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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 49

Le mardi 14 juin 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 14 juin 2016

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'honorable Rosalie Silberman Abella

Félicitations pour l'obtention d'un doctorat honorifique en droit

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à la juge Rosalie Silberman Abella, de la Cour suprême du Canada, qui s'est vu décerner un doctorat honorifique en droit de la faculté de droit de l'Université Yale lors d'une cérémonie tenue à New Haven, au Connecticut, le lundi 23 mai 2016.

La juge Abella, fière fille de Jacob et Fanny Silberman, est née dans un camp pour personnes déplacées de Stuttgart, en Allemagne, le 1er juillet 1946. Quatre ans plus tard, sa famille a immigré au Canada, débarquant au Quai 21, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Son père a obtenu un diplôme de l'Université Jagellon, en Pologne, en 1934. Il a fait un stage de quatre dans un cabinet d'avocats et a été greffier à la Cour d'appel de Radlow. En juillet 1939, le juge en chef de la Cour d'appel a approuvé la candidature de M. Silberman à la magistrature, et l'examen judiciaire a été prévu pour le mois d'octobre 1939. Il a épousé Fanny le 3 septembre. Le jour même où il devait subir cet examen, la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Il n'a jamais pu passer l'examen ni exercer le droit en Pologne. Au lieu de cela, son épouse et lui ont passé trois ans dans des camps de concentration. Leur fils de 2 ans, les parents de Jacob et trois de ses frères ont été tués à Treblinka.

À son arrivée au Canada, M. Silberman a présenté une demande afin d'être accepté comme membre du Barreau. Sa demande a été rejetée parce qu'il n'était pas citoyen canadien. Dans son discours devant les diplômés, la juge Abella a déclaré :

J'ai décidé de devenir avocate au moment même où j'ai appris que mon père s'était vu refuser la possibilité d'exercer le droit. J'avais alors 4 ans.

Son père est mort un mois avant qu'elle termine ses études en droit. Par conséquent, il ne l'a jamais vue être admise au Barreau, il n'a jamais rencontré ses deux petits-fils et il n'a jamais eu l'occasion de la voir s'épanouir dans le milieu du droit. Pourtant, lundi, à New Haven, elle a dit avoir ressenti la présence de son père et avoir eu l'impression que sa mémoire se perpétuait, alors qu'elle était accompagnée de son mari, Irving, et de ses fils, Jacob et Zachary, qui sont tous des avocats.

Inspirée par son père, elle a poursuivi son rêve et a obtenu son baccalauréat en droit de l'Université de Toronto en 1970. Elle a été admise au Barreau de l'Ontario en 1972, et elle a ensuite pratiqué le droit civil et criminel. En 1976, elle a été nommée juge à la Cour de la famille de l'Ontario, à l'âge de 29 ans. Elle était alors la première femme enceinte et la plus jeune personne à avoir été nommée à la magistrature au Canada. Elle a ensuite été nommée à la Cour d'appel de l'Ontario en 1992. En 2004, elle a été nommée à la Cour suprême du Canada par le premier ministre Paul Martin. Elle est la première femme juive nommée à la Cour suprême.

Dans son éloge prononcé à l'occasion de la remise du diplôme, le président de l'Université Yale, Peter Salovey, a félicité la juge Abella d'avoir défendu les personnes les plus vulnérables de la société. Voici ce qu'il a déclaré :

Vous avez défendu les droits de la personne et la justice dans votre pays, le Canada, et ailleurs dans le monde. Vous êtes l'une des juges les plus remarquables du monde, et vous accomplissez votre travail avec un enthousiasme, une empathie et une intelligence sans pareils.

L'Université Yale existe depuis 315 ans et, pendant cette période, elle a décerné des diplômes honorifiques à seulement quatre Canadiens, tous des hommes. La juge Abella est la première femme canadienne à recevoir cet honneur.

Au nom du Sénat du Canada, je tiens à féliciter sincèrement la juge Rosalie Silberman Abella. Vous êtes une source de fierté pour nous tous!

Cancer de l'ovaire Canada

La Randonnée de l'espoir

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, encore une fois cette année, les membres de ma famille et moi participerons à la Randonnée de l'espoir, qui est organisée par Cancer de l'ovaire Canada. La marche aura lieu le 11 septembre 2016 à Halifax et dans beaucoup d'autres collectivités du Canada.

La Randonnée de l'espoir de Cancer de l'ovaire Canada se tiendra dans plus de 40 collectivités à l'échelle nationale et est le seul événement au Canada à consacrer tous les fonds recueillis à la cause du cancer de l'ovaire.

En 1996, mon épouse a reçu un diagnostic de cancer de l'ovaire. Elle a eu de la chance. Depuis son dernier traitement de chimiothérapie, en novembre 1996, elle n'a pas eu d'autres symptômes, et cela fera bientôt 20 ans.

Au Canada, des milliers de femmes vivent avec le cancer de l'ovaire. Chacune de ces femmes est le pilier d'une famille et est entourée de gens qui l'aiment.

Cancer de l'ovaire Canada offre soutien et encouragement aux femmes ayant reçu ce diagnostic, et appuie la recherche scientifique en vue de trouver un test de détection précoce fiable et, ultimement, un remède.

Jusqu'à maintenant, la randonnée a permis d'amasser 21 millions de dollars pour les programmes et initiatives de Cancer de l'ovaire Canada. Ce travail est impossible sans votre aide. Je vais donc solliciter votre aide très bientôt puisqu'Ellen, Michael, Lisa, notre petite-fille, Ellie — qui a fait la randonnée en poussette l'année dernière, mais qui, nous l'espérons, pourra marcher avec nous cette année — et moi participerons à la Randonnée de l'espoir de Cancer de l'ovaire Canada pour Ellen et pour les autres femmes.

Le cancer de l'ovaire est le plus grave des cancers gynécologiques. Ensemble, nous pouvons créer un mouvement pour aider plus de femmes aujourd'hui et demain.

Nous devons donc faire tout en notre possible pour appuyer la recherche et trouver un remède. Lorsque vous faites un don, vous le faites pour votre épouse, votre mère, votre fille, votre sœur, votre tante, votre cousine ou votre amie.

Je vous remercie à l'avance au nom de toutes les femmes touchées par cette terrible maladie qu'est le cancer de l'ovaire.

Les frais de transaction de carte de crédit

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, les frais d'acceptation des cartes de crédit sont encore trop élevés au Canada. En effet, les frais de transaction de carte de crédit au Canada sont parmi les plus élevés du monde, un honneur dont nous pourrions bien nous passer.

En dépit de l'entente secrète conclue entre l'ancien gouvernement conservateur, Visa et MasterCard, les frais d'acceptation au Canada demeurent à un niveau inacceptable. La semaine dernière, la chaîne de magasins Walmart a annoncé qu'elle n'accepterait plus la carte Visa dans ses magasins au Canada parce que les frais d'acceptation sont simplement trop élevés. Visa a répondu en disant avoir offert à Walmart la meilleure affaire possible, ce qui amène la question : si une grosse multinationale comme Walmart ne peut pas négocier des frais assez bas, qu'en est-il des PME du Canada?

Les frais au Canada demeurent parmi les plus élevés dans le monde et sont bien supérieurs aux frais dans les pays qui ont imposé un plafond, comme l'Australie il y a 15 ans et l'Union européenne il y a deux ans.

J'ai l'intention de déposer encore une mesure législative cet automne pour que ces frais soient limités. En dépit du code de conduite et de l'entente du gouvernement conservateur avec les sociétés émettrices de cartes de crédit, les frais au Canada restent beaucoup trop élevés. L'Australie a fixé la limite à 0,5 cent et l'Union européenne, à 0,3 cent. Ce sont des limites raisonnables et, malgré leurs protestations, Visa et MasterCard font encore des affaires dans ces pays. Les consommateurs peuvent encore y avoir une carte de crédit et bénéficier des programmes de fidélisation.

(1410)

Même s'il y a des preuves constantes que ces frais constituent un problème, très peu de mesures concrètes ont été prises à ce sujet. Je déposerai donc de nouveau une mesure législative en automne pour limiter ces frais. Ma dernière mesure législative, le projet de loi S- 202, a été torpillée au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce par la majorité de sénateurs conservateurs qui ne comprennent pas bien les difficultés que nos petites entreprises éprouvent dans leurs transactions avec Visa et MasterCard.

C'est la cinquième fois que je présente une mesure législative pour garantir des taux raisonnables pour les petites et moyennes entreprises et j'espère que, cette fois-ci, je pourrai compter sur l'appui de mes collègues libéraux.


AFFAIRES COURANTES

Banques et commerce

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des Banques et du commerce soit autorisé à siéger le mercredi 15 juin 2016 même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Bellemare : Honorables sénateurs, nous n'en aurons probablement pas terminé avec le projet de loi C-14. Or, le Comité des banques siège pour étudier le projet de loi C-11. Il recevra le ministre et fera comparaître des experts. Nous devons aller de l'avant avec d'autres projets de loi, comme le projet de loi C-11. C'est pourquoi nous demandons le consentement des sénateurs.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Transports et communications

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à se réunir le lundi 20 juin 2016, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée hier par le Sénat, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la motion no 27, suivie par les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à prolonger la séance de mercredi

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 13 juin 2016, propose :

Que l'application de l'ordre du 4 février 2016 concernant l'heure de levée de la séance soit suspendue le mercredi 15 juin 2016;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit aussi suspendue le mercredi 15 juin 2016.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : J'ai une question pour la sénatrice Bellemare. Je sais que nous sommes en plein débat sur le projet de loi C-14, auquel le Sénat accorde une grande importance. Pourriez-vous préciser ou clarifier les activités qui, selon vous, nous occuperont au-delà de 16 heures demain?

La sénatrice Bellemare : Nous ignorons ce qui se passera demain mais nous aurons des initiatives ministérielles à traiter. L'étude du projet de loi C-14 risque de prendre un certain temps, et il se peut que nous devions entamer l'étude du projet de loi C-10, si le sénateur Plett est prêt. C'est pour cela que nous avons présenté la motion.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Baker, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois (aide médicale à mourir), tel que modifié.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, je vais commencer par parler des mesures de sauvegarde.

Le projet de loi C-14 présente de nombreuses mesures de sauvegarde qui sont essentielles pour prévenir les erreurs et les abus dans la prestation de l'aide médicale à mourir. Par exemple, le terme « mesures de sauvegarde » est défini aux pages 6 et 7 du projet de loi et a fait l'objet de longues discussions au Sénat.

Nous reconnaissons tous que les mesures de sauvegarde doivent être respectées lors de la prestation de l'aide médicale à mourir à un être humain. En vertu de l'article 4 du projet de loi, les médecins et les infirmiers praticiens qui reçoivent une demande d'aide médicale à mourir, ainsi que les pharmaciens qui délivrent une substance, doivent fournir certains renseignements pour que l'aide médicale à mourir puisse être surveillée et, par conséquent, pour qu'il soit possible de vérifier que les mesures de sauvegarde nécessaires ont été prises. Après tout, de quelle utilité seraient ces mesures si elles n'existaient que sur papier?

De plus, l'article 4 autorise le ministre de la Santé à prendre des règlements concernant les renseignements que doivent fournir les médecins, les infirmiers et les pharmaciens, renseignements devant servir à assurer que la prestation de l'aide médicale à mourir est conforme aux dispositions du projet de loi, et notamment aux mesures de sauvegarde.

Malheureusement, l'article 4 n'entrera pas en vigueur en même temps que le reste du projet de loi. Par conséquent, l'aide médicale à mourir ne sera pas surveillée et on ne s'assurera pas que les mesures de sauvegarde nécessaires ont été prises.

Au paragraphe 27 de son arrêt, la Cour suprême dit ce qui suit :

La juge de première instance a alors examiné les risques que pose un régime permissif et la faisabilité de la mise en place de garanties pour contrer ces risques.

En fin de compte, la juge de première instance a conclu ceci :

[...] les risques de l'aide médicale à mourir [traduction] « peuvent être reconnus et réduits considérablement dans un régime soigneusement conçu » qui impose des limites strictes scrupuleusement surveillées et appliquées.

Le paragraphe 105 de l'arrêt de la Cour suprême parle encore d'un « système soigneusement conçu » qui impose « des limites scrupuleusement surveillées et appliquées ». Le paragraphe 29 dit en outre qu'un « régime assorti d'exceptions, rigoureusement circonscrit et surveillé attentivement » permettrait de réaliser l'objectif du législateur.

Honorables sénateurs, la Cour suprême a reconnu la nécessité de mesures de sauvegarde destinée à protéger les personnes vulnérables et de systèmes soigneusement conçus comprenant des limites strictes scrupuleusement surveillées et appliquées.

Nous avons devant nous un système qui impose des limites strictes. Toutefois, sans l'article 4 et les règlements correspondants, le système ne sera pas scrupuleusement surveillé et appliqué. En fait, y aura-t-il une surveillance quelconque?

(1420)

Les fonctionnaires du ministère indiquent qu'il faudra peut-être 18 mois avant que cet article de la loi n'entre en vigueur. Honorables sénateurs, il n'est pas acceptable d'attendre 18 mois avant de pouvoir surveiller le processus d'aide médicale à mourir. Je vais donc proposer que la loi soit modifiée afin que l'article 4 entre en vigueur 12 mois après l'entrée en vigueur du reste du projet de loi, ou à la date antérieure fixée par décret.

Bien que je recommande 12 mois, j'ai des réserves quant au fait que le projet de loi, s'il est adopté, sera mis en œuvre sans l'article 4 pour une période de 12 mois, et je me demande si la surveillance sera adéquate.

De plus, l'article 4, à la ligne 11 de la page 10, dit que « [l]e ministre de la Santé peut prendre des règlements » relativement aux renseignements requis aux fins de surveillance de l'aide médicale à mourir, pour s'assurer que la loi est respectée et que les personnes à qui on a donné accès à l'aide médicale à mourir l'avaient réellement demandé. Par surcroît, à la ligne 32 de la page 10, on dit ce qui suit :

Le ministre de la Santé, en collaboration avec les représentants des provinces responsables de la santé, peut établir des lignes directrices sur les renseignements qu'il faut inclure dans le certificat de décès des personnes ayant eu recours à l'aide médicale à mourir [...]

Je recommande que l'on supprime le mot « peut » dans les deux cas — dans le texte anglais, le mot « must » viendrait remplacer le mot « may » —, afin que les règlements et les lignes directrices concordent dans les provinces et les territoires. Par conséquent, à la ligne 11, on lirait ce qui suit : « Le ministre de la Santé prend des règlements [...] »

Ainsi, les lignes 33, 34 et 35 se liraient comme suit : « Le ministre de la Santé, après consultation des représentants des provinces responsables de la santé, établit des lignes directrices sur les renseignements [...] »

Honorables sénateurs, mon amendement apporte des précisions sur un troisième point. Dans la version actuelle du projet de loi, les renseignements exigés dans les règlements doivent être fournis à la personne désignée dans les règlements, ce qui est approprié selon moi. Toutefois, le projet de loi indique également que si aucune personne n'a été désignée, les renseignements doivent être fournis au ministre de la Santé.

Dans mon amendement, je propose qu'un destinataire soit désigné de sorte que tous les renseignements soient reçus par une seule personne. Ainsi, l'aide médicale à mourir serait surveillée adéquatement par le destinataire désigné, ce qui assurerait que l'aide médicale à mourir est administrée conformément à la loi.

Motion d'amendement

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Ainsi, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 4 :

(i) à la page 9, par substitution, aux lignes 33 et 34, de ce qui suit :

« ces règlements, fournir les renseignements qui y sont exigés à la personne qui y est désignée à titre de destinataire. »,

(ii) à la page 10 :

(A) par suppression des lignes 1 et 2,

(B) par substitution, aux lignes 7 à 11, de ce qui suit :

« ces règlements, fournir les renseignements qui y sont exigés à la personne qui y est désignée à titre de destinataire.

(3) Le ministre de la Santé prend des règlements : »,

(C) par substitution, à la ligne 33, de ce qui suit :

« (3.1) Le ministre de la Santé, après consultation des »;

(D) par substitution, à la ligne 35, de ce qui suit :

« établit des lignes directrices sur les renseignements »;

b) à l'article 11, à la page 14, par substitution, aux lignes 10 et 11, de ce qui suit :

« 11 Les articles 4 et 5 entrent en vigueur douze mois après la date de la sanction de la présente loi ou à la date antérieure fixée par décret. ».

Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. La parole est au sénateur Baker.

L'honorable George Baker : Au premier coup d'œil, car je dois admettre que je n'ai pas examiné la question autant que j'aurais dû, il s'agit ici de savoir si on doit remplacer, dans la version anglaise, le mot « may » par le mot « must ». Normalement, honorables sénateurs, il faut choisir entre « may » et « shall ». Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous sommes appelés à nous interroger sur l'emploi de ces termes dans un texte législatif.

Dans le cas qui nous occupe, je crois que le mot « may » — « peut » en français — convient tout à fait. Pour étayer mon argument, je vous cite une décision rendue par la Cour d'appel du Manitoba. Je pourrais aussi citer la Cour suprême du Canada ou plusieurs autres cours d'appel. Voici ce que dit le paragraphe 140 de la décision R. c. Neves (2005) MBCA 112 :

Par conséquent, dans le contexte de l'article en général, le sens du mot « shall » utilisé au paragraphe 462.37(1) équivaut à celui de « may », alors que le sens du mot « may » au paragraphe 462.37(3) équivaut à celui du mot « shall ».

Puis, au paragraphe 141 :

Je ne prétends pas que le rédacteur législatif a commis une erreur. L'utilisation du mot « shall » [...] n'a pas vraiment valeur d'obligation, sauf quand une autre façon de faire est présentée, au paragraphe (3) [...] Il ressort clairement des décisions prises par divers tribunaux que le mot « may » peut avoir valeur d'obligation, tout comme le mot « shall » peut laisser place à une certaine permissivité [...]

Les représentants du ministère de la Justice ont souvent dit aux comités du Sénat que le mot « may » offre une certaine latitude, mais qu'il comporte tout de même une certaine obligation. La jurisprudence montre d'ailleurs que c'est le contexte et le texte de la disposition invoquée qui font foi de tout. Selon moi, dans ce cas-ci, le mot « may » a bel et bien valeur d'obligation, tout en laissant une certaine marge de manœuvre aux provinces. L'utilisation du mot « must » en l'occurrence serait exceptionnelle.

Toutefois, comme je l'ai dit, dans le contexte du projet de loi, on ne peut pas supposer que, dans ces articles, le mot « may » peut être remplacé par « shall ». Ce serait plutôt l'inverse.

La sénatrice Marshall : J'ai une question à poser au sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Oui.

La sénatrice Marshall : Sénateur Baker, si le mot « may » est maintenu, et je l'interprète dans son sens littéral, comment garantirons-nous l'uniformité dans les diverses administrations?

Le sénateur Baker : Je crois que le sens permissif de « shall » est intentionnel, puisqu'il s'agit de relations fédérales-provinciales. Dans le contexte de la réglementation et de son importance, le sens du terme « may » est, comme l'indique la décision la Cour d'appel du Manitoba, l'équivalent de « shall ».

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : J'ai une question à poser au sénateur Baker. Le débat est-il réservé aux sénateurs de Terre-Neuve-et-Labrador?

Le sénateur Baker : Je dois dire que je ne suis pas trop rassuré de discuter de réglementation avec un ancien membre du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a, du reste, été vérificatrice générale.

L'honorable Wilfred P. Moore : Sénateur Baker, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Moore : Je voudrais connaître le contexte de cette affaire manitobaine dont vous avez parlé, car on va à l'encontre de tout ce qu'on m'a enseigné en faculté de droit sur la rédaction de textes de loi.

Le sénateur Baker : C'est dans le contexte d'un article du Code criminel qui traite de droit pénal et des actes d'une personne accusée d'une infraction criminelle. Il s'agit de l'utilisation des termes « may » et « shall » aux paragraphes 462.37(1) et 462.37(3). Dans ce cas particulier, le juge de première instance a dit, et la Cour d'appel a confirmé son interprétation, que l'utilisation du terme « may » équivaut à « shall », et inversement.

Je dis simplement que je me souviens de la comparution du sous- ministre Mosley devant le Comité des affaires juridiques il y a de nombreuses années. Il est maintenant juge à la Cour fédérale. Il a expliqué la position du gouvernement dans un projet de loi analogue à celui qui est à l'étude aujourd'hui. Les deux projets de loi me semblent très semblables. Le texte employait le terme « may » et nous avons essayé de le remplacer par « shall », mais il nous a convaincu de ne rien changer parce qu'il fallait interpréter « may » comme un « shall » avec une valeur permissive.

(1430)

Le sénateur Moore : Voilà une nouvelle théorie. Pour moi, « shall » se veut exécutoire. Il ne s'agit pas de pouvoir simplement faire quelque chose ou, si nous y arrivons, de faire cette chose. Le terme « shall » signifie qu'il faut faire ce que dit la loi, quel que soit ce que prévoit le libellé ou la disposition. Cela ne veut pas dire qu'on peut le faire certains jours et ne pas le faire à d'autres moments. Vous lisez un passage du code, mais il faudrait connaître le contexte exact d'un ensemble particulier des faits. Je ne pense pas que cela soit juste.

Le sénateur Baker : Je n'ai jamais contesté l'exactitude de ce que vous avez dit. Toutefois, sénateur, il ne s'agit pas, dans le cas qui nous occupe, d'employer « may » ou « shall », mais « may » ou « must ». Vous devez avouer, fort de votre formation juridique, qu'il n'arrive pas très souvent qu'on emploie le terme « must » dans la version anglaise des textes législatifs. On voit simplement « shall ».

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur Baker accepterait-il une autre question au sujet de « may », « must » et « shall »?

Le sénateur Baker : Oui.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, j'ai toujours compris, sénateur Baker, qu'une disposition de cette nature, disant que le ministre peut prendre des règlements, est d'un usage très courant dans de nombreuses lois. Toutes les lois ont d'habitude une disposition qui prévoit le pouvoir, le droit ou le devoir du ministre de prendre des règlements. Et j'ai toujours compris qu'on employait le terme « may » — ou « peut » en français — parce qu'il donne le maximum de latitude au ministre de Sa Majesté dans ses fonctions et pouvoirs. Autrement dit, il lui permet d'exercer son jugement dans chaque cas particulier pour décider s'il y a lieu ou non de prendre un règlement.

J'ai toujours compris que le terme « may » donne au ministre le plus grand pouvoir possible pour exercer son jugement et son plus haut degré de compétence en ce qui concerne la nécessité ou non de prendre un règlement.

Le sénateur Baker : Je dois dire que je suis d'accord, surtout dans un cas comme celui-ci où la compétence est à la fois fédérale et provinciale. Je sais que la sénatrice veut avoir des règlements clairs et souhaite qu'on emploie le terme « must » pour que chaque province doive faire ceci ou cela, et je suis d'accord avec elle. Il ne fait pas de doute que nous avons besoin d'une réglementation. Dans le contexte du projet de loi, nous en avons besoin.

L'honorable sénatrice a absolument raison, lorsqu'il s'agit d'une loi qui exige un règlement provincial, puisque la santé est de ressort provincial, l'usage normal veut qu'on emploie le terme « may » au lieu de « shall » et certainement au lieu de « must ».

L'honorable Jane Cordy : J'aurais probablement dû poser cette question à la sénatrice Marshall. Je croyais qu'elle expliquerait davantage ses amendements lorsqu'elle les a présentés. Lorsque nous les recevons une ou deux minutes avant le débat, j'ai dû mal à voir de quelle façon ils modifient le projet de loi.

Je ne vais pas entrer dans le débat sur « may » et « shall », mais je crois que « must » est trop prescriptif, comme l'a dit la sénatrice Seidman, je crois, au Comité des affaires sociales à propos d'un projet de loi. Ce mot m'apparaît trop prescriptif, d'autant plus que nous devrions coopérer avec les provinces et les consulter au lieu de tout imposer d'en haut.

Ce n'est même pas là ma question. Ma question porte sur le deuxième amendement, et je présume qu'il s'agit d'un seul et même long amendement. On cherche à modifier le texte à la page 9, aux lignes 33 et 34. Voici ce que cela donnerait :

[...] le médecin ou l'infirmier praticien qui reçoit une demande écrite d'aide médicale à mourir doit, en conformité avec ces règlements, fournir les renseignements qui y sont exigés à la personne qui y est désignée à titre de destinataire.

Ce serait tout. Les mots « ou, à défaut, au ministre de la Santé » seraient exclus.

Que se passe-t-il si personne n'est désigné dans la demande? Comme il n'y a personne à qui envoyer les renseignements, ceux-ci ne sont tout simplement pas envoyés? Le texte original prévoit à tout le moins que si personne n'est désigné pour recevoir les renseignements, il faut les envoyer au ministre de la Santé. S'il n'y a pas de destinataire désigné, qu'arrivera-t-il?

Le sénateur Baker : En ce qui concerne les amendements dont il est question, nous convenons tous, je pense, que l'intention est correcte et que les déclarations de la motionnaire le sont également. D'après moi, l'honorable sénatrice veut parler des ramifications possibles en l'absence de règlements ou de lignes directrices. Voilà ce qui est débattu ici. L'honorable sénatrice a suggéré l'utilisation du mot « must » au lieu du mot « may », et cela se limite aux lignes directrices et aux règlements.

L'honorable Art Eggleton : Je reviens à la question que la sénatrice Cordy vient de vous poser, qui ne se rapporte pas au débat sur « may », « must » et « shall ».

La première partie porte sur le destinataire désigné dans les règlements. Il faut qu'une personne soit nommée. Au bas de la page 9 et au début de la page 10, on peut lire ceci :

[...] fournir à la personne qui y est désignée à titre de destinataire des renseignements ou, à défaut, au ministre de la Santé, les renseignements qui y sont exigés.

Alors, le destinataire est la ministre de la Santé. Si elle ne désigne personne, l'information lui est transmise. Êtes-vous d'accord?

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Baker, mais votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous avoir plus de temps?

Le sénateur Baker : Oui, je vous prie.

Son Honneur le Président : Avez-vous fini votre question, sénateur Eggleton?

Le sénateur Eggleton : J'ai une autre question à poser. Elle porte sur la dernière partie de l'amendement, qui est inscrite en caractères gras et qui concerne l'article 11, où l'on traite des articles 4 et 5 :

[...] entrent en vigueur douze mois après la date de la sanction de la présente loi [...]

En tant que parrain du projet de loi, pouvez-vous m'indiquer quels seraient les effets de cet amendement? Habituellement, les règlements arrivent après. On ne fixe pas d'échéancier pour leur adoption, mais la sénatrice veut que ce soit le cas.

Le sénateur Baker : Votre Honneur, l'auteure de l'amendement pourrait-elle me poser une question dans laquelle elle me soufflerait la réponse à la question qui vient de m'être adressée?

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice Marshall : Oui, pourriez-vous nous expliquer l'article 11 et nous indiquer si c'est une pratique habituelle?

Le sénateur Baker : La sénatrice était censée répondre à la question du sénateur à ma gauche, et non se borner à poser la question de nouveau.

Son Honneur le Président : Monsieur le sénateur Baker, il n'est pas nécessaire de faire des détours compliqués où l'on pose des questions pour donner des réponses. Si la sénatrice Marshall souhaite intervenir de nouveau dans le débat, elle est tout à fait libre de le faire conformément à la motion que le Sénat a adoptée à ce sujet. Elle peut intervenir de nouveau, et des questions pourront alors lui être posées.

Il revient entièrement à la sénatrice Marshall de décider si elle souhaite intervenir de nouveau dans le débat. Pour l'instant, nous sommes en train de poser des questions au sénateur Baker, et il y a deux sénateurs qui souhaitent continuer de lui poser des questions. Nous pourrons ensuite céder la parole à la sénatrice Marshall, si elle veut prendre part au débat de nouveau.

L'honorable Denise Batters : J'aurais une brève question à poser au sénateur Baker, s'il veut bien accepter d'y répondre.

Le sénateur Baker : Tout à fait.

La sénatrice Batters : À l'issue de son étude préalable du projet de loi, le Comité des affaires juridiques a formulé 10 recommandations, dont 5 à l'unanimité. Voici ce que dit la recommandation no 8 :

Veiller à ce que le ministre de la Santé prenne, plutôt que puisse prendre, des règlements régissant la fourniture, la collecte, l'utilisation et la destruction de renseignements relatifs aux demandes d'aide médicale à mourir ou à la prestation de celle- ci, ainsi que l'exemption applicable (paragraphe 241.31(3) du Code) (adoptée à l'unanimité).

(1440)

Vous en souvenez-vous? C'était l'étude préalable faite par des conservateurs, des libéraux, y compris vous-même, et un indépendant.

Le sénateur Baker : Si je m'en souviens? Malheureusement, oui. Toutefois, la recommandation dont vous parlez visait à remplacer, dans le texte anglais, le terme « may » par le terme « shall », et non « must ».

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres questions pour le sénateur Baker?

Suite du débat. La sénatrice Marshall a la parole.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie. Dans mon amendement initial, j'avais mis le mot « shall ». J'avais demandé l'aide du légiste et de ses collaborateurs pour la rédaction de l'amendement. Si vous examinez le texte de la loi dans sa forme actuelle, vous constaterez que c'est le mot « must » qui est utilisé plutôt que le mot « shall » dans la version anglaise. Pour maintenir la cohérence du projet de loi, on m'a recommandé de maintenir cette forme. Par exemple, au paragraphe (3) de la page 6, on peut lire « the medical practitioner or nurse practitioner must ». Au paragraphe (7) de la page 8, on trouve « Medical assistance in dying must be provided » dans le texte anglais. Le mot « shall » n'a pas du tout été utilisé. On trouve plutôt le mot « must ». On m'a donc recommandé d'utiliser « must » dans mon amendement.

Son Honneur le Président : Sénateur Eggleton, avez-vous une question à poser à la sénatrice Marshall?

Le sénateur Eggleton : Oui. Je poserai la question que j'ai posée au parrain de la motion.

Les articles 4 et 5 entrent en vigueur 12 mois après la sanction royale. Quelles sont les conséquences de cette mesure? Je ne me souviens pas d'avoir vu ce genre de disposition dans un projet de loi, mais c'est peut-être le cas. Pourquoi pensez-vous que les règlements seront établis dans une période de 12 mois? Pourquoi croyez-vous que c'est nécessaire?

La sénatrice Marshall : Je crois que c'est nécessaire à cause de l'importance de la question que nous débattons, c'est-à-dire l'aide médicale à mourir. C'est en fait de l'euthanasie. J'ai pensé que cela était vraiment important.

Les mesures de sauvegarde sont toutes exposées, mais l'article 4 n'entre pas du tout en vigueur. C'est une bonne disposition, et nous attendrons qu'elle prenne effet. Elle précise les renseignements à fournir pour qu'il soit possible de suivre les cas individuels et de s'assurer que les mesures de sauvegarde ont été prises, que les personnes qui accèdent à l'aide médicale à mourir l'ont effectivement demandée et que personne n'abuse du système.

Lorsque j'ai examiné l'article 11, j'ai vu que l'article 4 n'entrerait pas en vigueur. En fait, aucune date n'est fixée. Combien de temps faudra-t-il attendre? J'ai cru nécessaire de préciser la date.

J'ai demandé à la ministre de la Santé ce qu'il en était lorsqu'elle était ici. Je ne crois pas avoir reçu une bonne réponse. Par conséquent, à la réunion suivante du Comité des affaires juridiques, j'ai posé la question à la sous-ministre adjointe de la Santé, qui m'a dit que ce serait peut-être dans 18 mois, mais elle n'avait pas l'air très sûre. J'ai pensé qu'une attente de 18 mois était trop longue pour obtenir des détails sur le genre de renseignements à fournir lorsque des gens obtiennent l'aide médicale à mourir. C'est pour cette raison que j'ai inclus le délai de 12 mois dans l'amendement.

J'ai noté, pendant le débat d'hier soir, que nous avons parlé de l'examen indépendant prévu à l'article 9.1, à la page 13. On s'est demandé si cet examen aurait jamais lieu. Nous parlions des demandes anticipées. Je sais que c'est là. Elles sont mentionnées ici et doivent faire l'objet d'une étude. Nous en avons discuté hier soir. Si je m'en souviens encore, je crois que plusieurs sénateurs ont eu l'air de penser que cet examen ne serait jamais fait. C'est la raison pour laquelle ils voulaient proposer un amendement relatif aux demandes anticipées. Ils n'étaient vraiment pas sûrs que cela se ferait conformément aux indications données dans le projet de loi.

Je suis inquiète. L'article 11 ne s'applique pas. Il entrera en vigueur à une date à déterminer par décret, ce qui pourrait prendre deux ou trois ans. L'article 4 est en suspens. Il n'y a aucune indication sur l'information à fournir. Ensuite, qu'en fera-t-on? Qui fera le suivi des dossiers?

Même la destruction des renseignements suscite des questions. Il s'agit d'informations sur des gens, d'informations très confidentielles, d'où le problème de leur protection. Qui va faire le suivi de ces informations et qu'en fera-t-on?

Cela me fait penser à un article que j'ai lu aujourd'hui sur le site web de la CBC. On ne peut pas toujours se fier aux médias, mais je veux le citer, car il soulève une question qui nous intéresse. Je le lis donc :

Depuis la mi-janvier, au moins 31 Canadiens se sont adressés à leur médecin pour avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Mais ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé [...]

Au moins une province reconnaît ne pas comptabiliser ces demandes et une autre n'est pas disposée à publier de données sur la question.

On peut ensuite lire que le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique attend la loi fédérale avant d'annoncer des lignes directrices sur le suivi à donner à ces informations.

C'est justement ce dont il s'agit à l'article 4. Il y a donc une province qui attend des directives.

À propos du Québec, l'article indique que :

[...] Les établissements médicaux compilent des données sur les demandes et les morts. Celles-ci seront remises à une commission indépendante sur les soins de fin de vie.

C'est un autre élément qui est évoqué dans l'article 4. Qui va obtenir cette information et qu'indiquera-t-on sur les certificats de décès? Indiquera-t-on que le décès découle d'une aide médicale à mourir et indiquera-t-on la maladie qui l'a précédée? Indiquera-t-on seulement l'un ou l'autre? Qu'en est-il?

Tout cela reste bien vague. « Prescriptif » n'est probablement pas le bon mot, mais je crois que nous avons besoin de directives assez précises.

L'article 4 reste là, en attente. Je suppose que c'est à cause de l'échéance du 6 juin. Des pressions s'exerçaient sur le gouvernement pour qu'il fasse adopter le projet de loi. Il a donc concentré ses efforts sur la première partie de cette mesure. Il a probablement pensé qu'il pouvait retarder la seconde partie en attendant l'adoption de la première avant le 6 juin. Par la suite, il aurait pu prendre son temps pour rédiger les règlements.

Le sénateur Eggleton : Ne croyez-vous pas que les médecins et les autres professionnels de la santé gardent beaucoup de dossiers détaillés? À part le fait qu'ils sont tenus de garder des dossiers par leur ordre professionnel, leur province, et cetera, l'article 4 donne un certain nombre d'indications sous le titre « Règlements » :

(i) les renseignements qui doivent, à différentes étapes, être fournis par les médecins ou les infirmiers praticiens et les pharmaciens, ou par toute catégorie de ceux-ci,

(ii) les modalités, de temps ou autres, selon lesquelles ces renseignements doivent être fournis,

(iii) la désignation d'une personne à titre de destinataire des renseignements,

(iv )la collecte de renseignements provenant des coroners et des médecins légistes;

Et cela se poursuit. Ne croyez-vous pas que les autorités recueilleront les données brutes dès le tout début?

Si personne n'est désigné comme destinataire, le début de l'article dit que les renseignements doivent être fournis au ministre de la Santé.

La sénatrice Marshall : Sénateur Eggleton, dans le projet de loi actuel, l'article 4 est sans effet. Vous dites que chaque administration fait son travail, mais nous n'avons aucune idée de ce que font réellement les administrations. Nous ne savons pas si elles recueillent des renseignements et, si elles le font, nous ne savons pas si c'est d'une manière cohérente.

Je mentionnerai simplement la Colombie-Britannique. La province attend la publication de lignes directrices. Je suis sûre qu'elle recueille déjà des renseignements, mais si vous examinez les lignes directrices de chaque province et territoire, vous constaterez que personne ne parle de surveillance. Chacun parle de la première étape, qui consiste à offrir l'aide médicale à mourir, mais personne ne mentionne la façon dont tout cela sera surveillé.

Dans le cas des personnes qui se prévalent de l'aide médicale à mourir, j'aimerais être sûre de l'existence d'un système pouvant suivre les renseignements afin qu'il nous soit possible de nous assurer que ces personnes ont effectivement demandé l'aide médicale à mourir et que toutes les mesures de sauvegarde prévues dans le projet de loi ont été respectées.

(1450)

J'estime que si, à titre de parlementaires, nous n'avons pas cette assurance, nous faisons abstraction d'une partie de la question. Autrement dit, nous ne tiendrions compte que d'un côté de la médaille.

Son Honneur le Président : Sénateur Harder, avez-vous une question?

Le sénateur Harder : Nous reprenons le débat.

Son Honneur le Président : Sénatrice Cordy, souhaitez-vous poser une question?

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. Je reviens à la question que j'ai posée au sénateur Baker. Elle concerne les renseignements que doivent fournir les médecins, d'une part, et les pharmaciens, d'autre part, tel qu'il est indiqué respectivement aux pages 9 et 10 du projet de loi. Le libellé est le même dans les deux cas. Voici ce qui serait exigé des pharmaciens, aux termes de l'amendement :

Sous réserve d'une exemption accordée au titre des règlements pris en vertu du paragraphe (3), le pharmacien qui délivre une substance dans le cadre de la prestation de l'aide médicale à mourir doit, en conformité avec ces règlements, fournir les renseignements qui y sont exigés à la personne qui y est désignée à titre de destinataire.

C'est tout. À l'heure actuelle, le projet de loi précise « ou, à défaut, au ministre de la Santé ».

Pourquoi avez-vous opté pour la formulation suivante : « fournir les renseignements qui y sont exigés à la personne qui y est désignée à titre de destinataire »? Qu'arrive-t-il si aucun destinataire n'a été désigné? D'après le libellé actuel, à défaut de destinataire, les renseignements seraient fournis au ministre de la Santé. En l'absence de destinataire, souhaitez-vous que ces renseignements ne soient communiqués à personne? Cela signifie-t-il que personne ne les obtiendrait?

La sénatrice Marshall : Dès que l'article 4 prendra effet, il faudra désigner un destinataire. Il faut obligatoirement désigner quelqu'un. J'ai décidé de m'en tenir au destinataire uniquement parce que le projet de loi dit « ou, à défaut, au ministre de la Santé ». Il ne doit y avoir ni ambiguïté ni choix, autrement, les renseignements pourraient être envoyés à plusieurs endroits différents. J'ai donc décidé d'enlever la mention du ministre de la Santé, pour que les renseignements soient communiqués à un seul destinataire. Ce dernier ne serait pas nécessairement le même partout au Canada, mais il pourrait l'être à l'échelle provinciale et territoriale. Il pourrait par exemple s'agir du médecin légiste en chef. Je voulais simplement avoir l'assurance que les renseignements seraient consignés au même endroit. Je voulais entre autres éviter qu'une partie de l'information soit communiquée au ministre et une autre partie, à la province. Je voulais simplement que toute l'information soit regroupée au même endroit.

J'ajouterais que, si cet amendement était adopté, le ministre pourrait également agir comme destinataire désigné. Je préférerais quand même que l'on désigne un destinataire, du moins dans chaque province ou territoire. À défaut de cela, le ministre de la Santé pourrait aussi assumer cette responsabilité. Je préférerais qu'il y ait une certaine cohérence et qu'une personne soit désignée à cette fin.

Son Honneur le Président : Avez-vous une question, sénateur Joyal?

L'honorable Serge Joyal : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Marshall : Oui.

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, au comité, j'ai voté en faveur de l'utilisation du mot « shall » dans le texte anglais, tout comme mon collègue le sénateur Baker. Je tiens à faire l'observation suivante. Les dispositions que vous voulez amender sous la rubrique « Règlements », à la page 10, se rapportent à l'article 241.31 qu'on propose d'ajouter au Code criminel. Par conséquent, dans les faits, nous sommes en train de créer une obligation qui force le ministre de la Santé à prendre des règlements. C'est une obligation qui est reconnue dans le Code criminel. C'est très sérieux, car, s'il ne se conforme pas à toutes les exigences énumérées dans ce paragraphe, le ministre de la Santé se trouve à enfreindre une disposition du Code criminel. Un professionnel de la santé, un infirmier, un médecin ou tout autre intervenant dans le processus d'aide médicale à mourir pourrait alors se défendre en s'appuyant sur le fait que le ministre de la Santé n'a pas donné suite aux obligations que nous sommes en train de créer.

Il y a donc une nuance importante entre le mot « must » et le mot « shall ». Le mot « shall » implique encore une obligation, mais celle- ci ne peut faire l'objet de sanctions si elle n'est pas remplie ou si on met en doute la façon dont le ministre s'en est acquitté. Vous avez suggéré un libellé contenant le mot « must » qui ressemble à ce qu'on trouve à la page 6, et je cite ce qui figure à cette page, sous la rubrique « Safeguards » :

Before a medical practitioner or nurse practitioner provides a person with medical assistance in dying, the medical practitioner or nurse practitioner must [...]

J'approuve tout à fait l'emploi du mot « must » à cet endroit parce qu'il est essentiel que toutes ces mesures de sauvegarde soient respectées avant que l'aide médicale à mourir ne soit fournie.

Puis-je terminer ma question?

Son Honneur le Président : Le temps de parole est écoulé. Sénatrice Marshall, demandez-vous plus de temps pour pouvoir répondre à la question du sénateur Joyal? Le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Je crois que les sénateurs suivent très bien le raisonnement que je suis en train d'expliquer à la sénatrice.

Dans le cas d'un médecin ou d'un infirmier praticien, on peut facilement comprendre pourquoi il doit y avoir cette valeur d'obligation. La demande doit être faite par écrit. Il doit y avoir des témoins indépendants, non liés à la famille ni bénéficiaires de la succession. Il doit y avoir deux médecins, et ainsi de suite. Nous comprenons pourquoi; c'est parce qu'il s'agit de mesures de sauvegarde.

L'obligation du ministre ne relève pas du contexte des mesures de sauvegarde. Elle relève du contexte de la surveillance du fonctionnement du système de la collecte de données. Bon nombre de mes collègues qui siègent au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles savent que, comme politique sociale, par exemple, nous nous sommes dotés d'une banque de données génétiques. Nous avons établi l'obligation, pour une personne déclarée coupable, de fournir des échantillons biologiques. Le ministre peut prendre ou prend — « may » ou « shall » — des règlements pour s'assurer que la base de données est bien tenue, et ainsi de suite.

En raison de l'incidence sur l'interprétation du Code criminel, advenant que des accusations soient portées contre l'une des personnes participant à l'aide médicale à mourir, c'est-à-dire le pharmacien, l'infirmier praticien, et cetera, j'estime qu'il est problématique de placer l'obligation du ministre sur un pied d'égalité avec celle de ceux qui ont la responsabilité de fournir l'aide médicale à mourir. Voilà pourquoi j'étais à l'aise avec l'emploi du mot « shall » de la manière dont il est interprété par les tribunaux et je suis moins à l'aise avec le mot « must ». Je ne sais pas si vous comprenez comment je perçois l'interprétation de ces termes. Nous sommes dans le contexte même du Code criminel.

La sénatrice Marshall : Je vous remercie, sénateur Joyal. Au début de votre question, vous avez parlé — si j'ai bien compris — du poids qu'ont les mots anglais « must » et « shall ». Comme je l'ai déjà dit, au départ, j'avais employé le mot « shall », suivant la recommandation du Comité des affaires juridiques. J'y ai beaucoup réfléchi, car je sais à quel point l'utilisation des termes « shall » et « must » dans une disposition visant la prise de règlements est lourde de conséquences. L'aide médicale à mourir est un enjeu lourd de conséquences, qui touche la vie et la mort d'une personne. J'y ai donc réfléchi longuement. Comme je l'ai dit, j'avais d'abord employé le mot « shall », mais on m'a dit que « must » serait plus approprié. C'est pourquoi j'ai proposé un amendement; c'est ce qui explique la formulation que vous voyez.

Je suis toutefois très inquiète à l'idée que l'article 4 entre en vigueur après le reste de la mesure législative. Il s'agit des mesures de sauvegarde, et je tiens à m'assurer de leur efficacité. Il m'apparaît particulièrement important d'avoir la certitude que les personnes qui reçoivent une aide médicale à mourir l'ont bien demandée et que toutes les autres mesures de sauvegarde étaient en vigueur.

Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Harder a la parole.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Je parlerai de la deuxième partie, si vous me le permettez. J'expliquerai brièvement mon désaccord. Je tiens simplement à rappeler au Sénat les échanges que nous avons eus avec la ministre. Elle a expliqué pourquoi elle hésitait à s'engager à respecter un délai.

(1500)

Il est très rare, voire unique, que le ministre de la Santé soit mentionné dans le Code criminel. La culpabilité associée à cette disposition, comme le sénateur Joyal l'a expliqué, est très importante, et les échanges nécessaires entre les autorités fédérales, provinciales et territoriales pour recueillir ces données sont appréciables.

La ministre nous a rappelé que les négociations sont en cours, mais il serait étrange que le Code criminel attribue une culpabilité au ministre de la Santé pour qu'il produise la réglementation voulue dans un certain délai.

L'engagement de la ministre que j'ai entendu était clair : elle agirait le plus vite possible. En fait, le travail avec les gouvernements provinciaux et territoriaux est déjà en cours. Il ne me semble pas utile de mettre en doute la bonne volonté de la ministre, qui veut agir avec diligence et promptitude, mais nous devrions être très prudents si nous voulons utiliser le Code criminel pour obliger des ministres et tous les fonctionnaires qui devraient appliquer l'amendement sous la menace d'être reconnus coupables.

Par conséquent, bien que je ne puisse défendre le libellé avec beaucoup de ferveur, je voulais que tous connaissent mes raisons et sachent pourquoi l'intention initiale me semble convenir.

L'honorable David M. Wells : J'ai une question à poser au sénateur Harder.

Si une obligation était faite au ministre — comme vous y avez fait allusion, sénateur Harder —, et s'il ne s'y conformait pas dans les délais précisés, y verriez-vous une violation de la loi ou y aurait-il simplement un vide à cause de son inaction?

Le sénateur Harder : Cela dépend de ce que dit la loi. À l'évidence, ce serait l'enjeu d'un débat avec et entre les dirigeants provinciaux, territoriaux et fédéraux. Ce serait assurément un enjeu d'intérêt public tandis que se met en place le dispositif de l'aide médical à mourir.

Bien franchement, je ne peux pas concevoir que, dans des délais raisonnables, toutes les autorités en cause ne parviennent pas à se donner des lignes directrices appropriées pour recueillir les données nécessaires.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Chers collègues, cet amendement me plaît. Il est acceptable, et je prévois l'appuyer. J'explique brièvement pourquoi.

Si nous n'adoptons pas l'amendement, le ministre de la Santé ne sera pas tenu de prendre un règlement. Il faudra s'en remettre aux politiques variables adoptées par les provinces, à supposer qu'elles en adoptent. Je ne crois pas que ce soit une façon acceptable de traiter le Code criminel, étant donné qu'il s'agit d'une question de vie et de mort.

Le Code criminel est une loi fédérale et il s'applique dans tout le Canada. Il me semble donc nécessaire que nous ayons un même règlement, de ressort fédéral, dans tout le pays pour tenir compte du fait que la même loi s'applique partout.

Cela n'exclut pas la possibilité de négociations fédérales- provinciales pour parvenir à un accord, mais je tiens à exclure la possibilité que le gouvernement fédéral dise, en fin de compte : « Nous allons simplement nous en remettre aux provinces parce que c'est tellement compliqué et que nous avons tellement d'autres choses importantes à faire. »

Il n'est pas inhabituel que les autorités fédérales recueillent des statistiques sur des questions qui relèvent du Code criminel. Au contraire, si vous vous arrêtez à la liste des données que Statistique Canada recueille chaque année relativement au Code criminel, vous serez étonnés du niveau de détail de ces statistiques. Elles ne s'arrêtent pas aux gouvernements provinciaux; elles vont jusqu'au niveau municipal.

Je ne vois aucune raison inhérente pour laquelle nous n'aurions pas l'obligation de réunir des statistiques nationales sur cette question extraordinairement importante. Je préférerais me passer d'autres statistiques plutôt que de celles-là.

Il existe une terrible tendance, lorsqu'une loi a été adoptée et disparaît des préoccupations courantes, à laisser les détails se perdre. Il ne faut pas que ce soit le cas cette fois-ci, avec cette question d'une importance suprême.

Je suis aussi favorable à l'imposition d'un délai. Il me semble qu'un an suffit amplement pour prendre un bon règlement, pour peu qu'on y mette l'effort. Si aucun délai n'est fixé, les choses traîneront en longueur.

Je passe à autre chose. Nous avons entendu l'autre jour au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles des témoins extraordinaires du ministère de la Santé, des gens très informés et dévoués. Je les ai trouvés très impressionnants. Nous discutions d'une question de réglementation. Elle était importante, mais pas autant que celle qui nous intéresse ici, à mon avis.

Nous avons demandé combien de temps il faut normalement pour rédiger un règlement et l'adopter. Je dois dire que la ministre a été plutôt optimiste lorsqu'elle a parlé de 18 mois, car il faut normalement compter entre deux ans et demi et trois ans pour qu'un règlement entre en vigueur. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on commencerait à recueillir des données, les données qui, on peut le présumer, permettrait de réaliser les fameuses études promises. Je crois que la démarche pourrait s'étendre sur une dizaine d'années, voire davantage.

Nous avons demandé aux fonctionnaires du ministère de la Santé combien de temps il faudrait compter si le même règlement faisait l'objet d'un processus accéléré. La réponse? Trois mois ou trois mois et demi pour la même question.

Je n'accuse personne de traîner les pieds. Au contraire, ces gens-là multiplient leurs efforts pour faire un travail consciencieux, correct et sérieux, mais pour mener des consultations de 17 manières différentes on peut devoir y passer deux ans et demi ou trois ans.

Je ne les blâme pas. Ils ont le devoir de faire attention et d'être prudents et rigoureux. Toutefois, si nous n'imposons pas de délai, ils feront certes attention, mais le dossier pourrait s'éterniser, ce qui ne serait pas dans l'intérêt des Canadiens.

Par conséquent, j'estime que nous avons besoin de statistiques nationales et je suis favorable à l'instauration d'un délai.

Pour ce qui est des mots « must » et « shall » en anglais, je suis plutôt traditionnaliste. Le mot « shall » nous a bien servi au fil des ans, mais quel que soit le sujet, le sénateur Baker réussira toujours à citer une décision judiciaire qui puisse semer la confusion ou, au contraire, rendre les choses plus claires. Il nous a dit qu'un moins une décision sème la confusion dans les esprits. J'aimerais qu'il n'y ait aucune méprise possible dans ce dossier.

Même si je préférerais en général l'emploi de « shall », j'accepte dans ce cas-ci l'emploi de « must ».

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, j'attire votre attention sur un dernier élément, un détail intéressant du projet de loi. Le texte précise que le comité parlementaire procède à l'examen des dispositions de la loi. C'est comme si les rédacteurs ne pouvaient pas se résoudre à obliger les parlementaires à faire quelque chose. C'est vrai que les parlementaires n'aiment pas beaucoup se faire dire quoi faire.

La tournure employée est la suivante : « Le Comité procède à l'examen de ces dispositions [...] ». À mon avis, c'est un joli euphémisme.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

(1510)

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Son Honneur le Président : En conséquence, la motion d'amendement est adoptée avec dissidence.

(La motion d'amendement est adoptée avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat. La sénatrice Lankin a la parole.

L'honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots en prévision de l'amendement que je vais proposer. Je demanderais d'ailleurs qu'on fasse circuler l'amendement afin que vous puissiez en prendre connaissance.

Je crains un peu d'intervenir, car, dans la version anglaise, mon amendement contient le mot « must ». Comme je vais vous l'expliquer, la partie du projet de loi que je propose d'amender renferme aussi le mot « must ». Je pense donc être en terrain sûr, mais on ne sait jamais.

Honorables sénateurs, dans cette enceinte, nous avons parlé à maintes reprises et avec beaucoup de passion des mesures de protection que nous souhaitons voir figurer dans cet important projet de loi. Nous avons tenu des débats sur l'intention de l'arrêt Carter en ce qui concerne la Constitution et avons examiné comment, grâce à l'amendement proposé durant notre première soirée de débat, nous pourrions garantir que tous les Canadiens aient accès à l'aide médicale à mourir en vertu des conditions énoncées par la Cour suprême. Par ailleurs, nous avons aussi proposé, débattu et approuvé des amendements qui, dans le cadre du régime de réglementation complexe que le gouvernement est chargé de créer, visent à mettre en place des mesures pour protéger les personnes vulnérables.

C'est ce que le projet de loi prévoit. Comme vous le savez, l'article 9.1 du projet de loi modifié, qui nous a été renvoyé par la Chambre des communes, se lit comme suit :

Le ministre de la Justice et le ministre de la Santé lancent, ...

— dans la version anglaise, on peut lire « must [...] initiate »; voilà le fameux « must » —

... au plus tard cent quatre-vingts jours après la date de sanction de la présente loi, un ou des examens indépendants des questions portant sur les demandes d'aide médicale à mourir faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée.

Donc, ceux qui ont rédigé la mesure législative, c'est-à-dire le gouvernement et la Chambre des communes, estiment que des mesures de protection supplémentaires devraient être intégrées à un régime réglementaire complexe qui, selon eux, devrait être étudié davantage. Nous avons déjà intégré des mesures de protection au projet de loi, qui portent sur le nombre de médecins qui doivent participer au processus, les délais, la clarté et les personnes qui ont le droit de donner leur consentement. Les examens dont il est question dans le projet de loi portent sur des domaines qui, comme la ministre l'a indiqué, n'ont pas été prévus ou mentionnés dans l'arrêt Carter. Le gouvernement estime en outre que des mesures de protection supplémentaires pourraient bénéfiques pour les Canadiens et devraient être intégrées à la mesure législative, mais il croit qu'il est nécessaire de procéder à cet examen.

Pendant les discussions, j'ai été étonnée de constater que même si les examens portent sur des catégories bien précises de gens, la majorité des sénateurs qui s'opposent à « l'amendement Joyal », si je peux me permettre de l'appeler ainsi, ont exprimé des préoccupations et ont fait valoir qu'il vise un plus vaste groupe de Canadiens dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible et qu'il n'existe pas de mesures de protection équivalentes dans ce cas.

Comme vous le savez, le sénateur Carignan a proposé un amendement qui visait à intégrer certaines mesures de protection à la mesure législative. J'ai appuyé cet amendement, car je crois qu'on trouve des personnes vulnérables au sein du vaste groupe de personnes dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, mais il n'a pas été adopté.

L'amendement que je veux proposer aujourd'hui et pour lequel je demande votre appui vise à créer un quatrième champ d'étude à l'intérieur de ces examens indépendants, pour déterminer quelles sont les personnes vulnérables au sein de ce groupe pour lequel la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible et qui, en vertu d'un amendement antérieur, a été inclus. Quoi qu'il en soit, même si cet amendement est rejeté après avoir été examiné par la Chambre des communes, je suis convaincue que certaines personnes vulnérables ont besoin d'une meilleure protection et que nous devons nous pencher sur cette question.

Je fournis des exemples précis de gens qui sont membres de la communauté des personnes handicapées. Ma position ne s'applique certainement pas à toutes ces personnes; cela ne serait pas nécessaire. Par contre, cette communauté comprend un certain nombre de personnes qui se décriraient ou que leurs collègues au sein de cette communauté décriraient comme « vulnérables » en raison de conditions sociales, familiales ou socioéconomiques ou encore de leur isolement, bref, de toute une gamme de facteurs.

Quand j'ai participé à l'élaboration des dispositions législatives de l'Ontario sur la capacité et le consentement au traitement ainsi que sur la prise de décision au nom d'autrui, je me souviens d'avoir été vivement préoccupée par la situation des personnes handicapées et en particulier d'un autre groupe d'Ontariens, soit les personnes souffrant de maladie mentale, qui n'ont pas toujours l'occasion de donner à l'avance leurs propres directives et dont on peut contester la capacité quant à la formulation de directives anticipées.

Nous avons créé un processus judiciaire, un comité chargé de déterminer la validité du consentement pour que les intéressés puissent contester l'évaluation de leur capacité ou de la capacité d'autrui de fournir ces directives. Le comité est constitué de psychiatres, de médecins et de non-spécialistes. Il est donc possible de procéder à une évaluation détaillée.

Je vous signale d'ailleurs que je suis d'avis qu'au moins en Ontario, ce régime est valable et que les directives anticipées prévues dans la loi sont parfaitement cohérentes et peuvent être communiquées aux personnes visées par cette loi, mais cela ne vaut pas pour toutes les administrations du pays.

Je craignais que la capacité d'une personne apte à prendre cette décision puisse être contestée par une tierce partie et que ses directives anticipées ne soient pas respectées en cas de contestation fondée sur la capacité. De fait, cela s'est souvent produit dans les affaires de testament. Après le décès, on se demande si la personne avait la capacité voulue pour modifier son testament.

Nous établissions un régime de directives anticipées concernant les questions financières et les questions de santé. C'était ce que l'on appelait souvent le « testament biologique » à l'époque, comme l'a mentionné la sénatrice Jaffer pendant le débat d'hier soir. Nous voulions veiller à ce qu'il soit possible d'évaluer et de vérifier la capacité, afin qu'ultérieurement la contestation soit impossible et que les mandataires autorisés ne puissent pas modifier le testament établi par l'intéressé dans une directive anticipée.

D'une certaine façon, la préoccupation que je présente maintenant est l'envers de cette question. C'est le fait que les personnes en situation de vulnérabilité pourraient, à la suite de pressions ou parce qu'elles ont le sentiment qu'il n'y a pas d'autre solution ni d'espoir, présenter une demande en vertu de cette loi dans des circonstances où le caractère volontaire de la requête pourrait être mis en doute.

C'est la préoccupation qu'un certain nombre de personnes qui ont formé une coalition représentant un large éventail d'organismes de défense des personnes handicapées ont formulée devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et lors de rencontres avec les députés et sénateurs sur la Colline.

L'amendement que je veux présenter répond à cette question en créant un quatrième champ d'examen lorsque les conditions sociales ou les déterminants sociaux de la santé contribuent aux souffrances d'une personne vulnérable ou peuvent soulever des doutes sur le caractère volontaire de sa demande.

Nous ne créons pas ainsi de processus lié au projet de loi. Il s'agit d'un champ d'étude qui s'inscrit dans les examens prévus à l'article 9.1. Si l'amendement est adopté, il faudra apporter un amendement complémentaire au préambule du projet de loi parce que ces mots y sont repris, mais nous y verrons par la suite.

J'espère que vous avez maintenant l'amendement sous les yeux. Je l'ai diffusé par courriel il y a une semaine. À ce moment-là, l'amendement visait à la fois le préambule et l'article 9.1, mais étant donné la structure de notre débat, l'amendement concernant le préambule sera présenté ultérieurement.

(1520)

Motion d'amendement

L'honorable Frances Lankin : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9.1, à la page 13 :

a) par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« 9.1 (1) Le ministre de la Justice et le ministre de la »;

b) par substitution, aux lignes 26 et 27, de ce qui suit :

« anticipées, les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée et les demandes où les conditions sociales et les déterminants sociaux de la santé contribuent aux souffrances de la personne et peuvent soulever des doutes sur le caractère volontaire de la demande.

(2) Le ministre de la Justice et le ministre de la Santé font déposer devant chaque Chambre du Parlement, au plus tard dix-huit mois après le début d'un examen, un ou des rapports sur celui-ci, lesquels rapports comportent notamment toute conclusion ou recommandation qui en découle. »

Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Lankin, avec l'appui de l'honorable sénatrice Omidvar, propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9.1, à la page 13...

Puis-je me dispenser de lire l'amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres questions pour la sénatrice Lankin? Sinon, le débat se poursuit avec le sénateur Cowan.

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Brièvement, chers collègues, je pense que cet amendement est très judicieux et je l'appuie. Si, comme nous l'avons entendu hier soir, la question des demandes anticipées fait l'objet d'un large soutien et que de nombreux Canadiens souhaitent s'en prévaloir, elle suscite aussi des inquiétudes légitimes, dont bon nombre ont été exprimés hier soir. L'idée est de procéder à l'étude de la question à l'intérieur d'un délai rigoureux. On connaîtrait la date à laquelle commence l'étude et, ce qui est encore plus important, la date où elle se termine et où le rapport serait remis aux deux Chambres du Parlement.

Je crois également que la sénatrice Lankin soulève un point intéressant dans son amendement, lorsqu'elle élargit la portée de l'examen pour inclure les conditions sociales et les déterminants sociaux de la santé. Je pense que nombre d'entre nous avons entendu parler des graves préoccupations relatives au fait que certaines personnes pourraient opter pour ce service non pas pour des motifs de santé, mais bien en raison de déterminants sociaux sous-jacents, ce qui, comme l'a si justement signalé la sénatrice Lankin, pourrait faire douter du caractère volontaire de leur demande.

Je pense qu'il est tout à fait approprié que l'examen soit élargi pour englober cette quatrième catégorie, et je crois aussi que nous serions bien avisés de fixer une échéance à l'examen pour être certains qu'un rapport nous sera présenté. Si ce rapport indique qu'il faudrait modifier la loi, nous pourrions alors nous mettre au travail. Je pense, comme le sénateur Harder l'a récemment fait remarquer — je ne me souviens pas du moment précis —, que nous ne pouvons pas prévoir quelles modifications législatives pourraient être nécessaires tant que nous n'aurons pas pris connaissance des résultats des examens.

Je répète ce que j'ai dit hier soir : à défaut de certains paramètres ou échéances, il est peu probable que les parlementaires s'attelleront à la tâche et examineront ces questions. Il me semble donc que la sénatrice Lankin nous propose un amendement fort utile et je recommande à mes collègues de l'appuyer.

L'honorable Linda Frum : Sénateur Cowan, je n'ai pas été assez rapide pour poser la question à la sénatrice Lankin, mais, puisque vous appuyez sa position, je me demande si en inscrivant cette exigence dans la loi nous n'y inscrivons pas aussi la notion que l'accès à l'aide médicale à mourir est réservé aux Canadiens aisés. Si nous posons la question des conditions sociales et de la vulnérabilité des personnes en raison de leur situation socioéconomique, nous établissons un autre niveau de discrimination — par inadvertance, accidentellement, avec la meilleure des intentions. Je comprends parfaitement ce qui préoccupe la sénatrice Lankin et ses préoccupations sont tout à fait justifiées.

Par contre, si vous formulez cela dans le projet de loi, vous sous- entendez qu'il existe une norme socioéconomique qu'il faudrait respecter pour ne pas être jugé trop vulnérable pour avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Le sénateur Cowan : Merci, sénatrice Frum. Reportons-nous aux discussions et aux témoignages qui ont été présentés au comité mixte. Si je me souviens bien, notre comité a entendu un certain nombre de témoins — et le sénateur Ogilvie voudra peut-être y revenir — qui étaient opposés à l'aide médicale à mourir parce que, si vous pouviez corriger ces conditions sociales et économiques sous- jacentes, cette aide allait devenir inutile. Je pense que le comité n'a pas retenu ces témoignages, mais il y avait bel et bien une préoccupation que, selon moi, la majorité sinon la totalité d'entre nous avons prise au sérieux, une question à étudier, en quelque sorte.

Je crois que la sénatrice Lankin fait valoir que, s'il existe un moyen, s'il est possible de prévoir une protection ou des assurances supplémentaires pour les personnes que ce service inquiète, il serait bon de le faire. Je suis d'accord. Je ne suis pas certain de vous suivre lorsque vous parlez de discrimination, de la création de catégories distinctes, mais je vais m'en tenir à cela. Cette question suscitait des préoccupations, et je pense que cet amendement y répond. Comme je l'ai dit, je crois que le projet de loi tel qu'il est maintenant contient des mesures de sauvegarde suffisantes. Il ne me paraît pas nécessaire d'en prévoir d'autres, mais je respecte l'opinion de ceux qui en souhaitent, et c'est la raison pour laquelle j'ai appuyé la proposition du sénateur Carignan.

Si ces examens pouvaient être réalisés assez rapidement, je crois que cela prouverait que nous pouvons au moins autoriser les demandes anticipées, sinon commencer à progresser en ce qui concerne d'autres aspects épineux.

La sénatrice Frum : J'aimerais préciser un peu ma pensée. Il me semble que l'objet réel de cet examen est de se demander si, dans l'hypothèse où des personnes qui vivent en deçà d'un certain niveau socioéconomique auraient recours à l'aide médicale à mourir, nous devons avoir à leur endroit des préoccupations distinctes. Évidemment, je comprends très bien la source de cette préoccupation, mais selon moi une telle étude équivaudrait à évaluer les personnes en fonction de leur niveau économique, puis à décider que les choix de celles qui sont en deçà d'un certain niveau économique doivent être remis en question, alors que ceux des personnes de niveau économique supérieur ne le seront pas, ou encore que les soins et les préoccupations des médecins et les mesures de sauvegarde sont valables pour les personnes au-delà d'un certain niveau, mais que les mesures de sauvegarde pour les personnes moins fortunées, eh bien, elles ne sont pas adéquates. Nous établissons donc une distinction entre les Canadiens en fonction de leur situation économique.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Cowan.

Honorables sénateurs, la ministre Freeland a été retardée par les affaires de la Chambre. Il est maintenant 15 h 30, l'heure de la période des questions. Je demande donc à mes collègues si nous pouvons continuer le débat jusqu'à ce que la ministre arrive.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cowan : Merci, Votre Honneur. Et merci, sénatrice Frum.

Je reviens à nouveau aux audiences du comité mixte et aux témoignages qui y ont été présentés. Nous convenions tous que la demande d'accès à ce service devait être volontaire. Il n'est nulle part question dans ce débat, contrairement à ce qui est parfois évoqué dans les courriels que nous recevons quotidiennement, il n'est nulle part suggéré que nous créions un régime dans lequel des mandataires autorisés auraient un rôle à jouer. C'est donc dire que personne ne prendra de décision pour quelqu'un d'autre. Il s'agit ici de choix personnel et d'autonomie. Je pense que nous en convenons tous.

(1530)

Nous avons entendu les témoignages de diverses personnes qui craignaient énormément que des gens soient poussés à demander une aide médicale à mourir et disant que si l'on essayait d'y voir un peu plus clair — comme j'imagine les médecins et les infirmiers praticiens chargés d'évaluer les cas le feraient —, cela s'inscrirait dans le cours normal de l'évaluation du patient, c'est-à-dire qu'on lui demanderait pourquoi, précisément, il présente cette requête. Quelles sont les solutions de rechange? Avez-vous essayé les soins palliatifs? C'est ce dont la sénatrice Eaton a parlé et c'est un élément qui nous tient tous à cœur. Quelle est la situation à domicile? Avez- vous des fournisseurs de soins? À mon sens, tout cela ferait partie de la procédure normale. Je pense que cela se ferait de toute façon. Toutefois, la réalisation d'une étude permettant aux personnes concernées d'exprimer leurs préoccupations serait à mon avis très utile pour calmer des préoccupations que, personnellement, je n'éprouve pas. Je respecte cependant le fait que nombre de personnes en ont. Je ne crois pas qu'on puisse les écarter d'un revers de main. Il me semble que c'est une bonne façon de procéder.

J'ai fourni un commentaire long et alambiqué plutôt qu'une réponse à votre question, qui, elle, était très claire, mais j'ai fait de mon mieux, sénatrice Frum.

Son Honneur le Président : Sénateur Ogilvie, vous avez une question?

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Sénateur Cowan, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Oui.

Le sénateur Ogilvie : La dernière partie de la première section de l'amendement mentionne la remise en question du caractère volontaire de la requête. Si je comprends bien, nous parlons ici de la situation globale d'une personne atteinte d'une maladie irrémédiable, d'une personne qui est un adulte compétent et qui éprouve des souffrances intolérables? Est-ce bien ainsi que vous comprenez ce passage?

Le sénateur Cowan : En effet, sénateur.

Le sénateur Ogilvie : Acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

Le sénateur Ogilvie : Merci. Il me semble que le libellé protège la personne qui se trouve dans la situation où cette détermination doit être faite, étant donné les conditions décrites dans le projet de loi, dans la loi, l'intervention de deux praticiens et à tout le reste.

Je me demande, sénateur, si vous pouvez nous expliquer un peu plus en détail comment la question du caractère volontaire intervient dans cette détermination? Au fond, ne s'agit-il pas d'une personne atteinte d'un mal irrémédiable, d'un adulte compétent qui éprouve des souffrances intolérables?

Le sénateur Cowan : Je ne suis pas certain de pouvoir ajouter beaucoup aux commentaires que j'ai formulés en réponse à la question de la sénatrice Frum, mais je crois que vous conviendrez avez moi que des préoccupations ont été exprimées devant le comité au sujet de la possibilité que la personne qui demande une aide médicale à mourir le fasse en raison de pressions extérieures, par exemple en raison des conditions sociales ou économiques dans lesquelles elle vit.

Je pense que nous reconnaissons tous que cela s'inscrirait dans le processus d'examen et interviendrait dans la mise en œuvre des mesures de sauvegarde déjà prévues dans le projet de loi. Il est toutefois certain que des préoccupations ont été exprimées. Il me semble donc opportun d'y répondre dans le cadre d'une étude, et ce, dans des délais raisonnables.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Chrystia Freeland, ministre du Commerce international, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, on me dit que la ministre est arrivée. Nous passons maintenant à la période des questions. Par la suite, nous reviendrons aux questions adressées au sénateur Cowan et au débat.

Honorables sénateurs, je souhaite la bienvenue à l'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international, qui est ici aujourd'hui pour prendre part aux délibérations en répondant à nos questions concernant ses responsabilités ministérielles.

Je demande aux sénateurs, comme ils l'ont fait ces dernières semaines, de limiter leur intervention à une question et à une question complémentaire, tout au plus, afin de permettre au plus grand nombre de sénateurs possible d'intervenir à la période des questions.

Madame la ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue. Veuillez vous asseoir.

[Français]

Le ministère du Commerce international

Le protectionnisme commercial

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Bonjour et bienvenue, madame la ministre.

L'Accord de libre-échange nord-américain a évidemment eu un impact positif incroyable sur l'économie canadienne. L'accord a créé de nombreux débouchés pour nos exportateurs et a permis d'attirer de nombreux investissements étrangers.

On sait que les primaires américaines ont démontré qu'il existe une montée du protectionnisme, tant chez les démocrates que chez les républicains, et les deux candidats à la présidence qui s'affronteront en novembre ont formulé des critiques parfois virulentes contre l'ALENA.

J'aimerais savoir quel est votre plan pour contrer cette montée du protectionnisme américain?

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : J'aimerais tout d'abord vous dire que c'est un honneur et un très grand plaisir pour moi d'être dans cette Chambre pour la première fois. Je vous remercie de l'invitation.

C'est une très bonne question, sénateur Carignan. Je travaille beaucoup sur cet enjeu avec notre ambassadeur à Washington, David MacNaughton, qui était ici hier. La vague protectionniste aux États-Unis peut être dangereuse pour le Canada, puisque les États-Unis représentent notre plus grand marché.

Je crois que le Canada devra faire la guerre à cette vague protectionniste d'une quelconque manière, en continuant d'entretenir d'étroites relations commerciales avec les États-Unis, par exemple. J'espère que les honorables sénateurs pourront également nous aider en ce sens. Pour nous qui entretenons des relations avec des gens d'influence aux États-Unis, il demeure très important de maintenir ces relations et d'être préparés à ce qui peut survenir ici, après l'élection présidentielle américaine.

Cette relation est très importante pour moi et pour notre politique en matière de commerce international. Je crois que cette vague protectionniste n'est pas un accident. Il y a beaucoup de gens, aux États-Unis, mais aussi en Europe et même ici, au Canada, qui ont peur de l'économie du XXIe siècle. Je crois que notre politique de commerce international doit être évolutive.

(1540)

Nous devons parler avec les gens, et notre politique doit être très ouverte et transparente. C'est pourquoi je crois en l'importance des consultations. Nous devons aussi mettre l'accent sur les petites et moyennes entreprises pour rassurer les gens que le commerce international n'est pas seulement pour les grandes corporations, mais pour tout le pays.

Pardonnez mon français. Je promets de m'améliorer.

Le sénateur Carignan : Félicitations pour la qualité de votre français, je suis impressionné! Je suis aussi impressionné que vous utilisiez des termes aussi forts que « faire la guerre au protectionnisme américain ». J'aurais aimé que le ministre de la Défense nationale utilise les mêmes termes en parlant de faire la guerre à l'État islamique, mais il n'a pas voulu.

Nous savons tous que l'économie sera frappée de plein fouet si les États-Unis ferment leurs frontières à nos produits. Qu'entendez- vous faire pour que nos deux grands pactes commerciaux que sont l'accord de libre-échange avec l'Europe et le Partenariat transpacifique soient conclus rapidement afin que nos exportateurs trouvent d'autres débouchés et qu'ils soient moins à la merci du résultat de la campagne présidentielle américaine?

Mme Freeland : Je vous remercie pour cette question. Je commencerai en parlant de notre accord avec l'Europe, l'AECG, mieux connu en France sous l'acronyme CETA. C'est un accord historique très important. Je suis très fière du travail que nous avons fait pour favoriser l'entrée en vigueur de cet accord.

Comme vous le savez très bien, l'accord a été conclu, en théorie, en septembre 2014. Toutefois, nous n'avons pas vu de progrès par la suite. Comme nous l'avons déjà dit, il y a en Europe une vague protectionniste. La société civile en Europe a soulevé des questions sur l'AECG, surtout au chapitre des investissements.

J'ai parlé de notre politique évolutive en matière de commerce international. Les changements que nous avons apportés au chapitre des investissements en sont la première étape. Ces changements et politiques donnent au Canada la possibilité de demeurer un pays ouvert aux migrations et au commerce international, à un moment où plusieurs pays du monde, tels les États-Unis et certains membres de l'Union européenne, veulent se refermer.

Au chapitre des investissements, nous avons apporté deux changements. Le premier a été de souligner le droit de l'État de faire des règlements. Une des critiques envers le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États était que ce système pouvait limiter les droits de l'État. Nous avons donc corrigé cette situation.

L'autre changement que nous avons apporté, aussi très important, est au processus d'arbitrage. Avec les Européens, nous avons créé un processus beaucoup plus ouvert doté de juges plus indépendants. Je suis optimiste et je crois que, grâce à ces changements que nous avons apportés au chapitre des investissements, l'AECG sera signé cette année et ratifié par le Parlement européen l'an prochain. Ce sera alors un moment historique et stratégique pour le Canada.

[Traduction]

Le prix des médicaments

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Mes questions ont trait au prix des médicaments.

Comme vous le savez, tant le PTP que l'AECG prévoient une prolongation de la période de protection des médicaments. D'après les estimations du gouvernement précédent, cela pourrait ajouter des milliards de dollars à ce que les Canadiens consacrent aux soins de santé et ce, à un moment où nos propres prix sont déjà élevés et où, à ma connaissance, le niveau des investissements et de la recherche- développement de nos sociétés pharmaceutiques est en baisse.

Ce sont là des conditions parfaites pour une vraie crise : des prix en hausse, une protection plus longue des brevets et des investissements en baisse dans un important secteur de notre économie. Pouvez-vous nous dire ce que fait votre gouvernement pour affronter cette situation qui inquiète non seulement les Canadiens, mais aussi les provinces qui doivent en définitive assumer le coût des médicaments?

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Je vous remercie de votre question, sénateur. Elle est importante. La ministre de la Santé, surtout, et moi y avons consacré beaucoup de temps et d'attention. Je concentrerais peut-être mes observations sur l'AECG car c'est l'accord dont la ratification devrait intervenir dans un avenir plus proche. Comme chacun ici le sait, la politique internationale qui entoure le PTP est beaucoup plus compliquée, sans compter qu'il y a 12 pays signataires.

Je commencerai par souligner un fait qui est probablement évident pour tout le monde ici : tout accord commercial implique des compromis à la table de négociation. Notre gouvernement n'était pas au pouvoir lorsque ce chapitre particulier a été négocié, mais je peux comprendre que nos négociateurs aient abouti à ce résultat.

Il y a un point important que les Canadiens ne comprennent pas pleinement, je pense. C'est que nos experts croient — et je suis d'accord avec eux — que la hausse des prix découlant de l'AECG ne devrait prendre effet que huit ans après l'entrée en vigueur de l'accord. Nous aurons donc le temps de rajuster les politiques en conséquence.

Il y a aussi un autre point important concernant l'AECG : il s'agit d'une entente conclue avec l'Europe. Nous avons convenu avec l'Europe, dans le cadre de cette entente, de modifier d'une certaine façon nos normes afin de les aligner sur les niveaux européens. Il importe de noter cependant que, malgré les normes différentes et bien avant l'entrée en vigueur de l'AECG, nous payons actuellement au Canada pour les médicaments d'ordonnance des prix plus élevés que ceux de la plupart des pays d'Europe. En examinant cette question, nous devons nous rendre compte que le prix des médicaments d'ordonnance est un important élément, mais qu'il y a d'autres moyens de le réduire, comme nos amis européens l'ont démontré par les mesures qu'ils ont prises afin de faire baisser les prix.

Comme je ne suis pas ministre de la Santé, je ne parlerai pas du travail que fait actuellement la ministre Philpott dans le domaine des médicaments d'ordonnance. Je peux seulement dire qu'elle s'en occupe avec passion. Elle cherche des moyens de faire baisser le prix des médicaments au Canada. Il y a des conséquences commerciales, de sorte qu'elle et moi travaillons en étroite collaboration pour nous assurer, lors de la conclusion de tout autre accord commercial, que ses plans sont protégés.

L'accord de libre-échange Canada-Corée

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Madame la ministre, d'autres accords commerciaux bilatéraux sont en négociation en Asie, et vous parlez de la complexité du PTP.

(1550)

Comme vous le savez, l'ancien gouvernement conservateur avait signé et ratifié l'accord historique de libre-échange Canada-Corée, qui est le premier et le seul que nous ayons conclu avec un pays asiatique. Dès le premier jour de l'entrée en vigueur de cet accord, le 1er janvier 2015, la Corée a supprimé les droits de douane qui s'appliquaient à 81,9 p. 100 des lignes tarifaires canadiennes. Une fois l'accord complètement mis en œuvre, 98 p. 100 des droits de douane canadiens seront également éliminés. Il est essentiel pour le succès économique à long terme du Canada que nous soyons bien placés dans cette région par rapport à nos concurrents, mais cela ne peut être réalisé complètement que si l'accord est pleinement mis en œuvre.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire ce que vous avez fait dans les sept derniers mois pour donner suite au travail de votre prédécesseur visant à trouver des moyens d'accélérer la mise en œuvre complète de l'accord?

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Je vous remercie de votre question. En fait, j'étais à Séoul... j'allais dire il y a deux semaines, mais c'est peut-être trois semaines. J'ai un peu perdu la notion du temps avec mon agenda de ces jours-ci.

J'avais appuyé l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud lorsque j'étais porte-parole en matière de commerce dans l'opposition. C'est un accord d'une grande importance pour le Canada. Je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il nous donne un avantage concurrentiel parce que, en réalité, comme cela arrive dans le cas des accords commerciaux, nous avons signé l'entente après les États-Unis et l'Australie. Par conséquent, d'une certaine façon, nos exportateurs constatent qu'ils ont à faire un peu de rattrapage en Corée.

Comme vous le savez aussi, dès le départ, nos exportateurs de bœuf ont eu des difficultés à cause des normes phytosanitaires. Ce fut un coup dur. Je me suis justement entretenue hier de cette question avec le ministre du Commerce de l'Alberta. Il est d'origine ukrainienne comme moi. Je viens d'ailleurs de l'Alberta, ce qui fait que je suis très favorable à notre industrie du bœuf non seulement comme ministre du Commerce mais aussi comme personne. Nous avons discuté de ce que nous pouvions faire ensemble pour promouvoir le bœuf canadien. Comme vous le savez sans doute, le marché du bœuf est énorme en Corée du Sud, où les gens ont une prédilection particulière pour les coupes qui ne sont pas très prisées au Canada. Je crois donc que nous aurons là d'excellentes possibilités.

Pendant que j'étais à Séoul, il y a probablement deux semaines, j'étais accompagnée de Christy Clark, première ministre de la Colombie-Britannique. Nous avons assisté toutes deux à une activité avec un certain nombre d'exportateurs de la province. Nous croyons que la Colombie-Britannique a elle aussi d'excellentes possibilités en Corée.

D'une façon plus générale, il y a un autre domaine que nous pouvons explorer : il s'agit de l'intérêt extraordinaire que les Coréens portent à notre système d'éducation. J'ai rencontré le ministre des Sciences et de la Technologie, qui est un ancien universitaire. La réunion a été agréable. Il arrive très souvent que mes réunions commerciales soient assez difficiles parce qu'elles comprennent de dures négociations. Lorsque je suis arrivée chez le ministre, il a dit : « Nous croyons que ce qui se passe au Canada est extraordinaire. Que pouvons-nous apprendre de votre pays, particulièrement dans mon domaine? » J'ai commencé à lui parler de l'alternance travail-études et de l'Université de Waterloo. Il a alors tourné ses notes vers moi et m'a montré une phrase encerclée en me disant : « Cela signifie programme d'alternance travail-études de l'Université de Waterloo en coréen. » Je pense donc que nous avons des possibilités réelles de coopération avec la Corée dans le domaine de l'enseignement supérieur. Nous pourrions en outre accueillir davantage d'étudiants coréens au Canada.

La sénatrice Martin : J'étais au courant de votre voyage en Corée. Quels résultats concrets avez-vous réalisés? Vous avez parlé de quelques domaines où il existe des possibilités de coopération, mais y a-t-il des initiatives ou des programmes particuliers que vous mettrez en œuvre, que vous développerez ou que vous mettrez au point? Je m'intéresse à la période de sept mois où vous avez été ministre. Je crois savoir qu'il y a beaucoup d'autres points d'intérêt et activités, mais il s'agit là d'un accord qui est déjà en vigueur. Par conséquent, qu'avez-vous réalisé pendant cette période? Quels résultats particuliers ont découlé de votre voyage en Corée?

Mme Freeland : Comme je l'ai dit, l'importance de nos relations commerciales avec la Corée du Sud est évidente puisque l'un des voyages que j'ai effectués au cours des sept derniers mois était à destination de ce pays. À part discuter avec nos exportateurs et les aider à faire la promotion de leurs produits en Corée du Sud, j'ai eu des contacts avec de nombreuses entreprises, peut-être une demi- douzaine et probablement plus. J'ai eu des réunions avec plusieurs sociétés sud-coréennes, parmi lesquelles il y en a une qui fait actuellement des investissements au Canada et qui envisage d'en faire d'autres. Cette réunion a été importante parce qu'elle a permis à nos interlocuteurs d'avoir un contact direct avec notre nouveau gouvernement.

Une autre société réalise un projet environnemental de concert avec une entreprise canadienne. Encore une fois, il a été très important de discuter avec ses responsables de l'intérêt que nous attachons aux technologies propres. C'est précisément le domaine dans lequel cette société travaille. Comme vous le savez peut-être, à cause de la situation géographique de la Corée, le gouvernement coréen s'intéresse beaucoup à la mise au point de piles à combustible. Il y a là des occasions particulières.

Enfin, je me suis entretenue avec les responsables d'une société coréenne dont je ne citerai pas le nom parce qu'elle n'a pas terminé ses préparatifs et dont l'un des fondateurs est canadien. Cette jeune société de technologie envisage de créer d'importantes opérations, et peut-être même d'établir son siège social au Canada.

Le règlement des différends investisseur-État

L'honorable Janis G. Johnson : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international étudie l'état actuel des accords commerciaux internationaux, tant multilatéraux que bilatéraux. L'une des questions qui revient souvent concerne les mécanismes de règlement des différends entre un investisseur et l'État. Nous avons entendu des témoins représentant tous les points de vue sur le sujet, mais de nombreuses questions demeurent.

Compte tenu du fait que le Canada et l'Union européenne ont convenu de modifier les dispositions de l'AECG concernant le règlement des différends investisseur-État afin de les rendre plus transparentes, allons-nous continuer à adhérer à ce modèle ouvert dans les accords commerciaux futurs, en dépit du PTP?

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Je vous remercie, sénatrice, de cette question très réfléchie et vraiment importante. Je vais peut-être donner quelques détails sur ce que nous avons fait au chapitre des investissements, en matière de règlement des différends, dans le cadre de l'AECG. Je crains fort que la médiocrité de mon français n'ait rendu un peu vagues les explications que j'ai données plus tôt.

Je suis très fière et très satisfaite du nouveau chapitre des investissements que nous avons négocié dans le cadre de l'AECG. Il est vraiment révolutionnaire de deux façons. Premièrement, il réaffirme énergiquement le droit de réglementation de l'État et garantit qu'il ne sera pas affaibli par l'accord commercial. D'une certaine façon, cela nous ramène aux premiers principes du règlement des différends investisseur-État.

Les mécanismes de règlement des différends ont toujours été conçus pour protéger les investisseurs étrangers contre la discrimination qui peut s'exercer contre eux. Ils n'ont jamais eu pour objet de prendre le pas sur les lois nationales. Par conséquent, l'affirmation du droit de réglementation de l'État dans des domaines tels que l'environnement et le travail est, à ma connaissance, beaucoup plus forte dans l'AECG que dans tout autre accord commercial. Je crois que cela établira une nouvelle norme internationale.

La seconde chose que nous avons réalisée est la création d'un nouveau système d'arbitrage plus transparent. Les arbitres qui siégeront dans les groupes spéciaux seront nommés d'avance et inscrits sur une liste. Tant que leur nom y figure, ils ne seront pas autorisés à s'occuper d'activités commerciales. C'est là que réside le vrai changement éthique, qui est important.

Je ne crois pas que nous serions très heureux si nos juges pouvaient faire la navette entre leur tribunal commercial et une pratique privée. Je crois donc que cette disposition est réellement importante.

De plus, les juges qui feront partie des groupes spéciaux d'arbitrage seront choisis au hasard et non en fonction de la pratique antérieure, qui consistait à demander au pays et à la société de nommer chacun un arbitre, puis d'en nommer un troisième par entente mutuelle. Nous avons ainsi une garantie supplémentaire d'objectivité et d'indépendance.

Comme nous le disions dans notre conversation sur la montée du protectionnisme, je ne crois pas que le souci du protectionnisme constitue une question partisane.

(1600)

Au Canada, nous avons beaucoup de chance et nous sommes dans une situation unique, car tous les partis sont favorables à une société ouverte à tous égards en ce qui concerne le commerce et l'immigration. Ce sera un avantage concurrentiel énorme pour le Canada si nous pouvons maintenir cet appui.

Je suis profondément convaincue qu'un moyen essentiel de préserver ce soutien consiste à répondre aux préoccupations légitimes de certains à l'égard des accords commerciaux, en leur disant clairement qu'ils sont — ce qu'ils peuvent être à mon avis —, des accords avantageux pour toute la société, des accords qui assurent une meilleure protection pour l'environnement et les travailleurs, des accords qui sont excellents pour les PME également. C'est là un très important principe fondamental. J'estime que les changements apportés au règlement des différends entre investisseur et État, dans l'AECG, sont une étape importante dans cette direction.

Nous travaillons avec les Européens. C'est une démarche progressiste importante pour l'Europe également. Elle a besoin d'un partenaire. Elle ne peut pas avoir de nouvelles idées pour le commerce qui se concrétisent sans avoir un autre pays avec lequel commercer. Les Européens sont très heureux d'avoir le Canada comme partenaire pour développer leur programme commercial progressiste.

Nous avons entamé des discussions avec d'autres pays. Il est temps d'actualiser notre accord commercial avec le Chili. Ce pays est très semblable au nôtre en ce sens qu'il est structurellement un pays commerçant et que sa société, comme la nôtre, croit au commerce. Et comme nous, en ce moment, il est dirigé par un gouvernement progressiste. J'ai discuté avec Heraldo Muñoz, le ministre des Affaires étrangères, de la possibilité de reprendre dans l'accord de nouvelle génération avec le Chili quelques-unes des idées que nous avons pour l'AECG. Le travail ne fait que commencer, mais je suis enthousiaste.

Nous donnons aussi à nos partenaires mexicains des conseils techniques et des séances d'information sur ce que nous avons fait dans l'AECG. Les Mexicains sont des partenaires importants. Je suis très heureuse que le président mexicain vienne nous rendre visite. Son pays négocie actuellement avec l'Union européenne. Les Mexicains tiennent à apprendre ce que nous avons fait et veulent que nous travaillions ensemble.

La politique d'achats en Amérique du Nord

L'honorable Wilfred P. Moore : Madame la ministre, merci d'être parmi nous. Ce que vous venez de dire du Mexique m'intéresse. La sénatrice Johnson et moi avons fait partie de la délégation canadienne qui s'est rendue à Washington en décembre 2014 pour la première réunion interparlementaire Canada-États-Unis- Mexique, qui a porté sur le commerce et la politique d'achats en Amérique du Nord.

Dans vos discussions avec les États-Unis, cette question est-elle sur la table? Essayons-nous de promouvoir cette idée? Nous avons un immense marché sur notre propre continent. Essayez-vous de faire valoir cette idée? Si oui, réalisez-vous des progrès?

Nous serons là-bas la semaine prochaine, soit dit en passant. Si vous avez des arguments à nous donner, je vous en prie, n'hésitez pas.

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Vous vous rendez à Washington?

Le sénateur Moore : Nous serons là-bas la semaine prochaine comme membres d'une délégation qui rencontre des sénateurs américains.

Mme Freeland : D'abord, je vous remercie du travail que vous faites et du prochain voyage.

Pour en revenir à la question initiale, je ne saurais trop insister sur l'importance, maintenant surtout, des contacts à tous les niveaux possibles entre le Canada et les États-Unis, plus particulièrement.

L'une des qualités centrales des États-Unis, c'est que ce pays compte de nombreux ordres de gouvernement et bien des niveaux de relations. Le fait que vous, sénateurs, rendiez visite à des législateurs américains, et plus particulièrement des sénateurs, et entreteniez des relations avec eux revêt une importance énorme pour l'intérêt national en ce moment.

Comme tout le monde ici le sait, et je ne tiens pas à insister, les États-Unis traversent une période électorale particulièrement turbulente. Nos échanges commerciaux se font à 70 p. 100 avec ce pays. C'est quelque chose d'important pour notre pays, et plus nous aurons d'amis en novembre, mieux ce sera, quelle que soit l'issue.

Je vais continuer, mais je...

Le sénateur Moore : Le programme d'achats en Amérique du Nord.

Mme Freeland : Oui. Nous avons eu une rencontre, la première en deux ans, je crois, qui nous a réunis tous trois, moi, Penny Pritzker et Ildefonso Guajardo Villarreal. Nous avons parlé d'une stratégie nord-américaine de la compétitivité. Nous avons notamment abordé ce sujet. Je dirais qu'il y a de l'enthousiasme sur le plan technique chez toutes les parties et de l'enthousiasme sur le plan politique au Canada et au Mexique. Nous irons le plus loin possible. Je crois que c'est un moment important et le prochain Sommet des leaders nord- américains, à la fin du mois, est très important pour rendre irrévocables les nombreux résultats que nous avons obtenus avec l'administration Obama.

Un domaine dont il n'est pas souvent question, mais qui est un énorme succès, selon moi, est celui de la coopération en matière de réglementation, particulièrement entre le Canada et les États-Unis. Nous avons discuté de la possibilité d'inviter le Mexique à s'associer à cet effort.

Le commerce nord-américain

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, si c'est possible, j'ai deux questions très importantes à poser.

D'abord, madame la ministre, vous avez dit que 70 p. 100 de nos échanges commerciaux se faisaient avec les États-Unis. Ils sont encore au niveau de 1993. Je peux comprendre que nous veuillons prendre de l'expansion dans le monde entier et signer tous ces accords commerciaux. Je n'en trouve pas moins préoccupant que, depuis 10 ans, nous ayons perdu 15 p. 100 de nos PME exportatrices, dont le nombre a chuté de 45 000 à 39 000.

Particulièrement dans la région de l'Atlantique, je trouve très bien que nous nous engagions dans des accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux, mais je constate que, pour ce qui est d'aider les PME en matière d'exportation, pour qu'elles pénètrent les nouveaux pays dans lesquels nous obtenons un accès au marché, nous ne sortons pas beaucoup du pays. Nous avons toujours une infrastructure et une politique dignes de la fin des années 1980.

Le gouvernement et votre ministère, plus particulièrement, envisagent-ils une stratégie globale révisée, pour que les Canadiens aient accès aux marchés et puissent promouvoir leurs exportations, et une série de politiques et d'infrastructures fédérales et provinciales dont nous aurions besoin pour exporter à la hauteur de notre potentiel?

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Merci de votre question, qui contient elle-même beaucoup de questions. Je vais essayer de reprendre quelques-uns des éléments que vous avez énumérés pour finir par la grande stratégie d'exportation et d'investissement.

Madame la sénatrice, je crois que vous avez parlé au début de la diversification des échanges commerciaux du Canada. Je suis convaincue pour ma part que c'est très important. C'est pourquoi je suis une grande championne de l'AECG, qui offre de belles occasions. L'Union européenne est au deuxième rang de nos partenaires commerciaux.

Vous avez parlé du Canada atlantique. Là encore l'AECG intervient. C'est la région du Canada la plus proche de l'Europe. Je crois notamment qu'il y a des débouchés réels dans le domaine de l'agroalimentaire et des produits de la mer.

Quant aux PME, j'y pense beaucoup. L'un des avantages du XXIe siècle, de la mondialisation et de la révolution technologique est que les entreprises, si petites et si jeunes soient-elles, peuvent exporter tout de suite.

J'ai parlé récemment avec Tobi Lütke, le fondateur de Shopify, un grand Canadien et un exemple de réussite qui trouve sa source à Ottawa. Il m'a dit qu'il avait eu son premier client canadien un an après la création de Shopify. C'est assez révélateur.

(1610)

Personnellement, je m'intéresse beaucoup, de même que mon ministère, aux petites et moyennes entreprises. Nous travaillons avec elles pour les tenir au courant des possibilités d'exportation et les aider à saisir des occasions.

Le 5 janvier dernier, nous avons lancé le programme CanExport, qui est spécialement conçu pour aider les PME à accéder à de nouvelles possibilités d'exportation. J'étais en train de parcourir mes notes pour vous donner des chiffres exacts. Depuis le lancement de CanExport, nous avons accordé une aide de 6 millions de dollars à de petits et moyens exportateurs. Seules sont admissibles les PME qui exportent vers un nouveau marché. L'idée est d'accorder de l'aide pour explorer de nouveaux débouchés.

Vous pensez peut-être à la Corée, mais le voyage coûte trop cher. Ce programme donne aux PME le petit coup de pouce dont elles ont besoin.

C'est un programme de contrepartie. Les sociétés peuvent recevoir du gouvernement une aide comprise entre 10 000 $ et 100 000 $ selon leur propre contribution.

Dans le cadre du voyage en Asie, quand j'ai accompagné le premier ministre à Tokyo, j'ai eu l'occasion d'être présente lorsqu'une société qui a son siège à Vancouver — il s'agissait d'une nouvelle petite entreprise de technologie — a pu venir à Tokyo grâce à CanExport et a pu y signer un contrat.

Nous concentrons nos efforts là-dessus.

Enfin, nous sommes en train de travailler sur un grand plan d'exportation et d'investissement. Dans ma lettre de mandat, le premier ministre m'a remise me demande d'élaborer une nouvelle stratégie plus énergique d'exportation et d'investissement. J'espère pouvoir rendre publiques quelques-unes de nos idées cet automne.

La sénatrice Ringuette : J'attendrai certainement avec intérêt cette stratégie parce que nous en avons désespérément besoin. Nous n'avons pas à ajouter de nouveaux programmes avant de savoir si les programmes actuels atteignent leurs objectifs.

Compte tenu de l'occasion que constituera à la fin du mois la réunion des trois amigos et du fait que, depuis 10 ans, je suis coprésidente du Groupe d'amitié Canada-Cuba, j'ai collaboré étroitement avec des entreprises canadiennes qui sont en relation ou veulent établir des relations avec le marché cubain. Toutefois, dans la situation actuelle, les sociétés canadiennes qui ont des activités aux États-Unis sont passibles de sanctions. Il en est de même pour le Mexique.

J'ai fait quelques recherches à ce sujet. Nous avons un accord de libre-échange, l'ALENA, avec les États-Unis et le Mexique. Par ailleurs, les États-Unis ont une politique qui condamne les entreprises canadiennes et mexicaines qui font affaire avec Cuba, en dépit du fait que les Américains sont en train de contrevenir eux- mêmes à leur propre embargo. Madame la ministre, je voudrais vous demander d'intervenir au nom des entreprises canadiennes pour que les sociétés qui ont des activités aux États-Unis et veulent en avoir à Cuba ne soient plus soumises à des sanctions de la part du gouvernement américain.

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Sénatrice, je vous remercie de votre question et de votre conseil.

Comme tous les Canadiens, nous sommes très conscients de cette situation. Avec l'évolution de la politique américaine envers Cuba, je crois qu'il y a des occasions réelles dans le domaine précis que vous avez décrit. C'est une chose sur laquelle nous travaillons.

[Français]

La valeur du bois sur pied—L'exclusion des provinces maritimes

L'honorable Percy Mockler : Madame la ministre, votre français est excellent, et je vous en félicite. J'ai bien entendu vos paroles lorsque vous avez dit que le Sénat peut jouer un rôle au sein du commerce international. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que nous allons jouer ce rôle ensemble.

J'aimerais vous parler de l'accord sur le bois d'œuvre et des provinces maritimes.

[Traduction]

Grâce à l'accord commercial sur le bois d'œuvre résineux, les Maritimes sont exemptées depuis 35 ans des droits de douane et de toutes les autres restrictions commerciales. Des milliers d'emplois sont en danger en ce moment même, madame la ministre.

Le principal motif de l'exclusion des Maritimes et de l'absence d'allégations relatives aux droits de coupe est le haut pourcentage de terres privées dans la région. Plus de 50 p. 100 de l'approvisionnement en bois vient de terres privées.

En deuxième lieu, les droits de coupe applicables au bois de la Couronne dans les Maritimes se basent sur une enquête relative aux prix sur le marché privé indépendant.

Troisièmement, les droits de coupe applicables au bois de la Couronne dans les Maritimes étaient et continuent d'être les plus élevés du Canada.

Compte tenu de ces facteurs, les responsables américains du commerce ont reconnu, lors des dernières discussions relatives au bois d'œuvre résineux, que les provinces maritimes constituent un modèle de responsabilité en matière de droits de coupe applicables au bois de la Couronne.

Le gouvernement fédéral continuera-t-il à demander l'exclusion des Maritimes?

[Français]

L'honorable Chrystia Freeland, C.P., députée, ministre du Commerce international : Je peux facilement vous répondre oui, absolument. Cependant, en ce qui concerne l'enjeu du bois d'œuvre résineux — une de mes phrases préférées en français —, je peux vous donner une réponse un peu plus complète.

[Traduction]

Absolument. Je suis au courant de l'exclusion actuelle des Maritimes. C'est une question au sujet de laquelle nos négociateurs et moi sommes très clairs dans nos discussions avec les États-Unis. En fait, j'ai eu un entretien hier sur cette question particulière avec notre équipe de négociation.

Comme vous le savez, c'est une question qui a toujours été complexe dans nos relations avec les États-Unis. Nous sommes au courant des faits. Nous avons des réunions régulières avec les représentants de l'industrie et les dirigeants provinciaux de tout le pays. Bien entendu, nous travaillons aussi très fort dans le cadre de nos négociations avec nos homologues américains.

Il est important que les Canadiens comprennent aussi que c'est une question très difficile. S'il y a une chose sur laquelle je suis très claire avec nos homologues américains, c'est que nous voulons un bon accord, pas juste un accord.

Son Honneur le Président : Le temps réservé à la période des questions est écoulé.

Madame la ministre, il ne fait aucun doute, à la lumière des questions que vous avez entendues aujourd'hui, que vous comprenez qu'inviter des ministres ici est devenu une partie très importante et très utile de la période des questions. Nous avions une très longue liste de sénateurs qui n'ont pas pu poser de questions aujourd'hui. Nous espérons donc que vous accepterez de revenir bientôt.

Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie d'être venue aujourd'hui, madame la ministre.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

Projet de loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures

Présentation du quatrième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports de comités :

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui traite du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures.

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 621.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Lang, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1620)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Baker, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois (aide médicale à mourir), tel que modifié.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Omidvar, que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9.1, à la page 13 :

a) par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« 9.1 (1) Le ministre de la Justice et le ministre de la »;

b) par substitution, aux lignes 26 et 27, de ce qui suit :

« anticipées, les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée et les demandes où les conditions sociales et les déterminants sociaux de la santé contribuent aux souffrances de la personne et peuvent soulever des doutes sur le caractère volontaire de la demande.

(2) Le ministre de la Justice et le ministre de la Santé font déposer devant chaque Chambre du Parlement, au plus tard dix-huit mois après le début d'un examen, un ou des rapports sur celui-ci, lesquels rapports comportent notamment toute conclusion ou recommandation qui en découle. ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant la période des questions, le débat portait sur l'amendement de la sénatrice Lankin. Le sénateur Cowan répondait à des questions.

Sénateur Cowan, êtes-vous prêt à répondre à d'autres questions?

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Bien sûr.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Sénateur Cowan, les questions de la sénatrice Frum m'ont fait réfléchir à ce qui arriverait si on créait une liste.

La sénatrice Lankin a expliqué pourquoi elle proposait cet amendement. J'ai écouté attentivement ce qu'elle avait à dire et j'ai d'abord pensé que c'était une bonne idée. Je me demande toutefois si, en ajoutant une autre catégorie ou en créant cette liste, on ne risquerait pas d'exclure malencontreusement d'autres catégories.

La sénatrice Omidvar a par exemple proposé d'appliquer l'optique de la pauvreté. Je me suis alors demandé ce qu'il en était de l'optique de la sensibilité culturelle. De nombreuses optiques pourraient s'appliquer dans ce dossier.

La catégorie que cet amendement ajoute me semble un peu subjective. Je ne suis pas en train de dire c'était le but visé, mais la pauvreté ne change rien à l'amour qu'une personne porte à une autre, ni aux décisions qui sont prises à la fin de la vie d'une personne, ni à la réflexion des membres de la famille ou de la personne concernée, qui doit décider de ce qu'il adviendra d'elle à la fin de sa vie.

Je me demande si l'ajout de cette catégorie n'a pas d'autres conséquences non recherchées, qu'il s'agisse de l'exclusion ou du renforcement de perceptions qui ne devraient pas exister.

Son Honneur le Président : Sénateur Cowan, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre aux questions?

Le sénateur Cowan : Une minute.

Son Honneur le Président : Une minute.

Comme je l'ai déjà expliqué, honorables sénateurs, il appartient au sénateur qui a participé au débat de décider s'il veut répondre à des questions, et s'il demande plus de temps pour le faire. Le sénateur Cowan demande du temps seulement pour répondre à la question de la sénatrice Martin. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cowan : Je crains de ne pas pouvoir faire grand-chose pour calmer vos préoccupations. Il faudrait adresser ces questions à la sénatrice Lankin. La principale raison de mon appui, c'est que la motion de la sénatrice prévoit aussi des délais à respecter.

Je dirais que, bien entendu, le gouvernement n'a pas besoin d'autorisation législative pour réaliser des études. Il peut étudier tous les sujets qu'il veut. Ceux qui figurent dans le projet de loi, je les approuve, même si j'aurais préféré, comme on l'a vu dans le débat d'hier soir, y trouver quelque chose sur les directives anticipées. Cependant, j'accepte la décision du Sénat et je suis favorable à une étude ultérieure de la question. Je suis disposé à donner mon appui dans ce cas-ci parce que je sais que c'est une question qui préoccupe beaucoup de Canadiens. Je donne donc mon appui.

Je ne donne pas plus d'importance à un sujet qu'à l'autre et je ne crois pas que nous devions nous interroger sur la question à savoir si cela aura des effets sur autre chose. Si nous ou le gouvernement avons besoin d'étudier d'autres choses quand nous connaîtrons l'expérience du nouveau régime en place, que nous devions avoir ou non ce projet de loi, alors il y aura peut-être d'autres sujets d'étude qui s'imposeront au gouvernement et au Parlement.

Je n'ai donc aucune préoccupation. J'appuie toujours l'amendement que la sénatrice Lankin propose. Je le fais en particulier parce qu'il prévoit des délais pour l'exécution des études.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup, Votre Honneur. J'interviens pour appuyer l'amendement proposé par la sénatrice Lankin.

Le sénateur Plett : Oh, oh.

Le sénateur Harder : Je suis désolé. Je croyais que vous vous félicitiez de mon appui. Je le fais sous les applaudissements de mes collègues et je m'en réjouis.

La disposition du projet de loi sur l'examen indépendant est un élément important du projet de loi dans la forme où nous l'avons reçu, car il s'agit de reconnaître qu'il y a des questions qui se rattachent à l'aide médicale à mourir sur lesquelles, compte tenu du projet de loi, nous ne sommes pas encore prêts à nous prononcer. En réalité, le discours public sur ces questions n'est pas parvenu à dégager un consensus ou une orientation qui tienne compte de toutes les données et de tous les renseignements — sans oublier que l'attention des groupes d'intérêt n'a pas été mobilisée —, ce qu'on souhaite obtenir avant de parvenir à une conclusion sur une politique d'intérêt public donnée.

L'amendement de la sénatrice Lankin apporte aussi une précision désirable sur le délai d'exécution des études, et l'assurance qu'elles seront déposées devant les deux Chambres du Parlement, de sorte que le débat public sur ces questions ne soit pas conclu ou que les études ne soient pas renvoyées quelque part pour consultation, mais qu'elles soient — espérons-le — le point de départ d'une participation publique plus large sur les questions des mineurs matures, des demandes anticipées, de la maladie mentale, et, grâce à l'amendement de la sénatrice Lankin, sur d'autres questions également.

Je le répète, je me réjouis de la précision apportée au sujet des rapports.

Je propose cependant un sous-amendement favorable, et je le fais parce qu'il y a une autre question qu'il serait intéressant d'ajouter à la liste, soit celle des cas où la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible.

Je sais que l'amendement Joyal, pour reprendre l'expression familière de la sénatrice Lankin, s'attaque à certaines de ces questions, mais comme la sénatrice l'a si bien dit dans le débat sur l'amendement du sénateur Carignan, peut-être serait-il utile d'étudier la question quel que soit l'amendement que le Sénat décide d'adopter, car une telle étude renseignerait le public, ainsi que le gouvernement et les artisans de la politique publique, sur ce sujet important.

Motion de sous-amendement

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que la motion d'amendement proposée par l'honorable sénatrice Lankin ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée à l'alinéa b), par adjonction, immédiatement après les mots « seule condition médicale invoquée », de ce qui suit :

« , les demandes où la mort naturelle de la personne n'est pas raisonnablement prévisible ».

La motion est présentée dans l'espoir que les études en question assureront la participation continue du Sénat, des Canadiens et de toutes les parties intéressées dans ce dossier important.

Son Honneur le Président : Sénateur, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

(1630)

Le sénateur Kenny : Nous n'avons pas le texte.

Son Honneur le Président : Il arrive. Les sénateurs veulent-ils prendre une minute pour lire le sous-amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Nous allons prendre une minute.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Sénateur Harder, accepteriez- vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

La sénatrice Jaffer : C'est un grand plaisir de vous voir. Ainsi, vous amendez vous aussi le projet de loi. Bienvenue de notre côté.

Je lis votre proposition au sujet de la mort naturelle non raisonnablement prévisible. Est-ce une autre façon de dire « non en phase terminale »?

Le sénateur Harder : C'est une autre façon de dire « non raisonnablement prévisible ». Bien sûr, ce serait un des sujets d'étude. L'amendement veut notamment établir que c'est là une question qui justifie un examen plus approfondi de la politique.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Harder, j'aurais dû poser cette question à la sénatrice Lankin. Vous m'en excuserez. Après avoir réfléchi à ce que la sénatrice Frum a dit — et je tiens à la remercier de s'être exprimée de façon aussi respectueuse —, je dois dire que je ne comprends pas. Je vous prie de m'excuser. Pourriez-vous expliquer en des termes simples ce que vous entendez par « conditions sociales » et par « déterminants sociaux de la santé »?

Le sénateur Harder : Il conviendrait d'adresser la question à l'auteur de l'amendement. J'appuie l'amendement, et je parlais du sous-amendement à l'étude. Vous vous en souviendrez, dans le débat, au début de ce périple, un certain nombre de sénateurs, notamment la sénatrice Omidvar, ont soulevé la question de l'analyse dans l'optique de la pauvreté et des classes, ainsi que celle des déterminants sociaux de la santé. Il y a eu une discussion plus large sur la question, et la sénatrice Lankin y a pris part. C'est ainsi qu'il y a eu des discussions entre un certain nombre de sénateurs qui étaient d'avis que c'était une question sur la liste des sujets d'étude qu'il valait la peine d'étudier plus à fond, et il m'a semblé que c'était une contribution utile au débat. Je suis heureux d'appuyer l'amendement et ce nouveau sujet d'étude.

La sénatrice Jaffer : Je suis désolée, je ne veux pas insister outre mesure, mais cela m'inquiète. Cela veut-il dire que si on est pauvre, on est vulnérable?

Le sénateur Harder : Je parle ici au nom de la sénatrice Lankin, et je suis heureux de le faire, mais elle est beaucoup plus apte que moi à décrire son travail. Chose certaine, si on veut aborder la question dans l'optique de la pauvreté ou d'un déterminant social, il faut éviter les préjugés. Posons la question et recueillons les données. Cependant, je ne serais pas étonné, compte tenu de l'impact de la pauvreté sur un large éventail d'enjeux sociaux et de politique d'intérêt public, que la pauvreté ait une incidence sur la façon dont l'accès est assuré ou dont on en abuse. Nous devrions décider sciemment si nous avons des protections suffisantes et un accès suffisant pour cette population.

L'honorable Joseph A. Day : Puis-je vous poser une question, sénateur Harder?

Le sénateur Harder : Certainement.

Le sénateur Day : Vous avez qualifié cet amendement de « favorable ». Avez-vous discuté avec la sénatrice Lankin? Approuve-t-elle cet « amendement favorable »?

Le sénateur Harder : Je peux le faire. La sénatrice peut exprimer elle-même son opinion. J'ai discuté de cette question avec elle et avec d'autres sénateurs, avec qui j'ai évoqué la possibilité de présenter un sous-amendement. Je le fais en reconnaissant et en appuyant sans réserve non seulement l'article tel qu'il est, mais aussi les autres sujets d'étude que la sénatrice Lankin a proposés au Sénat. Je m'en félicite. À mon avis, l'amendement est favorable et je laisse à la sénatrice le soin de s'exprimer.

L'honorable David Tkachuk : Cet amendement ou sous- amendement contredit-il ou conforte-t-il l'amendement proposé par le sénateur Joyal?

Le sénateur Harder : Merci de votre question. La question de savoir si l'amendement du sénateur Joyal qui a été adopté a une incidence sur cette proposition n'est pas pertinente. Si cet amendement n'avait pas été adopté, je l'aurais appuyé, mais comme il a été adopté, je l'appuie pour les raisons que j'ai expliquées.

Comme vous le savez, j'aurais préféré que cet amendement ne soit pas adopté, mais cela n'influence aucunement cet amendement à l'article 9. Je crois qu'il ajoute un important sujet d'étude, sans égard à cet article, à l'amendement antérieur.

Le sénateur Tkachuk : Donc, d'ici un an, si la mort naturelle de la personne n'est pas raisonnablement prévisible — autrement dit, dans l'autre cas où la souffrance extrême et d'autres raisons sont invoquées pour demander l'aide au suicide —, cela donnerait à cette disposition force de loi pour que soient présentées dans les 12 mois des lignes directrices régissant ce que le sénateur Joyal a déjà proposé?

Le sénateur Harder : Je ne présume rien de tel. D'abord, tirons au clair la question des délais. Les études doivent être lancées dans les 180 jours. Selon l'amendement que la sénatrice Lankin propose, elles doivent se terminer 18 mois après au plus tard. Il y a donc là un délai qui n'est pas loin de deux ans. Je ne présume pas de ce que les rapports recommanderont au sujet de la possibilité de légiférer ou non, ni des problèmes complexes que notre société devra résoudre. Je ne présume pas des résultats de cette initiative.

Conformément aux exigences, les études seront déposées devant les deux Chambres du Parlement. Je suis persuadé, sénateur, que vous voudrez, tout comme moi, participer aux discussions que ces recherches devraient documenter.

L'honorable Paul E. McIntyre : Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

Le sénateur McIntyre : Dans son amendement, la sénatrice Lankin demande en somme des rapports une fois que les études seront lancées — ce qui m'amène au préambule. Le projet de loi-14 contient un préambule de 10 paragraphes qui dit notamment ce qui suit :

[...] le suicide constitue un important enjeu de santé publique [...]

Et plus loin :

[...] il est souhaitable d'adopter une approche cohérente dans tout le pays en matière d'aide médicale à mourir [...]

Et le préambule se poursuit :

[...] le gouvernement du Canada s'est engagé à respecter les principes prévus par la Loi canadienne sur la santé [...] à l'égard de l'aide médicale à mourir [...]

Voilà des éléments très intéressants. Le gouvernement a-t-il des recommandations précises à faire au sujet du préambule en 10 paragraphes du projet de loi C-14?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur McIntyre, nous ne discutons pas du préambule en ce moment, mais du sous- amendement que le sénateur Harder propose.

Le sénateur McIntyre : Oui, je le comprends, mais ma question a un certain lien avec l'amendement de la sénatrice Lankin. La sénatrice parle d'examens, et c'est ce qui m'a amené à parler du préambule. Si vous préfériez attendre avant de répondre, je comprendrais.

(1640)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Harder, que décidez-vous?

Le sénateur Harder : Je me laisserai guider par la présidence pour déterminer s'il y a lieu de discuter de cette question dès maintenant, mais je rappelle que nous discuterons du préambule plus tard cet après-midi. Comme l'a fait remarquer la sénatrice Lankin, celui-ci devra être conséquent avec la décision que nous prendrons concernant l'article 9. Je n'ai rien à ajouter au préambule, sauf pour qu'il reflète la nouvelle formulation de l'article 9.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Sinclair, souhaitez-vous poser une question ou prendre part au débat?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Omidvar, souhaitez-vous poser une question ou prendre part au débat?

L'honorable Ratna Omidvar : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Harder?

Le sénateur Harder : Oui.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de nous avoir reparlé de la pauvreté. Ne convenez-vous pas que les déterminants sociaux de la santé correspondent à l'ensemble des conditions dans lesquelles les gens naissent, grandissent, vivent, travaillent, vieillissent, meurent et, qui sait, choisissent désormais de demander l'aide médicale à mourir? N'est-ce pas injuste, dans ce cas-là, de conclure que seuls les pauvres ont une piètre santé sociale? En fait, nous savons que les déterminants sociaux de la santé sont influencés par la race, le sexe et la classe sociale et que ces facteurs recoupent la pauvreté, mais pas exclusivement.

Le sénateur Harder : Je ne puis qu'agréer aux observations contenues dans la question de l'honorable sénatrice et y souscrire. C'est la combinaison de ces déterminants qui devront, dans le contexte de l'aide médicale à mourir, être bien équilibrés et bien compris.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Harder, votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous demander plus de temps?

Le sénateur Harder : Non, c'est suffisant. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Lankin a la parole.

L'honorable Frances Lankin : Merci.

Je tiens d'abord à dire que j'appuie et j'accueille favorablement l'amendement du sénateur Harder. Pendant que j'ai la parole, je vais profiter de l'occasion pour répondre aux questions qui ont été adressées au sénateur Cowan, mais auxquelles il me revient de répondre, bien que vous ayez fait un travail admirable, monsieur le sénateur.

Je remercie vraiment la sénatrice Frum d'avoir exprimé sa crainte que l'amendement que je propose donne lieu à des considérations socioéconomiques qui feraient en sorte que certains Canadiens soient traités de manière distincte ou discriminatoire. Il est important de soulever ces questions. Je crois que, à l'étape de l'étude, le comité s'assurerait que toutes les recommandations proposées n'entraîneraient pas de telles considérations socioéconomiques. Comme la sénatrice Omidvar l'a dit si éloquemment, les déterminants sociaux de la santé incluent une vaste gamme de facteurs, et la situation socioéconomique n'en est qu'un.

Je tiens à dire à la sénatrice Martin que les diverses préoccupations qu'elle a soulevées sont abordées dans cet amendement, du moins en ce qui concerne les personnes atteintes de problèmes de santé graves leur causant des souffrances intolérables, ces Canadiens qui, en vertu du projet de loi, sont maintenant admissibles à l'aide médicale à mourir grâce à l'amendement du sénateur Joyal.

Il y a des groupes de Canadiens qui sont souvent qualifiés de « vulnérables » pour plusieurs raisons. Je fais allusion à certaines personnes handicapées, par exemple. Or, tout comme les personnes handicapées ne sont pas nécessairement vulnérables, la pauvreté n'est pas toujours synonyme de vulnérabilité. Cependant, il existe certains liens comme la sénatrice Omidvar l'a mentionné.

C'est une occasion d'examiner la situation et, pour ces groupes, de soulever la question de savoir à quel moment une discrimination plus ou moins subtile se transforme-t-elle en moyen de pression ou de coercition? Les membres de la communauté des personnes handicapées qui parlent de ces préoccupations évoquent le fait qu'ils croient souvent à leurs propres idées plutôt qu'à celles des défenseurs qui ont développé une perspective complète de la discrimination et de la façon dont elle s'exerce. Beaucoup de personnes vulnérables qui ont des handicaps ont une conscience amoindrie de leur propre valeur et de la valeur de leur vie, et ce sentiment se renforce avec le temps.

Quant à ceux qui disent que les protections prévues dans le projet de loi sont suffisantes, nous apprendrons à l'examen que, même en présence de leur médecin ou d'autres, ils croient que la conscience amoindrie de leur propre valeur amène les gens à les traiter différemment des autres Canadiens, soit parce qu'ils sont incapables d'accéder au monde qui les entoure ou d'être acceptés dans un lieu travail pour qu'ils puissent gagner leur vie, soit parce qu'ils n'ont pas la possibilité, sans soutien financier tel qu'un emploi, d'accéder aux soins à domicile dont ils pourraient avoir besoin pour pouvoir tolérer la situation dans laquelle ils se trouvent. Toutes ces choses ne deviennent pas nécessairement des protections à intégrer dans la loi, mais constituent un examen des dispositions, politiques et programmes sociaux qui pourraient être nécessaires pour appuyer ce groupe afin d'éviter les situations où des gens qui demandent l'aide à mourir se sentent forcés, ont l'impression qu'ils n'ont aucun choix ou formulent une demande qui n'est pas vraiment volontaire. Voilà le domaine d'étude, mais je suis incertaine quant aux recommandations qui en découleront.

Ce sous-amendement à l'amendement est absolument essentiel. Au cours du débat sur l'amendement du sénateur Cowan, beaucoup d'entre nous ont dit que même si on a ouvert l'accès aux Canadiens dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible — comme vous le savez, j'ai voté en faveur de la motion du sénateur Joyal —, il demeure nécessaire d'assurer une certaine protection à cet autre groupe. Comme les ministres l'ont elles-mêmes mentionné, elles se sont inquiétées de la situation de ce groupe de Canadiens vulnérables, mais n'ont pas eu le temps d'intégrer des protections dans la loi.

Lors du débat sur la motion du sénateur Carignan, le Sénat, dans sa sagesse, a décidé de ne pas l'appuyer, la jugeant peut-être trop complexe ou estimant qu'elle favorisait une trop grande intervention des tribunaux dans des décisions touchant la santé et l'autonomie personnelle. Toutefois, cet examen permettrait de jeter un second regard sur ce qu'il pourrait être nécessaire de mettre en place et donnerait à la ministre l'occasion d'agir.

Je crois que l'appui du sénateur Harder — même s'il est indépendant et ne fait que représenter le gouvernement sans en faire partie — signifie peut-être qu'il y a une certaine volonté d'examiner cette proposition.

Sénateur Plett, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit. Était-ce lié à cela?

Le sénateur Plett : C'est le leader.

La sénatrice Lankin : Oui, c'est le représentant. Je dirais que c'est un débat à réserver pour un autre moment.

Je crois que le gouvernement pourrait être favorable à mon sous- amendement, et que c'est fort bien.

Enfin, comme je n'en ai pas parlé dans mon intervention initiale sur cet amendement, je tiens à aborder la question du délai. Le « total » serait maintenant de deux ans. Dans son intervention, le sénateur Tkachuk a parlé d'un an, mais on pourrait avoir à attendre jusqu'à 180 jours pour commencer. Une fois les choses en train, un rapport devra être produit dans les 18 mois et des recommandations devront être déposées dans les deux Chambres.

Je voudrais souligner l'importance de cette question. De nombreux sénateurs ont dit craindre qu'il ne se passe rien. Il se peut que les examens aient lieu, mais qu'ils n'aient aucune suite.

Hier soir, des sénateurs nous ont exhortés à adopter les amendements sur les directives anticipées, sans quoi nous n'aurions plus d'autres occasions de le faire. Peu importe les députés élus, la Chambre des communes ne voudrait jamais plus légiférer de nouveau sur cette question. Or, je suis plutôt d'avis que, lorsque ces rapports seront déposés dans les deux Chambres et que les sénateurs auront la possibilité d'en examiner les recommandations, le Sénat pourrait très bien s'emparer des enjeux comme celui des directives anticipées dans le cadre d'une interpellation ou d'un projet de loi présenté au Sénat, dans l'optique d'accorder des protections accrues ou de poursuivre le dialogue. Nous aurions ainsi l'occasion d'intervenir dans le dossier plus tard. Merci beaucoup.

L'honorable John D. Wallace : Madame la sénatrice Lankin, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Lankin : Oui.

Le sénateur Wallace : Votre sous-amendement inclut les conditions sociales et les déterminants sociaux dans l'étude ou dans l'examen indépendant, comme vous l'avez très bien expliqué. Dans l'optique de l'élaboration des politiques sociales, c'est une proposition tout à fait sensée. JJe m'interroge sur l'examen de ces questions quant aux personnes qui en seraient touchées, car celles-ci pourraient, comme vous le dites, avoir un sentiment de mésestime de soi. Voilà un point important qui doit être étudié. Comment le gouvernement devrait-il aborder la question?

(1650)

Les points que vous soulevez sont fondés, certes, mais il demeure que nous sommes à modifier le Code criminel. Or, celui-ci n'est pas un document de politique publique d'ordre social ou médical. Il sert à définir les actes criminels et énonce très clairement les sanctions qu'ils entraînent. C'est aussi tranché que cela.

D'après vous, est-il approprié de mener ce type d'examen dans un contexte où il est question de modifier le Code criminel? Selon moi, ce type d'examen a sa raison d'être, mais j'ai de sérieuses réserves quand il est question de le faire dans ce contexte. J'aimerais entendre vos observations là-dessus.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup de votre question, sénateur Wallace. Je vous en suis reconnaissante.

Il est difficile d'y répondre avant la tenue de l'examen et la présentation des recommandations, qui pourraient amener d'autres modifications au Code criminel. Prenons par exemple les autres examens.

L'examen sur les demandes faites par les mineurs matures pourrait aboutir à une recommandation suggérant que l'âge de 18 ans ne soit plus un critère d'admissibilité, ce qui exigerait une modification au Code criminel. D'un autre côté, à la suite d'un examen sur les demandes anticipées, on pourrait conclure qu'il s'agit d'une question d'accès relevant des réglementations provinciales et qu'il n'est pas nécessaire de modifier le Code criminel pour que les provinces soient en mesure d'établir un régime réglementaire approprié afin de régir l'accès et assurer les protections adéquates. Dans ce cas-ci, le Code criminel n'aurait pas à être modifié.

Cette partie du projet de loi concerne les personnes en situation de vulnérabilité — ces mêmes personnes dont s'inquiétaient les ministres qui ont choisi de limiter l'admissibilité à l'aide à mourir uniquement aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible en raison du manque de temps pour élaborer les mesures de protection nécessaires dans le projet de loi C-14. Pour justifier leur refus d'élargir les critères d'admissibilité, elles ont soutenu ne pas avoir examiné quelles protections doivent être mises en place, s'il en est, dans le cas des personnes vulnérables. Le présent examen permettra au gouvernement de se pencher sur la question et, s'il y a lieu, d'apporter les modifications qui s'imposent au Code criminel et, en outre, de mettre en œuvre des politiques sociales appropriées.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Sénatrice Lankin, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Lankin : Certainement.

La sénatrice Dyck : J'ai vous ai écoutée attentivement lorsque vous avez parlé des groupes de personnes vulnérables et du fait que le gouvernement craint que ces personnes ne soient contraintes d'accepter de recevoir de l'aide médicale pour mourir. Dans votre intervention, vous avez fait mention à plusieurs reprises des personnes handicapées, notamment sur le plan physique. Je me demande pourquoi, dans la liste des groupes que vous énumérez ici, vous n'avez pas inclus les personnes ayant un handicap physique. Vous avez inclus les personnes souffrant de maladie mentale et les autres groupes définis par des déterminants sociaux.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie beaucoup, sénatrice Dyck. En fait, je n'ai pas fait mention des personnes atteintes de maladies mentales. La loi actuelle comporte déjà des dispositions concernant les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Le projet de loi reprend tout simplement ce qui figure dans la loi et ajoute le groupe dont j'ai fait mention. Par surcroît, le sous-amendement précise, par souci de clarté, que cela s'applique aux « demandes où la mort naturelle de la personne n'est pas raisonnablement prévisible ».

La sénatrice Dyck : Je ne vous ai peut-être pas bien comprise, mais comment justifie-t-on l'exclusion des personnes handicapées?

La sénatrice Lankin : Je n'ai pas exclu les handicapés. Je n'ai pas fourni de liste, comme la sénatrice Martin l'a souligné. Quand on commence à nommer des groupes, on commence en fait à en éliminer d'autres. Plus une liste est précise, plus elle permet de supposer que ceux qui ne s'y trouvent pas en sont exclus pour une raison quelconque. L'amendement précise que cette disposition s'applique aux demandes où les conditions sociales et les déterminants de la santé contribuent aux souffrances de la personne et peuvent soulever des doutes sur le caractère volontaire de la demande. Il peut s'agir de personnes handicapées, mais aussi d'autres personnes.

La sénatrice Dyck : J'ai une question complémentaire à poser. Vous n'avez pas inclus les handicapés physiques parce qu'ils n'étaient pas mentionnés dans le document original. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage pourquoi vous ne les avez pas inclus. Ils ne se trouvaient pas dans la liste originale, mais pourquoi avez-vous choisi de les exclure?

La sénatrice Lankin : Je vous remercie. Je vais me répéter un peu. Je m'en excuse.

Dans la liste originale des examens indépendants, il est question des demandes faites par des mineurs matures, des demandes anticipées et des demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. À cette liste nous ajoutons un examen général des demandes faites par des personnes vulnérables, dont font partie les handicapés physiques. Ma réponse antérieure, sénatrice Dyck, était que, si j'avais mentionné les « handicaps physiques » et commencé à les énumérer, on aurait compris que j'excluais ceux qui n'étaient pas nommés — c'est ce qui se passe quand on fournit une liste. J'ai donc inclus dans une catégorie générale les personnes à l'égard desquelles les ministres se sont dites préoccupées en raison de leur vulnérabilité et pour lesquelles, en premier lieu, elles ont restreint la portée de la mesure législative. Le sénateur Harder peut parler de son sous-amendement, mais celui-ci vise à inclure, compte tenu de l'amendement du sénateur Joyal, toutes les personnes dont la mort naturelle n'est pas prévisible.

La sénatrice Dyck : Si l'amendement vise à traiter des personnes vulnérables, j'aimerais savoir pourquoi vous n'y mentionnez pas les groupes vulnérables, en faisant référence aux conditions sociales et aux déterminants sociaux de la santé de manière à exprimer clairement que vous visez la vulnérabilité, et qu'elle pourrait comprendre d'autres éléments que vous avez choisi de ne pas exprimer.

La sénatrice Lankin : Je crois que cela aurait également pu convenir. L'application commune des expressions « conditions sociales » et « déterminants sociaux de la santé » vise les personnes vulnérables. On aurait pu être plus clair. J'en conviens. Je n'y ai pas pensé au moment où j'ai rédigé l'amendement en collaboration avec les rédacteurs législatifs et la communauté des personnes handicapées. J'ai travaillé avec la coalition des groupes de personnes handicapées, qui m'a aidée à choisir ces termes. C'est toutefois une excellente suggestion.

Surtout maintenant que nous avons tant parlé, si une personne veut l'interpréter et assiste aux débats, elle verra exactement de quoi nous parlons. Vos interventions ont été utiles, sénatrice Dyck. Merci.

Son Honneur le Président : Voulez-vous poser une question, sénateur Wallace? Il ne reste plus de temps. Sénatrice Lankin, demandez-vous plus de temps?

La sénatrice Lankin : Voulez-vous poser une autre question?

Le sénateur Wallace : Oui, s'il vous plaît.

La sénatrice Lankin : Oui.

Son Honneur le Président : Acceptez-vous de lui accorder plus de temps, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord

Le sénateur Wallace : Alors que nous tenons ce débat et que nous couvrons un large éventail de sujets, une chose me préoccupe. À certains moments, j'ai eu l'impression que nous allions au-delà du simple examen et des observations sur la mesure législative et que nous étions passés à l'établissement de politiques sociales et médicales. Ce n'est pas notre rôle. Notre rôle consiste à commenter la mesure législative, et non à valider ou à invalider toutes les questions qui sont soulevées. Est-ce qu'elles méritent d'être étudiées? Oui. Cependant, encore une fois, je me demande si nous devrions aborder ces questions aux termes du Code criminel.

Nous nous sommes déjà penchés sur deux questions. La première est la suivante : les membres de la famille ou les personnes à charge devraient-ils pouvoir aider et être présents lors des derniers moments de vie d'une personne qui reçoit une aide médicale à mourir? Devrait-on leur interdire d'être présents parce qu'ils pourraient sembler être en situation de conflit, avoir un certain intérêt? Cela me préoccupe beaucoup. Je ne reviendrai pas sur toute cette question.

La deuxième question porte sur les soins palliatifs. Nous avons présenté un amendement à ce sujet. Encore une fois, c'est une question tout à fait légitime. Cependant, avec ces questions, et avec votre suggestion, sénateur — dans mon esprit, du moins —, nous nous engageons clairement dans l'élaboration d'une politique sociale publique. C'est ce qu'il faut faire. Seulement, cela relève-t-il du Code criminel, qui s'applique à des champs d'intérêt très précis?

(1700)

Encore une fois, je me demande si, de façon générale, vous demeurez convaincue qu'il convient d'étudier cette question dans le contexte du Code criminel.

La sénatrice Lankin : Merci encore, sénateur Wallace. J'aimerais répondre aux questions que vous avez soulevées.

L'amendement du sénateur Plett concernant les bénéficiaires n'empêche pas les membres de la famille d'être présents. Je pense qu'il est important de le souligner. On dit simplement que les bénéficiaires de la succession ou ceux qui croient en faire partie ne devraient pas administrer la substance employée dans le processus d'aide médicale à mourir ou participer à son administration.

Je vous dirais que la réglementation concernant ce qu'un bénéficiaire peut ou ne peut pas faire est déjà couverte par d'autres dispositions législatives, c'est-à-dire cette modification au Code criminel. L'amendement proposé par le sénateur Plett ne fait que reprendre ces dispositions et les appliquer à deux autres interventions à la fin du processus pour lesquelles le Sénat et lui estimaient qu'il était nécessaire de limiter ce que les bénéficiaires peuvent ou ne peuvent pas faire. Nous savons que ce sont des mesures de protection qui concernent les situations où une personne pourrait commettre un acte répréhensible. Cela n'empêche pas les membres de la famille d'accompagner un proche en ce moment très important. J'ai voté en faveur de la motion du sénateur Plett concernant les bénéficiaires.

Deuxièmement, en ce qui concerne la motion de la sénatrice Eaton sur les soins palliatifs, je conviens que c'est une question extrêmement importante. J'ai voté contre cette motion, non pas parce que je ne suis pas en faveur des soins palliatifs, mais parce que je crois que cela relève des gouvernements provinciaux, et que nous n'avons pas à inclure de telles dispositions dans un projet de loi qui ne porte pas sur cette question.

Pour ce qui est de mon amendement, je suis toujours d'avis — vous n'en serez pas étonnés — qu'il est approprié dans le contexte du projet de loi. Trois aspects du projet de loi se prêtent à un examen. Quand elles ont comparu devant le Sénat, les ministres ont déclaré que, si le projet de loi C-14 restreint l'admissibilité aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, c'est parce que, parmi les autres Canadiens qui répondent aux autres critères — c'est-à-dire qu'ils ont des souffrances intolérables, des problèmes de santé graves et ainsi de suite —, certains sont particulièrement vulnérables, mais le gouvernement n'a pas eu le temps d'élaborer les protections nécessaires. Par conséquent, je crois que nous devrions mener l'examen nécessaire et déterminer quelles protections seraient requises. Après l'examen et les recommandations qui en découleront, certaines protections pourront se retrouver dans le Code criminel, sénateur Wallace, tandis que d'autres seront intégrées ailleurs.

Son Honneur le Président : Demandez-vous plus de temps, sénatrice Lankin? Votre temps de parole est de nouveau écoulé.

La sénatrice Lankin : Je regarde votre langage non verbal, et votre tête me fait signe que non pendant que vous me demandez si je veux plus de temps. J'aimerais simplement répondre à la sénatrice Batters; je crois qu'elle avait, plus tôt, une question à laquelle je n'ai pas pu répondre.

Son Honneur le Président : Il ne me revient pas d'accepter ou de refuser votre demande. La décision en revient aux sénateurs.

La sénatrice Lankin : Je tentais, sans grand succès, de faire un peu d'humour, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : La sénatrice Lankin demande qu'on lui accorde le temps de répondre à une autre question. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Denise Batters : J'aimerais poser une courte question à la sénatrice Lankin.

Sénatrice Lankin, la semaine dernière, vous avez appuyé l'amendement du sénateur Joyal, lequel autoriserait le suicide assisté d'une personne dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible. Maintenant, vous nous dites, en cette fin d'après-midi, que vous appuyez le sous-amendement du sénateur Harder, lequel prévoit que, pour le moment, l'on étudie simplement les demandes entourant ce genre de situation, c'est-à-dire où la mort naturelle de la personne n'est pas raisonnablement prévisible.

Je me demande si vous avez changé d'opinion à l'égard de l'amendement du sénateur Joyal au cours de la dernière semaine, ou si c'est parce que la ministre de la Justice a dit qu'elle n'acceptera pas le genre d'amendement présenté par le sénateur Joyal? Elle a bel et bien dit cela des heures avant que nous mettions l'amendement aux voix.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup, sénatrice Batters.

Cela n'a rien à voir avec ce que le gouvernement ou la ministre fera ou ne fera pas. Dans mes observations préliminaires lorsque j'ai proposé cet amendement, j'ai parlé clairement de mon appui pour la motion du sénateur Joyal et celle du sénateur Carignan, laquelle visait à instaurer un genre de mesure de protection pour ce groupe de Canadiens dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible.

Lorsque j'ai pris la parole à ce sujet, j'ai dit clairement que le projet de loi prévoit des mesures de protection à l'égard de l'admissibilité de ceux dont la mort est raisonnablement prévisible : nombre de médecins, limites de temps, demande par écrit. Un certain nombre de mesures de protection sont énoncées. Lorsque j'ai parlé au sujet de la motion du sénateur Carignan, j'ai dit clairement que je crois que, pour ce groupe de gens, les mesures de protection pourraient être différentes, et j'ai appuyé l'amendement. Cet amendement a été rejeté, comme vous le savez.

Ce que je dis en appuyant le sous-amendement du sénateur Cowan à mon amendement, c'est ceci est-ce que ce groupe de Canadiens dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible respecte tous les autres critères? Il y a un groupe de personnes vulnérables qui requièrent que l'on examine, à tout le moins, si d'autres mesures de protection sont nécessaires. Je crois qu'il est prudent de faire cette étude, compte tenu que c'est la raison pour laquelle le gouvernement n'a pas élargi la portée du projet de loi en premier lieu.

La sénatrice Batters : J'aurais une brève question complémentaire. J'ai du mal à comprendre. Êtes-vous favorable à ce que les personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible aient droit au suicide assisté ou dites-vous au contraire que, pour le moment, la question devrait seulement être étudiée plus attentivement parce qu'il faudrait se doter d'autres mesures de protection?

La sénatrice Lankin : J'appuie l'amendement du sénateur Joyal, même si j'estime qu'une partie de ces gens pourraient faire l'objet de garanties supplémentaires. J'estime que le débat qui a actuellement lieu au Sénat nous permet justement d'explorer la question. J'espère néanmoins que l'étude promise aura lieu. C'est pour cette raison que j'appuie l'idée d'une date butoir, car il sera alors possible de proposer d'autres modifications.

Cela étant dit, je demeure fermement convaincue que l'arrêt Carter octroyait le droit fondamental à l'aide médicale à mourir à tous les Canadiens qui souffrent d'une maladie physique et qui remplissent les critères qui y sont énoncés, et que les critères figurant dans le projet de loi C-14 sont plus restreints qu'eux. Je comprends pourquoi le gouvernement a agi ainsi, parce qu'il estimait avoir besoin de plus de temps pour bien établir les mesures de protection nécessaires. J'appuie l'amendement du sénateur Joyal, qui élargirait les critères d'admissibilité, mais je dis en même temps aux ministres que, si elles estiment avoir besoin de temps pour étudier plus attentivement la question — je suis d'ailleurs prête à reconnaître que de nombreux Canadiens sont de leur avis, comme les personnes handicapées —, faisons-les, ces études, afin que les deux Chambres prennent connaissance des recommandations qui y seront faites et puissent déterminer, comme le disait le sénateur Wallace, s'il y a lieu ou non de modifier de nouveau le Code criminel. C'est simple.

Son Honneur le Président : Sénateur Patterson, souhaitez-vous prendre part au débat sur le sous-amendement?

L'honorable Dennis Glen Patterson : Oui, s'il vous plaît.

Honorables sénateurs, je crois que nous progressons. Plus tôt cette semaine, j'ai écouté attentivement les sénateurs Joyal et Ogilvie, pour nommer seulement ces deux-là, défendre ardemment la cause des groupes de personnes dont il est question dans le sous- amendement, à savoir les patients atteints de la maladie de Lou Gehrig; ceux qui sont atteints de la maladie de Huntington; et, enfin, les gens dont la mort naturelle, sans être imminente ni même raisonnablement prévisible, ont le droit — selon eux — d'obtenir l'aide d'un médecin pour mourir et qui étaient sans l'ombre d'un doute visés par l'arrêt Carter. Ils ont parlé des souffrances intolérables de ces gens et du fait qu'ils ont le droit d'être soulagés. Le sénateur Ogilvie nous a mis au défi d'aller assister au supplice d'un de nos concitoyens. J'ai été particulièrement sensible à cet argument-là.

J'ai exprimé plus tôt ma préoccupation à l'égard du fait que nous avons, jusqu'à maintenant, élargi les catégories de gens admissibles à l'aide médicale à mourir, mais que nous n'avons pas inclus de mesures de protection ou de sauvegarde, pas plus que nous n'avons eu le temps d'en considérer les implications. Le présent sous- amendement vise à autoriser une étude qui pourrait bel et bien nous permettre de considérer attentivement ces implications, et j'espère que ce sera le cas.

À mon avis, le sous-amendement est réconfortant. Il peut et doit, selon moi, subsister seul, même si ce que nous appelons maintenant affectueusement l'« amendement Joyal » est rejeté à l'autre endroit. Je crois que nous savons tous que tout indique que ce sera le cas, comme en témoignent les déclarations publiques claires de la ministre qui parraine le projet de loi.

À mon sens, le sous-amendement et l'amendement auquel il est lié représentent un beau compromis.

(1710)

Si l'amendement du sénateur Joyal est rejeté, cela nous permettra d'aider cette catégorie de personnes que de nombreux Canadiens, à mon avis, dont moi-même, sont réticents à inclure maintenant dans le projet de loi. Nous pourrons ainsi aider ces personnes et traiter les enjeux les concernant.

Je prends la parole pour appuyer l'amendement proposé. Je ne tiens pas à ce que l'accès à l'aide médicale à mourir soit élargi maintenant, mais je serais en faveur d'une étude réfléchie et mesurée de toutes les répercussions et des leçons apprises ailleurs.

Le sous-amendement et l'amendement auquel il se rattache permettront à cette ou ces études proposées d'être déposées ici. J'espère que cette tâche cruciale serait confiée à des sénateurs ou à un comité sénatorial. Je pense que nous pourrions bien la remplir. Nous avons montré que — peut-être parce que nous avons eu plus de temps pour étudier la question — nous serions capables d'examiner toutes les nuances et les conséquences possibles si nous disposions de plus de temps, ainsi que d'un processus ordonné et rapide.

J'appuierai le sous-amendement. Merci.

Son Honneur le Président : Le sénateur Joyal a la parole pour participer au débat sur le sous-amendement.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je veux faire part de mes réflexions sur les amendements et le sous-amendement présenté par le sénateur Harder.

Quel était le fond de l'article 9 tel qu'il était rédigé à l'origine? L'article 9 prévoyait essentiellement que des études devraient être menées sur trois groupes de personnes : les mineurs matures, les personnes désireuses de faire une demande anticipée, et celles qui souffrent uniquement de maladie mentale.

Cet article visait au départ à établir que ces trois groupes de gens — appelons-les des patients — pourraient, dans certaines conditions, avoir accès à l'aide médicale à mourir. Toutefois, le jugement de la Cour suprême du Canada ne porte pas, en soi, sur ces groupes de gens. Dans le fameux paragraphe où les quatre conditions sont définies, la Cour suprême conclut ceci : « Nous ne nous prononçons pas sur d'autres situations où l'aide médicale à mourir peut être demandée. »

Que faut-il comprendre de cette conclusion? La Cour suprême dit qu'il y a peut-être d'autres situations qui donnent droit à l'aide médicale à mourir en vertu de l'article 7. C'est essentiellement ce que déclare la cour. Elle précise qu'elle ne se prononce que sur les cas dont elle est saisie. Elle définit les quatre critères permettant à ces gens d'avoir accès à l'aide médicale à mourir, mais il y a peut-être d'autres situations y donnant droit : le cas des personnes qui ne sont pas majeures, les mineurs matures; le cas des personnes qui ont une maladie mentale, ce qui soulève peut-être la question de la capacité, le deuxième critère; troisièmement, le cas des demandes anticipées, lorsque la personne qui demande l'aide médicale à mourir ne subit pas dans l'immédiat des souffrances intolérables.

L'article 9 donne à penser qu'il y a peut-être d'autres situations donnant droit à l'aide médicale à mourir. Voilà, selon moi, l'essentiel de l'article 9.

L'article 9 nous invite à réfléchir à la nécessité, en vertu de l'article 7 de la Charte, d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir au-delà des critères que la Cour suprême a définis dans la décision Carter. C'est ainsi que j'ai compris l'article 9 la première fois que je l'ai lu.

La sénatrice Lankin a ensuite présenté un autre élément qui ne concerne pas le fait d'élargir l'accès à l'aide médicale à mourir, mais plutôt les facteurs qui pourraient pousser une personne à demander ce service. Il s'agit d'un aspect totalement différent qui est facile à comprendre. Je crois que la sénatrice Lankin a très bien expliqué ce qu'elle entrevoit : les facteurs qui pourraient influer sur l'intention d'une personne de demander l'aide médicale à mourir.

C'est un autre domaine, qui n'a rien à voir avec une réflexion ou une étude sur l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir fournie aux catégories de personnes indiquées au départ à l'article 9.

Par ailleurs, un autre amendement ou objet d'étude nous est soumis. Il s'agit de l'amendement présenté par le sénateur Harder. Comme les sénateurs le savent, à mon humble avis, l'arrêt Carter donne accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible. La Cour suprême a statué assez clairement à ce sujet et l'a fait clairement, de nouveau, lorsque les avocats du gouvernement sont retournés devant elle en janvier dernier, il y a moins de cinq mois. Je cite le juge Karakatsanis, qui s'est exprimé très clairement à ce sujet, « nous avons rejeté le critère de la maladie terminale ». Cinq juges de la Cour suprême ont débattu avec les avocats du gouvernement, qui demandaient une prorogation. Cinq juges de la Cour suprême, soit la majorité des juges, ont entendu la requête et ont déclaré qu'ils avaient rejeté le critère de la maladie terminale.

Il y a trois semaines, trois juges de la Cour d'appel de l'Alberta ont pris acte du rejet à deux reprises du critère de la maladie terminale par la Cour suprême. Deux autres juges, l'un de la Cour supérieure de l'Ontario et l'autre du Manitoba ont fait de même. Ils devaient se prononcer sur une requête d'un patient qui n'était pas en fin de vie ou atteint d'une maladie terminale.

Honorables sénateurs, de nombreux juges se sont prononcés sur l'accès et ont déjà appliqué le principe du droit à l'aide médicale à mourir pour ceux qui ne sont pas atteints d'une maladie terminale.

Ce que le sénateur Harder nous a proposé aujourd'hui ne vise pas, selon moi, à élargir l'accès à l'aide médicale à mourir aux patients qui ne sont pas atteints d'une maladie terminale. Cela ne saurait être le cas. Ces personnes ont déjà ce droit, et la Cour suprême a indiqué à au moins trois reprises, encore une fois dans sa décision du 15 janvier — aux paragraphes 6, 7 et 14 —, que les personnes admissibles conformément à l'arrêt Carter ont un droit. C'est ce qui dit la Cour suprême. Elles ont un droit protégé par la Charte. Alors, si elles ont un droit, elles peuvent l'exercer.

Elles ont exercé leur droit conformément aux décisions de la Cour d'appel, de la Cour supérieure de l'Ontario et d'un juge du Manitoba. Dix autres juges se sont prononcés là-dessus. Je pense que ce principe a été établi et que c'est en fonction de celui-ci que nous avons voté.

(1720)

Si le sénateur Harder nous invite cet après-midi à étudier les demandes formulées par des personnes dont la mort n'est pas raisonnablement prévisible, nous pourrons nous pencher sur différents facteurs. Par exemple, comme la sénatrice Lankin l'a signalé, il pourrait s'agir d'un facteur susceptible de pousser une personne qui n'est pas en phase terminale à demander l'aide médicale à mourir. L'étude pourrait aussi porter sur d'autres facteurs. Nous pourrions souhaiter déterminer le nombre de demandes faites dans cette catégorie par rapport aux demandes présentées par des personnes en phase terminale, d'où elles viennent, leurs antécédents sociaux, le type de maladie dont elles souffrent et le type de handicap dont elles sont atteintes. Nous pourrions examiner tous ces facteurs pour tenter de comprendre ce qui peut pousser une personne qui n'est pas en phase terminale, qui doit endurer des souffrances intolérables, qui a un problème de santé grave et irrémédiable et qui est un adulte capable à demander l'aide médicale à mourir. Toutefois, il ne faudrait évidemment pas faire cela dans le contexte de la remise en question du droit de cette personne d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.

Comme je l'ai dit dans cette enceinte, la Cour suprême, la Cour d'appel, la Cour supérieure de l'Ontario et la Cour du Manitoba ont déjà statué là-dessus. Cinq juges de la Cour suprême du Canada ont déclaré qu'ils rejettent la notion de malade en phase terminale. À mon avis, il est évident que nous sommes totalement justifiés d'appuyer les amendements que j'ai proposés.

Je n'ai aucune objection à ce qu'on étudie la situation des personnes qui ne sont pas en phase terminale et qui souhaitent obtenir l'aide médicale à mourir dans certains des exemples que je vous ai présentés. Toutefois — et je tiens à être très clair là-dessus —, cela ne doit pas se faire dans le contexte de la remise en question des droits de ces personnes. Leurs droits sont déjà établis. Pour moi, c'est très clair.

Voilà pourquoi, honorables sénateurs, nous devons bien saisir ce que nous ajoutons à l'article 9 afin de mieux comprendre le vote que nous allons exprimer relativement à ces amendements.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Harder, avec l'appui de l'honorable sénatrice Bellemare, propose la motion de sous-amendement suivante :

Que la motion d'amendement proposée par l'honorable sénatrice Lankin...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent. Par conséquent, le sous-amendement est rejeté.

(La motion de sous-amendement est rejetée à la majorité.)

Son Honneur le Président : Nous débattons de l'amendement.

L'honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je suis tenté de revenir à la discussion sur « must », « shall » et « may » que nous avons eue tout à l'heure, car je sais que nous devons nous rafraîchir la mémoire, mais je ne le ferai pas. Je sais que vous m'en serez éternellement reconnaissants.

Je tiens à souligner que l'amendement proposé par la sénatrice Lankin vise un certain nombre d'objectifs que nous devrions garder à l'esprit. Je crois que c'est le type d'amendement approprié que nous devrions envisager, car il améliore considérablement le projet de loi. Il aborde des questions sur lesquelles les dispositions du projet de loi ne sont pas particulièrement claires, actuellement, en ce qui concerne les examens qui sont visés par le projet de loi. Le projet de loi parle clairement des catégories d'examens que le sénateur Joyal vient de mentionner, mais il semble omettre le fait qu'il y a également d'autres problèmes et d'autres groupes qui pourraient être touchés de façon négative par certains facteurs qu'il vaut aussi la peine d'examiner, ce qui exige un examen additionnel pour des personnes qui sont touchées par des conditions sociales, comme l'amendement proposé le mentionne, et les déterminants sociaux de la santé.

J'ai entendu les questions posées plus tôt au sujet de la signification des « conditions sociales » et des « déterminants sociaux de la santé », et j'invite les honorables sénateurs à se rendre sur le site web de l'Association canadienne de santé publique, qui a consacré de nombreuses années à une étude majeure sur les déterminants sociaux de la santé au Canada. L'association publie en outre un rapport annuel sur l'impact des conditions sociales sur l'accès au système médical. Elle tient compte de beaucoup de facteurs, dont le handicap, le revenu, l'emplacement géographique, la race et le genre. La liste semble assez exhaustive. Elle nous permet de cerner les conditions sociales qui ont un impact sur l'accès équitable des Canadiens à un traitement médical.

La plupart des études en viennent à constater que les déterminants sociaux ont un impact considérable sur l'accès aux soins de santé. Dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, dont j'ai le privilège d'être le coauteur, nous constatons que les peuples autochtones constituent l'un des groupes au Canada qui est durement touché par les conditions sociales et les déterminants sociaux — dont certains découlent directement des pensionnats autochtones mais qui ont tous un lien direct avec leur situation économique et leur emplacement géographique. Il faudra approfondir les études sur la question afin d'assurer un accès équitable au système médical.

J'appuie l'amendement proposé, car il permet à la ministre d'exiger un examen afin de déterminer si, en plus de leur impact sur l'accès aux soins de santé, les déterminants sociaux auraient un impact sur la capacité d'une personne de donner son consentement pour l'aide médicale à mourir ou bien s'ils risqueraient de l'inciter d'autant plus à donner son consentement compte tenu du fait qu'elle n'a pas accès à des traitements, soins palliatifs ou soins de santé de qualité et n'a donc pas d'autre option que de demande l'aide médicale à mourir. Je pense qu'il y a lieu d'appuyer l'amendement compte tenu de la nécessité de faire plus de lumière sur la question.

Contrairement à certains sénateurs, je ne crois pas que l'amendement risque de priver une certaine catégorie de gens de l'aide médicale à mourir parce qu'ils ont un meilleur accès aux soins de santé ou n'y ont pas accès. En fait, selon moi, l'étude consiste simplement à examiner les conditions sociales des personnes qui demandent l'aide médicale à mourir, afin de déterminer si ces conditions et les déterminants sociaux sont des facteurs qui influencent leur décision de demander l'aide médicale à mourir. Selon moi, il s'agit d'une question légitime qui devrait être examinée.

Une autre répercussion de l'amendement me plaît particulièrement, comme je l'ai mentionné hier : il impose des échéanciers serrés pour le dépôt des rapports des études. Durant le débat d'hier, on a dit qu'il était préoccupant de laisser aux ministres une période indéterminée pour faire rapport ou de ne pas exiger qu'une chose se fasse dans des délais établis, et je suis d'accord. L'amendement dont je parle règle ce problème en accordant, à partir du moment où commence l'étude, une certaine période pour la terminer et produire un rapport. Dans les cas où le rapport n'est pas terminé dans les 180 jours accordés, il faut déposer un rapport provisoire. D'une manière ou d'une autre, un rapport est exigé.

C'est pour ces raisons que j'appuie l'amendement, honorables sénateurs, et que je vous invite tous à faire de même.

(1730)

Son Honneur le Président : Sénateur Sinclair, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Sinclair : Oui, je vous en prie.

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Merci, sénateur Sinclair. Nous faisons grand cas de votre opinion. Je remercie également la sénatrice Lankin de son amendement.

Vous parlez de conditions sociales et de déterminants sociaux. Seriez-vous d'avis, sénateur Sinclair, qu'il faudrait accorder une attention particulière à nos amis autochtones en raison des récentes tentatives de suicide chez les jeunes Autochtones? Ne pensez-vous pas qu'il faudrait faire porter plus d'études sur eux?

Le sénateur Sinclair : Je vous remercie de votre question.

Il est évident que le problème du suicide chez les jeunes des communautés autochtones du Canada est très grave. Je ne le vois cependant pas comme une question en rapport avec l'aide médicale à mourir. Je le vois, en fait, comme un reflet des conditions sociales médiocres dans lesquelles vivent un grand nombre de ces jeunes.

Je ne crois pas que leur situation donnerait à ces jeunes la possibilité de demander l'aide médicale à mourir, car à moins de pouvoir établir qu'ils souffrent de problèmes de santé graves et irrémédiables leur causant des souffrances intolérables, je ne suis pas certain que leurs conditions sociales ou le désarroi qu'elles suscitent suffiraient à leur donner le droit de demander ce service.

En supposant que ce soit le cas, il reste que le point que l'amendement vise à faire valoir, c'est que nous devons en savoir plus à ce sujet. Quelles répercussions ces conditions sociales et ces déterminants sociaux ont-ils et quel rôle jouent-ils dans la demande d'aide médicale à mourir et l'exercice de ce droit? Voilà la question qui est posée.

Le sénateur Enverga : Sénateur Sinclair, je crains que, si nous adoptons une formulation générale, il nous sera impossible de nous concentrer sur les peuples autochtones parce qu'ils se retrouveraient tous dans le même panier.

Étant donné le contexte actuel, croyez-vous qu'il serait préférable d'étudier la question davantage?

Le sénateur Sinclair : Je vous remercie de votre question, honorable sénateur.

La liste des déterminants sociaux de la santé est publiée sur le site web de l'Association canadienne de santé publique. Parmi ces déterminants, l'association étudie entre autres la race et, plus précisément, les peuples autochtones. Ce facteur fait donc partie de l'examen.

Pour ce qui est du sujet de l'amendement à l'étude, je crois qu'il figure déjà dans les points à examiner. Il n'est pas nécessaire de l'ajouter nommément à la liste.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable sénatrice Lankin, avec l'appui de l'honorable sénatrice Omidvar, propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9.1, à la page 13...

Puis-je me dispenser de lire le reste?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il une entente en ce qui concerne la sonnerie?

Le sénateur Mitchell : Trente minutes.

Le sénateur Plett : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 18 h 4.

Convoquez les sénateurs.

(1800)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Lankin
Bellemare Lovelace Nicholas
Campbell Massicotte
Cordy McCoy
Cowan Mercer
Downe Mitchell
Duffy Moore
Dyck Munson
Eggleton Omidvar
Fraser Pratte
Gagné Ringuette
Harder Sinclair
Hubley Tardif
Jaffer Wallin
Joyal White—31
Kenny

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ataullahjan McIntyre
Batters Merchant
Beyak Meredith
Carignan Mockler
Cools Ngo
Dagenais Ogilvie
Day Oh
Doyle Patterson
Eaton Plett
Enverga Poirier
Frum Raine
Greene Rivard
Housakos Runciman
Johnson Seidman
Lang Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Unger
Martin Wallace
McInnis Wells—42

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Sibbeston—1

(1810)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est 18 heures passées. Conformément à l'article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures, à moins que la Chambre ne consente à ne pas tenir compte de l'heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l'heure?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat avec le sénateur Cowan.

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : L'amendement que je propose maintenant et que je demande aux pages de faire circuler vise à corriger deux petites erreurs qu'a trouvées le Bureau du légiste en passant en revue les amendements que nous avions adoptés lors du débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi.

La première correction a trait à la version française de l'amendement proposé par la sénatrice Eaton et adopté le 9 juin. La version anglaise de l'amendement faisait mention des mots « a palliative care consultation » qu'avait utilisés la sénatrice Eaton en proposant l'amendement. Dans la version française figuraient les mots « une consultation sur les soins palliatifs », qui étaient suivis des mots « ou une évaluation à cet égard », la mesure exigeant soit une consultation sur les soins palliatifs, soit une évaluation sur les soins palliatifs. Aux termes de mon amendement, la version française correspondrait à la version anglaise.

La deuxième correction porte sur le temps du verbe utilisé dans les mesures de protection amendées le jour précédent, le 8 juin, à savoir l'alinéa 241.2(3)b)(ii), où l'on a utilisé le verbe « had begun » au lieu de « has begun ».

Il s'agit donc de deux amendements d'ordre technique, l'un destiné à harmoniser la version française et la version anglaise du texte, l'autre à corriger le temps d'un verbe.

Motion d'amendement

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 3, à la page 6 :

a) par suppression, dans la version française, à la ligne 2 (telle qu'elle a été remplacée par décision du Sénat le 9 juin 2016), des mots « ou une évaluation à cet égard »;

b) par remplacement, dans la version anglaise, à la ligne 35 (telle qu'elle a été remplacée par décision du Sénat le 8 juin 2016), du mot « had » par le mot « has ».

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent. La motion est adoptée.

(La motion d'amendement est adoptée, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Le sénateur Carignan a la parole.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, vous connaissez l'importance que revêt le travail de révision de la législation au Sénat. Il peut nous arriver, quelquefois, de trouver des coquilles qui se glissent dans les projets de loi originaux. Ainsi, un peu dans le même sens de ce que disait le sénateur Cowan, les réviseurs ont relevé deux coquilles, notamment dans le préambule de la version anglaise du projet de loi, à la page 2, à la ligne 21.

[Traduction]

Vous voyez que mon anglais s'est amélioré. Je peux maintenant trouver des erreurs. Donc, à la ligne 21, nous disons que divers groupes ont des besoins uniques.

[Français]

De plus, à l'article 3, à la page 9, à la ligne 2, dans la version française, on doit corriger les alinéas 241.2(3)b) à h). Il y a eu l'ajout, de la part des sénateurs de l'autre côté, d'un amendement à l'alinéa i), mais la correction n'a pas été faite au projet de loi.

Motion d'amendement

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) dans le préambule, à la page 2, par substitution, dans la version anglaise, à la ligne 21, de ce qui suit :

« unique needs, and it commits to working with provinces, »;

b) à l'article 3, à la page 9, par substitution, à la ligne 2, de ce qui suit :

« alinéas 241.2(3)b) à i) et au paragraphe 241.2(8) commet ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en amendement, l'honorable sénateur Carignan, avec l'appui de l'honorable sénateur Greene, propose que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

[Traduction]

L'honorable Denise Batters : Sénateur Carignan, vous l'avez peut- être dit au début de vos observations, mais maintenant que j'ai le projet de loi devant les yeux, il me semble que ces amendements soient minimes. Est-ce que le premier vise à ajouter le mot « and »? Quel est le changement proposé au deuxième? Est-ce de remplacer le h) par un i)?

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est un aspect de vérification que la personne doit faire avant d'administrer l'aide médicale à mourir. On prévoit différentes mesures de sauvegarde avant que le médecin ou l'infirmier praticien puisse administrer l'aide médicale à mourir. Or, nous avions ajouté ce qui suit à l'alinéa i) :

i) si la personne éprouve des difficultés à communiquer, prendre les mesures nécessaires pour lui fournir un moyen de communication fiable afin qu'elle puisse comprendre les renseignements qui lui sont fournis et faire connaître sa décision.

(1820)

En outre, dans le paragraphe qui traite des infractions en cas de non-respect des mesures de sauvegarde, on fait la liste des exigences que le médecin ou l'infirmière praticienne doit vérifier préalablement à la mesure de sauvegarde, et on a oublié d'inclure la vérification à l'alinéa i).

[Traduction]

La sénatrice Batters : Lorsque j'ai présenté un amendement, au début, tout de suite après que je l'ai présenté, le sénateur Plett m'a posé une question qui laissait entendre que, dans ma motion, il aurait fallu que ce soit l'alinéa i) plutôt que h), et je me suis dit que c'était peut-être une erreur d'écriture. Plus tard, les greffiers au Bureau m'ont informée que la version que j'avais présentée était correcte.

Je me demande juste si les greffiers au Bureau vous ont confirmé que c'est la bonne correction que nous apportons ici.

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous avons discuté de la correction avec les greffiers au Bureau. On peut vous confirmer qu'il s'agit d'une erreur d'écriture.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Par conséquent, la motion d'amendement est adoptée, avec dissidence.

(La motion d'amendement est adoptée, avec dissidence.)

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Chers collègues, si je ne m'abuse, je pense que nous avons maintenant fini d'étudier le projet de loi et que nous en sommes au préambule. Je devrais peut-être faire une pause, au cas où quelqu'un voudrait proposer un amendement avant que j'en propose un visant le préambule.

Cet amendement fait suite à des discussions que j'ai eues avec plusieurs collègues et à ma réflexion sur le débat que nous avons eu au cours des derniers jours, lorsqu'un grand nombre de sénateurs ont souligné l'importance que nous limitions nos amendements et nos débats aux exemptions et aux modifications du Code criminel et la crainte qu'ils avaient que nous marchions parfois dans les platebandes des provinces et des territoires et de divers organismes de réglementation. Ce fut certainement le cas lorsque nous avons parlé de la question des directives anticipées hier soir et lorsque nous avons discuté de l'amendement du sénateur Carignan, portant sur des mesures de sauvegarde supplémentaires pour les personnes qui faisaient une demande d'aide médicale à mourir sans être en fin de vie.

Motion d'amendement

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : Après des discussions avec des collègues, je propose que, au lieu de chercher à introduire des mesures de sauvegarde supplémentaires dans le projet de loi, nous insérions dans le préambule un paragraphe disant ce qui suit. Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié au préambule, à la page 2, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« que le gouvernement du Canada s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires afin de soutenir l'établissement de toute mesure de sauvegarde additionnelle pouvant s'avérer nécessaire à la protection des personnes vulnérables susceptibles de demander l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie; ».

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Cowan, avec l'appui de l'honorable sénatrice Fraser, propose la motion d'amendement suivante :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié au préambule, à la page 2...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Y a-t-il des questions pour le sénateur Cowan? Sénateur Manning, souhaitez-vous prendre la parole?

L'honorable Fabian Manning : J'ai une question, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Cowan?

Le sénateur Manning : Sénateur Cowan, je me demandais si vous pourriez préciser ce que cet ajout à la version actuelle du préambule ferait exactement. Je sais que vous avez lancé le processus, mais je ne suis pas sûr d'avoir entendu tout ce que vous avez dit, alors peut- être que vous pourriez prendre une minute pour nous expliquer ce que cet ajout au préambule changerait à la façon dont le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux régleront la question des mesures de sauvegarde.

Le sénateur Cowan : Je vous remercie de la question, sénateur Manning. Il s'agit d'un ajout et non d'une substitution à ce qui se trouve dans la version actuelle du préambule. Cet ajout vise à prendre en compte notre discussion des derniers jours pendant laquelle de nombreux sénateurs ont fait valoir que nous nous sommes trop attardés à des détails qui devraient relever des provinces, ou plus particulièrement des organismes provinciaux chargés de réglementer les pratiques des professionnels de la santé.

Au lieu d'ajouter des mesures de sauvegardes pointues à celles que nos amendements ont déjà intégrées au texte, nous préciserions alors dans le préambule du projet de loi que la prestation des soins de santé est principalement du ressort des provinces et que bon nombre des questions qui y sont abordées ont davantage à voir avec la manière dont les soins de santé sont offerts dans les provinces et les territoires qu'avec le Code criminel, qui est de responsabilité fédérale. Voilà pour le contexte et la raison d'être de l'amendement. Selon moi, il ne diminue en rien la portée du reste du préambule et il n'en retire rien non plus.

Le sénateur Manning : Je répète que je comprends peut-être mal, mais est-ce que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n'oblige pas déjà le gouvernement fédéral à élaborer des mesures de sauvegarde en collaboration avec les provinces? Je n'ai pas commenté beaucoup d'amendements, mais je m'inquiète parce qu'il me semble que les règles varient énormément d'une province à l'autre, que la prestation des soins de santé est de compétence provinciale et que le pays n'a pas de lignes directrices, de règles ou de règlements pancanadiens — appelez-les comme vous voudrez. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais je crois avoir lu dans la plus récente version du projet de loi que le gouvernement fédéral négociera avec les provinces les mesures de sauvegarde qui devront être créées et la manière dont elles seront mises en œuvre.

Nous proposez-vous une sorte de plan B, ou est-ce que j'ai mal compris? Je veux seulement savoir sur quoi je devrai me prononcer, exactement.

Pourquoi cet amendement, si le gouvernement fédéral est déjà appelé à négocier avec les gouvernements provinciaux les mesures de sauvegarde qui devront être créées?

Le sénateur Cowan : Je crois effectivement que c'est un plan B, sénateur Manning. Je suis convaincu que le gouvernement fédéral, quel que soit le projet de loi qui sera adopté, servira d'agent de liaison et favorisera les discussions entre les provinces et les territoires afin que les pratiques soient le plus uniformes possible. Il faut toutefois admettre qu'il reviendra finalement aux provinces ainsi qu'aux collèges des médecins et des chirurgiens et leurs équivalents, les ordres professionnels des infirmiers et des infirmiers praticiens, de prescrire des normes de pratique dans chaque province. Elles ne seront toutefois jamais complètement uniformes d'un bout à l'autre du Canada.

Nous avons essayé, avec l'amendement proposé par le sénateur Carignan, de nous entendre au Parlement sur un ensemble de normes ou de garanties supplémentaires concernant les personnes qui ne sont pas en fin de vie ou en phase terminale, mais comme vous le savez cet amendement a été rejeté. Au lieu de suivre encore la même voie, il nous a semblé que, en modifiant le préambule, nous proposions une solution susceptible d'obtenir l'appui des sénateurs.

Son Honneur le Président : Vous avez une question, sénateur Mercer?

L'honorable Terry M. Mercer : Oui, je vous remercie. Sénateur Cowan, je suis un peu dérouté parce que vous dites ceci :

« que le gouvernement du Canada s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires afin de soutenir l'établissement de toute mesure de sauvegarde additionnelle pouvant s'avérer nécessaire à la protection des personnes vulnérables susceptibles de demander l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie; ».

(1830)

Je ne vois aucune mesure de protection dans cet amendement. Comment permet-il de mieux protéger les personnes vulnérables?

Le sénateur Cowan : Tout ce que l'amendement prévoit, c'est que des mesures de sauvegarde additionnelles pourraient être établies si les provinces et les territoires estiment qu'elles sont nécessaires et qu'ils sont prêts à travailler avec les autres provinces et territoires, de même qu'avec le gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas dire aux provinces et aux territoires, ou encore moins aux organismes de réglementation qui sont assujettis à des lois provinciales, comment faire ces choses. Cela ne relève pas de nos compétences. Nous pouvons uniquement apporter des modifications au Code criminel. C'est ce que nous faisons.

Je suis certain que vous avez entendu beaucoup de sénateurs dire qu'une grande partie des amendements qui ont été présentés ici, plus particulièrement l'amendement du sénateur Carignan ou celui que j'ai proposé hier soir, constituaient une ingérence dans ce qui devrait être un domaine de compétence provinciale, et que c'est pour cette raison que certains d'entre eux n'ont pas été adoptés.

Le sénateur Mercer : Je respecte grandement le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Toutefois, quand il s'agit de la protection des personnes vulnérables, je ne crois pas que nous devrions prendre des risques. Le libellé m'amène à croire que nous tentons de refiler l'une de nos responsabilités, à savoir la protection des personnes vulnérables, à d'autres, alors que c'est l'une de nos raisons d'être. Cette question me tient très à cœur, comme je l'expliquerai plus tard, pas ce soir, mais à un autre moment du débat. Ce qui me préoccupe le plus dans ce projet de loi, c'est l'absence de protection pour les gens vulnérables.

Il m'importe peu de savoir ce que la Constitution indique à propos de la province ou du gouvernement fédéral. Je pense que chaque fois que l'occasion se présente, le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les personnes vulnérables. Je ne pense pas que les termes employés sont assez forts pour bien exprimer ce que nous entendons lorsque nous parlons de « protéger les personnes vulnérables ». Je suis préoccupé, car je crois que nous devrions employer des termes plus forts.

Le sénateur Cowan : Sénateur Mercer, je comprends votre point de vue. Pour ma part, j'estime que le projet de loi comprend suffisamment de mesures pour protéger tous ceux qui auraient le droit de demander l'aide médicale à mourir, y compris l'amendement que nous avons adopté la semaine dernière. Nous avons adopté un amendement et élargi le groupe de personnes qui auraient le droit de demander l'aide médicale à mourir. Comme je l'ai déjà mentionné, je pense que les mesures de protection prévues sont suffisantes. Cela dit, comme nous le savons, la majorité des sénateurs ne sont probablement pas d'accord avec moi. Je respecte leur opinion.

Nous avons déjà tenté d'apporter des modifications à cet égard; le sénateur Carignan a présenté un amendement détaillé, que j'ai appuyé, mais la majorité des sénateurs ont voté contre. Mes discussions avec les sénateurs ne m'ont pas permis d'obtenir l'appui de la majorité pour présenter une solution de rechange détaillée à l'amendement proposé par le sénateur Carignan. C'est pour cette raison que je pense que, si un autre amendement pouvait recevoir l'appui de la majorité des sénateurs, il devrait être proposé. Nous pourrions l'étudier et régler ainsi la question que le sénateur Carignan a tenté d'aborder dans l'amendement qu'il a présenté et que j'ai appuyé. Personnellement, je n'ai pas pu obtenir le consensus de mes collègues à cet égard.

Il y a une autre solution qui s'offre à nous. Au lieu d'ignorer tout simplement cette question, car je pense que, comme moi, vous conviendrez que ce n'est pas la voie que nous devrions suivre, dans le préambule, nous devrions attirer l'attention sur le fait qu'au Canada les soins de santé sont une responsabilité partagée par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral, le Parlement fédéral, a un rôle à jouer dans ce dossier; les assemblées législatives provinciales ont elles aussi un rôle à jouer. Ensuite, les collèges des médecins et des chirurgiens des provinces et des territoires et les autres associations professionnelles similaires ont également un rôle à jouer. Je propose donc de régler cette question, car je ne vois pas d'autres solutions.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Mercer. Le temps file, et d'autres sénateurs souhaitent poser des questions. Si le temps le permet, nous reviendrons à vous pour une troisième question.

Sénateur Sinclair, avez-vous une question?

L'honorable Murray Sinclair : Merci.

Je crois vous avoir entendu dire, sénateur, que l'amendement vise à dégager l'obligation ou plutôt l'engagement continu, de la part du gouvernement du Canada, à prendre des mesures, avec les provinces, pour protéger les personnes vulnérables. Vous avez ensuite mentionné que le projet de loi contient actuellement des dispositions qui protègent les personnes vulnérables. Je crains de ne pas interpréter le projet de loi de cette façon.

Cela dit, si l'amendement se terminait tout de suite après « à la protection des personnes vulnérables », cela aurait peut-être été acceptable, mais vous ajoutez « susceptibles de demander l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie. »

Quelle preuve avons-nous que le gouvernement du Canada entend collaborer avec les provinces afin de protéger les personnes vulnérables susceptibles de demander l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie? Je n'ai rien entendu de tel de la part des représentants du gouvernement qui ont pris la parole ici, c'est-à-dire les deux ministres. Je n'ai rien vu dans les documents qu'on nous a fournis qui indique que le gouvernement est prêt ou qu'il est intéressé à s'engager en ce sens. Je ne vois rien qui indique que le gouvernement du Canada, tel qu'il est actuellement constitué, fait autre chose que s'assurer que seules les personnes dont la mort est prévisible, comme on le mentionnait dans le projet de loi initial, sont censées être visées par le projet de loi.

Je ne sais pas d'où vient la formulation voulant que le gouvernement du Canada se soit engagé à collaborer avec les provinces en ce sens. Vous pourrez peut-être m'éclairer à cet égard, sénateur.

Le sénateur Cowan : Je ne peux certainement pas m'exprimer au nom du gouvernement du Canada, mais à ce que je sache, le gouvernement est en train de consulter les provinces et les territoires sur les problèmes découlant de l'aide médicale à mourir, donc cette idée m'a paru raisonnable. Je ne pense pas que le gouvernement du Canada s'oppose à cette idée, mais, comme je l'ai dit, je ne suis pas le porte-parole du gouvernement du Canada.

Je vois le sénateur Harder assis sur le bout de sa banquette. Il serait peut-être mieux placé que moi pour répondre à cette question, alors je pourrais renvoyer votre question au sénateur Harder.

Son Honneur le Président : Monsieur le sénateur Cowan, le temps de parole dont vous disposiez est écoulé. D'autres sénateurs se lèvent pour vous poser une question. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Sinclair : Pour faire suite à ma question, je vous rappelle que cette idée se trouve dans votre amendement, monsieur le sénateur, alors je vous renvoie la balle. C'est à vous qu'il revient de nous montrer que le gouvernement du Canada a pris l'engagement de collaborer avec les provinces afin de prévoir des garanties pour les personnes vulnérables qui souhaitent mettre à fin à leurs jours, mais qui ne sont pas en fin de vie.

Je dis cela parce qu'il m'a paru assez clair, au cours de la présentation du projet de loi et dans la version originale de celui-ci, que le gouvernement n'avait pas l'intention d'accorder le droit au suicide assisté aux personnes dont la mort naturelle n'est pas devenue raisonnablement prévisible, selon la formule consacrée par le projet de loi. Alors, maintenant, il nous faudrait agir comme si le gouvernement voulait en fait dire le contraire de ce qu'il a dit publiquement jusqu'ici. Je ne suis pas certain d'être d'avis que nous devrions nous efforcer de voir les choses de cette façon.

Je serais curieux de savoir si vous avez davantage d'information que moi sur ce point.

Le sénateur Cowan : Non.

Son Honneur le Président : Sénateur Wells, vous avez une question à poser?

L'honorable David M. Wells : J'ai une question à poser au sénateur Cowan, s'il veut bien y répondre.

(1840)

Dans le préambule de votre amendement, vous proposez l'établissement de mesures de sauvegarde additionnelles. Évidemment, comme le sénateur Baker l'a signalé à maintes reprises par le passé, la Cour suprême a souvent recours à nos débats pour l'aider à déterminer l'intention initiale de mesures législatives, en plus de leur libellé en tant que tel.

Au Sénat, nous avons déjà rejeté certaines mesures de sauvegarde additionnelles qui avaient été présentées. Proposez-vous que les mesures de sauvegarde ayant été rejetées soient proposées de nouveau et qu'elles fassent l'objet à l'avenir de discussions entre le gouvernement fédéral et les provinces?

Le sénateur Cowan : Merci, sénateur Wells. Je ne propose aucune mesure de sauvegarde particulière. Je propose que, si les provinces et les territoires le souhaitent, le gouvernement fédéral puisse avoir des discussions avec eux.

Le sénateur Wells : Sénateur Cowan, je ne laissais pas entendre que vous proposiez des mesures de sauvegarde précises. Je pensais simplement que des mesures de sauvegarde déjà rejetées par le Sénat pourraient être proposées de nouveau et faire l'objet de discussions ponctuelles entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Le sénateur Cowan : Sénateur Wells, il me semble qu'il appartient au gouvernement fédéral et aux provinces, plutôt qu'à nous, de décider des mesures de sauvegarde qui devraient ou non faire l'objet de discussions.

Son Honneur le Président : Le sénateur Harder a la parole.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J'aimerais préciser que c'est la première fois que je vois cet amendement et qu'il m'inquiète, car je pense que, dans le cas des mesures de sauvegarde, c'est une tentative de faire par des moyens détournés ce qui n'a pas pu être fait par des moyens directs.

Qui plus est, je partage les commentaires et les observations du sénateur Sinclair voulant que le Sénat du Canada envisage peut-être en ce moment d'aller au-delà de la portée du projet de loi initial, alors que ce n'est pas ce que souhaite le gouvernement du Canada. Je ne peux certainement pas appuyer cet amendement, surtout compte tenu du fait que, à la fin, il est question de « l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie ».

Comme l'a laissé entendre le sénateur Sinclair, si cela devait être retiré, il y aurait peut-être lieu de recommander au gouvernement un tel amendement au préambule. Très franchement, je ne crois pas qu'il nous incombe de fixer dans le préambule l'engagement du gouvernement du Canada, d'autant plus que ce dernier précise très clairement dans le projet de loi qu'il nous a renvoyé — et je l'ai dit dans mes commentaires sur les amendements — qu'il n'est pas prêt pour l'instant à envisager l'aide médicale à mourir dans d'autres circonstances que la fin de vie.

Son Honneur le Président : D'autres sénateurs veulent-ils poser une question au sénateur Harder?

Nous poursuivons le débat avec le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Je vais conclure l'argument que j'essayais de faire valoir dans mes questions au sénateur Cowan.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous sommes en 2016. Nous avons eu un débat, nous avons eu des discussions, nous avons accepté certains des amendements et nous en avons rejeté d'autres. Je ne serai plus ici dans six ans, et bien d'autres seront partis avant moi ou partiront tout de suite après. Je tiens à ce que notre objectif et celui du projet de loi soient clairs pour ce qui est de protéger les personnes vulnérables. Il devrait être extrêmement difficile pour un futur gouvernement de changer la loi afin d'amoindrir la protection accordée aux personnes vulnérables. Je pense que nous devrions être extrêmement clairs là-dessus, car je m'inquiète pour l'avenir. Le libellé utilisé m'inquiète, à savoir : « [...] personnes vulnérables susceptibles de demander l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie »

Les gens qui ne sont pas en fin de vie ne sont pas ceux que nous visions ici. Il s'agissait plutôt des gens qui s'approchent de la mort, qui souffrent de douleurs graves ou qui sont à l'agonie. Mais même dans ces cas-là, nous devons être prudents. Il y a des jeunes qui souffrent de réelles douleurs ou qui paraissent en souffrir. Je ne voudrais pas que l'on dise plus tard à leur sujet : « Oh, c'est juste un petit ajout au projet de loi, parce qu'on s'est trompé en 2016. Nous allons simplement ajouter cette petite ligne... » Et tout d'un coup, les gens que nous considérons vulnérables aujourd'hui seront mis en danger à cause de cette mesure législative. Je m'inquiète beaucoup de tout ce qui ne maintient pas la protection des personnes vulnérables. Nous devons exprimer de la façon la plus explicite possible notre volonté de les protéger.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Nous tenons un débat sur le préambule. Or, certaines personnes remettent en cause la demande d'insérer au projet de loi un engagement de la part du gouvernement à collaborer avec les provinces pour protéger les personnes vulnérables. Je ne peux pas croire que quelqu'un puisse s'opposer à une telle proposition. De la part du leader du gouvernement, cela m'inquiète encore plus.

Il semble que l'expression « alors qu'elles ne sont pas en fin de vie » soit en cause. Que les personnes soient ou non en fin de vie, si elles sont vulnérables, elles doivent être protégées. J'aimerais que la proposition fasse consensus sur le fait que le Canada travaillera avec les provinces pour protéger les personnes vulnérables.

Motion de sous-amendement

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je propose donc :

Que la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Cowan soit modifiée par suppression des mots « alors qu'elles ne sont pas en fin de vie ».

Il s'agirait ainsi de retirer l'expression « alors qu'elles ne sont pas en fin de vie » du passage suivant : « que le gouvernement du Canada s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires afin de soutenir l'établissement de toute mesure de sauvegarde pouvant s'avérer nécessaire à la protection des personnes vulnérables susceptibles de demander l'aide médicale à mourir ».

J'espère que ce sous-amendement sera adopté à l'unanimité.

Son Honneur le Président : Il s'agit d'un sous-amendement. L'honorable sénateur Carignan, avec l'appui de l'honorable sénateur Plett, propose que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois...

[Traduction]

Puis-je me dispenser de le lire tant que tous les sénateurs n'auront pas reçu le document?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, arrêtons-nous quelques instants, car cet amendement vient d'être présenté.

Sénateur Mitchell, je sais que vous voulez parler de l'amendement. Nous devrons attendre d'en avoir fini avec le sous-amendement.

Honorables sénateurs, il faudra malheureusement attendre quelques instants, le temps que le document soit distribué, pour que tout le monde puisse le lire.

Sénateur Carignan, acceptez-vous de répondre à une question pendant que nous attendons?

Le sénateur Carignan : Oui.

[Français]

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Ma question est la suivante, honorables sénateurs. Je comprends votre sous-amendement. Il vise à faire en sorte que toutes les personnes vulnérables, peu importe leur espérance de vie, soient protégées contre la détresse. En quoi cela va-t-il ajouter aux dispositions qui figurent déjà au préambule, à savoir « que les personnes vulnérables doivent être protégées contre toute incitation à mettre fin à leur vie dans un moment de détresse »?

Le sénateur Carignan : Je parle de la notion de collaborer avec les provinces. On voit dans le projet de loi que le ministère de la Santé, par exemple, collecte énormément d'information. Si cette information peut être utile et partagée avec les provinces pour qu'elles puissent exercer leurs compétences et créer des règles ou offrir des directives aux médecins et infirmières praticiennes dans le but de protéger les personnes vulnérables, c'est la moindre des choses que le gouvernement fédéral puisse s'engager à faire.

(1850)

On a parlé, par exemple, de la notion d'assurance. Il y a des éléments qui peuvent avoir un impact sur des questions qui relèvent de la compétence des provinces. On veut s'assurer que le gouvernement fédéral ne gardera pas pour lui l'information, mais qu'il la partagera avec les provinces lorsque ce sera nécessaire afin de protéger les personnes vulnérables. Je ne comprends pas qu'une personne puisse s'opposer à cela.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, les greffiers ont malheureusement du mal à interpréter l'amendement. Je propose que nous suspendions la séance pendant 10 minutes. Une sonnerie qui retentira pendant deux minutes avant la reprise des travaux. Les greffiers consulteront le sénateur Carignan et feront faire des copies de sorte que nous serons tous sur la même longueur d'onde à notre retour. D'accord?

Des voix : D'accord.

(La séance est suspendue.)


(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, y a-t-il des questions pour le sénateur Carignan?

L'honorable John D. Wallace : Sénateur, l'amendement que vous proposez à l'amendement du sénateur Cowan nous demande d'envisager les mesures de protection supplémentaires éventuellement nécessaires à la protection des personnes vulnérables.

Je me demande qui sont, selon vous, les personnes vulnérables. Bon nombre de nos collègues se sont exprimés sur la question en mentionnant, entre autres, les personnes handicapées ou ayant des difficultés financières. Il semble que le terme pourrait désigner toutes sortes de personnes.

Je fais remarquer qu'il est question d'aide au suicide et que toute personne atteinte d'une maladie grave et irrémédiable qui songe à demander l'aide au suicide est déjà vulnérable. Ce doit être une grande épreuve, sur les plans affectif et psychologique, que de se retrouver dans une situation si stressante.

Je pense donc que toute personne admissible au service offert aux termes du projet de loi est une personne vulnérable. J'aimerais donc savoir si vous pensez que votre sous-amendement, qui demande aux gouvernements du Canada et des provinces de proposer des mesures pour protéger les personnes vulnérables, est d'une portée si vaste qu'il s'appliquerait à toutes les personnes qui seraient déjà admissibles aux termes du projet de loi?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je n'ai malheureusement pas sous les yeux la décision Carter de la Cour suprême, mais, si ma mémoire est bonne, c'est dans les paragraphes 114 et 115 que l'on dresse la liste des personnes vulnérables que le gouvernement veut protéger, ce qu'il s'est fixé comme objectif urgent et réel. Si vous lisez l'arrêt Carter, référez-vous aux paragraphes 114 et 115; vous y trouverez la liste reprise par le gouvernement. Il s'agit des personnes qui peuvent être victimes de gens qui leur voudraient du mal, qui pourraient vouloir abuser de leur handicap ou de leur impuissance, par exemple pour profiter d'un héritage, et qui pourraient leur infliger un « lavage de cerveau ».

Ainsi, nous devons prendre des mesures pour éviter que cela se produise. Selon moi, il s'agit de l'un des objectifs urgents et réels que le gouvernement veut atteindre grâce à ce projet de loi. D'ailleurs, c'est l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi est assez restrictif, si j'ai bien compris. Donc, il m'apparaît évident que nous devons faire tout notre possible pour protéger ces personnes.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : C'est peut-être une évidence, sénateur, mais dois-je donc comprendre alors que vous reconnaissez que les personnes vulnérables dont parle votre sous-amendement sont celles qui sont définies dans l'arrêt Carter? On vise les personnes vulnérables définies dans l'arrêt Carter, c'est bien ça? Affirmez-vous que ce sont elles que vise votre sous-amendement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce que j'ai dit, c'est que, si vous prenez l'arrêt Carter, aux paragraphes 114 et 115 — et je les cite de mémoire —, vous verrez la liste des personnes vulnérables citées dans l'argumentaire du procureur général du Canada, personnes qu'il juge bon de protéger. Entendons-nous : une personne âgée qui est lourdement handicapée, qui a de la difficulté à s'exprimer, qui est alitée, qui peut manquer de moyens, peut être à la merci de quelqu'un qui voudrait en abuser, que ce soit pour l'exploiter, pour percevoir des primes d'assurance ou pour lui faire changer son testament. Ce sont des personnes qui sont dans le besoin et qui peuvent devenir des victimes. Ce sont ces personnes-là que nous voulons protéger.

[Traduction]

L'honorable George Baker : Le sénateur pourrait-il expliquer l'amendement mis au vote un peu plus tôt, qui propose l'adjonction d'une phrase qui commence ainsi : « que le gouvernement du Canada s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires ». Où cet engagement a-t-il été pris?

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Baker. Cette question porte sur les amendements et devrait être adressée au sénateur Cowan. Nous débattons en ce moment du sous- amendement, qui consiste simplement à supprimer les quelques derniers mots du libellé de l'amendement.

Le sénateur Baker : Dans ce cas, permettez-moi de poser une question sur le sous-amendement.

Son Honneur le Président : Sur le sous-amendement?

Le sénateur Baker : Oui, sur le sous-amendement. J'ai écouté l'honorable sénateur en français. Je n'avais pas mis mes écouteurs pour l'interprétation simultanée et je ne l'ai pas entendu dire « des mesures de sauvegarde additionnelles ». Il a dit « mesures de sauvegarde », sans dire le mot « additionnelles », qui paraît pourtant dans la version imprimée de l'amendement. D'après l'honorable sénateur, ai-je raison de dire qu'il a omis de dire le mot « additionnelles » lorsqu'il a présenté son amendement à la Chambre, bien que le mot soit toujours là?

[Français]

Le sénateur Carignan : Non, le sous-amendement vise à enlever seulement la mention suivante :

[...] alors qu'elles ne sont pas en fin de vie;

Donc, il s'agit d'enlever cette expression pour ne pas faire de distinction. Les personnes susceptibles de requérir l'aide médicale à mourir sont des personnes qui peuvent être des victimes et qui peuvent être vulnérables, compte tenu de leur situation et de leurs souffrances. Ces personnes pourraient donc être victimes d'abus, et nous souhaitons les protéger, qu'elles soient ou non en fin de vie.

(1910)

[Traduction]

Le sénateur Baker : J'aimerais obtenir une précision. J'ai écouté attentivement le sénateur quand il a proposé l'amendement de vive voix. Lorsqu'il l'a lu, il n'a pas dit « mesure de sauvegarde additionnelle ». Il a dit « mesure de sauvegarde ». Il n'a pas mentionné le mot « additionnelle ». Du moins, je ne l'ai pas entendu. J'ai écouté le français.

Avons-nous ici la bonne version de son amendement?

Des voix : Oui.

Le sénateur Baker : Voulait-il supprimer le mot « additionnelle », qu'il n'a pas dit, il me semble, quand il a proposé l'amendement de vive voix?

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce que je lis, en français, c'est « toute mesure de sauvegarde additionnelle qui pourrait émaner de l'autorité provinciale ».

On constate, par exemple, que les collèges de médecins et les autorités provinciales ajoutent des vérifications, comme le nombre de médecins qui seront impliqués dans une demande d'aide médicale à mourir. Ils élaborent donc certaines directives afin de veiller à ce que les patients donnent leur consentement librement et de façon éclairée. Il s'agit d'un type de mesure de sauvegarde additionnelle qui s'ajoute à ce qui est prévu au Code criminel et dans le projet de loi C-14. En outre, cela pourrait ouvrir la porte à d'autres directives visant à prévenir l'abus de personnes vulnérables.

Or, comme le gouvernement fédéral obtiendra beaucoup de renseignements grâce aux études qui seront faites, il m'apparaît logique de lui demander de collaborer avec les provinces pour protéger les personnes vulnérables, et il me semble que la Chambre devrait appuyer ce genre d'initiative de façon unanime.

[Traduction]

L'honorable Lillian Eva Dyck : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Carignan : Oui.

La sénatrice Dyck : Dans votre réponse au sénateur Wallace, vous nous renvoyez au paragraphe 114 de la décision Carter, où sont énumérés un certain nombre de facteurs pouvant rendre un patient « vulnérable dans la prise de sa décision », mais où il est aussi dit, dans une autre phrase, que le Canada soutient qu'il n'existe aucun moyen sûr de savoir qui est vulnérable et qui ne l'est pas. Le Canada ne sait donc pas qui est vulnérable et qui ne l'est pas. Quelle incidence le fait de ne pas savoir qui est vulnérable a-t-il sur l'amendement en question?

[Français]

Le sénateur Carignan : Si vous lisez bien l'arrêt Carter, vous verrez la liste des gens qui sont considérés comme étant vulnérables. Le Canada utilise cet argument pour justifier la prohibition totale. Comme il est difficile d'identifier ces personnes, le gouvernement estime qu'une prohibition générale s'impose. Je crois que c'est dans ce sens que vous avez extrait cette phrase.

[Traduction]

Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Carignan propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Plett :

Que la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Cowan soit modifiée par suppression des mots « alors qu'elles ne sont pas en fin de vie ».

Que tous les sénateurs qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous les sénateurs qui sont contre le sous-amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Recommençons, chers collègues.

Que tous les sénateurs qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous les sénateurs qui sont contre le sous-amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent. La motion est donc rejetée.

(La motion de sous-amendement est rejetée à la majorité.)

Son Honneur le Président : Nous reprenons maintenant le débat sur l'amendement du sénateur Cowan.

L'honorable Grant Mitchell : Chers collègues, cet amendement me pose de graves problèmes. Je crains, comme les sénateurs Harder et Sinclair, que l'amendement semble prendre, au nom du gouvernement du Canada, un engagement que le gouvernement du Canada n'a pas vraiment pris. L'amendement dit donc une fausseté, et nous en sommes conscients. Dans ces circonstances, nous ne pouvons pas vraiment l'appuyer.

En fait, la formulation de l'amendement m'étonne grandement. Quand on le lit, surtout dans sa version non modifiée, on y retrouve un point dont j'ai parlé la semaine dernière et que les sénateurs Sinclair et Harder ont aussi abordé depuis. Voici la section qui m'apparaît étonnante :

[...] que le gouvernement du Canada s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires afin de soutenir l'établissement de toute mesure de sauvegarde additionnelle pouvant s'avérer nécessaire à la protection des personnes vulnérables susceptibles de demander l'aide médicale à mourir alors qu'elles ne sont pas en fin de vie;

Ce paragraphe reconnaît clairement que des mesures de sauvegarde additionnelles sont nécessaires. Toutefois, si on adopte le projet de loi avec l'amendement plus permissif, l'expression « alors qu'elles ne sont pas en fin de vie » entrera en vigueur avant que les mesures de sauvegarde s'avérant nécessaires à la protection des personnes vulnérables aient été mises en place, même si le gouvernement du Canada s'est engagé à envisager leur ajout.

Le sénateur Cowan : Pouvant s'avérer nécessaire.

Le sénateur Mitchell : L'amendement dit « pouvant s'avérer nécessaire », c'est vrai. Le fait est que le projet de loi est conçu pour faire ce qui peut être fait maintenant, sachant ce que nous savons de la mort raisonnablement prévisible et de l'expérience de la profession médicale à cet égard. Cet amendement et les prochaines étapes du gouvernement pénètrent dans le domaine qui dépasse la mort prévisible. Ce que cet amendement admet explicitement, c'est qu'on ignore si des mesures de sauvegarde additionnelles pourraient s'avérer nécessaires. Du moins, on ignore s'il pourrait y en avoir. Savez-vous pourquoi? Parce que le gouvernement n'a pas eu le temps de consulter les 13 provinces et territoires, ni de consulter les multiples associations professionnelles de diverses régions pour déterminer s'il doit y avoir des mesures de sauvegarde additionnelles.

Le gouvernement sait que d'autres mesures de sauvegarde sont nécessaires car il a proposé plusieurs amendements visant à en établir, lesquels ont été rejetés. Ainsi, nous savons que ces mesures de sauvegarde n'existent pas. La question que je poserais est la suivante : quelles mesures de sauvegarde existent à cet égard?

L'amendement admet précisément l'argument que nous soutenons, soit que nous pénétrons dans un domaine où les personnes vulnérables sont particulièrement vulnérables, et qu'il doit y avoir — ou, du moins, qu'on doit envisager de mettre en place — des mesures de sauvegarde qui n'existent pas pour le moment. Ainsi, il est implicite qu'il y aura un délai pendant lequel cette réflexion doit se faire.

L'amendement proposé ainsi que les autres signifient que le projet de loi sera en vigueur immédiatement, avant que ce délai ne s'écoule et que n'ait lieu la réflexion sur le besoin de mettre en place d'autres mesures de sauvegarde. Or, c'est pour cette raison même que le projet de loi a été créé à l'origine. C'est le pouvoir, l'équilibre et la prudence du projet de loi. Cela dit que nous sommes prêts jusqu'à un certain point, mais passé ce certain point, nous ne sommes pas prêts. L'amendement dit que nous passons ce point et admet que nous n'avons pas les mesures de sauvegarde pour protéger les personnes vulnérables. C'est une admission vraiment surprenante.

La sénatrice Johnson : Le vote!

Son Honneur le Président : Le sénateur Pratte a la parole.

L'honorable André Pratte : Merci. Pour tout dire, l'idée que ce passage soit ou non ajouté au préambule me laisse plutôt indifférent, tout d'abord parce que, comme le sénateur Mitchell l'a dit, le gouvernement n'a pas réellement pris un tel engagement. Deuxièmement, il ferait partie du préambule, qui disparaîtra dès que le projet de loi deviendra loi. Il ne figurera donc nulle part dans le Code criminel. Troisièmement, il est bien de souhaiter tout cela, mais je ne pense pas que ce passage changera quoi que ce soit.

Je pourrais donc voter en faveur de cet ajout, sachant qu'il ne sera pas très utile, mais je préférerais ne pas voter pour une chose qui, à mon avis, ne sera pas de grande utilité. Par conséquent, je ne vais pas voter pour; je vais voter contre.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Le sénateur Lang a la parole.

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, je veux ramener tout le monde aux réalités auxquelles nous sommes confrontés au Canada. Le fait est que l'ensemble des provinces et des territoires ont déjà mis en place des directives concernant l'aide médicale à mourir.

(1920)

Je ne suis pas d'accord avec mon collègue, le sénateur Mitchell, lorsqu'il affirme qu'aucune directive n'a été mise en place, et que nous devons donc adopter cet amendement en vue de lancer une consultation.

Tout le monde parle des risques pour les personnes vulnérables. Je demande à tous de prendre le temps de lire les directives qui sont déjà en place ainsi que les dispositions législatives qui ont été adoptées dans l'ensemble des provinces et des territoires à l'égard de cette procédure.

J'aimerais revenir à ce que le sénateur Wallace a dit sur les personnes vulnérables. Toute personne est protégée, quelle que soit sa situation, parce qu'il y a une procédure en place. Ce n'est pas comme aller chez le dentiste et se faire extraire une dent le jour même. Il y a une procédure à suivre, et il faut qu'un médecin consulte un autre médecin. Il y a un témoin. Il y a toutes sortes d'étapes à suivre, parce que les provinces et les territoires savent à quel point c'est une question sérieuse.

Nous parlons de consultation, mais aucun gouvernement n'a autorisé des professionnels de la santé comme les infirmiers à participer directement à l'autorisation de cette procédure. Toutes les provinces ont exigé que cette procédure soit confiée à deux médecins. Or, à l'échelle fédérale, nous avons tout simplement décidé d'élargir la portée de toute cette procédure parce que nous nous croyons plus intelligents que les gouvernements provinciaux et territoriaux, et parce que ce n'est pas nous qui administrons les hôpitaux et qui sommes responsables des soins offerts au quotidien.

Les provinces ont mis en place des procédures bien conçues afin qu'elles puissent protéger du mieux qu'elles le peuvent l'ensemble de leur population, et plus particulièrement les personnes les plus vulnérables, pendant qu'elles explorent ce territoire inconnu.

Je dis aux sénateurs que la responsabilité revient aux provinces. Elles exercent cette responsabilité. Pour être honnête, plus le débat avance au Sénat, plus je suis à l'aise avec ce que font les provinces, même si nous n'avons adopté aucune loi.

Son Honneur le Président : La sénatrice Dyck a la parole.

La sénatrice Dyck : J'aimerais dire quelques mots au sujet de cet amendement.

Tout d'abord, je ne crois pas qu'il admette de façon implicite la nécessité d'établir des mesures de sauvegarde supplémentaires. En fait, pour les profanes, le mot « may » exprime une possibilité. Il peut vouloir dire oui ou non. C'est ainsi que je l'interprète : il est possible d'ajouter des mesures de sauvegarde au besoin.

Ensuite, je n'appuierai pas la motion parce qu'elle engage le gouvernement du Canada et je ne crois pas que nous ayons la preuve que le gouvernement du Canada s'est engagé à cet égard. Par conséquent, je ne crois pas que nous ayons le droit de faire cet amendement.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le Vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Cowan, avec l'appui de l'honorable sénatrice Fraser, propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié au préambule...

Puis-je me dispenser de lire le reste?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Par conséquent, la motion d'amendement est rejetée à la majorité.

(La motion d'amendement est rejetée à la majorité.)

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat. La parole est au sénateur Eggleton.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, tout à l'heure, nous avons débattu de l'amendement de la sénatrice Lankin. Il n'a toutefois été question que de la première partie de la motion, qui portait sur les conditions sociales et les déterminants sociaux de la santé.

Personnellement, j'estime que la deuxième partie devrait survivre, avec une très légère modification. C'est simple et net, vous verrez.

Voici, selon moi, ce qu'il faut retenir de l'article 9.1 : tous ces examens indépendants, ces études sur les mineurs matures, les demandes anticipées et la maladie mentale vont avoir lieu, parce que la Chambre des communes a adopté un amendement précisant qu'ils devront être lancés dans les 180 jours suivant l'entrée en vigueur de la loi. Cependant, comme certains l'ont fait remarquer, rien ne précise quand ils devront prendre fin et quand les rapports subséquents devront être produits. Or, c'est justement ce point-là qui est important, selon moi.

Je ne vois pas comment on pourrait ne pas être d'accord, sauf que personne n'a abordé cette partie de la motion de la sénatrice Lankin.

J'ai fait un tout petit changement. Au lieu de 18 mois, j'ai parlé de 2 ans, mais cela ne change rien à l'esprit de l'amendement, qui prévoit que les études devront être lancées dans les 180 jours suivant l'entrée en vigueur de la loi, qu'elles ne devront pas durer plus de deux ans et que les rapports subséquents devront être présentés aux deux Chambres du Parlement.

Qui pourrait s'opposer à ce que les résultats de ces études nous soient présentés sans tarder? Je suis sûr que tous les sénateurs voudront en prendre connaissance, et les députés aussi.

Motion d'amendement

L'honorable Art Eggleton : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu pour une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9.1, à la page 13 :

a) par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit :

« 9.1 (1) Le ministre de la Justice et le ministre de la »;

b) par adjonction après la ligne 27, de ce qui suit :

« (2) Le ministre de la Justice et le ministre de la Santé font déposer devant chaque Chambre du Parlement, au plus tard deux ans après le début d'un examen, un ou des rapports sur celui-ci, lesquels rapports comportent notamment toute conclusion ou recommandation qui en découle. ».

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Eggleton, avec l'appui de l'honorable sénateur Harder, propose :

Que le projet de loi C-14, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois ...

Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Par conséquent, la motion d'amendement est adoptée avec dissidence.

(La motion d'amendement est adoptée avec dissidence.)

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du Sénat.

Son Honneur le Président : L'ajournement du débat?

La sénatrice Bellemare : Je propose l'ajournement du Sénat.

Son Honneur le Président : Sénatrice Bellemare, vous voulez dire que vous proposez l'ajournement du débat, n'est-ce pas?

La sénatrice Bellemare : Non, Votre Honneur, puis-je m'expliquer? Nous devons nous occuper d'une autre affaire. Je sais que tout le monde est fatigué, mais l'affaire en question ne prendra peut-être pas beaucoup de temps. Il s'agit d'accepter un rapport du Comité de sélection.

En ajournant le débat, nous pourrions revenir à l'ordre du jour et demander le consentement de nous occuper uniquement du vote sur la motion que l'honorable sénateur Carignan a ajournée à son nom et qui porte sur l'adoption du rapport du Comité de sélection, ou nous pouvons attendre jusqu'à demain.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Simplement pour m'assurer que nous nous comprenons bien, avons-nous conclu le débat? Selon la décision du Sénat de procéder à l'étude du projet de loi C-14 par thèmes, nous devrions clore toute discussion qui porte sur le préambule. Y a-t-il d'autres amendements dont nous devons débattre ou avons-nous terminé l'étude des thèmes du projet de loi C-14? Ainsi, demain, nous pourrions poursuivre le débat complet sur le projet de loi C-14, car, s'il y a d'autres amendements dont nous devons débattre en ce qui concerne le préambule, nous devrions le faire ce soir.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Il n'y a pas d'autres propositions d'amendements et il n'est pas obligatoire de proposer maintenant l'ajournement du débat sur le projet de loi C-14, à moins que, comme la sénatrice Bellemare l'a demandé, le Sénat souhaite étudier la motion sur le Comité de sélection. Sinon, nous ferons cela demain. Il n'est pas nécessaire d'ajourner le débat sur le projet de loi C-14, et la sénatrice Bellemare peut proposer la levée de la séance.

Vous souhaitez intervenir, sénateur Cowan?

(1930)

L'honorable James S. Cowan (leader des libéraux au Sénat) : J'ai une précision à donner. Nous avons terminé l'étude des propositions d'amendement du projet de loi. Nous allons demander à notre personnel de réviser tous les amendements pour veiller à ce qu'ils soient conformes, dénués d'erreurs ou d'omissions, puis nous reviendrons demain. Il n'y aura plus d'autres amendements, mais les sénateurs auront l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi en général, dans sa version amendée à l'étape de la troisième lecture. À la fin, nous voterons sur le projet de loi amendé.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Si je comprends bien, dans l'éventualité où les légistes et les greffiers trouveraient un passage qui nécessiterait des corrections découlant du travail que nous avons fait, nous devrions prévoir la possibilité que le premier point à l'ordre du jour de demain soit consacré à une correction rapide au moyen d'un amendement.

Un tel amendement ne serait pas substantiel. Il ne modifierait pas le projet de loi d'une manière non conforme au travail que nous avons fait. Ce serait simplement une correction. Mais si nous mettons fin à la phase du débat où des amendements peuvent être présentés, nous ne pourrons apporter aucune correction.

Son Honneur le Président : Nous ne mettons pas fin maintenant à cette phase. Le Bureau a reçu l'instruction d'informer le Sénat, avant que les débats ne reprennent demain, de toute correction devant être apportée au projet de loi.

Merci d'avoir soulevé ce point, sénatrice Fraser.

Sénateur Cowan, vous avez vu juste. Si nous proposons l'ajournement maintenant, il reviendra demain à la sénatrice Bellemare de décider si elle veut que nous étudiions la motion du Comité de sélection ou si nous poursuivons le débat sur le projet de loi C-14.

La sénatrice Bellemare : Votre Honneur, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, je pourrais proposer, avec le consentement du Sénat, l'adoption du rapport avant que nous revenions au projet de loi C- 14, même s'il ne s'agit pas d'une initiative ministérielle. Est-ce exact?

Son Honneur le Président : Si le Sénat le souhaite. Vous devrez avoir son consentement, sénatrice Bellemare.

La sénatrice Bellemare : Oui.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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