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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 269

Le jeudi 28 février 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 28 février 2019

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du très honorable Joe Clark, ancien premier ministre du Canada.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’invités de l’honorable sénateur Harder à l’occasion du quarantième anniversaire de l’entente-cadre de parrainage de réfugiés.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’entente-cadre de parrainage de réfugiés

Le quarantième anniversaire

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, en tant qu’ancien fonctionnaire et, aujourd’hui, sénateur, je crois profondément que le gouvernement peut être un agent de changement positif.

Un des meilleurs exemples de cela : quand le gouvernement du Canada a signé la première entente-cadre sur le parrainage des réfugiés avec le Comité central mennonite. C’était le 5 mars 1979. Cette entente représentait une réponse humanitaire unique en son genre à la crise qui sévissait en Asie du Sud-Est, alors ravagée par la guerre. Elle a permis aux Canadiens de traduire par des actions la compassion qu’ils éprouvaient face à la situation désespérée de familles du Vietnam, du Laos et du Cambodge qui risquaient tout pour fuir vers la sécurité à bord de petites embarcations bien loin, elles, d’être sécuritaires.

Quand les Canadiens se sont demandé ce qu’ils pouvaient faire, cette entente leur a donné la réponse. Un Canadien pouvait se joindre à quatre autres personnes au moins pour parrainer une famille de réfugiés et la faire venir au Canada. Les groupes confessionnels ont joué un rôle crucial dans cette mesure en assumant la responsabilité des groupes parrains et en offrant le soutien essentiel.

On avait dit à Gordon Barnett, chargé de négocier l’entente pour le gouvernement — il est à la tribune aujourd’hui — de faire preuve de fermeté lors des pourparlers avec Bill Janzen et John Wieler, également à la tribune, et d’autres représentants du Comité central mennonite.

Il est difficile de faire preuve de fermeté lorsque la partie adverse est si manifestement motivée par le désir de faire le bien, peu importe la quantité d’aide que le gouvernement était disposé à lui donner. Quel a été le résultat? Le gouvernement a changé son fusil d’épaule et les deux côtés ont négocié une entente qui a permis à chaque partie de faire ce qu’elles font de mieux.

Dans les cinq mois suivant la première entente, 28 organisations religieuses nationales et diocèses catholiques et anglicans avaient également signé des ententes-cadres. Alors que le nombre de groupes de parrainage explosait dans l’ensemble du Canada, des fonctionnaires en Asie du Sud-Est et à Ottawa s’efforçaient avec compassion de remplir les engagements du gouvernement de façon créative. Des agents d’immigration ont visité 70 camps éloignés situés sur des plages, des îles et des clairières dans la jungle dans sept pays pour identifier de nouveaux arrivants.

Il est révélateur que cette entente ait résisté à l’épreuve du temps et ait joué un rôle dans la récente crise des réfugiés syriens. Il est aussi révélateur que l’entente ait résisté aux changements politiques. Le gouvernement conservateur qui est arrivé au pouvoir en juin 1979, sous la direction du très honorable Joe Clark, a reconnu qu’une bonne politique et de bonnes actions sont beaucoup plus puissantes que la politique partisane.

Un mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement progressiste-conservateur du très honorable Joe Clark a triplé l’engagement du Canada de façon à accueillir 50 000 réfugiés sur un an.

Honorables collègues, mon temps de parole limité m’empêche d’exprimer davantage la fierté que je ressens et de vous raconter d’autres histoires à ce sujet. En tant qu’ancien sous-ministre de l’Immigration et que fils de réfugiés qui ont eux-mêmes été parrainés par le Comité central mennonite, je peux confirmer que l’effet transformateur de l’entente-cadre sur parrainage a eu une incidence très positive sur le Canada, non seulement sur la vie des 327 000 réfugiés parrainés à titre privé qui sont venus au Canada au cours des 40 dernières années, mais aussi sur les Canadiens, qui ont pu exprimer clairement leur engagement à soutenir ceux qui sont dans le besoin.

J’espère que vous vous joindrez à moi pour célébrer le quarantième anniversaire de la première entente-cadre. Ce faisant, nous célébrons toutes les bonnes choses qui caractérisent le Canada et qui se trouvent dans le cœur des Canadiens.

Des voix : Bravo!

(1340)

Yellow Wings to Victory

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, l’an prochain marquera le soixante-quinzième anniversaire de la fin du Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique, un programme qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, fut essentiel à la victoire des Alliés.

Les honorables sénateurs connaissent le rôle important qu’a joué la force aérienne pendant la bataille d’Angleterre. Grâce à cette imposante force aérienne, les nazis n’ont jamais pu envahir l’Angleterre. Ils savent aussi que, lors du débarquement du jour J, les soldats ont été protégés par la force aérienne, et que le Bomber Command a contribué à faire en sorte que la Deuxième Guerre mondiale se termine le plus rapidement possible.

Au début de la guerre, les Alliés ont reconnu qu’il était nécessaire de combler l’écart sur le plan des forces aériennes qui existait entre eux et les puissances de l’Axe. C’est au Canada que s’est déroulé le Programme d’entraînement aérien du Commonwealth britannique, qui visait à combler cet écart. Notre pays a joué un rôle crucial à cet égard, à tel point que Franklin Roosevelt, alors président des États-Unis, a surnommé le Canada l’« aérodrome de la démocratie ».

Tout au long de la guerre, le programme a assuré la formation de plus de 130 000 pilotes, observateurs, mécaniciens de bord et autres membres d’équipage des forces aériennes du Canada, de la Grande-Bretagne, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et d’autres pays. En outre, 100 aérodromes ont été construits et 107 écoles d’aviation ont ouvert leurs portes.

L’effectif de l’Aviation royale canadienne est passé de 4 000 membres au début de la guerre à plus de 230 000 officiers et sous-officiers, dont plus de 17 000 femmes.

En fait, il y a eu des installations de formation et de soutien dans chaque province, et dans près de 150 localités au Canada. Ma province, le Nouveau-Brunswick, comptait six écoles de pilotage, deux dépôts et une unité d’instruction opérationnelle. Les aéroports de beaucoup de villes et villages modernes, comme Brandon, au Manitoba, et Prince Albert, en Saskatchewan, ont fait partie de cette infrastructure d’aérodromes initiale. De nombreuses bases militaires, comme la Base des Forces canadiennes Moose Jaw et la Base des Forces canadiennes Portage La Prairie, ont aussi déjà été des éléments de ce programme.

L’Association canadienne de la préservation aéronautique représente 25 musées et deux sociétés d’histoire. En l’honneur de l’anniversaire du programme d’entraînement, elle s’est associée avec Next Frame Digital Productions pour créer un documentaire d’une heure et une expérience pédagogique interactive sur Internet intitulés Yellow Wings to Victory. J’encourage les honorables sénateurs à visiter le site yellowwingstovictory.ca pour en apprendre davantage sur ce programme interactif, qui compte sur la narration de M. Tom Cochrane, qui est également colonel honoraire de l’une des bases de l’Aviation royale canadienne. Merci.

L’entente-cadre de parrainage de réfugiés

Le quarantième anniversaire

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, il y a 40 ans, je suis arrivé au Canada à titre d’étudiant étranger dans le petit village de Metchosin, en Colombie-Britannique. Quelques semaines après mon arrivée, l’Église anglicane St. Mary’s de Metchosin m’a invité à participer à une fête de bienvenue en l’honneur d’une famille vietnamienne qui devait arriver sous peu. On m’avait invité à cause de mes connaissances limitées en cantonais.

Quarante ans plus tard, je peux dire que cette famille a immensément bien réussi, qu’elle s’est totalement intégrée dans la société canadienne et qu’elle y contribue positivement. À l’instar de nombreux réfugiés arrivés au cours de cette période, les membres de cette famille font partie intégrante du tissu social et font une contribution dans divers secteurs qu’on n’aurait pu imaginer il y a 40 ans.

Nous avons déjà entendu parler de la contribution de nombreuses personnes qui ont permis la conclusion de l’entente-cadre entre le gouvernement du Canada et le Comité central mennonite du Canada pour le parrainage de réfugiés. Je rends hommage à notre collègue le sénateur Harder, qui a été un des principaux instigateurs de ce programme. À titre d’adjoint de Mme Flora MacDonald, à l’époque ministre des Affaires extérieures, il a participé à l’élaboration du programme et à la logistique de l’accueil des réfugiés de la mer au Canada.

[Français]

Le sénateur Harder continuerait d’appuyer l’intégration des réfugiés dans leur nouvelle vie en contribuant à la refonte de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

[Traduction]

Chers collègues, en ce XXIe siècle, alors que s’amorce une nouvelle étape dans les mouvements de réfugiés, il est certain que nous serons confrontés à des défis complexes et imprévus, notamment en ce qui concerne l’intégration des nouveaux arrivants au Canada. Il ne faut pas se laisser décourager par ces nouveaux défis, mais plutôt tenir compte du conseil qu’avait donné le très honorable Joe Clark dans les années 1980, alors qu’il avait dû s’attaquer à une situation similaire à titre de premier ministre. Il avait dit : « Prenez le taureau par les cornes, ne vous croisez pas les bras. »

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence M. Maeng-Ho Shin, ambassadeur de la République de Corée au Canada, du colonel Chang Bae-Yoon, ainsi que de membres du Comité commémoratif de la guerre de Corée et de dirigeants de la communauté coréenne d’Ottawa. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La proclamation de l’indépendance de la Corée

Le centième anniversaire

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, le 1er mars 1919, 33 chefs culturels et religieux coréens ont lu à Séoul la déclaration de l’indépendance de la Corée, marquant le début de la lutte historique et courageuse du peuple coréen pour se défaire du colonialisme japonais. C’était le début d’un mouvement qui allait voir des millions de Coréens tenir tête à leurs oppresseurs et lutter pour la liberté.

Le 1er mars 2019 marque le centième anniversaire de ce mouvement indépendantiste connu sous le nom de Samiljeol. C’est une journée pour commémorer les braves patriotes qui ont mené le mouvement et pour rendre hommage aux milliers de personnes ayant perdu la vie. C’est aussi l’occasion de se souvenir des millions de Coréens qui se sont unis contre la tyrannie et l’oppression.

Le mouvement a engendré des martyrs et des héros improbables. L’un de ces martyrs était Yoo Gwan Soon, une élève du secondaire qui a mené le mouvement indépendantiste dans sa ville natale, Cheonan, mobilisant courageusement des milliers de personnes. Yoo Gwan Soon, dont l’esprit n’a jamais capitulé, est morte en prison le 28 septembre 1920, son corps ravagé par la torture. On se souvient d’elle comme l’une des plus courageuses des 33 patriotes du mouvement indépendantiste.

En cette période tumultueuse en Corée, le Dr Francis William Schofield, missionnaire, vétérinaire et homme de lettres canadien, s’est montré solidaire du peuple coréen et l’a soutenu. Le Dr Schofield était bien connu pour son militantisme et critiquait le régime colonial japonais en Corée. Il a fourni des preuves concluantes de l’oppression militaire en Corée durant cette période et a contribué à capter l’attention de la communauté internationale en documentant le Mouvement du 1er mars.

Le Dr Schofield symbolise la loyauté et l’amitié profondes et durables entre le Canada et la Corée, et la Corée se souvient de lui comme du 34e patriote. Il est aussi le seul étranger inhumé dans le Cimetière national coréen, à Séoul.

La Corée dynamique que nous connaissons aujourd’hui n’existerait pas n’eût été de l’amour et de l’activisme de missionnaires canadiens comme le Dr Schofield et des sacrifices désintéressés des soldats canadiens qui se sont battus en Corée il y a 65 ans pour la liberté et la paix.

Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur de prendre la parole ici aujourd’hui en présence de l’ambassadeur Maeng-Ho Shin et d’autres leaders de la communauté coréenne à la veille du centenaire du Samiljeol et de souligner en cette enceinte ce jour historique pour le Canada et la Corée. Merci.

L’entente-cadre de parrainage de réfugiés

Le quarantième anniversaire

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je joins ma voix à tous ceux et celles qui célèbrent aujourd’hui le quarantième anniversaire d’un concept typiquement canadien. Pour tout dire, l’idée — qui suppose la participation non seulement des institutions et des gouvernements, mais aussi celle des citoyens ordinaires qui veulent lutter contre la crise mondiale des déplacements forcés, mais ne veulent pas se contenter d’écrire un chèque — était tellement bonne qu’elle a rapidement fait des petits partout sur la planète, pour le plus grand bien de la réputation de notre pays.

Trois groupes profitent de cette initiative extraordinaire ou y contribuent. Commençons par les réfugiés eux-mêmes, que la violence et la persécution forcent à déraciner leur famille et à quitter leur maison et leur moyen de subsistance. Pour eux, le chemin vers la réinstallation requiert de la patience, du labeur et une bonne dose d’humilité. Une grande force anime et continuera d’animer ces néo-Canadiens.

(1350)

Viennent ensuite les répondants privés. Il peut s’agir autant d’organismes religieux que de clubs de lecture, de groupes réunissant des mères et leurs bambins ou de regroupements de gens d’affaires. Grâce à eux, les réfugiés peuvent se réinstaller plus rapidement. Ils obtiennent aussi le nécessaire pour s’intégrer plus aisément à la société canadienne. Le père de la famille ouvrière syrienne de 12 personnes que j’ai parrainée il y a trois ans, par exemple, a trouvé un emploi dans le domaine de la construction et il a presque fini d’amasser la mise de fonds nécessaire pour acheter une maison à Brampton. Mais surtout, sa famille et lui présenteront leur demande de citoyenneté très bientôt.

Le troisième groupe est souvent le grand oublié de l’histoire. Pourtant, les fonctionnaires font des pieds et des mains pour que les réfugiés puissent venir trouver la sécurité au Canada. Dans notre pays, les fonctionnaires sont rarement perçus comme des héros. C’est pourtant grâce à eux, aux réfugiés et à leurs répondants que nous pouvons aujourd’hui célébrer une réussite moderne à la canadienne. Je vous remercie.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Analyse financière des chasseurs F-18 temporaires—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget, intitulé Analyse financière des chasseurs F-18 temporaires, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).

[Traduction]

L’étude sur les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde

Dépôt du trentième rapport du Comité des banques et du commerce

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le trentième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé Dix ans après la crise financière : le point sur les risques systémiques. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Black (Alberta), l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Régie interne, budgets et administration

Présentation du trente-quatrième rapport du comité

L’honorable Sabi Marwah, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 28 février 2019

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son

TRENTE-QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, que le Règlement du Sénat autorise à examiner les questions financières et administratives, recommande que les fonds suivants soient débloqués pour l’année financière 2018-2019.

Affaires juridiques et constitutionnelles (législation)

Dépenses générales 6 000 $ Total 6 000 $

Respectueusement soumis,

Le président,

SABI MARWAH

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Marwah, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Agriculture et forêts

Budget—L’étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux—Adoption du quinzième rapport du comité

L’honorable Diane F. Griffin, présidente du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le jeudi 28 février 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a l’honneur de présenter son

QUINZIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 15 février 2018 à étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, demande respectueusement des fonds supplémentaires pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La présidente,

DIANE F. GRIFFIN

(Le texte du budget figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4386.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L’Association parlementaire Canada-Afrique

La mission bilatérale en République algérienne démocratique et populaire, du 7 au 13 octobre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire Canada-Afrique concernant sa mission bilatérale à Alger et Tipasa, en République algérienne démocratique et populaire, du 7 au 13 octobre 2018.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 19 mars 2019, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 19 mars 2019, à 18 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder. Elle fait suite à ma question d’hier. Depuis le début de l’affaire, le premier ministre affirme qu’aucune pression n’a été exercée sur l’ancienne procureure générale, mais le témoignage de Mme Wilson-Raybould nous a appris qu’il a, en fait, exercé des pressions et tenté de l’intimider à plusieurs reprises pour qu’elle change la décision prise par la directrice du Service des poursuites pénales dans l’affaire SNC-Lavalin.

Voici un extrait de son témoignage :

Pendant environ quatre mois, de septembre à décembre 2018, j’ai fait l’objet de démarches constantes et soutenues de la part de beaucoup de gens du gouvernement qui cherchaient à influencer, pour des raisons politiques, l’exercice du pouvoir discrétionnaire associé à mon rôle de procureure générale du Canada. Ces efforts inappropriés visaient la conclusion d’un accord de suspension des poursuites avec SNC-Lavalin. Onze personnes (un nombre qui ne comprend pas mon personnel politique ni moi) ont participé à ces démarches. Ces personnes venaient du cabinet du premier ministre, du bureau du Conseil privé et du cabinet du ministre des Finances.

Elle a décrit comment le premier ministre avait tenté, à de multiples reprises, de l’intimider pour qu’elle prenne la décision souhaitée. Quand on lui a demandé si elle transmettrait au comité les messages textes, les appels téléphoniques et les notes à ce sujet, Mme Wilson-Raybould a répondu qu’elle examinerait cette possibilité.

Sénateur Harder, étant donné le témoignage détaillé et concis présenté par Mme Wilson-Raybould et le fait que le premier ministre change ses propos d’une conférence de presse à l’autre, le premier ministre témoignera-t-il sous serment pour défendre son point de vue à propos du scandale de SNC-Lavalin?

(1400)

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question.

Avant d’y répondre, je veux exprimer le soulagement que j’ai ressenti lorsque M. Clark a quitté la salle. Ainsi, il n’assistera pas à la période des questions à laquelle participe un ancien assistant qui l’a aidé, il y a 40 ans, à se préparer à la même chose. Je vous remercie de votre absence, monsieur, et je passe maintenant à la question.

Le premier ministre a toujours été clair : ses préoccupations et celles des autres leaders politiques et communautaires concernant les conséquences possibles dans le dossier SNC-Lavalin ont été communiquées nettement et sans détour.

Assurément, le gouvernement se réjouit que l’ancienne ministre ait eu l’occasion de témoigner devant le comité compétent hier. Il importe de souligner que l’ancienne ministre n’a pas laissé entendre qu’elle avait reçu des directives du premier ministre ou que des gestes illégaux avaient été posés. Elle a fait connaître son point de vue concernant ses échanges avec certaines personnes.

Par le passé, et encore hier soir, le premier ministre a contesté les affirmations de l’ancienne ministre à propos de la mesure dans laquelle il avait exprimé sa position.

Pour ce qui est précisément d’une éventuelle comparution du premier ministre, il s’agit d’une question qu’il faut poser au comité et au premier ministre lui-même.

Le sénateur Smith : Merci, monsieur le leader du gouvernement. Je ne reviendrai pas sur l’enjeu des emplois, car il en a déjà été abondamment question. Il y a deux éléments en jeu ici : la primauté du droit et le problème que posent les dirigeants ayant utilisé leurs droits et leurs privilèges à mauvais escient pour négocier des contrats illégaux. Nous devons être clairs et bien distinguer ces enjeux.

Le témoignage d’hier montre clairement que Mme Wilson-Raybould n’a pas été à même d’évoquer les détails concernant certaines réunions et certaines conversations qu’elle a eues avec le premier ministre ou avec des membres de son personnel et de son cabinet. Par exemple, lorsqu’on l’a interrogée sur les motifs qui l’ont poussée à démissionner du Cabinet, elle a dit qu’elle ne pouvait pas répondre à cette question. Puis, lorsqu’on lui a demandé de parler de la réunion du Cabinet ayant eu lieu le 19 février, elle a répété qu’elle n’était pas en mesure de le faire. Toutefois, elle a répondu qu’elle pourrait comparaître à nouveau devant le comité.

Sénateur Harder, le premier ministre acceptera-t-il de lever toutes les restrictions qu’il a imposées à l’ancienne procureure générale, afin que celle-ci puisse livrer un témoignage complet par rapport au scandale, ce qui permettra aux Canadiens d’avoir une image plus précise de ce qui s’est vraiment produit?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur pour sa question. Après m’avoir entendu répondre à des questions précédemment, il saura que le décret, qui lève certaines restrictions, a fourni à l’ancienne ministre des balises par rapport à son témoignage, lui interdisant toutefois de divulguer tout secret du Cabinet ou de faire mention de toute intervention susceptible de compromettre les poursuites en cours. Ce sont là les grands principes de la directive, et je me suis réjoui de constater que l’ancienne ministre s’y est rigoureusement conformée.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Au cours des derniers jours, on a appris plusieurs choses. Il s’agissait d’éléments et d’interventions que vous trouviez appropriés. Or, on a appris également que des considérations politiques ont été soulevées, comme les élections provinciales au Québec et les chances de réélection du gouvernement Trudeau.

Trouvez-vous aussi approprié que des questions politiques partisanes soient soulevées lorsque le procureur général doit décider d’intervenir dans une cause pendante?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Le fait que les décisions prises par les gouvernements se fondent sur des considérations politiques ne devrait pas le surprendre. J’aurais pensé qu’il en était tout à fait conscient, ayant fait lui-même partie d’un caucus du gouvernement.

[Français]

Le sénateur Carignan : Permettez-moi de vous rappeler une petite page de l’histoire. En 1965, le ministre Guy Favreau, qui était, incidemment, député de Papineau, a démissionné de son poste de ministre de la Justice et procureur général du Canada pour avoir tenu compte de considérations politiques dans sa décision de poursuivre certains individus. Le premier ministre a-t-il l’intention de s’inspirer de la décision de l’ancien ministre Guy Favreau, député de Papineau, et présenter sa démission? Ou bien compte-t-il plutôt s’accrocher à son poste?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa petite leçon d’histoire. Je me contenterai de lui dire que les événements auxquels il fait allusion portaient sur des activités jugées inappropriées dans le cadre d’une enquête et de mesures policières en cours. L’ancienne ministre de la Justice et procureure générale a confirmé hier, comme le premier ministre d’ailleurs, que rien d’illégal n’avait eu lieu.

Le patrimoine canadien

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Le CRTC a publié la semaine dernière un rapport qui confirme l’expérience de nombreux Canadiens, à savoir que les fournisseurs de services de télécommunications utilisent des pratiques de vente trompeuses à l’endroit des consommateurs canadiens, et en particulier les personnes vulnérables, comme les aînés, les personnes handicapées et les gens qui se heurtent à des barrières de langue. Ces pratiques trompeuses persistent alors même que les fournisseurs appliquent des politiques censées les interdire. Il est manifeste que bon nombre de ces entreprises ne sont pas capables de s’autoréglementer.

N’est-ce pas le temps d’avoir désormais une approche concertée de la part du gouvernement et notamment un règlement efficace ou une loi qui protège les consommateurs canadiens? Quand peut-on s’attendre à cela?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Elle saura, en consultant la réponse du ministre responsable, M. Bains, que le gouvernement est en train d’étudier le rapport. Le gouvernement a comme priorité absolue de protéger les consommateurs et de leur offrir des services, en faisant en sorte que la technologie soit déployée dans les collectivités à des prix concurrentiels. Le ministre s’est engagé non seulement à procéder à cet examen, mais aussi à donner suite aux recommandations qui pourraient en découler.

Les services publics et l’approvisionnement

Le système de paie Phénix

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement, et elle porte sur le système de paie Phénix.

J’ai rencontré aujourd’hui un groupe de manifestants. Ils brandissaient des drapeaux de l’Alliance de la fonction publique du Canada. D’après leurs pancartes, ils protestaient contre l’incapacité continue du gouvernement à régler les problèmes du système de paie Phénix. Pour la gouverne de nos auditeurs, Phénix est le système de paie qui automatise la rémunération versée aux fonctionnaires pour leur travail assidu et les tâches qu’ils remplissent pour le compte des Canadiens.

Je tiens à dire au représentant du gouvernement que j’ai examiné l’historique de ce dossier. En 1989, le gouvernement conservateur de Brian Mulroney a commencé à analyser les options pour remplacer le système de paie qui était en place à l’époque. J’ai lu les données que les membres de mon personnel ont rassemblées pour moi. Ils ont trouvé un excellent site. J’exhorte tous les sénateurs à se renseigner sur l’historique de ce dossier en faisant une recherche dans Google à l’aide des mots « Phoenix pay system history » et « Ottawa Citizen ». Vous trouverez une page fort intéressante sur ce sujet. En la lisant, vous serez attristés et indignés du fait que plusieurs gouvernements n’ont pas été en mesure de régler ce problème. C’est une véritable tragédie.

Presque 30 ans plus tard, il y a encore des fonctionnaires qui travaillent fort sans être payés et sans que les arriérés soient éliminés en temps opportun.

Pourriez-vous faire le point sur l’arriéré et sur les erreurs qui ont été commises? Je crois comprendre que l’arriéré a continué de s’alourdir en 2018. Avez-vous du nouveau à ce sujet?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Elle sait sans doute que depuis bientôt trois ans d’autres sénateurs ont soulevé comme elle la question de Phénix. Je suis heureux de vous donner une mise à jour plus approfondie et de vous dire que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour veiller à ce que tous les employés soient payés correctement et à temps.

(1410)

Malheureusement, je dois dire que plus de la moitié des fonctionnaires éprouvent des problèmes de paie, sous une forme ou une autre. C’est notamment le cas pour des membres de ma famille.

Le gouvernement continue de prendre de multiples mesures afin de régler ces problèmes et de stabiliser le système de paie. Il a, en misant sur la collaboration, mis en place des processus novateurs et des ressources additionnelles, ce qui a permis de réaliser des progrès. En plus d’investir dans des moyens technologiques, il a fait revenir au travail plus de conseillers en rémunération. Ces conseillers ont été retirés trop tôt, ce qui a réduit la capacité de gérer les interventions individuelles.

Je peux vous annoncer que le nombre de transactions en attente de traitement au centre de paie a diminué de près de 160 000 depuis janvier 2018. Les équipes mixtes de paie offrent un meilleur service aux employés touchés. Au cours de la même période, les ministères ayant des équipes mixtes ont constaté une diminution de 29 p. 100 du nombre de transactions en attente de traitement. D’ici mai 2019, le ministère prévoit que les 46 organisations desservies par le centre de paie auront adopté le modèle de l’équipe mixte.

Le travail se poursuit. Entre-temps, les employés sont encouragés à demander, au besoin, des avances de salaire en cas d’urgence ainsi que des paiements prioritaires.

À l’approche de la période des déclarations de revenus, j’ajoute que des mesures particulières ont été prises pour garantir une collaboration étroite avec Revenu Canada et Revenu Québec afin de minimiser les complications fiscales pour les fonctionnaires qui ont des problèmes de paie.

C’est un défi de taille. Le gouvernement ne sous-estime pas les répercussions de cette situation, pas plus qu’il ne les prend à la légère. Il ne ménage pas ses efforts qui contribueront, espérons-le, à résoudre les préoccupations à court terme et à trouver une solution à long terme pour le système de rémunération du gouvernement du Canada.

La sénatrice Lankin : Je remercie le sénateur de cette information au sujet des mesures de correction qui sont prises pour régler les problèmes immédiats. Bien entendu, cela ne règle pas le problème à long terme. J’ai appris par mes lectures que le processus de remplacement de l’ancien système de paie a été amorcé il y a 30 ans, et la situation n’est toujours pas réglée.

La fonction publique fédérale est l’une des choses qui sont merveilleuses à propos du Canada. Comme moi, nous connaissons tous ou avons tous dans notre famille un fonctionnaire qui assume fièrement, noblement et avec dévouement ses fonctions. Ces personnes vivent des difficultés énormes dans cette affaire.

La manifestation d’aujourd’hui coïncide avec le troisième anniversaire du lancement du système de paie Phénix. Cela fait trois ans que les problèmes de paie persistent. Je crois que nous considérons tous, vous y compris, de même que le gouvernement, j’en suis convaincue, que c’est intolérable et inadmissible.

Je ne peux m’empêcher de mentionner l’ironie du nom de ce projet. Espérons que quelque chose renaîtra de ces cendres.

Je crois que nous devons continuer de faire de ce dossier une priorité. Nous ne devons pas le reléguer aux oubliettes, comme d’autres dossiers pressants dont sont saisis les Canadiens et le Parlement du Canada.

Monsieur le représentant du gouvernement, seriez-vous disposé à tenir une séance d’information technique à l’intention de tous les sénateurs et à inviter, après consultation des leaders, la ministre à venir nous parler de nouveau? Je me sens obligée de faire quelque chose pour aider les travailleurs que j’ai rencontrés aujourd’hui dans la rue et les nombreux fonctionnaires canadiens qui nous servent au quotidien. Je suis solidaire envers eux et je partage leurs préoccupations. Accepteriez-vous d’organiser une séance d’information technique et d’inviter ensuite la ministre à venir nous parler?

Le sénateur Harder : Je remercie la sénatrice de la suggestion. Je m’engage à le faire.

Le cabinet du premier ministre

Les communications avec les médias

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur l’un des dossiers qui sont au cœur des préoccupations des Canadiens aujourd’hui.

Selon son témoignage d’hier, lorsque Mme Wilson-Raybould était encore procureure générale, la chef de cabinet du premier ministre, Katie Telford, lui a promis une couverture éditoriale favorable si elle acceptait de demander l’annulation de la décision de la directrice des poursuites pénales.

Sénateur Harder, est-ce pratique courante de la part du cabinet du premier ministre de demander à des commentateurs et à des rédacteurs d’écrire et de publier des éditoriaux favorables au gouvernement?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. D’après son expérience journalistique, elle devrait savoir que de telles tentatives sont rarement fructueuses.

J’aimerais simplement dire que l’ancienne ministre a exprimé son point de vue concernant ses interactions avec certaines personnes. Encore une fois, je répète qu’elle a admis elle-même que ces personnes n’ont commis aucun acte illégal.

Ces gens ont-ils exprimé leur point de vue et celui du premier ministre et d’autres représentants du gouvernement? Ont-ils indiqué qu’il existait des moyens appropriés d’informer le public sur les mesures qui pouvaient être envisagées? Tout à fait.

La sénatrice Frum : Sénateur Harder, aujourd’hui, contrairement à l’époque où j’étais journaliste, le gouvernement est prêt à donner un demi-milliard de dollars aux médias soi-disant qualifiés et voilà que la bras droit du premier ministre se vante d’être capable de se servir d’eux pour assurer une certaine sorte de couverture politique.

Sénateur Harder, comment les Canadiens peuvent-ils croire que l’aide promise aux médias n’est pas simplement une façon pour les libéraux de Justin Trudeau de s’acheter une certaine couverture politique? Comment les Canadiens peuvent-ils avoir confiance en Katie Telford dans ce dossier et, bien honnêtement, dans tout autre dossier?

Le sénateur Harder : Je tiens à dire à l’honorable sénatrice que Katie Telford est une femme d’un talent incroyable qui fait son travail extraordinairement bien.

En ce qui concerne l’accusation implicite dans sa question, l’honorable sénatrice saura que les critères servant à déterminer le financement des médias font en sorte qu’aucun ministre ne peut dicter ses volontés.

SNC-Lavalin

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder.

Hier, l’ancienne procureure générale, Jody Wilson-Raybould, nous apprenait que le plus proche conseiller et principal secrétaire du premier ministre, Gerry Butts, avait communiqué avec le chef de son cabinet pour lui indiquer qu’il n’y avait aucune autre solution possible que l’ingérence dans le processus judiciaire pour sortir SNC-Lavalin du pétrin.

Sénateur Harder, le gouvernement dont vous faites partie savait pertinemment qu’il agissait de façon inappropriée, immorale, contraire à l’éthique et probablement illégale.

Dans votre réponse à une question du sénateur Carignan, vous avez affirmé que l’ancienne procureure générale avait dit que rien dans ce qui s’est passé n’était illégal, et vous avez même répété cette affirmation. Évidemment, le premier ministre s’accroche à cette déclaration comme à une bouée de sauvetage.

Cela dit, au bout du compte, ce n’est ni le premier ministre, ni la procureure générale, ni vous qui pouvez déterminer ce qui est criminel ou non. Cette tâche revient au bureau du procureur indépendant. Le gouvernement précédent n’avait pas créé ce bureau pour rien. Il l’a fait pour qu’il y ait une entité indépendante adéquate pour surveiller le système judiciaire canadien.

Je trouve inadmissible que, d’après son témoignage très crédible, l’ancienne procureure générale ait ressenti de l’anxiété grave des suites des pressions incessantes subies de la part du cabinet du premier ministre, du ministre des Finances et du greffier du Conseil privé.

Nous devons cesser de tenter de déterminer ce qui est légal ou non et laisser les autorités compétentes le faire.

Ma question au leader du gouvernement est la suivante : est-ce que la GRC fait enquête sur la démission de Gerry Butts, et pouvez-vous confirmer si, oui ou non, M. Butts fait l’objet d’une enquête de la GRC?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J’aimerais dire un mot à propos du long préambule et des affirmations et allégations qu’il renfermait. Je les trouve offensantes et les accusations qui y ont été faites ne cadrent ni avec le témoignage de l’ancienne ministre ni avec les commentaires d’autres parties, dont le premier ministre.

Non, pour répondre à la question, je ne peux confirmer si c’est le cas ou non.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, c’est triste à dire, mais les Canadiens trouvent le comportement du premier ministre et du gouvernement très offensant. Les Canadiens veulent pouvoir faire confiance à leurs institutions, surtout au système judiciaire.

Hier, l’ancienne ministre Wilson-Raybould a refusé à deux reprises de dire qu’elle faisait toujours confiance au premier ministre. Ce n’est pas une déduction de ma part. C’était clair. Un député libéral lui a demandé clairement si elle faisait toujours confiance au premier ministre.

(1420)

Sénateur Harder, comment les Canadiens peuvent-ils encore faire confiance au premier ministre si des membres de son propre caucus n’ont pas confiance en lui? Comment le premier ministre peut-il encore avoir l’autorité morale pour diriger le pays? Son meilleur ami et conseiller le plus fidèle a dit qu’il voulait s’ingérer dans un procès criminel pour régler un problème politique. Comment pouvons-nous faire confiance au gouvernement?

Le sénateur Harder : Encore une fois, j’estime que la question, tel qu’elle est posée, est tendancieuse, trompeuse et insultante. Le premier ministre a clairement dit qu’il n’y avait eu aucune activité illégale et qu’aucune directive inappropriée n’avait été donnée. Lors de son témoignage, la ministre a confirmé les dires du premier ministre. Elle a également expliqué, dans ses propres mots — à juste titre d’ailleurs — comment elle avait interprété les conversations et les interactions qu’elle avait eues avec plusieurs personnes.

Le premier ministre conteste la version des faits de l’ancienne ministre.

Permettez-moi simplement de dire, pour ce qui est de la confiance, que je continue à faire confiance au premier ministre.

Les anciens combattants

Les communications avec le ministre

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Ce mercredi, le Sous-comité des anciens combattants a entendu les témoignages de représentants de la Légion royale canadienne et du Syndicat des employé(e)s des Anciens combattants au sujet des conséquences de la succession de 17 ministres au ministère des Anciens Combattants depuis 1993. Les représentants des deux organisations ont indiqué qu’ils attendent toujours une demande de communication ou de rencontre de la part du ministre intérimaire des Anciens Combattants, en l’occurrence le ministre de la Défense, alors qu’il est chargé du portefeuille depuis le 12 février.

Selon la Légion royale canadienne, deux jours après sa nomination, l’ancienne ministre des Anciens Combattants Jody Wilson-Raybould avait fait un appel de courtoisie à la direction de l’organisme.

Pourriez-vous faire savoir au ministre intérimaire des Anciens Combattants que les représentants de la Légion royale canadienne et du Syndicat des employé(e)s des Anciens combattants souhaitent avoir une rencontre ou, à tout le moins, des échanges avec lui?

Le gouvernement du Canada doit assurer aux vétérans et aux employés d’Anciens Combattants Canada qu’il tient compte de leurs préoccupations et, plus important encore, qu’il y donne suite.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je me ferai un plaisir de lui transmettre le message.

[Français]

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le représentant du premier ministre, mardi, je vous ai posé une question. En fait, je vous ai demandé si le premier ministre Trudeau avait toujours la légitimité de gouverner notre pays. À la lumière des révélations qui ont été faites par l’ex-ministre de la Justice, Mme Jody Wilson-Raybould, qu’il a écartée de son poste de procureure générale parce qu’elle ne voulait pas céder aux pressions et surtout au harcèlement que le premier ministre et son entourage ont exercés sur elle, maintenez-vous votre réponse de mardi, à l’effet qu’il a encore la légitimité requise pour rester en poste comme premier ministre du Canada, alors qu’il a fait preuve d’un manque de respect flagrant et honteux à l’égard du pouvoir judiciaire?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Permettez-moi simplement de dire en réponse à la question que le premier ministre est un homme intègre qui a le mandat de continuer d’exercer ses fonctions et de faire en sorte que le gouvernement poursuive son bon travail.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur le leader du gouvernement, êtes-vous en train de nous dire que vous êtes de ceux qui mettent en doute les faits extrêmement bien documentés qui ont été exposés hier par l’ex-procureure générale du Canada, et qui prouvent que nous sommes en face d’un véritable cas de harcèlement politique visant à entraver le pouvoir judiciaire?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je me permets de rappeler au Sénat, comme je l’ai fait à plusieurs reprises au cours des deux dernières semaines, qu’il n’est pas inhabituel que des ministres et des membres du caucus discutent de différents points de vue dans différents dossiers et expriment honnêtement et directement leurs préoccupations aux ministres. Ce n’est guère surprenant dans un pays aussi vaste que le nôtre où règnent la démocratie et un régime de gouvernement de cabinet.

Je vais donc simplement réitérer que le premier ministre estime que ses discussions et celles des autres membres de son gouvernement avec l’ancienne ministre étaient tout à fait appropriées et qu’elles tenaient compte des pratiques en vigueur dans un régime parlementaire de cabinet.

Le Bureau du Conseil privé

Le rôle du greffier du Conseil privé

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, hier, l’ancienne procureure générale, Jody Wilson-Raybould, a livré un témoignage explosif et dévastateur sur la corruption qui gangrènerait les occupants des plus hauts échelons du gouvernement Trudeau, y compris le premier ministre, les membres de son cabinet et le greffier du Conseil privé.

Vous avez dirigé l’équipe de transition du gouvernement Trudeau. À ce titre, vous avez établi le cadre des relations entre le cabinet du premier ministre et le Bureau du Conseil privé et vous avez joué un rôle de premier plan dans la nomination de Michael Wernick au poste de greffier du Conseil privé.

Comme vous, sénateur Harder, M. Wernick a connu une longue carrière dans la fonction publique avant d’être nommé à son poste actuel. En tant que greffier du Conseil privé, M. Wernick était censé être impartial. Il aurait dû mettre un terme à toute menace d’ingérence dans une importante poursuite criminelle. Au lieu de cela, il a suivi les ordres du cabinet du premier ministre et aurait menacé Mme Wilson-Raybould en vue de nuire à l’indépendance de la poursuite. Son message à l’intention de l’ancienne procureure générale était clair : trouvez une façon d’infirmer la décision de la directrice des poursuites pénales ou vous pourrez dire adieu à votre emploi.

Le greffier du Conseil privé est censé être le plus haut fonctionnaire du pays et agir en toute impartialité. On s’attend à ce qu’il se conforme aux normes d’éthique les plus élevées et à ce qu’il respecte la primauté du droit. Michael Wernick a échoué sur tous les tableaux. Quand le gouvernement Trudeau exigera-t-il sa démission?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J’ai seulement quelques observations à faire en réponse à cette question.

Premièrement, les faits énoncés dans la question sont erronés. M. Wernick a été nommé greffier du Conseil privé alors que la première année du mandat du gouvernement était déjà bien entamée et longtemps après la fin de la transition. Quoi qu’il en soit, ce point n’est pas vraiment important actuellement.

Deuxièmement, le point important à soulever, c’est que Michael Wernick est un fonctionnaire qui a servi le Canada avec grande distinction pendant 37 ans, qui connaît les limites d’une interaction appropriée et qui dit la vérité aux puissants, qu’il s’agisse des médias ou des parlementaires. Il a parlé franchement et avec conviction. Je suis fier de le compter parmi mes amis et j’estime non seulement que c’est un bon fonctionnaire, mais qu’il agit aussi dans l’intérêt des Canadiens.

Troisièmement, le ton de la question laisse entendre, bien franchement, que l’examen du Sénat n’est pas aussi objectif que l’interrogatoire mené hier par le comité.

Son Honneur le Président : Sénatrice Batters, il reste une minute à la période des questions.

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Denise Batters : Sénateur Harder, le premier ministre Trudeau essaie de réduire cette crise de corruption au sein de son gouvernement à un désaccord interne. Le témoignage accablant de l’ancienne procureure générale, hier, montre bien qu’elle ne voit pas les choses du même œil.

En sa qualité de procureure générale, elle a pris la ferme décision de ne pas annuler la décision de la directrice des poursuites pénales. Pourtant, au cours des quatre mois qui ont suivi, elle a dû résister aux pressions répétées et indésirables d’hommes puissants, dont le premier ministre du Canada, son plus proche conseiller et meilleur ami, et le greffier du Conseil privé. Ils ont tous essayé de l’avoir à l’usure et de lui faire changer d’avis.

La façade féministe de ce gouvernement craque comme de la glace. Pourquoi les hommes aux plus hauts échelons du gouvernement Trudeau, ce faux gouvernement féministe, n’acceptent-ils pas qu’une femme leur dise non?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je félicite la sénatrice d’avoir regardé un film; c’est l’impression que j’ai. Voilà une théorie extraordinaire, mais qui n’a rien à voir avec ce qui s’est réellement passé.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 252, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi sur les langues autochtones

Autorisation au Comité des peuples autochtones d’étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 27 février 2019, propose :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, déposé à la Chambre des communes le 5 février 2019, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 avril 2019.

— Honorables sénateurs, je vous rappelle que cette motion a trait au projet de loi C-91 et qu’elle demande à cette Chambre d’autoriser le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones à examiner le projet de loi C-91, soit la Loi concernant les langues autochtones, qui a été déposé le 5 février dernier.

(1430)

Nous n’avons pas encore reçu ce projet de loi de l’autre endroit, mais c’est quand même un projet de loi substantiel; il contient 24 pages, 50 articles et soulève de grandes questions. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones aimerait avoir le temps de l’étudier en profondeur.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

[Traduction]

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables collègues, je prends brièvement la parole aujourd’hui en faveur de la motion demandant une étude préalable du projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones.

Ce projet de loi est d’une importance vitale. Compte tenu de la quantité croissante de mesures législatives dont nous sommes saisis, nous avons besoin de temps pour faire notre travail. Une étude préalable offre un moyen responsable de tirer parti du temps dont dispose le Comité des peuples autochtones en ce moment.

Comme porte-parole au sujet du projet de loi, je vais en parler aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. J’aimerais prendre quelques minutes pour dire, en qualité de sénateur du Nunavut, pourquoi je pense qu’il est si important que nous étudiions ce projet de loi.

Je tiens à vous dire que, fort heureusement, au Nunavut, où 86 p. 100 de la population est inuite, 75 p. 100 des Inuits ont l’inuktut comme langue maternelle. Toutefois, comme l’a dit la présidente de Tunngavik, Aluki Kotierk, lors de son témoignage devant le comité de l’autre endroit, le 26 février :

Tous les ans, le nombre de personnes qui parlent inuktut au Nunavut diminue de 1 p. 100.

Les barrières linguistiques actuelles non seulement portent atteinte à la dignité des aînés unilingues dans leurs activités quotidiennes, notamment à la banque, où elles doivent s’en remettre entièrement à un membre de leur famille qui parle anglais, mais peuvent aussi représenter un danger.

En 2016, la commissaire aux langues du Nunavut a publié un rapport intitulé Si vous ne pouvez pas communiquer avec votre patient, votre patient n’est pas en sécurité, qui portait sur l’enquête concernant l’unique hôpital du Nunavut, l’hôpital général Qikiqtani, à Iqaluit. En janvier 2017, la commissaire a raconté l’histoire d’une jeune de 15 ans, Ileen Kooneeliusie, emportée par la tuberculose. Malgré de multiples visites au centre de santé local, la gravité de son état a été décelée trop tard pour qu’Ileen puisse être sauvée. Sa mère, Geela, est convaincue que si les professionnels de la santé avaient parlé inuktut, sa fille serait toujours en vie.

Cette histoire tragique montre que, si le projet de loi à l’étude n’est pas efficace, cela aura des incidences réelles sur la vie des gens. Nous devons donc nous assurer qu’il favorise la protection, la promotion et la revitalisation des langues autochtones dans l’ensemble du pays, et que, lorsque le nombre le justifie, les programmes et services essentiels, dans des domaines comme la justice, la santé et l’éducation, soient offerts dans les langues autochtones.

J’ai trouvé très décevant d’entendre des leaders comme Mme Kotierk et le président d’ITK, Natan Obed, dire que le projet de loi actuel a surtout une valeur symbolique pour les Inuits. Mme Kotierk a souligné que, malgré toute leur importance, les symboles ne répondront pas à eux seuls aux besoins et aux demandes exprimés dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation.

De plus, je m’inquiète du fait que, durant l’étude préliminaire, nous examinions le processus de consultation qui a précédé le projet de loi. Après le dépôt du projet de loi, Mme Kotierk a indiqué que, malgré les beaux discours sur l’élaboration conjointe du projet de loi et nos efforts pour nous engager à titre de partenaires, rien, absolument rien, dans ce projet de loi n’indique une quelconque contribution mesurable. Cette question doit être un élément important de l’étude préliminaire proposée.

Honorables sénateurs, je tiens à dire clairement aux sénateurs autochtones et métis, ainsi qu’à tous ceux qui représentent des minorités autochtones au Sénat que les Inuits, dont la langue se porte mieux que d’autres langues — bien qu’elle régresse —, reconnaissent que les Premières Nations et les Métis ont leurs propres problèmes et priorités en matière de langue. Ils appuient pleinement leurs efforts pour faire adopter des dispositions législatives à cet égard.

Ainsi, la société Nunavut Tunngavik Incorporated, en collaboration avec l’Inuit Tapiriit Kanatami, souhaite participer activement au processus du comité parlementaire. Je presse les honorables sénateurs de permettre au Comité des peuples autochtones d’étudier le projet de loi prochainement, afin d’assurer que nous fassions les choses correctement et que le projet de loi réponde aux espérances des peuples autochtones. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Bellemare, avec l’appui de l’honorable sénateur Harder — puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi fédérale sur le développement durable

Fixation de délai—Préavis de motion

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Monsieur le Président, j’avise le Sénat que j’ai été incapable de m’entendre avec les représentants des partis reconnus sur le temps à consacrer à la réponse au message de la Chambre des communes portant sur les amendements du Sénat au projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable.

Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l’étude de la motion tendant à répondre au message de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable.

L’honorable Donald Neil Plett : J’invoque le Règlement, Votre Honneur. Je ne sais pas trop de qui le sénateur Harder veut parler, honnêtement, mais je tiens à préciser que le sénateur, notre leader et moi avions convenu de mettre la question aux voix aujourd’hui.

Des voix : Allons-y.

Le sénateur Plett : Je lui demande donc de retirer sa motion, à moins que le sénateur Woo et le sénateur Day soient en désaccord et confirment qu’aucune entente n’a été conclue. C’est pourtant le cas, et nous avions réussi à nous entendre. Je tiens donc à dire officiellement que l’opposition loyale de Sa Majesté avait accepté que la question soit mise aux voix aujourd’hui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je rappelle qu’on ne peut invoquer le Règlement pendant les préavis de motion.

Cela dit, je crois que nous pouvons nous laisser une certaine marge de manœuvre si cela permet de dénouer la situation. J’aimerais avoir l’avis du sénateur Harder et du sénateur Woo.

Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, il s’agit d’un préavis de motion. Si, au moment où le Sénat abordera le message des Communes concernant le projet de loi C-57, il décide de passer au vote, j’en serai ravi.

Pour ce qui est des discussions que nous avons eues, et je l’ai signalé à l’honorable sénateur, elles portaient aussi sur d’autres questions liées à d’autres mesures législatives, et j’ai indiqué au sénateur que je ne pouvais pas donner mon accord.

L’honorable Yuen Pau Woo : Chers collègues, le groupe parlementaire loyal et le plus nombreux au Sénat peut confirmer que je n’ai pas du tout été consulté directement par l’opposition sur cette présumée entente et que j’en ai pris connaissance par le sénateur Harder. L’entente prévoyait notamment l’engagement de procéder, le 30 mai, à un vote à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-69. Si cela fait effectivement partie de l’entente, j’y souscris.

Par ailleurs, si, au moment de passer au projet de loi C-57 aujourd’hui, nous procédons au vote, j’implorerai le sénateur Harder de retirer son préavis de motion.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Woo. Vous dites que vous n’avez eu aucune discussion avec la loyale opposition. Je ne vois pas vraiment pourquoi vous auriez une discussion avec elle. Vous êtes sans doute un groupe important de 65 sénateurs indépendants. Toutefois, nous n’avons aucune raison d’avoir quelque négociation que ce soit avec vous. C’est nous qui proposons les négociations au gouvernement, comme vous devriez le faire de votre côté. Les négociations devraient toutes être proposées au gouvernement et non pas à des groupes particuliers. Nous n’avons pas eu non plus de discussion avec le sénateur Day. C’est avec le leader du gouvernement que nous négocions.

(1440)

Je voudrais que le préavis de motion soit retiré immédiatement, vu l’entente que nous avons conclue. Et oui, ces négociations portaient aussi sur d’autres éléments. Or, le sénateur Harder est entré dans mon bureau en affirmant : « Nous avons une entente. » Je n’aimais pas tout ce qu’elle impliquait, mais j’ai répondu : « La volonté est là pour poursuivre. » C’est ce que j’ai dit. Je tiens à ce qu’on le sache. Je trouve donc insultant que le sénateur Harder laisse entendre que nous n’étions pas d’accord et je tiens à ce qu’il retire le préavis de motion.

Le sénateur Harder : Je peux confirmer avoir serré la main du sénateur et effectivement conclu une entente. Ce qu’il néglige de mentionner, c’est que, dans une conversation subséquente, il a donné, notamment à l’égard de l’étude d’un autre projet de loi, une interprétation des obligations des deux parties à laquelle je ne peux consentir. J’avais consenti à une date limite pour la troisième lecture, mais il m’a dit que c’était plutôt le début du débat à l’étape de la troisième lecture. Ce n’est pas ce qu’on appelle une entente. Les dernières paroles que j’ai adressées au sénateur avant qu’il n’entre dans la Chambre étaient : « Nous n’avons pas d’entente. »

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vais tout de suite mettre fin à ce débat. Il appartient aux leaders d’en débattre à l’extérieur de la Chambre. Nous allons passer à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-57 et nous verrons la direction que prendra le débat. Le préavis demeure et peut être retiré en tout temps.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Puis-je demander une clarification?

Son Honneur le Président : Oui.

La sénatrice Martin : Si j’ai bien compris, le sénateur Harder a donné préavis d’une motion. Toutefois, dans sa brève contribution au débat, le sénateur Woo a parlé du projet de loi C-69. Je voudrais simplement clarifier la motion.

Je suis un peu hésitante à procéder à la mise aux voix du projet de loi C-57 compte tenu de la tournure que prennent les choses. Je croyais avoir clairement compris qu’il y avait entente. J’ai discuté avec mes homologues. Je crains les répercussions si nous poursuivons à ce moment-ci. Pourrais-je avoir une clarification?

Son Honneur le Président : La clarification est bien simple, sénatrice Martin. Le préavis de motion porte uniquement sur le projet de loi C-57.

La sénatrice Martin : Oui. Ce qui m’inquiète, c’est que le sénateur Woo a mentionné un autre projet de loi.

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice Martin. Ce n’est pas le sénateur Woo qui a proposé la motion, mais bien le sénateur Harder. La motion porte clairement sur le projet de loi C-57 uniquement.

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion de renonciation à un amendement du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Mitchell,

Que le Sénat n’insiste pas sur son amendement 2 au projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable, auquel les Communes n’ont pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Le sénateur Plett a la parole.

L’honorable Donald Neil Plett : Je vais profiter de l’occasion…

Son Honneur le Président : Toutes mes excuses, sénateur Plett, mais vous avez déjà pris la parole au sujet du projet de loi C-57.

Le sénateur Plett : Je n’ai pas pris la parole au sujet du projet de loi C-57. J’ai posé des questions sur ce projet de loi.

Son Honneur le Président : Le greffier m’informe que vous avez déjà pris la parole. Je sais que vous n’avez pas participé au débat, mais vous avez proposé l’ajournement, ce qui vous enlève essentiellement le droit d’intervenir à nouveau si la motion est rejetée, ce qui a été le cas.

Sénatrice Martin, voulez-vous prendre la parole?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Oui. Désolée, Votre Honneur, je…

Son Honneur le Président : Vous vous souviendrez, comme nous tous, que de nombreuses motions ont été présentées à ce sujet au cours d’une longue soirée il y a quelques jours. Vous vous trouvez dans la même situation que le sénateur Plett.

La sénatrice Martin : Puis-je apporter une précision?

Son Honneur le Président : Bien sûr.

La sénatrice Martin : Merci. En fait, est-ce que le sénateur Plett pourrait apporter une précision?

Son Honneur le Président : Bien sûr.

Sénateur Plett, voulez-vous apporter une précision?

La sénatrice Martin : Je crois qu’il serait utile d’entendre son intervention, si le Sénat le permet.

Des voix : Non.

La sénatrice Martin : Il ne s’agit que d’une précision. Je peux m’en occuper.

Son Honneur le Président : Sénatrice Martin, s’il vous plaît.

Sénateur Plett, aimeriez-vous apporter une précision?

Le sénateur Plett : Merci. J’aimerais effectivement apporter une précision.

Le sénateur Harder a encore laissé entendre que cette entente était liée à d’autres projets de loi. Or, mon entente avec le sénateur Harder — qui concerne aussi le sénateur Smith, puisque nous étions tous deux dans son bureau — portait clairement sur les projets de loi C-69 et C-48. Lorsque le sénateur Harder est venu dans mon bureau pour me dire que l’entente était conclue, je lui ai demandé de quelle entente il parlait. Il m’a répondu qu’il s’agissait de l’entente sur le projet de loi C-69. Je lui ai ensuite demandé : « Quand est-il du projet de loi C-48? » Il a répondu : « Non, désolé. »

Je ne sais pas s’il a voulu dire par là qu’il n’avait pas compris ou qu’il avait oublié, mais il a dit que le projet de loi C-48 n’était pas visé. Je lui ai dit : « Me donnez-vous votre parole, sénateur Harder, que vous allez poursuivre les négociations sur le projet de loi C-48? » Il a dit oui. J’ai alors répondu : « Sénateur Harder, je vais vous croire sur parole. Même si nous n’avons pas terminé l’étude du projet de loi C-48, nous allons appuyer la mise aux voix de la motion sur le projet de loi C-57 aujourd’hui. »

Le sénateur Harder dit maintenant que, à cause de cela, il n’y a pas eu d’entente. C’est faux. Je veux que le sénateur Harder retire son affirmation selon laquelle il n’y aurait pas eu d’entente à ce sujet, car il y a bel et bien eu entente. Nous allons permettre la mise aux voix aujourd’hui, car notre caucus tient parole, même si on ne peut pas en dire autant du gouvernement.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je le répète, il convient aux leaders de débattre de cette question à l’extérieur de l’enceinte du Sénat. Je sais que vous avez posé une question au sénateur Harder. Je vais lui permettre de vous répondre, puis, chers collègues, nous passerons à autre chose.

Le sénateur Harder : Je serais très bref.

Je tiens à remercier l’honorable sénateur de nous avoir permis de voter sur cette question. Cependant, il a omis d’informer le Sénat — ce que je ferai à sa place, avec plaisir — que le 30 mai, compte tenu l’entente que nous avons conclue, nous devions voter à l’étape de la troisième lecture sur le projet de loi C-69. Lorsque j’ai discuté de nouveau de cette question avec le sénateur, il m’a dit que ce n’était pas ainsi qu’il interprétait l’entente et que, selon lui, l’étape de la troisième lecture devait commencer le 30 mai. Je lui ai donc répondu qu’il n’y avait plus d’entente.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur le projet de loi C-57?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui du sénateur Mitchell, propose que le Sénat n’insiste pas sur son amendement au... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y-a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant une heure, et le vote aura lieu à 15 h 47. Convoquez les sénateurs.

(1540)

Fixation de délai—Retrait du préavis de motion

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Votre Honneur, avec le consentement du Sénat, je demande que la motion dont j’ai donné préavis juste avant que la sonnerie ne retentisse soit retirée.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le préavis de motion est retiré.)

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de la motion de renonciation à un amendement du Sénat

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je demande que le vote soit annulé et que le projet de loi C-57 soit adopté avec dissidence.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(1550)

Le Code criminel
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Campbell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

Le projet de loi C-75 est extrêmement volumineux — il fait tout près de 200 pages — et il contient des réformes de taille du système de justice pénale. Même s’il a notamment pour objectif de réduire le temps de traitement des dossiers par les tribunaux du pays, à peu près rien de ce qu’il prévoit ne permettra de régler ce qui est en train de devenir une véritable crise.

Le moyen le plus simple de réduire le temps de traitement des dossiers par les tribunaux demeure de pourvoir la cinquantaine de postes de juges encore vacants d’un bout à l’autre du Canada. Je n’en reviens pas que le gouvernement ait autant de mal à pourvoir ces postes. Ce n’est cependant rien par rapport à ce que nous apprenait récemment le Globe and Mail, selon qui le cabinet du premier ministre se serait immiscé dans le processus de vérification des candidatures, teintant ainsi le processus de nomination d’une partisanerie révoltante.

C’est vrai : le gouvernement n’a pas besoin d’une loi pour pourvoir le nombre effarant de postes de juges encore vacants que compte le Canada. Tout ce qu’il faut, c’est que le ministre de la Justice s’attelle à la tâche, sans se laisser influencer par le cabinet du premier ministre.

Le projet de loi C-75 pose problème à bien des égards, mais je vais me concentrer sur quelques éléments que je trouve particulièrement inquiétants. Le premier est la question de la reclassification de certaines infractions en infractions mixtes. Ériger en infractions mixtes des actes criminels graves en faisant de la déclaration de culpabilité par procédure sommaire une option de détermination de la peine ne réduira pas les délais judiciaires. En fait, l’Association du Barreau canadien a affirmé que la reclassification en infractions mixtes « signifiera probablement que les tribunaux provinciaux devront entendre davantage d’affaires et que cela pourrait entraîner d’autres retards dans ces tribunaux. » Ce n’est pas tout. Pour certaines infractions commises contre des enfants — par exemple, l’enlèvement d’enfants de moins de 14 ans ou de 16 ans —, la Couronne pourrait désormais procéder par déclaration sommaire de culpabilité.

À cause du projet de loi C-75, les provinces devront s’occuper d’un plus grand nombre d’affaires judiciaires et de détenus, ainsi que payer plus de frais de réadaptation. Le sénateur Boisvenu a demandé au parrain du projet de loi, le sénateur Sinclair, de nous fournir une liste des coûts qui découleront du projet de loi C-75. Nous attendons toujours cette liste.

Par ailleurs, l’une des infractions reclassifiées dans le projet de loi C-75 est le défaut de se conformer à une ordonnance de surveillance de longue durée. Or, les ordonnances de surveillance de longue durée s’appliquent aux prédateurs sexuels les plus dangereux de notre société. Nous parlons ici de personnes tellement dangereuses que, après avoir purgé leur peine, elles sont assujetties à une ordonnance de surveillance de longue durée pouvant aller jusqu’à 10 ans, qui est assortie de conditions très sévères, afin de permettre au Service correctionnel du Canada de les surveiller. Selon le projet de loi C-75, la Couronne pourra procéder par déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour tout manquement aux conditions d’une surveillance de longue durée.

Le gouvernement nous dit essentiellement qu’une violation des conditions d’une ordonnance de surveillance de longue durée n’est qu’une infraction mineure. Aucun gouvernement qui se soucie véritablement de la sécurité et du bien-être de nos enfants ne prendrait aussi à la légère la surveillance de dangereux prédateurs d’enfants , mais c’est ce que laisse entendre le projet de loi C-75.

Cela m’amène à la question de la sécurité publique. Les Canadiens s’attendent à ce que le système de justice prenne au sérieux les actions des délinquants. Il me semble que le projet de loi n’accorde pas la priorité à la protection du public et ne juge pas les actions des délinquants avec tout le sérieux qui convient. Par exemple, le projet de loi C-75 adoptera un « principe de retenue » pour les services de police et les tribunaux afin de privilégier « la mise en liberté à la première occasion plutôt que la détention ».

Le fait de permettre à l’accusé d’être libéré rapidement sans avant tout tenir compte de la nature de l’infraction et, par conséquent, du danger possible que présente cette personne pour le public fait retentir un signal d’alarme parmi les Canadiens. Les femmes qui ont été victimes de violence familiale, en particulier, ont des raisons de craindre les modifications proposées. Étant donné qu’elles devront s’attendre à ce que leur agresseur soit libéré après avoir purgé une courte peine d’emprisonnement, cela les dissuadera de dénoncer la violence familiale. De plus, le projet de loi C-75 assouplit les sanctions imposées contre les jeunes délinquants lorsqu’ils violent les conditions de leur peine ou de leur ordonnance du tribunal.

Conformément à la Loi sur la sécurité des rues et des communautés du gouvernement conservateur, le procureur général est tenu de déterminer s’il doit demander qu’un adolescent soit assujetti à une peine applicable aux adultes s’il a commis une infraction grave avec violence. Cette disposition a été intégrée à la demande de parents de victimes, comme le père et la mère de Sébastien Lacasse. Sébastien a été sauvagement attaqué et tué en 2004 par un groupe de dix criminels, dont trois mineurs. Ces derniers l’ont tabassé, aspergé de gaz poivré, piétiné alors qu’il les suppliait de l’épargner, puis poignardé plusieurs fois. Le projet de loi C-75 éliminera cette considération obligatoire. Selon moi, la raison pour laquelle le gouvernement actuel l’éliminerait n’est pas claire puisque cette considération est dans l’intérêt public.

Dans le même ordre d’idées, l’abrogation de la disposition de la Loi sur la sécurité dans les rues et les communautés concernant la levée de l’interdiction de publier le nom de l’adolescent signifie que la population n’est pas informée que des adolescents dangereux ont été remis en liberté. Le projet de loi C-75 éliminera l’option offerte à la Couronne de faire lever ces interdictions de publication dans de tels cas. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement ne laisse pas le pouvoir discrétionnaire à la Couronne lorsque l’intérêt public et la sécurité publique sont en jeu.

En terminant, je voudrais faire deux commentaires au sujet du projet de loi C-75 qui concernent l’affaire SNC-Lavalin. Il est intéressant de noter que le projet de loi C-75, qui vise à modifier le Code criminel, a été déposé à la Chambre des communes à peine deux jours après le dépôt du projet de loi C-74, Loi d’exécution du budget de 2018. Les modifications pour l’introduction du principe des accords de suspension des poursuites dans le Code criminel se trouvaient dans le projet de loi C-74, pas dans le projet de loi C-75, qui portait pourtant sur la justice pénale. Qu’est-ce qui explique cela? Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de ne pas mettre ces modifications dans le projet de loi C-75, comme la logique le voudrait, pour les insérer deux jours plus tôt dans le projet de loi budgétaire? Était-ce une question d’échéancier ou était-ce parce que la ministre de la Justice de l’époque, la plus qu’honorable Jody Wilson-Raybould, avait refusé de défendre les changements concernant les accords de suspensions des poursuites?

Nous n’avons pas la réponse à ces questions, mais compte tenu des récents événements et du statut de Mme Wilson-Raybould au sein du caucus libéral, il est certainement intéressant de repenser à ces deux journées de mars 2018 pour tenter de comprendre pourquoi une modification d’ordre pénal s’est retrouvée dans un projet de loi budgétaire.

Il est également intéressant de noter que, parmi les infractions pour lesquelles le projet de loi C-75 réduit les peines en faisant de la déclaration de culpabilité par procédure sommaire une option en matière de poursuite, on compte différentes infractions liées à la corruption d’agents publics. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence qui n’a rien à voir avec le scandale qui fait rage quant au recours aux accords de suspension des poursuites, mais une chose est claire : le gouvernement libéral actuel considère que la corruption n’est pas un crime grave.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, je pense que le projet de loi C-75 comporte des lacunes graves et qu’il ne faut pas l’adopter. Au mieux, il pourrait être amendé en profondeur par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 19 mars 2019

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 27 février 2019, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 19 mars 2019, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

(1600)

L’honorable Donald Neil Plett : Votre Honneur, j’ai une question à poser à la sénatrice Bellemare.

Pouvez-vous nous dire si un ministre a été choisi? Si oui, lequel?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais répondre à la question parce que j’ai participé aux discussions qui ont eu lieu entre les leaders.

Comme je l’ai dit aux leaders la semaine où nous sommes revenus au Sénat, le ministre Lametti devait être notre premier invité, mais un amendement l’a empêché de venir.

Le deuxième invité que nous recevrons la semaine de notre retour est le ministre Rodriguez, le parrain du projet de loi sur les langues autochtones. Un certain nombre de sénateurs ont exprimé un intérêt pour ce projet de loi et c’est ce qui a été dit à la réunion des leaders.

Le sénateur Plett : Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 27 février 2019, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 18 mars 2019, à 18 heures;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Le sénateur Plett : Pardon, Votre Honneur, mais je pensais avoir entendu 18 h 30 hier, lorsque la sénatrice Bellemare a présenté le préavis de motion. Or, la motion dit 18 heures. Est-ce 18 heures ou 18 h 30?

La sénatrice Bellemare : Sénateurs, c’est 18 heures. C’était une erreur.

Le sénateur Plett : Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de se déplacer—Retrait de la motion d’amendement

Consentement ayant été accordé de passer aux autres affaires, motions, article no 441 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Galvez, appuyée par l’honorable sénatrice Moodie,

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se déplacer à travers le Canada aux fins de son examen du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Simons, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par adjonction de ce qui suit après le mot « lois » :

« , et qu’instruction soit donnée au comité de faire rapport au Sénat sur le projet de loi C-69 au plus tard le jeudi 9 mai 2019 ».

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(1) du Règlement, je demande la permission de retirer mon amendement. Lors de sa réunion de ce matin, notre comité a adopté comme date de rapport le 9 mai et je suis heureuse de dire que l’amendement que je proposais à la motion no 441 est maintenant superflu.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement est retirée.)

Son Honneur le Président : Le débat sur la motion principale se poursuit. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L’honorable Donald Neil Plett : Votre Honneur, je souhaite intervenir brièvement dans le débat. Nous appuyons la motion à l’étude. J’aimerais toutefois demander quelques éclaircissements à la sénatrice Galvez, et je dois nécessairement le faire dans le cadre d’un débat.

Quand la sénatrice a parlé contre sa propre motion l’autre jour, j’ai pris la parole pour lui poser quelques questions. Je lui ai notamment dit ceci, comme l’indique le hansard :

Tout d’abord, je trouve étrange que vous présentiez une motion, puis que vous passiez 10 minutes à parler contre votre propre motion. Habituellement, quand on présente quelque chose, on l’appuie.

Je lui ai ensuite posé une question :

Le comité a-t-il voté pour autoriser le comité à se déplacer?

La sénatrice Galvez a alors répondu :

Une motion autorisant le comité à se déplacer a été présentée, mais elle n’a pas été appuyée à l’unanimité.

J’ai découvert que cette réponse était inexacte. Le vote sur la motion était public, et celle-ci a été appuyée à l’unanimité.

Sénatrice Galvez, le 5 février, pendant la réunion du Comité de l’énergie, la sénatrice Simons a présenté la motion suivante :

Madame la présidente, je propose :

Que le Sous-comité du programme et de la procédure soit chargé d’élaborer un plan de délibérations sur le projet de loi C-69, y compris un plan de déplacement pour entendre des témoins qui prévoit des voyages au Canada atlantique, au Québec et dans l’Ouest canadien.

La présidente a demandé peu après :

Nous mettons maintenant la motion modifiée aux voix. Qui est pour la motion modifiée?

La présidente a ensuite dit :

La motion est adoptée à l’unanimité. C’est parfait. Merci beaucoup.

Compte tenu de cette information, je me demande si la sénatrice Galvez aimerait rectifier ses propos pour dire que la motion a effectivement été adoptée à l’unanimité.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, par souci de clarté, je précise que le Règlement interdit au sénateur Plett de poser des questions directement à la sénatrice Galvez. Cependant, le sénateur a parfaitement le droit d’intervenir dans le débat et de soulever autant de questions qu’il le souhaite.

L’honorable Rosa Galvez : Je veux faire trois brèves remarques.

Je me suis peut-être trompée. Je pensais que deux personnes s’étaient abstenues de voter ou qu’elles s’étaient opposées à la motion. Toutefois, je suis heureuse qu’il y ait un compte rendu public. J’espère que tous les comités publient des comptes rendus. Je suis contente que mon erreur ait été corrigée. Je m’en excuse.

Je n’ai jamais dit hier que je désirais que les sénateurs votent contre la motion tendant à autoriser le comité à se déplacer. Au contraire, j’ai mentionné qu’il serait bon pour les membres du comité de se rendre dans les petites collectivités touchées, par exemple dans le Nord de l’Alberta. Voilà comment j’explique ma position.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Projet de loi concernant Guides du Canada

Projet de loi d’intérêt privé—Troisième lecture—Motion d’amendement—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mercer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-1002, Loi concernant Guides du Canada.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Dupuis,

Que le projet de loi S-1002, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à la page 8, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« 16.1 (1) Les administrateurs sont solidairement responsables, envers les employés de l’association, des dettes liées aux services que ceux-ci exécutent pour le compte de cette dernière pendant qu’ils exercent leur mandat, et ce jusqu’à concurrence de six mois de salaire.

(2) La responsabilité des administrateurs n’est engagée aux termes du paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) l’exécution n’a pu satisfaire au montant accordé par jugement, à la suite d’une action en recouvrement de la créance intentée contre l’association dans les six mois suivant l’échéance;

b) l’existence de la créance est établie dans les six mois suivant la date du début des procédures de liquidation et de dissolution de l’association ou, si elle lui est antérieure, la date de sa dissolution;

c) l’existence de la créance est établie dans les six mois suivant une cession de biens ou une ordonnance de mise sous séquestre frappant l’association en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

(3) La responsabilité des administrateurs n’est engagée aux termes du présent article que si l’action est intentée durant leur mandat ou dans les deux ans suivant la fin de celui-ci.

(4) Les administrateurs ne sont tenus que des sommes restant à recouvrer après l’exécution visée à l’alinéa (2)a).

(5) L’administrateur qui acquitte les dettes visées au paragraphe (1) dont l’existence est établie au cours d’une procédure soit de liquidation et de dissolution, soit de faillite, est subrogé dans les droits de priorité qu’aurait pu faire valoir l’employé et, si un jugement a été rendu :

a) au Québec, est subrogé dans les droits constatés par celui-ci;

b) ailleurs au Canada, a le droit d’en exiger la cession.

(6) L’administrateur qui acquitte une créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs qui étaient également responsables. ».

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de parler d’un amendement important qui a été proposé par notre estimé collègue, le sénateur Dalphond, et de demander à ce qu’il soit adopté et inclus dans le projet de loi S-1002, qui porte sur la Loi concernant Guides du Canada.

L’amendement du sénateur Dalphond vise à adopter une disposition qui s’appliquerait à tous les autres organismes sans but lucratif et qui offrirait les mêmes protections essentielles qui sont offertes au titre d’une loi extrêmement importante, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

Plus précisément, l’amendement du sénateur Dalphond offrirait aux 175 employés de l’association Guides du Canada les mêmes protections qui sont offertes aux employés des autres sociétés sans but lucratif du Canada.

La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif est une loi générale qui offre à des milliers d’organismes sans but lucratif canadiens certaines protections juridiques essentielles à leur gouvernance. L’inclusion de ces dispositions dans le projet de loi S-1002 permettra à l’association Guides du Canada de jouir des mêmes protections que d’autres institutions modernes similaires.

De plus, l’amendement du sénateur Dalphond donne suite à une entente conclue lors de l’étude du projet de loi S-1002 au Comité des banques et du commerce.

Au comité, le sénateur Dalphond a posé une question importante aux représentantes de l’association Guides du Canada. Je me permets de citer un extrait du compte rendu :

Vous avez formulé un argument convaincant pour l’adoption d’un projet de loi spécial. Je peux comprendre les raisons historiques et les choses que vous voulez préserver, mais vous avez pris soin d’inclure des dispositions de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif dans votre projet de loi. Elles y figurent mot pour mot, sans aucune modification, mais il en manque certaines. Une disposition dont l’absence me préoccupe est celle qui est liée aux traitements et salaires non payés. [...] Je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas reproduit dans votre projet de loi la disposition portant sur la responsabilité de l’administrateur à l’égard des salaires, ce qui retire les mesures de protection visant les 175 employés de la société.

(1610)

Dans sa réponse, la directrice de la gouvernance de Guides du Canada, Mme Brenda Abrams, a dit au comité que l’organisme ne s’oppose aucunement au fait que ces protections soient inscrites au projet de loi S-1002.

Honorables sénateurs, Guides du Canada appuie cet amendement. L’organisme veut que l’on prenne des mesures de précaution supplémentaires pour assurer la transparence et la reddition de comptes à l’égard de ses employés.

Je remercie le sénateur Dalphond d’avoir aidé à améliorer le projet de loi et surtout d’avoir défendu les droits des travailleurs. Merci, sénateur Dalphond.

Je demande aux honorables sénateurs d’adopter l’amendement pour que les employés de Guides du Canada puissent avoir les mêmes protections que les autres organismes à but non lucratif.

(Sur la motion du sénateur Day, au nom du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Jour de l’émancipation

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bernard, appuyée par l’honorable sénateur Forest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-255, Loi proclamant le Jour de l’émancipation.

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-255, la Loi sur le Jour de l’émancipation.

Je n’avais pas prévu prendre la parole à propos de cette mesure législative, en partie parce que notre collègue qui parraine le projet de loi, la sénatrice Wanda Thomas Bernard, est une voix remarquable sur les questions touchant les Afro-Canadiens. Qui plus est, le travail général qu’elle a effectué dans le domaine des droits de la personne et qu’elle continue de faire est incroyablement impressionnant. Je me demandais ce que je pourrais bien ajouter.

Quand on y pense bien, c’est là tout l’objectif de cette mesure législative.

Dans le préambule du projet de loi, on dit ceci :

[...] il convient de désigner officiellement le 1er août comme Jour de l’émancipation et de célébrer ce jour comme un rappel émouvant d’une période infâme de l’histoire du Canada afin de permettre aux Canadiens de réfléchir à la nécessité de continuer de s’engager à éliminer la discrimination sous toutes ses formes [...]

Il est tout aussi important que ceux d’entre nous qui ne connaissent pas et n’ont jamais connu les effets du racisme dans leur vie quotidienne réfléchissent à ces questions.

La sénatrice Bernard a récemment participé à une vidéo qui se trouve sur le site web du Sénat. Elle s’entretient avec un de nos pages, O’Neal Ishimwe, sur la race et l’identité dans le cadre du Mois du patrimoine africain.

Cette vidéo est percutante et j’invite tous les honorables sénateurs à la regarder. Pour ma part, je dois dire qu’elle m’a obligé à reconnaître ma situation privilégiée et, bien franchement, mon ignorance.

O’Neal a parlé sans détour de sa vie : en tant que jeune homme noir, il pense toujours à la couleur de sa peau, à l’endroit où il se trouve, à sa démarche et à son habillement. La réalité l’oblige à réfléchir constamment à ces choses au Canada, à Ottawa même, encore aujourd’hui. Son témoignage est un rappel brutal que je n’ai jamais eu ce type de réflexions. Je lui suis reconnaissant d’avoir décrit ce pan important de son quotidien qui est complètement étranger au mien.

Dans la vidéo, la sénatrice Bernard et O’Neal discutent de l’importance de reconnaître le Mois du patrimoine africain en particulier. Ils y abordent la différence entre le Mois du patrimoine africain et le Mois de l’histoire des Noirs. Il est évidemment important de célébrer l’histoire des Noirs. Cependant, en Nouvelle-Écosse, nous soulignons le patrimoine africain afin d’établir des liens entre, d’un côté, les conditions vécues par les Canadiens noirs aujourd’hui et, de l’autre, l’esclavage, l’émancipation et la survie de leurs ancêtres. Célébrer l’histoire nous aide à tracer un avenir plus inclusif.

Dans une vidéo similaire, la sénatrice Mégie rencontre une autre de nos merveilleux pages, Priscilia Odia Kabengele. J’ai trouvé leur conversation inspirante à tous les égards. Elle m’a donné de l’espoir : l’ouverture d’esprit multiplie les débouchés extraordinaires pour l’ensemble des Canadiens.

Des Canadiens comme moi profiteront également de la commémoration de cette journée historique qui nous encourage tous à réfléchir à la nécessité de nous engager à faire disparaître la discrimination sous toutes ses formes. Non seulement ceux d’entre nous qui ne sont pas confrontés quotidiennement à la discrimination raciale sont privilégiés, mais ils doivent aussi contribuer à stimuler le changement.

Même si je pense qu’il est important que les alliés passent plus de temps à écouter qu’à parler, je me sens aussi tenu de défendre et de promouvoir le changement. Je souhaite prendre quelques minutes pour réfléchir à notre histoire commune et au chemin qu’il nous reste à parcourir.

En tant que Canadiens, je pense que nous aimons croire que nous sommes de bonnes personnes. J’aime croire que nous sommes de bonnes personnes. Nous pouvons être gentils, faire preuve de compassion, et nous utilisons assurément « s’il vous plaît », « merci » et « désolé » très souvent. Nous devons également admettre que, même si ce projet de loi commémore l’abolition de l’esclavage, en tant que Canadiens, nous ne sommes certainement pas encore en mesure de célébrer l’abolition du racisme au pays.

Enfant, j’ai appris avec fierté qu’on avait offert des terres aux loyalistes noirs qui fuyaient les États-Unis pour le Canada. Au bout du chemin de fer clandestin, le Canada était une destination leur offrant la sécurité et la possibilité de bâtir une vie. On m’avait enseigné cette version réconfortante de l’histoire. Ce n’est que lentement — beaucoup trop lentement — que j’ai découvert des détails qui étaient loin de faire aussi chaud au cœur.

Dans son discours, la sénatrice Bernard, marraine du projet de loi, nous a rappelé le cas d’Africville, une collectivité noire située à l’extrémité nord d’Halifax et établie en 1749, à la même époque que notre ville. À partir de 1964, ses résidents ont été expulsés de force et traumatisés par le spectacle de leurs maisons, et de leur localité, démolies au bulldozer.

Je dis « rappelé », mais je sais que beaucoup de Canadiens, en particulier ceux à l’extérieur de la Nouvelle-Écosse, n’ont peut-être jamais entendu parler d’Africville, à l’école ou ailleurs. Ce fut mon cas, ayant moi-même grandi dans une région rurale de l’Ontario. C’est là un autre exemple du racisme qui perdure au Canada : qui voit leur histoire transmise? Quelles voix se font entendre? Comment pouvons-nous faire mieux? Le projet de loi S-255 offre l’occasion de régler de manière continue ces questions importantes.

Il y a environ neuf ans, le maire d’Halifax a enfin offert des excuses officielles aux anciens résidents d’Africville et à leurs descendants, en soulignant que :

Les répercussions des événements d’Africville se font encore sentir aujourd’hui.

Il est tout aussi important de souligner que ce ne sont pas seulement les répercussions qui se font sentir encore aujourd’hui : il faut aussi comprendre que les causes profondes du racisme, notamment le racisme institutionnalisé et environnemental, sont encore beaucoup trop répandues.

Africville est peut-être l’un des exemples les plus flagrants de déplacement de communauté noire, mais il ne s’agit absolument pas d’une exception.

J’ai été surpris lorsque, en 2015, des étudiants du Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse ont lancé une enquête sur les titres fonciers à North Preston, une collectivité près d’Halifax qui compte surtout des habitants d’origine africaine. J’étais surpris parce que ces étudiants ont découvert des détails troublants : de nombreuses familles, qui vivent sur leurs terres depuis des siècles, ne détiennent pas de titre de propriété pour ces dernières. Par conséquent, elles paient de l’impôt pour des terres qu’elles ne peuvent ni vendre légalement, ni hypothéquer, ni léguer à leurs descendants.

Grâce aux efforts de ces étudiants, on a attiré l’attention du pays, voire du monde entier, sur le problème, ce qui a incité le gouvernement de la Nouvelle-Écosse à financer une initiative visant à aider ces habitants à obtenir des titres de propriété incontestables pour les terres sur lesquelles ils vivent et où leurs ancêtres ont vécu avant eux.

Honorables sénateurs, ce travail se poursuit. Il s’agit d’un processus lent et frustrant, et les Canadiens ne devraient pas vivre une telle situation en 2019.

Ce ne sont pas les seuls enjeux fonciers qui touchent les communautés noires en Nouvelle-Écosse. Comme à bien d’autres endroits, l’embourgeoisement joue un rôle dans le déplacement, encore une fois, des Néo-Écossais d’origine africaine.

Dans le Nord d’Halifax, par exemple, les changements démographiques ont entraîné la marginalisation des résidents, qui se sentent expulsés de leur milieu.

Évidemment, le simple fait d’avoir des droits fonciers ou d’appartenir à une collectivité n’isole personne contre d’autres formes de racisme.

Après la révolution américaine, de nombreux loyalistes noirs se sont installés à Birchtown, une localité située sur la côte Sud de la Nouvelle-Écosse. C’est dans cette région que commence l’histoire des Noirs en Nouvelle-Écosse, et je crois comprendre que les racines de la famille de la sénatrice Bernard à East Preston remontent aussi aux premiers jours de la province.

Dans son discours sur le projet de loi S-255, la sénatrice Coyle a dit que Birchtown était le plus grand établissement de Noirs libres en Amérique du Nord et que cette localité avait été nommée en l’honneur du brigadier-général Samuel Birch, qui est à l’origine de la création du Book of Negroes. Comme l’a souligné la sénatrice Coyle :

[...] les bonnes terres ont été attribuées aux loyalistes blancs, et les loyalistes noirs n’ont pas reçu ce qu’on leur avait promis.

Bon nombre d’entre eux sont allés s’établir en Sierra Leone, mais ceux qui sont restés ont bâti une collectivité en Nouvelle-Écosse qui possède une histoire riche. C’est une histoire compliquée, mais elle appartient à notre pays.

Pourtant, en 1963, les résidants de Birchtown ont vu leur demande de désignation historique visant leur localité être rejetée. Nier l’histoire peut être une source de réconfort pour certains, mais elle peut aussi être une source de douleur pour ceux dont on ne reconnaît pas la place légitime dans l’histoire.

(1620)

La Black Loyalist Heritage Society a été constituée en société en 1991. La même année, des archéologues faisaient la découverte de milliers d’artefacts remontant à la fin du XVIIIe siècle. Finalement, en 1996, la Commission des lieux et monuments historiques érigeait une plaque reconnaissant Birchtown comme un « […] fier symbole de la lutte pour la justice et la dignité menée par les Noirs dans les Maritimes et ailleurs ».

Malheureusement, la lutte se poursuit encore aujourd’hui. Dans la communauté afro-néo-écossaise de Shelburne, on mène actuellement un projet de recherche sur les problèmes de qualité de l’eau. Les données empiriques sur les effets de l’ancien dépotoir de Shelburne sont inquiétantes. Louise Delisle, qui fait partie de la société South End Environmental Injustice, ne mâche pas ses mots lorsqu’elle affirme :

La majorité des hommes noirs vivant dans cette collectivité sont morts de cancer. Il y a une communauté de veuves à Shelburne. C’est ça, la réalité.

Je me félicite des enquêtes menées actuellement sur les effets de ce dépotoir dans la collectivité. Dans un reportage frappant diffusé par la CBC au printemps dernier, Mme Delisle pointe du doigt le dépotoir comme un autre exemple de racisme environnemental. Plus nous connaissons notre passé, mieux outillés nous sommes pour éviter que ces erreurs ne se répètent, au lieu d’attendre qu’elles se produisent pour réagir.

Je suis reconnaissant envers ma collègue, la sénatrice Bernard, et j’espère continuer de bénéficier de ses conseils sur la façon dont je peux contribuer à la lutte pour la justice, laquelle ne devrait pas être un problème dans un pays qui s’enorgueillit de son engagement à respecter la primauté du droit, à respecter chacun et à honorer la promesse de la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée il y a près de 37 ans.

Honorables sénateurs, aujourd’hui, nous sommes toujours dans le Mois du patrimoine africain de la Nouvelle-Écosse, quoiqu’il achève. Le thème de cette année est : « Notre histoire est votre histoire ». Je ne peux imaginer une meilleure phrase pour exprimer pourquoi il est si important que nous reconnaissions le Jour de l’émancipation et tout le travail qu’il reste à faire pour honorer la promesse de cette loi, 185 ans plus tard.

J’ai trouvé inspirant d’apprendre que nous faisons peut-être des progrès au chapitre de ce qui est enseigné à nos enfants. Récemment, un groupe d’étudiants d’école secondaire de premier cycle de Cole Harbour a eu l’occasion d’en apprendre davantage sur le racisme et l’injustice que vivent certains. Cela m’aurait été bénéfique il y a 45 ans lorsque j’étais au premier cycle du secondaire. Une étudiante de 9e année a bien résumé l’importance de diversifier les façons dont nous enseignons. Elle a dit :

Lorsque j’ai interrogé ma professeure d’études sociales au sujet de ce que nous apprenons, elle a répondu qu’il est important d’enseigner l’histoire pour que l’histoire ne se répète pas. Toutefois, on ne nous enseigne jamais l’histoire des Noirs. Je pense que, si on le faisait, il n’y aurait pas autant de problèmes raciaux.

Le projet de loi S-255 vise à faire exactement cela. Veillons à reconnaître notre passé commun pour que nous puissions bâtir un avenir plus inclusif.

Bien que j’aie fait porter mes observations aujourd’hui sur ma province, la Nouvelle-Écosse, ces questions concernent toutes les provinces et tous les territoires. Si le Jour de l’émancipation était observé à la grandeur du pays, ce ne serait pas seulement pour les Afro-Canadiens; c’est une journée pour nous tous.

Je me suis fait cette réflexion en regardant l’entrevue de la sénatrice Bernard avec O’Neal, où j’ai vu la preuve du travail qu’il nous reste à faire collectivement.

Le Sénat a un rôle à jouer pour protéger les groupes marginalisés et leur donner une voix au Parlement. C’est littéralement notre travail. En ce Mois de l’histoire des Noirs, je ne peux imaginer meilleure façon de le souligner que de faire en sorte que le Sénat renvoie le projet de loi au comité et accepte notre histoire et notre responsabilité collectives. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole en cette dernière journée du Mois de l’histoire des Noirs, que les Canadiens célèbrent chaque année en février, au sujet du projet de loi S-255, Loi proclamant le Jour de l’émancipation, à l’étape de la deuxième lecture. Je remercie la sénatrice Bernard d’avoir présenté cet important projet de loi.

Comme elle l’a souligné, il y a 184 ans que la Slavery Abolition Act a été adoptée. C’est aussi présentement la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

Le projet de loi S-255 désigne le 1er août Jour de l’émancipation en vue de commémorer l’abolition de l’esclavage au Canada. La sénatrice Bernard a affirmé ceci :

Le Jour de l’émancipation est l’occasion de connaître notre histoire collective — non pas pour la réécrire, mais pour raconter une histoire plus complète qui comprend l’histoire de l’esclavage au Canada.

Comme ce fut le cas pour la communauté noire, la contribution et les épreuves de nombreuses minorités au Canada ont essentiellement été effacées des pages de l’histoire. Pour que l’histoire soit plus complète, elle doit comprendre ces épisodes. Karen Cho est une Canadienne de cinquième génération aux origines métissées; elle a réalisé un film primé qui s’intitule In the Shadow of Gold Mountain. Elle a déjà dit qu’aucun de ses livres d’histoire et qu’aucun des cours de sciences sociales qu’elle a suivis ne parlait de la présence des Chinois au Canada. Selon ce qu’on lui avait enseigné, ses origines chinoises étaient ce qu’il y avait de plus étranger et de moins canadien en elle. Que la présence des Chinois ait été évacuée du récit historique du Canada est un symptôme du fait que l’histoire est écrite par ceux qui détiennent le pouvoir et qui sont les privilégiés de la société, et c’est également un sombre vestige de la taxe d’entrée et de la Loi d’exclusion des Chinois.

Pendant de longues périodes de notre histoire, les Canadiens noirs ont été asservis et victimes de discrimination. Malheureusement, même de nos jours, il y a encore des préjugés inconscients, de la discrimination systémique et des microagressions racistes. Selon la déclaration de 2018 de l’Alliance de la fonction publique du Canada sur le Mois de l’histoire des Noirs, les Canadiens noirs représentent 10 p. 100 de la population carcérale canadienne, alors qu’ils représentent seulement 3 p. 100 de la population générale.

Les élèves noirs reçoivent beaucoup plus d’avis de suspension et d’expulsion que les autres élèves. En effet, de 2015 à 2016, à Halifax, 22,5 p. 100 des suspensions visaient des élèves noirs, alors qu’ils ne représentaient que 8 p. 100 de la population étudiante de la ville.

À Toronto, pendant l’année scolaire 2015, les élèves noirs ont reçu 50 p. 100 des avis d’expulsion, alors que les élèves blancs n’en ont reçu que 10 p. 100.

Le taux de chômage chez les femmes noires au Canada est de 11 p. 100, soit plus du double de la moyenne nationale. Elles gagnent 63 ¢ pour chaque dollar gagné par un homme blanc, et 85 ¢ pour chaque dollar gagné par une femme blanche.

Le 12 avril 2018, la Commission ontarienne des droits de la personne a publié un rapport intitulé Enfances interrompues : Surreprésentation des enfants autochtones et noirs au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario. L’enquête de la Commission ontarienne des droits de la personne a conclu que les enfants autochtones et noirs étaient surreprésentés parmi les enfants pris en charge dans de nombreuses agences ontariennes. En revanche, les enfants blancs sont généralement sous-représentés dans le système d’aide à l’enfance.

Il est indéniable que la séparation des enfants et de leur famille cause des dommages à long terme. Les préoccupations liées au racisme et au profilage racial ne sont pas le fruit de notre imagination. Les statistiques le prouvent. Ce sont de réelles préoccupations.

(1630)

C’est pour cette raison précise que j’appuie le projet de loi S-255, qui permettra de faciliter l’éducation, d’examiner le racisme systémique et d’améliorer la vie de tous les Canadiens.

Le projet de loi fournit également un excellent moyen d’honorer les héros de tous les jours d’origine africaine dans l’ensemble du Canada. Il s’agit d’une occasion pour célébrer les valeurs qui ont défini la communauté noire canadienne pendant des générations, à savoir la persévérance et la dignité.

Nous pouvons tous convenir qu’il est important de se souvenir de l’héritage et des contributions des Canadiens noirs dans toutes les sphères de la société. Sur le plan des titulaires de charge publique, je suis très fier de l’héritage de mon parti. Par exemple, il y a plus de 50 ans, l’honorable Lincoln Alexander est devenu le premier député noir et ensuite le premier ministre noir. Plus tard, il a aussi été lieutenant gouverneur de l’Ontario.

Je pense aussi à Douglas Jung, un membre décoré des Forces armées canadiennes, qui a été élu député conservateur de Vancouver-Centre en 1957. Il a été le premier Canadien d’origine chinoise à siéger au Parlement. D’ailleurs, il a été le premier député membre d’une minorité visible.

Ce ne sont que deux exemples des nombreux Canadiens qui ont personnifié la fierté, la force et la dignité qui ont poussé les Canadiens de diverses origines à réaliser leurs ambitions dans toutes les sphères d’activité. Le Canada est un pays où de nombreux groupes ont lutté pour être acceptés. En tant que membre de la communauté sino-canadienne, je ne le sais que trop bien.

L’année 2019 marque le soixante-douzième anniversaire de l’abrogation de la Loi de l’immigration chinoise — la seule loi de l’histoire du pays à interdire l’entrée d’un certain groupe ethnique au Canada. Cette communauté, qui a contribué à la construction du chemin de fer du Pacifique, a souffert d’exclusion une fois les travaux terminés. Malgré la discrimination sanctionnée par l’État, des centaines de Canadiens d’origine chinoise ont servi dans l’armée canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, il leur était interdit de se joindre à l’Aviation royale canadienne ou à la Marine royale canadienne pour des motifs raciaux.

Pour ce qui est des Canadiens noirs, beaucoup d’anciens esclaves et de loyalistes noirs qui s’étaient battus pour le Canada lors de la guerre de 1812 se sont installés dans des endroits comme la Nouvelle-Écosse et le sud-ouest de l’Ontario, où eux et leurs descendants ont formé des communautés qui contribuent encore aujourd’hui à enrichir le Canada.

J’encourage les Canadiens à en apprendre davantage sur les origines et les répercussions des mesures législatives discriminatoires prises contre les communautés minoritaires. Je les encourage aussi à en apprendre davantage sur la résilience et les contributions de ces merveilleuses communautés.

Honorables sénateurs, nous devrions continuer à tirer des leçons du passé et à lutter contre les injustices sociales qui frappent toutes les minorités aujourd’hui. En cette époque de nouvelles menaces et de nouvelles difficultés, il est plus important que jamais de faire front commun et de défendre l’égalité chèrement acquise.

Pour terminer, permettez-moi de citer Karen Cho :

Il y a un certain pouvoir dans le fait de connaître son histoire et de lui donner la place qui lui revient dans l’histoire du Canada.

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-262, qui vise à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord souligner que je suis un Métis du territoire du Traité no 4, terre natale de la Nation métisse en Saskatchewan, et je reconnais que je me trouve sur un territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Le projet de loi C-262 demande au Canada d’adopter la déclaration que l’Assemblée générale des Nations Unies a adoptée, en septembre 2007, avec l’appui de 144 pays membres. Le Canada est l’un des quatre pays qui ont voté contre cette déclaration en 2007, avec les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

En 2016, le gouvernement actuel a annoncé que le Canada appuie sans réserve la déclaration.

Cependant, la déclaration fait l’objet de désaccords entre les partis, comme le démontre le résultat du vote sur le projet de loi C-262. En effet, le projet de loi a été appuyé par la majorité des députés de la Chambre des communes, soit 206 députés de tous les partis, mais 79 députés conservateurs ont voté contre le projet de loi.

Pour ceux qui l’ignorent, la déclaration des Nations Unies contient 46 articles invitant les pays signataires à obtenir certains résultats en ce qui concerne les peuples autochtones.

Par exemple, six des 46 articles demandent aux États signataires de garantir que les peuples autochtones : ont le droit de jouir pleinement de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales; peuvent être libres et égaux à tous les autres, en ne faisant l’objet d’aucune discrimination; ont le droit à l’autodétermination, pouvant ainsi déterminer librement leur statut politique et assurer librement leur développement économique, social et culturel; ont le droit de ne pas être enlevés de force à leurs terres ou territoires; ont le droit d’éduquer leurs propres enfants dans leur langue; ont le droit de définir et d’élaborer des priorités et des stratégies dans les secteurs de la santé, du logement et d’autres programmes économiques et sociaux qui seront administrés par l’intermédiaire de leurs propres institutions.

Je crois, honorables sénateurs, qu’il s’agit là de droits fondamentaux qu’il est nécessaire de reconnaître, car, étant donné que nous avons de façon systémique privé ces collectivités autochtones de leurs droits, toutes n’ont pas la même relation fonctionnelle avec le gouvernement.

Le gouvernement actuel cherche toutefois à réparer les injustices qui découlent de la stratégie coloniale d’assimilation. En 2015, la Commission de vérité et réconciliation a proposé 94 appels à l’action soulignant la nécessité, pour le gouvernement, d’être jugé à l’aune d’une norme supérieure dans ses rapports avec les collectivités indigènes et de trouver un moyen de combler le fossé avec le reste du pays.

Treize de ces appels à l’action supposent que le gouvernement adopte la déclaration des Nations Unies. La recommandation 43, par exemple, se lit comme suit :

Nous demandons au gouvernement fédéral, aux provinces et aux territoires de même qu’aux administrations municipales d’adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation.

La commission a fait en outre des demandes très sensées et raisonnables, par exemple que les étudiants et les barreaux canadiens en viennent à comprendre l’histoire et les séquelles des pensionnats et des traités qui, à toutes fins pratiques, ont rendu nécessaire la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

(1640)

J’aimerais aborder certaines idées fausses relativement à la déclaration des Nations Unies et au projet de loi C-262. D’abord, certaines personnes pensent que la déclaration l’emportera sur le droit du gouvernement du Canada de gouverner sans intervention d’organismes internationaux.

Ensuite, d’aucuns prétendent que la déclaration donnera trop de pouvoir aux peuples autochtones, qui pourraient alors entraver la capacité du gouvernement de mener normalement ses activités. On peut accorder le bénéfice du doute et supposer que les personnes qui manifestent ces craintes ne comprennent pas bien la déclaration ou n’ont pas pris la peine de l’approfondir.

Sur ce, je citerai le paragraphe 1 de l’article 46 de la déclaration des Nations Unies :

Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des Nations Unies, ni considéré comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant.

Cela veut dire — comme l’ont déclaré les Nations Unies — que cette déclaration n’est pas un instrument juridiquement contraignant de droit international. Il s’agit plutôt de la norme et de l’engagement qui ont été adoptés par 144 États membres. Elle a pour but de rétablir les droits des Autochtones et d’empêcher à l’avenir la discrimination envers les peuples autochtones et leurs communautés.

Plus loin dans la déclaration, on peut lire qu’on n’exige rien de plus du Canada qu’il respecte ses obligations internationales en matière de droits de la personne et qu’il se montre inclusif envers les peuples autochtones. Ces droits sont déjà enchâssés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont le Canada est signataire.

La deuxième partie de l’article 46 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones indique que :

L’exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration est soumis uniquement aux restrictions prévues par la loi et conformes aux obligations internationales relatives aux droits de l’homme.

Certains parlementaires opposés au projet de loi pensent peut-être que le fait de signer la Déclaration universelle des droits de l’homme en décembre 1948 — il y a plus de 70 ans — suffit à protéger les peuples autochtones du Canada et leurs communautés, mais l’histoire montre qu’il en est autrement.

En effet, pendant quatre décennies après la signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme par le Canada, les pensionnats ont poursuivi sans aucune retenue leurs efforts visant à faire disparaître la langue et la culture des Autochtones.

Au cours de la rafle des années 1960, qui a duré jusque dans les années 1980, des milliers d’enfants et de jeunes autochtones ont été arrachés à leur famille pour être élevés dans des foyers non autochtones, et ce, malgré le fait que le Canada avait adhéré à la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les inégalités perdurent encore aujourd’hui.

Le 14 janvier 2019, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a jugé que la Loi sur les Indiens du Canada continuait de faire de la discrimination contre les femmes autochtones et leurs personnes à charge en les empêchant de faire reconnaître leur statut.

En fin de compte, la déclaration des Nations Unies ne cherche qu’à renforcer l’obligation du Canada de traiter les Autochtones sur un pied d’égalité avec les autres citoyens canadiens. Ce traitement égal nous permettra de progresser en vue de rétablir véritablement et totalement la relation de nation à nation, qui est cruciale pour l’avenir du Canada.

J’appuie sans réserve l’adoption de la déclaration des Nations Unies, car j’ai passé plusieurs décennies à collaborer avec les Autochtones canadiens qui tentent d’assurer leur avenir grâce à l’indépendance économique, tout en maintenant, en protégeant et, dans certains cas, en rétablissant leur héritage culturel et leurs valeurs communautaires.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, la déclaration des Nations Unies reconnaît qu’il est important pour les communautés d’avoir le droit à l’autodétermination, afin de pouvoir déterminer elles-mêmes leur situation politique et leur développement économique, social et culturel. L’autodétermination et le développement économique n’excluent pas le développement social et culturel. En fait, ils travaillent ensemble. Ces choses sont intimement liées les unes aux autres.

Plusieurs communautés autochtones ont réussi à assurer leur autodétermination économique, tout en respectant leurs valeurs traditionnelles. Par exemple, la bande indienne d’Osoyoos, en Colombie-Britannique, est très efficace dans le développement des affaires et, alors qu’elle cherche à être encore plus prospère, elle ne néglige pas pour autant son héritage culturel. Ses objectifs sont les suivants :

Atteindre l’autosuffisance grâce au développement économique et préserver la culture de notre nation grâce à la création d’emplois sur nos terres pour les générations futures.

La Première Nation des Dakotas de Whitecap en Saskatchewan connaît un succès similaire. Ses objectifs sont les suivants :

Créer une communauté autonome du point de vue économique, dont les membres sont financièrement indépendants, grâce à des outils économiques qui tirent le maximum des ressources disponibles, respectent la culture des Dakotas, protègent l’environnement et assurent le respect des droits inhérents tout en les renforçant.

Il y a également FHQ Developments, qui représente 11 communautés des Premières Nations du conseil tribal de File Hills Qu’appelle, soit 15 000 personnes en Saskatchewan. Son énoncé de mission est le suivant : « Nous contribuons à l’indépendance et à la prospérité économique à long terme de nos partenaires et de nos citoyens en mettant sur pied des entreprises rentables, en créant des possibilités de développement économique et en favorisant l’emploi pour les nations et les citoyens que nous représentons tout en respectant les enseignements des Cris, des Dakotas, des Lakotas et des Anishinaabes. »

Ce ne sont que trois des sociétés autochtones de développement fructueuses qui existent. Je pourrais parler de Membertou, du conseil tribal de Meadow Lake, de la bande autochtone de Lac La Ronge, et bien d’autres qui se trouvent partout au pays. Ils ont fait preuve d’un leadership solide en matière de développement économique tout en intégrant parfaitement leurs valeurs culturelles et en protégeant leur patrimoine.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner des organismes comme l’Association nationale des sociétés autochtones de financement. Fondée en 1985, cette association représente 58 institutions financières autochtones qui offrent du financement pour le démarrage d’entreprises, les expansions et les acquisitions. Les prêts et les investissements provenant de ces institutions améliorent la sécurité d’emploi, font grimper le revenu médian à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, et donnent aux collectivités la possibilité de participer concrètement à l’économie du pays, sans oublier que tout cela rapporte des millions de dollars d’impôt aux trois principaux ordres de gouvernement.

Bien que beaucoup sociétés de développement économique et d’entrepreneurs autochtones soient en plein essor, ce ne sont pas toutes les collectivités qui ont pu saisir ces occasions. En adoptant la déclaration de l’ONU, nous reconnaissons, en tant que pays, que les droits de la personne sont l’un des éléments essentiels qui permettront à l’ensemble des collectivités et des entrepreneurs autochtones de continuer à avancer vers l’autonomie.

Pour terminer, je souhaite parler un peu des changements démographiques et de l’avenir du Canada. Les jeunes Autochtones forment l’un des segments de la population qui connaissent la croissance la plus rapide. Les Autochtones représenteront bientôt le quart de la population de certains centres d’affaires du pays.

Le recensement de 2016 effectué par Statistique Canada montre que la population des collectivités autochtones figure parmi les plus jeunes au pays : la moyenne d’âge y est de 32 ans, alors qu’elle s’établit à 40 ans dans les populations non autochtones.

Les jeunes de moins de 14 ans ne représentent que 16 p. 100 de la population non autochtone, alors qu’ils représentent 33 p. 100 de la population inuite; 29 p. 100 de la population des Premières Nations; et 22 p. 100 de la population métisse.

En adoptant le projet de loi C-262, nous donnons à ces jeunes, à leur future famille et aux communautés une chance égale de participer activement à l’économie canadienne, de créer des emplois et de la richesse et, par conséquent, de contribuer de façon significative à la productivité du Canada.

Je vous demande, honorables sénateurs, d’appuyer le projet de loi C-262 afin que le Canada puisse véritablement être un pays fort et libre. Ce faisant, vous allez accroître le taux de participation des Autochtones à l’économie canadienne, ce qui mènera à la création d’emplois, à la création de richesses et à l’autodétermination des peuples autochtones. Ainsi, nous disposerons d’une base solide sur laquelle asseoir une identité culturelle et sociale durable, caractéristique d’un Canada fier. Je sais que, si vous êtes en faveur de la vérité et de la réconciliation, vous allez appuyer le projet de loi C-262. Merci.

(1650)

L’honorable Scott Tannas : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Klyne : Oui.

Le sénateur Tannas : Merci, monsieur. J’ai bien aimé votre intervention. Vous savez probablement sur quoi porteront mes questions.

J’ai déjà soulevé cette question auprès d’autres intervenants. J’ai vraiment hâte que le projet de loi soit renvoyé au comité pour que nous puissions entendre des témoins.

Je suis troublé par l’affirmation que vous avez faite, et que d’autres ont faite, selon laquelle ce projet de loi ne servirait à rien, que la déclaration de l’ONU ne représenterait qu’un vœu pieux et qu’elle n’aurait aucun pouvoir contraignant. Je comprends. Je comprends que la déclaration de l’ONU en soi n’est qu’une déclaration et que ce n’est pas une priorité. Le projet de loi vient codifier la déclaration de l’ONU. Je comprends que de simples souhaits n’ont pas de poids juridique.

L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénateur Klyne, votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Klyne : Oui, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente suppléante : Vous pouvez poursuivre, sénateur Tannas. Merci.

Le sénateur Tannas : Je comprends que de simples souhaits n’ont pas de poids juridique, mais si nous intitulons un projet de loi « Loi visant à assurer l’harmonie des lois du Canada avec nos souhaits », plutôt que la déclaration des Nations Unies, et si, dans la même veine, nous disons dans ce projet de loi : « Le gouvernement du Canada, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones au Canada, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les lois du Canada soient conformes à la déclaration des Nations Unies [...] », je pense que nous codifions le document. Ce que les Nations Unies pensent n’a plus d’importance. C’est maintenant ce que nous pensons qui compte. C’est maintenant la loi.

Je me demande simplement, pour la gouverne des Canadiens, si vous pourriez nous dire ce que vous pensez des autres éléments qui maintenant les préoccupent parce que l’expression « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » signifierait ce qu’elle semble signifier dans le langage habituel. L’article 26, que d’autres ont dit préoccupant, est aussi assez clair.

Est-ce moi qui comprends mal ou sommes-nous en train d’adopter une mesure législative pour que tous les mots que contient la déclaration des Nations Unies aient force de loi dans notre pays?

Le sénateur Klyne : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Il serait périlleux d’essayer de vous donner un avis juridique sur vos observations. Je vais m’abstenir de le faire. Je partage toutefois votre volonté de renvoyer le projet de loi au comité sénatorial afin de pouvoir l’étudier en profondeur et de poser ces questions à un groupe d’experts.

Je crois que l’esprit et l’intention de la mesure législative consistent à reconnaître les droits issus de traités, à appuyer le processus de vérité et de réconciliation et à faire en sorte que les peuples aient accès à l’autodétermination.

À mon avis — et je me permets de le dire parce que j’ai travaillé de nombreuses années dans le secteur du développement économique autochtone —, la voie vers la prospérité économique passe par l’affranchissement de l’aide sociale. Les personnes qui reçoivent de telles prestations ne s’en réjouissent pas nécessairement. Elles ne veulent pas dépendre de l’aide sociale. Elles veulent participer pleinement et activement à l’économie. Pendant des dizaines d’années, où des générations entières ont été perdues, nous avons adopté un point de vue externe. Pourtant, j’ai vu un grand nombre de réussites. Je suis prêt à en discuter avec quiconque le souhaiterait. Il y a une multitude de cas où des personnes participent activement à l’économie de la société majoritaire et connaissent le succès. Elles travaillent en partenariat avec des associés commanditaires dans l’économie canadienne. J’ai été à même de constater les retombées dans leurs collectivités.

Je prends l’exemple de la bande indienne d’Osoyoos, où on pourrait entendre le chef dire ceci : « Si une personne ne travaille pas, j’espère qu’elle fait des études ou voit un thérapeute. » Les membres de cette bande ne voient pas le chômage comme une situation acceptable. Merci.

L’honorable Brian Francis : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’appui du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C’est un grand honneur pour moi de parler de ce projet de loi. Il reflète les espoirs de justice et de réconciliation entretenus par les Autochtones du Canada depuis des décennies. Ce projet de loi a été adopté à l’autre endroit par une majorité écrasante. Compte tenu du climat politique actuel, ce n’était pas une tâche facile. Cela témoigne de la nécessité d’un tel document.

Le projet de loi C-262 est une feuille de route pour l’avenir. Il réaffirme les droits individuels et collectifs des Autochtones. Il vise à guider les législateurs dans l’examen et l’analyse des lois du passé toujours en vigueur qui ont une incidence sur la vie des Premières Nations, des Métis et des Inuits du Canada.

Il servira à déterminer si les normes mises en place pour assurer notre survie, notre dignité et notre bien-être sont satisfaites et quels changements pourraient s’avérer nécessaires pour que l’on répare efficacement les torts passés, qui continuent de se répercuter sur notre présent.

Chers collègues, je suis un fier Mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard. Notre peuple vit sur le territoire de la province depuis au moins 12 000 ans. Nous avons une riche histoire et une riche culture qui rendent hommage à l’apprentissage et aux enseignements de nos aînés et de nos ancêtres. Nous croyons au respect et à la protection de l’environnement ainsi qu’à la vie en harmonie avec les gens et les créatures qui nous entourent.

Notre peuple a connu la misère et le désespoir pendant des générations en raison de circonstances qui échappaient à notre contrôle. Comme beaucoup d’autres Autochtones au Canada, nous avons été assujettis à des lois et des politiques cruelles et injustes qui nous ont été imposées.

Malgré cela, nous avons fait preuve d’une grande résilience et détermination et nous demeurons résolus à maintenir des relations positives.

Comme vous êtes nombreux à le savoir, je suis l’ancien chef de la Première Nation d’Abegweit sur l’Île-du-Prince-Édouard, qui géographiquement parlant consiste en trois réserves distinctes, à savoir Morell, Rocky Point et Scotchfort. J’ai occupé ce poste pendant 12 ans. Au cours de cette période, j’ai lancé de multiples initiatives visant à améliorer le bien-être social, économique et culturel de la population dans ces communautés. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Au début de mon mandat, nous avons concentré nos efforts sur l’éducation et investi dans ce domaine pour développer du capital humain. Par conséquent, beaucoup de nos membres ont obtenu un diplôme d’études secondaires ou ont suivi une formation professionnelle et des cours de perfectionnement. Ces efforts ont permis de fournir aux membres les outils nécessaires pour assurer leur autonomie et celle de leur famille et de leur communauté. Il est indéniable que l’accès à une éducation de qualité permet aux Autochtones d’appliquer leur droit à l’autodétermination et renforce leur capacité de trouver un gagne-pain durable. Pourtant, nous n’avons pas tous eu les mêmes chances de jouir de ce droit fondamental.

Durant mon mandat, nous nous sommes efforcés d’améliorer les infrastructures afin de mettre fin aux avis d’ébullition d’eau en vigueur depuis des décennies. Des générations entières n’avaient jamais bénéficié d’un approvisionnement sûr et fiable en eau potable, même pour les usages personnels et domestiques les plus fondamentaux.

En fait, je me rappelle que, quand j’étais un jeune enfant, je devais pomper manuellement l’eau d’un puits — qui n’était jamais analysée pour vérifier si elle était contaminée, alors que mes pairs qui vivaient à l’extérieur des réserves avaient accès à de l’eau potable et fiable.

Cette situation, ainsi que les autres inégalités dont nous étions victimes, m’attristaient énormément. C’est ce qui m’a incité plus tard à me battre pour pouvoir offrir des possibilités égales à ma communauté et veiller à ce qu’elle ait un plus grand accès aux ressources. Ce combat se poursuit aujourd’hui.

Nous sommes en 2019. Il est tout à fait inacceptable que les Autochtones ne bénéficient pas des mêmes normes que les autres Canadiens. Aujourd’hui comme hier, la plupart des Canadiens tiennent pour acquis leur accès aux services les plus fondamentaux. Or, les Autochtones, qui sont pauvres et se heurtent à des obstacles systémiques, doivent souvent lutter tous les jours pour avoir cet accès.

Nous avons toujours eu à prouver nos droits. Nous avons dû nous mobiliser pour assurer leur reconnaissance. Pour ce faire, nous avons souvent dû faire appel aux tribunaux, formuler des revendications ou négocier.

Quelques années avant que je devienne chef de la Première Nation d’Abegweit et administrateur du conseil de bande, la Confédération mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard a été créée.

(1700)

La Confédération a été créée pour permettre à la Première Nation d’Abegweit et à la Première Nation de Lennox Island, les deux premières bandes de Premières Nations à s’être formées dans la province, de mettre en commun leurs préoccupations, de faire front commun et de faire connaître leurs droits, leurs cultures et leur patrimoine. Nous avons bâti une relation plus solide avec les gouvernements fédéral et provincial dans l’espoir que nos gens puissent bénéficier de ce qui leur revient.

J’ai été l’un des signataires officiels, à l’époque où j’étais chef, de l’Entente de partenariat entre le Canada, l’Île-du-Prince-Édouard et les Mi’kmaq, signée en 2007, et de l’Entente sur la consultation entre les Mi’kmaq, l’Île-du-Prince-Édouard et le Canada, signée en 2012. La première reconnaissait officiellement les gouvernements mi’kmaq et le rôle important qu’ils ont à jouer dans la construction d’un avenir solide et positif pour les membres des Premières Nations de l’Île-du-Prince-Édouard. La deuxième établissait des mesures claires et efficaces pour que le Canada et l’Île-du-Prince-Édouard puissent consulter les Mi’kmaq au sujet de mesures et de décisions proposées qui peuvent avoir une incidence négative sur les droits ancestraux ou issus de traités, potentiels ou établis.

Avant d’être nommé au Sénat, j’ai participé aux négociations d’un accord-cadre sur les droits entre le Canada, l’Île-du-Prince-Édouard et les Mi’kmaq. Cet accord a été signé en janvier. Il établit un processus pour favoriser des discussions efficaces dans les meilleurs délais et réitère notre engagement commun à la réconciliation et au respect des droits ancestraux et issus de traités.

Ces accords représentent un progrès important dans notre marche vers la véritable réconciliation.

Chers collègues, je mentionne ces événements pour illustrer le fait qu’en dépit de difficultés et de revers constants, les Mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard ont fait des progrès importants en peu de temps. Toutefois, les Premières Nations de ma province ne vivent pas détachés du monde. Nos frères et sœurs du Canada sont aussi à négocier, à discuter et à se battre pour leurs droits. Il s’agit d’un cycle apparemment sans fin, qui dure depuis des générations.

Comme l’a mentionné le parrain du projet de loi C-262, le document est important non seulement pour les peuples autochtones du Canada, mais aussi pour les peuples indigènes de plus de 70 pays dans le monde, qui représentent plus de 400 millions de personnes.

Nul besoin de rappeler le travail accompli par le sénateur Sinclair et les propos qu’il a tenus au Sénat concernant la Commission de vérité et réconciliation. Le sénateur a exprimé avec éloquence la nécessité d’utiliser les paramètres de la déclaration des Nations Unies, un outil crucial offrant un plan d’action pour l’atteinte des objectifs de la déclaration. Je le remercie, ainsi que les autres sénateurs qui ont appuyé le projet de loi dans des discours passionnés et percutants.

Honorables sénateurs, le projet de loi ne contredit pas l’article 35 de la Constitution, comme certains l’ont laissé entendre. Il le complète. Il fournit une feuille de route pour faire en sorte que les Autochtones prennent part aux processus de prise de décisions, plutôt que de se faire imposer des décisions unilatérales.

Le projet de loi propose que toutes les mesures législatives soient rédigées de manière à être compatibles avec la déclaration et qu’on vérifie la conformité des lois existantes avec la déclaration.

Je crois savoir que le rôle des sénateurs consiste à examiner des projets de loi et à formuler des conseils. Le projet de loi venu de l’autre endroit respecte-t-il la Charte des droits et libertés? Respecte-t-il les droits des minorités? Reconnaît-il les droits inhérents des peuples autochtones? Respecte-t-il les normes canadiennes en matière de droits de la personne?

En ma qualité de nouveau sénateur, je n’ai évidemment pas toute l’expérience et les connaissances de bon nombre de mes collègues. J’ai toutefois plusieurs années d’expérience à titre de chef, de négociateur et de Mi’kmaq qui a traité avec des gouvernements à l’échelon provincial comme fédéral, et qui a connu l’exaspération et le sentiment de réussite que cela peut apporter.

J’ai lu le projet de loi C-262. C’est selon moi un outil qui servira aux gouvernements et aux peuples autochtones. Le cadre qu’il propose pourra servir de guide en ce qui concerne les droits de la personne, la réconciliation et la coopération, en plus d’offrir à toutes les parties une voie à suivre.

Le projet de loi C-262 mérite un examen approfondi en comité et des audiences exhaustives. À titre de membre du Comité des peuples autochtones, j’ai hâte d’entendre tous ceux qui sont directement intéressés par ce projet de loi et de découvrir leurs points de vue. J’encourage humblement mes collègues à appuyer le projet de loi C-262 et à le renvoyer au comité dès que possible.

Il a fallu des décennies pour élaborer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En intégrant le projet de loi C-262 à sa boîte à outils, le Canada confirmerait qu’il tient réellement à la réconciliation.

D’après le préambule, la déclaration « constitue un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel ». N’est-ce pas là le but de toutes les relations humaines? N’est-ce pas le fondement même de notre démarche de réconciliation? N’est-il pas temps de réaliser de grandes avancées vers la justice et la guérison, tant pour les peuples autochtones que pour le Canada?

Wela’lin. Merci.

L’honorable David M. Wells : Sénateur Francis, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Francis : Oui.

Le sénateur Wells : Ma question ne porte pas nécessairement sur la déclaration des Nations Unies ou sur le texte de ce document, mais plutôt sur l’adoption d’un instrument universel trouvant application au Canada, ce que propose de faire le projet de loi. Que se passerait-il si la déclaration était modifiée? Est-ce que les responsabilités du Canada changeraient automatiquement, sans que nous puissions examiner ce changement à la déclaration internationale? Que pensez-vous de la possibilité qu’un instrument externe change nos lois de cette façon?

Le sénateur Francis : Merci, sénateur. En toute franchise, je n’ai pas suffisamment d’expérience en la matière pour fournir une réponse détaillée à votre question, mais j’espère que le projet de loi sera renvoyé à un comité. C’est là que nous pourrons tirer ces questions au clair.

[Français]

La sanction royale

Son Honneur la Présidente suppléante informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

le 28 février 2019

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 28 février 2019 à 16 h 32.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

Secrétaire de la gouverneure générale et chancelière d’armes,

Assunta Di Lorenzo

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 28 février 2019 :

Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance (projet de loi C-64, chapitre 1, 2019)

Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable (projet de loi C-57, chapitre 2, 2019)

(1710)

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Chers collègues, je prends la parole brièvement et sans prétention afin d’appuyer le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ce projet de loi est une avancée réelle et concrète sur le chemin, je l’espère, du nécessaire processus de réconciliation.

À titre de représentante du Québec au sein de la délégation canadienne auprès de l’UNESCO, j’ai suivi le cheminement de cette déclaration dans les agences onusiennes. J’ai constaté la forte résistance de plusieurs pays à ce texte fondateur, qui affirme que les droits autochtones sont des droits humains purement et simplement. Il n’y a pas deux classes de citoyens. Cette déclaration — mon collègue l’a dit beaucoup mieux que moi — est non contraignante, mais peut guider les pays qui l’adoptent. Le projet de loi C-262 stipule que toutes les lois fédérales doivent être en harmonie avec les nombreux principes contenus dans cette déclaration. On parle de 46 articles, c’est beaucoup, donc le pari du Canada est audacieux. L’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est un grand pas dans la reconnaissance internationale des violences colonisatrices, de la souffrance, des injustices qui en découlent et qui ont des conséquences encore aujourd’hui. Il est plus que temps de changer la relation entre l’État canadien et les peuples autochtones.

La question me touche d’autant que les femmes autochtones sont les plus grandes victimes dans notre société où l’inégalité entre les femmes et les hommes demeure. Quand j’étais présidente du Conseil du statut de la femme, j’ai collaboré avec l’organisme Femmes autochtones du Québec à la réalisation d’une publication chiffrée sur la situation dramatique des femmes des Premières Nations, un document à l’intention du grand public.

Les statistiques en disent long. Les femmes autochtones vivant hors de leur communauté ont un taux de pauvreté deux fois plus élevé que les femmes non autochtones. Les femmes autochtones sont trois fois plus susceptibles d’être victimes de violence conjugale que les femmes non autochtones.

Plus des trois quarts des jeunes filles autochtones âgées de moins de 18 ans ont été victimes d’agression sexuelle. Or, l’article 22(2) de la déclaration onusienne dit ceci : les États prennent des mesures, en concertation avec les peuples autochtones, pour veiller à ce que les femmes et les enfants autochtones soient pleinement protégés contre toutes les formes de violence et de discrimination et bénéficient des garanties nécessaires. Cet article permet d’espérer notamment que la souffrance des femmes autochtones fera l’objet au Canada de politiques et de mesures plus visionnaires, plus globales.

Il est inacceptable, par exemple, que, en raison d’un manque de logement, plusieurs familles s’entassent dans la même habitation. Cette promiscuité multiplie les difficultés, accentue les conflits et les épisodes de violence. Il est aussi incompréhensible qu’aujourd’hui, la Loi sur les Indiens discrimine toujours sur la base du sexe pour la transmission du statut autochtone. Par exemple, une femme autochtone ayant épousé un non-inscrit ne peut pas transmettre son statut à ses petits-enfants, contrairement à un homme autochtone.

Michèle Audette, une des commissaires de la Commission d’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, a dit récemment ce qui suit lors d’une entrevue : les femmes autochtones ont été affectées par une ou plusieurs formes de génocide ici, au Canada. Mme Audette ne parle pas ici de génocide culturel, mais de génocide tout court, ce qui donne une indication du rapport à venir de la commission. Que signifie le fait d’harmoniser les lois fédérales avec la Déclaration onusienne des droits des peuples autochtones?

J’imagine déjà que bien des juristes auront leur opinion, mais, pour moi, nous avons un exemple sous les yeux, avec le projet de loi C-71 sur le contrôle des armes à feu. Michèle Audette est venue nous dire que ce projet de loi devrait porter une attention particulière à la violence dont sont victimes les femmes autochtones, notamment avec les armes à feu.

À son avis, cela veut dire qu’il faut consulter toutes les personnes qui vivent dans le même logement que celui qui demande un permis d’arme à feu, une procédure plus complexe que les vérifications qui découlent du projet de loi C-71. L’essentiel est de comprendre que oui, les peuples autochtones revendiquent leur autonomie et leurs droits ancestraux en matière d’armes à feu, mais cela n’empêche pas les femmes autochtones de dire haut et fort qu’elles ont besoin d’être mieux protégées.

Je profite d’ailleurs de l’occasion pour inciter le gouvernement du Québec à faire sienne la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones. C’est un signal fort, un symbole dans la marche vers la réconciliation. La Colombie-Britannique a déjà pris un engagement à cet effet.

En conclusion, le projet de loi C-262 constitue une reconnaissance claire de la place des peuples autochtones dans notre histoire, dans notre présent, et il nous donne des outils pour envisager un meilleur avenir. Il faut donc renvoyer ce projet de loi pour étude au comité. Meegwetch. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Brazeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L’étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier

Adoption du quatorzième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénatrice McCoy,

Que le quatorzième rapport du Comité permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Abondance ou famine : L’incidence des changements climatiques et la tarification du carbone sur l’agriculture, l’agroalimentaire et la foresterie, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 11 décembre 2018, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres de l’Environnement et du Changement climatique; de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique et des Ressources naturelles.

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, ce rapport sera adopté rapidement, mais je tiens malgré tout à en souligner l’importance. Il y a environ deux semaines, le Western Producer a publié un article en première page remettant en cause les estimations liées à la taxe carbone. On y faisait état des résultats à une demande d’accès à l’information soumise par le journal. Les journalistes ont entre autres reçu des estimations caviardées datant de trois ans et une note d’information destinée au sous-ministre de l’Agriculture où, pense-t-on, figuraient les coûts de la taxe carbone pour les agriculteurs. Ces coûts étaient ventilés par produits, puis par régions — Est et Ouest du Canada.

Il s’agit de données essentielles pour les agriculteurs. Comme l’a dit le vice-président de la Fédération canadienne de l’agriculture, Norm Hall, au journaliste Robin Booker :

Les agriculteurs sont en train de faire leur budget, et cette nouvelle va tout changer, car c’est censé débuter le 1er avril.

Nous allons écoper dès cette année. Ces frais s’ajouteront à ceux que nous assumons déjà, mais nous ignorons à combien ils s’élèveront. Parle-t-on de 300 $, de 3 000 $ ou de 15 000 $? Ce serait bien si nous en avions au moins une idée.

Comme je le disais il y a un instant, les documents obtenus par le Western Producer étaient largement caviardés. Bref, le gouvernement semble avoir les réponses à certaines des questions des agriculteurs, mais il refuse de les leur donner.

C’est ici que nous entrons en scène. Le Sénat a demandé au gouvernement de répondre aux rapports du Comité de l’agriculture et des forêts, et disons que son plus récent rapport est particulièrement pertinent. Le comité a étudié les répercussions des changements climatiques sur deux des plus importantes industries du pays. Nous avons formulé plusieurs recommandations relativement aux domaines suivants : la recherche et l’innovation; l’accroissement de la résilience; la gestion de l’eau; le transfert des connaissances; les services d’appoint; le fait de récompenser les pratiques résilientes; la surveillance de la biodiversité — nous avons été très occupés —; la surveillance du carbone organique dans les sols; la collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces; la norme sur les carburants propres; les obligations internationales; et les nouvelles technologies de séquestration du carbone, comme la construction de bâtiments de grande hauteur à l’aide de bois.

(1720)

Ce qui intéressera particulièrement les agriculteurs sera la réponse du gouvernement aux recommandations 7 et 8. Le comité recommande que le gouvernement « réévalue les dérogations permises pour les activités agricoles en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, en accordant une attention particulière à la compétitivité pour les producteurs et l’abordabilité des aliments pour les Canadiens ».

Nous recommandons que le gouvernement considère la dérogation visant le coût du combustible utilisé pour la machinerie agricole servant au chauffage et à la climatisation dans les exploitations agricoles en modifiant la définition de « machinerie agricole admissible ».

Nous recommandons aussi que le gouvernement considère « la dérogation du propane et du gaz naturel dans la définition du terme combustible agricole admissible pour toute activité agricole ».

Notre huitième recommandation, c’est que le gouvernement « élabore des protocoles compensatoires qui permettraient aux producteurs agricoles ainsi qu’aux propriétaires et aux gestionnaires forestiers des provinces qui appliquent le filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone de recevoir des revenus additionnels en vendant leurs crédits de carbone ».

Honorables sénateurs, je félicite le Western Producer de ce qu’il fait pour tenter d’obtenir pour les agriculteurs des réponses sur les effets qu’aura sur eux la tarification du carbone. Il est fort dommage que le gouvernement n’ait pas fourni ces documents sans les caviarder. Comme on le dit dans l’article, les renseignements fournis au comité par le directeur parlementaire du budget en 2017 portaient sur « les émissions globales de catégories d’exploitations agricoles précises dans différentes régions agricoles ». C’est donc dire que les estimations étaient fondées sur les émissions globales. Or, les agriculteurs ont besoin d’une information à jour sur les répercussions prévues des taxes imposées aux termes de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Même si la réponse du gouvernement à notre rapport ne nous en dira peut-être pas autant que l’aurait fait une copie non censurée de la note d’information adressée au sous-ministre, elle pourrait nous indiquer s’il est disposé à envisager certains changements qui pourraient donner plus de certitude aux agriculteurs canadiens. Cela dit, le temps presse. Le gouvernement a 150 jours pour répondre à un rapport d’un comité du Sénat et le Parlement termine ses travaux en juin. Si nous voulons obtenir une réponse du gouvernement, il faut agir sans tarder.

Honorables sénateurs, adoptons ce rapport afin d’obtenir des réponses pour les Canadiens qui les attendent.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Griffin, avec l’appui de l’honorable sénatrice McCoy, propose que le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent... puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L’étude sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

Adoption du dix-septième rapport du Comité des droits de la personne et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du dix-septième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Un océan de misère : la crise des réfugiés Rohingyas, déposé au Sénat le 21 février 2019.

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard propose :

Que le dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Un océan de misère : la crise des réfugiés rohingyas, qui a été déposé le jeudi 21 février 2019, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre des Affaires étrangères étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport.

Son Honneur le Président : Sénatrice Bernard, souhaitez-vous en débattre?

La sénatrice Bernard : Non.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du trente-troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du trente-troisième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Prévisions budgétaires du Sénat 2019-2020, présenté au Sénat le 26 février 2019.

L’honorable Sabi Marwah propose que le rapport soit adopté.

—Chers collègues, le rapport dont vous êtes saisis porte sur le budget du Sénat pour l’exercice 2019-2020. Le budget total prévu est de 114,2 millions de dollars et il est fondé sur la recommandation du Sous-comité du budget des dépenses du Sénat. Ce montant représente une hausse de 4,7 p. 100 par rapport au budget de 2018-2019.

Le budget se divise en deux parties : les dépenses législatives et les crédits votés.

La partie sur les dépenses législatives comprend les sommes allouées par voie législative. Il s’agit notamment des allocations de base et supplémentaires et des régimes de retraite des sénateurs, des frais de déplacement, de subsistance et de télécommunication des sénateurs, ainsi que des régimes d’avantages sociaux des employés. Tout manque à gagner dans ces catégories est comblé par le Conseil du Trésor. Le budget des dépenses législatives totalise 35,8 millions de dollars, soit une hausse de 2,5 p. 100 par rapport à l’année précédente.

Les crédits votés touchent les rouages internes du Sénat. Ils englobent les budgets des bureaux des sénateurs et l’Administration du Sénat. L’enveloppe financière des crédits votés totalise 78,4 millions de dollars, soit une augmentation de 5,7 p. 100 par rapport à l’an dernier.

À titre d’information, il incombe au Sous-comité du budget des dépenses du Sénat de déterminer le budget du Sénat. Les membres du sous-comité ont rencontré chacun des membres du Comité exécutif de l’Administration du Sénat et chacun de ses directeurs. Toute augmentation de financement a dû faire l’objet d’une présentation devant le sous-comité, accompagnée des pièces justifiant les nouvelles dépenses. Les responsables ont été interrogés quant à la nécessité des fonds et aux répercussions sur les niveaux de dotation.

On a aussi demandé aux directeurs de dresser la liste des risques liés aux activités de leur direction et d’indiquer en quoi l’octroi de sommes supplémentaires permettrait de les atténuer.

Les façons de faire du Sénat ont énormément changé, et ce n’est pas terminé. La majorité des nouvelles dépenses globales sont liées soit aux changements rendus nécessaires pour soutenir l’accroissement des activités et la poursuite d’autres priorités.

Comme je le disais à l’instant, les postes budgétaires qui ne sont pas prévus dans une loi correspondent à des crédits votés. On parle ici des budgets des sénateurs et des agents supérieurs du Sénat, des déplacements des comités, des affaires internationales et interparlementaires et du budget de l’Administration du Sénat.

Voici quelques exemples tirés des grandes catégories. Le poste « Sénateurs et agents supérieurs » a augmenté de 487 000 $. Cette hausse de 1,7 p. 100 est entièrement attribuable à l’augmentation des budgets des bureaux des sénateurs, qui sont passés de 225 000 $ à 230 000 $ afin de refléter une hausse de l’inflation de 2,1 p. 100.

Pour ce qui est de l’Administration du Sénat, le poste « Administration et comptes généraux » augmentera de 4,3 millions de dollars. Cette somme comprend une hausse générale de 1,4 million qui servira à couvrir les augmentations de salaire des employés, les reclassifications de poste, les prestations parentales et de maternité, les indemnités de départ, les accidents du travail et les vacances.

Du côté législatif, l’augmentation prévue vise à créer davantage de soutien pour les activités de la Chambre et des comités, notamment pour les services de télédiffusion. Le coût des activités de télédiffusion augmentera de 0,7 million de dollars en raison du nouveau contrat avec la Chambre des communes et des 90 000 $ requis pour un agent des communications qui appuiera les réunions des comités.

Le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre recevra 183 000 $ de plus pour l’embauche d’un greffier à la procédure et d’un greffier législatif à la Direction des recherches pour le Bureau, ainsi que 234 000 $ pour trois ressources supplémentaires qui contribueront au mandat de la Direction des débats et des publications.

La Direction des comités verra son budget augmenter de 240 000 $ pour trois ressources supplémentaires : un greffier à la procédure, un adjoint administratif et un agent de la logistique.

La Direction de la sécurité institutionnelle recevra 125 000 $ de plus pour du personnel supplémentaire et pour les licences du système de notification en cas d’urgence, ainsi qu’une augmentation ponctuelle de 120 000 $ pour la mise à niveau des serrures haute sécurité.

L’huissier du bâton noir recevra 117 000 $ de plus pour l’ajout de personnel et pour les besoins liés aux séances tardives.

Du côté des services corporatifs, une bonne partie des augmentations prévues ira à la transformation et à la restructuration de la Direction des ressources humaines; un budget temporaire de 316 000 $ sera consacré à la poursuite de l’initiative de transformation et 497 000 $ iront à la prestation des programmes, ce qui comprend les frais de traitement annuel des services de la paie de 173 000 $.

(1730)

La Direction des services de l’information se verra accorder une augmentation de 258 000 $ pour payer le contrat de télécommunications sans fil, la rémunération de la mise en disponibilité ou des heures sur appel et une ressource supplémentaire en matière de cybersécurité.

La Direction des finances et de l’approvisionnement recevra 205 000 $ supplémentaires pour financer des activités liées à l’approvisionnement.

Enfin, le budget consacré au personnel de la Direction des biens et services augmentera de 333 000 $ pour embaucher du personnel qui appuiera son mandat ainsi que la vision et le plan à long terme pour la Cité parlementaire.

En résumé, honorables sénateurs, le budget augmente globalement de 4,7 p. 100. Si on exclut l’enveloppe de 0,7 million de dollars pour la diffusion — un projet important par rapport à notre initiative sur la transparence et la communication — et l’ajustement salarial global pour l’augmentation rétroactive sur trois ans qui a été prévue dans l’exercice 2019-2020, la hausse est de 3,1 p. 100. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion donnant instruction à l’Administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Lynn Beyak et de cesser tout soutien pour tout autre site web connexe jusqu’à ce que le processus d’enquête mené par le conseiller sénatorial en éthique soit conclu—Motion d’amendement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Marwah,

Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site web de cette dernière jusqu’à ce que le processus mené par le conseiller sénatorial en éthique à la suite d’une demande d’enquête présentée en vertu du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs portant sur le contenu du site Web de la sénatrice Beyak et sur ses obligations au titre du Code soit conclu, que ce soit par suite du dépôt de la lettre de détermination préliminaire ou du rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique, de la présentation d’un rapport du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ou d’une décision du Sénat sur la question.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par substitution des mots « Qu’il soit donné instruction à l’administration du Sénat de retirer des serveurs du Sénat le site web de l’honorable sénatrice Beyak et de cesser tout soutien pour quelconque site web de cette dernière » par le mot « Que, »;

2.par adjonction, immédiatement après le mot « question » de ce qui suit :

« , instruction soit donnée à l’administration du Sénat de :

a)retirer les 103 lettres de soutien datées du 8 mars 2017 au 4 octobre 2017 du site web de la sénatrice Beyak (lynnbeyak.sencanada.ca) et de tout autre site web hébergé par un serveur du Sénat;

b)ne pas fournir de soutien, y compris le soutien technique et le remboursement des dépenses, pour tout site web de la sénatrice qui contient une ou plusieurs de ces lettres d’appui ou qui contient un lien vers une ou plusieurs de ces lettres ».

L’honorable Ratna Omidvar : Je propose l’ajournement du débat au nom de la sénatrice McPhedran.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, au nom de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)

Motion tendant à encourager le gouvernement à entamer des consultations auprès de différents groupes afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Mercer,

Que le Sénat encourage le gouvernement à entamer des consultations auprès des provinces, des territoires, des peuples autochtones et d’autres groupes intéressés afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés, qui vise à garder les enfants et les jeunes en santé en leur enseignant des principes de nutrition et en leur fournissant un repas nutritif quotidiennement dans le cadre d’un programme assorti de mécanismes adéquats pour assurer une supervision indépendante de l’approvisionnement alimentaire, le respect des normes nutritionnelles et la gouvernance.

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, cet après-midi me rappelle vraiment que beaucoup de sénateurs accomplissent quotidiennement un travail très important et complexe.

Je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 358 concernant l’élaboration d’un programme universel de nutrition pour les jeunes.

Comme vous vous en souvenez peut-être, c’est notre ancien collègue le sénateur Eggleton qui a présenté cette motion. Comme il est à la retraite, il m’a demandé si je pouvais porter le flambeau, ce que j’ai été heureuse d’accepter, car c’est un objectif auquel je crois.

Au cours des 15 dernières années, j’ai travaillé directement avec des partenaires communautaires pour que tous les jeunes élèves de ma région mangent un déjeuner nutritif. Il y a beaucoup de choses à apprendre, donc il est toujours nécessaire de bien manger le matin.

J’encourage ceux qui n’étaient pas encore parmi nous au Sénat l’an dernier à aller lire le discours prononcé par le sénateur Eggleton le 14 juin.

Je suis sûre que la lecture du discours pourrait être utile même pour les sénateurs qui étaient ici. Voici ce que dit la motion no 358 :

Que le Sénat encourage le gouvernement à entamer des consultations auprès des provinces, des territoires, des peuples autochtones et d’autres groupes intéressés afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés, qui vise à garder les enfants et les jeunes en santé en leur enseignant des principes de nutrition et en leur fournissant un repas nutritif quotidiennement dans le cadre d’un programme assorti de mécanismes adéquats pour assurer une supervision indépendante de l’approvisionnement alimentaire, le respect des normes nutritionnelles et la gouvernance.

Je dois dire que cette motion ne saurait tomber plus à point. Comme vous le savez, pas plus tard que le mois dernier, le gouvernement fédéral a dévoilé son Guide alimentaire canadien repensé. Ce guide objectif fondé sur des données probantes fait passer la santé des Canadiens en premier.

La prochaine étape, plus importante, consiste à faire en sorte que ces aliments recommandés se rendent réellement dans nos assiettes. Pour ce faire, il faut cultiver des habitudes alimentaires saines, et quel meilleur endroit où commencer qu’auprès des jeunes Canadiens? Un programme universel de nutrition pour les jeunes peut permettre d’effectuer un tel changement, un changement dont on a grandement besoin.

En 2015, selon les statistiques, plus du quart des adultes canadiens étaient obèses. L’année suivante, on nous a dit que 48 000 décès au Canada pouvaient être attribués à une mauvaise alimentation. Cela surpasse le nombre combiné de décès pouvant être attribués au tabac et à l’alcool cette même année.

Ces statistiques inquiétantes s’aggravent chez les jeunes. Selon une étude réalisée en 2016 par le Comité sénatorial des affaires sociales, 13 p. 100 des enfants canadiens sont obèses, et 20 p. 100 sont en surpoids. Selon la Childhood Obesity Foundation, si la tendance se maintient, d’ici une vingtaine d’années, jusqu’à 70 p. 100 des adultes de 40 ans souffriront d’embonpoint. En plus de nuire à la santé des gens, cela alourdira beaucoup le fardeau qui pèse sur notre système de soins de santé.

Il est facile de voir comment on en arrive à des chiffres aussi décourageants. Idéalement, toutes les familles canadiennes devraient avoir le temps et les ressources nécessaires pour offrir à leurs enfants des repas sains, mais nous savons que, pour beaucoup d’entre elles, ce n’est tout simplement pas le cas. C’est pratique, pour les parents qui travaillent, de donner à leurs enfants des repas tout préparés ou de les laisser carrément sauter un repas. Il se peut également qu’ils donnent à leurs enfants de l’argent pour s’acheter à manger à la cafétéria, où la plupart des menus ne sont pas sains. C’est dommage, mais il est vrai que, la plupart du temps, les aliments les plus commodes et les moins chers à acheter sont souvent ceux qui sont les moins sains d’un point de vue nutritif.

Il y a aussi, bien sûr, de nombreuses familles canadiennes qui n’ont tout simplement pas les moyens d’offrir à leurs enfants les aliments nutritifs qui leur permettront de grandir en santé. Banques alimentaires Canada rapporte d’ailleurs qu’en mars 2018, soit pendant un seul mois, elles avaient reçu 1,1 million de visites à l’échelle nationale. Les enfants représentaient 35 p. 100 de cette clientèle alors qu’ils ne comptent que pour 20 p. 100 de la population canadienne.

Par ailleurs, les chiffres ne sont pas reluisants lorsqu’on les compare à ceux d’autres pays. En 2017, l’UNICEF a rapporté que le Canada se classait au trente-septième rang, sur 41 pays, pour ce qui est de l’accès des jeunes à des aliments nutritifs. Il est inconcevable que, dans un pays aussi riche et prospère que le nôtre, des enfants n’aient pas accès à une quantité suffisante d’aliments nutritifs.

Le fait de ne pas avoir accès à des aliments nutritifs à ce jeune âge peut avoir des répercussions à très long terme. Selon une étude réalisée par l’Université Harvard en 2015, les enfants qui mangent un bon déjeuner réussissent mieux à l’école que les autres. Nous avons pu le constater nous-mêmes localement et partout au pays. On sait que le fait de manquer un repas a une plus grande incidence sur le cerveau de l’enfant que sur celui de l’adulte. Chez l’enfant, le cerveau change rapidement. Les cellules nerveuses se développent et les connexions s’adaptent rapidement en fonction de leur environnement immédiat. Le cerveau a donc besoin de plus d’énergie. Par conséquent, les enfants qui n’ont pas un apport adéquat de calories saines ont plus de difficultés d’apprentissage.

Il y a un an, nous débattions rigoureusement la légalisation du cannabis et il y avait, avec raison, beaucoup d’inquiétude quant aux effets éventuels de la consommation de cannabis sur le fonctionnement cognitif des jeunes. Ne devrions-nous pas manifester la même inquiétude à l’égard du très grand nombre d’enfants canadiens qui ne bénéficient pas d’une alimentation adéquate au quotidien? Si nous tenons vraiment à ce que ces enfants aient les meilleures chances possible de réussir dans la vie, il nous incombe de veiller à ce qu’ils aient une alimentation nutritive à cette étape cruciale de leur développement.

C’est à cet égard qu’un programme universel de nutrition pour les jeunes pourrait véritablement changer les choses. D’autres pays le reconnaissent déjà. Des programmes semblables ont été mis œuvre en Finlande, au Brésil et au Royaume-Uni, de même que dans des villes américaines, comme New York et Los Angeles.

Chez nous, l’intérêt s’accroît pour ce genre de programme. En 2018, l’Université de Calgary a tenu une conférence publique pour examiner les risques que représentent les mauvaises habitudes alimentaires pour la santé publique et réfléchir à certaines options de politiques susceptibles de faire dévier les tendances actuelles ou même de les renverser. Dans la déclaration de Calgary issue de la conférence, les participants réclament un programme public pour assurer aux enfants canadiens l’accès à des aliments nutritifs là où ils apprennent et s’amusent.

De solides politiques sont également mises en place. Le gouvernement de l’Alberta s’est engagé à injecter 15,5 millions de dollars dans un programme ciblé de nutrition en milieu scolaire visant les élèves de niveau élémentaire pour l’année scolaire 2018-2019. Ce programme pilote lancé il y a seulement deux ans a déjà montré son utilité. Il atténue une partie de la pression que vivent les familles de l’Alberta par rapport à la préparation des repas pour les enfants.

(1740)

Cette motion exhorte le gouvernement fédéral à encourager les autres ordres de gouvernement à lancer leur propre programme pilote. De plus, avec cette initiative, les intervenants concernés pourraient accroître les efforts déjà déployés, sachant qu’ils ont l’appui du gouvernement fédéral. Dans ma collectivité, je suis très fier du travail réalisé par Nutrition for Learning. Cette initiative, qui a commencé par un très modeste projet, offre maintenant du soutien à tous les écoliers.

Chers collègues, comme éducateur, comme entraîneur et maintenant comme sénateur, j’ai consacré ma vie à promouvoir un mode de vie sain. Même si une foule de facteurs y contribuent, les trois plus importants sont l’exercice, un régime équilibré et le repos. C’est important pour les adultes, mais encore plus pour les jeunes.

En tant que législateurs, nous sommes bien placés pour faire pencher la balance en faveur d’un avenir en santé, si vous me permettez le jeu de mots. Santé Canada continue de mettre en œuvre sa stratégie nationale en matière de saine alimentation. Des politiques sont mises en place, et il me semble évident que cette stratégie pourrait et devrait inclure un programme national et universel de nutrition à frais partagés pour les jeunes.

C’est pourquoi j’exhorte le Sénat à adopter rapidement la motion du sénateur Eggleton. Nous devons indiquer au gouvernement fédéral qu’il ne suffit pas de montrer à quoi ressemble un régime sain pour résoudre notre problème. Il faut offrir ces aliments. Nous devons immédiatement faire preuve d’initiative et tirer des leçons des autres pays. Nous devons explorer la possibilité d’adopter un programme national et universel de nutrition pour les jeunes Canadiens. Merci.

L’honorable Stan Kutcher : Merci beaucoup. Une saine alimentation est essentielle à la croissance et au développement des enfants, et il convient de déployer des efforts concrets pour que tous les enfants canadiens puissent en jouir.

La motion, telle que vous l’avez présentée, semble viser un enjeu qui est axé sur les écoles et dont les provinces et les municipalités devraient vivement se préoccuper. Quel rôle devrait jouer le gouvernement fédéral dans l’avancement du dossier?

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre question. La motion ne porte pas que sur l’argent. Le gouvernement fédéral peut et doit jouer un rôle de premier plan dans l’établissement des principes nationaux qui serviront de condition pour le financement à frais partagés. Ces principes nationaux assureraient l’uniformité des programmes et ils créeraient des possibilités dans l’ensemble du Canada. Parmi les éléments que pourraient inclure les principes nationaux, mentionnons des lignes directrices sur la qualité des aliments, comme le respect du nouveau Guide alimentaire canadien, des mécanismes visant à éviter les conflits d’intérêts à l’égard des normes et de la gouvernance des programmes ou encore des cibles pour l’achat d’aliments locaux et des programmes de littératie alimentaire. Le gouvernement fédéral peut déterminer ces principes, mais sa responsabilité consiste à convaincre et à orienter les provinces et les territoires.

Son Honneur le Président : Sénateur Ravalia, avez-vous une question ou souhaitez-vous intervenir dans le débat?

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : J’aimerais poser une question. Sénatrice Deacon, vous avez mentionné qu’un certain nombre de pays ont mis sur pied un programme de nutrition. Pourriez-vous nous parler de quelques-uns de ces programmes et de leurs résultats?

La sénatrice M. Deacon : Oui, merci. Je serai heureuse de répondre. Je vous remercie de votre question. Je me suis beaucoup renseignée sur ce sujet.

Je vais vous donner quelques exemples. Le Brésil a mis en place son programme en 1954, et il vise actuellement 45 millions d’élèves. En 2009, le Brésil a mis l’accent sur ses petites exploitations agricoles, ce qui est aussi une excellente initiative, en décrétant que 30 p. 100 des aliments produits doivent provenir de sources locales. Cela a aussi facilité le travail de ces exploitations.

Comme vous le savez sans doute, les États-Unis ont adopté deux lois : la National School Lunch Act, ou loi nationale pour le repas du midi à l’école, et la Child Nutrition Act, ou loi sur l’alimentation des enfants. Les deux sont administrées au fédéral par le département de l’Agriculture des États-Unis et, dans les États, par des organismes d’État. Aux États-Unis, certaines villes ont aussi créé leurs propres programmes universels. Par exemple, en 2017, la ville de New York a commencé à offrir des repas gratuits à ses 1,1 million d’élèves.

Au Royaume-Uni, le gouvernement national paie 2,30 livres pour chaque repas admissible servi dans le cadre de son programme Universal Infant Free School Meals, un programme qui offre des repas gratuits à des élèves de 2 à 7 ans, ce qui leur donne un excellent départ dans la vie. Tout aussi remarquable, le Royaume-Uni a récemment mis en œuvre une stratégie visant à utiliser les recettes provenant de la vente de boissons gazeuses sucrées pour financer des programmes d’alimentation dans les écoles.

Le programme de la Finlande est probablement le plus connu. Le pays a adopté une loi sur l’éducation de base. Elle prévoit que les élèves qui fréquentent l’école doivent recevoir un repas dans un endroit structuré et adéquatement supervisé. La Finlande procède ainsi depuis 1943.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick

Les défis continus—Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Poirier, attirant l’attention du Sénat sur les défis continus auxquels font face les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick.

L’honorable René Cormier : : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui dans la continuité de l’interpellation de la sénatrice Rose-May Poirier, qui a mis en lumière de façon percutante les enjeux touchant le travail saisonnier dans le secteur de la pêche au Nouveau-Brunswick.

Si j’aborde cette question importante, c’est que cet enjeu affecte non seulement le quotidien de ma région et le secteur halieutique, mais de nombreuses régions du pays et d’autres secteurs d’activité comme le tourisme, les arts et la culture, la restauration et bien d’autres.

Selon Statistique Canada, si au Canada près de 3 p. 100 des emplois sont de nature saisonnière, au Canada atlantique, ce chiffre est beaucoup plus élevé et se situe à 5 p. 100 en Nouvelle-Écosse, à près de 6 p. 100 au Nouveau-Brunswick et à près de 10 p. 100 à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans ma région, la Péninsule acadienne, dans le Nord du Nouveau-Brunswick, les emplois saisonniers peuvent représenter jusqu’à 15 p. 100 des emplois totaux de la région.

Ce type de travail au Canada est donc considérable, non seulement pour le nombre d’emplois créés d’un bout à l’autre du pays, mais aussi pour son importante contribution à nos économies régionales et nationales.

[Traduction]

Néanmoins, les travailleurs saisonniers sont aux prises avec des problèmes structurels et systémiques. Chaque année, la sempiternelle question du travail saisonnier ressurgit en faisant figure de crise qui nécessite notre attention immédiate. Toutefois, en dépit des efforts du gouvernement, peu de projets pilotes et d’initiatives semblent fonctionner ou venir à bout du problème dans toute sa complexité.

Je ne prétends pas moi-même avoir toutes les réponses, chers collègues. Je prends la parole aujourd’hui dans le seul espoir d’attirer l’attention de plus de Canadiens et de parlementaires sur ce problème grandissant et de faire une priorité de la recherche de solutions concrètes en concertation avec les gens qui sont les plus touchés par ces problèmes.

[Français]

Je concentrerai mon intervention d’aujourd’hui sur l’état alarmant du travail saisonnier, en parlant de certaines des solutions innovantes qui ont été proposées au cours des dernières années pour répondre à cet enjeu et, enfin, en présentant des options qui s’offrent à nous comme législateurs pour agir par rapport à cette importante question.

Qu’est-ce qu’un emploi dit saisonnier? Selon Statistique Canada, c’est un emploi rémunéré non permanent, qui prend fin à un moment déterminé ou dans un avenir rapproché, une fois passée la pointe saisonnière. L’exemple de la pêche est bien connu, et, selon le type de pêche, on sait que la saison s’étendra d’un jour X à un jour Y. D’autres secteurs économiques composent aussi avec cette réalité, notamment les secteurs touristique et culturel.

À titre d’exemple, les comédiens et les artisans qui travaillent au Pays de la Sagouine à Bouctouche, ou les interprètes qui animent le Village historique acadien à Caraquet, ou encore les employés temporaires qui travaillent dans nos parcs nationaux d’un bout à l’autre du pays, se retrouvent souvent sans emploi lorsque la saison touristique prend fin. La nature temporaire et intermittente de ces activités fait en sorte qu’il est impossible d’obtenir des emplois annuels à temps plein dans ces secteurs.

Si la population canadienne comprend généralement bien cet état de fait, elle ignore souvent la réalité quotidienne des femmes et des hommes qui œuvrent dans ces industries. Quelles sont réellement les conditions de travail de celles et ceux qui occupent des emplois saisonniers? Quels impacts nos politiques publiques ont-elles sur leur réalité socioéconomique? Et, surtout, que pouvons-nous faire pour que tous ces travailleurs et travailleuses puissent vivre dignement sans avoir l’impression d’être des quémandeurs de l’État, comme cela est souvent perçu dans notre société?

(1750)

Il est difficile, honorables collègues, de s’appuyer sur des données probantes pour répondre à ces questions, car, depuis 2007, Statistique Canada n’a fait aucune étude approfondie sur le travail saisonnier. Pourtant, les enjeux liés à ce type de travail sont de plus en plus importants.

J’aborderai donc ici deux des principaux défis qui nous permettent de comprendre la nature systémique des problèmes liés à ce type d’emplois : le fameux trou noir et le manque chronique de travailleurs.

Systématiquement, année après année, dans plusieurs régions du pays, les travailleurs qui occupent des emplois saisonniers font face à ce qui est communément appelé le « trou noir ». Il s’agit de la période de temps qui s’étend entre la fin de la réception des prestations d’assurance-emploi et le début de la nouvelle saison de travail. Comme l’a décrit avec justesse la sénatrice Poirier, la durée du trou noir varie donc d’année en année, selon le taux de chômage.

Plus le taux de chômage est bas, plus il faut accroître le nombre d’heures travaillées pour être éligible à l’assurance-emploi et, paradoxalement, moins la période de prestations reçues sera longue. Vous comprendrez qu’il est donc plus difficile d’accéder à l’assurance-emploi dans ce contexte.

Cette réalité est particulièrement problématique au Canada atlantique et dans plusieurs régions rurales du pays, où le taux de chômage est actuellement en baisse, mais pour des raisons qu’on pourrait qualifier d’artificielles. Au Nouveau-Brunswick, à titre d’exemple, le taux de chômage diminue rapidement, mais cela est surtout attribuable à l’accélération du vieillissement de la population et à l’arrivée à l’âge de la retraite d’un plus grand nombre de travailleurs.

Ma province natale a perdu plus de 11 000 travailleurs depuis 2013, en raison du départ à la retraite de nombreux citoyens ou parce qu’ils ont quitté la province pour trouver un emploi ailleurs. D’ici 15 ans, chers collègues, ce sont 40 000 travailleurs en moins qui seront sur le marché du travail au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Essentiellement, le problème systémique qui touche les travailleurs saisonniers découle des politiques publiques, qui ne sont pas adaptées à leurs réalités et à celles des régions qui dépendent des industries où ils évoluent.

Comme l’a indiqué Karen Foster, sociologue et experte en aide sociale de l’Université Dalhousie, dans un article publié en 2017 :

Le régime d’assurance-emploi n’est pas conçu pour répondre aux besoins des travailleurs saisonniers. Par défaut, il a fini par assumer ce rôle, mais, comme on l’a constaté avec le problème des trous noirs, structurellement, il n’aide guère les travailleurs saisonniers à faire la transition d’une saison à l’autre.

[Français]

Cette réalité du trou noir a un impact important, dans le fond, sur l’ensemble du monde du travail au Canada. L’incertitude financière que vivent ces travailleurs, année après année, en raison du manque de programmes adaptés à leur type d’emplois, décourage de nombreuses personnes qui souhaiteraient travailler dans ces industries saisonnières à poursuivre dans cette voie professionnelle. Pire encore, cela encourage les gens à quitter leur région, ce qui contribue à accroître la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs.

[Traduction]

Si la plupart des gens ont tendance à associer les emplois saisonniers au secteur agricole et à celui des pêches, il ne faut pas oublier que le secteur du tourisme, c’est-à-dire un des secteurs d’activité qui croît le plus rapidement, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde, a énormément recours aux travailleurs saisonniers et contractuels.

Dans un rapport produit en 2016, Tourisme Canada estimait qu’en 2020, le secteur touristique canadien compterait au-delà de 130 000 emplois vacants. L’écart entre les emplois offerts et les travailleurs disponibles pourrait même dépasser 240 000 emplois en 2035.

Cette réalité n’est pas uniquement celle du secteur du tourisme. De nombreux autres secteurs saisonniers ont du mal à recruter des employés et à les garder. C’est notamment dû au faible nombre de programmes destinés aux travailleurs saisonniers.

[Français]

Cet écart grandissant entre la main-d’œuvre disponible et le nombre d’emplois disponibles met en lumière, de manière évidente, le manque d’efficacité des politiques publiques qui soutiennent les travailleurs de ces industries. Alors, que faire? Quelles solutions proposer, compte tenu de ce constat désolant?

La professeure Karen Foster nous propose une solution qui vise un changement plus profond que la simple révision du programme d’assurance-emploi, et je cite :

[Traduction]

En tant que sociologue, je me suis intéressée à l’emploi, au chômage, à la productivité et, plus récemment, aux économies rurales, et j’en suis venue à croire que l’instauration d’un revenu minimal demeure la solution la plus prometteuse pour mettre fin au chômage cyclique et structurel, y compris aux emplois saisonniers qui font vivre les provinces de l’Atlantique, où j’habite et où je travaille.

De nombreuses raisons m’ont amenée à cette conclusion, mais trois sortent du lot.

Primo, le revenu minimal n’a pas la même connotation négative que l’assurance-emploi ou l’aide sociale. Il s’agit à n’en pas douter d’un projet moral, car il repose sur le principe voulant que chacun mérite de vivre dans la dignité et à l’abri des soucis financiers.

Secundo, le revenu minimal nous dispense de croire à l’idée incroyablement naïve voulant que l’ensemble de la population puisse occuper un emploi en tout temps.

Tertio, l’instauration d’un revenu minimal pourrait atteindre tous ces objectifs sans nécessiter une immense structure bureaucratique remplie de gens dont la tâche consiste à vérifier que leur voisin dit la vérité sur ses recherches d’emploi. Le revenu minimal pourrait regrouper en un seul paiement une bonne partie des nombreux transferts gouvernementaux actuels, éliminant du coup les piles de formulaires qui les accompagnent.

On peut très bien imaginer que les personnes handicapées et les parents de jeunes enfants auraient droit à un supplément à déterminer. Quant à l’assurance-emploi, elle continuerait d’être offerte aux gens qui perdent leur emploi, sauf qu’elle ne servirait plus d’expédient aux aléas du travail saisonnier.

[Français]

Chers collègues, cette proposition n’est pas étrangère aux Canadiens. Des gouvernements précédents ont exploré la possibilité de mettre en place de tels programmes. C’est le cas de l’expérience MINCOME, qui eut lieu au Manitoba dans les années 1970, où les gouvernements fédéral et provincial octroyaient un revenu annuel de base à un certain pourcentage de la population. Plus récemment, le gouvernement de l’Ontario a également exploré ce concept. Malheureusement, les deux expériences ont été annulées avant d’être terminées, ce qui fait en sorte qu’il n’y a pas de données disponibles pour les législateurs.

Cela dit, il existe au Canada une sorte d’expérience imprévue avec le revenu de base qui montre à quel point ce type de programme peut être bénéfique. Il s’agit du programme de la Sécurité de la vieillesse et des programmes complémentaires qui l’accompagnent. Cette pension offre à tous les Canadiens de 65 ans et plus la possibilité d’organiser leur vie en sachant qu’ils vont percevoir, chaque mois, un revenu déterminé et garanti. Cela change la vie de nombreux citoyens canadiens qui atteignent l’âge de 65 ans et qui, du jour au lendemain, ne vivent plus dans l’incertitude des revenus variables. Imaginez l’effet que pourrait avoir ce genre de programme sur la vie des Canadiens qui font face chaque année à des décisions difficiles, uniquement parce que leur industrie est incapable d’offrir de l’emploi sur une base annuelle.

Chers collègues, peu importe le nom qu’on lui donne — revenu universel, revenu minimum garanti, revenu de base —, il me semble que cette idée a le mérite d’aborder de front un nombre important d’enjeux touchant le monde du travail au Canada. Comme solution structurante, il nous faut à tout le moins approfondir très sérieusement cette proposition — ce qu’il ne m’est pas possible de faire dans le cadre de cette allocution —, qui semble offrir des solutions concrètes aux nombreux problèmes liés au travail saisonnier.

Une autre solution mise de l’avant par plusieurs groupes regroupant des travailleurs saisonniers viserait à mettre fin au défi lié au caractère imprévisible du trou noir en créant des zones protégées.

[Traduction]

On pourrait établir ce genre de zones dans des régions précises où il y a une forte concentration de travailleurs saisonniers. Ce serait une nouvelle catégorie donnant droit aux prestations de l’assurance-emploi. Cette nouvelle catégorie pourrait être exclue des calculs liés au taux de chômage variable, de sorte que le problème des critères d’admissibilité à l’assurance-emploi et de la durée des prestations seraient tous les deux réglés.

Cela signifie également, contrairement à ce qui se passe actuellement, qu’un travailleur pourrait décider des années à l’avance de la façon dont il veut répartir ses revenus provenant de son travail saisonnier et de ses prestations d’assurance-emploi. C’est similaire à ce que proposent les personnes qui demandent un revenu minimum garanti. Les travailleurs pourraient organiser leur temps.

[Français]

En conclusion, chers collègues, l’enjeu central des personnes qui œuvrent dans les industries saisonnières est celui de la précarité et de l’incertitude de leur revenu. À cet égard, toutes les solutions qui permettent de stabiliser et de faciliter la planification financière de ces travailleuses et travailleurs méritent notre pleine attention à titre de législateurs.

Celles que je vous ai présentées aujourd’hui sont-elles les bonnes? Est-ce qu’il y en a d’autres? Quelles sont les réelles solutions à ce problème systémique? Je ne suis pas sûr de la réponse, mais ce dont je suis certain, c’est qu’il est urgent que nous nous penchions de manière sérieuse sur les défis que doivent affronter nos concitoyennes et concitoyens qui travaillent dans le domaine saisonnier.

(1800)

[Traduction]

Honorables sénateurs, le marché du travail et le monde du travail ont beaucoup changé au cours des dernières années. Malheureusement, les politiques publiques ne sont pas adaptées aux nouvelles réalités. Il y a urgence de créer un comité ou de mandater un comité pour étudier la question du travail atypique au Canada afin de faire face à la complexité de ces questions.

[Français]

Nous avons dans cette enceinte des collègues engagées, telles que la sénatrice Bellemare et la sénatrice Ringuette, qui ont proposé plusieurs initiatives associées au plein-emploi ou à la création d’un comité permanent sur les ressources humaines pour que nous puissions, ensemble, approfondir dès que possible ces questions liées aux travailleurs et à leurs conditions de travail.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures.

[Traduction]

Honorables sénateurs, conformément à l’article 3-3(1), je suis tenu de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

[Français]

Le sénateur Cormier : En conclusion, vivement l’adoption de la motion de la sénatrice Ringuette pour la création d’un comité sur les ressources humaines pour qu’une étude approfondie sur l’évolution du marché du travail prenne place ici, au sein du Sénat du Canada.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, au nom de la sénatrice Hartling, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre en vigueur les dispositions restantes du projet de loi S-3

L’honorable Lillian Eva Dyck, conformément au préavis donné le 19 février 2019, propose :

Que le Sénat, à la lumière de la décision prise par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies du 11 janvier 2019, qui a statué que les hiérarchies fondée sur le sexe en vigueur dans les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription violent les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, exhorte le gouvernement fédéral à mettre en vigueur les dispositions restantes du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens pour donner suite à la décision de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Descheneaux c. Canada (Procureur général), qui remédierait à la discrimination, au plus tard le 21 juin 2019.

—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion inscrite à mon nom. Cette motion a été entérinée à l’unanimité par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones le mardi 19 février 2019. Essentiellement, elle exhorte le gouvernement à mettre en vigueur toutes les dispositions du projet de loi S-3 au plus tard le 21 juin 2019. Ainsi, toutes les mesures discriminatoires envers les femmes qui ont le statut d’Indien qui se sont mariées avec un homme qui n’a pas ce statut seront retirées de la Loi sur les Indiens. À vrai dire, cette motion s’inscrit dans la continuité du rôle central que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a joué pour amener le gouvernement à inclure dans le projet de loi S-3 des dispositions qui mettront fin à la discrimination envers les femmes autochtones et leurs descendants en ce qui a trait au statut d’Indien.

Le 11 janvier 2019, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a publié sa décision à la suite d’une pétition présentée par Sharon McIvor et Jacob Grismer sur la question de la discrimination sexuelle dans les dispositions d’inscription au registre de la Loi sur les Indiens, plus particulièrement la discrimination à laquelle sont exposée les personnes qui retracent leurs ancêtres des Premières Nations de manière matrilinéaire.

Comme je l’ai fait remarquer dans ma déclaration de mercredi dernier, la décision porte expressément sur la hiérarchie dont il est question au paragraphe 6(1) de la Loi sur les Indiens. Selon ce que le comité a déterminé, la hiérarchie existante maintient la discrimination et va à l’encontre des obligations internationales du Canada aux termes des articles 3 et 26 lus à la lumière de l’article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans sa décision, le comité a donné au Canada un délai de 180 jours pour répondre et proposer des correctifs aux pétitionnaires.

Honorables sénateurs, un recours existe déjà en droit, mais n’est pas encore entré en vigueur. Les sénateurs se rappelleront le projet de loi S-3 et les progrès significatifs qu’ils ont accomplis pour finalement éliminer la discrimination fondée sur le sexe que comportaient les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives au registre. Ajouté au projet de loi au moyen d’un amendement du sénateur Harder, l’article 2.1 élimine non seulement le seuil fixé à 1951, mais aussi la hiérarchie prévue au paragraphe 6(1) de la Loi sur les Indiens.

Dans mon discours sur la motion du sénateur Harder, je déclarais :

Comme je l’ai déjà dit, et je vais me répéter, le Sénat peut continuer de jouer un rôle concret et exercer une surveillance de la mise en œuvre de ce nouvel amendement par le gouvernement.

Sénateurs, c’est exactement ce qui a motivé la motion dont vous êtes saisis. Aux termes de la nouvelle décision prise par le comité de l’ONU, nous devrions continuer d’exercer ce rôle de surveillance de la mise en œuvre de l’amendement par le gouvernement, qui règle à la fois le problème de discrimination que représentait le seuil fixé à 1951 et celui des enjeux de hiérarchie que réglait la nouvelle décision de l’ONU.

Sénateurs, je tiens à vous expliquer pourquoi on a choisi le délai du 21 juin pour que le gouvernement mette pleinement en œuvre le projet de loi S-3 et fasse entrer en vigueur les dispositions destinées à éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans les inscriptions au registre des Indiens. Chers collègues, vous vous rappellerez le discours prononcé en novembre 2017 par le sénateur Patterson sur l’amendement proposé par le sénateur Harder à la suite du message envoyé par la Chambre des communes sur le projet de loi S-3, dans lequel étaient clairement énoncées les réalités parlementaires liées aux dates d’entrée en vigueur de projets de loi tels que le S-3.

Bien que le comité des Nations Unies prévoie une échéance de 180 jours qui nous mènerait au mois de juillet, la motion est adaptée à la réalité actuelle du Parlement. D’après le calendrier de la Chambre des communes, la dernière séance de la Chambre est prévue pour le 21 juin 2019. Cela nous laisse le temps de suivre le processus habituel, selon lequel l’entrée en vigueur d’articles de la loi se fait par décret du gouvernement. Il faudra notamment que le Cabinet approuve la date d’entrée en vigueur du 21 juin 2019, et que les ressources budgétaires nécessaires soient en place. À l’heure actuelle, le gouvernement mène des consultations et élabore un plan pour la mise en œuvre complète du projet de loi S-3. Le processus de consultation se terminera à la fin mars 2019. Le gouvernement devra ensuite, d’ici le 12 juin 2019, déposer son rapport sur les résultats des consultations et son plan pour la mise en œuvre complète du projet de loi S-3. La date mentionnée dans la motion d’aujourd’hui, soit le 21 juin, tient compte des différentes étapes que le gouvernement doit mener à bien pour la mise en œuvre complète du projet de loi S-3.

Il faut aussi garder à l’esprit que, quelles que soient les recommandations du rapport, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a ordonné au Canada de remédier à la discrimination dans les 180 jours.

Chers collègues, certains parlementaires jugent peut-être cette motion inutile puisque, après tout, les Nations Unies ont ordonné au Canada d’agir. Rappelons toutefois que, malgré les nombreuses causes traitées par les tribunaux provinciaux à propos de questions autochtones et le fait que la Cour suprême a même rendu des décisions à ce sujet, le Canada n’agit pas nécessairement dans des délais raisonnables. Certains groupes craignent que la décision des Nations Unies soit écartée et que les dispositions pertinentes du projet de loi S-3 n’entrent pas en vigueur avant longtemps. Cette motion a donc un rôle clé à jouer pour amener le Canada à agir d’ici le 21 juin.

(1810)

Chers collègues, au cours des dernières semaines, depuis la décision historique de janvier de l’ONU concernant la discrimination fondée sur le sexe dans le Registre des Indiens, de nombreux groupes de femmes demandent au Canada de se conformer immédiatement à cette décision. Les avocats des plaignants ont communiqué avec moi et avec le Comité des peuples autochtones pour nous demander de veiller à ce que le Canada s’y conforme le plus rapidement possible. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la réponse de notre comité a été d’appuyer la motion présentée aujourd’hui. De plus, l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique et l’Association des femmes autochtones du Québec demandent au Canada d’arrêter son processus de consultation et de mettre immédiatement en œuvre la décision de l’ONU.

Si je parle de tous ces éléments, c’est pour montrer l’urgence de la motion d’aujourd’hui et expliquer pourquoi plusieurs sénateurs étaient prêts à en parler jeudi soir dernier. Or, le sénateur Woo a demandé l’ajournement de la séance avant que la motion ne soit appelée, et j’étais très déçue. J’étais déçue des tactiques partisanes des deux côtés. Nous devions aborder la motion mardi, mais les sénateurs de l’opposition ont présenté de nombreuses motions et fait en sorte que la sonnerie retentisse pendant une heure à chaque fois jusqu’à ce qu’il soit minuit, ce qui a paralysé les travaux du Sénat. Certains parmi nous étaient prêts à prendre la parole lors de ces deux séances et nous nous attendions à passer au vote. Il semble que l’importance et l’urgence de cette motion n’étaient pas connues et qu’elles ont été ignorées.

Chers collègues, comme j’appartiens à l’une des milliers de familles touchées par la décision des Nations Unies, je connais bien ses profondes répercussions. En tant que sénatrice crie et membre de la Première Nation de Gordon, en Saskatchewan, je ressens une énorme responsabilité et un sentiment personnel d’urgence en vue d’éliminer le plus rapidement possible la discrimination dont les femmes font l’objet au regard de leur statut au registre des Indiens.

J’aimerais tenter de vous expliquer brièvement pourquoi ce statut est si important. Le statut d’Indien inscrit permet de maintenir son identité en tant qu’Indien, membre des Premières Nations. Une personne qui jouit de ce statut obtient des soins de santé et d’autres avantages, ainsi que le droit de vivre dans une réserve et de faire partie de sa famille, de sa communauté et de sa culture. Par exemple, quand ma mère, Eva McNab, a épousé mon père, Yok Leen Quan, son statut d’Indienne a été automatiquement révoqué. Mon frère et moi n’avons été admissibles au statut qu’en 1985, lorsque le Parlement a adopté le projet de loi C-31. Pour ma mère, mon frère et moi, la perte du statut a entraîné une rupture des liens familiaux. Nous avons grandi isolés de nos parents. Nous n’avons pas pu vivre dans la Première Nation de Gordon. Notre savoir culturel a été amputé. Nous avons grandi coupés de la culture et de la spiritualité cries. Nous ne connaissons pas notre propre langue. Nous avons souffert des conséquences de la perte de notre identité, ce qui, compte tenu aussi du racisme sévissant dans les communautés blanches, a nui encore davantage à notre identité personnelle.

C’est pourquoi la décision des Nations Unies est tellement importante et historique.

Je souhaite également signaler aux nouveaux sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants que, pour forcer le gouvernement à ajouter les dispositions dans le projet de loi S-3, les « anciens sénateurs » ont dû travailler fort pendant un an et le Comité des peuples autochtones a dû faire preuve de créativité en matière de stratégie. Lorsqu’il entrera en vigueur par décret, le projet de loi mettra fin à la discrimination dont sont victimes les femmes qui ont perdu leur statut lors de leur mariage avec un non-Indien, et les descendants de ces femmes.

Honorables sénateurs, comme je l’ai déjà dit jeudi dernier et mardi de cette semaine, j’ai été profondément déçue qu’on ait essayé d’empêcher l’étude de la motion par des manœuvres politiques. Il est profondément décevant de ne pas avoir l’occasion de parler de la motion, car elle est importante et pressante. Certains d’entre vous pensent peut-être qu’attendre quelques jours n’est pas grave, mais lorsque des intervenants comptent sur nous — le Comité des peuples autochtones, en particulier — et qu’ils nous pressent d’agir immédiatement, attendre quelques jours de plus est grave. Les centaines de milliers de personnes touchées par la décision de l’ONU veulent avoir l’assurance que le Canada respectera son engagement en ce qui concerne le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et qu’il appliquera la décision de l’ONU.

Chers collègues, le mardi 19 février, l’aînée Claudette Commanda a animé une cérémonie sacrée ici, dans la magnifique nouvelle enceinte du Sénat. Elle a demandé à l’esprit de nos ancêtres de guider et d’appuyer le travail des sénateurs. J’ai senti la présence de mes parents. Aujourd’hui, je sens le besoin de parler au nom de ma mère et des milliers d’Indiennes qui, comme elle, ont été dépouillées de leur identité d’Indiennes de plein droit pour la simple raison qu’elles ont épousé un homme qui n’avait pas le statut d’Indien. La décision permettra à environ 250 000 personnes de recouvrer leur statut d’Indien si elles le veulent. À mon avis, lorsqu’on a ajourné plus tôt la séance de jeudi dernier et paralysé les travaux ce mardi, on a manqué de respect envers ces personnes et les sénateurs qui étaient prêts à prendre la parole au sujet de la motion. La motion qui exhorte le gouvernement à mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne le registre des Indiens est extrêmement importante. Nous aurions dû débattre la question mardi dernier. Nous étions sur le point de le faire. Nous aurions pu terminer le débat avant 20 heures, mais cela ne s’est pas fait.

Chers collègues, nous sommes en 2019. Il y a 150 ans, on a adopté une loi qui a retiré aux Indiennes le statut de citoyennes de leur nation, un statut qui leur revient, si elles se mariaient avec un homme n’ayant pas le statut d’Indien. Malgré les nombreuses plaintes et décisions des tribunaux, la Couronne n’a pas agi de bonne foi. C’est pourquoi il est extrêmement important que le Sénat continue à faire pression sur le Canada afin qu’il se conforme à cette décision historique des Nations Unies. Le Sénat doit adopter cette motion pour exhorter le Canada à faire entrer en vigueur, d’ici le 21 juin 2019, les dispositions du projet de loi S-3 qui élimineront le seuil fixé à 1951 et la hiérarchie des catégories de statut créée par le paragraphe 6(1).

La motion d’aujourd’hui correspond au rôle extrêmement important du Sénat, qui consiste à continuer d’exhorter le gouvernement à éliminer entièrement la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens. Elle s’inscrit également dans le rôle de premier plan que le Sénat a joué par rapport au projet de loi S-3. Grâce aux mesures que nous avons prises au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et au Sénat, le gouvernement a finalement ajouté la disposition qui éliminera la discrimination fondée sur le sexe dans le projet de loi S-3. La défense du projet de loi S-3 a été non partisane; tous les groupes en cette enceinte ont donné leur appui. J’espère que le Sénat montrera encore une fois la voie à suivre en adoptant la motion à l’unanimité.

Chers collègues, nous vivons un moment historique dans la toute nouvelle enceinte du Sénat. Le projet de loi S-3, une fois mis en œuvre intégralement, éliminera la discrimination contre les Indiennes et leurs descendants, à qui on a refusé le statut d’Indien simplement parce qu’elles se sont mariées avec un homme non inscrit.

Je sollicite votre appui, comme je l’ai fait lors de nos délibérations sur le projet de loi S-3, pour que nous adoptions à l’unanimité la motion dans notre nouvelle enceinte.

Je crois savoir que le sénateur Patterson aimerait formuler quelques observations aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, j’exhorte les sénateurs à mettre la motion aux voix aujourd’hui. Faisons de cette motion la première à être adoptée à l’unanimité afin de poursuivre l’excellent travail non partisan dirigé par le Comité des peuples autochtones et appuyé par l’ensemble du Sénat. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’appui de la motion présentée par notre collègue la sénatrice Dyck.

La sénatrice Dyck nous a donné un peu de contexte et nous a raconté son histoire personnelle, ce dont nous la remercions.

Toutefois, si je puis, j’aimerais également, pour les sénateurs qui n’étaient pas ici à ce moment-là, faire part de mon point de vue sur l’historique du projet de loi afin que les sénateurs puissent comprendre l’importance de faire entrer en vigueur ces dispositions du projet de loi S-3. J’estime également qu’il est important que nos collègues connaissent cet historique pour mieux comprendre le combat collectif mené par les membres du comité afin de faire inclure ces dispositions dans le projet de loi à l’origine. Je tiens à souligner que, comme l’a dit la sénatrice Dyck, le comité a travaillé de manière pleinement collaborative et non partisane, ce qui est tout à son honneur.

Le projet de loi S-3 était intitulé : Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription).

Le 17 novembre 2016, j’ai pris la parole au Sénat à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi. En tant que porte-parole, j’ai décrit le projet de loi comme il m’avait été décrit lors d’une séance d’information du Sénat. Je croyais alors que le projet de loi éliminerait les iniquités fondées sur le sexe en matière d’inscription figurant toujours dans la Loi sur les Indiens, à la lumière de la décision judiciaire rendue au Québec dans l’affaire Descheneaux.

(1820)

Cependant, lorsque le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, il est devenu dès lors évident qu’il ne s’agissait pas d’éliminer une fois pour toutes la discrimination fondée sur le sexe, comme le promettait le titre abrégé. En effet, des témoins ont signalé au comité que, dans plusieurs situations, la discrimination continuerait d’exister.

Sous la direction chevronnée de la sénatrice Dyck, notre comité a été en mesure d’examiner de façon efficace les lacunes du projet de loi et de mettre en lumière les problèmes liés aux consultations et à la portée de la mesure législative qui auraient empêché de nombreuses femmes des Premières Nations et leurs descendants de revendiquer le statut qui leur revient.

Chers collègues, je dois admettre que, avant ce projet de loi, je n’étais pas conscient de l’immense complexité de ce qu’on appelle l’inscription au registre des Indiens. Au Nunavut, pour qu’on puisse accorder le statut de bénéficiaire à un enfant, son père ou sa mère doit être bénéficiaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que mes trois enfants biologiques sont tous des bénéficiaires inuits.

La Loi sur les Indiens ne prévoit pas ce moyen pratique de transmettre le statut d’indien. Au fil des ans, des modifications et des retouches ont créé un labyrinthe complexe en matière de désignation de statuts différents qui peut avoir une incidence sur la capacité d’une mère de transmettre son statut à ses enfants ou à ses petits-enfants.

J’ai compris, grâce à l’étude de ce projet de loi, que l’un des objectifs injustes et non déclarés de la Loi sur les Indiens était la diminution des droits des femmes autochtones. Fort du savoir, de l’expérience et des compétences de ses membres, le comité a eu recours à tous les mécanismes qu’offre la procédure parlementaire pour apporter des amendements visant à donner un statut égal à tous les bénéficiaires, peu importe leur filiation matrilinéaire ou patrilinéaire. Nous avons notamment eu recours à un vote majoritaire pour faire un rapport négatif au sujet du projet de loi, chose rare. Cela a obligé la ministre responsable à tenter de repousser la date butoir imposée par la cour pour prendre des mesures quant aux problèmes soulevés dans l’arrêt Descheneaux, alors que le ministère avait refusé de le faire lorsque la proposition avait été faite au gouvernement au comité.

Le projet de loi a ensuite été étudié une deuxième fois au comité.

Pendant la deuxième ronde de réflexion, un amendement clé a été proposé et adopté. Il cherchait à corriger les injustices historiques subies par les femmes autochtones qui avaient perdu leur statut en se mariant avec un homme n’ayant pas le statut d’Indien avant les années 1951, et à supprimer la discrimination fondée sur le sexe en matière d’inscription. Je suis reconnaissant et honoré d’avoir participé aux efforts de premier plan déployés par le comité.

Ces amendements progressistes et historiques ont été retirés lors de l’étude du projet de loi à l’autre endroit.

Paradoxalement, le message annonçant la suppression des amendements du Sénat a été finalisé à la Chambre le jour même de la Journée internationale des femmes.

Je veux reconnaître aussi l’aide apportée par le représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder, pour exprimer au gouvernement la ferme intention du comité, du Sénat en fait, de ne pas se contenter de mesures partielles pour mettre fin à la longue et triste histoire de la discrimination sexuelle dans la Loi sur les Indiens.

Je vous en remercie, sénateur Harder.

Ensemble, après avoir reçu le message annonçant la suppression de nos amendements, ensemble, les membres du comité et les sénateurs ont insisté sur les amendements qui retiraient ce qu’on appelle la limite de 1951. Il s’agissait pour le gouvernement de travailler en collaboration avec les Premières Nations pour discuter des problèmes de statut et de citoyenneté afin de supprimer entièrement l’année limite. Toutefois — et je suppose que c’était un compromis que nous avions accepté non sans difficulté et sans une certaine anxiété chez certains sénateurs —, aucune date butoir n’avait été fixée pour ce processus.

Au moment de l’étude du message modifié, j’ai soulevé des réserves à l’égard des chiffres approximatifs qui nous avaient été fournis dans une évaluation des répercussions de l’adoption de ce qu’on appelait l’application universelle de l’alinéa 6(1)a) dans le fameux rapport Clatworthy. Je comprends que les auteurs de ce rapport ont disposé de peu de temps pour produire un rapport exact entre la deuxième prolongation accordée par le tribunal et la réception du message modifié. Il m’a été difficile de devoir adopter cette disposition sans avoir l’heure juste sur ses possibles répercussions.

D’ailleurs, la juge Chantal Masse, qui présidait le tribunal dans l’affaire Descheneaux, a déclaré ceci dans sa décision :

Il va de soi également que la question des coûts qu’impliqueraient des dispositions plus inclusives est un élément parmi d’autres que le législateur peut considérer.

Elle a raison. Je crois que tout gouvernement responsable, à n’importe quel niveau, devrait pouvoir mesurer les conséquences potentielles des politiques qu’il adopte, sur les plans éthique, social et financier. Le public mérite de connaître les coûts et le plan de mise en œuvre avant que ce projet de loi soit promulgué.

Cela dit, lorsqu’il s’agit de légiférer sur des enjeux liés aux droits de la personne, le Parlement ne peut pas se baser uniquement sur les coûts. Voilà pourquoi je continue d’appuyer les dispositions que cette motion vise à faire entrer en vigueur. J’avais promis alors d’examiner attentivement ce processus lorsque le gouvernement ferait rapport au Sénat au terme de cinq mois et de 12 mois et je l’ai fait.

Nous continuerons d’exiger que le gouvernement justifie notamment l’absence de date de clôture pour la période de consultation et de prévisions des coûts entraînés par cette mesure.

Honorables sénateurs, j’estime qu’il nous incombe, à titre de législateurs, de profiter de l’occasion qui nous est donnée pour éliminer l’iniquité qui perdure entre les descendants des lignées maternelle et paternelle. Je tiens à souligner que l’une de nos collègues, la sénatrice Lovelace Nicholas, a été l’une des premières personnes à défendre cette cause.

De nombreuses femmes et leurs descendants attendent le rétablissement de leurs droits depuis des décennies. Certains de leurs descendants ont attendu toute leur vie la reconnaissance de leurs droits.

Compte tenu de la décision rendue récemment par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, qui a confirmé le fait que la Loi sur les Indiens du Canada continue de contrevenir aux obligations du pays en matière de droit de la personne à l’échelle internationale, nous avons l’occasion de redresser une fois pour toutes ces torts historiques et de permettre à ces femmes et à leurs descendants de tourner la page en adoptant cette motion et en demandant au gouvernement de remplir la promesse qu’il nous a faite il y a 15 mois.

Honorables sénateurs, le fait de refuser aux femmes et à leurs descendants le statut et les droits qui leur reviennent est, selon moi, un des facteurs à l’origine de nombreux maux sociaux, dont le nombre disproportionné de femmes et de filles autochtones ayant des problèmes d’itinérance, de pauvreté, de chômage et de santé et qui, tragiquement, trop souvent, ont été portées disparue ou assassinées.

Nous sommes sur le point d’assister à un important changement de paradigme, qui vise à nous éloigner de décennies de politiques consistant à limiter le statut des femmes autochtones à coups de mesures législatives pour nous orienter vers des politiques qui favorisent la réconciliation et l’inclusion.

C’est pourquoi j’exhorte en toute confiance mes honorables collègues à appuyer à l’unanimité cette motion. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Langues officielles

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

À l’appel de la motion no434 par l’honorable René Cormier :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 1er mars 2019, son rapport provisoire sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles : la perspective des personnes qui ont été témoins de l’évolution de la Loi, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, je demande que le préavis de motion no 434 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

[Traduction]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner certains événements liés à l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada et à inviter des témoins—Ajournement du débat

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : , conformément au préavis donné le 19 février 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations graves et troublantes voulant que des personnes au sein du cabinet du premier ministre aient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée, et d’entraver son indépendance, pouvant ainsi porter atteinte à l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, dans le cadre de cette étude, et sans limiter le droit du comité d’inviter d’autres témoins s’il le juge opportun, le comité invite :

Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député, premier ministre du Canada;

L’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée;

L’honorable David Lametti, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada;

Michael Wernick, greffier du Conseil privé;

Kathleen Roussel, directrice des poursuites pénales;

Katie Telford, chef de cabinet du premier ministre du Canada;

Gerald Butts, ancien secrétaire principal du premier ministre du Canada;

Mathieu Bouchard, conseiller principal du premier ministre;

Elder Marques, conseiller principal du premier ministre;

Jessica Prince, ancienne chef de cabinet du ministre des Anciens Combattants;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 1er juin 2019;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

 —Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer la motion voulant que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations selon lesquelles des personnes au sein du cabinet du premier ministre auraient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada.

(1830)

[Français]

Honorables collègues, permettez-moi de répéter pourquoi je crois qu’il est essentiel que toute cette affaire soit étudiée par notre Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Traduction]

Le 7 février, un article du Globe and Mail révélait que des hauts placés du cabinet du premier ministre étaient présumés avoir exercé des pressions sur Mme Wilson-Raybould pour qu’elle conclue avec SNC-Lavalin un règlement négocié qui aurait évité à l’entreprise un procès pour accusations de corruption et de fraude.

Il y a deux semaines, Mme Wilson-Raybould démissionnait du Cabinet, suivie peu après par le secrétaire principal du premier ministre Justin Trudeau, Gerald Butts, qui démissionnait à son tour.

Accompagnée mardi dernier par son ancienne directrice de cabinet Jessica Prince, Mme Wilson-Raybould a fait part à ses anciens collègues de ses inquiétudes concernant le traitement de la poursuite de SNC-Lavalin par rapport au caractère confidentiel des réunions du cabinet. Libérée du secret professionnel auquel elle était tenue, Mme Wilson-Raybould a pu alors divulguer les informations qu’elle n’avait pas pu communiquer jusqu’à maintenant.

Selon le Globe and Mail, des sources affirment que l’ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould a déclaré à des ministres du Cabinet que, selon elle, il n’était pas approprié que des hauts placés du cabinet du premier ministre fassent pression pour qu’elle aide le groupe SNC-Lavalin à éviter ces difficultés juridiques. Une source qui est au courant des discussions du Cabinet a déclaré que Mme Wilson-Raybould a affirmé que la directrice des poursuites pénales avait rejeté un règlement négocié avec SNC-Lavalin en fonction des dispositions de la loi s’appliquant à l’affaire à laquelle la compagnie était mêlée.

Mercredi dernier, elle est intervenue à la Chambre des communes en disant espérer que le secret professionnel serait levé afin qu’elle puisse « dire sa vérité ».

Hier, Mme Jody Wilson-Raybould nous a fourni des détails choquants sur les questions dont elle a obtenu le droit de parler. Nous avons entendu ce qu’elle a dit:

[...] j’ai fait l’objet de pressions soutenues et constantes de la part de nombreuses personnes au sein du gouvernement qui, pour des considérations d’ordre politique, souhaitaient que je passe outre au pouvoir discrétionnaire des procureurs [...]

Comme nous le savons, le gouvernement libéral a modifié le Code criminel pour qu’il soit possible de conclure un accord de suspension des poursuites dans lequel une entreprise admet avoir mal agi et paie une amende, de manière à éviter un procès. Cette disposition était enfouie profondément dans le projet de loi budgétaire des libéraux.

Cependant, la formulation de la nouvelle disposition ne permet pas aux procureurs de considérer les intérêts économiques du pays avant de décider de conclure ou non un accord avec une entreprise. Nous savons que le gouvernement libéral n’est pas très attentif aux détails lorsqu’il élabore des politiques ou des projets de loi. C’est un gouvernement qui ne s’intéresse qu’aux relations publiques.

Seulement deux semaines après avoir pris la décision de tenir un procès, soit le 4 septembre, une date à retenir, la directrice des poursuites pénales écrit à SNC-Lavalin pour lui faire part de son intention de tenir un procès.

Le premier ministre et le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, rencontrent Jody Wilson-Raybould le 17 septembre, qui est la deuxième date à retenir.

Le 4 septembre, la procureure envoie un message disant qu’il y aura un procès.

Le 17 septembre, la deuxième date, une rencontre a eu lieu avec le premier ministre et le greffier. C’est lors de cette rencontre que le premier ministre a parlé de la perte potentielle d’emplois et du déménagement de SNC-Lavalin, et que le greffier supposément non partisan du Conseil privé a déclaré :

[...] il y a une réunion du conseil [de SNC-Lavalin] prévue le jeudi 20 septembre avec les actionnaires.

L’entreprise déménagera probablement à Londres si le problème n’est pas réglé. Par ailleurs, il y aura bientôt des élections au Québec.

Selon son témoignage d’hier, c’est à ce moment-là que le premier ministre est intervenu en insistant sur le fait qu’il y aura des élections au Québec, et qu’il a dit : « Je suis député du Québec, le député de Papineau ».

Jody Wilson-Raybould a dit que cela l’a assez surprise et qu’elle s’en souvenait très bien. Elle a posé une question directe au premier ministre tout en le regardant droit dans les yeux.

Êtes-vous en train de vous ingérer politiquement dans mon rôle, ma décision à titre de procureure générale? Je vous déconseille fortement de le faire.

Le premier ministre a répondu : « Non, non, non, mais il faut trouver une solution ».

Mercredi dernier, pendant la période des questions, M. Trudeau a dit que tout ce qu’il a fait avait comme objectif de garder les emplois au Canada.

[...] j’ai été on ne peut plus clair cet automne et je le suis tout autant maintenant: nous favoriserons toujours les emplois et la croissance économique au Canada. Nous défendrons toujours les travailleurs, d’un bout à l’autre du pays [mais nous] maintiendrons le cap tout en respectant l’indépendance de l’appareil judiciaire, la primauté du droit et les institutions qui font du Canada l’une des plus grandes démocraties au monde.

Au début de septembre, lorsque les procureurs ont décidé d’intenter des poursuites — il s’agit d’une date clé, le 4 septembre —, Mme Wilson-Raybould a informé son cabinet qu’elle estimait qu’il était inapproprié pour quiconque, y compris le premier ministre, les membres de son personnel et d’autres représentants du gouvernement, de soulever la question auprès d’elle. Apparemment, Mme Wilson-Raybould a refusé de revenir sur sa position lors de la réunion du cabinet.

Le lendemain de la réunion du premier ministre avec Mme Wilson-Raybould, c’est-à-dire le 17 septembre, des représentants de SNC-Lavalin ont rencontré le ministre des Finances, Bill Morneau, et son chef de cabinet, Ben Chin. Ils ont également eu une réunion distincte avec Michael Wernick, le greffier du Conseil privé.

C’est le 26 octobre 2018 que Jessica Prince, la chef de cabinet de Mme Wilson-Raybould, a parlé à Mathieu Bouchard, à qui elle a dit ceci :

[...] étant donné que SNC avait déposé une demande de révision de la décision de la directrice des poursuites pénales devant la Cour fédérale, il était certainement trop tard pour envisager une intervention de la procureure générale ou l’obtention d’une opinion sur cette question. Mathieu a répondu qu’il était toujours intéressé par l’idée d’un avis juridique externe. « Ne peut-elle pas obtenir un avis juridique externe pour déterminer si la directrice des poursuites pénales a exercé son pouvoir discrétionnaire judicieusement? » Ensuite, pour la demande en elle-même, la procureure générale pourrait intervenir et « chercher à arrêter les procédures parce qu’elle attendrait un avis juridique ».

Si, à six mois des élections, SNC-Lavalin annonce qu’elle déménage son siège social à l’extérieur du Canada, c’est une mauvaise nouvelle. On peut avoir la meilleure politique du monde, sauf qu’il faut se faire réélire.

Puis, le 22 novembre 2018, à la demande du Cabinet du premier ministre, Mme Wilson-Raybould a rencontré Mathieu Bouchard et Elder Marques pour discuter de la question. Voici ce que Mme Wilson-Raybould a dit de la réunion, qui a duré une heure et demie :

J’étais irritée d’avoir à assister à cette rencontre parce que j’avais déjà dit au premier ministre et à d’autres intervenants qu’aucun accord de suspension des poursuites ne serait offert à SNC et que je n’émettrais pas de directive.

J’ai dit non. Ma décision était prise, et ils devaient arrêter leurs démarches. C’était assez.

Selon elle, les communications et les efforts visant à la faire changer d’idée auraient dû cesser, mais ce ne fut pas le cas. Divers représentants du gouvernement l’ont pressée de tenir compte de considérations politiques partisanes. Elle a dit :

Il aurait été clairement répréhensible de ma part d’agir ainsi. Ou nous avons un système fondé sur la primauté du droit, l’indépendance de la fonction de poursuivant et le respect des personnes chargées d’user de la discrétion et des pouvoirs qui leur sont accordés, ou nous ne l’avons pas [...]

[Q]u’on poursuive et même intensifie de tels efforts est sérieusement inquiétant, selon moi. La situation a pourtant continué.

L’ancien secrétaire du premier ministre, Gerry Butts, qui avait rencontré des représentants de SNC-Lavalin, a aussi discuté de la possibilité d’un accord de suspension des poursuites avec Mme Wilson-Raybould, le 5 décembre, au restaurant du Château Laurier, de l’autre côté de la rue. Mme Wilson-Raybould a dit à Gerald Butts :

[...] il faut qu’on cesse de me parler de SNC, car j’ai conclu que tout accord serait inapproprié.

Évidemment, il est question ici de la lettre envoyée le 4 septembre.

Gerry a alors pris le contrôle de la conversation et m’a dit à quel point il nous fallait une solution dans l’affaire SNC. Il a dit que je devais trouver une solution. J’ai répondu non [...]

Dans son témoignage, Mme Wilson-Raybould a indiqué que, le 18 décembre, Gerry Butts aurait dit à sa chef de cabinet, Jessica Prince, d’envisager d’obtenir un avis juridique externe concernant un éventuel réexamen de la décision de la directrice des poursuites pénales. Quand Jessica Prince a signalé que ce serait de l’ingérence, Gerald Butts lui a répondu :

Jess, il n’existe aucune solution qui n’exigerait pas une certaine ingérence.

(1840)

Au cours de la même réunion, la chef de cabinet, Katie Telford a dit :

Si Jody est nerveuse, nous pourrons évidemment demander à toutes sortes de gens d’écrire des lettres d’opinion disant que ses gestes sont appropriés.

Le lendemain, le 19 décembre 2018, l’ancienne procureure générale a été invitée à avoir une conversation téléphonique avec le greffier du Conseil privé, Michael Wernick. Mme Wilson-Raybould a indiqué :

J’étais déterminée à mettre fin une fois pour toutes aux nombreuses conversations et à l’ingérence associées à ce dossier.

Le greffier a dit qu’il lui téléphonait à propos de SNC-Lavalin et que :

[...] il souhaitait lui faire savoir où le premier ministre en était.

Il a dit :

Le PM veut pouvoir affirmer qu’il a exploré toutes les possibilités qu’offrent les outils légitimes.

Le greffier a dit que le premier ministre était assez déterminé et assez ferme, mais qu’il voulait savoir pourquoi on n’avait pas recours à un accord de suspension des poursuites, une option mise en place par le Parlement. Il a dit :

Je pense qu’il va trouver une façon de le faire d’une manière ou d’une autre. Voilà son humeur actuelle. Je voulais que vous le sachiez.

Mme Wilson-Raybould a alors prévenu le greffier :

[...] nous nous aventurions sur un terrain glissant, et j’ai émis un avertissement clair parce que la procureure générale ne peut pas agir ainsi, et la Couronne ne peut pas agir de façon partiale. Ce n’est pas cela, être indépendant. Je ne peux ni agir de façon partisane ni avoir de motifs politiques. Or, tout cela allait complètement à l’encontre de ces principes.

Elle a ajouté ceci :

Le greffier a indiqué qu’il craignait un affrontement parce que le premier ministre était assez ferme à ce sujet [...] Il m’a dit qu’il avait rencontré le premier ministre quelques heures auparavant et que c’était très important pour lui.

Puis, le 7 janvier 2019, Mme Wilson-Raybould a reçu un appel du premier ministre pour l’informer qu’on l’écartait de son rôle de ministre de la Justice et procureure générale. Elle dit avoir cru que cette décision était en lien avec le dossier SNC-Lavalin, mais que — c’est intéressant — on avait nié que c’était le cas. Mme Wilson-Raybould n’était pas libre de parler des questions qui ont suivi.

Le 11 janvier 2019, le vendredi précédant le remaniement, le greffier a appelé l’ancienne sous-ministre de Mme Wilson-Raybould pour lui dire que l’une des premières conversations que le nouveau ministre devrait s’attendre à avoir avec le premier ministre porterait sur l’accord avec SNC-Lavalin. Autrement dit, le nouveau ministre devait être prêt à parler de ce dossier avec le premier ministre.

Cela en dit long. C’est là que je crois que le Sénat doit intervenir. Bien que de nombreux sénateurs d’en face prétendent souvent qu’une nouvelle atmosphère d’indépendance et d’objectivité politique règne soudainement dans cette Chambre, le fait est que, depuis la Confédération, le Sénat est une entité moins partisane que la Chambre des communes. C’est ainsi que les pères fondateurs l’ont conçu. C’est précisément dans une crise comme celle qui sévit actuellement que le Sénat a un rôle essentiel à jouer.

À titre de Chambre législative indépendante, le Sénat joue un rôle crucial pour ce qui est de surveiller comment le premier ministre et son cabinet exercent leurs pouvoirs. À titre de parlementaires, les sénateurs ont l’obligation de protéger et de défendre l’intégrité de nos institutions démocratiques et judiciaires. Ce scandale a des répercussions démocratiques et constitutionnelles de grande portée. Tous les caucus et les groupes au Sénat doivent faire preuve d’une véritable objectivité et considérer tous les faits dans cette affaire. Ils doivent travailler ensemble de manière collaborative pour veiller à ce qu’un examen parlementaire approfondi et indépendant puisse avoir lieu.

En 2014, le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, a déclaré :

Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet, surtout dans le cas d’un gouvernement majoritaire.

Chers collègues, cette déclaration ne pourrait être plus pertinente qu’aujourd’hui. Il faut se rappeler que, en 2013, Justin Trudeau, chef du parti libéral, avait demandé au premier ministre de l’époque d’aller témoigner sous serment. Or, pas plus tard que lundi de cette semaine, les députés libéraux se sont servis de leur majorité pour empêcher que le premier ministre, Justin Trudeau, ne soit contraint d’aller témoigner et répondre aux questions du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Je dirais que l’affaire qui nous occupe est beaucoup plus grave que ce qui avait été allégué en 2013 au sujet de ce qui s’était passé à la Chambre. Les allégations soulevées aujourd’hui impliquent directement le premier ministre. Elles concernent le procureur général du Canada et le principe de l’indépendance du procureur.

Ce qui a été rapporté, les allégations auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui, ne concerne rien de moins que la primauté du droit. Le Sénat a un rôle crucial à jouer pour que nous puissions aller au fond de choses, car nous pouvons discuter des détails de cette affaire à l’abri de la rancœur et de la confrontation qui caractérisent les discussions à la Chambre. Les sénateurs d’en face se targuent d’être indépendants du gouvernement. Eh bien, voilà l’occasion de le prouver. Je crois qu’il est essentiel que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles soit saisi de cette affaire. Je crois que ce serait l’endroit idéal où mener cet examen.

Il faut que les Canadiens puissent savoir qu’aucune pression indue n’a été exercée sur Mme Wilson-Raybould. Il existe un principe de droit, la doctrine de Shawcross, qui énonce que le procureur général doit agir indépendamment du Cabinet dans les poursuites criminelles. Il s’agit d’une convention constitutionnelle utilisée dans le droit canadien et fondée sur une décision rendue à la Chambre des lords de Grande-Bretagne en 1951. Selon cette doctrine, le procureur général doit tenir compte de tous les faits pertinents et il n’est pas obligé de consulter ses collègues du Cabinet, mais il peut le faire. Ses collègues du Cabinet ne peuvent lui dicter sa décision, mais ils peuvent lui faire part de facteurs qui pourraient influer sur celle-ci.

Ces facteurs ne doivent pas aboutir à une directive quant à la décision finale du procureur général. La responsabilité des décisions en matière de poursuites appartient entièrement au procureur général. Ce dernier ne doit subir aucune pression dans un sens ou dans l’autre.

Il s’agit de questions complexes et je reconnais que les discussions qui ont probablement eu lieu seront nuancées. L’enquête doit donc tenir compte de la dynamique en cause.

Le premier ministre Trudeau a fait campagne en disant aux Canadiens que, grâce à lui et à son gouvernement, les gens auraient de nouveau confiance dans la démocratie canadienne et que les choses seraient plus ouvertes et plus transparentes. Les Canadiens veulent que le gouvernement Trudeau tienne les promesses qu’il leur a faites. Malheureusement, les allégations d’ingérence politique révélées par le présent scandale sont aux antipodes de ce que les Canadiens attendent de leur gouvernement.

Mercredi, l’ex-procureure générale Jody Wilson-Raybould a donné sa version détaillée des faits :

[J]’ai fait l’objet de pressions soutenues et constantes de la part de nombreuses personnes au sein du gouvernement qui, pour des considérations d’ordre politique, souhaitaient passer outre au pouvoir discrétionnaire des procureurs.

Le premier ministre Trudeau est à l’origine de tentatives concertées visant à faire changer d’avis Mme Wilson-Raybould et la convaincre de mettre un terme au procès criminel de SNC-Lavalin. C’est grave. En quatre mois, Mme Wilson-Raybould a dû participer à 10 rencontres et à 10 appels téléphoniques avec 11 personnes très haut placées. Ces détails ont de quoi choquer, et ils prouvent qu’on a essayé d’intimider l’ex-procureure générale afin de la forcer à contourner la loi.

Nous ne sommes plus dans les on-dit. Combien de fois doit-on dire non avant que les gens vous écoutent, alors qu’il est question d’une décision qui vous revient de droit? Combien de fois, hein? Va-t-on accepter ce genre de chose? Quel message envoie-t-on? Que vaut la primauté du droit au Canada?

Nous avons affaire à deux choses distinctes : d’une part, la primauté du droit a peut-être été foulée aux pieds et, d’autre part, les hauts dirigeants de SNC-Lavalin sont soupçonnés d’avoir trempé dans des activités criminelles. Or, je le répète, il s’agit de deux choses complètement distinctes. Ce qui doit retenir notre attention, c’est de savoir s’il y a eu ingérence afin que l’on passe outre à la primauté du droit.

Les Canadiens s’attendent à ce que leur premier ministre ait l’autorité morale nécessaire pour gouverner et non qu’il laisse les considérations politiques et partisanes avoir le dessus sur son obligation de respecter la primauté du droit. L’éthique est une priorité pour les Canadiens. Personne ne doit se placer au-dessus de la loi.

(1850)

Voilà pourquoi j’estime que le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles est le mieux placé pour étudier ces questions de manière juste et impartiale.

[Français]

Il ne faut pas oublier que le Sénat du Canada est conçu pour faire contrepoids aux pouvoirs de la Chambre des communes et qu’il est bien placé pour aller au fond de toute cette affaire. La protection et la préservation de nos institutions démocratiques sont la responsabilité de chacun des parlementaires. J’ose espérer que nous pourrons tous travailler ensemble pour protéger la règle de droit au Canada.

[Traduction]

J’espère que le Sénat du Canada entrera dans le débat et qu’il permettra de faire la lumière sur un scandale politique très grave qui prend des proportions de crise, avec des conséquences d’ordre démocratique et constitutionnel.

Le Sénat du Canada devrait permettre une enquête approfondie auprès des principaux protagonistes pour aller au fond de cette histoire.

Les Canadiens méritent de connaître la vérité, et la seule façon de faire éclater la vérité est de permettre une enquête complète, une enquête auprès de tous les principaux témoins impliqués dans le scandale. J’espère que tous les groupes et caucus au Sénat uniront leurs efforts pour obtenir des réponses dans cette histoire.

Soyons clairs : les Canadiens ne veulent pas une étude sur la jurisprudence. Ils veulent savoir ce qui est vraiment arrivé à leurs institutions.

Honorables sénateurs, j’appuie fermement la motion présentée pour que soit examinée en profondeur la question sérieuse de la règle du droit au Canada. Je demande donc à tous les honorables sénateurs de se joindre à moi pour appuyer cette motion. Merci.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, en ma qualité de représentant du gouvernement au Sénat, j’aimerais vous faire savoir que le gouvernement estime invariablement qu’il appartient au Sénat de déterminer de façon indépendante les travaux qu’il entend réaliser, tout en faisant preuve de son jugement collectif. Le gouvernement actuel a toujours respecté l’indépendance du Sénat et sa capacité de prendre ses propres décisions. Il appartiendra exclusivement aux sénateurs de prendre une décision sur cette motion.

Cependant, dans leurs délibérations visant à déterminer si la proposition contenue dans cette motion présente un plan d’action approprié et nécessaire, j’espère que les honorables sénateurs vont tenir compte des considérations suivantes.

Le premier point que je souhaite faire valoir est plutôt terre à terre. Dans les circonstances actuelles, je trouve qu’il serait fortement préférable que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles mette l’accent sur des projets de loi que le gouvernement et des députés souhaitent à raison voir recevoir la sanction royale avant la fin de la présente session. Plus particulièrement, j’espère que le comité pourra mener rapidement un examen approfondi du projet de loi C-75, au sujet duquel le sénateur Sinclair est intervenu la semaine dernière. Comme les honorables sénateurs le savent, ce projet de loi répond directement au rapport du Sénat sur le problème des retards judiciaires. À la suite de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Jordan, les retards judiciaires peuvent évidemment entraîner l’abandon d’accusations criminelles, dont certaines sont graves.

Parmi d’autres grandes priorités, je m’attends à ce que le comité se penche sur le projet de loi C-78, qui vise à modifier la Loi sur le divorce et d’autres lois afin de promouvoir l’intérêt supérieur de l’enfant, de prévenir la violence familiale, de réduire la pauvreté infantile et d’améliorer l’accès au système de justice familiale. Par conséquent, j’espère que Comité des affaires juridiques sera en mesure d’accomplir cette tâche complexe et urgente dont la portée est très vaste.

Comme deuxième et principal argument, je dirais que l’affaire concernant SNC-Lavalin fait déjà l’objet d’un processus juste et impartial. Comme vous le savez, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique a lancé une enquête au titre du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d’intérêts au sujet de la conduite de certains titulaires de charge publique par rapport aux procédures judiciaires visant SNC-Lavalin. C’est une initiative pertinente, et j’ajouterais qu’elle a été accueillie favorablement par tous les partis à l’autre endroit et par le premier ministre lui-même.

Pas plus tard que la semaine dernière, le greffier du Conseil privé, Michael Wernick a dit clairement qu’il appuie l’enquête et qu’il est prêt à s’en remettre au jugement du commissaire à l’éthique lorsque celui-ci déterminera si les interactions avec l’ancienne procureure générale étaient appropriées.

Le commissaire à l’éthique est un mandataire indépendant, apolitique et non partisan de la Chambre des communes. Le commissariat a le mandat de s’occuper de cette question ainsi que l’expertise pour ce faire. Le plus important, c’est que le commissaire à l’éthique n’est pas un acteur politique. La Loi sur les conflits d’intérêts fournit au commissaire à l’éthique tous les outils nécessaires pour bien faire la lumière sur cette affaire, notamment le pouvoir de convoquer des témoins et de les obliger à comparaître et à présenter des documents.

À cet égard, le commissaire a les mêmes pouvoirs qu’un juge de la Cour supérieure, mais il ne faut pas oublier les garanties d’équité procédurale qui accompagnent les enquêtes du commissaire, notamment le droit primordial à une audience devant un décideur impartial.

Les Canadiens ont raison de faire preuve de vigilance relativement à l’intégrité du système de justice. Le public peut avoir la certitude qu’il y a désormais un processus pour examiner la situation de façon impartiale. Les Canadiens devraient avoir confiance en ce processus, et les sénateurs aussi.

Dans cette optique, nous devrions laisser l’examen du commissaire à l’éthique de suivre son cours en ayant l’assurance que ce processus sera non partisan, car ce principe est adéquatement inscrit dans la loi. Pour remettre en question ce processus d’entrée de jeu, il faudrait déterminer ce qui justifie une telle chose.

Le Parlement a décidé de créer le poste de commissaire à l’éthique et il l’a fait dans un but précis. Avons-nous des raisons convaincantes de douter que le commissaire n’ira pas au fond des allégations mentionnées dans la motion à l’étude, d’une manière juste, objective et pondérée? Y a-t-il de bonnes raisons de croire que nous, sénateurs, sommes mieux en mesure de traiter ce dossier ou que nous ferions un meilleur travail que le commissaire Dion? Les sénateurs devraient se montrer prudents, car il s’agit de s’ingérer dans une affaire qui correspond parfaitement au mandat du bureau chargé de l’examiner, qui dispose de l’expertise nécessaire.

Par ailleurs, de façon concrète, je n’ai pas entendu d’argument convaincant expliquant pourquoi il serait nécessaire que le Sénat travaille à faire la lumière sur les allégations, et ce, même si l’enquête du commissaire à l’éthique n’était pas en cours.

Nous devrions prendre en considération le fait que toute information susceptible d’être révélée devant un comité sénatorial serait également communiquée au commissaire à l’éthique. En fait, l’annonce faite par le gouvernement cette semaine ne peut que raffermir notre confiance envers l’enquête du commissaire à l’éthique.

À la recommandation du premier ministre, Son Excellence la gouverneure générale en conseil a levé le secret professionnel et la confidentialité des délibérations du Cabinet, afin de permettre le témoignage de Jody Wilson-Raybould et d’autres personnes qui avaient personnellement discuté avec elle des poursuites intentées contre SNC-Lavalin.

Selon ce décret, la renonciation s’applique strictement aux divulgations faites pour l’examen par le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et pour les audiences en cours devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.

Comme les honorables sénateurs le savent, en plus de l’examen indépendant et non partisan du commissaire à l’éthique, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes étudie les accords de réparation, la doctrine de Shawcross et les discussions entre le bureau du procureur général et des collègues du gouvernement.

Le comité a d’abord décidé d’entendre les témoignages de l’actuel ministre de la Justice et procureur général, de la sous-ministre de la Justice et du greffier du Conseil privé. La motion adoptée par le comité indique clairement que la liste des témoins inclut ces personnes, mais qu’elle n’est pas exhaustive.

Le comité a ensuite invité l’ancienne procureure générale à venir donner un témoignage de large portée, ce qui a été fait hier pendant trois heures et demie.

Il est probable que d’autres témoins seront invités — la décision reviendra, à juste titre, au comité. Les membres du comité auront probablement l’occasion d’étudier la demande officielle formulée aujourd’hui par l’ancien secrétaire principal, Gerald Butts, qui propose de témoigner et de soumettre ses propres éléments de preuve, ce qui inclut la remise de documents pertinents au comité.

Il y a quelques jours, comme les sénateurs se rappelleront, le chef de l’opposition à l’autre endroit, M. Scheer, a dit que l’étude du Comité de la justice de la Chambre était « une véritable farce ». Il a affirmé que le Sénat pourrait être une option si l’enquête du Comité permanent de la justice et des droits de la personne tombait à plat.

Nous savons maintenant qu’il s’agissait d’une évaluation prématurée des travaux du comité. Les audiences ont été approfondies, transparentes, pertinentes et utiles. Elles fourniront suffisamment d’éléments factuels pour permettre aux Canadiens de porter un jugement avant la conclusion de l’examen exhaustif qui est effectué par le commissaire à l’éthique. Le Sénat devrait permettre la réalisation de ces deux processus et ne pas chercher à faire ce travail en triple.

(1900)

En guise de conclusion, je tiens surtout à faire valoir que nous disposons effectivement d’un processus indépendant et impartial, qui renforcera la confiance du public en vérifiant que personne n’a outrepassé les limites. Les sénateurs devraient appuyer un tel processus, et s’y fier.

Motion d’amendement

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution de tous les mots suivant le mot « Que », la première fois qu’il apparaît dans la motion, par ce qui suit :

« le Sénat reconnaisse que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, un officier de la Chambre des communes indépendant, impartial, apolitique et non partisan, a initié une étude aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d’intérêts quant à la conduite alléguée de titulaires de charge publique en lien avec certaines procédures judiciaires impliquant SNC-Lavalin;

Que le Sénat observe que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique possède tous les pouvoirs statutaires nécessaires afin de convoquer les témoins qu’il juge pertinents et nécessaires à son étude à comparaître et afin de les contraindre à déposer et produire des documents;

Que le représentant du gouvernement dépose une copie du rapport du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique énonçant les faits en question ainsi que son analyse et ses conclusions aux termes du paragraphe 45 de la Loi sur les conflits d’intérêts une fois que ce rapport est public. ».

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénateur Mitchell, propose que le Sénat... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Des voix : Non.

L’honorable Donald Neil Plett : Non, j’aimerais en prendre connaissance.

Son Honneur le Président : Serait-il possible d’en avoir un exemplaire pour tout le monde?

Je vais lire le texte complet en attendant de pouvoir en distribuer des exemplaires.

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution de tous les mots suivant le mot « Que », la première fois qu’il apparaît dans la motion, par ce qui suit :

« le Sénat reconnaisse que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, un officier de la Chambre des communes indépendant, impartial, apolitique et non partisan, a initié une étude aux termes du paragraphe 45(1) de la Loi sur les conflits d’intérêts quant à la conduite alléguée de titulaires de charge publique en lien avec certaines procédures judiciaires impliquant SNC-Lavalin;

Que le Sénat observe que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique possède tous les pouvoirs statutaires nécessaires afin de convoquer les témoins qu’il juge pertinents et nécessaires à son étude à comparaître et afin de les contraindre à déposer et produire des documents;

Que le représentant du gouvernement dépose une copie du rapport du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique énonçant les faits en question ainsi que son analyse et ses conclusions aux termes du paragraphe 45 de la Loi sur les conflits d’intérêts une fois que ce rapport est public. ».

Avez-vous une question dans le cadre du débat, sénateur Housakos?

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je comprends ce qu’il tente de faire au moyen de cet amendement, mais la réalité c’est que nous savons tous, d’après notre expérience avec le commissaire à l’éthique, et d’après d’innombrables expériences de la Chambre des communes avec le commissaire à l’éthique, que ces mandataires sont nommés par le gouvernement et le premier ministre, surtout lorsque ces derniers détiennent la majorité à la Chambre des communes.

Nous savons également, monsieur le leader du gouvernement, que ces mandataires ont des paramètres très étroits, en ce sens qu’ils sont restreints par le code d’éthique de la Chambre des communes, et qu’ils sont particulièrement restreints dans des dossiers tels que celui-ci, où aucun précédent n’existe. Les médias le savent, le public le sait et les parlementaires le savent. On parle d’une accusation, d’allégations d’entrave à la justice et d’ingérence politique dans le processus judiciaire.

Monsieur le leader du gouvernement, il est manifeste que la Chambre des communes juge que la décision du gouvernement de remettre le dossier entre les mains du commissaire à l’éthique de la Chambre est illégitime et inefficace, ou insuffisante, et elle a le droit de le penser. La Chambre doute qu’il serait légitime de simplement laisser le dossier entre les mains du commissaire à l’éthique. Le Sénat, qui est une entité indépendante ayant des droits qui lui sont propres, devrait-il laisser le soin au commissaire à l’éthique de la Chambre de se pencher sur la question? Si ce n’est pas suffisant pour la Chambre des communes et que cette dernière mène une enquête, pourquoi cela devrait-il être satisfaisant pour le Sénat?

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de se joindre au débat et je l’exhorte à se pencher de plus près sur la question un autre jour.

En toute franchise, j’aimerais dire que le fait de lancer des accusations qui mettent en doute l’intégrité du conseiller en éthique est consternant en soi. On peut difficilement accepter que l’on mette en doute l’intégrité d’un mandataire du Parlement qui, lors du processus de sélection, a dû comparaître devant la Chambre et répondre à des questions, et dont la candidature a dû être approuvée par la Chambre.

Remettre en question l’intégrité du commissaire à l’éthique, qui a le pouvoir d’enquête d’un juge de la Cour supérieure, a de quoi me faire douter du jugement de l’intervenant.

J’aimerais seulement rappeler que le commissaire à l’éthique est une personne intègre qui a le pouvoir de faire enquête et qui, à vrai dire, fait preuve de plus de jugement que l’intervenant.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader, pouvez-vous dire au Sénat qui a les privilèges et les pouvoirs les plus étendus? Est-ce le Comité de la justice de la Chambre des communes, le Comité sénatorial des affaires juridiques ou le commissaire à l’éthique?

Le sénateur Harder : Je ne vais pas me lancer dans un débat à ce sujet, si ce n’est pour réagir aux observations. Je vous remercie de m’inviter à le faire.

Comme je l’ai mentionné, l’examen effectué par le Comité de la justice de la Chambre des communes n’est pas aussi partisan que M. Scheer l’a laissé entendre, et, en passant, tous les partis ont pu se prononcer. Je n’enlève rien au travail accompli par le comité. En effet, la levée du secret professionnel dont j’ai parlé montre que le gouvernement du Canada, en adoptant un décret, respecte ce comité parce que la portée du décret s’étend aussi à ses travaux.

Je crois simplement que le Sénat a d’autres priorités. Essayons de ne pas ajouter notre grain de sel ni de jouer les inquisiteurs amateurs.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

Le sénateur Patterson : En ce qui a trait à l’idée que le commissaire à l’éthique de la Chambre des communes soit l’entité appropriée pour mener une enquête indépendante, comme vous le dites sénateur Harder, je dirais que sa responsabilité consiste à mener des enquêtes liées au code d’éthique, celui des ministres dans ce cas-ci. À mon avis, compte tenu de la complexité de la situation, il faut plus qu’une enquête fondée sur le code pour arriver à la vérité et obtenir tous les détails.

J’aimerais savoir si vous convenez que le commissaire à l’éthique n’a pas le mandat voulu pour enquêter sur tous les aspects de la conduite des membres de l’exécutif dans l’exercice de leurs fonctions.

Le sénateur Harder : Si j’ai bien compris, l’honorable sénateur croit que certains éléments qu’il faudrait examiner dépassent le cadre de l’enquête que mènera le commissaire à l’éthique, et qu’il faudrait donc une enquête plus large.

Le sénateur Patterson : Qui va au-delà du code d’éthique.

Le sénateur Harder : Je ne vois pas vraiment ce qu’il a en tête.

Rappelons que la ministre a confirmé qu’il n’y avait eu aucun geste illégal, selon sa définition. D’autres personnes ont aussi confirmé que leurs gestes n’étaient pas illégaux.

Les personnes qui ont interrogé l’ancienne ministre et d’autres témoins ont pu entendre tous ceux qui sont intervenus jusqu’à maintenant confirmer que, selon eux, leurs démarches n’avaient pas eu pour effet de dicter une décision à la ministre ou de voir à ce qu’elle s’engage dans une voie déterminée.

Si l’honorable sénateur fait allusion à d’éventuels gestes illégaux, de tels gestes seront du ressort d’autres instances. Je n’ai toutefois rien entendu à ce sujet jusqu’à maintenant, outre les accusations implicites contenues dans la question.

Le sénateur Smith : Sénateur Harder, j’ai dû aller appeler mon épouse parce que je ne lui ai pas parlé de la journée et elle s’inquiétait. Elle ne savait pas ce que je faisais.

Le sénateur Harder : Elle vous a entendu parler. Elle a pensé que vous étiez malade.

Le sénateur Smith : J’aimerais vous poser une question, parce qu’il y a une chose qui me dérange.

J’ai beaucoup de respect pour vous comme personne et tout le monde ici aussi. Jamais de ma vie on ne m’a qualifié d’inquisiteur amateur. Selon moi, c’est une chose terrible à dire. Vous dites que les gens dans cette enceinte — vous êtes médecin; vous avez réussi dans la vie; vous êtes l’une des plus grandes personnalités médiatiques que j’ai eu la chance de voir à la télévision quand j’étais jeune. Tous les sénateurs sont des personnes accomplies. Pourtant, vous avez le culot de nous qualifier d’inquisiteurs amateurs, alors que des membres du comité de l’autre endroit refusent d’autoriser Jody Wilson-Raybould à parler de ce qui s’est passé après qu’elle a quitté ses fonctions de procureure générale.

(1910)

Vous voulez le beurre et l’argent du beurre, alors vous régentez tout ce que les gens disent. Personnellement, j’y vois l’occasion de faire preuve d’objectivité et de faire collaborer tous les partis parce que nous avons un objectif commun. Il est question de la primauté du droit ainsi que de l’intégrité et de la crédibilité de cette institution canadienne.

La sénatrice Martin : Bravo!

Le sénateur Smith : Qualifiez-vous André Pratte d’amateur? J’avais l’habitude de lire ses articles. Je pense que cela montre de l’arrogance et un manque de respect. On reconnaît bien là l’attitude du gouvernement au pouvoir, malheureusement. Quelle arrogance, nous appeler des « amateurs ». Incroyable. Je n’ai peut-être pas votre expérience au gouvernement, mais je l’accepte. Nous ne sommes peut-être pas les meilleures personnes au monde, mais nous avons une équipe remarquable.

Je vous demanderais de bien vouloir retirer ce que vous avez dit à notre sujet parce qu’en réalité, cela éclabousse toutes les personnes qui sont ici.

Je pense que le sénateur Woo est une assez bonne personne et je pense que Mark Gold est une personne assez compétente. Joe Day l’est à n’en pas douter, car il m’a appris tout ce que je sais en matière de finances.

Merci, Joe.

Je regrette de m’être emporté, mais vous devez faire preuve de respect envers les autres.

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de son intervention. Je retire ce qualificatif. C’était simplement une façon d’essayer de dire qu’une troisième tribune n’est pas nécessaire dans ce débat.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, voilà un bon bout de temps que nous entendons des remarques désobligeantes à propos de cette institution, à propos de sénateurs de mérite et sans mérite. Pour être honnête avec vous, ce n’est pas surprenant; c’est assez constant de la part du gouvernement et de votre part, à quelques occasions.

Cela dit, je reviens à la question que j’ai posée tout à l’heure, à laquelle vous n’avez pas répondu. De toute évidence, la Chambre des communes n’a pas eu le sentiment que le commissaire à l’éthique était la tribune idéale pour traiter de ce dossier grave. Elle a jugé qu’elle avait besoin d’élargir le mandat pour parvenir à des réponses sérieuses. Elle avait besoin de certains pouvoirs que le commissaire à l’éthique ne détient pas. Évidemment, le code d’éthique ne met pas en évidence les allégations monumentales qui sont formulées à l’égard du cabinet du premier ministre et des nombreuses personnes impliquées.

Je ne comprends pas, surtout quand on pense au mandat et à l’histoire de cette institution en tant que Chambre de second examen objectif, une assemblée qui n’est, par sa nature, pas aussi partisane que la Chambre des communes parce que nous n’avons pas à faire face aux électeurs. Contrairement au premier ministre et au chef de l’opposition officielle, ainsi qu’aux autres partis à la Chambre, nous ne sommes pas préoccupés par les élections dans six mois, parce que nous avons un mandat.

Peut-être que vous l’êtes, sénateur Woo, mais je ne le suis certainement pas. J’ai un mandat jusqu’à l’âge de 75 ans. Je vous rappelle que vous aussi.

Bref, nous devons nous acquitter de notre obligation de manière indépendante et non politique. N’êtes-vous pas d’accord?

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de son engagement à l’égard de l’indépendance. Je souligne toutefois que c’est M. Scheer qui a indiqué qu’il ordonnerait au caucus conservateur du Sénat de demander une enquête. Je suis certain que sa démarche est dénuée de toute partisanerie.

J’invite le Sénat à réfléchir aux arguments que j’ai présentés. Comme je l’ai dit en début d’intervention, il revient à notre assemblée, et à elle seulement, d’adopter ou de rejeter la motion.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, les directives ou les suggestions du premier ministre ne semblent pas vous poser problème. Vous les accueillez apparemment avec un grand enthousiasme. On dirait que les suggestions de la part du chef de l’opposition officielle suscitent chez vous une certaine frustration ou une attitude négative. Ultimement, lorsqu’on est indépendant, on devrait accueillir favorablement toutes les suggestions, les présenter à la Chambre et en discuter. N’êtes-vous pas d’accord, sénateur?

Le sénateur Harder : Sénateur, la grande différence entre vous et moi, c’est que vous siégez au sein d’un caucus national, et pas moi.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Si vous me le permettez, sénateur Harder, j’aimerais seulement poser une question. Je n’ai peut-être pas été assez clair, mais vous nous avez demandé de réfléchir à nos propos. Je vous répondrais que, comme un ancien Président de cette Chambre l’a dit — sans doute avec plus d’éloquence ou de clarté que moi —, ce sont des questions fondamentales qui touchent des principes du droit constitutionnel, soit l’indépendance du procureur général et la primauté du droit.

Allez-vous réfléchir à ce qu’on a dit aujourd’hui sur le fait que le mandat du commissaire à l’éthique, qui est défini par le code d’éthique du Parlement, est limité et mal adapté à des enquêtes aussi importantes, et sur le fait que le mandat du commissaire pourrait l’empêcher de mener une enquête aussi exhaustive que vous le souhaiteriez? Voudriez-vous réfléchir à cela?

Le sénateur Harder : Sénateur, je vous donne l’assurance que je vais réfléchir à tous les arguments présentés au cours de ce débat, et j’espère que tous les sénateurs en feront autant, car, au bout du compte, seul le Sénat pourra décider s’il appuie ou non cette motion.

Son Honneur le Président : Sénateur Housakos, avez-vous une autre question?

Le sénateur Housakos : J’ai une question différente :

Monsieur le leader du gouvernement, dans votre allocution, vous avez mentionné — et vous l’avez répété dans votre réponse — que seul le Sénat a l’indépendance voulue pour prendre cette décision. Pourtant, le sénateur Smith est le premier à s’exprimer sur sa motion, sur une question qui est sans contredit l’affaire publique de l’heure dans notre pays. On en parle d’un océan à l’autre. La première chose que vous avez faite dans l’esprit d’indépendance est de présenter un amendement qui bloquerait ni plus ni moins toute enquête. Est-ce là ce que vous considérez comme de l’ouverture d’esprit?

De plus, nous sommes tous particulièrement perplexes. Compte tenu de la gravité des questions posées par tout le monde d’un océan à l’autre, pourquoi, au cours des dernières semaines, ne semble-t-il pas y avoir eu le même intérêt pour cette question de la part d’un seul sénateur nommé par le premier ministre Trudeau?

Le sénateur Harder : Je ne peux parler que pour moi-même, sénateur, mais je crois que le Sénat et tous les sénateurs, se sont consacrés, au cours des dernières semaines aux affaires du Sénat, sauf quand la sonnerie a retenti et que les travaux ont été perturbés, j’en suis certain, pour des raisons très évidentes et logiques.

L’honorable Tony Dean : Je serai bref, honorables sénateurs.

J’appuie l’amendement du sénateur Harder, et ce, pour trois raisons. Premièrement, le commissaire à l’éthique de la Chambre des communes se penche déjà sur les questions se rapportant à SNC. Je suis conscient des réserves soulevées à cet égard, mais je pense qu’il convient de rappeler que le Comité de la justice de la Chambre des communes est lui aussi présentement saisi de la question. Il s’attelle à la tâche et approfondit son travail de jour en jour, et il obtient tous les jours des témoignages importants.

Bien entendu, les tribunaux sont également saisis de l’affaire impliquant SNC. Un contrôle judiciaire s’est entamé, et je crois comprendre que l’on tient une enquête préliminaire sur les accusations criminelles. Les témoignages devant le Comité de la justice de la Chambre des communes nous ont déjà passablement éclairés sur de nombreuses questions dont nous débattons ici, et les choses ne font que commencer.

Chers collègues, permettez-moi d’affirmer que je préconise entièrement une approche moins partisane et plus indépendante dans tous nos travaux. Comme vous et d’autres sénateurs également, j’en apprends encore tous les jours sur la question à l’étude. Chaque heure de témoignage devant le Comité de la justice nous révèle de nouveaux éléments d’information. Je crois que le Commissariat à l’éthique et le Comité de la justice de la Chambre des communes sont les endroits appropriés pour examiner ces sujets.

(1920)

Entre-temps, comme tout le monde, je sais que le Service fédéral des poursuites n’a pas changé d’idée. C’est un fait. Pour l’instant, la demande d’accord de suspension des poursuites présentée par SNC-Lavalin reste lettre morte. Je note, comme quelqu’un l’a fait au Comité de la justice la semaine dernière, que le système en place au sein de notre processus politique pour protéger l’intégrité de la primauté du droit, peu importe à quel point il peut être désordonné — certains sénateurs assis près de moi ont déjà vu à quel point le gouvernement peut être désordonné, comment sont les relations entre les divers acteurs politiques au sein du gouvernement et dans quelle mesure cela peut être difficile et sujet à contestation —, fonctionne comme il se doit.

Ce que je veux dire, c’est que pour l’instant, compte tenu de ces deux enquêtes ainsi que de l’étendue et de la profondeur des témoignages entendus, en particulier en provenance du Comité de la justice, il est inutile que le Sénat entame lui aussi une enquête. Merci.

Le sénateur Housakos : Honorables collègues, les allégations d’ingérence politique dans le dossier pénal sur lequel porte le débat actuel et le manque de transparence entourant cette affaire ont eu comme résultat de mettre en doute l’intégrité du système judiciaire. Parallèlement à cela, il est beaucoup question, au Parlement et dans les médias, du rôle que devrait jouer le Parlement, le cas échéant, pour tirer ces allégations au clair.

En tant que parlementaire, en tant que fervent admirateur de notre système parlementaire issu de la tradition de Westminster et en tant que Canadien, je suis profondément troublé par certaines des choses que j’ai entendues, non seulement au sujet de ce dossier en particulier, mais aussi au sujet de l’idée que nous nous faisons collectivement du rôle du Parlement en général.

Permettez-moi de citer à ce sujet l’un de nos collègues de l’autre Chambre du Parlement, Randy Boissonnault, qui a dit ceci la semaine dernière lors des travaux du Comité permanent de la justice de la Chambre des communes : « Le rôle du Comité de la justice n’est pas de faire des enquêtes. »

Chers collègues, je ne suis pas d’accord du tout. Les comités parlementaires ont essentiellement comme fonction de faire enquête et sont l’un des moyens dont le Parlement dispose pour examiner et remettre en question le travail du gouvernement. C’est d’ailleurs en soi l’une des principales obligations du Parlement. Il n’est écrit nulle part, ni dans la Constitution ni dans la Loi sur le Parlement du Canada, que la surveillance du travail du gouvernement qu’exercent les parlementaires doit se limiter aux questions législatives. Je le rappelle au cas où quelqu’un voudrait invoquer un tel argument.

Les différents comités sont spécialisés dans divers champs d’études et assument différents rôles, notamment en fournissant des conseils, en examinant des procédures et des opérations, en produisant des rapports et en étudiant des projets de loi. Toutefois, qu’on ne s’y trompe pas, les comités peuvent parfaitement assumer des fonctions d’enquête.

M. Boissonnault a ajouté que les comités de la Chambre des communes sont des théâtres politiques, qui, parfois, peuvent réaliser de bonnes études. M. Boissonnault pense toutefois que les comités ne disposent pas des outils, du budget, ni des mécanismes nécessaires pour effectuer ce qu’il a décrit comme une expédition de pêche de la part de l’opposition. De nouveau, ce n’est pas vrai.

Les comités parlementaires disposent de nombreux outils, dont le pouvoir de citer des témoins à comparaître. Les comités parlementaires ont beaucoup de pouvoir dans notre système. D’autres ressources peuvent être mises à leur disposition, si les députés et les sénateurs le jugent nécessaire pour les besoins de leur enquête.

Je suis toujours un peu peiné de constater que peu de Canadiens savent cela. Je n’ai pas été peiné d’entendre les propos de M. Boissonnault. C’était pire que cela. J’ai été très déçu d’entendre un collègue parlementaire décrire de façon aussi désobligeante le travail des comités, sans parler de celui dont il fait partie. Comme je l’ai dit, il semble que ce soit la norme ces dernières années.

J’étais également déçu lorsqu’il a dit des questions légitimes posées par des parlementaires qu’il s’agissait d’une partie de pêche. Ces deux choses montrent un mépris total pour le travail accompli ici au Parlement au nom des Canadiens. Si nous-mêmes agissons de manière aussi désinvolte et dénigrante, si nous-mêmes ne faisons pas preuve de plus d’égard à l’endroit du Parlement, comment les Canadiens pourront-ils respecter le Parlement et le travail que nous accomplissons en leur nom et avoir confiance en eux? Je trouve tout cela très troublant et je crois que vous aussi, chers collègues, devriez trouver cela troublant.

Je ne m’en prends pas à M. Boissonnault. Il n’est pas le seul à avoir fait de telles affirmations. M. Goodale a également fait des remarques désobligeantes, et cela arrive tout le temps. Toutes les critiques et toutes les questions à l’endroit de l’exécutif sont qualifiées de partisanes. Voyez-vous cela, critiquer le gouvernement et lui poser des questions sérieuses n’est plus le rôle de l’opposition au Parlement. Pouvez-vous le croire, sénateur Day? C’est incroyable.

Demander des réponses au nom des Canadiens n’est pas un geste partisan. Cela fait intrinsèquement partie de la raison d’être et du rôle des parlementaires et donc, de la démocratie canadienne. Nous devons simplement tous faire preuve d’un peu de respect pour les institutions parlementaires canadiennes — chacun de nous.

Ce que nous faisons sur les médias sociaux, dans le cadre d’entrevues aux médias et au cours de divers événements organisés à l’extérieur du Sénat est une autre histoire. Notre travail au Parlement et notre obligation envers les Canadiens consistent à demander des comptes à l’exécutif. Cela vaut pour les deux Chambres du Parlement ainsi que tous les députés et les sénateurs, peu importe la Chambre où nous siégeons et notre affiliation politique, le cas échéant.

Oui, même les députés d’arrière-ban du parti au pouvoir sont, d’abord et avant tout, des parlementaires qui sont censés représenter les gens qui les ont élus et demander des réponses et des comptes à l’exécutif en leur nom. Cela se fait en partie au moyen des comités — du moins, en théorie. C’est aussi censé se faire au moyen de la période des questions et des débats à la Chambre et au Sénat. Encore une fois, chers collègues, dans le cas de notre système bicaméral issu de la tradition de Westminster, cela s’applique aux deux Chambres.

Le Sénat fait tout autant partie du Parlement que la Chambre des communes. Comme vous le savez sans doute tous, l’article 18 de la Constitution accorde aux deux Chambres du Parlement canadien les mêmes pouvoirs et privilèges que la Chambre des communes de Westminster. Chers collègues, voilà ce qui est important ici. Il s’agit de la Constitution. Il n’est question de rien d’autre et de rien de plus.

Quand ils se font élire, les premiers ministres sortent leurs grandes théories sur la réforme du Sénat — et disons que nous en avons vu passer plus d’un au fil des ans. Je peux toutefois vous assurer, chers collègues, que les premiers ministres finissent par partir, emportant avec eux leurs velléités de réforme, mais que la Constitution, elle, est là depuis 150 ans. Je m’en tiendrai donc à ce qu’elle dit.

La Constitution ne fait pas de distinction entre les deux Chambres. L’article 18 est sans équivoque. Il n’accorde pas au Sénat les mêmes pouvoirs que la Chambre des lords, chers collègues, mais que la Chambre des communes, à une exception près : le Sénat ne peut pas présenter de mesures financières. Alors oui, le Sénat a beau se targuer d’être la Chambre de second examen objectif, et plus particulièrement de second examen objectif des mesures législatives, et s’enorgueillir du fait que les rapports de ses comités sont souvent cités en exemple, comme le rapport Kirby, sur la santé mentale, ou le rapport Payer maintenant ou payer plus tard, sur l’autisme...

Comprenez-moi bien : nous pouvons, que dis-je, nous devons analyser avec la plus grande rigueur la manière dont le gouvernement dirige le pays au jour le jour et remettre en question ses façons de faire. C’est notre devoir, l’engagement que nous avons pris envers les régions que nous représentons. Tout à l’heure, mon collègue a cité le premier ministre Trudeau, mais je me permets de reprendre la même citation à mon compte : « Si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son cabinet, surtout dans le cas d’un gouvernement majoritaire. »

Le sénateur Smith faisait partie de l’opposition à l’époque. Le Parlement est plus utile à un chef lorsqu’il fait partie de l’opposition que lorsqu’il devient premier ministre.

Selon les allégations, on a abusé d’un pouvoir extraordinaire. C’est de cela qu’il est question, chers collègues. Les allégations qui pèsent contre le cabinet du premier ministre ne sont justement que cela : des allégations. Ce sont des allégations très graves. Elles ont surgi pour la première fois il y a 12 jours. Aujourd’hui, les Canadiens, plutôt que d’y voir plus clair, ont davantage de questions. Ils méritent d’obtenir des réponses à leurs questions, chers collègues. Nous avons le devoir de faire ce que nous pouvons pour leur donner ces réponses.

Plus tôt cette semaine, un journaliste a demandé à notre collègue le sénateur Pratte, qui est membre du Comité juridique et constitutionnel du Sénat, si c’est le rôle du Sénat de faire enquête dans cette affaire. Le sénateur a répondu qu’il n’en était pas certain, mais qu’il s’agit d’un enjeu important et qu’il ne semble pas que le Comité de la justice de la Chambre des communes pourra aller au fond des choses. Je suis tout à fait d’accord avec lui.

Le sénateur Pratte a également dit qu’il n’était pas certain que le Comité juridique et constitutionnel du Sénat a le mandat de mener une telle enquête et qu’il faudrait l’en convaincre.

Honorables collègues, tous les comités sénatoriaux ont le mandat d’étudier ce qu’ils décident d’étudier et ce que le Sénat leur ordonne d’étudier. Si le Sénat décide de donner au comité le mandat d’étudier cette question, le comité aura ce mandat; du moins c’est ce que la procédure prévoit. Cependant, si on ne peut pas convaincre le sénateur Pratte que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles possède le mandat de mener cette enquête ou que nous devrions le lui confier, d’autres options s’offrent à nous. Nous pouvons former un comité plénier et, en toute transparence, citer à comparaître devant le comité tous les acteurs pertinents. Cependant, tout comme M. Boissonnault, le sénateur Pratte a lui aussi dit craindre que certains utilisent une telle enquête pour marquer des points pour leurs partis.

Je partage cette inquiétude. Je la partage vraiment, sénateur Pratte. Je ne pense pas qu’infliger des blessures politiques justifie la tenue d’une enquête sénatoriale sur cette question, tout comme je ne pense pas que protéger quelqu’un de telles blessures justifie le fait de ne pas mener une enquête sénatoriale sur cette affaire. Vous voyez, dans les deux cas, nous risquons de nous faire taxer de partisanerie. Je ne suis pas convaincu que ces raisons soient suffisantes pour justifier l’un ou l’autre de ces choix.

(1930)

Je dirais que c’est la nature moins partisane du Sénat qui fait que c’est l’institution idéale pour mener ce genre d’enquête. Même avant que la vision de Justin Trudeau pour le Sénat se concrétise, cette institution avait été reconnue comme étant moins partisane que l’autre endroit. On nous dit que c’est encore plus vrai maintenant. On dirait bien que ce soit le cas compte tenu du fait que la majorité des sénateurs n’ont aucune affiliation politique officielle.

Chers collègues, je respecte vos choix dans cette affaire. Tout ce que j’ai toujours demandé, c’est que vous respectiez aussi les miens, bien sûr. Qu’on soit membre d’un parti ou pas, nous sommes tous des parlementaires chargés de défendre les intérêts des Canadiens et des personnes que nous représentons. Je prends très au sérieux mon rôle de parlementaire, comme chacun d’entre vous, peu importe le côté du Sénat où nous siégeons. Nous avons peut-être des points de vue politiques différents. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur les intérêts à défendre, mais nous sommes tous ici pour faire ce que nous croyons être sincèrement la meilleure chose. Je le crois sincèrement. Je crois profondément que chaque sénateur du Groupe des sénateurs indépendants et du caucus libéral du Sénat, chaque sénateur conservateur et chaque sénateur indépendant prennent des décisions au Sénat en fonction de ce qui leur semble être le mieux pour les Canadiens.

Je crois sincèrement que le mieux présentement est que les Canadiens obtiennent des réponses. Nous devons obtenir des réponses, car c’est la confiance envers le système de justice et les institutions démocratiques qui est en jeu. Nous devons donner des réponses aux Canadiens afin qu’ils gardent la confiance qu’ils ont dans le système parlementaire et la démocratie canadienne, ainsi que dans notre régime parlementaire bicaméral inspiré de Westminster. La chose la plus importante au cœur de notre démocratie, comme vous le savez, chers collègues, est la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Il faut absolument protéger la séparation et l’indépendance de ces pouvoirs. De graves allégations indiquent que cette séparation n’a pas été respectée. Je ne vais pas reprendre toutes les suppositions quant à ce qui se serait passé et aux différentes explications données par certains. Nous ne sommes pas ici pour faire des suppositions. Au contraire, nous sommes ici pour aller au fond des choses en toute transparence.

Chercher à obtenir des réponses à ces questions n’est pas faire preuve de partisanerie. C’est notre devoir, chers collègues. Nous avons fait le serment de représenter nos régions respectives et leurs habitants. Je parle en mon nom, et en mon nom seulement, lorsque j’affirme vouloir faire la lumière sur cette affaire, qui réclame notre aide. Nous avons une obligation, chers collègues. Il n’y a pas d’endroit plus approprié qu’ici, au Parlement. On ne peut balayer tout ceci du revers de la main comme si c’était une peccadille. C’est votre obligation première au nom des gens que vous représentez.

C’est l’occasion pour nous, en tant que parlementaires, de démontrer ce que nous valons à nos concitoyens afin que cette institution conserve toute sa crédibilité et sa pertinence. Nous n’y parviendrons pas en nous défilant devant notre obligation de scruter et de remettre en question le gouvernement et l’usage qu’il fait de ses pouvoirs extraordinaires. Nous devons montrer aux Canadiens qu’ils peuvent continuer d’avoir foi et confiance en cette institution. Faisons ce qui s’impose. Une fois pour toutes, faisons ce qui s’impose en tant qu’institution non partisane et montrons que nous pouvons faire preuve de leadership en tant qu’institution parlementaire. Merci.

Le sénateur Harder : J’ai une question. J’aimerais poser une question à l’honorable sénateur s’il le veut bien.

Le sénateur Housakos : Certainement.

Le sénateur Harder : Sénateur, trouveriez-vous approprié qu’un comité de la Chambre des communes se penche sur une question d’éthique propre au Sénat qui a été soumise au conseiller sénatorial en éthique?

Le sénateur Housakos : Lorsqu’il s’agit de l’exécutif du gouvernement du Canada, n’importe laquelle des deux Chambres a le droit et le devoir d’enquêter. Qu’il s’agisse d’un membre du gouvernement qui se trouve à siéger au Sénat, d’un ministre ou d’un chef de gouvernement, c’est non seulement leur droit, mais leur devoir.

Le sénateur Harder : Aviez-vous le même point de vue au cours de la dernière législature, lorsque des questions d’éthiques n’ont pas été étudiées par la Chambre des communes, mais par le Sénat?

Le sénateur Housakos : Je vais vous rafraîchir un peu la mémoire, monsieur le leader du gouvernement. C’était notre gouvernement, et quand je dis « notre gouvernement », je tiens à dire que ce n’était pas une décision qui venait d’en haut. C’est le leader du gouvernement au Sénat et le loyal caucus conservateur majoritaire du Sénat qui ont demandé au vérificateur général de faire une vérification judiciaire nous concernant. Je prendrai au sérieux votre question le jour où votre gouvernement aura fait preuve du niveau de transparence dont nous avons fait preuve.

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, l’amendement proposé par le sénateur Harder et la motion initiale soulèvent au moins quatre questions : Un, cette question mérite-t-elle vraiment de faire l’objet d’une enquête parlementaire? Deux, une enquête de ce type relève-t-elle du mandat du Sénat? Trois, est-ce le bon moment pour lancer une telle enquête? Ne devrions-nous pas plutôt attendre le rapport du commissaire à l’éthique de la Chambre des communes, comme le propose l’amendement? Quatre, si la motion de l’honorable sénateur Smith n’est pas modifiée, constitue-t-elle une base solide pour un éventuel examen non partisan?

Commençons par le premier point : cette question mérite-t-elle de faire l’objet d’une enquête parlementaire? Absolument. Personne ne dit le contraire. Le premier ministre, le procureur général actuel et le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, ont tous admis qu’il s’agit d’un enjeu important et ils voient d’un bon œil les enquêtes du Comité de la justice de la Chambre des communes et du commissaire à l’éthique de la Chambre des communes.

Voici ce que M. Wernick a dit :

De toute évidence, les Canadiens veulent que les événements en cause fassent l’objet d’un examen public et transparent. C’est leur droit.

Je suis d’accord. Honorables sénateurs, c’est loin d’être la première fois, que ce soit au Canada, au Royaume-Uni ou ailleurs au sein du Commonwealth, que des événements remettent en question l’indépendance du procureur général et la manière dont il ou elle exerce ses pouvoirs en matière de poursuites. À première vue, le principe en cause, c’est-à-dire la doctrine de Shawcross, semble se passer d’explications. Or, comme l’a dit le regretté juge australien L. J. King, il y a une vingtaine d’années :

L’application de la convention à des situations concrètes a connu bien des hauts et des bas et la relation qui devrait exister entre le procureur général et le Cabinet relativement à des décisions concernant l’exercice de la prérogative est loin d’être facile à définir d’une manière qui produise des résultats toujours satisfaisants.

Il est évident que le procureur général peut consulter ses collègues du Cabinet et que ces derniers peuvent l’informer de facteurs à prendre en compte en matière de politique publique. Toutefois, ces facteurs ne doivent pas être de nature partisane. Les conséquences de poursuites judiciaires contre un géant canadien de l’ingénierie sur le milieu des affaires et sur l’économie compteraient normalement parmi les facteurs légitimes. Toutefois, le nouveau paragraphe 715.32(3) du Code criminel semble définir plus étroitement la portée de ces facteurs. En effet, le paragraphe interdit au poursuivant, dans son évaluation en vue de déterminer s’il convient de négocier un accord de réparation, de prendre en compte « les considérations d’intérêt économique national » dans les cas de corruption d’agents publics étrangers. Cette question complexe mérite, à tout le moins, un examen plus approfondi.

Ce qui demeure évident, c’est que personne au Cabinet, pas même le premier ministre, ne doit ordonner au procureur général d’intenter ou de ne pas intenter de poursuites dans une affaire donnée. De plus, nul ne doit exercer de pressions à l’endroit du procureur général. Je cite lord Shawcross :

La responsabilité d’une décision éventuelle incombe au procureur général et celui-ci ne doit pas être, et n’est pas, sujet à des pressions de la part de ses collègues à cet égard.

J’en viens ainsi au nœud de l’affaire : qu’entend-on par « pression »? Dans son témoignage de la semaine dernière, M. Wernick a affirmé ceci :

La ministre de la Justice n’a jamais subi de pressions inappropriées.

Toutefois, le principe de Shawcross ne fait pas référence à une « pression inappropriée ». Il semble indiquer que toute pression est inappropriée.

Dans son témoignage d’hier, l’ancienne ministre a affirmé avoir reçu de multiples invitations insistantes de la part de haut placés à tenir compte des répercussions politiques et économiques de sa décision à titre de procureure générale. Même après avoir clairement dit que sa décision était définitive et qu’elle considérait que ces demandes empiétaient sur l’indépendance du procureur général, les démarches ont continué.

Mme Wilson-Raybould est convaincue que ce type de pression dépasse les limites établies par lord Shawcross. Le gouvernement n’est pas de cet avis.

Si la description des événements que Mme Wilson-Raybould a donnée hier est exacte, je crois qu’elle a raison. Il y a eu tout simplement trop d’interventions de nombreuses personnes, y compris des menaces voilées, pour que ces incidents puissent être réduits à un Cabinet qui communique poliment son point de vue sur l’intérêt public.

Il est encore tôt pour tirer une conclusion définitive. Un grand nombre de protagonistes n’ont pas donné leur version des faits. Malgré le témoignage de trois heures et demie de l’ancienne procureure générale, beaucoup de questions restent sans réponse.

Par conséquent, l’amendement et la motion initiale soulèvent une deuxième question : revient-il au Sénat d’enquêter sur de telles affaires? La réponse est, cela dépend.

(1940)

Comme vous le savez, selon la Cour suprême, le Sénat est un organe législatif complémentaire, plutôt qu’un éternel rival de la Chambre des communes. Dans le dictionnaire, on définit « complémentaire » comme étant ce « qui constitue un complément » — un complément, pas un concurrent. Dans la présente affaire, notre rôle, si nous en avons un, est de faire un travail complémentaire à celui de l’autre endroit, le cas échéant.

Le Comité de la justice de la Chambre des communes mène présentement une étude et il a entendu l’ancienne procureure générale et celui qui lui a succédé, le greffier du Conseil privé et des spécialistes des accords de suspension des poursuites et de la doctrine de Shawcross. Le rôle du Sénat est d’agir de façon complémentaire à l’enquête menée par la Chambre, pas de lui faire concurrence, advenant que nous soyons d’avis qu’elle n’a pas été menée de façon exhaustive. Il n’est pas question d’une compétition entre les deux Chambres, mais de savoir si la question a été entièrement examinée par le Parlement. Pour l’instant, je crois qu’il serait prématuré de juger du travail mené à l’autre endroit.

Pour justifier le lancement d’une enquête du Sénat sur l’affaire SNC-Lavalin, on a fait valoir notamment que le Sénat est moins partisan que la Chambre des communes. Franchement, compte tenu des événements récents survenus à l’intérieur et à l’extérieur de cette enceinte, je ne nourris pas beaucoup d’espoir quant à la tenue d’une enquête sénatoriale tout à fait impartiale. Vous ne pouvez pas inviter les chauffeurs de camion à écraser tous les libéraux du pays un jour et soutenir le lendemain que vous êtes moins partisans que les députés de la Chambre des communes.

Mardi, le chef du Parti conservateur a déclaré que cette affaire constitue un exemple parfait de corruption gouvernementale. Hier, il a réclamé la démission du premier ministre. Même si on accepte pleinement la version des faits de Mme Wilson-Raybould, les commentaires de M. Scheer constituent une interprétation plutôt exagérée de faits tels que nous les connaissons. Certes, il s’agit peut-être d’un cas grave d’atteinte à l’indépendance du système judiciaire, mais il est prématuré et surtout inconsidéré de faire des allégations d’actes criminels pour l’instant.

[Français]

Troisième question : est-ce le bon moment pour lancer une telle enquête? Je crois qu’il est trop tôt, trop tôt pour conclure que l’enquête du Comité de la justice de la Chambre des communes sera inadéquate; elle nous a d’ailleurs déjà appris beaucoup.

Trop tôt parce que, le travail de l’autre endroit étant loin d’être terminé, il nous est impossible de savoir ce que le Sénat, Chambre complémentaire, pourra y ajouter et de quelle manière il devrait s’y prendre.

Cela dit, l’amendement proposé par le sénateur Harder suggère d’attendre la conclusion de l’enquête du commissaire à l’éthique de la Chambre des communes. Je crois que ce serait trop tard.

Si l’on en juge par ses pratiques habituelles, le commissaire mettra au moins quelques mois pour faire son travail. Adopter l’amendement du sénateur Harder reviendrait à reporter toute enquête sénatoriale aux calendes grecques. Le Sénat n’a certainement pas à attendre la fin de l’étude du commissaire à l’éthique de l’autre endroit pour tenter d’obtenir lui-même des réponses, si cela s’avère nécessaire.

D’ailleurs, l’enquête du commissaire, comme on l’a déjà souligné, portera sur un aspect relativement limité de l’affaire, c’est-à-dire le Code régissant les conflits d’intérêts des députés ou la Loi sur les conflits d’intérêts. Or, dans ces textes, sauf erreur, il n’est nulle part question du principe de l’indépendance du procureur général, qui est au cœur de la présente controverse.

Quatrième question : si nous ne l’amendons pas, la motion de l’honorable sénateur Smith est-elle l’outil approprié pour lancer l’enquête non partisane que tout le monde dit souhaiter, ou bien faut-il l’amender? À mon avis, cette motion est insatisfaisante en raison de son caractère partisan et prématuré.

La date limite fixée par la motion — au plus tard le 1er juin — permettrait au comité de consacrer trois mois à cette enquête, une période beaucoup trop longue pour un exercice ciblé de ce genre… À moins que cela ne cache d’autres motivations.

Par ailleurs, si le sénateur Smith avait voulu lancer une enquête non partisane, il aurait pris soin de consulter les autres groupes qui siègent dans cette enceinte dans l’espoir que tous s’entendent sur une motion commune. D’après ce que j’en sais, aucune démarche de ce genre n’a eu lieu avant le dépôt de la motion.

[Traduction]

Par conséquent, voici les réponses aux quatre questions. Un, il est clair que la question soulevée par la motion du sénateur Smith et l’amendement du sénateur Harder est grave et justifie la tenue d’une enquête parlementaire.

Deux, si le Sénat devait mener une telle enquête, cette dernière devrait compléter le travail effectué dans le cadre de l’enquête menée à l’autre endroit. Comme cette enquête est encore loin d’être terminée, il est impossible de dire si une enquête complémentaire sera nécessaire.

Trois, il est donc trop tôt pour que le Sénat entame une enquête sur l’affaire SNC-Lavalin. Cependant, l’amendement proposé par le sénateur Harder ferait pratiquement en sorte que le Sénat ne puisse se pencher sur la question avant la fin de la législature en cours.

Quatre, la motion unilatérale du sénateur Smith est trop partisane pour servir de point de départ à un examen objectif des questions pertinentes.

Honorables sénateurs, je ne rejette pas l’idée d’une enquête du Sénat dans cette affaire. Par contre, je pense qu’on ne peut faire un second examen objectif si on essaie d’aller trop vite. Le travail en double n’est pas une utilisation judicieuse de notre temps et de l’argent des contribuables. D’un autre côté, en décidant d’attendre plusieurs mois, comme le suggère le sénateur Harder, nous renoncerions à notre responsabilité en tant que Chambre complémentaire.

Le sénateur Smith veut mettre le gouvernement dans l’embarras, ce qui est normal en politique partisane. Le sénateur Harder, lui, essaie de protéger le gouvernement, ce qu’on peut comprendre. Les sénateurs indépendants ne devraient faire ni l’un ni l’autre.

Selon moi, le scénario préférable, c’est d’attendre de voir si le Comité de la justice de l’autre endroit entendra tous les témoins pertinents et s’il examinera tous les éléments de preuve en profondeur. S’il le fait, il sera inutile que le Sénat mène une enquête. S’il ne le fait pas, ce n’est qu’à ce moment-là que nous devrons déterminer si nous avons le devoir de terminer le travail. En tant que Chambre du Parlement, nous ne devrions pas avoir à attendre la fin de l’enquête du commissaire à l’éthique, qui durera de nombreux mois, avant de tenter de vérifier les faits.

Par conséquent, je dois dire que, pour le moment — mais le débat est encore jeune —, je suis tenté de voter contre tant l’amendement du sénateur Harder que la motion du sénateur Smith. Bien sûr, avant de prendre une décision à ce sujet, je vais écouter ce que mes sages collègues ont à dire parce que, comme le sénateur Harder l’a indiqué, en définitive, c’est le Sénat qui décidera.

Honorables sénateurs, en tant que législateurs indépendants, ce que nous prétendons tous être, nous devons éviter tant l’empressement partisan que la tergiversation partisane. Nous ne devrions pas nous jeter de façon irréfléchie dans la mêlée partisane, pas plus que nous ne devrions dérober à nos responsabilités. Il est difficile de trouver un juste équilibre, mais c’est précisément le mandat de la Chambre indépendante de second examen objectif.

Maintenant, certains n’aimeront peut-être pas que l’opposition utilise cette controverse pour faire des gains politiques. D’autres seront tentés de donner au gouvernement le bénéfice du doute. D’autres encore auront des points de vue divergents. Toutefois, chers collègues, notre devoir en tant que législateurs indépendants est ni envers l’opposition ni envers le gouvernement. Notre devoir est de servir la vérité. En servant la vérité, nous servons les Canadiens. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Oui.

Le sénateur Woo : Je vous remercie de votre exposé réfléchi. Je pense à l’un des quatre critères que vous avez présentés, soit celui qui nous demande d’attendre le résultat de l’enquête menée par le comité de la Chambre avant de décider s’il a suffisamment examiné les enjeux.

Je vous saurais gré de nous aider à réfléchir à la façon dont nous pourrions déterminer si la Chambre est parvenue à une conclusion appropriée. Quand il s’agit d’un enjeu controversé et complexe, il y a toujours des questions en suspens, et des gens souhaitent toujours en savoir plus. On ne pourra pas répondre à certaines questions, puisque l’information pertinente n’existe pas. Certaines questions sont aussi de nature philosophique ou idéologique. Enfin, d’autres relèvent plutôt d’un débat juridique, qui va durer encore très longtemps et qui ne fera jamais l’unanimité.

Je conviens que vos conclusions sont éminemment rationnelles et terre à terre. Toutefois, pouvez-vous nous aider à penser à la façon dont nous pourrions déterminer si la Chambre a fait son travail correctement, une fois qu’elle aura terminé son enquête?

Son Honneur le Président : Votre temps de parole est écoulé, sénateur Pratte. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Pratte : Oui, pour répondre à cette question.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Allez-y, sénateur Pratte.

Le sénateur Pratte : Bien sûr que la question est difficile. Selon le premier critère, il s’agit de savoir si le Comité de la justice de la Chambre entend tous les témoins pertinents. C’est le premier critère.

Il s’agit de savoir aussi comment les audiences se dérouleront. Par exemple, beaucoup ont pensé que si Mme Wilson-Raybould témoignait devant le Comité de la justice de l’autre endroit, nous n’aurions jamais suffisamment de réponses, étant donné le parti pris politique du comité, et qu’on aurait affaire à un jeu partisan plutôt qu’à une audience réfléchie.

(1950)

Finalement, nous avons constaté qu’il y a eu un examen très réfléchi et très minutieux du témoignage fourni par l’ancienne procureure générale. C’est à mon avis le premier critère.

Allons-nous entendre tous les témoins concernés par la question? Les audiences seront-elles aussi instructives et détaillées qu’elles le devraient?

Je sais que l’opposition estime que nous ne devrions pas nous arrêter à la question d’ordre juridique de l’interprétation de la doctrine de Shawcross. Le comité de la Chambre a légèrement abordé la question, mais pas assez en profondeur, à mon avis. Il est extrêmement important de comprendre la différence qu’il y a entre des pressions et des pressions inappropriées. Quelle est la différence entre les deux? Je ne pense pas qu’elle soit tout à fait limpide. Si la Chambre des communes ne creuse pas le sujet, nous pourrions peut-être le faire, ainsi qu’entendre les témoins qui n’auront pas comparu devant le Comité de la justice.

Le sénateur Woo : Je n’arrive pas à formuler rapidement une question sur ce sujet, mais je vais simplement intervenir dans le débat pour remercier le sénateur Pratte d’avoir posé ces questions et pour souligner qu’il se fait tard. Les médias ne sont pas ici pour enregistrer ce que nous disons. J’espère que le Comité de la justice de la Chambre des communes prendra note de quelques-unes des suggestions du sénateur Pratte sur les aspects à prendre en considération dans ses délibérations afin qu’il comprenne que le Sénat, à titre de Chambre complémentaire, ne va pas précipiter les choses. Cependant, nous allons nous pencher avec beaucoup d’intérêt sur la liste des témoins, le type de questions qui seront posées, la nature partisane ou non partisane des questions et la rigueur de l’enquête. Ces facteurs auront des répercussions sur une éventuelle décision de notre part.

Le sénateur Gold : Je propose l’ajournement du débat à mon nom.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Gold, avec l’appui de l’honorable sénateur Woo, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Votre Honneur, si je peux dire un mot, nous serions prêts à passer au vote maintenant.

Honnêtement, j’aimerais demander au sénateur Gold de retirer la motion. Nous avons entendu un intervenant, puis nous étions prêts à lever la séance. Il y avait une sénatrice qui voulait prendre la parole aujourd’hui.

Elle a essayé de le faire, sénateur Gold, mais on ne lui a pas donné la parole.

Le sénateur Gold : Je suis d’accord pour la retirer. Je n’étais pas au courant qu’une autre personne souhaitait prendre la parole.

Son Honneur le Président : Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Denise Batters : Merci, honorables sénateurs.

Je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer à l’amendement du sénateur Harder et appuyer la motion du sénateur Smith visant à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à faire enquête sur les allégations d’ingérence du cabinet du premier ministre dans la décision de l’ancienne procureure générale, la députée Jody Wilson-Raybould, relative aux poursuites criminelles contre SNC-Lavalin.

Ces allégations choquantes portent un coup au cœur même du système de justice pénale.

J’ai été la chef de cabinet du ministre de la Justice de la Saskatchewan pendant presque cinq ans et je peux vous dire que l’indépendance du procureur général est le sujet du premier chapitre de n’importe quel cahier d’information sur ce poste. Il n’y a rien de plus fondamental.

Comme tous les Canadiens, les sénateurs veulent des réponses dans cette affaire. Nous craignons avec raison la possible subversion de la primauté du droit et de l’indépendance du système judiciaire.

Récemment, ma collègue du caucus conservateur la députée et porte-parole en matière de justice Lisa Raitt a demandé aux avocats et aux anciens avocats qui siègent à la Chambre des communes de se rappeler le serment qu’ils ont prêté lorsqu’ils ont été admis au barreau, soit qu’ils s’engageaient à défendre la primauté du droit.

En tant qu’avocate, je lance ce même appel à tous mes collègues du Sénat qui ont prêté le serment. Il nous incombe de voter en faveur du principe clé qui sous-tend le serment.

Récemment, les membres du cabinet du premier ministre ont tenté de faire croire qu’il était normal d’exercer des pressions sur la procureure générale pendant le processus décisionnel, mais qu’ils n’avaient jamais exercé de pression indue ou inappropriée sur la ministre Wilson-Raybould.

Honorables sénateurs, Jody Wilson-Raybould était procureure générale du Canada. Toute pression visant à lui faire choisir une voie particulière à propos d’une poursuite pénale était indue et inappropriée, surtout dans un contexte où la directrice du Service des poursuites pénales avait déjà pris sa décision et où Mme Wilson-Raybould avait déjà dit au premier ministre qu’elle n’avait aucune intention d’intervenir pour changer cette décision.

Il était indu et inapproprié que le premier ministre et ses plus proches collaborateurs — Gerry Butts, Katie Telford et le greffier du Conseil privé, Michael Wernick — refusent, encore et encore, d’accepter le « non » de la procureure générale, et ce, pendant les quatre mois qui ont suivi la décision.

Il était inapproprié que Trudeau et son cabinet tentent de harceler la procureure générale, qu’ils insistent sans relâche dans le but de la faire plier et, devant l’échec de leurs démarches, qu’ils l’écartent du poste de procureure générale.

Ce que nous savons déjà, d’après les témoignages que nous avons entendus, c’est que quelque chose d’extrêmement troublant s’est produit. Le 4 septembre 2018, la directrice des poursuites pénales a statué que SNC-Lavalin n’aurait pas d’accord de suspension des poursuites et que l’affaire irait devant les tribunaux. Le 17 septembre, le premier ministre Justin Trudeau et le greffier du Bureau du Conseil privé Michael Wernick ont rencontré la procureure générale Jody Wilson-Raybould. Mme Wilson-Raybould a informé le premier ministre qu’elle n’interviendrait pas dans la décision de la directrice des poursuites pénales dans le dossier de SNC-Lavalin. Elle a témoigné qu’elle avait subi des pressions du premier ministre Trudeau pour qu’elle considère les conséquences électorales d’un échec dans le dossier de SNC-Lavalin. Le premier ministre a mentionné les élections à venir au Québec et a dit : « Je suis un député du Québec, le député de Papineau ».

Cela a troublé Mme Wilson-Raybould qui a dit ceci :

Ma réponse, et je m’en souviens très bien, a été de poser une question directe au premier ministre en le regardant droit dans les yeux.

Je lui ai dit : « Êtes-vous en train de vous ingérer politiquement dans mon rôle, ma décision à titre de procureure générale? Je vous déconseille fortement de le faire ».

Le premier ministre a-t-il arrêté ses pressions? Non. M. Wernick a rencontré des représentants de SNC-Lavalin et leur a demandé de continuer d’exercer des pressions sur Mme Wilson-Raybould.

Le 5 décembre, le bras droit de M. Trudeau, Gerry Butts, et la ministre Wilson-Raybould se sont rencontrés au salon du Château Laurier et ont discuté du dossier de SNC-Lavalin. C’est alors que M. Butts a de nouveau pressé l’ancienne ministre de trouver une solution dans le dossier de SNC-Lavalin.

Il faut garder à l’esprit, bien sûr, qu’à la toute première réunion du caucus du gouvernement libéral en 2015, le premier ministre Trudeau avait dit aux députés libéraux que toute communication venant de Gerry Butts devait être considérée comme venant le lui.

Le jour suivant, le 6 décembre, le premier ministre Trudeau a écrit à Mme Wilson-Raybould pour lui transmettre la lettre de SNC-Lavalin dans laquelle la société demandait le réexamen d’un accord de suspension des poursuites.

Le 18 décembre, les deux principaux conseillers du premier ministre, Gerry Butts et Katie Telford, ont rencontré la chef de cabinet de la ministre Wilson-Raybould, Jessica Prince. Ils ont tenté d’exercer des pressions sur elle dans ce qu’elle a qualifié de :

[...] point culminant des efforts du bureau du premier ministre pour intervenir dans cette affaire.

Mme Prince a été dérangée par la conversation et en a fait part à Mme Wilson-Raybould par message texte. Elle a cité Gerry Butts, qui lui a dit :

Jess, il n’y a pas de solution qui n’entraîne pas une certaine dose d’ingérence.

Katie Telford a dit : « Nous ne voulons plus discuter de détails juridiques. »

Le jour suivant, le 19 décembre, le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, a déjeuné avec le premier ministre et des employés hauts placés. Cet après-midi-là, M. Wernick a appelé Mme Wilson-Raybould, soi-disant, d’après ce qu’il l’a dit, pour l’informer du contexte entourant l’affaire SNC-Lavalin, notamment pour lui dire que le premier ministre et les collègues de la ministre au Cabinet se souciaient des conséquences économiques que pouvaient avoir les poursuites criminelles contre SNC-Lavalin. Jody Wilson-Raybould n’a pas vécu les choses de la même façon. Elle a déclaré que M. Wernick avait dit : « Je pense qu’il [le premier ministre] va trouver moyen que ça se fasse, d’une façon ou d’une autre. Il est dans cet état d’esprit. Je voulais que vous le sachiez. » La menace voilée était évidente : soit elle renversait la décision de la Direction des poursuites pénales, soit elle perdait son emploi.

Combien de fois Jody Wilson-Raybould a-t-elle eu à dire non à ces hommes de pouvoir? Ils ont maintenu la pression, espérant l’avoir à l’usure. Même sous cette pression incessante, la procureure générale a refusé d’annuler la décision de la directrice des poursuites pénales de traduire SNC-Lavalin en justice.

Environ deux semaines plus tard, la ministre de la Justice et procureure générale a appris qu’elle se verrait confier le portefeuille des Anciens Combattants.

Certains sénateurs ont dit avoir l’intention de voter contre la motion du sénateur Smith, alléguant que le Comité de la justice de la Chambre est le meilleur endroit pour ce type d’enquête. Toutefois, ce comité dominé par les libéraux a par moments montré que faire éclater la vérité ne l’intéresse pas. La majorité libérale a initialement voté pour exclure tous les témoins provenant du cabinet du premier ministre qui sont visés directement par ces allégations, y compris Gerry Butts. Lors de sa démission, M. Butts a entièrement nié avoir fait pression sur la procureure générale. Les comptes rendus semblent indiquer tout le contraire, mais la question demeure : pourquoi Gerald Butts a-t-il démissionné s’il n’a rien à se reprocher? La véracité de ses dénégations doit être vérifiée.

Plutôt que d’entendre certains témoins directement impliqués dans les faits, le Comité de la justice a choisi d’entendre des universitaires et des fonctionnaires au sujet de l’application théorique de la procédure et des lois. Il est curieux de voir les députés du gouvernement de Trudeau s’intéresser autant maintenant à la doctrine de Shawcross sur l’indépendance du poursuivant. À la fin de ce scandale, quelques libéraux pourraient se retrouver à demander grâce à un Shawshank. Le comité de la Chambre des communes, qui est dominé par les libéraux, a accepté à contrecœur de laisser l’ex-ministre Wilson-Raybould témoigner, mais elle était tout de même encore liée dans une certaine mesure par le secret professionnel au cours de son témoignage.

(2000)

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est capable de tenir des audiences beaucoup plus complètes sur cette affaire. De plus, une telle étude serait directement liée à des travaux précédents de ce comité.

Le printemps dernier, notre comité chargé des affaires juridiques a étudié la question des accords de réparation ou accords de suspension des poursuites, dans le projet de loi C-74 d’exécution du budget. L’observation suivante figure dans notre rapport et a recueilli l’assentiment unanime du comité :

Le comité est préoccupé que ce type de modification substantielle au Code criminel soit inclus dans une loi de mise en œuvre du budget.

Que la disposition sur les accords de réparation ait été incluse dans un projet de loi omnibus au lieu de faire l’objet d’un projet de loi distinct a obligé le comité sénatorial à ne consacrer que deux réunions à l’examen de cette question de taille. Le comité a aussi formulé l’observation suivante à l’unanimité :

Le comité note qu’il n’a pas eu l’occasion d’entendre le témoignage de la ministre de la Justice sur les modifications proposées qui relèvent de son mandat ministériel, malgré qu’une invitation lui ait été faite.

Il est très inhabituel qu’un ministre ne témoigne pas devant un comité sénatorial au cours de l’étude d’un projet de loi ministériel. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a une réputation particulièrement enviable pour la qualité de son travail, et ses délibérations ont été citées dans de nombreuses décisions des tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada.

Le 24 mai 2018, lors de la première réunion du Comité des affaires juridiques sur le projet de loi C-74, des fonctionnaires du ministère ont comparu sans la ministre Wilson-Raybould. Nous avons été informés qu’elle ne pouvait pas assister à la réunion et qu’elle serait absente toute la semaine.

Comme je l’ai fait remarquer au comité pendant la réunion, je trouvais cela particulièrement étrange puisque, deux heures plus tôt, j’avais regardé l’entrevue en direct que la ministre Wilson-Raybould avait donnée à Ottawa à l’émission Your Morning à CTV. Plus tard ce jour-là, elle a répondu à des questions pendant la période des questions et donné un discours sur le projet de loi C-75 à la Chambre des communes.

Le comité a été informé que la ministre Wilson-Raybould pourrait être en mesure de témoigner le 30 mai. Cependant, le jour de la réunion, nos témoins étaient Carla Qualtrough, ministre des Services publics, et le voisin de banquette du premier ministre à la Chambre des communes, Marco Mendicino, secrétaire parlementaire de la ministre de la Justice. Ils ont comparu avec des fonctionnaires du ministère de la Justice.

Lorsque le sénateur Boisvenu, le vice-président conservateur du Comité des affaires juridiques, a demandé la raison de l’absence de la ministre de la Justice, la ministre Qualtrough a répondu que Mme Wilson-Raybould n’était encore une fois pas en mesure de répondre à notre invitation, mais qu’elle-même avait « immédiatement saisi l’occasion » de prendre sa place. Elle a essayé désespérément d’établir un lien pertinent entre le portefeuille des Travaux publics et les modifications du Code criminel présentées dans un projet de loi de finances.

Pendant ce temps, M. Mendicino, qui ne sait rien de ce qui se discute au Cabinet, a interrompu à quelques reprises la discussion pour répondre aux questions posées. Il faut dire que ses réponses, qui étaient loin d’être convaincantes, ont permis d’établir un fait : quand on ne fait pas partie du Cabinet, mieux vaut ne pas répondre aux questions du Comité sénatorial des affaires juridiques au nom du gouvernement du Canada.

Ce jour-là, les médias ont indiqué que le Comité des finances de la Chambre des communes avait consacré seulement 15 minutes à l’étude des dispositions du projet de loi C-74 portant sur les accords de réparation. Quand j’ai demandé à la ministre Qualtrough quel ministre les avait présentées au comité des Communes, elle a été incapable de répondre. Elle a dû consulter M. Mendicino, qui a lui-même dû consulter les représentants du ministère de la Justice. Ils ont fini par découvrir que c’était le ministre des Finances, Bill Morneau.

Je ne crois pas avoir besoin de préciser que les récentes allégations de pressions indues sur l’ex-procureure générale Wilson-Raybould de la part de personnes très haut placées dans l’entourage de M. Trudeau au sujet de ces accords de réparation nous font voir ce qui s’est passé à notre comité sous un tout autre jour.

À l’époque, la procureure générale donnait l’impression de ne vouloir parler sous aucun prétexte des portions du projet de loi traitant des accords de réparation. Faisait-elle déjà l’objet de pressions de la part du cabinet du premier ministre?

De son côté, le Sénat se faisait presser de toutes parts pour que le Comité des affaires juridiques termine son étude et lui en fasse rapport avant le 31 mai. C’est à se demander si cette date butoir ne cachait pas autre chose.

Je trouve un peu fort que le sénateur Harder ait sermonné les sénateurs de l’opposition la semaine dernière en leur disant qu’ils auraient dû dénoncer les accords de réparation proposés dans le projet de loi C-74 quand le Sénat étudiait cette mesure. Étant donné les délais serrés, le Comité des affaires juridiques n’a pu tenir que deux réunions, car le gouvernement Trudeau tenait à ce que les comités fassent rapport au Sénat pour le 31 mai.

Fait très intéressant, d’après le registre des lobbyistes, SNC-Lavalin a fait des démarches de lobbying auprès du leader du gouvernement au Sénat, Peter Harder, à deux reprises, le 10 mai et le 31 mai.

Le 10 mai, le lobbying de SNC-Lavalin concernait la justice et les forces de l’ordre. Mais quel était le but de la rencontre du 31 mai? S’agissait-il de célébrer avec SNC-Lavalin, champagne à la main, parce que le gouvernement avait fait adopter à toute vitesse une modification majeure du Code criminel sans que la ministre de la Justice ait même comparu devant notre comité pour défendre le changement proposé? Où s’agissait-il d’informer le comité du plan à suivre pour que ce changement soit adopté au Sénat à l’étape de la troisième lecture?

Honorables sénateurs, bon nombre de mes questions à propos de toute cette affaire demeurent sans réponse, comme plusieurs des vôtres, sûrement.

Voilà pourquoi je vous demande de voter pour la motion du sénateur Smith et de voter contre l’amendement proposé par le sénateur Harder : pour aider le Sénat à aller au fond du scandale, au nom des Canadiens. Chaque jour, de nouvelles informations nous parviennent concernant les pressions politiques exercées par le cabinet du premier ministre à l’endroit du bureau de la procureure générale du Canada.

À l’heure actuelle, les conservateurs n’occupent que le tiers des sièges au Sénat. Je fais donc appel à mes collègues de l’autre côté de l’allée. Honorables sénateurs, c’est le moment de joindre le geste à la parole en ce qui concerne l’indépendance et votre engagement envers les valeurs cruciales que sont la primauté du droit et l’indépendance du système judiciaire. N’est-ce pas là notre devoir en tant que sénateurs?

Voilà pourquoi je vous demande d’appuyer la motion du sénateur Smith. Les Canadiens méritent des réponses. Merci.

(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)

Pêches et océans

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l’appel de la motion no437 par l’honorable Fabian Manning :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 26 février 2019, à 18 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 437 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

Autorisation au comité d’examiner les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans et d’être saisi des documents reçus et des témoignages entendus depuis le début de la première session de la quarante-deuxième législature

L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 20 février 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada;

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité à ce sujet depuis le début de la première session de la quarante-deuxième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 septembre 2019.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Peuples autochtones

Retrait du préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l’appel de la motion no440 par l’honorable Lillian Eva Dyck :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à se réunir le mardi 2 avril 2019, à 16 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorable sénateurs, conformément à l’article 4-10(2) du Règlement, je demande que la motion no 440 soit retirée.

(Le préavis de motion est retiré.)

Transports et communications

Autorisation au comité de se déplacer

L’honorable Donald Neil Plett, au nom du sénateur Tkachuk, conformément au préavis donné le 27 février 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à se déplacer à travers le Canada aux fins de son examen du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Langues officielles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable René Cormier, conformément au préavis donné le 27 février 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à se réunir le lundi 18 mars 2019, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

—Je propose la motion à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 20 h 9, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 18 mars 2019, à 18 heures.)

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