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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 168

Le jeudi 7 décembre 2017
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 7 décembre 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Paul Hindo

Félicitations à l’occasion de sa nomination à titre de colonel honoraire de l’Armée canadienne

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends fièrement la parole en tant que sénateur ottavien habitant Manotick afin de porter à l’attention de la Chambre la nomination de M. Paul Hindo à titre de prochain colonel honoraire de l’armée canadienne.

Le colonel honoraire Hindo est un voisin et un ami, mais il suffit de jeter un coup d’œil à son bilan en tant que philanthrope généreux et dynamique pour savoir qu’il agit comme un voisin et un ami auprès de tous ceux qui résident à Ottawa, et de bien d’autres qui résident ailleurs.

Paul sait comment donner et comment inspirer, deux qualités remarquables qui le serviront bien dans son nouveau rôle de colonel honoraire de l’armée.

Le colonel honoraire Hindo contribuera à l’esprit de corps au sein de la communauté militaire et à bâtir des alliances stratégiques avec les groupes d’intervenants — des responsabilités dont, je le sais, il s’acquittera avec l’enthousiasme et le charme qui le distinguent.

[Français]

Cet honneur se compte parmi plusieurs dans la vie de Paul Lindo.

Son histoire personnelle commence en Irak, où il est né, se poursuit jusqu’à Montréal, où il arrive avec sa famille en 1972, pour ensuite suivre son cours à Ottawa.

À Ottawa, Paul connaît beaucoup de succès en affaires et il devient un leader au sein de plusieurs organismes publics et communautaires. Sa grande énergie et sa générosité chaleureuse ont été soulignées à maintes reprises.

[Traduction]

En 2012, il se voit décerner la Médaille du jubilé de diamant de la reine, ainsi que la Décoration des Forces canadiennes pour son service en tant que membre de la Première réserve au sein du Black Watch.

Depuis 2009, il assume les fonctions de colonel honoraire des Cameron Highlanders.

Dans son nouveau rôle, Paul Hindo remplacera le colonel honoraire de l’armée sortant, Blake Goldring, qui, pendant son mandat, s’est distingué en renforçant les relations entre l’armée canadienne et les groupes d’intervenants ainsi qu’en développant l’esprit de corps.

Paul Hindo a de grandes bottes à chausser, mais je suis convaincu non seulement qu’il les chaussera, mais qu’il les mènera dans de nouvelles directions à mesure qu’il renforcera la notoriété de l’armée et qu’il continuera de mobiliser l’appui de la communauté.

Il appuiera aussi les commandants et fera la promotion de l’identité et de la culture des régiments, tout en se faisant le gardien des traditions et de l’histoire de l’armée.

Il jouera le rôle d’ambassadeur de l’armée pour faire connaître l’important travail que cette grande institution et ses soldats effectuent afin qu’un plus grand nombre de Canadiens soient conscients du rôle primordial que l’armée remplit dans notre collectivité et pour notre pays.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour remercier Blake Goldring, le colonel honoraire sortant, et féliciter Paul Hindo, le nouveau colonel honoraire de l’armée canadienne.

La Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes

L’honorable Nancy Hartling : Honorables sénateurs, hier, le 6 décembre, nous avons souligné la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes au Canada. C’est ce jour-là, il y a 28 ans, que 14 jeunes femmes ont été assassinées à l’École Polytechnique de Montréal, assassinées parce qu’elles étaient des femmes. Je me rappelle ce jour comme si c’était hier!

Il est de la plus haute importance que nous continuions de commémorer ce tragique événement de l’histoire canadienne récente et il est tout aussi important de prendre le temps de se rappeler ces jeunes femmes. Nous devrions aussi nous souvenir de toutes les autres femmes qui sont mortes en raison de violence sexiste ou de celles qui se trouvent toujours dans une situation de violence.

Depuis 1989, l’année du massacre de Montréal, plus de 40 femmes du Nouveau-Brunswick sont mortes aux mains de leur conjoint. Malheureusement, le nom de Cindy McCormick, qui vivait à Saint John, au Nouveau-Brunswick, s’est ajouté à cette liste le 22 octobre 2017. Dentiste, Cindy était propriétaire de la clinique dentaire Bayside. Je ne la connaissais pas personnellement, mais ses amis et sa famille l’ont décrite comme une personne extravertie, éloquente, drôle et courageuse. Elle avait un immense sourire et une âme généreuse. Elle aimait la musique, jouait au hockey et avait même participé à la série télévisée Wipeout Canada. Elle avait deux fils adolescents.

Cindy était la fille, la mère, la sœur, la nièce et l’amie de quelqu’un. Elle est morte bien trop jeune, comme cela ne devrait jamais arriver, tuée par un partenaire intime.

Malheureusement, ce genre de violence fondée sur le sexe n’est pas fortuit. À peu près tous les six jours, au Canada, une femme est tuée par un partenaire intime. La Fondation canadienne des femmes signale que 67 p. 100 des Canadiens connaissent une femme qui a été victime de mauvais traitements physiques et sexuels. Elle indique également que, chaque nuit, au Canada, près de 3 500 femmes et plus de 2 700 enfants doivent dormir dans un centre d’hébergement parce que leur foyer n’est pas sûr.

N’oublions pas nos sœurs autochtones, qui sont victimes de violence 2,7 fois plus souvent que les femmes non autochtones.

Entre 1980 et 2012, la GRC a confirmé qu’il y avait eu 1 181 cas de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées. Certains disent même que ce chiffre se rapproche davantage de 4 000.

La violence fondée sur le sexe a des conséquences dévastatrices sur les personnes, les familles et les collectivités. C’est pourquoi la Journée nationale de commémoration et les 16 jours d’activisme contre la violence faite aux femmes, du 25 novembre au 10 décembre, doivent avoir lieu chaque année. C’est une occasion importante de parler de la violence fondée sur le sexe et de ses conséquences. C’est également un bon moment pour agir.

Je vous demande encore une fois, honorables collègues, de dénoncer la violence fondée sur le sexe, d’intervenir si vous soupçonnez que quelque chose ne tourne pas rond et d’amener vos familles, vos amis et les Canadiens à s’unir pour mettre fin au sexisme et à la misogynie. Merci.

(1340)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jonathan McPhedran-Waitzer. Il est l’invité de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La non-prolifération nucléaire

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour féliciter une femme manitobaine, la juge Kimberly Prost, qui a été élue avant-hier au poste de juge à la Cour pénale internationale.

[Traduction]

Félicitations à la juge Prost. Notre candidate à la Cour pénale internationale, Mme Kimberly Prost, a été élue il y a deux jours à New York. Elle siégera désormais au sein de l’organe judiciaire international le plus important, qui juge des individus accusés de crimes comme des génocides, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Je veux prendre un instant pour saluer le sénateur Harder et le remercier de ses efforts diplomatiques discrets, tôt dans le processus, qui, je le crois, ont fortement contribué à cette réussite.

Des voix : Bravo!

La sénatrice McPhedran : Par ailleurs, ce matin, j’ai eu l’occasion de parler de la pétition sur le traité d’interdiction des armes nucléaires, qui a été signée par plus de 1 000 membres de l’Ordre du Canada. Je tiens à réaffirmer au Sénat l’importance du leadership canadien dans la lutte en faveur de l’abolition et de la non-prolifération des armes nucléaires.

[Français]

Plus de 1 000 membres de l’Ordre du Canada, des individus ayant reçu l’une des reconnaissances les plus importantes pour leur contribution en tant que Canadiens, appuient la pétition en faveur du traité qui bannit les armes nucléaires.

[Traduction]

En conclusion, j’invite mes collègues à regarder un événement sur Facebook Live. Mon équipe et moi, en compagnie d’autres jeunes parlementaires manitobains, de députés de la Chambre des communes et de membres de la collectivité, célébrerons le pouvoir des jeunes au moyen d’une danse pour la paix. Cette danse soulignera le deuxième anniversaire de la résolution sur la jeunesse, la paix et la sécurité qui a été adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 9 décembre 2015.

Je vous invite à communiquer avec mon bureau si vous souhaitez obtenir plus d’information et accéder directement à la diffusion de l’événement sur Facebook Live.

Je souligne également que, dans le cadre de cet événement organisé en collaboration avec de jeunes leaders autochtones et des organisations autochtones de Winnipeg, il y aura une danse en rond, et que ce sera d’ailleurs la seule danse autochtone dans le cadre de ce mouvement international.

Merci. Meegwetch.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’un groupe d’étudiants de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa et de stagiaires du Collège Algonquin qui ont travaillé au bureau de la sénatrice Pate au cours du dernier trimestre. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’éducation—Le personnel de soutien du Sénat

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole afin de souligner l’importance de l’éducation et de rappeler à tous les sénateurs comment nous pouvons enrichir l’expérience des étudiants.

Dans cette Chambre de second examen objectif, nombre d’entre nous peuvent témoigner des avantages que procurent les programmes d’éducation, qu’il s’agisse de programmes universitaires ou collégiaux, de stages ou d’autres formes d’initiatives. Nous savons que ces programmes élargissent nos horizons, nous ouvrent des possibilités et nous offrent des perspectives d’avenir qui enrichissent nos carrières et nos vies.

Depuis le début de septembre dernier, j’ai eu le plaisir et le privilège de travailler avec des étudiants, y compris les stagiaires qui vous ont été présentés. Parmi eux se trouvent des étudiants en droit de l’Université d’Ottawa qui ont pu obtenir des crédits en acquérant une expérience de travail concrète dans le cadre des travaux parlementaires. Ces stagiaires ont assisté aux travaux des comités, compilé des notes d’information, examiné des témoignages, effectué des recherches sur des domaines du droit en vue de l’élaboration de projets de loi et approfondi leurs connaissances et leur engagement à l’égard du processus législatif qui contribue à façonner ce pays.

Leurs efforts ont contribué au travail que nous accomplissons au nom des Canadiens et je suis persuadée qu’ils tireront parti de cette expérience durant leurs études et tout au long de leur carrière.

Je salue et remercie tous les étudiants avec qui j’ai travaillé depuis mon arrivée au Sénat. J’apprécie grandement leur contribution et leur souhaite la meilleure des chances dans leurs projets.

Je veux profiter de l’occasion pour exprimer ma gratitude envers chacun d’entre vous et, au nom de tous les sénateurs, adresser des remerciements particuliers à toutes les personnes qui collaborent en coulisse pour que nous puissions remplir nos devoirs et responsabilités.

[Français]

Merci à Éric, qui veille à ce que le refroidisseur d’eau au bureau soit plein. Merci à Sylvie, qui nous livre le courrier deux fois par jour, qui est occupée mais efficace.

[Traduction]

Je pense aussi aux gens qui nettoient nos bureaux, ainsi qu’aux traducteurs, techniciens, greffiers, pages, agents de sécurité et membres du personnel de bureau, grâce à qui nous demeurons efficaces et bien organisés.

[Français]

Je tiens à remercier particulièrement ceux qui s’efforcent de m’enseigner le français.

[Traduction]

Peu de gens hors de nos bureaux connaissent les équipes formidables et diversifiées qui forment la famille du Sénat, pour reprendre les mots de l’huissier du bâton noir et de son Honneur le Président. La famille du Sénat nous offre son appui pour que nous, chers collègues, puissions continuer à servir les Canadiens, en particulier ceux qui ne parviennent pas toujours à se faire entendre.

Pour tout cela et bien d’autres choses encore, je vous remercie. Meegwetch.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La gouverneure générale

La commission nommant Emmanuelle Sajous à titre de suppléante—Dépôt de document

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de la commission désignant Emmanuelle Sajous suppléante de la gouverneure générale.

[Traduction]

Banques et commerce

Budget et autorisation de se déplacer—L’étude sur les questions et préoccupations relatives à la cybersécurité et à la cyberfraude—Présentation du dix-huitième rapport du comité

L’honorable Douglas Black, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le jeudi 7 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l’honneur de présenter son

DIX-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 17 octobre 2017 à étudier, pour en faire rapport, des questions et préoccupations relatives à la cybersécurité et à la cyberfraude, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2018.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

DOUGLAS BLACK

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2799.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

Le sénateur Black : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que le rapport soit adopté.

Je n’ai rien à ajouter, mais je signale qu’il faut l’adopter aujourd’hui, si possible, pour deux raisons. Premièrement, il faut adopter le rapport afin de pouvoir participer à une conférence sur la cybersécurité organisée par le Wall Street Journal, à New York, la semaine prochaine. Nous avons lancé cette idée en comité il y a environ un mois et demi, mais à ce moment-là, à cause du temps qu’a pris la transition pour restructurer les comités et élire les présidents, nous n’avons tout simplement pas pu la présenter. Il y a une raison administrative et une justification du besoin d’urgence, car la conférence aura littéralement lieu la semaine prochaine.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : La vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1350)

[Français]

Le Sénat

La Loi sur l’abrogation des lois—Préavis de motion tendant à faire opposition à l’abrogation de la loi et de dispositions d’autres lois

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 3 de la Loi sur l’abrogation des lois, L.C. 2008, ch. 20, le Sénat adopte une résolution faisant opposition à l’abrogation de la loi et des dispositions des autres lois ci-après, qui ne sont pas entrées en vigueur depuis leur adoption :

1.Loi sur les relations de travail au Parlement, L.R.,ch. 33(2e suppl.) :

-Parties II et III;

2.Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47 :

-alinéa 8(1)d), articles 9, 10 et 12 à 16, paragraphes 17(1) à (3), articles 18 et 19, paragraphe 21(1) et articles 22, 23, 25, 26, 28 à 38, 40, 41, 44 à 47, 50 à 53, 56, 57, 60 à 62, 84 (en ce qui concerne les articles suivants dans l’annexe : articles 1, 2.1, 2.2, 3, 4, 5, 7, 7.1, 9 à 12, 14 et 16) et 85;

3.Loi de mise en œuvre de l’Accord sur le commerce intérieur, L.C. 1996, ch. 17 :

-articles 17 et 18;

4.Loi de mise en œuvre du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, L.C. 1998, ch. 32;

5.Loi sur le précontrôle,L.C. 1999,ch. 20 :

-article 37;

6.Loi sur l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public, L.C. 1999, ch. 34 :

-articles 155, 157, 158 et 160, paragraphes 161(1) et (4) et article 168;

7.Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations, L.C. 2000, ch. 12 :

-articles 89 et 90, paragraphes 107(1) et (3) et article 109;

8.Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 :

-article 45;

9.Loi sur le Yukon, L.C. 2002, ch. 7 :

-articles 70 à 75 et 77, paragraphe 117(2) et articles 167, 168, 210, 211, 221, 227, 233 et 283;

10.Loi modifiant la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes et d’autres lois en conséquence, L.C. 2003, ch. 26 :

-articles 4 et 5, paragraphe 13(3), article 21, paragraphes 26(1) à (3) et articles 30, 32, 34, 36 (en ce qui concerne l’article 81 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes), 42 et 43;

11.Loi sur la procréation assistée, L.C. 2004, ch. 2 :

-articles 12 et 45 à 58;

12.Loi modificative et rectificative (2003), L.C. 2004, ch. 16 :

-articles 10 à 17 et 25 à 27;

13.Loi d’exécution du budget de 2005, L.C. 2005, ch. 30 :

-partie 18 à l’exception de l’article 125;

14.Loi modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, L.C. 2005,ch. 54 :

-paragraphes 1(1) et 27(2), articles 29 et 102, paragraphes 140(1) et 166(2), articles 168 et 213, paragraphes 214(1) et 239(2), article 241, paragraphe 322(2), article 324, paragraphes 368(1) et 392(2) et article 394;

15.Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives, L.C. 2007, ch. 6 :

-article 28, paragraphe 30(1), paragraphe 30(3) en ce qui concerne l’alinéa 439(3)a) de la Loi sur les banques, paragraphe 88(1), paragraphe 88(3) en ce qui concerne l’alinéa 558(3)a) de la Loi sur les banques, paragraphe 164(1), paragraphe 164(3) en ce qui concerne l’alinéa 385.04(3)a) de la Loi sur les associations coopératives de crédit, article 362 en ce qui concerne les paragraphes 425(1) et (2), les alinéas 425(3)a) et c) et le paragraphe 425(4) de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.

[Traduction]

L’honorable Terry M. Mercer (leader suppléant des libéraux au Sénat) : Votre Honneur, avant de continuer, peut-être pourrions-nous demander à la sénatrice Bellemare de fournir quelques explications, à un moment que l’on jugera approprié? Je comprends bien la situation, mais beaucoup de nouveaux sénateurs n’étaient pas encore au Sénat lorsque le sénateur Banks a présenté cette motion.

La sénatrice Bellemare : C’est moi qui proposerai la motion.

Son Honneur le Président : Sénateur Mercer, il s’agit simplement d’un préavis. Lorsque la motion sera présentée, les sénateurs en débattront.

[Français]

La Loi sur l’accès à l’information

La Loi sur la protection des renseignements personnels

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Présidentannonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-61, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(La deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

(1400)

[Traduction]

Peuples autochtones

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 2 février 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones relativement à son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d’autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada soit reportée du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2018.

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur la situation actuelle du régime financier canadien et international

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 27 janvier 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant son étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international soit reportée du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2018.

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 12 décembre 2017, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 12 décembre 2017, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

L’obligation légale du gouvernement de protéger et de maintenir le système de dons de sang volontaires

Préavis d’interpellation

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain:

J’attirerai l’attention du Sénat sur l’obligation légale du gouvernement fédéral de protéger et de maintenir le système de dons de sang volontaires du Canada et d’examiner les questions liées à la rémunération des donneurs de sang dans le cadre d’activités commerciales.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le régime fiscal pour petites entreprises

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans environ trois semaines et demie, le gouvernement fédéral imposera aux propriétaires de petites entreprises et aux agriculteurs des modifications fiscales concernant le fractionnement du revenu avec des membres de la famille. Or, le gouvernement n’a fourni aucun renseignement aux Canadiens au sujet de ces modifications.

Voici ce qu’a déclaré lundi au Globe and Mail Dan Kelly, président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante :

Je suis renversé de voir que le gouvernement s’attend à ce que les contribuables visés fassent tous ces changements en vue de la mise en œuvre prévue le 1er janvier alors qu’il n’a fourni aucun renseignement à cet égard.

Le ministre des Finances entendra-t-il les exhortations des petites entreprises de partout au Canada et leur fournira-t-il des détails sur ces changements fiscaux?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Il va sans dire que je veillerai à ce que la question soit portée à l’attention du ministre des Finances. Je profite néanmoins de l’occasion pour rappeler aux sénateurs que le ministre, dans son énoncé de juillet, a fait état de l’orientation qu’il entendait prendre à cet égard.

En juillet, le ministre a également présenté une mise à jour des prévisions financières dans laquelle il a réduit les attentes. Par conséquent, la décision finale du ministre devrait tenir compte de la situation d’ensemble et, comme je l’ai dit plus tôt, je vais porter la demande du sénateur à l’attention du ministre.

Le sénateur Smith : Sénateur Harder, je vous remercie de votre réponse au sujet de cet enjeu d’intérêt national qui transcende les considérations partisanes, parce qu’il concerne des Canadiens qui travaillent fort. Depuis que le ministre Morneau a proposé ces modifications fiscales en juillet, on note un manque de consultation auprès des divers organismes publics concernés et des gens qui y sont associés. Le Comité des finances nationales a parcouru le pays pendant deux semaines pour entendre divers témoins, notamment des représentants de conseils d'administration et de chambres de commerce et des praticiens. Les témoins ont essentiellement émis le même son de cloche. Ils estiment fort légitime que le gouvernement envisage de mettre de nouvelles politiques en place, mais les contribuables visés n’ont pas vraiment eu la possibilité de comprendre en quoi les changements consistent.

Pourquoi le ministre n’a-t-il pas fourni aux propriétaires de petites entreprises et aux agriculteurs les renseignements de base sur les détails de ses modifications fiscales, qui entreront en vigueur — je crois que ces mesures sont rétroactives pour 2017 — dans moins de 30 jours?

Le sénateur Harder : Il faut savoir que le ministre des Finances a tenu de vastes consultations en ce qui concerne les documents et les propositions qu’il a déposés, tant lors de tables rondes qu’avec les petites entreprises dans l’ensemble du pays. Pas plus tard que la semaine dernière, la ministre de la Petite Entreprise est venue ici pour parler de la nature des consultations qu’elle a entreprises avec le ministre des Finances.

Je suis ravi que l’honorable leader ait mentionné l’excellent travail réalisé par le Comité sénatorial des finances, qui a donné aux Canadiens une autre occasion d’être entendus.

Le ministre des Finances a fait son possible pour être à l’écoute des Canadiens. C’était l’objectif des propositions dont il a parlé lorsqu’elles ont été déposées en juillet, et l’objectif de la mise à jour fournie sur les intentions du gouvernement, qui, je tiens à le mentionner, comprenait une baisse du taux d’imposition pour les petites entreprises.

Le ministre des Finances annoncera très bientôt les décisions prises par le gouvernement. Je m’assurerai qu’il soit saisi des instances de l’honorable sénateur.

L’honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans le budget de 2016, le premier ministre a annulé la baisse d’impôt pour les petites entreprises établie par l’ancien gouvernement conservateur de Harper. Le mois dernier, le premier ministre a annoncé qu’il revenait sur sa décision et qu’il respecterait sa promesse électorale de baisser le taux d’imposition des petites entreprises. Ce revirement de situation est totalement attribuable aux réactions négatives des entreprises locales et des agriculteurs sur les propositions fiscales présentées par le ministre Morneau.

L’année prochaine, les petites entreprises subiront une hausse des taxes sur la masse salariale, puisque les cotisations d’assurance-emploi augmenteront. De plus, elles devront payer l’énergie plus cher à cause de la taxe sur le carbone du premier ministre. Enfin, comme si ce n’était pas suffisant, les cotisations du Régime de pensions du Canada commenceront à augmenter en 2019.

Monsieur le sénateur Harder, comment les petites entreprises peuvent-elles faire confiance au gouvernement lorsqu’il dit vouloir alléger leur fardeau fiscal et qu’elles constatent votre bilan désastreux en la matière?

Le sénateur Harder : Permettez-moi de rappeler à la sénatrice que, grâce à la gestion financière pratiquée par le gouvernement, l’économie canadienne a crû plus rapidement qu’au cours des 10 années précédentes. La croissance moyenne a été de plus de 3,7 p. 100 au cours des quatre derniers trimestres. L’économie canadienne connaît donc la plus forte croissance des pays du G7. Au cours des deux dernières années, elle a créé presque 600 000 emplois, dont la plupart sont à temps plein. Le taux de chômage a diminué jusqu’à ne plus être que de 5,9 p. 100, soit le taux le plus faible depuis 10 ans. Le ratio de la dette par rapport au PIB est en train de diminuer. Parallèlement, le gouvernement a accordé d’importants allégements fiscaux dans le projet de loi C-2. Il a créé l’Allocation canadienne pour enfants, il a réduit le fardeau fiscal des petites entreprises et il a adopté d’autres mesures, que je pourrais énumérer, afin que la performance de l’économie canadienne réponde aux attentes des Canadiens.

La sénatrice Unger : Tout cela est très bien. À vous entendre parler maintenant, on pourrait croire que tout va bien, mais le gouvernement compte hausser le fardeau fiscal des propriétaires de petites entreprises et des agriculteurs sans fournir de détails sur les mesures qui seront prises et qui entreront pourtant en vigueur dans moins d’un mois. L’ARC s’est mise à cibler les rabais consentis aux employés des commerces de détail et des restaurants jusqu’à ce que l’indignation du public oblige le gouvernement à faire marche arrière.

Les personnes atteintes de diabète de type 1 et d’autisme se sont vu refuser le crédit d’impôt pour personnes handicapées qu’elles recevaient auparavant.

Monsieur le sénateur Harder, quel groupe de Canadiens subira la prochaine hausse du fardeau fiscal?

(1410)

Le sénateur Harder : La réponse est, bien sûr, « aucun ». Cependant, permettez-moi de dire que nous avons obtenu les résultats les plus élevés au cours de la dernière année en ce qui concerne le crédit d’impôt pour personnes handicapées, ce qui donne à penser que les Canadiens profitent, à juste titre, de ce crédit d’impôt.

La ministre a rétabli le comité consultatif chargé de fournir au gouvernement des conseils sur le meilleur moyen de faire en sorte que le crédit d’impôt pour personnes handicapées tienne compte de l’évolution de la technologie et des besoins des personnes intéressées. C’est le gouvernement précédent qui avait décidé de dissoudre le comité consultatif. Le gouvernement actuel veille à ce que les petites entreprises continuent de prospérer et de contribuer au rendement économique du pays.

Enfin, j’aimerais simplement ajouter que l’annonce faite par le ministre en juillet et sa mise à jour en octobre ont fourni aux petites entreprises des renseignements supplémentaires sur la façon dont le gouvernement compte régler le problème du saupoudrage. Comme je l’ai dit plus tôt, je m’attends à ce que d’autres précisions soient données au cours des prochains jours.

Le patrimoine canadien

La patinoire de hockey sur la Colline du Parlement

L’honorable Michael L. MacDonald : Sénateur Harder, au cours des derniers mois, j’ai suivi, à partir de la fenêtre de mon bureau dans l’édifice de l’Est, l’aménagement d’une patinoire au coût de 5,6 millions de dollars, qui a été ouverte officiellement aujourd’hui. La ministre nous a confirmeque, une fois fermée, l’installation sera démontée et donnée à une collectivité vulnérable de la région d’Ottawa-Gatineau.

Je me demande si vous pourriez nous dire quelle est la définition de « collectivité vulnérable », quels seront les critères établis pour déterminer en quoi consiste une « collectivité vulnérable » et qui appliquera ces critères et prendra la décision.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je vais demander comment la décision sera prise. J’aimerais, cependant, profiter de l’occasion pour inviter tous les sénateurs à profiter de la patinoire. Je sais qu’un programme important a été mis en place pour faire venir de jeunes Canadiens dans la capitale nationale, afin qu’ils puissent participer à cette activité dans le cadre du 150e anniversaire du Canada. J’espère que nous continuerons, au cours des derniers jours de cette année, de souligner le 150e anniversaire du Canada.

Le sénateur MacDonald : Je suis certain que tout le monde célèbre le pays et je suis persuadé que les Canadiens n’ont pas à venir à Ottawa pour patiner en hiver.

Le pays compte de nombreuses collectivités vulnérables. Il y a assurément de nombreuses collectivités pauvres en Nouvelle-Écosse et au Cap-Breton. Selon moi, Ottawa et Gatineau ne semblent pas être une partie du pays qui souffre d’un manque d’infrastructures. Je me demande pourquoi on fera don de cette patinoire uniquement à la région d’Ottawa-Gatineau et pourquoi on n’a pas tenu compte de toutes les collectivités du pays. Après tout, ce sont les contribuables du Canada qui paient pour cette patinoire.

Le sénateur Harder : Comme je l’ai mentionné, je vais tenter d’apporter des précisions au sujet du processus de sélection et des raisons qui ont motivé l’annonce, mais je tiens simplement à rappeler à tous les sénateurs — et les sénateurs qui habitent dans la région de la capitale nationale au sens large du terme ne sont pas sans le savoir — qu’il y a des collectivités défavorisées dans la région. Nous ne devrions pas supposer que la région où se situe la Cité parlementaire, où nous habitons et travaillons au cours de la semaine, est la seule partie de cette collectivité.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude du vingt-deuxième rapport du Comité des finances nationales, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-67, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2017-2018

Le Budget supplémentaire des dépenses (B)—Adoption du vingt-deuxième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l’étude du vingt-deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Rapport final sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) 2017-2018, déposé au Sénat le 6 décembre 2017.

L’honorable Percy Mockler propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, chaque fois que je prends la parole au Sénat, je me rappelle que je suis très chanceux et privilégié d’avoir été élevé par une mère célibataire, dans la pauvreté, et de pouvoir débattre de ce que les Canadiens ont à cœur, à savoir leur qualité de vie.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a étudié le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2017-2018, qui a été déposé au Sénat le 31 octobre 2017 et renvoyé au comité le 23 novembre 2017.

Au nom de ce comité, je soumets son rapport au Sénat afin que les sénateurs puissent étudier les justifications rattachées aux sommes que demande le gouvernement du Canada. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2017-2018 comprend une annexe où sont énumérées toutes les sommes demandées dans le tableau des crédits parlementaires de la Loi de crédits no 4, le projet de loi C-67.

Honorables sénateurs, le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2017-2018 contient des renseignements sur les dépenses budgétaires votées, qui totalisent 4,5 milliards de dollars — ce qui représente une augmentation de 4,4 p. 100 par rapport au Budget principal des dépenses de 2017-2018 — ainsi que sur les dépenses législatives de 395,3 millions de dollars, ce qui donne un total de 4,9 milliards de dollars.

[Français]

Honorables sénateurs, c’est vrai. Parmi les dépenses budgétaires votées de 4,5 milliards de dollars, une somme d’environ 1 milliard de dollars, ou représentant 23 p. 100, vise des engagements annoncés dans le budget de 2017. Le reste du financement de 3,5 milliards de dollars a généralement trait à des mesures annoncées dans les budgets précédents, à des changements dans le coût estimatif des programmes légiférés, à d’autres besoins de fonctionnement et au financement qui n’a pas été utilisé lors de l’exercice financier précédent et que le gouvernement demande la permission de dépenser cette année.

Le Budget principal des dépenses de 2017-2018, déposé le 23 février 2017, visait à obtenir l’autorisation du Parlement pour obtenir des crédits annuels afin de dépenser 102,1 milliards de dollars en dépenses budgétaires votées et 26,7 millions de dollars en dépenses non budgétaires votées.

Le Budget principal des dépenses de 2017-2018 présentait également des renseignements au sujet des montants législatifs de 155,8 milliards de dollars en dépenses budgétaires et un recouvrement de 246,2 millions de dollars en dépenses nettes non budgétaires.

[Traduction]

Je suis absolument persuadé que, pour nous tous, parlementaires et sénateurs, la responsabilisation, la transparence et la prévisibilité sont d’une importance capitale.

(1420)

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2017-2018 a été déposé le 11 mai 2017 et contenait des renseignements à l’appui de nouvelles dépenses budgétaires votées d’un montant de 3,7 milliards de dollars et de dépenses non budgétaires de 30,4 millions de dollars.

Bref, les dépenses totales du gouvernement qui sont prévues à ce jour dans le Budget principal des dépenses et les Budgets supplémentaires des dépenses (A) et (B) s’élèvent à 267 milliards de dollars pour 2017-2018.

Honorables sénateurs, le comité a tenu trois réunions sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2017-18 et a entendu le témoignage de 6 des 71 organisations gouvernementales qui ont indiqué aux membres du Comité des finances qu’elles avaient des exigences supplémentaires en matière de dépenses. En tout, 122 organisations sont représentées dans le budget des dépenses de 2017-2018.

Je vais maintenant vous donner quelques détails sur les principales dépenses votées.

Honorables sénateurs, parlons de Services partagés Canada. Ce ministère demande 23,5 millions de dollars, dont le plus gros poste est d’une valeur de 8,7 millions de dollars, pour le renouvellement de l’infrastructure de calcul de haute performance dans le cadre du projet d’Environnement et Changement climatique Canada.

Des fonctionnaires de Services partagés Canada ont affirmé que le projet témoigne des efforts déployés par le ministère pour renouveler et consolider l’infrastructure de TI vieillissante. Le comité a exprimé des réserves au sujet du fait que le contrat de huit ans et d’une valeur de 430 millions de dollars pour la construction d’un superordinateur pour Environnement et Changement climatique Canada a été octroyé à IBM. Honorables sénateurs, il s’agit de la même société qui est responsable du fiasco avec le système de paie Phénix que nous vivons aujourd’hui.

Une voix : Gracieuseté du gouvernement conservateur.

Le sénateur Mockler : Arrêtez de faire des reproches. Nous avons un rôle à jouer, celui de Chambre de second examen objectif.

Le sénateur Mercer : Que vous ne remplissez pas.

Le sénateur Mockler : Les fonctionnaires n’ont pas été en mesure d’expliquer les raisons pour lesquelles ils ont accordé le contrat à IBM, compte tenu des problèmes qui persurent avec Phénix.

Services partagés Canada demande aussi 3,8 millions de dollars pour améliorer la sécurité des cybersystèmes et de la technologie de l’information du gouvernement.

Le comité a aussi demandé une mise à jour au sujet de l’Initiative de transformation des services de courriel. Les représentants lui ont dit que le projet était au point mort depuis novembre 2015.

Le comité a été consterné d’apprendre que Services partagés Canada avait dépensé 57 millions de dollars — une somme colossale — pour un projet qui est maintenant paralysé, et 53 millions de dollars pour maintenir les systèmes existants.

Votre Honneur, le comité estime que Services partagés Canada doit veiller à ce que le système soit entièrement fonctionnel avant de procéder à la migration d’autres ministères, de manière à éviter de nouveaux problèmes susceptibles de nuire à la qualité de vie des Canadiens.

Honorables sénateurs, j’aimerais attirer votre attention sur le sort des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux qui, dans chaque province de notre grand pays, souffrent de préjudices injustifiés, de stress au travail et de problèmes de santé mentale parce qu’ils ne sont pas rémunérés correctement à cause du système Phénix. C’est inacceptable.

N’oublions pas que ces problèmes auraient pu toucher quiconque siège dans cette enceinte. Je suis convaincu que de nombreux parlementaires comptent des membres de leur famille qui sont touchés par ce système. Il faut absolument trouver une solution au problème.

Honorables sénateurs, passons maintenant au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, qui demande 450,2 millions de dollars. De cette somme, 264 millions doivent être affectés au Mécanisme de décaissement rapide de fonds du compte de crises.

Ce fonds permet de fournir des services d’urgence en matière d’assistance alimentaire, de soins de santé, d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Les responsables ont dit qu’une partie importante de leur budget avait déjà été consacrée à des crises de ce genre et que l’argent demandé leur permettra de renflouer le fonds et de continuer à réagir aux situations d’urgence.

La hausse du financement permettra au ministère de réagir aux crises qui sévissent au Nigeria, en Somalie, au Soudan du Sud, au Yémen et dans les pays voisins. Elle lui permettra aussi de remplir ses obligations, soit de660 millions de dollars sur six ans, à compter de 2017-2018, puis de 127 millions de dollars par année, conformément aux prévisions figurant dans le budget de 2017. C’est remarquable.

Le comité craint qu’on n’ait pas affecté suffisamment de fonds pour répondre aux situations d’urgence partout dans le monde et que ces fonds puissent être détournés vers l’aide au développement en cas de nouvelles crises.

Honorables sénateurs, je veux maintenant parler d’Affaires autochtones et du Nord Canada, qui a demandé 452,7 millions de dollars, dont 200 millions de dollars pour le troisième et dernier paiement aux termes de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et les Cris d’Eeyou Istchee, qui a été conclue en 2008.

Par ailleurs, honorables sénateurs, le ministère a réclamé 91,8 millions de dollars pour la négociation et la mise en œuvre de revendications territoriales globales, ainsi que d’ententes liées aux traités et d’ententes d’autonomie gouvernementale.

Affaires autochtones et du Nord Canada demande aussi 52,2 millions de dollars pour le règlement de revendications particulières, 23,7 millions pour les Programmes urbains pour les peuples autochtones et 21,6 millions pour appuyer les droits des Métis et les relations entre les Métis et le gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, le premier ministre a annoncé, le 28 août 2017, qu’AANC serait scindé en deux ministères, soit le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord et le ministère des Services aux Autochtones.

Le comité a exprimé des inquiétudes quant au fait que les coûts de la scission n’ont pas été évalués et qu’aucun plan n’a été élaboré pour mener à bien cette initiative. Il a également dit craindre que le ministère ne soit pas en mesure de réaliser cette scission sans nuire à la prestation des programmes.

[Français]

Le ministère de la Défense nationale, sur lequel notre comité s’est penché sérieusement, demande 1 milliard de dollars, y compris une somme de 668 millions de dollars qui représente des dépenses en capital. Il s’agit d’une hausse de 333,1 millions de dollars qui découle de l’augmentation salariale accordée aux membres des Forces armées canadiennes, à la suite de la nouvelle entente de rémunération qui s’applique rétroactivement de 2014 à 2017. Je sais pertinemment que tous les honorables sénateurs sont sensibles aux besoins de nos forces armées. La hausse totale, qui représente 5,34 p. 100, s’échelonne sur les quatre ans de l’entente.

Notre comité a aussi interrogé précisément le gouvernement sur sa décision de ne pas construire un deuxième navire de ravitaillement intérimaire. Cette décision mènera probablement à des mises à pied au chantier naval de Lévis, au Québec. Honorables sénateurs, cette décision inquiète le comité, car elle entraînera la perte de quelque 500 emplois au chantier naval de Lévis. Prenez ceci en considération, mesdames et messieurs les sénateurs. Les fonctionnaires de la Défense nationale nous ont indiqué qu’ils ignoraient s’il existait un document officiel du gouvernement expliquant les raisons de cette décision. Ils ont souligné qu’ils ont eu de multiples discussions en raison des montants élevés que cela implique.

Honorables sénateurs et sénatrices, notre comité suivra de très près ce dossier.

(1430)

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Mockler, votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Mockler : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Le sénateur Mockler : Parlons à présent de l’Agence du revenu du Canada. Cette dernière demande 43,9 millions de dollars en crédits votés pour la mise en œuvre et l’administration de diverses mesures liées à l’évasion et à l’évitement fiscaux. Selon le budget de 2017, cette demande de fonds serait la première de cinq demandes annuelles pour lutter contre l’évasion fiscale et la planification fiscale abusive. Honorables sénateurs, le comité va continuer de surveiller de près l’utilisation de ces fonds ainsi que les résultats obtenus par l’agence pour ce qui est de contrer l’évasion fiscale et l’évitement fiscal afin de s’assurer que ces résultats justifient l’augmentation des coûts.

Honorables sénateurs, le Bureau du vérificateur général a publié récemment un rapport sur le rendement des centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada. Plusieurs constatations exposées dans ce rapport nous semblent préoccupantes, notamment la suivante : l’agence a bloqué plus de la moitié des appels reçus, soit environ 29 millions d’appels sur 53,5 millions. Les Canadiens méritent mieux que cela. Selon les tests effectués par le vérificateur général, les agents des centres d’appels fournissent des renseignements erronés aux Canadiens dans 30 p. 100 des cas.

Honorables sénateurs, compte tenu de l’important rôle que l’Agence du revenu du Canada est appelée à jouer dans la mise en œuvre des changements fiscaux proposés par le gouvernement à l’endroit des petites entreprises, nous nous demandons, à la lumière de ce rapport du vérificateur général, si l’agence est en mesure de s’acquitter de son mandat de manière efficace partout au pays.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor demande un montant de 938,4 millions de dollars, dont la majeure partie est consacrée à deux postes : 654,6 millions de dollars pour les conventions collectives signées entre avril et le 31 juillet et 10,8 millions de dollars pour une partie des coûts d’un projet de transformation des services administratifs qui vise, d’une part, à améliorer le fonctionnement du système des ressources humaines et stabiliser les 44 ministères qui l’utilisent déjà et, d’autre part, à relier Phénix aux systèmes de ressources humaines.

[Français]

Honorables sénateurs, cinq organisations du gouvernement, c’est-à-dire l’Agence des services frontaliers du Canada, le ministère de la Santé, le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile ainsi que la Gendarmerie royale du Canada demandent 53,8 millions de dollars afin de créer un fonds visant à mettre en oeuvre et à appliquer un cadre fédéral pour la légalisation et la réglementation du cannabis. Nous avons l’intention de faire un suivi auprès de ces organisations afin de surveiller les recettes fiscales qui y seront liées, recettes qui proviendront d’ailleurs des contribuables du Canada.

Enfin, j’aimerais remercier tous les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales, soit les membres actuels et les anciens, bien sûr, mais aussi l’équipe de soutien. Je tiens à souligner le travail de notre greffière, Gaëtane Lemay, ainsi que celui des analystes, Sylvain Fleury et Alex Smith qui, avec leur équipe, travaillent sans relâche pour veiller à ce que les dossiers du Comité sénatorial permanent des finances nationales soient menés à bien.

[Traduction]

Honorables sénateurs, en terminant, j’aimerais remercier toute l’équipe du Comité sénatorial permanent des finances nationales, les sénateurs, bien sûr, ainsi que leur équipe, mais également le personnel de soutien du comité, de même que la greffière, Gaëtane Lemay, dont je tiens à souligner le travail. Nous continuerons de fournir transparence, reddition de comptes et prévisibilité aux sénateurs.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Plett : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 4 pour 2017-2018

Deuxième lecture

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-67, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2018, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Je tiens à remercier l’équipe du Comité sénatorial permanent des finances nationales pour le travail qu’elle a fait de manière très soutenue, cet automne, surtout en ce qui a trait à la réforme fiscale, d’abord, et ensuite dans le cadre de l’examen du Budget supplémentaire des dépenses (B), qui donne lieu à un projet de loi de crédits que je vous demanderai d’adopter à l’étape de la deuxième lecture aujourd’hui, et qui est le prolongement de l’étude du projet de loi C-63, qui est immense.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi à l’étude aujourd’hui, le projet de loi de crédits no 4 pour 2017-2018, prévoit l’octroi de crédits rattachés au Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2017-2018, et demande au Parlement d’approuver des dépenses votées de 4,5 milliards de dollars. Ces dépenses étaient prévues dans le plan des dépenses que le ministre des Finances a présenté dans le budget de 2017 et découlent également de mesures adoptées dans le budget précédent.

[Français]

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) est le deuxième parmi une série de trois. Il y a eu les Budgets supplémentaires des dépenses (A) et (B), et il y aura le Budget supplémentaire des dépenses (C). C’est le plus important Nudget supplémentaire des dépenses, où les effets du budget précédent sont plus évidents. Ce budget a été déposé le 31 octobre 2017 et a été transmis au Comité sénatorial permanent des finances nationales.

[Traduction]

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) traduit une augmentation de 4,9 milliards de dollars des dépenses budgétaires, dont 4,5 milliards de dollars en crédits votés et 0,4 milliard de dollars en dépenses législatives.

Comme vous vous en souviendrez peut-être, les dépenses législatives ont déjà été approuvées par le Parlement, et les prévisions détaillées ne sont fournies qu’à titre indicatif.

[Français]

En d’autres mots, dans les crédits qu’on nous demande d’adopter, il y a toujours des crédits consacrés à des dépenses qu’on décide de faire à la pièce et à des dépenses budgétaires. Les dépenses législatives sont des dépenses qui découlent de programmes qui existent et sur lesquels on n’a pas de contrôle immédiat, comme l’assurance-emploi, les régimes de prestations de la vieillesse, et cetera.

Le montant de 4,5 milliards de dollars en dépenses votées comprend les principaux postes budgétaires suivants : 654,6 millions de dollars pour les virements aux ministères et aux organismes dans le cadre des ajustements salariaux négociés; 335,6 millions de dollars pour un certain nombre de projets d’immobilisations déjà approuvés et financés par le ministère de la Défense nationale; 333,1 millions de dollars pour l’augmentation de salaire des membres des Forces armées canadiennes; 264,9 millions de dollars pour le mécanisme de décaissement rapide de fonds du compte de crises.

(1440)

[Traduction]

Il y a également 252,9 millions de dollars pour éventualités à l’égard des assurances de la fonction publique; 200 millions de dollars pour le versement du dernier paiement en vertu de l’entente avec les Cris d’Eeyou Istchee; 161,6 millions de dollars pour le Projet de remplacement d’aéronefs de recherche et de sauvetage à voilure fixe; 100,7 millions de dollars pour le projet de corridor du nouveau pont Champlain.

[Français]

Honorables sénateurs, si vous avez besoin d’un complément d’information, je peux essayer de répondre à vos questions maintenant ou encore vous transmettre l’information plus tard.

Sur ce, je vous remercie et je propose que la deuxième lecture du projet de loi C-67 ait lieu maintenant.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Martin :Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

La Loi sur la statistique

Projet de loi modificatif—Présentation du vingt et unième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Consentement ayant été accordé de revenir à la Présentation ou dépôt de rapports de comités :

L’honorable Art Eggleton,président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 7 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

VINGT ET UNIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique, a, conformément à l’ordre de renvoi du 9 novembre 2017, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

ART EGGLETON

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 2788.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur le précontrôle (2016)

Troisième lecture

L’honorable Douglas Black propose que le projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord remercier tous mes collègues des deux côtés du Sénat, ainsi que les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, de leur apport et de leur appui dans les travaux qui nous ont menés jusqu’à l’étape de la troisième lecture de ce projet de loi aujourd’hui. J’apprécie beaucoup tout le soutien reçu.

Je suis heureux de prendre la parole pour lancer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-23, Loi sur le précontrôle (2016). Ce projet de loi met en œuvre l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien conclu en 2015, afin d’étendre les opérations de précontrôle des voyageurs et des biens.

Le précontrôle, je suis convaincu que tous ici le savent, est le procédé permettant, depuis 60 ans, aux voyageurs de certains aéroports canadiens de subir les procédures du contrôle frontalier américain au Canada avant de partir pour les États-Unis. L’objectif est d’accélérer et de faciliter les déplacements. Les Canadiens peuvent ainsi franchir les processus des douanes et de l’immigration américains en sol canadien tout en étant protégés par la législation canadienne. Cela permet des vols directs entre les villes canadiennes et des aéroports américains qui n’accueillent autrement que des vols intérieurs.

Je commencerai mes commentaires en rappelant brièvement aux honorables sénateurs les avantages d’étendre le précontrôle, puis j’aborderai certaines des importantes questions soulevées au comité et ailleurs sur d’autres tribunes au cours des derniers jours.

L’élargissement des services de précontrôle présente de nombreux avantages. D’abord, plusieurs des aéroports où s’effectue déjà le précontrôle, notamment celui de ma ville, Calgary, ont atteint le nombre limite de voyageurs qui peuvent être traités dans leurs installations par le personnel en place. Ils voudraient pouvoir traiter plus de voyageurs et offrir davantage de vols vers les États-Unis en raison des retombées économiques connexes. Selon ce qu’on nous a dit au comité, l’aéroport international de Vancouver estime que les avions qui y transitent uniquement en raison de la présence des services de précontrôle représentent des retombées de plus de 300 millions de dollars et près de 2 000 emplois.

Il est donc normal que les aéroports canadiens, outre les huit qui possèdent déjà des installations de précontrôle, trouvent alléchante la possibilité d’offrir le précontrôle. Selon une entente de principe conclue entre le Canada et les États-Unis, les deux prochains aéroports ciblés sont l’aéroport international Jean-Lesage, à Québec, et l’aéroport Billy Bishop, à Toronto. D’autres aéroports pourront certainement être ajoutés ultérieurement.

Fait à noter, le projet de loi C-23 et l’accord qu’il met en œuvre comportent leur lot d’innovations. Le précontrôle s’étendra par exemple à de nouveaux moyens de transport, à commencer par les bateaux et les trains en partance de la Colombie-Britannique et les trains faisant la liaison entre Montréal et New York.

Dorénavant, les marchandises aussi pourront faire l’objet d’un précontrôle, un élément que le Canada et les États-Unis s’étaient engagés à mettre en œuvre en février dernier et qui n’existe pas encore. Comme l’ambassadeur du Canada aux États-Unis, David MacNaughton, l’a expliqué au comité, les nouvelles technologies permettent d’inspecter le contenu des camions plusieurs kilomètres avant qu’ils n’arrivent à la frontière, ce qui accélère grandement le passage au poste frontalier, en plus de faire économiser temps et argent aux entreprises concernées.

Enfin, le projet de loi C-23 prévoit la mise en œuvre du précontrôle par des agents canadiens en sol américain. Le ministre a expliqué au comité qu’il pourrait ainsi être possible de franchir la douane canadienne à New York, Boston ou Chicago, et que les Canadiens qui passent l’hiver chez nos voisins du Sud pourraient bien faire la même chose à partir de la Floride et de l’Arizona. Résultat : en débarquant au Canada, les passagers n’auraient plus besoin de faire longtemps la file à la douane.

Comme vous pouvez le constater, l’élargissement des mesures de précontrôle aura toutes sortes d’avantages : ce sera plus pratique pour les voyageurs, le tourisme et le commerce transfrontalier ne s’en porteront que mieux, et les voyageurs canadiens jouiront de protections juridiques et constitutionnelles supplémentaires lorsqu’ils remplissent les formalités exigées par les douanes américaines tout en étant encore en sol canadien.

C’est pour toutes ces raisons que nos deux pays ont conclu un accord il y a deux ans. Quant à nous, nous avons aujourd’hui la possibilité d’adopter le projet de loi C-23 et de franchir la première étape qui fera de cet accord une réalité.

Je sais qu’un certain nombre de mes collègues se sont interrogés sur le processus qui a mené à la conclusion de cet accord et à sa transposition en projet de loi, celui-là même dont nous sommes saisis. Avec tout le respect que je dois aux sénateurs, je leur rappelle qu’il n’y a rien d’exceptionnel à ce que les membres de l’exécutif de deux pays concluent un accord bilatéral et à ce que celui-ci soit ensuite soumis au Parlement pour qu’il soit ratifié. Au contraire, c’est généralement ainsi que les choses se font, à ce qu’on me dit. Les parlementaires que nous sommes ont maintenant le choix de le mettre en œuvre ou non. Ce choix nous appartient entièrement.

Toutefois, nous devons faire un choix éclairé. Nous devrions être conscients du fait que si nous rejetons le projet de loi C-23, il n’y aura pas d’élargissement des opérations de précontrôle et qu’aucun des avantages que j’ai décrits ne se concrétisera. Les conséquences seront les mêmes si nous amendons le projet de loi de manière à le rendre incompatible avec l’accord bilatéral qu’il vise à mettre en œuvre. Cela forcerait les négociateurs canadiens à relancer les négociations avec Washington, alors que nous ne sommes même pas sûrs que les États-Unis sont prêts à rouvrir ces négociations.

(1450)

C’est pourquoi je recommande fortement à mes collègues d’adopter ce projet de loi tel quel.

Je sais que ma collègue et amie, la sénatrice McPhedran, propose un amendement qui porte sur le Groupe consultatif chargé du précontrôle. Il s’agit d’un groupe binational qui a été établi dans l’accord. Il a le mandat d’examiner le précontrôle et de régler les problèmes systémiques éventuels, y compris ceux qui sont liés à la technologie, aux délais d’attente et aux niveaux de service ainsi que ceux qui sont personnels et relatifs à la fouille des voyageurs.

Le projet de loi C-23 permet déjà aux voyageurs d’avertir les membres canadiens du Groupe consultatif chargé du précontrôle s’ils sont soumis à plus qu’une simple fouille par palpation ou s’ils sont interrogés par un agent avant de se soustraire au précontrôle. Ce genre d’information peut aider les responsables canadiens à savoir si des problèmes systémiques doivent être réglés.

L’article 26.1b) de l’amendement proposé pose problème, car il vise à faire prendre aux membres américains du Groupe consultatif chargé du précontrôle un engagement juridiquement contraignant sans que le gouvernement américain ait donné son consentement. Autrement dit, la disposition va plus loin que ce qui avait été convenu avec les États-Unis. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut imposer de façon unilatérale. Il faudrait que des négociations aient lieu.

L’article 26.1c) de l’amendement proposé par la sénatrice McPhedran pose également problème, car il vise à imposer des mesures disciplinaires aux agents américains en raison d’une demande ministérielle canadienne. Encore une fois, malheureusement, peut-être, ce n’est pas quelque chose que le Canada peut imposer de manière unilatérale.

Je comprends ce que ces amendements tentent de faire. Ils découlent d’une préoccupation réelle, soit que le projet de loi C-23 n’offre peut-être pas suffisamment de protection ou de possibilités d’obtenir réparation aux voyageurs. Toutefois, des protections et des mécanismes de réparation existent.

Pour commencer, tant l’accord conclu avec les États-Unis que le projet de loi C-23 assujettissent la conduite des contrôleurs américains à la Constitution et au droit canadiens. Ainsi, aux termes du paragraphe 11(2) du projet de loi, le Canada doit donner aux contrôleurs de la formation sur le droit canadien.

Il ne fait aucun doute, chers collègues, que le processus de recours civil dont peut se prévaloir un voyageur lésé n’est pas parfait. Ce n’est pas l’idéal. Je rappellerai toutefois à mes collègues que ces conditions ont été négociées et que le fait d’apporter les changements proposés à ce stade reviendrait à rompre l’accord. C’est avec plaisir que je répondrai à toute question concernant les éléments de responsabilité civile ou criminelle de l’accord.

Tout voyageur canadien soumis à une fouille a le droit d’être conduit devant un supérieur et a le droit à l’aide d’un avocat. S’il estime avoir été maltraité, il peut, comme je l’ai dit, alerter le Groupe consultatif sur le précontrôle. Il peut également intenter au Canada une poursuite civile contre le gouvernement américain sous réserve de la Loi sur l’immunité des États et se prévaloir des mécanismes de plaintes et de recours prévus par l’agence américaine des douanes et de la protection des frontières. J’aimerais poser la même question qu’a posée, de façon tout à fait éloquente, l’ambassadeur lors de son témoignage devant le comité : préféreriez-vous que la question se règle à Toronto ou à la Nouvelle-Orléans? Voilà la question à laquelle il faut répondre lorsqu’on envisage de ne pas autoriser le précontrôle en sol canadien et en vertu du droit canadien.

Ce choix n’existe pas pour les voyageurs qui ne peuvent pas se prévaloir du précontrôle, comme ceux qui partent de Québec ou de Billy Bishop. Ces voyageurs qui atterrissent aux États-Unis suivent les procédures frontalières sans aucune de ces protections. Je pense que nous conviendrons tous que, d’un point de vue des droits, il est tout à fait préférable d’avoir accès au précontrôle que de ne pas y avoir accès, et que le précontrôle ait lieu au Canada plutôt qu’à l’étranger.

Je suis toutefois conscient du fait qu’il y a certaines inquiétudes à propos des répercussions du projet de loi C-23 sur les zones de précontrôle qui existent déjà. Il s’agit plus particulièrement, bien que ces questions touchent peu de voyageurs, des fouilles à nu et du droit de quitter une zone de précontrôle. En fait, la situation changera très peu.

En ce moment, si un agent américain considère qu’une fouille à nu est nécessaire, il doit demander à un homologue canadien de s’en charger. C’est toujours le cas aux termes du projet de loi C-23. La seule différence, c’est que le projet de loi C-23 prévoit une exception — et je dirais qu’on parle d’une situation hypothétique — selon laquelle, lorsqu’un agent canadien ne veut pas ou ne peut pas effectuer la fouille, l’agent américain est autorisé à le faire.

L’ambassadeur du Canada aux États-Unis, M. MacNaughton, a affirmé que, au cours des 60 années pendant lesquelles le précontrôle a été utilisé, un représentant canadien n’a jamais refusé de procéder à une fouille à nu à la suite d’une demande formulée par des agents américains. Dans le cas de ce scénario extrêmement improbable, comme je l’ai dit, les agents américains peuvent effectuer la fouille. En m’appuyant sur l’information détenue par l’ambassadeur, je peux affirmer que c’est extrêmement improbable.

Comme nous l’avons aussi appris, le nombre de fouilles à nu aurait été de deux, au cours des deux ou trois dernières années. À mon humble avis, il ne s’agit pas d’un enjeu important.

En ce qui concerne le droit de quitter une zone de précontrôle, le projet de loi C-23 le protège. Il y a toutefois une différence : le voyageur pourrait devoir s’identifier et expliquer pourquoi il quitte la zone.

La raison d’être de cette mesure est d’empêcher les gens mal intentionnés d’examiner les procédures et l’infrastructure à la frontière pour repérer les points faibles. Je me suis informé à ce sujet, et des agents de sécurité m’ont dit que c’est un véritable problème. Des individus tentent de cerner les faiblesses du système à des fins malhonnêtes.

Fait important à souligner, la loi exige que les voyageurs qui décident de se retirer ne soient pas retenus de façon déraisonnable. Comme nous l’avons entendu lors des travaux du comité, la notion de caractère raisonnable est bien définie en droit canadien.

Le comité a aussi entendu le syndicat international des débardeurs, l'International Longshore and Warehouse Union, qui craint que ses membres employés dans un port de mer de la côte Ouest ne se voient refuser l’accès aux zones de précontrôle, ce qui les empêcherait de faire leur travail. Leur crainte vient d’une disposition de l’Accord relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien qui permet aux États-Unis d’avoir un mot à dire dans la certification du personnel autorisé à travailler dans une zone de précontrôle.

Néanmoins, c’est au Canada de décider en fin de compte qui a accès aux zones de précontrôle se trouvant sur le territoire canadien. Les États-Unis peuvent fournir de l’information, mais la décision relève du Canada seul.

Enfin, je me souviens que, à l’étape de la deuxième lecture, il a été question de l’inspection des ordinateurs portables et des téléphones cellulaires. Alors, soyons bien clairs : le projet de loi n’accorde aux contrôleurs des États-Unis aucun pouvoir additionnel d’inspection des appareils électroniques, au-delà des pouvoirs qu’ils ont déjà. Le projet de loi ne contient rien de nouveau à cet égard.

Le projet de loi C-23 ne change rien à l’application des règles d’admissibilité aux États-Unis, y compris les décrets en vigueur concernant les ressortissants de certains pays.

Ces politiques américaines sont déjà appliquées actuellement dans les zones de précontrôle. Nous pouvons certainement ne pas souscrire à ces politiques, mais le projet de loi C-23 n’a aucun effet sur elles.

En somme, les différences entre le cadre législatif régissant actuellement le précontrôle et celui qui est proposé dans le projet de loi C-23 sont mineures. Elles ne justifient certainement pas qu’on empêche les Canadiens de profiter des avantages considérables d’un élargissement des services de précontrôle. Ce projet de loi accélérera et facilitera les déplacements transfrontaliers. Il présentera des avantages considérables pour l’industrie touristique et pour beaucoup d’autres secteurs de l’économie canadienne qui dépendent du commerce avec les États-Unis. Il permettra à un plus grand nombre de Canadiens, dans plus de régions de ce grand pays et avec davantage de modes de transport, de se soumettre à la procédure des douanes et de l’immigration des États-Unis tout en étant protégés par les lois canadiennes au Canada.

J’invite les honorables sénateurs à appuyer ce projet de loi.

(1500)

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole au sujet du projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis. Lorsque je suis intervenu il y a quelques semaines dans cette enceinte au sujet de cette mesure, j’ai souligné que l’accord qu’on cherche à mettre en œuvre a été conclu par le gouvernement précédent au printemps 2015, au terme de plusieurs années de négociations.

Le fait que cet accord ait été signé par un gouvernement précédent et qu’il soit mis en œuvre par l’actuel gouvernement témoigne de l’importance qu’il revêt pour l’économie canadienne.

[Français]

Lors de leur comparution devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, le ministre de la Sécurité publique et l’ambassadeur du Canada aux États-Unis ont tous deux mentionné certaines des retombées du précontrôle. Je suis d’accord pour dire que le précontrôle est vital pour le Canada. Il contribuera à faciliter les voyages transfrontaliers, car il minimisera les retards pour les voyageurs et les gens d’affaires canadiens qui se rendent aux États-Unis.

En ce qui concerne le prédédouanement dans les aéroports, il permettra d’augmenter le nombre d’aéroports nationaux aux États-Unis auxquels ont accès les compagnies aériennes et les passagers canadiens. À l’heure actuelle, le précontrôle est en vigueur dans huit aéroports canadiens seulement, mais il sera désormais possible de le mettre en œuvre ailleurs dans d’autres aéroports, ainsi que dans les réseaux ferroviaires et maritimes. Dans ma province, au Québec, cette question est d’une importance capitale, car le précontrôle sera instauré à l’aéroport international Jean-Lesage de Québec et s’appliquera au trafic ferroviaire de Montréal à destination des États-Unis.

[Traduction]

Les avantages économiques découlant des opérations de précontrôle sont évidents. Le précontrôle constitue un élément essentiel pour atteindre l’objectif global du Canada de faciliter les passages transfrontaliers entre le Canada et les États-Unis. La facilitation des passages transfrontaliers accroît les possibilités économiques et, partant, bénéficie aux Canadiens et à l’ensemble de l’économie.

Il est donc étonnant que le gouvernement ait tant tardé à faire adopter cette mesure. Présenté à l’origine en juin 2016, le projet de loi C-23 est demeuré pendant neuf mois à l’étape de la première lecture sans être débattu.

Aux États-Unis, le projet de loi de mise en œuvre de l’accord a été adopté à la même période. L’ambassadeur du Canada aux États-Unis, M. MacNaughton, nous a dit que l’ambassade canadienne avait exercé des pressions vigoureuses pour le faire adopter. Toutefois, du côté canadien, le projet de loi officialisant l’accord est resté en attente sans être débattu au Parlement; le gouvernement ne semblait pas voir l’urgence de la situation.

Le gouvernement a vigoureusement souligné l’importance de faciliter les passages à la frontière canado-américaine, mais il a pris peu de mesures concrètes pour atteindre cet objectif.

Par conséquent, il y a lieu de s’interroger sérieusement sur la détermination avec laquelle le gouvernement envisage de donner suite à cet accord et d’en tirer profit. Envisage-t-il de tirer pleinement avantage de cet accord? Outre la décision d’élargir immédiatement les opérations de précontrôle à certains aéroports, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il à long terme?

Quand le ministre a comparu devant le Comité de la sécurité nationale et de la défense du Sénat, il a demandé aux sénateurs de lui donner des idées sur la manière d’élargir les opérations de précontrôle. Chers collègues, le fait que le ministre tende la main au Sénat est une bonne chose. Cependant, nous ne devons pas oublier que l’accord a été signé il y a plus de deux ans et demi.

Le gouvernement a, de toute évidence, eu amplement le temps de mener les consultations requises et de déterminer sur quoi il doit concentrer ses efforts afin de profiter de cet accord fort important.

Au comité, mon collègue, le sénateur McIntyre, a demandé au ministre si le gouvernement dispose d’un plan d’action pour l’application à long terme de l’accord. La ministre a répondu par l’affirmative.

Si ce plan existe réellement, je pense qu’il serait extrêmement utile que le gouvernement le dépose au Sénat, afin que les sénateurs puissent voir ce qu’il a en tête, puis fournir des suggestions constructives en vue de veiller à ce que le plan soit le plus avant-gardiste et solide possible.

Sénateur Harder, je vous serais reconnaissant si vous pouviez nous aider à cet égard, comme vous l’avez fait pour d’autres éléments de la mesure législative.

Chers collègues, je crois que les arguments économiques en faveur de l’accord et du projet de loi C-23 sont forts. Toutefois, de nombreux groupes et organismes au comité ont soulevé des préoccupations au sujet des nouveaux pouvoirs conférés aux agents des services frontaliers des États-Unis qui travaillent dans des installations de précontrôle.

Nous savons que la gestion de la frontière canado-américaine est de plus en plus intégrée. Les agents canadiens et américains travaillent déjà en étroite collaboration dans de nombreux domaines, y compris celui du précontrôle. Je pense que, plus notre collaboration sera étroite, plus nous parviendrons à comprendre le cadre juridique et les approches stratégiques de l’autre pays.

Je suis conscient qu’il est question ici de Canadiens qui se rendent volontairement aux États-Unis. Comme l’ambassadeur MacNaughton l’a dit au comité, les Canadiens peuvent soit accomplir les formalités douanières au Canada, soit les accomplir aux États-Unis. Dans ce dernier cas, ils se priveraient des avantages que le passage aux douanes canadiennes offre aux voyageurs.

Toutefois, les préoccupations soulevées par les témoins à l’égard des libertés civiles sont légitimes. Le Sénat et le Parlement devront donc surveiller de près la mise en œuvre de cet accord. Par conséquent, je crois qu’il serait bon qu’un comité du Sénat fasse prochainement un suivi de la mise en œuvre de l’accord afin d’en déterminer les résultats tant sur le plan des objectifs économiques que des préoccupations légitimes que nombre de témoins ont soulevées à l’égard des libertés civiles.

Je suis heureux d’avoir participé à l’étude de ce projet de loi important pour le Canada. J’exhorte tous les sénateurs à appuyer le projet de loi C-23 tout en s’engageant à surveiller prochainement la mise en œuvre de la loi et de l’accord relatifs au précontrôle.

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, j’aimerais dire d’emblée que j’appuie l’objet du projet de loi. Comme les sénateurs Black et Housakos nous l’ont expliqué, personne ne saurait remettre en question l’importance d’un projet de loi qui vise à accélérer le contrôle frontalier des personnes ou des marchandises à destination des États-Unis.

Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler une chose : lorsque le Parlement a adopté la Charte des droits et libertés, en 1982, le système de gouvernement du Canada est passé — et je cite une déclaration du juge Dickson, de la Cour suprême, qui date de 1986 — « de la suprématie parlementaire à la suprématie constitutionnelle ».

Qu’est-ce que cela signifie? Cela veut dire essentiellement que ni le gouvernement ni le Parlement n’exerce un pouvoir suprême. Tous deux sont assujettis à la Charte des droits et libertés et doivent donc respecter les droits garantis par la Constitution du Canada.

Lors de l’étude d’un tel projet de loi — dont les sénateurs Housakos et Black ont dit qu’il a fait l’objet de vastes négociations entre les deux gouvernements —, nous devons évaluer l’incidence qu’auront les mesures négociées sur les droits et les libertés des Canadiens.

Je vais donner un exemple. Lorsque le gouvernement du Canada signe un accord avec les États-Unis afin d’échanger des renseignements sur des Canadiens pouvant être soupçonnés de terrorisme, le gouvernement du Canada demeure néanmoins responsable des renseignements fournis au pays étranger, c’est-à-dire les États-Unis. Il demeure responsable de la façon dont les États-Unis pourraient utiliser ces renseignements, ainsi que du traitement réservé aux Canadiens en raison des renseignements transmis, alors que ces Canadiens se trouvent aux États-Unis ou dans un pays étranger.

Il est inutile de vous rappeler l’affaire Maher Arar, soit la longue enquête qui a été menée, les résultats de cette enquête et l’indemnité versée à ce Canadien, essentiellement en raison des renseignements communiqués par le gouvernement canadien à un gouvernement étranger.

Un accord comme celui-ci — et personne ne peut nier qu’il accélérera le contrôle des Canadiens à la frontière et l’acheminement des biens vers les États-Unis — ferait sans doute l’unanimité dans cette enceinte, et je serais le premier à l’appuyer, en théorie. Je traverse moi-même la frontière plusieurs fois par année. Toutefois, cela ne devrait pas nous empêcher de soumettre le projet de loi à un examen et de vérifier que les droits et libertés des Canadiens sont bel et bien respectés. Le gouvernement canadien n’a pas la capacité de négocier ou d’échanger les droits et les libertés des Canadiens contre un contrôle accéléré à la frontière et il n’a pas non plus la capacité d’accepter diverses conditions qui sont prévues dans le projet de loi qui, à mon avis, posent problème.

Je vais parler, honorables sénateurs, de trois parties du projet de loi qui posent toujours problème. J’ai soulevé certaines préoccupations lundi dernier. J’ai lu le compte rendu des délibérations du comité et j’ai soulevé ces préoccupations à l’étape de la deuxième lecture. L’Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, le commissaire à la vie privée, l’Association musulmane du Canada, la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui ont tous témoigné devant le comité, ont fourni des explications détaillées.

Je pense au sénateur McIntyre. Il était là, au comité, et j’ai lu la question qu’il a posée aux témoins. J’ai appris beaucoup de choses à écouter les questions de mes collègues et les réponses qu’ils ont reçues.

Je demeure persuadé que trois articles de la Charte rendent ce projet de loi problématique.

(1510)

Commençons par l’article 8, qui dit ceci :

Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Pourtant, l’article 22 du projet de loi C-23 autorise les fouilles à nu, même dans les cas où un contrôleur canadien a jugé que ce n’était pas nécessaire. Je le répète : vous êtes en sol canadien, les contrôleurs canadiens viennent de refuser de vous soumettre à une fouille à nu, mais les contrôleurs américains, eux, pourront l’exécuter, même en l’absence d’un contrôleur canadien. Selon moi, cette disposition va directement à l’encontre de l’article 8 et pourrait être contestée devant le premier tribunal venu, puisque la Cour suprême a conclu qu’il n’y a pas de violation plus grande et plus grave de la dignité des Canadiens que la fouille à nu. Ce n’est d’ailleurs pas la jurisprudence qui manque, le dernier jugement en date étant Ward v. British Columbia, qui a été rendu en Colombie-Britannique en 2010.

À mon avis, cet article du projet de loi serait contestable sur-le-champ par quiconque refuserait d’être l’objet d’une telle fouille.

Le sénateur Black affirme qu’une telle chose ne s’est jamais produite. Dans ce cas, pourquoi l’avoir ajoutée au projet de loi? Il est inutile d’accorder ce pouvoir aux contrôleurs américains s’il n’a jamais été nécessaire jusqu’ici.

L’article 9 de la Charte est le deuxième qui rend le projet de loi problématique. Le voici :

Chacun a droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires.

L’article 10 précise : « Chacun a le droit […] d’être informé des motifs de son arrestation ou de sa détention [et] d’avoir recours [à] un avocat […] » Nous savons tous ce que prévoit le Code criminel en ce qui concerne les arrestations et les mises en détention.

Malheureusement, le projet de loi prévoit qu’un passager canadien qui décide de se soustraire au précontrôle peut se voir détenu au gré du contrôleur, sans que celui-ci ait à se soucier du caractère raisonnable de son intervention, comme l’a mentionné le sénateur Black. Ainsi, le contrôleur américain peut procéder immédiatement à la détention d’une personne qui se soustrait au processus de précontrôle même s’il n’a aucun motif raisonnable de croire qu’elle s’apprête à commettre un crime, fait partie d’un réseau de terroristes ou tente de transporter illégalement des marchandises aux États-Unis.

Honorables sénateurs, nous ne sommes pas encore saisis du projet de loi C-45, mais imaginons un instant un citoyen canadien qui a du cannabis dans sa poche ou son sac — comme le lui permettra la loi — et qui, avant de subir un précontrôle, se rend compte qu’il lui est interdit d’apporter les deux joints qu’il a sur lui aux États-Unis et décide de s'y soustraire. Ce citoyen pourrait être immédiatement détenu et obligé de se soumettre au processus décrit à l’article 29.

Autrement dit, nous ne devons pas perdre de vue que le projet de loi comprend un article qui se révélera très problématique si le projet de loi C-45 est adopté et entre en vigueur.

L’article 24 de la Charte est le troisième article qui rend le projet de loi problématique. L’article 24 permet à tout Canadien victime de violation ou de négation de ses droits de, et je cite, « s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir […] réparation […] ».

Le gouvernement canadien a négocié très habilement l’accord et a ajouté une disposition que les Américains n’ont même pas demandée et qui décharge de toute responsabilité le gouvernement et les contrôleurs canadiens.

Les Américains n’ont pas demandé au gouvernement canadien de se décharger de toute responsabilité, mais le gouvernement a quand même inclus une disposition à cet effet dans le projet de loi.

Motion d’amendement

L’honorable Serge Joyal : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)à la page 10, à l’article 22, par suppression des lignes 8 à 22;

b)à la page 12, à l’article 26.1, par substitution, aux lignes 37 et 38, de ce qui suit :

« toute situation visée à l’un des articles 22, 23, 24 et 32 de la présente loi. »;

c)à la page 14 :

(i)à l’article 29, par substitution, aux lignes 1 à 3, de ce qui suit :

« 29 Sous réserve des articles 13 à 15 et 32, tout voyageur à destination des États-Unis peut se soustraire au précontrôle et quitter la zone »,

(ii)par suppression de l’article 30;

d)aux pages 14 et 15, par suppression de l’article 31;

e)à la page 16 :

(i)à l’article 32, par substitution, aux lignes 5 à 8, de ce qui suit :

« aux articles 25 et 26. »,

(ii)à l’article 33, par substitution, aux lignes 21 et 22, de ce qui suit :

« tographie du voyageur obtenue au titre de l’alinéa 32(1)b); »;

f)à la page 19, à l’article 39, par suppression des lignes 17 à 19.

Honorables sénateurs, je m’excuse de tous ces chiffres. Évidemment, lorsqu’on amende un article, il faut rétablir la numérotation, replacer tous les paragraphes, et ainsi de suite.

Si on pouvait distribuer le texte de l’amendement, les honorables sénateurs pourraient comprendre ce que je veux dire.

Je pense qu’il s’agit d’un projet de loi très important, car il sacrifie les droits des Canadiens au profit d’un avantage que nous considérons tous comme étant désirable. La rapidité avec laquelle les passagers et les biens traversent les frontières doit être maintenue, mais pas aux dépens des droits garantis par la Charte ni aux dépens de la capacité des Canadiens de demander réparation s’il y a violation des protections dont ils jouissent comme Canadiens.

N’oublions pas qu’ils sont encore en territoire canadien. Il s’agit toujours du précontrôle en territoire canadien, et non pas en territoire américain. Ce projet de loi s’applique sur le sol canadien. Comment le gouvernement peut-il négocier avec un pays étranger des droits moindres que ceux que la Constitution accorde aux Canadiens?

Je vous invite, honorables sénateurs, à lire les témoignages de l’Association du Barreau canadien, de groupes internationaux œuvrant pour les libertés civiles et de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique et vous verrez que ce projet de loi fait ressortir de graves enjeux sur lesquels il convient de se pencher.

Comme le dit le sénateur Black, l’accord a été conclu, il est à prendre ou à laisser. Si vous n’acceptez pas la façon dont ce projet de loi a été préparé et négocié, oubliez cet accord.

Je ne pense pas que ce soit la façon de procéder, honorables sénateurs. Le projet de loi comporte une disposition permettant au gouvernement canadien de soulever des questions, ainsi que de négocier et de transférer au gouvernement américain l’obligation et la responsabilité qui lient le gouvernement canadien. Je suis certain que les amendements que je demande ne compromettent pas la teneur du projet de loi et ne rendront pas plus complexe la responsabilité que doivent assumer les Américains.

Comme vous l’avez dit vous-même, et je cite le qualificatif que vous avez employé, ces problèmes sont « mineurs ». Si c’est le cas, pourquoi ne pas les régler pour éviter que les dispositions en cause ne soient contestées devant les tribunaux avec tout ce que cela entraîne, comme des procédures longues et coûteuses, et des indemnisations semblables à celles que nous avons dû verser relativement à des accords conclus avec d’autres pays et dans le cadre desquels l’information n’avait pas été utilisée dans le respect des droits et libertés dont jouissent les Canadiens?

J’accorde beaucoup d’importance à cette question, honorables sénateurs, parce que les témoignages entendus au comité m’ont convaincu que le projet de loi peut malheureusement faire l’objet d’une longue et coûteuse contestation devant les tribunaux. Il incombe donc au Sénat de renégocier ces questions afin qu’elles soient conformes aux droits et libertés. Je ne demande rien d’autre que de nous assurer de ne pas créer, par souci de globalement bien faire, des problèmes qui viendront nous hanter un jour.

Je le répète, je ne voudrais pas donner l’impression que je cherche à vous menacer. Je tiens toutefois à attirer votre attention sur le contrôle extrême que l’actuel gouvernement américain entend exercer à la frontière quand le projet de loi C-45 aura été adopté, un contrôle dont les jeunes hommes aux cheveux longs feront particulièrement les frais.

(1520)

Vous savez à quoi je fais référence. Les agents soupçonneront immédiatement ces jeunes de transporter une substance que le gouvernement américain considère comme illégale et qu’ils n’ont pas le droit d’apporter aux États-Unis.

C’est un problème gravissime et très pressant qui n’est pas simplement le fruit de mon imagination. J’ai lu le rapport que l’ancienne ministre de la Justice, Anne McLellan, a déposé au sujet de la légalisation du cannabis. Lorsqu’une question à ce sujet a été posée à l’autre endroit, personne n’a pu donner de réponse.

Honorables sénateurs, il faut voir à ce que cette mesure législative soit absolument conforme à la Charte, afin d’éviter un cauchemar quand les jeunes chercheront à franchir la frontière le 1er ou le 2 juillet prochain.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Joyal, avec l’appui de l’honorable sénateur Munson, propose en amendement que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié… Puis-je me dispenser de lire le reste?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Souhaitez-vous en débattre?

La sénatrice Martin : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L’honorable Pierrette Ringuette : J’aurais une question.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur Joyal est maintenant écoulé. Le sénateur devra donc demander plus de temps s’il souhaite répondre à une question.

Le sénateur Joyal : Je demande aux honorables sénateurs de m’accorder cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président : Lui accordons-nous cinq minutes de plus?

Des voix : D’accord.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie, sénateur Joyal, d’accepter de répondre à mes quelques questions. J’ai écouté votre discours avec beaucoup d’intérêt. Vous êtes président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, donc vous étiez présent aux audiences pour étudier ce projet de loi. Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont-ils témoigné devant votre comité? Les questions relatives à l’amendement que vous proposez leur ont-elles été posées?

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, le projet de loi C-23 n’a pas été étudié par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, mais plutôt par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Il y a eu des témoignages des différents ministères impliqués. Je pense en particulier à celui de Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique, qui est responsable du projet de loi.

J’ai lu les transcriptions des débats du comité, en particulier les commentaires et les propositions d’amendements présentés par les groupes qui étaient présents lundi dernier : l’Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, le commissaire à la protection de la vie privée, l’Association canadienne des avocats musulmans et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, entre autres. Les propos tenus au cours de ces audiences n’ont pas répondu aux objections soulevées par ces différents organismes spécialisés que nous entendons régulièrement au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et à d’autres comités lorsqu’il est question d’amendements à des projets de loi touchant la Charte canadienne des droits et libertés.

Alors, à la lecture des débats et des réponses données par les différents témoins du gouvernement, je ne crois pas qu’ils aient répondu aux préoccupations exprimées par ces organismes spécialisés dans l’étude et l’observation des droits et libertés.

La sénatrice Ringuette : Pourtant, on nous indique toujours que, dans le cadre du processus du gouvernement, lorsqu’un ministre dépose un projet de loi, celui-ci fait l’objet d’une consultation au préalable assez poussée quant à sa constitutionnalité et à la façon dont il respecte la Charte canadienne des droits et libertés. Êtes-vous en train de nous dire que ce processus n’a pas été suivi ou qu’on a bifurqué?

Le sénateur Joyal : Ce que je dis, essentiellement, c’est que, selon l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, un projet de loi déposé à la Chambre des communes ou au Sénat doit normalement obtenir son évaluation de la part du ministre de la Justice. Cependant, cette évaluation n’est pas rendue publique. Si des doutes sont soulevés dans l’étude d’un projet de loi par le ministère de la Justice, ils ne seront pas déposés en même temps que le projet de loi. C’est la première limite qu’a le Parlement dans le débat des projets de loi. Le gouvernement peut, malgré une recommandation du ministère de la Justice indiquant qu’un projet de loi pose problème, décider, pour des raisons politiques, de le déposer malgré tout et de voir à son adoption. Cela ne rend pas le projet de loi...

[Traduction]

Je regardais mon ami, le sénateur Wetston. Pardonnez-moi ce commentaire, sénateur. Le fait qu’un projet de loi dans lequel il pourrait y avoir des manquements par rapport à la Charte ait été présenté par le gouvernement ne signifie pas qu’il est casher.

Mois après mois, la Cour suprême rend des décisions au sujet de projets de loi émanant du gouvernement. Mon intention n’est pas de relancer certains débats que nous avons eus ici sur la peine minimale, selon lesquels la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de l’Ontario et la cour de la Colombie­Britannique ont conclu, à de nombreuses occasions, que les peines minimales pour une infraction précise sont inacceptables selon la Charte. À première vue, ce n’est pas parce que le projet de loi est déposé qu’il ne contrevient d’aucune manière à la Charte.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice McPhedran, avec l’appui de l’honorable sénateur Mercer, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur l’amendement?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Joyal, avec l’appui de l’honorable sénateur Munson, propose en amendement que le projet de loi C­23 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu’il soit modifié… Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

L’honorable Donald Neil Plett : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 15 h 58.

Convoquez les sénateurs.

(1600)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Joyal, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bernard Lovelace Nicholas
Cools McCoy
Downe McPhedran
Dyck Mercer
Fraser Munson
Galvez Omidvar
Griffin Pate
Joyal Tardif—16

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk Massicotte
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Mégie
Beyak Mitchell
Black Mockler
Boisvenu Ngo
Bovey Oh
Campbell Patterson
Carignan Petitclerc
Christmas Plett
Cordy Poirier
Cormier Pratte
Dagenais Raine
Dawson Richards
Doyle Ringuette
Duffy Saint-Germain
Eaton Seidman
Eggleton Smith
Frum Stewart Olsen
Gagné Tannas
Greene Tkachuk
Harder Unger
Housakos Verner
MacDonald Wallin
Maltais Wells
Manning Wetston
Marshall White
Martin Woo—59
Marwah

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Forest Moncion—3
Gold

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la motion à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-23.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, j’aimerais me concentrer sur une option que nous pourrions envisager, je crois, puisque le Sénat a indiqué qu’il ne souhaite pas examiner aujourd’hui toute la question de la protection des droits et l’ensemble des risques et des violations possibles.

Je souhaite donc me concentrer sur un autre point et faire valoir qu’il pourrait être bon d’améliorer un amendement qui a déjà été apporté par la Chambre des communes, même si on nous dit qu’il est essentiel de n’apporter aucun changement. Rappelons, en effet, que nos collègues de l’autre endroit ont apporté un amendement, qui est devenu l’article 26.1.

C’est une question très importante, et je tenterai de vous démontrer qu’elle mérite notre attention. En fait, l’article 26.1 tente, mais sans succès, de créer un remède ou un recours pour les cas où les choses tournent mal, c’est-à-dire lorsqu’il y a violation des droits ou profilage racial, ou si un contrôleur américain soumet un Canadien à une fouille à nu sur le territoire canadien, ce qui contrevient à ses droits.

Il n’y a actuellement aucun vrai recours ou mécanisme prévu pour revendiquer ce qui est promis dans le préambule de ce projet de loi, à savoir le respect des lois canadiennes en matière de droits, y compris la Charte canadienne des droits et libertés. Or, un droit sans recours n’est pas du tout un droit. Dans l’article 26.1, on tente donc de créer ce recours. Bien des amendements proposés par le sénateur Joyal portent sur des infractions précises.

Aujourd’hui, je vous demande d’envisager d’apporter un seul amendement au projet de loi pour améliorer un amendement déjà apporté par la Chambre.

Permettez-moi de vous inviter, question de se rapprocher d’une véritable responsabilité en cas d’inconduite d’agents de précontrôle et d’agents frontaliers, à créer un véritable recours au moyen d’un mécanisme qui soit décrit clairement et simplement.

Permettez-moi par ailleurs de vous inviter à retourner un peu votre lorgnette. Une bonne partie de ce qui nous a été présenté au sujet de ce projet de loi l’a été du point de vue de ce qui arrive à ceux d’entre nous qui sont assez privilégiés dans la société, qui sont bien vêtus, bien éduqués et qui trouvent des façons d’utiliser NEXUS et d’autres outils de précontrôle pour se faciliter la vie. Honorables sénateurs, c’est un point de vue de privilégié, et non le point de vue des droits.

Je vous invite, si vous le voulez bien, à analyser cette mesure sous l’angle de la protection des droits, car le point de vue du privilégié découle d’un privilège économique, d’un privilège diplomatique et, honnêtement, du privilège de pouvoir aller dans des centres de villégiature ou en vacances en Floride ou ailleurs au soleil.

Le point de vue des droits est très différent. Cet amendement vise à remédier à une lacune fondamentale du projet de loi, en dépit des garanties données par le gouvernement et le sénateur Black. L’article 9 prévoit que les règles du droit canadien s’appliquent dans les zones et les périmètres de précontrôle, mais le reste du projet de loi réduit petit à petit la portée de l’application du droit canadien et des mécanismes canadiens de protection des droits constitutionnels, jusqu’à ce qu’il n’en reste pratiquement rien.

(1610)

Les voyageurs lésés ne peuvent pas poursuivre les contrôleurs qui ont porté atteinte à leurs droits parce que le paragraphe 39(2) accorde à ces derniers l’immunité contre les procédures civiles. De la même façon, les voyageurs lésés ne peuvent pas poursuivre le gouvernement canadien, parce que le paragraphe suivant précise que, pour l’application de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, le contrôleur n’est pas un préposé de l’État. Il n’existe donc aucun recours.

Pourrait-on plutôt poursuivre le président des États-Unis? Les voyageurs lésés feraient mieux de ne pas compter là-dessus, car, en vertu de la Loi sur l’immunité des États, les États-Unis ne peuvent pas faire l’objet de poursuites à moins de circonstances impliquant la mort, des lésions corporelles ou des dommages matériels.

Comme Maher Arar l’a découvert, il est parfaitement inutile de s’adresser à l’appareil judiciaire américain pour poursuivre les États-Unis. En effet, M. Arar a tenté, en vain, de poursuivre le gouvernement américain pour lui avoir imposé des mesures extraordinaires d’extradition vers la Syrie, où il a été torturé pendant près d’un an.

Quel peut donc être le recours des voyageurs lésés lorsque leurs droits ne sont pas respectés? Les Canadiens, qui vivent dans une démocratie constitutionnelle fondée sur le respect des droits, ont désespérément besoin que la loi prévoie un mécanisme solide de reddition de comptes et de réparation des torts.

L’article 26.1, qui se fonde pourtant sur une bonne intention, ne leur donne pas ce recours. La représentante de l’Association canadienne des avocats musulmans a déclaré devant le comité que cette disposition revient à une version à peine améliorée de la fiche de commentaires.

L’amendement que je propose prévoit un système pour que les voyageurs lésés, qui n’auront autrement aucune autre option, aient un véritable recours pour faire respecter leurs droits.

Si vous croyez, par exemple, avec la confusion qui règne en raison de la modification législative qui a lieu au Canada et la situation qui prévaut aux États-Unis, qu’on ne violera pas les droits des jeunes suspectés de consommer de la marijuana et que les personnes qui ont la peau plus foncée ou qui ne sont peut-être pas aussi bien vêtues que la plupart d’entre nous ne seront pas victimes de profilage racial, qu’il n’y aura pas de violation des droits, eh bien, détrompez-vous.

Ce système n’est pas nouveau. On a instauré des systèmes comme celui que je propose — un mécanisme de responsabilisation efficace — dans des contextes où les droits étaient menacés. Il y a notamment l’Agence des services frontaliers du Canada, qui, à tout le moins, reçoit les plaintes des voyageurs qui estiment avoir été maltraités, et qui répond directement à ces préoccupations.

Un autre exemple se trouve dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui prévoit le droit d’en appeler d’une décision en matière d’immigration devant la Section d’appel de l’immigration. Si cette démarche ne satisfait pas le demandeur, la loi prévoit le droit à un contrôle judiciaire immédiatement après le droit précédent.

Ce qui se trouve actuellement dans ce projet de loi est d’ordre administratif. Il ne prévoit aucun véritable correctif, et, sans correctifs, il n’y a aucun droit. De plus, si le préambule ne contient pas de mécanisme, il est, pour ainsi dire, vide.

N’oublions pas que les Canadiens ne peuvent pas faire valoir leurs droits s’il n’y a pas de lois qui leur offrent des recours lorsque ces droits sont violés. Pensons aussi au fait qu’il y a des conséquences économiques pour les pays qui ne respectent pas les droits et qui utilisent une loi comme celle-ci pour troquer des droits contre un accord économique conclu par l’exécutif lors de négociations qui ont eu lieu en 2015.

Je vous demande donc d’envisager de voter en faveur de la modification suivante à l’article 26.1. Elle vise à créer un véritable recours pour les droits que nous promettons dans le préambule du projet de loi.

Le paragraphe 26.1(1) se lirait comme suit :

Nonobstant tout recours à sa disposition, le voya-

Nous adjoindrions ensuite, après la ligne 38, ce qui suit :

Les hauts fonctionnaires canadiens du Groupe consultatif chargé du précontrôle […]

Ce groupe est le nouvel organisme administratif qui serait créé et qui ne possède pas de mécanisme pour donner suite aux plaintes déposées. Il serait tenu d’informer, par écrit, le voyageur de ses conclusions dans les 90 jours suivant la réception des renseignements.

Un tel mécanisme n’existe pas actuellement dans le projet de loi. Il s’agit d’une pratique courante dans la plupart des systèmes gouvernementaux au Canada et elle vise à traiter avec respect toutes les plaintes que les gens souhaitent déposer, à mener des enquêtes sur celles-ci et à continuer à rendre des comptes sur ces plaintes.

Tout voyageur insatisfait des conclusions des hauts fonctionnaires canadiens du Groupe consultatif chargé du précontrôle peut, par écrit, demander au ministre de mener une enquête sur toute situation liée aux renseignements qu’il a fournis.

Le ministre est tenu de mener l’enquête et de faire rapport de ses conclusions au voyageur dans les 90 jours suivant la réception de la demande.

Dans les 30 jours suivant la date de remise du rapport au voyageur, le ministre affiche le rapport sur le site web de l’Agence des services frontaliers du Canada. Sur demande du voyageur, le rapport affiché est caviardé de manière à protéger son identité.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice, mais votre temps de parole est presque écoulé. Vous parlez d’un amendement que vous n’avez pas encore proposé. Si vous souhaitez proposer un amendement, vous devez le lire au complet, pour indiquer en quoi vous souhaitez que le projet de loi soit modifié. Vous devez le faire pendant votre temps de parole, faute de quoi vous devrez demander le consentement du Sénat à cet effet.

La sénatrice McPhedran : Je demande le consentement du Sénat.

Son Honneur le Président : Proposez-vous l’amendement?

Motion d’amendement

L’honorable Marilou McPhedran : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 26.1, à la page 12 :

a)par substitution, à la ligne 33, de ce qui suit :

« 26.1 (1) Nonobstant tout recours à sa disposition, le voya- »;

b)par adjonction, après la ligne 38, de ce qui suit :

« (2) Les hauts fonctionnaires canadiens du Groupe consultatif chargé du précontrôle examinent les renseignements reçus au titre du paragraphe (1) et informent, par écrit, le voyageur de leurs conclusions dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception des renseignements.

(3) Le voyageur insatisfait des conclusions des hauts fonctionnaires canadiens du Groupe consultatif chargé du précontrôle peut, par écrit, demander au ministre de mener une enquête sur toute situation liée aux renseignements fournis au titre du paragraphe (1).

(4) Le ministre est tenu de mener l’enquête et de faire rapport de ses conclusions au voyageur dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de la demande visée au paragraphe (3).

(5) Dans les trente jours suivant la date de remise du rapport au voyageur, le ministre affiche le rapport sur le site Web de l’Agence des services frontaliers du Canada. Sur demande du voyageur, le rapport affiché est caviardé de façon à protéger son identité.

(6) S’il est d’avis qu’un contrôleur ou un agent des services frontaliers a contrevenu au droit canadien, notamment à la Charte canadienne des droits et libertés, à la Déclaration canadienne des droits et à la Loi canadienne sur les droits de la personne, ou s’est livré à un acte répréhensible, le ministre en informe l’autorité responsable du contrôleur ou de l’agent et recommande à l’autorité la sanction ou la mesure corrective qui, selon le ministre, est appropriée dans les circonstances. ».

Honorables sénateurs, je tiens simplement à ajouter que cela n’est pas une nouveauté dans les systèmes canadiens. Cela permet, en fait, d’étoffer ce que nous avons reçu de la Chambre des communes. Les présumées victimes de violations auront un recours. Sans mécanisme, nous avons l’expression ou la promesse du respect des droits, mais aucune mesure corrective, aucun recours.

J’aimerais donc terminer en disant ceci : sans recours, un droit n’est pas un véritable droit.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice McPhedran, avec l’appui de l’honorable sénateur Joyal…

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Je dois proposer l’amendement d’abord, s’il vous plaît.

L’honorable sénatrice McPhedran, avec l’appui de l’honorable sénateur Joyal, propose en amendement...

(1620)

La sénatrice Cordy : Suffit!

Son Honneur le Président : Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Sénateur Gold, avez-vous une question ou souhaitez-vous participer au débat?

L'honorable Marc Gold : J’ai une question.

Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à une question?

La sénatrice McPhedran : Oui, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Gold : Sénatrice McPhedran, avez-vous des raisons de croire — et, si oui, sur quelle base — que cet amendement n’exigerait pas une renégociation du traité?

La sénatrice McPhedran : Je ne peux pas répondre à cette question, car je ne participe pas aux consultations. Dans la démocratie constitutionnelle dans laquelle nous nous trouvons, et étant donné notre responsabilité en tant que sénateurs, je dirais que le fait de créer un recours et proposer une solution pour le respect d’une promesse qui se trouve déjà dans le préambule, d’apporter une amélioration à ce que nos collègues à la Chambre des communes ont fait, est nécessaire et raisonnable. Je suis tout à fait convaincue que nos diplomates sont en mesure de régler cette question avec nos collègues.

D’abord et avant tout, sénateur Gold, j’aimerais suggérer que nous nous concentrions sur les droits canadiens et que ce qui se passe en sol canadien respecte ces droits.

L’honorable Ratna Omidvar : Est-ce que la sénatrice pourrait répondre à une autre brève question?

La sénatrice McPhedran : Oui.

La sénatrice Omidvar : Au paragraphe 6 de votre amendement, il est question des contrôleurs et des agents de l’ASFC. J’imagine — veuillez fournir des précisions à cet égard — que vous parlez des contrôleurs canadiens. Ou parlez-vous aussi des contrôleurs américains?

La sénatrice McPhedran : Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, un contrôleur est un Américain et un agent des services frontaliers est un Canadien.

Les deux seront susceptibles de commettre des infractions. N’oublions pas que, aux termes du projet de loi actuel, si un agent canadien formé selon le droit canadien et le respect des droits des Canadiens détermine qu’une fouille à nu n’est pas permise, l’agent de précontrôle américain peut en faire fi et effectuer la fouille à nu.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice McPhedran, avec l’appui de l’honorable sénateur Joyal, propose en amendement que le projet de loi C-23 ne soit pas lu pour la troisième fois maintenant, mais qu’il soit modifié...

Puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent. La motion est rejetée.

(La motion d’amendement de l’honorable sénatrice McPhedran est rejetée, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Le sénateur Plett : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Black, avec l’appui de l’honorable sénateur Mitchell, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

L’honorable André Pratte : Je propose l’ajournement du débat.

Le sénateur Plett : Non.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Pratte, avec l’appui de l’honorable sénatrice McPhedran, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Une voix : Oui.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent. La motion est rejetée.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Daniel Christmas propose que le projet de loi C-61, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour exprimer mon appui envers le projet de loi C-61, Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes.

Tout d’abord, je tiens à souligner que nous célébrons cet accord historique en matière d’éducation autochtone sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine

Chers collègues, le grand industriel Henry Ford disait : « On se rassemble, c’est un début; on reste ensemble, c’est un progrès; on travaille ensemble, c’est le succès. »

Dans cet esprit, le projet de loi C-61 représente vraiment un nouveau départ, une véritable manifestation de progrès et, une fois qu’il sera adopté, un signe concret de réussite. Il a fallu 20 ans pour concrétiser cet accord d’autonomie gouvernementale en matière d’éducation, le plus important jamais conclu au Canada, qui crée un système d’éducation anishinabe relevant de la compétence des Premières Nations et met en œuvre l’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes pour 23 bandes de l’Ontario.

Honorables sénateurs, cet accord marque indubitablement un tournant dans le long cheminement vers une relation de nation à nation entre le Canada et les Premières Nations. Il s’agit d’une victoire pour la nation des Anishinabes et les 23 bandes autochtones qui ont ratifié l’accord et, ce faisant, se sont soustraites des dispositions de la Loi sur les Indiens concernant l’éducation. L’accord crée un système d’éducation fondé sur une approche d’enseignement ascendante, axée sur la communauté et conçue par et pour les écoles des bandes qui font partie de l’accord. Il répond aux besoins des enseignants anishinabes, de leurs élèves et des communautés qu’ils servent.

Cet accord d’autonomie gouvernementale en matière d’éducation, le deuxième du genre au Canada, est une idée dont l’heure est venue depuis longtemps.

À l’heure actuelle, la Loi sur les Indiens accorde au gouvernement fédéral le pouvoir législatif en matière d’éducation des élèves des Premières Nations vivant dans les réserves. La Loi sur les Indiens ne prévoit cependant rien quant à la pertinence culturelle ou linguistique de l’éducation donnée et elle ne prévoit pas non plus un financement adéquat et stable. D’ailleurs, de nombreuses responsabilités du programme fédéral actuel sont en fait assumées par les Premières Nations, sans cadre législatif. C’est donc dire que rien n’oblige légalement le gouvernement fédéral ou les Premières Nations à mettre en place des programmes semblables à ceux des systèmes provinciaux.

Toutes les lois provinciales en matière d’éducation, comme la Loi sur l’éducation, L.R.O. 1990 de l’Ontario, établissent des normes, notamment quant à la certification des maîtres, au nombre minimal d’heures d’enseignement et au minimum de présences. Les écoles des Premières Nations ne bénéficient pas d’un tel encadrement.

Honorables sénateurs, laissez-moi revenir sur le fait que la Loi sur les Indiens ne contienne rien sur la pertinence culturelle et linguistique de l’éducation. En plus de l’absence de parité avec les lois et les normes provinciales, la Loi sur les Indiens ne contient rien pour exiger que les programmes d’enseignement qu’elle régit reflètent la culture, l’histoire, le patrimoine et la langue des personnes qui suivent ces programmes.

Bref, cela nous indique clairement que le système actuel est dépassé, inefficace et inefficient et qu’il perpétue une forme de colonialisme qui n’a plus sa place au XXIe siècle.

Le projet de loi à l’étude représente une avancée importante. Il s’éloigne clairement du joug colonial de la Loi sur les Indiens. Il s’agit de l’incarnation résolue de l’autodétermination et de la recherche d’une autonomie gouvernementale en matière d’éducation dans le cadre d’une relation de nation à nation, une éducation qui, je le répète, a été pensée par les Premières Nations en fonction de leurs besoins. Le projet de loi affirme et reconnaît le pouvoir et l’autorité des bandes anishinabe participantes en matière de gouvernance et d’administration de l’éducation de leurs membres. Il créera un système d’éducation et un conseil scolaire anishinabe.

Je suis heureux de dire que je me suis entretenu avec la nouvelle directrice administrative de l’autorité scolaire, Mme Kelly Crawford. Elle est très dynamique et déterminée et est impatiente de s’acquitter de ses nouvelles fonctions.

Les 23 bandes participantes considèrent le projet de loi comme une occasion clé de réaliser la vision exprimée pour leur collectivité respective. Elles élaboreront de concert un système, adopteront des lois sur l’éducation et établiront des normes égales ou supérieures à celles de la province. Elles auront le plein pouvoir décisionnaire sur la meilleure façon de dépenser les fonds pour l’éducation et sur la détermination des priorités qui appuient le mieux les étudiants, leurs besoins et leurs aspirations.

(1630)

Honorables sénateurs, on ne saurait trop insister sur le fait que l’accès à une éducation de qualité est l’une des clés de la réussite à l’âge adulte. Comme Abraham Lincoln l’a déjà dit :

La philosophie de la salle de classe sera en une génération la philosophie du gouvernement prochainement.

C’est une réalité qu’il est absolument essentiel de reconnaître au sein des communautés autochtones, le groupe démographique qui connaît la croissance la plus rapide au pays. Les élèves autochtones d’aujourd’hui seront effectivement les dirigeants de demain, à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, aussi bien dans leurs communautés que dans l’ensemble du pays.

Tout aussi essentiel, l’accès à une éducation adaptée à la culture est nécessaire à la création d’un fort sentiment d’identité personnelle. Je suis sûr que vous estimez comme moi que les enfants et les jeunes qui ont confiance en eux-mêmes, qui ont un profond sentiment d’appartenance autochtone, seront en mesure d’atteindre leur plein potentiel à la fois sur le plan scolaire et en tant que membres bien équilibrés et compétents de la société.

C’est là le principal objectif du système d’éducation anishinabe : éduquer les jeunes des Premières Nations, établir un lien avec eux et investir en eux afin qu’ils puissent croire en eux-mêmes et réaliser ainsi leur plein potentiel.

L’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes montre aussi fort bien comment les partenariats contribuent grandement à l’obtention de résultats concrets pour les élèves anishinabes.

La nation des Anishinabes a choisi de travailler en collaboration avec le ministère ontarien de l’Éducation afin d’établir des systèmes qui cernent des objectifs et des stratégies visant à aider les élèves anishinabes.

En fin de compte, on cherche à faciliter le transfert des élèves, sans perte de scolarité, entre le système provincial et le système anishinabe.

À cette fin, la nation des Anishinabes et l’Ontario ont signé l’entente-cadre sur l’éducation, une mesure complémentaire au projet de loi, afin que les Premières Nations puissent disposer d’outils pratiques pour exercer leur compétence dans le domaine de l’éducation, des outils comme des systèmes d’information sur les élèves et l’accès à des ressources de perfectionnement professionnel.

Le système d’éducation anishinabe aura une incidence directe sur la vie d’environ 25 000 Anishinabes en Ontario, dont 2 000 élèves dans les réserves, et il favorisera leur réussite.

Honorables collègues, il y a un moment, j’ai dit qu’il s’agissait du deuxième accord de ce genre. Je vais vous dire une ou deux choses au sujet du premier.

La Mi’kmaw Kina’matnewey, ou MK, en Nouvelle-Écosse, est une société d’éducation créée en 1999 par les Mi’kmaq et les gouvernements fédéral et provincial. Elle est régie par sa propre loi sur l’éducation et, jusqu’à présent, elle était la seule au Canada dans cette situation.

La Mi’kmaw Kina’matnewey offre des services semblables à 12 collectivités mi’kmaq sur 13 en Nouvelle-Écosse.

Une convention exhaustive sur l’éducation a été conclue entre la MK et la Nouvelle-Écosse en 2008. Cette convention-cadre a remplacé tous les accords sur les frais de scolarité qui étaient en vigueur entre les conseils scolaires et les 10 bandes constituant la MK à l’époque. La convention garantit des droits de scolarité uniformes pour les élèves des réserves qui fréquentent les écoles provinciales, et elle établit une structure de rapports hiérarchiques qui permet de surveiller les mesures du rendement, notamment en matière de réussite et d’assiduité. Ce système a donné lieu à une amélioration extraordinaire des résultats scolaires des élèves.

Aujourd’hui, dans le système scolaire mi’kmaq en Nouvelle-Écosse, le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires est d’environ 88 p. 100, ce qui est considérablement plus élevé que la moyenne nationale, qui est de 35 p. 100. Les taux de numératie et de littératie dans les écoles primaires et secondaires ont augmenté, et plus de 500 élèves autochtones étaient inscrits dans un établissement d’enseignement postsecondaire au cours de la dernière année.

Des étudiants des Premières Nations obtiennent un diplôme d’études postsecondaires et partent à la découverte du monde. Ils partent avec assurance élargir leurs horizons et veulent changer les choses dans leur collectivité. Les élèves qui ont des besoins spéciaux reçoivent l’attention dont ils ont besoin pour grandir et s’épanouir.

Honorables sénateurs, c’est moi qui ai signé cet accord au nom de ma collectivité, Membertou, et je suis fier des progrès que nous avons réalisés il y a un bon nombre d’années. Je vous exhorte à appuyer l’accord dont nous sommes saisis, qui va encore plus loin que l’accord conclu avec les Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse. C’est une réalisation remarquable.

Je suis persuadé que le système d’éducation de la nation des Anishinabes va produire des résultats semblables dans l’intérêt des diplômés futurs, de leurs communautés et du Canada.

Il est important de reconnaître que l’accord qui est au cœur du projet de loi C-61 est le résultat d’un processus exhaustif de collaboration, de négociation et de ratification impliquant directement les communautés touchées depuis plus de 20 ans.

Une importante campagne de ratification a eu lieu il y a environ un an. Au cours de l’automne 2016 et de l’été 2017, les bandes de la nation des Anishinabes ont voté sur l’accord. Il a été approuvé par la grande majorité des personnes qui ont voté. Ainsi, les 23 bandes de la nation des Anishinabes font maintenant partie du système d’éducation anishinabe.

Il est également important de souligner que l’accord établit un processus pour que d’autres Premières Nations en Ontario puissent y adhérer à l’avenir. Le projet de loi C-61 constitue la prochaine étape dans le processus de ratification. Le projet de loi dont nous sommes saisis a déjà reçu l’appui des gens qui vont être directement touchés par ces changements.

Honorables collègues, c’est maintenant à notre tour d’évaluer les mérites de l’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes et de l’appuyer comme il se doit. Les signataires de l’accord ont entamé le travail nécessaire pour veiller à ce que le système soit pleinement opérationnel à partir du 1er avril 2018.

Mon objectif premier au Sénat est de promouvoir la réconciliation, le travail de la Commission de vérité et réconciliation et l’adoption de ses appels à l’action qui se trouvent dans le rapport final. Je suis ravi que le projet de loi C-61 serve d’exemple de mesures possibles de réconciliation avec les peuples autochtones.

Ces mesures témoignent de l’engagement du gouvernement du Canada à parvenir à une réconciliation grâce à une nouvelle relation fondée sur la reconnaissance des droits, le respect, la coopération et le partenariat.

Nous constatons que le projet de loi C-61 s’harmonise très bien avec cet engagement et les 10 principes régissant la relation du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones. Plus précisément, en ce qui concerne les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, l’éducation des Premières Nations est le sujet des appels à l’action 6 à 10. Essentiellement, ces appels à l’action demandent au gouvernement du Canada de développer une stratégie pour combler les écarts en matière d’éducation et d’emploi entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non autochtones; d’éliminer l’écart dans le financement en matière d’éducation qu’il verse pour les besoins des enfants des Premières Nations qui fréquentent des écoles dans les réserves; d’élaborer de nouvelles dispositions législatives qui font la promotion de l’éducation autochtone et qui la protège; de fournir un financement suffisant pour l’offre de programmes d’éducation; d’améliorer les niveaux de scolarisation et les taux de réussite; et, enfin, de publier des rapports annuels sur le sujet.

De plus, le projet de loi C-61 respecte également les principes de l’article 14 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui dit ce qui suit :

1. Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage.

2. Les autochtones, en particulier les enfants, ont le droit d’accéder à tous les niveaux et à toutes les formes d’enseignement public, sans discrimination aucune.

3. Les États, en concertation avec les peuples autochtones, prennent des mesures efficaces pour que les autochtones, en particulier les enfants, vivant à l’extérieur de leur communauté, puissent accéder, lorsque cela est possible, à un enseignement dispensé selon leur propre culture et dans leur propre langue.

Le projet de loi C-61 vise exactement les mêmes objectifs. Il permettra de complètement restructurer le système d’éducation sur les réserves pour en créer un qui est fondé sur l’autodétermination, un organe directeur centralisé, des programmes pertinents sur le plan culturel et un financement sûr et prévisible.

Honorables collègues, le chemin vers la réconciliation avec les peuples autochtones sera nécessairement avantageux pour tous les Canadiens. La réconciliation habilite les communautés autochtones à participer sur un pied d’égalité et à contribuer pleinement à la prospérité dont profitent la majorité des Canadiens. L’adoption du projet de loi C-61 permet au pays de franchir une étape importante vers l’atteinte de cet objectif.

(1640)

Les nations autochtones participantes ont clairement exprimé leur vision de l’autodétermination, et elle se reflète dans le projet de loi C-61.

Ce qui est tout aussi clair, c’est que ce projet de loi reflète également l’intention de la nation des Anishinabes de se libérer du joug de la Loi sur les Indiens en ce qui a trait à l’éducation.

En conclusion, n’oublions pas que ce projet de loi a pour principal objectif de mettre en œuvre la décision d’une nation autochtone qui a choisi, au nom des principes d’indépendance et d’autodétermination, de créer un régime d’éducation qui soit adapté aux besoins particuliers des Premières Nations et axé sur leur histoire, leur culture et leur langue. Il s’agit de mettre en œuvre un plan adopté par des citoyens autochtones au terme d’un processus démocratique.

Honorables sénateurs, voilà un projet de loi historique qui mérite notre appui. J’appuie sans réserve son adoption et son renvoi à un comité dans les plus brefs délais.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui en tant que porte-parole pour le projet de loi C-61, Loi portant mise en œuvre de l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Comme le sénateur Christmas l’a fort bien expliqué, ce projet de loi vise à faciliter l’autodétermination de la nation des Anishinabes en matière d’éducation, notamment en permettant aux nations autochtones participantes d’adapter leurs programmes d’éducation en fonction de leur culture et de leur langue, et de décider seules de la façon de dépenser les fonds consacrés aux programmes d’éducation en fonction des priorités des différentes communautés.

Après 22 ans de négociations entre la nation des Anishinabes et le Canada, 23 des 39 nations qui constituent la nation des Anishinabes ont ratifié cet accord. Si d’autres nations souhaitent s’assujettir à la loi à l’avenir, le projet de loi contient des dispositions qui leur permettront de le faire. J’espère et je prévois qu’elles le feront.

Il est à espérer que ce nouveau système permettra d’améliorer les résultats scolaires et de réduire les écarts socioéconomiques entre les Canadiens autochtones et non autochtones. Les normes mises en place sont semblables à celles du système d’éducation de l’Ontario, dans le but de favoriser une transition harmonieuse pour les enfants entre les écoles anishinabes et les écoles non autochtones de cette province.

Au cours de l’étude menée par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur l’éducation des Premières Nations, à laquelle j’ai eu le privilège de participer, nous avons trouvé que la prise en charge de l’éducation par les Premières Nations est essentielle à la préservation de la langue et de la culture des peuples autochtones. Dans notre rapport, intitulé La réforme de l’éducation chez les Premières Nations : de la crise à l’espoir, présenté au Sénat en décembre 2011, nous avons discuté des réformes législatives possibles pour aider à améliorer les résultats scolaires des enfants autochtones. Nous y avons inclus une citation du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l’époque, le regretté Jim Prentice, qui a dit ceci :

En fait, il n’existe aucun système éducatif des Premières nations […] Tous les autres enfants au Canada jouissent d’une protection juridique dans le domaine de l’éducation. Les enfants des Premières Nations qui habitent dans des réserves sont les seuls enfants privés de cette protection.

Le gouvernement conservateur précédent croyait fermement que la prise en charge de l’éducation par les Premières Nations était la clé du succès pour ces étudiants. La création de programmes d’études spécialisés et l’examen des programmes existants dans une optique autochtone sont, je le crois, essentiels pour aider les élèves à s’intéresser à la culture et à l’histoire, qui, jusqu’ici, étaient présentées dans une optique eurocentriste. Voilà pourquoi le gouvernement Harper a proposé le projet de loi C-33, Loi établissant un cadre permettant aux premières nations de contrôler leurs systèmes d’éducation primaire et secondaire, pourvoyant à leur financement et modifiant la Loi sur les Indiens et d’autres lois en conséquence. Le gouvernement de l’époque croyait que, en créant des conseils scolaires et en offrant du financement à long terme, stable et prévisible, cela permettrait aux Premières Nations d’élaborer de solides programmes d’études pertinents à chaque nation.

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones avait notamment formulé l’importante recommandation suivante, qui concorde avec le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui :

Que le gouvernement du Canada, en consultation avec les Premières nations et les autorités scolaires des Premières nations, élabore une loi sur l’éducation des Premières nations; que cette loi reconnaisse explicitement la compétence des Premières nations en ce qui a trait à l’éducation primaire et secondaire, et qu’elle permette la mise sur pied de structures pédagogiques de deuxième et de troisième niveau administrées par les Premières nations; que l’application de cette loi dans chaque collectivité des Premières nations soit facultative et permette d’abroger les dispositions sur l’éducation de la Loi sur les Indiens pour les Premières nations qui adoptent la nouvelle loi.

Je tiens à saluer l’ancien président du comité, le sénateur Gerry St. Germain, ainsi que les sénateurs actuels qui en étaient membres lorsque le Sénat a adopté ce rapport, Lillian Dyck, Salma Ataullahjan, Patrick Brazeau, Larry Campbell, Sandra Lovelace Nicholas, Jim Munson et Nancy Greene Raine.

Pour autant que je sache, cette recommandation respecte le principe de base du projet de loi dont nous sommes saisis. À vrai dire, honorables sénateurs, nous avons découvert pendant l’étude du comité que, actuellement, les priorités concurrentes forcent parfois les chefs et les conseils de bande à réaffecter des crédits qui étaient d’abord destinés à l’éducation. De précieux fonds ont donc parfois été consacrés à autre chose que l’éducation, par exemple le logement ou le remboursement de la dette publique. Le projet de loi fera en sorte que les fonds affectés à l’éducation servent seulement à cet usage.

À titre d’ancien ministre de l’Éducation des Territoires du Nord-Ouest — fonction que j’ai eu le privilège d’assumer pendant plus de 10 ans —, je sais à quel point il est nécessaire de céder la gestion de l’éducation aux autorités locales. Voilà pourquoi j’ai présenté un projet de loi à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest qui a permis de créer les commissions scolaires, c’est-à-dire les commissions scolaires de division, comme on les appelle dans cette région.

En 1981, l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest a formé un comité spécial sur l’éducation à cause des inquiétudes que suscitaient très largement les problèmes observés dans les écoles communautaires de ce territoire. Ces problèmes sont familiers encore aujourd’hui pour certaines populations autochtones. Il s’agissait, entre autres, du faible taux de fréquentation scolaire et d’obtention de diplôme, du manque d’ouvrages pédagogiques en langue autochtone et de la pénurie d’enseignants autochtones.

Lors des nombreuses audiences qui furent tenues un peu partout dans les Territoires du Nord-Ouest, le comité spécial, dont j’étais membre, a pu constater que les parents n’avaient pas de sentiment d’appartenance à leur école communautaire. Alors, l’une des nombreuses recommandations formulées par ce comité spécial, dans son rapport historique intitulé Learning : Tradition and Change in the Northwest Territories, a consisté à dire que les parents devaient avoir un mot important à dire dans la gestion de leurs écoles et que cela pouvait se faire en établissant ce qui allait s’appeler les commissions scolaires de division. Ce sont les bons résultats obtenus par la division scolaire Frontier, au Manitoba, qui ont amené les membres du comité à faire cette recommandation. Les parents autochtones de cette région s’étaient vu accorder beaucoup de pouvoir dans la gestion de leurs écoles.

Chers collègues, permettre aux parents de jouer un rôle important dans la gestion de leurs écoles est particulièrement important dans les régions comme les territoires traditionnels des Anishinabes, où la culture et la langue devraient être au cœur de la vie des écoles communautaires. Il fallait que ce soit le cas également dans les Territoires du Nord-Ouest, où sept langues autochtones sont parlées et où les Autochtones constituent la majorité de la population.

Lorsque je suis devenu ministre de l’Éducation, j’ai reçu le mandat d’appliquer les recommandations du comité spécial. Les résultats ont été remarquables. La fréquentation scolaire s’est améliorée. Des ouvrages pédagogiques imprégnés de la langue et de l’histoire des régions ont été élaborés dans des centres d’enseignement et d’apprentissage. Un plus grand nombre d’enseignants autochtones ont été formés et les taux d’obtention de diplôme ont augmenté. Malheureusement, en 1999, le gouvernement nouvellement élu du Nunavut a décidé dans sa grande sagesse que les commissions scolaires de division et les régies de la santé menaçaient l’autorité des députés et des ministres. Alors, il a dissous les deux genres d’organismes en invoquant des économies à réaliser. Je suis certain que l’élimination de ces organismes est la principale raison pour laquelle les ministères de la Santé et de l’Éducation du Nunavut, qui gèrent des domaines où la culture joue un grand rôle, sont aux prises avec de sérieux problèmes, y compris les taux de fréquentation scolaire et d’obtention de diplôme dans les écoles du Nunavut qui sont trop faibles, les ouvrages pédagogiques en inuktitut qui ne sont pas élaborés et l’objectif consistant à mettre sur pied un système d’éducation bilingue qui est loin d’être atteint.

L’idée de redonner le contrôle de l’éducation des Premières Nations aux Premières Nations est considérée depuis longtemps comme un excellent moyen d’aider les jeunes à réussir. Déjà, en 1973, la Fraternité des Indiens du Canada, c’est-à-dire l’ancêtre de l’Assemblée des Premières Nations, publiait une déclaration de principe intitulée La maîtrise indienne de l’éducation indienne, dans laquelle les auteurs décrivent ce qu’ils ont appelé « la philosophie indienne de l’éducation » :

(1650)

Selon la tradition indienne, chaque adulte a personnellement la responsabilité d’apprendre à chaque enfant tout ce qu’il doit savoir pour bien vivre. Tout comme nos pères avaient une conception précise de ce qui était nécessaire pour être à leur époque un homme heureux et accompli, nous, les Indiens d’aujourd’hui, voulons que nos enfants apprennent que le bonheur et la satisfaction dépendent de :

la fierté de soi,

la compréhension des autres et

l’harmonie des rapports de l’homme avec la nature.

Peut-être que cette phrase pourrait être reformulée afin d’inclure aussi les femmes, honorables sénateurs. C’est en tout cas l’idée qui me vient en la lisant aujourd’hui, en 2017.

Les auteurs ajoutent ceci : « Les programmes scolaires qui tiennent compte de ces valeurs respectent les priorités culturelles et donnent suite à l’éducation que les parents ont donnée aux enfants dès leur jeune âge. »

Ces idéaux, on les retrouve aussi dans le plan directeur figurant dans le rapport intitulé « Cultiver l’esprit d’apprentissage chez les élèves des Premières Nations », qui a été publié en 2011 par le Panel national sur l’éducation primaire et secondaire des Premières Nations pour les élèves dans les réserves. Ce dernier décrit en détail ce qu’il considère comme la marche à suivre pour améliorer l’éducation des élèves des Premières Nations. Voici ce qu’on peut y lire :

Un système scolaire des Premières Nations efficace s’appuierait sur une base solide englobant les éléments suivants :

la création conjointe d’une mesure législative sous la forme d’une loi sur l’éducation des Premières Nations qui énonce les responsabilités de chaque partenaire dans le système et qui protège le droit des enfants des Premières Nations à une éducation de qualité, qui prévoit le financement du système et le contrôle de l’éducation des Premières Nations par les Premières Nations

un financement législatif fondé sur les besoins, prévisible, durable et employé à des fins éducatives

l’établissement d’organisations régionales d’appui à l’éducation conçues et mises en œuvre par les Premières Nations

l’établissement de partenariats étroits et d’une reddition de comptes réciproque entre les écoles et les organisations d’éducation des Premières Nations et les institutions scolaires provinciales.

J’ai moi-même entendu le même genre de chose lorsque Harry Lafond, directeur exécutif du Bureau du commissaire aux traités de la Saskatchewan, a dit au Comité des peuplesautochtones :

Nous avons besoin d’une loi qui permet de reconnaître les établissements en place dans nos collectivités et qui donnent l’occasion aux Premières nations de s’impliquer et de voir leur travail récompensé en ce qui concerne l’organisation du système d’éducation pour nos enfants […].

Enfin, sur la question de l’importance du contrôle de l’éducation par les Premières Nations, voici ce que dit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à l’article 14 :

Les peuples autochtones ont le droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue, d’une manière adaptée à leurs méthodes culturelles d’enseignement et d’apprentissage.

Chers collègues, aux termes de ce projet de loi, des fonds transitoires ainsi qu’un financement à long terme stable seront accordés à l’organisme d’éducation Kinoomaadziwin, un organisme constitué en personne morale en vertu d’une loi provinciale qui agira comme conseil scolaire et organisme coordonnateur du versement des fonds fédéraux aux communautés participantes.

Ces nouveaux fonds seront assortis d’une structure de reddition de comptes que l’on promet rigoureuse et qui permettra de veiller à ce que cet organisme autonome demeure transparent et rende des comptes aux bandes participantes. L’organisme d’éducation Kinoomaadziwin sera en outre ajouté à la liste des institutions visées par la Loi sur l’accès à l’information. Le financement sera réexaminé tous les cinq ans et les objectifs en matière de résultats scolaires, tous les trois ans.

Je suis heureux de voir qu’on prévoit un financement à long terme stable et prévisible qui suivra en outre les augmentations générales du financement que le gouvernement du Canada accordera aux nations qui ne sont pas parties à cet accord. En fait, cela correspond à une autre des recommandations du comité.

Or, je dois dire que je crains que ce projet de loi ne s’attaque pas au manque d’infrastructures adéquates dans les réserves. Au cours de notre étude — et nous étions dans le Nord de l’Ontario —, nous avons constaté personnellement qu’il était nécessaire de construire de meilleures écoles. Même si le programme scolaire est excellent, on ne peut pas atteindre un haut niveau de scolarité si les cours ne peuvent être donnés nulle part.

Dans le précédent projet de loi, le projet de loi C-33, on avait proposé trois volets de financement : tout d’abord, un financement de base prescrit par la loi, y compris un financement pour la langue et la culture; ensuite, un financement de transition pour soutenir la mise en œuvre du nouveau cadre législatif; enfin, un financement destiné à des investissements à long terme dans les infrastructures scolaires des réserves. J’examinerai plus attentivement cet écart dans l’entente de financement au comité.

Pour conclure, honorables sénateurs, je vais vous lire une citation révélatrice du chef Dan George. Lorsqu’on lui a demandé ce qu’il pensait des démarches visant à faire progresser l’éducation des Premières Nations, le chef George a déclaré ce qui suit :

Les jeunes de ma nation désirent ardemment les savoir-faire qui leur donnent à eux et à leur peuple dignité et résolution. Ce sont eux nos nouveaux guerriers. Leur entraînement sera beaucoup plus long et plus exigeant qu’autrefois… Mais ils en sortiront la main tendue non pas pour recevoir de l’assistance, mais pour s’emparer de la place qui leur revient dans la société.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-61, Loi sur l’accord en matière d’éducation conclu avec la Nation des Anishinabes. Je tiens à remercier mes collègues, les sénateurs Christmas et Patterson, de même que les autres membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, de leur travail dans ce dossier.

Comme beaucoup de sénateurs le savent, il y a au moins 10 ou 12 ans que nous parlons de l’éducation des Autochtones au Sénat. Beaucoup de questions ont été posées, et le sénateur Patterson a parlé du projet de loi C-33, qui a été présenté par le gouvernement précédent.

Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-61 et je suis en faveur de son renvoi au comité aux fins d’étude. Il s’agit de toute évidence d’un grand pas en avant, et je félicite les Premières Nations participantes d’avoir atteint ce stade. Comme l’honorable sénateur Christmas l’a indiqué, il s’agit seulement de la deuxième fois qu’un tel accord donne lieu à une loi fédérale.

Comme nous le savons tous, l’éducation est un aspect important de la capacité de toute personne, qu’elle soit membre des Premières Nations ou non, à réaliser son plein potentiel. Par exemple, il y a une quinzaine d’années, nos aînés en Saskatchewan ont déclaré que l’éducation était notre bison — paskwa moostoswa kakikinawa magehk — parce que, par le passé, les Cris des plaines traditionnels dépendaient du bison pour tout, mais, dans notre société moderne, nous avons remplacé notre dépendance à l’égard du bison par une dépendance à l’égard de l’éducation. L'éducation est considérée comme un élément d’une importance capitale au plein épanouissement.

Le projet de loi C-61 donne effet à l’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes. Comme on l’a dit, cet accord est le premier en son genre en Ontario. L’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes est un accord d’autonomie gouvernementale entre le Canada et 23 bandes des Anishinabes en Ontario qui reconnaît que les bandes sont responsables de l’enseignement prodigué à leurs membres de la maternelle à la 12e année dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci.

Comme le sénateur Patterson l’a indiqué, depuis les années 1970, les Premières Nations réclament « la maîtrise indienne de l’éducation indienne ». Il est donc merveilleux de voir, après que beaucoup de temps se soit écoulé, évidemment, cette demande devenir une réalité.

Le sénateur Christmas a aussi cité Henry Ford pendant son discours. Je me souviens également que, lorsque nous avons débattu du rapport sur l’éducation produit par notre comité, notre collègue et ami, l’honorable Gerry St. Germain, a parlé de l’époque de la voiture à cheval et de la transition vers les véhicules à essence. J’avais poussé cette idée encore plus loin et affirmé qu’il était temps d’embrasser l’ère spatiale.

Comme on l’a déjà dit, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié en 2011 un rapport intitulé La réforme de l’éducation chez les Premières Nations : De la crise à l’espoir. Après avoir étudié pendant un an et demi les systèmes d’éducation de la maternelle à la 12e année dans les réserves des Premières Nations, le comité a fait quatre recommandations très fermes. Je parlerai aujourd’hui de deux d’entre elles et de leur lien avec le projet de loi à l’étude. Mon collègue, le sénateur Patterson, a abordé certains de ces points il y a quelques instants.

(1700)

Aux termes de la première recommandation de notre rapport de 2011, nous demandions que le gouvernement du Canada, en consultation avec les Premières Nations et les autorités scolaires des Premières nations, élabore une loi sur l’éducation des Premières Nations; que cette loi reconnaisse explicitement la compétence des Premières Nations en ce qui a trait à l’éducation primaire et secondaire, et qu’elle permette la mise sur pied de structures pédagogiques de deuxième et de troisième niveau administrées par les Premières Nations; que l’application de cette loi dans chaque collectivité des Premières Nations soit facultative et permette d’abroger les dispositions sur l’éducation de la Loi sur les Indiens pour les Premières nations qui adoptent la nouvelle loi.

Chers collègues, il est bon de constater que l’accord en matière d’éducation conclu avec la nation des Anishinabes reconnaît explicitement la compétence et le pouvoir de légiférer de cette nation en ce qui concerne l’éducation de la maternelle à la 12e année dans les réserves et pour les Premières Nations participantes. Le système d’éducation sera conçu par les Premières Nations anishinabes et pour les élèves anishinabes. L'organisme d’enseignement Kinoomaadziwin qui sera créé servira de conseil scolaire et mettra sur pied les structures scolaires nécessaires, contrôlées par les Premières Nations. L’accord permet l’ajout d’autres nations de s’y joindre, de sorte que les Premières Nations restantes pourraient bien décider de la signer plus tard.

Je crois que ce projet de loi va dans le sens de la recommandation que nous avions faite dans notre rapport de 2011 sur l’éducation. Je remercie de nouveau les collectivités qui ont fait ces propositions.

La deuxième recommandation qui figure dans le rapport sénatorial de 2011 portait sur le financement. Il est évident qu’on ne peut rien faire à moins de disposer des crédits et des ressources nécessaires pour concrétiser les plans.

Notre recommandation se lisait comme suit :

Que la loi sur l’éducation des Premières nations proposée accorde au ministre d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada le pouvoir de verser des fonds publics aux autorités scolaires des Premières nations dans le but d’offrir des services d’éducation dans les réserves; que la méthode d’établissement du montant de ces sommes soit définie dans le règlement d’application de la Loi, élaborée en consultation avec les Premières nations; que le règlement tienne compte des inducteurs de coûts clés comme la démographie et l’isolement; que la formule d’établissement des paiements inclue, entre autres, des programmes de préservation et de revitalisation des langues autochtones.

Cela correspond bien aux propos que le sénateur Christmas tenait au sujet de la vérité et de la réconciliation, et de la revitalisation des langues.

Je me souviens — et je suis sûre que les autres membres du comité en conservent aussi un souvenir très net — de ma visite dans les nations de Membertou et d’Eskasoni. Je me suis rendue dans les écoles situées dans ces communautés, où j’ai écouté les élèves chanter dans leur langue maternelle. Ce fut une merveilleuse expérience.

Par ailleurs, un de mes souvenirs les plus marquants est la visite que j’ai effectuée à l’école de la nation crie d’Onion Lake, en Saskatchewan. Sur les murs du gymnase, il y avait des affiches de l’univers et de phénomènes scientifiques en anglais, en français et en cri. J’ai trouvé cela tout à fait stupéfiant.

Les responsables de la nation crie d’Onion Lake nous ont aussi appris que les fonds nécessaires pour ces merveilleuses ressources pédagogiques avaient été obtenus au moyen d’un processus qu’on appelle « financement des propositions ». Il ne s’agissait donc pas d’un financement à long terme. La nation ne pouvait obtenir des fonds pour mettre au point les programmes d’études qu’en présentant des demandes à la suite de propositions émises par le gouvernement.

Je pense que, aux termes de cet accord, les responsables pourront financer les éléments des programmes qui permettent aux Autochtones de valoriser leur culture et leur langue sans dépendre d’un mécanisme de financement à court terme. Dans le cadre de ce mécanisme, l’obtention de fonds dépend toujours de l’accueil réservé aux demandes.

Cet accord vise des nations du Nord de l’Ontario. Il faut toujours se souvenir des principaux inducteurs de coûts dans les communautés nordiques et éloignées. Pendant notre étude, les témoins provenant de nations du Nord ont souligné cet élément important. Partout au pays, des témoins nous ont dit que les coûts liés à l’éducation sont beaucoup plus élevés dans le Nord que dans le Sud. C’est l’une des raisons pour lesquelles les taux de diplomation des écoles du Nord sont inférieurs à ce qu’ils devraient être. La raison en est bien simple : les écoles doivent disposer des ressources nécessaires pour pouvoir implanter un bon programme et faire en sorte que les élèves connaissent du succès et décrochent un diplôme.

Honorables sénateurs, les transferts de fonds du gouvernement du Canada, décrits dans l’Entente de transfert financier relative à l’éducation de la nation des Anishinabes, viseront des périodes de cinq ans. Les fonds pour l’infrastructure, servant à la construction et à l’entretien des écoles, viendront toujours du ministère, comme à l’heure actuelle. Le sénateur Patterson en a parlé.

Je suis impatiente d’entendre des témoins au comité afin d’en apprendre davantage sur le lien entre l’entente de financement et cette recommandation très importante, ainsi que pour mieux comprendre en quoi elle constitue une entente financière stable, prévisible et flexible qui permet vraiment au système d’éducation des Anishinabes de produire les meilleurs résultats possibles pour leurs étudiants. D’après notre étude sur l’éducation des Premières Nations et l’écart de financement bien connu entre l’éducation dans les réserves et l’éducation hors réserve, il sera extrêmement important que le comité se penche sur la question du financement équitable.

Honorables sénateurs, le processus en vue de conclure l’accord s’est amorcé en 1995. Je termine mon intervention en félicitant les bandes anishinabes d’avoir maintenu le cap et tenu bon tout au long du processus. Leur dévouement inébranlable pendant toutes ces années en vue d’obtenir le meilleur système d’éducation possible pour leurs élèves est une inspiration pour nous tous, et je suis impatiente d’entendre les témoins lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Christmas, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

Projet de loi relative au cadre sur les soins palliatifs au Canada

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Eaton, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’intention de parler de ce projet de loi, mais nous avons été passablement occupés récemment avec des questions financières. Je voudrais demander l’ajournement du débat.

(1710)

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Salma Ataullahjan propose que le projet de loi S-240, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (trafic d’organes humains), soit lu pour la deuxième fois.

— Le récit de Mohammad Salim Khan est digne d’un film d’horreur :

Alors qu’il revenait péniblement à lui dans une maison qu’il ne connaissait pas en périphérie de Delhi, en Inde, Khan fut salué par un étranger portant un masque et des gants chirurgicaux. Il commença à poser des questions pour savoir où il était et ce qui venait de se passer. On lui répondit sèchement : « On t’a enlevé un rein. »

L’histoire traumatisante de M. Khan n’est malheureusement pas une exception, car les travailleurs dans le besoin comme lui sont souvent attirés par les fausses promesses de travail que leur font les trafiquants d’organes pour les appâter. Dans certains cas, on donne un peu d’argent à ces personnes qui deviennent donneurs malgré elles, mais, dans d’autres cas, on procède simplement à l’ablation de leurs organes contre leur gré.

Selon ce qu’a rapporté Ranker, le chirurgien a mis M. Khan en garde sans mâcher ses mots : « Si tu racontes qu’on t’a enlevé un rein ici ou si tu dis à n’importe qui qu’on t’a enlevé un rein, il y a un homme qui te suivra et qui va te tuer. »

Honorables sénateurs, avant l’an 2000, le trafic d’organes se limitait principalement au sous-continent indien et à l’Asie du Sud-Est et les gens qui achetaient ces organes provenaient habituellement des États du golfe Persique, du Japon et d’autres pays asiatiques, l’Union européenne et les États-Unis faisant sporadiquement état de cas de patients ayant voyagé à l’étranger pour obtenir des organes, la plupart du temps un rein. Cependant, depuis lors, le trafic d’organes s’est répandu dans le monde entier. Les receveurs d’organe cherchent à obtenir une transplantation dans un pays d’Europe de l’Est ou en Russie.

Aujourd’hui, étant donné notamment que les autorités luttent plus énergiquement contre le trafic d’organes humains en Europe de l’Est, aux Philippines et dans le sous-continent indien, ce trafic se déplace en Amérique latine, en Afrique du Nord et dans d’autres régions, où la crise économique de même que l’instabilité sociale et politique créent des conditions propices pour les trafiquants.

Les études sur le terrain et d’autres enquêtes menées par des journalistes et des anthropologues médicaux leur ont permis de dessiner des portraits détaillés des receveurs d’organe, des donneurs victimes et de ceux qui dirigent ou favorisent les réseaux de prélèvement d’organe. Des patients qui, dans les pays riches, languissent sur une liste d’attente afin d’obtenir une greffe d’organe se rendent à l’étranger pour recevoir leur organe prélevé sur un donneur victime, qui souffre habituellement d’une extrême pauvreté, qui a été trompé ou contraint par un réseau de trafiquants de se faire prélever un organe en retour d’une somme de beaucoup inférieure à celle qui a été payée par le receveur de l’organe aux trafiquants. En outre, les donneurs victimes sont kidnappés et maintenus en captivité dans le but qu’on leur prélève des organes.

Le trafic d’organes est devenu un problème mondial. Malheureusement, même si j’y consacrais tout le temps de parole qui m’est accordé, je n’arriverais jamais à raconter toutes les histoires de donneurs d’organe victimes, comme celle du garçon de six ans porté disparu que l’on a retrouvé en train de pleurer dans un champ et qui s’était fait enlever les deux yeux, probablement pour en utiliser la cornée. Dans un autre cas, une jeune fille a été kidnappée et emmenée dans un autre pays afin qu’on lui enlève des organes. Ailleurs, on a retrouvé un groupe de femmes et d’hommes terrifiés dans un appartement où ils avaient été enfermés par la tromperie et les menaces et où ils attendaient d’être emmenés dans une clinique pour se faire enlever un rein contre leur gré.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-240 vise à modifier le Code criminel pour créer de nouvelles infractions relatives au trafic d’organes et de tissus humains. Il vise aussi à modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour qu’un résident permanent ou un ressortissant étranger puisse être interdit de territoire au Canada si le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration juge qu’il s’est livré à des activités relatives au trafic d’organes ou de tissus humains.

Le recours à la transplantation d’organes humains comme traitement viable pour les patients souffrants de défaillances d’organes a entraîné une augmentation de la demande d’organes dans le monde. La demande continue de surpasser nettement l’offre. Ainsi, la pénurie d’organes entraîne des temps d’attente plus longs dans de nombreuses régions du monde.

On estime que le nombre actuel de transplantations légales qui ont lieu dans le monde ne répond aux besoins que de 15 p.100 de tous les patients qui sont inscrits sur des listes d’attente. En raison de la pénurie d’organes, certains pays ont mis en place des processus et des systèmes pour accroître l’offre, qui sont principalement centrés sur la promotion des programmes de dons d’organes. Toutefois, cela n’a pas suffi pour réduire l’écart entre la demande et l’offre d’organes.

Le droit international interdit la traite des personnes aux fins de prélèvement d’organes. Cela fait partie d’une interdiction plus générale qui concerne la traite des personnes, qui inclut l’exploitation aux fins de prélèvement d’organes. Cela dit, en 2007, l’Organisation mondiale de la Santé a signalé que 10 p.100 des transplantations exécutées chaque année dans le monde se faisaient à l’aide d’organes prélevés de force et faisant l’objet d’un trafic. Elle a également révélé que de 5 à 10 p.100 de toutes les transplantations de reins ou de foies impliquaient des organes obtenus illégalement et provenant de victimes de la traite des personnes. Depuis 2007, ces taux ne cessent d’augmenter.

Les organes, comme les drogues, les personnes, les armes, les diamants, l’or et le pétrole, font maintenant partie d’une industrie illicite qui vaut plusieurs milliards de dollars, qui génère entre 600 millions et 1,2 milliard de dollars de profits par année environ. Pour profiter encore plus de l’écart entre l’offre et la demande d’organes, les organisations criminelles qui se livrent à la traite des personnes ont étendu leurs pratiques pour y inclure le trafic d’organes. Ainsi, plus de 100 pays ont adopté des lois pour interdire le trafic d’organes. De plus, un certain nombre de pays qui ont eu des problèmes importants avec le trafic d’organes ont répondu en adoptant des lois qui renforcent les lois existantes qui interdisent le trafic et la vente d’organes.

De plus, il existe de nombreuses entités gouvernementales et professionnelles qui ont élaboré des initiatives régissant la transplantation d’organes au pays et à l'échelle internationale et qui luttent contre le trafic d’organes. La Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains est l’une de ces initiatives. Le crime de traite d’êtres humains a été défini pour la première fois dans le Protocole de Palerme des Nations Unies, universellement accepté depuis lors en tant que cadre juridique international contre la traite des personnes. La Déclaration d’Istanbul, largement reconnue comme un important guide pour les entités professionnelles et gouvernementales dans le domaine de la transplantation d’organes, définit le trafic d’organes comme suit :

Le trafic d’organes consiste à rechercher, transporter, transférer, détenir ou réceptionner des personnes vivantes ou décédées ou leurs organes en faisant usage de menaces, de violence ou de toute autre forme de coercition et d’abduction, par la fraude ou par tromperie, par abus de pouvoir ou en mettant à profit la vulnérabilité des individus; c’est aussi le fait de donner ou de recevoir en tant que tierce partie un paiement ou toute autre forme de bénéfice, pour conduire un donneur potentiel à se laisser exploiter par l’ablation de ses organes en vue d’une transplantation.

De plus, selon la déclaration, traiter un organe comme une marchandise est contraire à l’éthique et doit être considéré comme un acte criminel.

Honorables sénateurs, les organes humains sont devenus une marchandise précieuse et profitable sur le marché noir dont le commerce fait intervenir des organisations criminelles transnationales qui mènent leurs activités par l’entremise de vastes réseaux internationaux.

(1720)

Des cas de trafic d’organes continuent d’être signalés partout dans le monde en dépit du fait que presque tous les pays interdisent le versement d’une contrepartie financière pour un don d’organe, pratique largement considérée comme visant les groupes de personnes les plus pauvres et les plus vulnérables et comme une violation des principes d’égalité, de justice, et de respect de la dignité humaine.

Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, des activités de trafic d’organes ont été signalées dans au moins 10 pays entre 2012 et 2014, surtout dans l’Europe centrale, l’Europe du Sud-Est, l’Europe de l’Est, l’Asie centrale, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Pour ce qui est de la demande, des voyages à l’étranger dans la perspective d’une greffe d’organes pour obtenir une contrepartie, presque toujours monétaire, ont été signalés par des ressortissants de pays comme le Royaume-Uni, l’Arabie saoudite, Taïwan, l’Australie, les États-Unis et le Canada, entre autres.

D’après des statistiques publiées par Havocscope, site web retraçant de l’information sur le marché noir mondial, les receveurs payent en moyenne 150 000 dollars américains pour un rein, alors que les donneurs reçoivent en moyenne, le cas échéant, 5 000 dollars américains.

À titre de comparaison, le coût aux États-Unis d’une transplantation de rein permise par la loi, y compris le montant moyen facturé pour le rein lui-même, varie entre 67 000 et 260 000 dollars américains, coût qui englobe les soins préopératoires et postopératoires.

Au Canada, les coûts initiaux associés à une greffe de rein sont d’environ 120 000 $ pour la première année. Par la suite, le coût des examens de suivi après la greffe, médicaments compris, chute à moins de 22 000 $ par année.

L’année dernière, la question du prélèvement forcé d’organes dans le nord-est de l’Afrique a retenu l’attention de la communauté internationale quand les autorités italiennes ont arrêté 38 personnes soupçonnées d’être membres d’un groupe criminel organisé transnational, impliqué dans le trafic d’organes.

Selon l’enquête, les migrants érythréens qui ont été kidnappés sur la route vers l’Afrique du Nord et qui étaient incapables de payer des rançons ont été tués pour leurs organes, lesquels ont ensuite été vendus sur le marché noir.

Le Bureau du représentant spécial pour la lutte contre la traite des êtres humains de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a publié un rapport présentant une analyse et des conclusions sur la traite des êtres humains aux fins du prélèvement d’organes. On peut y lire que, en 2013, plusieurs organismes internationaux avaient décrit les bases du modus operandi des réseaux de ce type de traite dans des rapports spéciaux.

En général, ces rapports s’appuient sur des reportages des médias et sur des recherches universitaires, qui dépeignent essentiellement une opération bien organisée et extrêmement mobile, qui est menée par un réseau de courtiers, d’intermédiaires, de médecins et de membres du personnel infirmier. Voici comment ils procèdent. Comme je l’ai dit plus tôt, le réseau exploite des personnes qui souffrent d’extrême pauvreté ou d’autres vulnérabilités. Comme ils sont marginalisés au sein de la société et souvent dépourvus d’une instruction suffisante pour évaluer les risques du prélèvement d’organes, ces donneurs sont susceptibles d’être la cible de subterfuges, de fraudes et de coercition.

De l’autre côté de la transaction se trouvent les receveurs d’organes, qui peuvent être désespérés en raison de dons insuffisants dans leur pays d’origine. Ils sont en attente d’une greffe d’organe, et ils survivent grâce aux traitements par dialyse. Les activités du réseau sont rendues possibles par la corruption.

Habituellement, les réseaux de traite des êtres humains aux fins du prélèvement d’organes sont exploités sous la direction générale ou stratégique de courtiers internationaux, qui ont tendance à se déplacer librement entre les pays où leur réseau est actif. Ces courtiers prennent les décisions stratégiques pour leur réseau, y compris la sélection des populations cibles de donneurs victimes et le choix des courtiers locaux avec qui ils collaborent.

Le courtier international peut également déterminer le lieu des greffes et trouver des chirurgiens spécialisés en transplantations. L’opération se déroule souvent dans un hôpital ou une clinique privée.

Le courtier international travaille de concert avec des intermédiaires locaux pour recruter des donneurs victimes. Les intermédiaires locaux ciblent ensuite les personnes qui sont vulnérables en raison de leur extrême pauvreté.

Les donneurs victimes sont en général peu instruits, sont au chômage et sont sous-employés, et ce sont souvent des gens qui ont peu voyagé. Ils ne possèdent pas de connaissances médicales, tout particulièrement en ce qui concerne les transplantations et les conséquences connexes.

Dans certains cas, le donneur est victime de la traite des personnes ou est introduit clandestinement dans un autre pays, sous prétexte d’un emploi notamment. Lorsque le projet d’emploi ne se concrétise pas et que le donneur victime se retrouve dans un pays étranger sans aucune ressource pour rentrer dans son pays, le courtier offre alors au donneur, comme unique solution pour rembourser une fausse dette, de vendre un organe. Lors du processus de recrutement, la victime se voit fournir en général des renseignements inexacts et trompeurs sur les risques liés au prélèvement d’organes, y compris les répercussions possibles de l’absence de l’organe sur la vie du donneur. Dans la plupart des cas, le processus est caractérisé par la fraude et la tromperie, y compris de la fraude relativement au paiement et des renseignements trompeurs, ou l’absence de renseignements, au sujet des risques pour la santé du donneur et du receveur.

En ce qui concerne la transplantation, de faux consentements écrits et de fausses déclarations sont préparés afin que la démarche semble respecter les exigences juridiques locales. Il y a notamment un désaveu de toute considération financière liée à l’organe, ainsi qu’une déclaration d’un membre de la famille ou une déclaration de consentement éclairé et volontaire. Les donneurs victimes qui signent ces documents ne sont en général pas informés du contenu des documents et sont parfois analphabètes.

En général, si le donneur victime est introduit clandestinement dans un autre pays en vue d’un prélèvement, il se retrouve ensuite, quelques jours seulement après la chirurgie, à bord d’un vol le ramenant à son point de départ.

Pour le donneur, les conséquences sur la santé et sur le plan social sont généralement négatives. Il arrive souvent par la suite que les donneurs victimes soient affligés d’une mauvaise santé, qu’ils souffrent de dépression, qu’ils aient honte, qu’ils fassent l’objet de préjugés, qu’ils sombrent de nouveau dans la pauvreté et qu’ils aient encore moins de possibilités d’emploi. La dégradation de leur état de santé les empêche même d’exécuter des tâches physiques mal rémunérées qu’ils auraient pu exécuter avant la transplantation.

Comme l’indique le rapport de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, la traite des personnes aux fins du prélèvement d’organes est une forme particulière et distincte de traite des personnes. L’adoption d’une stratégie globale pour contrer cette forme de traite des personnes doit donc devenir une grande priorité pour tous les pays touchés, notamment par la mise en place de lois nationales pour criminaliser toutes les formes de trafic et de prélèvement d’organes.

Par ailleurs, l’Union européenne a également reconnu que le trafic d’organes humains, y compris la traite des personnes aux fins de prélèvement d’organes, est devenu un problème mondial. Le Parlement européen a donc mené une étude approfondie sur le trafic d’organes humains en 2015. Le rapport souligne que, là où les donneurs des réseaux de trafic d’organes sont généralement considérés comme des victimes ayant droit à des mesures d’aide et de protection adéquates, les receveurs des organes doivent être tenus moralement responsables de leur complicité, puisqu’ils ont encouragé le trafic d’organes, et qu’il faut prendre des mesures plus rigoureuses pour décourager cette pratique, notamment en tenant les receveurs d’organes criminellement responsables.

En 2013, au Kosovo, sept personnes ont subi un procès. Elles étaient soupçonnées d’exploiter un réseau international de trafic d’organes qui attirait des gens pauvres en leur promettant une récompense financière en échange d’un rein. Au moins 24 greffes de rein impliquant 48 victimes de prélèvement d’organe et receveurs d’organe avaient eu lieu entre 2008 et 2009.

Après le procès, le procureur canadien qui participait à la mission de l’Union européenne pour la promotion de l’État de droit au Kosovo a dit que le gouvernement du Canada devait promulguer une loi pour interdire aux Canadiens d’acheter des organes humains dans des pays étrangers.

(1730)

Un Canadien qui a admis avoir acheté un rein sur le marché noir sans avoir jamais eu à faire face à des accusations criminelles faisait partie des 100 témoins et plus qui ont comparu au procès. La plupart des noms des donneurs victimes et des receveurs ont été trouvés dans les documents saisis au cours d’une descente de police effectuée en 2008 dans un établissement médical du Kosovo.

Le tribunal a appris que les donneurs victimes s’étaient fait promettre une somme variant entre 10 000 $ et 12 000 $ en échange de leur rein. Toutefois, bon nombre d’entre eux n’ont jamais vu la couleur de cet argent. « Au moins deux donneurs victimes n’ont pas touché un sou. Ils sont donc rentrés chez eux les poches vides et un rein en moins », a déclaré le tribunal.

On a appris que les receveurs de reins, dont la plupart étaient de riches patients originaires de pays comme le Canada, Israël, la Pologne, les États-Unis et l’Allemagne, avaient déboursé jusqu’à 170 000 $ pour l’intervention chirurgicale. On croit aussi que les accusés ont empoché 1 million de dollars pour ces transplantations illégales.

Le Moyen-Orient est également en voie de devenir une destination de choix pour le commerce international des organes. L’afflux de réfugiés qui cherchent désespérément à gagner de l’argent crée un nouveau marché pour les trafiquants d’organes.

Cette année, la BBC a rapporté que le trafic d’organes est en plein essor au Liban, car des réfugiés syriens désespérés vendent leur rein et d’autres organes pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Un des trafiquants d’organe interviewés a déclaré ceci :

J’exploite des gens. Voilà ce que je fais […]

Que peuvent-ils faire? Ils sont désespérés, et la seule façon pour eux de survivre, c’est de vendre leurs organes.

Il a déclaré qu’il conduisait les donneurs victimes les yeux bandés dans un endroit secret, où se déroule l’intervention. Il s’agit parfois d’une maison louée, qu’on a transformée en clinique temporaire. Ensuite, il prend soin du donneur victime pendant près d’une semaine, le temps qu’on enlève les points de suture. Aussitôt que cela est fait, il ne se préoccupe plus du sort du donneur victime.

Ça m’est égal que le patient meure si j’ai obtenu ce que je voulais. Ce qui arrive ensuite ne me regarde pas […]

Comme le rapporte le site web Ranker, CNN a diffusé en 2011 un documentaire intitulé Death in the Desert, qui dresse le portrait sinistre de la traite des personnes à des fins de prélèvement d’organes qu’on pratique en Afrique du Nord.

Pour les réfugiés déplacés du Soudan, de l’Éthiopie et de l’Érythrée qui tentent de traverser le désert du Sinaï vers Israël, les périls de ce milieu aride et impitoyable se révèlent mineurs par rapport au sort terrible que les trafiquants d’organes réservent à certains d’entre eux.

Kidnappés par des tribus bédouines de la région, ces réfugiés — souvent torturés et violés en captivité — sont souvent utilisés pour obtenir une rançon de la part de parents à l’étranger. Les otages dont les parents désespérés ne peuvent verser l’argent demandé sont fréquemment vendus à des trafiquants d’organes.

Des chirurgiens du Caire prêts à faire ce travail clandestin se rendent dans le désert et paient de 1 000 $ à 20 000 $ pour un rein, un foie ou un œil provenant d’un donneur vivant. Au moyen d’unités de réfrigération mobiles, les organes sont emportés dans la capitale égyptienne où ils sont revendus.

Des défenseurs des droits de la personne ont découvert un grand nombre de cadavres abandonnés portant des cicatrices résultant d’une intervention chirurgicale. Des experts médicaux à qui on a montré des photos de ces corps confirment que les victimes étaient encore en vie au moment de la chirurgie.

« Il peut paraître raisonnable d’acheter un organe d’une personne qui a davantage besoin d’argent que d’un corps intact. La réalité est toutefois bien sordide », déclare Brian Resnick dans son article de 2012 intitulé « Cadavres vivants : Comment les pauvres se laissent convaincre de vendre leurs organes ». Cet article traite d’un rapport de recherche publié dans le Medical Anthropology Quarterly et rédigé par l’anthropologue Monir Moniruzzaman, de l’Université d’État du Michigan, qui raconte le travail de terrain qu’il a effectué pendant presque 15 mois au Bangladesh, où il a infiltré un réseau clandestin de trafic d’organes. Ce qu’il décrit n’est rien de moins que de l’exploitation.

Pendant son travail sur le terrain, Monir Moniruzzaman a interviewé 33 Bangladais démunis qui avaient décidé de vendre un rein. Plusieurs d’entre eux ne savaient même pas ce qu’était un rein, au départ. Criblés de dettes et pressés de nourrir leur famille, ces donneurs victimes se sont fait prendre par une petite annonce publiée dans un journal, qui semblait promettre un trésor à ceux qui accepteraient de devenir donneurs.

Pendant sa recherche, Monir Moniruzzaman a recueilli un millier de petites annonces parues dans des journaux populaires, qui faisaient des promesses impossibles — par exemple, la garantie d’une citoyenneté dans un pays étranger — en échange d’un don d’organes. Pour piéger les donneurs potentiels, les trafiquants d’organes leur disaient qu’ils avaient deux reins et que l’un d’entre eux dormait simplement dans leur corps.

Pendant l’opération, les médecins réveilleraient ce rein endormi et retireraient le vieux rein pour le donner. Dans ce scénario, le deuxième rein n’était qu’un surplus, une réserve potentiellement payante enfouie dans le bas du dos de la victime.

De plus, les trafiquants disaient aux donneurs victimes que leur deuxième rein ne les aiderait aucunement si le premier venait à faire défaut, de façon à éviter qu’ils se demandent : « Et si j’ai besoin de ce deuxième rein un jour? » On leur disait aussi que l’intervention chirurgicale ne comportait aucun risque.

Après avoir vérifié la compatibilité des tissus, le courtier en organes offrait au donneur victimes environ 1 000 $. Dans la plupart des cas, les victimes ne recevaient toutefois pas cette somme, loin de là. La plupart des interventions chirurgicales avaient lieu en Inde, et on confisquait le passeport du donneur victime à son arrivée afin qu’il ne puisse pas partir.

Les donneur victime ont déclaré que leur situation économique et physique s’était détériorée après leur retour chez eux. Plusieurs se sentaient honteux et déshonorés. Certains, souffrant d’un handicap après leur expérience, étaient incapables d’accomplir les tâches manuelles qu’ils effectuaient auparavant.

En fin de compte, comme toujours, ce sont les trafiquants d’organes qui se sont enrichis, puisqu’ils empochaient 5 000 $ pour chaque transaction.

Malheureusement, honorables sénateurs, l’impression générale à l’étranger est que le trafic d’organes humains n’est pas une préoccupation urgente pour les pays demandeurs plus riches, comme le Canada.

Si les pays demandeurs ne s’attaquent pas à ce problème, la responsabilité de lutter contre ces crimes demeurera entièrement celle des pays d’où viennent généralement les donneurs victimes, ainsi que celle des pays où les greffes d’organe illégales sont effectuées. Or, dans les deux cas, il s’agit de pays moins riches.

C’est pour cette raison qu’il est impératif que les pays demandeurs comme le Canada participent à la détection, l’enquête et l’accusation des individus qui obtiennent un organe ou un tissu à des fins de greffe sur eux ou sur un tiers, sachant que la personne à qui ils ont été prélevés n’a pas donné un consentement éclairé au prélèvement; des individus qui se livrent ou participent au prélèvement d’un organe ou d’un tissu sur une autre personne, sachant que la personne à qui ils ont été prélevés n’a pas donné un consentement éclairé au prélèvement; des individus qui agissent au nom d’une personne — ou sous sa direction ou en collaboration avec celle-ci — qui prélèvent un organe ou un tissu d’une autre personne, sachant que la personne à qui ils ont été prélevés n’a pas donné un consentement éclairé au prélèvement; et, enfin, des individus qui obtiennent un organe ou un tissu d’une autre personne à des fins de greffe sur eux ou sur un tiers, ou participent à l’obtention ou la facilitent, sachant qu’ils ont été obtenus pour contrepartie. De plus, un résident permanent ou un citoyen étranger devient interdit de territoire au Canada pour atteinte aux droits de la personne ou aux droits internationaux, ou pour avoir eu un comportement qui, de l’avis du ministre, constituerait une infraction en vertu de l’article 240.1 du Code criminel.

Comme l’a dit le procureur dans le cas du Kosovo, le trafic d’organes « est l’exploitation des personnes pauvres, démunies, vulnérables et marginalisées de notre société. Les bénéficiaires sont des citoyens riches et influents de pays étrangers, majoritairement des pays occidentaux, qui devraient être tenus criminellement responsables ».

Honorables sénateurs, le trafic d’organes humains est une exploitation véritablement cruelle de personnes pauvres. Par conséquent, je demande votre appui en vue de l’adoption de ce projet de loi important.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

(1740)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Quatrième rapport du comité—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Fraser, appuyée par l’honorable sénatrice Hubley, tendant à l’adoption du quatrième rapport (intérimaire) du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Ordre sessionnel, présenté au Sénat le 7 mars 2017.

(Sur la motion du sénateur Smith, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Vingt et unième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du vingt et unième rapport (intérimaire) du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Audit et surveillance, présenté au Sénat le 28 novembre 2017.

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, au nom du sénateur Massicotte, le débat est ajourné.)

Comité de sélection

Adoption du sixième rapport du comité tel que modifié

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à l’adoption du sixième rapport, tel que modifié, du Comité de sélection, intitulé Désignation des sénateurs qui feront partie des comités, présenté au Sénat le 5 décembre 2017.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j’aimerais faire une correction.

Motion d’amendement

L’honorable Donald Neil Plett : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le rapport ne soit pas maintenant adopté, mais qu’il soit modifié en supprimant l’honorable sénatrice Dyck de la liste des membres du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett est adoptée.)

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport, tel que modifié, est adopté.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole

L’honorable Diane F. Griffin, conformément au préavis donné le 5 décembre 2017, propose :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 15 juin 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant son étude sur l’acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole soit reportée du 21 décembre 2017 au 29 mars 2018.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les nouvelles questions liées à son mandat

L’honorable Diane F. Griffin, au nom de la sénatrice Galvez, conformément au préavis donné le 6 décembre 2017, propose :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 28 janvier 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant son étude sur de nouvelles questions concernant son mandat soit reportée du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2018.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Adoption de la motion portant que la composition du comité soit la même qu’en date du 31 octobre 2017

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition), conformément au préavis donné le 6 décembre 2017, propose :

Que l’application des dispositions de l’ordre du 7 décembre 2016, concernant la composition des comités, soit prolongée jusqu’à la fin de la présente session en ce qui concerne la composition du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs;

Que le comité soit composé des membres qui y siégeaient en date du 31 octobre 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 17 h 46, le Sénat s’ajourne jusqu’à 9 heures demain.)

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