Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 277

Le jeudi 4 avril 2019
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 4 avril 2019

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La crise des surdoses d’opioïdes

L’honorable Patricia Bovey : Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui pour parler de la très grave crise des opioïdes qui secoue notre société.

Je félicite les sénatrices Cordy et Gagné pour la fructueuse et extraordinaire réunion du caucus ouvert d’il y a un mois. Les discussions y ont été franches, stimulantes et honnêtes. Inquiétudes et compassion se mêlaient dans la pièce : il y avait des professionnels qui se débattent avec le drame au quotidien; d’anciens drogués et d’autres qui expliquaient les origines de leurs dépendances — la pauvreté, l’itinérance ou des problèmes de santé qui avaient fait d’eux des accros aux médicaments sur ordonnance. Autant de vies et de familles déchirées.

Regardez-vous honnêtement dans le miroir. Nous avons tous été profondément touchés par cette crise qui ne cesse de s’aggraver. Parents, amis, collègues, voisins... Y en a-t-il qui ont été épargnés? Je ne l’ai pas été, dans plusieurs parties de ma vie.

La dépendance aux opioïdes touche tous les secteurs socio-économiques : ceux qui ont des emplois bien payés et ceux qui n’ont pas d’emploi; ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté et ceux qui vivent dans des maisons telles qu’on ne peut les imaginer, et ceux qui vivent dans des quartiers résidentiels de luxe.

Il n’y a pas que la pauvreté qui explique cela. Traumatisant pour tous, désastreux pour la famille et coûteux pour la société, nous ne pouvons pas ignorer ce problème. Nous sommes aussi méritants les uns que les autres, en tant que citoyens, et nous devons faire face à cette urgence.

Le problème est étudié sous tous les angles et implique de nombreux spécialistes dans de nombreux domaines : travailleurs sociaux, conseillers, médecins, psychologues, épidémiologistes, universitaires, avocats et familles touchées. La société doit faire confiance aux connaissances et aux recherches actuelles des spécialistes et prendre des mesures positives. Le prix à payer sera bien plus élevé si l’on ignore cette crise au lieu d’y faire face.

Il y a maintenant de l’espoir pour les gens de Winnipeg qui sont à la recherche d’un traitement grâce au Bruce Oake Recovery Centre, qui sera construit sur le site de l’ancien aréna Vimy, dans le district St. James. La première pelletée de terre aura lieu le 22 août, journée qui aurait marqué le trente-sixième anniversaire de Bruce Oake. Bruce, qui a succombé à une surdose d’opioïdes, était le fils d’Anne et de Scott Oake, un journaliste sportif bien connu qui a reçu la médaille du cent-cinquantième anniversaire du Sénat.

Les gens qui craignent la venue d’un tel établissement dans leur voisinage seront heureux d’apprendre que les drogues y seront interdites et qu’on réaménagera un espace vert autour. Toute personne souhaitant être acceptée dans le programme de rétablissement ne devra plus prendre de drogue et devra prouver sa volonté de se rétablir. Les coûts du traitement seront couverts pour les personnes qui n’ont pas d’argent.

Alors que cette crise s’intensifie de façon exponentielle, les organismes semblables rapportent que les taux de réussite s’élèvent à plus de 55 p. 100.

Ce centre de rétablissement est un bel ajout aux programmes qui existent déjà à Winnipeg. La Siloam Mission offre un lit aux personnes qui en ont désespérément besoin et qui ne sont pas sous l’effet de l’alcool ou d’une drogue. De plus, les gens peuvent suivre un traitement de sept jours au centre de désintoxication du Main Street Project. Cet endroit est un refuge pour les personnes en situation de crise.

Cependant, mis à part ces centres, il n’y a pas de programme d’aide dans la région de Winnipeg, ce qui oblige les gens à s’éloigner de leurs proches. Une personne qui a de l’argent peut suivre un traitement dans une clinique de désintoxication privée, comme celle de Gimli, où elle obtiendra du soutien et pourra espérer reprendre sa vie en main.

Je remercie les Oake d’avoir pris l’initiative de créer ce nouveau centre et j’ai bien hâte de voir le produit final. J’appuie les artisans de cette lueur d’espoir. Après tout, comment est-ce possible de ne pas répondre à ce besoin essentiel?

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Ghislain Maltais

Hommages

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, la semaine prochaine sera la dernière semaine où mon ami, le sénateur Ghislain Maltais, siégera en cette Chambre. J’ai rencontré Ghislain en mars 2011 dans le cadre de la campagne électorale fédérale. J’étais candidat dans le comté de Saint-Hyacinthe–Bagot, dont Ghislain était le directeur de terrain pour le Parti conservateur. À titre de candidats, Ghislain et moi avons été des victimes collatérales de la vague orange et nous nous sommes retrouvés au Sénat en 2012. Rapidement, nous avons tissé une relation d’amitié.

Homme d’affaires averti dans le milieu des assurances, Ghislain a aussi eu une carrière remarquable à titre de député provincial du comté de Saguenay. Au Sénat, il a mené en parallèle une carrière militaire à titre de colonel honoraire du 62e Régiment d’artillerie de campagne et membre de la Fondation des artilleurs de la Mauricie. S’il avait tenu un rôle dans le film Il faut sauver le soldat Ryan, je crois qu’il l’aurait sauvé à lui seul.

Ghislain est un tribun exceptionnel et fait ses interventions au Sénat sans avoir à préparer de notes manuscrites, et ce, au grand désagrément des pages qui lui demandent ses notes.

Je ne saurais passer sous silence nos petits déjeuners avant les réunions du caucus du Québec les mercredis, et que dire de nos fous rires interminables lorsque nous étions assis côte à côte? Son Honneur le Président n’aura plus à s’en soucier. Quel plaisir nous avons eu aussi à voyager ensemble avec le Comité de l’agriculture! Ghislain connaissait toutes les caractéristiques régionales du Canada. Lorsqu’il présidait le Comité de l’agriculture et des forêts, il ponctuait toujours la fin de la séance avec une citation digne du frère Marie-Victorin : « Nous mangeons trois fois par jour, les populations doivent se nourrir, pensons aux générations futures. »

Ghislain, merci pour ces belles années de complicité. Une porte va bientôt se fermer, mais il y aura toujours une fenêtre qui s’ouvrira, surtout pour une personne comme toi. Comme je sais que tu aimes bien la chanson française, je vais terminer mes propos avec les paroles de la chanson Maintenant je sais, de Jean Gabin, :

Quand j’étais gosse, haut comme trois pommes,

J’parlais bien fort pour être un homme

J’disais, JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS, JE SAIS

[...]

Il y a les [75] coups qui vont sonner à l’horloge

[...]

La vie, l’amour, l’argent, les amis et les roses

On ne sait jamais le bruit ni la couleur des choses

C’est tout c’que j’sais! Mais ça, j’le SAIS... !

Bonne retraite et longue vie, Ghislain!

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

Le soixante-dixième anniversaire

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables collègues, aujourd’hui marque le soixante-dixième anniversaire de la signature, en 1949, du Traité de l’Atlantique Nord et de la création de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, la première alliance militaire établie par le Canada en temps de paix. Nous avons conclu cet accord avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et les pays de l’Europe de l’Ouest.

Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration du Traité. Le très honorable Louis St-Laurent en a été un des principaux promoteurs, avec Lester B. Pearson, qui était alors le secrétaire d’État pour les Affaires extérieures.

Selon eux, en plus d’être une alliance militaire défensive contre la menace de guerre froide provenant de l’Union soviétique, ce traité représentait aussi un outil de développement de la collaboration politique, sociale et économique entre les États membres. Des notes aujourd’hui déclassifiées sur les différentes versions du traité montrent que le Canada a maintenu cette conviction tout au long des négociations, ce qui a mené à l’article 2 du traité, qu’on appelle, à juste titre, « l’article canadien ».

Dans un discours qu’il a prononcé à l’autre endroit pendant le débat du traité, M. Pearson a parlé des discussions qui ont mené à la version finale du texte:

Avec des personnes aux vues similaires aux nôtres, nous avons tenté de trouver des moyens de faire en sorte que le monde libre, dont fait partie notre pays, puisse le rester. Plus important encore, nous avons essayé de trouver un moyen de collaborer avec d’autres pays pour déceler et éliminer les causes de guerre. Le Traité de l’Atlantique Nord, dont le texte est soumis à la Chambre, constitue la réponse proposée à ces exigences.

(1340)

Une semaine plus tard, le 4 avril, le Canada adhérait au Traité de l’Atlantique Nord avec 11 autres pays. Depuis, l’alliance n’a pas cessé de grossir. Elle compte en effet 29 pays membres — bientôt 30 si tout va bien. Ses priorités ont évolué au fil des ans en fonction des dangers et des défis qui marquaient la planète.

Le Canada a continué d’y jouer un rôle de premier plan. Il a notamment participé à toutes les missions de l’OTAN depuis sa création.

Honorables sénateurs, depuis 70 ans, les pays membres de l’OTAN font la promotion de la paix et défendent la liberté de leurs citoyens.

Pour souligner cet anniversaire, je vous invite tous à une réception qui aura lieu à la fin de l’après-midi, soit de 16 h 30 à 19 heures, à la salle 330 de l’édifice Wellington. L’OTAN et le rôle du Canada au sein de l’alliance sont très certainement dignes d’être célébrés et honorés.

[Français]

Le décès de John Kenneth McKinnon

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, c’est un honneur et un privilège pour moi de servir dans cette Chambre. J’aimerais prendre la parole pour la première fois, à titre de sénatrice, afin de rendre hommage à un distingué Yukonais.

[Traduction]

En fait, j’aimerais aussi célébrer un événement sans pareil qui fait la renommée des contrées circumpolaires et qui tenait particulièrement à cœur à Ken McKinnon : les Jeux d’hiver de l’Arctique.

John Kenneth McKinnon a été le plus jeune membre élu du Conseil territorial du Yukon, auquel il a siégé de 1961 à 1964 et de 1967 à 1978.

Le souvenir que je garde de Ken — et on me corrigera si je me trombe — est celui d’un jeune homme curieux qui défiait l’ordre établi et qui, au lieu des habituelles brogues noires vernies, venait à l’Assemblée législative chaussé de magnifiques mocassins perlés.

Même des années plus tard, alors que Ken et moi travaillions tous deux au bureau du commissaire, il préférait encore souvent ses mocassins perlés favoris aux tenues plus formelles. Ken a été commissaire du Yukon — l’équivalent du lieutenant-gouverneur — de 1986 à 1995. Il a aussi eu l’occasion de servir la cause publique de 2000 à 2004, car il a alors occupé les fonctions de chancelier du Collège du Yukon.

Ken McKinnon l’athlète a aussi été le premier président des Jeux d’hiver de l’Arctique. Pendant la cérémonie d’ouverture, il avait déclaré que nous assistions alors au début d’un grand concept. Comme il avait raison.

Les Jeux d’hiver de l’Arctique sont un événement circumpolaire auquel participent environ 2 000 athlètes, délégués culturels et employés de mission en provenance de l’Alaska, du Nord de l’Alberta, du Groenland, des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavik, au Québec, du Nunavut, de la péninsule de Yamal, en Russie, de la Laponie et, bien entendu, du Yukon.

Les jeux représentent un patrimoine culturel et linguistique vraiment unique et ils rassemblent une série d’événements sportifs qui favorisent la compétition de haut niveau, l’esprit sportif et l’amitié chez des jeunes de partout dans le Nord.

Malheureusement, Ken est décédé à un an des Jeux d’hiver de l’Arctique de 2020, dont le gouvernement du Yukon et la Ville de Whitehorse seront les hôtes.

Honorables sénateurs, dans le cadre des célébrations des jeux, qui se dérouleront du 15 au 21 mars 2020 et qui marqueront le 50e anniversaire des Jeux d’hiver de l’Arctique, nous célébrons aussi l’héritage que nous ont laissé des habitants du Nord comme Ken McKinnon. Nous ne manquerons pas de garder en mémoire et de célébrer son bon sens, sa sagesse, son athlétisme et sa manière particulière d’être un bon voisin pour les gens de la région.

Nous offrons nos plus sincères condoléances à Judy, la compagne avec qui Ken a partagé sa vie; à leurs enfants, Lexie et Craig; à leur famille et à leurs amis dans le Nord. Je vous promets que nous n’oublierons jamais l’engagement de Ken envers les gens du Yukon et du Nord.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Sabine Sparwasser, ambassadrice de la République fédérale d’Allemagne au Canada.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Les victimes d’actes terroristes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, il y a trois semaines, le drapeau du Canada était en berne sur la Colline du Parlement pour commémorer le décès d’innocentes victimes, en Nouvelle-Zélande, tuées dans une mosquée à la suite d’un acte de terrorisme parmi les plus lâches et les plus crapuleux.

Je souhaite attirer votre attention sur le point de vue des victimes. Nous avons entendu tous les leaders du monde souligner, avec raison, leur tristesse et leur colère à la suite de ces actes criminels. Cependant, les victimes vous diront que, dans la plupart des cas, c’est après les funérailles, après les mots de soutien et après le départ des caméras que les familles commencent leur véritable deuil.

Le poids de la tristesse, le fardeau de la souffrance et le sentiment d’abandon font surface. Le sentiment lourd de la solitude revient ensuite à plusieurs reprises. Je suis passé par là. Je peux vous dire que ces mots de réconfort sont les bienvenus, bien sûr, et que la solidarité de la communauté est un véritable baume.

Toutefois, au cours des jours et des semaines qui suivent ces événements, les victimes se retrouvent bien souvent abandonnées, et ne savent plus où aller chercher de l’aide ou à qui parler de leur souffrance intérieure. Je parle de l’appui financier, du soutien psychologique et de l’aide juridique qui sont nécessaires pour survivre.

Même dans les milieux de travail, les victimes d’actes de terrorisme se font dire, un jour ou l’autre, qu’elles en ont assez parlé. C’est ce que les familles de victimes me disent souvent. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé en 2004, avec d’autres pères de famille, l’Association des familles de personnes assassinées ou disparues, afin que les victimes aient un lieu pour parler entre elles et pour s’organiser. En fait, très peu de personnes peuvent s’imaginer ce que l’on ressent vraiment après un tel drame. C’est ce que j’appelle « survivre à l’innommable ».

Honorables sénateurs, les victimes ont besoin de bien plus que des mots de soutien. Elles veulent obtenir, ici au Canada, comme ailleurs dans le monde et en Nouvelle-Zélande, de meilleurs services, un dédommagement adéquat, ainsi que des droits reconnus et respectés au sein du système de justice.

Si une lumière quelconque peut jaillir de ce drame aussi sombre, si un espoir peut naître de toute cette horreur, ce serait de voir les parlementaires comprendre l’idée que les victimes sont importantes et qu’elles ont besoin de lois mieux adaptées à leurs besoins. Les lois doivent être modifiées de sorte à renforcer le droit des victimes. Les victimes doivent être entendues davantage lors des audiences de nos comités sénatoriaux. Malgré leur souffrance, leurs paroles doivent continuer à résonner.

Je suis de tout cœur avec les victimes de la Nouvelle-Zélande et avec toutes les autres victimes de violence. Puissent-elles trouver un sens à leur vie. Je prie pour qu’elles puissent transformer cette souffrance, du mieux qu’elles le peuvent, en gestes de changement. Je souhaite qu’elles puissent transmettre aux prochaines victimes des lois plus justes et plus respectueuses pour les victimes.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Le Tribunal canadien des droits de la personne

Dépôt du rapport de 2018

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Tribunal canadien des droits de la personne pour l’année 2018, conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, par. 61(4).

[Français]

Le vérificateur général

La commissaire à l’environnement et au développement durable—Dépôt des rapports du printemps 2019

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du printemps 2019 de la commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985,ch. A-17,par. 7(5).

Projet de loi sur le Mois du patrimoine sikh

Présentation du trente-deuxième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Chantal Petitclerc, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 4 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

TRENTE-DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-376, Loi désignant le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh, a, conformément à l’ordre de renvoi du 5 décembre 2018, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,

CHANTAL PETITCLERC

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Marwah, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1350)

[Traduction]

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Présentation du douzième rapport du Comité des pêches et des océans

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, avec amendement.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 4495.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Manning, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L’Assemblée parlementaire de la Francophonie

La réunion de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles, tenue les 20 et 21 avril 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion de la Commission de l’éducation, de la communication et des affaires culturelles de l’APF, tenue à Grand-Bassam, en Côte d’Ivoire, les 20 et 21 avril 2018.

La réunion de la Commission de la coopération et du développement, tenue du 2 au 4 mai 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion de la Commission de la coopération et du développement de l’APF, tenue à Rome, en Italie, du 2 au 4 mai 2018.

La réunion du Réseau parlementaire de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme, tenue les 3 et 4 octobre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à la réunion du Réseau parlementaire de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme de l’APF, tenue à Lomé, au Togo, les 3 et 4 octobre 2018.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

Le processus de nomination des juges

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Je vous remercie, Votre Honneur.

Ma question d’aujourd’hui s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur une affaire très grave, en l’occurrence une fuite d’information liée au plus récent processus de nomination d’un juge à la Cour suprême.

Comme on le sait, le juge en chef Joyal de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba s’est senti obligé de réagir publiquement à cette fuite et, ce faisant, de divulguer des renseignements très personnels au sujet de sa famille.

L’Association du Barreau canadien et deux anciens juges de la Cour suprême, Louis LeBel et John Major, figurent au nombre de ceux qui, à juste titre, ont condamné cette fuite. Pour sa part, l’Association du Barreau du Manitoba, l’a qualifié d’incident déplorable et a déclaré:

Cette fuite dévalorise le processus de sélection et constitue une atteinte à la vie privée des candidats.

La semaine dernière, le ministre Lametti a fait état de ses préoccupations à ce sujet sur Twitter.

Sénateur Harder, si le ministre est vraiment préoccupé par cette affaire, pourquoi ne fait-il pas enquête?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Le sénateur Joyal figure parmi ceux qui ont exprimé des préoccupations à cet égard. Hier, dans cette enceinte, il a fait une déclaration à ce sujet. Je souligne que les propos du sénateur Joyal ont été abondamment applaudis par des sénateurs de tous les partis parce qu’ils reflètent le point de vue général qui règne au Sénat au sujet de cet incident.

En réponse à la question précise qui a été posée, je confirme que le gouvernement estime qu’il s’agit d’un incident extrêmement préoccupant. Pour ce qui est de la tenue d’une enquête, je vais évidemment me renseigner. Néanmoins, je vais souligner, au nom du sénateur et de l’ensemble de nos collègues, comme je l’ai fait au sujet de la déclaration du sénateur Joyal, que nous estimons qu’il s’agit d’une question sérieuse qui doit être examinée.

Le sénateur Smith : Des milliers de Canadiens ont fourni des renseignements personnels au gouvernement dans le cadre de son processus de nomination, y compris vous, sénateur Harder, ainsi que bon nombre de nos collègues au Sénat. Ces citoyens sont en droit de s’attendre à ce que l’on protège adéquatement leurs renseignements personnels. Si leurs renseignements ont fait l’objet d’une fuite délibérée, une enquête doit avoir lieu.

Pourriez-vous nous aider en effectuant des recherches et en nous faisant savoir si le gouvernement a contacté Daniel Therrien, le commissaire à la protection de la vie privée, au sujet de la fuite de renseignements liée au processus de nomination à la Cour suprême et au juge en chef Joyal?

Le sénateur Harder : Je vais faire les recherches nécessaires.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor

Le vice-amiral Mark Norman—Les critères pour obtenir une représentation juridique

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat au sujet des frais juridiques encourus par le vice-amiral Mark Norman, qui font voir qu’il y a deux poids, deux mesures.

Les membres du personnel du premier ministre soupçonnés de s’être ingérés dans la poursuite criminelle contre SNC-Lavalin bénéficient de l’aide d’avocats externes. Ceux-ci sont rémunérés aux frais des contribuables par le truchement de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du Conseil du Trésor.

En 2017, le vice-amiral Norman a présenté une demande pour que ses frais juridiques soient couverts par cette même politique, mais elle a été rejetée.

Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être qu’en avril 2017, bien avant que des accusations soient portées contre le vice-amiral Norman, le premier ministre avait déclaré publiquement que l’affaire se retrouverait devant les tribunaux.

Sénateur Harder, pourquoi le personnel du premier ministre aurait-il droit à une représentation juridique financée à même l’argent des contribuables, alors que la demande en ce sens du vice-amiral Norman a été rejetée?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois l’honorable sénatrice de sa question.

Je ne suis pas au courant des détails de ce dossier et je me contenterai de dire que, comme l’a mentionné l’honorable sénatrice, il existe des lignes directrices du Conseil du Trésor en ce qui concerne l’utilisation des fonds publics en pareille matière. Je vais me renseigner et je vous reviendrai avec une réponse.

Les affaires étrangères et le commerce international

La Chine—Les exportations de canola

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. J’aimerais revenir sur la question qu’a posée hier ma collègue l’honorable sénatrice Wallin au sujet des exportations de canola vers la Chine.

Nous savons tous que notre différend commercial avec la Chine aura des conséquences très négatives sur les producteurs de canola canadiens et l’économie du pays, puisque la Chine reçoit habituellement 40 p. 100 de nos exportations de canola.

Nous avons appris que le gouvernement allait envoyer une délégation en Chine et qu’il avait aussi créé un groupe de travail, qui comprend des représentants des deux entreprises de canola dont les exportations ont été suspendues.

J’ai très bon espoir que les parties vont bientôt en arriver à une entente, mais nous ne savons pas quand.

Il se peut maintenant qu’une troisième entreprise voie ses exportations vers la Chine être interrompues. Les producteurs de canola canadiens, qui se préparent actuellement à semer, sont les plus durement touchés par ce différend commercial.

Le gouvernement prévoit-il indemniser ou protéger les producteurs de canola canadiens?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il a tout à fait raison de dire que cette situation inquiète le Sénat et le gouvernement. Des questions ont déjà été posées à ce sujet, et je tiens à assurer à l’honorable sénateur qu’il s’agit d’une priorité absolue pour le gouvernement.

Comme l’a dit le sénateur dans son préambule, le gouvernement entend envoyer en Chine une délégation de haut niveau afin de répondre aux préoccupations des autorités chinoises et de leur présenter des données scientifiques destinées à les rassurer au sujet des produits canadiens.

Comme je l’ai souligné hier, les dates exactes font actuellement l’objet de négociations.

(1400)

Je tiens aussi à souligner les consultations en cours avec le secteur et les provinces qui sont touchés. Il s’agit d’une priorité pancanadienne qui se présente à un moment difficile de notre relation bilatérale.

Selon moi, à ce moment-ci, il est trop tôt pour promettre une éventuelle indemnisation, mais je tiens à confirmer que le gouvernement considère qu’il est primordial de soutenir les exportateurs agricoles et d’examiner régulièrement cette situation avec eux. Je porterai certainement les préoccupations de l’honorable sénateur à l’attention de la ministre.

Les finances

Le budget de 2019—Le fonds de finance sociale

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Harder, le représentant du gouvernement au Sénat.

Je tiens à attirer votre attention sur le budget de 2019. En lisant ce document, que je ne prétendrai pas avoir lu au grand complet, un élément a attiré mon attention, soit celui qui porte sur la création d’un fonds de finance sociale de 755 millions de dollars. Je tiens à souligner à mes collègues que cette mesure découle en partie de l’étude spéciale menée par le Comité sénatorial des affaires sociales. C’est vraiment merveilleux.

À mon avis, c’est merveilleux quand nos aspirations se retrouvent pourvues d’un fondement législatif qui s’accompagne d’un financement. Or, de nombreux Canadiens ont très hâte que le fonds de finance sociale soit en place.

Pouvez-vous nous dire quand le fonds sera établi? Pouvez-vous nous dire quel ministère se chargera principalement de la mise en place du fonds?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de s’intéresser à cette question et de souligner l’excellent travail du Sénat à cet égard.

De toute évidence, le Sénat n’est pas le seul à avoir contribué aux efforts. Comme vous le savez, un groupe directeur sur la co-création composé de 16 intervenants concernés et de la représentante gouvernementale ont formulé des recommandations concernant la création de la stratégie d’innovation sociale et de finance sociale.

Nous avons mené des consultations, tant ciblées qu’en ligne, auxquelles un certain nombre de ministères clés et d’intervenants du secteur communautaire ont pris part. C’est dans l’énoncé économique de l’automne qu’on a appris que le gouvernement proposait un financement pouvant atteindre 755 millions de dollars sur 10 ans, selon la comptabilité de caisse, afin d’établir le fonds de finance sociale. De plus, le gouvernement a proposé un financement de 50 millions de dollars sur deux ans consacré à une vérification de l’investissement et de la préparation destiné aux organismes à vocation sociale afin que celles-ci soient davantage en mesure de participer avec succès à la promotion de la finance sociale.

Le budget de 2019 réitère son engagement à l’égard du volet d’investissement et de préparation, et il fournit des détails supplémentaires sur le fonds de financement social. Un financement de 50 millions de dollars provenant du fonds de financement social est proposé pour la composante du fonds se rapportant à la croissance économique des Autochtones, et un minimum de 100 millions de dollars sera affecté à des projets qui favorisent une meilleure égalité entre les sexes.

Le financement sera géré par des gestionnaires professionnels de placement ayant de l’expertise dans l’établissement de rapports sur les impacts sociaux et une capacité reconnue à promouvoir la croissance inclusive et la diversité dans le domaine de la finance sociale.

Le budget de 2019 précise que le fonds sera géré, comme je l’ai dit, par des gestionnaires professionnels. Le gouvernement s’attend à ce que le fonds soit établi — un concours est déjà en cours pour choisir les directeurs du fonds — et mis en œuvre en 2020-2021. Par l’entremise d’Emploi et Développement social Canada, qui est le ministère le plus étroitement associé au fonds, le gouvernement du Canada mettra en place des dispositifs de contrôle appropriés pour les gestionnaires du fonds.

[Français]

L’environnement et le changement climatique

La taxe sur le carbone

L’honorable Ghislain Maltais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous sommes le 4 avril 2019. Depuis le 1er avril, quatre provinces ont reçu une bonne nouvelle au sujet de la taxe sur le carbone. Dans cette taxe, il y a une catégorie de travailleurs et de propriétaires qui sont pénalisés davantage que les autres : les agriculteurs. On sait que, peu importe la taille de la ferme, qu’elle soit petite, moyenne ou grande, les entreprises agricoles sont des consommatrices de carburant. D’autres provinces plus avant-gardistes ont mis en œuvre des plans bien précis pour aider les agriculteurs, parce que l’agriculture demeure une filière nécessaire et fondamentale dans notre pays. Le leader du gouvernement pourrait-il me dire si le gouvernement du Canada a prévu, en même temps que cette taxe, un programme d’aide ou de conversion pour les agriculteurs?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de poser cette question.

Je ne peux que supposer — ou espérer — que c’est peut-être la dernière question qu’il me pose, mais il lui reste encore une semaine. Il est aussi le premier sénateur dont je me souvienne — et j’y reviendrai peut-être de façon plus formelle — qui, dès sa première question, m’a appris une chose, à savoir qu’il connaît la réponse avant de poser la question, de sorte que je suis évalué en fonction de la conformité de ma réponse à sa compréhension du sujet.

Permettez-moi donc, avec une certaine appréhension, de répondre à la question en disant, comme la ministre responsable l’a fait lorsqu’elle était ici plus tôt, que fixer un prix pour le carbone est une façon appropriée et progressive de faire face aux changements climatiques. Dans le plan que le gouvernement a présenté, le cadre, il y avait des exemptions et un traitement spécial, entre autres, pour le secteur agricole et les pêcheurs, à qui des programmes sont offerts.

L’honorable sénateur sait aussi que les recettes tirées de la tarification du carbone sont retournées aux provinces. Je serais heureux de fournir au sénateur de l’information sur les besoins particuliers des quatre provinces qu’il a mentionnées, mais, encore une fois, la loi-cadre est de portée nationale, et chaque province a fait des choix dont elle devra répondre.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci. Lorsque cette loi a été adoptée, le gouvernement a affirmé qu’il rembourserait les citoyens à la hauteur de 300 $ ou 325 $ par année, qu’il retournerait aux contribuables moyennant une pièce justificative de dépenses en carburant. C’est très logique. En moyenne, les familles touchées dans les quatre provinces — je ne parle pas des familles d’entrepreneurs, mais de simples citoyens qui se servent de leur auto pour aller travailler — devront débourser 300 $ ou 325 $ supplémentaires sous forme de taxes par année.

D’un côté, il y a le citoyen qui dépensera 325 $, et de l’autre côté, le gouvernement qui lui remboursera 325 $. En quoi cela permettra-t-il de contribuer à protéger l’environnement au Canada?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, je tiens à dire que le gouvernement du Canada croit, comme nombre d’économistes ainsi que de nombreux politiciens d’autres allégeances, que la meilleure façon de combattre la pollution est d’en fixer le prix et de mettre en œuvre un régime de tarification de la pollution qui tient compte des coûts pour les Canadiens. Ce régime de tarification et les autres mesures prises par le Canada pour combattre les changements climatiques sont les meilleurs moyens de remplir les engagements que le Canada a pris envers la communauté internationale et, à vrai dire, de faire les efforts qui s’imposent pour s’engager davantage dans la lutte contre les changements climatiques.

(1410)

Comme je l’ai dit, il s’agit d’un régime national, mais on a aussi prévu des dispositions pour que les résidants des provinces qui ne participent pas à ce régime reçoivent des fonds selon les modalités du cadre. Cependant, participer au régime, comme le font la grande majorité des provinces, est de loin la meilleure solution.

Les finances

Le budget de 2019

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le sénateur Harder, nous savons tous jusqu’où le premier ministre est prêt à aller pour sauver des emplois. Cela lui a même coûté deux ministres chevronnées. Le mois dernier, le ministre Morneau a présenté un budget plein d’artifices pour épater la galerie.

Pouvez-vous me dire pourquoi le ministre Morneau, qui est un homme très intelligent, a choisi d’ignorer les fondements d’une bonne planification financière? Je pense à la productivité — nous savons tous que le Canada est derrière les autres pays du G7 sur le plan de la productivité — et à la compétitivité fiscale. De plus, il n’y a rien dans le budget visant à attirer les investissements au Canada. Nous savons que les investissements étrangers connaissent un net recul au Canada. S’agit-il d’un problème qui sera légué au prochain gouvernement?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question, surtout la partie, dans son préambule, où elle dit que je suis un génie. Je n’ai pas souvent l’occasion de remercier les sénateurs de leurs préambules.

Permettez-moi de répéter que, en cette période d’anxiété dans les milieux de travail, le gouvernement a comme priorité de faire des investissements. Grâce aux sommes prévues dans les quatre derniers budgets, le Canada affiche la croissance la plus élevée parmi les membres du G7. Le ratio dette-PIB diminue constamment. C’est l’objectif. Le taux de chômage n’a pas été si bas depuis plusieurs années. Les investissements permettent de stabiliser les marchés du travail et de stimuler la croissance économique, ce qui ne serait pas arrivé autrement.

L’honorable sénatrice mentionne avec raison la préoccupation de longue date au Canada concernant la productivité et l’innovation dans le secteur privé. Elle saura qu’il y a eu, dans les quatre derniers budgets, des fonds alloués au secteur de l’innovation. Il s’agit d’un financement ciblé qui renforce la capacité du gouvernement du Canada à collaborer avec le secteur privé et les innovateurs, non seulement pour commercialiser leurs produits, mais aussi pour trouver de nouveaux marchés et investir dans du personnel hautement qualifié, une exigence essentielle des marchés novateurs et très concurrentiels.

Ce sont des projets en cours qui s’étalent sur plusieurs années et qui — bien franchement — sont l’œuvre de plusieurs gouvernements. Ils recevront plus d’attention dans les budgets à venir.

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, dans le dernier budget, le gouvernement a une fois de plus ciblé l’industrie albertaine, mais de façon très discrète et même sournoise, selon certains journalistes. Il s’en prend cette fois-ci à l’industrie touristique de l’Alberta. À la page 347 du dernier budget, on peut lire que le gouvernement a éliminé le projet du sentier des Glaciers dans le parc national Jasper, un projet de 7 millions de dollars. Il a été discrètement éliminé.

Autre nouvelle tout aussi importante, à la page 381, le gouvernement indique son intention de proposer des modifications à la Loi sur les parcs nationaux du Canada afin de modifier les limites des centres de ski dans le parc national de Banff. Cette annonce fait malheureusement suite à de longues négociations infructueuses entre le gouvernement et l’industrie.

Le PDG de Sunshine Village, l’un des meilleurs centres de ski de l’Amérique du Nord, comme le savent plusieurs sénateurs, a déclaré qu’ils avaient l’intention d’investir 75 millions de dollars dans ce centre au cours des cinq prochaines années. Si les menaces du gouvernement se concrétisent, les investissements risquent de fondre pour atteindre 5 millions de dollars pour les 20 prochaines années.

Monsieur le leader, il ne s’agit vraiment pas d’un investissement considérable dans les stations de ski ou le tourisme. Les emplois en pâtiront, le tourisme aussi, et la compétitivité des entreprises canadiennes continuera de décliner.

Monsieur le leader, pourriez-vous demander à Environnement Canada de confirmer qu’il défendra les intérêts des citoyens et de l’industrie touristique de l’Alberta et qu’il reviendra sur cette décision?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

Je tiens à lui assurer, ainsi qu’à tous les sénateurs, que Parcs Canada est déterminé à ce que le ski alpin soit pratiqué dans les parcs nationaux. Le ski alpin constitue une pierre angulaire pour les régions où les touristes vont skier l’hiver, comme le sénateur le sait, s’étant lui-même adonné à ce genre d’activité.

Les modifications proposées dans le budget sont de nature administrative, et elles reflètent ce qui a été élaboré et convenu avec la station de ski de Lake Louise lors de la mise au point de ses lignes directrices pour la gestion du site, en collaboration avec Parcs Canada. Dans chaque cas, les exploitants de la station de ski ont accepté d’apporter d’importantes améliorations environnementales, ce qui réduit les limites du terrain loué sans nuire à l’expérience des visiteurs. Ces modifications sont bien connues des exploitants des stations de ski touchées et soutiennent les engagements qu’ils ont pris à l’égard du processus de planification des stations de ski de Parcs Canada.

Comme l’honorable sénateur le sait, je m’attends à ce qu’un comité sénatorial mène une étude préalable du projet de loi d’exécution du budget, puis que ce dernier soit renvoyé dans cette enceinte plus tard dans la session. Je l’inviterai donc, au besoin, à éclaircir la question à ce moment. Je souhaite et j’espère avoir réussi à lui faire comprendre les intentions derrière ces modifications.

La famille, les enfants et le développement social

La Stratégie nationale sur le logement

L’honorable Rosemary Moodie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.

Sénateur Harder, je suis une sénatrice de Toronto, où un nombre considérable de personnes comptent sur le logement abordable. Je suis ravie que le gouvernement ait mis de côté un peu plus de 1 milliard de dollars pour améliorer l’efficacité énergétique des immeubles au Canada et qu’environ un tiers de ce financement soit destiné aux innovations en matière de logement abordable.

On sait que les résidants des logements abordables vivent souvent dans des immeubles inefficaces et en mauvais état, ce qui augmente de façon disproportionnée leurs factures. On sait également que 17 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada proviennent des établissements résidentiels, commerciaux et institutionnels.

L’argent mis de côté dans le budget est une affectation ponctuelle au Fonds municipal vert, ce qui mérite des félicitations. Cela ne fait aucun doute, mais il faut faire plus.

Selon le Conseil du bâtiment durable du Canada, la création d’une économie axée sur la rénovation du logement exige des investissements et des efforts soutenus de la part du gouvernement. Compte tenu des bienfaits d’une économie axée sur la rénovation au point de vue social, économique et environnemental, nous ne pouvons pas compter sur un fond renouvelable limité.

Sénateur Harder, ma question est la suivante : comment le gouvernement envisage-t-il de promouvoir une économie qui appuie les rénovations de logement abordables et évolutives? Prévoit-on investir davantage dans ce domaine?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Si ma mémoire est bonne, c’est la première fois qu’elle pose une question. Je la félicite.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : Il est complètement normal qu’elle se soucie de cette question compte tenu du fait qu’elle vit à Toronto.

Je ne m’attarderai pas sur les annonces mentionnées par la sénatrice dans sa question, soit les investissements qui seront réalisés grâce au Fonds municipal vert et le montant de 1 milliard de dollars prévu par le gouvernement dans le budget. Je tiens à souligner certains éléments particuliers de la Stratégie nationale sur le logement dirigée par le ministre Duclos. Au cours des 10 prochaines années, des terrains fédéraux d’une valeur pouvant atteindre 200 millions de dollars seront cédés à des fournisseurs de logements afin d’encourager la construction de logements abordables. Le fonds créé à cet effet servira également à financer des projets de rénovation et d’amélioration.

Je tiens à dire à l’honorable sénatrice que je ferai part de ses préoccupations au ministre pour ce qui est de savoir si d’autres voies de financement seront proposées dans les budgets à venir. Toutefois, les sommes dont j’ai parlé sont celles que le gouvernement a déjà promis d’engager.

Le cabinet du premier ministre

SNC-Lavalin

L’honorable Denise Batters : Sénateur Harder, le 19 décembre dernier, le premier ministre, le greffier du Conseil privé et des proches collaborateurs du premier ministre ont déjeuné ensemble juste avant l’appel de 17 minutes entre le greffier et Jody Wilson-Raybould. Durant cet appel, M. Wernick a insisté quatre fois sur la même idée, celle que le premier ministre était déterminé à parvenir à un accord de suspension des poursuites avec SNC-Lavalin.

(1420)

Le greffier du Conseil privé a souligné que c’était quelque chose d’important pour le premier ministre. À la fin de l’appel, il a dit qu’il allait devoir faire un compte rendu de leur conversation au premier ministre Trudeau avant qu’il parte en vacances. Le premier ministre et le greffier affirment maintenant que le compte rendu sur cet appel désastreux avec la procureure générale n’a jamais été donné. Pourtant, selon M. Wernick, il s’agissait d’un dossier très important pour le premier ministre. C’est tout simplement incroyable. Il n’y a que deux possibilités : le greffier a-t-il fait preuve d’une incompétence totale ou le premier ministre Trudeau tente-t-il désespérément de dissimuler la vérité aux Canadiens?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. En fait, il y a une troisième possibilité : ils disent la vérité.

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice Batters : Je ne le crois pas, sénateur Harder.

Michael Wernick avait 38 ans de service au sein de la fonction publique. Il a gravi les échelons jusqu’au poste le plus élevé de la fonction publique canadienne. Quand je vous ai posé des questions à son sujet précédemment, vous avez loué ses réalisations et avez dit que vous le considériez comme un ami. Dans quel monde cela ne sonnerait pas l’alarme pour M. Wernick que la procureure générale du Canada affirme que cette conversation lui rappelait le Massacre du samedi soir? C’est ridicule.

Sénateur Harder, si M. Wernick était réellement aussi incompétent, pourquoi n’a-t-il pas été congédié immédiatement lorsque le premier ministre a pris connaissance de cet appel à la suite du témoignage de Jody Wilson-Raybould en février? Ou le premier ministre Trudeau tente-t-il de brouiller les pistes pour dissimuler le fait qu’il était au courant de cet appel depuis le début? Le cas échéant, quelle indemnité de départ les contribuables verseront-ils au greffier du Conseil privé pour que le premier ministre puisse acheter son silence?

Le sénateur Harder : Je remercie la sénatrice de sa question. Je dirai simplement que je connais le greffier, qui partira bientôt à la retraite, depuis des années, et je le connais comme étant une personne très intègre. Il en a certainement donné la preuve au service de nombreux gouvernements. Je trouve déplaisante toute question qui porte atteinte à son intégrité. Je présume qu’il dit la vérité et je m’en tiens à cette position.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Les travaux du comité

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question, qui est essentiellement la même, sur la responsabilité, s’adresse à la fois à la présidente du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, et au président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, si le temps le permet.

Son Honneur le Président : Sénatrice McPhedran, si vous avez une question, elle ne peut s’adresser qu’au président d’un seul comité à la fois.

La sénatrice McPhedran : Je vais commencer par la sénatrice Galvez si vous le permettez. Il est plutôt rare que les comités se déplacent pour l’étude des projets de loi; pourtant, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a approuvé un budget de près d’un demi-million de dollars visant à permettre aux membres de votre comité permanent de se déplacer dans le cadre de l’étude du projet de loi C-69. Ma question est la suivante : allez-vous vraiment respecter la logique des arguments qui ont été donnés pour justifier cette dépense exceptionnelle des deniers publics et l’empreinte carbone accrue, et les raisons qui font que le comité doit se déplacer? Quels dispositifs sont en place pour garantir que — comme l’affirment ceux qui défendent ce déplacement extraordinaire — la voix des Canadiens qui n’ont pas pu témoigner devant le comité pourra enfin être entendue grâce à cette dépense importante de près d’un demi-million de dollars? Votre comité pourrait-il, s’il vous plaît, répondre en détail à cette question au moyen d’un rapport qui serait présenté au Sénat à la suite de votre voyage?

L’honorable Rosa Galvez : Je remercie ma collègue de la question, que j’estime importante, puisqu’elle porte sur la reddition de comptes et la transparence à l’égard des fonds publics. J’estime que c’est un sujet très important. Le sénateur MacDonald, vice-président du comité, et moi avons consulté le Comité de la régie interne, des budgets et de l’administration, en présence du sénateur Tannas. D’ailleurs j’ai posé votre question au sénateur Tannas. Je lui ai demandé s’il y avait un processus qui nous obligeait à rendre des comptes sur l’efficacité de nos déplacements. Il a répondu que nous avons des comptes à rendre sur l’aspect financier et que nous devons présenter des reçus pour justifier le financement. Cependant, nous pouvons également présenter un rapport pour indiquer si l’approche choisie était une façon efficace de consulter la population.

Son Honneur le Président : Sénatrice Galvez, il vous reste environ 20 secondes pour terminer votre réponse, puisque la période des questions tire à sa fin.

La sénatrice Galvez : Nous allons produire ce rapport. Merci.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée.


ORDRE DU JOUR

Recours au Règlement

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé par le sénateur Plett le 19 mars 2019. Le rappel au Règlement concernait un amendement à la motion numéro 435, relative aux interactions alléguées entre le personnel du Cabinet du premier ministre et l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada qui ont fait l’objet de beaucoup d’attention au cours des dernières semaines. La motion initiale présentée par le sénateur Smith, le leader de l’opposition, propose que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles examine cette affaire. L’amendement proposé par le sénateur Harder, le représentant du gouvernement au Sénat, modifierait la motion pour que le Sénat tienne compte du fait que le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique étudie cette affaire, plutôt que le Sénat autorise une étude en comité.

Le sénateur Plett est préoccupé du fait que l’amendement dépasse la portée de la motion proposée. Il souligne qu’il ne s’agirait plus d’un ordre de renvoi autorisant le comité à faire une étude, mais d’une action déclaratoire. Le sénateur Carignan partage son inquiétude. Il soutient que l’amendement n’a rien à voir avec une étude en comité. Cet amendement a pour effet de rejeter la motion initiale. Les sénateurs Plett et Carignan ont tous deux indiqué que Beauchesne et La procédure et les usages de la Chambre des communes prévoient qu’une proposition qui est contraire à l’objet d’une motion principale ou qui constitue une nouvelle proposition ne devrait pas faire l’objet d’un amendement déposé devant le Sénat. Elle nécessite un préavis distinct.

Dans le cadre de ce recours au Règlement, permettez-moi de traiter de la question du délai. Comme il est expliqué à la page 216 de La procédure du Sénat en pratique :

Bien qu’il ne soit pas obligatoire de soulever un rappel au Règlement à la première occasion, l’intervention devrait être faite lorsque le Sénat est encore saisi de l’objet de la plainte, qu’il s’agisse d’un événement ou d’une délibération en cours … En particulier, un rappel au Règlement relatif à un point de procédure devrait être soulevé sans délai et avant que la question ne soit résolue …

Même s’il est préférable qu’un rappel au Règlement soit soulevé le plus rapidement possible dans les débats, il est important de se rappeler que le rappel n’est pas invalide parce qu’il n’a pas été déposé au moment du dépôt de l’amendement. Les rappels au Règlement sont bien différents des questions de privilège pour lesquelles le délai est un critère crucial.

Pour ce qui est de la question qui est devant nous, le Sénat fait souvent preuve de souplesse dans le déroulement de ses travaux. Règle générale, à moins qu’une affaire soit clairement irrecevable, les débats peuvent se poursuivre jusqu’à ce qu’une préoccupation soit soulevée et qu’on arrive à la conclusion que l’affaire ne respecte pas le Règlement ou les usages. Quand une telle préoccupation est soulevée, il incombe au Président d’évaluer la question en fonction de nos exigences procédurales.

La question de la recevabilité des amendements est souvent soulevée en ce qui concerne des changements proposés aux projets de loi. Dans ces cas, des questions de principe, de pertinence et de portée ont été examinées régulièrement. Comme il est indiqué dans une décision du 9 décembre 2009 :

En général, on considère que le principe d’un projet de loi est l’idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues. Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l’étude.

Ce cadre général peut nous aider lorsqu’on examine des amendements aux motions. On retrouve, à la page 90 de La procédure du Sénat en pratique les facteurs à prendre en compte et certains de ces facteurs sont mentionnés dans le rappel au Règlement. Au commentaire 579(2) de la sixième édition de Beauchesne, il est indiqué qu’« [o]n ne doit pas, dans un amendement, soulever une question nouvelle qui ne peut être étudiée que sur présentation d’une motion distincte précédée d’un avis ». Selon La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 541, un amendement est irrecevable s’il « est complètement contraire à la motion principale ou s’il entraînerait le même résultat que le rejet de la motion principale ».

De plus, selon la 24e édition de l’ouvrage d’Erskine May, à la page 409, un amendement équivalent à un rejet général, c’est-à-dire supprimer tous les mots dans une motion afin de les remplacer par une proposition aboutissant à une conclusion opposée, est irrecevable. Par le passé, des amendements équivalents à un rejet général ont été rejetés au Sénat après que des préoccupations ont été soulevées à ce sujet. Par exemple, le 30 mars 1915, un sous-amendement portant sur l’enseignement bilingue en Ontario a été jugé irrecevable, car il contredisait l’amendement qu’il visait. Comme autre exemple, le 31 mai 1934, un amendement qui proposait que le Canada demeure dans la Société des Nations a été jugé irrecevable, puisque la motion proposait que le pays quitte cette organisation. Dans la mesure où l’amendement du sénateur Harder vise le rejet de la motion du sénateur Smith, il est justifié de s’en préoccuper.

Même si on conclut que l’amendement n’est pas un amendement équivalent à un rejet général, dans d’autres précédents du Sénat il a été décidé que les amendements qui visent à ajouter d’importants nouveaux éléments à une motion étaient irrecevables. J’aimerais porter à l’attention des honorables collègues la décision du 9 septembre 1999 qui concerne un amendement qui visait à ajouter la Croatie dans le cadre d’une enquête sur les actions des Forces canadiennes en Somalie, ainsi que la décision du 19 septembre 2000 qui traitait d’un amendement qui aurait ajouté à une proposition visant à établir de nouveaux comités des éléments liés à la taille de tous les comités et au processus de sélection des membres.

Dans l’affaire qui nous occupe, le contenu de l’amendement ne poserait pas de problème, en toute probabilité, s’il avait été déposé au moyen d’une motion de fond, après en avoir donné préavis. Il tient compte de certains faits. Le rappel au Règlement n’est soulevé que parce que le processus utilisé pour présenter cette proposition au Sénat n’a peut-être pas respecté l’exigence relative au préavis. Ceci soulève des questions, surtout en ce qui concerne la portée de la motion principale.

La motion du sénateur Smith propose que le Sénat prenne des mesures pour autoriser un comité à mener des travaux. Le comité pourrait donc soumettre au Sénat ses conclusions. L’amendement vise à modifier complètement la proposition initiale. Par conséquent, il supprime les étapes proposées sans en proposer d’autres et demande au Sénat de simplement reconnaître des faits. Le remplacement de la proposition que le Sénat prenne des mesures par une simple reconnaissance de faits modifie de manière importante l’objectif de la motion. Par conséquent, le contenu de l’amendement devrait plutôt être déposé devant le Sénat comme une motion distincte, sur préavis.

Pour les raisons indiquées, ma décision est que l’amendement est irrecevable et qu’il doit être retiré du Feuilleton. Le débat sur la motion principale peut se poursuivre lorsqu’elle est appelée.

(1430)

[Français]

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la motion no 261, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-83, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Le Sénat

Retrait du préavis de motion visant certains projets de loi

À l’appel des affaires du gouvernement, motions, article no 261, par l’honorable Peter Harder :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, toute pratique habituelle ou tout ordre antérieur :

1.si la deuxième lecture d’un projet de loi est toujours inscrite à l’ordre du jour à 17 h 15 le jour où, conformément au présent ordre, la deuxième lecture du projet de loi doit prendre fin, le Président interrompe les délibérations alors en cours à 17 h 15 afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, sans autre débat, amendement ou ajournement;

2.si, conformément au présent ordre, il y a une date à laquelle un comité doit faire rapport d’un projet de loi :

a)le comité soit autorisé ce jour-là, nonobstant les pratiques habituelles, à présenter son rapport sur le projet de loi auprès du greffier du Sénat une fois que le Sénat aura terminé la rubrique « Présentation ou dépôt de rapports de comités » ou si le Sénat ne siège pas ce jour-là, le rapport étant publié dans les Journaux de ce jour-là ou du prochain jour de séance du Sénat, selon le cas, et réputé présenté au Sénat, les dispositions suivantes ayant alors effet :

(i)si le comité fait rapport du projet de loi avec amendement ou avec une recommandation conformément à l’article 12-23(5) du Règlement, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du Sénat,

(ii)si le comité fait rapport du projet de loi sans amendement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du Sénat;

b)si le comité n’a pas fait rapport du projet de loi à la fin de ce jour-là :

(i)le comité soit réputé en avoir fait rapport sans amendement, que le Sénat ait siégé ou non ce jour-là,

(ii)la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du Sénat;

3.si, conformément au présent ordre, il y a une date à laquelle la troisième lecture d’un projet de loi doit prendre fin et qu’à 17 h 15 ce jour-là, l’ordre pour l’étude du rapport d’un comité au sujet du projet de loi ou pour la troisième lecture est toujours à l’ordre du jour, le Président interrompe les délibérations alors en cours à 17 h 15 afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la troisième lecture, sans autre débat, amendement ou ajournement, les dispositions suivantes ayant alors effet, s’il y a lieu :

a)si le rapport d’un comité au sujet du projet de loi est toujours inscrit à l’ordre du jour, mais que son adoption n’a pas encore été proposée, une motion tendant à l’adoption du rapport soit réputée avoir été proposée et appuyée, les dispositions de l’alinéa b) ayant par la suite effet;

b)si le rapport d’un comité au sujet du projet de loi est encore à l’étude au Sénat, une motion tendant à la troisième lecture soit réputée avoir été proposée et appuyée, s’il y a lieu, une fois que le Sénat aura rendu sa décision sur le rapport;

c)si la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour, mais que la motion à l’étape de la troisième lecture n’a pas encore été proposée, une motion tendant à la troisième lecture soit réputée avoir été proposée et appuyée;

4.pour l’application des articles 1 et 3 du présent ordre :

a)si le Sénat ne siège pas le jour où la deuxième ou la troisième lecture doit prendre fin conformément au présent ordre, les dispositions de l’ordre régissent les délibérations lors de la prochaine séance du Sénat comme s’il s’agissait du jour où la deuxième ou la troisième lecture doit prendre fin;

b)si un vote est en cours au moment où il faut traiter d’une affaire conformément au présent ordre, les dispositions de l’ordre ne prennent effet qu’immédiatement après le vote et les travaux qui en découlent;

c)si plusieurs affaires doivent être traitées au cours d’une même séance conformément au présent ordre, le Sénat les aborde selon l’ordre dans lequel elles y sont indiquées;

d)si un vote par appel nominal sur une affaire régie par les dispositions du présent ordre a déjà été reporté pour qu’il ait normalement lieu après 17 h 15 le jour prévu aux termes du présent ordre, le vote ait plutôt lieu à 17 h 15 ce jour-là pour que le vote par appel nominal ait lieu selon les dispositions de l’alinéa suivant;

e)si un vote par appel nominal est demandé après que le Président doit interrompre les délibérations alors en cours conformément aux dispositions du présent ordre, le vote ne soit pas reporté et la sonnerie ne retentisse qu’une fois pendant 15 minutes et qu’elle ne retentisse pas de nouveau pour les votes par appel nominal demandés subséquemment au titre du présent ordre;

f)si un vote par appel nominal préalablement reporté, à l’exception d’un vote visé par l’alinéa d), entrerait en conflit avec les échéances prévues dans le présent ordre, il soit reporté de nouveau à la fin des délibérations conformément au présent ordre, sous réserve que si la sonnerie a déjà retenti pour un vote par appel nominal conformément au présent ordre, elle ne retentisse pas de nouveau pour le vote par appel nominal préalablement reporté;

5.pour l’application des articles 1, 2 et 3 du présent ordre, si la date à laquelle la deuxième ou troisième lecture doit prendre fin ou la date à laquelle le comité doit faire rapport tombe avant l’adoption du présent ordre ou le jour même de son adoption, les dispositions de celui-ci régissent les délibérations lors de la prochaine séance du Sénat qui suit son adoption, comme si le jour de cette séance était la date visée;

6.lors des séances au cours desquelles les délibérations sont régies par les dispositions du présent ordre, aucune motion visant à lever la séance ne soit reçue, et l’application des articles du Règlement et de tout ordre antérieur concernant la levée d’office de la séance et sa suspension à 18 heures soit suspendue tant que le Sénat n’aura pas rendu, conformément au présent ordre, sa décision finale sur toute affaire régie par le présent ordre;

7.les dispositions du présent ordre s’appliquent aux projets de loi suivants :

a)le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 9 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 6 juin 2019);

b)le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 5 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 11 avril 2019);

c)le projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et d’autres lois en conséquence (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 5 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 11 avril 2019);

d)le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 16 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 30 mai 2019);

e)le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 7 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 30 mai 2019);

f)le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 9 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 30 mai 2019);

g)le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 10 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 9 mai 2019);

h)le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois (la date à laquelle la deuxième lecture doit prendre fin étant le 4 avril 2019, la date à laquelle le comité auquel le projet de loi pourrait être ou est renvoyé doit faire rapport étant le 10 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 16 mai 2019);

i)le projet de loi C-78, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d’aide à l’exécution des ordonnances et des ententes familiales et la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et apportant des modifications corrélatives à une autre loi (la date à laquelle la deuxième lecture doit prendre fin étant le 11 avril 2019, la date à laquelle le comité auquel le projet de loi pourrait être ou est renvoyé doit faire rapport étant le 14 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 16 mai 2019);

j)le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles (la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est renvoyé doit faire rapport étant le 7 mai 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 16 mai 2019);

k)le projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Israël et apportant des modifications connexes à d’autres lois (la date à laquelle la deuxième lecture doit prendre fin étant le 4 avril 2019, la date à laquelle le comité auquel le projet de loi est ou pourrait être renvoyé doit faire rapport étant le 30 avril 2019 et la date à laquelle la troisième lecture doit prendre fin étant le 9 mai 2019);

8. il soit entendu que rien dans le présent ordre n’empêche qu’un comité fasse rapport avant, ou que les délibérations à toute autre étape ne soient terminées avant, les dates prévues dans le présent ordre.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 261 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Marty Klyne propose que le projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, soit lu pour la deuxième fois.

 —Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que parrain du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi.

Essentiellement, le projet de loi remplace le système actuel d’isolement préventif par le système beaucoup plus progressiste des unités d’intervention structurée.

Je commencerai en soulignant deux choses. Premièrement, en ce qui concerne les délinquants que l’on sépare du reste de la population carcérale, j’estime que ce projet de loi est très progressiste par rapport au statu quo et qu’il profitera à toutes les personnes concernées.

Deuxièmement, les tribunaux ont dernièrement déclaré que le système actuel d’isolement préventif était inconstitutionnel et qu’il exigeait une refonte ou une solution de rechange conforme à des exigences précises, faute de quoi l’isolement préventif tel que nous le connaissons aujourd’hui sera supprimé sans solution immédiate et acceptable, créant ainsi un environnement problématique et précaire au-delà de tout ce qu’on peut imaginer.

Je pense, honorables sénateurs, que ce projet de loi est la solution et que nous devons l’adopter, après l’avoir examiné en détail dans l’intérêt de toutes les personnes concernées.

Ne nous méprenons pas : les prisons peuvent présenter des menaces extraordinaires et sont donc des endroits extrêmement difficiles à gérer, étant donné qu’elles peuvent d’un instant à l’autre devenir dangereuses. Il incombe aux autorités carcérales d’assurer la sécurité de tous dans ces environnements en conciliant les besoins et les impératifs de sécurité.

Les Canadiens qui ne connaissent pas l’expression « isolement préventif » pourraient penser qu’il s’agit d’isolement cellulaire. Essentiellement, nous parlons de situations qui nécessitent qu’un détenu soit séparé de la population carcérale générale pour des motifs de sécurité.

Le nombre de personnes placées en isolement préventif chaque jour s’élève à environ 350, ce qui est moins de la moitié du nombre d’il y a cinq ans. Ce sont presque tous des hommes. En 2016-2017, la durée médiane de l’isolement d’un détenu était de 11 jours.

L’isolement des délinquants est une solution de dernier recours qui peut seulement être employée lorsqu’il n’y a aucune autre option raisonnable et qui est limitée par les lois constitutionnelles et les politiques qui en découlent.

L’isolement préventif se définit comme la séparation d’un détenu du reste des détenus, lorsque cela satisfait aux exigences particulières prévues dans la loi. Il est considéré comme une solution ou une mesure raisonnable et, dans certaines situations, c’est l’option précédant une décision disciplinaire.

Un délinquant peut être placé en isolement préventif parce qu’il existe un problème ou une situation qui nécessite une solution pour le protéger, comme c’est souvent le cas pour un ancien policier, un délinquant sexuel ou un informateur de la police.

On peut recourir à l’isolement préventif pour empêcher un délinquant d’entretenir des rapports avec d’autres détenus ou pour assurer la sécurité s’il présente un danger pour lui-même, un autre détenu, un membre du personnel ou l’établissement. Un délinquant peut aussi se retrouver en isolement préventif lorsque sa présence dans la population carcérale générale nuirait au déroulement d’une enquête criminelle ou lorsqu’il a un comportement violent ou perturbateur.

En ce moment, lorsqu’on a recours à l’isolement, le délinquant est confiné à une cellule. Il peut en sortir pendant deux heures par jour au maximum, sans avoir aucun contact humain réel. Il n’a pas accès aux programmes ni aux soins de santé, à moins que ce ne soit nécessaire. L’ensemble de ces mesures peuvent sans doute empêcher toute réadaptation et empiéter sur des droits constitutionnels.

Certaines des conditions d’isolement sont extrêmement mauvaises. Il faut les améliorer pour permettre aux délinquants d’accéder aux programmes et de passer plus de temps à l’extérieur des cellules.

Le projet de loi reconnaît que les solutions de rechange raisonnables sont extrêmement limitées aux termes de la loi actuelle et des politiques qui en découlent. Les parlementaires doivent donc envisager des changements importants en adoptant une approche progressiste, axée sur la recherche d’une solution.

Le projet de loi C-83 est cette solution. Il cherche à remplacer le recours à l’isolement préventif en établissant des unités d’intervention structurée qui accueilleront les détenus qu’on ne peut pas gérer de manière sécuritaire au sein de la population carcérale générale. Un détenu placé dans une unité d’intervention structurée aura accès à des services de réadaptation, à des soins de santé mentale, à des interventions et à des programmes utiles, adaptés à ses besoins uniques.

(1440)

Les détenus placés dans une unité d’intervention structurée auront le droit de sortir de leurs cellules quatre heures par jour plutôt que deux — ce que prévoit le modèle actuel d’isolement préventif. Ils pourront avoir des contacts humains réels avec un aîné, un conseiller, un membre de leur famille ou un ami. De plus, ils recevront au moins une fois par jour la visite d’un professionnel de la santé agréé et ils auront accès à des défenseurs des droits des patients.

Le système carcéral gardera ses pouvoirs qui lui permettent de séparer les délinquants dangereux de la population carcérale générale. Toutefois, ils ne seront plus privés de tout contact humain et auront accès à des programmes qui pourront aider à leur réadaptation. En mettant l’accent sur leurs besoins uniques, nous nous attendons à ce que la réadaptation des délinquants soit plus rapide.

Le nouveau modèle d’unités d’intervention structurée vise principalement à minimiser l’isolement et à réduire, voire éliminer, les probabilités qu’un délinquant retourne dans une de ces unités. L’objectif est de contribuer positivement à la réadaptation des délinquants et de leur permettre de réintégrer de façon sécuritaire et rapide la société en répondant à leurs besoins uniques et en les aidant dans le processus de réadaptation.

Une évaluation comportementale des délinquants sera réalisée lors de leur première admission dans une unité d’intervention structurée afin d’établir un profil et de cerner leurs besoins particuliers. Grâce à cela, les professionnels de la santé pourront mesurer leurs progrès en matière de réadaptation.

Le nouveau modèle tiendra les condamnés responsables de leurs actes, tout en créant un environnement qui favorise la réadaptation, la réinsertion sociale sans risque et la réduction du nombre de récidivistes.

Il a été établi que si les soins de santé ne sont pas fournis indépendamment du Service correctionnel du Canada, les fournisseurs de soins de santé ne seront pas libres d’exercer, sans influence inopportune, les jugements professionnels nécessaires au traitement de leurs patients.

Le nouveau modèle prévoit une autonomie et une indépendance accrues pour les professionnels de la santé travaillant dans les prisons et permet aux patients d’avoir accès à des défenseurs de leurs droits.

Honorables collègues, les gens de toutes les couches de la société et de tous les pays ont tendance à seulement penser aux prisons quand elles font les manchettes, parfois à cause de craintes qu’un délinquant soit traité trop sévèrement ou peut-être qu’il n’ait pas été suffisamment puni.

En tant que parlementaires, nous avons tous le droit de visiter les établissements correctionnels, et c’est ce qu’ont fait récemment nos collègues du Comité des droits de la personne.

La plupart d’entre nous ne visiteront pas un tel établissement, même si nous sommes considérés comme des législateurs. Pourtant, la structure de notre système correctionnel — les structures physiques, les programmes et les services qu’il fournit, ainsi que le cadre juridique qui est à sa base — joue un rôle crucial dans le système de justice canadien. Les prisons ont pour but de restreindre la liberté des personnes qui ont causé des préjudices à la société en commettant des actes criminels.

Même si nous souhaiterions peut-être le contraire, l’incarcération est parfois nécessaire pour gérer le risque que ces personnes peuvent présenter, sans compter qu’il faut donner aux délinquants la possibilité, contrôlée, de réorienter leur vie. Dans ce contexte, il est essentiel d’offrir des programmes d’aide particuliers aux détenus qui cherchent à prendre des décisions constructives.

Pour des raisons pratiques d’intérêt personnel, nous sommes tous plus en sécurité lorsque le système réussit à préparer les personnes qui ont enfreint la loi à retourner dans la collectivité et à être réintégrées dans la société en toute sécurité en tant que citoyens productifs et respectueux des lois.

De plus, la façon dont nous atteignons cet objectif et les moyens que nous employons pour l’atteindre reflètent notre société et ses valeurs humanitaires.

Pour citer Fiodor Dostoïevski, journaliste et philosophe russe qui a beaucoup réfléchi aux questions des crimes et des châtiments, je dirai :

On peut juger du degré de civilisation d’une société en entrant dans ses prisons.

J’ai prévu des visites aux pénitenciers de Kingston et de Prince Albert au cours des prochaines semaines pour évaluer de visu le degré de civilisation de notre société. Mon cousin, aujourd’hui à la retraite, qui a été ancien combattant pendant 42 ans et a dirigé des programmes dans des établissements correctionnels, m’a dit de me préparer à être choqué par ce que je vais voir.

Il y a 30 ans, le Service correctionnel du Canada a adopté un nouvel énoncé de mission, qui se lit :

Le Service correctionnel du Canada [...] contribue à la sécurité publique en incitant activement et en aidant les délinquants à devenir des citoyens respectueux des lois, tout en exerçant sur eux un contrôle raisonnable, sûr [...] et humain.

Depuis, d’importants progrès ont été réalisés.

L’ancienne Loi sur les pénitenciers, qui accordait peu de place aux droits des détenus, a été remplacée par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui exigeait l’emploi des mesures les moins restrictives, dans les limites où il faut assurer la sécurité dans les établissements et la sécurité publique.

Le Service correctionnel a conclu des ententes avec des organismes communautaires autochtones leur permettant de gérer leurs propres établissements correctionnels pour les détenus sous responsabilité fédérale.

Les détenus des établissements fédéraux ont obtenu le droit de vote.

De nouveaux établissements pour les femmes ont été conçus pour que les détenues soient logées dans des maisons à l’intérieur d’une enceinte clôturée comprenant une cour plutôt que d’être placées dans les cellules habituelles.

Qu’on ne s’y trompe pas, ces progrès n’ont été ni simples, ni faciles. C’est le cas pour la principale question sur laquelle porte le projet de loi C-83, l’isolement préventif.

Ce projet de loi s’attaque à la question de l’isolement de manière directe. Il porte également sur plusieurs autres aspects importants du système correctionnel fédéral et fait progresser les choses de manière importante.

On y propose des changements touchant notamment les audiences de libération conditionnelle, les soins de santé et l’interdiction de la contrebande.

La plupart des observateurs conviennent que les services correctionnels doivent pouvoir, dans certains cas, pour des raisons de sécurité, séparer certains détenus de la population carcérale générale.

Pendant l’étude au comité de l’autre endroit, c’est ce qu’ont dit la présidente de la Société John Howard, Catherine Latimer; l’enquêteur correctionnel Ivan Zinger; et l’ancien détenu Lawrence DaSilva.

Des tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario en sont arrivés à la même conclusion récemment. Selon la Cour d’appel de la Colombie-Britannique :

L’isolement préventif ou un autre régime plus adéquat doivent être instaurés afin de protéger les détenus dont la sécurité serait menacée au sein de la population générale et d’assurer la sécurité des personnes qui travaillent dans les établissements carcéraux.

Le projet de loi C-83 offre cette solution de rechange plus appropriée en proposant un nouveau modèle, celui des unités d’intervention structurée.

Le nouveau système permettra, entre autres, de respecter les Règles Mandela des Nations Unies concernant le traitement des prisonniers.

Présentement, le système d’isolement préventif fonctionne de la façon suivante : les détenus qui doivent être isolés du reste de l’établissement pour des raisons de sécurité sont amenés de leur cellule d’une aile commune de la prison vers une autre cellule dans la partie réservée à l’isolement.

Les conditions physiques des cellules d’isolement sont généralement similaires, voire identiques, à celles des cellules normales. Par contre, à l’heure actuelle, un détenu en isolement doit demeurer dans sa cellule au moins 22 heures par jour. Lorsqu’il peut sortir de sa cellule, le détenu doit souvent rester seul, ailleurs, par exemple dans la cour.

Pour des motifs de sécurité, ces détenus n’ont pas accès à des programmes ou interventions de réadaptation pour lesquels ils devraient être en présence d’autres détenus.

Cela signifie que, lorsqu’un détenu est en isolement, il n’est pas en mesure d’obtenir les services requis, parce que les ressources dont dispose actuellement le Service correctionnel du Canada ne permettent pas leur prestation de façon individuelle.

Le nouveau système des unités d’intervention structurée amené par le projet de loi C-83 améliorera grandement le système actuel en matière tant de sécurité que de respect des droits des détenus. La conception des unités d’intervention structurée permettra d’offrir à ces détenus l’encadrement individuel personnalisé dont ils ont besoin. La mesure proposée fera en sorte qu’ils reçoivent les soins de santé mentale nécessaires pour régler les problèmes sous-jacents qui ont mené à leur isolement, afin qu’ils puissent retourner de façon sécuritaire dans la population carcérale générale le plus tôt possible.

(1450)

Pendant qu’ils seront à l’unité d’intervention structurée, les détenus pourront passer au moins quatre heures par jour à l’extérieur de leur cellule, soit le double de ce qu’on leur offre actuellement quand ils sont en isolement. Ils pourront aussi avoir des contacts humains réels pendant au moins deux heures par jour sous forme d’interactions avec des employés, des aînés, des aumôniers, des bénévoles, des visiteurs et des détenus compatibles.

Comme le modèle proposé pour les unités d’intervention structurée prévoit quatre heures par jour à l’extérieur des cellules, il ira au-delà des normes établies par les Nations Unies. En effet, selon les « Règles Nelson Mandela », l’isolement cellulaire correspond à un isolement de 22 heures par jour ou plus, sans contact humain réel.

Pour des raisons de sécurité, le projet de loi ne plafonne pas le nombre de jours qu’un détenu pourra passer dans une unité d’intervention structurée. En effet, si on instaurait, par exemple, une limite de 15 jours comme le suggère la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, que ferait-on le seizième jour si le détenu posait toujours un risque? Forcer son retour prématuré au sein de la population carcérale générale pourrait s’avérer dangereux non seulement pour le détenu, mais aussi pour les autres détenus et le personnel correctionnel.

Cela dit, le projet de loi C-83 crée essentiellement la présomption permanente que les détenus placés dans une unité d’intervention structurée seront réintégrés dans la population carcérale régulière. L’article 33 prévoit ce qui suit :

L’incarcération dans une unité d’intervention structurée prend fin le plus tôt possible.

Le projet de loi indique clairement qu’un détenu est placé dans une unité d’intervention structurée uniquement s’il n’existe aucune autre solution valable. Dès qu’une solution valable est trouvée ou que le détenu ne présente plus de risque pour la sécurité, le projet de loi C-83 exige qu’il soit réintégré dans la population carcérale régulière.

La question d’une durée limitée est particulièrement pertinente à la suite de la décision rendue récemment par la Cour d’appel de l’Ontario. Cette décision, qui entrera en vigueur le 12 avril prochain, exige que, en Ontario, un détenu soit placé en isolement préventif pendant une durée maximale de 15 jours. Il convient donc de se demander si une telle disposition devrait être inscrite dans le projet de loi C-83.

La réponse à cette question se trouve aussi dans la toute première ligne de la décision de la cour, qui se lit comme suit :

Ce qui caractérise avant tout l’isolement cellulaire, c’est l’élimination de toute forme d’interaction ou de stimulation sociale.

Le nouveau système vise précisément à corriger cette lacune. Autrement dit, la cour affirme que les détenus ne doivent pas passer plus de 15 jours sans interaction sociale réelle. Dans le nouveau système des unités d’intervention structurée, les détenus pourront avoir des interactions sociales tous les jours.

En résumé, les unités d’intervention structurée permettront aux détenus de passer deux fois plus de temps à l’extérieur de leur cellule que dans le cadre du système actuel d’isolement préventif. Elles leur permettront aussi d’avoir des contacts humains réels pendant deux heures par jour plutôt qu’aucune, comme c’est le cas en ce moment. Il s’agit d’améliorations sur le plan quantitatif.

Il y a aussi les améliorations qualitatives dont j’ai parlé, notamment les interventions spécialisées en réadaptation et les services de santé mentale.

Conséquemment, au cours de l’étude par le comité de l’autre endroit, l’essentiel des critiques ne portait pas sur la nature des unités d’intervention structurée, que je viens tout juste de décrire. En général, les témoins ont plutôt demandé si ces unités fonctionneraient vraiment comme prévu.

Les préoccupations se divisent essentiellement en trois grandes catégories : la suffisance des ressources, les échappatoires potentielles dans le libellé du projet de loi et la surveillance. Depuis lors, on a donné suite à chacune de ces préoccupations, et le Sénat aura l’occasion d’étudier plus en profondeur cette mesure législative au comité.

En ce qui concerne la suffisance des ressources, le projet de loi C-83 a été présenté avant la publication de l’énoncé économique de l’automne, et le gouvernement n’avait pas encore annoncé le financement qui accompagnerait le projet de loi, alors il est compréhensible que les témoins aient soulevé cette préoccupation.

Catherine Latimer, de la Société John Howard, a déclaré ceci :

Pour que la perspective des unités d’intervention structurée présentée au Comité par le ministre Goodale ait des chances de se concrétiser, il faudra compter sur des ressources suffisantes pour obtenir les programmes d’infrastructure et le personnel nécessaires [...]

Jason Godin, président national du Syndicat des agents correctionnels du Canada, a déclaré ceci au sujet du projet de loi C-83 :

Les intentions sont bonnes [...]

[...] mais nous vous demandons comment vous allez vous y prendre sur le plan opérationnel pour gérer l’institution en toute sécurité. À l’heure actuelle, il est à peu près impossible d’y arriver si nous n’avons pas des ressources suffisantes.

De plus, Stanley Stapleton, président national du Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice, qui représente les agents de libération conditionnelle et les employés du programme, dit que le projet de loi contient :

[...] des mesures qui visent à rendre les prisons fédérales canadiennes plus humaines et à améliorer les chances de réadaptation des délinquants. [...] Cependant, [...] de nouvelles ressources seront nécessaires pour y arriver.

Le gouvernement a maintenant confirmé que des ressources suffisantes seront en place. L’Énoncé économique de l’automne affecte 448 millions de dollars sur six ans à la mise en place du nouveau système, avec un financement continu de 148 millions de dollars par année. La plus grande partie de l’argent servira à embaucher environ 950 employés, y compris environ 650 personnes qui offriront des soins de santé, des programmes et des interventions ciblées. Les 300 autres employés seront des membres du personnel de sécurité qui veilleront à ce que tous les autres employés puissent accomplir leur travail de réadaptation dans un environnement sécuritaire.

En ce qui a trait à la deuxième catégorie, celle des préoccupations concernant des échappatoires possibles dans le libellé, le comité a adopté un certain nombre d’amendements pour y remédier. Par exemple, on se demandait si la possibilité que prévoit le projet de loi de passer du temps hors de la cellule serait offerte à des heures déraisonnables, comme en plein milieu de la nuit. Donc, un amendement a été adopté pour que le temps hors de la cellule soit offert entre 7 heures et 22 heures.

On s’interrogeait également sur les interactions humaines prévues par le projet de loi et sur la question de savoir si cela se ferait à travers la porte ou par la voie de la fente qui sert à leur glisser des repas. Le comité a donc adopté un amendement établissant une présomption selon laquelle ce serait des interactions en personne et que si ce n’est pas le cas il faudrait fournir des documents justificatifs.

Des questions ont aussi été soulevées au sujet de l’article du projet de loi qui prévoit que le temps passé en dehors de la cellule peut être refusé dans des circonstances exceptionnelles. Pour éviter qu’il soit mal appliqué, le comité a précisé certaines des circonstances considérées comme exceptionnelles qui justifieraient d’empêcher un détenu de passer du temps hors de la cellule, comme des catastrophes naturelles ou une panne de courant.

On s’interrogeait également au sujet de l’article qui permet aux professionnels de la santé de recommander au directeur qu’un détenu soit retiré de l’unité d’intervention structurée ou que les conditions d’incarcération du détenu dans l’unité d’intervention structurée soient modifiées. Certains témoins ont pensé qu’il pourrait y avoir des circonstances où de telles recommandations ne seraient pas prises au sérieux par le directeur. Par conséquent, le comité a ajouté l’exigence que tout désaccord sur ce point entre le professionnel de la santé et le directeur de l’établissement soit soumis à un comité de Service correctionnel du Canada externe indépendant.

En d’autres mots, pour résumer, les membres du comité ont écouté les témoignages au sujet des préoccupations et des échappatoires possibles et ont réagi en apportant des amendements réfléchis et concrets au projet de loi.

Enfin, la troisième grande catégorie touche aux préoccupations sur la surveillance. Certains ont réclamé un processus de surveillance indépendant pour les placements en unité d’intervention structurée, y compris la Société John Howard, l’enquêteur correctionnel, l’Association canadienne des libertés civiles et l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.

L’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a notamment demandé à ce qu’on mette sur pied un organisme de surveillance externe doté d’un pouvoir décisionnel pour veiller à ce que le Service correctionnel respecte ses obligations législatives et à ce que les détenus aient des contacts humains et passent du temps à l’extérieur de leur cellule pendant le nombre d’heures prévu. Le projet de loi a donc été amendé en conséquence afin d’inclure des décideurs externes indépendants. La loi actuelle dit que le directeur doit charger des personnes d’examiner chaque cas « selon les modalités réglementaires de temps et autres ». Le projet de loi C-83 propose plutôt de créer un processus d’examen plus rigoureux, notamment en prévoyant des dispositions pour que les décideurs externes indépendants puissent rendre des décisions exécutoires et pour que le détenu et le Service correctionnel du Canada puissent tous deux appeler de la décision auprès de la Cour fédérale, au titre de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales.

(1500)

La surveillance externe s’applique à trois situations. Premièrement, le décideur indépendant est chargé d’examiner les cas où, pour une raison quelconque, un détenu placé dans une unité d’intervention structurée aurait été privé du nombre minimum d’heures auquel il a droit en compagnie d’autres personnes ou à l’extérieur de sa cellule pendant cinq jours consécutifs ou pour un total de 15 jours dans une période de 30 jours.

Si le décideur conclut que le Service correctionnel du Canada n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour accorder le nombre d’heures obligatoire, il peut formuler des recommandations. Si celles-ci ne sont pas suivies après une semaine, le décideur peut ordonner le retrait du détenu de l’unité d’intervention structurée.

Deuxièmement, la surveillance externe s’appliquera aussi au scénario dont j’ai parlé tout à l’heure, où un professionnel de la santé fait une recommandation. Si le directeur de l’établissement n’est pas d’accord avec la recommandation et que le comité d’examen du Service correctionnel est du même avis que le directeur, c’est le décideur indépendant qui tranche.

Enfin, le décideur indépendant étudie chaque placement en unité d’intervention structurée après 90 jours et à tous les 60 jours par la suite. Cela s’ajoute aux examens internes effectués par le directeur dans les cinq jours suivants, puis à tous les 30 jours par la suite, avec la participation du détenu et les motifs du directeur par écrit.

Les examens du décideur indépendant s’ajoutent à ceux du commissaire du Service correctionnel du Canada.

Il y a eu un autre point de soulevé au comité de la Chambre : le régime actuel d’isolement est considérablement différent dans les établissements pour hommes et pour femmes. Dans l’ensemble des établissements correctionnels fédéraux, le nombre d’hommes mis en isolement varie habituellement entre 300 et 400, tandis qu’il se situe entre zéro et trois chez les femmes.

Les femmes passent généralement beaucoup moins de temps en isolement. Il y a une nette différence entre les cellules d’isolement et celles où vivent généralement les détenues. J’ai d’ailleurs le plaisir de vous annoncer que le ministre de la Sécurité publique a confirmé il y a quelques semaines que le Service correctionnel du Canada adoptera une approche tenant compte du sexe des détenus pour la mise en œuvre des unités d’intervention structurée. Je crois comprendre que des consultations ont été menées auprès de divers organismes, dont l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et l’Association des femmes autochtones du Canada, et que les discussions se poursuivront entre les représentants du service correctionnel et ceux de ces organismes.

Autrement dit, honorables collègues, le gouvernement et le Service correctionnel du Canada sont ouverts aux changements et aux commentaires. Même dans sa forme initiale, ce projet de loi constituait une nette amélioration par rapport à maintenant, mais il a en plus subi de nombreuses améliorations et modifications afin de répondre aux préoccupations des parties intéressées. Le gouvernement a également prévu des ressources considérables pour sa mise en œuvre et l’instauration d’un mécanisme contraignant de surveillance.

Pour faire bonne mesure, le ministre a annoncé qu’il nommera un comité consultatif chargé de superviser la mise en œuvre du projet de loi et de s’assurer que les nouvelles unités d’intervention structurée donnent les résultats escomptés. Ce comité sera formé de gens de divers horizons et domaines, comme la santé mentale, la réadaptation et la sécurité en milieu correctionnel. Il aura pour rôle de conseiller le commissaire du service correctionnel, mais si besoin est, il pourra également porter certaines questions à l’attention du ministre.

Honorables sénateurs, le remplacement de l’isolement par les unités d’intervention structurée constitue à n’en pas douter un pas dans la bonne direction et une mesure progressiste. En prévoyant que les détenus placés dans une unité d’intervention structurée doivent passer un nombre minimal d’heures à l’extérieur de leur cellule et avoir des contacts humains réels et qu’ils ont droit à des interventions de réadaptation et à des services de santé mentale, le projet de loi C-83 améliorera la vie des détenus et des employés des établissements correctionnels fédéraux. Il contribuera aussi à la réadaptation des délinquants en rendant les établissements correctionnels plus sûrs et à notre sécurité à tous en préparant mieux les détenus à vivre harmonieusement leur retour dans la société.

Avant d’aborder d’autres éléments du projet de loi, j’aimerais attirer votre attention sur un dernier point. Le Parlement étudie le projet de loi C-83 alors que plusieurs procédures judiciaires sont en cours au sujet de la constitutionnalité du régime actuel d’isolement préventif, notamment des contestations judiciaires dans les provinces de la Colombie-Britannique et de l’Ontario. Dans ces deux cas, des décisions ont été rendues selon lesquelles la disposition de la loi régissant l’isolement préventif n’est pas valide parce qu’elle va à l’encontre de la Charte des droits et libertés. La prise d’effet de ces décisions a été reportée jusqu’à la fin avril pour le cas de l’Ontario, et jusqu’à la mi-juin pour celui de la Colombie-Britannique. De plus, la Cour d’appel de l’Ontario a fixé au 12 avril l’audience visant à déterminer si un isolement préventif de plus de 15 jours est une mesure contraire à la Charte.

Comme je l’ai indiqué au début de mon discours, les tribunaux eux-mêmes ont déclaré qu’il serait dangereux de mettre un terme à l’isolement préventif sans d’abord élaborer un nouveau régime pour le remplacer. En janvier dernier, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a dit ceci:

Nous convenons que la sécurité des établissements correctionnels serait compromise si les lois existantes étaient immédiatement déclarées inconstitutionnelles.

Les cours ont retardé la prise d’effet de leurs décisions afin de donner au Parlement le temps d’adopter le projet de loi C-83. Encore une fois, je cite la Cour d’appel de la Colombie-Britannique :

Le gouvernement a présenté un projet de loi à la Chambre des communes. Nous n’avons aucune raison de douter de la détermination ou de la capacité du gouvernement à adopter le projet de loi avant que le Parlement interrompe ses travaux pour l’été.

Il se peut que certains de ces délais soient prolongés. Toutefois, tôt ou tard, les décisions entreront en vigueur. Si nous n’adoptons pas ce projet de loi à temps, nous laisserons le Service correctionnel du Canada aux prises avec un vide juridique, incapable d’utiliser l’isolement pour gérer les situations dangereuses et sans solution de rechange sûre, viable, acceptable et conforme aux lois et politiques en vigueur.

Le projet de loi C-83 permet la protection du personnel correctionnel et des détenus qui relèvent de sa responsabilité tout en satisfaisant aux exigences en matière de réadaptation et de santé mentale qui ne sont pas satisfaites par l’isolement. Le projet de loi C-83 constitue donc une nette amélioration par rapport au régime actuel et est, de toute évidence, beaucoup mieux que de n’avoir aucun régime.

Honorables sénateurs, je vais maintenant parler brièvement des autres éléments du projet de loi C-83, qui visent tous le même objectif général qui consiste à bâtir un système correctionnel plus progressif et plus efficace.

Le projet de loi inscrit dans la loi le principe de l’indépendance des fournisseurs de soins de santé au sein du Service correctionnel du Canada et donne aux détenus accès à des services en matière de défense des droits des patients de sorte que les détenus et leur famille connaissent et puissent exercer leurs droits relativement aux soins médicaux. C’est une mesure qui est réclamée depuis l’enquête sur le décès d’Ashley Smith, une jeune femme qui est décédée il y a plusieurs années après s’être étranglée elle-même alors qu’elle était en détention. L’accès à des services de défense des droits des patients améliorera la qualité des soins médicaux pour les détenus qui ne sont pas toujours capables de défendre leurs propres droits.

Le projet de loi permet à toutes les victimes d’actes criminels d’avoir accès aux enregistrements sonores des audiences de libération conditionnelle. La loi actuelle n’accorde ce droit qu’aux victimes qui n’étaient pas présentes aux audiences. Ce changement est important : comme vous pouvez l’imaginer, les audiences de libération conditionnelle étant souvent des expériences stressantes pour les victimes. On peut comprendre qu’elles n’arrivent pas à se souvenir de tout ce qui a été dit. Rien ne justifie que la loi les empêche d’écouter une deuxième fois les procédures dans un cadre moins stressant.

Le projet de loi C-83 permet aussi le recours à des détecteurs à balayage corporel pour effectuer des fouilles. Cet outil est semblable à ce qui est utilisé dans les aéroports et il est déjà en place dans plusieurs systèmes correctionnels provinciaux. C’est une solution de rechange, moins intrusive, aux fouilles à nu et aux examens des cavités corporelles.

Conformément à l’arrêt Gladue rendu par la Cour suprême du Canada en 1999, le projet de loi C-83 inscrit dans la loi l’obligation pour le service correctionnel de tenir compte des facteurs systémiques et historiques dans la prise de décisions touchant des délinquants autochtones. Ces considérations doivent être prises en compte dans toutes les décisions d’ordre correctionnel et dans tous les programmes propres aux délinquants autochtones.

Dans le même ordre d’idées, je sais que des inquiétudes ont été soulevées à propos des changements que la mesure législative appliquerait aux dispositions de la loi actuelle sur la participation des collectivités autochtones dans le système correctionnel. En fait, ce sont des modifications de forme qui ne changeraient pas l’application concrète de ces dispositions.

Par exemple, l’article 81 de la loi actuelle permet au ministre de la Sécurité publique de conclure, avec une collectivité autochtone, un accord prévoyant la prestation de services correctionnels. Cet article régit les pavillons de ressourcement gérés par les collectivités. Le projet de loi C-83 remplace l’expression « une collectivité autochtone » par « tout corps dirigeant ou organisme autochtones ».

(1510)

Le nouveau libellé est tout simplement plus logique aux plans juridique et pratique, car il renvoie à des personnalités juridiques reconnues. De la même façon, le projet de loi modifie l’article 84 de la loi, qui permet la libération de détenus autochtones dans des collectivités autochtones. Actuellement, la loi exige du Service correctionnel du Canada qu’il avise la communauté de la mise en liberté imminente d’un délinquant. Le projet de loi C-83 modifie cette disposition en stipulant que l’avis soit remis au « corps dirigeant autochtone » de la collectivité. Le changement tient simplement compte des pratiques en vigueur consistant à garantir que l’« avis » sera remis aux dirigeants de la collectivité.

Enfin, honorables sénateurs, les membres du comité de l’autre endroit ont modifié le projet de loi afin de rétablir le principe des « mesures les moins privatives de liberté ». Pendant 20 ans, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a exigé que le système correctionnel impose aux détenus « les mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, sont les moins privatives de liberté ».

En 2012, le libellé a été modifié pour : « […] mesures qui, compte tenu de la protection de la société, des agents et des délinquants, ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente Loi ». En revenant au libellé précédent, le projet de loi C-83 réaffirme le principe selon lequel l’incarcération sous garde fédérale ne consiste pas à rendre la vie des détenus difficile, mais plutôt à protéger la société, ainsi qu’à promouvoir la réhabilitation et la réintégration des gens qui ont violé les lois de la société.

C’est sur ce principe que repose tout le projet de loi. Je n’ai aucun doute que les honorables sénateurs vont réaliser une étude complète du projet de loi C-83 et examiner le libellé d’articles particuliers, poser des questions solides et se pencher sur les améliorations qui peuvent être apportées au projet de loi. Toutefois, j’invite tout le monde à bien se rendre compte que le projet de loi constitue un progrès important par rapport à la loi qui régit actuellement le système correctionnel.

Je me répète peut-être, mais je tiens tout de même à vous rappeler les jugements récents et le fait que nous devons fournir au Service correctionnel du Canada une solution de remplacement pour assurer l’équilibre entre la sûreté et la sécurité de toutes les personnes concernées et la nécessité de réintégrer plus rapidement les délinquants dans la société.

Le projet de loi C-83 va renforcer la sécurité dans les établissements correctionnels du Canada et veiller à ce que les détenus qui doivent être séparés de la population carcérale générale pendant une période donnée aient de meilleures possibilités de réadaptation et des conditions de vie plus humaines. Il va nous aider à atteindre l’objectif global, qui est de rendre les collectivités plus sûres.

Ces modifications assureront la sécurité du personnel correctionnel et de ceux qui sont confiés à leurs soins tout en permettant aux délinquants de profiter de programmes de réadaptation, d’interventions et de soutien en matière de santé mentale plus efficaces.

J’ai hâte d’entendre vos divers points de vue et de participer à un débat constructif au Sénat et, bien sûr, au comité. Votre participation active est grandement appréciée dans le cadre des derniers travaux réalisés en vue de faire adopter et mettre en œuvre ce projet de loi.

Ce projet de loi est-il une solution de remplacement progressiste à l’isolement cellulaire, et entraînera-t-il d’autres bienfaits? C’est l’objectif visé, et je suis sûr que des progrès seront réalisés et qu’ils seront mesurés et rapportés.

J’espère que le projet de loi sera renvoyé à un comité, où il pourra être étudié davantage, et faire l’objet d’un rapport qui sera déposé au Sénat rapidement et efficacement afin que les sénateurs puissent en débattre et en discuter davantage.

Des voix : Bravo!

L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénateur Klyne, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Klyne : Oui, absolument.

L’honorable Jane Cordy : Je vous remercie de votre discours, sénateur Klyne. Peut-être aimeriez-vous vous joindre à notre Comité des droits de la personne.

Je suis heureuse que le gouvernement reconnaisse que l’isolement est inhumain. Je suis membre du Comité des droits de la personne et nous avons visité des prisons. D’ailleurs, certains d’entre nous sont entrés dans la cellule où Ashley Smith s’est enlevé la vie tandis que des gardiens de prison l’observaient. C’était très émouvant d’être là. Nous avons également parlé à des prisonniers en isolement par la voie de la fente qui sert à leur remettre des repas et il était évident que beaucoup d’entre eux souffraient d’une mauvaise santé mentale. Je sais que vous avez mentionné la santé mentale dans votre discours.

Au cours de notre étude sur les droits de la personne des prisonniers, nous avons entendu des témoignages indiquant que, afin de permettre aux détenus d’avoir une interaction humaine — non pas par la fente qui sert à leur remettre des repas, mais plutôt une véritable interaction —, le projet de loi C-83 prévoit que des professionnels de la santé et des membres du personnel chargé des programmes iront s’entretenir avec les prisonniers, mais qu’ils seront accompagnés de deux gardiens de prison.

Ma préoccupation, c’est le risque de violation de la confidentialité si deux gardiens de prison accompagnent le personnel médical lorsque celui-ci parle de santé physique ou mentale avec le prisonnier. Croyez-vous qu’il serait bon que le comité qui se verra confier l’étude du projet de loi — et je ne suis pas certaine encore de quel comité il s’agira — entende des professionnels de la santé qui vont dans les prisons pour savoir ce qui peut être fait pour assurer la confidentialité? Car ces prisons sont le domicile des prisonniers. Ces derniers y sont 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il serait intimidant qu’on parle de leur dossier médical devant des gardiens de prison. C’est à se demander si les professionnels de la santé obtiendront le véritable portrait de la situation. S’ils l’obtiennent, la confidentialité de cette information serait extrêmement importante pour les prisonniers, car, comme je l’ai dit, ce milieu est leur domicile.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre question. Je suis d’accord avec vous. Il s’agit d’une préoccupation valide et je suis certainement d’avis que le comité devrait entendre des témoignages d’experts à ce sujet. J’ose croire qu’il est possible de trouver des solutions raisonnables à ce problème.

Je ne suis pas une personne qui aime les extrêmes, mais je comprends qu’il existe tout un éventail de situations. Je suis persuadé que le dialogue et les témoignages qui seront entendus nous permettront de trouver une solution bien canadienne au problème.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Sénateur Klyne, acceptez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Klyne : Oui.

La sénatrice Dupuis : J’aimerais savoir si le projet de loi C-83 prévoit des mesures qui s’appliquent aux personnes détenues qui seront également offertes aux femmes et aux hommes, puisque cela n’a pas été le cas jusqu’ici. Le projet de loi comporte-t-il des éléments précis à cette fin? Ce serait important, d’autant plus que nous ne disposons pas de l’analyse comparative entre les sexes qui a été faite dans le cadre de l’étude de ce projet de loi.

Le projet de loi prévoit-il des mesures afin que ces éléments soient approfondis dans le cadre d’un nouveau système? Vous avez bien fait ressortir le fait qu’il s’agit d’un système qui vise à améliorer la situation actuelle, mais je pense qu’il faut non seulement l’améliorer, mais aussi tenir compte de la question du respect des droits des femmes et des hommes dans le système carcéral.

[Traduction]

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre question. Je crois que l’analyse comparative entre les sexes se poursuivra. Il s’agit d’un processus continu. Il évolue constamment et a pour but de s’améliorer continuellement une fois mis en œuvre. Il est évident que la situation des hommes est différente de celle des femmes et que les exigences dans les deux cas sont différentes. Je ne peux pas vous indiquer une disposition précise du projet de loi qui le dit, mais je me ferai un plaisir de me renseigner et de vous revenir avec une réponse.

L’honorable Frances Lankin : Sénateur Klyne, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Klyne : Oui.

La sénatrice Lankin : Merci. Je vais vous faire part de ma perspective relativement à ce dossier. Lorsque j’étais une politicienne élue, je représentais une circonscription qui avait été représentée de nombreuses années auparavant par l’honorable Agnes MacPhail, une partisane de la réforme des prisons qui est reconnue au Canada. Par ailleurs, Ruth Morris, qui est une abolitionniste de renommée internationale, une quakeresse et une amie canadienne, m’en a appris beaucoup sur le système carcéral.

J’ai une autre perspective. J’ai été gardienne de prison et j’ai connu de telles situations. J’ai travaillé avec des détenus dans la population carcérale générale, en isolement préventif pour leur protection, en isolement disciplinaire et en isolement pour des motifs de santé mentale. Je reconnais la complexité de cette question. Je vous suis reconnaissante de parrainer ce projet de loi. Je crois que vous avez exposé bon nombre de problèmes et que vous nous avez démontré les intentions louables derrière cette réforme. Je suis préoccupée par le problème soulevé par la sénatrice Cordy en ce qui concerne non seulement la confidentialité, mais aussi la capacité du détenu d’exprimer ses préoccupations sur la façon dont il est traité en l’absence du professionnel de la santé et la capacité du détenu de parler de sa santé mentale et physique en présence du personnel correctionnel.

(1520)

La question la plus fondamentale que je me pose est la suivante. À la lumière des révisions judiciaires qui ont eu lieu et des raisons pour lesquelles elles ont été effectuées, pourriez-vous me dire si vous avez examiné cette question, et pouvez-vous m’expliquer en quoi les dispositions de ce projet de loi auraient pu prévenir la mort d’Ashley Smith? Je ne vois pas comment elles pourraient prévenir ce genre d’incident. Dans le milieu où on propose d’appliquer ces mesures, il existe une culture institutionnelle qui va complètement à l’encontre des engagements et des intentions qui ressortent du libellé de ce projet de loi. Comment ces mesures auraient-elles pu prévenir la mort d’Ashley Smith?

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Klyne, votre temps est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Klyne : S’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente suppléante : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Cinq minutes.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre question. Je n’ai pas eu connaissance du rapport qui a été rédigé après cette mort déplorable. Cependant, je crois que l’objectif visé est de veiller à ce que des défenseurs des droits des patients soient disponibles et à ce qu’ils puissent dialoguer librement avec les détenus ou leur famille pour défendre les droits de ces derniers. Je pense que, très souvent, les détenus sont incapables de demander ou d’obtenir l’accès à des services de défense des droits des patients. Or, il faut qu’ils puissent trouver quelqu’un pour agir en leur nom.

Peut-être que, même en l’absence de dispositions précises à cet égard — et je dis peut-être parce que je ne suis pas sûr de ce que j’avance —, un défenseur des droits des patients serait en mesure de faire son possible pour signaler les problèmes et les préoccupations d’un détenu qui se trouve dans une situation inquiétante et précaire et qui nécessite de l’attention.

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Monsieur le sénateur, je souhaite poser une question sur les prisonniers d’origine africaine. Ils représentent 9,3 p. 100 des détenus dans les pénitenciers fédéraux du pays, même s’ils représentent seulement 2,9 p. 100 de la population canadienne.

Selon le Bureau de l’enquêteur correctionnel, cette proportion trop élevée dans les pénitenciers fédéraux est à la hausse. C’est une statistique alarmante qui m’amène à demander quelles mesures sont prévues dans le projet de loi C-83 pour remédier à la surreprésentation des personnes d’origine africaine dans les pénitenciers fédéraux, particulièrement celles qui sont placées en isolement ou dans les unités d’intervention structurée proposées.

Le sénateur Klyne : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. À l’heure actuelle, l’article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui porte sur l’objet et les principes de la loi, indique que le système correctionnel fédéral doit aider à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale. Les principes permettant d’atteindre ce but figurent à l’alinéa 4g) de la loi. Celui-ci indique actuellement qu’il faut tenir compte des besoins spécifiques de plusieurs groupes — dont les Autochtones, les femmes et les personnes atteintes de maladie mentale — aux fins de l’application de la Loi. Aucune minorité n’est toutefois mentionnée.

Le projet de loi C-83 ajouterait au libellé de l’alinéa 4g) que le Service correctionnel devrait désormais tenir compte des besoins spécifiques des Canadiens qui font partie des minorités visibles, ainsi que des femmes et des Autochtones, pour ne nommer que ceux-là. De plus, le soutien supplémentaire offert par les unités d’intervention structurée sera adapté en fonction des besoins individuels, des organismes sociaux participants et de divers facteurs concernant les services offerts.

Madame la sénatrice, ce sera un plaisir de voir avec vous s’il conviendrait d’apporter d’autres modifications au libellé de la loi de manière à tenir compte des Afro-Canadiens et d’autres minorités qui sont surreprésentées dans le système correctionnel. Merci.

L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Klyne, merci de votre explication très détaillée du projet de loi C-83. Comme vous le savez — vous en avez d’ailleurs parlé au moyen de différents exemples —, ce projet de loi a été étudié à l’autre endroit. Il y a eu une autre recommandation dont vous n’avez pas parlé et qui allait dans le même sens.

Compte tenu du témoignage rendu par l’enquêteur correctionnel et par d’autres intervenants devant le comité et du fait que, dans l’ensemble du Canada, il n’y a présentement que 10 femmes dans des unités d’isolement administratif, le comité a dit ce qui suit de l’idée d’instaurer un nouveau système :

[...] le comité encourage vivement Service correctionnel Canada à trouver des mesures autres à cette pratique, par exemple le projet pilote proposé en 2016 par l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.

En tant que membre du Comité des droits de la personne, j’ai visité plusieurs établissements correctionnels. Je me suis rendue jusque dans la cellule où Ashley Smith est décédée. Je comprends très bien la question soulevée par la sénatrice Lankin. D’ailleurs, comme vous le savez, le Comité sénatorial des droits de la personne s’est rendu dans plus de 25 prisons au pays, il constitue donc une ressource inestimable à laquelle vous avez accès.

Le projet pilote dont parle le comité de l’autre endroit proposait qu’on cesse de pratiquer l’isolement des femmes, peu importe la forme ou le nom qu’on lui donne, et qu’on ait plutôt recours à des représentants des sociétés Elizabeth Fry et de la Commission canadienne des droits de la personne qui seraient de garde pour répondre aux situations où des femmes seraient normalement envoyées en isolement afin d’aider à trouver des solutions de rechange.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice McPhedran, le temps du sénateur est écoulé. Pourriez-vous poser votre question rapidement, je vous prie?

La sénatrice McPhedran : Merci. Appuyez-vous la recommandation du comité?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je m’excuse, Votre Honneur. Si le temps du sénateur est écoulé, vous devez demander le consentement du Sénat.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Martin, j’allais permettre à la sénatrice de terminer rapidement sa question et ensuite...

Des voix : Non, non.

Une voix : Le consentement n’est pas accordé.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénateur Klyne, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Klyne : J’aimerais répondre à la question.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, la demande de temps supplémentaire a été refusée. Je suis désolée.

Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L’honorable Frances Lankin : J’invoque le Règlement. Il se peut que je prenne la parole au sujet d’un rappel au Règlement qui d’après vous n’en est pas un. Au Sénat, j’entends beaucoup de sénateurs préconiser une approche obligeante et axée sur la discussion dans l’étude des projets de loi. Comme sénatrice avec des droits individuels qui cherche à avoir des réponses à des questions, je m’oppose carrément à un processus impulsif où j’ai remarqué à maintes reprises que les leaders de l’opposition disent « cinq minutes », à moins que ce soit les sénateurs qui siègent de leur côté qui posent des questions au parrain d’un projet de loi.

Je vous demande d’intervenir, au moins pour encourager le Sénat à permettre aux sénateurs de finir de poser leurs questions et de recevoir une réponse. Nous essayons de soulever les questions importantes qu’il faudra examiner en comité pour éviter d’entendre d’innombrables discours à la deuxième lecture, ce qui pourrait en fait retarder l’examen du comité. Merci.

Son Honneur la Présidente suppléante : Des sénateurs voudraient-ils intervenir au sujet du recours au Règlement ?

Des voix : Ce n’est pas un recours au Règlement.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Lankin, je vais prendre ce recours en délibéré. Je saisis la situation et je comprends les règles du Sénat.

La sénatrice Martin : Je propose l’ajournement du débat.

La sénatrice Lankin : Tout cela est tellement inutile.

Son Honneur la Présidente suppléante : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénateur Smith, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Lankin : Avec dissidence.

Son Honneur la Présidente suppléante : Adoptée, avec dissidence.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné avec dissidence.)

(1530)

[Français]

Le Code criminel
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Campbell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, afin de vous faire part de mes préoccupations. Ce projet de loi apporte des réformes majeures à notre système de justice pénale. Un de ses objectifs est se conformer aux enseignements de la Cour suprême du Canada, plus spécifiquement à ceux de l’arrêt Jordan, en réduisant les délais de traitement dans les tribunaux canadiens. Cependant, je considère que les moyens en vue d’atteindre cet objectif sont douteux et que ce projet de loi contient plusieurs incohérences. J’attirerai votre attention aujourd’hui sur quelques enjeux particuliers, soit la reclassification des infractions, les modifications apportées au processus de sélection des jurys ainsi que les changements à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

En ce qui concerne le premier point, soit la reclassification des infractions, j’ai été fort surpris de constater que le projet de loi est susceptible de réduire les peines pour les crimes qu’on dit « à cravate », ce qui donne l’impression que ces crimes sont désormais moins graves et mieux acceptés par notre société. Contrairement aux prétentions du gouvernement, ces changements affecteront la détermination des peines et ne réduiront pas nécessairement les délais devant les tribunaux. Au contraire, on assistera fort probablement à une augmentation des causes inscrites dans les cours provinciales. Je ne suis pas le seul qui s’inquiète de cet effet malsain. C’est aussi l’effet anticipé par l’Association du Barreau canadien, qui a analysé les conséquences pratiques de ces modifications. Selon cette association, ce projet de loi, et je cite :

[...] se traduirait probablement par un plus grand nombre d’affaires entendues en cour provinciale, ce qui pourrait entraîner des délais supplémentaires à cette instance [...]

Il s’agit d’une autre situation, et elles sont nombreuses, où le gouvernement actuel « pellette » complètement ses problèmes dans la cour des provinces au lieu de s’y attaquer directement. Vous le savez, honorables sénateurs, la lutte contre la corruption et la fraude est importante. Je ne puis donc passer sous silence les modifications introduites par le projet de loi C-75, qui déclasse des actes criminels en infractions mixtes en autorisant désormais la déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Notons, entre autres, que cette hybridation touche les infractions suivantes : l’article 121.(3) du Code criminel, sur la fraude envers le gouvernement; l’article 122 du Code criminel, sur l’abus de confiance par un fonctionnaire public; l’article 123(1) du Code criminel, sur les actes de corruption dans les affaires municipales; l’article 123(2) du Code criminel, sur le fait d’influencer un fonctionnaire municipal; l’article 125 du Code criminel, sur le fait d’influencer ou de négocier une nomination ou d’en faire commerce et, enfin, l’article 126(1) du Code criminel, sur la désobéissance à une loi fédérale autre que le Code criminel.

Il est plutôt ironique que des modifications soient proposées pour ces types de crimes, alors que des histoires tournant autour d’accusations semblables font couler beaucoup d’encre depuis le 7 février dernier. Convient-il de se demander pourquoi le projet de loi C-75 ne contenait pas d’amendements touchant les accords de réparation et pourquoi on les avait inclus dans le budget? Je vous rappelle que le projet de loi C-75 porte le titre suivant : Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, alors que le projet de loi C-74, dans lequel on retrouvait la disposition sur les accords de réparation, portait le titre suivant : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Alors, comment expliquer, honorables sénateurs, qu’un gouvernement qui se prépare à déposer un projet de loi important pour modifier le Code criminel échappe, ou plutôt glisse une partie de ses modifications dans un projet de loi budgétaire? J’attire votre attention sur le fait que ces deux projets de loi ont été déposés à deux jours d’intervalle, soit le 27 mars 2018, pour le projet de loi C-74, et le 29 mars 2018, pour le projet de loi C-75. La coïncidence ne me semble pas une explication plausible. Convenons que, si le gouvernement ne voulait pas vraiment mettre en lumière la modification au Code criminel qui permettra dorénavant de négocier des accords de réparation avec des compagnies prises en faute, il n’aurait pas agi autrement. Peut-être qu’un jour nous aurons le fin mot de cette histoire mystérieuse.

Revenons au projet de loi C-75. En ce qui concerne le deuxième enjeu soulevé par ce projet de loi, soit les modifications apportées au processus de sélection des jurys, certains ont soulevé bien des inquiétudes et des réticences à propos des dispositions abrogeant le droit aux récusations péremptoires, puisqu’il touche un droit constitutionnel, soit le droit à un procès juste, équitable et impartial. Rappelons ce qu’est la récusation péremptoire. La défense et la Couronne peuvent exclure un certain nombre de jurés potentiels sans explication. La récusation péremptoire est née de la tradition de common law il y a plus de 300 ans et son fondement est le droit à un procès impartial, qui a été cristallisé dans notre Constitution à l’article 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême, dans l’arrêt Cloutier c. La Reine, en 1979, sous la plume du juge Pratte, expliquait ce qui suit, et je cite :

Le fondement même du droit à des récusations péremptoires n’est donc pas objectif mais purement subjectif. L’existence du droit ne repose pas sur des faits qui doivent être prouvés, mais plutôt sur la simple croyance de la partie en l’existence chez le juré d’un certain état d’esprit. Le fait qu’un juré soit objectivement impartial ne fait pas que l’accusé ou le poursuivant le croit impartial; [...]

Les dispositions concernant les récusations péremptoires assurent donc tant à la Couronne qu’à l’accusé le droit à un procès impartial et la composition d’un jury sans parti pris. Les changements apportés par le projet de loi C-75 font écho au procès fortement médiatisé de R. c Stanley, qui s’est tenu en Saskatchewan et pour lequel la composition du jury n’était pas représentative de la diversité de la communauté locale. Je ferai miens les propos du Barreau du Québec, qui a présenté un mémoire au comité permanent de l’autre endroit pour expliquer la nécessité et l’utilité des récusations péremptoires. Je cite :

Les avocats perçoivent en effet dans l’apparence, les propos et le langage non verbal d’un candidat juré qu’il ou qu’elle n’aura pas la capacité d’écoute objective suffisante pour entendre la preuve qu’ils comptent présenter et poser un jugement impartial quant à celle-ci. Elles permettent également de s’assurer que l’accusé accepte la légitimité du jury et, par extension, le verdict et la sentence qui seront prononcés.

Il est, évidemment, désolant de constater que certaines des récusations péremptoires sont basées sur des critères discriminatoires. Cependant, l’abolition totale des récusations péremptoires n’assurera pas une représentation proportionnelle de la diversité culturelle dans les jurys, mais risque sérieusement d’affecter la confiance des parties et celle du public dans l’impartialité des verdicts et des sentences prononcées. Rappelons également que, à l’exception du Québec, les règles de droit civil des provinces canadiennes sont régies par la common law et que des procès devant jury peuvent avoir lieu en matière civile. Certaines provinces autorisent les récusations péremptoires pour ces procès civils. L’abolition totale des récusations péremptoires en droit criminel créerait dans ces provinces des inégalités et des incohérences entre le droit fédéral et le droit provincial.

Enfin, le dernier volet que j’aimerais aborder est la partie sur la justice pénale pour les adolescents. Le droit criminel canadien est constitué d’un fragile équilibre entre les philosophies utilitaristes et rétributivistes. En conséquence, les peines servent autant un objectif de dénonciation des valeurs qu’un objectif de dissuasion générale, c’est-à-dire décourager les sujets du droit canadien d’imiter les contrevenants. Les modifications apportées à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents affaiblissent grandement ce dernier objectif. L’article 376 du projet de loi C-75 abroge l’obligation, pour le procureur général, de déterminer s’il est approprié de présenter une demande en vue d’assujettir l’adolescent à la peine que recevrait un adulte s’il a commis une infraction grave avec violence et s’il est âgé de plus de 14 ans.

(1540)

Le retrait de cette disposition, qui constitue une mesure de protection de l’intérêt public, ouvre la porte à l’utilisation plus fréquente des adolescents par des adultes pour commettre des crimes graves, puisque le risque de peine sévère sera amoindri.

Par ailleurs, des études ont montré que les jeunes risquent de recevoir des peines similaires à celles des adultes dans moins de 3 p. 100 des causes impliquant des adolescents. Il s’agit habituellement de crimes très graves, et aussi de jeunes récidivistes.

Ce sont des cas d’exception, mais ils sont réels, et il y a des victimes bien humaines. Pourquoi se priver d’un outil de plus dont disposent les tribunaux et les procureurs de la Couronne?

On nous dit que le projet de loi C-75 vise notamment à répondre à l’arrêt Jordan et de réduire les délais dans l’appareil judiciaire. Pour atteindre vraiment cet objectif, le gouvernement devrait commencer par pourvoir les quelque 50 postes vacants au sein de la magistrature au Canada. Il s’attaquerait ainsi au problème sans causer d’inquiétude, contrairement à ce que fait le projet de loi C-75.

Le gouvernement a présenté un projet de loi qui ne s’attaque pas au problème, à savoir de réduire les délais et les retards dans le système de justice canadien. Non seulement le projet de loi C-75 ne comble pas ces retards , mais il affaiblira notre système de justice. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

La Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — Israël

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wetston, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-85, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada — Israël et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 9 avril 2019

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 3 avril 2019, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 9 avril 2019, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

L’ajournement

Adoption de la motion modifiée

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 3 avril 2019, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 8 avril 2019, à 18 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à le faire afin d’étudier des affaires du gouvernement, même si le Sénat siège, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que, nonobstant les articles 9-6 et 9-10(2) du Règlement, si un vote est reporté à ce jour-là, la sonnerie d’appel pour le vote retentisse au début de l’ordre du jour, pour 15 minutes, le vote ayant lieu par la suite;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

— Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(1) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour modifier la motion afin qu’elle se lise comme suit :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 9 avril 2019, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’exprimer sur le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. J’interviens en outre en ma qualité de porte-parole pour ce projet de loi.

Pour être franc, chers collègues, j’ai quelque appréhension à assumer ce titre. Certes, chaque projet de loi a son porte-parole et son parrain, mais, en l’occurrence, je trouve difficile de m’approprier totalement un titre qui donne à penser que je suis opposé de quelque façon que ce soit aux principes, aux objectifs et aux aspirations que sous-tend ce projet de loi.

Certains d’entre vous savent peut-être que je suis père de quatre enfants autochtones. J’ai des petits-enfants qui sont des bénéficiaires inuits du Nunavut. Je veux être clair : j’estime on ne peut plus important de faire tout mon possible pour promouvoir les droits des peuples autochtones au Canada, car — et je crois que c’est le cas pour tous les parents soucieux du bien-être de leurs enfants — je veux laisser un monde meilleur pour mes enfants et leurs descendants.

J’ai écouté avec ouverture d’esprit et de cœur les débats qui se sont tenus au Sénat et les nombreux intervenants qui ont pris contact avec moi par courriel ou en personne, et qui ont probablement aussi pris contact avec vos collaborateurs.

Je sais que ce projet de loi a pris une très grande signification et une immense valeur symbolique pour bien des gens.

(1550)

Durant les 10 ans où j’ai été sénateur, j’ai pris part à des débats sur le rôle du Sénat en tant que protecteur des minorités. À maintes reprises, j’ai exprimé ma conviction profonde à savoir qu’il faut faire en sorte que les régions soient entendues au sujet de tous les projets de loi étudiés au Sénat.

Lorsque j’ai été nommé à cette auguste Chambre, j’ai prêté un serment — le même que vous tous. J’ai promis d’être loyal envers Sa Majesté. En acceptant de servir, j’ai promis de faire respecter les lois de notre grande nation et de faire tout en mon pouvoir pour assurer que les projets de loi que nous adoptons protègent les minorités et tiennent compte des préoccupations régionales, en plus de respecter et préserver la Constitution canadienne.

En écoutant le discours réfléchi du sénateur Tannas sur la question, j’ai pris note du compte-rendu qu’il a fait au Sénat sur sa rencontre avec M. Saganash, le parrain du projet de loi à l’autre endroit, et son conseiller juridique, qui ont confirmé leur intention de codifier chaque mot de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans la loi canadienne.

Le sénateur Sinclair nous a indiqué, en réponse à certaines préoccupations soulevées concernant la question du consentement par opposition au veto, dont le sénateur Tannas a aussi discuté, qu’il existe une jurisprudence assez abondante pour éclairer sur la façon dont cela a été interprété dans le contexte canadien.

J’ai demandé à la Bibliothèque du Parlement quelle était la valeur en droit des déclarations internationales au Canada. Voici la réponse que j’ai obtenue :

Contrairement aux conventions, les déclarations internationales « n’ont pas toujours un caractère contraignant ». De plus, contrairement aux conventions, les déclarations ne sont pas ratifiées par les pays signataires; on les appuie tout simplement. Les pays ne sont pas tenus non plus de présenter des rapports sur leur conformité. Les déclarations sont souvent considérées comme ayant une valeur morale et représentent en général « des principes universels des droits de la personne » (selon le glossaire de la Collection des traités des Nations Unies). Selon le gouvernement du Canada, [Glossaire de terminologie des droits de la personne du gouvernement du Canada] « une déclaration est un énoncé de principe [...] une déclaration n’est pas un accord par lequel les États s’engagent en droit international. »

En ce qui concerne la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la Déclaration), le gouvernement du Canada, lorsqu’il a annoncé son appui en 2010, l’a qualifiée de « document d’aspirations » et a dit qu’elle « n’est pas juridiquement contraignante, ne constitue pas une expression du droit international coutumier et ne modifie pas les lois canadiennes ». Même si le premier ministre Justin Trudeau a par la suite promis de mettre la Déclaration en œuvre dans les lois canadiennes, le gouvernement du Canada maintient que « Les déclarations représentent uniquement l’engagement politique des États qui ont voté en faveur de leur adoption. »

Pour ma part, j’ai du mal à comprendre comment au juste nous serons capables d’inscrire ces principes généraux dans la loi si le gouvernement n’appuie pas entièrement cette entreprise. Je vais répéter la position du gouvernement du Canada, soit que « [l]es déclarations représentent uniquement l’engagement politique des États qui ont voté en faveur de leur adoption ».

Chers collègues, je dois dire que je suis troublé que ce projet de loi n’ait pas été présenté par le gouvernement, quoiqu’il aurait pu l’être.

Comme Jody Wilson-Raybould, l’ancienne procureure générale, l’a dit :

[...] les approches très simplistes, comme l’adoption de la DNUDPA comme loi canadienne, ne sont pas pratiques et, je le dis respectueusement, sont une distraction politique qui retarde le lancement des travaux difficiles que requiert sa mise en œuvre réelle [...]

Il nous faut un processus de transition efficient qui stimule le processus de décolonisation, mais d’une manière contrôlée respectueuse des efforts de reconstruction qu’ont déjà amorcés les collectivités autochtones.

Dans le cadre de l’examen approfondi du projet de loi qui s’impose au comité, la question que je vais garder en tête est la suivante : ce projet de loi nous permettra-t-il d’agir « d’une manière contrôlée » qui entraînera une reconstruction réelle et concrète?

J’ai hâte d’en apprendre davantage sur ce que ce projet de loi signifie pour les témoins que nous entendrons. Certains soutiennent qu’il revêt une valeur symbolique. D’autres disent que c’est l’une des mesures législatives les plus importantes pour la réconciliation, voire la plus importante. J’ai entendu l’argument voulant que ce projet de loi crée un veto et celui selon lequel la loi canadienne est claire et qu’il ne s’agit pas d’un veto.

Je vais me garder de me prononcer sur ces questions importantes tant que nous n’aurons pas terminé notre étude en comité.

Honorables sénateurs, j’appuie le renvoi de ce projet de loi au comité afin que nous puissions l’étudier comme il se doit. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente suppléante : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénateur Smith, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente suppléante : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente suppléante : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente suppléante : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente suppléante : Le vote aura lieu à 16 h 56.

Convoquez les sénateurs.

(1650)

L’honorable Marc Gold : Votre Honneur, je suis heureux de signaler qu’on s’est entendu pour que le débat sur cette motion soit ajourné, avec dissidence.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné, avec dissidence.)

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de poursuivre avec le Feuilleton, je crois comprendre qu’un rappel au Règlement a été soulevé plus tôt au sujet du temps de parole imposé aux sénateurs qui participent à un débat.

Les honorables sénateurs savent que l’article 6-3(1) du Règlement impose ces temps de parole et que l’article 6-3(2) exige que le Président avertisse les sénateurs qui participent au débat que leur temps de parole est écoulé. Il ne s’agit pas vraiment d’un rappel au Règlement. Il s’agit peut-être plutôt d’une expression de mécontentement devant l’impossibilité de participer au débat.

Si les honorables sénateurs pensent qu’il convient de modifier le Règlement, je les invite à soulever la question au Sénat ou au sein du Comité du Règlement.

Projet de loi sur la Journée nationale de l’alimentation locale

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénatrice Hartling, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-281, Loi instituant la Journée nationale de l’alimentation locale.

L’honorable Robert Black : Chers collègues, le débat sur cette question avait été ajourné au nom du sénateur Plett. Avec son accord, j’ajournerai le débat à son nom à la fin de mon discours.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-281, Loi instituant la Journée nationale de l’alimentation locale.

Le projet de loi, qui a été présenté par le député Wayne Stetski à la Chambre des communes, vise à désigner le vendredi précédent le jour de l’Action de grâces comme la journée nationale de l’alimentation locale.

Vous ne serez pas surpris de m’entendre réitérer l’importance de l’alimentation dans le quotidien de tous les Canadiens. Le secteur agricole et agroalimentaire contribue à hauteur de 110 milliards de dollars par année au PIB du pays. Au-delà de cet apport, nous mangeons tous les jours et nous devrions en être reconnaissants.

J’appuie sans réserve les points soulevés dans le préambule du projet de loi. On peut y lire ceci :

[La] souveraineté du Canada dépend de la salubrité et de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire du pays; [...] le renforcement des liens entre les consommateurs et les producteurs d’aliments canadiens contribue au bien-être social, environnemental et économique de notre nation; [...] le soutien apporté aux agriculteurs locaux favorise la viabilité de l’industrie agricole canadienne [...]

Les intentions de M. Stetski, dans ce projet de loi, sont louables. Bien évidemment, j’appuie l’idée de célébrer l’alimentation et les agriculteurs locaux.

Cela dit, j’aimerais vous faire part de quelques aspects problématiques du projet de loi.

Ma principale réserve tient au fait que nous avons déjà la Journée des terroirs du Canada, ou Food Day Canada, qui a lieu le samedi de la longue fin de semaine d’août. En 2019, elle sera célébrée pour la 16e fois. Cette journée fait la promotion de l’achat et de la consommation de produits locaux ainsi que de la cuisine avec des produits locaux. L’initiative visant à désigner la Journée des terroirs du Canada a été lancée par Anita Stewart, qui a passé sa vie à promouvoir les aliments locaux et a même reçu l’Ordre du Canada pour son travail.

(1700)

La première Journée des terroirs a eu lieu en 2003. Le plus long barbecue du Canada avait été alors organisé pour soutenir l’industrie canadienne du bœuf, qui avait été frappée par des sanctions américaines. Depuis, elle n’a cessé de prendre de l’ampleur. L’an dernier, la Journée des terroirs s’est classée au premier rang des tendances au Canada sur Twitter. La Tour CN a même été illuminée l’an dernier à l’occasion de la Journée des terroirs du Canada.

Lorsque ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit, Mme Stewart a communiqué avec M. Stetski pour l’informer des dates conflictuelles. Elle a suggéré qu’ils unissent leurs forces pour promouvoir la Journée des terroirs, qui existait déjà. Toutefois, il n’a pas accepté cette invitation. Au même moment, Michael Chong, député de Wellington—Halton Hills, a également écrit à M. Stetski pour lui suggérer de communiquer avec Mme Stewart. Je ne crois pas que cet échange ait donné quoi que ce soit.

La Journée des terroirs connaît une solide popularité dans l’ensemble du pays. Parmi ses partenaires figurent l’Université de Guelph, les Producteurs laitiers du Canada, l’organisme Bœuf canadien, la Culinary Tourism Alliance, l’Association des brasseurs artisanaux de l’Ontario, le Arrell Food Institute, le Centre for Hospitality and Culinary Arts du Collège George Brown, le Collège d’agriculture de l’Ontario, Restaurants Canada, KitchenAid, le magazine Taste&Travel, le Centre canadien pour l’intégrité des aliments, Taste of Nova Scotia, et les regroupements Farm and Food Care de la Saskatchewan et de l’Île-du-Prince-Édouard.

La Journée des terroirs reçoit aussi l’appui d’agriculteurs, de chefs, de restaurateurs et de producteurs d’un océan à l’autre.

Tout comme vous, j’ai écouté avec grand plaisir le sénateur Cormier, parrain du projet de loi, présenter récemment un discours enlevé et très éloquent à l’étape de la deuxième lecture. Il a mentionné la Journée des terroirs et dit que « ce genre d’initiative montre que les gens de tout le pays sont prêts à célébrer, tous les ans et partout au pays, la richesse de notre alimentation locale ». Je suis tout à fait d’accord. Je dirais même que les Canadiens étaient déjà prêts à le faire il y a 16 ans, et que la Journée des terroirs répond à ce besoin depuis.

L’ancien ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, Lawrence MacAulay, et le ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, Ernie Hardeman, ont écrit des lettres d’appui qui sont publiées sur le site de la Journée des terroirs. Dans la lettre qu’il a adressée à la Dre Stewart, le ministre Hardeman écrit :

Les initiatives et les projets que vous avez dirigés et auxquels vous avez participé ont grandement contribué à créer et à maintenir un regain d’intérêt pour l’alimentation locale dans l’ensemble du pays.

Les honorables sénateurs ont tous reçu dernièrement plusieurs lettres de chefs et d’autres personnes qui s’opposent au projet de loi C-281, mais qui appuient la Journée des terroirs du Canada. Michael Smith, qui est l’un des chefs canadiens les plus réputés, a déclaré ce qui suit :

Depuis plus de 15 ans, nous célébrons en août la Journée des terroirs partout au pays. Nous avons créé toute une communauté autour de cet événement.

Il laisse aussi entendre que de nombreuses personnes appuieraient le projet de loi si la date était changée. Il ajoute ce qui suit : « En faisant coïncider les dates, on pourra maintenir l’élan d’enthousiasme qui existe déjà grâce à la Journée des terroirs. »

Nous avons aussi reçu une lettre d’Alison Bell, une chef de la Colombie-Britannique qui possède une maîtrise en gastronomie. Elle dit qu’elle appuie la Journée des terroirs. Apparemment, Mme Bell a aussi communiqué avec M. Stetski l’an dernier pour lui suggérer d’adopter la date qui existe déjà pour la Journée des terroirs. Dans sa lettre, elle a déclaré ceci :

Il existe bon nombre d’excellentes raisons pour faire cela, notamment le fait que la Journée des terroirs a déjà créé un modèle et qu’elle jouit de l’appui de l’industrie et de professionnels de l’art culinaire partout au pays.

Ne vaut-il pas mieux éviter de réinventer la roue, comme le veut l’adage?

Ne devrions-nous pas travailler en collaboration chaque fois que nous en avons l’occasion, surtout lorsqu’il est question de casser la croûte ensemble?

Je pense que la réponse à toutes ses questions, c’est « oui ».

Outre le fait que les objectifs poursuivis recoupent ceux de l’actuelle Journée des terroirs, force est d’admettre que le mois d’octobre est loin d’être un choix idéal. Dans la plupart des régions du Canada, c’est généralement en octobre qu’ont lieu les premiers gels, mais ils peuvent survenir dès septembre, voire à la mi-août dans les parties les plus froides du pays. La Journée des terroirs a lieu au début d’août précisément parce que la saison des récoltes bat son plein. Le pays au grand complet regorge de fruits et de légumes frais. C’est donc le moment idéal de célébrer l’alimentation locale.

Je suis impatient que ce projet de loi soit renvoyé au Comité de l’agriculture et des forêts afin que nous puissions l’étudier plus attentivement. J’ose espérer que nous pourrons alors l’amender afin que la Journée de l’alimentation locale coïncide avec la Journée des terroirs, qui est une initiative de l’industrie. Nous pourrions éviter ainsi de répéter ce qui se fait déjà en créant une toute nouvelle journée.

Quoi qu’il en soit, j’ai personnellement l’intention de continuer à profiter de la Journée des terroirs du Canada, qui aura lieu cette année le 3 août, pour célébrer les aliments locaux et canadiens. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable René Cormier : Est-ce que le sénateur Black accepterait de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Absolument.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vous remercie, sénateur, de votre plaidoyer en faveur du maintien de la date de juillet pour la Journée nationale du terroir. Je vais d’abord dire que je suis, comme vous, tout à fait partisan de la Journée nationale du terroir, une initiative formidable qui est présente dans notre environnement depuis tant d’années.

Cela dit, en octobre, après la saison estivale, alors que les citoyens ont tendance à reprendre leurs activités régulières et que les touristes quittent nos régions — si on ne sait pas les retenir —, nos régions rurales misent notamment sur le tourisme et sur des activités comme le Festival des huîtres de Maisonnette ou celui de St. Andrews, ou encore sur le festival du vin qui a lieu à la fin de septembre en Ontario. Ne croyez-vous pas que, pour favoriser le développement économique de nos régions, et particulièrement de nos communautés rurales, une Journée nationale de l’alimentation locale, qui se tiendrait le vendredi précédant l’Action de grâce, serait un outil de promotion formidable, non seulement pour les restaurateurs, mais aussi pour les festivals? Ne pensez-vous pas que ce serait une bonne initiative pour aider l’économie locale, sénateur Black?

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Je vous remercie, sénateur Cormier. Je répète qu’en août, les sols ne sont pas encore gelés et que les récoltes sont abondantes partout au pays. Je crois donc que c’est le meilleur choix. Certes, si nous pouvions prolonger la saison touristique, ce genre de choses, jusqu’au vendredi avant l’Action de grâces... Honnêtement, je crois que le vendredi avant l’Action de grâces est déjà assez chargé comme c’est là.

[Français]

Le sénateur Cormier : Est-ce que vous reconnaissez tout de même que, dans les produits locaux, il n’y a pas que les produits du jardin et des potagers? Il y a les huîtres, le vin, les produits qui sont faits à l’extérieur, les produits de la pêche et d’autres produits aussi. Pensez-vous que ces produits pourraient être mis en valeur également au mois d’octobre, puisque c’est un bon moment pour les mettre en valeur?

[Traduction]

Le sénateur R. Black : C’est vrai que ces produits-là sont offerts à l’automne et qu’ils méritent qu’on en fasse la promotion à ce moment-là.

L’honorable Michael Duffy : Sénateur Black, comme le dit si bien le chef Michael Smith, que vous avez cité dans votre intervention, savez-vous que, à l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons un festival des saveurs d’automne, qui fait exactement ce que suggère le sénateur Cormier? On a déjà ce qu’il faut à l’Île-du-Prince-Édouard. Le saviez-vous?

Le sénateur R. Black : Merci de me l’avoir dit. Je ne le savais pas.

L’honorable Colin Deacon : Le parrain du projet de loi a-t-il expliqué pourquoi il ne veut pas collaborer avec des gens qui ont déjà un projet avec des partenariats établis et qui ont déjà fait avancer l’idée d’une journée nationale?

Le sénateur R. Black : Je vous remercie de votre question. Je ne l’ai pas entendu donner ses raisons à ce sujet.

L’honorable Ratna Omidvar : J’ai une question à poser. Est-ce que ce sujet a été abordé lors de l’étape de l’étude en comité à la Chambre des communes?

Le sénateur R. Black : Pas à ce que je sache.

Son Honneur le Président : Comme il a été convenu, honorables sénateurs, le débat est ajourné au nom du sénateur Plett.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

(1710)

[Français]

La Loi sur le ministère de la Santé

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Galvez, appuyée par l’honorable sénateur Klyne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-326, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé (lignes directrices relatives à l’eau potable).

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs et sénatrices, c’est avec plaisir que je prends la parole en qualité de marraine à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-326, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé (lignes directrices relatives à l’eau potable). Ce projet de loi a été déposé à l’autre endroit par Francis Scarpaleggia, député de Lac-Saint-Louis. L’objectif du projet de loi est d’assurer la bonne qualité de l’eau potable en exigeant que Santé Canada prenne en considération les normes de qualité élevées des autres pays ou agences internationales en adoptant leurs recommandations pour le traitement de l’eau.

[Traduction]

Honorables sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous expliquer un peu la manière dont l’eau potable est analysée et traitée au Canada. Au pays, la grande majorité de l’eau potable provient des nappes phréatiques ou des cours d’eau locaux. Bien qu’elles soient généralement d’excellente qualité, ces sources ne sont jamais pures. Elles peuvent contenir des substances indésirables telles que des minéraux, des particules de sol ou du matériel biologique, mais aussi des substances nocives telles que des engrais ou des pesticides. Certains de ces contaminants peuvent poser un risque pour la santé; c’est pourquoi l’eau doit être traitée.

La responsabilité du traitement de l’eau incombe aux provinces et aux territoires. Elle est assumée à l’échelle municipale au moyen d’installations de purification d’eau. Ces installations utilisent une série de procédés mécaniques et physico-chimiques traditionnels comme la coagulation, la sédimentation, la filtration et la désinfection pour éliminer les sédiments et tuer les agents pathogènes de manière à obtenir des niveaux sécuritaires pour le transport de l’eau dans les réseaux de canalisations, jusqu’aux maisons et aux entreprises.

En général, l’eau potable des villes dotées de systèmes sophistiqués de traitement de l’eau est de grande qualité. Malheureusement, certaines municipalités, de nombreuses régions rurales et des communautés des Premières Nations au Canada n’ont pas accès à une eau potable de même qualité.

Au Canada, les procédés de traitement de l’eau correspondent en général aux méthodes employées ailleurs dans le monde à quelques petites différences près. Ainsi, le désinfectant utilisé peut varier entre les villes, les provinces et les pays selon la disponibilité des produits chimiques et les préférences des responsables. Il reste que nous pouvons tirer des enseignements de ce qui se fait ailleurs. En Europe, par exemple, on accorde une grande importance à la protection de la source, ce qui diminue les coûts de traitement, et les programmes d’entretien préventif du réseau de distribution réduisent la désinfection nécessaire une fois l’eau en circulation. Les nouvelles technologies comme la filtration sur membrane et la désinfection par rayonnement ultraviolet et ozonation, qui réduisent les coûts, sont employées ici et à l’étranger pour traiter l’eau potable.

Pour ce qui est des éléments que l’on traite, Santé Canada établit une concentration maximale acceptable pour les contaminants qui se retrouvent dans l’eau potable. Certains éléments se retrouvent naturellement dans l’environnement. Le manganèse, par exemple, est essentiel au métabolisme de l’humain et des animaux, mais il peut entraîner des effets indésirables, comme changer la couleur ou le goût de l’eau et causer une prolifération microbienne dans le système de distribution de l’eau.

Par contre, des études récentes démontrent que l’ingestion d’une trop grande quantité de manganèse provenant de l’eau potable peut avoir des effets sur la santé des enfants en bas âge. Cela montre bien que les lignes directrices doivent évoluer constamment pour ce qui est de l’établissement et de la vérification des concentrations maximales acceptables et de la surveillance des nouveaux éléments qui pourraient avoir une incidence sur les sources d’eau potable.

Certains composés présents dans l’eau potable sont toutefois plus nocifs pour la santé humaine. J’ai déjà parlé au Sénat de la catastrophe environnementale causée par les plastiques à usage unique et les microparticules. Saviez-vous que ces produits, c’est-à-dire les plastiques, les emballages alimentaires et les appareils électroniques contiennent des composés et des produits chimiques qui peuvent perturber les hormones dans le corps humain? Par exemple, les ignifugeants, les phtalates et le bisphénol A sont des substances qui peuvent réagir avec les récepteurs des oestrogènes dans le corps humain et jouer un rôle dans la pathogenèse des troubles endocriniens comme l’infertilité et le cancer du sein et de la prostate. Même à très faible dose, il peut être dangereux pour une personne de consommer des composés qui perturbent le système endocrinien.

Un rapport publié par Ecojustice en 2014 a comparé les concentrations maximales acceptables au Canada aux normes correspondantes aux États-Unis, en Europe et en Australie et à celles de l’Organisation mondiale de la santé. Dans 24 cas, le Canada avait la norme ou la ligne directrice la plus stricte ou celle-ci était à égalité avec la plus stricte. Dans 27 cas, le Canada avait la norme ou la ligne directrice la moins stricte ou celle-ci était à égalité avec la moins stricte. La constatation la plus importante est toutefois la suivante: dans 105 cas, le Canada n’avait aucune norme en matière d’eau potable.

Par exemple, il n’existe aucune norme ou ligne directrice en matière d’eau potable pour le pesticide 2,4-D au Canada.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous ai donné de l’information et des exemples qui expliquent l’importance d’avoir des normes qui sont conformes à la réalité présente et aux découvertes scientifiques afin de protéger la santé humaine et celle des écosystèmes. Ce projet de loi exigerait que le ministre de la Santé identifie et reconnaisse les gouvernements étrangers ainsi que les agences internationales qui ont des normes de qualité d’eau potable qui devraient être étudiées et comparées aux normes canadiennes. Les comparaisons devraient seulement être faites auprès des pays qui respectent des critères rigoureux et basés sur la science pour déterminer la concentration maximale admissible de produits chimiques et composés que l’on trouve dans l’eau potable.

De nombreux scientifiques étudient l’hydrologie et la qualité de l’eau au Canada; toutefois, ils ne peuvent simultanément étudier les millions de combinaisons de types d’eau et les millions de produits chimiques et de substances biologiques. Par contre, nous pouvons absolument apprendre des recherches et des normes adoptées par les autres nations. Si d’autres pays ont su acquérir une compréhension plus avancée du comportement des contaminants et de leur taux maximal acceptable dans l’eau potable, je crois que le Canada devrait prendre en considération cette information.

Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes après l’adoption d’un amendement en comité, amendement qui a élargi la portée de la comparaison pour inclure tout gouvernement étranger et agence internationale qui a adopté des normes élevées de qualité de l’eau.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi renforcera les normes canadiennes sur la qualité de l’eau. Je l’appuie et j’espère que vous ferez de même.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Lillian Eva Dyck : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Galvez : Oui.

La sénatrice Dyck : Merci de votre excellent discours. La seule question qui m’est venue à l’esprit en vous écoutant est celle de savoir si le projet de loi mentionne les produits pharmaceutiques sur ordonnance, car il semblerait que beaucoup de personnes les jettent à la toilette lorsqu’il leur en reste. Bien sûr, on a déterminé qu’il s’agit de composés actifs qui affectent non seulement les humains, mais aussi les êtres vivants dans l’eau.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup de cette question. Vous avez tout à fait raison. C’est pourquoi je parlais des millions de composés; les lignes directrices n’en mentionnent que quelques centaines. Chaque année, l’industrie lance de nouveaux composés sur le marché. Il est vrai que nous pouvons maintenant dépister des antibiotiques, des produits contraceptifs et des produits analgésiques, entre autres, dans les cours d’eau et dans les usines de traitement des eaux usées. Il est important que nous connaissions les concentrations maximales permises pour la consommation humaine.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1720)

Le Sénat

Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de Son Excellence le gouverneur général—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénateur Runciman,

Attendu :

que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous-représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;

que le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu’une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d’une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;

qu’il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d’une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;

que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;

que la qualification en matière de propriété immobilière n’est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu’elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l’aptitude d’une personne à siéger au Sénat;

que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;

que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;

que la Cour suprême du Canada a déclaré que l’abrogation complète du point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l’Assemblée nationale du Québec conformément à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,

Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

1.(1) Le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.

(2) L’article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.

2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :

Je, A.B., déclare et atteste que j’ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.

3.Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) ».

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je note que cet article en est au quatorzième jour et je ne suis pas prêt à prendre la parole. Par conséquent, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 4-15(3) du Règlement, je demande que le débat soit ajourné à mon nom pour le reste du temps de parole dont je dispose.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Retrait de la motion tendant à autoriser le comité à examiner certains événements liés à l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada et à inviter des témoins

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Smith, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les allégations graves et troublantes voulant que des personnes au sein du cabinet du premier ministre aient tenté de faire pression sur l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale du Canada, l’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée, et d’entraver son indépendance, pouvant ainsi porter atteinte à l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, dans le cadre de cette étude, et sans limiter le droit du comité d’inviter d’autres témoins s’il le juge opportun, le comité invite :

Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député, premier ministre du Canada;

L’honorable Jody Wilson-Raybould, C.P., députée;

L’honorable David Lametti, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada;

Michael Wernick, greffier du Conseil privé;

Kathleen Roussel, directrice des poursuites pénales;

Katie Telford, chef de cabinet du premier ministre du Canada;

Gerald Butts, ancien secrétaire principal du premier ministre du Canada;

Mathieu Bouchard, conseiller principal du premier ministre;

Elder Marques, conseiller principal du premier ministre;

Jessica Prince, ancienne chef de cabinet du ministre des Anciens Combattants;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 1er juin 2019;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(1) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour retirer la motion no 435, qui n’émane pas du gouvernement.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(La motion est retirée.)

Déclaration de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le retrait de cette motion fait en sorte que le rappel au Règlement au sujet de la motion numéro 470 est maintenant sans objet.

Sécurité nationale et défense

Adoption de la motion modifiée tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse),

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir aux fins de son étude sur le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(1) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour modifier la motion afin qu’elle se lise comme suit :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir aux fins de son étude sur le projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale, le jeudi 2 mai 2019 et le jeudi 9 mai 2019, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

Le racisme anti-Noirs

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bernard, attirant l’attention du Sénat sur le racisme anti-Noirs.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir aujourd’hui dans le débat sur l’interpellation de la sénatrice Bernard et sur le racisme anti-Noirs au Canada. J’aimerais parler plus précisément du racisme anti-Noirs qui existe au sein de notre système d’éducation. Je remercie la sénatrice Bernard d’avoir saisi le Sénat de cette interpellation.

Dans ses observations, la sénatrice Bernard a souligné l’importance de cette interpellation sur le racisme anti-Noirs en parlant du rapport du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine des Nations Unies, qui explique de quelles façons le racisme systémique anti-Noirs continue de se manifester au Canada.

Comme la sénatrice Bernard l’a fait également, j’aimerais souligner que le racisme touche aussi d’autres groupes racialisés au Canada. Lorsqu’ils ont visité des prisons canadiennes dans le cadre de leur étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers sous responsabilité fédérale, les membres du Comité des droits de la personne ont entendu des témoignages sur le racisme dans le système carcéral et le système de justice.

Honorables sénateurs, le racisme fait malheureusement partie de la société canadienne et il peut se manifester plus ou moins ouvertement, selon le cas. Comme la sénatrice Bernard l’a mentionné dans son discours, notre système d’éducation n’y échappe pas.

Le racisme au sein du système d’éducation n’a rien de nouveau. En 1994, le Black Learners Advisory Committee, ou BLAC, a publié un rapport révélant un racisme systémique au sein du système d’éducation de la Nouvelle-Écosse. Le rapport présentait 46 recommandations à l’intention du gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour lutter contre le racisme au sein du système d’éducation. Afin de donner directement suite au rapport du BLAC, la direction des services aux Afro-Canadiens a été établie pour mettre en œuvre les recommandations du rapport du BLAC et continuer de trouver et de mettre en œuvre des solutions pour combattre le racisme institutionnel dans le système d’éducation de la Nouvelle-Écosse. La direction relève du ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la Nouvelle-Écosse et se consacre à bâtir un système d’éducation néo-écossais qui est équitable, qui est adapté aux cultures et qui offre un milieu d’apprentissage sûr à tous les apprenants.

La direction des services aux Afro-Canadiens a pour mandat de promouvoir l’accomplissement de soi chez les apprenants néo-écossais d’origine africaine ainsi que leur bien-être, de collaborer avec le personnel du ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance ainsi qu’avec d’autres parties intéressées pour relever et éliminer les obstacles auxquels se heurtent les apprenants néo-écossais noirs d’origine africaine, de collaborer avec le ministère et l’ensemble du gouvernement à des fins de consultation et afin de fournir des conseils relativement à l’éducation des Néo-Écossais et des Canadiens d’origine africaine, et de favoriser la compréhension des Néo-Écossais et des Canadiens d’origine africaine de leur histoire, de leur patrimoine, de leur culture, de leurs traditions et de leurs contributions à la société, ainsi que la reconnaissance de leurs origines africaines.

En créant la direction des services aux Afro-Canadiens, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a reconnu que le racisme anti-Noirs était un problème dans les écoles et qu’il fallait s’en occuper immédiatement et suivre la situation à long terme. C’est un pas dans la bonne direction, mais il y a encore du travail à faire.

Le problème n’est pas propre à la Nouvelle-Écosse. Le racisme, et notamment le racisme anti-Noirs, existe dans les écoles et les institutions de toutes les provinces, d’un océan à l’autre. Malheureusement, le racisme existe sous toutes ses formes dans bon nombre de nos institutions.

À l’invitation du gouvernement du Canada, le Groupe de travail d’experts des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine a fait, à l’automne 2016, une tournée de quatre villes canadiennes, à savoir Toronto, Ottawa, Montréal et Halifax. La visite avait pour objet d’examiner en détail la situation des personnes d’ascendance africaine vivant au Canada, de recenser les problèmes et de recommander des solutions. Le groupe a également recensé les pratiques exemplaires susceptibles d’être appliquées dans d’autres pays. Le rapport de l’ONU portait plus précisément sur le racisme anti-Noirs dans le système de justice pénale, les services de santé, le logement et l’éducation.

Le groupe de travail a fait part de ses préoccupations concernant le racisme dans le système d’éducation. Dans son rapport, on peut lire ce qui suit :

Le groupe de travail a été troublé de constater le racisme anti-Noirs et le manque d’inclusion sociale dans le système d’éducation au Canada. Les étudiants afro-canadiens ont, de façon disproportionnée, des résultats scolaires inférieurs et des taux élevés d’abandon scolaire, de suspensions et d’expulsions, et ils sont plus susceptibles que les autres enfants d’être intégrés dans des programmes scolaires généraux et élémentaires, plutôt que dans des programmes avancés. Les stéréotypes sur les capacités scolaires des étudiants afro-canadiens ont eu des conséquences désastreuses. Les trois principales préoccupations exprimées concernaient les différences de traitement, l’absence de l’histoire et de la culture noires et afro-canadiennes dans les programmes et l’absence d’enseignants noirs.

(1730)

La qualité de l’éducation reçue et le type d’expériences vécues dans le système d’éducation affectent les perspectives d’emploi et le revenu potentiel des Afros-Canadiens.

Malheureusement, le rapport du groupe de travail des Nations Unies indiquait que la discrimination raciale qui a joué un rôle prépondérant dans le déni d’égalité des Afro-Néo-Écossais en éducation était un problème à l’échelle de tout le Canada. Cette inégalité en éducation se retrouve également en matière de santé, de logement et d’emploi. Comme le mentionnait en 1994 le rapport du Black Learners Advisory Committee :

La plupart des enfants afro-canadiens sont, dès la naissance, pris au piège d’un cercle vicieux de rejet de la société, d’isolement, de pauvreté, d’attentes peu élevées et de faible réussite scolaire [...]

Il peut être décourageant de penser aux maigres progrès qui ont été obtenus au cours des 25 dernières années. Les intervenants du milieu de l’éducation et les défenseurs de la communauté rapportent la présence des mêmes problèmes dans le système : manque d’enseignants noirs, programmes qui ne sont pas assez afrocentriques, chocs culturels entre enseignants et élèves, et pauvreté.

Un des endroits où ce racisme systémique est manifeste en Nouvelle-Écosse est dans les statistiques sur les suspensions. Les données recueillies dans cinq des huit conseils scolaires de Nouvelle-Écosse pour l’année scolaire 2015-2016 montrent que les élèves noirs avaient un taux de suspension hors de l’école de 1,2 à 3 fois supérieur au taux de représentation des Afro-Néo-Écossais dans la population étudiante.

Au sein du conseil scolaire régional d’Halifax, ces chiffres étaient beaucoup plus élevés : 22,5 p. 100 des élèves s’identifiant comme étant de race noire avaient déjà fait l’objet d’une suspension. Les élèves noirs ne représentaient que 7,8 p. 100 de la population scolaire, mais ils étaient l’objet de 22,5 p. 100 des suspensions. Les intervenants communautaires ont qualifié la situation à Halifax de crise, avec raison.

Honorables sénateurs, les rapports et les études ne font que mettre en lumière le problème des préjugés tenaces qui existent dans nos institutions. Ils ne constituent pas une solution, mais ils font office de point de départ en fournissant une feuille de route pour créer un système d’éducation équitable et sans préjugé.

C’est une mesure positive pour nos gouvernements en vue de reconnaître les problèmes qui existent, mais, honorables sénateurs, pour opérer un véritable changement, tous les ordres de gouvernement doivent prendre au sérieux les recommandations formulées dans des rapports comme le BLAC Report on Education ou par la direction des services aux Afro-Canadiens. Étant donné que l’on a réalisé peu de progrès au cours des 25 dernières années, il est compréhensible que les segments marginalisés de la société soient sceptiques à l’égard des promesses politiques.

Honorables sénateurs, le 1er février, pour célébrer le Mois de l’histoire des Noirs, le premier ministre Trudeau a annoncé que le Canada reconnaîtra officiellement la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, proclamée par les Nations Unies. La décennie, qui s’étend de 2015 à 2024, est l’occasion pour le Canada de se joindre à d’autres pays en vue de célébrer les importantes contributions que les personnes d’ascendance africaine ont apportées au Canada.

Nous espérons que le Canada profitera de cette occasion pour reconnaître les difficultés et le racisme systémique dont sont victimes un grand nombre de Canadiens. L’objectif de la déclaration des Nations Unies est de fournir un cadre pour la reconnaissance, la justice et le développement afin de lutter contre le racisme, la discrimination et les inégalités qui persistent et que subissent les Canadiens d’origine africaine. Honorables sénateurs, ne perdons pas une bonne occasion d’apporter des changements nécessaires.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Bernard d’avoir lancé cette interpellation au Sénat. Je suis également reconnaissante envers elle et la sénatrice Lankin pour les discours touchants qu’elles ont prononcés. Le racisme est partout. Pour bien des gens, il passe inaperçu jusqu’au jour où ils y sont confrontés directement.

Malheureusement, cela fait partie de la vie quotidienne de bien trop de Canadiens qui en sont victimes chaque fois qu’ils sortent de la maison. Il est important pour nous, non seulement en tant que parlementaires, mais également en tant que Canadiens, de le reconnaître. Nous devons toujours être conscients des mots que nous prononçons et des gestes que nous posons dans notre vie quotidienne, et nous devons en assumer la responsabilité.

Nous devons également refuser de fermer les yeux et de rester silencieux lorsque nous entendons des propos racistes et haineux. En tant que société, nous devons reconnaître le racisme systémique qui continue d’exister au sein de nos institutions, et nous devons aspirer à faire mieux.

Nous ne réussissons en tant que société que quand les chances sont égales pour tous. Si des segments de la population canadienne continuent à être marginalisés et laissés de côté en raison du racisme systémique, cela veut dire, honorables sénateurs, que nous avons échoué en tant que Canadiens.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Retrait d’un préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat et pendant l’ajournement du Sénat

À l’appel de la motion no432 par l’honorable Rosa Galvez :

Que, pour les fins de son étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles :

a)soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

b)soit autorisé, nonobstant l’article 12-18(2) du Règlement, à se réunir du lundi au vendredi pendant une période d’ajournement du Sénat qui dure plus d’une semaine, ou qui dure plus d’un jour mais moins d’une semaine.

L’honorable Rosa Galvez : Je retire la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Il en est ainsi ordonné.

(Le préavis de motion est retiré.)

Pêches et océans

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 2 avril 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir, afin de poursuivre son étude du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, le mardi 9 avril 2019, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Rosa Galvez, conformément au préavis donné le 2 avril 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir, afin de poursuivre son étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, le mardi 30 avril 2019 et le mardi 7 mai 2019, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Motion tendant à constituer un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires—Ajournement du débat

L’honorable André Pratte, conformément au préavis donné le 2 avril 2019, propose :

Qu’un Comité spécial sur l’indépendance des poursuites judiciaires soit formé pour examiner et faire rapport sur l’indépendance du Service des poursuites pénales du Canada et du procureur général du Canada;

Que le comité soit composé de six sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, de trois sénateurs conservateurs et d’un sénateur indépendant libéral, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité examine et fasse rapport sur la séparation des fonctions du ministre de la Justice et de celles du procureur général du Canada, et sur d’autres initiatives visant à promouvoir l’intégrité de l’administration de la justice;

Que, de plus, le comité examine et fasse rapport sur les accords de réparation, tel que le prévoit la PARTIE XXII.1 du Code criminel, en particulier, l’interprétation appropriée des considérations d’intérêt économique national mentionnées au paragraphe 715.32(3) du Code criminel;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire publier au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner la publication;

Que, nonobstant l’article 12-18(1) du Règlement, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là;

Que, nonobstant l’article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d’une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et présente son rapport final au plus tard le 1er juin 2019, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 30 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, je sais qu’il est tard. Je promets donc que mon intervention sera brève, même si elle fera peut-être un peu mal.

Honorables sénateurs, il y a un mois, quand j’ai pris part au débat sur la motion du sénateur Smith et l’amendement du sénateur Harder, j’ai dit qu’en tant que sénateurs, nous avons le devoir de chercher la vérité, et qu’en cherchant la vérité, nous servons les Canadiens.

Maintenant que nous disposons du témoignage écrit et de l’enregistrement de Mme Jody Wilson-Raybould ainsi que du témoignage écrit de M. Butts, nous connaissons plutôt bien la vérité dans tous ses détails. Cette vérité donne toutefois lieu à des interprétations très diversifiées. Nous devons soumettre ces interprétations à un examen rigoureux et objectif pour être en mesure de tirer des conclusions logiques et de trouver des solutions utiles.

Plus important encore, nous devons réfléchir soigneusement aux façons d’éviter que pareille situation se reproduise, car les controverses de ce genre minent la confiance des Canadiens envers l’administration de la justice. Le Sénat pourrait jouer un rôle complémentaire à ce chapitre.

(1740)

La motion du sénateur Plett a des faiblesses semblables à celle du sénateur Smith. Elle reprend exactement le même libellé, à cela près qu’au lieu d’exiger que le comité entende une longue liste de témoins, elle en mentionne un seul, soit l’ancienne procureure générale. Honnêtement, après tout ce que nous avons déjà lu et entendu, je vois difficilement ce que nous pourrions apprendre de plus en faisant témoigner Mme Wilson-Raybould, mais certains espèrent évidemment continuer de mettre le gouvernement dans l’embarras.

D’un autre côté, le gouvernement...

Son Honneur le Président : À l’ordre, s’il vous plaît.

Le sénateur Pratte : D’autre part, le gouvernement souhaite mettre un terme à la controverse. En tant que Sénat indépendant, notre objectif ne devrait consister ni à prolonger ni à étouffer le scandale, mais plutôt à examiner attentivement les faits et leurs interprétations possibles, et nous devrions surtout suggérer une marche à suivre.

[Français]

Chers collègues, les faits sont maintenant connus. Le comité dont je suggère la création ne devrait pas avoir à enquêter sur ce qui s’est passé, il devrait plutôt réfléchir sur le sens de ce qui s’est passé et sur les leçons que nous devons en tirer. Les pressions exercées sur la procureure générale étaient-elles inappropriées, oui ou non? Et surtout, sur la base de quels principes peut-on en conclure à cet égard? Comment s’applique la doctrine Shawcross dans le contexte moderne du Canada d’aujourd’hui? À l’avenir, est-il possible de préciser dans quelles rares circonstances le procureur général peut intervenir dans les affaires du Service des poursuites pénales?

Les accords de réparation prévus depuis peu au Code criminel méritent aussi qu’on s’y attarde. Parmi les questions qu’un comité spécial pourrait aborder, je pense à celle-ci : comment faut-il comprendre l’apparente contradiction entre, d’une part, l’un des objectifs de ces accords, qui est de, et je cite, « réduire les conséquences négatives de l’acte répréhensible sur les personnes — employés, clients, retraités ou autres — qui ne s’y sont pas livrées [...] » et, d’autre part, les facteurs que les procureurs ne doivent pas prendre en compte pour les infractions de corruption d’agents étrangers, en particulier l’intérêt économique national? Faudrait-il fournir des lignes directrices supplémentaires au Service des poursuites pénales en ce qui a trait à ces accords de réparation? Le Comité de la justice de l’autre endroit a entendu seulement cinq témoins sur ces questions de fond et n’a pas tiré de conclusion. Un comité sénatorial pourrait faire beaucoup mieux.

C’est ce que je propose dans la motion dont nous débattons à partir d’aujourd’hui. Certains diront qu’il s’agit de questions théoriques, juridiques ou techniques. Ces questions n’ont rien de théorique, il s’agit de questions de principe fondamentales et de politique publique en matière d’administration de la justice. Il faut y répondre si l’on veut vraiment comprendre le sens et la gravité de ce qui s’est passé, et proposer des moyens pour que cela ne se reproduise plus.

[Traduction]

Certaines personnes prétendent que les fonctions de ministre de la Justice et de procureur général devraient être séparées et que seul le ministre de la Justice devrait être autorisé à assister aux réunions du Cabinet. Dans le contexte canadien, il s’agirait d’un changement important, sur lequel le comité spécial pourrait et devrait se pencher. Je signale que, au Royaume-Uni, où c’est la pratique depuis des décennies, il y a eu néanmoins quelques controverses concernant l’indépendance du procureur général.

Certaines personnes seront d’avis que le mandat du comité spécial s’apparente à la tâche confiée par le premier ministre à l’ancienne procureure générale Anne McLellan. C’est vrai, mais le mandat de Mme McLellan ne prévoit rien au sujet des accords de réparation. Chose plus importante encore, Mme McLellan ne relève pas du Parlement. Les conseils qu’elle donnera au premier ministre seront certainement très utiles, mais plusieurs têtes valent mieux qu’une. Qui plus est, elle ne fera pas son travail en public, contrairement au comité sénatorial spécial, qui, ainsi, sensibiliserait à la fois le public et les parlementaires à ces enjeux complexes.

Chers collègues, nous ne pouvons pas faire fi de cette controverse, peu importe l’interprétation que nous en faisons. Je sais que bon nombre d’entre nous se sentent coincés. D’une part, si nous adoptons la motion du sénateur Smith ou celle du sénateur Plett, nous donnerons l’impression de jouer le jeu de l’opposition. D’autre part, si nous ne faisons rien, les gens penseront que nous favorisons le gouvernement.

Voilà pourquoi j’essaie de proposer une approche sénatoriale différente, plus neutre. Si cette motion est adoptée, un comité spécial sera formé. C’est l’idée du sénateur Dalphond et c’est une bonne idée, car tous les autres comités, y compris le Comité des affaires juridiques, ont trop de travail.

Le mandat du comité est énoncé dans la motion. Le comité serait chargé d’examiner et de faire rapport sur l’indépendance du Service des poursuites pénales du Canada et du procureur général du Canada, de faire rapport sur la séparation des fonctions du ministre de la Justice de celles du procureur général du Canada, et sur d’autres mesures visant à promouvoir l’intégrité de l’administration de la justice. Il étudierait les accords de réparation, notamment la disposition qui exclut la considération de l’intérêt économique national.

Ce comité sénatorial spécial serait composé de six sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, de trois sénateurs conservateurs et d’un sénateur libéral indépendant. Ainsi, chaque groupe serait représenté dans la même proportion qu’au Sénat. Le comité présenterait un rapport au plus tard le 1er juin. Comme le temps presse, il pourrait siéger pendant que le Sénat siège et pendant les semaines d’intersession.

Honorables sénateurs, j’estime qu’il s’agit d’une approche équilibrée, rigoureuse et modérée, qui permettra d’éviter à la fois le cirque et la paralysie politiques. C’est vrai, il y a un risque bien réel que certains sénateurs emploient cette tribune à des fins partisanes. Je suis toutefois convaincu que la plupart des Canadiens souhaitent que ces questions fassent l’objet d’un examen indépendant et réfléchi et qu’ils ne seront pas tendres avec les sénateurs qui voudraient en profiter pour marquer des points.

Je propose cette motion afin que le Sénat ne reste pas sur la touche pendant que des questions fondamentales liées à l’administration de la justice nationale sont soulevées de toutes parts. Je propose cette motion dans l’espoir que le Sénat pourra faire ce qu’il sait le mieux faire, c’est-à-dire aller au fond des choses, procéder avec rigueur et objectivité et proposer des solutions. Je propose cette motion dans l’espoir, peut-être naïf, que même dans les conditions les plus difficiles, le Sénat saura faire son travail et son devoir en évitant la partisanerie.

Peut-être que la partisanerie est la seule arme qui vaille contre la partisanerie, mais j’espère que non. Voilà pourquoi je propose cette motion.

Le comité entendra-t-il Jody Wilson-Raybould? Invitera-t-il les membres du cabinet du premier ministre qui n’ont pas encore été entendus? Ce sera au comité de décider s’il juge que c’est nécessaire pour s’acquitter de son mandat.

Honorables sénateurs, continuons de montrer aux Canadiens qu’il y a moyen de faire de la politique autrement. Montrons-leur le vrai sens de l’expression « second examen objectif », même dans un contexte de controverse comme celui dans lequel nous sommes plongés.

[Français]

Chers collègues, le Sénat doit relever le défi que les circonstances lui présentent. Il ne doit pas s’esquiver. Il ne doit pas se laisser paralyser par la crainte de la controverse ou de l’échec. Je remarque que, comme très souvent dans ma carrière, les gens sont tous contre moi, mais pour différentes raisons. Peu importe. Certes, la création de ce comité spécial comporte des risques, mais je cherche une voie non partisane, indépendante, objective, qui se définit autrement que par l’opposition à l’opposition.

Si l’action comporte des dangers, l’inaction, elle aussi, comporte des risques. Nous courons notamment le risque de passer pour une Chambre qui manque autant de courage que de pertinence. Quand on nous demandera où nous étions quand éclatait cette crise considérable, que répondrons-nous?

[Traduction]

C’est tellement difficile d’écouter.

Son Honneur le Président : À l’ordre.

Le sénateur Pratte : Pourquoi n’essayez-vous pas d’écouter, pour une fois? Vous pourriez apprendre quelque chose.

[Français]

Pour ma part, j’aimerais beaucoup pouvoir dire ceci : nous étions là, nous avons étudié la question en profondeur, avec objectivité et rigueur, et nous avons proposé des solutions. J’aimerais pouvoir dire ceci : tel est le Sénat indépendant d’aujourd’hui. Merci de m’avoir écouté.

Des voix : Bravo! Bravo!

[Traduction]

Merci de m’avoir écouté aussi attentivement

Des voix : Bravo!

L’honorable Leo Housakos : Merci, sénateur Pratte. Je vous ai écouté très attentivement. Je trouve fort intéressant que vous ayez soudainement développé un vif intérêt pour le Service des poursuites pénales du Canada.

Dans votre discours, vous avez parlé de l’interprétation de la vérité. Du point de vue des parlementaires de ce côté-ci du Sénat, il n’y a qu’une seule vérité. Elle ne prête pas à l’interprétation. Malheureusement, depuis les derniers mois, le premier ministre et les membres du cabinet du premier ministre, qui relèvent de l’autre côté de la Chambre, ainsi que le greffier du Conseil privé passent leur temps à interpréter la vérité. C’est pourquoi nous avons aujourd’hui plus de questions que de réponses. C’est pourquoi, après plus de deux mois de cette triste affaire où le premier ministre du Canada fait l’objet, au quotidien, d’accusations d’entrave à la justice, les médias et la population canadienne continuent de poser des questions difficiles sans recevoir de réponses.

(1750)

Nous avons obtenu bien peu de l’autre côté. Le plus haut fonctionnaire a remis sa démission, un homme qui a eu l’occasion de témoigner deux fois devant le Comité de la justice de la Chambre des communes. Nous avons perdu le secrétaire principal et plus proche conseiller du premier ministre, qui s’est aussi exprimé deux fois devant le même Comité de la justice. Il y a également l’ancienne procureure générale, qui se trouve au cœur de la tempête. Elle a présenté systématiquement des documents qui racontent comment elle a résisté... Ce n’est pas une question. J’interviens dans le débat.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai donné la parole au sénateur Housakos pour qu’il participe au débat. Ce n’est pas un préambule à une question, c’est une intervention.

Le sénateur Housakos : En temps et lieu, nous apprendrons tous le Règlement du Sénat.

Plus important encore, en temps et lieu, le gouvernement apprendra aussi les règles relatives à un élément essentiel du Parlement, à savoir la séparation du judiciaire, du législatif et de l’exécutif.

En fin de compte, c’est le jeu qui est en train de se jouer ici, sénateur Pratte. Le gouvernement est dirigé par un premier ministre qui a empiété sur les principes parlementaires les plus sérieux. Le premier ministre a eu 23 prédécesseurs, et pas un d’entre eux n’a été accusé de ce crime si grave, d’une atteinte au privilège parlementaire, pas un. En 150 ans, aucun procureur général et ministre de la Justice n’avait auparavant accusé le premier ministre de s’être ingéré dans une poursuite criminelle. C’est du jamais vu.

À l’autre endroit, il y a un gouvernement majoritaire qui, au cours de cette législature, empêche le Comité de la justice de poser des questions difficiles à tous les témoins que le comité invite à comparaître devant lui.

Le sénateur Plett a présenté une motion très raisonnable. Les Canadiens et les médias de ce pays réclament justice et des éclaircissements. Depuis quelques semaines, tout ce à quoi nous avons eu droit de la part des sénateurs nommés par Trudeau et du leader du gouvernement, ce sont des manœuvres procédurales — nous savons ce qu’elles sont — comme des rappels au Règlement afin de faire traîner cette motion et d’empêcher qu’elle soit appliquée et que ceux qui ont été accusés d’une violation très grave soient convoqués devant un comité du Sénat. Oui, un comité indépendant, où les sénateurs nommés par Trudeau seront majoritaires et auront l’occasion de démontrer leur indépendance et de poser des questions à l’ancienne procureure générale et à tout autre témoin qui, à notre avis, serait en mesure de faire la lumière sur cette question particulière.

Je vais conclure parce que j’en ai beaucoup à dire sur cette question et je veux préparer un discours. Je tiens à dire que le Service des poursuites pénales du Canada existe depuis longtemps. Le ministère de la Justice existe depuis longtemps. Le processus de changement des règles de fonctionnement du ministère de la Justice est clair. Le cabinet et le ministre, aidés de fonctionnaires du ministère, peuvent présenter une mesure législative à la Chambre des communes. Cette mesure sera ensuite débattue à fond au comité de la justice, franchira toutes les étapes à la Chambre des communes, sera renvoyée au Sénat et étudiée par un comité sénatorial permanent, un comité qui existe depuis des années et qui est très respecté. Combien de fois les travaux de notre comité de la justice ont-ils été cités par la Cour suprême du Canada au cours des ans? Ceux du Comité de la justice de la Chambre des communes l’ont été plus souvent encore même. Nous n’avons donc pas besoin d’un comité spécial.

Nous allons créer un comité spécial simplement parce que Justin Trudeau est maintenant là et qu’il ignore les règles de fonctionnement du Parlement? Nous allons empiéter sur les droits et les privilèges du Comité de la justice de la Chambre des communes et du Comité des affaires juridiques du Sénat parce que Justin Trudeau n’est pas d’accord avec les règles? Son bilan montre que lorsqu’il agit de manière à violer les règles du Parlement, il change celles-ci. Le leader du gouvernement agit comme un représentant, mais il a été nommé leader du gouvernement au Sénat. Il l’a nommé leader du gouvernement parce que ce sont les règles.

Chers collègues, voilà un autre exemple des jeux auxquels on se livre dans cette enceinte : on serre les rangs et on défend le premier ministre, qui a fait une chose dont il doit répondre clairement et sans détour, comme le réclame le public canadien et la presse depuis des semaines.

Votre Honneur, je crois que plusieurs sénateurs de ce côté-ci de la Chambre en ont long à dire sur la question. Pour cette raison, je demande l’ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Diane F. Griffin, conformément au préavis donné le 2 avril 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à se réunir le mardi 9 avril 2019, à 18 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

—Honorable sénateurs, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Affaires étrangères et commerce international

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable A. Raynell Andreychuk, conformément au préavis donné le 3 avril 2019, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à se réunir le mardi 9 avril 2019 à 16 heures, afin de recevoir la ministre des Affaires étrangères, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

—Honorable sénateurs, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 17 h 56, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 9 avril 2019, à 14 heures.)

Haut de page