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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 10

Le mardi 2 février 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 2 février 2016

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du très honorable Joe Clark, 16e premier ministre du Canada, de l'honorable Henry Newton Rowell Jackman, ancien lieutenant-gouverneur de l'Ontario et frère de la sénatrice Nancy Ruth, de M. Fredrik S. Eaton, ancien haut-commissaire au Royaume-Uni et beau-frère de la sénatrice Eaton, de l'honorable juge Sidney Linden et de l'honorable Joe Oliver. Ils sont les invités de l'honorable Irving Gerstein.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale également la présence à la tribune d'anciens collègues : l'honorable David Angus, l'honorable Michael Meighen et l'honorable Marjory LeBreton. Ils sont les invités de l'honorable Irving Gerstein.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale également la présence à la tribune de la famille de l'honorable Irving Gerstein : son épouse, Gail; sa fille, Marcy; son fils, Frank, accompagné de sa femme Laurie May; sa fille Carrie; le frère du sénateur, Ira Gerstein, et plusieurs bons amis.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable Irving Gerstein, C.M., O.Ont.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai reçu un avis du leader de l'opposition qui demande, conformément à l'article 4-3(1) du Règlement, que la période consacrée aux déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui pour rendre hommage au sénateur Irving Gerstein, qui prendra sa retraite du Sénat le 10 février 2016.

Je rappelle que, conformément à notre Règlement, les interventions des sénateurs ne peuvent dépasser trois minutes, qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois et que le temps alloué aux hommages est limité à 15 minutes. Toutefois, ces 15 minutes ne comprennent pas le temps de réponse alloué au sénateur à qui l'hommage est rendu.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de saluer notre collègue et ami, l'honorable sénateur Irving Gerstein, qui prendra sa retraite le 10 février prochain à l'occasion de son 75e anniversaire.

Au cours des sept années durant desquelles il a rendu de loyaux services au Sénat du Canada, l'expérience de notre collègue, sa vision, son dévouement et sa collégialité ont été de précieux atouts pour la Chambre haute, à laquelle il a contribué de nombreuses façons. Il s'est mérité le respect et l'admiration des honorables sénateurs des deux côtés, des Ontariens et des Ontariennes qu'il a représentés en cette Chambre et, enfin, des nombreux Canadiens et Canadiennes qui ont bénéficié de ses réalisations.

Lorsqu'il a été nommé au Sénat le 2 janvier 2009 par le très honorable Stephen Harper, le sénateur Gerstein avait une feuille de route remarquable à titre de Canadien engagé dans sa communauté et d'homme d'affaires reconnu pour ses succès.

(1410)

[Traduction]

Décoré de l'Ordre du Canada en 1999, pour sa contribution en tant qu'homme d'affaires respecté et à titre de bénévole et philanthrope loyal et diligent, et de l'Ordre de l'Ontario en 1992, le sénateur Gerstein — reconnu comme un géant dans le plus grand empire de bijouterie de détail au monde — est lui-même un joyau. Ayant dirigé, tout au long de sa carrière, un certain nombre de sociétés canadiennes, le sénateur Gerstein a su mettre à profit son sens aigu des affaires au Sénat.

[Français]

Muni d'un diplôme de la Wharton School of Finance and Commerce et après des études à la London School of Economics, le sénateur Gerstein était plein de fougue et d'ambition dès son jeune âge. Né à Toronto, il a grandi dans cette ville. Il est le petit-fils d'un horloger lithuanien qui a ouvert une boutique sur la rue Queen en 1919. Lorsqu'il a pris l'entreprise en charge, M. Gerstein père l'a transformée pour en faire la première chaîne canadienne de bijouterie-joaillerie — les magasins Peoples —, qui compte des boutiques partout au Canada.

Grand spécialiste d'entreprise, le sénateur Gerstein a pris le monde des affaires par les cornes et a mis sur pied de nombreuses compagnies qui sont devenues prospères. Il est un homme comme on en voit rarement, qui sait profiter des occasions, prendre des risques et revitaliser par ses actions un secteur économique. J'ai toujours été impressionné par la profondeur de ses connaissances et par sa disposition à les diffuser de bon cœur.

[Traduction]

La politique lui a également permis de remporter du succès dans le monde des affaires. Politicien aguerri, il s'est lancé dans ce domaine vers l'âge de 25 ans. Voilà que, cinq décennies plus tard, on le surnomme « le meilleur collecteur de fonds au Canada » et, en tant que président du Fonds conservateur du Canada, c'est tout un atout!

[Français]

En fait, le sénateur Gerstein mérite notre reconnaissance pour avoir révolutionné le financement des partis politiques. Il lui a fallu adopter une vision — et avoir de l'esprit — pour inciter les Canadiens et les Canadiennes à s'intéresser à la politique. Or, notre collègue a déjà dit ce qui suit, et je cite :

Pour réussir à récolter de l'argent, un parti politique doit attirer des Canadiens ordinaires... La réussite du Parti conservateur pour ce qui est du financement n'est pas attribuable à la profondeur des poches de nos donateurs, mais à l'ampleur de notre base de soutien.

Cette citation montre bien la détermination qui a contribué à mettre un terme à la politicaillerie au Canada.

Honorables sénateurs, c'est de ce même concept que le sénateur Gerstein s'est inspiré pour faire des magasins Peoples une entreprise des plus fructueuses. Le nom de la compagnie, d'ailleurs, représente bien sa philosophie d'affaires : un bijoutier au service de tous. L'entreprise devait avoir de larges assises pour que M. Tout-le-Monde puisse offrir un diamant à son épouse, au moyen de mensualités. Il s'agissait d'un concept brillant à plus d'un titre.

Le sénateur Gerstein est un homme politique intelligent, connu pour ses complets à rayures, et nous sommes fiers qu'il fasse partie de la famille conservatrice. Il est l'un de ses piliers depuis aussi longtemps qu'on se souvienne, mais il compte des amis qui proviennent des autres partis également. C'est un homme qui a toujours fait preuve de camaraderie à l'égard de ses collègues du Sénat. C'est aussi un homme posé, à la grande conscience sociale, qui n'a pas hésité à partager son temps et ses connaissances avec sa communauté, souvent à titre bénévole.

À titre d'ancien président du conseil et d'administrateur honorifique de l'hôpital Mont Sinaï de Toronto, son engagement communautaire est sans pareil. Bien qu'il reste humble et modeste à ce sujet, le sénateur Gerstein a donné très généreusement à l'hôpital au cours des années. On peut réellement affirmer que cet ancien bijoutier a un cœur d'or. En outre, le sénateur Gerstein est un homme qui apporte une contribution immense à son pays, à sa communauté et à la politique.

De plus, il a un excellent sens de l'humour, et ses discours, vous en conviendrez, sont toujours l'occasion d'un spectacle très attendu. Il nous faut d'autres hommes comme Irving Gerstein dans le monde, pour qu'ils y laissent leur marque eux aussi. C'est un véritable fonctionnaire, au sens de celui qui exerce une fonction publique. C'est un homme d'État. Il n'a jamais oublié ses origines, il est aimé et respecté de ses concitoyens. Notre collègue nous laisse un trésor de souvenirs. Il fut et restera un mentor apprécié de nombreuses personnes dans le domaine de la politique.

Honorables sénateurs, au Sénat, sous l'impulsion du sénateur Gerstein, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est penché sur de grandes questions contemporaines, notamment l'importance de la monnaie numérique — le bitcoin —, l'amélioration de nos connaissances sur le milieu illicite du blanchiment d'argent et la compréhension des rouages du financement des activités terroristes à l'étranger, qui cherchent à détruire nos libertés et notre mode de vie au Canada. Il a également dirigé l'étude qui a donné lieu au rapport intitulé Le régime enregistré d'épargne-invalidité : pourquoi n'est-il pas plus utile?

On se souviendra également du fameux rapport qui a mené à l'abolition du sou noir, dont les coûts de production dépassaient la valeur réelle.

[Traduction]

Le sénateur Gerstein est un grand Canadien plein de compassion, qui n'a jamais eu peur de défendre ses positions. Nous devons tous suivre son exemple et nous rappeler, comme l'a toujours fait le sénateur Gerstein, que, en notre qualité de sénateurs au service des Canadiens, nous ne devrions pas craindre de jouer un rôle d'avant-plan dans un dossier.

[Français]

Je garderai de notre collègue, le sénateur Gerstein, le souvenir d'un homme aimable, affable, courtois, efficace et doté d'un sens de l'humour propre aux êtres qui ont su être maîtres de leur vie, et non pas simples spectateurs de celle-ci.

Cher collègue, cher ami, Irving, je vous souhaite une formidable retraite du Sénat, aux côtés de votre épouse, Gail, et en la merveilleuse compagnie de vos quatre enfants et sept petits-enfants. Nous vous avons souvent entendu parler de l'amour que vous portez à votre famille, qui est l'un des piliers de votre vie. Dorénavant, grand-papa Irving, vous aurez plus de temps pour jouer avec vos petits-enfants. Toutefois, je sais que vous continuerez de mettre à contribution la fougue qui vous anime et votre dynamisme dans le cadre de vos divers engagements, et lorsque vous relèverez de nouveaux défis. Je ne puis donc que vous souhaiter, cher ami, bonne chance et bon succès dans vos nouvelles aventures.

Enfin, malgré les nombreuses occupations qui viendront garnir votre agenda, comme celle d'administrateur de l'Atlantic Power Corporation et de la Student Transportation Inc., et celle d'administrateur principal de la Medical Facilities Corporation, monsieur le sénateur, gardez-vous tout de même un peu de temps afin de préparer le grand rendez-vous : celui de 2019. Merci, Irving.

[Traduction]

Des voix : Bravo!

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Chers collègues, je voudrais me joindre au sénateur Carignan pour rendre hommage à notre ami et collègue Irving Gerstein.

Lorsqu'il est arrivé au Sénat, au début de 2009, le sénateur Gerstein a fait une première impression remarquable. Il s'est démarqué au sein du groupe plus nombreux que d'habitude de 18 sénateurs qui venaient d'être nommés. Qui pouvait ne pas remarquer les costumes à fines rayures et, ce qui est peut-être plus important, la voix retentissante et unique?

(1420)

J'ai entendu un ou deux de nos collègues essayer d'imiter cette voix et cette façon de se présenter au Sénat. Je me souviens que l'un d'eux y est presque parvenu, mais le sénateur Gerstein a toujours été dans une classe à part à bien des égards.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Comme le sénateur Carignan l'a indiqué, le sénateur Gerstein a œuvré de nombreuses années dans le commerce de détail, alors je pense qu'il convient de citer le publicitaire William Bernbach, qui a dit ceci : « [...] la persuasion n'est pas une science, mais un art. » Le sénateur Gerstein possède certainement très bien l'art d'attirer l'attention de son audience, mais c'est son pouvoir de persuasion qu'il a perfectionné et employé avec une grande efficacité tout au long de sa carrière. J'imagine que de nombreux Canadiens regrettent un peu que le sénateur ait été aussi persuasif, car ils se souviennent des gros chèques qu'ils ont accepté de faire pour ses nombreuses causes.

Chers collègues, ce qui m'a le plus impressionné, ce sont les causes au service desquelles le sénateur Gerstein a employé ses compétences fort considérables. Irving Gerstein est un collecteur de fonds brillant et créatif. L'hôpital Mount Sinai, à Toronto, est un centre de recherche de premier ordre grâce en bonne partie aux efforts de financement du sénateur Gerstein, qui a consacré 25 ans à cet hôpital, dont il est aujourd'hui administrateur honoraire. Comme on nous l'a déjà dit, ses contributions lui ont valu d'être décoré de l'Ordre de l'Ontario — la plus haute distinction décernée par cette province — ainsi que de l'Ordre du Canada, en raison de sa loyauté et de son ardeur de bénévole et de philanthrope.

Pendant la dernière période de sa carrière au service de la cause publique, son apport au Sénat du Canada a été remarquable. En tant que vice-président du Comité des finances nationales, il a participé à la rédaction du rapport qui a entraîné la disparition des sous noirs. À titre de président du Comité des banques et du commerce, il a dirigé l'étude de plusieurs dossiers publics importants. Les rapports ainsi produits ont influencé et influenceront encore longtemps l'élaboration des politiques publiques du Canada.

Son style en imposait et, sous sa direction, les rapports des comités avaient des noms beaucoup moins guindés que ce à quoi certains Canadiens pourraient s'attendre de comités sénatoriaux, surtout du Comité des banques et du commerce. Il y avait des titres comme celui-ci : Suivre l'argent à la trace : Le Canada progresse-t-il dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes? Pas vraiment. Mentionnons aussi le titre de l'étude, résolument tournée vers l'avenir, sur le bitcoin : Les crypto-monnaies : pile ou face? Et qui d'autre qu'Irving Gerstein pourrait citer Winston Churchill pour étayer ses propos, quels qu'ils soient?

Bien sûr, il a d'abord fait profiter de ses talents d'organisateur et de solliciteur de fonds le Parti progressiste-conservateur et le Parti conservateur du Canada. Ceux parmi nous qui savent à quel point le financement politique est important ne peuvent qu'avoir de l'admiration pour lui et éprouver, oui, de l'envie. Ceux parmi nous qui sont actifs en politique savent que la sollicitation de fonds rime parfaitement avec l'engagement politique. Il s'agit en effet de convaincre quelqu'un de s'engager, de participer au processus et même de se défaire de quelques dollars. S'il est vrai que le Parti conservateur du Canada était très chanceux de pouvoir profiter des talents du sénateur Gerstein pour amasser des fonds, n'oublions pas que la participation des citoyens au processus démocratique profite à tous les Canadiens.

Le sénateur Gerstein le sait bien. Dans sa première allocution au Sénat, il avait fièrement annoncé ceci :

Eh bien, je vous dirai que je n'admets pas être un collecteur de fonds, je le proclame.

Au début de son mandat dans cette enceinte, le sénateur Gerstein a dit avoir bon espoir que sa contribution aux travaux du Sénat serait à la mesure de nos attentes. Aujourd'hui, alors que son mandat tire à sa fin, je puis dire en toute certitude que son leadership, son dévouement au service du public, sa gentillesse inébranlable et son sens de l'humour nous manqueront.

Irving, nous vous offrons nos meilleurs vœux, à Gail et à vous, pour la prochaine étape de votre vie ensemble.

Des voix : Bravo!

L'honorable Irving Gerstein, C.M., O.Ont.

Remerciements

L'honorable Irving Gerstein : Sénateur Carignan, sénateur Cowan, je vous remercie de vos paroles quelque peu exagérées, mais bienveillantes et aimables. Je vous en suis très reconnaissant.

Votre Honneur, honorables sénateurs, servir en tant que 888e membre du Sénat du Canada a été un privilège. Circuler dans les mêmes couloirs de l'édifice de l'Est où a circulé le père fondateur de notre nation, sir John A. Macdonald, il y a de cela 150 ans, a été pour le moins enivrant. Occuper le même bureau autrefois occupé par le grand sir Charles Tupper, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Père de la Confédération, ministre des Chemins de fer et des Canaux, ministre des Finances, haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni et sixième premier ministre du Canada, a été une leçon d'humilité. Honorables collègues, c'est un immense honneur de prendre la parole devant vous pour la dernière fois.

Chers collègues, il y a presque 50 ans, en 1968, le très honorable John Diefenbaker a dit ceci :

Votre premier jour au Parlement, vous vous demandez comment vous êtes arrivé ici. Ensuite, vous vous demandez comment les 263 autres membres sont arrivés ici.

Bien entendu, M. Diefenbaker faisait allusion aux membres à l'autre endroit. Mais aujourd'hui, mes amis, la façon dont nous sommes tous arrivés ici et dont nos successeurs arriveront ici fait l'objet de nombreuses discussions.

Après avoir travaillé avec vous et avoir appris à connaître nombre d'entre vous ces sept dernières années, j'en suis certainement venu à comprendre le cheminement qui vous a amené ici et à le respecter. Maintenant, si vous me le permettez, pour une dernière fois, j'aimerais vous rappeler encore une fois comment je suis arrivé ici. Je vous remercie, sénateur Cowan, car je vais le répéter : je suis ici parce que je suis un collecteur de fonds! Chers collègues, je suis venu au Sénat en tant que collecteur de fonds et j'en repartirai en tant que collecteur de fonds, et j'en suis très fier. Je continue de croire que le travail qui consiste à amasser des fonds pour le Parti conservateur, ou pour tout autre parti, est à la fois nécessaire et honorable. Les partis politiques ont besoin d'argent pour fonctionner.

Vous vous demanderez sans doute pourquoi je soulève encore une fois cette question. Je vois que mon bon ami d'en face, le sénateur Dawson, est particulièrement perplexe. Eh bien, je vais vous dire pourquoi. C'est parce que je suis préoccupé, et je pense que vous devriez l'être vous aussi. Il y a actuellement 22 sièges vacants au Sénat, bientôt 23, et il y en aura quelques-uns de plus d'ici la fin de l'année civile. Comme nous le savons, le premier ministre a chargé un comité consultatif très distingué de lui faire des recommandations sur les nominations afin de combler les sièges vacants; pour ce faire, le comité utilisera — comme l'a dit le leader du gouvernement à la Chambre, Dominic LeBlanc, et je reprends le terme qu'il a utilisé lors de sa conférence de presse du 3 décembre dernier — un processus « fondé sur le mérite ».

(1430)

C'est très bien. C'est la prérogative du premier ministre de solliciter des avis et de nommer qui il veut. Bien franchement, je crois personnellement que nous pouvons tous adhérer au processus énoncé, à savoir mener des consultations plus vastes, faire preuve de transparence et demander l'apport des provinces. Cependant, ce sont les critères de sélection des candidats qui me posent problème.

À la même conférence de presse tenue le 3 décembre, la ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, a déclaré que les candidats éventuels à un poste de sénateur devaient se conformer aux lignes directrices suivantes : premièrement, présenter un bilan de réalisations dans la fonction publique — c'est certainement un bon début. Deuxièmement, faire preuve d'intégrité — c'est encore mieux. Troisièmement, comprendre le rôle du Sénat — c'est parfait. Mes amis, voici toutefois le quatrième critère : un candidat éventuel doit être non partisan. Chers collègues, si je comprends bien, toute personne ayant participé au processus démocratique au Canada en faisant plus qu'exercer son droit de vote ne serait pas admissible à une nomination au Sénat. Je pense notamment aux personnes qui font un don à un parti politique, qui mettent une pancarte électorale sur leur terrain, qui font du bénévolat dans un bureau de campagne local, qui se présentent comme candidats aux élections fédérales ou provinciales ou, si j'ose dire, qui recueillent des fonds pour un parti politique.

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Gerstein : Honorables sénateurs, je le dis avec le plus grand respect : l'approche du gouvernement n'a aucun sens.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Je vous le demande, chers collègues, souhaitons-nous vraiment exclure un groupe important de candidats éventuels à une nomination au Sénat simplement parce qu'ils ont déjà participé au processus démocratique canadien et que, par conséquent, ils ont des liens avec un parti politique?

Comme Benjamin Disraeli l'a déclaré à la Chambre des communes, le modèle de tous les parlements, en 1848 — le sénateur Mercer s'en souvient, car je pense qu'il était là :

Il ne peut y avoir de gouvernement parlementaire sans gouvernement dirigé par un parti, et quand ces messieurs dénoncent cet état de fait, ils s'en prennent justement au mode de gouvernement qui, à mon avis, a fait de notre pays un grand pays et qui, souhaitons-le, lui permettra de le demeurer.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Chers collègues, voici quelques conseils non sollicités à l'intention du comité consultatif de sélection. Je tiens à ce que les choses soient claires : le comité ne m'a pas demandé mon avis, mais je le lui donne quand même. Je conseille fortement à ce groupe de recommander au premier ministre les hommes et les femmes les plus qualifiés, les plus compétents et les plus accomplis qui soient, peu importe les chemins qu'ils ont parcourus auparavant et quels que soient leur sexe, leur race, leur couleur, leur ethnicité, leur religion ou leur orientation sexuelle et, oui, quels que soient leurs antécédents politiques.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Qu'on se comprenne bien : je ne suis pas en train de dire que le comité consultatif devrait recommander que telle ou telle personne soit nommée au Sénat parce qu'elle est liée à un parti politique ou à un autre, mais je suis certainement en train de dire qu'il devrait se sentir libre de recommander les candidats qualifiés qu'il veut, même s'ils entretiennent des liens avec un parti politique. Et oui, honorables collègues, j'inclus là-dedans les candidats qui ont déjà recueilli des fonds pour un parti politique ou qui le font encore. Nous pouvons certainement tous convenir que le simple fait d'amasser des fonds pour un parti ne doit pas constituer un aller simple pour le Sénat, mais, selon la même logique, il ne faudrait pas non plus que le processus rejette automatiquement les collecteurs de fonds ou les militants politiques.

Prenons un instant pour nous imaginer à quel point le Sénat se trouverait appauvri si les anciens premiers ministres avaient évité d'y nommer les étoiles de la cause publique que sont les sénateurs David Angus et Michael Meighen, l'ancien sénateur libéral Leo Kolber, les regrettés sénateurs John Aird et Jack Godfrey ou notre collègue actuel, le sénateur Paul Massicotte. Or, tous ces gens ont déjà amassé des fonds pour leur parti.

Mais laissez-moi vous dire une chose : ils n'étaient pas que cela. Dans ce petit groupe, on trouve en effet d'éminents avocats, des hommes d'affaires accomplis, un ancien lieutenant-gouverneur de l'Ontario, des philanthropes de renom, des présidents d'hôpitaux universitaires, des chanceliers d'université et des membres de l'Ordre du Canada. Je n'ai sans doute pas besoin de vous préciser qu'ils ont tous contribué de manière extraordinaire au Sénat du Canada. Or, s'il n'en tenait qu'au premier ministre du jour et à ses lignes directrices, aucun d'entre eux n'aurait pu siéger ici; en fait, leur candidature n'aurait même jamais été étudiée. Mes amis, ce n'est pas ce que j'appelle une approche fondée sur le mérite, mais bien une approche sans fondement ni mérite.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Chers collègues, le sénateur Baker est, parmi nous, le parlementaire qui a les plus longs états de service. En effet, il a passé 42 ans au total à l'autre endroit et au Sénat. Comme nous tous, il sait bien que des changements sont inévitables lorsqu'un nouveau parti arrive au pouvoir. Toutefois, sénateur Cowan, c'est probablement sir Winston Churchill qui a le mieux résumé la situation, en 1951, au Guildhall de Londres :

C'est une erreur de croire que le monde commence avec l'arrivée au pouvoir d'un homme ou d'un parti. Il cheminait depuis longtemps.

Mes amis, notre pays est beaucoup plus fort que n'importe quel parti politique. Le Canada ne cesse pas de fonctionner quand un parti politique n'a plus la cote. Au contraire, c'est la concurrence entre des partis qui sont susceptibles de former un gouvernement qui fait du Canada une grande démocratie.

Je comprends que le gouvernement actuel souhaite donner l'impression qu'il fait quelque chose pour régler certains des problèmes très graves auxquels le Sénat a été confronté, mais bien franchement, chers collègues, je pense que ces problèmes n'ont rien à voir avec la partisanerie. L'esprit de parti n'est pas et n'a jamais été un grand problème au Sénat. Il y a bien eu des prises de bec occasionnelles au sujet de la TPS et du libre-échange, mais ça, c'est la politique. Même ces questions ont été réglées d'une manière ou d'une autre. N'oubliez pas, chers collègues : on a beau essayer, on ne peut pas dépolitiser la politique.

Ce que je veux dire, c'est que je crois sincèrement que l'actuel gouvernement, en tirant à boulets rouges sur l'esprit partisan au Sénat, ne cherche qu'à faire diversion. Bien sûr, chers collègues, très respectueusement, puisqu'il s'agit d'un gouvernement libéral, j'imagine qu'il n'y a pas lieu de se surprendre de cette utilisation des boulets rouges.

Pour terminer sur ce point, honorables sénateurs, je dirai que, selon moi, la rivalité partisane oblige le gouvernement au pouvoir à rendre des comptes et stimule l'innovation en matière de politiques. Le partenariat est ce qui distingue le système parlementaire démocratique et stable du Canada d'une dictature, et j'exhorte le premier ministre, le gouvernement et chacun d'entre vous à garder cela à l'esprit lorsque vous tâcherez, ensemble, de naviguer sur les eaux tumultueuses que l'avenir réserve à notre pays.

Et maintenant, mes amis, j'ai fini de prodiguer des conseils. Je terminerai mon intervention par des remerciements.

Je dois beaucoup à ceux qui m'ont aidé à me rendre ici et qui m'ont appuyé durant mon mandat. Je tiens à remercier tout d'abord le très honorable Stephen Harper, premièrement pour m'avoir nommé président du Fonds conservateur du Canada et, deuxièmement, pour m'avoir nommé au Sénat. C'est grâce à M. Harper que le financement politique fédéral est plus équitable, transparent et démocratique aujourd'hui qu'il ne l'a jamais été dans l'histoire du Canada ou, en fait, de tout autre pays au monde. C'est son gouvernement conservateur qui a interdit les dons des entreprises et des syndicats une bonne fois pour toutes, qui a éliminé la subvention proportionnelle au nombre de votes qui profitait injustement au parti au pouvoir, et qui a mis sur un pied d'égalité non seulement les partis politiques, mais tous les Canadiens désireux de les appuyer financièrement.

(1440)

De plus, M. Harper m'a donné l'occasion, dont je lui serai éternellement reconnaissant, de servir notre pays en me joignant au gouvernement qui a su gérer l'économie canadienne avec brio durant la pire crise économique depuis la Grande Crise, et ce, tout en créant, net, plus de 1 million d'emplois, en maintenant un faible taux d'imposition et en enregistrant la plus forte croissance économique des pays du G7.

Parlant de remerciements, on m'a rappelé, chers collègues, que, il y a exactement quatre ans aujourd'hui, notre estimé collègue Michael Meighen citait, à l'occasion de son dernier discours, son grand-père, le très honorable Arthur Meighen, qui, comme vous êtes nombreux à le savoir, a siégé au Sénat pendant une décennie, en qualité de leader tant du gouvernement que de l'opposition, ainsi qu'à l'autre endroit, où il exerça les fonctions de premier ministre et de chef de l'opposition.

Durant les années 1930, M. Meighen a dit que « la deuxième Chambre devrait être un atelier et pas un théâtre »; je crains de ne pas entièrement respecter ce principe aujourd'hui. Comme l'a dit Michael dans son dernier discours, les meilleurs ateliers de travail au Sénat sont les comités — je partage tout à fait son avis. Les comités du Sénat sont souvent capables de s'attaquer à des questions graves et litigieuses que les comités de l'autre endroit ne peuvent ou ne veulent pas aborder.

À mon arrivée, je suis devenu vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales malgré le fait que le fonctionnement des comités du Sénat m'était totalement étranger. J'aimerais saluer et remercier mon excellent mentor, le sénateur Joe Day, qui était alors président du comité en question. Même s'il n'appartenait pas au même caucus que moi, le sénateur Day s'évertuait tout le temps à me guider, à m'encourager et à m'aider, ce qu'il continue de faire à ce jour.

Je m'en souviens très bien : cette première année, j'ai suggéré au sénateur Day un projet d'étude à mon avis totalement non partisan qui, insistais-je, mettrait sans aucun doute le Comité sénatorial permanent des finances nationales en première page du Globe and Mail. Il m'a immédiatement répondu : « Très bien! Nous sommes preneurs. De quelle étude s'agit-il? »

Le sujet de l'étude était la pièce d'un cent, bien sûr. Le rapport du comité, intitulé Les coûts et les avantages de la pièce de un cent canadien pour les contribuables et l'économie canadienne, a mené à l'élimination du sou noir ou, comme mon assistant de l'époque, Aaron Hynes l'appelait, « la valeur qui n'a plus de valeur ». De plus, oui, l'étude a fait la une du Globe and Mail et a été le principal sujet d'intérêt dans presque tous les médias nationaux.

Je suis fier également du travail accompli par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que j'ai eu l'honneur de présider ces quatre dernières années. Évidemment, la valeur d'un comité dépend de la qualité de ses membres. Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance envers mes collègues du comité pour leur excellent travail.

Je salue en particulier le travail du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce dans l'examen législatif décennal de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, dont le rapport est intitulé — le titre est de la sénatrice Nancy Ruth — Suivre l'argent à la trace : Le Canada progresse-t-il dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes? Pas vraiment, ainsi que son récent rapport prospectif sur l'avenir de la monnaie, dont le titre accrocheur est l'œuvre de la sénatrice Pierrette Ringuette : Les crypto-monnaies : pile ou face?

Honorables sénateurs, de telles études font honneur à notre institution et à ses membres. Ces rapports prouvent que le Sénat est en mesure de créer des politiques publiques de qualité et impartiales qui contribuent à faire du Canada un pays meilleur et plus fort.

Je remercie également mon personnel, qui a réussi la plupart du temps à m'empêcher de faire des bêtises. Je remercie en particulier Sebastian Way, Aaron Hynes, Christopher Reed, Zachary Potashner et Jennifer MacIver de tous les efforts qu'ils ont déployés pour m'aider à remplir mes devoirs de sénateur.

Je remercie mes enfants, Marcy, Frank, Anthony et Carrie, ainsi que ma mère, Reva Appleby Gerstein — qui est compagnon de l'Ordre du Canada et est maintenant âgée de 99 ans —, de m'avoir accordé leur soutien.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gerstein : Une fois de plus, je vais citer Churchill :

Ma plus grande réalisation fut de parvenir à convaincre ma femme de m'épouser.

Je tiens donc à remercier mon épouse, Gail, du soutien qu'elle m'a témoigné pendant les années où j'ai siégé au Sénat et qu'elle me témoigne depuis toujours.

Je souhaite aussi remercier les greffiers au Bureau, des gens très compétents, de même que l'huissier du bâton noir, le personnel du Sénat et de la sécurité et les greffiers des comités.

Enfin, je veux remercier tous mes collègues d'hier et d'aujourd'hui. Je vous remercie car, grâce à vous, je garderai un excellent souvenir du temps que j'ai passé ici. Je vous remercie tout particulièrement de faire preuve d'indulgence pendant que je fais mon dernier discours dans cette enceinte.

Vous savez tous à quel point il est extrêmement difficile pour un sénateur canadien qui aura bientôt 75 ans de faire un discours de retraite spectaculaire. D'abord, personne n'est étonné lorsqu'un sénateur quitte ses fonctions, car la date de sa retraite est annoncée dès le jour où il est nommé. Par conséquent, j'ai commencé à préparer mon discours d'adieu non pas après avoir réfléchi pendant une promenade sous la neige, mais plutôt après avoir regardé le calendrier.

Comme l'heure de mon départ a sonné, il me semble approprié d'employer le mot japonais sayonara, qui se traduit littéralement par « puisque c'est ainsi que les choses doivent se passer ». En effet, c'est ainsi que les choses doivent se passer, puisque c'est ce que prévoit la Constitution.

Je tiens aussi à vous saluer et à offrir à tous les sénateurs actuels et futurs, quelle que soit leur allégeance politique, mes meilleurs vœux de succès. Je veux que les sénateurs réussissent, car je veux que le Sénat, le Parlement et le Canada réussissent eux aussi.

À cet égard, même si j'ai dit il y a un moment que j'avais fini de donner des conseils, je ne puis m'empêcher de vous faire part des sages paroles qui m'ont été adressées, lors de ma nomination au Sénat, par mon bon ami et ancien collègue, le sénateur David Angus. À mon avis, les conseils de David sont aussi précieux pour la vie parlementaire que pour la vie en général. Il m'a fait part des quatre règles d'or suivantes : premièrement, ne pas se prendre trop au sérieux; deuxièmement, garder le sens de l'humour; troisièmement, surveiller sa consommation d'alcool; et, quatrièmement, toujours garder à l'esprit que quelqu'un nous surveille. Honorables sénateurs, je vous laisse décider dans quelle mesure j'ai réussi à suivre ces règles.

Je vous remercie encore une fois. Que Dieu vous garde.

Des voix : Bravo!

Le Championnat canadien junior de curling féminin

Félicitations à l'équipe de la Nouvelle-Écosse

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour saluer l'équipe de la Nouvelle-Écosse qui a remporté l'édition 2016 du Championnat canadien junior de curling féminin, tenu à Stratford, en Ontario, le week-end dernier. Je profite également de l'occasion pour remercier les hôtes d'avoir organisé cet événement pour les jeunes.

La capitaine, la jeune Mary Fay, âgée de 17 ans, et son équipe, composée de Kristin Park, troisième joueuse, de Karlee Burgess, deuxième joueuse, et de Janique LeBlanc, première joueuse, ainsi que l'entraîneur Andrew Atherton, du Club de curling de Chester, ont vaincu l'équipe de Sarah Daniels, de la Colombie-Britannique, par la marque de 9 à 5. Ce fut une douce revanche pour l'équipe de Mary Fay, qui avait décroché la médaille de bronze l'année dernière lors du championnat tenu à Liverpool, en Nouvelle-Écosse.

Mercredi soir dernier, l'équipe de Mary a défait la formation de Kelsey Sturmany, de l'Alberta, au compte de 9 à 3. Dimanche, l'équipe de Mary menait déjà 5 à 2 après quatre manches, mais l'équipe britanno-colombienne a égalisé le pointage à la septième manche. Finalement, l'équipe de Fay a gagné deux points à la huitième manche pour reprendre définitivement la tête.

L'équipe victorieuse représentera le Canada au championnat junior mondial qui aura lieu à Taarnby, au Danemark, du 5 au 13 mars 2016. Avant de participer au championnat junior mondial, l'équipe représentera le Canada ce mois-ci aux Jeux olympiques de la jeunesse à Lillehammer, en Norvège.

(1450)

Nous souhaitons tout le succès possible à l'équipe de Mary Fay à ces manifestations sportives où elle représentera le Canada.

Le Forum parlementaire Asie-Pacifique

La vingt-quatrième assemblée annuelle

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, il y a deux semaines, Vancouver a été l'hôte de la 24e assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, parfois désigné par l'acronyme FPAP. Des 27 pays membres, 21 étaient représentés. C'est la deuxième fois que cette réunion se tient à Vancouver — l'autre fois, c'était en 1997 —, et j'ai eu le plaisir non seulement d'y participer, mais également de coprésider les séances plénières.

Les projets de résolution du forum sont présentés d'avance aux participants, et les délégués passent une bonne partie du congrès à en débattre et à les peaufiner afin que tous les membres puissent les signer. Le consensus est obligatoire.

Cette année, 27 résolutions ont été adoptées dans divers domaines, notamment la sécurité et la prospérité régionales, la criminalité transnationale, l'expansion du commerce et des investissements, le renforcement de la résilience face aux catastrophes et aux crises humanitaires ainsi que la lutte contre le terrorisme. C'est à ce dernier point que je veux m'arrêter.

Certains d'entre vous savent que j'ai passé environ sept ans à défendre au Sénat un projet de loi d'initiative parlementaire qui permettrait aux victimes d'actes de terrorisme de poursuivre les parrains de tels actes. À mon grand plaisir, le gouvernement conservateur a fini par reprendre à son compte le projet de loi, qui est devenu en 2012, avec l'appui de tous les partis, la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme.

Je suis heureux de vous signaler que la délégation canadienne au FPAP s'est arrangée pour que le préambule de la résolution soit formulé de manière à obliger les signataires à respecter le principe de cette mesure législative. J'ai proposé, avec l'appui de mes collègues canadiens, que nous « acceptions en principe que les victimes d'actes de terrorisme puissent engager des poursuites contre les États qui parrainent le terrorisme ».

Fait important, les résolutions sur la lutte contre le terrorisme ont été parrainées notamment par la Fédération de Russie, la Malaisie, l'Indonésie, le Mexique et le Chili.

Dans le cadre du groupe de travail, nous avons décidé de choisir une grande résolution sur laquelle nous pouvions tous nous entendre. Il y a quelque chose de paradoxal dans le fait que nous nous soyons fondés sur la résolution de la Russie pour définir notre principale résolution.

C'est une réalisation non négligeable, honorables sénateurs. Je tiens à féliciter mes collègues de tous les partis qui ont contribué à cette réussite.

Les Nations Unies

Transformer notre monde : Le Programme de développement durable à l'horizon 2030

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, en septembre dernier, les Nations Unies ont publié un programme de 15 ans, intitulé Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l'horizon 2030, qui propose un plan d'action pour atteindre des objectifs en matière de développement durable.

Pour améliorer notre monde, les Nations Unies ont établi 17 objectifs, dont les suivants : éliminer la pauvreté et la faim; promouvoir la diversité et l'inclusion; parvenir à l'égalité des sexes; protéger l'environnement; freiner les changements climatiques; assurer l'accès de tous à une éducation de qualité.

Sachant que les enfants font partie de nos principaux alliés et partenaires, SOS Villages d'enfants Canada a créé un programme mené par les jeunes qui vise à aider les jeunes Canadiens à s'informer sur les objectifs en matière de développement durable et à leur offrir une tribune où ils peuvent donner leur avis sur les façons de contribuer à l'atteinte des objectifs mondiaux. Plus de 500 jeunes Canadiens y ont participé en 2015.

Le nouveau programme s'appelle « Take Action ». J'y ai participé l'automne dernier en visitant des écoles à Montréal et à Ottawa afin de discuter de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. Le sénateur Scott Tannas a également pris part à cette initiative. C'est parfois la façon dont fonctionne le Sénat. Au cas où les médias ne le sauraient pas, il nous arrive de travailler en collaboration. Je suis sûr que le sénateur conviendra que les élèves que nous avons rencontrés ont la passion, le désir et la capacité de relever le défi.

D'ici 2030, soit la dernière année visée par le plan d'action des Nations Unies, ces mêmes élèves travailleront et élèveront une famille. Ce seront des leaders et des décideurs.

Divine Usabase a grandi dans un village de SOS au Burundi, et elle est diplômée du Collège international de SOS au Ghana. Âgée de 20 ans, elle étudie actuellement à l'Université McGill et agit comme jeune ambassadrice de SOS Villages d'enfants Canada.

Hier, dans le cadre du Forum de la jeunesse de l'ECOSOC 2016 qui se tenait au quartier général de l'ONU, à New York, Divine a présenté un discours devant des ministres, des parlementaires, des partenaires de la société civile, des groupes de jeunes et des représentants d'organismes internationaux. Elle leur a fait part des idées venant des participants au programme « Take Action ».

Honorables sénateurs, je vous invite à découvrir le programme « Take Action », qui en est à sa deuxième année, et à en parler. Nous pouvons tous faire notre part afin que l'ONU atteigne les objectifs visés.

Hommages

L'honorable Irving Gerstein, C.M., O.Ont.

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, j'avais préparé un discours de trois minutes, mais je ne le lirai pas. Je profite plutôt de l'occasion pour remercier à nouveau le sénateur Gerstein, qui a servi admirablement le Sénat et le Canada, et pour lui dire que le discours qu'il a prononcé à l'occasion de son départ à la retraite est l'un des meilleurs que j'aie jamais entendus, et ce, parce que ses conseils s'adressaient non seulement à nous tous, mais à l'ensemble du Canada et au nouveau gouvernement.

Sénateur Irving, je vous remercie du fond du cœur.


AFFAIRES COURANTES

Le vérificateur général

Dépôt des rapports de l'automne 2015

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports de l'automne 2015 du vérificateur général du Canada, conformément au paragraphe 7(3) de la Loi sur le vérificateur général.

Droits de la personne

Dépôt du rapport visé à l'article 12-26(2) du Règlement

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, conformément à l'article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante et unième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 111.)

Banques et commerce

Dépôt du rapport visé à l'article 12-26(2) du Règlement

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, conformément à l'article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarantième et unième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 115.)

[Français]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Dépôt du rapport visé à l'article 12-26(2) du Règlement

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarante et unième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 116.)

[Traduction]

L'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni

La visite bilatérale, du 17 au 24 janvier 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni, concernant sa participation à la visite bilatérale à Londres, en Angleterre, ainsi qu'à Édimbourg et à Glasgow, en Écosse, au Royaume-Uni, du 17 au 24 janvier 2015.

L'Association parlementaire du Commonwealth

La visite bilatérale, du 5 au 15 février 2015—Dépôt du rapport

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la visite bilatérale en Australie, effectuée à Canberra (Territoire de la capitale de l'Australie), à Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud, et à Hobart, en Tasmanie, du 5 au 15 février 2015.

La réunion du Comité exécutif et l'assemblée générale, tenues du 1er au 5 octobre 2015—Dépôt du rapport

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la réunion du Comité exécutif et à la soixante et unième assemblée générale de l'APC, tenues à Londres, au Royaume-Uni, du 1er au 5 octobre 2015.

(1500)

L'Union interparlementaire

La réunion du Comité directeur du Groupe des Douze Plus, tenue le 21 septembre 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Union interparlementaire concernant sa participation à la réunion du Comité directeur du Groupe des Douze Plus, tenue à Bruxelles, en Belgique, le 21 septembre 2015.

L'assemblée et les réunions connexes, tenues du 17 au 21 octobre 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Union interparlementaire concernant sa participation à la 133e assemblée de l'UIP et aux réunions connexes, tenues à Genève, en Suisse, du 17 au 21 octobre 2015.

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La rencontre d'été de 2015 de la Western Governors' Association, tenue du 24 au 26 juin 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe parlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la rencontre d'été de 2015 de la Western Governors' Association, tenue à Lake Tahoe, dans le Nevada, aux États-Unis, du 24 au 26 juin 2015.

La conférence annuelle de l'Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue du 28 au 30 juin 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe parlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la huitième conférence annuelle de l'Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Canada, du 28 au 30 juin 2015.

Le sommet annuel de la Pacific NorthWest Economic Region, tenu du 12 au 16 juillet 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation au vingt-cinquième sommet annuel de la Pacific NorthWest Economic Region, tenu à Big Sky, au Montana, aux États-Unis, du 12 au 16 juillet 2015.

La réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 18 au 22 juillet 2015—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 69e réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Savannah, en Géorgie, aux États-Unis, du 18 au 22 juillet 2015.

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus depuis le début de la première session de la trente-septième législature

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier et surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne;

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet depuis le début de la première session de la trente-septième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 janvier 2017.

[Français]

Langues officielles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements, instructions et rapports en découlant et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la deuxième session de la quarante et unième législature

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi;

Que le comité soit aussi autorisé à étudier les rapports et documents produits par la ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, le président du Conseil du Trésor et le commissaire aux langues officielles, ainsi que toute autre matière concernant les langues officielles;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question par le comité depuis le début de la deuxième session de la quarante et unième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre 2017, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

[Traduction]

La situation actuelle en matière d'alphabétisation et les programmes d'alphabétisation

Préavis d'interpellation

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, conformément à l'article 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la situation actuelle en matière d'alphabétisation et sur les programmes d'alphabétisation au Canada, tout particulièrement à l'Île-du-Prince-Édouard.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir

Les travaux du comité

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le 11 décembre dernier, le Sénat s'est joint à la Chambre des communes pour former le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. Ce comité s'est vu confier le mandat d'étudier le rapport du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada, qui avait été créé pour mener des consultations auprès de Canadiens et d'intervenants clés quant aux enjeux dont le gouvernement fédéral devrait tenir compte dans sa réponse à la décision Carter.

Monsieur le Président, je tiens à attirer votre attention sur le fait qu'il s'agit de l'établissement d'un premier comité mixte spécial depuis une vingtaine d'années au Parlement canadien; il s'agit donc d'un événement rarissime.

Un groupe de cinq sénateurs participe aux travaux du comité, lequel arrive pratiquement à mi-mandat aujourd'hui, soit les sénateurs Cowan, Joyal, Nancy Ruth, Ogilvie et Seidman. En outre, notre éminent collègue, le sénateur Ogilvie, est coprésident du comité. À ce titre, j'aimerais lui demander de nous informer de l'évolution des travaux du comité à ce jour.

[Traduction]

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Le sénateur a décrit la formation de ce comité. L'exigence portant que le Sénat et la Chambre des communes créent un comité mixte spécial, qui, comme le sénateur l'a souligné, est le premier en à peu près 20 ans, découle d'une décision de la Cour suprême, c'est-à-dire la décision Carter, qui porte sur l'aide médicale à mourir.

Il s'agit d'une situation assez remarquable dans n'importe quelle société. Il y a quelques pays dans le monde, quelques États aux États-Unis et, bien sûr, chez nous, la province de Québec, qui ont beaucoup étudié la question, qui sont arrivés à une conclusion et qui ont permis à leurs citoyens d'obtenir ce que l'on appelle « l'aide médicale à mourir ».

J'estime qu'il s'agit d'un événement remarquable puisque, je me permets de le rappeler à tous, pour autant que nous le sachions, l'humain est le seul animal qui sait dès un jeune âge qu'il mourra. Autrement dit, comme certains l'ont affirmé, la vie est une maladie dont tout le monde meurt. Malgré cela, la question de cette mort que nous devons tous anticiper est l'une des questions les plus difficiles dont la société puisse débattre.

Au fil du temps, dans notre société, nous avons réalisé que bien des gens traversent des périodes de souffrances insupportables, et c'est ce sur quoi la Cour suprême s'est penchée. Elle s'est prononcée sur deux actes importants dont il est question dans la loi au paragraphe 241b) et à l'article 14, ce dernier interdisant à quiconque d'obtenir d'une personne de l'aide pour se donner la mort et le premier érigeant en acte criminel le fait d'aider une personne à mettre fin à ses jours. Dans l'arrêt Carter, la cour a déclaré que ces dispositions devaient être annulées dans certaines circonstances. Elle a même dit qu'elles sont invalides dans la mesure où elles interdisent l'aide médicale à mourir à un adulte capable, affecté de problèmes de santé graves et irrémédiables qui lui causent des souffrances persistantes, consentant à mettre fin à ses jours avec l'aide d'un médecin.

Eh bien, chers sénateurs, ces mots semblent relativement clairs, mais, comme vous le savez, on peut soulever toutes sortes de questions quant à la signification des mots et à leur implication générale. Le comité, dont font partie les cinq sénateurs mentionnés, ainsi que dix députés de la Chambre des communes et deux personnes qui partagent un poste, est chargé de conseiller le gouvernement sur la façon de légiférer en réponse à l'arrêt Carter.

Je tiens à vous dire à quel point je suis fier de faire partie du groupe de cinq sénateurs. Ils apportent une contribution de haut calibre à ce comité. Leurs questions sont très judicieuses et importantes pour clarifier l'information pouvant nous guider dans cette tâche. Vous devriez tous être très fiers d'eux.

(1510)

Comme vous le savez, le Sénat a décidé de contribuer aux travaux du comité en décembre dernier, mais celui-ci n'a été constitué qu'en janvier. Nous avons tenu notre première réunion le 18 janvier.

Honorables sénateurs, un total de 17 séances sont prévues et, en date d'hier, nous avons entendu 38 organisations et particuliers. Nous avons eu droit à environ 25 heures de témoignages. Nous avons reçu de nombreux mémoires, et c'est un cas où le terme « nombreux » n'est pas assez fort.

Les audiences devraient se terminer cette semaine. Ce jeudi, nous entendrons nos derniers témoins. Vendredi, le comité tentera de fournir un avis aux analystes afin qu'ils élaborent une ébauche de rapport que nous pourrons examiner les 17, 18 et 19 février. Le dépôt de notre rapport final est prévu pour le 25 février.

Honorables sénateurs, je tiens à vous parler du rapport résumant les conclusions du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada. Le comité externe a reçu son mandat du gouvernement précédent, mais il a vu le jour sous le gouvernement actuel.

Si vous voulez obtenir un résumé très clair des enjeux — dans un document recto-verso épais comme cela —, je vous recommande de consulter ce rapport, qui se trouve, bien entendu, sur le Web.

Honorable sénateur, voilà qui résume la situation actuelle. Si cela n'a pas su répondre à votre question, n'hésitez pas à demander d'autres précisions.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Sénateur Ogilvie, vous avez parlé du dépôt du document. Sera-t-il déposé devant les deux Chambres simultanément — ou plutôt, à quel endroit sera-t-il présenté?

Le sénateur Ogilvie : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Je suis désolé de ne pas avoir précisé ce point.

La motion adoptée au Sénat et à la Chambre des communes exige que le rapport soit déposé simultanément dans les deux Chambres du Parlement. Comme je l'ai mentionné, il est attendu le 25 février.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose que le projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec plus d'émotion qu'à l'habitude que j'aborde de nouveau ce sujet qui fait partie de mon ADN. Comme vous le savez, mon mandat se termine dans quelques mois, et la première année où j'ai présenté ce projet de loi, c'était sous l'administration d'un gouvernement libéral. Je n'en fais pas un projet de loi partisan, puisque, de toute façon, c'est un projet de loi qui, n'étant pas révolutionnaire à l'époque, était certainement d'avant-garde. Cependant, vous verrez qu'aujourd'hui la situation a beaucoup changé.

J'ai décidé de présenter ce projet de loi pour la dernière fois, avec optimisme, parce que je suis persuadée que le gouvernement libéral de Justin Trudeau fera du Canada le premier pays d'Amérique du Nord à interdire la violence éducative faite aux enfants. Honorables sénateurs, nous pouvons contribuer à ce progrès social en appuyant le projet de loi.

Par ailleurs, le premier ministre, avec raison, s'est publiquement engagé à mettre en œuvre toutes les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada qui a fait la lumière sur les horreurs perpétrées dans les pensionnats autochtones. Or, les peuples autochtones, dans leur sagesse, et peut-être parce qu'ils sont plus conscients que nous le sommes des effets néfastes de la violence dans l'éducation des enfants, ont appelé à l'abrogation de l'article 43 du Code criminel canadien. Il s'agit de la recommandation no 6 du rapport de la commission, lequel contient près de 100 recommandations.

Je vous cite tout simplement cette recommandation, qui est extrêmement courte et limpide :

6. Nous demandons au gouvernement du Canada d'abroger l'article 43 du Code criminel du Canada.

Après six ans de travail et plus de 7 000 témoignages recueillis, la Commission de vérité et réconciliation a exprimé de manière claire la nécessité pour Ottawa de transmettre un signal fort afin d'aider les communautés autochtones à rompre le cycle de la violence dans les réserves en interdisant l'usage de toute forme de violence dans l'éducation.

Mon projet de loi est donc devenu l'outil de mise en œuvre de la recommandation no 6 de la Commission de vérité et réconciliation, mais il est bien plus que cela. En plus de répondre à l'appel des peuples autochtones, le projet de loi S-206 répond à l'appel de la communauté internationale, de la communauté scientifique et médicale, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, de plus de 500 organisations non gouvernementales et personnalités de renom au Canada, et de 3 anciens juges de la Cour suprême.

[Traduction]

J'ai une surprise pour vous, honorables collègues. L'abrogation de l'article 43 ne criminalisera pas les parents, comme je l'ai souvent entendu dire. Au contraire, elle les protégera.

C'est surprenant, n'est-ce pas? C'est la conclusion d'une étude juridique que j'ai parrainée et dont je vous parlerai dans un instant.

Finalement, je vais vous parler plus en détail de l'origine du principe selon lequel les parents doivent frapper leurs enfants pour les punir. La fessée n'a rien de naturel. Pareil comportement n'est pas dans nos gènes. Il ne nous est pas impossible de le changer. On avait recours à d'autres techniques avant la fessée et on en utilisera encore d'autres à l'avenir. Cela n'a rien de scientifique.

[Français]

Le projet de loi S-206 répond d'abord à un appel de la communauté internationale. À l'échelle internationale, le Canada a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies en décembre 1991. En vertu de l'article 19 de cette convention, le Canada s'engageait alors à prendre, et je cite :

[...] toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales [...]

(1520)

Or, le Canada est périodiquement examiné par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies quant à sa conformité à la convention et reçoit des reproches selon lesquels il ne répond pas à ses obligations internationales en refusant d'abroger l'article 43. Qui plus est, le Conseil de l'Europe, dont le Canada est membre observateur, a appelé ses pays membres à légiférer en ce sens.

Depuis 1979, 48 pays dans le monde ont aboli toute forme de violence éducative faite aux enfants, y compris 31 durant le mandat de Stephen Harper à titre de premier ministre du Canada, et 1 depuis l'arrivée au pouvoir de Justin Trudeau. En effet, le 10 décembre dernier, le Parlement du Pérou a voté l'abolition de toutes les formes de violence éducative à 74 voix pour l'abolition et une abstention. Donc, 32 pays sur 48, soit les deux tiers de tous les pays abolitionnistes, ont interdit la violence éducative au cours des 10 dernières années. La tendance est clairement à la hausse et on dénombre à ce jour 52 autres pays qui ont exprimé l'intention de faire la même chose. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes avant-gardistes dans ce dossier.

D'autre part, la communauté scientifique et médicale lance un appel. Au Canada, l'Association médicale canadienne, qui représente plus de 80 000 médecins au pays, a pris une position sans équivoque au sujet du projet de loi S-206 et de l'abolition de l'article 43 dans une lettre qui m'est adressée. Cette lettre se lit comme suit, et je cite :

L'Association médicale canadienne (AMC) vous écrit afin de soutenir votre projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire). [...]

Compte tenu des conséquences potentielles de la violence sur la santé des enfants, les médecins du Canada soutiennent votre appel visant à mettre un terme à la violence éducative ordinaire et à encourager l'utilisation d'approches non violentes pour l'éducation des enfants.

La communauté scientifique et médicale est certainement celle qui mesure le mieux les conséquences de la violence éducative sur la santé des enfants et sur la société.

J'entends les arguments qui consistent à dire qu'on ne devrait pas faire l'amalgame entre violence et force dite « raisonnable », entre la maltraitance et une simple fessée. Cependant, il n'y a pas d'amalgame. Les gestes, même simples, peuvent avoir un impact négatif sur l'enfant. En fait, si ces gestes ont une intensité différente, ils sont tous inefficaces dans l'objectif d'éduquer l'enfant, et ils contribuent tous à créer un climat toxique pour l'enfant. Je peux comprendre que, pour le commun des mortels, il n'est pas évident de faire le lien entre une claque ou une fessée et l'altération du développement de l'enfant, mais pour les pédiatres, les médecins et les psychologues, ce type de comportement est un mauvais signal envoyé à l'enfant, qui aura potentiellement des conséquences psychologiques sur ce dernier. Par exemple, la pédiatre et ancienne députée de l'Assemblée nationale française Edwige Antier nous dit que, généralement, un coup vient avec des menaces, des paroles violentes et des humiliations, même petites; autant de conditions qui créent un climat toxique, anxiogène, qui se répercute sur le cerveau de l'enfant.

Il existe quantité d'études et une abondante littérature qui nous expliquent clairement l'influence des méthodes d'éducation parentale sur les enfants. Je n'en citerai qu'une, celle de Statistique Canada, intitulée Le comportement agressif chez les jeunes enfants : La modification du milieu parental permet de prévoir le changement de comportement. L'étude, publiée en 2004, porte sur 1 967 enfants canadiens typiques sur le plan scientifique, et les suit sur une période de six ans. En substance, l'étude dit ce qui suit, et je cite :

Les parents ayant obtenu des scores plus élevés sur l'échelle des pratiques parentales punitives ont placé leurs enfants à une position plus élevée sur l'échelle du comportement agressif que les autres parents, ...

Donc, l'équation est la suivante : parents agressifs = enfants agressifs.

... peu importe le sexe de l'enfant, la catégorie de revenu ou la région de résidence et l'âge.

Les pratiques parentales punitives et le comportement agressif de l'enfant peuvent tous deux changer pour le mieux, et des améliorations aux unes présagent des améliorations à l'autre. Les résultats sont particulièrement encourageants dans le contexte de liens connus entre l'agression en bas âge, d'une part, et la délinquance, le crime et d'autres situations négatives ultérieures, d'autre part.

La citation est tirée des pages 23 et 24 du rapport.

De plus, Edwige Antier, qui est aussi pédiatre, rappelle que, grâce à l'imagerie médicale par IRM, on arrive désormais à montrer que les enfants qui ont reçu gifles et fessées ont un hippocampe moins développé, sans parler d'autres régions du cerveau qui peuvent être touchées. Voilà autant de preuves biologiques des troubles du développement, du comportement, de l'apprentissage et de la personnalité qui peuvent survenir de manière plus ou moins prononcée. Ce sont des découvertes révélées par la communauté scientifique qui sont relativement nouvelles.

Je rappelle que l'hippocampe est une partie du cerveau qui est impliquée dans la régulation de l'humeur, de la mémoire et de l'apprentissage. Ainsi, ce que nous disent les scientifiques, c'est que la violence éducative peut avoir un effet direct sur l'agressivité, le crime et la délinquance, mais aussi sur le décrochage scolaire, les troubles alimentaires et le suicide.

Certes, tous les enfants qui sont victimes de gifles et de fessées ne deviennent pas des criminels ou des personnes agressives. Tous n'auront pas des tendances suicidaires. Nombre d'entre eux réussiront à passer à travers leur éducation sans trop d'encombre. Toutefois, ce n'est pas parce que vous survivez à un accident d'automobile alors que vous ne portiez pas la ceinture que vous devez conclure que la ceinture de sécurité ne sert à rien. L'intensité du choc, votre constitution physique, les caractéristiques de la collision auront joué dans le fait que vous vous en soyez bien tiré. Vous garderez peut-être les séquelles d'un nez cassé ou d'une peur de la vitesse, mais cela n'affectera pas trop votre quotidien ni votre capacité à profiter de la vie.

Malgré tout, nous ne remettons plus en question l'importance de la ceinture de sécurité comme moyen de protéger le plus grand nombre d'individus. Supprimer l'article 43, c'est donner une ceinture de sécurité aux enfants en interdisant l'usage de la force dans les méthodes parentales d'éducation. Dans certains foyers, il s'agira d'une protection presque superflue. Dans bien d'autres, ce sera le moyen d'éviter les chocs sérieux et les séquelles majeures qui pourraient perturber une vie entière.

L'article 43 envoie un triple mauvais signal : celui selon lequel l'usage d'une force est acceptable, efficace et sans conséquence pour éduquer un enfant. Rien n'est plus contraire à la réalité. Il existe un rapport de force qui ne passe pas du tout le test, étant donné qu'il s'agit d'un adulte face à un enfant généralement âgé de 2 à 6 ans, groupe d'âge dont les membres sont le plus souvent frappés par les parents. Il est donc important d'aider les parents à changer leurs pratiques éducatives.

Changer les pratiques éducatives des parents, c'est justement l'idée du premier ministre britannique David Cameron. Dans un discours prononcé au début janvier de cette année, le premier ministre britannique souhaitait proposer aux parents de suivre des cours où ils pourraient apprendre à mieux élever et discipliner leurs enfants. Cette initiative serait utile aussi au Canada. « Évidemment, les enfants ne viennent pas avec un mode d'emploi. Toutefois, est-ce normal que nous disposions tous de si peu de recommandations? », s'est interrogé le premier ministre Cameron.

Le projet de loi S-206 vise aussi à donner aux parents la chance de comprendre comment ils peuvent passer à une parentalité positive en proposant une campagne d'information d'un an qui précédera l'entrée en vigueur du projet de loi, comme l'ont fait plusieurs pays qui ont adopté ce type de projet de loi.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec lance, elle aussi, un appel. Dans ma province, en 2004, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a commenté en ces termes le jugement de la Cour suprême de 2004 :

La Commission souhaitait vivement que la défense prévue à l'article 43 du Code criminel soit abrogée. Elle espérait que disparaisse du droit canadien ce qu'elle considère comme un anachronisme, qui ne devrait plus correspondre à notre conception de l'enfance, ni à nos standards en matière d'éducation. Elle estime encore que l'abrogation de cette défense constitue une condition nécessaire, bien que non suffisante, pour permettre aux enfants l'exercice de leurs droits en toute égalité et leur pleine reconnaissance comme sujets de droit.

C'est-à-dire que les enfants ne sont pas des minipersonnes, mais des personnes à part entière.

Je tiens à préciser que le gouvernement québécois a retiré toute mention du droit de correction de son code civil dès 1994. Je suis fière également de dire que, pour ce qui est de l'enseignement, les professeurs n'ont pas non plus le droit de frapper les enfants, malgré ce qui est précisé dans le Code criminel.

L'appel est lancé par plus de 500 organisations non gouvernementales et personnalités de renom du Canada, qui appuient le retrait de l'article 43.

(1530)

Depuis plusieurs années, le site Internet du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario, le CHEO, héberge la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents qui, dans sa recommandation no 5, estime que, et je cite :

5. Les punitions corporelles données aux enfants ne doivent plus être justifiées dans le Code criminel du Canada.

Cette déclaration a été endossée par 539 organisations non gouvernementales et personnalités canadiennes, selon un décompte au 1er janvier 2015. Parmi ces personnalités, notons les honorables Stephen Lewis, Roméo Dallaire, un ancien collègue que nous avons tous apprécié, ainsi que l'honorable Claire L'Heureux-Dubé, ancienne juge de la Cour suprême.

Par ailleurs, il y a un appel de trois anciens juges de la Cour suprême. Je viens de parler de Mme L'Heureux-Dubé, signataire de la déclaration conjointe. Dans le jugement de la Cour suprême de 2004 qui portait sur l'article 43 du Code criminel, deux juges de la Cour suprême ont exprimé leur souhait de voir l'article 43 aboli. La juge Arbour, qui a estimé que l'article 43 porte atteinte à la sécurité des enfants d'une manière non conforme aux principes de justice fondamentale, selon ce qui est prévu à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, l'aurait donc invalidé en raison de son imprécision inconstitutionnelle.

Par contre, la juge Marie Deschamps, qui était la gardienne de mes enfants lorsqu'ils étaient jeunes, a statué que l'article 43 contrevenait à l'article 15 de la Charte, parce que, et je cite :

[...] l'article 43 encourage l'opinion selon laquelle les enfants ne méritent pas la même protection ni le même respect de leur intégrité physique que les autres personnes, opinion qui est fondée sur l'idée désuète que les enfants sont des personnes de statut inférieur.

[Traduction]

J'aimerais maintenant parler de la décision que la Cour suprême a rendue en 2004 et de la jurisprudence. J'ai entendu dire et j'ai lu que la Cour suprême aurait confirmé que l'article 43 du Code criminel est utile et légitime. Toutefois, le rôle de la Cour suprême n'est pas de remplacer les législateurs en supprimant des articles du Code criminel.

En l'occurrence, la Cour suprême a pu seulement limiter la portée de l'article 43. Elle l'a fait en imposant d'importantes restrictions. Or, ces restrictions contredisent les données scientifiques sur le développement de l'enfant et sont donc irréalistes. Je parlerai d'abord du fait que l'article 43 est devenu une mesure théorique par rapport aux données scientifiques. Je montrerai ensuite qu'il ressort clairement de l'analyse de la jurisprudence que l'article 43 protège peu les parents. Enfin, le troisième aspect portera sur le fait que cet article met les enfants en danger. Il ne faut pas oublier que la force « raisonnable » dont il est question est une idée tout à fait subjective.

Comme je viens de le dire, l'article 43 a cessé de protéger les parents en 2004. Pire encore, les parents qui ne connaissent pas les restrictions imposées par la Cour suprême s'exposent sans le savoir au risque de faire l'objet des sanctions criminelles. C'est ce qui ressort clairement de l'analyse de la décision de la Cour suprême et de la jurisprudence que l'avocate montréalaise Geneviève Laurin a faite, à ma demande, en 2014, soit 10 ans après la décision de la Cour suprême. L'utilisation d'une ceinture, d'une cuillère de bois ou de tout autre objet constitue un acte criminel et n'est pas permis.

[Français]

Le premier point est que les restrictions de la Cour suprême, confrontées à la science, font de l'article 43 une mesure virtuelle. Comme l'indique Me Geneviève Laurin, et je la cite : « Si les châtiments corporels n'ont aucun valeur éducative ni aucun effet bénéfique et posent un risque considérable d'effets préjudiciables, les conditions établies par la Cour suprême ne peuvent donc jamais être satisfaites. Par conséquent, aucune administration de châtiments corporels ne devrait pouvoir entrer légalement dans le champ d'application de l'article 43. »

Pour arriver à cette conclusion, Me Laurin reprend les conditions essentielles énoncées par la Cour suprême pour que l'article 43 trouve application :

Premièrement, la personne qui emploie la force doit le faire pour éduquer ou corriger [...]

Deuxièmement, la correction doit pouvoir avoir un effet bénéfique sur l'enfant [...]

Troisièmement, selon elle, s'il existe un risque raisonnable de préjudice, le châtiment corporel ne devrait pas être infligé.

Or, la science nous indique que, tout d'abord, l'emploi de la force n'a aucun effet pour éduquer ou corriger — et je fais référence à de multiples travaux de scientifiques canadiens qui ont été publiés dans le Journal de l'Association médicale canadienne, à des travaux réalisés par le directeur du Yale Parenting Center and Child Conduct Clinic de l'Université Yale, par les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis, par le Center on the Developing Child de l'Université Harvard, par le 7th Annual International Forum 2013 within the German Congress on Crime Prevention, par Statistique Canada, et par le ministère ontarien des Services à l'enfance et à la jeunesse, entre autres.

Deuxièmement, il n'existe aucun effet bénéfique dans l'utilisation d'une force quelconque dans l'éducation des enfants. Au contraire, la science démontre que cela peut créer des troubles du développement, du comportement, de l'apprentissage et de la personnalité.

Troisièmement, l'utilisation d'une force fait courir de facto un risque de préjudice, ne serait-ce que sur le plan psychologique, par la dégradation de l'estime de soi en raison de l'humiliation subie ou de la contrainte à se soumettre à l'autorité, car la force ne fait pas obéir, elle oblige à se soumettre.

Ainsi, en se basant sur la science, aucune punition corporelle ne devrait entrer dans le champ d'application de l'article 43 conformément aux restrictions imposées par les juges de la Cour suprême. Cela en prouve ainsi l'inutilité.

Prenons un exemple. La Cour suprême du Canada a restreint la portée de l'article 43 pour limiter son application aux enfants âgés de 2 à 12 ans — moins de 2 ans, parce que cela donne lieu au syndrome du bébé secoué, et plus de 12 ans, pour des raisons sexuelles.

Les juges majoritaires ont stipulé que l'enfant devait, et je cite :

[...] être en mesure de comprendre la correction et d'en tirer profit.

Vous comprendrez que, à l'âge de 2 ans et demi, si un enfant brise le vase de porcelaine de sa grand-mère, il se peut qu'il ne comprenne pas la raison pour laquelle on le frappe.

Être en mesure de comprendre la correction à l'âge de 2 ou 3 ans, cela n'a pas de sens sur le plan scientifique, car les psychologues estiment que, jusqu'à l'âge de 5 ans, l'enfant est incapable de comprendre la portée de ses gestes, et j'entends les gestes physiques. Qui plus est, l'idée qu'une violence corrige un comportement est largement contestée par la science. D'ailleurs, on n'agit pas ainsi lorsqu'on veut dresser un animal; on utilise plutôt les carrés de sucre.

Les juges majoritaires ajoutent aussi ce qui suit, et je cite :

Le châtiment corporel infligé à un adolescent est préjudiciable en ce sens qu'il risque de déclencher un comportement agressif ou antisocial.

Comme si de tels comportements ne pouvaient pas naître plus tôt dans l'enfance et qu'ils ne se déclencheraient qu'au jour du 12e anniversaire. Là encore, cela n'a aucun sens. Cependant, cette limitation est tout de même la preuve que les juges majoritaires ont reconnu que l'utilisation de la force dans l'éducation des enfants est liée à la manifestation de comportements agressifs. Voilà ce qui nous encourage à agir en vue de supprimer l'article 43.

[Traduction]

Deuxième point : les parents ne sont plus protégés par l'article 43. L'analyse globale de la jurisprudence des 10 dernières années montre que les tribunaux appliquent rigoureusement la restriction imposée par la Cour suprême, mais que les parents ne semblent toujours pas être au courant.

Dans un rapport sur la violence familiale produit en 2013, l'Institut de la statistique du Québec affirme, et je cite :

Pourtant, on sait que la majorité des individus, qu'ils soient parents ou non, ignorent la décision de la Cour suprême en regard des balises législatives entourant le recours à la punition corporelle qui limitent désormais ce recours sous certaines conditions (p. ex. : recours à la force raisonnable envers les enfants âgés entre 2-12 ans, sans utilisation d'objets [...]).

Par exemple, en 2004, la majorité des juges de la Cour suprême ont déclaré que l'emploi de la force devait être « réfléchi et modéré ». On doit frapper nos enfants de manière réfléchie et modérée? N'est-ce pas précisément lorsque les parents sont en colère ou qu'ils perdent les pédales qu'ils frappent leurs enfants? Voilà qui me semble plus probable, comme scénario.

Cela signifie, honorables sénateurs, que l'article 43 ne protège plus les parents et que, dans la mesure où ils ne connaissent pas les restrictions imposées par la Cour suprême, ils s'exposent à des accusations bien plus graves que si l'article 43 avait été supprimé et qu'une campagne d'information avait été organisée.

Comme le disait Mme Laurin dans son analyse de la jurisprudence :

Dans la plupart des cas où une personne accusée d'avoir infligé des châtiments corporels invoque l'article 43 comme défense, elle perd sa cause [...] Paradoxalement, la Cour suprême a réduit le degré de prévisibilité d'une sanction criminelle contre les parents, parce que ces derniers évoluent à l'intérieur d'une zone de risque beaucoup plus restreinte et que la plupart d'entre eux ne connaissent ni la nature ni la portée de ces nouvelles restrictions.

(1540)

L'article 43 prévoit que les parents peuvent utiliser une force raisonnable pour discipliner leurs enfants, mais l'amende établit de nombreuses restrictions. En fait, les parents ne connaissent pas ces restrictions, ce qui les expose à des sanctions pénales.

[Français]

Le troisième point, c'est que l'article 43 menace la sécurité des enfants. Il y a quelques tribunaux qui peuvent avoir une interprétation laxiste du jugement de la Cour suprême, comme ce juge ontarien qui, en 2006, a acquitté une mère qui a utilisé une ceinture pour frapper ses enfants, en raison de l'absence de blessures physiques sur ces derniers, ou encore ce tribunal albertain qui, en 2008, a trouvé raisonnable qu'un parent colle un bas dans la bouche de son enfant au moyen d'un ruban adhésif. Il y a aussi un tribunal ontarien qui, en 2011, a considéré raisonnable une fessée qui a laissé des ecchymoses en forme de main, car cette punition avait été précédée par un avertissement et suivie d'un réconfort, ainsi que d'une explication de la fessée, alors même que la Cour suprême interdit explicitement, et je cite :

[...] l'emploi de la force qui cause des blessures à l'enfant.

Ainsi, depuis 10 ans, non seulement l'article 43 expose plus généralement qu'on ne le pense les parents à des poursuites — car ils ignorent les restrictions de la Cour suprême, tandis que les tribunaux appliquent généralement de manière stricte ces restrictions —, mais, en plus, l'article 43 fait peser une menace sur les enfants lorsque les tribunaux font une interprétation laxiste du jugement de 2004 et acquittent des parents qui n'auraient pas dû l'être.

Honorables sénateurs, depuis 2004, avec l'article 43, tout le monde est perdant, les parents, l'enfant et la société. Il est devenu pour nous tous préjudiciable de maintenir cet article en vigueur. C'est la conclusion de Me Laurin, que je cite à nouveau : « L'application difficile de l'article 43 en raison des critères extrêmement sévères établis par la Cour suprême en 2004, l'ignorance généralisée des parents quant à la véritable sphère de protection de cet article, ainsi que le risque d'interprétation rétrograde par certains tribunaux inférieurs de son champ d'application démontrent que l'article 43 cause plus de préjudices qu'il n'offre de véritables bénéfices. »

Cette situation s'applique aussi aux enseignants. Récemment, j'ai lu dans la presse que des enseignants craignaient de faire l'objet de poursuites criminelles si on abrogeait l'article 43. Or, là encore, l'article 43 ne les protège déjà plus.

En effet, depuis la décision de la Cour suprême en 2004, la jurisprudence canadienne a tellement limité la portée de l'article 43 à des situations spécifiques, telles que le besoin d'immobiliser un élève particulièrement agité ou le besoin de le faire sortir de classe, que la défense de nécessité prévue dans la common law suffirait à légitimer le comportement d'un enseignant faisant usage d'une force raisonnable dans ces situations.

Par ailleurs, au Québec, la Loi sur l'instruction publique, à l'article 76, interdit tout châtiment corporel dans ses écoles.

Je vous ai dit que la Cour suprême ne pouvait se substituer au législateur, et c'est vrai. Cependant, les restrictions qu'elle a apportées en 2004 à l'article 43 se sont répercutées dans les décisions des tribunaux depuis 10 ans, à tel point qu'aujourd'hui cet article est quasi caduc. Or, nous sommes au milieu du gué. L'article 43 est toujours là, il envoie des messages confus aux parents qui sont largement contredits par la science et les restrictions de la Cour suprême, et personne ou presque ne le respecte, par méconnaissance. Dans ce cas, abroger cet article purement et simplement afin d'envoyer un signal clair à la société sur le respect de l'intégrité physique des enfants et offrir une campagne d'information aux parents me paraît être la solution la plus avantageuse et la plus protectrice pour tous.

J'aborde enfin le dernier point de mon discours : celui de l'origine de l'idée selon laquelle il faudrait frapper un enfant pour l'éduquer.

Dans son dernier livre, intitulé Vingt siècles de maltraitance chrétienne des enfants, Olivier Maurel, un spécialiste de la question de la violence faite aux enfants, nous explique que le message de Jésus concernant les enfants était très révolutionnaire pour l'époque, puisque le Christ leur accordait une importance et une protection inédite, qui n'a malheureusement pas été suivie de mesures, bien au contraire, dans la société.

Non seulement l'Église n'a pas entendu le message de Jésus sur les enfants, et vous pourrez vous référer à quelques évangiles, mais l'interprétation des Saintes Écritures par saint Augustin a emporté l'Église vers des chemins contraires au message du Christ. En inventant le péché originel, saint Augustin tournait le dos au message originel, et l'Église avec lui, 20 siècles durant. Je cite le texte de Matthieu (18, 1-6) :

À ce moment-là, les disciples s'approchèrent de Jésus et dirent : qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux? Et Jésus appela un petit enfant et le plaça au milieu d'eux, et dit : je vous le dis, en vérité, si vous ne vous convertissez pas et si vous ne redevenez pas comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. C'est pourquoi celui qui se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux, et celui qui accueille en mon nom un petit enfant comme celui-ci m'accueille moi-même. Mais si quelqu'un fait trébucher un seul de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspende à son cou une meule de moulin et qu'on le jette au fond de la mer. Faites bien attention de ne pas mépriser un seul de ces petits, car je vous dis que leurs anges dans le ciel sont continuellement en présence de mon père céleste.

[Traduction]

Olivier Maurel a dit ceci :

Frapper des enfants va évidemment à l'encontre de l'injonction quadruple : ne pas mépriser les enfants; traiter les enfants comme s'ils étaient Jésus, ou mieux encore, Dieu; considérer les enfants comme étant des modèles à imiter; suivre le conseil selon lequel il serait préférable d'accrocher une meule de moulin autour du cou d'une personne que de détourner un enfant du droit chemin.

[Français]

Avant Jésus, la Bible ne parlait des enfants que pour les battre, parce qu'ils portaient la folie en eux. Avec Jésus, tout change : « Ne méprisez pas les enfants, ne les scandalisez pas », disait-il, recommandant de les voir comme des images de lui-même et de Dieu. Dans une société où frapper son enfant est une façon normale et légitime de l'élever, comment le Christ a-t-il pu prononcer de telles paroles en rupture avec son époque?

Selon Maurel, le Christ a bénéficié d'un respect de son intégrité physique sans commune mesure avec les pratiques de son époque. « Frappe-t-on un enfant dont on croit qu'il est Dieu ou envoyé de Dieu? », se demande l'auteur, qui répond par la négative.

Comment se fait-il que les apôtres et les premiers théologiens n'aient pas entendu le message du Christ? Pour Olivier Maurel, la réponse est dans le contexte de l'époque. Selon lui, le message était inaudible, compte tenu des pratiques éducatives violentes qui sévissaient depuis des siècles déjà dans la société juive et dans toutes les sociétés contemporaines de Jésus, en raison aussi d'une totale absence de connaissances scientifiques sur le développement de l'enfant, dont les progrès ne datent que d'un siècle environ. Du coup, les apôtres ont réinterprété le message au regard de leurs propres préjugés. Ainsi, dans le Nouveau Testament, disparaît l'accueil à réserver aux enfants, disparaissent toutes les paroles de Jésus sur les enfants et, selon Olivier Maurel, et je cite :

Les premiers théologiens n'ont pas pu se détacher de l'idée qu'ils avaient de l'enfant, un être petit, humble, qui obéit ou doit obéir, qui n'éprouve pas les passions des adultes.

Cependant, le pire est à venir, nous dit l'auteur. Le pire est l'interprétation des Saintes Écritures par saint Augustin, qui influencera la doctrine de l'Église jusqu'à nos jour, et je parle de toutes les religions chrétiennes. Dans son livre intitulé Les Confessions, saint Augustin réinterprète les Écritures en se basant sur sa propre expérience, et invente le péché originel, car il considère que le péché est contracté dès la naissance par voie de génération et non par simple imitation. Ainsi, si saint Augustin reconnaît que le nouveau-né est innocent de toute faute personnelle, car il n'a pas eu le temps ni la possibilité de contracter un péché, il estime toutefois que le contact du nouveau-né avec le sein de sa mère suffit à contracter le péché originel communiqué à tous les hommes par Adam.

Comme interprétation loufoque, on ne fait pas mieux. Imaginez cela : ce geste, le plus beau, qui consiste pour une mère à nourrir son enfant par son sein, est vu par saint Augustin comme une souillure qui entache le nouveau-né. Ces bébés sont pour saint Augustin « des enfants de colère, empoisonnés, infectés par la morsure du serpent infernal ».

Comme le dit Olivier Maurel, et je cite :

On a du mal à reconnaître, dans cette description, les enfants que Jésus donnait en exemple à ses disciples et dont les anges se tiennent constamment auprès de son Père qui est aux cieux. Saint Augustin, lui, ne les imagine qu'aux mains du démon et empoisonnés par lui.

Cette interprétation pour le moins excentrique de l'enfant a donné une légitimité biblique à la violence éducative. Il faut, en effet, chercher loin dans le temps pour comprendre pourquoi on battait les enfants en pensant que, si on les aimait, il fallait les battre. Cette interprétation est l'œuvre d'un personnage à l'esprit troublé. En effet, la philosophie de saint Augustin est intimement liée à sa vie et, en particulier, à son expérience de la culpabilité.

(1550)

Ainsi, dans le Livre premier, au chapitre VII de ses Confessions, saint Augustin explique pourquoi, d'après lui, l'enfant est pécheur. Il parle de son enfance durant laquelle il décrit son besoin de se nourrir au sein de sa mère comme d'un vice « ridicule » et « répréhensible ». Il parle aussi de ses caprices et de ses emportements et critique qu'il faille endurer ces « défauts avec caresse », des comportements qui, plus tard, ne pourront que susciter de la révolte. Il évoque un nourrisson qui, selon lui, regardait son frère avec jalousie, preuve pour lui que l'âme de l'enfant est corrompue.

C'est assez vertigineux comme interprétation.

Voici les réflexions troublées d'un homme qui influencera l'Église sur la nécessité de frapper un enfant pour l'éduquer, ce qui engendrera des millions de victimes à travers les siècles. Je vous cite un passage des Confessions de saint Augustin :

Quel était donc mon péché d'alors? Était-ce de pleurer avidement après la mamelle? Or, si je convoitais aujourd'hui avec cette même avidité la nourriture de mon âge, ne serais-je pas ridicule ou répréhensible? Je l'étais donc alors. Mais comme je ne pouvais comprendre la réprimande, ni l'usage ni la raison ne me permettait de me reprendre. Vice réel toutefois que ces premières inclinations, car en croissant nous les déracinons et les rejetons loin de nous, et je n'ai jamais vu homme de sens qui, pour retrancher le mauvais, jetterait le bon. Était-il donc bien, vu l'âge si tendre, de demander en pleurant ce qui ne se pouvait impunément donner; de s'emporter avec violence contre ceux sur qui l'on n'a aucun droit, personnes libres, âgées, père, mère, gens sages ne se prêtant pas au premier désir de les frapper, en tâchant de leur faire tout le mal possible pour avoir refusé une pernicieuse obéissance?

Ainsi si la faiblesse du corps au premier âge est innocente, l'âme ne l'est pas. Un enfant que j'ai vu et observé était jaloux. Il ne parlait pas encore, et regardait, pâle et farouche, son frère de lait. Chose connue, les mères et nourrices prétendent conjurer ce mal par je ne sais quels enchantements. Mais est-ce innocence dans ce petit être, abreuvé à cette source de lait abondamment épanché de n'y pas souffrir près de lui un frère indigent dont ce seul aliment soutient la vie? Et l'on endure ces défauts avec caresse, non pour être indifférents ou légers, mais comme devant passer au cours de l'âge. Vous les tolérez, alors plus tard ils vous révoltent.

Saint Augustin est un homme du Ve siècle de notre ère, avec ses croyances du Ve siècle, avec ses superstitions du Ve siècle, avec ses peurs du Ve siècle, avec ses connaissances du Ve siècle et avec cette conception de l'éducation du Ve siècle. N'avons-nous pas progressé depuis? Que l'Église veuille s'en tenir à cette vision du monde, cela ne nous étonnera pas. N'a-t-elle pas mis 400 ans à reconnaître que la Terre est ronde?

Cependant, honorables sénateurs, nous, pourquoi n'écouterions-nous pas les hommes de science du XXIe siècle?

Si la science contredit les restrictions des juges de la Cour suprême, elle contredit aussi le message biblique inventé par saint Augustin, car, contrairement à ce que prétend le dogme religieux, l'agressivité n'est pas dans l'âme de l'enfant. L'homme apprend à être violent. Ce point représente désormais un consensus scientifique mondial exprimé par la déclaration de Séville en 1986 et diffusée par l'UNESCO en 1989.

Comme il s'agit d'un document méconnu, je vais prendre le temps de vous lire trois des cinq propositions qui visent plus spécifiquement le sujet qui nous intéresse.

La deuxième proposition dit ceci :

Il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre ou toute autre forme de comportement violent soit génétiquement programmée dans la nature humaine. Si des gènes sont impliqués à tous les niveaux du fonctionnement du système nerveux, ils sont à la base d'un potentiel de développement qui ne se réalise que dans le cadre de l'environnement social et écologique. Si incontestablement les individus sont différemment prédisposés à subir l'empreinte de leur expérience, leurs personnalités sont néanmoins la résultante de l'interaction entre leur dotation génétique et les conditions de leur éducation. En dehors de quelques rares états pathologiques, les gènes ne conduisent pas à des individus nécessairement prédisposés à la violence. Mais le contraire est également vrai. Si les gènes sont impliqués dans nos comportements, ils ne peuvent à eux seuls les déterminer complètement.

Selon ce postulat scientifique du XXe siècle, l'idée avancée par l'Ancien Testament il y a plus de 2 000 ans selon laquelle « qui aime bien châtie bien », ou l'idée selon laquelle il convient de frapper un enfant pour l'éduquer, parce qu'il est intimement porteur du péché originel, ne font aucun sens. En revanche, puisque l'individu est le résultat de l'interaction entre sa génétique et son éducation, nous pouvons donc anticiper qu'une éducation usant de la force conduira à dérégler son développement.

La troisième proposition se lit comme suit :

Il est scientifiquement incorrect de dire qu'au cours de l'évolution humaine une sélection s'est opérée en faveur du comportement agressif par rapport à d'autres types. Dans toutes les espèces bien étudiées, la capacité à coopérer et à accomplir des fonctions sociales adaptées à la structure d'un groupe détermine la position sociale de ses membres. Le phénomène de « dominance » implique des liens sociaux et des filiations; il ne résulte pas de la seule possession et utilisation d'une force physique supérieure, bien qu'il mette en jeu des comportements agressifs. Lorsque, par la sélection génétique de tels comportements ont été artificiellement créés chez des animaux, on a constaté l'apparition rapide d'individus hyper agressifs; ceci permet de penser que dans les conditions naturelles, la pression en faveur de l'agressivité n'avait pas naturellement atteint son niveau maximal. Lorsque de tels animaux hyper agressifs sont présents dans un groupe, soit ils détruisent la structure sociale, soit ils en sont éliminés. La violence n'est inscrite ni dans notre héritage évolutif ni dans nos gènes.

La quatrième proposition nous dit ceci :

Il est scientifiquement incorrect de dire que les hommes ont « un cerveau violent »; bien que nous possédions en effet l'appareil neuronal nous permettant d'agir avec violence, il n'est pas activé de manière automatique par des stimuli internes ou externes. Comme chez les primates supérieurs et contrairement aux autres animaux, les fonctions supérieures neuronales filtrent de tels stimuli avant d'y répondre. Nos comportements sont modelés par nos types de conditionnement et nos modes de socialisation. Il n'y a rien dans la physiologie neuronale qui nous contraigne à réagir violemment.

Ainsi, la communauté scientifique nous dit que l'homme n'est pas violent par nature : il le devient et il apprend à l'être. Si l'on tient compte de ce postulat mondialement accepté, une société où prévaut la croyance du péché originel qui suppose de frapper un enfant pour l'éduquer ne peut qu'engendrer des êtres qui utiliseront la violence pour éduquer leurs enfants dans un cycle quasi sans fin. Ce cycle sévit encore aujourd'hui, malheureusement. Or, le projet de loi S-206 contribuerait à mettre fin à ce cycle.

Malheureusement, très rares sont les civilisations qui ont échappé à cette coutume de la violence éducative au point, nous rappellent certaines archives, où les missionnaires français arrivés au Canada au XVIIIe siècle furent stupéfaits de constater que les Amérindiens ne frappaient jamais leurs enfants. Cet énoncé provient de l'ouvrage publié en 1985 et intitulé Les petits innocents. L'enfance en Nouvelle-France, de Mme Denise Lemieux, de l'Institut québécois de la recherche sur la culture.

Il avait donc déjà été prouvé, à cette époque, que la violence éducative chez les Amérindiens n'était pas un outil d'éducation. L'utilisation de la force, de la violence physique ou psychologique dans l'éducation des enfants n'a donc pas toujours existé dans l'histoire de l'homme, certains peuples ayant été plus longtemps que d'autres épargnés.

[Traduction]

Je voudrais conclure mes observations en citant les paroles de certains imams invités dans une mosquée de Montréal et dont les propos ont fait l'objet, le 19 janvier dernier, d'un article dans le Journal de Montréal. Les imams ont dit que « l'homme a le droit de battre sa femme lorsque celle-ci lui désobéit » et que « l'homme ne bat pas sa femme pour lui infliger des douleurs, mais pour la ramener à ses sens et rétablir son autorité ».

[Français]

Vous savez sûrement, tout comme moi, que les femmes et les enfants ont d'abord été battus; heureusement, les femmes ont su s'organiser pour faire modifier la loi concernant cet aspect. Lorsque je suivais mon cours de droit, l'article qui permettait aux maris de battre leurs épouses existait toujours dans le Code civil du Québec.

[Traduction]

Si on remplace le mot « femme » par le mot « enfants », on reconnaît une notion de discipline qui n'est pas très éloignée de celle dont il est question dans la décision de la Cour suprême. L'homme a le droit de battre ses enfants lorsque ceux-ci lui désobéissent; et l'homme ne bat pas ses enfants pour leur infliger des douleurs, mais pour les ramener à leurs sens et rétablir son autorité.

Honorables sénateurs, j'espère que vous comprendrez que cette attitude est inacceptable tant en ce qui concerne les femmes que les enfants, et que les comportements qui découlent de cette vision archaïque de la famille sont également inacceptables.

[Français]

Sa prise de conscience de l'horreur des méthodes d'éducation perpétrées dans les pensionnats autochtones doit convaincre le gouvernement du Canada de devenir un chef de file en ce qui concerne la protection des enfants et des femmes. Si le pape doit s'excuser, le Canada aussi doit faire sa part.

(1600)

Les enfants autochtones font partie d'une liste interminable de victimes que la chrétienté n'a pas su protéger comme le demandait Jésus. Au lieu de cela, elle a justifié l'usage de la violence éducative sur la base des interprétations douteuses de saint Augustin formulées il y a 1 500 ans.

L'article 43 est un vestige de cet archaïsme, un article-fossile que la Cour suprême a quasiment vidé de sa substance en 2004 en imposant des restrictions dont la science nous démontre qu'elles ne peuvent presque jamais se rencontrer dans la réalité. Cette situation fait en sorte que ni les parents, ni les enseignants ne sont déjà plus protégés par l'article 43 qui, en outre, ne protège pas toujours les enfants contre les abus.

Les enfants canadiens ont été trop longtemps négligés, la violence éducative ordinaire trop souvent minimisée, les conséquences sur les enfants et les coûts sur la société trop longtemps ignorés. Il y a désormais urgence à réformer notre attitude et notre Code criminel pour protéger nos citoyens les plus vulnérables. Le message doit être clair : on ne frappe pas les enfants pour les éduquer.

Aujourd'hui, il me semble qu'il est temps d'aider les parents à s'orienter vers une discipline positive en les informant qu'il y a d'autres façons d'éduquer ses enfants, et d'abroger l'article 43 du Code criminel en votant en faveur du projet de loi S-206.

Son Honneur le Président : Sénatrice, souhaitez-vous disposer de quelques minutes de plus pour répondre à des questions?

La sénatrice Hervieux-Payette : Oui.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, au cours des années 1950, j'ai moi-même été victime de violence physique et verbale, la violence verbale et psychologique faisant plus mal que la violence physique.

Depuis que je suis sénateur, je visite des jeunes dans les écoles, dans les centres de jeunesse et dans les prisons. Chaque fois que je parle de violence éducative, on me dit qu'on aime mon projet, que ce n'est pas la première fois que j'en parle, mais on dirait que cela n'avance pas.

Cette année, je n'ai pas encore visité d'écoles. Je le ferai en février et mars prochain. Aujourd'hui, en 2016, on me dit toujours qu'il faut obtenir l'aide du gouvernement provincial également.

Tout ce que vous avez dit, selon moi, vous aviez absolument raison de le dire. Les professeurs, les gens de la Direction de la protection de la jeunesse et le personnel des prisons me disent qu'ils n'ont pas suffisamment d'aide et que la violence continue de plus belle. Quelle est votre opinion par rapport à cela?

La sénatrice Hervieux-Payette : Nous avons un très bon exemple. Étant donné que, depuis 1994, le Québec interdit la violence faite aux enfants dans les écoles, étant donné que les enseignants ne peuvent plus frapper les enfants à des fins de correction et que les parents québécois n'ont aucune autorisation de frapper les enfants, même si le Code criminel a limité énormément cette autorisation en 2004, je vous rappelle que le Québec a adopté une politique conformément à laquelle le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de la Sécurité publique ont créé un comité de travail et ont rédigé un code de déontologie pour déterminer qui doit intervenir et comment.

Lorsque les voisins, le médecin ou d'autres personnes savent que des enfants se font frapper régulièrement, lorsque ces derniers sont dénoncés, c'est le ministère de la Santé et des Services sociaux qui en fait l'évaluation. Lorsque la violence prend une ampleur telle qu'elle devient une offense criminelle, le cas est transmis à la police. Tout est codifié et tout est organisé.

La même chose peut se faire partout au Canada. D'ailleurs, le taux de délinquance juvénile au Québec est de loin inférieur à celui du reste du Canada. L'une des raisons, c'est justement parce que nous sommes intervenus il y a environ une vingtaine d'années.

Évidemment, il faut plus d'une génération pour changer les comportements, étant donné qu'on parle de comportements qui datent de plus de 2 000 ans. Soyons patients, sénateur Demers. Nous avons encore quelques années devant nous pour apprendre à être parents. Cependant, si le premier ministre Cameron de l'Angleterre, à ce moment-ci, affirme qu'il faut éduquer les parents, cela signifie que, au Canada, nous aurions probablement besoin de prendre les mêmes mesures.

Le sénateur Demers : Merci beaucoup.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à autoriser le comité à examiner, afin d'en faire rapport, la composition des comités—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyé par l'honorable sénatrice McCoy :

Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les pratiques du Sénat et les dispositions du Règlement du Sénat relatives aux comités, notamment les pratiques et dispositions concernant les sénateurs qui sont membres des comités, afin d'évaluer si tous les sénateurs :

a) sont, dans les faits, traités également et de façon juste et équitable, peu importe qu'ils siègent à titre de membres du gouvernement, à titre de membres de l'opposition, à titre de membres de partis reconnus ou à titre de sénateurs indépendants;

b) ont les mêmes possibilités raisonnables de contribuer pleinement, par leur travail en comité et le fait d'être membres des comités, au rôle de cette Chambre en tant qu'assemblée législative complémentaire chargée de porter un second regard objectif et de participer à ce rôle, tous les sénateurs pouvant ainsi remplir adéquatement les rôles et responsabilités qui leur sont conférés par la Constitution;

Que, ce faisant, le Comité du Règlement porte une attention particulière aux éléments suivants :

a) le processus de sélection des membres du comité de sélection, afin que tous les sénateurs puissent être pris en considération aux fins de la composition de ce comité et afin que les intérêts de tous les sénateurs, peu importe qu'ils siègent à titre de membres du gouvernement, à titre de membres de l'opposition, à titre de membres de partis reconnus ou à titre de sénateurs indépendants, soient représentés au sein de ce comité;

b) le processus suivi par le Comité de sélection pour recommander les membres devant composer les autres comités;

Que le Comité du Règlement tienne aussi compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs qui ne seront membres d'aucun parti reconnu et des répercussions de cette nouvelle réalité, y compris pendant la session en cours;

Que le Comité du Règlement, sur la base de son examen, recommande les modifications à apporter au Règlement et les rajustements à apporter aux pratiques du Sénat;

Que le Comité du Règlement présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2016.

L'honorable Diane Bellemare : J'interviens aujourd'hui au sujet de la motion du sénateur Wallace. Tout d'abord, je tiens à remercier le sénateur Wallace d'avoir présenté cette motion et d'avoir soulevé des questions sur lesquelles nous aurions dû nous pencher depuis longtemps. Elles revêtent une très grande importance pour les nouveaux sénateurs qui seront nommés ici, car elles les aideront à remplir leurs fonctions constitutionnelles. Cette motion pourrait entraîner des changements à nos pratiques et régler certains problèmes que, en tant que sénateurs, nous connaissons à l'heure actuelle ou avons déjà connus dans cette enceinte.

[Français]

Deuxièmement, je tiens à souligner que cette motion s'inscrit dans nos travaux concernant la modernisation de notre institution. Son adoption peut contribuer à redorer le blason du Sénat du Canada en en faisant une institution moins partisane et plus indépendante que par le passé.

C'est dans ce contexte plus large de la modernisation du Sénat et de l'arrivée imminente de nouveaux sénateurs non affiliés à un parti politique que s'inscrivent mes commentaires. Je soutiens que si les changements que cette motion appelle m'apparaissent nécessaires, ils ne sont toutefois pas suffisants pour que le Sénat devienne cette institution réfléchie tant souhaitée par la population.

Dans ce qui suit, je propose un amendement à la motion du sénateur Wallace visant à ce que le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement fasse rapport au Sénat des modifications à apporter au Règlement du Sénat afin qu'un groupe de sénateurs non affiliés à un parti politique puissent former un groupe reconnu de sénateurs indépendants qui bénéficieraient d'un statut équivalent à celui d'un groupe affilié à un parti reconnu.

Pourquoi la création d'un groupe de sénateurs indépendants apparaît-t-elle nécessaire?

Qu'on le veuille ou non, ces dernières années, la réputation du Sénat a été profondément entachée et le doute quant à son utilité s'est répandu dans la population, mais aussi chez les députés de certaines formations politiques à la Chambre des communes. Le Sénat du Canada doit ainsi travailler en eaux troubles. Il doit se prendre en main et modifier ses règles et pratiques pour favoriser ce que les Canadiens et Canadiennes souhaitent que l'on fasse, soit un examen impartial de la législation provenant de la Chambre des communes.

À cet effet, redonner au Sénat ses lettres de noblesse ne relève pas uniquement d'une stratégie de communication. Aujourd'hui, un trop grand nombre de Canadiens et Canadiennes considèrent que la loyauté des sénateurs à leur parti d'allégeance est plus importante que leur loyauté à défendre les intérêts de la population et le bien commun du pays. C'est pourquoi de nombreuses personnes croient que le Sénat représente une dépense publique inutile.

À l'heure actuelle, nos règles et pratiques favorisent la partisanerie. On peut même démontrer que la partisanerie est institutionnalisée dans notre Règlement; à preuve, la difficulté qu'éprouvent les sénateurs indépendants à exercer leur devoir constitutionnel. Si nos règlements empêchent les sénateurs indépendants de faire leur travail convenablement, c'est qu'il y a un problème institutionnel à régler.

La motion du sénateur Wallace s'attaque à cette problématique en demandant au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement de recommander des modifications aux règles après avoir évalué si, dans les faits, tous les sénateurs sont traités de façon juste et équitable. La motion du sénateur Wallace demande également au comité de tenir compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs non affiliés à un parti et des répercussions de cette réalité.

L'approche du sénateur Wallace vise à accorder à tous les sénateurs considérés individuellement le même statut, qu'ils soient affiliés ou non à un parti politique.

(1610)

Cette approche individualiste est intéressante mais, à mon avis, elle ne va pas assez loin. Il n'est pas suffisant de nommer des sénateurs considérés indépendants, il faut aussi créer les conditions pour que les sénateurs indépendants puissent le demeurer. Il faut effectuer les changements institutionnels qui le permettront.

Avant d'aller plus loin, il me semble important de répondre à la question suivante : peut-on imaginer que le Sénat canadien soit composé uniquement de sénateurs non affiliés? Est-ce réaliste? Est-ce souhaitable? Quand on regarde le fonctionnement des sénats dans le monde, les sénateurs dans les grands pays démocratiques sont généralement affiliés à un parti politique. Comme l'affirment les politologues Meg Russell et Maria Sciara dans un article paru dans un journal scientifique intitulé Parliamentary Affairs, portant sur le rôle des crossbenchers à la Chambre des lords, et je cite :

[Traduction]

Il est généralement accepté que, dans les démocraties modernes, les parlements sont dominés par les partis.

Selon une analyse des renseignements contenus dans la base de données de l'Union interparlementaire réalisée en 2006, peu de Parlements comptaient un nombre important de sénateurs indépendants. Comme l'ont laissé entendre Russell et Sciara, cette situation peut s'expliquer par le fait que, dans bien des pays, les sénateurs sont élus.

[Français]

Le Royaume-Uni est cependant l'un de ces pays où le nombre d'indépendants est important. Au Royaume-Uni, les lords sont nommés, comme c'est le cas au Canada. Les lords indépendants représentent plus de 20 p. 100 de la Chambre haute, et, depuis l'an 2000, ils constituent environ 20 p. 100 des nouvelles nominations. Les autres 80 p. 100 sont des nominations où les lords sont affiliés à des partis politiques. Comme vous le savez, la commission indépendante qui propose la liste des personnalités pouvant être qualifiées pour devenir lord est composée de lords dits indépendants, mais aussi de candidats provenant de partis politiques. La commission, au Royaume-Uni, a pour rôle d'étudier l'ensemble des candidatures, celles qui viennent de la population et celles qui proviennent des partis politiques.

À la lumière des expériences des pays étrangers, il me semble irréaliste de penser que le Sénat canadien puisse être composé uniquement de sénateurs non affiliés. D'ailleurs, ce ne serait peut-être pas souhaitable pour la qualité des débats. Même dans les fédérations où les sénateurs ont le mandat de représenter leur région, les sénateurs sont aussi affiliés à un parti politique. Toutefois, et c'est ce qu'il faut retenir, un sénateur affilié à un parti politique peut ne pas être partisan pour autant. En d'autres mots, il faut distinguer partisanerie et affiliation politique, et plusieurs d'entre vous ont déjà fait cette distinction, mais je le répète, selon le sens commun, on dit de quelqu'un qu'il ou elle est partisan ou partisane quand son jugement et son action sont teintés par les intérêts immédiats du parti politique auquel il ou elle appartient.

Bref, est partisan quelqu'un qui n'est pas capable de poser un regard objectif et rationnel sur une réalité, sans tenir compte des conséquences de son analyse sur le parti politique auquel il est affilié. Cette personne manifeste un parti pris. Sa loyauté au parti auquel elle appartient passe avant sa loyauté à la recherche du bien commun.

Il est clair qu'une personne peut être affiliée à un parti politique sans être partisane. En d'autres mots, l'affiliation politique n'est pas synonyme de partisanerie.

Chers collègues, je suis convaincue que les Pères de la Confédération ont souhaité que les sénateurs canadiens puissent être affiliés à un parti politique sans être partisans. Ils n'ont pas voulu que les sénateurs soient élus et que, en conséquence, ils agissent comme les députés de la Chambre des communes, qui ont nécessairement la cause ou les intérêts de leur parti à l'esprit.

Les Pères de la Confédération considéraient que, lorsque les sénateurs sont élus, comme c'était le cas avant 1867, leurs agissements ne se distinguaient peut-être pas suffisamment de ceux des députés de la Chambre des communes. Ils désiraient que les sénateurs agissent avec plus de sagesse et indépendamment des stratégies électoralistes de leur parti d'affiliation. C'est pour cette raison qu'ils ont décidé de nommer les sénateurs à vie.

La question qui se pose maintenant est la suivante : quelles sont les pratiques qui encouragent les sénateurs, qui sont généralement affiliés à un parti, ainsi que la Chambre haute prise dans son ensemble, à être moins partisans ou non partisans? Encore une fois, l'examen des modes de fonctionnement des sénats dans le monde est instructif à cet égard. Il ressort au moins deux caractéristiques évidentes d'un survol des modes de fonctionnement de plusieurs sénats dans le monde.

Comme je l'ai déjà souligné, les sénateurs sont généralement affiliés à un parti politique. Toutefois, dans la plupart des sénats du monde, il y a plus de trois partis politiques représentés. En Australie, par exemple, il y a 76 sénateurs qui sont répartis entre 8 formations politiques et un groupe de 4 sénateurs indépendants. En Belgique, les sénateurs sont réunis en 9 groupes politiques; au Royaume-Uni, les quelque 820 lords sont affiliés soit au groupe des travaillistes, des conservateurs, des libéraux ou des indépendants qui sont les crossbenchers, sans compter les représentants de l'Église, qui forment aussi un groupe au Royaume-Uni.

En France, les 348 sénateurs sont regroupés à l'intérieur de 6 formations politiques et d'un groupe d'indépendants. Pour chaque formation politique, les sénateurs peuvent être membres officiels de la formation politique et peuvent y être apparentés ou encore y être rattachés administrativement. Il existe donc en France plusieurs statuts pour les sénateurs.

Cette caractéristique quant au nombre de caucus m'apparaît d'une importance capitale. En effet, retournons pour l'instant à l'origine même du bicaméralisme. Le Sénat existe notamment pour empêcher qu'un parti politique élu par une majorité simple d'électeurs gère le pays uniquement en fonction de sa base électorale. Le Sénat doit pouvoir s'opposer à de telles décisions prises unilatéralement par le parti au pouvoir. Cependant, si le parti au pouvoir a aussi la majorité absolue au Sénat, le parti au pouvoir et le gouvernement, conséquemment, pourront toujours trouver les moyens d'imposer leurs vues à la Chambre haute.

C'est pourquoi l'exercice de la démocratie peut être compromis lorsqu'il existe seulement deux formations politiques représentées au Sénat, comme c'est le cas actuellement. Il faut au moins trois caucus pour pouvoir poser un second regard législatif et pour tenir compte de l'ensemble des intérêts de la population. Quand il y a seulement deux caucus, l'un domine nécessairement l'autre, et quand il y a au moins trois caucus, les chances sont plus grandes qu'aucun ne puisse gouverner seul dans la Chambre haute. C'est une question de mathématique simple.

De plus, chers collègues, n'est-il pas archaïque que le Sénat soit composé seulement de 2 caucus, soit un caucus libéral et un caucus conservateur quand, dans la vraie vie, il y a 5 partis politiques fédéraux représentés à la Chambre des communes et plus de 20 partis politiques enregistrés auprès d'Élections Canada?

Honorables sénateurs, je reviens maintenant à la question fondamentale : que peut-on faire pour réduire la partisanerie au Sénat, comme nous le demande la population? À cet effet, le Sénat, à mon avis, devra changer ses règles et procédures internes pour faire en sorte que l'indépendance d'esprit ne soit pas pénalisée. Les leaders ont plusieurs pouvoirs pour imposer une discipline de parti. Si on veut que les sénateurs jouent leur rôle constitutionnel et deviennent plus indépendants d'esprit malgré leur affiliation politique, les pratiques doivent changer afin de permettre une gestion démocratique et collégiale des tâches, des responsabilités et des privilèges qui y sont associés. Cela permettra d'affranchir les sénateurs du petit calcul politique. C'est justement l'objet de la motion présentée par l'honorable sénateur Wallace, qui vise à assurer que chaque sénateur pris individuellement soit traité également.

Ces dispositions ne m'apparaissent toutefois pas suffisantes. Nos règles doivent changer pour permettre à un groupe de sénateurs indépendants non affiliés à un parti de former un groupe reconnu. Il faut permettre et encourager un regroupement des sénateurs indépendants, en particulier ceux qui seront nouvellement nommés. Il faut faire un troisième caucus. Le Sénat, comme institution, a intérêt à ce que les sénateurs indépendants se regroupent au sein d'un caucus d'indépendants à l'instar des crossbenchers du Royaume-Uni. Cela facilitera non seulement leur intégration et organisation matérielle, mais aussi l'organisation cohérente des débats en Chambre.

Cela permettra également de veiller à ce que tous les sénateurs, peu importe leur allégeance, soient traités sur un pied d'égalité. C'est une autre façon de faire.

(1620)

[Traduction]

Chers collègues, comme vous le savez sans doute, au Royaume-Uni, les indépendants sont organisés en un véritable groupe, sous l'égide d'un responsable élu qui permet l'organisation du caucus des indépendants. Ils se réunissent chaque semaine et ont un site web. Comme je l'ai déjà dit, depuis le début de l'année 2000, 20 p. 100 des personnes nommées par la reine à la demande du premier ministre sont des indépendants, tandis que 80 p. 100 sont des lords affiliés à un parti politique ou des représentants de l'Église.

Certaines ressources servent à soutenir l'organisation des indépendants, qui n'ont ni whip ni ligne de parti à respecter. Les indépendants peuvent avoir — et ont — des points de vue divergents sur les mesures législatives. Leur participation aux comités est proportionnelle à leur importance. Il existe une certaine mobilité entre les membres des caucus affiliés à des partis politiques et les membres indépendants, mais qui veut se joindre à un caucus n'est pas automatiquement accepté.

Les indépendants soulèvent souvent des questions pertinentes. Selon l'étude réalisée par Meg Russell et Maria Sciara, les indépendants ne forment pas un groupe homogène d'un point de vue philosophique. Ils proviennent d'horizons différents et peuvent détenir la balance du pouvoir.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénatrice Bellemare, désirez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bellemare : Oui, s'il vous plaît, j'ai presque terminé.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

La sénatrice Bellemare : Je cite les auteurs : « Les indépendants incarnent à de nombreux égards les qualités attribuées aux lords : l'expertise, l'indépendance par rapport à un parti et le débat réfléchi. »

[Français]

Motion d'amendement

L'honorable Diane Bellemare : Chers collègues, pour toutes ces raisons, je propose que l'on prépare l'arrivée et l'intégration de nos futurs collègues indépendants à cette Chambre haute et que l'on agisse en amont à leur égard. Je propose donc d'adopter la motion du sénateur Wallace, d'entreprendre rapidement les travaux et de modifier cette motion de la manière suivante :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par remplacement du paragraphe :

« Que le Comité du Règlement tienne aussi compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs qui ne seront membres d'aucun parti reconnu et des répercussions de cette nouvelle réalité, y compris pendant la session en cours; »

par ce qui suit :

« Que le Comité du Règlement tienne aussi compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs qui ne seront membres d'aucun parti reconnu afin qu'ils puissent former un groupe de sénateurs indépendants bénéficiant des ressources et des droits prévus pour un parti reconnu en vertu du Règlement du Sénat; ».

En conclusion, chers collègues, si nous adoptons la motion du sénateur Wallace telle qu'elle est modifiée et que nous modernisons notre Règlement afin que tous les sénateurs, individuellement, peu importe leur affiliation ou non à un parti, puissent bénéficier du même statut et des mêmes privilèges et que, collectivement, un groupe de sénateurs non affiliés à un parti reconnu puissent former un caucus, nous aurons réussi à institutionnaliser des changements réels qui nous permettront progressivement de jouer le rôle que la population du Canada attend de nous. Ces changements, qui s'inspirent du modèle de Westminster, sont possibles et dépendent de notre pouvoir exclusif et, conséquemment, de notre volonté réelle de favoriser le changement.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

[Traduction]

L'honorable John D. Wallace : La sénatrice Bellemare accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Bellemare : Absolument.

Le sénateur Wallace : Merci pour votre intervention, sénatrice. Je vous en suis reconnaissant. Elle était très réfléchie et intéressante.

L'amendement que vous proposez nous demande de considérer l'arrivée d'un certain nombre de nouveaux sénateurs, éventuellement cinq, d'ici la fin février.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : J'invoque le Règlement, Votre Honneur. Je ne cherche pas à faire de l'obstruction. Il me semblait simplement que le temps de parole de la sénatrice Bellemare était écoulé. Elle a eu cinq minutes et je pensais qu'elle les avait toutes prises. Il lui reste encore un peu de temps?

Son Honneur le Président : Il lui reste encore précisément deux minutes et 42 secondes.

Vous pouvez poursuivre, sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Merci, Votre Honneur.

Sénatrice, vous proposez que le Comité du Règlement tienne compte des sénateurs dont l'arrivée est imminente. Cinq nouveaux sénateurs arriveront d'ici la fin du mois, suivis d'au moins dix-sept autres au printemps, ce qui n'est pas sans conséquence. J'en ai moi-même parlé, peut-être pas de façon aussi détaillée que vous le faites dans votre motion. J'estime donc que c'est d'une grande importance. D'après ce que nous a dit le premier ministre, ce seront des sénateurs indépendants et non partisans.

Vous dites que le Comité du Règlement devrait envisager l'adoption d'une règle qui permettrait à certains groupes de sénateurs non affiliés de se constituer en caucus collectifs distincts. Sénatrice, je me demandais si vous saviez que, au chapitre 5:04 du Règlement administratif du Sénat, il existe une disposition permettant au Sénat de reconnaître comme caucus un groupe de sénateurs non affiliés. Ailleurs au chapitre 5, il est question des droits qu'aurait un tel caucus.

Je me demande si vous êtes au courant de ces dispositions et si vous avez un mot à dire là-dessus au regard de l'amendement que vous proposez.

La sénatrice Bellemare : Je suis au courant du Règlement administratif du Sénat. Cependant, d'après ce que j'en ai compris, il faut obtenir, me semble-t-il, la reconnaissance du chef d'un groupe qui est affilié à un parti politique. Ce n'est pas une reconnaissance automatique, mais je suis consciente que cette disposition nous donne un moyen, sans changer notre Règlement. Cela dit, je crois qu'il serait préférable d'assurer une certaine uniformité et de faire en sorte que le Règlement précise qu'un groupe d'indépendants peut avoir les mêmes droits et ressources que les causus affiliés à un parti politique.

(Sur la motion de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

[Français]

(1630)

Le Sénat

Motion tendant à encourager le gouvernement à prévoir dans le budget la création du Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques—Ajournement du débat

L'honorable Diane Bellemare, conformément au préavis donné le 27 janvier 2016, propose :

Que le Sénat — dans le but d'assurer la transparence dans l'octroi des deniers publics et de promouvoir l'efficacité des projets d'infrastructures dans le contexte plus large de la diversification de l'économie et des ajustements vers une économie plus verte, tout en évitant une intervention indue dans la répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces — encourage le gouvernement à prévoir dans le budget la création d'un Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques, composé d'experts dans les projets d'infrastructures en provenance des provinces et des territoires, et ayant comme principales missions :

1. de colliger les informations sur les différents projets d'infrastructures financés par le fédéral;

2. d'étudier les coûts et les bénéfices liés aux différents projets d'infrastructures financés par le fédéral;

3. d'identifier les meilleures pratiques d'acquisitions au sens large et de partage de risques;

4. de faire la promotion de ces meilleures pratiques auprès des gouvernements;

5. de promouvoir le développement des compétences des gestionnaires de projets;

Qu'un message soit renvoyé à la Chambre des communes pour l'informer de ce qui précède.

— Chers collègues, je m'excuse de devoir prendre la parole deux fois de suite, mais je voulais que cette motion, que je trouve importante et urgente, puisse apparaître dans les débats officiels pour me permettre de recevoir vos commentaires et de faire adopter la motion.

Honorables sénateurs, à la lumière de la baisse fulgurante continue et profonde du prix du baril du pétrole combinée à la baisse de notre dollar, et compte tenu de toutes les incertitudes économiques d'aujourd'hui, il est clair que notre économie est en difficulté. D'ailleurs, comme l'indiquait le ministre des Finances, M. Morneau, lors de son récent passage à Montréal, l'économie canadienne fait face à des vents contraires. Il a également ajouté qu'il n'y a jamais eu meilleur temps pour faire des investissements ciblés afin de soutenir la croissance économique de notre pays.

On le sait, le gouvernement souhaite procéder à des investissements importants en infrastructures. Il s'est engagé à investir 60 milliards de dollars de plus que prévu par le gouvernement précédent, soit un total de 125 milliards de dollars sur 10 ans. C'est une promesse ambitieuse, mais je suis persuadée que le Canada en a besoin.

Néanmoins, il faut faire attention à ce que le gouvernement n'adopte pas une attitude qui vise simplement à dépenser pour dépenser. Il est certainement important de stimuler l'économie canadienne, mais, pour la stimuler pleinement et réaliser son potentiel, il faut viser juste et investir dans de bons projets qui profiteront à l'ensemble du Canada, et ce, à long terme.

Récemment, M. Dachis, analyste principal à l'Institut C.D. Howe, affirmait ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

En ce moment, le gouvernement met beaucoup l'accent sur les mesures de relance, mais, en fait, il devrait d'abord et avant tout se concentrer sur les projets qui, à long terme, auront une incidence positive sur l'économie en général.

[Français]

Projeter d'investir de façon importante en faveur des infrastructures publiques est une bonne stratégie pour revitaliser et diversifier l'économie canadienne qui ne peut plus reposer principalement sur l'exploitation des ressources naturelles.

Depuis sa création, le Canada est et a été une économie fondée principalement sur la mise en valeur de ses ressources naturelles. C'est un secteur économique qui crée beaucoup de valeur ajoutée par personne employée, mais qui ne développe pas nécessairement l'emploi dans l'ensemble des régions canadiennes. De plus, le secteur des ressources naturelles est fortement dépendant des marchés d'exportation et de la situation de l'économie mondiale. La situation économique actuelle le démontre clairement : baisse des exportations, hausse du chômage en Alberta et en Saskatchewan, problèmes à Terre-Neuve-et-Labrador, baisse de la valeur du dollar et hausse du coût de la vie partout au pays.

À court terme, le gouvernement doit soutenir l'économie canadienne pour que la baisse de la demande pour nos ressources naturelles ne se répande pas à d'autres secteurs. Le gouvernement fédéral a ainsi l'obligation de stimuler l'économie en augmentant ses dépenses fiscales. En effet, comme l'ont souligné le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances, la politique monétaire ne peut plus être mise davantage à contribution. Selon le langage de feu lord John Maynard Keynes, qui était un grand économiste du XXe siècle, l'économie canadienne se situe dans la trappe de la liquidité. Des déficits publics importants sont alors inévitables. Plusieurs souhaitent que des programmes de rénovation et de réfection des infrastructures existantes comme les écoles, les hôpitaux et les routes soient adoptés rapidement et inscrits dans le budget.

Toutefois plusieurs experts précisent que les investissements en faveur de nouvelles infrastructures ne doivent pas viser des objectifs de relance à court terme. Le Canada, comme de nombreux pays, doit revoir son plan d'affaires, s'attaquer à relever sa productivité et diversifier son économie pour favoriser la création d'emplois dans tout le pays. Les provinces canadiennes ne fonctionnent certainement pas au plein potentiel de leurs ressources humaines et des changements structurels sont nécessaires. Ce nouveau plan d'affaires ne doit donc pas être improvisé. Ce défi relève de la structure de l'économie canadienne qui doit s'adapter à un nouveau contexte économique mondial et relever le défi des changements climatiques.

En fait, le défi économique pour le gouvernement fédéral est triple. À court terme, il doit stimuler l'économie au moyen de dépenses publiques qui auront des effets multiplicateurs sur l'économie et l'emploi. À moyen terme, il doit entreprendre des dépenses d'investissements majeurs qui permettront au Canada de s'adapter plus rapidement au nouveau contexte économique lié au développement durable, aux changements climatiques, au développement des nouvelles technologies et à la baisse à long terme de la demande en énergies fossiles. Enfin, il doit s'assurer que des mesures soient prises pour aider la main-d'œuvre à s'adapter. Ce dernier défi interpelle tous les acteurs économiques et plus particulièrement les entreprises et les institutions de formation et de développement des compétences.

Le gouvernement devra être particulièrement judicieux et rigoureux dans le choix de ces investissements publics d'infrastructure à moyen terme. La motion que je propose aujourd'hui vise spécifiquement cet objectif et suggère des moyens pour aider le gouvernement à y parvenir.

Comme vous le savez, chers collègues, le Sénat ne peut proposer de projets de loi qui ont une incidence monétaire. C'est pourquoi j'inscris cette motion dans le contexte de la préparation du prochain budget. Le ministre des Finances a dit à quelques reprises qu'il ne pourra pas procéder aux consultations budgétaires régulières. Le Sénat a néanmoins le pouvoir d'attirer l'attention du ministre sur des pistes de réflexion qui peuvent répondre à certaines des préoccupations des contribuables.

Cette motion suggère au ministre des Finances de mettre en place un organisme-conseil de veille et de promotion des meilleures pratiques en matière d'infrastructures publiques. Elle vise à rassurer les citoyens et à les informer que ces investissements importants seront faits dans la transparence et selon les règles de saine gestion, et à faire en sorte que les projets de nouvelles infrastructures donnent les résultats attendus en termes de diversification de l'économie, d'augmentation de la productivité et de création d'emplois.

[Traduction]

La nécessité d'investir dans l'infrastructure n'est pas un enjeu propre au Canada. En effet, il s'agit d'un enjeu mondial, car de nombreux pays développés, mais surtout les pays moins développés, accusent un retard dans le développement de leurs infrastructures légères et lourdes. Ainsi, de nombreux pays ont connu un essor pendant les trois décennies qui ont suivi la fin de la guerre, mais depuis, ils ont beaucoup trop diminué les investissements dans l'infrastructure et les réparations à celle-ci. Partout dans le monde, il y a une énorme quantité de travail à accomplir à ce chapitre.

[Français]

Michael Sabia, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a fait écho à cette problématique à Davos, lorsqu'il a dit ce qui suit, lors d'une entrevue :

[Traduction]

L'infrastructure est l'un des éléments clés de la croissance de la productivité et la productivité est nécessaire dans notre monde.

[Français]

La Chambre de commerce du Canada tient le même discours depuis longtemps. Son président, Perrin Beatty, affirmait ce qui suit dans un discours prononcé le 6 février 2013, et je cite :

[Traduction]

La compétitivité économique passe par des infrastructures à la fine pointe de la technologie, efficaces et fiables. Au cours de la dernière décennie, les gouvernements ont montré qu'ils comprennent mieux le caractère stratégique des investissements dans l'infrastructure. Cela dit, le Canada doit continuer de faire des investissements stables à long terme dans l'infrastructure et de dresser un meilleur bilan de ses actifs. À mesure que l'infrastructure vieillit, son efficacité diminue et les coûts liés à son entretien augmentent. Le bulletin de rendement des infrastructures, qui a été publié récemment, indique qu'environ 30 p. 100 de l'infrastructure municipale est en péril.

Pour demeurer concurrentiel, le Canada doit élaborer un plan national à long terme d'investissements dans l'infrastructure, qui comprendra des modèles de financement solides et diversifiés et favorisera une plus grande participation du secteur privé.

[Français]

Au Canada, il n'existe pas de plan national d'investissements dans les infrastructures. Chaque ordre de gouvernement fait son propre plan. Au Québec, par exemple, le ministre responsable du Conseil du Trésor a déposé, dans le contexte du budget de 2015, Le plan québécois des Infrastructures 2015-2025 qui prévoit un investissement de 88,4 milliards de dollars sur 10 ans.

Ce plan global se décline en détail annuellement au moment du dépôt du budget. Les dépenses en infrastructure au Québec sont encadrées par la Loi sur les infrastructures publiques du Québec, adoptée le 30 octobre 2013 et qui a créé la Société québécoise des infrastructures, dont la mission principale est de soutenir les organismes publics dans la gestion de leurs projets d'investissements dans les infrastructures. Cette société est gérée par un conseil d'administration auquel siègent des experts, dont certains proviennent du secteur privé.

(1640)

À l'échelle fédérale, Infrastructure Canada est avant tout un partenaire de financement. Il travaille avec les autres ordres de gouvernement, le secteur privé et les organismes à but non lucratif, ainsi que d'autres organisations, pour moderniser et bâtir les infrastructures essentielles à la vie quotidienne et au développement économique. Infrastructure Canada est encadré par la Loi sur le fonds canadien sur l'infrastructure stratégique. Cette loi, qui crée le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, laisse au ministre responsable de nombreuses libertés dans l'attribution des investissements.

[Traduction]

L'article 4 de cette loi fédérale prévoit ce qui suit :

Le ministre peut conclure avec tout bénéficiaire admissible un accord prévoyant le versement au titre de la présente loi d'une contribution pour l'exécution de travaux admissibles.

Cela veut dire que la gestion des fonds pourrait devenir un enjeu politique. Il n'y a d'autre critère que celui voulant que le ministre gère les fonds.

[Français]

On sait que le ministère dispose de règlements, mais je veux dire par là que beaucoup de responsabilités reposent sur les épaules du ministre.

Compte tenu des milliards qui seront investis dans les infrastructures publiques au Canada, il faut s'assurer que ces investissements seront gérés rigoureusement selon les bonnes pratiques de gestion et loin des influences politiques partisanes qui pourraient s'immiscer dans ces dossiers.

Par ailleurs, selon de nombreux experts, le gouvernement fédéral devrait investir ces milliards selon un plan national qui vise des résultats concrets. Il est sans doute très difficile d'en arriver à la réalisation d'un plan canadien des infrastructures, compte tenu du nombre de gouvernements provinciaux et municipaux au Canada qui sont impliqués dans ce dossier. C'est pourquoi les projets financés par le gouvernement fédéral sont généralement issus des gouvernements et organisations des niveaux provincial et municipal. Par le passé, les fonds ont été alloués aux provinces et aux territoires selon une formule qui tenait compte du poids démographique et des besoins. Ces derniers ont dû rendre des comptes au gouvernement fédéral.

Est-ce que le gouvernement fédéral actuel procédera de la même façon? Tout en présupposant une répartition équitable des fonds d'investissement en infrastructure, le gouvernement fédéral pourrait décider de définir des priorités liées à l'environnement, par exemple. L'Australie offre un modèle pour une fédération. En fait, les priorités en matière d'infrastructure nationale sont définies par le Council of Australian Governments qui réunit l'ensemble des premiers ministres.

[Traduction]

En décembre 2013, le Council of Australian Governments a créé le Conseil des transports et de l'infrastructure, qui était composé des ministres responsables de ces questions à l'échelle provinciale. Ce nouveau conseil avait pour objectif de mettre en place un système national coordonné et intégré des transports et de l'infrastructure qui serait efficace, sécuritaire, durable, accessible et concurrentiel.

Si on le compare à l'Australie, le Canada a encore beaucoup à faire pour mettre en place une structure officielle favorisant les échanges fédéraux-provinciaux et des actions concertées.

[Français]

Revenons au Canada. Peu importe comment le gouvernement fédéral décidera d'accorder les investissements en infrastructure, une chose est certaine, il devra agir rigoureusement. Il ne suffit pas d'octroyer des contrats pour que les investissements en matière d'infrastructures soient rentables. Les défis sont plus complexes et techniques que cela. En effet, le choix des projets, l'octroi des contrats, leur gestion et les modalités de partage des risques sont des éléments critiques auxquels les gouvernements au Canada doivent s'attarder pour que les retombées économiques potentielles se matérialisent.

Plus spécifiquement, en matière d'investissements dans les infrastructures, les problèmes auxquels doivent faire face les gouvernements sont multiples. Il y a le problème du dépassement des coûts et de la surfacturation qui peut miner la crédibilité de certains projets dans l'esprit des citoyens.

Certains de ces problèmes sont causés par des déficits de compétences en ce qui concerne les gestionnaires de grands projets. Il faut également bien planifier ces projets afin d'éviter qu'ils ne créent des goulots d'étranglement dans l'approvisionnement de certains biens et services ou des pénuries de main-d'œuvre au sein de certaines professions ou de certains métiers.

Les gouvernements qui s'engagent à faire des investissements importants en faveur des infrastructures doivent s'assurer que les projets choisis sont les meilleurs pour générer la croissance attendue et diversifier l'économie. Ainsi, le choix des projets doit s'appuyer sur de bonnes analyses coûts-bénéfices. Les gouvernements doivent aussi rendre des comptes aux contribuables. Ils doivent assurer la transparence complète de la gestion des fonds publics investis dans ces projets et ne laisser planer aucun soupçon quant à de possibles manœuvres partisanes derrière certains contrats.

Peut-on m'accorder cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Le Sénat accorde-t-il plus de temps à l'honorable sénatrice?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Bellemare : Enfin, la mise en œuvre des projets importants doit respecter des procédures simples et aussi rapides que possible.

[Traduction]

Je suggère donc que nous proposions, par l'intermédiaire du ministre des Finances, que le gouvernement crée un conseil canadien qui serait responsable de la surveillance de l'infrastructure et des pratiques exemplaires. Ce conseil fédéral-provincial serait composé d'experts et non de politiciens. Il serait indépendant des gouvernements et aurait le statut de service autonome ou un statut semblable à celui du directeur parlementaire du budget. Le conseil n'aurait pas pour objectif d'intervenir dans des dossiers de compétence provinciale ou dans l'attribution de contrats. Il ne remplacerait pas Infrastructure Canada.

Le conseil servirait de vitrine et de forum fédéral pour informer les Canadiens au sujet de projets d'infrastructure publique. Le rôle principal du conseil serait de veiller à ce que les projets d'infrastructure favorisent l'atteinte d'objectifs majeurs, notamment la diversification de l'économie canadienne, la compétitivité et la création d'emplois partout au Canada. Le conseil veillerait à l'optimisation des avantages économiques découlant des investissements du gouvernement dans l'infrastructure.

[Français]

Ce conseil n'interviendrait pas dans la répartition des fonds qui doivent être répartis selon une formule équitable qui tient compte du poids démographique et des besoins spécifiques des provinces et des territoires, ainsi que des besoins du Canada dans son ensemble. Par son action, il vise à maximiser les effets multiplicateurs des investissements en infrastructure. Ce faisant, il préviendra les pénuries de main-d'œuvre.

Plus spécifiquement, le mandat de ce conseil pourrait comprendre les activités suivantes : entreprendre des analyses coûts-bénéfices des projets d'infrastructure financés par le gouvernement fédéral; assurer le développement des compétences spécifiques pour les gestionnaires de tels projets, de concert avec les institutions de formation; publier des données et informations pertinentes destinées au public concernant les différents projets; promouvoir de meilleures pratiques d'attribution et de définition des contrats et des modalités de partage de risque au sein des partenariats public-privé; et entreprendre toute activité à la demande des gouvernements partenaires.

La création d'un tel conseil fédéral-provincial contribuera ainsi à répondre aux préoccupations de plusieurs experts, ainsi qu'à celles des contribuables.

Ce conseil pourrait être financé par le gouvernement fédéral; il pourrait aussi s'autofinancer en partie en offrant des services de consultation aux provinces et aux municipalités et au moyen d'activités de développement des compétences.

Bref, cette motion demande au ministre des Finances de procéder à la création d'un tel conseil afin que le programme d'investissement en infrastructure ait des effets pleinement structurants sur notre économie, qu'il crée de bons emplois pour les Canadiens, et qu'il innove en plaçant le Canada sur le chemin de l'économie durable. Il ne faut surtout pas improviser les dépenses en infrastructures, étant donné que le fonds est prévu pour une période de 10 ans. Si celles-ci sont réussies, elles placeront notre pays et notre économie en tête au cours du XXIe siècle.

Merci beaucoup, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1650)

[Traduction]

Peuples autochtones

Autorisation au comité d'étudier les responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis

L'honorable Lillian Eva Dyck, conformément au préavis donné le 28 janvier 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada; et

Que le Comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2017 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— La motion inscrite à mon nom est l'ordre de renvoi général du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Elle vise à nous permettre de poursuivre nos travaux; plus tard, nous dégagerons des points précis sur lesquels nous souhaitons mener des études ciblées.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : La sénatrice Dyck accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Dyck : Oui.

La sénatrice Fraser : Je suis ravie de vous entendre dire que vous suggérez de présenter d'autres ordres de renvoi pour procéder à des études ciblées, mais entre-temps, pouvez-vous me dire si le comité sait si, au titre du présent ordre de renvoi général, il a l'intention d'engager beaucoup de dépenses, notamment de déplacements?

La sénatrice Dyck : Au titre de l'ordre de renvoi général, nous avons l'intention d'aborder des questions précises pour lesquelles nous devrons convoquer des personnes à Ottawa, alors des fonds supplémentaires ont été prévus pour ce faire. Cependant, au titre d'un ordre précis auquel nous travaillons actuellement, nous déposerons un budget de déplacements distinct.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 3 février 2016

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition), conformément au préavis donné le 28 janvier 2016, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mercredi 3 février 2016, la période des questions ait lieu à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

— Honorables sénateurs, je propose l'adoption de la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Sécurité nationale et défense

Autorisation au comité d'étudier les menaces à la sécurité et d'être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la deuxième session de la quarante et unième législature

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 28 janvier 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les menaces à la sécurité nationale, notamment :

a) le cyberespionnage;

b) les menaces aux infrastructures essentielles;

c) le recrutement de terroristes et le financement d'actes terroristes;

d) les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes.

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la deuxième session de la quarante-et-unième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2017 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 180 jours après le dépôt de son rapport final.

— Chers collègues, cette motion est, elle aussi, similaire à celle de la sénatrice Dyck. Il s'agit du mandat du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui donne le cadre général de la conduite des travaux qui lui seront confiés au cours de la présente législature.

Nous avons eu des discussions préliminaires au sujet de déplacements possibles. Rien n'a encore été déterminé, mais, une fois que ce sera fait et présenté au système de comités, la question vous sera présentée afin d'obtenir votre aval.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité d'étudier les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique et d'être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la deuxième session de la quarante et unième législature

L'honorable Daniel Lang, conformément au préavis donné le 28 janvier 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique et leurs répercussions sur les politiques, pratiques, situation et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la deuxième session de la quarante-et-unième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2017 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 180 jours après le dépôt de son rapport final.

— Chers collègues, cette nouvelle motion est semblable à la précédente. Encore une fois, l'ordre de renvoi que nous demandons pour notre comité est semblable à celui qui avait été approuvé lors de la dernière législature. Comme je l'ai dit plus tôt, si le comité décide, à moment donné, que des déplacements seraient nécessaires, il devra évidemment obtenir l'autorisation requise. Pour le moment, aux fins de l'ordre de renvoi à l'étude, nous ne prévoyons aucun voyage.

Un congrès qui pourrait s'avérer pertinent pour ce qui est de la situation en Inde et en Chine se tiendra à la fin de l'automne prochain à Victoria.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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