Présidente. Il me semble très étrange que l'on doive argumenter sur ce projet de loi une deuxième fois. Je croyais que nous avions complété le débat sur ce projet de loi il y a plusieurs mois. Il y a plusieurs sujets et enjeux qui pourraient être débattus en cette Chambre au lieu de ce projet de loi.

J'ai l'honneur de présenter une lettre et plusieurs courriels que j'ai reçus de la part d'Albertains à ce sujet.

[Traduction]

Je vais commencer par les lire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Mitchell, discutez-vous des amendements?

Le sénateur Mitchell : Oui, tout à fait, je discute de l'amendement, merci beaucoup. C'est un excellent amendement. C'est tout ce que je vais dire à ce sujet, car je veux en arriver à l'essentiel de la question. Ne me suis-je pas exprimé clairement à ce sujet lorsque j'ai parlé en français? Quoi qu'il en soit, je vous remercie d'avoir apporté cette précision.

J'ai reçu une lettre de l'association des pompiers de Calgary — de la section locale 255 de l'Association internationale des pompiers. Mike Carter est président de cette section locale. Je tiens à souligner que, bien entendu, les pompiers font partie des héros dont le premier ministre et d'autres parlent si souvent et qu'ils respectent énormément. Évidemment, si nous sommes en sécurité et jouissons d'une aussi bonne qualité de vie, c'est entre autres grâce à des gens comme Mike Carter et les membres de la section locale 255, de l'association des pompiers de Calgary.

Voici ce qu'il m'a écrit le 26 mai :

Honorable sénateur,

Je vous écris au nom de l'association des pompiers de Calgary pour vous faire part de ses préoccupations concernant le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).

Comme vous le savez, le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-377 aura lieu la semaine prochaine. Depuis la présentation de ce projet de loi, d'innombrables constitutionnalistes ont averti qu'il va à l'encontre de la Constitution du Canada et de la Charte des droits et libertés, et qu'il porte sur une question qui ne relève pas du Parlement.

Ce n'est guère surprenant et, comme l'a souligné mon collègue, le sénateur Smith, ces gens ont raison.

Je reviens à la lettre :

En bref, le projet de loi C-377 s'immiscerait indûment dans la vie privée des particuliers, des entrepreneurs, des employeurs et des représentants syndicaux. Il ne tient compte ni des structures démocratiques fondamentales des syndicats, ni du cadre législatif auquel les syndicats sont déjà assujettis. Qui plus est, la plupart des provinces et le gouvernement fédéral ont déjà des lois obligeant les syndicats à divulguer leurs états financiers à leurs membres, que ce soit automatiquement ou sur demande.

Le 7 mai 2015, le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, a dit au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles que le projet de loi « va trop loin en exigeant la divulgation d'activités non syndicales [...] et les activités politiques ou de lobbying ».

Avant de vous prononcer à l'étape de la troisième lecture, nous vous demandons de réfléchir aux témoignages et aux mémoires sans équivoque qui ont été soumis au Comité des banques et du commerce et à celui des affaires juridiques et constitutionnelles, qui n'ont rien à voir avec quelque organisation ouvrière ou de lobbying que ce soit et qui ont réclamé que le projet de loi soit rejeté.

Ce texte législatif est bourré de défauts et il ne mérite pas d'être adopté. Nous vous prions donc de voter contre le projet de loi C-377 ou d'à tout le moins appuyer tous les amendements qui pourraient le rendre moins épouvantable.

Cordiales salutations,

Mike Carter

(1520)

J'ai aussi reçu un courriel de William Misiewich, qui habite à St. Paul, dans le nord-est de l'Alberta :

Comme vous représentez ma province, l'Alberta, au Sénat, je vous demande de vous opposer au projet de loi C-377.

Ce texte partisan s'en prend aux syndicats et aux travailleurs, en plus d'empiéter sur nos droits à la vie privée et à notre liberté d'expression!!

À mon avis, le projet de loi C-377 est inconstitutionnel, il gaspille l'argent des contribuables, il va semer la division parmi les travailleurs et il ne fera rien pour ramener l'économie sur la bonne voie!!

Si je peux ouvrir une parenthèse, il a tout à fait raison. Il énonce en fait une grande vérité : le gouvernement a bien besoin d'aide pour ramener l'économie sur la bonne voie. Il nous a répété jusqu'à plus soif que l'économie était fragile, et elle ne l'est toujours pas moins. Après 10 ans! Combien de temps devrons-nous attendre avant que vous régliez le problème? Plus très longtemps, j'espère. Toujours est-il que M. Misiewich a raison de dire que cette mesure législative ne fera rien pour ramener l'économie sur la bonne voie. Il poursuit ainsi :

Je vous demande donc de nouveau d'être mon porte-parole et de vous OPPOSER au projet de loi C-377.

Je suis syndiqué depuis le début de ma carrière. Les syndicats donnent aux travailleurs une formation adéquate et efficace dans leur domaine respectif. Ils leur enseignent aussi les conditions de travail et les règles de sécurité.

Je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueux.

Stuart Shigehiro écrit ceci :

Je vous envoie ce courriel pour vous demander de voter contre le projet de loi C-377. Si c'est ce que vous prévoyez faire, je vous en remercie à l'avance.

J'accepte donc ses remerciements. Puis, il ajoute ce qui suit :

Je suis le président de la section locale no 2 du sud-est de l'Alberta de l'association des enseignants de cette province.

Encore un message d'un dirigeant syndical, qui ne parle pas uniquement en son nom. Il poursuit ainsi :

Je m'exprime au nom de nos membres quand je dis que nous nous opposons vivement au projet de loi C-377. Nous estimons qu'il impose aux syndicats des amendes et des sanctions excessives et punitives. Il impose aussi des formalités administratives coûteuses, encombrantes et inutiles aux organisations ouvrières, de même qu'à l'Agence du revenu du Canada. Le projet de loi minera les libertés et les droits juridiques fondamentaux qui sont garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que par certaines lois canadiennes. Il porterait atteinte à la vie privée de millions de Canadiens en forçant les organisations ouvrières et des organisations connexes à donner tous les détails des opérations dont la valeur cumulative est supérieure à 5 000 $. Il s'agit d'un projet de loi très discriminatoire pour un pays multiculturel, pluraliste et démocratique, fondé sur des principes de respect des libertés fondamentales. Le projet de loi C-377 vise explicitement les organisations ouvrières en leur demandant de divulguer sur un site web public des renseignements très détaillés. C'est profondément hypocrite.

Je répète cette dernière phrase : « C'est profondément hypocrite. » M. Shigehiro ajoute ensuite ceci :

Aux termes du projet de loi C-377, toutes les organisations ouvrières seront forcées de divulguer au moins 24 différents états financiers et d'activités détaillés en ce qui concerne l'utilisation de leurs propres fonds. Les députés...

Je ne comprends pas ce que vous dites. Pouvez-vous répéter?

Le sénateur Plett : Au mois d'août, vous pourriez vous prononcer sur ce projet de loi.

Le sénateur Mitchell : Oui. Nous devrions pouvoir nous prononcer sur le projet de loi C-279 aussi. Nous le permettriez-vous? Pourquoi ne pas voter au sujet du projet de loi C-279? Je reprends la lecture de la lettre.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je sais que nous sommes tous fatigués.

Une voix : Silence!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Voudriez-vous terminer votre exposé sur les amendements de la sénatrice Ringuette? Il me semble incroyable que ces pompiers aient été au courant de tous vos amendements.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Ils nous ont écrit en prévision des amendements et nous ont même demandé d'apporter des amendements pour que le projet de loi soit moins inacceptable, alors leurs lettres sont arrivées au moment opportun. Je vous remercie de me le rappeler. M. Shigehiro écrit encore ceci :

Les députés ne publient qu'un seul état financier...

— et il se trouve que beaucoup ne veulent pas nous dire où ils habitent à Ottawa —

... avec seulement 14 postes budgétaires, tandis que les sénateurs n'incluent que cinq postes budgétaires dans leur unique état financier pour nous informer sur leur usage des deniers publics. Comme vous pouvez le voir, nous vous exhortons fortement à voter contre le projet de loi C-377.

Je vous remercie pour votre temps et votre attention...

C'était la lettre de Stuart Shigehiro. Je pourrais vous en lire d'autres encore, et je crois que je vais le faire parce que je les ai sous la main.

Voici la lettre de Randy Stallknecht. Je sais qu'ils n'aiment pas entendre le point de vue des Albertains, mais nous avons une relation organique avec le Canada, dans ce cas avec les Albertains.

Il nous faudrait un peu de silence dans cette enceinte. Je poursuis la lecture :

Je vous écris ce courriel concernant le projet de loi C-377.

Les motifs du gouvernement conservateur m'inquiètent beaucoup lorsque je le vois cibler les syndicats.

Le projet de loi C-377 exige de MON syndicat qu'il publie en détail et à grands frais TOUTES ses activités liées aux négociations collectives, à l'organisation, à la formation, aux conférences, à la politique et au lobbying?

Pourquoi les syndicats sont-ils tenus de divulguer les prestations versées au titre des pensions et des régimes de soins de santé?

Les renseignements sur les membres de mon syndicat PRIVÉ doivent demeurer confidentiels et NE doivent être utilisés SOUS AUCUNE considération par le gouvernement, des entreprises antisyndicales ou le grand public. Depuis quand ai-je perdu mon droit à la vie privée parce que je choisi d'être membre d'un syndicat et de l'appuyer?

Le Parlement doit tenir compte des gens qui l'ont porté au pouvoir. Je le répète, je vous demande de vous OPPOSER au projet de loi C-377.

M. Stallknecht, je m'oppose à ce projet de loi.

Enfin, j'ai ici une lettre de Blaine Kellerman, de l'Alberta, qui nous demande de rejeter le projet de loi C-377. Il écrit ceci :

En tant que contribuable canadien, je suis préoccupé par les coûts faramineux associés au projet de loi C-377, par l'atteinte à ma vie privée qu'il représente, par sa nature inconstitutionnelle et par le fait qu'il entraînera une série de contestations coûteuses devant les tribunaux.

Entre parenthèses, voici un contribuable qui veut faire épargner de l'argent au gouvernement. Voyez-vous cela! Je reviens à sa lettre :

La majorité des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial des banques et du commerce ont exprimé les mêmes préoccupations. Même les membres conservateurs du comité ont, un geste assez inhabituel, voté de manière à exprimer leurs préoccupations quant à la constitutionnalité du projet de loi C-377, à sa rentabilité et à la possibilité de le justifier en vertu des lois sur la protection des renseignements personnels, avant de le renvoyer à l'ensemble du Sénat. Le sénateur Hugh Segal, maintenant à la retraite, a formulé des inquiétudes semblables et a dit que le projet de loi C-377 est « mal rédigé, imparfait, inconstitutionnel et mal conçu sur le plan technique ».

J'aime particulièrement cette citation du sénateur Segal où il dit que le projet de loi est « mal conçu sur le plan technique ». J'aimerais que le député Hiebert soit ici pour entendre cela. Monsieur Hiebert, ce projet de loi est mal conçu sur le plan technique. Il n'est pas étonnant qu'il ne soit pas candidat aux prochaines élections. Je continue :

Lors du dernier examen de ce projet de loi effectué par le Sénat le 25 novembre, la sénatrice conservatrice Elaine McCoy a dit que « [C]e projet de loi est une absurdité. Il constitue un affront au domaine des relations de travail et à la nature du Canada. »

Je suis d'accord avec la sénatrice. En tant que contribuable canadien qui s'oppose fortement à ce projet de loi parce qu'il est inconstitutionnel et qu'il porte atteinte à mes droits et à ceux d'autres travailleurs, je vous exhorte à voter contre le projet de loi C-377 à l'étape de la troisième lecture ou à vous abstenir de voter sur cette mesure législative coûteuse, intrusive et inutile.

Honorables sénateurs, ne vous inquiétez pas. Je ne vais pas m'abstenir de voter. Je vais voter contre ce projet de loi.

Une voix : Blaine est-il au courant?

Le sénateur Mitchell : Blaine va en être informé.

Je vais lui envoyer les transcriptions parce que nous entretenons de bons rapports avec la population et que nous devons les améliorer encore davantage.

Je me souviens très bien que le premier ministre a déclaré qu'il gouvernerait pour tous les Canadiens.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Il a dit qu'il gouvernerait pour tous les Canadiens, sans exception.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Conformément aux règles du premier ministre, qui, comme le sénateur Moore l'a souligné, sont de son cru, il s'agit d'une autre promesse faite et d'une autre promesse rompue.

En fait, à ce que je sache, la plupart des membres des syndicats au Canada sont des Canadiens — ils le sont probablement tous. Certains membres sont peut-être des immigrants, mais ils sont les bienvenus au pays et ils méritent d'être traités équitablement. Je suis sympathique à leur cause. J'ai déjà été courtier en valeurs mobilières. Je crois aux marchés financiers et à la concurrence.

(1530)

Je trouve cela des plus étranges; aucun gouvernement ne songerait à présenter un projet de loi dans le but, par exemple, de donner à RIM un avantage concurrentiel injuste sur, disons, son concurrent Apple. Il ne viendrait à l'esprit de personne de faire cela.

Essentiellement, les syndicats constituent un autre type d'institution économique qui a parfaitement le droit de livrer concurrence, à l'instar des sociétés — mais pas selon le gouvernement actuel. Le gouvernement pense que les syndicats méritent d'être traités différemment, non seulement par rapport aux sociétés mais aussi par rapport aux organisations de bienfaisance, aux associations de juristes, aux associations de médecins et toutes sortes d'autres organisations qui n'ont pas, sauf erreur, l'obligation de soumettre de tels renseignements privés.

Fondamentalement, ce projet de loi est censé avoir pour but l'équité. Pourtant, il n'est pas du tout équitable. Comment se fait-il que le gouvernement pense pouvoir traiter les syndicats injustement en s'ingérant dans leurs affaires confidentielles, en s'ingérant non seulement dans la confidentialité structurelle des syndicats mais aussi dans la vie privée de leurs membres? Comment se fait-il que le gouvernement, qui se dit conservateur — qui prétend s'opposer farouchement à l'ingérence d'un gouvernement omniprésent dans la vie des gens et qui refuse même d'inclure dans le questionnaire du recensement des questions sur le nombre de pièces dans les logements comme si cela constituerait une ingérence excessive —, puisse envisager le genre d'ingérence prévue aux termes du projet de loi?

C'est injuste. En présentant ce projet de loi — envers et contre tous, manifestement —, le premier ministre ne représente pas tous les Canadiens et il ne gouverne pas pour tous les Canadiens. Son style de gouvernance change considérablement d'un Canadien à un autre.

J'ose à peine le demander. Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : Merci. Je vous en suis reconnaissant, vraiment. Puis-je avoir six minutes? Je pourrais parler encore longtemps. Voici quelques autres lacunes.

Le projet de loi est manifestement injuste. Voilà qui devrait déranger la plupart d'entre nous — c'est assurément le cas de ce côté-ci du Sénat. M. Therrien, nommé commissaire à la protection de la vie privée par l'actuel gouvernement, je le souligne, a répondu ceci à l'une de nos questions :

Je pense qu'il va trop loin. La reddition de comptes est un principe important qui peut justifier la divulgation de certains renseignements [...] mais je pense qu'il va trop loin en exigeant la divulgation d'activités non syndicales, comme ce que vous avez mentionné, et les activités politiques ou de lobbying. Je pense qu'il va beaucoup trop loin.

Chers collègues, ce genre d'atteinte à la vie privée ne sera pas sans conséquence.

Comme plusieurs autres juristes, M. Therrien a également soutenu que le projet de loi C-377 pourrait être contesté en vertu de la Charte. Il a mentionné les articles 7 et 8 de la Charte, qui sont pertinents à la protection de la vie privée, et a ajouté que les syndicats ou d'autres organisations pourraient invoquer l'argument de la liberté d'expression et d'association.

On serait porté à croire que le leader du gouvernement, le sénateur Carignan, adhérerait totalement à ces arguments invoquant la Charte. Il est incroyable que ce ne soit pas le cas. Je sais qu'il est en train de dire quelque chose à ce sujet.

La Charte a été clairement évoquée par un certain nombre de gouvernements, dont celui de la Nouvelle-Écosse, qui a fait valoir qu'on se mêlerait indûment de négociations collectives et de relations de travail harmonieuses — de véritables problèmes peuvent survenir lorsque les gouvernements se mettent à déranger cet équilibre — et qu'une telle intrusion dans un domaine protégé par la Charte serait assurément contestée devant les tribunaux.

Plus tôt dans mon discours, j'ai cité le premier ministre, qui a dit — en tous cas, il l'a dit, même si je ne suis pas convaincu qu'il le croit, car ses gestes le contredisent — qu'il veut gouverner le pays dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Il a également dit autre chose dans le contexte d'un autre débat, une chose qui s'appliquerait dans le cas présent. Il a dit qu'il va de soi qu'il faut construire le pipeline Keystone XL. Dans un pays démocratique et équitable comme le Canada, où le gouvernement affirme qu'il gouverne le pays dans l'intérêt de tous les Canadiens, il va également de soi qu'il faut voter contre le projet de loi C-377, et c'est ce que je vais faire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Mitchell, accepteriez-vous de répondre à une question de la sénatrice Ringuette?

Le sénateur Mitchell : Oui, avec plaisir.

L'honorable Pierrette Ringuette : Merci, sénateur Mitchell. Vous avez fait ressortir avec justesse des enjeux qui revêtent une importance particulière pour les travailleurs de l'Alberta, notamment les pompiers et les enseignants.

Je sais que, officiellement, le hockey n'est pas notre sport national, mais, officieusement, il l'est. Savez-vous que l'Association des joueurs de la Ligue nationale de hockey devra fournir ces renseignements parce qu'elle est un organisme de négociation, qui établit les règles d'emploi des joueurs de la Ligue nationale de hockey?

Le sénateur Carignan : Quelle est la question?

La sénatrice Ringuette : L'association devra aussi respecter les exigences de divulgation publique qui figurent dans le projet de loi C-377. Avez-vous reçu des commentaires de gens de l'Alberta à propos de ce groupe de Canadiens?

Le sénateur Mitchell : En fait, je n'ai pas entendu de commentaires portant précisément sur ce sujet. Par contre, je peux vous dire que, à l'heure actuelle, il existe des tensions et des préoccupations bien réelles en ce qui concerne l'équipe de hockey d'Edmonton. Nous avons le premier choix au repêchage. Nous obtiendrons un jeune joueur, Connor McDavid, qui nous donne espoir pour l'avenir de notre équipe de hockey. Ne serait-il pas ironique que ce projet de loi donne lieu à des problèmes lors de la négociation de ce contrat en particulier? On ne peut qu'imaginer le désespoir, le désarroi et la consternation que cela susciterait à Edmonton. Les choses vont mal depuis si longtemps que nous avons réellement besoin de Connor McDavid.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Mitchell, votre temps de parole est écoulé.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat.

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénatrice Fraser, avec l'appui de l'honorable sénateur Cowan, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

L'honorable Jim Munson : Une sonnerie d'une heure.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sonnerie retentira pendant une heure. Honorables sénateurs, ai-je votre consentement?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 16 h 38.

Convoquez les sénateurs.

(1640)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Campbell Joyal
Chaput McCoy
Cools Merchant
Cowan Mitchell
Day Moore
Eggleton Munson
Fraser Ringuette
Hervieux-Payette Smith (Cobourg)
Hubley Tardif—20

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Nancy Ruth
Black Neufeld
Carignan Ngo
Dagenais Oh
Doyle Patterson
Eaton Plett
Enverga Poirier
Frum Raine
Greene Rivard
Lang Runciman
LeBreton Seidman
MacDonald Smith (Saurel)
Maltais Stewart Olsen
Manning Tannas
Marshall Wallace
Martin Wells—38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur le Président : Nous reprenons maintenant le débat sur le projet de loi C-377.

Des voix : Le vote!

La sénatrice Fraser : Sur l'amendement.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Cordy, avec l'appui de l'honorable sénatrice Jaffer, propose que la motion subsidiaire ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'elle soit modifiée en remplaçant le mot « deuxième » par le mot « troisième ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : De toute évidence, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Des voix : Maintenant.

L'honorable Jim Munson : Nous souhaitons que le vote soit reporté à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : Conformément à l'article 9-10(2) du Règlement, le vote est reporté à la prochaine séance, à 17 h 30, et la sonnerie retentira à compter de 17 h 15.

Les travaux du Sénat

La greffière à la lecture : Projets de loi d'intérêt public du Sénat, Rapports de comités. no 1.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Le vote!

Une voix : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 2.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 3.

Le sénateur Cowan : Que faisons-nous au sujet de l'article no 1? Pourrions-nous voter?

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je demande le vote sur l'article no 1.

Une voix : Le vote!

La greffière à la lecture : Projets de loi d'intérêt public des Communes, Rapports de comités.

Des voix : Non!

Le sénateur Cowan : Un instant, s'il vous plaît. À quel article en sommes-nous?

La sénatrice Fraser : Attendez un moment!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je crois que nous en sommes à la rubrique Projets de loi d'intérêt public des Communes, Rapports de comités.

La sénatrice Fraser : Projets de loi d'intérêt public du Sénat.

Son Honneur le Président : Non, nous sommes à la rubrique Projets de loi d'intérêt public des Communes.

Des voix : Non.

La sénatrice Fraser : Votre Honneur...

Son Honneur le Président : Nous avons complété la rubrique Projets de loi d'intérêt public du Sénat, no 1, no...

La sénatrice Fraser : Et nous avons dit « le vote », Votre Honneur. Nous avons demandé le vote.

Son Honneur le Président : Vous avez demandé le vote à propos de quel article?

La sénatrice Fraser : L'article no 1.

Une voix : L'article no 1.

Son Honneur le Président : Êtes-vous d'accord pour retourner à l'article no 1 de la rubrique Projets de loi d'intérêt public du Sénat?

Des voix : Non.

Le sénateur Cowan : Monsieur le Président, nous ne retournons pas en arrière. Dès que l'article a été appelé, j'ai dit « le vote ». C'est donc cet article qui est à l'étude, je crois.

Son Honneur le Président : Honorable sénateur, je crois que le Bureau a entendu « reporté ».

La sénatrice Fraser : Non.

Le sénateur Cowan : Non.

Des voix : Non.

La sénatrice Fraser : Personne n'a dit « reporté ».

Le sénateur Cowan : J'ai dit « le vote ».

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice Martin : Reporté.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président : Je pose la question de nouveau. Le Sénat aurait-il l'amabilité de revenir à l'article no 1 de la rubrique Projets de loi d'intérêt public du Sénat?

Des voix : Non.

Le sénateur Cowan : Nous ne retournons pas en arrière.

Son Honneur le Président : Il n'y a pas de consensus pour un retour en arrière.

Le sénateur Cowan : Sommes-nous maintenant à l'article no 2?

Son Honneur le Président : Nous sommes... Nous sommes...

Le sénateur Cowan : Monsieur le Président...

Le sénateur Munson : Nous l'avons dit.

Le sénateur Cowan : Monsieur le Président, nous étions sous la rubrique Projets de loi d'intérêt public du Sénat. Quand nous sommes arrivés à l'article no 1, j'ai dit « le vote ». J'ai ensuite entendu la sénatrice Martin dire « reporté », puis la confusion a régné. Vous avez jugé que l'article était reporté.

Nous devrions donc pouvoir passer à l'article no 2, le projet de loi S-201.

Son Honneur le Président : J'ai entendu « reporté » après l'appel des articles nos 1 et 2, et je crois que c'est ce que les greffiers ont entendu également.

La sénatrice Fraser : C'est épouvantable.

Le sénateur Cowan : Allez-y.

La sénatrice Fraser : J'ai également dit « le vote ».

Le sénateur Cowan : Où en sommes-nous?

La greffière à la lecture : Projets de loi d'intérêt public des Communes, Rapports de comités, article no 1.

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Vingt-quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman appuyée par l'honorable sénatrice Batters, tendant à l'adoption du vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre), avec amendements), présenté au Sénat le 26 février 2015;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Dyck, que le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié par suppression de l'amendement no 3.

Des voix : Reporté.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Le vote!

L'honorable Grant Mitchell : Pourquoi ne pas tenir un vote sur le projet de loi C-279? Je croyais que vous adoriez ça, voter. Non? Vous êtes censés gouverner pour tous les Canadiens.

Son Honneur le Président : Dois-je relire la motion?

Des voix : Non.

Le sénateur Mitchell : Voilà la démocratie en action. Beau travail.

Son Honneur le Président : Il faut que quelqu'un prenne la parole ou propose l'ajournement du débat sur le projet de loi. Quelqu'un veut-il intervenir? Le débat doit-il être reporté?

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Reporté.

L'honorable Claudette Tardif : Le vote!

Le sénateur Mitchell : C'est incroyable.

Son Honneur le Président : Quelqu'un est-il disposé à poursuivre le débat ou à demander qu'il soit ajourné?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Qu'on ajourne le débat.

Son Honneur le Président : Quelqu'un veut demander l'ajournement?

L'honorable Michael L. MacDonald : Je demande l'ajournement du débat sur le projet de loi à mon nom.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur MacDonald, avec l'appui de l'honorable sénateur Patterson, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Son Honneur le Président : Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur MacDonald, le débat est ajourné, avec dissidence.)

Les travaux du Sénat

La greffière à la lecture : Projets de loi d'intérêt public du Sénat, Deuxième lecture. L'article no 1, reprise du débat sur la motion.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 2.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 3.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 4.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 5.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 6.

Une voix : Reporté.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 7.

La sénatrice Fraser : La greffière a appelé l'article suivant avant que j'aie dit « reporté ».

Une voix : Quelqu'un a dit « reporté ».

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : De votre côté.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, après l'appel de l'article no 6, j'ai clairement entendu la sénatrice Fraser dire « reporté », puis la greffière est passée au numéro 7.

Je comprends que la session a été longue et que le débat a été très vigoureux et mouvementé, mais essayons de maintenir un certain décorum.

(1650)

La sénatrice Fraser : C'est cela, oui. Quelle bonne idée.

Son Honneur le Président : Tentons de venir à bout de l'ordre du jour de façon ordonnée et avec une attitude sénatoriale, comme nous avons l'habitude de le faire.

La greffière à la lecture : Numéro 7.

Le sénateur Cowan : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 8.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 9.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 10.

Une voix : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 11.

Une voix : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 12.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Projets de loi d'intérêt public des Communes, Deuxième lecture. L'article no 1.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 2.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Rapports de comités, Autres. Article no 1.

Le sénateur Cowan : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 2.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 3.

La sénatrice Martin : Reporté.

La greffière à la lecture : Numéro 4.

L'étude sur les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes et sur les services et les avantages offerts aux membres ainsi qu'à leur famille

Adoption du dix-septième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

Le Sénat passe à l'étude du dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Rapport provisoire sur les blessures de stress opérationnel des anciens combattants du Canada, déposé au Sénat le 18 juin 2015.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les problèmes et les solutions possibles liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations

Adoption du douzième rapport du Comité des peuples autochtones et demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Le logement et l'infrastructure dans les réserves : Recommandations de changements, déposé au Sénat plus tôt aujourd'hui.

L'honorable Dennis Glen Patterson propose :

Que le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Le logement et l'infrastructure dans les réserves : Recommandations de changements, déposé au Sénat le 23 juin 2015, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Agriculture et forêts

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Day,

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier :

le processus d'évaluation et d'appel du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA), y compris les programmes de remplacement, Agri-stabilité et Agri-investissement;

la définition, y compris les précédents juridiques et le cadre réglementaire, et l'application des expressions « salaires versés à des personnes sans lien de dépendance » et « salaires versés à des personnes ayant un lien de dépendance » utilisées dans le PCSRA et les programmes connexes, et leur comparaison avec les définitions et applications à Revenu Canada et à Emploi et Développement social Canada;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 mars 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : J'aimerais ajourner le débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion de la sénatrice Marshall, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Son rôle de protection des minorités—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de protection des minorités.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, il s'agit de l'une des interpellations lancées par notre regretté Président, l'honorable sénateur Nolin. Elle vise à attirer l'attention du Sénat sur son rôle de protection des minorités.

J'ai récemment reçu un message extrêmement bien rédigé, signé de la main de l'éditeur du Korean War Veteran, un journal en ligne s'adressant aux anciens combattants du monde entier qui ont participé à la guerre de Corée. L'éditeur de ce journal, Vince Courtenay, est un résidant de Windsor, en Ontario. J'ai reçu son message le 15 juin 2015.

Pendant la semaine où j'ai reçu ce message, nous faisions l'objet d'une couverture médiatique continue et nous subissions énormément de pressions extérieures et, un peu comme aujourd'hui, les émotions étaient palpables. Quand j'ai lu cette poésie qui a su toucher mes yeux, mes oreilles et mon cœur, j'ai trouvé que la situation était paradoxale et injustifiée, d'une certaine façon, parce que je sais que tous les honorables sénateurs en cette enceinte parrainent des causes importantes ou des groupes de personnes extraordinaires. Tous les honorables sénateurs savent ce que j'ai accompli pour aider les anciens combattants de la guerre de Corée. Il m'a fallu du temps pour comprendre ce qui s'est passé là-bas puisque, même si je suis née en Corée — le pays que ces anciens combattants ont servi et protégé —, mes parents n'ont pas voulu me transmettre leur douleur. Ils n'en parlaient que très peu.

C'est seulement lorsque j'ai été nommée sénatrice que je me suis rendu compte de l'occasion qui m'était offerte de faire ce genre de travail et de me mettre au service d'une minorité, d'un groupe oublié à la suite d'une guerre que l'on appelle parfois encore aujourd'hui la guerre oubliée. Pourtant, ce ne devrait plus être le cas parce que nous savons tous que nous avons adopté une motion pour reconnaître les anciens combattants de la guerre de Corée et que nous avons adopté le projet de Loi sur la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée.

Aujourd'hui, alors que Son Honneur nous demande d'adopter une attitude sénatoriale dans nos délibérations, il convient peut-être que je vous fasse une lecture. Le texte de Vince s'intitule « Reflections on the splendour and meaning of our Canadian Senate ».

Certains l'ont peut-être déjà lu. Je l'ai fait suivre aux sénateurs. Ceux qui écoutent nos débats présentement pourront l'entendre s'ils ne l'ont pas déjà lu. Je pense que ces mots sont d'autant plus lourds de sens qu'ils ont été écrits par un homme qui a volontairement traversé l'océan pour protéger des gens qu'il ne connaissait pas. Il était prêt à mourir pour ces gens, mais aussi pour le Canada, afin de défendre la liberté et la démocratie.

Voici ce qu'écrit à tous les sénateurs Vince Courtenay, un ancien combattant de la guerre de Corée qui est âgé aujourd'hui de plus de 90 ans :

Une petite barre en laiton fait office de barrière dans le couloir, juste à l'intérieur des portes menant au Sénat du Canada. Il faut contourner la tige pour entrer dans l'enceinte du Sénat.

Mais personne ne peut entrer au Sénat sans y être invité expressément par un sénateur. Aucun député de la Chambre des communes, qui se trouve pourtant tout près, à l'autre bout du couloir, ne peut entrer au Sénat sans être invité et accompagné par un sénateur. Pas même le premier ministre du Canada.

Cette barre en laiton n'est rien. Une écolière ou un écolier pourrait facilement la pousser ou passer rapidement à côté. Pourtant, personne ne le fait. Personne ne l'a jamais fait. Aucun député, premier ministre, évêque, policier ou étudiant ne l'a fait.

Personne ne l'a fait parce que les Canadiens ont un grand respect pour leurs institutions nationales et parce que le Sénat du Canada est la plus haute des deux vénérables Chambres du Parlement fédéral de notre pays. Il en est ainsi depuis 1867.

(1700)

La barre en laiton ne joue qu'un rôle symbolique; elle constitue un rappel pour ceux qui en ont besoin, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des gens. La véritable barrière à l'entrée de cette Chambre est invisible, mais on la connaît et la ressent. Il s'agit d'une forme de bienséance, d'un respect que l'on éprouve à l'endroit non seulement des personnes nommées pour travailler à cet endroit, mais aussi de l'organe gouvernemental le plus élevé au Canada et de ce pays libre et démocratique.

Dans les pays dirigés par des dictateurs et des conquérants impitoyables, les barres en laiton ont été ouvertes à coups de pied et piétinées à maintes reprises. À ces endroits, des dirigeants cruels ont usurpé le libre arbitre et l'histoire du peuple afin de le soumettre à leur joug.

Au Canada, une telle chose est totalement impensable.

Même si une seule personne tentait d'entrer de force et de s'en prendre aux occupants ou à l'institution — et, par conséquent, aux forces historiques de notre Canada en pleine évolution —, bien des gens mettraient leur vie en danger pour la repousser.

Si des armées tentaient d'en faire autant, de renverser la plus haute de nos Chambres gouvernementales, on pourrait penser que presque tous les Canadiens mettraient leur vie en danger pour la défendre et pour protéger la liberté au pays.

Le Canada ne se résume pas à son territoire et à sa population.

Il représente un état d'esprit, une histoire, une tradition, l'espoir!

C'est notre milieu de vie et, comme nos ancêtres et nous l'avons voulu, c'est l'avant-poste de la bonté, l'ennemi juré de la cruauté et de l'injustice et, dans toute la mesure de nos capacités, le gardien de la paix lorsque surviennent des troubles un peu partout dans le monde.

Le fait de profaner ou de dénigrer l'un des piliers de notre triumvirat parlementaire porterait atteinte à l'esprit de l'un des pays les plus grands et les plus libres du monde, que nous tentons également de transformer en l'un des plus généreux et compatissants.

Franchissons la barre en laiton, sur invitation d'un sénateur et en sa compagnie, comme d'autres ont déjà eu l'honneur de le faire.

De l'autre côté, on remonte le tapis rouge empreint de solennité, puis on passe à côté du Bureau des greffiers et de leurs ouvrages de référence. On dépasse les banquettes où prennent place le leader du gouvernement et le leader adjoint du gouvernement, à gauche, et celles du leader de l'opposition et du leader adjoint de l'opposition, à droite.

Au bout du tapis rouge, se dresse le fauteuil doré du Président du Sénat, d'où ce dernier conduit et gère les affaires quotidiennes.

À l'arrière du fauteuil du Président, côte à côte, se trouvent deux trônes. Si la reine du Canada venait ici pour s'adresser au pays, elle prendrait place dans l'un de ces trônes.

En d'autres occasions, c'est le gouverneur général du Canada, son représentant, qui y prend place, notamment pour l'ouverture d'une législature. C'est de là qu'est lu le discours du Trône, qui expose aux Canadiens ce que leur gouvernement — pas seulement la Chambre des communes, le Sénat aussi — prévoit et espère accomplir chaque année.

Au-dessus des trônes, on remarque un buste de marbre qui ressemble à la reine Victoria dans sa jeunesse. Elle régnait sur l'Empire britannique en 1867, à l'époque où le Canada est devenu une nation unifiée.

Les murs du Sénat sont ornés de huit toiles superbes qui représentent des scènes de ce qu'on appelait à l'époque la Grande Guerre pour la civilisation, qui est maintenant connue dans l'histoire de l'humanité sous le nom de Première Guerre mondiale.

Les tableaux n'expriment pas le penchant pour la barbarie ou pour le militarisme omniprésent qui émane des pays dont les dirigeants soumettent cruellement leur peuple par la force des armes et qui menacent de conquérir leurs voisins ou de leur porter atteinte.

Ces tableaux sont le reflet d'une époque où notre merveilleux pays était différent, au début de cet important conflit, alors que ses citoyens étaient, selon la loi et les usages, les sujets d'un empire mondial.

Ils représentent une époque où tous les peuples de notre magnifique pays se sont unis et ont mis de côté leurs préjugés, dans un esprit national. C'est comme si tout à coup, une lumière différente avait éclairé nos majestueuses montagnes et nos côtes escarpées et que, en ce jour splendide et exceptionnellement lumineux, les Canadiens étaient devenus un peuple distinct.

C'est dans ce contexte mémorable qu'un nouveau Canada s'est créé. Notre pays n'était désormais plus sous la tutelle d'une puissance mondiale ou une annexe de celle-ci; il était maintenant une nation unifiée, composée de personnes uniques, de personnes libres, de personnes fortes, de personnes justes.

Vingt ans plus tard, il y a eu la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle notre pays s'est véritablement distingué. Pendant celle-ci, un dixième de notre population a endossé l'uniforme pour lutter contre la tyrannie en Europe, en Afrique et en Asie. Nombre de ceux qui ont servi pendant la Grande Guerre et qui étaient encore en mesure de participer aux combats ont une fois de plus servi notre pays, se joignant aux autres militaires canadiens, qui étaient de plus en plus nombreux.

Puis, il y a 65 ans ce mois-ci, des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et des milliers de jeunes Canadiens se sont portés volontaires pour défendre la République de Corée, un pays naissant. Plus de 26 000 Canadiens ont participé à la guerre de Corée, qui a duré trois ans. Certains y ont perdu la vie.

Ces personnes se sont engagées dans cette guerre par altruisme et dans un souci de générosité, pour défendre la barre en laiton de la Corée du Sud, pour maintenir et défendre cette barrière symbolique qui protégeait les gens de ce nouveau pays dirigé par des gens élus démocratiquement. En effet, la Corée n'avait établi ce nouveau système de gouvernement que depuis deux ans lorsqu'elle a été envahie par des conquérants, le 25 juin 1950.

Beaucoup de ceux qui ont continué de servir notre pays par la suite ont pu constater que les Canadiens ont agi de la même façon dans beaucoup d'autres pays partout dans le monde. La majorité d'entre eux étaient à la retraite depuis longtemps, mais ils ont vu la relève poursuivre ces nobles missions, notamment pendant toute une décennie lors de la guerre en Afghanistan.

Ce splendide esprit s'est développé. Dans une douce magnificence, des gens de partout dans le monde sont venus sur nos rives. Tout en conservant leur héritage et leur langue, ils ont adopté ceux du Canada, se disant Canadiens, prêts à défendre notre pays avec ardeur et loyauté.

Ils ont contribué à enrichir et à renforcer la fibre du drapeau qui nous représente, sous lequel le peuple canadien, incarnant l'esprit de notre pays, peut accomplir sa merveilleuse et dynamique destinée.

Mon Dieu, avançons ensemble et accueillons les jours nouveaux plus forts, plus libres et meilleurs, continuons d'améliorer le sort de notre pays et de notre peuple et donnons de son abondance aux moins bien nantis, en les aidant avec nos talents, notre détermination et notre cœur.

Ne brisons pas ce qui nous soutient et n'essayons pas, par des expériences imprudentes ou par zèle révolutionnaire, d'éradiquer les forces de l'esprit qui assure et protège notre peuple et fait en sorte qu'il soit bien gouverné et bien servi. Ne détruisons pas, par des gestes ou des réactions irréfléchis, ce que la barre en laiton représente ou ce qui est sa raison d'être.

Une oligarchie débridée, qui adopte sans contrôle les lois de son chef, a été le fléau qui a causé la perte de nombreux petits pays au passé beaucoup plus long que le nôtre, comme certains que nous aidons généreusement aujourd'hui.

Réjouissons-nous que, dans 24 mois, le Canada célèbre son 150e anniversaire; c'est un pays très jeune, au regard de l'histoire, mais dynamique et privilégié, selon les critères du siècle présent.

Le gouverneur général approuvera la remise d'une médaille commémorative par notre monarque à certaines personnes, qui l'auront toutes méritée. Les tristesses de cette journée passées, nous pouvons avancer d'un même cœur et d'un même esprit.

Nous pouvons ouvrir ce grand pays débordant de magnifiques ressources et de remarquables personnes au bon cœur et l'amener en harmonie et avec enthousiasme vers son brillant destin.

Voilà mes pensées à l'aube de ma neuvième décennie. Il leur est arrivé de vaciller par moments, comme le font le vent et les courants, mais elles ont été au cœur d'une bonne partie de ma vie. J'ai la conviction de ne pas être seul à cet égard.

Ce sont les paroles de Vince Courtenay, ancien combattant de la guerre de Corée. Au nom de tous les honorables sénateurs, je remercie sincèrement M. Courtenay et tous ceux qui ont servi honorablement dans la guerre de Corée et d'autres guerres.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 23 juin 2015

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 23 juin 2015, à 16 h 13.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable Le Président du Sénat Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mardi 23 juin 2015 :

Loi modifiant le Code criminel (animaux d'assistance policière, animaux d'assistance militaire et animaux d'assistance) (projet de loi C-35, chapitre 34, 2015)

Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire (sécurité des personnes et des biens) (projet de loi C-627, chapitre 35, 2015)

Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures (projet de loi C-59, chapitre 36, 2015)

Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires (projet de loi C-586, chapitre 37, 2015)

Loi modifiant la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada (projet de loi C-61, chapitre 38, 2015)

Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers (projet de loi C-64, chapitre 39, 2015)

Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (projet de loi C-72, chapitre 40, 2015)

(1710)

[Traduction]

Les Rohingyas musulmans du Myanmar

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, ayant donné préavis le 3 juin 2015 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la persécution des Rohingyas musulmans au Myanmar et sur le mandat du Bureau de la liberté de religion du Canada.

— Honorables sénateurs, alors que nous nous apprêtons à ajourner nos travaux pour l'été et à retourner dans nos maisons douillettes, j'aimerais vous rappeler le triste sort des Rohingyas. Les Rohingyas du Myanmar n'espèrent qu'une chose : trouver un jour un pays qu'ils pourront appeler le leur. Ils sont victimes de persécution au Myanmar et doivent fuir le pays. Ils n'ont plus de patrie.

Je m'adresse à vous aujourd'hui, pleine d'émotions, pour vous parler de la situation des Rohingyas du Myanmar, qui, après des mois de misère et de souffrance, cherchent toujours une terre d'accueil.

Depuis les derniers mois, les Rohingyas fuient le Myanmar, leur pays natal, parce qu'ils craignent d'être persécutés. Ils espèrent trouver une terre d'accueil où ils pourront vivre en paix. Des passeurs avaient promis de les emmener dans des pays voisins, notamment en Thaïlande et en Malaisie, où ils pourraient trouver du travail et vivre sans crainte de persécution. Les Rohingyas ont ainsi cru qu'ils trouveraient enfin un pays où ils pourraient vivre en sécurité, mais leur espoir a été de courte durée, puisque les autorités de ces pays ont pris des mesures sévères pour mettre fin au passage de clandestins. Les passeurs ont quitté le navire, après avoir menacé de battre, de violer ou de tuer tout Rohingya qui tenterait de les suivre. Malheureusement, les Rohingyas se sont retrouvés seuls dans le golfe du Bengale, contraints de trouver un endroit où demander refuge, où ils seront les bienvenus.

Bien que des pays voisins comme la Thaïlande et la Malaisie aient offert d'accueillir les Rohingyas dans des camps temporaires, le sort des Rohingyas est toujours incertain. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime qu'il y a plus de 810 000 apatrides au Myanmar. Ces personnes n'ont pas de pays d'attache. Les Nations Unies ont conclu que plus de 416 000 personnes ont besoin d'une aide humanitaire, et que 140 000 d'entre elles sont des personnes déplacées qui vivent dans des camps, dans des conditions très difficiles, et d'autres encore n'ont aucune citoyenneté et vivent dans des villages isolés.

D'après les Nations Unies, l'accès à des soins de santé et à des gagne-pain adéquats demeure un grave problème pour les personnes déplacées et les communautés vulnérables de l'État de Rakhine. De plus, les restrictions imposées à la liberté de mouvement de centaines de milliers de personnes compromettent grandement leurs droits fondamentaux en matière de nourriture, de soins de santé, d'éducation, de gagne-pain et d'autres services de base, ce qui les laisse dépendants de l'aide humanitaire.

L'acteur américain Matt Dillon s'est rendu récemment au Myanmar afin de mieux comprendre les conditions de vie des Rohingyas. Après avoir visité la ville de Sittwe, il a expliqué que les Rohingyas musulmans ne peuvent pas se déplacer à leur gré dans la ville; ils doivent rester dans le quartier Aung Mingalar. Ce quartier est entouré de barbelés et, quand Dillon a tenté de prendre des photos, des policiers armés l'en ont empêché.

Il existe des différences extrêmes entre Aung Mingalar et Sittwe. Dans l'une de ces collectivités, il y a des marchés, de l'électricité, on se sent comme dans une ville normale. Dans l'autre, un village aux allures d'apocalypse, les constructions tombent en ruine, les commerces ont fermé et il n'y a pas d'électricité. La nourriture et les médicaments sont rares, tout comme les terres agricoles et les services gouvernementaux de base. Il est pratiquement impossible de gagner sa vie. Les Rohingyas dépendent donc de la générosité des groupes humanitaires et des occasions où ils peuvent fréquenter les marchés de l'extérieur du ghetto.

George Soros, un financier et philanthrope qui œuvre à promouvoir la démocratie, s'est rendu au Myanmar en janvier. Pendant une conférence au sujet des Rohingyas prononcée à Oslo quelques semaines avant son voyage, il a établi des parallèles entre leur situation et ce qu'il a vécu en tant que jeune juif, quand l'Europe était sous l'occupation nazie. Il a expliqué ainsi :

La menace la plus pressante qui plane sur la transition de la Birmanie, c'est l'intensification graduelle de la vague antimusulmane et les mauvais traitements infligés aux Rohingyas au vu et su des autorités. ils sont victimes de ségrégation et subissent des privations terribles. On peut établir un parallèle inquiétant entre cette situation et le génocide nazi.

Vous voyez, en 1944, en tant que Juif vivant à Budapest, j'étais traité comme un Rohingya.

Deux options s'offrent aux Rohingyas, et les deux sont sans issue : ils peuvent vivre sur leurs terres et appeler les camps protégés par des fils barbelés où ils sont installés leur chez-soi, ou ils peuvent prendre le risque de monter à bord d'un navire surchargé pour aller s'établir dans un pays voisin où ils ne sont pas les bienvenus. Dans un cas comme dans l'autre, il est clair que les Rohingyas forment le peuple le plus indésirable au monde, pour reprendre les mots utilisés par le Jewish Journal. En effet, ils sont continuellement persécutés, ils ont été abandonnés à leur sort et personne ne veut les accueillir. La BBC a affirmé que les Rohingyas forment un peuple indésirable qui vit une crise sans fin.

Honorables sénateurs, on s'efforce de sensibiliser davantage la population à cette situation, mais il faut apporter des changements importants pour que la situation puisse enfin s'améliorer. Le gouvernement du Myanmar n'a pris aucune mesure et n'a donné aucune directive afin de mettre fin à la crise. En fait, le gouvernement du Myanmar refuse de reconnaître la citoyenneté des 1,3 million de Rohingyas qui se trouvent sur son territoire. Il utilise le terme « bengalais » pour les désigner. Même si de nombreuses générations de Rohingyas ont habité le Myanmar au fil des ans, le gouvernement considère que ce sont des immigrants illégaux.

Les Rohingyas ont désespérément besoin de nourriture et d'eau; ils sont même contraints de boire leur propre urine pour assurer leur survie. Les ressortissants du Myanmar, eux, manifestent et veulent que leur gouvernement prenne les mesures qui s'imposent pour que les Rohingyas ne reviennent pas habiter l'État de Rakhine. Soe Naing, coordonnateur des programmes sociaux de l'État de Rakhine, a déclaré ce qui suit :

Nous avons manifesté de façon pacifique pour exprimer notre déception et notre inquiétude. Nous voulons aussi envoyer un message clair au gouvernement du Myanmar, à l'Organisation des Nations Unies et aux organisations non gouvernementales internationales : ces migrants doivent être rapatriés immédiatement et nous ne pouvons tolérer leur présence sur la terre de Rakhine.

Honorables sénateurs, comment le gouvernement du Myanmar peut-il rapatrier les Rohingyas qui se trouvent sur son territoire alors que ceux-ci sont, en réalité, originaires du Myanmar?

Le Canada a joué un très grand rôle pour favoriser l'avènement d'une société démocratique au Myanmar. En 1988, le Canada a imposé des sanctions diplomatiques et économiques au Myanmar en réaction aux violations répandues des droits de la personne et à la répression des manifestants par l'armée.

Le Canada a joué un rôle capital dans la libération de la militante pour la démocratie Aung San Suu Kyi, qui a été détenue pour des motifs politiques au Myanmar pendant 15 ans avant d'être finalement libérée en 2010. Elle est maintenant la présidente du principal parti de l'opposition, la Ligue nationale pour la démocratie. C'est après sa libération et le versement de 2 millions de dollars pour consolider le passage du Myanmar à la démocratie que le Canada a fini par lever ses sanctions.

Alors que le Myanmar progresse sur la voie de la démocratie, le Canada a exhorté ses dirigeants à continuer à faire avancer la démocratie et à améliorer la situation au chapitre des droits de la personne en libérant les prisonniers politiques qui restaient et en mettant fin au conflit dans les zones où vivent des minorités ethniques. En levant les sanctions, le Canada s'est engagé à suivre l'évolution de la situation au Myanmar en espérant que les changements continueront d'être positifs. Toutefois, dans l'éventualité où la situation au Myanmar se détériorerait, le Canada a dit être prêt à imposer de nouveau des sanctions.

En 2012, le ministre canadien des Affaires étrangères de l'époque, le ministre Baird, a rencontré Aung San Suu Kyi pour lui remettre un certificat reconnaissant son titre de citoyenne canadienne honoraire. Mme Suu Kyi est devenue l'une des cinq personnes à avoir reçu cet honneur. À cette occasion, le ministre Baird a dit ce qui suit :

Nous encourageons les autorités à poursuivre leurs réformes de façon à assurer une plus grande ouverture et plus de liberté pour la population birmane.

(1720)

Mme Suu Kyi a répondu ceci :

Le Canada nous a grandement aidés dans notre transition vers la démocratie.

Elle a ajouté ceci :

[...] Notre gouvernement doit faire de son mieux pour aider d'abord la population de notre pays. Tant qu'il ne pourra pas démontrer sa capacité à le faire, il ne servira à rien de nous demander pourquoi d'autres pays ne nous viennent pas en aide.

Honorables sénateurs, je suis troublée d'apprendre que, malgré sa transition vers une société démocratique, amorcée après un demi-siècle de dictature militaire, le Myanmar a soudainement fait un grand pas en arrière. Je suis consternée qu'Aung San Suu Kyi n'ait pratiquement rien dit ou fait pour résoudre la crise des Rohingyas. Ce n'est que récemment qu'Aung San Suu Kyi a parlé de cette crise après que le monde entier ait critiqué son silence. Voici ce qu'elle a dit en entrevue :

[...] la protection des droits des minorités est une question qui devrait être abordée avec beaucoup de prudence. C'est un sujet très délicat, car il existe de nombreux groupes raciaux et religieux, et ce que nous faisons à un groupe peut également avoir des répercussions sur d'autres groupes.

Quand on a demandé à Aung San Suu Kyi si les Rohingyas devraient se voir accorder la citoyenneté, elle a évité la question.

En 2012, lorsqu'elle a accepté le prix Nobel de la paix qu'elle avait remporté en 1991, alors qu'elle était assignée à résidence, elle a déclaré ceci :

Notre principal objectif devrait être de créer un monde où on ne sait pas ce que c'est que d'être déplacé, sans foyer et désespéré, un monde dont chaque région est un véritable sanctuaire où les habitants sont libres et capables de vivre en paix.

Dans ce cas, honorables sénateurs, pourquoi Aung San Suu Kyi hésite-t-elle autant à parler directement des Rohingyas et de leur droit d'obtenir la citoyenneté dans leur pays d'origine? Pourquoi Aung San Suu Kyi n'a-t-elle rien fait pour promouvoir la paix et la justice pour les Rohingyas du Myanmar? Les injustices auxquelles les Rohingyas sont actuellement confrontés ne sont-elles pas les mêmes que celles contre lesquelles Aung San Suu Kyi s'est battue lorsqu'elle était assignée à résidence? Nous avons tous lutté avec acharnement pour qu'elle soit libérée, et maintenant elle se tait.

Honorables sénateurs, je suis ravie de vous dire que le gouvernement canadien a joué un rôle déterminant dans ce dossier. M. Bennett, ambassadeur de la liberté de religion du Canada, a réclamé la fin de la persécution des Rohingyas quand il a rencontré récemment le ministre des Affaires étrangères et le sous-ministre des Affaires religieuses du Myanmar durant une visite dans ce pays. Honorables sénateurs, la Birmanie doit jouer un rôle plus constructif. Le Canada a appuyé la libération d'Aung San Suu Kyi, et nous devons défendre avec le même zèle les libertés des Rohingyas.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier aujourd'hui M. Bennett, ambassadeur de la liberté de religion, de son travail acharné sur ce dossier et de tous les efforts qu'il déploie.

Après avoir aidé le Myanmar à évoluer dans la bonne direction et avoir accordé le titre de citoyenne honoraire canadienne à Aung San Suu Kyi, le Canada doit respecter ses engagements envers ce pays, surtout au moment où les Rohingyas du Myanmar subissent des injustices inimaginables et ont besoin de notre aide. Comme il l'a fait auparavant, le Canada doit continuer à dénoncer haut et fort ce qui se passe au Myanmar.

Si nous faisons abstraction de la religion, de la race et de l'ethnie, nous sommes tous pareils. Il n'est pas question ici de religion ou d'ethnicité, mais plutôt d'humanité et de compassion. En tant qu'êtres humains, que faisons-nous pour nos semblables qui ont besoin de notre aide? Que faisons-nous pour montrer notre compassion? Ce sont des questions comme celles-ci qui me touchent profondément au cœur.

Je veux vous raconter l'histoire de Mohammed et Dala Banu. Ils vivaient tous les deux dans un village au Myanmar où ils possédaient une ferme avec cinq vaches, trois taureaux et un troupeau de chèvres. Ils vivaient paisiblement avec leur fille, et leur vie était agréable. Mohammed habitait dans le même village que son père, son grand-père et son arrière-grand-père. Sa famille avait des racines au Myanmar. C'était le pays qu'elle considérait comme sa patrie.

Malheureusement, leur plaisante existence a été perturbée lorsque Mohammed a été forcé de travailler en tant que porteur, dans des conditions proches de l'esclavage, sans eau ni nourriture. Durant cette période, sa ferme a été négligée et est tombée en ruine. Ses vaches et ses chèvres se sont mises à disparaître. Les gens se sont mis à le traiter, lui et sa famille, d'intrus bangladais.

Se sentant de trop dans son propre pays, la famille a fui pour aller s'installer dans un camp de réfugiés au Bangladesh, où la fille de Mohammed et Dala a été sauvagement violée. À la suite de cette tragédie, la jeune femme a été transférée au Canada, où elle tente actuellement de s'établir.

Mohammed et Dala, eux, continuent de vivre au camp de réfugiés de Kutupalong et parlent à leur fille aussi souvent que possible. Même s'ils ont vécu la moitié de leur existence dans un camp de réfugiés, vu leur famille déchirée et perdu leur maison, Mohammed et Dala gardent espoir qu'un jour, ils trouveront un foyer bien à eux.

Ils espèrent que leur village sera un jour libéré de l'armée cruelle qui l'occupe et des voisins horribles qui refusent de les voir pratiquer une religion différente de la leur. Ils espèrent y retourner tôt ou tard et remettre leur ferme en état. Ils espèrent que leur fille reviendra du Canada et qu'ils vivront ensemble des jours heureux, chez eux, au Myanmar. C'est grâce à ces espoirs qu'ils arrivent à traverser chaque journée.

Honorables sénateurs, moi qui suis fière d'être Canadienne, je ne puis imaginer ce que je ferais si on me chassait de mon propre pays, là où j'ai élevé ma famille et fondé un foyer. Or, c'est le sort que connaissent des millions de Rohingyas comme Mohammed et Dala, dont les familles ont vécu au Myanmar depuis des générations et qui tentent actuellement de s'établir ailleurs, parce qu'on leur refuse la citoyenneté et qu'on les menace de persécution dans leur propre pays d'origine.

J'interviens aujourd'hui pour exhorter le Canada et les Canadiens à prendre position contre le traitement injuste des Rohingyas du Myanmar. Le Canada n'a pas d'égal au chapitre de la promotion du changement et de la paix, c'est pourquoi j'espère que nous aurons le courage de contribuer à la réalisation des aspirations de Mohammed, de Dala et des autres Rohingyas.

Les Rohingyas ont besoin que nous leur venions en aide avec l'ardeur que nous avons déployée pour libérer Aung San Suu Kyi. Ils ont besoin de nos voix, de notre soutien, de notre pouvoir diplomatique pour les aider à regagner leur pays d'origine, le Myanmar, et y vivre en paix. Ils ont besoin d'avoir un chez eux.

Honorables sénateurs, nous pouvons les aider, tout comme nous avons aidé Aung San Suu Kyi à être libérée. Merci beaucoup.

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Jaffer d'avoir officiellement lancé une interpellation sur la question. En nos qualités respectives de présidente et de vice-présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, la sénatrice Jaffer et moi nous préoccupons beaucoup du sort des Rohingyas, un peuple musulman, en Birmanie. Nous avons toutes deux parlé des Rohingyas à plusieurs occasions.

La question tombe à point comme nous venons tout juste de célébrer la Journée mondiale des réfugiés le 20 juin. On estime à 2 000 le nombre d'immigrants rohingyas et bangladais toujours abandonnés à leur sort en mer. À l'origine, aucun pays voisin ne voulait en faire sa responsabilité. En réaction aux pressions de la communauté internationale, la Malaisie et l'Indonésie ont accepté d'en accueillir certains à condition qu'ils trouvent un autre endroit où s'installer dans un délai d'un an. La Thaïlande n'a toujours pas dit oui.

Le problème n'a rien de nouveau. Les Rohingyas font partie du paysage birman depuis des siècles; ils coexistaient paisiblement avec les autres populations jusqu'à ce qu'une loi sur la citoyenneté adoptée en 1982 les rende apatrides. Le Canada était le premier pays à réinstaller des réfugiés rohingyas qui fuirent en direction du Bangladesh au début des années 1990. De 2006 à 2010, plus de 300 réfugiés rohingyas se sont installés en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.

Toutefois, la violence s'est intensifiée en 2012, lorsque des émeutes généralisées entre des bouddhistes rakhines et des musulmans ont fait 200 morts et entraîné le déplacement de milliers de personnes. Les médias ont rapporté des images choquantes de ces actes de violence. Par ailleurs, on a récemment découvert des fosses communes en Thaïlande, près de la frontière du pays.

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a étudié la situation de la Birmanie dans le cadre de son étude sur la région de l'Asie-Pacifique. Lors d'une réunion tenue en février dernier, Duncan McArthur, directeur des partenariats de l'organisation The Border Consortium, a dit ceci :

Au début, on ciblait les Rohingyas de l'État de Rakhine, mais la menace s'est étendue au cours des deux dernières années pour embrasser une confession religieuse plus générique et viser les musulmans dans tout le pays.

Un autre témoin, Kevin Malseed, directeur de programme de l'organisme Inter Pares, a résumé la situation comme suit :

[...] j'ai vu plus souvent qu'à mon tour des villages où les bouddhistes, les musulmans et les chrétiens ont cohabité pendant des décennies, voire pendant un siècle. Il y avait tout de même une certaine ségrégation. Il n'y avait pas beaucoup de mariages entre ces groupes, mais c'est arrivé quelques fois. Chose certaine, c'est qu'il n'y avait pas de violence. Il n'y avait pas de tension de ce type. Alors, une bonne partie de ce qui arrive est tributaire d'un cercle vicieux. Les ultranationalistes tentent d'attiser les flammes, puis certains dirigeants politiques et militaires se joignent au mouvement, estimant que cet enjeu sera peut-être un bon cheval de bataille pour les prochaines élections.

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En 2013, 1,3 million de Rohingyas musulmans vivaient en Birmanie. Selon les Nations Unies, il s'agit de l'une des minorités les plus persécutées au monde. Parallèlement, la Birmanie retient l'attention de la communauté internationale depuis que le gouvernement a entamé en 2010 des réformes de nature politique, économique et administrative. En avril 2012, le Canada s'est dit encouragé par ces changements et a assoupli les sanctions qui avaient été prises contre ce pays. Quelques mois plus tard, John Baird, ancien ministre des Affaires étrangères, a annoncé que le Canada établirait une ambassade en Birmanie. Le ministre Baird a déclaré ce qui suit : « [...] [l]e Canada est prêt à aider le gouvernement birman de quelque manière que ce soit à aller de l'avant en s'appuyant sur les fondements démocratiques ainsi que sur la liberté et les droits de son peuple. »

Cela s'est produit avant la création du Bureau de la liberté de religion du Canada en février 2013. Presque immédiatement, en mars de la même année, Andrew Bennett, ambassadeur pour la liberté de religion, a fait une déclaration sur la violence meurtrière en Birmanie. Il a déclaré que le Canada, par l'intermédiaire de son ambassade, collaborerait avec les autorités birmanes pour promouvoir les droits de la personne, la démocratie et la liberté de religion.

En mai 2013, l'ambassadeur Bennett s'est rendu en Birmanie et s'est entretenu avec le ministre des Affaires étrangères et le sous-ministre des Affaires religieuses. L'ambassadeur Bennett a annoncé qu'un financement de plus de 580 000 $ serait versé pour la réalisation de deux projets. Ces projets visent à promouvoir la liberté de religion par l'éducation et doivent aider la Birmanie à accroître sa capacité d'intervention lorsque des violations de la liberté de religion sont commises.

Au total, le Canada a versé plus de 8 millions de dollars en aide humanitaire à la Birmanie en 2014. Ce financement a notamment permis de fournir une aide humanitaire cruciale aux personnes les plus vulnérables dans les régions ethniques de la Birmanie qui sont touchées par le conflit.

Au Comité sénatorial permanent des droits de la personne, nous étudions le dossier des travailleurs du vêtement dans des pays en développement comme le Bangladesh. Nous tentons d'établir comment nous pouvons effectuer des échanges commerciaux tout en veillant à ce que les droits de la personne soient respectés. Nous sommes aux prises avec le même problème en Birmanie.

La Birmanie est un pays ciblé dans les efforts de développement international du Canada et elle constitue un marché prioritaire du Plan d'action sur les marchés mondiaux du Canada. Notre commerce bilatéral avec la Birmanie augmente constamment. La valeur totale des échanges commerciaux est passée de 4,8 millions de dollars en 2012 à plus de 26 millions de dollars en 2014.

Lors des travaux du Comité des droits de la personne, nous avons appris que la Birmanie allait probablement bientôt faire partie des plus grands exportateurs de vêtements. C'est une bonne nouvelle pour ce qui est du développement économique, mais c'est une nouvelle inquiétante quand on songe au peu de respect pour les droits de la personne qui caractérise déjà ce pays.

Alors que la Birmanie se dirige vers des élections générales cet automne, le Canada continuera de l'aider sur la voie de la croissance économique durable et des progrès démocratiques. On observe des signes encourageants, notamment les pourparlers en cours pour conclure un cessez-le-feu national, bien qu'il continue d'y avoir escalade du conflit et de la crise des réfugiés.

Un peu partout dans le monde se font entendre des appels à l'action. Des manifestations ont eu lieu à Londres et à New York contre la persécution de la minorité musulmane. Une manifestation a eu lieu à Calgary à la fin de mai. Ce mois-ci, des manifestations ont eu lieu dans le monde musulman, notamment à Karachi, au Pakistan, et à Kaboul, en Afghanistan.

Cependant, personne ne s'est élevé contre ces atrocités en Birmanie même. L'acteur Matt Dillon a visité la région et a déclaré que la situation était à fendre le cœur. Il a dit ceci :

Je suis déjà allé à des endroits dans le monde où la menace de violence semblait plus imminente. Ici, c'est autre chose. On dirait que les gens vont plutôt mourir à petit feu, dans l'indifférence [...] Beaucoup de gens souffrent.

Le dalaï-lama a récemment demandé à la dirigeante politique et lauréate du prix Nobel Aung San Suu Kyi de faire quelque chose. L'archevêque sud-africain Desmond Tutu a exprimé des inquiétudes semblables.

Honorables sénateurs, il est conforme aux valeurs canadiennes de protéger et de promouvoir la liberté de religion ou de croyance au Canada et dans le monde entier. Répondons à l'appel à l'action et exigeons de toutes les parties qu'elles mettent fin immédiatement à la violence. Il nous incombe, honorables sénateurs, d'agir en citoyens du monde et d'être la voix des sans-voix.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Comme le Comité des affaires étrangères et du commerce international étudie la situation des Rohingyas, je vais demander que le débat soit ajourné.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

L'honorable Marjory LeBreton, C.P.

Retrait d'une interpellation

À l'appel de l'interpellation no 60 par l'honorable Marjory LeBreton :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur ses 22 ans de carrière au Sénat du Canada qui s'achèvera officiellement le jour de son anniversaire, le 4 juillet prochain.

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, comme j'ai pu formuler mes observations lors des hommages qui m'ont été rendus vendredi dernier, j'aimerais que cette interpellation soit retirée du Feuilleton des préavis.

(L'interpellation est retirée.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à vous informer qu'un cocktail aura lieu en l'honneur des services de sécurité du Sénat à la pièce S-160. Vous êtes tous cordialement invités à y participer.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 25 juin 2015, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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