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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 145

Le mercredi 4 octobre 2017
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 4 octobre 2017

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le 4 octobre, nous commémorons la vie des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées.

[Français]

Je vous invite maintenant tous et toutes à vous lever pour observer une minute de silence en souvenir d’elles.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine de sensibilisation aux maladies mentales

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, nous soulignons cette semaine la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales au Canada. Du 1er au 7 octobre, l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale, ainsi que ses organismes partenaires, feront de la sensibilisation afin de faire connaître aux Canadiens la réalité vécue par les personnes atteintes de maladies mentales et de leur faire réaliser à quel point la maladie mentale est répandue dans la société.

Cette année marque le 25e anniversaire de la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales. Cette campagne de sensibilisation nationale annuelle a été lancée en 1992 par l’Association des psychiatres du Canada et c’est l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale qui coordonne aujourd’hui sa tenue en collaboration avec ses organismes partenaires et ceux qui la soutiennent partout au Canada.

Honorables sénateurs, en 2010, la Commission de la santé mentale du Canada a commandé une étude pour obtenir l’heure juste quant au nombre de personnes atteintes de maladies ou de troubles mentaux au Canada et aux coûts que cela entraîne. Une personne sur cinq au Canada a déjà eu des problèmes de santé mentale. On parle de plus de 6,7 millions de Canadiens. L’étude a également révélé que les problèmes de santé mentale pouvaient survenir tôt dans la vie d’une personne. Plus de 28 p. 100 des jeunes âgés de 20 à 29 ans ont été atteints, à un moment ou un autre au cours d’une année donnée, d’une maladie mentale. Un Canadien sur deux âgé de 40 ans aura vécu des troubles de santé mentale au cours de sa vie. Le nombre de personnes atteintes est très élevé et cela a un effet considérable sur l’économie et, bien entendu, sur la vie des Canadiens atteints et celle des membres de leur famille.

J’ai parlé à plusieurs reprises au Sénat de l’excellent rapport publié par le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé De l’ombre à la lumière : La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie et la toxicomanie au Canada. Dirigée par le président du comité, l’ancien sénateur Michael Kirby, cette étude est le fruit des efforts concertés de tous les membres du comité. À l’époque, nous nous étions beaucoup déplacés pour donner aux Canadiens de tous les horizons et de partout au pays l’occasion de participer. Le résultat brosse le tableau détaillé de l’état des politiques en matière de santé mentale et de maladie mentale au Canada, ainsi que des difficultés que vivent les Canadiens ayant des problèmes de santé mentale.

Il est difficile de croire que le rapport a été publié il y a plus de 10 ans. De grands pas ont été faits, mais il reste beaucoup à faire pour éliminer les stigmates sociaux qui accompagnent la maladie mentale. Après plus de 10 ans, il est peut-être temps pour le Sénat de réexaminer le rapport afin de constater les progrès effectués depuis sa publication, ainsi que la façon dont le paysage de la santé mentale a évolué.

Comme l’indique l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale :

Une forte stigmatisation sociétale persiste en ce qui a trait à la maladie mentale, condamnant les personnes à rester dans l’ombre et à souffrir seules et en silence. Malheureusement, beaucoup de Canadiens souffrant de maladie mentale ne chercheront pas l’aide qu’ils ont besoin et la société n’a toujours pas conscience du lourd fardeau que la maladie mentale lui impose.

Honorables sénateurs, l’objectif de cette semaine est d’accroître la sensibilisation à la maladie mentale et de réduire la stigmatisation qui y est associée. Dans le cadre de sa campagne, qui se déroule cette semaine, l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale fait part de centaines de récits personnels de gens qui vivent avec une maladie mentale. Je vous invite à vous joindre à moi pour faire connaître la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales sur vos comptes Instagram, Twitter ou Facebook ainsi que votre site web en utilisant le mot-clic #SSMM17. Le seul moyen d’éliminer les stigmates sociaux entourant la maladie mentale est de parler de la santé mentale. Alors, causons pour la cause, car ensemble nous pouvons améliorer les choses.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Todd Lasaga et de Denise Byrne Lasaga, anciennement de Terre-Neuve-et-Labrador, qui vivent à Ottawa maintenant qu’ils sont retraités.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les possibilités économiques en Asie du Sud-Est

L’honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet des possibilités de croissance économique qu’offre l’Asie du Sud-Est.

Comme nous le savons, le Canada se tourne actuellement vers l’Asie pour accroître les échanges commerciaux et stimuler l’économie. Les gouvernements canadiens qui se sont succédé ont joué un rôle dans l’établissement de ces liens commerciaux.

Sous le gouvernement Harper, le Canada a entrepris des négociations exploratoires de libre-échange avec le Japon, et il a conclu un accord de libre-échange avec la Corée du Sud. Il a également mené à bien des négociations avec 12 pays signataires du Partenariat transpacifique.

Le gouvernement actuel poursuit les pourparlers avec le Japon et participe au remaniement du PTP, dont les États-Unis se sont retirés. Par ailleurs, l’entente conclue avec la République de Chine, communément appelée Taïwan, pour éliminer la double imposition a été présentée pour ratification. J’ai été ravi d’être le parrain de cette entente au Sénat.

Quoi qu’il en soit, l’Asie du Sud-Est offre de nombreuses autres possibilités au Canada. J’exhorte le gouvernement à collaborer avec nos alliés taïwanais pour conclure un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, ou APIE, et d’inclure Taïwan dans les discussions concernant le remaniement du PTP.

Cette année, les investissements canadiens à Taïwan totalisent 800 millions de dollars et les investissements taïwanais au Canada, environ 600 millions de dollars. L’an dernier, les échanges bilatéraux entre le Canada et Taïwan se sont chiffrés à près de 7 milliards de dollars, plaçant Taïwan au onzième rang des grands partenaires commerciaux du Canada.

De nombreux sénateurs demanderont peut-être à juste titre s’il est nécessaire de conclure un APIE quand la relation entre les deux pays concernés est très bonne. Ils pourraient même ajouter que, lorsque les deux partenaires respectent le principe de la primauté du droit, comme le Canada et la République de Chine, il n’est pas nécessaire de prévoir des mesures de protection particulières à l’égard des investissements.

La réponse à cette question comporte deux volets. Premièrement, une étude réalisé par l’Institut Chung-Hua pour la recherche économique donne à croire qu’un accord d’investissement bilatéral entre nos deux pays pourrait faire décupler les investissements directs au cours des années à venir.

Deuxièmement, et peut-être plus important encore, il s’agit de montrer notre engagement envers la démocratie à l’échelle mondiale.

(1410)

Taïwan est une île, non seulement à l’échelle géographique, mais aussi sur le plan politique. C’est une démocratie solide, mais encore jeune, qui se tourne vers des démocraties bien établies comme le Canada pour obtenir du soutien. Nous devrions prendre au sérieux notre rôle en tant que phare de la démocratie.

Mesdames et messieurs, il s’agit de faire ce qui s’impose en appuyant une économie ouverte au sein d’une démocratie en pleine croissance comme la République populaire de Chine, au moyen d’un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, et de l’aider à joindre la communauté des nations résolues à adhérer au Partenariat transpacifique. Je vous remercie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’une délégation parlementaire de la Chambre des lords du Royaume-Uni, dirigée par le très honorable Peter Norman Fowler, Président de la Chambre des lords du Royaume-Uni, qui est accompagné de lady Fiona Fowler; de Mme Žana Paul, chef adjointe des Relations internationales, Overseas Office, Chambre des lords; et de M. Patrick Milner, secrétaire particulier du lord Président.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le 4 octobre, nous rendons hommage aux femmes et aux filles autochtones qui ont été assassinées ou portées disparues, ainsi qu’aux membres de leur famille. Au début de la séance, nous avons observé une minute de silence. Votre Honneur, honorables sénateurs, je vous en remercie de tout cœur.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a entrepris des audiences dans les communautés. Honorables sénateurs, nous savons déjà que les femmes et les filles autochtones sont trois fois plus susceptibles d’être portées disparues et quatre fois plus susceptibles d’être assassinées que les femmes et les filles non autochtones; que les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles d’être agressées sexuellement que les femmes non autochtones; et, enfin, que le simple fait d’être d’origine autochtone constitue un facteur de risque de subir de la violence pour les femmes, mais pas pour les hommes.

Nous devons agir maintenant, dans cette enceinte, comme nous venons tout juste de le faire, et dans nos collectivités, afin de lutter contre le racisme et le sexisme qui rend les filles et les femmes autochtones si vulnérables.

Chers collègues, vous pouvez poser deux gestes dès aujourd’hui pour montrer votre soutien : vous pouvez porter l’épinglette Sœurs par l’esprit de l’Association des femmes autochtones du Canada, qui se trouvent dans la salle de lecture, et vous pouvez écrire un message de soutien sur un cœur en papier, que vous trouverez également dans la salle de lecture. Vous pouvez en prendre un, y apposer un message et ensuite l’afficher sur votre profil Facebook ou tout autre réseau social. Vous sensibiliserez ainsi les gens à cette cause et vous montrerez à des familles et à des proches qu’ils ont votre soutien.

Aujourd’hui, d’un bout à l’autre du Canada, des Canadiens participeront à des vigiles des Sœurs par l’esprit, une initiative lancée par l’Association des femmes autochtones du Canada en 2005. Cette année, la vigile sur la Colline du Parlement a commencé plus tôt aujourd’hui, et elle est toujours en cours en ce moment. J’espère que les sénateurs ont eu l’occasion d’y participer avant notre séance, ou peut-être aurez-vous quelques instants pour vous y rendre cet après-midi. Plus de 200 vigiles de la sorte ont lieu dans l’ensemble du pays.

Nous nous réunissons le 4 octobre afin de rendre hommage à nos sœurs disparues et à leur famille. Nous nous réunissons pour montrer que nous faisons front commun. Nous nous réunissons pour mettre en lumière une situation de crise qui touche tous les Canadiens. Nous nous réunissons pour encourager tous les Canadiens à lutter contre les profonds problèmes de racisme et de sexisme qui ont fait en sorte qu’un nombre démesuré de femmes, de filles et personnes bispirituelles autochtones sont disparues ou ont été assassinées. Nous nous réunissons pour veiller à ce que d’autres sœurs, mères, tantes et grand-mères ne connaissent pas le même sort. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Shakir Rehmatullah, qui est accompagné d’Eshal Shakir. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Ataullahjan.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Shakir Rehmatullah

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous raconter l’histoire d’une belle réussite canadienne. Imaginez que votre famille doive tout quitter, se rendre dans un pays étranger et tout rebâtir. C’est ce qu’a vécu Shakir Rehmatullah, un Canadien d’origine pakistanaise qui a immigré au Canada en 1996.

Comme de nombreux Canadiens de première génération, Shakir est bien conscient des sacrifices de ses parents. C’est ce qui le motive à réussir dans tout ce qu’il entreprend. Shakir a étudié en architecture à l’Université de Miami en Floride. Son père est décédé pendant qu’il étudiait à l’étranger. Malgré la mort tragique de son père, il a persévéré et a terminé ses études loin de chez lui. Une fois ses études terminées, il est revenu au Canada pour être auprès de sa famille.

Après avoir travaillé pendant des années pour l’entreprise familiale, Shakir, muni de son diplôme d’architecture, de l’éthique de travail de son père et de son esprit entrepreneurial, a fondé l’entreprise Flato Developments. Au fil des ans, son entreprise a prospéré et Shakir est aujourd’hui un bâtisseur communautaire réputé partout en Ontario. Son bureau actuel est situé près de l’hôtel où sa famille a logé lors de sa première nuit au Canada — une preuve de sa loyauté envers la collectivité qui l’a accueilli, lui et sa famille, il y a plus de 20 ans.

Le plus remarquable dans tout cela n’est pas la réussite commerciale de Shakir, mais sa générosité et son dévouement envers les gens de sa collectivité. La liste de ses actions philanthropiques est longue, alors je n’en mentionnerai que quelques-unes.

L’hôpital Markham-Stouffville, à Markham, en Ontario, a donné le nom de Shakir à une salle d’accouchement pour le remercier de l’aide qu’il a fournie pendant des années. De plus, Shakir et son entreprise ont fait des promesses de dons à l’hôpital de Markdale, en Ontario, à l’établissement de soins palliatifs Matthews House et à l’hôpital Stevenson Memorial, à Alliston, en Ontario.

Architecte de profession, Shakir adore l’art, comme en témoigne son travail dans sa ville natale, Markham. Il s’est par exemple engagé à parrainer, pour les 20 prochaines années, le théâtre de Markham, qui est connu sous le nom de Flato Markham Theatre.

Le dévouement sans faille de Shakir envers ses concitoyens mérite d’être souligné. Il ne se contente pas de bâtir des maisons. Il est un bâtisseur de société. Shakir est présent dans les programmes artistiques locaux, dans le domaine des sports et dans les événements communautaires. Il offre deux bourses d’études dans chaque lotissement bâti par son entreprise : une bourse pour les arts et l’autre pour la construction.

Honorables sénateurs, l’histoire de Shakir montre bien que, peu importe d’où l’on vient et qui l’on est, le Canada est un endroit où tous ceux qui ont le cœur à l’ouvrage peuvent réussir. Beaucoup d’immigrés venus comme moi s’établir au Canada sont très fiers de leur nouvelle patrie, même s’ils n’y sont pas nés. Nous sommes heureux de faire preuve de générosité à l’égard du milieu qui nous a permis de nous épanouir.

Je vous prie de vous joindre à moi pour accueillir mon bon ami, M. Shakir Rehmatullah, au Sénat du Canada. Merci.

Le collège Georgian

Le cinquantième anniversaire

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, ce mois-ci, le collège Georgian célèbre le jalon important de son histoire qu’est son 50anniversaire. Situé à Barrie, en Ontario, le collège Georgian a beaucoup évolué depuis ses origines modestes, à l’époque où il n’avait que des locaux exigus pour offrir quelques cours. En 1967, il accueillait 101 étudiants dans 5 programmes. Aujourd’hui, on y trouve une population beaucoup plus importante de 11 000 étudiants à temps plein et 125 programmes. Les étudiants étrangers, en provenance de 60 pays, y sont au nombre de 1 600. Les programmes offerts vont des cours de métier aux grades universitaires en passant par les diplômes collégiaux, les certificats, les certificats d’études supérieures et les programmes novateurs de quatre ans conduisant à un diplôme collégial et un grade universitaire. Le collège possède sept campus dans le centre de l’Ontario et trois centres de services communautaires de carrière et d’emploi.

Le campus original, à Barrie, est aujourd’hui le plus grand des sept emplacements du collège Georgian, et il est devenu une collectivité dynamique à l’intérieur de la grande collectivité. En effet, il abrite des installations d’enseignement ultramodernes, comme le centre Sadlon pour la santé et le bien-être, le centre d’entrepreneuriat Henry Bernick, le centre de recherche appliquée et d’innovation et le centre du partenariat universitaire.

Le collège Georgian n’a pas seulement connu un essor géographique au cours des 50 dernières années. Il y a eu des changements relativement au profil démographique des étudiants, à la technologie et à la manière dont les gens travaillent, étudient et enseignent. Faisant preuve de leadership et offrant des programmes progressifs, le collège met l’accent sur l’apprentissage pratique et des programmes d’études améliorés, qui reflètent la culture et les traditions autochtones de la région et du Canada entier. Le collège a été un pionnier dans les domaines de l’alternance travail-études, de l’entrepreneuriat et de l’innovation sociale.

Actuellement, le collège Georgian est au premier rang provincial au chapitre de l’emploi des diplômés. En effet, 87 p. 100 d’entre eux trouvent un emploi dans les six mois qui suivent l’obtention de leur diplôme. Bien sûr, cela est attribuable au dévouement du corps professoral et du personnel, ainsi qu’à l’appui de plus de 6 000 partenaires employeurs et donateurs et du gouvernement.

Le collège Georgian s'est distingué en étant le premier collège au Canada à recevoir la désignation Changemaker Campus de l’Université Ashoka, en reconnaissance de son rôle de chef de file en matière d’innovation sociale et de de son rôle d’agent de changement dans l’enseignement supérieur. Depuis 2008, plus de 40 collèges et universités du monde ont reçu cette désignation, dont quatre universités canadiennes.

(1420)

Bien que le collège ait pris de l’expansion et évolué au cours des 50 dernières années, une chose demeure inchangée : son engagement à l’égard des étudiants. Le collège Georgian vise à accélérer leur réussite par des occasions d’apprentissage et un enseignement exceptionnels, par l’innovation et le partenariat.

J’invite les sénateurs à se joindre à moi pour féliciter les professeurs, le personnel, les étudiants et les quelque 68 000 diplômés du collège Georgian à l’occasion de son 50e anniversaire.

Les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, des vigiles sont tenues un peu partout au pays en l’honneur des femmes autochtones portées disparues ou assassinées, de leurs familles et de leurs communautés, qui ont toutes souffert.

Au total, 103 vigiles des Sœurs par l’esprit ont lieu un peu partout dans les provinces et les territoires, y compris sur la pelouse à l’extérieur du Sénat. Ces vigiles incarnent à la fois le deuil et la résilience.

[Français]

Je tiens à souligner les efforts déployés par les différentes communautés manitobaines afin de répondre à cette crise nationale.

[Traduction]

Au Manitoba, à Winnipeg, Brandon, Pinawa, Portage la Prairie et The Pas, on organise des événements en l’honneur des disparues, en solidarité avec leurs familles. L’an dernier, l’Assemblée législative du Manitoba a adopté à l’unanimité la Loi sur la Journée de sensibilisation aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées, qui avait été proposée par la députée provinciale Nahanni Fontaine, qui milite depuis longtemps pour la cause des femmes autochtones portées disparues ou assassinées.

Cela me remplit de fierté à l’égard de ma province, qui a choisi de reconnaître et de combattre la haine, le racisme, l’étroitesse d’esprit et la misogynie qui attisent la violence.

Nous reconnaissons que la violence envers les femmes et les jeunes filles est inacceptable à tous les égards, tout en sachant que les femmes autochtones au pays demeurent parmi les plus marginalisées et opprimées. Les parlementaires, peu importe qu’ils représentent les Canadiens au niveau national, provincial ou territorial, ont le devoir d’agir et de reconnaître qu’il s’agit d’une épidémie de violence de longue date et de grande portée.

[Français]

Nous devons protéger de la violence tous les membres de la société, surtout les plus vulnérables.

[Traduction]

Je porte ce foulard dans le cadre de la campagne de sensibilisation sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Je remercie la sénatrice Dyck pour l’épinglette de l’initiative Sœurs par l’esprit.

Enfin, je remercie les sénatrices qui ont fait des déclarations aujourd’hui et hier, soit la sénatrice Dyck et la sénatrice Pate, et je vous remercie, Votre Honneur, d’avoir décidé de faire observer une minute de silence aujourd’hui. Meegwetch, merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Finances nationales

Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes—Présentation du vingt et unième rapport du comité

L’honorable Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mercredi 4 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l’honneur de présenter son

VINGT ET UNIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 26 septembre 2017 à étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2018 et demande qu’il soit, aux fins de ses travaux, autorisé à :

a)embaucher tout conseiller juridique et personnel technique, de bureau ou autre dont il pourrait avoir besoin;

b)s’ajourner d’un lieu à l’autre au Canada;

c)voyager à l’intérieur du Canada.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

PERCY MOCKLER

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2450.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(L’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 17 octobre 2017, à 14 heures.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 17 octobre 2017

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 17 octobre 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

L’Union interparlementaire

La réunion du Comité sur les questions relatives au Moyen-Orient, tenue les 6 et 7 juillet 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l’Union interparlementaire concernant sa participation à la réunion du Comité sur les questions relatives au Moyen-Orient, tenue à Genève, en Suisse, les 6 et 7 juillet 2017.

[Français]

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie

La réunion du Bureau et la quarante-deuxième session ordinaire, tenues du 8 au 12 juillet 2016—Dépôt du rapport

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion du Bureau et à la 42e session ordinaire de l’APF, tenues à Antananarivo, au Madagascar, du 8 au 12 juillet 2016.

La réunion de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles, tenue les 3 et 4 mai 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles de l’APF, tenue à Cotonou, au Bénin, les 3 et 4 mai 2017.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L’impôt des petites entreprises

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. J’aimerais attirer son attention sur le Rapport sur la stabilité financière dans le monde publié hier par le Fonds monétaire international. Il y est question de la relation entre la dette des ménages et la stabilité financière et il contient une mise en garde non seulement pour le Canada, mais aussi pour ceux qui veulent investir au Canada. Les niveaux d’endettement des ménages au Canada sont trop élevés et continuent de grimper, et cela n’est pas bon pour notre économie ou n’importe quelle économie. Une des choses qui me troublent dans le rapport du FMI est qu’il indique que les investisseurs mondiaux devraient se tourner vers d’autres pays.

(1430)

Le ministre Morneau, invité à la période des questions du Sénat hier, a brossé un tableau idyllique du contexte économique actuel. Il est pourtant mieux placé que quiconque pour savoir que la croissance économique du Canada, qui est basée sur des dettes, n’est pas viable.

Le rapport du FMI montre très clairement une hausse du taux d’endettement chez les Canadiens de toutes les tranches de revenu. Par rapport aux États-Unis, notre taux d’endettement augmente, alors que ce n’est pas le cas chez nos voisins. Le gouvernement devrait être préoccupé par la situation, et non s’en réjouir. Actuellement, compte tenu des modifications fiscales proposées qui visent les petits entrepreneurs et les agriculteurs, nous constatons que le gouvernement adopte des politiques qui menaceront la croissance, en plus de nuire aux entreprises locales et à leurs employés.

Le leader du gouvernement peut-il expliquer pourquoi le gouvernement cible les petites entreprises qui investissent dans leur milieu, créent des emplois et jettent les bases d’une croissance économique stable à long terme au Canada?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. D’abord, je rappellerai aux sénateurs que le FMI — comme le sénateur l’a si bien dit — a parlé de l’endettement des ménages et a exprimé des inquiétudes à ce sujet. Le gouvernement du Canada a pris un certain nombre d’initiatives, en collaboration avec d’autres partenaires qui contribuent au bien-être macroéconomique du pays, y compris la Banque du Canada, afin de sensibiliser les Canadiens aux inquiétudes associées à l’endettement des ménages et à l’endettement responsable.

Le gouvernement a également pris des mesures pour réduire le fardeau fiscal imposé à la classe moyenne. Le ministre a parlé de certaines d’entre elles hier, y compris les réductions d’impôt prévues dans le premier projet de loi présenté par le gouvernement et l'Allocation canadienne pour enfants. Les familles de la classe moyenne ont véritablement plus d’argent dans leurs poches.

Cela dit, je tiens également à reconnaître que la croissance économique actuelle, même si elle se trouve sur la bonne voie, nécessite toujours une surveillance vigilante de la part du gouvernement. C’est pourquoi les investissements en cours dans l’infrastructure et les initiatives actuelles visant l’équité fiscale constituent des aspects essentiels de notre approche globale.

En ce qui concerne les questions liées aux petites entreprises, j’aimerais simplement répéter ce que le ministre a déclaré si clairement hier : le gouvernement n’envisage aucune mesure fiscale qui ciblera les petites entreprises et les entreprises de la classe moyenne. Les mesures ciblent plutôt les 80 p. 100 des revenus gagnés au moyen de placements passifs par environ 2 p. 100 des propriétaires de sociétés personnelles. Les sénateurs devront tenir compte de cette réalité dans le cadre de leurs délibérations sur l’équité fiscale.

Je ferai aussi référence au rapport du Fonds monétaire international dont a parlé l’honorable sénateur. L’organisation a amélioré ses prévisions concernant la croissance économique du Canada, ce qui est un signe de la croissance robuste évoquée par le ministre.

Le sénateur Smith : Je vous remercie, sénateur. L’Allocation canadienne pour enfants coûte 21 milliards de dollars au gouvernement actuel. Sous l’ancien gouvernement, elle coûtait 18 milliards de dollars. C’est ce qu’on appelle le financement par déficit qui stimule la croissance. Je présume que le Fonds monétaire international disait que ce n’est pas la meilleure approche à adopter.

Hier, à deux reprises, on a demandé au ministre des Finances pourquoi son ministère n’avait pas fait de modélisation économique pour l’ensemble des modifications fiscales proposées — et je rappelle qu’il y a trois éléments des modifications fiscales qui visent les petites entreprises et les agriculteurs. Il a répondu ceci :

Nous avons énormément travaillé sur les mesures que nous envisageons.

Ces travaux n’ont pas été menés en consultation avec le public.

Quoi qu’il en soit, aucune modélisation économique n’a été effectuée pour déterminer les répercussions économiques de toutes les modifications fiscales proposées. Cette information a été confirmée par des responsables du ministère des Finances hier lors de leur comparution devant le Comité sénatorial des finances nationales.

Hier, le ministre n’a pas pu ou n’a pas voulu fournir une réponse. Par conséquent, le leader du gouvernement pourrait-il s’informer pour nous? Pourquoi le ministère des Finances n’a-t-il pas mené ces travaux? De plus, a-t-il l’intention de le faire?

Le sénateur Harder : J’ai écouté le ministre très attentivement. Il nous a indiqué que le ministère des Finances a effectué de nombreux examens et de plusieurs études pour s’assurer que les mesures d’équité fiscale ont été bien ciblées afin d’obtenir les résultats souhaités. Dans le cadre des consultations, des intervenants, des sénateurs et des députés ont exprimé leur point de vue. Le ministre a été très clair pour ce qui est de l’orientation à adopter, c’est-à-dire que les cinq principes qu’il a énoncés hier seront ceux qui guideront le gouvernement dans son étude sur les mesures à prendre.

Attendons de voir les mesures fiscales qui seront présentées.

Le Bureau du Conseil privé

Le processus de sélection des sénateurs

L’honorable Leo Housakos : Monsieur le leader du gouvernement au Sénat, lors de la cérémonie de célébration de la vie de l’honorable Allan J. MacEachen le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau, notamment, a rendu hommage à l’un des anciens ministres ayant fait partie du Cabinet de son père. Il a parlé de l’étroite relation qui unissait Allan J. et son père et a vanté les talents extraordinaires de parlementaire d’Allan J., lui attribuant en grande partie le mérite de la Charte canadienne des droits et libertés. Le premier ministre a affirmé ce qui suit :

Allan J. comprenait que de solides institutions publiques étaient la seule façon de garantir que les simples citoyens aient une vraie chance dans la vie... Qu’ils lui en reconnaissent le mérite ou non, les Canadiens vivent dans le pays qu’Allan J. a bâti...

Bien sûr, tous mes collègues conviendront que M. MacEachen fut un éminent parlementaire, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, où il a servi avec grande distinction. Plusieurs autres personnes ont suivi la même voie que celle de M. MacEachen et ont servi au Sénat, après avoir été élues à la Chambre des communes ou à une assemblée législative provinciale. Il y a d'ailleurs plusieurs personnes qui ont suivi la même voie et qui servent à l’heure actuelle dans cette enceinte. À ma droite, il y a l’honorable sénateur Neufeld, un ancien ministre provincial. Il y a également d’anciens ministres du Cabinet fédéral, comme le sénateur Joyal, le sénateur Art Eggleton et de nombreux autres, comme le sénateur Baker. Ils servent dans cette enceinte avec grande distinction.

Voici ma question : le premier ministre Trudeau abolira-t-il la pratique ridicule qui consiste à définir les conditions d’entrée au Sénat afin de priver tous les gens qui ont déjà été politiciens du droit d’accéder à la Chambre haute du Canada?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. S’il consulte les critères sur lesquels se fonde le comité d’examen indépendant pour faire ses recommandations au premier ministre, il verra qu’il n’y a pas d’interdiction de ce genre. À ma droite se trouvent des gens qui ont déjà siégé à une assemblée législative provinciale ainsi qu’une ancienne ministre. Il n’y a donc pas du tout d’interdiction.

Cette façon de procéder est unique, parce qu’il s’agit d’un processus indépendant et que les personnes nommées siègent à titre indépendant.

Son Honneur le Président : Sénateur Housakos, si vous avez une question complémentaire, je vais vous mettre au bas de la liste pour que vous puissiez la poser après les autres questions.

La sécurité publique

L’Agence des services frontaliers du Canada—La détention d’enfants réfugiés

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, je ne vous surprendrai pas. Je vous ai déjà posé la question suivante depuis que vous être leader du gouvernement au Sénat : combien de mineurs sont actuellement détenus au Canada? Comme vous le savez et comme je l’ai souvent dit, lorsque le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, M. Goodale, est venu au Sénat, il nous a dit qu’il allait trouver des moyens de réduire le nombre de mineurs détenus ou de faire en sorte qu’il n’y en ait plus.

Combien de mineurs sont actuellement détenus? Que compte-t-on faire pour les transférer dans d’autres programmes? Quelles sont les conclusions de l’étude de la Croix-Rouge?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je vais en prendre note pour y répondre plus précisément, puisque je ne connais pas les chiffres actuels. Je profiterai aussi de l’occasion pour revoir avec le ministre les réponses aux questions qui ont été posées.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vais redonner la parole au sénateur Housakos. Je citais un article du Règlement qui traite de la présence d’un ministre au Sénat dans le but de répondre à des questions. Normalement, on permet aux sénateurs de poser une question complémentaire lorsqu’aucun ministre n’est présent.

Sénateur Housakos, si vous souhaitez poser votre question complémentaire, je vous invite à le faire.

Le Bureau du Conseil privé

Le processus de sélection des sénateurs

L’honorable Leo Housakos : Je vous remercie de votre bienveillance, Votre Honneur.

Je tiens à rappeler au leader du gouvernement au Sénat que c’est le premier ministre Trudeau qui a fait beaucoup de bruit au sujet du fait que, dans le cadre du processus, il ne ferait pas de nomination partisane ou politique. Aujourd’hui, vous donnez l’exemple d’une ancienne ministre du Cabinet.

Qu’en est-il au juste? Le premier ministre est-il honnête envers nous lorsqu’il affirme que le processus fait en sorte que les anciens politiciens et les personnes qui ne sont pas partisanes ne seront pas nommés au Sénat?

Par ailleurs, votre candidate au poste de commissaire aux langues officielles, qui s’est présentée devant le Sénat, a déclaré devant un comité de la Chambre des communes, au cours du processus d’examen, que Gerry Butts et le chef de cabinet du premier ministre l’avaient dissuadée de présenter sa candidature pour une nomination au Sénat, sous prétexte qu’elle était une ancienne ministre provinciale et qu’elle était donc inadmissible, puisqu’elle était partisane. Le cadeau qu’elle a reçu, bien sûr, c’est une nomination de la part du gouvernement pour devenir commissaire aux langues officielles.

Comme vous pouvez le constater, il faudra éclaircir ce double discours à un moment donné. Qu’en est-il au juste?

(1440)

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je suis content que vous me posiez cette question complémentaire, parce que j’ai ainsi l’occasion de répéter que le premier ministre a créé un processus transparent, indépendant et assorti de critères connus du public.

Rien n’interdit que les personnes qui ont une expérience partisane ou qui ont déjà occupé des fonctions politiques en haut lieu, comme les maires, soient nommées. L’idée, c’est plutôt que le processus en place permet de soumettre au premier ministre la candidature des personnes les plus susceptibles de faire preuve de discernement et d’indépendance et de participer activement au processus législatif.

Les finances

L’impôt des petites entreprises

L’honorable Pamela Wallin : Sénateur Harder, j’aimerais vous poser à vous une question que je n’ai pas eu le temps de poser au ministre hier. Je crois que nous lui savons tous gré d’avoir au moins admis que des changements s’en venaient et d’avoir lui-même abordé la question des investissements passifs.

Tous autant que nous sommes, nous avons reçu des centaines de courriels de Canadiens, et je tiens à dire que la plupart de ces gens — et plus particulièrement les vétérinaires, les médecins et les professionnels en général — sont choqués par la manière dont le ministre des Finances les décrit comme des bien nantis qui emploient toutes sortes de raccourcis comptables pour payer moins d’impôt. Ces Canadiens doivent faire rouler leur bureau, payer leurs employés et acheter de l’équipement pour leur clinique. J’ai ici une lettre d’une vétérinaire de Saskatoon, Altina Wickstrom. Elle explique, au sujet des investissements, ou plutôt des revenus passifs, que de nombreux vétérinaires laissent une portion de leur revenu à l’entreprise pour qu’elle puisse acheter de l’équipement, mais surtout pour que les propriétaires puissent en payer les employés et en assurer la survie si jamais ils tombaient malades. Dans bien des cas, on parle ici de bureaux ne comptant qu’un ou deux employés.

Il manque déjà de professionnels de la santé — médecins ou vétérinaires — dans les régions rurales de la Saskatchewan. Pourriez-vous me dire si, selon vous, ces mesures punitives seront modifiées et si l’argent qui est mis de côté pour assurer la survie des entreprises demeurera intouché? Dans la négative, pourriez-vous vous renseigner?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Hier, le ministre a répondu à cette question, du moins en partie, en indiquant très clairement que l’objectif du gouvernement du Canada n’était pas de pénaliser les sociétés et les personnes qui se servent de sociétés privées pour gérer leurs affaires. Le gouvernement du Canada souhaite que les gains réalisés sur les épargnes soient investis plus tard dans l’entreprise afin que les propriétaires puissent prendre de l’expansion, embaucher des employés et se servir de la Loi sur les corporations canadiennes pour garantir la stabilité de leur entreprise.

Je rappelle à l’honorable sénatrice que, comme le ministre l’a dit hier, 80 p. 100 des revenus de placements passifs au Canada sont détenus par 2 p. 100 des propriétaires de sociétés privées sous contrôle canadien.

Nous parlons d’un très petit groupe qui se sert de leurs placements dans des sociétés personnelles, je veux dire des sociétés privées, non pas pour prendre de l’expansion, mais pour mettre leurs revenus à l’abri du fisc.

[Français]

Le patrimoine canadien

La politique culturelle

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte sur les orientations et le contenu de la nouvelle politique culturelle canadienne qu’a annoncée récemment la ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, l’honorable Mélanie Joly. Depuis cette annonce, vous conviendrez, honorables collègues, que les Canadiens ont posé de nombreuses questions et que plusieurs de ces questions sont toujours sans réponse.

Évidemment, nous reconnaissons les mesures positives que contient cette politique, comme la révision de la Loi sur la radiodiffusion, de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur le droit d’auteur, ainsi que la réforme de la Commission du droit d’auteur. Ce sont des mesures positives que nous applaudissons.

Nous reconnaissons également que le financement supplémentaire consacré au Fonds des médias du Canada pour pallier la diminution de plus en plus importante des revenus provenant des câblodistributeurs qui versent actuellement 5 p. 100 de leurs revenus à ce fonds est une très bonne initiative.

Or, nous savons que le gouvernement a signé une entente avec la plateforme de diffusion en continu et de production américaine Netflix, et que cette compagnie s’engage à investir 100 millions de dollars par année sur cinq ans en faveur de la production canadienne, et ce, en se voyant dispensée de payer environ 230 millions de dollars de TVA par an, une entente qui est perçue comme très inéquitable sur le plan fiscal.

Enfin, nous savons que Netflix investira une somme supplémentaire de 25 millions de dollars en faveur d’une stratégie de développement du marché pour le contenu et la production francophones du Québec et, en principe, de l’extérieur du Québec, comme l’a annoncé la ministre dans son discours inaugural à l’Economic Club of Canada.

Or, depuis ce premier discours et à de nombreuses reprises au sujet de cette dernière question, lors d’entrevues données à plusieurs émissions de télévision et de radio de la Société Radio-Canada, la ministre a affirmé que ces 25 millions de dollars étaient destinés au développement du marché québécois — ce dont nous sommes reconnaissants —, mais elle n’a pas mentionné les autres communautés francophones du pays.

Son Honneur le Président : Quelle est la question?

Le sénateur Cormier : Compte tenu de la confusion qu’ont engendrée les propos de la ministre, à quoi peuvent s’attendre les producteurs francophones qui œuvrent à l’extérieur du Québec? Quelle proportion des 25 millions de dollars sera versée aux communautés francophones en situation minoritaire?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question, surtout de son préambule, avec lequel je suis d’accord.

Permettez-moi simplement de réaffirmer que le gouvernement du Canada est très heureux d’être le premier gouvernement au monde à conclure une telle entente avec Netflix. Cette entente n’élimine pas les obligations qu’impose le code fiscal canadien à Netflix. Il s’agit d’un progrès important.

Comme je l’ai mentionné l’autre jour, la somme de 25 millions de dollars est expressément pour le développement des communautés francophones en situation minoritaire. La ministre a indiqué qu’elle consulte actuellement des groupes d’intervenants dans l’ensemble du Canada et qu’elle apportera des précisions au processus dans les jours à venir.

[Français]

Le sénateur Cormier : Pouvez-vous nous dire si la ministre entend dévoiler le contenu de l’entente signée avec Netflix afin d’éclairer les Canadiens et les Canadiennes quant à l’impact de cette entente sur la production canadienne, notamment sur la production francophone au Québec et au sein des communautés francophones en situation minoritaire à l’extérieur du Québec?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Comme je l’ai indiqué, je porterai ce sujet à l’attention de la ministre avec plaisir. Je sais qu’elle mène justement des consultations sur ce genre de questions. L’intérêt de l’honorable sénateur sera un facteur important.

Les ressources naturelles

L’étude des répercussions de la taxe sur le carbone—Le Nunavut

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur l’imminente imposition d’une taxe sur le carbone au Nunavut — et vous me pardonnerez de parler d’une taxe sur le carbone plutôt que de la tarification du carbone.

En avril dernier, je vous ai demandé si le Nunavut aurait droit à un sursis, à un report de la date d’instauration d’une taxe sur le carbone, prévue pour 2018. Le Nunavut, comme vous le savez, dépend complètement de produits pétroliers importés pour les besoins de la vie quotidienne — le chauffage, l’électricité et le transport. Il s’agit de 209 millions de litres par année au total. Vous m’aviez indiqué dans votre réponse — dont je vous remercie — qu’une étude conjointe était en cours sur les répercussions de la tarification du carbone au Nunavut et que cette étude devait être terminée à l’automne. Cette étude est liée à la promesse du gouvernement fédéral de travailler avec les territoires pour trouver des solutions adaptées à leur situation bien particulière, dont le coût de la vie élevé, les questions énergétiques, les problèmes liés à la sécurité alimentaire et les nouvelles économies.

Pouvez-vous nous dire quand cette étude sera terminée?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement s’attend à ce que l’étude soit terminée cet automne.

Le sénateur Patterson : Donc, nous n’avons pas les résultats de l’étude sur les répercussions d’une taxe sur le carbone pour le territoire qui affiche le coût de la vie le plus élevé au pays à l’heure actuelle. Le taux de chômage est de 16,3 p. 100. De plus, des élections sont prévues pour le 30 octobre et la formation d’un nouveau gouvernement, pour la fin de l’année.

Étant donné les circonstances uniques du Nunavut dont fait état le cadre pancanadien, la publication à un moment inopportun de l’étude sur les répercussions de la tarification du carbone et la possibilité d’élections imminentes, le gouvernement pourrait-il envisager de reporter la date d’entrée en vigueur de la taxe sur le carbone qui, aux termes du cadre pancanadien, est censée s’appliquer au Nunavut à compter du 1er janvier 2018?

Le sénateur Harder : Je remercie encore l’honorable sénateur de sa question et de sa proposition.

(1450)

Le gouvernement du Canada espère que les négociations et les discussions en cours pourront faire avancer les choses selon un calendrier permettant de tenir les engagements qui ont été pris. Je signalerai aux responsables la suggestion du sénateur quant au report de la date d’entrée en vigueur et je déterminerai si cette demande s’inscrit dans les discussions et dans les conclusions du rapport.

La défense nationale

Les achats d’aéronefs

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les Canadiens sont très inquiets du fiasco de la stratégie d’achat d’avions de combat et de ses suites. Le gouvernement a tout d’abord déclaré qu’il n’achèterait pas le F-35, le seul avion de combat de ce type sur le marché. Il a dit ensuite qu’il ferait l’acquisition d’une flotte provisoire de F-18 Super Hornet. En même temps, il a remis à plus tard la question du remplacement de la flotte. Nous apprenons aujourd’hui que le gouvernement pourrait acheter des Super Hornet usagés de l’Australie ou du Koweït, pays qui comptent se débarrasser de ces avions de deuxième classe, les F-35 étant désormais disponibles sur le marché.

Nous avons, monsieur, une armée de l’air de premier ordre qui doit disposer d’avions de premier ordre. Pourquoi le gouvernement juge-t-il opportun de remplacer nos aéronefs vieillissants avec des avions de brocante désuets et en mauvais état?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je le redis, le gouvernement a mis en place un processus d’appel d’offres tout à fait public pour remplacer les CF-18. Parallèlement, il a pris des engagements budgétaires précis pour équiper les forces armées, car, comme l’a laissé entendre l’honorable sénatrice, nos forces de combat méritent ce qu’il y a de mieux en équipement et cet équipement doit répondre aux besoins de l’armée dans son ensemble.

En ce qui a trait au remplacement des CF-18, le ministre responsable du dossier et le reste du gouvernement examinent les meilleures façons de mettre en place des solutions qui rendront possible l’acquisition à long terme de 88 autres aéronefs pour remplacer les CF-18, ce qui pourrait inclure une solution provisoire. Le gouvernement étudie toujours le dossier et aucune décision n’a encore été prise.

La sénatrice Stewart Olsen : Il y a un vieil adage romain qui dit : « Si tu veux la paix, prépare la guerre. » Dans le contexte actuel, il y a lieu de s’attendre à ce que l’on demande au Canada d’intervenir pour appuyer ses alliés.

Monsieur le leader, auriez-vous l’amabilité d’informer M. Trudeau que le monde n’est pas toujours un endroit ensoleillé et que nos soldats ont besoin du meilleur équipement possible pour l’affronter?

Le sénateur Harder : C’est en effet la prémisse de départ du gouvernement actuel, et c’est pourquoi il a réalisé d’importants investissements pour fournir aux Forces armées canadiennes diverses pièces d’équipement qui avaient, en toute franchise, été négligées au cours de la dernière décennie. Ce matériel et ces acquisitions témoignent de l’engagement du gouvernement actuel à fournir l’équipement approprié aux forces armées en temps opportun.

La réalité, comme l’honorable sénatrice le sait par expérience, est simplement que le processus d’approvisionnement n’avance pas toujours en ligne droite ou rapidement.

Les finances

L’analyse comparative entre les sexes—Les programmes pour les femmes

L’honorable Marilou McPhedran : Comme je n’ai pas eu le temps de poser de question au ministre Morneau, j’aimerais demander ceci au représentant du gouvernement au Sénat : le gouvernement lèvera-t-il le secret qui entoure la méthodologie et les résultats de l’analyse comparative entre les sexes qu’il a utilisée dans son processus budgétaire? Quelles mesures le gouvernement est-il prêt à prendre pour fournir aux organismes de défense des droits des femmes les ressources et l’accès nécessaires pour être en mesure de participer à l’élaboration des politiques et de fournir au gouvernement des conseils d’experts en matière de politiques qui vont au-delà de ceux des seuls ministères? Est-il disposé à financer directement les organisations de femmes canadiennes en augmentant l’enveloppe budgétaire du Programme de promotion de la femme de Condition féminine Canada, qui représente, notons-le, seulement 1/110e de 1 p. 100 de l’ensemble des dépenses de programmes fédérales?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de poser cette question et j’aurais souhaité qu’elle ait le temps de la poser directement au ministre. Je vais simplement dire deux choses.

J’ai été ravi, comme j’espère qu’elle l’a été, d’entendre que, parmi les cinq principes qui guideront le gouvernement lors des consultations, il y a, en fait, une analyse comparative entre les sexes, pour veiller à ce que les mesures que prendra dorénavant le gouvernement n’aient pas d’autres conséquences inattendues.

Pour ce qui est de la question en tant que telle, je me ferai un plaisir de la transmettre au ministre et d’y répondre ici même en temps et lieu.

La sénatrice McPhedran : Plus précisément, pourriez-vous lui demander la raison pour laquelle le processus est secret? L’expertise ne se trouve pas au sein du gouvernement, mais à l’extérieur. Nous ne savons pas ce que fait le gouvernement. Pourrions-nous savoir pourquoi c’est un processus secret?

Le sénateur Harder : J’ai supposé que cela faisait partie de la question initiale.

La sénatrice McPhedran : Merci.

Les affaires autochtones et du Nord

La détermination des traitements médicaux

L’honorable Donald Neil Plett : Ma question s’adresse une fois de plus au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, la semaine dernière, quand je vous ai posé une question au sujet de la conduite de députés libéraux à une réunion de comité, vous avez déclaré ce qui suit :

Je suis le représentant du gouvernement du Canada au Sénat et je suis heureux de répondre aux questions concernant le gouvernement du Canada.

Cela dit, j’ai bien hâte de vous entendre répondre aujourd’hui, au nom du gouvernement du Canada, à la question suivante.

Le gouvernement libéral, le gouvernement du Canada, vient de dépenser plus de 110 000 $, dans le cadre d’un litige qui l’oppose à une adolescente des Premières Nations, pour ne pas avoir à payer un traitement orthodontique qui ne coûte que 6 000 $.

Il s’agit du même gouvernement qui a tout bonnement donné plus de 10 millions de dollars au terroriste Omar Khadr en concluant une entente à l’amiable pour éviter des frais juridiques excessifs.

Comment le gouvernement du Canada décide-t-il quelles batailles juridiques valent les dépenses, et quel message, d’après vous, cela envoie-t-il à la jeune Autochtone et à sa famille, au sujet des priorités du gouvernement?

Des voix : Bravo!

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et de l’intérêt qu’il porte à cet enjeu. Je serai heureux d’y répondre après en avoir parlé avec la ministre intéressée.

Le sénateur Plett : Vous parlez au nom du gouvernement. Monsieur le leader, pensez-vous que dépenser 110 000 $ pour éviter qu’une jeune Autochtone se fasse rembourser un traitement dentaire est un bon emploi de l’argent des contribuables?

Le sénateur Harder : Contrairement à l’honorable sénateur, je ne peux pas exprimer mes opinions tout à fait librement, en raison de mon rôle de représentant du gouvernement au Sénat.

Le sénateur Plett : Voyons; répondez à une question.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il a été porté à mon attention que les exemplaires du 21e rapport du Comité des finances nationales qu’on vous a remis aujourd’hui contenaient une coquille à la dernière page, soit à l’annexe B. On y indique la somme recommandée au Sénat par le Comité de la régie interne qui sera mise à la disposition du Comité permanent des finances nationales si le Sénat adopte le rapport. La version du rapport qu’a présentée le sénateur Mockler était exacte et contenait le montant juste dans l’annexe B.

Donc, ce que nous allons faire maintenant, honorables sénateurs, est de distribuer des exemplaires de la version juste de l’annexe B, avec les montants précis indiqués.

Projet de loi sur le précontrôle (2016)

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Mitchell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-23, Loi sur le précontrôle (2016). Je tiens à prendre le temps qui m’est alloué aujourd’hui afin de parler de trois enjeux liés à ce projet de loi.

(1500)

Le premier enjeu, ce sont les mesures du projet de loi visant à assurer la fluidité des échanges commerciaux et des déplacements à la frontière canado-américaine. Cet aspect, qui est au cœur du projet de loi et de l’accord dont il découle, est d’une importance fondamentale.

Le deuxième enjeu, ce sont les inquiétudes soulevées par de nombreux groupes au sujet de certaines dispositions du projet de loi. En tant que sénateurs, nous devrons voir à ce que toutes ces inquiétudes soient prises en compte.

Le dernier enjeu, c’est ce que je considère comme une approche incohérente de la part du gouvernement à l’égard du commerce et des déplacements transfrontaliers.

Le gouvernement a soutenu à maintes reprises qu’il est important de faciliter les passages frontaliers et de jeter des bases solides pour assurer des échanges commerciaux et des déplacements transfrontaliers sans heurt. Cependant, ce projet de loi a traîné au Feuilleton de la Chambre des communes pendant toute une année avant d’être enfin remis à l’étude, le printemps dernier. Or, le projet de loi vise à mettre en œuvre un accord conclu par le gouvernement précédent il y a deux ans et demi. J’insiste sur le fait que cet accord date de deux ans et demi.

Cette situation témoigne d’une incohérence dans l’approche du gouvernement, et j’estime qu’il est important d’y remédier, car cela envoie des messages très contradictoires.

J’aimerais d’abord souligner l’importance de ce projet de loi. Au cours des deux dernières années, le Sénat s’est déjà penché sur des projets de loi fondés sur le travail du gouvernement conservateur précédent.

Dans ce cas-ci, l’accord entre le Canada et les États-Unis a été conclu en mars 2015. Il visait à faciliter le commerce et les déplacements transfrontaliers, notamment en réduisant le temps d’attente et en éliminant, si possible, les mesures de contrôle redondantes afin d’assurer la fluidité des déplacements aux postes frontaliers.

Nous profitons des avantages du précontrôle dans le transport aérien depuis maintenant 60 ans. En fait, le précontrôle dans ce secteur est si courant que nous le tenons souvent pour acquis. Chaque année, les installations de précontrôle voient défiler quelque 12 millions de passagers. Elles veillent à ce que les touristes et les voyageurs d’affaires fassent l’objet d’une vérification avant de monter à bord de l’avion en sol canadien.

Ainsi, il est possible d’éviter des délais qui seraient longs et certainement coûteux s’il fallait contrôler les voyageurs canadiens du côté américain de la frontière.

[Français]

Le nouvel accord propose de faire bénéficier les autres moyens de transport transfrontalier des avantages du précontrôle dans le transport aérien.

C’est un objectif important. Chaque jour, près de 400 000 personnes traversent la frontière terrestre canado-américaine, tout comme plus de 2 milliards de dollars en biens et services. Ces activités sont essentielles à la prospérité économique des deux pays. Le commerce libre et ouvert crée des emplois, de la croissance et de la prospérité à long terme.

Certains des avantages liés à l’élargissement du précontrôle sont immédiatement évidents. Par exemple, les trains de voyageurs à destination des États-Unis ne seront plus obligés d’arrêter à la frontière, puisque l’inspection des passagers se fera avant le départ du train. De la même façon, les passagers qui empruntent le traversier pour se rendre aux États-Unis jouiront d’avantages semblables.

Ces avantages importants — je suis fier de le dire — seront offerts à plusieurs emplacements dans ma province, notamment à l’aéroport Jean-Lesage de Québec et à la Gare centrale de Montréal.

Bref, l’accord permettra de nouvelles retombées qui seront importantes à la fois pour l’économie et les déplacements des Canadiens, qu’il est essentiel de comprendre et de reconnaître.

Cela dit, nous devons tout de même être conscients des préoccupations qu’ont suscitées certaines des dispositions du projet de loi et des implications possibles de ces mesures sur les libertés civiles et la souveraineté du Canada.

[Traduction]

Il est vrai que les dispositions du projet de loi C-23 accordent des pouvoirs accrus aux agents américains des douanes et de la protection de la frontière qui travaillent au Canada. La mesure législative étendra les pouvoirs de ces agents américains à plusieurs égards.

Les articles 21 à 24 accroissent les pouvoirs des agents américains en ce qui concerne les fouilles autorisées. L’accord octroie également à ces agents le pouvoir d’exiger des renseignements dans les cas où un voyageur décide de quitter les installations de précontrôle.

Le projet de loi prévoit aussi que les autorités américaines peuvent exercer leur priorité de juridiction en matière pénale pour les agents américains travaillant au Canada qui sont accusés d’avoir commis une infraction dans le cadre de leurs fonctions.

Des groupes ont soulevé d’autres inquiétudes au sujet des pouvoirs accordés aux autorités américaines qui leur permettent de déterminer qui peut travailler dans des installations de précontrôle en sol canadien. Il faudra veiller à ce que ces dispositions soient défendables et raisonnables. En fait, l’ensemble de ces dispositions présentent des implications importantes. Elles nécessitent donc un examen.

Il sera crucial pour le comité sénatorial qui étudiera le projet de loi d’entendre des témoins sur les façons précises dont ces dispositions s’appliqueront concrètement et sur la possibilité de répondre aux préoccupations soulevées au moyen de l’accord.

En ce qui a trait à ces dispositions, le comité doit prendre le temps de bien les comprendre afin de faire des recommandations ou de proposer des amendements réalisables et jugés nécessaires.

Dans nos débats sur ces questions, je crois que nous devons être conscients de l’intégration et de la concertation croissantes des approches canadienne et américaine en matière de sécurité frontalière. Dans de nombreux cas, les autorités des deux pays collaborent déjà et travaillent de façon intégrée. C’est notamment le cas des équipes intégrées de la police des frontières et des programmes comme le projet Shiprider.

Il faudra tenir compte de ces approches plus larges dans notre étude des dispositions du projet de loi C-23.

Enfin, je voudrais parler de ce que je considère comme une approche plutôt incohérente de la part du gouvernement en ce qui concerne la frontière.

D’un côté, le gouvernement a maintes fois répété à quel point il était important de collaborer avec les Américains pour faciliter les déplacements et le transport transfrontaliers, et, de l’autre, le gouvernement a attendu jusqu’en juin 2016 avant de déposer le projet de loi C-23 à l’autre endroit, plus d’un an après la négociation de cette entente importante par le gouvernement précédent avec les États-Unis. Sénateur Harder, ce n’est pas le Sénat qu’il faut blâmer pour le retard.

Le gouvernement a attendu une autre année avant de faire progresser le projet de loi à la Chambre des communes. Il a même fallu neuf mois avant qu’on procède à l’étape de la deuxième lecture après le dépôt de la mesure législative.

Soit le gouvernement souhaite faciliter les passages transfrontaliers, soit il ne s’en soucie pas. La lenteur de la progression de ce projet de loi me fait douter de l’authenticité des prétentions du gouvernement, qui dit accorder à cette question la priorité nécessaire.

À l’évidence, il a fallu l’intervention de notre ambassadeur à Washington pour que le projet de loi progresse. Lorsqu’il est venu témoigner au Comité sénatorial des affaires étrangères au printemps dernier, l’ambassadeur MacNaughton a dit ce qui suit au sujet du projet de loi :

[…] je commence à trouver cela un peu gênant. J’ai beaucoup insisté auprès des Américains, et maintenant, ce sont eux qui veulent savoir où nous en sommes avec nos mesures.

En réalité, les Américains se sont déjà dotés, à l’époque où Obama était au pouvoir, d’une loi de mise en œuvre. Pendant ce temps, le gouvernement canadien a laissé les choses traîner.

À ce que je sache, on ne nous a jamais expliqué de manière satisfaisante pourquoi il en est ainsi, mais je crois que ce serait bien si le comité du Sénat posait la question aux témoins qu’il entendra.

En terminant, je considère qu’il est important que cette mesure législative aille enfin de l’avant.

[Français]

L’accord en tant que tel est important pour le Canada, mais je suis d’avis qu’il reste des enjeux importants qu’il faut examiner de près afin de bien les comprendre. Ce rôle reviendra au comité sénatorial, et je suis heureux d’appuyer le renvoi de ce projet de loi au comité approprié pour qu’il y soit dûment étudié.

Je vous remercie, chers collègues.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je parlerai moi aussi du projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis.

J’aimerais tout d’abord féliciter le sénateur Black de ce qui fut une allocution extrêmement intéressante. Il a expliqué en quoi le précontrôle au Canada et aux États-Unis sert les intérêts de tous. Comme il a amplement détaillé les avantages du précontrôle, je ne reviendrai pas là-dessus.

J’aimerais aussi remercier le sénateur Housakos de l’allocution tout aussi intéressante qu’il vient de faire. Il a bien entendu abordé certains points dont le sénateur Black n’avait pas parlé.

En ce qui me concerne, je parlerai surtout des effets qu’aura ce projet de loi sur les droits des Canadiens, car j’estime qu’il s’agit d’un point sur lequel le comité sénatorial devrait se pencher.

Même si c’est dans un but tout à fait admirable que les gens font des échanges commerciaux et traversent la frontière, je me demande parfois si ces avantages sur le plan économique ne se font pas au détriment des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Voilà pourquoi je consacrerai le temps de parole qui m’est alloué aujourd’hui à trois grands enjeux relatifs à la Charte.

J’aimerais tout d’abord que le comité s’intéresse aux réserves exprimées par le commissaire à la protection de la vie privée en mai dernier. Ce dernier s’inquiète du fait que, en vertu du projet de loi C-23, les contrôleurs américains auront le droit de fouiller les appareils électroniques des personnes qui veulent entrer sur le territoire des États-Unis et pourront les obliger à divulguer le mot de passe de leur téléphone cellulaire et de leurs comptes de réseaux sociaux sans aucun motif juridique.

(1510)

Cette modification contrevient carrément à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui interdit toute fouille ou saisie abusive. En fait, la Cour suprême s’est déjà prononcée sur cette question à plusieurs reprises.

Par exemple, dans l’arrêt R. c. Vu, la Cour suprême a statué que les enquêteurs doivent obtenir une autorisation expresse d’un tribunal avant de consulter les données enregistrées dans un ordinateur ou un téléphone cellulaire, à moins que des circonstances exceptionnelles ne rendent la fouille nécessaire.

Un an plus tard, la Cour suprême est allée plus loin en rendant une décision historique dans l’affaireR. c. Spencer, statuant que la protection contre les fouilles et les saisies abusives, prévue dans l’article 8 de la Charte, donne aux Canadiens le droit de garder l’anonymat à l’égard de leurs activités en ligne.

Compte tenu de ces arrêts, il est inquiétant de voir que le projet de loi C-23 permettrait à des contrôleurs des États-Unis de fouiller des appareils électroniques et d’exiger des mots de passe, presque sans aucune restriction. À cet égard, je cite le commissaire à la protection de la vie privée :

La fouille d’un appareil électronique est une procédure extrêmement envahissante sur le plan de la vie privée. La Cour suprême l’a reconnu à maintes occasions.

Je comprends que les agents de l’État peuvent être investis d’un plus grand pouvoir pour effectuer des fouilles à la frontière, mais il est peu probable que les tribunaux canadiens considéreraient comme respectueuses de la Constitution des fouilles sans fondement d’appareils électroniques ou de comptes personnels sur des réseaux sociaux.

Honorables sénateurs, de nos jours, les appareils électroniques contiennent une foule de renseignements personnels à notre sujet. Il faut faire en sorte que les contrôleurs américains ne puissent pas effectuer des fouilles d’appareils électroniques que les agents canadiens ne sont clairement pas autorisés à faire.

Je suis également préoccupée par le fait que l’article 22 du projet de loi C-23, permettrait aux contrôleurs américains d’effectuer des fouilles à nu s’ils ont des « motifs raisonnables de soupçonner » qu’un voyageur cache des biens dangereux.

Pire encore, le projet de loi C-23 prévoit que les Américains doivent demander qu’un agent canadien procède à la fouille, mais les agents américains disposent de plusieurs façons de contourner cette mesure de protection. En effet, les agents américains peuvent tout simplement effectuer la fouille eux-mêmes si l’agent canadien refuse de le faire ou si aucun agent canadien n’est disponible au moment voulu.

Cette disposition m’inquiète, parce que la Cour suprême a pris position très clairement au sujet des fouilles à nu. Selon ce que nous a dit le sénateur Black, dont je respecte les propos, il n’y a eu que deux fouilles à nu jusqu’à maintenant, mais nous sommes en train de permettre aux agents d’un gouvernement étranger d’effectuer des fouilles à nu dans notre pays.

Dans l’affaire R. c. Golden, la Cour suprême a clairement indiqué que les fouilles à nu ne pouvaient être effectuées que lorsque c’est clairement nécessaire et qu’il fallait, pour ce faire, que la fouille soit effectuée par une personne de même sexe, avec la permission d’un supérieur.

La Cour suprême a décidé aussi qu’une fouille à nu ne respectant pas ces critères serait une violation du droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, qui est prévu à l’article 8 de la Charte.

Or, le projet de loi C-23 permettra aux contrôleurs américains d’effectuer des fouilles à nu sans obtenir quelque autorisation que ce soit, simplement parce qu’on soupçonne une personne de transporter un objet dangereux. Si cette disposition du projet de loi n’en est pas retirée, des fouilles à nu inconstitutionnelles pourraient avoir lieu.

Ma dernière objection concerne les changements relatifs au droit du voyageur de se soustraire au précontrôle, qui sont énoncés à l’article 30 du projet de loi.

Le projet de loi C-23 prévoit que le voyageur se soustrayant au précontrôle sera tenu de :

[…] répondre véridiquement à toute question […] par le contrôleur aux fins d’identification ou de vérification des motifs pour lesquels il se soustrait […]

Les mots « aux fins de » sont particulièrement inquiétants dans ce contexte. Le contrôleur pourra demander au voyageur bien plus que son nom et les motifs pour lesquels il se soustrait. Sous prétexte de vérifier les motifs du voyageur, le contrôleur pourrait lui poser des questions indiscrètes sur ses opinions politiques, ses croyances religieuses ainsi que son comportement et ses associations passés.

Le pire de tout, c’est que le voyageur n’aura aucun recours s’il ne veut pas répondre aux questions. Dans le cas où il garderait le silence ou voudrait partir, il pourrait être détenu et arrêté pour avoir refusé de répondre véridiquement aux questions d’un contrôleur, ce qui contreviendrait à l’article 37, ou pour avoir entravé un contrôleur, ce qui contreviendrait à l’article 38.

Cela va à l’encontre de l’un des droits les plus fondamentaux garantis par la Charte, à savoir le droit de garder le silence, qui est prévu aux articles 7, 11 et 13. Comme le savent les honorables sénateurs, même avant l’adoption de la Charte, le droit de garder le silence était déjà un des grands principes de notre beau pays. Ce projet de loi nous enlèverait ce droit.

Ensemble, ces articles font en sorte que les Canadiens ne peuvent pas être contraints à faire une déclaration qui pourrait les incriminer et que toute déclaration donnée sous l’effet de la contrainte ne peut pas être utilisée contre la personne dans toute poursuite intentée.

Conformément au projet de loi C-23, les voyageurs pourraient être détenus ou arrêtés s’ils refusent de parler ou s’ils tentent de partir alors qu’on essaie de les contraindre à parler, même s’ils ont de bonnes raisons de garder le silence, par exemple parce qu’ils refusent d’être la cible de préjugés ou d’être forcés à révéler des renseignements personnels délicats.

Les Canadiens ont donc deux possibilités : parler ou être détenus. Dans un cas comme dans l’autre, on viole un droit. Si la personne refuse de parler, elle sera arrêtée pour avoir exercé son droit de garder le silence, un droit qui est bien ancré dans notre société. Si elle parle, c’est qu’elle est contrainte à mettre de côté les droits qui lui sont garantis par la Charte.

Il n’est pas question ici d’une situation théorique. Ce genre de situation est déjà arrivée. Ainsi, honorables sénateurs, en février dernier, Fadwa Alaoui, qui habite Montréal, s’est rendue à l’aéroport pour prendre un avion à destination du Vermont avec ses enfants pour aller faire des achats. Alors qu’elle s’apprêtait à monter à bord de l’avion, des agents américains l’en ont empêchée et lui ont dit qu’elle ne pouvait pas passer la frontière. Lorsque Fadwa a voulu partir, les agents américains lui ont posé des questions indiscrètes au sujet de sa religion et de son opinion sur Donald Trump. Heureusement, elle a pu exercer son droit de ne pas répondre à des questions manifestement inacceptables.

Si le projet de loi est adopté, des expériences comme celle de Fadwa pourraient se terminer bien différemment. Les contrôleurs pourraient penser que le retrait de Fadwa est attribuable à ses opinions sur sa foi ou Donald Trump, surtout dans le monde d’aujourd’hui où les musulmans sont souvent ciblés de façon injuste aux frontières américaines.

Si des voyageurs souhaitent quitter une entrevue de précontrôle, ils devraient être à l’abri des questions inappropriées des agents frontaliers américains et ne devraient pas craindre d’être détenus pour avoir exercé leur droit au silence.

Maintenant que le projet de loi sera étudié au comité, les honorables sénateurs devraient aussi examiner attentivement les lacunes possibles dans les mesures de protection qui sont censées protéger les droits des voyageurs canadiens.

La première de ces mesures de protection est l’article 11, qui dit que les activités de précontrôle au Canada doivent être menées conformément au droit canadien, notamment à la Charte, afin que les contrôleurs américains ne violent pas les droits des Canadiens. Je suis préoccupée par le fait qu’un autre article du projet de loi rend cette protection inefficace.

Bien que l’article 11 soit peut-être efficace à lui seul, il est entièrement invalidé par le paragraphe 39(2), qui accorde aux contrôleurs américains l’immunité contre toute forme de poursuite au civil.

Toute plainte en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés peut seulement donner lieu à des poursuites au civil. Ainsi, les contrôleurs américains seraient assujettis à la Charte et à d’autres lois pénales sur les droits de la personne, mais ne subiraient aucune conséquence s’ils enfreignaient ces lois.

L’article 30 du projet de loi C-23 pourrait régler le problème en permettant aux Canadiens d’intenter des poursuites au civil contre le gouvernement américain devant des tribunaux canadiens en ce qui concerne les actes des contrôleurs.

Cependant, le plaignant n’aurait aucune chance dans une telle situation. Dans toute l’histoire judiciaire du Canada, un Canadien n’a jamais obtenu gain de cause dans une affaire civile contre le gouvernement américain.

Autrement dit, si le projet de loi C-23 est adopté dans sa version actuelle, les contrôleurs américains n’auront aucune raison de respecter la Charte, et les Canadiens n’auront aucun recours s’ils veulent réclamer justice pour la violation de leurs droits fondamentaux.

Honorables sénateurs, lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, nous devrons nous assurer que les mesures de protection que le gouvernement y a incluses seront efficaces. Il faut pouvoir tenir les contrôleurs américains responsables de leurs actes s’ils violent les droits des Canadiens.

Honorables sénateurs, plusieurs raisons ont été avancées pour justifier les risques de violation des droits des Canadiens que suppose le projet de loi C-23. Or, j’estime qu’il n’est jamais justifié de sacrifier les droits des Canadiens.

(1520)

Certains soutiennent que cela vaut mieux qu’une violation des droits des Canadiens aux États-Unis, où ils ne sont pas protégés par la loi canadienne. À mon avis, une telle chose est inacceptable parce que, de cette façon, le Canada serait complice de la violation des droits des Canadiens.

D’autres soutiennent que c’est acceptable en raison des avantages économiques du précontrôle. Or, l’exécutif ne peut pas sacrifier nos droits pour des avantages économiques. Ces droits appartiennent à tous les Canadiens.

Enfin, on fait souvent valoir que nous devons appuyer cette mesure parce qu’il s’agit du fruit d’une entente que nous avons conclue avec les États-Unis. Il s’agit d’un argument auquel je m’oppose vivement.

Les droits prévus par la Charte sont inviolables, et on ne doit pas les utiliser pour négocier des ententes comme celle qui a mené à la création du présent projet de loi.

En tant que Canadiens, nous comprenons que nos droits sont les éléments les plus importants de notre démocratie et de notre vie. C’est pourquoi la Charte canadienne des droits et libertés fait partie de la Constitution au lieu d’être une simple loi.

Pour cette raison, honorables sénateurs, je vous exhorte à tenir compte de ces articles problématiques lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.

Honorables sénateurs, j’ai longuement réfléchi avant de décider si je devais prononcer ce discours et s’il devait être entendu, mais j’estime faire preuve d’une franchise absolue. Je crois vraiment que nous devons faire du commerce, mais nous ne devrions jamais autoriser l’exécutif du gouvernement à sacrifier les droits prévus à la Charte canadienne des droits et libertés.

Il s’agit d’un droit que le Sénat doit protéger. Voilà pourquoi notre assemblée a été formée : pour protéger les droits des Canadiens. Si nous manquons à notre devoir en ce qui a trait à ce projet de loi, il n’y aura rien d’autre à ajouter, parce qu’il est de notre devoir de défendre les droits des Canadiens.

Honorables sénateurs, je ne dis pas que nous devrions rejeter ce projet de loi, mais je pense que nous devons l’étudier attentivement afin que, en tant que sénateurs, nous veillions à protéger les droits des Canadiens. Je vous remercie.

L’honorable Nancy Greene Raine : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur le Président : Honorable sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à une question?

La sénatrice Jaffer : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Raine : Je vous remercie de votre analyse réfléchie et stimulante du projet de loi. Pendant que je vous écoutais, je me suis mise à réfléchir à un autre groupe de personnes qui franchissent la frontière. Je parle des touristes que nous accueillons au Canada et qui, souvent, participent à un voyage qui comprend un séjour aux États-Unis.

Avez-vous eu l’occasion d’étudier en quoi consistent leurs droits lorsqu’ils font l’objet d’une inspection en sol canadien par des agents américains qui, en fait, peuvent les refouler à la frontière? Même si la plupart de ces touristes sont munis d’un visa de touriste international délivré longtemps d’avance, ils ne connaissent pas les subtilités inhérentes au processus de précontrôle. Pourriez-vous nous dire quelle pourrait être l’incidence de ces mesures sur les touristes étrangers qui sont tout à fait les bienvenus au Canada et aux États-Unis, ainsi que sur les échanges commerciaux de ce genre?

La sénatrice Jaffer : Sénatrice Raine, vous posez une question fondamentale. Je ne voudrais surtout pas vous donner une réponse erronée, car je n’ai pas examiné ce cas particulier. Je pense toutefois que le comité devrait étudier des enjeux de ce genre, puisqu’un projet de loi sur le précontrôle est nécessaire, sauf qu’il est encore plus crucial de protéger nos droits.

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Accepteriez-vous de répondre à une autre brève question? J’aimerais avoir une précision. Le précontrôle est un choix, n’est-ce pas? Il n’est pas nécessaire de demander un précontrôle. Je ne connais pas la teneur du projet de loi; je m’interroge simplement à ce sujet.

La sénatrice Jaffer : Je me trompe peut-être, mais je crois comprendre dans ce projet de loi que tout le monde devra se soumettre aux mesures de précontrôle. Jusqu’ici, si un agent étranger nous posait des questions intrusives pendant que nous étions en sol canadien, nous pouvions dire : « Je refuse de répondre; je retourne d’où je viens. » En vertu du projet de loi, il faudra lui répondre, sans quoi on se retrouvera en détention. Je crois que les gens ne seront pas libres de se soumettre ou non aux mesures de précontrôle, mais je me trompe peut-être.

(Sur la motion du sénateur Pratte, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables collègues, nous avons la responsabilité de toujours accorder la priorité à la protection des plus vulnérables. C’est pourquoi je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-206, dont l’objectif est d’abroger l’article 43 du Code criminel. Cet article autorise tout éducateur ou parent à utiliser la force pour corriger un enfant sous sa responsabilité.

Dans une décision qui date de 2004, la Cour suprême a imposé des limites juridiques à son application. Selon la cour, il est possible de corriger un enfant seulement s’il est âgé de 2 à 12 ans. Il a été précisé que la personne qui utilise la force ne doit pas se servir d’un objet, ni frapper ou gifler la tête de l’enfant. La force ne doit pas être humiliante ou inhumaine pour l’enfant.

[Traduction]

À mon avis, il est temps d’aller un peu plus loin, et c’est ce que prévoit le projet de loi S-206.

En prenant la parole aujourd’hui, je joins ma voix à celles de plusieurs de mes collègues qui pensent que la vulnérabilité des enfants nous interdit d’utiliser la force contre eux.

Je salue la détermination de la sénatrice Hervieux-Payette, qui est à l’origine du projet de loi. En effet, notre ancienne collègue a déposé sept projets de loi semblables. Elle nous laisse beaucoup de documents qui montrent que le châtiment corporel n’a pas de valeur éducative.

Les sénateurs Pate, Munson et Sinclair ont déjà démontré que l’article 43 porte atteinte aux droits des enfants et nuit à leur sécurité.

[Français]

Chers collègues, il est vrai qu’il n’est pas toujours facile d’être parent, d’avoir constamment à demeurer patient, d’éviter de s’emporter devant un enfant qui pleure ou qui se plaint, lorsqu’on ne sait comment le calmer. Cela peut être exigeant — même très exigeant.

En préparant ce discours, je me suis rappelé que, au moment où j’ai eu mon fils, il y a presque quatre ans, l’hôpital nous obligeait à suivre une petite formation afin de nous aider quant à la conduite à adopter lorsqu’on ne sait plus quoi faire. Je n’ai pas eu le choix que de bénéficier de cette obligation parentale. On insistait pour que nous mettions par écrit le nom de personnes qui pourraient nous aider si nous nous retrouvions dans une situation que nous ne pouvions plus maîtriser. On nous disait ceci : « Si vous êtes à bout de patience, placez votre enfant en sécurité et appelez cette personne pour vous aider. »

Sur le moment, en tenant mon petit Elliot d’à peine un jour dans mes bras, je me souviens que je ne pouvais même pas comprendre comment une telle situation pouvait se produire. Cela démontre combien il est très difficile d’être parent, mais aussi combien il est de notre devoir de protéger les enfants.

Je me rappelle m’être dit qu’il était évident qu’un parent devait s’outiller au maximum afin d’éviter de recourir à la force pour maîtriser son enfant. Non seulement est-ce la bonne chose à faire, mais je pensais aussi qu’il était illégal de violenter son enfant. Or, vous devinez ma surprise en apprenant que notre cadre juridique ne l’interdit pas. La question qui mérite d’être posée est la suivante : pourquoi cette pratique d’un autre temps est-elle encore permise? Pourquoi est-il encore possible dans notre société d’infliger des punitions physiques?

(1530)

En 1892, lorsque le droit de correction a été codifié dans notre Code criminel, le châtiment corporel sur une personne subordonnée était considéré comme une méthode disciplinaire normale. Un patron avait la liberté et le droit de frapper son apprenti, le capitaine d’un navire pouvait frapper pour maintenir le bon ordre et la discipline à bord de son bateau, et tout cela était légal.

[Traduction]

Aujourd’hui, qui oserait frapper un adulte sans son consentement? Il n’est désormais plus acceptable de recourir à la force, sauf à l’égard des enfants.

Le sénateur Sinclair a tout à fait raison lorsqu'il dit ce qui suit :

Les enfants sont les personnes les plus vulnérables dans notre société. Ils ne votent pas. Ils ne peuvent pas influencer les changements politiques, sociaux, légaux ou économiques. Ils ne sont pas reconnus comme des citoyens ayant des droits humains et civils égaux à ceux des adultes. Ils sont considérés comme incapables au sens juridique.

C’est exactement pourquoi nous devons les protéger. De nombreux adultes estiment que frapper un enfant, même de façon modérée, constitue une pratique éducative efficace, qui permet au parent d’exercer son autorité et qui a un effet bénéfique sur l’enfant.

Je vais vous dire que, bien avant de me préparer en vue du débat sur ce projet de loi, j’ai lu tout ce qu’il y avait à lire sur le développement et la discipline de l’enfant. Mon mari m’a souvent taquinée parce que je me prépare en tant que parent avec la même intensité que j’avais en tant qu’athlète — et je vous assure que ce n’est pas un compliment. Toutefois, d’après ce que j’ai lu, il est très peu probable que l’usage de la force ou de la violence soit bénéfique pour un enfant.

De plus, tous s’entendent pour dire que les châtiments corporels ont des répercussions négatives sur le développement personnel. Les enfants qui subissent des actes de violence peuvent éprouver des problèmes d’anxiété et de dépression. Plusieurs chercheurs en neurobiologie l’ont démontré. L’impact psychologique est réel.

Exercer son autorité en administrant une fessée à un enfant ou en le frappant, en le secouant ou en le giflant est contre-productif. Cela ne fonctionne pas et ne fait que créer des sentiments de frustration et de peur chez l’enfant. La violence physique n’a absolument aucun effet positif.

[Français]

Les châtiments corporels favorisent les attitudes agressives chez les enfants. D’ailleurs, comment peut-on frapper un enfant et attendre de lui qu’il ne le fasse pas à son tour? C’est simplement contradictoire. Si les enfants imitent les bons exemples, ils imiteront aussi les mauvais exemples, c’est évident. De fait, naturellement, au fur et à mesure qu’il grandit, l’enfant qui a été humilié sera porté à humilier les autres. Les parents jouent donc un rôle très important dans la socialisation de leur enfant. Quel message envoyons-nous aux enfants en utilisant la violence, même modérée, pour les discipliner?

[Traduction]

Les défenseurs de l’article 43 sont d’avis que cette disposition du Code criminel ne donne pas aux éducateurs et aux parents le droit de corriger un enfant, mais qu’elle leur offre un moyen de défense raisonnable. À mon humble avis, l’article 43 du Code criminel offre une fausse protection aux parents et aux enseignants qui le considèrent comme un moyen de défense.

L’article 43 ne peut pas être invoqué lorsqu’un enfant est blessé. Il est possible qu’un parent veuille seulement utiliser une force raisonnable, ou qu’il juge raisonnable, mais que, au bout du compte, un enfant soit blessé.

La distinction entre la prétendue « violence éducative » et les sévices physiques peut être très mince. Ce n’est pas non plus parce qu’un enfant ne montre aucun signe visible de blessure qu’il ne souffre pas.

[Français]

En réalité, la protection des adultes, des parents, ne doit pas l’emporter sur la protection des enfants. Pourquoi devrions-nous donner aux parents le droit d’éviter un éventuel procès et refuser à l’enfant, qui est beaucoup plus vulnérable, le droit d’être adéquatement protégé? Le rapport de force entre enfant et adulte est inégal. Notre priorité doit donc être accordée à l’enfant. Il faut un équilibre et, à mon avis, l’équilibre passe par l’abrogation de l’article 43.

[Traduction]

Le projet de loi S-206 demande jusqu’où nous souhaitons aller, comme société, pour protéger les enfants. D’autres sociétés ont réglé ce problème il y a longtemps en retirant de leur cadre juridique le droit de discipliner un enfant. Plusieurs pays interdisent maintenant toute forme de châtiment corporel, quelles que soient les circonstances.

En 1994, le Québec a retiré du Code civil le droit d’infliger une correction modérée ou raisonnable à un enfant.

[Français]

Honorables collègues, nous ne serons pas inondés de centaines de courriels au sujet de ce projet de loi. C’est normal, parce que les principaux intéressés ne savent même pas encore écrire — ce qui montre à quel point ils sont vulnérables et, par conséquent, à quel point nous sommes responsables de leur protection. Nous ne les entendrons pas, c’est vrai, mais soyons tout de même à l’écoute de leurs besoins.

La décision de la Cour suprême de 2004 ne doit pas être un refuge ni une excuse pour ne rien faire. Une société n’est pas figée. Elle bouge, elle s’améliore, elle se transforme. Les normes du jour ne seront pas forcément celles de demain. Les changements sociaux ne surviennent pas d’un coup de baguette magique, ils sont provoqués.

Devons-nous toujours attendre que les tribunaux nous disent quoi faire? Le droit de correction, même modéré, n’est pas acceptable, selon moi, dans le Canada d’aujourd’hui. Le gouvernement du Canada s’est engagé à approuver toutes les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, et l’une d’entre elles demande l’abrogation de l’article 43. Notre ancienne collègue, la sénatrice Hervieux-Payette, nous en donne maintenant l’occasion. Saisissons-la pour le bien des enfants canadiens d’aujourd’hui et de demain.

[Traduction]

Lorsque nous pensons au pays que nous bâtissons quotidiennement, je crois que nous souhaitons vivre dans un pays où le recours à la violence physique contre autrui est tout simplement inadmissible, peu importe l’âge de la victime. Tous les Canadiens devraient se sentir en sécurité et l’être, de leur premier à leur dernier jour sur terre. C’est pourquoi j’appuierai le projet de loi S-206.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

Sénatrice, c’est déjà illégal de battre un enfant. De nombreux signes de violence sont déjà illégaux. Je suis toujours un peu perplexe et bien franchement consterné quand ce projet de loi est présenté comme quelque chose qui fera en sorte que plus aucun enfant ne sera battu. Battre des enfants est déjà illégal. Laisser une marque sur un enfant est déjà illégal. Utiliser un objet, quel qu’il soit, pour frapper un enfant est illégal. Tout cela est illégal. Beaucoup de choses que vous et les autres sénateurs avez mentionnées sont déjà illégales.

Vous avez dit tout à l’heure qu’on ne devrait jamais — oui, jamais — utiliser la force. Faut-il en comprendre que, lorsqu’il y aura une bagarre entre deux enfants de huit ans, les parents, les enseignants et les autres figures d’autorité ne pourront plus, aux termes du projet de loi, utiliser la force pour les séparer?

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Plett : Non, ils ne le pourront plus. Ce n’est pas un débat. Sénateur Sinclair, laissez la sénatrice répondre à la question. Vous pourrez y répondre lorsque vous prendrez la parole; je vous poserai alors la même question.

Vous avez dit vous-même que le projet de loi interdira en tout temps aux gens d’utiliser la force. Il s’agit de force dans l’exemple que j’ai donné. Lorsqu’un enfant s’apprête à mettre sa main sur le rond brûlant d’une cuisinière et qu’on l’enlève de là, on utilise la force. Lorsqu’on soulève un enfant qui fait une crise et refuse d’aller à l’école pour l’asseoir sur la banquette arrière de la voiture, c’est un usage de la force. Toutes ces interventions seront considérées comme illégales si le projet de loi S-206 est adopté.

(1540)

Est-il acceptable de ne pas pouvoir forcer un enfant à aller à l’école ou de ne pas pouvoir séparer deux personnes qui se bagarrent? L’argument tient, car il est faux de dire qu’une bagarre est illégale. Une agression est illégale, mais une bagarre, non. Deux personnes qui veulent se bagarrer n’enfreignent aucune loi. On ne peut pas les séparer, parce qu’elles ne font rien d’illégal.

[Français]

Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous encore cinq minutes pour répondre à la question?

La sénatrice Petitclerc : Avec plaisir, oui.

[Traduction]

Je vous remercie de votre question. D’après ce que je comprends, le projet de loi ne rendra pas illégaux les gestes posés dans les exemples que vous mentionnez. Je ne sais pas quoi dire de plus, si ce n’est que ma compréhension du projet de loi est manifestement différente de la vôtre.

Le sénateur Plett : Très brièvement, je presse tous les sénateurs qui ont l’intention de voter en faveur du projet de loi — y compris vous, sénatrice — de se renseigner sur son incidence réelle. C’est ce que j’ai fait.

Ceci n’était pas une question, soit dit en passant.

Le sénateur Mitchell : Cela fait partie du débat.

L’honorable Ratna Omidvar : Loin de moi l’idée de badiner au sujet d’une question aussi sérieuse, mais celle-ci me fait penser à une anecdote du célèbre comédien canadien Russell Peters, que certains d’entre vous ont peut-être entendue. En parlant de sa propre enfance, il raconte que son père lui disait : « Russell, tu vas passer un mauvais quart d’heure », dans un accent encore plus prononcé que le mien. Je vous invite tous à écouter sa baladoémission, car il vous fera rire à vous en tenir les côtes.

Le projet de loi est une chose. L’appliquer, le comprendre derrière des portes closes et au sein de la famille, c’est une autre paire de manches. Comment pensez-vous que la loi sera appliquée dans la vraie vie?

La sénatrice Petitclerc : Je vous remercie de la question. J’y ai beaucoup pensé, en fait. J’ai réfléchi au projet de loi, à ce que j’ai lu, à ce que d’autres ont dit au sujet de cette mesure législative et aux raisons pour lesquelles j’y crois. J’ai aussi pris le temps de réfléchir à ma propre expérience et à ce que je vois autour de moi. Vous avez raison lorsque vous dites qu’il y a le projet de loi, mais aussi la vraie vie et la réalité d’un parent.

Je suis maintenant une mère. Mon fils est un enfant de trois ans très têtu et actif — cela n’a rien de surprenant. Dans ma réflexion, j’ai pensé à mes parents. Je pense que mon père serait d’accord pour que je prenne cette décision pour lui. Ses parents ont utilisé la force physique — je crois qu’on peut parler de violence — pour élever leurs sept enfants. Je ne sais pas si c’est lié, mais mon père est un travailleur de la construction très robuste. Cependant, il n’a jamais employé la force avec ses enfants. Je l’en remercie. Je le réalise et j’éprouve du respect pour la façon dont j’ai été élevée. Même si mon père n’a jamais utilisé la force, il avait de l’autorité. Laissez-moi vous dire que, quand il disait quelque chose, nous écoutions.

Mon expérience personnelle et toute la littérature que j’ai lue depuis que je suis maman m’amènent à la conclusion que l’emploi de la force n’est pas nécessaire. Voilà pourquoi j’appuie le projet de loi.

(Sur la motion de la sénatrice Frum, au nom de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

[Français]

Finances nationales

Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes—Vingt et unième rapport du comité—Débat

Le Sénat passe à l’étude du vingt et unième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget—étude des modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 4 octobre 2017.

L’honorable Percy Mockler propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j’aimerais apporter une précision au sujet du document qui a circulé au préalable, avant que le document officiel soit distribué. Le rapport montre que le Comité de la régie interne a accepté le montant de 300 700 $ plutôt que la somme de 303 200 $. La différence est qu’un montant de 500 $ était prévu pour retenir les services d’un consultant en communications, de même qu’un montant de 2 000 $. Ces deux sections du rapport original ont été supprimées, étant donné que le personnel de l’Administration du Sénat est en mesure de faire ce travail de communication.

(1550)

[Traduction]

L’honorable Art Eggleton : Chers collègues, cette demande est prématurée et comporte des coûts excessifs pour les contribuables. Elle est prématurée parce que les idées présentées par le gouvernement, par l’entremise du ministre des Finances, ont déjà fait l’objet de consultations publiques.

Les médias en ont discuté en long et en large. Les différentes dispositions qu’elles contiennent ont été amplement discutées, tout comme les préoccupations qu’elles soulèvent. Le ministre, qui était au Sénat hier, a répondu à des questions concernant certaines de ces préoccupations. Premièrement, il dit que le gouvernement reconnaît qu’il est important que les propriétaires conservent la capacité d’investir dans leur petite entreprise, et que le projet de loi ne portera pas atteinte à cette capacité.

Deuxièmement, les propriétaires craignent que les modifications proposées ne les empêchent de transférer leur entreprise à des membres de leur famille. Or, le projet de loi fera en sorte que cela ne pose pas problème.

Troisièmement, des femmes sont préoccupées par rapport à leur capacité de prendre congé pour des raisons familiales, puisque les entrepreneures constituées en personne morale utilisent les épargnes de l’entreprise pour couvrir de tels congés, notamment le congé de maternité. Le ministre dit que le gouvernement s’assurera qu’elles puissent continuer à le faire.

Quatrièmement, le ministre dit que le gouvernement reconnaît l’importance de maintenir le taux d’imposition des entreprises à un faible niveau, et qu’il souhaite le maintenir ainsi pour encourager les affaires.

Cinquièmement, les gens déplorent le lourd processus qui consiste à vérifier que les membres de la famille qui touchent un salaire versé par l’entreprise apportent une contribution raisonnable à celle-ci. Le gouvernement examinera la situation et veillera à ce que ce ne soit pas le cas.

Ainsi, le ministre a indiqué très clairement que la version finale du projet de loi tiendra compte des craintes et des préoccupations exprimées et y remédiera. Je crois donc que nous devons patienter jusqu’à ce que le projet de loi soit rédigé avant de procéder à l’étude suggérée, afin que nous ne consultions pas les gens au sujet d’hypothèses, mais plutôt au sujet des véritables propositions du gouvernement.

La somme qui est suggérée pour entreprendre une tournée nationale est plutôt excessive, soit 300 000 $. On dirait bien qu’ils ont diminué de 2 500 $ la somme de la demande initiale, mais c’est tout de même un énorme montant d’argent. Je sais que le Comité des affaires sociales auquel j’ai siégé a entrepris bon nombre d’études qui prennent des semaines et des mois à réaliser et qui ne coûtent pas le dixième de cette somme. Je n’ai jamais vu de projet de loi nécessiter autant d’argent pour mener le genre de consultation qui est proposée.

Ce n’est pas un projet de loi. Il ne s’agit pas encore d’un projet de loi. Si nous faisions cela pour un projet de loi qui est présenté au Parlement, même lors d’une étude préliminaire, je pourrais comprendre, mais la mesure n’en est pas à sa forme définitive, comme l’a clairement indiqué le ministre Morneau.

Je peux donc comprendre la motivation des sénateurs conservateurs, et je ne dis pas cela pour critiquer. Selon vous, votre rôle est de vous y opposer, et je crois que les questions que vous avez posées au cours des derniers jours pendant la période des questions indiquent très clairement que c’est le rôle dans lequel vous vous voyez. Je ne crois toutefois pas que nous devrions vous accorder 300 000 $, soit plus d’un quart de million de dollars, pour entreprendre ces consultations. Je crois que nous devrions suivre le processus habituel. Permettons au gouvernement de présenter une mesure législative, puis examinons-la d’une manière appropriée. Maintenant, nous savons exactement ce que le gouvernement est prêt à faire dans la foulée des consultations. Il ressent de la pression en raison des préoccupations qui sont soulevées, et il voudra répondre à celles-ci, comme le ministre l’a clairement indiqué.

Je n’appuierai pas ce rapport.

L’honorable Frances Lankin : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Merci beaucoup.

Lorsque votre chef est intervenu la semaine dernière, je lui ai posé une question semblable à celle que vous soulevez : devrait-on attendre la version définitive du projet de loi pour prendre connaissance des propositions qui sont faites? J’ai ensuite lu la communication qui m’avait été faite, selon laquelle le ministre des Finances voyait d’un œil favorable le travail du comité à cet égard, à défaut de l’encourager. J’ai lu la déclaration faite par le représentant du gouvernement, qui a appuyé lui aussi cette initiative et, hier, le ministre semblait indiquer qu’il y était toujours favorable.

Je suis surprise. Je préférerais constater le suivi que l’on a donné à ces dispositions après rétroaction — et il a bien précisé qu’ils allaient s’occuper de certains points — et faire la distinction entre ce que les gens pensent et la réalité.

Cela dit, n’êtes-vous pas convaincu que le gouvernement verrait d’un bon œil que l’on fasse d’autres études sur ces questions et ces propositions, et qu’il en tirerait profit?

Le sénateur Eggleton : Je pense que le gouvernement — et peut-être le représentant du gouvernement, bien que je ne puisse pas parler en son nom — réagirait en disant : « Comment peut-on s’opposer à des consultations, même prématurées? » Ils pensent, à mon avis, que c’est à vous d’en décider. Vous avez le droit de faire ce que vous voulez et, si c’est ce que voulez, faites-le. Ce que je dis, en tant que sénateur, c’est que ce n’est pas le moment. Je pense que nous devrions attendre de voir le projet de loi définitif au lieu de dépenser 300 000 $ dans une tournée nationale où nous entendrons les gens exprimer des craintes et des préoccupations déjà connues et qui, selon lui, ne correspondent pas à l’objet de la proposition. Attendons donc de voir ce que sera le projet de loi.

À mon avis, ils nous disent ceci : « Vous avez été saisis de la question. Vous êtes une instance indépendante et pouvez décider vous-même. » À mon avis, nous devrions décider d’attendre.

L’honorable Leo Housakos : J’ai une question à poser au sénateur Eggleton.

Vous avez affirmé avec justesse que le Sénat est une Chambre indépendante. Je ne pense pas qu’il faille que nous attendions que le gouvernement nous fasse part de son interprétation du résultat des consultations publiques. Selon moi, il a l’obligation, envers l’électorat et la population canadienne, de mener des consultations. Quant à nous, nous sommes en train de débattre d’un enjeu qui touche des millions de Canadiens.

Le Comité des finances nationales est passé par les voies normales afin d’obtenir l’approbation. Un certain nombre de sénateurs ont fait preuve d’un intérêt considérable pour la question, y compris le représentant du gouvernement au Sénat, qui a dit que le Sénat avait la liberté de faire un examen approfondi. Ne pensez-vous donc pas que, en tant que sénateurs qui s’acquittent de leur rôle parlementaire à l’égard des régions, nous devrions tendre la main aux personnes que nous représentons, dans les provinces et les régions? Nous ne devrions pas tenir pour acquises les informations que nous recevrons du gouvernement à ce sujet, n’êtes-vous pas d’accord? Le Sénat est une entité distincte du pouvoir exécutif. Ne pensez-vous pas que nous avons l’obligation morale d’écouter les gens que nous représentons directement?

Le sénateur Eggleton : Le Sénat n’est pas une entité distincte du pouvoir exécutif. C’est le gouvernement qui a présenté la proposition qui a provoqué une telle réaction. Pourquoi pensez-vous que ces gens-là proposent de dépenser 300 000 $? C’est parce qu’il s’agit d’une idée, d’une proposition présentée par le gouvernement qui a entraîné une réaction si forte. Je crois que le gouvernement comprend la réaction de la population. Il a tenu des consultations.

La chose responsable à faire est d’attendre d’avoir la proposition dans sa forme finale. À ce moment-là, nous pourrons faire le travail que nous devons faire en tant que Chambre indépendante. Je pense que l’opposition se dit que, parce que nous sommes une Chambre indépendante, nous pouvons faire ce que nous voulons.

Je ne pense pas que ce soit sage de procéder de la sorte pour le moment. C’est prématuré. Nous devrions attendre d’avoir le texte de loi pour ensuite l’examiner aussi rigoureusement que nous avons l’habitude de le faire.

L’honorable Serge Joyal : Ce n’est pas une question pour mon collègue, mais pour le sénateur Mockler.

Sénateur Mockler, acceptez-vous de répondre à une question?

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Joyal, mais les questions sont maintenant seulement pour le sénateur Eggleton, qui est entré dans le débat.

Sénateur Pratte, vous avez la parole.

L’honorable André Pratte : Je pense que le Sénat a pris une décision à ce sujet la semaine dernière, décision selon laquelle nous devrions poursuivre cette étude.

Ensuite, en ce qui concerne le budget, il s’agit d’un budget pour le déplacement de 15 sénateurs. De toute évidence, ce ne sera pas 15 sénateurs, alors le coût sera beaucoup moins élevé.

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 4 février 2016, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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