Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 16

Le jeudi 3 décembre 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 3 décembre 2020

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommage à Ambrose et Matilda Choi

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à une remarquable famille canadienne de Vancouver, en Colombie-Britannique : Won-Chul, Ambrose, Choi, sa femme Min Jeong, Matilda, Kim et leurs deux fils, Hyun Sik, Eric et Young Sik, Alex, Choi.

L’histoire de leur immigration, depuis les batailles menées et l’éclatement familial jusqu’au triomphe et au succès, est l’une de celles qui rentrera dans les annales de l’histoire canadienne. C’est l’histoire classique de jeunes parents immigrants qui se déracinent pour recommencer leur vie à zéro au Canada et qui font des sacrifices afin que leurs enfants aient du succès dans leurs études et la possibilité de réaliser leurs rêves. Eric et Alex sont tous deux diplômés de l’Université de la Colombie-Britannique. Eric, après avoir terminé sa thèse de maîtrise en gestion sportive à l’Université nationale de Séoul, est rentré au Canada et a créé HS 7 Enterprise Limited, suivant en cela les traces de son père, un entrepreneur de premier plan. Quant à Alex, il travaille actuellement pour une société de logiciels.

Honorables sénateurs, c’est leur indomptable esprit d’entreprise, leur optimisme à toute épreuve, leur générosité sincère et leur amour profond de notre pays qui inspirent cet hommage à Ambrose et Matilda Choi. Il se veut aussi la reconnaissance de la nomination d’Ambrose, par OKTA, au titre de PDG de l’année de la Korea Trade-Investment Promotion Agency, ou Agence coréenne de promotion du commerce et des investissements, le 21 septembre 2020. OKTA est une organisation internationale qui a des succursales dans le monde entier, notamment au Canada.

Ambrose Choi est président d’Ambrose Holdings, une entreprise familiale qui exporte des produits canadiens en Corée. Nommée en l’honneur de sa femme bien-aimée, Matilda, sa marque de chocolats « fabriqués au Canada » est vendue au détail au Canada et en Corée. La famille Choi soutient généreusement la communauté depuis 2014 en organisant chaque année les concerts bénéfices Ambrose et Matilda, qui ont permis de recueillir des fonds au profit de fondations d’hôpitaux, de refuges pour sans-abri et d’organismes caritatifs divers.

Lorsque le concert de 2020 a été annulé à cause de la COVID-19, le couple Choi a trouvé une solution de rechange. Il a entrepris un voyage de plusieurs semaines pour faire des livraisons spéciales à divers organismes et établissements dont Crossroads Hospice, Eagle Ridge Manor, la fondation de l’hôpital d’Eagle Ridge, la fondation St. Paul’s, la banque alimentaire de Richmond, la fondation de l’hôpital de Richmond, l’hôpital Peace Arch, l’hôpital régional d’Abbotsford, Tri-City Transitions et Talitha Koum Society. Les Choi ont fait cadeau d’une quantité innombrable de boîtes d’exquis chocolats Matilda à des travailleurs de la santé et des services sociaux, au personnel hospitalier régulier et bénévole, en guise de remerciement à ces travailleurs pour leur dévouement sur la ligne de front.

À l’occasion de la Semaine des anciens combattants, Matilda et Ambrose ont également organisé la tenue d’un concert spécial à l’aérogare internationale de Vancouver. Les employés de l’aéroport et les équipages des compagnies aériennes qui passaient par là ont eu le plaisir d’entendre de la magnifique musique classique. J’ai moi-même grandement apprécié ce concert et j’ai également assisté à la remise des boîtes de chocolat de Matilda à l’hôpital. Cette générosité fait chaud au cœur.

Je termine en citant ce qu’a répondu Ambrose Choi quand on lui a demandé d’où lui venait son inspiration. Il a dit :

En tant qu’immigrant, je suis extrêmement reconnaissant et je souhaite redonner à cette nation qui a été si généreuse à mon égard.

Des voix : Bravo!

La Journée internationale des personnes handicapées

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, nous soulignons aujourd’hui la Journée internationale des personnes handicapées, dont le thème cette année est « Reconstruire en mieux — Vers un monde post-COVID-19 inclusif, accessible et durable ».

Reconstruire en mieux en faisant preuve de plus d’inclusion et en s’ouvrant à la diversité; voilà une invitation irrésistible. Nous sommes plus de 6 millions de personnes ayant un handicap au Canada, d’un bout à l’autre du pays. Chacun de nous est unique, avec ses propres défis et possibilités. S’il y a une chose sur laquelle on peut cependant tous s’entendre, c’est que davantage peut et doit être fait.

À notre gouvernement, je dis : nous attendons avec impatience la réalisation des engagements pris dans le discours du Trône. La pandémie nous a montré que trop de personnes ayant un handicap se trouvent toujours en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Nous le savons tous, et il est maintenant temps d’agir.

À nos entreprises et organisations, grandes et petites, je dis : la diversité est une force. Individuellement et collectivement, nous profitons tous de la diversité. Engagez-vous à lever les obstacles qui empêchent les gens d’atteindre leur plein potentiel et qui les privent de leur droit de contribuer à la société.

Aux jeunes Canadiens qui ont un handicap, je dis : ne laissez jamais le monde vous définir. Cela vous appartient. Ne faites jamais de concessions sur vos droits. Les droits des personnes handicapées sont aussi des droits de la personne. Vous seuls pouvez choisir qui vous voulez être et ce que vous souhaitez accomplir. Ne vous contentez pas de la pitié ou de la compassion. Exigez d’avoir des choix et des possibilités. Lorsqu’une porte s’ouvre, saisissez l’occasion offerte. Lorsqu’une porte est fermée, ouvrez-la. Revendiquez votre place; le monde deviendra meilleur grâce à vous.

(1410)

En cette Journée internationale des personnes handicapées, rappelons-nous tous que les droits des personnes handicapées sont des droits de la personne, que la diversité est toujours une force et que l’inclusion a de l’importance. Merci.

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, comme vient de le mentionner la sénatrice Petitclerc, aujourd’hui est la Journée internationale des personnes handicapées. Comme nous le faisons chaque année le 3 décembre depuis la proclamation de cette journée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1992, nous faisons valoir la participation pleine et égale des personnes handicapées et prenons des mesures en vue de favoriser leur inclusion dans tous les aspects de la société et du développement.

Depuis la proclamation de cette journée, de nombreux pas ont été effectués dans la bonne direction. De nombreuses réalisations ont été accomplies par le milliard de personnes qui vivent avec un handicap dans le monde. Ces personnes abattent les obstacles.

L’une de ces personnes est Chris Nikic, de la Floride, premier athlète atteint du syndrome de Down à terminer un triathlon Ironman en compétition. M. Nikic a terminé la nage de 2,4 miles en eau libre, le parcours de 112 miles à vélo et la course à pied de 26,2 miles juste en deçà de la limite de 17 heures.

Comme c’est le cas pour la plupart des gens vivant avec un handicap, les autres voient souvent les limitations de M. Nikic, mais pas son potentiel. Or, cette course n’était pas pour les autres. Le jeune homme de 21 ans voulait terminer ce triathlon pour se prouver à lui-même qu’il pouvait tout accomplir, que ses rêves pouvaient devenir réalité. « J’ai appris qu’il n’y a pas de limite », a‑t-il dit après la compétition. « N’essayez pas de me limiter. » Son mantra : un pas en avant, puis deux, puis trois.

J’ai toujours dit que tout pas en avant est un progrès, et Chris Nikic nous l’a prouvé en action tout au long de cette course. Ne sous-estimez jamais quelqu’un, pour quelque raison que ce soit.

En adoptant la Loi canadienne sur l’accessibilité, l’an dernier, le Canada a franchi un grand pas vers l’atteinte des obligations que lui confère la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. C’est moi qui ai parrainé cette loi quand le Sénat en a été saisi, et j’en étais très fier, tout comme j’étais fier qu’elle soit adoptée à l’unanimité.

Depuis, le Sénat a commencé à offrir des services d’interprétation gestuelle, ici et dans les réunions des comités. Ici comme ailleurs, l’interprétation gestuelle est désormais fréquemment offerte lors des conférences de presse et des bulletins de nouvelles, et c’est une bonne chose pour les personnes sourdes, qui en ont besoin pour comprendre, surtout en pleine pandémie. Un autre pas dans la bonne direction, quoi.

Ce n’est pas moi qui vous apprendrai, chers collègues, que les limitations fonctionnelles ne sont pas toutes visibles. Bon nombre d’entre elles, comme la surdité, la déficience visuelle, les lésions cérébrales, l’autisme, la maladie mentale et la douleur chronique, ne se voient pas. Quant aux obstacles intersectionnels que doivent surmonter les personnes handicapées, ils sont amplifiés par les restrictions que la pandémie de coronavirus nous impose au quotidien. Les effets de l’isolement, des problèmes d’accès aux services et de la perturbation des habitudes se font de plus en plus sentir sur la santé mentale. Ce n’est pas parce que le Canada s’est doté d’une loi sur l’accessibilité que nous devons cesser de faire valoir les droits des personnes handicapées et de conscientiser la population à leur réalité.

Je vois que mon temps de parole est presque écoulé, honorables sénateurs, mais je dois prendre un moment pour vous répéter les propos de mon fidèle adjoint, Michael Trink, qui est atteint du syndrome de Down. Michael, qui est avec moi depuis 10 ans, est un grand optimiste et un vrai travaillant, et il m’a demandé de vous transmettre le message suivant, qui l’aide à traverser la pandémie : « Continuez à voir les choses du bon côté et à avancer. »

Je crois qu’il s’agit d’un sage conseil que nous aurions tous avantage à suivre. Merci beaucoup.

[Français]

Le décès de Marc-André Bédard

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices, honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques instants pour rendre hommage à un grand politicien québécois, Marc-André Bédard, qui a été emporté le 25 novembre dernier par la COVID-19, à l’âge de 85 ans, dans la résidence pour aînés du Saguenay où il habitait.

Même si nous n’étions pas dans le même camp politique, ce politicien était animé de l’esprit de servir et d’améliorer les conditions de vie des citoyens.

Avocat, Marc-André Bédard est l’un des fondateurs du Parti québécois et il a toujours été un fidèle de René Lévesque. Après avoir été élu une première fois en 1973, il a été nommé ministre de la Justice du Québec en 1976. Son passage à la tête de ce ministère a permis aux Québécoises et aux Québécois de bénéficier de réformes importantes que je qualifierais d’historiques.

C’est Me Marc-André Bédard qui a fait amender la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, en 1977, pour interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. C’était la première fois que l’on modifiait la législation canadienne pour protéger les droits des homosexuels.

C’est Marc-André Bédard qui a modernisé le droit de la famille en remplaçant le droit paternel par le droit parental. Il a également éliminé le statut illégitime des enfants nés hors mariage. Enfin, il a été celui qui a créé l’égalité entre les conjoints.

C’est aussi Marc-André Bédard qui a créé le Conseil de la magistrature du Québec et qui a dépoussiéré le mode de nomination des juges, ce qui, 40 ans plus tard — pardonnez-moi cette observation —, n’a pas encore incité les libéraux qui sont actuellement au pouvoir à l’autre endroit à faire de même. En tant que ministre de la Justice, M. Bédard a laissé un héritage politique et législatif important à la population du Québec.

Souverainiste et séparatiste de la première heure, Marc-André Bédard avait le don de ne jamais bousculer les choses et encore moins la population. C’est pourquoi il avait épaulé sans réserve René Lévesque dans ce qu’on a appelé le « beau risque » avec le gouvernement fédéral, malgré l’empressement des éléments plus radicaux du Parti québécois, qui réclamaient une élection référendaire.

Pour l’histoire, M. Bédard était davantage un diplomate qui souhaitait convaincre les gens plutôt que de les confronter.

Même s’il a occupé les plus hauts postes sous un gouvernement du Parti québécois, dont celui de vice-premier ministre, tous ceux qui l’ont connu ont souligné combien l’engagement de cet homme politique était d’abord envers ses concitoyens de Chicoutimi.

M. Bédard a toujours valorisé le rôle de député à l’Assemblée nationale avant celui de ministre. Il conseillait d’ailleurs aux élus de retourner le plus souvent possible dans leur circonscription, afin de rester bien au fait des réalités des citoyens.

Avant de se lancer en politique en 1970, Marc-André Bédard était un redoutable avocat de la défense. Parmi ses nombreux faits d’armes, on sait qu’il a, à deux reprises, fait libérer des hommes qui avaient été injustement accusés de meurtre, et que les véritables coupables ont été identifiés ultérieurement.

Lorsqu’il a quitté la politique en 1985, Me Bédard a repris du service comme avocat au cabinet Gauthier Bédard, où il a pratiqué le droit avec ses enfants et d’autres avocats de Saguenay.

Marc-André Bédard a été un grand ministre de la Justice du Québec, et c’est pourquoi je tenais à saluer aujourd’hui sa contribution à l’avancement de la société québécoise.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je voudrais aujourd’hui vous parler d’une pandémie invisible, celle de la violence fondée sur le sexe. Plus précisément, je voudrais souligner l’impact négatif de la présente crise sanitaire sur la violence conjugale.

Le 25 novembre, qui marquait le premier jour des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe, était aussi le trente-quatrième anniversaire d’Audrey Hopkinson, mère de deux enfants et habitant à Brockville, en l’Ontario. Malheureusement, pour la première fois la semaine dernière, la famille et les amis d’Audrey ont dû célébrer son anniversaire sans elle. L’infirmière bien-aimée qui travaillait à l’hôpital général de Brockville a été tragiquement assassinée, en même temps que son enfant à naître. Le partenaire d’Audrey lui a enlevé la vie, puis a pris la sienne, en avril dernier, quelques semaines après le confinement.

Le meurtre d’Audrey Hopkinson n’est malheureusement pas un cas isolé. La pandémie de COVID-19 a exacerbé les cas de violence fondée sur le sexe au sein de foyers canadiens en isolant davantage les victimes de violence conjugale. Oxfam Canada note que la pandémie, et les situations d’urgence en général, rendent les femmes plus vulnérables à la violence. L’histoire d’Audrey Hopkinson en est la preuve.

(1420)

On signale au Canada un nombre troublant de cas de violence familiale. Une ligne d’écoute téléphonique de Vancouver a rapporté une hausse de 300 % des appels à cause de l’isolement vécu pendant la pandémie. Les refuges ne peuvent répondre à la hausse subite de la demande provoquée par la division des ressources entre les problèmes de santé dus à la COVID-19 et le nombre croissant de cas de violence faite aux femmes.

En Ontario, l’Ontario Association of Interval and Transition Houses a indiqué que 20 % de leurs 70 refuges ont connu une augmentation du nombre d’appels depuis le début de la pandémie. Le service régional de police d’York a pour sa part noté une hausse de 22 %.

Les femmes sont beaucoup plus à risque d’être victimes d’actes de violence causés par l’isolement à la maison. En effet, le confinement a permis aux agresseurs de mieux contrôler les mouvements des femmes, de restreindre leur accès aux services de soutien et de les séparer de leur réseau d’entraide composé de membres de la famille et d’amis. L’inextricabilité de ces situations a mené à des appels à l’aide silencieux qui ont été diffusés dans les médias sociaux sur des plateformes comme TikTok et Instagram. Il me semble clair qu’il faut accorder la priorité à la violence faite aux femmes pendant une urgence de santé publique.

Honorables sénateurs, nous devons faire notre part en tant que parlementaires en incluant dans les politiques publiques des services de lutte contre la violence faite aux femmes chaque fois que nous le pouvons. Les femmes et les filles victimes de violence vivaient une forme de confinement bien avant le début de la pandémie. Pendant le reste des 16 jours d’activisme, nous devons continuer de nous élever contre la violence fondée sur le sexe, car des vies en dépendent. Merci.

[Français]

L’École Polytechnique de Montréal

La commémoration de la tragédie

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Je prends la parole aujourd’hui pour souligner le 31e anniversaire du féminicide de Polytechnique et rendre hommage aux 14 jeunes femmes qui ont été tuées le 6 décembre 1989.

Rappelons-nous ces 20 minutes d’horreur, qui ont été racontées maintes fois, pour ne jamais oublier que les victimes ont été choisies par le tueur parce qu’elles étaient des femmes, et parce qu’elles avaient osé étudier en ingénierie, un domaine traditionnellement réservé aux hommes.

J’avais 30 ans à l’époque. J’étais une jeune journaliste idéaliste, basée à Toronto. Je croyais pouvoir changer le monde un reportage à la fois. J’évoluais moi aussi dans un milieu de travail plutôt masculin, où les femmes prenaient peu à peu leur place. J’étais une féministe décomplexée, qui ne manquait jamais de souligner le deux poids, deux mesures, la discrimination, les attitudes et les propos misogynes.

La tragédie de Polytechnique nous a privés pendant un bon moment de cet espoir que la révolution féministe était en marche et que personne ne pourrait l’arrêter. Le tueur a exprimé toute sa haine des féministes. On l’a souvent décrit comme un tireur fou, mais il représentait un courant de pensée masculiniste qui avait progressé au Québec, un ressac contre les femmes qui s’émancipaient.

Heureusement, avec les années, une nouvelle génération de féministes québécoises a repris le flambeau, avec de nouveaux slogans et une fougue belle à voir. Les étudiantes de Polytechnique comptent cette année pour 31 % des admissions au bac.

Pendant ce temps, des survivantes et des proches se sont lancés à corps perdu dans une bataille pour le contrôle des armes à feu. Le tueur de Polytechnique avait vidé tout un chargeur de 30 balles d’un Ruger Mini-14 semi-automatique sur les étudiantes dans une salle de classe. Nathalie Provost était là et elle a survécu. Je la cite :

Oui, l’arme change la donne. La force des coups de feu a joué un rôle déterminant ainsi que la capacité de tirer en rafale.

Trente ans plus tard, cette arme meurtrière était encore en circulation puisque le tueur de masse de la Nouvelle-Écosse avait en sa possession un Ruger Mini-14.

Cette arme fait partie des 1 500 modèles d’armes d’assaut que le gouvernement fédéral a interdits par décret le 1er mai dernier, un grand progrès pour le groupe PolySeSouvient. Toutefois, à l’approche du 6 décembre, Heidi Rathjen, témoin de la fusillade, veut que le gouvernement agisse, qu’il mette en œuvre, comme il l’a promis, un programme obligatoire de rachat de toutes ces armes meurtrières et que les armes de poing fassent l’objet de restrictions plus sévères.

Mme Rathjen ne croit pas que la pandémie justifie les retards, au contraire. Je la cite :

[…] dans un contexte hautement anxiogène où les victimes de violence conjugale sont encore plus vulnérables et où il y a un risque accru de suicides […] le contrôle des armes s’avère tout aussi urgent.

Je suis d’accord. Merci.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Sécurité nationale et défense

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la quarante-deuxième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 219.)

[Français]

Langues officielles

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la quarante-deuxième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 220.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion sur la composition du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant les articles 12-3(2)f) et 12-27(1) du Règlement et les paragraphes 35(2), (4), (5) et (8) du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, les honorables sénateurs Busson, Cotter, Harder, c.p., Patterson, Seidman et Tannas soient nommés membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, et ce, jusqu’à ce qu’une motion soit adoptée par le Sénat conformément à l’article 12-27(1) du Règlement ou que le Sénat remplace autrement les membres du comité;

Que, nonobstant l’article 12-27(2) du Règlement et le paragraphe 35(2) du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, quatre membres du comité constituent le quorum;

Que, nonobstant l’article 12-27(1) du Règlement, pour la durée du mandat des membres du comité conformément au présent ordre, en cas de vacance au sein du comité, le remplaçant soit nommé par ordre du Sénat.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 8 décembre 2020, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international

L’honorable Howard Wetston : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 septembre 2022 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.


(1430)

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’agriculture et l’agroalimentaire

Le Programme d’assurance des prix du bétail

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, les producteurs de bovins et de porcs de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et de ma province, le Manitoba, disposent d’un outil de gestion des risques, le Programme d’assurance des prix du bétail. Ce programme les protège contre toute baisse inattendue des prix pendant une période donnée. Ce programme est particulièrement important pour les jeunes producteurs, car il augmente leur capacité d’obtenir du financement et de survivre aux ralentissements du marché. Il ne s’agit toutefois pas d’un programme permanent. Les producteurs doivent soumettre une nouvelle demande à intervalles réguliers, ce qui entraîne son lot d’incertitudes.

Monsieur le leader, est-ce que votre gouvernement a envisagé la possibilité de travailler avec les provinces de l’Ouest dans le but de faire du Programme d’assurance des prix du bétail un outil permanent de gestion des risques dont le renouvellement ne serait pas assujetti à chaque nouveau Cadre stratégique pour l’agriculture? Si ce n’est pas le cas, pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur, je vous remercie de votre question. Merci aussi d’informer la Chambre et moi-même de ce programme, dont j’admets ne pas connaître les détails. Je vais certainement me renseigner sur celui-ci et tenter de répondre à votre question aussi rapidement que possible.

Le sénateur Plett : Merci, sénateur Gold. Aussi rapidement que possible? J’espère que les choses iront plus vite que certains projets de loi du gouvernement qui se font attendre.

Sénateur Gold, bien que les provinces de l’Ouest ont accès à ce programme d’assurance, les agriculteurs des Maritimes mènent toujours leurs activités sans un programme pour gérer en temps opportun les risques liés aux prix. Le Maritime Beef Council, qui représente le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, s’est doté d’une stratégie pour élargir les cheptels bovins et la production de bœuf. L’accès à un programme d’assurance des prix est essentiel à l’atteinte de ces objectifs.

L’industrie a pris l’initiative d’investir l’argent des producteurs pour mettre au point un indice de fixation des prix spécifique au marché du bétail de l’Est canadien. Pour ce faire, elle a créé un groupe de travail composé de responsables des Maritimes et de leurs homologues de l’Ouest du Canada.

Monsieur le leader, votre gouvernement s’engagera-t-il à appuyer pleinement les agriculteurs des Maritimes en les aidant à créer un programme d’assurance des prix dans leur région?

Le sénateur Gold : Merci encore une fois de votre question, sénateur. Le gouvernement est très conscient de l’importance que les programmes de gestion des risques de l’entreprise ont en général pour les secteurs un peu partout au pays, et en particulier les programmes d’assurance des prix, comme vous l’avez justement souligné.

Non seulement le gouvernement a collaboré avec les secteurs d’un peu partout au pays, mais il a aussi entendu divers secteurs au sujet des difficultés et des améliorations qui doivent être apportées aux programmes de gestion des risques dont dépend l’industrie agricole.

On m’a dit que le gouvernement entretient un dialogue constant avec les intervenants de l’industrie afin d’atténuer les risques, connaître leurs préoccupations et trouver des moyens concrets d’améliorer les programmes. Le gouvernement continue de travailler sur des outils comme le programme Agri-stabilité pour aider les producteurs canadiens à gérer les circonstances difficiles dans lesquelles ils se trouvent.

[Français]

La santé

Le vaccin contre la COVID-19

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, nous avons eu de bonnes nouvelles récemment : trois vaccins sont efficaces, et certains sont même efficaces à 95 ou 98 %. C’est une excellente nouvelle. Par contre, nous avons appris par nos experts que le taux d’immunité collective doit atteindre 85 % pour stopper la transmission du virus. Cela veut dire qu’au moins 85 % de la population devra être vaccinée ou avoir les anticorps requis pour que nous atteignions cette immunité collective.

Un sondage Léger mené en collaboration avec l’Association d’études canadiennes montre que seulement 63 % de la population a l’intention de se faire vacciner, soit 7 % de moins que le taux observé au mois de juillet. On s’attend à ce que le pourcentage de la population qui souhaite se faire vacciner va continuer de diminuer jusqu’à 55 % ou 60 %, ce qui laisserait une très grande marge et pourrait mettre à risque l’atteinte de cette immunité collective. Est-ce que le gouvernement entend forcer les Canadiens et les Canadiennes à recevoir le vaccin?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement n’a nullement l’intention de rendre la vaccination obligatoire. Cela irait à l’encontre des droits et libertés des individus. Cela dit, l’enjeu que vous avez souligné et ses conséquences pour les Canadiens sont graves. Voilà pourquoi le gouvernement insiste pour que Santé Canada suive ses propres protocoles afin de rassurer les Canadiens et les Canadiennes sur le fait que les vaccins sont sains et efficaces. Nous avons besoin de faire un effort en matière de communication, non seulement au sein du gouvernement, mais aussi dans tous les partis politiques et dans la société civile, afin de combattre la désinformation qui, malheureusement, circule de plus en plus non seulement dans les médias sociaux, mais ailleurs. Cette désinformation a pour effet d’amener nos concitoyens à douter de l’efficacité et de la sécurité des vaccins, qui sont essentiels pour combattre ce virus et nous aider à reprendre une vie dite «normale».

Les transports

Le traversier F.-A.-Gauthier

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, qui dit campagne de vaccination dit déplacements afin de recevoir le vaccin. On parle à ce moment-là de fluidité et de la possibilité pour les gens de se déplacer d’un endroit à l’autre.

Or, nous avons appris que le traversier entre Matane et la Côte-Nord, le F.-A.-Gauthier, est brisé, qu’il est en cale sèche et qu’il ne pourra pas reprendre du service avant au moins la fin de février. Qu’entend faire le gouvernement pour garantir que le traversier sera pleinement fonctionnel pour que la population puisse se déplacer?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous reviendrai là-dessus dès que j’aurai une réponse à cette question précise.

[Traduction]

Les services aux Autochtones

Les services de santé non assurés

L’honorable Margaret Dawn Anderson : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, Services aux Autochtones Canada offre des services de santé non assurés, ou SSNA, aux Premières Nations inscrites aux termes de la Loi sur les Indiens et aux Inuits reconnus par une organisation responsable des revendications territoriales des Inuits. En date de mars 2019, 27 771 habitants des Territoires du Nord-Ouest étaient couverts par le Programme des SSNA. En tant que bénéficiaire de la Convention définitive des Inuvialuit, je suis moi-même admissible au programme.

Comme nous le savons tous, la difficulté à respirer et l’essoufflement sont l’un des symptômes de la COVID-19. Connaissant bien le processus des SSNA, j’ai eu au début du mois de juin l’occasion de poser des questions à des fonctionnaires du ministère de la Santé sur le processus de préautorisation normalement requis pour certains médicaments, dont les inhalateurs. Le 22 juin 2020, un représentant de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Services aux Autochtones Canada m’a informé par écrit de ce qui suit :

Depuis le début de la pandémie de COVID-19 en mars, le Programme des SSNA a lancé son plan de continuité des activités qui comprend des mesures d’urgence pour dispenser certains médicaments, notamment les inhalateurs, des autorisations préalables.

(1440)

Sénateur Gold, un habitant des Territoires du Nord-Ouest atteint d’asthme et admissible aux Services de santé non assurés m’a informé récemment qu’il devait obtenir l’approbation de l’organisme avant de faire renouveler son ordonnance. J’ai également appris que des personnes partagent actuellement leur inhalateur avec des membres de leur famille quand il manque de médicaments dans les communautés où un déplacement est nécessaire pour renouveler une ordonnance.

Je trouve cette situation profondément inquiétante.

Primo, comme je viens de l’indiquer, il n’y a pas des médecins dans toutes les collectivités du Nord. Souvent, il faut se rendre dans un grand centre par la route ou par avion pour obtenir une ordonnance, ce qui augmente le risque d’exposition à la COVID-19, surtout ces dernières semaines, étant donné que le nombre de cas a commencé à augmenter dans le Nord.

Secundo, ces informations contredisent les garanties que la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits m’a données en juin dernier, à savoir que :

Depuis le 19 mars 2020, le Programme des Services de santé non assurés a éliminé les critères d’admissibilité pour de nombreux médicaments qui nécessiteraient normalement une autorisation préalable de son Centre d’exception des médicaments. Cette mesure visait à assurer l’accès aux médicaments nécessaires à un moment où des prescripteurs n’étaient peut-être pas disponibles pour fournir les critères d’admissibilité...

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice Anderson. Il s’agit certes d’un sujet très important, mais nous avons une longue liste de sénateurs qui souhaitent poser des questions. Je demande à tous les sénateurs d’être concis dans leurs observations préliminaires pour qu’il y ait le plus de gens possible qui puissent poser des questions.

La sénatrice Anderson : Je vais passer à ma question.

Sénateur Gold, le plan de continuité des activités du Programme des services de santé non assurés, qui inclut des mesures d’élimination des approbations préalables pour certains médicaments comme les inhalateurs, est-il toujours en place? Dans la négative, pourquoi? Dans l’affirmative, comment ces mesures sont-elles annoncées aux fournisseurs de soins de santé et aux clients du Programme des services de santé non assurés?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Elle est importante.

Je vais simplement me renseigner et vous communiquer les réponses à vos questions. Le gouvernement est bien au fait des lacunes qui persistent malheureusement en ce qui concerne l’accès aux services de santé, non seulement pour les communautés autochtones, mais aussi pour les collectivités éloignées et rurales. Il est déterminé à faire mieux.

La santé

Le vaccin contre la COVID-19

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold.

À la suite des déclarations que le premier ministre a faites, de nombreux Canadiens déplorent que notre pays n’ait aucune grande société pharmaceutique qui pourrait développer un vaccin contre la COVID-19.

John Carrington, qui a pris sa retraite après avoir travaillé 20 ans à l’Université de Windsor, a affirmé que l’ancien gouvernement Harper :

[...] a réduit radicalement le financement des conseils de recherche, qui ont à leur tour accordé des subventions moins nombreuses et moins généreuses pour soutenir les étudiants et les boursiers de troisième cycle qui ont la tête remplie de connaissances et qui sont animés par le désir de faire des découvertes.

Certains ont abandonné une carrière en recherche. D’autres sont allés ailleurs. Puis, les entreprises se sont installées là où il y avait des fonds pour les laboratoires et où les résultats de recherches étaient publiés.

Voilà pourquoi aucun vaccin n’est développé au Canada, quelques années après l’imposition de la « cure » d’austérité.

Son Honneur le Président : Je suis désolé de devoir vous interrompre, sénatrice Galvez. Il semble y avoir des problèmes avec l’interprétation. Les langues semblent être inversées.

On me dit que la situation est réglée. Veuillez continuer.

La sénatrice Galvez : Monsieur le sénateur Gold, comment le gouvernement peut-il assurer aux Canadiens qu’il leur fera traverser la crise économique sans recourir à de telles mesures d’austérité, qui auront des conséquences désastreuses pour la santé publique? Comment peut-il leur assurer un accès durable à tous les éléments matériels qui sont essentiels pour bâtir une société résiliente, notamment des vaccins?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le gouvernement, me dit-on, a consacré plus de 1 million de dollars à la recherche afin que les scientifiques canadiens puissent poursuivre leurs travaux visant à trouver des thérapies, des traitements et un vaccin éventuel contre la COVID-19. Nous avons augmenté les sommes destinées à doter le pays d’une capacité accrue de fabrication et nous collaborerons avec les partenaires étrangers les plus prometteurs.

En ce moment, malheureusement, le Canada n’est pas en mesure de produire des vaccins sur son territoire comme il l’a déjà été. Nous devons nous doter de nouveau de cette capacité. Cependant, je dois ajouter que plus de 300 projets de recherche universitaire sur la COVID-19 ont bénéficié de 180 millions de dollars de financement qui leur ont été remis par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada. Parmi les projets, certains sont sur des vaccins et d’autres visent à limiter les conséquences sanitaires de la vaccination sur les Canadiens.

Le gouvernement fait constamment preuve de sa volonté de favoriser la science et le rôle crucial qu’elle joue dans la vie des Canadiens. En effet, depuis 2016, plus de 10 milliards de dollars ont été consacrés à la science et la recherche.

Cela ne change rien au fait que nous sommes encore loin de la capacité que vous avez mentionnée.

[Français]

La sénatrice Galvez : J’aimerais insister sur ce point. Comme vous le savez, près de 300 coronavirus sont des zoonoses. De ce nombre, plusieurs ont été recensés comme étant potentiellement transmissibles à l’homme. Nous avons donc besoin de mesures concrètes en prévision de la prochaine pandémie et pour éviter de nous retrouver dans la même incapacité de développer et de produire des vaccins au pays.

Le sénateur Gold : Le gouvernement est tout à fait d’accord.

[Traduction]

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je veux aussi poser une question sur les vaccins au représentant du gouvernement au Sénat.

Nous savons que le Conseil national de recherches travaille sur six vaccins candidats, dont l’un d’eux est étudié dans un laboratoire de Calgary, en Alberta, et nous savons aussi que d’autres recherches sont appuyées par le Fonds stratégique pour l’innovation. La bonne nouvelle est que j’ai discuté avec des représentants de l’industrie qui m’ont affirmé qu’un vaccin canadien contre la COVID-19 — ce que je me plais à désigner comme une solution 100 % canadienne — pourrait être prêt à être distribué par millions de doses à l’automne 2021. Évidemment, c’est conditionnel à ce que le gouvernement maintienne son soutien pour les phases cliniques à venir et les étapes subséquentes de la production et de la distribution.

Sénateur Gold, pourriez-vous informer le Sénat sur la stratégie du gouvernement pour soutenir le développement d’un vaccin contre la COVID-19 au Canada et son engagement à financer considérablement une réponse 100 % canadienne?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de me poser la question et de nous avoir fait part de cette bonne nouvelle dans cette enceinte.

Je ne répéterai pas les points que j’ai abordés dans ma réponse à la sénatrice Galvez. Le financement du gouvernement est révélateur en soi, et il est axé sur le développement de solutions 100 % canadiennes, entre autres.

Bien que je ne puisse pas m’engager à l’égard du financement de l’un ou l’autre des projets, les appuis financiers dont j’ai parlé — que le gouvernement s’est engagé à maintenir — ont aidé les entrepreneurs, les scientifiques et les fabricants canadiens à remplir leur rôle pour que nous soyons tous prêts à traverser la crise actuelle ou tout ce que l’avenir nous réserve.

Le sénateur D. Black : Senator Gold, je vous remercie de votre réponse très encourageante.

Rapidement, je voudrais revenir sur la question de l’approvisionnement international en vaccins pour le Canada. Bien sûr, nous savons tous que, de nos jours, tout ce qu’on commande est accompagné d’une date de livraison. Si on commande une pelle à neige, on connaît la date à laquelle celle-ci sera livrée à la porte.

Ainsi, sénateur Gold, le Canada a-t-il oublié d’inclure les dates de livraison dans ses contrats relatifs aux vaccins? Sinon, pouvez-vous nous dire les dates précises de livraison et les quantités de vaccins qui seront livrées en vertu des différents contrats?

Le sénateur Gold : La réponse à votre première question est non, le Canada n’a pas oublié d’inclure des dates dans les contrats. Autant que nous sachions, les contrats signés plus tôt cette année, qui ont placé le Canada dans une position très enviable, en ce qui a trait à la fois au nombre de doses commandées et à la qualité et à l’efficacité des vaccins, comportent des dates approximatives de livraison qui dépendent de nombreux facteurs.

J’ai été informé que le gouvernement poursuit actuellement des discussions avec chacun des fabricants de vaccins qui en sont à l’étape où le vaccin peut être soumis à l’examen d’homologation de Santé Canada. Il négocie les dates de livraison. En ce qui a trait aux dates précises, les négociations sont toujours en cours. Le gouvernement communiquera ces informations à ses partenaires provinciaux et territoriaux ainsi qu’au grand public aussitôt qu’il les aura.

Les services aux Autochtones

L’accès à l’eau potable

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold. Je souhaite revenir sur une question que j’ai posée dans cette enceinte le 30 septembre. J’avais alors dit trouver préoccupant que le gouvernement ne se soit pas engagé, dans le dernier discours du Trône, à éliminer tous les avis à long terme de faire bouillir l’eau concernant les réseaux d’aqueduc dans les réserves des Premières Nations et d’autres communautés autochtones d’ici mars 2021.

(1450)

Quand j’ai demandé si le gouvernement était toujours résolu à atteindre cet objectif à la date fixée, vous m’avez répondu :

[...] on me dit que le gouvernement a pour objectif de mettre un terme à tous les avis d’ébullition d’eau à long terme chez les Premières Nations d’ici mars 2021. Donc, il n’y a aucune tergiversation sur ce point.

Le ministre Miller a confirmé hier que la date d’échéance fixée ne serait pas respectée. Il a été très direct et a déclaré avoir le devoir de mener ce dossier à bien, une observation des plus inhabituelles de la part d’un ministre de quelque parti que ce soit.

Le gouvernement communique-t-il de façon ouverte et transparente avec chacune des communautés au sujet de ce dossier? Sont-elles bien informées de chaque projet, de son avancement et des échéances? Sont-elles consultées?

Je semble avoir posé une cascade de questions, mais j’aimerais savoir, en fait, si les communautés autochtones reçoivent des mises à jour à propos de l’avancement du projet d’eau potable qui les concerne.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci d’avoir posé cette question, sénatrice Cordy, et de nous avoir communiqué les faits importants, quoique navrants, qui s’y rapportent. Le ministre a en effet été d’une franchise totale et il a pris l’entière responsabilité du dossier, même si de nombreux facteurs expliquant pourquoi les objectifs fixés depuis des années et confirmés auprès du Sénat par moi-même ne pourront pas être atteints ne relèvent absolument pas de lui.

Même si tous les avis ne seront pas levés au moment prévu, il y a quand même eu d’énormes progrès. Le gouvernement demeure déterminé à mettre fin à tous les avis permanents de faire bouillir l’eau et à intégrer les Premières Nations à ses démarches. On me dit que chacune des communautés visées par un de ces avis peut compter sur une équipe de projet et un plan d’action et que les autorités locales ont les ressources nécessaires pour répondre aux besoins de la population. Nul besoin de dire que ces besoins varient énormément d’un endroit à l’autre.

Dernièrement, le gouvernement a annoncé 1,5 milliard de dollars d’argent frais. Je pourrais prendre le temps de ventiler le tout, mais si je résume, cet argent servira à poursuivre les travaux visant à lever l’ensemble des avis permanents de faire bouillir l’eau provenant des réseaux publics ainsi qu’à mettre de côté les fonds nécessaires pour assurer l’entretien et le bon fonctionnement à long terme des infrastructures des réserves; 500 millions de dollars supplémentaires seront également consacrés aux projets d’infrastructures dans les réserves.

Jusqu’à présent, le gouvernement a levé 97 avis permanents et empêché que 171 avis temporaires ne se transforment en avis permanents, mais, comme le ministre l’a admis à regret, il reste encore du chemin à faire.

La sénatrice Cordy : Vous avez raison, sénateur Gold. Le gouvernement a bien réussi à faire lever 97 avis de faire bouillir l’eau et il mérite nos félicitations pour ses efforts. Il reste 59 avis encore en vigueur, mais c’est bien vrai, le gouvernement mérite qu’on le félicite. Beaucoup d’avis de faire bouillir l’eau ont pu être levés. Cependant, il reste beaucoup de travail à faire.

La pandémie de COVID-19 touche toutes les facettes de la vie des Canadiens et le ministre a affirmé qu’elle avait aussi eu un effet sur l’achèvement de nombreux projets relatifs à l’eau potable dans les communautés autochtones. La pandémie a-t-elle aussi un effet sur le processus de planification?

J’ai bien écouté le ministre hier. Il a parlé des défis liés à la réalisation des travaux comme tels. La pandémie a-t-elle eu un effet sur le processus de planification ou pouvez-vous nous assurer que les plans sont prêts pour l’ensemble des communautés, ou pour quel nombre de communautés, afin que, au moment de la prochaine étape au printemps, les travaux puissent commencer concrètement sur le terrain?

Le sénateur Gold : Je vous remercie, sénatrice. J’aimerais avoir les réponses et je voudrais pouvoir vous dire qu’il n’y a pas eu de rupture ou de retard dans la planification causés par la pandémie. Je ne connais pas la réponse, mais la vérité, c’est que la pandémie a causé des ralentissements dans plein de secteurs et il est permis de présumer qu’une partie de la planification dans certaines communautés a pu être compromise.

Je n’ai pas de réponse précise à donner. Ce que je sais, c’est que la volonté du gouvernement n’a pas changé et qu’il entend toujours régler ce problème, ce qu’il travaillait déjà à faire. Je sais que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec chacune des communautés à trouver les meilleures solutions et à procéder le plus rapidement possible malgré les circonstances plutôt difficiles. Je vous remercie encore une fois de votre question.

La santé

Le vaccin contre la COVID-19

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le Donnelly Centre for Cellular and Biomolecular Research de l’Université de Toronto a demandé seulement 10 millions de dollars pour produire un traitement aux anticorps qu’il a créé. Le gouvernement fédéral a rejeté sa demande, même s’il a dépensé 175 millions de dollars pour un traitement aux anticorps conçu par la société AbCellera, en collaboration avec la société Eli Lilly, aux États-Unis. Le gouvernement de l’Italie n’a pas hésité à financer le projet de traitement aux anticorps de l’Université de Toronto.

Vous venez de dire quelque chose de très intéressant en réponse à la question de la sénatrice Galvez. Vous avez dit que la capacité de produire un vaccin nous a échappé. Je pense que c’est tout à fait juste.

Pourquoi le gouvernement du Canada n’a-t-il pas voulu appuyer ce projet de traitement contre la COVID-19 entièrement canadien?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénatrice. Je ne connais pas les détails de cette demande en particulier et je ne sais pas exactement à qui elle a été soumise. Le processus de financement de la recherche scientifique ne relève pas des ministres ou du Cabinet. Il y a un processus rigoureux d’évaluation par les pairs à cet égard.

Je ne peux pas répondre à votre question précise, mais je ne vais pas émettre d’hypothèse sur la possibilité que le gouvernement ait rejeté la demande de financement. Je ne sais tout simplement pas quel organisme de financement était responsable du processus, quels sont les critères du programme dans le cadre duquel la demande a été soumise, ni les raisons derrière la décision qui, selon ce que je comprends, a été défavorable au projet de l’université.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, hier, la sénatrice Seidman vous a demandé quel était l’ordre de priorité pour la distribution des vaccins contre la COVID-19. Notre collègue a fait remarquer que le premier ministre et les premiers ministres provinciaux se sont entendus pour que l’ordre de priorité soit uniforme à l’échelle du pays.

Mardi, le premier ministre a déclaré :

[...] il semblait y avoir un consensus, à savoir que nous devrions tous nous entendre sur une certaine liste et nous assurer de l’appliquer équitablement à l’échelle du pays.

Pourtant, vous avez dit aux honorables sénateurs hier qu’il incombait aux provinces et aux territoires de décider dans quel ordre leurs habitants seront vaccinés. Monsieur le leader, qui a raison : vous ou le premier ministre?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour votre question. Au risque de me montrer prétentieux, je répondrai à la manière du roi Salomon : je crois que nous avons tous les deux raison. Il y a de la sagesse là-dedans, sénatrice.

En réalité, bien qu’il serait souhaitable d’assurer une certaine uniformité et de rassurer les Canadiens qui ne passent pas leur temps, comme je l’ai fait dans une vie antérieure, à se soucier des relations fédérales-provinciales, il demeure qu’il s’agit d’une compétence constitutionnelle qui appartient aux provinces.

Nous sommes tous dans le même bateau face à la pandémie et nous souhaitons que les mêmes règles s’appliquent à tout le monde. C’est pourquoi le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux collaborent à l’établissement de normes uniformes.

Le premier ministre a raison d’affirmer que cela est souhaitable, mais je crois également avoir raison de rappeler qu’en fin de compte, les provinces exercent un pouvoir souverain en la matière.

L’agriculture et l’agroalimentaire

Agri-stabilité

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’espère que les pompiers seront considérés comme des premiers intervenants puisqu’ils sont souvent les premiers sur les lieux.

Ma question, monsieur le leader, porte sur les producteurs de bœuf et de porc de ma province, la Colombie-Britannique. J’ai toujours été une fille de la ville. Cependant, après avoir rencontré des représentants de l’association des éleveurs de bovins de la Colombie-Britannique et avoir pris connaissance des difficultés qu’ils doivent surmonter quotidiennement, je dois dire que j’admire vraiment leur courage et leur résilience. Je leur sais gré de leur travail.

Sénateur Gold, comme vous pouvez l’imaginer, la COVID-19 a rendu encore plus instable un marché qui l’était déjà à cause des risques habituels comme les conditions météorologiques, ce qui aura une incidence sur la production et les coûts. Bien sûr, il existe des différends commerciaux, ce qui peut nuire à nombreux producteurs de bœuf. À l’heure actuelle, le seuil déclencheur pour accéder à un paiement du programme de gestion des risques de l’entreprise Agri-stabilité est fixé à 70 % de la marge de référence.

Monsieur le leader, l’association canadienne des éleveurs de bovins a bien accueilli la proposition faite la semaine dernière par la ministre Bibeau, qui suggère d’augmenter le taux d’indemnisation, le faisant passer à 80 %. Cependant, ses représentants ont aussi dit qu’ils continueraient à réclamer la modification du seuil et la suppression des plafonds de paiement.

(1500)

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le gouvernement a choisi de ne pas aborder la question du seuil de déclenchement d’un paiement? La ministre Bibeau a affirmé qu’elle était toujours ouverte à la possibilité d’apporter d’autres changements au programme. Celui-ci est-il envisageable?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je suis moi aussi un gars de la ville.

La vérité, comme le souligne le changement que vous avez annoncé, c’est que le gouvernement libéral et la ministre Bibeau en particulier font preuve d’ouverture et démontrent leur volonté de collaborer avec les différents intervenants. Le gouvernement demeure certainement résolu à écouter les intervenants pour voir de quelle façon les programmes existants peuvent être améliorés.

Je ne pourrais pas vous dire pourquoi le gouvernement n’est pas allé plus loin dans sa démarche pour répondre à la demande de l’association des éleveurs de bovins, mais il continue de travailler avec eux pour trouver des solutions à leurs problèmes.

Son Honneur le Président : Je suis désolée, madame la sénatrice Martin, mais il ne vous reste que 10 secondes. Vous n’aurez donc pas le temps de poser une question ou de répondre à une question. La période des questions est terminée.

La sénatrice Martin : J’invoque le Règlement. J’aimerais obtenir une précision. Le temps limité qui est alloué à la période des questions est-il ajusté lorsque nous subissons des interruptions, des difficultés techniques ou des interventions de la présidence? J’ai l’impression que la période des questions était beaucoup plus courte aujourd’hui, voilà tout.

Son Honneur le Président : En général, nous essayons de prolonger la période pour tenir compte des interruptions, sénatrice Martin. Nous surveillerons cela de plus près. Le Bureau m’avise toujours lorsque le temps est écoulé et sait que les interruptions doivent être compensées par une prolongation.

Réponses différées à des questions orales

(Le texte des réponses différées figure en annexe, p. L’équipe du Centre des publications va insérer le numéro de page.)


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia propose que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole à titre de parrain au Sénat du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière.

Chers collègues, le projet de loi porte sur deux aspects fondamentaux de l’industrie pétrolière extracôtière du Canada : la grande importance de ce secteur et de ses travailleurs pour l’économie canadienne, particulièrement dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que dans les autres provinces de l’Atlantique, de même que l’importance primordiale de la sécurité dans l’extraction de nos ressources dans les eaux glaciales de l’Atlantique Nord. Les gouvernements et les organismes de réglementation doivent continuer de faire tout en leur pouvoir pour protéger la santé et la sécurité de nos travailleurs extracôtiers.

Chers collègues, permettez-moi de prendre un instant pour rendre hommage à un Canadien remarquable qui a joué un rôle de premier plan dans la création du régime de santé et sécurité de calibre mondial découlant de ce processus législatif.

L’honorable Robert Wells, c.r., décédé il y a quelques semaines, a mené une vie extraordinaire. C’était un véritable gentleman. Boursier Rhodes diplômé d’Oxford, il a consacré toute sa vie au service de sa bien-aimée province, Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi que de son pays. Robert Wells a été procureur de la Couronne, président national de l’Association du Barreau canadien et, pendant 22 ans, juge de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le juge Wells tirait une grande fierté de sa famille, dont un des membres siège au sein de cette institution. Je sais que je parle pour tous les sénateurs en exprimant nos sincères condoléances à notre cher collègue, le sénateur David Wells.

Je rends hommage au regretté Robert Wells pour l’influence considérable qu’il a exercée sur la façon dont nous assurons aujourd’hui la sécurité de nos travailleurs extracôtiers. Il s’agit d’un récit qui débute par une tragédie. Le 12 mars 2009, un hélicoptère Cougar, le vol 491, qui transportait des travailleurs de St. John’s vers une plateforme de forage pétrolier extracôtier, s’est écrasé dans l’Atlantique Nord. Des 18 personnes à son bord, une seule a survécu.

Lorsque cette nouvelle dévastatrice s’est répandue, elle a déclenché des souvenirs douloureux d’une catastrophe en mer de plus grande ampleur dans ma province, le naufrage de l’Ocean Ranger en 1982, qui a fait 84 morts. Je tiens à prendre un moment pour rendre hommage aux victimes et aux familles qui ont été touchées par ces tragédies.

Après la tragédie de 2009, l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers a créé la Commission d’enquête sur la sécurité des hélicoptères extracôtiers, chargée d’enquêter sur l’incident et de formuler des recommandations en matière de sécurité. Le juge Wells a été chargé de diriger l’enquête. Il a réalisé un travail extraordinaire.

La grande majorité de ses recommandations ont été intégrées au projet de loi C-5, Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, qui est au cœur du débat d’aujourd’hui. Grâce à la diligence du gouvernement conservateur et du parrain du projet de loi C-5 au Sénat — il s’agissait à l’époque du sénateur David Wells —, ce projet de loi a été adopté en 2014.

La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière a modifié les deux lois de mise en œuvre et a établi un nouveau régime de santé et de sécurité au travail dans les zones extracôtières de l’Atlantique canadien. Le régime a pour objet la prévention des accidents et des maladies liés à l’occupation d’un emploi dans le secteur de l’exploitation pétrolière extracôtière. La loi a précisé les rôles et les responsabilités en matière de santé et de sécurité du gouvernement du Canada, des deux gouvernements provinciaux et des deux organismes chargés de réglementer la prospection sous-marine et l’exploitation extracôtière, soit l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers et l’Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

La loi a également défini en détail les tâches précises auxquelles on s’attend de la part de toutes les parties concernées : les exploitants, les employeurs, les superviseurs, les employés, les entrepreneurs et les titulaires d’intérêts.

Elle a accordé de vastes pouvoirs aux agents des offices des hydrocarbures extracôtiers dans le but d’accroître la sécurité. Elle a également établi un nouveau mécanisme d’appel pour les cas les plus graves. Dans certains cas particuliers, ce mécanisme permettrait au ministre provincial de nommer un agent spécial pour aider à résoudre un cas litigieux. La loi a donné des pouvoirs d’exécution modernes aux nouveaux agents de santé et de sécurité au travail et aux agents responsables de la sécurité des opérations existants.

Bien que la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière ait une large portée, elle contribue grandement à protéger la santé et la sécurité des travailleurs extracôtiers.

Le projet de loi à l’étude aujourd’hui, le projet de loi S-3, a une portée limitée et un objectif simple. Lorsque la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière a été promulguée, en 2014, le gouvernement a mis en place de rigoureux règlements transitoires au titre des lois de mise en œuvre pendant que l’on élaborait le règlement permanent. Ces règlements transitoires doivent arriver à échéance ce 31 décembre.

Le projet de loi S-3 vise simplement à prolonger jusqu’au 31 décembre 2022 la période où les règlements transitoires demeureront en vigueur. Cela donnera au Canada, à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador le temps nécessaire pour terminer l’élaboration du nouveau règlement moderne, que l’on adaptera aux conditions de travail propres aux zones extracôtières en menant des efforts de consultation et de collaboration adéquats. Le règlement permanent en cours d’élaboration remplacera les règlements transitoires par un seul règlement complet en matière de santé et de sécurité au travail.

Vous pourriez vous demander pourquoi la conception d’un règlement permanent en matière de santé et de sécurité au travail prend autant de temps. C’est que le règlement, très complexe, comprend près de 300 pages et plus de 100 normes nationales et internationales incorporées par renvoi. Il est conçu pour respecter le cadre de gestion conjointe qui s’applique aux zones extracôtières de l’Atlantique. Le règlement doit donc être examiné et approuvé par le Canada, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, un processus qui peut prendre beaucoup de temps.

Il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs, y compris les vastes efforts de consultation et de mobilisation auprès des intervenants, les priorités concurrentes sur le plan de la formulation, et plus récemment, les nouvelles difficultés imposées par la COVID-19.

(1510)

Le ministère des Ressources naturelles a établi un échéancier détaillé avec le ministère de la Justice et les partenaires provinciaux. Nous avons bon espoir que le travail restant pourra être accompli au cours des deux années additionnelles que prévoit le projet de loi. Je suis conscient que la date d’expiration, le 31 décembre 2020, approche à grands pas.

L’article 3 du projet de loi S-3 prévoit que la prolongation des règlements transitoires s’appliquera rétroactivement au 1er janvier 2021. Cela assurera la continuité des exigences réglementaires, même si le projet de loi est adopté après la date d’expiration, en plus de fournir entretemps des assurances et une certitude fort nécessaires aux travailleurs et au personnel extracôtiers.

En 2014, le secteur extracôtier du Canada atlantique était en plein essor et contribuait à la prospérité. De nos jours, plusieurs crises l’ébranlent : la récession mondiale suscitée par la pandémie, les répercussions des guerres des prix à l’échelle mondiale et les efforts en faveur de la lutte contre les changements climatiques. Ce sont là des problèmes considérables. L’industrie a eu un impact économique profond à Terre-Neuve-et-Labrador. Ma province produit le quart du pétrole brut léger classique du Canada et 8 % de tout le pétrole brut. L’industrie maintient des milliers d’emplois et, depuis 1997, a généré plus de 22 milliards de dollars en redevances pour le gouvernement provincial. On lui doit près de 30 % du PIB de la province.

L’industrie extracôtière de l’Atlantique est assujettie à des règles environnementales strictes et elle fabrique certains des produits pétroliers qui émettent le moins d’émissions au monde. Toutefois, l’exploration et l’exploitation pétrolières extracôtières sont très complexes et risquées. Les lieux de travail sont situés à plus de 500 kilomètres des côtes et de la salle d’urgence la plus proche. Il faut d’emblée exercer une extrême vigilance pour prévenir les accidents, mais il faut également être capable de répondre à toutes les urgences susceptibles de se déclarer, étant donné que les secours pourraient mettre des heures, voire des jours à arriver, selon les conditions météorologiques.

Nous pouvons manifester notre soutien à l’industrie extracôtière et à ses travailleurs en appuyant le projet de loi S-3, qui donnera aux gouvernements du Canada, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador le temps nécessaire pour gérer les complexités techniques et la quantité phénoménale de règlements liés à la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière. Ce délai facilitera l’achèvement officiel du nouveau régime de santé et de sécurité au travail dans la zone extracôtière de l’Atlantique du Canada, régime qui permettra de prévenir les accidents et les blessures liés à l’emploi dans l’industrie pétrolière extracôtière.

Les grands principes du régime sont notamment : les droits des employés, dont le droit de refuser un travail dangereux sans crainte de représailles; une culture qui reconnaît des responsabilités partagées en matière de santé et de sécurité en milieu de travail; des règlements applicables de façon générale aux activités pétrolières extracôtières, notamment le transport des travailleurs; et un régime réglementaire efficace fondé sur des lois provinciales et fédérales semblables ainsi qu’une cohérence entre les administrations.

Honorables sénateurs, je crois que nous pouvons tous être fiers du rôle que nous avons joué dans l’élaboration d’un cadre de santé et de sécurité au travail contraignant qui ne comporte aucune ambiguïté attribuable à d’éventuels conflits de compétences et qui accorde la priorité bien-être des travailleurs extracôtiers. J’exhorte tous les sénateurs à appuyer le projet de loi S-3. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur les juges
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir d’amorcer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel. Je ne sais pas pourquoi on m’a choisi, d’ailleurs.

Permettez-moi d’abord de vous relater l’historique de ce projet de loi, avant d’en faire l’analyse.

Ce projet de loi a été présenté en 2017 à la suite de l’initiative de l’honorable Rona Ambrose alors qu’elle était chef intérimaire du Parti conservateur du Canada à la Chambre des communes. Pour elle, il s’agissait d’une façon de rebâtir la confiance des victimes d’infractions de nature sexuelle — surtout des femmes — envers le système de justice canadien, car cette confiance avait été fragilisée par des commentaires inacceptables de la part de certains juges dans des affaires qui ont été largement médiatisées par la suite.

Lorsque je parle de « commentaires inacceptables », je fais référence à des commentaires qui dénotent des stéréotypes, des préjugés ou une mauvaise compréhension de l’état du droit en matière d’infractions de nature sexuelle.

[Traduction]

Voici quelques-uns de ces mythes et stéréotypes fâcheux : penser qu’une femme qui choisit de rentrer chez elle avec un homme ou d’aller chez lui consent du même coup à des activités sexuelles; qu’une femme à la tenue provocante ou au ton séducteur est ouverte à des activités sexuelles, même quand elle dit non; qu’une femme qui ne résiste pas consent; que des femmes crient au viol après une relation sexuelle consensuelle qu’elles regrettent; et qu’une femme qui a consenti une fois consent du même coup à des activités sexuelles subséquentes.

Avant 1983, année où le Canada a revu en profondeur ses lois sur les infractions sexuelles, ces mythes n’étaient pas seulement présents dans les tribunaux du Canada : ils servaient à façonner les lois encadrant les infractions sexuelles et constituaient même, dans certains cas, des règles de droit. À titre d’exemple, une femme devait dénoncer à grands cris une agression sexuelle alléguée, immédiatement après l’événement, pour qu’on puisse la croire; une allégation d’agression sexuelle faite par une femme devait être corroborée pour être crédible; et on considérait qu’une femme sexuellement active était plus susceptible d’avoir consenti à des activités sexuelles, même si elle ne les avait pas recherchées. À l’entrée en vigueur des articles 274, 275 et 277 du Code criminel, en 1983, il a fallu abroger toutes ces règles. Elles n’ont toutefois pas été automatiquement effacées du cerveau de tous les conseillers juridiques, les policiers ou même les juges du pays.

Les modifications de 1983, de même que les réformes mises en œuvre dans les années 1990 et récemment, en 2018, dans l’ancien projet de loi C-51, ont été faites en réaction à bon nombre de mythes et de stéréotypes durables. Dans le domaine des agressions sexuelles, le Canada a désormais un modèle fondé sur le consentement explicite, une approche respectée dans le monde entier et reconnue comme l’une des meilleures façons de composer avec ce genre de crime. La plupart des Canadiens devraient maintenant savoir que « non » veut toujours dire « non », et qu’une absence de consentement veut toujours dire « non ».

(1520)

Le projet de loi C-51 a également clarifié que le consentement à une activité sexuelle obtenu d’avance n’était pas valide et que le consentement devait être continu et réitéré pendant toute l’activité sexuelle. Une activité sexuelle ne peut être entreprise et poursuivie avec une personne momentanément inconsciente ou inapte à donner son consentement pour quelque raison que ce soit.

Enfin, le projet de loi C-51 consolide les règles de procédure qui protègent les victimes de crimes sexuels contre l’utilisation de certains éléments de preuve destinés à miner leur crédibilité, comme des questions au sujet de leurs partenaires sexuels ou de leurs activités sexuelles antérieures.

Or, malgré un cadre juridique serré et des orientations claires données de temps à autre par la Cour suprême du Canada, les mêmes mythes et stéréotypes continuent d’influencer les décisions des tribunaux.

[Français]

Il faut ajouter que les victimes ne trouvent pas toujours une oreille attentive dans les postes de police où les allégations d’agressions sexuelles doivent être rapportées. Dans l’Enquête sociale générale de 2014 sur la victimisation criminelle au Canada menée par Statistique Canada, les victimes d’agressions sexuelles ont fait état d’un niveau de confiance plus faible à l’endroit de la police que la population en général.

À cela, il faut ajouter un système de justice qui semble lent et complexe et où, selon certains, les accusés sont mieux traités que les victimes. Les victimes se plaignent aussi du manque d’accompagnement dans le processus.

Enfin, en matière d’infractions à caractère sexuel, dans la majorité des cas, il n’y a pas de témoins et l’issue du processus judiciaire repose souvent sur l’évaluation de la crédibilité de la personne qui a porté plainte. Cela peut être perçu comme le procès de la victime plutôt que celui de l’accusé qui, lui, a droit au silence, et comme une forme de « revictimisation » de la personne qui a porté plainte.

Ce mélange de faits et de perceptions à l’égard du système de justice dissuade sans doute plusieurs victimes de faire appel à la police et aux tribunaux.

Toujours selon l’Enquête sociale générale de 2014, seulement 5 % des agressions sexuelles sont dénoncées à la police. Les raisons les plus fréquemment citées pour ne pas signaler une agression sexuelle sont notamment la peur de ne pas être cru, la honte, l’embarras, l’ignorance de la possibilité de porter plainte et l’absence de soutien familial.

Cela explique d’ailleurs en partie le phénomène #MeToo — #MoiAussi —, sur les réseaux sociaux, où l’on peut dénoncer généralement sans risque l’auteur d’une agression. Cette forme de justice populaire n’offre cependant aucune garantie pour ce qui est de la recherche de la vérité, puisqu’elle n’est pas assujettie à l’épreuve des faits. C’est dans ce contexte que le projet de loi Ambrose a été présenté à l’autre endroit. À l’étape de l’étude en comité, le Comité permanent de la condition féminine a proposé quelques modifications, dont la plus importante fut l’ajout du contexte social comme élément qui devrait faire partie de la formation offerte aux juges, en plus d’une formation en matière d’infractions à caractère sexuel. En mai 2017, le projet a été adopté unanimement à l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes. Tous les partis politiques y voyaient un moyen d’éviter certains dérapages lors des procès. Les commentaires des députés montraient cependant qu’elles et ils étaient bien conscients que le projet de loi Ambrose n’était qu’une étape, certes importante, mais pas suffisante pour encourager les victimes.

Lorsque le projet de loi Ambrose est arrivé au Sénat le 16 mai 2017, il n’a pas pu profiter de l’ordre de priorité et des avantages procéduraux réservés aux projets de loi émanant du gouvernement. Il a donc progressé lentement à l’étape de la deuxième lecture, étape qui a duré un an. Les débats de l’époque révèlent que des sénateurs, dont plusieurs ne sont plus avec nous aujourd’hui, se sont inquiétés de divers aspects du projet de loi qu’ils considéraient comme excessifs ou contraires au principe de l’indépendance institutionnelle des tribunaux.

[Traduction]

Au Canada, nous avons l’immense chance d’avoir une magistrature robuste et indépendante. Véritable pilier constitutionnel qui sous-tend la démocratie canadienne, l’indépendance judiciaire signifie que les juges doivent avoir la liberté de prendre des décisions en fonction du bien-fondé de chaque affaire et que les tribunaux sont libres de mener leurs travaux sans ingérence extérieure. Les juges doivent être affranchis de toute ingérence ou influence.

Autre point pertinent dans la discussion d’aujourd’hui, l’indépendance judiciaire implique que la magistrature ait le plein contrôle quant à la gestion de ses affaires, ce qui comprend la formation des juges et l’imposition de mesures disciplinaires à leur endroit.

[Français]

Le projet de loi a finalement été renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles le 31 mai 2018, où il a dû patienter pas moins de 12 mois avant d’être enfin étudié par le comité, qui a entendu de nombreux témoins, dont l’honorable Rona Ambrose, de même que des représentants de l’Institut national de la magistrature et d’institutions d’enseignement universitaires. Grâce aux efforts de collaboration de plusieurs, y compris la marraine du projet de loi, l’ancienne sénatrice Andreychuk, et les anciens sénateurs Joyal et Pratte, les membres du comité ont convenu unanimement d’apporter des amendements au préambule et au contenu du projet de loi.

Malheureusement, malgré de nombreux efforts, je n’ai pas réussi à obtenir la troisième lecture du projet de loi avant la fin de la législature précédente, en juin 2019.

L’appui des députées et députés à l’égard du projet de loi n’a cependant pas disparu avec l’élection, et les partis politiques ont promis de revenir à la charge après l’élection.

Le 5 février 2020, le ministre de la Justice, l’honorable David Lametti, a déposé aux Communes un projet de loi émanant cette fois-ci du gouvernement, qui reprend le projet de loi Ambrose tel qu’il a été amendé par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.

Ce projet de loi s’est rendu rapidement au Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, qui a entendu des représentants de la magistrature, des barreaux et d’organismes qui donnent du soutien aux survivantes d’agressions sexuelles. Puis, la pandémie a frappé et a interrompu les travaux du comité avant qu’il puisse faire rapport, et la prorogation a suivi en août 2020. Voilà la fin de la deuxième tentative.

Le 25 septembre 2020, le ministre Lametti a présenté de nouveau le projet de loi. Ce troisième essai donnera lieu à une courte étude en comité parlementaire, sans autres témoins que ceux qui ont été entendus durant la session précédente et dont les témoignages ont été versés à nouveau devant le comité. Ce nouveau comité a fait quelques changements, dont le plus important est de préciser que le « contexte social » inclut le racisme systémique et la discrimination systémique.

Le projet de loi C-3 a été adopté encore une fois à l’unanimité à la Chambre des communes et se retrouve maintenant au Sénat.

Honorables sénateurs, voilà qui conclut l’historique du projet de loi qui vous est présenté.

[Traduction]

Je vais maintenant aborder le contenu du projet de loi.

Le projet de loi de Rona Ambrose prévoyait que tout candidat à une nomination, par le fédéral, à un poste au sein d’une cour supérieure provinciale doit avoir suivi une formation à jour et complète sur le droit et le contexte social relatifs aux agressions sexuelles avant sa nomination. Autrement dit, il fallait remplir cette exigence avant de poser sa candidature, ce qui impliquait la possibilité de suivre les formations requises auprès des barreaux ou d’autres organismes et la capacité du commissaire à la magistrature fédérale de confirmer l’achèvement des formations en question.

[Français]

De plus, il créait diverses obligations pour le Conseil canadien de la magistrature, une entité créée par la Loi sur les juges qui est composée des juges en chef et des juges en chef adjoints des cours supérieures du Canada et des cours d’appel du Canada, y compris les cours fédérales, dont les opérations sont financées par le Parlement, qui distribue pas moins de 30 millions de dollars par année au conseil pour son fonctionnement.

Parmi ces obligations, il y avait notamment celle-ci : le conseil devait faire rapport annuellement sur le nombre de dossiers d’agressions sexuelles dont avaient été saisis les juges dans tout le pays qui n’avaient jamais participé à une formation dans cette matière. Cela constituait une forme claire d’ingérence dans la gestion des tribunaux.

Enfin, le projet de loi Ambrose imposait au conseil le contenu de la formation à donner aux juges, y compris les groupes qui devaient participer obligatoirement à l’élaboration du contenu des cours.

(1530)

[Traduction]

Tous ces éléments étaient excessifs et compromettaient l’indépendance du pouvoir judiciaire. Heureusement, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s’est penché là-dessus. Cela dit, tout comme le projet de loi de Rona Ambrose, le projet de loi C-3 vise l’objectif fondamental qui consiste à s’assurer que les victimes d’agressions sexuelles puissent faire confiance au système de justice pénale et que les décisions rendues dans les procès pour agression sexuelle le soient conformément à la loi et aux faits, sans céder, consciemment ou non, aux stéréotypes, aux mythes et aux préjugés.

Ainsi, le projet de loi modifiera le Code criminel afin d’obliger les juges à motiver leurs décisions lors des procès pour agression sexuelle, que ce soit un acquittement, une déclaration de culpabilité, une libération après avoir été reconnu coupable, une déclaration de non-responsabilité criminelle en raison de troubles mentaux ou une déclaration d’inaptitude à subir un procès. Cette exigence permettra au plaignant, à l’accusé, aux plaideurs, aux médias et aux cours d’appel de comprendre pleinement le raisonnement du juge qui a rendu la décision, notamment les motifs qui l’ont conduit à la conclusion à laquelle il est parvenu. De cette façon, on s’assure qu’il s’agit non seulement d’une décision fondée, mais aussi qu’elle n’a pas été influencée par des préjugés, des stéréotypes et des mythes.

Le devoir de transparence est important pour maintenir la confiance de la population dans le système judiciaire. Toutefois, j’ajouterais que le devoir de motiver les décisions réduit le risque d’erreur et la probabilité d’un appel et d’un nouveau procès, ce qui obligerait le plaignant à témoigner de nouveau et à revivre des événements traumatisants.

En résumé, lorsque les Canadiens s’adressent à nos tribunaux, ils doivent avoir l’assurance qu’ils seront traités avec dignité, respect et compréhension. Les survivants d’agression sexuelle doivent avoir confiance que les faits seront examinés sans préjugés, qu’ils ne seront pas analysés à travers le prisme des stéréotypes. Ils doivent savoir que la loi dans ce domaine sera appliquée adéquatement, et qu’ils auront accès aux raisons des décisions prises dans leur cas. C’est ce que permettront d’obtenir les modifications apportées au Code criminel par l’entremise du projet de loi C-3, des modifications qui s’appliqueront à tous les juges nommés par les provinces ou par le gouvernement fédéral, et ce, dans l’ensemble du pays. De telles modifications vont renforcer la confiance dans notre système judiciaire, accroître la transparence et rendre nos tribunaux plus réceptifs et plus ouverts à tous les Canadiens.

[Français]

Nous devons aussi aider les tribunaux à faire les choses correctement du premier coup. Il est clair qu’adopter des amendements au Code criminel ne suffit pas. Nous devons nous assurer que les juges, les avocats et les policiers les comprennent bien, tout comme ils comprennent bien le droit relatif aux agressions sexuelles, les conséquences des infractions sexuelles sur les victimes et le contexte social dans lequel ces infractions se produisent.

C’est pourquoi le projet de loi propose aussi de fournir la meilleure formation possible aux juges nommés par le gouvernement fédéral. À cet effet, le projet de loi modifie la Loi sur les juges, une loi régissant le processus de nomination des juges des cours supérieures provinciales, la rémunération et les autres avantages de tous les juges nommés par le gouvernement fédéral, leur formation et leur discipline.

[Traduction]

Le projet de loi prévoit modifier la Loi modifiant la Loi sur les juges afin de limiter les conditions de nomination des juges aux cours supérieures provinciales aux candidats qui acceptent de participer, si elles sont nommées, à une formation sur le droit et le contexte relatifs aux agressions sexuelles. Cette mesure fera en sorte qu’un juge qui vient d’être nommé à une cour supérieure provinciale puisse entamer sa carrière judiciaire avec cette formation essentielle.

[Français]

Ensuite, le projet de loi invite le Conseil canadien de la magistrature à constituer des formations portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles, après avoir fait des consultations auprès des personnes, groupes ou organismes que le conseil estime indiqués, comme les personnes ayant survécu à une agression sexuelle, ainsi que les groupes et organismes qui les appuient, puis à offrir ces cours à tous les juges, les nouveaux comme ceux qui sont déjà en poste.

Il faut souligner que le conseil conçoit en pratique ces cours avec l’aide de l’Institut national de la magistrature, un organisme indépendant, sans but lucratif et dirigé par des juges, qui est le principal fournisseur de la formation destinée aux juges du Canada. Grâce au dévouement et aux efforts du conseil et de l’Institut national de la magistrature, le Canada est un des chefs de file mondiaux dans la formation des juges.

[Traduction]

Le projet de loi C-3 est axé sur deux aspects particuliers de la formation des juges : la formation portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et la formation portant sur le contexte social, y compris le racisme et la discrimination systémiques.

Comme je l’ai dit tout à l’heure en parlant du contexte législatif du projet de loi, la loi relative aux infractions sexuelles a été souvent modifiée depuis 1983. Diverses modifications ont été apportées en vue de protéger les plaignants contre les règles et les pratiques discriminatoires et injustes en éliminant les questions intrusives et non pertinentes, en limitant les recherches dans les dossiers médicaux et autres des plaignants, en définissant le consentement et ainsi de suite.

Malheureusement, ces modifications ont rendu certaines des dispositions du Code criminel plus longues et plus complexes, ce qui augmente le risque d’erreurs de la part des avocats et des juges. Pour réduire le risque d’erreur de droit, le projet de loi invite le Conseil canadien de la magistrature à dispenser davantage de formation sur les lois relatives aux infractions sexuelles et invite les juges à se prévaloir de ces cours. Chaque année, environ 6 millions de dollars sur les 30 millions de dollars fournis au conseil par les contribuables sont consacrés à la formation des juges.

Pour ce qui est du contexte social, toute personne existe dans un tel contexte composé de divers facteurs qui se recoupent et influencent les expériences d’une personne, sa réalité et sa perception de l’univers. Cela inclut la pauvreté, l’identité sexuelle, les handicaps ou les antécédents de mauvais traitements, par exemple à l’égard des Autochtones. La formation sur le contexte social aborde tous ces enjeux, individuellement et collectivement. Elle vise à sensibiliser les juges et à leur inculquer les compétences nécessaires pour qu’ils s’assurent que toutes les personnes sont traitées avec dignité et respect et, surtout, qu’elles sont traitées également par les tribunaux.

Le racisme et la discrimination systémiques peuvent empêcher une personne d’avoir accès à un emploi, à des logements sociaux, à des possibilités économiques et à des services publics, comme des soins de santé et des services de justice. Pour bien des personnes, en particulier les Autochtones et les Canadiens noirs et racialisés, le racisme et la discrimination systémiques font partie de leur expérience du système de justice et dans bien d’autres domaines, comme il a été souligné en juin dernier durant notre débat d’urgence sur le racisme systémique.

Le Canada dispose d’un solide cadre juridique et stratégique pour lutter contre le racisme et la discrimination systémiques. Ce cadre comprend notamment la Charte canadienne des droits et libertés, les chartes et les codes fédéraux et provinciaux des droits de la personne, le Code criminel, la Loi sur le multiculturalisme canadien et d’autres mesures législatives de la sorte. Par exemple, l’article 15 de la Charte affirme que la discrimination est interdite par tous les ordres de gouvernement. La Loi sur le multiculturalisme canadien reconnaît et encourage la diversité culturelle, raciale et religieuse de la société canadienne et elle reconnaît que tous les membres de la société canadienne sont libres de préserver, de renforcer et de partager leur patrimoine culturel et religieux. Le Code criminel oblige les juges, aux fins de la détermination de la peine, à se demander si l’infraction commise était motivée par des préjugés ou par de la haine.

Ce sont là des outils fort utiles pour mettre fin au racisme et à la discrimination systémiques. Toutefois, j’en conviens, pour que ces outils soient efficaces, ils doivent être bien compris et appliqués par un système de justice qui tient compte du contexte social, notamment le contexte social du juge, et qui est sensible aux expériences de chaque personne qui interagit avec les tribunaux.

(1540)

Parmi l’arsenal d’outils visant à remédier à ces problèmes, il y a la formation prévue dans le projet de loi C-3 que les juges doivent suivre et qui porte sur les questions liées au contexte social. L’inclusion du racisme et de la discrimination systémiques dans la définition du contexte social vise à souligner toute l’importance qu’accorde le Parlement à la reconnaissance et à l’élimination de leurs conséquences pernicieuses et destructrices.

Il peut être stressant et intimidant de se présenter devant les tribunaux. Lorsque les Canadiens s’adressent à la magistrature, ils ne devraient donc pas subir en plus le stress de déboulonner les mythes et stéréotypes négatifs. Ils ne devraient pas non plus se trouver face à un système insensible au contexte social qui les entoure, y compris aux conséquences du racisme et de la discrimination systémiques sur leur existence. La formation sur le contexte social permettra aux juges d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour garantir la mise en place d’un système de justice sensible, respectueux et inclusif pour tous.

La formation sur le contexte social s’avérera utile lors des interactions dans l’enceinte judiciaire, mais aussi lors de la prise de décisions judiciaires. En effet, les préjugés, les mythes et les stéréotypes personnels ou sociétaux n’ont pas du tout leur place dans le processus décisionnel judiciaire. La formation sur le contexte social viendra bonifier l’éventail de connaissances et d’outils déjà à la disposition des juges qui est nécessaire pour garantir la prise de décisions exemptes de ces considérations déplacées.

Au cours de leur carrière à la magistrature, les juges interagissent avec des personnes qui témoignent de la richesse de la diversité canadienne. La formation sur le contexte social offre aux juges les compétences, les connaissances et la sensibilité requises pour veiller à ce que la diversité soit valorisée et prise en compte dans les salles d’audience. Cette formation obligatoire, prévue dans le projet de loi C-3, donnera l’assurance aux Canadiens que les juges des cours supérieures nouvellement nommés et ceux qui exercent ces fonctions depuis longtemps disposent de la formation et des outils nécessaires pour accomplir leur important travail.

[Français]

Certains sont préoccupés par le fait d’apporter des amendements à la Loi sur les juges en lien avec cette formation judiciaire. À mon avis, ils ont tort. Le projet de loi C-3, tel qu’il est désormais rédigé, respecte pleinement l’indépendance de la magistrature. Il est soigneusement conçu de façon à établir un équilibre entre la nécessité d’accroître la confiance du public à l’endroit de notre système de justice et le besoin de permettre à la magistrature de conserver le contrôle de la formation des juges.

L’obligation imposée aux candidats à la magistrature ne vise pas les juges en exercice. Elle constitue plutôt une condition d’emploi de plus pour le poste convoité qui vise à permettre au titulaire du poste de mieux servir les justiciables canadiens.

Quant à l’invitation au Conseil de la magistrature de s’assurer que de la formation est offerte à tous les juges, elle ne constitue pas une nouveauté. En effet, la magistrature a compris depuis fort longtemps que la formation continue est un outil à privilégier. La fonction de magistrat requiert non seulement une bonne formation, une capacité d’écoute et d’empathie, mais aussi, comme pour toutes les autres professions, le devoir de se tenir à jour et de se perfectionner.

Dans le document intitulé Principes de déontologie judiciaire, qui a été adopté par le Conseil canadien de la magistrature à l’intention des juges de nomination fédérale, il est mentionné ce qui suit, et je cite :

Le constant souci d’accroître les connaissances, les compétences et les aptitudes nécessaires pour bien juger constitue un des aspects importants de la diligence. Cette obligation suppose que les juges participent à des programmes de formation permanente et qu’ils poursuivent des études personnelles.

Dans ce document, on parle aussi de l’obligation suivante des juges :

[...] tout mettre en œuvre pour identifier [les attitudes fondées sur les stéréotypes, les mythes ou les préjugés], y être sensibles et les corriger.

Donc, le Parlement ne fait que soutenir l’effort du Conseil de la magistrature et l’incite à continuer dans cette voie.

Cela amène certains à dire qu’il n’est pas nécessaire d’en traiter dans la loi, puisque cela fait déjà partie de la réalité des juges. Cependant, je vous le dis, qu’y a-t-il de mal à ce que le Parlement, qui autorise le financement de la formation des juges, souligne au Conseil de la magistrature et à l’ensemble des juges l’importance de cette question pour l’ensemble des Canadiens?

En réalité, le Parlement a autant d’intérêt que le Conseil de la magistrature à encourager la formation continue des juges afin de maintenir, voire d’augmenter la confiance des justiciables envers nos tribunaux, des éléments importants de notre système de gouvernance comme pays sans lesquels une véritable démocratie ne peut exister.

[Traduction]

Enfin, par une nouvelle modification de la Loi sur les juges, le projet de loi prévoit que le Conseil de la magistrature présente des rapports annuels au ministre de la Justice sur les colloques et les cours portant sur le droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social qui ont été offerts au cours de l’année précédente. Les rapports devraient comprendre une description du contenu de chaque colloque ou cours offerts et le nombre de juges qui y ont participé. Dès la réception du rapport, le ministre de la Justice sera tenu d’en déposer un exemplaire devant chaque chambre du Parlement.

[Français]

Il faut bien comprendre que cette invitation à rendre compte au Conseil de la magistrature au moyen d’un rapport annuel qui est remis au ministre de la Justice, dont copie sera déposée aux deux Chambres, n’est pas une obligation, mais bien une suggestion. Les mots choisis dans le texte de la loi, telle qu’elle a été modifiée par la Chambre des communes, le font bien ressortir.

Il demeure cependant qu’il s’agit d’une façon de favoriser la transparence au sein du conseil, un organisme créé par une loi du Parlement fédéral et financé entièrement par des fonds octroyés annuellement par le Parlement.

Je rappelle que le budget annuel du conseil s’élève à 30 millions de dollars, dont 6 millions sont destinés à la formation des juges. De plus, le Parlement a autorisé le gouvernement, dans le budget de 2019, à augmenter les sommes accordées à la formation des juges de 5 millions de dollars au cours des 10 prochaines années.

L’indépendance judiciaire est fondamentale, mais elle ne saurait justifier l’absence de reddition de comptes quant à l’utilisation des fonds publics, comme c’est d’ailleurs le cas pour les dépenses et les frais des juges qui sont maintenant rendus publics tous les trimestres.

De plus, il est normal que le conseil explique aux Canadiens son fonctionnement, ses objectifs et l’ensemble des cours qu’il offre aux juges afin de rendre aux Canadiens les meilleurs services de justice possible. Non seulement on peut parler de transparence, ce qui est toujours nécessaire lorsqu’il s’agit de l’utilisation de fonds publics, mais j’y vois aussi une possibilité pour la magistrature, qui est tenue à un devoir de réserve, de communiquer tous les ans au grand public des renseignements susceptibles d’augmenter la confiance des Canadiens à l’égard de notre système de justice. C’est donc plutôt une plateforme qu’une obligation que nous offrons à la magistrature.

Enfin, j’aimerais réitérer le fait que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a modifié le libellé de la loi afin de bien faire ressortir qu’il ne s’agit pas d’une mesure ordonnée au Conseil de la magistrature, mais bien d’une invitation à fournir des renseignements, le tout afin de bien marquer le respect du Parlement pour l’indépendance des tribunaux et de l’administration de la justice, comme l’indique d’ailleurs le préambule du projet de loi, où l’on peut lire ce qui suit :

Attendu :

[…]

que le Parlement reconnaît l’importance qui doit être accordée à l’indépendance judiciaire;

Pour terminer, honorables sénatrices et sénateurs, je me réjouis du fait que le travail important réalisé par le Sénat en 2019 ait été incorporé dans ce projet de loi. Le Sénat démontre, encore une fois, son utilité à titre de Chambre de réflexion et d’analyse, et de gardien des grands principes énoncés dans notre Constitution, notamment celui de la séparation des pouvoirs et de la nécessaire indépendance des juges et des tribunaux.

[Traduction]

Honorables sénateurs, il est grand temps que l’histoire législative du projet de loi connaisse une fin heureuse et que le Parlement adopte le projet de loi qui vise à renforcer la confiance des victimes d’agression sexuelle dans le système judiciaire. La mesure législative reconnaîtrait que les victimes méritent que leur cause soit entendue par un juge qui maîtrise la loi et qui ne se laissera pas influencer par des attitudes fondées sur des stéréotypes, des mythes ou des préjugés au moment de statuer dans des procès pour agression sexuelle.

Je vous remercie. Meegwetch.

(1550)

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, je souligne que, grâce à la capacité de se connecter à distance, je suis chez moi, à Riverview, au Nouveau-Brunswick, sur le territoire traditionnel non cédé des Mi’kmaqs.

Merci, sénateur Dalphond, de parrainer avec dévouement le projet de loi C-3.

Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous parler du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel. Ce projet de loi me tient beaucoup à cœur en tant que femme, travailleuse sociale et porte-parole de longue date des survivantes d’agressions sexuelles et d’actes de violence contre un partenaire intime.

Je suis reconnaissante envers l’honorable Rona Ambrose, une ardente défenseure des femmes et des filles, d’avoir présenté la version initiale du projet de loi à l’autre endroit en 2017.

Mon allocution comportera un bref historique du projet de loi ainsi que des statistiques qui y sont liées. Je parlerai aussi de sa pertinence et j’aborderai ses quatre éléments principaux.

Le projet de loi C-3, qui était au départ le projet de loi C-337, a été présenté pour la première fois par l’honorable Rona Ambrose en février 2017, et il avait reçu un appui massif de la part des parlementaires et des intervenants. Ce projet de loi d’initiative parlementaire est né dans la foulée du mouvement #Moiaussi, qui prenait beaucoup d’ampleur à l’époque, avec toutes ces femmes qui dénonçaient les agressions sexuelles dont elles avaient été victimes.

Parallèlement, une enquête très médiatisée était menée sur le comportement de l’ancien juge Robin Camp alors qu’il présidait un procès dans une affaire d’agression sexuelle en Alberta, et qui a finalement été congédié en raison de la manière inadéquate et inappropriée avec laquelle il avait géré cette affaire.

Le projet de loi a été rédigé dans l’optique que les juges devaient être mieux informés à propos des agressions sexuelles afin de pouvoir mieux appliquer la loi.

Le projet de loi C-337 a été retardé dans cette enceinte pendant un long moment et il est mort au Feuilleton quand les élections ont été déclenchées en 2019. Après ces élections, ce projet de loi a été présenté à nouveau sous le numéro C-5, qui lui aussi est mort au Feuilleton au moment de la prorogation en 2020.

Le projet de loi C-3, que nous étudions aujourd’hui, est essentiellement le même que le projet de loi C-5. Je voudrais remercier encore une fois le sénateur Dalphond de parrainer cette mesure législative et d’avoir prononcé un excellent discours, qui nous a fourni un contexte juridique. J’ajouterais aussi que ce projet de loi a fait l’objet d’un consentement unanime à l’autre endroit.

Depuis 2017, le nombre de cas d’agression sexuelle continue d’augmenter et la pandémie de COVID-19 fait ressortir encore plus cette réalité. Je crois donc que le projet de loi C-3 est opportun et nécessaire.

D’un point de vue personnel, je considère cette mesure législative très pertinente, en tant qu’ancienne travailleuse sociale habituée de rencontrer des victimes d’agression sexuelle ou de violence conjugale. Pendant plusieurs années, j’ai coanimé des groupes de thérapie pour les victimes d’agression sexuelle, qui y racontaient leurs expériences très douloureuses et qui apprenaient à s’en sortir après un tel traumatisme. Je n’oublierai jamais certaines de ces histoires. Ces victimes avaient souvent l’impression d’être aussi des victimes du système, y compris du système judiciaire, et d’être en partie responsables de ce qui leur est arrivé.

Une chose que j’ai apprise de ces femmes, c’est l’importance d’être pris au sérieux. Je porte leurs histoires en moi, sachant à quel point il est important de leur donner une voix et de parler de l’importance du projet de loi C-3.

Chers collègues, évidemment, nous ne pouvons pas comprendre ce genre de traumatismes en faisant la lecture d’un livre ou en suivant un bref cours de formation sur le sujet. Cependant, je crois sincèrement qu’une formation qui favorise une plus grande compréhension et une plus grande connaissance du contexte social est importante, voire essentielle, pas seulement pour les juges, mais pour chacun d’entre nous.

La violence fondée sur le sexe, qui inclut les agressions sexuelles, est très prévalente dans la société canadienne. Des données à ce sujet nous sont fournies dans une étude Juristat publiée en 2019 qui présente les résultats d’un sondage sur la violence fondée sur le sexe et les comportements sexuels non désirés au Canada. Parmi les conclusions les plus importantes, on apprend que :

Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes d’avoir été agressées sexuellement ou d’avoir subi un comportement sexuel non désiré en public […] en ligne ou […] sur les lieux de travail au cours des 12 mois précédant l’enquête.

Trois femmes sur dix ont été victimes d’agression sexuelle au moins une fois depuis l’âge de 15 ans. Une victime d’agression sexuelle sur cinq s’est sentie blâmée pour sa propre victimisation.

Une femme dans votre entourage en a probablement fait l’expérience. Elle ne vous l’a peut-être pas raconté, mais ces cas sont beaucoup trop répandus. La société doit faire en sorte que les victimes qui choisissent de faire appel au système de justice aient l’assurance que le juge saisi de l’affaire sera non seulement compétent, mais qu’il fera également preuve de compassion.

Je vais maintenant parler des quatre principaux éléments du projet de loi C-3 et expliquer pourquoi ils sont importants.

Le premier élément propose de modifier la Loi sur les juges afin d’exiger que les candidats à la magistrature des cours supérieures s’engagent à suivre une formation continue portant sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social, lequel comprend le racisme et la discrimination systémiques.

Le deuxième élément exige que le Conseil canadien de la magistrature élabore ces formations après avoir consulté des intervenants bien informés, y compris des survivants et des groupes qui leur viennent en aide.

Le troisième élément demande que le Conseil canadien de la magistrature recueille les données sur l’offre des séminaires et la participation des juges, puis les soumette au Parlement sous la forme d’un rapport annuel déposé par le ministre de la Justice.

Le dernier élément du projet de loi modifierait le Code criminel afin d’obliger les juges à motiver leurs décisions prises dans les affaires d’agression sexuelle. Cette modification vise à accroître la transparence des décisions judiciaires lors des procès pour agression sexuelle. Les motifs doivent être accessibles par écrit ou dans le compte rendu des délibérations.

Tous ces éléments sont importants parce qu’ils appuient les principes de transparence, de confiance, d’engagement et de responsabilité dans le système de justice. On prévoit que cela aidera les victimes à faire davantage confiance au système et peut-être à hésiter moins à y faire appel.

Je ne crois pas que le débat sur le projet de loi vise à déterminer s’il est nécessaire. Il porte plutôt sur ses principaux éléments et la façon de les appliquer à la formation et à la présentation d’un rapport.

En 2019, Rosemary Cairns-Way et Donna Martinson — une professeure de droit et une ancienne juge — ont écrit un article intitulé « Judging Sexual Assault: The Shifting Landscape of Judicial Education in Canada », qui examine l’enquête menée sur l’ancien juge Camp et le projet de loi C-337. Tel qu’il est indiqué dans l’avant-propos de l’article, les auteures cernent clairement :

[…] des tensions entre une demande légitime de responsabilité judiciaire et le désir tout aussi légitime de protéger l’indépendance judiciaire, à un moment où la population et les politiciens sont de plus en plus conscients des inégalités enracinées entre les hommes et les femmes et de leur lien avec la violence sexuelle masculine.

Mmes Cairns-Way et Martinson n’étaient pas d’accord avec le Conseil canadien de la magistrature, qui recommande que la formation des juges soit prise en charge, supervisée et mise en œuvre par les juges. Elles suggèrent plutôt qu’une collaboration respectueuse, continuelle et dynamique entre les juges, les universitaires et les membres de la collectivité possédant une expérience et une expertise pertinentes permettrait mieux de s’assurer que les femmes sont traitées plus équitablement par les tribunaux, plus particulièrement dans les affaires d’agression sexuelle.

Le Conseil canadien de la magistrature a émis des réserves sur le projet de loi C-337 en ce qui a trait à l’indépendance judiciaire. Cependant, il a aussi reconnu la nécessité d’offrir aux juges une formation continue sur le contexte social qui tienne bien compte de l’intérêt public.

Selon le site Web du Conseil canadien de la magistrature, une formation sur le contexte social offre aux juges les compétences nécessaires pour s’assurer que les mythes et les stéréotypes n’influencent pas la prise de décision judiciaire et permet aux juges d’être au courant des défis auxquels doivent faire face les groupes vulnérables de la société.

L’engagement du Conseil canadien de la magistrature à promouvoir un excellent programme de formation continue se reflète dans ses politiques et lignes directrices sur le perfectionnement professionnel. Depuis 2018, les juges des cours supérieures du Canada sont parmi les premiers dans le monde à insister sur l’importance d’intégrer à ses programmes la sensibilisation au contexte social.

Je crois que le projet de loi à l’étude aujourd’hui, le projet de loi C-3, conserve l’objet du projet de loi de Mme Ambrose tout en respectant l’indépendance judiciaire. Pour ce qui est de la première modification à la Loi sur les juges qui touche la formation continue, il est important de mentionner que ce critère d’admissibilité ne touchera que les candidats qui veulent être nommés par le gouvernement fédéral au sein d’une cour supérieure provinciale, et non les candidats qui veulent devenir juges d’une cour provinciale ou territoriale, puisque ceux-ci sont nommés par le gouvernement de la province ou du territoire concerné.

Malheureusement, selon les estimations, environ 95 % des causes portant sur une agression sexuelle sont instruites par des juges des cours provinciales, et non par des juges des cours supérieures. Quoi qu’il en soit, j’ai bon espoir que ce projet de loi pourra servir de modèle aux gouvernements provinciaux et territoriaux qui voudront adopter un projet de loi similaire pour leurs nominations judiciaires. Par exemple, l’Ontario et la Saskatchewan ont fait un travail préliminaire à cet égard, et l’Île-du-Prince-Édouard a adopté une mesure législative concernant une nouvelle obligation pour les candidats à la magistrature d’accepter de se conformer au plan de formation continue des juges, y compris toute formation continue sur le droit relatif aux agressions sexuelles.

(1600)

Dans son mémoire présenté au Comité de la justice de la Chambre des communes à propos du projet de loi C-5, le Conseil canadien de la magistrature indique que « les cas d’agression sexuelle sont certains des plus complexes et des plus difficiles que les tribunaux doivent trancher ». En réaction à ce constat, il est clair qu’une telle formation continue s’avère essentielle, car elle permet de dissiper des mythes et des stéréotypes, en plus d’intégrer des renseignements pertinents sur le plan de la culture.

La normalisation de commentaires, de gestes et d’avances sexuelles non désirées lorsqu’elles sont faites en public contribue à créer et à maintenir une culture sexiste où des gens se sentent ciblés et ne veulent pas se manifester pour dénoncer une agression sexuelle. Cette situation, combinée à l’intériorisation de la culpabilité, de la honte, ainsi que la crainte qu’ils soient ignorés, blâmés, ou rejetés, entraîne une grave sous-déclaration des agressions sexuelles à la police. Les statistiques indiquent que seulement 5 % des agressions sexuelles sont signalées à la police. Parmi les autres obstacles au signalement figurent les attitudes socioculturelles qui minimisent la gravité des agressions sexuelles, et le manque de confiance des victimes envers le système.

Plus particulièrement, les préoccupations des victimes concernent le processus du système de justice, qui commence par la déclaration à la police jusqu’au procès, a donc un impact sur leur volonté de se manifester.

En 2015, Condition féminine Canada a commandé un mémoire sur la violence sexuelle, qui indique que les agressions sexuelles représentent environ 33 % de tous les crimes commis contre les femmes autochtones, comparativement à 10 % des crimes commis contre les femmes non autochtones. Voici un exemple percutant de cette réalité : en 2019, la Cour suprême du Canada a jugé qu’on devrait refaire le procès d’un homme accusé d’avoir agressé sexuellement et assassiné Cindy Gladue, une Métisse, à cause d’une mauvaise manipulation des preuves concernant les antécédents sexuels de Mme Gladue lors du procès initial. Le juge a expliqué que l’admission en preuve des antécédents sexuels rendait les jurés plus susceptibles d’accepter le mythe nuisible selon lequel, en raison de son comportement sexuel antérieur, il était plus probable que Mme Gladue ait consenti à l’agression sexuelle présumée.

Mme Gladue est morte au bout de son sang dans une salle de bain de motel. Cette affaire et la façon dont elle a été traitée m’attristent beaucoup et m’ont fait réfléchir à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Des centaines de femmes et de filles sont toujours portées disparues, ayant été assassinées ou agressées sexuellement. J’ai récemment pris le temps de regarder leurs visages, leurs noms et leurs âges. Ces filles et femmes étaient des sœurs, des filles, des mères et des tantes.

Il est essentiel que la formation continue pour les juges qui découlera de cette mesure législative reconnaisse que la violence sexuelle est un crime fondé sur le sexe qui touche de façon disproportionnée les femmes autochtones, noires, racialisées et à faible revenu. À mon avis, beaucoup de choses doivent changer pour appuyer les femmes, surtout les femmes marginalisées, non seulement dans le système judiciaire, mais aussi dans les services sociaux, notamment en offrant un revenu de base.

La COVID-19 a mis en lumière les plus vulnérables de la société, et nous les laissons tomber. Le projet de loi C-3 est un pas dans la bonne direction, un prélude, une modeste occasion de rétablir la confiance dans le système judiciaire et de reconnaître que les femmes doivent être entendues. N’attendons pas avant de renvoyer le projet de loi au comité; faisons-le pour les survivantes qui attendent l’équité et la justice.

Je vais conclure comme il convient avec les propos que l’honorable Rona Ambrose a tenus le 7 octobre 2020 lors d’une entrevue donnée à l’émission The Current, de la CBC, au sujet du projet de loi C-3 :

Lorsqu’il est question de racisme, de sexisme et de discrimination, il y a des préjugés inconscients dans les systèmes, surtout dans le système judiciaire. Il doit y avoir de la formation. Par conséquent, j’estime que ce n’est pas trop demander que les juges, soit les personnes au sommet du système judiciaire, reçoivent une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles. En définitive, ce que le projet de loi leur demande, c’est de connaître la loi. Ces dernières années, la Cour suprême a annulé à trois reprises des décisions relatives à des affaires d’agression sexuelle parce que des juges avaient commis des erreurs fondamentales de droit. Cela ne peut pas arriver. Une survivante d’agression sexuelle qui se présente devant les tribunaux devrait être sûre que la personne qui s’occupe de son affaire connaît la loi, à tout le moins, et l’applique adéquatement.

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Julie Payette, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par une prière dans ma langue.

[Note de la rédaction : La sénatrice McCallum s’exprime en cri.]

Merci, Créateur, de m’avoir accordé le privilège de voir un autre jour, de m’avoir prêté encore une fois le souffle de la vie. Merci de m’avoir accordé le privilège de voir la Terre mère encore une fois, car c’est notre raison de vivre. Si nous n’avions pas la Terre mère, nous n’existerions pas. Merci de m’avoir permis d’être ici et de prendre la parole, et merci de m’aider à accomplir le travail nécessaire. Merci aux aînés, qui me guident pour que je puisse dire ma vérité et qui me donnent le courage de rester debout et protéger ceux que j’aime.

Honorables sénateurs, le 23 septembre, la gouverneure générale a prononcé le discours du Trône dans cette Chambre. En voici un extrait :

Chaque jour, des millions de gens sur la planète font face à des fléaux qui mettent l’âme humaine à l’épreuve. Conditions météo extrêmes. Incendies ravageurs. Pauvreté. Conflits. Discrimination et inégalités. Rarement, toutefois, l’humanité a‑t-elle fait face à un ennemi aussi insidieux, un ennemi invisible qui ne respecte aucune frontière, se répand partout et peut frapper n’importe qui.

Un peu plus loin, on peut lire ceci :

Nous, les Canadiens, avons fait notre part […] en prenant soin les uns des autres.

La gouverneure générale parlait alors de la COVID-19, mais il faut garder à l’esprit que l’humanité entière est depuis toujours confrontée à un autre ennemi commun et insidieux, un ennemi invisible qui se moque des frontières, s’épanouit partout, est intentionnel et ne frappe que certaines personnes. Ce qui le rend encore plus dangereux, c’est qu’il s’est infiltré très profondément dans l’ensemble des structures et des processus de la société canadienne, y compris sur la Colline du Parlement. Cet ennemi invisible, c’est le racisme et la discrimination qui en découlent. Leurs conséquences, par contre, ne sont vraiment pas invisibles.

Il s’agit de conséquences déterminées par la société, et c’est dans les fissures causées par le racisme et la discrimination que la COVID-19, comme les autres parasites, s’épanouit et met la nature humaine à rude épreuve. Comment réagissons-nous, en tant que parlementaires, au racisme et à la discrimination clairement présents dans la culture canadienne? Comment prenons-nous soin les uns des autres?

Tout comme beaucoup de gens croient que la COVID-19 n’est qu’un canular, beaucoup d’autres croient qu’il n’existe pas de racisme au Canada. Comme on le sait, la COVID-19 a toutefois mis en lumière des failles et des lacunes là où la société a manqué de diligence et n’a pas veillé à ce que l’égalité, l’équité et la justice règnent pour tout le monde. La COVID-19 s’en prend aux personnes les plus marginalisées, dont bon nombre n’ont pas la chance de s’exprimer, comme c’est le cas de la majorité des résidents des centres de soins et de ceux qui ont été placés en institution.

La COVID s’en prend aussi à des gens qui peuvent s’exprimer, mais dont la voix attire peu d’attention ou a été réduite au silence, comme celle des Premières Nations, des Inuits et d’autres Canadiens dont les besoins fondamentaux ne sont pas comblés. Quand elles sont causées par l’homme, les inégalités mettent l’âme humaine à l’épreuve d’une manière différente, car elles ont pour source les mauvaises intentions et la malveillance.

(1610)

Honorables sénateurs, la socialisation vue sous le prisme des politiques et des programmes destinés aux Premières Nations est un bon exemple de racisme institutionnel. La seule réforme fondamentale qui a été envisagée jusqu’ici fut d’ajouter des politiques aux programmes et aux systèmes existants et de trouver des moyens d’atténuer la confusion qui en résultait invariablement. Voilà pourquoi, d’un point de vue historique, le racisme institutionnel dont font l’objet les Premières Nations est constitué de couches et de couches de politiques et de programmes d’une autre époque. Le danger, c’est que le chaos qui en est résulté ne devienne la source de stéréotypes à l’endroit des Premières Nations.

Si vous deviez vivre constamment avec la possibilité que les règles changent soudainement et vous empêchent du jour au lendemain de vous faire soigner, que les règles inscrites dans l’entente de contribution que vous avez signée changent elles aussi du tout au tout et que vous soyez tout à coup privé du financement que vous receviez jusque-là, vous aussi vous auriez la tête qui tourne.

Le danger, c’est que, quand une société refuse de soutenir un segment déjà marginalisé de sa population — en l’occurrence les Premières Nations — ou d’en honorer les droits, le silence qui en découle sert de prétexte aux gens au pouvoir pour continuer à rédiger des politiques et des lois visant à l’asservir encore davantage. Comme on l’a vu dans cet exemple, le grand public s’estime alors en droit d’agir lui aussi de manière raciste et discriminatoire, et ce, en toute impunité et bien souvent avec l’appui des forces de l’ordre — ici la GRC. Si vous saviez le nombre d’anecdotes que je pourrais vous raconter, certaines ayant même le Sénat comme décor.

Par exemple, une sénatrice pense qu’elle peut raconter le récit de ma propre expérience dans un pensionnat autochtone et contester ma version des faits, arguant que la sienne est la bonne, invalidant ainsi complètement mon expérience.

Autre exemple : les Canadiens pensent qu’ils peuvent faire fi de la primauté du droit et d’un arrêt de la Cour suprême, et commettre impunément des actes de violence, comme on l’a vu chez les Mi’kmaqs.

Dans un ouvrage intitulé « A Mind Spread Out on the Ground », à la page 104, Alicia Elliott déclare :

Brent Bezo, dans The Impact of Intergenerational Transmission of Trauma from the Holodomor Genocide of 1932-1933 in Ukraine, explique comment l’Holodomor, la famine imposée qui a tué des millions d’Ukrainiens, a miné la vie des victimes :

[Les survivants de l’Holodomor] racontent que la confiscation des aliments, des biens personnels et de leur domicile les a « dépouillés » et privés complètement de moyens traditionnels pour s’occuper d’eux-mêmes et de leur famille et subvenir aux besoins de celle-ci en toute autonomie. Cette perte a été perçue comme une « destruction » de l’autonomie, un « acte délibéré visant à briser la résistance du peuple ukrainien » et à « lui indiquer qu’il n’accéderait jamais à l’indépendance. »

Elle poursuit ainsi :

Lorsque j’ai lu cela pour la première fois, j’ai eu le souffle coupé. Jamais auparavant je n’avais vu une personne non autochtone résumer avec autant de concision comment fonctionnait l’expérience du génocide subi par mon peuple [...]

À la page 23 du chapitre « On Seeing and Being Seen », Mme Elliott écrit :

J’ai entendu que lorsque nous voyons un être que nous aimons, nos pupilles se dilatent comme si nous voulions le dévorer des yeux indéfiniment.

Je ressens cet amour quand je rencontre d’anciens élèves des pensionnats autochtones.

Honorables sénateurs, lorsque j’ai été nommée au Sénat, je ne m’attendais pas à ce qu’une autre sénatrice écrive sur l’expérience des membres des Premières Nations dans ces pensionnats. Je ne m’attendais pas non plus à ce que son récit soit accepté comme réel par les Canadiens, et que ces derniers croient davantage sa version des faits que la mienne et celle des milliers d’anciens élèves des pensionnats autochtones. Elle s’est non seulement appropriée ces expériences personnelles, mais elle les a aussi présentées sous un faux jour, à partir de seulement quelques exemples.

Son récit, tout comme ses partisans, perpétue les stéréotypes contre les Autochtones en les montrant comme des ivrognes dysfonctionnels et paresseux ne payant pas d’impôt, voulant vivre de l’aide sociale et ayant le culot de ne pas tirer des leçons des « expériences heureuses » dans les pensionnats autochtones. Honorables collègues, pourquoi les projecteurs canadiens sont-ils constamment braqués sur nous de manière négative?

Comme je l’ai dit au début, le racisme insidieux prospère partout, y compris dans cette assemblée. Comme la gouverneure générale l’a dit dans le discours du Trône, « [p]our trop de Canadiens, le racisme systémique est une réalité bien présente ».

Cette histoire racontée par une Blanche était-elle plus « indienne » que celles d’anciens élèves, dont la mienne? Le simple fait d’avoir retiré les histoires publiées sur le site Web n’a pas effacé leurs répercussions. Elles ont le potentiel de perpétuer les pensées racistes et les actes discriminatoires qui peuvent colorer toute une vie. Chose certaine, les histoires ont suscité une vague de lettres haineuses qui sont toujours en circulation.

Comme Mme Elliot l’explique à la page 30 de son livre :

Si vous ne pouvez pas écrire sur nous [...] pour raconter qui nous sommes en tant que peuple, les épreuves que nous avons traversées et ce que nous avons accompli malgré toutes les tentatives de nous en empêcher, si vous ne pouvez pas nous regarder tels que nous sommes et écarquiller les yeux, en faisant de tous les stéréotypes une imposture, une pâle copie, une honte, pourquoi donc vouloir écrire sur nous?

Honorables sénateurs, la sénatrice Beyak a donné un exemple des actes de discrimination de longue date qui sont perpétués envers les anciens élèves des pensionnats autochtones et leurs descendants. Comme le virus qui nous touche tous en ce moment, elle est parvenue à s’infiltrer dans les failles de la relation entre les Premières Nations et les différents ordres de gouvernement et les autres Canadiens. Elle a dénigré un groupe de concitoyens, et elle pense pouvoir s’en tirer à bon compte.

La sénatrice Beyak a été suspendue par le Sénat et a dû accomplir certaines tâches. Ensuite, le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs a présenté un rapport au Sénat dans lequel il recommandait sa réintégration. En temps normal, le rapport ferait l’objet d’un examen par le Sénat et serait mis aux voix.

En raison de la prorogation de cet été, la suspension de la sénatrice Beyak a pris fin et celle-ci a repris ses fonctions sans que le Sénat se soit prononcé au sujet du rapport du comité sur l’éthique. Si l’on fait abstraction du bien-fondé de la suspension, il est troublant que les choses se terminent ainsi.

Chers collègues, c’est troublant pour deux raisons.

Premièrement, si nous prenons au sérieux nos responsabilités de surveillance de la conduite des sénateurs et que nous nous tenons mutuellement responsables de nos écarts de conduite, nous avons le devoir d’aller jusqu’au bout du processus. Nous ne devons pas laisser la prorogation nous empêcher de faire notre travail. Ce n’est pas ce qu’une institution responsable ferait ou devrait faire. Dans l’état actuel des choses, ne rien faire de plus équivaut à déléguer au comité sur l’éthique la décision relative à la réintégration de la sénatrice Beyak. Je ne pense pas qu’une question comme celle-ci puisse faire l’objet d’une délégation du Sénat ni d’une décision du comité sur l’éthique.

Normalement, après la prorogation, le comité présenterait de nouveau son rapport au Sénat et ce dernier continuerait son examen de cette question importante.

La deuxième préoccupation concerne la sénatrice en question dans une situation comme celle-ci. Si un sénateur remplit les conditions de sa réintégration, je considère que ce sont ses pairs qui devraient en décider et non pas le simple fait que la période de suspension a pris fin.

Alors je vous le demande, chers collègues, le Sénat peut-il être une institution crédible s’il ne dispose pas de processus pour régler ce genre de questions en respectant certains principes? À l’heure actuelle, il ne semble pas que nous disposions de ce genre de processus ou, du moins, que nous y ayons recours. C’est ce manque de volonté ou cette incapacité d’agir que nous devons traiter en interne, sous peine de devenir une institution fédérale qui perpétue le racisme systémique.

Honorables sénateurs, comme l’a souligné la gouverneure générale dans le discours du Trône : « Il reste encore du travail à faire, notamment sur le chemin de la réconciliation et dans la lutte contre le racisme systémique. »

Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)

(1620)

L’ajournement

Retrait du préavis de motion

À l’appel des affaires du gouvernement, motions, article no 19, par l’honorable Raymonde Gagné :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 7 décembre 2020, à 18 heures.

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-10(2) du Règlement, je demande que le préavis de motion no 19 soit retiré.

(Le préavis de motion est retiré.)

[Français]

Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter).

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Je prends la parole pour donner mon appui à l’étape de la deuxième lecture au projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter).

Je remercie la sénatrice Marilou McPhedran de cette initiative lancée en collaboration avec son précieux Conseil jeunesse. Un des membres de ce conseil, la Fransaskoise Janie Moyen est d’avis que les jeunes Canadiens sont instrumentalisés en politique. Les politiciens parlent au nom de la jeunesse, mais la jeunesse n’a pas son mot à dire. J’ai aussi trouvé très pertinent le témoignage de Maisy Evans, âgée de 17 ans, membre du Parlement jeunesse du pays de Galles, qui a participé à la campagne pour l’inclusion des jeunes dans ce pays. Les jeunes Gallois de 16 et 17 ans pourront voter pour la première fois en 2021. Cela n’a pas été facile, a admis Maisy Evans, mais l’argumentaire des jeunes militants a fini par triompher. Si on paie des impôts à 16 ans, pourquoi donc ne peut-on pas voter, afin d’avoir son mot à dire sur la façon dont les deniers publics sont dépensés? Une proportion de 59 % des Gallois consultés a approuvé la réforme, qui a déclenché un véritable débat à travers le pays de Galles.

Lors des élections fédérales d’octobre 2015, le taux de participation des jeunes de 18 à 24 ans était de 57 %, ce qui est beaucoup plus bas que le taux de participation général de 68 %. On s’en est réjoui quand même, car il y avait eu une forte hausse du vote chez les 18 à 24 ans par rapport au dernier scrutin. Au-delà de ce vote hors de l’ordinaire en 2015, on observe un déclin de la participation électorale des jeunes depuis les années 1990. Ce déclin est troublant, car les élections sont considérées comme la principale courroie de transmission de la participation politique des citoyens.

Que faire? L’idée de permettre aux jeunes de 16 et 17 ans de voter est séduisante. Au fil des décennies, on a progressivement abaissé l’âge du vote et élargi ce droit aux locataires, aux femmes, aux Autochtones, aux personnes de couleur et de certaines confessions religieuses, et ce, afin de favoriser une démocratie plus représentative. À chaque étape, les partisans du statu quo ont mis en doute la capacité de voter de telle ou telle catégorie de citoyens.

Souvenons-nous des arguments d’Henri Bourassa, éditorialiste au journal Le Devoir en 1918, selon lequel les femmes ne devaient pas obtenir le droit de vote. Je le cite :

La principale fonction de la femme est et restera — quoi que disent et quoi que fassent, ou ne fassent pas, les suffragettes — la maternité, la sainte et féconde maternité, qui fait véritablement de la femme l’égale de l’homme et, à maints égards, sa supérieure. Or la maternité exclut forcément les charges trop lourdes — le service militaire, par exemple, — et les fonctions publiques. Si l’on persiste à parler de « droits », de « privilèges », je dirai que la maternité vaut à la femme le « droit » et le « privilège » de n’être ni soldate, ni électrice.

C’est encore ce que l’on fait pour les citoyens de 16 et 17 ans quand on invoque leur manque de maturité. Je serais bien curieuse de mesurer la maturité politique de la population en général. Il est clair, en tout cas, que l’âge n’est certainement pas une garantie de maturité. On peut trouver toutes sortes de contre-exemples pour illustrer que la maturité politique n’est assurément pas une caractéristique réservée aux générations plus âgées. Les médias sociaux en regorgent. Si le droit de vote était fondé sur une exigence de capacité, d’autres groupes démographiques pourraient voir leurs droits civiques remis en question.

À 16 ans, un jeune est présumé capable de faire des choix informés : il peut travailler, payer des impôts, devenir membre d’un parti et prendre des décisions sur les soins médicaux qu’il souhaite obtenir ou non. C’est également l’âge du consentement sexuel. Une jeune fille de 16 ans a le droit de décider seule de subir un avortement et a la capacité légale de se marier, puisqu’il s’agit de l’âge minimum prescrit par la loi. Il me semble que ce sont des responsabilités importantes qui indiquent qu’à 16 ans, on a atteint une certaine maturité.

Accorder le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans pourrait réduire l’apathie politique chez ceux-ci, selon un professeur de science politique de l’Université du Nouveau-Brunswick, Paul Howe. Les jeunes votent moins que ceux des générations précédentes, notamment, selon lui, parce qu’on vit dans une société plus individualiste.

Une enquête européenne a indiqué qu’il y a un lien entre la fréquentation d’un établissement scolaire et la participation électorale. Seulement 50 % des personnes ayant quitté le système de l’éducation à 15 ans votent, contre 80 % pour celles qui l’ont quitté à 20 ans. De plus, ceux qui votent pour la première fois continueront de le faire, parce que voter devient pour eux une habitude, par opposition à ceux qui commencent à voter plus tard. Certains experts avancent que le droit de vote accroîtrait donc la conscience et l’engagement politiques parmi les adolescents. Ces tendances sont intéressantes, car elles suggèrent qu’un jeune de 16 ou 17 ans qui est encore étudiant, et qui vit chez ses parents, sera plus enclin à participer à une élection que les jeunes de 18 à 24 ans qui ont quitté le foyer familial.

Pourtant, il y a une forte résistance à accorder le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans. Les adversaires les plus tenaces de cette idée affirment que, en raison de leur expérience limitée, les moins de 18 ans sont plus influençables et, par conséquent, plus enclins à voter pour des personnes connues, comme des célébrités. Les jeunes seraient plus enclins à voter pour des partis extrémistes ou pour des partis qui sont contre le système.

Ces arguments ne tiennent pas la route quand on examine la situation dans les pays ou les localités où l’on permet aux jeunes de 16 et 17 ans de voter. Des recherches effectuées dans trois États allemands durant les élections locales ont révélé que les nouveaux électeurs votent différemment de leurs aînés, sans toutefois manifester une tendance uniforme vers la gauche ou la droite. Les jeunes de 16 et 17 ans n’étaient pas particulièrement enclins à voter pour des partis d’extrême gauche ou d’extrême droite dans aucun de ces États.

Plusieurs recommandent d’y aller par étapes et de donner le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans, dans un premier temps, à l’occasion d’élections locales ou régionales, car ce sont des enjeux qui touchent de plus près les électeurs et qui sont donc plus faciles à comprendre pour les moins de 18 ans.

Soyons francs : 85 % des pays accordent le droit de vote à leurs citoyens à partir de 18 ans, donc à l’âge adulte, mais six pays ont tout de même abaissé l’âge de voter à 16 ans, soit l’Argentine, l’Autriche, le Brésil, Cuba, l’Équateur et le Nicaragua.

L’Autriche est le premier pays membre de l’Union européenne qui a lancé une telle réforme en 2007. Elle a déclenché peu de controverse, car quatre partis sur cinq ont appuyé l’élargissement du droit de vote aux plus jeunes. Plusieurs études montrent que l’impact de cette réforme est généralement positif, mais il faut noter que l’intérêt croissant et le haut niveau de participation électorale chez les 16 à 17 ans dépendent de leur éducation et de leur statut social. Il y a quand même une raison d’être optimiste, et c’est que les jeunes de 16 et 17 ans votent davantage que ceux de 18 à 20 ans et presque autant que les tranches d’âge supérieures. Il faut souligner également qu’il y a eu d’importantes campagnes de sensibilisation.

Je trouve que l’exemple du référendum en Écosse est vraiment inspirant. On a étendu le droit de vote aux 16 et 17 ans spécifiquement pour cette consultation en 2014, et cela a été un succès. En effet, 75 % des jeunes de 16 et 17 ans qui s’étaient inscrits sur la liste électorale ont indiqué avoir voté, et 97 % de ces jeunes électeurs ont indiqué qu’ils voteraient encore à l’avenir lors de référendums ou d’élections. Fait encore plus intéressant, 40 % des jeunes de 16 et 17 ans disent avoir voté différemment de leurs parents. Ils auraient aussi recouru à une diversité de sources d’information plus étendue que les autres groupes d’âge. Il faut dire qu’il s’agissait d’une consultation extraordinaire, puisque les Écossais devaient décider s’ils se séparaient du Royaume-Uni.

(1630)

Les moins de 18 ans comptent pour le quart de la population canadienne et, pourtant, ils sont dépourvus de représentation politique et ils ont bien peu d’influence sur les questions qui vont affecter leur vie, que ce soit la gestion de l’environnement ou les priorités dans les dépenses gouvernementales. Le comité national canadien pour l’UNICEF s’est prononcé en 2016 en faveur du droit de vote des 16 et 17 ans dans le cadre d’un projet de loi en ce sens émanant d’un député.

Je cite le mémoire de l’UNICEF :

La prescription d’un âge minimal dans le cadre des lois [...] vise généralement à protéger les jeunes contre la prise de décisions ou l’exercice de droits jugés au-delà de leur capacité ou pouvant mettre eux-mêmes ou autrui en danger [...] certains seuils sont arbitraires et fondés sur une présomption de capacité chez l’adulte et d’incapacité chez l’enfant.

Les normes et les croyances qui sont à l’origine de ces prescriptions ne sont pas toujours basées sur des données probantes. En fait, UNICEF Canada a conclu qu’il n’y avait aucun avantage protecteur à interdire aux jeunes de 16 et 17 ans de voter. Oui, la consommation d’alcool ou de marijuana comporte un risque réel, et c’est la raison pour laquelle on en interdit l’achat pour les mineurs, mais personne n’est menacé si les jeunes participent aux élections.

En conclusion, abaisser le droit de vote à 16 ans est un geste démocratique et cela accroîtrait la représentativité de l’électorat. Le Sénat est un bon endroit pour tenir ce débat. Je crois qu’il y a bien peu de risques et qu’il y a tout à gagner en accordant le droit de vote aux 16-17 ans, qui représentent, après tout, seulement 2,9 % du nombre total d’électeurs admissibles.

Merci de m’avoir écoutée.

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente suppléante) : Est-ce que la sénatrice accepterait de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, certainement.

[Traduction]

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’espère prendre la parole ultérieurement au sujet de ce projet de loi. Je reviens sur les statistiques dont vous nous avez fait part concernant l’Écosse. Vous avez dit que les personnes âgées de 16 et 17 ans avaient voté différemment de leurs parents. Savez-vous si leur vote a été influencé, disons, par leur enseignant en matière politique? Je suis simplement curieuse, d’autant plus que les étudiants passent souvent plus de temps en classe qu’à la maison. Ma question vise simplement à satisfaire ma curiosité par rapport à ces statistiques.

La sénatrice Miville-Dechêne : Dans les études que j’ai consultées, je n’ai rien vu qui indiquait que l’on avait posé cette question aux enseignants, alors je ne connais pas la réponse. Évidemment, les études ne montrent qu’une partie de la réalité. Cela dit, j’ai trouvé plutôt intéressant que 40 % de ces jeunes n’aient pas voté comme leurs parents. En général, l’un des arguments que l’on fait valoir contre l’idée de permettre aux jeunes de 16 ou 17 ans de voter est que ces derniers sont très influençables et qu’ils adoptent généralement l’opinion de ceux qui les entourent. Or, cela peut aussi vouloir dire les parents.

J’ai trouvé ce cas intéressant. Toutefois, comme vous le savez peut-être, cette permission ne valait que pour le référendum. Nous savons qu’un référendum est une occasion très spéciale. De toute évidence, à la lecture de cette étude, j’ai pensé au Québec. Il aurait été intéressant de voir les résultats de nos deux référendums si les jeunes avaient pu voter, puisqu’ils étaient beaucoup plus nombreux que les personnes plus âgées à réclamer l’indépendance. Cela ne fait pas partie de mon discours, mais c’est une réflexion que j’ai eue quand j’ai lu cette étude.

La sénatrice Martin : Je suis curieuse de savoir si les écoles secondaires du Québec participent au programme Vote étudiant. À chaque élection tenue en Colombie-Britannique, un scrutin parallèle a lieu dans les écoles et souvent, les résultats en sont différents. Cela aussi est intéressant. Le Québec participe-t-il à ce genre de programmes? C’est une excellente façon de préparer les jeunes à voter lorsqu’ils auront l’âge de le faire.

La sénatrice Miville-Dechêne : Malheureusement, je dois dire que l’éducation civique au Québec n’est pas très avancée. Il n’y a pas de tel programme, qui est excellent d’ailleurs. Il y a le Cercle des jeunes parlementaires, qui accueille des jeunes au Parlement, mais il n’existe pas de programme généralisé de vote dans les écoles en marge des élections provinciales.

Quelques écoles organisent des simulations de scrutin, mais elles sont peu nombreuses à le faire.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Martin, il vous reste 25 secondes pour poser des questions.

[Français]

Sénatrice Miville-Dechêne, demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Miville-Dechêne : Non, je ne veux pas retarder les travaux.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Merci.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-209, qui modifierait la Loi électorale du Canada afin d’abaisser de 18 à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales.

Je tiens à féliciter la sénatrice McPhedran des efforts qu’elle déploie afin que les jeunes Canadiens puissent participer à la démocratie. J’appuie son travail dans ce dossier.

J’aimerais commencer en parlant de l’histoire, car historiquement, la désignation de ceux qui peuvent voter n’a jamais été figée. Le droit de vote a toujours évolué, et il en sera probablement toujours ainsi. Comme nous l’avons entendu à maintes reprises, en 1885, seuls les hommes britanniques propriétaires âgés de 21 ans pouvaient voter. Aujourd’hui, tous les citoyens canadiens âgés de 18 ans ou plus peuvent voter, peu importe leur sexe, leur revenu ou leur origine ethnique, et peu importe s’ils sont propriétaires ou non.

Cela dit, chaque fois que le droit de vote a évolué, des gens s’y sont opposés. La sénatrice Miville-Dechêne a souligné certaines des objections que j’ai relevées dans mes recherches. Je suis tombée sur ce qui s’est passé en 1918, lorsque les femmes ont obtenu le droit de vote. Le sénateur Hewitt Bostock a fait valoir ceci :

[Les femmes] seront exposées à des choses qu’elles n’aiment pas, donc il est fort probable qu’elles n’exerceront pas leur droit de vote.

Je suis certaine que de nombreuses femmes répugnent à entendre ce genre de propos.

Je dois dire que j’ai aussi entendu de nombreux arguments contre l’abaissement de l’âge du vote à 16 ans, alors au lieu de vous vanter les vertus de cette idée, je vais plutôt m’employer à faire tomber les objections qui s’y rapportent.

La première qui vient à l’esprit des gens, c’est que les jeunes sont trop jeunes, justement, pour comprendre les tenants et les aboutissants d’une chose aussi complexe que le vote. On ne peut donc pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils fassent des choix éclairés. De plus, le cerveau d’un jeune de 16 ans n’est pas suffisamment développé pour lui permettre de faire des choix logiques. De toute façon, à quoi bon donner le droit de vote aux jeunes de 16 ans, puisqu’ils vont presque assurément voter comme leurs parents le leur dictent? Résumons : les jeunes sont trop jeunes, ils ne sont pas assez mûrs et ils sont trop impressionnables. Ils n’ont pas l’expérience nécessaire pour exercer le plus précieux de tous les droits accordés aux citoyens, celui de voter.

Au lieu de simplement vous donner mon opinion, je me permettrai de vous illustrer ce qui est arrivé là où on a décidé d’abaisser l’âge du vote. En 2007, l’Autriche a accordé le droit de vote aux citoyens âgés de 16 ans et plus. Nous avons donc 13 années de données à étudier. Que nous disent-elles, ces données? Que le taux de participation parmi les Autrichiens de 16 et de 17 ans est sensiblement plus élevé que parmi les électeurs âgés de 18 à 20 ans et qu’il n’est pour ainsi dire pas plus bas que parmi la population en général. On voit donc que, quand les jeunes ont la possibilité de voter, ils le font.

Passons maintenant à la question de la maturité et à l’objection voulant qu’on ne puisse pas faire confiance aux jeunes pour faire des choix éclairés et qu’ils risquent fort de voter simplement pour le principe de voter, sans comprendre les répercussions de leur choix. Autrement dit, ils n’ont pas les connaissances requises pour bien saisir les nuances du discours politique du jour, ce genre de chose.

(1640)

Chers collègues, en passant, si cela vaut pour les jeunes, je dirais que c’est également le cas pour de nombreux adultes.

Mais, encore une fois, je prends exemple sur les pays qui ont donné le droit de vote aux jeunes afin de déterminer si cet argument tient la route. Une étude menée en Autriche avant l’élection du Parlement européen de 2009 a démontré que les jeunes avaient voté selon leurs préférences politiques tout autant que les électeurs plus âgés. Ils n’étaient pas ignorants du contexte, bien au contraire : ils avaient une préférence politique distincte, qui se traduisait dans leur vote.

Ensuite, il y a l’argument selon lequel les cerveaux des adolescents ne maîtrisent pas les processus logiques qui sont nécessaires pour voter. Selon les neuroscientifiques, dans les scénarios où les tâches sont principalement cognitives, les adolescents présentent des niveaux de compétence similaires à ceux des adultes. Cela signifie que lorsque le niveau de stress est faible et qu’ils ont le temps d’évaluer différents choix, les jeunes sont effectivement capables de prendre des décisions réfléchies. Voter ne se fait pas sur un coup de tête. Au contraire, on a le temps d’y réfléchir. Les jeunes sont capables de prendre des décisions raisonnables, tout autant que les électeurs adultes.

Enfin, sur le plan de l’influence parentale, les gens se demandent à quoi il sert de permettre aux jeunes de voter puisqu’ils ne feront que voter comme leurs parents leur disent de le faire. Je ne peux pas me prononcer au sujet de vos enfants, chers collègues, mais dans ma famille, c’est presque toujours le contraire qui est vrai. Les enfants ont des points de vue, des priorités et des opinions et ils n’hésitent pas à dire aux adultes, surtout à leurs parents, ce qui ne va pas dans le monde.

Comme l’a souligné la sénatrice Miville-Dechêne, avant le référendum sur l’indépendance de l’Écosse en 2014, plus de 40 % des personnes de moins de 18 ans ont indiqué une intention de vote différente de celle de leurs parents. Il est clair que les jeunes ont un esprit bien à eux.

De plus, l’influence ne va pas seulement dans un sens, elle va dans les deux sens. Les jeunes peuvent aussi influencer l’engagement civique et les attitudes de leurs parents. Mes enfants m’ont certainement influencé en ce qui concerne le réchauffement de la planète et les changements climatiques.

Il y a de nombreuses raisons d’examiner sérieusement cette proposition. Elle aura un effet bénéfique sur la participation générale à long terme, car il est probable les jeunes de moins de 18 ans fréquentent encore l’école et vivent encore avec leur famille — deux facteurs qui favorisent la participation, selon les études. Je pense que le fait de permettre aux jeunes de voter leur apprendra à voter dans un environnement plus protégé. À long terme, le taux de participation plus élevé à un jeune âge pourrait devenir une bonne habitude que les jeunes garderont toute leur vie.

Cependant, la raison la plus importante d’accorder le droit de vote aux jeunes est que l’avenir leur appartient. Nous prenons dans cette enceinte des décisions qui ont des répercussions importantes sur leur vie; des décisions concernant le cannabis, l’étiquetage des aliments, l’aide médicale à mourir, ce qu’ils achètent, l’élimination du travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement des produits qu’ils achètent, les conséquences de la pandémie sur leur vie et les changements climatiques.

Les jeunes se plaignent souvent que les élites politiques plus âgées contrôlent leur avenir. En leur donnant le droit de vote à cet âge, nous pourrons entendre leurs opinions et les prendre au sérieux.

Je ne veux pas plaider pour l’abaissement de l’âge de voter sans parler de l’éducation civique; l’un ne va pas sans l’autre. En Autriche, par exemple, l’abaissement de l’âge de voter a été assorti de campagnes de sensibilisation et d’un renforcement de la place de l’éducation civique dans les écoles. En ce qui concerne l’éducation civique, l’ensemble des provinces et territoires incluent cette matière dans leurs programmes scolaires. Comme l’a souligné la sénatrice Martin, il existe bien sûr des programmes comme Vote étudiant qui vont dans les écoles et sensibilisent les jeunes. J’aimerais toutefois que la matière devienne obligatoire dans les programmes scolaires au Canada.

Chers collègues, je vais terminer ma brève allocution avec un dernier argument. Les jeunes hériteront des résultats des décisions que nous prenons. Il est temps que nous leur donnions la chance de façonner leur avenir et le nôtre aux urnes. Il s’agit d’une question importante. J’exhorte le Sénat à renvoyer le projet de loi au comité pour qu’il soit examiné de plus près. Merci beaucoup.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Martin, avez-vous une question?

La sénatrice Martin : J’ai une question pour la sénatrice Omidvar.

Son Honneur la Présidente suppléante : Sénatrice Omidvar, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar : Absolument.

La sénatrice Martin : Merci.

Je conviens que l’éducation civique sera très importante pour les étudiants. Croyez-vous aussi que nous devrions développer la littératie financière des élèves et leur enseigner les principes économiques de base et l’incidence économique des décisions — ces éléments sont également importants — en plus de certains autres programmes?

La sénatrice Omidvar : Sénatrice Martin, on voit clairement que nous avons toutes les deux été enseignantes dans notre passé. Nous privilégions toutes les deux une éducation qui cadre avec l’époque. Je ne peux donc qu’être d’accord avec votre affirmation selon laquelle la littératie financière est essentielle pour aider les jeunes à acquérir de la maturité. L’éducation civique devrait comprendre les fondements de la fiscalité, et cetera, pour que les enfants comprennent ce sujet important.

Toutefois, je crois que la véritable difficulté consiste à persuader les systèmes scolaires provinciaux d’augmenter le temps alloué à l’éducation civique. Celle-ci varie considérablement d’une région à une autre du pays. Selon moi, il s’agit d’un sujet très important à étudier en comité.

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter), qui vise à faire passer l’âge de voter de 18 à 16 ans.

Je remercie la sénatrice McPhedran non seulement de parrainer le projet de loi, mais aussi de m’avoir mise au défi de passer outre ma zone de confort, mes préjugés et ma conviction de savoir ce qui est dans l’intérêt des jeunes.

Comme l’a affirmé la sénatrice McPhedran dans son allocution, l’un des bienfaits potentiels du projet de loi est la revitalisation de la démocratie. Aux yeux d’une femme crie, le projet de loi redynamise les jeunes des Premières Nations et les jeunes métis, inuits et autochtones non inscrits et les appuie dans leur processus d’autodétermination. Les jeunes se font dire sans cesse qu’ils sont les leaders de demain et qu’ils sont l’avenir. Si c’est le cas, tâchons de voir quelles sont les ressources nécessaires pour les aider à faire le travail qui les attend.

Lorsque j’ai découvert pour la première fois l’idée de faire passer l’âge de voter à 16 ans, je n’arrivais pas à comprendre comment on pouvait voter à 16 ans. Lorsque j’ai parlé à d’autres membres des communautés métisses, inuites et des Premières Nations, ils ont exprimé les mêmes réserves que moi. On craignait que cela puisse imposer un fardeau supplémentaire alors que bien des jeunes de 16 ans ont une vie mouvementée et doivent composer avec des changements hormonaux, un traumatisme intergénérationnel, un taux élevé de suicide, des problèmes de violence familiale et un accès inadéquat à l’éducation.

À l’heure actuelle, bien des gens, y compris des politiciens et des décideurs, font fi des préoccupations des jeunes parce qu’ils ne font pas partie de l’électorat, et c’est une bien piètre excuse.

Honorables collègues, lorsque je suis retournée dans ma réserve, dans les années 1990, afin d’offrir des soins en tant que dentiste, j’étais déjà consciente des effets des déterminants sociaux de la santé. Afin d’en apprendre davantage, j’ai fait du travail bénévole dans des comités scolaires et je me suis penchée sur des questions liées à l’éducation, à l’aide sociale et au logement. En tant que présidente d’un comité scolaire, j’ai été témoin du cycle négatif qui se produisait. Les enfants ne comprenaient pas ce qu’on leur enseignait en classe, ou alors il n’étaient pas assez stimulés sur le plan intellectuel, si bien que leur curiosité a diminué, tout comme la fréquentation scolaire.

En tant que dentiste dans ma réserve pendant sept ans, je me rendais dans les salles de classe trois fois par an pour parler aux élèves de la vie dans notre communauté et au Canada. Je leur parlais de la raison d’être des traditions, et je leur demandais quels étaient leurs buts dans la vie. En échange, ils me disaient comment ils imaginaient atteindre ces buts et ce qui, d’après eux, les rendrait des meilleurs élèves.

Les jeunes sont capables d’acquérir les compétences et les atouts requis pour prendre des décisions raisonnables, à condition de disposer des soutiens nécessaires.

En tant que membre d’un comité scolaire, j’ai eu l’occasion de discuter et d’interagir avec les gens dans la communauté, tant les Métis que les membres des Premières Nations, et d’apprendre à connaître de nouveau les attentes des employés, des élèves, des parents et des aînés. J’ai vu de mes propres yeux l’effet de l’intervention du gouvernement dans la vie privée des membres des Premières Nations dans les réserves. Beaucoup des attitudes, des comportements et des traits de caractère qui sont considérés depuis longtemps comme inhérents aux Premières Nations étaient, en fait, le produit du processus ordinaire de socialisation.

(1650)

Les programmes du gouvernement mis sur pied pour les Premières Nations contribuent grandement à la détermination de la nature de cette socialisation. La dépendance devient donc un rôle social que les membres des Premières Nations doivent apprendre à jouer, rôle qu’ils jouent, d’ailleurs, depuis de nombreuses générations. Cela doit cesser, et nous, les sénateurs, grâce à ce projet de loi, avons maintenant une occasion en or d’appuyer un aspect de l’autodétermination des jeunes, à savoir leur droit de se faire enseigner les compétences nécessaires pour devenir et rester actifs sur le plan politique.

On peut lire ce qui suit dans la préface, à la page 8, du livre The Making of Blind Men: A Study of Adult Socialization, par Robert A. Scott :

Cette étude constitue une analyse de cas percutante d’un handicap humain majeur et d’un ensemble d’institutions sociales conçues pour répondre aux besoins des personnes qui en sont atteintes. Elle présente également des informations de base en sciences sociales qui peuvent être prises en compte pour comprendre le handicap et les méthodes employées par les institutions. L’élément clé de l’étude de M. Scott est présenté au début, que voici :

Le handicap qu’est la cécité est un rôle social appris. Les différentes attitudes et les différents modèles de comportement qui caractérisent les personnes aveugles ne sont pas inhérents à leur handicap, mais sont plutôt acquis par des processus ordinaires d’apprentissage social.

Le processus de socialisation s’étend à de nombreux secteurs de la société, y compris au Sénat. C’est pourquoi il est important de se demander pourquoi tous les processus existent et de comprendre à quoi ils servent.

Honorables sénateurs, à l’invitation de la sénatrice McPhedran, j’ai participé la semaine dernière à une téléconférence avec des élèves de 9e année de partout au pays, y compris d’Iqaluit. L’un des élèves a commenté le manque d’éducation politique des jeunes d’aujourd’hui. Jusqu’à une période assez récente de notre histoire, de nombreux adultes n’étaient pas non plus autorisés à participer activement au processus politique, y compris au droit de vote. Pensons par exemple aux membres des Premières Nations, aux Métis, aux Inuits, aux Chinois et aux Japonais. Pourquoi? Parce que le processus politique est un processus de pouvoir et que le Dominion du Canada n’autorisait aucune dissension. Qu’est-ce qui a changé pour permettre à ces adultes d’entrer dans les rangs des Canadiens émancipés? Le pays y a pourtant survécu.

De nombreuses explications ont été données pour le traitement des Premières Nations par les gouvernements, pour justifier la socialisation, mais non seulement celles-ci sont inadéquates, elles sont fausses. L’une d’entre elles est que les Premières Nations ont des personnalités et des psychologies différentes de celles des autres Canadiens et que nous sommes, en quelque sorte, déficients. Comme si nous menions un combat incessant contre la sauvagerie. On nous estime impuissants, surtout nos dirigeants, que l’on remet en question à chaque occasion. On nous croit capables d’accomplir bien peu nous-mêmes, de faire bien peu pour nous-mêmes. On croit que notre état mental empêche tout développement intellectuel et toute productivité véritables. Impuissance, dépendance, violence : voilà les choses que les jeunes Canadiens doivent attendre des Premières Nations. Raconter un seul côté de l’histoire et perpétuer cette histoire sans poser de question comporte un danger.

À 16 ans, alors que je venais tout juste de sortir du pensionnat, je ne connaissais absolument rien au système politique qui dirige ce pays, pour la simple et bonne raison qu’on ne nous l’avait pas enseigné, et non parce que j’étais incapable de le comprendre. Pourquoi ne nous a-t-on pas appris cela pour que nous puissions participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle du Canada? Cela ne constituait-il pas une partie importante de l’éducation en vue d’éliminer le sauvage en nous?

Honorables sénateurs, confrontée à la nécessité de réfléchir à l’abaissement de l’âge de voter, j’ai pensé à ma mère et à mon père et au fait que leur génération devait travailler dès l’âge de 12 ans; ils pêchaient, ils trappaient, ils coupaient du bois, ils vivaient de la terre même à 40 degrés sous zéro, et ils y arrivaient très bien. Les gens de leur génération devaient travailler et contribuer au fonctionnement de la famille et on leur enseignait les traditions et les connaissances pratiques à transmettre aux autres générations, des connaissances qui permettent de survivre. À leur époque, nombreux étaient ceux qui se mariaient jeunes et qui avaient la responsabilité d’élever une famille. Ce n’était pas unique aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits; c’était la norme dans bien des pays dans le monde. Comment cette époque s’est-elle transformée jusqu’à exclure les jeunes des processus décisionnels?

Beaucoup de jeunes participent déjà à la conversation au sujet de la dégradation et de la destruction de l’environnement et des changements climatiques. Ils savent bien que, sans la terre, l’air et l’eau, les humains ne peuvent survivre. Leurs réflexions vont plus loin que celles de bien des adultes. Ils n’ont pas encore été corrompus par la soif de posséder la terre et de tirer profit des ressources naturelles. Ils veulent avoir une bonne vie et pouvoir respirer de l’air pur, boire de l’eau cristalline et vivre sur un territoire non contaminé.

Lors d’une visite à une école secondaire à Winnipeg, j’ai rencontré des élèves de 9e année qui étudiaient la philanthropie, la justice sociale et les changements climatiques. La conversation que nous avons eue et les questions qu’ils ont posées m’ont montré qu’ils avaient acquis les compétences nécessaires pour réfléchir de façon critique. Au cours de notre discussion, ils ont montré non seulement qu’ils ont des capacités, mais aussi qu’ils sont investis dans leur pays et dans leur monde.

Dans la communauté de Lac Brochet, une réserve dénée éloignée dans le Nord du Manitoba, beaucoup de jeunes s’inscrivent dans les Rangers juniors canadiens dès 12 ans. C’est devenu une tradition familiale. Les sœurs jumelles Taylor et Skylar Veuillot ont commencé à assister aux réunions à 11 ans. Elles ont intégré le programme à 12 ans, suivant les traces de leurs quatre frères et sœurs plus âgés. Six ans et de nombreuses belles expériences plus tard, les jumelles ont été reconnues en 2020 par le ministère de la Défense nationale et ont reçu des bourses d’études universitaires. Elles continuent de servir de mentores à d’autres jeunes et veulent retourner dans la communauté pour y enseigner lorsqu’elles auront terminé leurs études.

Je terminerai, chers collègues, en vous parlant de ce que m’ont dit des élèves de trois classes de cinquième année de l’école intermédiaire General Byng, à Winnipeg, dans la division scolaire no 1. Ils m’avaient invitée à leur parler des pensionnats. Les élèves des trois classes avaient reçu de petites tuiles pour participer au Projet du cœur, comme on l’appelle. Ils ont peint un symbole sur chaque tuile et ont expliqué ce qu’ils avaient appris au sujet des pensionnats. Dans l’une des classes où je suis allée, un groupe a bâti un inukshuk à partir des tuiles. Il a ensuite choisi comme porte-parole un jeune garçon qui m’a dit ceci :

Nous avons choisi l’inukshuk parce que c’est un symbole qui indique la voie à suivre. Nous avons choisi des couleurs qui correspondent aux valeurs. Les bras sont rouges, une couleur qui représente le courage et la compassion. Les jambes sont bleues, couleur qui représente la paix, parce qu’on ne peut pas diriger en l’absence de paix.

J’ai été époustouflée par la grande sagesse de ces jeunes. Le garçon qui avait parlé le dernier dans la dernière classe que j’ai visitée a couru jusqu’à son autobus. Il est ensuite revenu en courant jusqu’à la classe et m’a dit : « Je ne peux pas partir. Je dois raconter mon histoire. » Il m’a dit ceci :

Ma tuile représente le yin et le yang. La vie est une question d’équilibre, et nous avons des expériences négatives et d’autres positives. C’est une réalité que nous apprenons à accepter. Nous pouvons apprendre de ces deux types d’expériences; même les expériences négatives ont beaucoup à nous apprendre.

Ces élèves sont maintenant en 11e année, et je dirais qu’ils sont en bonne voie de devenir des citoyens responsables socialement.

Honorables sénateurs, je vous encourage à appuyer le renvoi du projet de loi au comité pour que vous ayez la chance de voir par vous-mêmes le potentiel oublié de nos jeunes. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Galvez, le débat est ajourné.)

(1700)

Projet de loi sur le commissaire à l’enfance et à la jeunesse du Canada

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moodie, appuyée par l’honorable sénatrice Mégie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-210, Loi constituant le Bureau du commissaire à l’enfance et à la jeunesse du Canada.

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-210, qui prévoit la constitution du Bureau du commissaire à l’enfance et à la jeunesse. J’appuie pleinement l’objet du projet de loi et je félicite la sénatrice Moodie de son dévouement. Toutefois, je ne suis pas convaincu que le projet de loi dont nous sommes saisis est la meilleure solution.

Franchement, je suis déçu par le manque de respect envers les Autochtones qu’on observe dans l’ensemble du projet de loi, ainsi que par le fait qu’ils n’ont pas véritablement été consultés ou donné leur avis. Je suis certain que cela n’a pas été fait de mauvaise foi, mais que cela découle plutôt d’une connaissance et d’une compréhension limitées des relations avec les peuples autochtones. Je sais aussi que le bureau d’une sénatrice ne possède pas les capacités et les ressources nécessaires pour assurer la coordination avec beaucoup d’organisations, de communautés et de gouvernements autochtones. Cependant, cela ne justifie aucunement la décision de ne pas tenir compte des droits, des intérêts et de la situation uniques des Autochtones durant l’élaboration, puis la mise en œuvre du projet de loi.

Honorables sénateurs, pour favoriser la réconciliation, les législateurs de tous les ordres de gouvernement doivent s’engager à abandonner l’unilatéralisme des siècles passés. Pour ce faire, nous devons tous approfondir notre compréhension et notre respect des Autochtones, de même que nous associer et collaborer avec eux même quand c’est difficile ou que cela nous rend mal à l’aise.

Avant d’aborder le fond du projet de loi S-210, j’aimerais commenter la situation des enfants et des jeunes autochtones qui sont de loin le groupe le plus marginalisé et désavantagé au Canada. Selon un rapport récent sur la pauvreté des enfants, qui s’appuie sur les données des recensements de 2006 à 2016, une proportion effarante — 47 % — des enfants inscrits des Premières Nations vivent dans la pauvreté, soit un taux deux fois et demie plus élevé que la moyenne nationale. Le pourcentage grimpe jusqu’à 53 % pour ceux qui vivent dans des réserves. En Saskatchewan et au Manitoba, on parle de 65 %. Le rapport indique également que 32 % des enfants non inscrits des Premières Nations vivent dans la pauvreté. C’est le cas de 25 % des enfants inuits et 22 % des enfants métis. Aucun de ces chiffres n’est dû au hasard.

Pendant des siècles, la Couronne a cherché à assimiler, à écraser et à effacer tous les aspects de l’existence des peuples autochtones, y compris notre identité, notre langue, notre culture et notre souveraineté. Les legs de ce système contribuent à un traumatisme intergénérationnel complexe et persistant. Nous sommes passés de l’autosuffisance économique à la dépendance. La situation est aggravée par les logements inadéquats et insuffisants, l’eau non potable, les services de base inférieurs et d’autres conditions qui découlent d’un sous-financement chronique. Il y a aussi la violence, le racisme et la discrimination systémique.

La vérité, c’est que même nos enfants et nos jeunes les plus résilients souffrent. Un profond sentiment d’impuissance et même de désespoir persiste, ce qui contribue sans aucun doute à l’épidémie de suicides qui affecte un grand nombre de nos communautés aujourd’hui.

Honorables collègues, les enfants et les jeunes des communautés autochtones du pays sont souvent perçus et traités comme s’ils comptaient moins et méritaient moins que d’autres. C’est évidemment faux. Par ailleurs, comme il s’agit du groupe de la population le plus jeune et connaissant la plus forte croissance, nous ne pouvons tout simplement pas continuer de ne pas tenir compte de ces gens et de ne pas les placer au cœur de nos priorités.

Les enfants et les jeunes des communautés autochtones veulent être heureux, en santé et outillés pour rebâtir et revitaliser leurs communautés ainsi que pour reprendre leur vie et leurs communautés en main. Les parents, les communautés et les organismes veulent les aider à réaliser leur vision. Cependant, les progrès sont trop souvent freinés par le gouvernement fédéral et par d’autres intervenants en position d’autorité, en raison du désintérêt, de l’inattention ou des mesures unilatérales qui se cachent derrière de bonnes intentions. Pour amorcer une réconciliation véritable et durable, nous devons commencer à écouter et à agir. Nous devons reconnaître les droits des peuples autochtones et tenir compte de leurs points de vue, de leurs intérêts et de leurs besoins particuliers dans notre processus décisionnel. Il faut établir un dialogue véritable et éclairé et amorcer une collaboration avec les Autochtones en les considérant non pas comme des subordonnés, mais des égaux.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler du projet de loi S-21 proprement dit. Cindy Blackstock, militante indéfectible pour les droits des enfants autochtones, a préparé un excellent document d’information que nous devrions analyser attentivement. Parmi les lacunes qu’elle a cernées dans le projet de loi S-210, soulignons qu’il ne reconnaît pas suffisamment les obligations particulières du Canada à l’égard des enfants, des jeunes, des gouvernements et des communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Cela m’a paru évident lorsque que j’ai lu le préambule du projet de loi, qui dit ceci :

[Q]ue les enfants et les jeunes qui relèvent de la compétence fédérale — tels que les enfants et les jeunes inuits, métis et des premières nations — ne peuvent pas se prévaloir des régimes provinciaux et territoriaux de protection des droits de la personne [...]

Cette déclaration est inexacte. Étant donné que le sénateur Patterson en a parlé dans son discours, je n’ajouterai rien d’autre.

Une autre lacune du projet de loi qui a été identifiée par la Dre Blackstock est le mépris des pratiques de longue date des communautés et des familles des Premières Nations, des Métis et des Inuits visant à sauvegarder les droits et les intérêts de leurs enfants au moyen de leurs lois et de leurs pratiques. Ce qui est encore plus troublant, c’est que le projet de loi laisse entendre que la pratique consistant à séparer les enfants et les jeunes autochtones de leur famille et de leur culture est un phénomène du passé plutôt qu’une pratique qui se poursuit, ce qui est totalement faux. Il y a plus d’enfants et de jeunes autochtones pris en charge aujourd’hui qu’il n’y en avait dans les pensionnats au plus fort de leur utilisation, ce qui contribue à ce qui est maintenant connu sous le nom de « rafle du millénaire ».

Chers collègues, l’appel à la création d’un poste de commissaire unique secondé par un commissaire adjoint pour les enfants et les jeunes autochtones est une autre lacune grave du projet de loi. Cette approche verticale viole l’un des droits les plus fondamentaux des peuples autochtones, le droit à l’autodétermination, c’est-à-dire notre droit de contrôler, sans pression ni ingérence, les questions qui nous touchent directement, notamment celles qui concernent nos enfants et nos jeunes, et d’établir avec la société dominante et l’État une relation fondée sur la participation et le consentement. Le poste de commissaire unique proposé par le projet de loi renforce un paternalisme qui traite les peuples autochtones comme des pupilles de l’État qui ont besoin d’être contrôlés et dirigés, et il encourage ceux qui sont en position d’autorité à prendre, sans nous consulter, des décisions qui nous concernent et qui peuvent parfois avoir des conséquences dévastatrices.

On en trouve un exemple clair dans l’application du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est fondé sur des valeurs occidentales et eurocentriques et qui a été utilisé pour justifier le fait d’arracher beaucoup trop d’enfants et de jeunes Autochtones à leur famille et à leur communauté. Ce n’est que récemment que l’on a reconnu l’importance de préserver la culture et d’assurer une égalité réelle dans la fourniture de services. L’adoption du projet de loi C-92, qui visait à rétablir la compétence des peuples autochtones en matière de services à l’enfance et à la famille, a constitué une avancée cruciale. Contrairement au projet de loi C-92, le projet de loi S-210 constitue un pas en arrière.

Pour respecter le droit à l’autodétermination, d’autres personnes et moi avons conclu que le commissaire national à l’enfance et à la jeunesse doit avoir comme pendant un commissaire se consacrant à l’enfance et à la jeunesse autochtones. D’ailleurs, l’Assemblée des Premières Nations a adopté des résolutions à l’appui de la création d’organismes de surveillance indépendants pour protéger les besoins, les droits et les points de vue uniques des enfants et des jeunes autochtones. Seul un commissaire se consacrant à l’enfance et à la jeunesse autochtone correspondrait à cette vision.

Nous devrions aussi nous inspirer de l’Australie, où l’on a créé un poste de commissaire national de l’enfance en 2012. L’an dernier, une déclaration de principe éclairée, signée par plus de 70 organismes et sept commissaires à l’enfance ou défenseurs de l’enfance du pays, a réclamé de toute urgence la création d’un poste de commissaire aux enfants et aux jeunes autochtones, sur un pied d’égalité avec le commissaire national à l’enfance. La déclaration souligne que ce serait conforme au droit à l’autodétermination. Elle affirme aussi que ce poste devrait être occupé par une personne qui possède les qualifications, les connaissances et l’expérience nécessaires et surtout, qui est Autochtone, qui possède une compréhension de la culture et qui entretient les relations culturelles nécessaires pour être en mesure de comprendre et de promouvoir les intérêts supérieurs des enfants et des adolescents autochtones. Je suis tout à fait d’accord. Nous avons besoin de plus de solutions mises en œuvre par les Autochtones. C’est l’exclusion des peuples autochtones des décisions qui les concernent qui a mené aux problèmes d’aujourd’hui.

Les professeurs Hadley Friedland et Naiomi Metallic, qui sont aussi défenseures des droits des enfants autochtones, ont porté à mon attention d’autres lacunes dans le projet de loi, la plus importante étant peut-être la suivante :

Les enfants autochtones sont les seuls à relever directement de la compétence fédérale (compétence conférée par le paragraphe 91(24) concernant divers services essentiels fournis aux familles autochtones, particulièrement celles qui vivent dans les réserves), mais ce projet de loi semble les reléguer à un rôle secondaire, puisqu’ils n’en sont pas le point central. Cela n’a aucun sens, puisque les enfants autochtones sont les seuls à relever directement de la compétence du Canada.

(1710)

Les professeures ont mentionné que le projet de loi ne fait pas référence aux lois pertinentes, comme la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones, qui confirme que le ministre des Services aux Autochtones a la responsabilité de fournir des services aux peuples autochtones, y compris aux enfants et aux familles des Premières Nations vivant dans les réserves. Il ne mentionne pas non plus la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, l’ancien projet de loi C-92, qui porte seulement sur les enfants autochtones, détermine les normes minimales dont les juges doivent tenir compte pendant les audiences sur le bien-être des enfants, et prévoit que le gouvernement fédéral doit négocier avec les gouvernements autochtones le financement et les services liés à l’exercice de l’autonomie gouvernementale autochtone en matière de services à l’enfance et à la famille.

Les professeures m’ont aussi signalé que le projet de loi ne mentionne pas les recours, c’est-à-dire ce qu’une personne ou un tribunal peut faire en cas de non-respect de la loi. Il s’agit d’une lacune importante dans le contexte des enfants et des jeunes autochtones, surtout quand on sait que, dans une décision rendue récemment par la Cour provinciale de l’Alberta, la juge déclare que le projet de loi C-92 ne lui donne pas le pouvoir ni l’autorité d’ordonner des mesures de réparation si le gouvernement ne se conforme pas aux exigences de la loi.

Chers collègues, l’absence de mécanismes exécutoires réduit considérablement la possibilité que ce projet de loi atteigne son but, c’est-à-dire d’assurer une reddition de comptes du gouvernement fédéral au sujet des droits des jeunes et des enfants, particulièrement des plus vulnérables d’entre eux.

Rappelons-nous par exemple qu’en 2016, le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu qu’en sous-finançant consciemment et négligemment les services, y compris les services à l’enfance, le Canada s’était rendu coupable de discrimination à l’endroit des enfants vivant dans une réserve. Il a alors reçu l’ordre d’indemniser chacun des enfants concernés de même que certains parents et grands-parents. On attend toujours. Le pire, c’est que le gouvernement fédéral continue de sous-financer les services sociaux et sanitaires destinés aux enfants des Premières Nations vivant dans une réserve. C’est regrettable, mais ce projet n’y changera strictement rien.

C’est très bien de pouvoir mener des enquêtes, de faire des constatations et de formuler des recommandations, mais de nombreux rapports, études et interpellations ont déjà attiré notre attention sur ces problèmes. Les peuples autochtones ont une bonne idée de ce qui doit être fait. Le problème, c’est le manque de volonté politique pour passer à l’action.

Pourquoi, dans ce cas, ce projet de loi compte-t-il sur le bon vouloir du gouvernement fédéral et des autres parties intéressées pour défendre les droits des enfants et des jeunes autochtones alors qu’il a été prouvé maintes et maintes fois que cela ne suffit pas?

Chers collègues, je rappelle que le Canada s’est souvent fait reprocher de ne pas avoir de mécanisme central permettant de recueillir et d’analyser des données désagrégées sur les enfants. Il est explicitement fait mention du contrôle et de l’évaluation des enquêtes sur la négligence et de la publication de rapports annuels sur le nombre d’enfants autochtones qui sont pris en charge par l’État, sur les motifs de la prise en charge, sur les dépenses totales engagées pour les besoins des services offerts par les organismes de protection de l’enfance et sur l’efficacité des diverses interventions. Rien de tout ça ne se retrouve dans le projet de loi S-210.

Même si le projet de loi était modifié pour combler cette lacune, les droits des peuples autochtones d’être propriétaires des renseignements qui les concernent, de les contrôler, de les posséder et d’y avoir accès doivent être respectés parce qu’ils sont étroitement liés à l’autodétermination ainsi qu’à la préservation et au développement de leur culture.

Pour conclure, honorables sénateurs, je tiens à préciser que je ne suis absolument pas opposé à la protection et à la promotion des droits des enfants et des jeunes. Il serait absurde que quiconque l’insinue. Je pense tout simplement que le projet de loi S-210 n’est pas la réponse, du moins pour les enfants et les jeunes autochtones. Ce que je sais, c’est que le projet de loi ne fait que mentionner en passant les groupes autochtones. Il est empreint d’attitudes colonialistes et paternalistes, et il manque de substance parce qu’il accorde peu d’importance aux besoins, aux droits et aux points de vue propres aux enfants et aux jeunes autochtones ainsi qu’à leurs parents, à leur communauté et à leur gouvernement.

Les peuples autochtones doivent participer au processus décisionnel du début à la fin en tant que partenaires égaux. On doit nous offrir une occasion réelle de collaborer à l’élaboration des projets de loi sur des questions qui nous touchent. Si une telle approche avait été adoptée pour le projet de loi S-210, il n’aurait pas tant de lacunes. Comme ce n’est pas le cas, nous allons devoir étudier un grand nombre d’amendements dans l’espoir de sauver un projet de loi boiteux. Cette situation m’amène à poser la question suivante : sommes-nous vraiment prêts à imposer unilatéralement un autre projet de loi aux peuples autochtones sans prévoir suffisamment de temps pour leur permettre de participer pleinement ou sans étudier les répercussions sur leurs droits? Je ne me sens pas à l’aise de procéder de cette façon. Je préférerais nettement prendre le temps nécessaire pour élaborer une mesure législative qui est respectueuse et adaptée aux particularités culturelles. Merci. Wela’lioq.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-212, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés).

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-212, Loi modifiant le Code criminel (divulgation de renseignements par des jurés).

Il s’agit d’un projet de loi simple qui propose une modification importante à une loi existante. Il vise à aider des membres du jury qui ont subi des dommages psychologiques après avoir été exposés à des expériences traumatisantes durant un procès. Le projet de loi décriminaliserait le fait pour un juré de parler à un professionnel de la santé du procès et de ses conséquences négatives sur sa santé mentale.

Pensez-y un instant.

Les traitements psychologiques pour le trouble de stress post-traumatique incluent habituellement des discussions sur de nombreux aspects d’une situation traumatisante afin de pouvoir guérir efficacement le patient. Or, dans sa forme actuelle, la loi interdit à un membre du jury qui souffre d’un trouble mental ou d’un problème de santé mentale, développé lors de l’accomplissement de son devoir civique, de recevoir un traitement efficace pour des dommages découlant de cette activité. C’est injuste.

Le projet de loi pourrait atténuer cette injustice en améliorant les chances de rétablissement des personnes ayant subi des dommages psychologiques à cause de leur travail comme jurés. Il retire un obstacle du chemin des jurés qui ont besoin de s’exprimer librement et confidentiellement à un professionnel de la santé pour traiter leurs dommages psychologiques.

Cela dit, bien que j’appuie sans réserve le projet de loi, je suis d’avis qu’il ne va pas assez loin. Nous devons certes veiller à ce que les jurés qui souffrent de blessures psychologiques à la suite de l’exercice de leurs fonctions puissent obtenir les traitements dont ils ont besoin, mais nous devons en faire plus. En tant que société et en tant que législateurs, nous avons la capacité de réduire la probabilité qu’une telle blessure se produise. Bref, nous avons la possibilité d’empêcher que surviennent des troubles mentaux, comme le trouble de stress post-traumatique, dans l’exercice des fonctions de juré.

Tout d’abord, les candidats susceptibles de développer un trouble de stress post-traumatique à la suite de leur participation au jury pourraient être ciblés lors du processus de sélection. La nature du procès est connue bien avant la sélection du jury. Si le procès contient des éléments traumatisants importants qui sont susceptibles d’entraîner un trouble de stress post-traumatique chez les personnes les plus à risque, pourquoi ces dernières ne pourraient-elles pas être exemptées de participer au procès?

Des recherches nous ont montré — par exemple, vous pouvez consulter la synthèse de M. Bryant publiée dans la revue World Psychiatry l’année dernière — que le risque de souffrir d’un trouble de stress post-traumatique après avoir vécu une situation traumatisante n’est pas le même pour tout le monde. Certaines personnes sont plus à risque que d’autres. Les experts connaissent les facteurs de risque qui augmentent la probabilité de développer un trouble de stress post-traumatique. Par conséquent, pourquoi ne choisit-on pas les jurés en tenant compte des facteurs de risque et ne donne-t-on pas aux jurés qui présentent le plus de facteurs de risque la possibilité de se récuser d’un procès dans lequel des éléments traumatisants seront présentés?

Étant donné que la plupart des personnes ne développent pas de trouble de stress post-traumatique lorsqu’elles sont exposées à la même expérience traumatisante, cette simple mesure pourrait éviter à des jurés de souffrir d’un trouble de stress post-traumatique, et ce, sans avoir d’incidence importante sur la capacité de former le jury.

(1720)

Deuxièmement, on connaît quels sont les symptômes précurseurs de l’état de stress post-traumatique. De plus, les experts savent quelles interventions peuvent freiner le développement de l’état de stress post-traumatique si elles sont appliquées tôt, alors que la réaction au traitement est, en général, plus robuste. Ainsi, pourquoi ne pas appliquer ces connaissances aux jurés que l’on expose à du matériel traumatisant pendant des périodes prolongées?

On pourrait fournir aux jurés qui participent à ce genre de procès du matériel éducatif sur les états d’esprit auxquels ils peuvent s’attendre et quels genres de symptômes peuvent signaler le développement de l’état de stress post-traumatique. On pourrait même les faire assister à une séance d’information à ce sujet donnée par un psychologue ou un conseiller spécialement formé, comme cela se fait à l’heure actuelle auprès des militaires et des membres de la GRC déployés à l’étranger. Ces spécialistes pourraient être nommés par la cour et être présents pour aider à discerner si les symptômes qui se manifestent chez un juré exposé à du matériel traumatique dans le cadre du procès sont probablement normaux ou signalent peut-être le développement de dommages psychologiques. Par exemple, l’apparition de réactions dissociatives aiguës où un juré connaît des périodes où il est détaché de la réalité, est désorienté ou n’arrive plus à déterminer s’il est éveillé ou s’il dort. Il serait idéal que, lorsque de tels symptômes se manifestent, les jurés puissent être évalués par un expert en santé mentale nommé par la cour capable de déterminer avec certitude la probabilité que la poursuite de l’exposition nuise à la santé mentale du juré.

Cette simple intervention pourrait avoir une incidence bénéfique pour prévenir le développement de troubles de stress post-traumatique et les effets dévastateurs pour l’esprit qu’ils peuvent engendrer. Du même coup, on épargnerait à la personne et au système de santé de devoir consacrer temps et argent au traitement des troubles de stress post-traumatique une fois qu’ils ont pris racine.

Troisièmement, tout le monde ici sait que l’accès rapide aux meilleurs soins en santé mentale fondés sur des données probantes est un problème à l’échelle du Canada. Il est donc probable que, si une personne développe des troubles de stress post-traumatique alors qu’elle remplit son devoir de juré, il lui faudra du temps avant d’obtenir l’accès à un traitement efficace. Dans l’intervalle — ce qui signifie plusieurs mois dans certaines régions —, les troubles pourront prendre de l’ampleur et devenir plus difficiles à traiter, une fois que le traitement aura commencé.

Pour éviter ce genre de situations, les tribunaux ne pourraient-ils pas disposer de fournisseurs de soins en santé mentale spécialisés dans le diagnostic et le traitement des troubles mentaux causés par des traumatismes qui pourraient répondre aux besoins des jurés, le cas échéant? Cela pourrait fonctionner comme dans les établissements où des soins en santé mentale peuvent être obtenus dans le cadre de programmes d’aide aux employés ou comme la façon de procéder des commissions d’indemnisation des accidentés du travail lorsqu’elles renvoient les personnes qui ont besoin de tels soins à des fournisseurs.

Honorables sénateurs, les occasions de prévention dont j’ai parlé ne sont pas compliquées. Elles sont cependant fondées sur les meilleures données scientifiques dont nous disposons. Si on les mettait en œuvre, elles pourraient empêcher le développement de certaines maladies mentales, comme les troubles de stress post-traumatique, chez ceux à qui on demande d’être jurés.

Nous ne devrions certainement pas punir les citoyens canadiens qui accomplissent leur devoir civique, surtout lorsqu’on sait déjà comment fournir les interventions peu coûteuses et faciles à mettre en œuvre pouvant atténuer le risque qu’ils développent un trouble mental en faisant leur devoir de citoyen.

Je me rends compte que bon nombre de questions que j’ai soulevées ne sont pas abordées dans ce projet de loi. Je les soulève en vue d’alimenter les discussions qui auront lieu lors de l’étude en comité de ce projet de loi, lequel pourrait avoir d’importantes retombées. J’espère que, grâce au projet de loi S-212, les jurés qui participent au bon fonctionnement de notre système judiciaire ne seront pas punis pour leur engagement civique.

Sur ce, honorables sénateurs, j’exhorte le Sénat à prendre les mesures nécessaires pour faire progresser ce projet de loi le plus rapidement possible.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénatrice McPhedran, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, en tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur les territoires du Traité no 1, les territoires traditionnels des peuples anishnabeg, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés et de la patrie de la nation métisse. Je reconnais également que nous sommes réunis ici aujourd’hui sur les territoires non cédés de la nation algonquine anishnabeg.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-213, qui, pour reprendre les paroles de sa marraine, la sénatrice McCallum, est une « mesure législative modeste, mais puissante et opportune ».

Tout simplement, ce projet de loi exigerait que le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres dépose, pour tout projet de loi, un énoncé public qui indique les effets possibles du projet de loi sur les femmes et les filles au Canada, en particulier les femmes et les filles autochtones.

Comme l’a expliqué la sénatrice McCallum, la mention « en particulier les femmes autochtones » vise à combler les lacunes découlant d’une perspective axée sur un seul type de désavantage en facilitant l’inclusion des personnes qui sont désavantagées à plusieurs égards. Le projet de loi intègre les voix de ces personnes, qui sont les mieux placées pour expliquer les lacunes et les considérations propres à leur situation. Il s’agit des femmes des Premières Nations, inscrites ou non, des Métisses et des Inuites.

Aujourd’hui, je tiens à vous faire part de mes réflexions sur l’utilité du projet de loi. Comme sénateurs, une partie de notre travail consiste à faire entendre dans cette enceinte un large éventail de préoccupations et d’opinions. En effet, cela fait partie de notre travail d’employer les mots du mieux que nous pouvons, cependant, aucun sénateur ne s’imagine que ses mots se transformeront miraculeusement en mesures efficaces.

En pratique, nous savons que les lois et les politiques ne sont que des mots, à moins qu’ils soient concrétisés à l’aide du bon déploiement de ressources financières et humaines qui permettent leur mise en œuvre. L’adoption d’un projet de loi n’est pas une fin en soi. Au mieux, il s’agit d’une amorce en vue d’apporter des changements systémiques.

« Mise en œuvre » n’est qu’un terme, mais il englobe des centaines de décisions et de mesures nécessaires pour concrétiser une idée. Voilà pourquoi les détails contenus dans le projet de loi de la sénatrice McCallum sont importants et pourquoi ils pourraient faire la différence entre des mots que l’on prononce et des mesures concrètes que l’on prend. C’est pourquoi le projet de loi est judicieux à ce stade-ci de notre parcours commun en tant que législateurs, qui tentent de déterminer ce qui doit être fait, puis ce qui doit être inscrit dans une loi ou dans ses règlements afin d’obtenir les résultats escomptés.

Des exigences claires sont fixées dans le projet de loi, et la responsabilité de déposer l’analyse d’impact devant la Chambre où le projet de loi a pris naissance au plus tard deux jours de séance après la date de dépôt du projet de loi repose clairement sur la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres. Ainsi, l’analyse d’impact ne peut pas être une considération secondaire et ne peut pas non plus être tenue secrète en la désignant comme un document du Cabinet, à l’instar de ce qui se fait actuellement.

Par ailleurs, le projet de loi exige aussi qu’une analyse comparative selon les sexes soit entreprise par le ministre pour tous les projets de loi d’initiative parlementaire qui sont renvoyés à un comité de leur Chambre du Parlement respective. Comme l’a expliqué la sénatrice McCallum, le renvoi à un comité indique que le projet de loi progresse bien dans le système parlementaire. Le ministre doit déposer une analyse d’un projet de loi d’initiative parlementaire à la Chambre où le projet de loi a pris naissance au plus tard 10 jours de séance après la date du renvoi du projet de loi au comité.

En outre, dans l’éventualité où des amendements seraient apportés au projet de loi, le ministre doit déposer un énoncé supplémentaire sur l’analyse d’impact de ces amendements et est tenu de publier chaque énoncé sur le site Web de son ministère, afin que les gens qui paient pour tout ce que font les législateurs, les Canadiens, aient accès à ces renseignements.

(1730)

Passons à une autre question au sujet du projet de loi. Au Sénat, nous avons entendu des inquiétudes réfléchies au sujet des nouvelles responsabilités qu’il engendre pour le ministre des Femmes et de l’Égalité des genres. On se demande si celles-ci sont nécessaires ou si elles sont redondantes, compte tenu du fait que le paragraphe 4.2(1) de la Loi sur le ministère de la Justice exige déjà que le ministre vérifie si une des dispositions d’un projet de loi est incompatible avec les fins et dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et fasse rapport de toute incompatibilité à la Chambre des communes dans les meilleurs délais.

Honorables collègues, depuis plus de 35 ans, j’ai l’honneur de porter cette petite épinglette en forme de flocon de neige qui indique mon appartenance à l’Ordre du Canada en raison de ma participation au vaste mouvement social qui s’est produit au pays et qui a mené à l’établissement et au renforcement des droits à l’égalité garantis par la Charte et inscrits dans la Constitution. Je souhaite faire part de mes observations sur les raisons pour lesquelles les modifications à la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres qui sont proposées dans le projet de loi S-213 sont en réalité tout à fait compatibles avec les exigences de la Loi sur le ministère de la Justice. En tant que cofondatrice du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, je vous rappelle que, depuis plus de 30 ans, cet organisme est intervenu plus souvent que n’importe quel autre organisme au Canada pour défendre le droit à l’égalité des femmes devant les tribunaux. La dure réalité, c’est que, malgré les protections garanties par la Charte qui ont été durement gagnées il y a des dizaines d’années, les causes portant sur le droit à l’égalité des femmes ont été plus souvent perdues que gagnées.

Je vous rappelle également que, même si l’article 25, qui porte sur les droits des Autochtones, est inscrit dans la partie de la Constitution qui comprend la Charte, les décisions des tribunaux portant sur les droits des Autochtones et des femmes autochtones s’appuient plutôt sur l’article 35, qui ne fait pas partie de la Charte, et notamment sur le paragraphe 35(4), qui mentionne plus précisément les droits des femmes autochtones.

Les énoncés concernant la Charte, comme l’exige la Loi sur le ministère de la Justice, sont une bonne chose — comprenez-moi bien —, mais ils se concentrent sur les droits garantis par la Charte. Malheureusement, je dois dire que la Charte n’a pas servi à défendre les femmes et les filles, notamment les femmes et les filles autochtones, autant que ceux d’entre nous qui ont contribué à la rédaction de l’article 28 — l’égalité de garantie des droits pour les deux sexes qui devait renforcer l’article 15 sur les droits à l’égalité — le pensaient sincèrement alors que nous étions plongés dans cet exercice constitutionnel.

En revanche, une étude d’impact aux termes du projet de loi S-213, qu’il intègre une analyse au regard de la Charte ou non, exige que le ministre directement responsable des femmes et de l’égalité des genres au Canada se concentre sur les effets attendus de la mesure législative proposée sur la vie des femmes et des filles, en particulier des femmes et des filles autochtones, et qu’il en fasse rapport publiquement. C’est le genre de précision qui est nécessaire pour garantir que les femmes et les filles ne sont pas oubliées dans l’analyse générale de la mesure législative, ce que représente un énoncé concernant la Charte qui est exigé par la Loi sur le ministère de la Justice.

Chers collègues, le projet de loi S-213 n’est pas redondant. C’est une amélioration essentielle à la méthodologie nécessaire à une mise en œuvre efficace et concrète qui va au-delà des mots.

J’aimerais maintenant parler d’une autre question soulevée à propos de ce projet de loi, soit le fait qu’il ne définit pas précisément quel outil analytique doit être utilisé dans la préparation du rapport que la ministre sera tenue de produire. À mon avis, le projet de loi établit le juste équilibre nécessaire à sa mise en œuvre entre donner carte blanche aux fonctionnaires et fournir un cadre suffisamment détaillé pour guider la ministre et les fonctionnaires du ministère dans la production de renseignements utiles et pertinents.

Voilà peut-être une autre leçon que nous avons apprise dans cette pandémie de COVID-19 : nous sommes en mesure de travailler en personne et par téléconférence au Sénat parce que nous avons eu la flexibilité et la volonté d’appliquer les outils que les experts ont pu nous donner pour travailler. Lorsqu’une loi est trop détaillée et inflexible, cela mène à de longues journées frustrantes ou à l’abandon complet de tâches. Voilà pourquoi, chers collègues, il est important de laisser les experts du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres déterminer les meilleurs outils pour procéder à une analyse appropriée de l’incidence des projets de loi. C’est leur travail d’analyser nos projets de loi au moyen des outils d’analyse de l’incidence les plus récents et les meilleurs. Nous ne voulons pas imposer aux experts des outils précis qui deviendront inutiles, érigeant par le fait même un obstacle supplémentaire à l’égalité des genres au Canada.

Je vous exhorte à réfléchir aux milliers de Canadiennes qui tentent d’atteindre leurs objectifs personnels et professionnels et qui, en dépit de nos garanties constitutionnelles d’égalité, gagnent toujours moins que les hommes et se heurtent à plus d’obstacles que bien des hommes au Canada. Pensez à toutes les façons dont nous pouvons tenir compte de leur bien-être et du bien-être de leur famille en mettant en œuvre le projet de loi S-213. Nous honorerons ainsi notre promesse aux Canadiennes tout en faisant un effort véritable pour nous réconcilier avec les femmes autochtones.

Grâce à ce projet de loi, nous lutterons contre la discrimination, le racisme et les facteurs d’oppression qui nuisent aux femmes et aux filles canadiennes, ce qui, par extension, nuit à l’économie canadienne, à notre société et à notre démocratie.

Selon les rapports annuels de Statistique Canada pour 2019, près de 80 % des travailleurs de la santé étaient des femmes. Dans les secteurs de l’éducation, du droit et des services sociaux, communautaires et gouvernementaux, on comptait plus de 70 % de femmes. Dans le secteur des affaires, de la finance et de l’administration au Canada, près de 70 % des postes étaient occupés par des femmes. Parmi ceux qu’on considère comme des travailleurs essentiels, bon nombre sont des femmes et, depuis des mois, nous leur rendons hommage par nos paroles ou par des gestes, comme mettre des cœurs dans les fenêtres ou frapper sur des casseroles dans la cour à 18 h. Le projet de loi à l’étude nous donne désormais l’occasion, en tant que législateurs, de faire plus que de leur envoyer des remerciements sur Twitter ou de faire des déclarations au Sénat.

Les femmes sont majoritaires dans des secteurs cruciaux de la productivité au Canada et l’économie du pays ne pourrait pas survivre sans leur contribution. Le tissu social du pays est lié au travail essentiel accompli par les femmes dans les sphères personnelles et publiques. Dans ses explications concernant l’énoncé économique qu’elle a présenté, la première femme à être ministre des Finances au Canada a dit qu’il s’agissait d’un énoncé féministe. Nous avons entendu de nouvelles expressions comme « récession au féminin » plutôt que simplement « récession » ou « reprise au féminin » plutôt que « reprise » tout court. L’utilisation de ces expressions doit nous faire réfléchir et mener à des mesures concrètes concernant le bien-être des femmes lorsque nous élaborons des lois. C’est que, chers collègues, sans les femmes, le tissu social du pays s’effriterait et la démocratie s’écroulerait.

J’aimerais également vous rappeler, en pensant à la perte que sera pour nous le prochain départ du sénateur Sinclair, que le Canada s’est engagé à se réconcilier et à renouveler sa relation avec les peuples autochtones en misant sur la reconnaissance des droits, du respect, de la coopération et du partenariat. Dans de nombreuses communautés autochtones, le leadership était traditionnellement partagé de façon égale entre les hommes et les femmes. Les notions de leadership fondé sur le patriarcat ont été instaurées grâce au travail des missionnaires européens, aux nouvelles formes de relations commerciales, aux institutions occidentales de gouvernance et à l’État. Avant l’arrivée des Européens, de nombreuses femmes autochtones étaient des dirigeantes influentes et respectées de leurs communautés. Même s’il y a aujourd’hui de nombreuses dirigeantes autochtones exceptionnelles, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées montre incontestablement que les femmes et les filles autochtones sont les personnes les plus vulnérables au Canada.

(1740)

Nous avons été témoins de la précieuse contribution des femmes. Oui, le projet de loi S-213 est une mesure législative modeste, mais forte, et elle arrive à point nommé. J’espère que vous vous joindrez à moi pour l’appuyer.

Merci, meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu propose que le projet de loi S-219, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi S-219, qui porte sur une modification de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en ce qui a trait à la communication de renseignements à la victime.

Chers collègues, il reste encore tant de choses à accomplir au pays dans la bonification des droits des victimes d’actes criminels. Dès mon arrivée au Sénat en 2010, je me suis engagé à être leur voix, afin de faire reconnaître leurs droits et de les faire respecter.

En 2015, après 10 ans de travail soutenu, c’est avec une grande fierté et le sentiment du travail accompli que j’ai présenté au Sénat canadien, pour la première fois dans l’histoire du Canada, un projet de loi qui est devenu la Charte canadienne des droits des victimes, vouée spécifiquement aux droits des victimes et dorénavant enchâssée dans une loi.

Malheureusement, depuis des décennies, la Charte canadienne des droits et libertés a beaucoup plus servi à faire avancer les droits des criminels que ceux des victimes.

La Charte canadienne des droits des victimes compte quatre grands principes fondamentaux — quatre piliers — auxquels la justice ne peut plus et ne doit plus se soustraire.

Ces principes sont les suivants : le droit à l’information, le droit à la participation, le droit à la protection et le droit au dédommagement.

Depuis que la Charte canadienne des droits des victimes a force de loi, de trop nombreuses victimes d’actes criminels et des proches de victimes ont vu leur droit à l’information bafoué ou, pire encore, complètement ignoré. Le projet de loi S-219 viendra donc interpréter légalement leur droit à l’information.

Dans le système de justice canadien, de nombreuses victimes d’actes criminels ne sont malheureusement pas considérées comme elles devraient l’être. Il est encore difficile de constater que, dans un pays comme le Canada, leurs droits sont inférieurs à ceux des criminels alors qu’ils devraient, à tout le moins, être égaux à ces derniers. Par exemple, le manque de transparence de la part de la Commission des libérations conditionnelles du Canada est un sujet récurrent dans les témoignages dont m’ont fait part de trop nombreuses victimes ou leurs proches.

Il faut beaucoup de courage pour être capable d’affronter le système de justice et ses institutions, comme la Commission des libérations conditionnelles du Canada, et encore plus pour être confronté à son agresseur, pour une personne ou la famille d’une victime qui vit un drame, comme un viol ou un assassinat.

C’est la raison pour laquelle il est important d’accompagner autant que possible, par l’intermédiaire de nos lois, ces victimes ou ces familles, en leur donnant des explications pertinentes sur les décisions prises par les juges et par les commissaires.

Une des étapes les plus éprouvantes, pour les victimes et les familles de victimes, est celle des audiences de libération conditionnelle.

Après avoir vécu un drame qui marquera à jamais leurs vies, victimes et familles se retrouvent bien souvent seules avec leur douleur, leurs doutes et leurs peurs. Leur peur, par exemple, de devoir affronter un jour l’épreuve de la possible libération de la personne responsable de leurs souffrances sans en être informées au préalable. Il a été démontré que le processus des libérations conditionnelles est une épreuve psychologique extrêmement douloureuse pour les victimes et leurs familles. Certaines personnes peuvent être dans l’incapacité de travailler quelques mois avant l’audience, d’autres peuvent souffrir de dépression sévère.

Je vais citer une déclaration de la famille de Brigitte Serre, qui a été assassinée en 2006 après avoir été frappée de 72 coups de couteau. Elle avait 17 ans.

Chaque convocation et chaque audience nous font revivre toutes les émotions que nous gardions au plus profond de nous pour pouvoir avancer dans notre vie. Chaque audience est une torture émotionnelle.

Ces épreuves injustement et volontairement imposées par un criminel font en sorte qu’il est inacceptable que les victimes et les familles de victimes doivent composer avec le fait qu’elles sont traitées de manière cavalière par notre système de justice. Prenez quelques secondes pour imaginer ceci : si cette victime était votre enfant, ou si cette famille était la vôtre, ou si vous deviez vous-même vous battre pour faire reconnaître vos droits?

C’est donc pour elles, et pour renforcer leur droit à l’information enchâssé dans la Charte canadienne des droits des victimes, que je présente le projet de loi S-219.

Honorables sénateurs, le projet de loi obligera la Commission des libérations conditionnelles du Canada à informer et à expliquer en détail aux victimes et aux familles les mécanismes et les critères du fonctionnement de la commission quand vient le temps de déterminer les dates relatives aux permissions de sortie, aux déplacements à l’extérieur, aux libérations conditionnelles et aux libérations d’office des criminels.

La Commission des libérations conditionnelles du Canada est une institution fédérale qui a l’obligation de se conformer à une loi fédérale. Cette loi, une fois adoptée, renforcera sa responsabilité et ses obligations envers les victimes. En bref, cette loi, si elle est adoptée, rendra la commission responsable devant les victimes et leurs familles.

Comme l’a mentionné mon collègue le député Colin Carrie lors d’une intervention à l’autre endroit, et je cite :

Souvent, ce sont les institutions censées penser, avant tout, à ceux et celles qui sont affectés par les gestes de délinquants violents, qui plongent ces survivants dans un cycle de revictimisation et de souffrance.

Chers collègues, il est de notre devoir de faire adopter des mesures législatives qui améliorent la situation et respectent les droits et les besoins des personnes vulnérables et qui leur accordent le soutien auquel elles sont en droit de s’attendre. Ce projet de loi n’a aucune incidence financière, n’est en aucun cas contraignant pour le travail des commissaires et fera en sorte que la population et, surtout, les victimes et leurs familles puissent faire à nouveau confiance à notre système de justice et à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

C’est un projet de loi que je qualifierais d’« initiative citoyenne ».

Mme Lisa Freeman, résidante de la circonscription d’Oshawa, a interpellé son député, M. Colin Carrie, sur l’idée de présenter un projet de loi visant à préciser la façon dont la Commission des libérations conditionnelles du Canada et le Service correctionnel du Canada fixent les dates d’admissibilité des délinquants.

Le père de Mme Freeman a été assassiné en 1991. Lorsqu’elle a reçu l’avis d’admissibilité à la libération conditionnelle du meurtrier de son père, elle a été prise au dépourvu, car aucune explication sur les détails des dates et des conditions ne lui a été fournie. Le délinquant avait été condamné à une sentence à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Pourtant, 20 ans après sa condamnation, il a pu bénéficier d’une admissibilité anticipée, sans qu’aucune explication soit donnée à Mme Freeman sur cette décision.

Mme Freeman a déclaré ce qui suit en conférence de presse il y a quelques jours :

Quand j’ai perdu mon père, mon monde a été bouleversé. Comme beaucoup d’autres qui ont dû subir la perte d’un être cher à cause d’un crime violent, je me suis fiée au système de justice pénale pour faire ce qui était juste. Heureusement, justice a été faite à l’époque – mais ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est que ce même système de justice pénale victimise à nouveau ma famille des années plus tard. Et je sais que nous ne sommes pas les seuls.

(1750)

Des injustices comme celle-là, il y en a beaucoup.

Par exemple, au cours de la pandémie actuelle, Mme Freeman m’a dit qu’on lui a refusé le droit de participer en personne, à titre d’observatrice, à l’audience de l’assassin de son père. Dans l’enregistrement de l’audience qu’elle a reçu par la suite, Mme Freeman a appris avec stupéfaction que deux observateurs avaient assisté en personne à l’audience, dont l’agent de probation de l’assassin de son père.

Dans un discours prononcé le 1er mai dernier, j’ai dénoncé l’injustice dont Mme Freeman a été victime, ainsi que toutes les familles de victimes qui se sont vu refuser l’accès aux audiences par vidéoconférence en cette période de pandémie. Je peux comprendre que des mesures soient prises pour éviter la propagation du virus, mais une chose que je ne peux pas comprendre ni accepter, c’est que les victimes ne bénéficient pas des mêmes droits que les délinquants lors des audiences.

C’est sur la base de ce même principe que je présente ce projet de loi. En définitive, le projet de loi S-219 modifiera les articles 26 et 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de mieux informer les victimes et les familles de victimes, en leur fournissant les justifications et les explications sur la manière dont les dates de permissions de sorties, de déplacements et autres sont décidées par la Commission des libérations conditionnelles.

Comme l’a mentionné Mme Freeman, et je la cite à nouveau :

Ce projet de loi ne fera pas revenir le temps en arrière et ne sauvera pas mon père, mais il protégera les victimes et leurs familles contre la même incertitude et le même traumatisme que ma famille a endurés dans le processus.

Honorables sénateurs, comme je l’ai mentionné un peu plus tôt, il faut s’efforcer de faire en sorte que les victimes et la population aient davantage confiance en notre système de justice. Il est nécessaire que la Commission des libérations conditionnelles du Canada soit plus transparente envers les victimes et les familles, et l’adoption de ce projet de loi représenterait un pas important en ce sens.

Déjà, en 2015, je savais que la Charte des droits des victimes devrait être bonifiée. Cette première étape, avec l’adoption du projet de loi S-219, serait une bonification aussi éloquente que souhaitée.

Honorables sénateurs, ce projet de loi représente une demande de la part de familles de partout au pays dont un proche a été assassiné. C’est un honneur et un privilège pour moi d’être toujours présent au Sénat, cinq ans après l’adoption de la Charte canadienne des droits des victimes, afin de poursuivre mon travail, qui a pris forme à la suite de l’assassinat de ma fille Julie en 2002.

Cette présente étape fait partie de la bonification de la Charte des droits des victimes, bonification qui permettrait à énormément de victimes et de familles de victimes de mieux entreprendre une lourde et difficile étape, qui leur est imposée, mais pour laquelle elles seraient beaucoup mieux préparées.

En accordant son soutien à ce projet de loi, ma collègue la députée Shannon Stubbs a déclaré ce qui suit :

Ce changement peut contribuer à assurer un meilleur équilibre dans le système judiciaire. Les droits des victimes et des Canadiens innocents et respectueux de la loi doivent passer en premier.

Cette modification respecte les principes de la Charte canadienne des droits et libertés et permet de rassurer les victimes et leurs familles sur le fait que leur droit à l’information est aussi respecté.

Chers collègues, je suis convaincu que ce projet de loi, réclamé par et pour les victimes et leurs familles, saura recueillir votre appui, afin de témoigner à ces personnes tout le respect et le soutien qu’elles méritent après avoir vécu des drames qui ont chamboulé leurs vies à jamais sans n’avoir jamais rien demandé.

En conclusion, honorables sénateurs, je demande au Sénat de renvoyer ce projet de loi au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin qu’il soit étudié et débattu rapidement. C’est là le souhait de toutes les victimes d’actes criminels et de leurs familles.

En leurs noms et en mon nom, merci beaucoup.

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur les juges
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Déclaration d’intérêts personnels

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous informe que l’honorable sénateur Cotter vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi C-3 et que, conformément à l’article 15-7(1) du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.

Audit et surveillance

Adoption du premier rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, intitulé Nomination de deux membres externes pour le comité, présenté au Sénat le 1er décembre 2020.

L’honorable David M. Wells propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Sénateur Housakos, au tout début de votre intervention, je devrai attirer l’attention du Sénat sur le fait qu’il est 18 heures.

Affaires étrangères et commerce international

Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’augmentation des agressions et des actes contraires au droit international commis par la Turquie—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’augmentation des agressions et des actes contraires au droit international commis par la Turquie, y compris, mais sans s’y limiter, à l’égard de la zone économique exclusive de la Grèce et d’autres pays de la Méditerranée, conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 mars 2021.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je souhaite parler aujourd’hui d’une motion que j’ai moi-même présentée et qui demande que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’augmentation des agressions et des actes contraires au droit international commis par la Turquie, y compris, mais sans s’y limiter, à l’égard de la zone économique exclusive de la Grèce et d’autres pays de la Méditerranée, conformément aux dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dès que le comité sera formé, le cas échéant. Le comité aurait jusqu’au 28 mars 2021 pour soumettre son rapport final.

Depuis que Recep Erdogan a accédé à la présidence de la Turquie, mais surtout depuis le coup d’État raté de juillet 2016, la Turquie est devenue un État voyou qui ne cesse de contrevenir au droit international et qui alimente les conflits, que ce soit dans la région ou ailleurs dans le monde. Ce n’est un secret pour personne : la Turquie doit sa naissance à des crimes contre l’humanité, puisque, de la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’en 1923, elle a soumis les peuples arménien, grec et syrien à l’un des pires génocides de l’histoire. Au fil des ans, elle s’est toutefois complètement transformée. Sa culture politique a changé, elle a misé sur la socialisation et elle s’est employée à devenir un pays laïc et un allié du monde occidental. Même s’il fallait être naïf pour croire que la Turquie avait ce qu’il faut pour être un véritable allié de l’Occident, les ramifications géopolitiques de la Guerre froide ont pu donner l’impression qu’Ankara était une bonne candidate pour l’OTAN et pourrait collaborer avec les pays occidentaux.

Toutefois, la réalité en Turquie est bien différente et, aujourd’hui, à la suite des actes de son dictateur, le président Erdogan, nous découvrons le vrai visage du gouvernement turc, qui est effrontément anti-démocratie et qui n’est pas disposé à se positionner comme une force positive sur la scène mondiale. Au cours des dernières années, nous avons été témoins de quelques situations où la Turquie a contribué à déstabiliser sa région immédiate ou a été la seule instigatrice de conflits et d’atrocités, faisant fond sur les antécédents criminels de son passé ottoman. Animée de vastes ambitions géopolitiques dépassant largement ses capacités, la Turquie est devenue une nation paria qui menace l’ordre mondial tout en violant constamment les lois internationales.

Depuis 2018, la Turquie s’ingère activement dans des questions extérieures à son territoire maritime, en tentant d’empêcher les gouvernements grec et chypriote de chercher du gaz naturel dans leurs eaux, ce qui est pleinement dans leur droit. L’affrontement déclenché et exacerbé par la Turquie se poursuit à ce jour...

Son Honneur le Président : Je regrette de vous interrompre, sénateur Housakos, mais il est six heures, honorables sénateurs. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 27 octobre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si un sénateur souhaite suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Des voix : Suspendre.

Son Honneur le Président : La séance est suspendue jusqu’à 19 heures. À ce moment-là, le sénateur Housakos disposera du temps de parole qui lui reste.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

Affaires étrangères et commerce international

Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’augmentation des agressions et des actes contraires au droit international commis par la Turquie—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’augmentation des agressions et des actes contraires au droit international commis par la Turquie, y compris, mais sans s’y limiter, à l’égard de la zone économique exclusive de la Grèce et d’autres pays de la Méditerranée, conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 mars 2021.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, l’affrontement en question, déclenché et exacerbé par la Turquie, se poursuit à ce jour, et il suscite des préoccupations alarmantes dans l’ensemble de la communauté européenne et au sein de l’OTAN. Cette situation s’est aggravée en juillet 2020 quand la Turquie a annoncé, en utilisant le système maritime d’alerte, qu’elle envoyait un navire de recherches faire de la prospection près de l’île grecque de Kastellorizo, dans la région qui s’étend de Chypre à l’île grecque de Crête.

Bien que les démarches de médiation entreprises par les alliés européens aient contribué à apaiser brièvement les tensions, au début d’août, la Turquie a renié son engagement envers le dialogue et repris ses provocations en envoyant de nouveau le navire de recherches Oruç Reis à quelques kilomètres à peine des eaux grecques. Il n’était qu’à 10,5 kilomètres de la côte de Kastellorizo, alors que les eaux territoriales de la Grèce s’étendent jusqu’à 9,5 kilomètres de la côte de cette île. D’après le droit international, la Grèce peut légalement repousser sa frontière et la faire passer de 9,5 à 19,3 kilomètres.

La Turquie a toutefois déclaré que si la Grèce, aussi alliée de l’OTAN, choisit de faire ce changement permis par la loi, Ankara y verra une cause de guerre. C’est tout à fait absurde. De toute évidence, Erdogan et son gouvernement tentent de provoquer un nouveau conflit qui, en plus de mettre en péril les fondements mêmes de l’alliance de l’OTAN, fera de la Turquie un État voyou, indigne de faire partie de ce groupe très prestigieux qu’est l’alliance de l’OTAN.

Même si de nombreux pays européens ont appelé la Turquie à cesser ses actes de provocation et retourner à la table des négociations, le président Erdogan est déterminé à chercher la chicane encore une fois pour déstabiliser la région et distraire son peuple de ses échecs économiques au pays.

Pour couronner le tout, en vue de rallier davantage son peuple autour du drapeau, en juillet, le président Erdogan a décidé de convertir le musée historique de l’église grecque orthodoxe Sainte-Sophie en mosquée, ne démontrant aucun respect pour les lieux historiques et religieux de son propre pays. Ce n’est pas de cette façon qu’un allié de l’OTAN doit se comporter. Le gouvernement Erdogan a délaissé sa politique visant à éviter tout conflit avec les pays voisins. Il est grand temps que le Canada et le reste de la communauté internationale se rendent compte que la Turquie n’est pas une alliée qui est prête à collaborer de bonne foi avec la communauté internationale.

Le Canada doit se porter à la défense de la Grèce, de Chypre et des autres pays aux vues similaires. Il doit aussi dénoncer Erdogan et collaborer avec ses partenaires dans le monde pour contenir le danger et instaurer la paix et la stabilité dans cette région très explosive du monde.

Mais les manœuvres d’Erdogan ne se limitent pas à la Grèce. En effet, il continue d’exacerber la situation en Libye et en Syrie, et a récemment pleinement soutenu ses homologues en Azerbaïdjan lorsque ces derniers ont déclenché une guerre non provoquée contre la République d’Artsakh et le peuple arménien. Le 27 septembre, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie et des mercenaires djihadistes étrangers, a entamé une guerre à grande échelle contre l’Artsakh, menaçant une fois de plus de mener une campagne de nettoyage ethnique contre les populations autochtones qui vivent à cet endroit depuis des siècles.

En raison du silence de la communauté internationale, et malheureusement aussi de notre propre gouvernement ici au Canada, le tandem Turquie-Azerbaïdjan a pu procéder avec impunité, une fois de plus, au déplacement du peuple arménien de ses terres ancestrales. Cette situation a abouti, le 9 novembre, à l’imposition par la Russie d’un accord de paix déséquilibré entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Aujourd’hui, même après la fin des hostilités, la Turquie et l’Azerbaïdjan n’ont pas mis fin à leurs actes criminels. Alors que près de 100 000 Arméniens sont toujours déplacés, le sort de nombreux prisonniers de guerre arméniens est incertain. Alors que l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, ignore malicieusement les appels à entreprendre un échange de prisonniers et de dépouilles, cela se produit sur fond de crimes de guerre plus graves que l’Azerbaïdjan a commis pendant la guerre et qu’il continue de commettre aujourd’hui en envahissant des territoires ancestraux appartenant à l’Arménie.

Nous devons avoir le courage de nous opposer à ces régimes criminels et d’arrêter de nous contenter de faire des déclarations qui ne font pratiquement rien. Ne vous y trompez pas, chers collègues, le véritable instigateur de tous ces crimes est le président turc Erdogan lui-même, et, si la communauté internationale ne fait pas preuve de courage, la menace continuera de s’étendre à des territoires beaucoup plus proches de nous que nous ne pouvons l’imaginer.

Tout ce que le gouvernement turc du président Erdogan a fait et continue de faire est contraire aux valeurs partagées par les pays démocratiques occidentaux et nos alliés de l’OTAN. Malheureusement, le gouvernement a soit choisi de garder le silence ou de fermer les yeux sur la plupart de ces questions ou n’a pas réussi à changer les choses pour le mieux. Le monde attend davantage de nous et il a besoin de plus de contributions traditionnelles et positives du Canada à la communauté internationale.

Le premier ministre Trudeau a déjà dit que le Canada était de retour. En fait, depuis qu’il est au pouvoir, le Canada se dérobe à ses obligations et est incapable de respecter ses engagements envers la communauté internationale. Il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire, chers collègues, notamment autoriser le Comité des affaires étrangères à examiner et à faire rapport sur l’augmentation des agressions et des actes contraires au droit international commis par la Turquie.

Honorables sénateurs, je vous exhorte donc tous à voter en faveur de cette motion et des deux autres motions que j’ai déposées qui portent sur l’indépendance de la République d’Artsakh et qui condamnent la Turquie pour avoir converti en mosquée la basilique chrétienne Sainte-Sophie, un édifice historique vieux de plusieurs siècles, et pour avoir commis d’autres gestes inacceptables. Merci, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Dasko, le débat est ajourné.)

[Français]

Langues officielles

Motion tendant à autoriser le comité à étudier la décision du gouvernement d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénatrice Martin,

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la décision du gouvernement du Canada d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS, une tierce partie qui n’a pas la capacité de travailler dans les deux langues officielles, en violation apparente de la Loi sur les langues officielles du Canada, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 28 février 2021.

L’honorable Leo Housakos : Chers collègues, avant de vous exposer le problème auquel notre pays est confronté, je tiens à vous expliquer ma vision du bilinguisme au Canada. Le problème du système bilingue dans lequel nous évoluons est qu’il n’encourage pas le bilinguisme. C’est un système qui encourage la bipolarisation et non l’union. Les communautés francophones d’un océan à l’autre son entourées de communautés anglophones beaucoup plus importantes. Le Québec, qui est censé porter le flambeau de la langue française, est entouré de forces anglophones au sud, au nord, à l’est et à l’ouest. Même Montréal, qui est notre métropole francophone, est de plus en plus anglophone.

La stratégie que nous privilégions est inefficace. La condition du français est en train de s’effriter à une vitesse effarante. Le français est perçu par les nombreux arrivants et anglophones qui s’installent dans les régions francophones comme un mal nécessaire. Le français ne devrait pas être un obstacle à la prospérité, mais bien un outil pour l’atteindre. Le français et l’anglais devraient aller de pair au lieu d’être des forces opposées. Nous devons encourager un vrai bilinguisme pour permettre aux communautés francophones et anglophones d’être réellement unies et pour briser les barrières linguistiques qui freinent tant de gens.

Les politiciens de tous les partis politiques confondus utilisent le sujet de la langue pour gagner des votes et du capital politique. Malheureusement, malgré le fait que ce soit un thème récurrent dans le discours politique, peu d’actions concrètes et efficaces sont menées pour remédier à la situation critique du bilinguisme canadien. Cessons d’utiliser la langue comme un outil politique et unissons nos voix, en français et en anglais, pour faire en sorte que le Canada soit un pays réellement bilingue. Tout le monde en sortira gagnant.

(1910)

J’aimerais maintenant exposer une des décisions les plus dommageables que le gouvernement Trudeau a prises depuis le début de son règne.

Au cours des derniers mois, nous avons constaté la corruption de ce gouvernement dans le scandale entourant l’organisme UNIS. Ce scandale a prouvé que la famille Trudeau et ses amis libéraux n’ont aucun scrupule lorsqu’il s’agit de sommes d’argent. Ils ont accepté des centaines de milliers de dollars et se sont fait payer des voyages luxueux par une fondation qui ne paie même pas ses conférenciers. Ce scandale était si grave que le ministre des Finances a dû démissionner, puisqu’il avait lui aussi accepté des pots-de-vin de l’organisme UNIS. Le geste était à ce point inacceptable que le seul député possédant les compétences nécessaires pour occuper le poste de ministre des Finances a dû démissionner. En effet, ce genre de comportement, de la part de nos dirigeants démocratiquement élus, est tout à fait inacceptable. D’ailleurs, ce n’est pas la première, mais bien la troisième fois que Justin Trudeau refuse de reconnaître un conflit d’intérêts lorsque cela l’avantage.

Ce qui est encore plus disgracieux, c’est le fait que tous les pots-de-vin que l’organisme UNIS a versés à la mère, au frère et à la femme du premier ministre, en plus du premier ministre lui-même, ont manifestement fonctionné. Après que les membres de la famille de Justin Trudeau ont été grassement payés pour leur bénévolat, c’était maintenant au tour du premier ministre du Canada lui-même de retourner l’ascenseur vers ses amis, les frères Kielburger. Il a donc décidé unilatéralement, sans faire d’appel d’offres, de leur confier la gestion de 900 millions de dollars en bourses canadiennes pour le bénévolat étudiant, et ce, sans même penser à confier cette responsabilité à la fonction publique qui, selon plusieurs rapports, aurait été tout à fait en mesure de s’occuper de ce programme. Il est très payant d’avoir Justin Trudeau comme ami, car l’organisme UNIS devait toucher 43,5 millions de dollars pour distribuer ces bourses.

Les faits que je viens d’évoquer sont tout simplement inacceptables. Cependant, notre beau premier ministre est allé encore plus loin dans son mépris envers les contribuables canadiens. Pour couronner le tout, UNIS, l’organisme qui a graissé la patte de M. Trudeau et de sa famille, n’était même pas qualifié pour s’occuper de la partie francophone des bourses. Bien que M. Trudeau soit très généreux envers ses amis avec l’argent des contribuables, il n’a pas été assez astucieux pour se rendre compte que son cadeau aux frères Kielburger allait à l’encontre de la Loi sur les langues officielles. M. Trudeau méprise tellement les communautés francophones à travers le pays qu’il a oublié de tenir compte de cela lorsqu’il a échafaudé son plan pour récompenser ses amis. Après avoir versé des centaines de milliers de dollars à ses proches, il s’est avéré que l’organisme UNIS n’était pas le seul organisme qualifié pour gérer ces fonds. En fait, l’organisme UNIS n’était pas du tout qualifié pour assumer cette responsabilité.

Honorables sénateurs, malgré la gravité des faits que je viens de vous exposer, j’aimerais souligner une chose encore plus troublante pour une bonne partie des Canadiens. L’incapacité de l’organisme UNIS à gérer le programme de bourses en français est une autre preuve que les libéraux n’ont aucun intérêt pour la langue française. Étrangement, ce n’est pas la première fois que les libéraux manquent de respect envers l’une des deux langues officielles de notre grand pays. Une députée libérale du Québec a récemment mis en doute le déclin de la langue française au Québec. Ironiquement, cette députée a été élue dans une circonscription de la région de Montréal où le français est très menacé. Les propos de cette députée étaient à ce point irrespectueux que Mélanie Joly, ministre libérale responsable des langues officielles, l’a corrigée sur la place publique. La députée en question s’est alors excusée de ses propos insensibles sur les réseaux sociaux, mais c’était trop peu, trop tard. Elle avait, une fois de plus, démontré que les libéraux ne s’occupent pas de la situation du français au Canada, et encore moins au Québec.

Ces propos ne sont pas nouveaux de la part de personnes haut placées au Parti libéral. En septembre dernier, la directrice du Parti libéral du Canada au Québec a affirmé sur les réseaux sociaux que la loi 101 était « oppressive » et qu’elle a gâché l’éducation en langue anglaise. Bien sûr, honorables sénateurs, comme tout bon libéral, lorsqu’elles ont commencé à essuyer de fortes critiques pour leurs propos inacceptables, elles se sont toutes les deux excusées sur les médias sociaux. La directrice du Parti libéral du Canada au Québec est allée jusqu’à supprimer sa publication afin de limiter les dégâts. Aucune lettre d’excuses ne pourra effacer l’ignorance dont ces deux personnes haut placées au Parti libéral ont fait preuve envers la langue française. Malheureusement pour les francophones du Canada, ces deux personnes disent simplement tout haut ce que le gouvernement pense tout bas.

Peu importe l’opinion des libéraux au sujet du déclin de la langue française, il est tout simplement irresponsable de suggérer qu’il n’existe pas. Nous ne pouvons nous permettre, en tant que nation bilingue, de mettre de côté l’une de nos langues fondatrices. Après avoir constaté que le français est en chute libre, la moindre des choses que le gouvernement libéral devrait faire est d’offrir des services équivalents en anglais et en français.

C’est pourquoi je me prends la parole aujourd’hui afin de dénoncer l’action du gouvernement fédéral envers l’une des langues fondatrices de notre beau pays. Le français est dans l’eau chaude partout au Canada et même au Québec. Or, le gouvernement nous sert les belles paroles habituelles et veut nous promettre que la langue française n’a jamais été en aussi bonne position. Force est de constater que cette affirmation est complètement fausse. Il faut remédier à la situation immédiatement.

Bien sûr, l’état du français pourrait être amélioré par des programmes d’aide et d’autres subventions. Toutefois, le seul moyen d’assurer la continuité du français est de considérer cette langue à sa juste valeur, c’est-à-dire une langue officielle qui doit être respectée dans les actions du gouvernement.

Malgré la corruption évidente que je vous ai décrite, le plus dommageable dans ce scandale est le manque de respect apparent envers la langue française. Le fait que l’organisme UNIS ait dû faire affaire avec la firme de relations publiques National pour administrer le programme de bourses en français était tout à fait illégal, en vertu de l’article 25 de la Loi sur les langues officielles. Cet article stipule que tout organisme qui offre des services au nom du gouvernement fédéral doit le faire dans les deux langues officielles. Le programme orchestré par le gouvernement fédéral pour l’organisme UNIS n’a pas été conçu dans le respect de la Loi sur les langues officielles. C’est donc à notre tour, en tant que parlementaires, de nous prononcer en faveur du français et de nous assurer qu’il soit respecté. Nous devons aux communautés francophones de partout au Canada, trop souvent laissées pour compte, d’utiliser le pouvoir qui nous a été accordé pour nous assurer que la langue française soit respectée à sa juste valeur.

Le gouvernement se doit d’expliquer le raisonnement derrière la décision d’octroyer le contrat de la distribution des bourses à un organisme qui n’était pas en mesure de fournir des services dans les deux langues officielles. Ce genre d’action ne peut pas rester sans conséquence. Si nous n’allons pas au fond des choses, nous risquons que ce genre d’infraction devienne de plus en plus fréquente, ce qui fait du tort à toutes les communautés francophones du Canada.

Pour ces raisons, je propose que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, la décision du gouvernement du Canada d’attribuer un contrat pour un programme de bourses d’études à l’organisme UNIS, un organisme tiers qui n’était pas en mesure de fournir des services dans les deux langues officielles, ce qui vient de toute évidence contrevenir à la Loi sur les langues officielles du Canada.

Honorables sénateurs, j’espère que vous appuierez cette motion. La demande n’est pas partisane, loin de là. C’est tout simplement une action que nous devons poser pour être en mesure de prospérer en tant que nation bilingue.

Merci, honorables sénateurs.

(1920)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : J’aimerais poser une question au sénateur Housakos, s’il accepte.

Le sénateur Housakos : Avec plaisir.

La sénatrice Gagné : Merci beaucoup pour ce discours et pour votre engagement en faveur de la promotion des deux langues officielles du Canada. Vous avez indiqué dans votre préambule que la question du bilinguisme était devenue un outil politique. J’aimerais que vous précisiez si, selon vous, le bilinguisme est devenu un outil politique pour tous les partis.

Ma deuxième question traite de la différence entre les langues officielles et les langues nationales, car je commence à entendre, dans le discours du chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, l’utilisation de l’expression des langues nationales, qui est nouvelle, et je me demandais si vous étiez en mesure de nous en dire davantage à ce sujet.

Le sénateur Housakos : Premièrement, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que tous les partis politiques et tous les politiciens au Canada utilisent souvent la langue française et le bilinguisme comme un outil politique, ce qui est malheureux.

En même temps, nous traversons une crise sérieuse au Canada. Nous sommes un pays officiellement bilingue. Cependant, ma préoccupation en tant que parlementaire est liée au fait que les régions à l’extérieur du Québec deviennent de plus en plus anglophones et que le Québec devient de plus en plus unilingue francophone. À mon avis, ce phénomène ne favorise pas l’unité nationale. Il faut avoir une vision commune, une vision qui utilisera nos deux langues fondatrices comme des outils pour unifier le pays.

En ce qui concerne votre deuxième question, je suis fier, en tant que membre du caucus du Parti conservateur du Canada, que notre chef, M. Erin O’Toole, se soit exprimé clairement sur le déclin de la langue française. Il est prêt à aller beaucoup plus loin pour appuyer la langue française que ne l’a fait aucun autre chef d’un parti national, selon moi. C’est une bonne nouvelle pour le bilinguisme et la langue française.

D’autre part, lorsqu’un gouvernement contrevient à la Loi sur les langues officielles, comme l’a fait le gouvernement actuel avec le projet qu’il voulait confier à l’organisme UNIS, des institutions comme le Sénat sont obligées de prendre des mesures pour protéger les objectifs et l’esprit de cette loi.

Son Honneur le Président : Votre temps est écoulé, sénateur. Voulez-vous encore cinq minutes pour répondre aux questions?

[Traduction]

Des voix : Non.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

Recours au Règlement

Report de la décision de la présidence

L’honorable Frances Lankin : Votre Honneur, j’invoque le Règlement. J’ai levé la main à l’aide de l’outil virtuel à notre disposition et j’ai également envoyé un message aux techniciens pour signifier que j’avais levé la main afin d’invoquer le Règlement.

Je crois que nous avons tous entendu le sénateur Housakos accuser le premier ministre d’être corrompu et d’avoir accepté des pots-de-vin — le gouvernement, le premier ministre et sa famille —, mais il a clairement utilisé les mots « corruption » et « pots-de-vin ». Votre Honneur, je sais que vous avez horreur de vous ingérer dans nos débats et nos délibérations, mais vous nous avez exhortés à maintes reprises à ne pas utiliser de remarques cinglantes et offensantes.

À mon avis, ceci dépasse les limites de l’acceptable. La corruption est une accusation au titre du Code criminel, alors l’honorable sénateur vient de porter une accusation d’activité criminelle. En théorie, il a droit à son opinion, et je n’enlèverais ce droit à aucun sénateur. Or, je crois qu’accuser des représentants du gouvernement de corruption quand il n’y a aucune preuve et aucun signe d’activité criminelle dépasse les bornes. Selon moi, on devrait demander au sénateur de se rétracter.

Merci beaucoup, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : La sénatrice Lankin a invoqué l’article 6-13(1) du Règlement. Sénateur Housakos, voulez-vous répondre?

L’honorable Leo Housakos : Oui, Votre Honneur, je vous remercie beaucoup.

Nous avons évidemment le privilège au Sénat de pouvoir nous exprimer comme nous l’entendons. J’exerce ce privilège. J’aimerais répondre à la sénatrice Lankin.

J’ai eu l’intégrité et la décence d’aller au-delà de cela, car les affirmations que j’ai faites dans mon discours aujourd’hui, en vertu du privilège et de l’immunité dont je jouis en tant que parlementaire, je les ai déjà faites sur les médias sociaux; j’ai fait ces déclarations publiquement. J’ai invité le premier ministre, s’il le souhaite, à prendre des mesures à mon égard en réponse à ces déclarations. Il est libre de le faire, et je serais plus qu’heureux de le voir devant un tribunal et de l’y contre-interroger.

Je maintiens ma déclaration. Je crois que l’organisme UNIS a versé des sommes à sa mère, à son frère et à son épouse à différents moments, ce qui représentait carrément un conflit d’intérêts et une infraction au Code criminel, et des mois plus tard, il y a eu échange de subventions et de fonds gouvernementaux.

Le premier ministre a commis ce genre de faute plus d’une fois. J’ai décrié le fait que la fondation de l’Aga Khan avait reçu des dizaines de millions de dollars quelques mois après que le premier ministre s’est rendu à l’île privée de l’Aga Khan dans le cadre de deux voyages de luxe. Les sommes en question avaient été versées à la suite de décisions prises par le Cabinet, pour lesquelles le premier ministre ne s’est pas excusé alors qu’il se trouvait clairement en conflit d’intérêts.

Tout ce que je viens d’exprimer dans cette enceinte, je l’ai exprimé publiquement et je maintiens ce que j’ai dit. Je serais plus qu’heureux d’en assumer les conséquences, car j’ai eu le courage de faire valoir mon point de vue dans la sphère publique.

Le sénateur Campbell : C’est une honte! C’est une honte!

Son Honneur le Président : Avant de poursuivre, alors que plusieurs sénateurs veulent participer au débat, je vous rappelle que l’article 6-13(1) du Règlement concerne ce qui survient dans l’enceinte du Sénat. Essentiellement, ce qui se passe à l’extérieur de cette Chambre n’est pas visé par cet article.

Sénatrice Lankin, je sais que vous voulez prendre la parole, mais je vois aussi le sénateur Dalphond se lever, alors je vais lui permettre d’être le prochain à intervenir.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Merci, Votre Honneur.

Je pense que je viens d’entendre le sénateur Housakos aller encore plus loin que ce qu’il a dit dans son discours. Je pense que c’est contraire à l’article 6-13(1) du Règlement parce que ce sont des propos non parlementaires. Dans les médias, il peut accuser le gouvernement d’avoir reçu des pots-de-vin ou d’avoir fait autre chose, ou alors il peut le faire dans un discours qu’il prononce quelque part à Montréal en compagnie de M. O’Toole.

Toutefois, c’est une autre paire de manches lorsqu’il participe aux débats du Sénat. Il doit alors se conformer au Règlement du Sénat, où il est important de maintenir le décorum et où la dignité et le respect pour les institutions et envers les personnes qui servent la population, comme le premier ministre, les ministres, les sénateurs et les députés, sont importants. Voilà pourquoi nous avons cet article du Règlement :

Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement.

Dire de quelqu’un qu’il a commis un crime alors qu’il a peut-être enfreint le code d’éthique de la Chambre des communes, c’est brouiller intentionnellement les cartes. C’est mentir devant le Sénat. C’est induire en erreur le grand public, qui nous regarde.

C’est non parlementaire, Votre Honneur, et à mon avis le sénateur Housakos doit retirer ses propos et s’excuser. Merci.

La sénatrice Lankin : Votre Honneur, sans vouloir inciter le sénateur Housakos à reprendre son discours, puisque c’est ce qu’il vient de faire en réponse au rappel au Règlement, j’aimerais que vous preniez en considération la réputation de cette auguste institution. Il est question de la conduite attendue des sénateurs. C’est une question de respect de notre code d’éthique, qui nous interdit de ternir la réputation de cette institution. Tout cela doit être considéré.

La règle en question, qui dit que les propos injurieux ou offensants ne peuvent être tolérés parce qu’ils sont non parlementaires, doit certainement compter pour quelque chose. Je suis consciente que, même si vous demandez toujours aux sénateurs de se comporter adéquatement, il arrive que ce genre de choses se produisent lors d’un débat particulièrement houleux, mais il s’agissait manifestement d’une prise de position politique. Je pense que la plupart d’entre nous en conviendront, même si le sénateur Housakos le nie. Je pense qu’il a franchi les limites établies par cette règle, et je voudrais que vous lui demandiez de se rétracter.

(1930)

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Je voudrais intervenir pour appuyer le rappel au Règlement qui a été soulevé. Je crois qu’on aurait pu tout aussi bien soulever une question de privilège comme sénateurs. Le manque de considération du sénateur Housakos, non seulement pour les personnes qu’il accuse, mais aussi pour les sénateurs et sénatrices qui, comme moi, participent à la séance ce soir est inacceptable.

Je vous demande donc de prendre en considération ce rappel au Règlement; sinon, je voudrais déposer une question de privilège pour une atteinte à notre capacité, à titre de sénateurs et sénatrices, d’exercer nos fonctions à un moment extrêmement difficile non seulement de l’histoire de l’humanité en général, mais aussi de celle de la collectivité canadienne, en raison de la pandémie de COVID-19.

Je pense que nous sommes tenus d’observer, en qualité de parlementaires — et encore plus de législateurs non élus —, un minimum de réserve dans nos interventions dans cette Chambre. L’invocation d’un privilège parlementaire pour attaquer, pour des raisons politiques ou autres, des responsables publics devant cet auditoire captif que sont les sénateurs et sénatrices est inacceptable.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Je n’ai pas employé de propos non parlementaires dans mon discours ou lorsque j’ai pris la parole pour invoquer le Règlement. Au fil des ans, j’ai pris de soin de respecter les règles de la Chambre des communes, du Sénat et des autres assemblées issues de la tradition parlementaire de Westminster, et je n’ai pas employé un seul mot que la présidence pourrait qualifier de non parlementaire. Je faisais allusion au code d’éthique, que tous les parlementaires sont tenus de respecter. J’ai fait allusion au Code criminel, aux lois de ce pays, et nous nous attendons à ce que les lois soient appliquées, peu importe l’identité des personnes concernées.

Notre privilège parlementaire nous confère le droit de nous exprimer librement. C’est ce qu’on appelle la liberté d’expression. Je n’ai jamais, en aucun cas, employé des propos qui auraient été considérés comme étant offensants par quelque Président que ce soit dans l’histoire du Sénat. Personne n’enlèvera à un parlementaire son droit d’interpeller sur la scène publique les membres de l’exécutif qui, selon lui, ont enfreint le code d’éthique. C’est ce que le premier ministre a fait à trois reprises — cela a été confirmé — et il fait toujours l’objet d’une enquête par le commissaire à l’éthique. À ce sujet, je crois comprendre que la GRC a déclaré il y a quelques semaines qu’elle menait une enquête sur le scandale de l’organisme UNIS.

Au bout du compte, les parlementaires ont le droit de s’assurer que le Code criminel et leur code d’éthique sont respectés. Nous avons le droit de nous exprimer librement. Certains parlementaires ayant peut-être des intérêts politiques invoquent le Règlement pour défendre un membre de l’exécutif qu’ils veulent protéger contre toute critique, en prétextant que les questions que je pose et les termes que j’utilise sont trop directs. Or, c’est mon droit, et personne n’a le droit de m’en priver. J’ai simplement répondu à la sénatrice Lankin, et j’ai aussi fait ces accusations sur la scène publique. Je n’ai pas agi comme un lâche. Mon privilège parlementaire me confère manifestement ce droit. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Je remercie tous les sénateurs ayant participé à ce débat. Je prendrai la question en délibéré.

L’ajournement

Rejet de la motion

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le Sénat s’ajourne maintenant. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : La sonnerie retentira pendant une heure.

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 20 h 35. Convoquez les sénateurs.

(2030)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au vote, j’aimerais souligner quelques points.

Si vous participez au débat par vidéoconférence, vous devriez avoir trois cartes de vote en votre possession : une pour indiquer que vous êtes pour la motion, une pour indiquer que vous êtes contre la motion et une autre pour indiquer que vous souhaitez vous abstenir de voter. Si vous n’avez pas de cartes de vote, vous pouvez en faire vous-même à l’aide d’un papier et d’un crayon ou d’un feutre noir, afin que l’écriture soit visible. Veuillez brandir la bonne carte au bon moment. Après que votre nom a été appelé, vous pouvez baisser votre carte.

Après que j’aurai lu la motion, je demanderai aux sénateurs sur place qui sont en faveur de la motion de se lever, et ensuite aux sénateurs qui participent par vidéoconférence de brandir leur carte « oui ». Je demanderai ensuite aux sénateurs sur place qui s’opposent à la motion de se lever, puis aux sénateurs qui participent par vidéoconférence de brandir leur carte « non ». Enfin, je demanderai aux sénateurs sur place qui souhaitent s’abstenir de voter de se lever, le cas échéant, suivis des sénateurs qui sont à distance.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Mercer
Beyak Mockler
Boisvenu Plett
Carignan Poirier
MacDonald Richards
Manning Seidman
Marshall Stewart Olsen—16

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Gold
Black (Alberta) Hartling
Boehm Jaffer
Boniface Keating
Bovey Klyne
Brazeau Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Campbell Lankin
Cordy Loffreda
Cormier Marwah
Cotter McCallum
Coyle McPhedran
Dalphond Mégie
Dasko Miville-Dechêne
Dawson Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Munson
Deacon (Ontario) Omidvar
Dean Pate
Downe Ravalia
Duffy Ringuette
Duncan Simons
Dupuis Verner
Forest-Niesing Wetston
Francis Woo—49
Gagné

ABSTENTION
L’honorable sénateur

Housakos—1

(2040)

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, comme le veut la tradition en cette enceinte, j’aimerais m’adresser au Sénat pour expliquer mon abstention.

J’ai cru bon d’expliquer mon abstention parce que, si ma mémoire est bonne, il s’agit probablement de la première fois que je m’abstiens de voter au Sénat. Je tiens à vous faire part des raisons de ma décision.

D’abord et avant tout, comme chacun le sait, s’il y a quelqu’un qui apprécie les règles, les droits et les privilèges du Sénat, c’est bien moi. Je les respecte fondamentalement et aussi systématiquement que possible. Il ne fait aucun doute que les caucus et tous les sénateurs ont le droit de proposer des motions d’ajournement. De plus, ils ont le droit de voter et d’appuyer ces motions d’ajournement comme bon leur semble.

Je tiens à souligner que le Sénat a déjà pour principe prépondérant de donner la priorité aux projets de loi d’initiative ministérielle. C’est à la base du fonctionnement de cette institution. Nous continuons à le faire.

Je pense aussi que c’est important, pour le Canada et pour l’institution que nous sommes, que nous demeurions pertinents au‑delà du travail de l’exécutif. Lorsque nous débattons des interpellations des sénateurs, des motions, des motions d’initiative parlementaire ou des projets de loi d’initiative parlementaire, nous devons nous rappeler qu’ils sont tous importants pour les intervenants et les Canadiens de partout au pays. À mon humble avis, ils sont tout aussi importants pour le Parlement que les projets de loi d’initiative ministérielle. Évidemment, étant une institution qui croit aux principes fondamentaux de la démocratie, nous accorderons toujours la priorité aux projets de loi du gouvernement et nous garderons toujours à l’esprit le programme politique du gouvernement et nous ferons preuve d’une grande diligence à son égard.

Je tiens aussi à souligner que nous devons être très prudents. Je pense que, même si nous avons le droit de proposer nos propres motions d’ajournement, peu importe qui veut le faire, nous devons être conscients que cette Chambre doit débattre à fond de tous les autres projets de loi d’initiative parlementaire, motions et interpellations si nous voulons servir les Canadiens de notre mieux.

C’est ce que je voulais dire. À l’avenir, même si les groupes et les dirigeants des groupes prennent des libertés parce que nous leur donnons le pouvoir de négocier des ententes pour limiter le temps réservé au débat, il arrive un moment où ils doivent tenir compte du travail que certains sénateurs veulent accomplir de façon individuelle.

Voici mon message, surtout pour les leaders du gouvernement, qui ont le rôle important d’orienter les débats et les négociations au Sénat : quand toutes ces négociations ont lieu, vous devez être prudents et conscients que le Sénat est une institution conçue pour donner une place fondamentale aux voix des minorités. C’est ce qui fait la beauté du Sénat. Il s’agit d’une institution hybride qui repose sur les principes de la Chambre des communes de Westminster et de la Chambre des lords et qui a été créée par les pères fondateurs du Canada afin que toutes les régions et tous les citoyens soient entendus, et ce, de façon égale.

Votre Honneur, je vous remercie de m’avoir permis de faire part de mon point de vue à mes estimés collègues.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda,

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2021.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour appuyer la motion no 17 de la sénatrice McCallum, qui demande au Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles d’examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources, et leurs effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales.

Sénatrice McCallum, je vous remercie de donner au Sénat l’occasion de dénoncer, de manière proactive, le racisme systémique, le sexisme, la discrimination fondée sur la capacité physique, la marginalisation économique et d’autres inégalités qui, trop souvent, empêchent les personnes touchées par l’extraction et le développement des ressources de se faire entendre au Sénat ou à l’autre endroit.

L’examen proposé est particulièrement pertinent dans le contexte actuel, alors que le Canada donne suite à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et que la pandémie de COVID-19 se poursuit. Cet examen sera l’occasion cruciale de veiller à ce que les mesures de relance économique soient ancrées dans les droits de la personne et dans des considérations environnementales conformes à l’engagement du Canada à l’égard des objectifs de développement durable de l’ONU, sans oublier l’élaboration d’un plan d’action en vue de régler les nombreux problèmes soulevés au sujet des femmes et des filles autochtones disparues, assassinées, itinérantes ou emprisonnées.

L’examen proposé favoriserait une prise en compte globale des effets de l’extraction et du développement des ressources, surtout sur les personnes les plus marginalisées et sur les secteurs où ces activités s’ajoutent à des inégalités systémiques et les intensifient.

Chaque journée de pandémie nous rappelle brutalement les liens inexorables qui existent entre la santé de l’environnement, la vigueur de l’économie et le bien-être de la société, des liens que les objectifs de développement durable de l’ONU mettent en relief. Pour que l’économie puisse fonctionner, et même prospérer, nous devons faire en sorte que les gens, les communautés et l’environnement soient en santé et en sécurité.

(2050)

On nous demande peut-être ces temps-ci d’unir nos efforts pour vaincre la COVID-19, mais nous ne devons pas oublier pour autant la tâche qui nous attendra par la suite, c’est-à-dire mettre un frein aux changements climatiques et à la dégradation de l’environnement et en renverser le plus possible les effets. Or, pour ce faire, nous devrons nécessairement modifier les lois et les politiques afin qu’elles tiennent adéquatement compte des répercussions de l’extraction et de l’exploitation des ressources naturelles.

L’objectif de développement durable no 10 porte sur la réduction des inégalités. La sénatrice McCallum a parlé du fait que divers problèmes de santé, comme certains cancers rares, touchent de manière disproportionnée les Autochtones vivant près des sables bitumineux, des mines d’uranium et des usines de pâte à papier. La sénatrice Galvez, elle, a attiré notre attention sur le racisme environnemental et sur les politiques économiques aux termes desquelles les industries produisant des émanations et des déchets toxiques et dangereux s’installent presque systématiquement près des zones habitées par des personnes pauvres ou racialisées.

La dégradation de l’environnement causée par l’extraction des ressources naturelles empêche les Autochtones de se rendre jusqu’aux sites sacrés menacés de destruction, nuit aux activités traditionnelles comme la chasse, la pêche et la cueillette, et constitue un danger pour la faune, pour la diversité de la flore et pour la qualité de l’eau et de la nourriture, en plus de compromettre la santé et le bien-être des personnes et des groupes qui vivent à proximité.

Le fait que le Canada n’ait pas réussi à contrôler les émissions de gaz carbonique et autres associées au secteur extractif a eu un effet disproportionné sur les personnes pauvres et racialisées. Plus une personne est marginalisée économiquement, plus elle est désavantagée par le prix des aliments et plus elle risque de souffrir d’insécurité alimentaire, sans parler du fait qu’elle n’a généralement pas les moyens de se protéger contre les catastrophes climatiques occasionnées par les changements climatiques, qu’il s’agisse d’inondations, de feux de forêt ou de tornades, de s’y préparer ou, si la situation l’exige, de fuir sans mettre sa vie en danger.

Mme Pamela Palmater a souligné que, dans trop de communautés autochtones :

[l]e génocide et l’écocide vont de pair. L’extraction et le développement détruisent les terres et les eaux dont [nous dépendons] et contribuent directement à la violence et au génocide commis contre les femmes et les filles autochtones.

L’objectif de développement durable no 5 porte sur l’égalité entre les sexes. Comme nous l’ont rappelé les sénatrices McCallum et Galvez, ainsi que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le secteur de l’extraction des ressources naturelles est associé à un taux plus élevé de violence contre les femmes, et en particulier contre les femmes autochtones. La traite et l’exploitation sexuelle des femmes ont trop souvent été rattachées à des campements d’extraction des ressources naturelles.

En outre, les femmes vivant dans des régions éloignées se heurtent à des obstacles économiques les empêchant de quitter des partenaires qui abusent d’elles si elles dépendent d’eux pour leur subsistance ou si elles ne peuvent aller nulle part pour se réfugier.

Les emplois bien rémunérés dans le secteur de l’extraction et de l’exploitation des ressources sont encore occupés en très grande majorité par des hommes, ce qui aggrave les inégalités fondées sur le sexe dans les collectivités dont l’économie repose sur ces industries et dont les autres emplois sont souvent des emplois mal rémunérés dans le secteur des services.

La déclaration de Pictou, produite en 2004 par des groupes communautaires et des groupes nationaux de femmes, met en lumière le lien entre l’égalité des femmes et l’égalité des revenus en réclamant la mise en place, au niveau national, d’un revenu de subsistance garanti dans le but d’assurer la sécurité et l’autonomie de toutes les femmes.

La déclaration de Pictou fait aussi valoir que la mise en place d’un revenu minimum garanti pourrait permettre à des collectivités de résister et de concevoir des solutions de rechange aux économies qui font fi du bien-être de la population et de la planète et qui nient la valeur du travail des femmes.

L’objectif de développement durable no 1 consiste à mettre fin à la pauvreté, et l’objectif de développement durable no 8, à promouvoir le travail décent et la croissance économique.

Honorables sénateurs, en étudiant les effets des activités d’extraction et d’exploitation des ressources, on peut envisager la mise en place d’un revenu minimum garanti, qui peut offrir d’autres possibilités que celle de devoir faire un choix difficile entre le moyen de subsistance des membres de la collectivité et les droits de la personne liés à l’environnement. Les collectivités choisissent souvent de vivre avec les risques associés à l’extraction et à l’exploitation des ressources parce que le fait de militer pour des protections ou de s’opposer à la croissance de l’industrie est perçu comme une menace pour les emplois, voire pour toute une économie locale.

La mise en place d’un revenu minimum garanti pourrait donner la possibilité de créer des économies plus durables, mais aussi plus justes et équitables, qui aideraient la collectivité à prendre les décisions à long terme les plus prometteuses pour le bien-être des tous les membres de la collectivité.

Dans un contexte d’abandon progressif des industries des combustibles fossiles, la mise en place d’un revenu minimum garanti ne pourrait probablement pas égaler les salaires des employés du secteur de l’extraction et de l’exploitation des ressources, mais cela pourrait offrir un filet de sécurité aux gens qui perdent leur emploi ou qui connaissent des difficultés financières, et cette mesure pourrait aussi garantir une source de revenu stable à ceux qui veulent se recycler ou trouver de nouvelles possibilités.

L’objectif de développement durable no 14 porte sur la vie aquatique, et l’objectif de développement durable no 15, sur la vie terrestre.

Les collectivités autochtones ont subi de façon disproportionnée les répercussions négatives de l’extraction et du développement des ressources. En même temps, on a trop souvent laissé aux peuples autochtones le soin de prendre l’initiative de protéger la terre et l’eau d’une manière qui profite à tout le monde.

Selon le Forum économique mondial, les peuples autochtones représentent moins de 5 % de la population mondiale, mais ils sont responsables de la protection de 80 % de la biodiversité de la planète. Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, les terres gérées par les peuples autochtones sont caractérisées par de plus faibles niveaux de déforestation et des niveaux plus élevés de stockage du carbone.

La reconnaissance du droit autochtone ainsi que des droits inhérents, des territoires et de la gouvernance des peuples autochtones pourrait être un élément essentiel pour limiter les effets négatifs de la dégradation de l’environnement associée à l’extraction et au développement des ressources.

L’objectif de développement durable no 16 est un appel à la paix, à la justice et aux institutions efficaces, y compris à l’accès égal à la justice. Trop souvent, les systèmes juridiques canadiens ne sont pas parvenus à reconnaître, et encore moins à faire respecter, les droits conférés par les ordonnances juridiques autochtones et internationales. Pire encore, les Autochtones qui prennent des mesures pour faire valoir leurs droits afin de se protéger, ou pour protéger leur famille ou l’environnement, y compris en s’opposant à l’extraction et au développement des ressources sur leurs terres, se font reprocher d’avoir causé des inconvénients, et on les dépeint comme des contrevenants à la primauté du droit. Trop souvent, on les judiciarise et on va jusqu’à les emprisonner. On n’a qu’à penser au traitement que l’État a réservé aux matriarches wet’suwet’en en Colombie-Britannique ou aux protecteurs de l’eau mi’kmaqs et innus en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Un nombre croissant de recherches montre que la dégradation de l’environnement causée par les changements climatiques, la perte de biodiversité et la pollution de l’air a accru le risque de nouvelles maladies infectieuses et de pandémies mondiales comme la COVID-19.

Alors que l’économie reprend, le Canada a l’occasion de donner la priorité aux politiques et aux investissements qui favorisent la santé et la résilience des personnes, des communautés et des économies.

L’étude proposée par la motion no 17 offre une occasion nécessaire et urgente de rendre des comptes sur les conséquences environnementales, économiques, sanitaires et sociales de l’extraction et de l’exploitation des ressources alors que nous empruntons une voie plus juste et plus équitable pour tous qui est axée sur les droits des générations futures et notre responsabilité envers elles.

Honorables sénateurs, assurons-nous de laisser en héritage un monde plus propre, plus équitable et plus durable.

Meegwetch. Je vous remercie.

(Sur la motion du sénateur Downe, au nom du sénateur Tannas, le débat est ajourné.)

(À 20 h 59, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 8 décembre 2020, à 14 heures.)

ANNEXE

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

Les affaires étrangères

La présidence de l’Union interparlementaire

(Réponse à la question posée le 30 septembre 2020 par l’honorable Salma Ataullahjan)

Affaires mondiales Canada (AMC)

L’Union interparlementaire (UIP) est une importante organisation internationale à laquelle les parlementaires canadiens participent fièrement depuis de nombreuses années. Distinction essentielle à souligner : il ne s’agit toutefois pas d’une organisation intergouvernementale. Le gouvernement du Canada a depuis longtemps comme pratique de ne pas défendre la candidature d’une personne à une organisation interparlementaire. C’est encore le cas ici, bien que le gouvernement ait été déçu de constater que la candidature de la sénatrice Ataullahjan n’ait pas été retenue.

Le ministre des Affaires étrangères et son cabinet ont effectivement discuté avec la sénatrice à plusieurs reprises. La demande précise de la sénatrice était que la lettre cosignée par les présidents de cette Chambre et du Sénat soit envoyée aux chefs de mission canadiens dans le monde entier, puis partagée avec les présidents de leurs pays d’accueil. Le gouvernement a répondu à cette demande.

L’accusation selon laquelle il y aurait quoi que ce soit qui puisse être lié au genre au sein du gouvernement, suivant une pratique de longue date au sein des organisations interparlementaires, est sans fondement dans les faits et ne reflète pas le bilan du gouvernement.

Pour répondre à l’autre question soulevée, il n’y avait pas d’autre candidat canadien à la présidence de l’UIP.

L’agriculture et l’agroalimentaire

Le programme Agri-investissement

(Réponse à la question posée le 2 octobre 2020 par l’honorable Donald Neil Plett)

Agriculture et Agroalimentaire Canada (y compris I’Agence canadienne du pari mutuel)

Agri-investissement est un compte d’épargne producteur-gouvernement autogéré qui aide les producteurs à gérer de petites baisses de revenu et à faire des investissements dans le but d’atténuer les risques et d’améliorer le revenu du marché.

Notre gouvernement encourage les producteurs à utiliser les fonds dans leurs comptes Agri-investissement. Agri‑investissement est là pour offrir un soutien immédiat en cas de problèmes de liquidités.

Les gouvernements fédéraux et provinciaux versent en moyenne près de 250 millions de dollars en contributions de contrepartie dans les comptes Agri-investissement chaque année.

À la mi-octobre, les producteurs agricoles canadiens ont plus de 2,4 milliards de dollars dans leurs comptes Agri‑investissement auxquels ils peuvent accéder en tout temps.

Le producteur moyen a près de 25 000 $ dans son compte Agri-investissement, bien que ce chiffre varie selon l’industrie. À la mi-octobre, les producteurs de céréales et d’oléagineux ont un solde moyen de près de 32 000 $.

Comme les contributions à Agri-investissement sont basées sur les ventes, les grandes exploitations agricoles ont en moyenne des comptes Agri-investissement plus importants.

Les comptes Agri-investissement sont des comptes personnels, avec des soldes qui reflètent la structure commerciale de chaque agriculteur, les choix de dépôt et de retrait. Les producteurs ont le choix d’utiliser la totalité ou une partie de leur solde Agri-investissement chaque année ou de laisser leurs fonds dans leurs comptes Agri-investissement.

Les affaires étrangères et le commerce international

L’Accord Canada—États-Unis—Mexique

(Réponse à la question posée le 27 octobre 2020 par l’honorable Donald Neil Plett)

Agriculture et Agroalimentaire Canada (y compris I’Agence canadienne du pari mutuel)

Le gouvernement reconnaît l’importance d’une industrie laitière robuste et prospère, et s’engage à indemniser pleinement et équitablement les producteurs pour les répercussions de l’Accord économique et commercial global (AECG), de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. Cet engagement a été confirmé dans le discours du Trône du 23 septembre 2020.

En août 2019, le gouvernement a annoncé que 1,75 milliard de dollars seraient accordés à l’ensemble des producteurs laitiers canadiens sur huit ans pour atténuer les répercussions de l’AECG et du PTPGP. Depuis le 31 mars 2020, plus de 338 millions de dollars ont été distribués aux producteurs laitiers admissibles qui ont présenté une demande au titre du nouveau Programme de paiements directs pour les producteurs laitiers. Le gouvernement aide aussi l’industrie laitière canadienne à faire face aux répercussions de l’AECG au moyen du Programme d’investissement pour fermes laitières et du Fonds d’investissement dans la transformation des produits laitiers.

Le gouvernement comprend que l’industrie souhaite connaître avec précision et certitude les modalités d’indemnisation, et travaille sans relâche pour annoncer en temps opportun d’autres détails sur l’indemnisation des producteurs laitiers et de l’industrie de la transformation laitière.

Les finances

Le soutien aux enfants et aux familles

(Réponse à la question posée le 28 octobre 2020 par l’honorable Rosemary Moodie)

Le gouvernement du Canada s’engage à soutenir les familles et à s’assurer que chaque enfant connaîtra le meilleur départ qui soit dans la vie.

Grâce à l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), le gouvernement du Canada apporte un soutien aux familles qui ont le plus besoin d’aide. L’ACE verse une somme d’environ 24 milliards de dollars non imposable à près de 3,7 millions de familles canadiennes chaque année. Ainsi, 367 000 enfants ont été sortis de la pauvreté entre 2015 et 2018, et 9 familles canadiennes sur 10 ont plus d’argent pour se payer des aliments sains, des vêtements et des activités. Depuis juillet 2018, l’ACE est indexée à l’inflation de sorte qu’elle continue d’aider les familles à faire face à l’augmentation des coûts liés à l’éducation des enfants.

Dans le discours du Trône de septembre dernier, le gouvernement s’est engagé à soutenir la population tout au long de la pandémie de COVID-19 et à bâtir un Canada plus fort et plus résilient. Reconnaissant l’importance des services de garde d’enfants pour le bien-être des enfants et des familles, la participation des femmes à l’économie et l’économie canadienne, le gouvernement s’est engagé à faire un important investissement soutenu et à long terme, pour créer un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.

Les affaires étrangères et le commerce international

Le soutien aux agriculteurs et aux producteurs

(Réponse à la question posée le 28 octobre 2020 par l’honorable Robert Black)

Agriculture et Agroalimentaire Canada (y compris I’Agence canadienne du pari mutuel)

Le gouvernement reconnaît l’importance d’une industrie laitière robuste et prospère, et s’engage à indemniser pleinement et équitablement les producteurs pour les répercussions de l’Accord économique et commercial global (AECG), de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. Cet engagement a été confirmé dans le discours du Trône du 23 septembre 2020.

En août 2019, le gouvernement a annoncé que 1,75 milliard de dollars seraient accordés à l’ensemble des producteurs laitiers canadiens sur huit ans pour atténuer les répercussions de l’AECG et du PTPGP. Depuis le 31 mars 2020, plus de 338 millions de dollars avaient été distribués aux producteurs laitiers admissibles qui ont présenté une demande au titre du nouveau Programme de paiements directs pour les producteurs laitiers. Le gouvernement aide aussi l’industrie laitière canadienne à faire face aux répercussions de l’AECG au moyen du Programme d’investissement pour fermes laitières et du Fonds d’investissement dans la transformation des produits laitiers.

Le gouvernement comprend que l’industrie souhaite connaître avec précision et certitude les modalités d’indemnisation, et travaille sans relâche pour annoncer en temps opportun d’autres détails sur l’indemnisation des producteurs laitiers et de l’industrie de la transformation laitière.

Haut de page