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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 18

Le mercredi 9 décembre 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 9 décembre 2020

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Forces armées canadiennes

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est un honneur de prendre la parole pour exprimer ma profonde reconnaissance envers tous les membres des Forces armées canadiennes qui aident les collectivités de partout au Canada à lutter contre la pandémie de COVID-19.

Les membres des Forces armées canadiennes font partie intégrante des efforts en première ligne. Je pense en particulier à l’aide irremplaçable qu’ils ont offerte dans les centres de soins de longue durée partout au pays. À compter d’avril dernier, ils ont soutenu les autorités civiles dans de tels centres au Québec et en Ontario. Ils ont travaillé avec le personnel médical pour garantir que nos concitoyens les plus vulnérables reçoivent des soins. Une partie des gens qu’ils ont aidés étaient sans doute des anciens combattants des Forces armées canadiennes.

Sans un coup de pouce pour soutenir les opérations et les soins médicaux, il ne fait aucun doute qu’un grand nombre des centres de soins de longue durée auraient tout simplement été débordés. Parmi les milliers de militaires qui ont été déployés dans ces centres, 55 membres ont contracté la COVID-19. Heureusement, tous ces soldats ont recouvré la santé, et aucun n’a dû être hospitalisé. Leurs efforts témoignent de leur bravoure et de leur profond engagement à aider leurs concitoyens.

Dans d’autres régions du Canada, les forces d’intervention locales ont contribué aux efforts communautaires visant à empêcher la propagation de la COVID-19 dans leurs collectivités. Dans les régions éloignées du Canada, les Rangers canadiens ont été mobilisés pour aider les collectivités à vérifier le bien-être de la population, à transporter et à distribuer les fournitures dont elles avaient grandement besoin et à doter les postes de commandement et les centres de premiers soins. Les Rangers ont offert ce service inestimable en Saskatchewan, dans le Nord de l’Ontario, au Nunavut, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Colombie-Britannique et au Yukon.

Récemment, dans ma province, le Manitoba, les forces armées ont déployé une équipe polyvalente de services médicaux pour appuyer le Rod McGillivary Memorial Care Home, dans la nation crie d’Opaskwayak, à The Pas. L’équipe a aidé le foyer de soins personnels en fournissant des soins médicaux immédiats ainsi qu’un appui plus large lié au fonctionnement de l’établissement.

Tout ce soutien a été essentiel dans des dizaines d’établissements de soins de longue durée au pays. Ces efforts ont littéralement fait la différence entre la vie et la mort.

Maintenant, les forces armées aident l’Agence de la santé publique du Canada à finaliser son plan de distribution des vaccins. Les Forces armées canadiennes apportent leur expertise pour élaborer le plan de soutien logistique et pour établir le centre national des opérations qui supervisera la distribution des vaccins.

Je remercie tous les membres des Forces armées canadiennes qui ont aidé à protéger les Canadiens ces derniers mois. Je le répète, vous vous êtes fièrement montré à la hauteur de votre devise, Nous protégeons nos foyers et nos droits.

Les artistes canadiens

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, l’année 2020 a été difficile pour la société et les citoyens qui ont subi de nombreuses pertes. Chers collègues, la perte d’êtres chers nous a laissé des legs précieux et, alors que nous les pleurons, j’espère que nous pourrons célébrer ce qu’ils nous ont donné.

Le mot « perte » est défini comme le sentiment de tristesse ressenti lorsqu’on est privé d’une personne ou d’une chose importante. Un « legs » est quelque chose qui est laissé ou transmis par un ancêtre ou prédécesseur. Ces termes s’unissent maintenant avec une clarté émouvante dans l’ensemble du secteur de la création du Canada.

Il y a une semaine aujourd’hui, nous avons perdu l’artiste visuel néo-écossais Peter Gough. Je lui avais parlé à peine deux jours avant son départ soudain. Il luttait contre le cancer, mais il demeurait enjoué et empli d’espoir. Son art obtenait une reconnaissance nouvelle et devait bientôt faire l’objet d’une publication. Il lègue à tous les Canadiens le projet de loi visant à créer un poste d’artiste visuel officiel, dont il est l’un des instigateurs. J’espère que cette mesure sera adoptée. Je remercie Peter Gough de l’avoir proposée.

Le généreux artiste manitobain Peter McConville a également succombé au cancer la semaine dernière. Ses tableaux uniques, exposés dans de nombreux espaces publics, continueront de répandre la joie.

Malheureusement, des donateurs dans le domaine des arts sont aussi décédés, certains avant la COVID, d’autres à cause de la COVID. Il s’agit notamment de donateurs et de collecteurs de fonds inspirants et de passionnés des arts anonymes et discrets qui œuvrent en coulisse. Ils ont contribué au rayonnement de notre pays, dans toute sa quintessence, et à la considération dont il jouit. J’ai eu le privilège de travailler avec nombre d’entre eux au fil des ans. C’était un vrai plaisir pour moi et pour les organisations et les collectivités avec lesquelles je travaille de voir la joie qu’avaient ces passionnés de recueillir des fonds vraiment nécessaires, de les investir dans des programmes publics et de partager leur bonheur devant les retombées positives.

L’un des principaux donateurs d’œuvres d’art, l’avocat Bob Hucal de Winnipeg, est mort le mois dernier. C’est l’Ouest canadien qui l’intéressait avant tout. Je ne sais pas combien de fois, après avoir répondu au téléphone, j’ai entendu : « Pat, aimerais-tu avoir une œuvre de l’artiste X? » Il s’agissait toujours d’un artiste important. Il me parlait de l’œuvre, de la galerie ou de la maison de vente aux enchères où elle était en vente ou m’expliquait qu’elle venait de sa propre collection. Il était conscient des besoins particuliers des collections institutionnelles et connaissait bien l’histoire de l’art canadien, et surtout manitobain. Il a enrichi les collections de trois institutions de l’Ouest canadien que j’ai dirigées. Ses connaissances approfondies n’avaient d’égales que sa remarquable générosité et sa joie de voir grandir nos collections publiques.

Bob Hucal a été victime de la COVID. Il l’a contractée à l’hôpital alors qu’il se remettait d’une autre maladie.

Il en a été de même pour la très estimée conservatrice et écrivaine Sigrid Dahle, qui était traitée pour un cancer dans le même hôpital de Winnipeg. Le formidable héritage qu’elle laisse derrière elle en matière de publications et d’expositions est vraiment significatif, tout comme son travail actuel en tant que conservatrice de l’Université du Manitoba.

Sigrid et Bob sont décédés le même week-end, il y a quelques semaines de cela seulement. La communauté artistique de Winnipeg est en deuil.

La disparition de ces personnes laisse un vide énorme, mais leurs legs sont inestimables. Je les remercie tous les deux et je présente mes condoléances à leurs familles, leurs amis et leurs collègues. Merci.

Graydon Nicholas, O.C.

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, Graydon Nicholas a été nommé chancelier de l’Université St. Thomas. M. Nicholas est issu de la Première Nation de Tobique, une réserve malécite, et vient d’une famille de 10 enfants. Il ne parlait pas un mot d’anglais avant l’âge de 6 ans, lorsqu’il a commencé à fréquenter une école anglaise au sein de sa réserve. C’est ainsi qu’il a entamé son parcours de vie axé sur le devoir envers autrui, ainsi que l’enseignement du droit et de la politique.

C’est sa mère qui lui a inspiré le désir d’accomplir de grandes choses, et qui a enseigné à ses enfants malécites que l’éducation représentait le meilleur moyen d’améliorer leur sort. La détermination et la volonté de sa mère étaient sans faille. Alors qu’il n’était encore qu’adolescent, elle a envoyé le frère aîné de M. Nicholas à l’Université St. Thomas, qui était à l’autre bout de la province, où il a étudié et été pensionnaire avant d’obtenir son diplôme. Bien que M. Nicholas n’ait pas fréquenté l’Université St. Thomas, le parcours de son frère a marqué le début de sa longue association avec cette institution et les gens qui ont bénéficié de son enseignement des disciplines libérales.

(1410)

M. Nicholas a exigé de lui-même ce que sa mère lui avait conseillé. Il a terminé ses études secondaires et a obtenu un baccalauréat en sciences de l’Université St. Francis Xavier, un baccalauréat en droit de l’Université du Nouveau-Brunswick et une maîtrise en travail social de l’Université Wilfrid Laurier.

En tant que juriste, il a plaidé des causes à tous les niveaux, y compris devant la Cour suprême du Canada. Il est devenu le premier juge autochtone de la cour provinciale du Nouveau-Brunswick et le premier lieutenant-gouverneur autochtone de la province du Nouveau-Brunswick.

Il a été titulaire de la chaire d’études autochtones de l’Université St. Thomas et co-rédigé le Rapport du groupe de travail sur les questions autochtones de 1999. Il est membre de l’Ordre du Nouveau-Brunswick et de l’Ordre du Canada et a reçu une médaille sénatoriale. Il a également reçu la Médaille du jubilé de la Reine et une médaille pontificale, qui lui a été présentée par le nonce apostolique au Canada en 2008.

Homme d’une grande intégrité, il peut compter sur sa foi et ses convictions inébranlables pour lui venir en aide ainsi qu’à ceux qui ont bénéficié de son savoir au fil du temps, dans de nombreux procès. Il fait preuve d’un optimisme presque contagieux concernant le monde et l’appel de Dieu à penser aux autres plutôt qu’à soi-même. En fait, je ne l’ai jamais entendu parler de ses propres besoins, mais toujours de ceux des autres.

Nous avons certaines choses en commun. Nous sommes tous deux affiliés pratiquement depuis toujours à cette petite université catholique, qui a permis à beaucoup d’illustres Canadiens de s’instruire au fil des ans. Nous avons tous deux une passion sans borne pour le hockey et nous suivons fidèlement l’équipe féminine de l’Université St. Thomas. Nous sommes tous deux nés deux mois avant terme. M. Nicholas Graydon est né après que sa mère, enceinte de sept mois, est passée à travers la glace en traversant un cours d’eau. Je suis né lorsque ma mère, enceinte de sept mois, est tombée d’un perron et a atterri sur son ventre et sur ma tête, ce qui répond peut-être aux nombreuses questions que certains sénateurs ont pu se poser à mon sujet. Cela nous a rendus tenaces et résilients, et l’esprit de Graydon Nicholas en est la preuve. Sa vie en a été une brillante et noble démonstration. Je sais qu’il fera du bon travail en tant que chancelier de l’Université St. Thomas.

Les finances axées sur les clients

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, parfois, notre rôle peut être extrêmement frustrant. La semaine dernière, l’un de nous a arbitrairement décidé que nous devions mettre fin à notre séance une heure et demie plus tôt. Hier soir, il a refusé que nous rendions hommage à une collègue que nous avons en haute estime. Lorsqu’il n’arrive pas à ses fins, il force la tenue de votes par appel nominal et cela nuit à notre capacité collective de faire notre travail, en plus d’occasionner des délais. Notre travail consiste à débattre, à délibérer et à prendre des décisions. C’est pourquoi j’aimerais parler de l’une des occasions où le Sénat a contribué à changer les choses parce que nous avons débattu, délibéré et pris une décision.

En juin 2019, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a publié un rapport qui souligne les avantages inhérents au système bancaire ouvert. Les sénatrices Marshall, Stewart-Olsen, Verner, Wallin et le sénateur Doug Black se souviendront sans aucun doute qu’au départ, l’idée ne faisait pas l’unanimité. Cependant, après avoir entendu des experts et débattu de la question, le comité a recommandé unanimement que Finances Canada...

Recours au Règlement

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénateur. Un autre sénateur invoque le Règlement.

L’honorable Leo Housakos : Votre Honneur, comme la majorité de mes collègues devraient le savoir, les déclarations de sénateurs ne peuvent pas porter sur les travaux du Sénat, les travaux des comités ou d’autres travaux législatifs qui touchent le Sénat. Or, je crois que c’est ce que le sénateur Deacon faisait à l’instant.

Son Honneur le Président : Sénateur Deacon, avez-vous entendu le recours au Règlement du sénateur Housakos?

L’honorable Colin Deacon : Vous voulez dire que je ne suis pas autorisé à parler des travaux que nous avons réalisés dans cette enceinte?

Son Honneur le Président : D’autres sénateurs souhaitent-ils formuler des observations?

[Français]

L’honorable Lucie Moncion : Conformément à l’article 4-11(3) du Règlement du Sénat, les rappels au Règlement ne devraient pas être soulevés durant les affaires courantes. Je me demande donc si ce rappel au Règlement est recevable.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Vous avez raison, sénatrice Moncion, les recours au Règlement et les questions de privilège ne peuvent pas être soulevés pendant les affaires courantes. Par contre, ils peuvent l’être pendant les déclarations de sénateurs, qui ont lieu avant les affaires courantes.

Le sénateur C. Deacon : J’ai besoin de vos lumières, Votre Honneur, sur la marche à suivre. Je voudrais parler du rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Votre Honneur, avez-vous dit que vous étiez prêt à entendre d’autres arguments au sujet de ce recours au Règlement?

Son Honneur le Président : Oui, sénatrice Martin.

La sénatrice Martin : Le seul point que je voulais soulever est que le sénateur Deacon a commencé son intervention en parlant d’une chose qui est survenue au Sénat. S’il a un problème au sujet de ce qui se passe, il peut soulever une question de privilège ou invoquer le Règlement, mais je n’ai jamais vu quelqu’un le faire pendant les déclarations des sénateurs.

L’honorable Pat Duncan : Votre Honneur?

Son Honneur le Président : Je croyais avoir donné la parole à la sénatrice Duncan, mais je ne l’entends pas.

La sénatrice Duncan : Au sujet du recours au Règlement, n’est-il pas nécessaire, au moment d’invoquer le Règlement, que la personne mentionne l’article ou la règle au sujet duquel elle souhaite qu’on réfléchisse? Je n’ai pas entendu le sénateur Housakos mentionner un article du Règlement ou une règle de procédure. J’aimerais des précisions à ce sujet quant aux recours au Règlement.

Son Honneur le Président : Je présume que le sénateur Housakos fait référence à l’article 4-2(5)a) du Règlement qui indique clairement :

Tout sénateur peut, sans préavis, faire une déclaration pour aborder un sujet qui, selon lui, mérite d’être porté à l’attention immédiate du Sénat.

Et à l’article 4-2(5)b) :

Une déclaration doit se rapporter à un sujet d’intérêt public absent de l’ordre du jour qui, selon le Règlement et les pratiques du Sénat, ne pourrait être porté à l’attention immédiate du Sénat d’une autre manière.

Sénateur Deacon, souhaitez-vous procéder?

Les finances axées sur les clients

L’honorable Colin Deacon : Avec le reste de mon intervention? Oui, si vous le permettez, Votre Honneur.

Recommençons. Les sénatrices Marshall, Stewart-Olsen, Verner, Wallin et le sénateur Doug Black se souviendront sans aucun doute qu’au départ, l’idée ne faisait pas l’unanimité. Cependant, après avoir entendu des experts et débattu de la question, le comité a recommandé unanimement que Finances Canada agisse de toute urgence.

Son Honneur le Président : Encore une fois, sénateur Deacon, vous traitez d’affaires qui, selon le Règlement, ne doivent pas être abordées durant la période réservée aux déclarations de sénateurs. Si vous voulez poursuivre conformément au Règlement, vous pouvez le faire en modifiant votre déclaration en conséquence. La déclaration telle que vous la prononcez en ce moment contrevient au Règlement.

Le sénateur C. Deacon : Je comprends maintenant. Je suis désolé, Votre Honneur. Je poursuis donc en disant ceci : qu’est-ce qu’un système bancaire ouvert, que l’on appelle maintenant un système bancaire axé sur les clients? C’est un système qui permet essentiellement aux particuliers et aux entreprises d’utiliser en toute sécurité leurs données financières dans leur propre intérêt.

Pourquoi est-ce important? Lorsque les consommateurs contrôlent leurs propres données et demandent à leur banque de partager ces données en toute sécurité avec une société de technologie financière agréée, ils peuvent recevoir des informations ou des services très précieux. En voici deux exemples :

Premièrement, les travailleurs précaires ont des revenus marginaux et variables, ce qui nuit à leur bien-être. Les sociétés de technologie financière examinent les données différemment des banques afin de pouvoir accorder des prêts à court terme à faible coût ou sans frais, une importante solution de rechange aux prêteurs sur salaire onéreux.

Deuxièmement, les petites entreprises peuvent rarement obtenir du crédit par l’entremise de prêteurs traditionnels parce qu’elles n’ont pas les revenus ou les actifs nécessaires. Toutefois, le sénateur Wetston et moi-même avons constaté que les sociétés de technologie financière utilisent des données et des méthodes innovatrices pour trouver, au sein d’une population, des entreprises et des particuliers très solvables qui passent pourtant inaperçus par les banques.

Près d’un million de Canadiens n’ont pas accès à des services financiers et cinq millions de Canadiens ont accès à des services financiers inadéquats. Ce que nous avons découvert avec le système bancaire axé sur les clients, c’est que les Canadiens marginalisés peuvent améliorer considérablement leur bien-être économique grâce à l’utilisation d’autres sources de données.

(1420)

Je suis reconnaissant envers les efforts déployés par de nombreux groupes pour faire en sorte que la nouvelle ministre des Finances accorde la priorité aux finances axées sur les clients, ce que l’ancien ministre des Finances n’a pas fait. En conséquence, les consultations à ce sujet ont repris le 30 novembre. Ces consultations se poursuivent à l’heure actuelle et, en fin de compte, les consommateurs, les entreprises et les banques du Canada ne s’en porteront que mieux.

Maryam Tsegaye

Le concours Breakthrough Junior Challenge

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous annoncer une bonne nouvelle. Je pense qu’elle sera la bienvenue. Je veux souligner la réalisation remarquable d’une élève du secondaire de Fort McMurray, en Alberta.

La semaine dernière, Maryam Tsegaye, une étudiante à l’école secondaire McTavish, est devenue la toute première Canadienne à remporter le concours mondial de vidéo scientifique Breakthrough Junior Challenge. Ce défi d’envergure internationale vise à développer et à mettre en valeur les connaissances des jeunes sur des sujets extrêmement compliqués. Il vise aussi à susciter l’intérêt pour les carrières scientifiques.

Maryam a remporté ce prix pour sa vidéo sur l’effet tunnel. Si vous êtes comme moi, vous n’avez probablement aucune idée de ce qu’est l’effet tunnel, mais je vous encourage vivement à regarder la vidéo, parce que c’est ce qui compte. D’une manière amusante et intéressante, elle nous y explique ce concept. Par le fait même, elle a surclassé des milliers de concurrents pour remporter une bourse d’études de 250 000 $ US, un prix de 100 000 $ pour son école et un autre de 50 000 $ pour son enseignante de sciences, Kathy Vladicka.

Comme Maryam l’a déclaré, il s’agit non seulement d’une victoire pour elle-même, mais aussi d’une victoire formidable pour les femmes qui s’intéressent aux sciences ou qui sont attirées par une carrière en sciences, en technologie, en ingénierie ou en mathématiques. C’est aussi tout un coup de pouce pour l’Alberta.

Comme je l’ai mentionné il y a quelques semaines, Michael Houghton, de l’Université de l’Alberta, s’est vu décerner le prix Nobel. Maintenant, c’est au tour d’une jeune d’une ou deux générations après lui d’être reconnue aussi à l’international. C’est encourageant pour l’innovation en Alberta et au Canada.

Chers collègues, au nom du Sénat du Canada, j’aimerais donc féliciter Maryam, sa famille, son école secondaire et la communauté de Fort McMurray. Nous pouvons tous convenir que Fort McMurray mérite aussi de bonnes nouvelles.

L’honorable Lillian Eva Dyck

Hommage

L’honorable Mary Coyle : Chers collègues, ce fut un privilège de connaître l’illustre Lillian Dyck et de travailler à ses côtés. La sénatrice Lillian Dyck est une scientifique primée qui est membre de la Première Nation de Gordon. Elle est la fille d’Eva McNab, une survivante des pensionnats autochtones, et de Yok Leen Quon, un immigrant chinois qui a dû payer un droit d’entrée pour venir au Canada.

La sénatrice Dyck s’est jointe au Sénat en 2005, où elle a siégé aux côtés de la sénatrice Lovelace Nicholas, qui a contesté la disposition sexiste de la Loi sur les Indiens qui avait privé la sénatrice Dyck et sa mère de leurs droits.

Lillian a en outre amené le gouvernement fédéral à s’excuser en 2006 pour les lois canadiennes racistes qui réservaient un traitement discriminatoire aux immigrants chinois, notamment en leur imposant un droit d’entrée et en refusant leur venue de 1923 à 1947.

Son œuvre maîtresse est cependant le travail qu’elle a accompli en vue d’éliminer le sexisme de la Loi sur les Indiens et de faire la lumière sur les injustices subies par tous les Canadiens autochtones et plus particulièrement les femmes autochtones.

Notre collègue la sénatrice Lillian Dyck s’est montrée une défenseure courageuse et indéfectible des droits de la personne, et elle a été la maîtresse d’œuvre novatrice d’un avenir meilleur pour les peuples autochtones et l’ensemble des Canadiens. La sénatrice Dyck a mené plusieurs travaux importants au cours de sa carrière, concernant notamment l’enjeu des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées; les études sur la réforme en matière d’éducation au sein des Premières Nations; l’histoire des relations entre les peuples autochtones et le Canada; les amendements au projet de loi C-75, qui préconise des peines plus sévères pour les auteurs de crimes violents contre les femmes autochtones; le projet de loi S-3, destiné à supprimer les dernières inégalités fondées sur le sexe présentes au sein de la Loi sur les Indiens; et l’accueil de jeunes autochtones au Sénat.

Chers collègues, la sénatrice Lillian Dyck a toujours su incarner le terme « honorable ». Elle s’est toujours comportée avec honneur, dignité, respect et décence dans cette enceinte et à titre de présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je me suis émerveillé de sa capacité à mettre les membres du comité et nos invités à l’aise et à les valoriser.

J’ai été choquée de constater le comportement condescendant et humiliant dont la sénatrice Dyck a fait l’objet alors qu’elle présidait une réunion du Comité des peuples autochtones en juin 2019, mais je n’ai pas été surprise de la voir gérer cette situation tendue avec grâce et équité.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Désolé de vous interrompre, sénatrice Coyle. Quelqu’un souhaite faire un rappel au Règlement, mais ce ne sera pas nécessaire parce que je vais vous dire moi-même que vos commentaires au sujet de ce qui s’est passé au comité, comme on vient de l’apprendre dans le rappel au Règlement précédent, sont contraires aux articles 4-2 et 4-3 du Règlement.

Si vous souhaitez parler de toute autre chose que des travaux du comité, vous pouvez poursuivre et terminer votre déclaration.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, il y a une interpellation en hommage à la sénatrice Dyck inscrite au Feuilleton. La sénatrice Dyck est très importante pour le Sénat, où elle a mené de nombreux travaux.

Je me demandais s’il est contraire au Règlement de faire une déclaration de sénateur à propos d’un sujet qui est inscrit au Feuilleton.

Son Honneur le Président : La sénatrice Coyle a parfaitement le droit de faire une déclaration de sénateur au sujet de la sénatrice Dyck même s’il y a une interpellation inscrite au Feuilleton. Comme tous les sénateurs le savent, procéder à une interpellation après des hommages est notre façon de dire que nous ne n’avions pas assez de temps pendant la période habituelle des hommages.

J’avertis toutefois la sénatrice qu’elle ne doit pas parler des activités du comité.

L’honorable Lillian Eva Dyck

Hommage

L’honorable Mary Coyle : Le dernier acte au Sénat de la sénatrice Dyck a été de tenter d’améliorer les comportements et les relations des sénateurs en vue d’améliorer également notre institution, notre réputation et, surtout, le travail que nous faisons pour les Canadiens.

Lillian, vous avez défendu remarquablement l’importance de faire entrer le Canada et le Sénat dans le XXIe siècle. Après tout ce que vous avez fait, vous méritez de vous reposer sur vos lauriers, de profiter de la vie et de communier avec vos amis à plumes.

Lillian, sachez que l’héritage remarquable que vous léguez au Sénat sera un phare brillant qui éclairera la voie pour le reste d’entre nous. Merci, sénatrice Lillian Dyck.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Énergie, environnement et ressources naturelles

Dépôt du rapport visé à l’article 12-26(2) du Règlement

L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-26(2) du Règlement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la quarante-deuxième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 249.)

[Traduction]

Comité de sélection

Présentation du troisième rapport du comité

L’honorable Terry M. Mercer, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le mercredi 9 décembre 2020

Le Comité de sélection a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Le 19 novembre 2020 le Sénat a renvoyé la motion no 19, sous Autres Affaires, au comité pour examen et rapport. Cette motion propose à combler le poste de président intérimaire par moyen de scrutin secret. Le comité a commencé son étude sur cette motion et présente maintenant un rapport intérimaire.

Votre comité recommande ce qui suit à titre de mesure provisoire :

Que, jusqu’à ce que le Sénat en décide autrement, l’honorable sénatrice Ringuette soit Présidente intérimaire sur une base intérimaire;

Qu’il soit entendu que le sénateur qui occupera le poste de Président intérimaire sur une base intérimaire soit considéré, à toutes fins utiles, comme occupant le poste de Président intérimaire conformément au Règlement du Sénat.

Respectueusement soumis,

Le président,

TERRY M. MERCER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Mercer, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)


(1430)

PÉRIODE DES QUESTIONS


Les travaux du Sénat

Le coût des séances hybrides du Sénat

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Vos réponses aux questions posées hier par notre collègue la sénatrice Batters m’ont troublé. Je tiens à remettre les pendules à l’heure. Premièrement, j’ai accepté que le Sénat tienne des séances hybrides durant la pandémie qui sévit, et je l’accepte toujours. Deuxièmement, la sénatrice Batters n’a pas besoin de mon aide ni de celle de personne d’autre pour expliquer ses questions à sa place. Elle est tout à fait capable de soulever les questions qui la préoccupent. C’est votre responsabilité en tant que leader du gouvernement d’obtenir des réponses pour tous les sénateurs, que la question vous plaise ou non.

On nous a accordé un budget de 400 000 $ pour les séances hybrides. Puisque nous ne sommes qu’à quelques jours de la fin de la période couverte par la motion, à mon avis, vous devriez être en mesure d’offrir à cette Chambre — et je vous demande de le faire — une mise à jour transparente des coûts, comme nous vous l’avons déjà demandé à deux reprises, la sénatrice Batters et moi-même. Ce n’est pas une demande irresponsable ni « plus qu’étrange », comme vous l’avez dit mardi. C’est une question financière légitime.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, monsieur le sénateur. J’ai consulté les bleus et je répète ce que j’ai dit en réponse à la question fort pertinente de la sénatrice Batters, soit qu’il s’agit de questions légitimes. Le compte rendu en fera foi, je me suis engagé à obtenir les renseignements demandés. Sénateur Plett, je me réjouis également que vous ayez réitéré votre appui à la poursuite de séances hybrides pendant la présente pandémie car, hélas, nous n’en sommes pas encore sortis.

Je me contenterai de répéter que, à l’heure actuelle, les séances hybrides sont nécessaires étant donné qu’elles nous permettent de faire notre travail au nom des Canadiens et de protéger le personnel, l’administration, les familles et les amis des sénateurs des risques que nous pourrions poser par inadvertance. Cela dit, je m’efforcerai de vous fournir l’information le plus rapidement possible.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, nous allons bientôt voter sur une motion portant sur la prolongation des séances hybrides. Comme nous le savons, la période prévue initialement expire le 18 décembre. Qu’il s’agisse du budget de 400 000 $ ou des centaines de milliards de dollars que le gouvernement a dépensés ces derniers mois, nous nous interrogeons sur l’utilisation de l’argent des contribuables, un point c’est tout. Le gouvernement devrait être en mesure de rendre des comptes pour chaque dollar dépensé à même les fonds publics. Comme vous l’avez laissé entendre, il est clair que la comptabilité à la petite semaine ne présente aucun intérêt pour le gouvernement. Cependant, il y a des mois que vous avez cessé de fournir des rapports aux deux semaines sur les dépenses d’urgence et vous n’avez pas présenté de budget depuis 21 mois.

Poser des questions au Parlement est l’un des seuls moyens dont nous disposons pour que le gouvernement rende des comptes aux contribuables, pratique que les conservateurs favorisent. Il s’agit d’une tâche qui fait partie de notre travail et de votre travail. À moins que vous essayiez aussi de mettre un terme à la reddition de comptes?

Le sénateur Gold : Honorables sénateurs, je ne peux que répéter ce que j’ai dit parce que, de toute évidence, mes efforts pour être clair, direct et transparent ne portent pas fruit. La question posée est légitime, et je tenterai d’y obtenir une réponse. Cependant, honorable sénateur, les suppositions qui sous-tendent votre question sont tout simplement erronées. Le gouvernement tient à aider les Canadiens. Les milliards de dollars dont vous avez parlé aident les Canadiens et notre pays à traverser cette tempête sans précédent.

Un jour, nous sortirons de cette horrible crise, grâce aux efforts déployés par tous les Canadiens pour obéir aux consignes recommandées par les autorités de santé publique, et lorsque plus de Canadiens pourront recevoir les vaccins achetés par le gouvernement, ce qui, nous l’espérons, sera le plus tôt possible. Puis, l’économie pourra redevenir aussi florissante qu’elle l’était avant le début de la crise. À ce moment-là, tous les Canadiens devraient être reconnaissants envers le Sénat, le Parlement du Canada et le gouvernement des mesures prises pour nous aider à bien survivre à cette période difficile.

L’Agence du revenu du Canada

La Prestation canadienne d’urgence

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement et porte sur des lettres que l’Agence du revenu du Canada a envoyées récemment à des travailleurs autonomes du pays pour leur dire qu’ils devaient rembourser en entier la Prestation canadienne d’urgence d’ici la fin du mois, soit dans quelques semaines seulement. Le gouvernement semble avoir décidé rétroactivement que le revenu de 5 000 $ en 2019 ouvrant droit à la prestation devait être un revenu net. Or, en mars et en avril, l’ancien ministre des Finances Morneau a dit à maintes reprises qu’il fallait avoir gagné un revenu de 5 000 $, mais il n’a jamais précisé qu’il devait s’agir d’un revenu net. Même si la Prestation canadienne d’urgence a pris fin, le site Web est encore en ligne. Si on le consulte, on constate que le mot « net » ne figure nulle part.

Pourquoi le gouvernement a-t-il changé les critères de la Prestation canadienne d’urgence des mois plus tard? Les entrepreneurs ne devraient pas se retrouver en difficulté pendant cette crise à cause d’une décision arbitraire du gouvernement. L’Agence du revenu du Canada va-t-elle cesser d’envoyer ces lettres aux travailleurs autonomes du pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie. Que je sache, rien n’a changé dans les critères. Ce que je sais, c’est que le gouvernement continue de tout faire pour gérer les paiements et les conséquences de la rapidité avec laquelle ils ont été faits. L’argent a été déboursé de manière responsable, mais avec compassion et sensibilité. Comme l’ont expliqué les ministres que le Sénat a entendus cet été, les programmes créés par le gouvernement ont dû être mis en œuvre très rapidement — dans l’urgence, disons-le —, alors c’était presque garanti qu’il y aurait des problèmes, mais il était prévu que ces problèmes soient traités dès qu’on s’apercevrait de leur existence.

Selon ce que je comprends, les personnes qui reçoivent la lettre dont vous parlez n’ont pas besoin de rembourser quoi que ce soit dans l’immédiat; cette lettre les informe tout simplement qu’il se peut qu’on leur réclame certaines sommes dans un avenir plus ou moins rapproché. Cela dit, si vous pouviez me donner plus de détails hors de la Chambre, je pourrais me renseigner. J’irai aux renseignements, soyez-en certaine. C’est ce que je comprends de la situation actuelle.

La sénatrice Martin : Ma question insistait sur la notion de revenu net parce qu’il est là, le problème : le gouvernement fera-t-il des efforts pour détailler convenablement les critères de ses programmes, quitte à envoyer de nouvelles lettres, car pour le moment, les travailleurs autonomes ont l’impression qu’on leur demande de rembourser l’argent de la Prestation canadienne d’urgence en se fondant sur ce qui leur paraît être une nouvelle définition des critères d’admissibilité.

(1440)

Monsieur le leader, le gouvernement a sciemment approuvé des versements de PCU ce printemps même lorsqu’on soupçonnait de la fraude. Voilà maintenant qu’on apprend que des travailleurs autonomes canadiens ont soumis une demande de PCU en toute bonne foi et selon les règles en vigueur à l’époque. Des mois plus tard, le gouvernement change d’avis au sujet des critères et exige un remboursement qui doit se faire en quelques semaines à peine. Même s’ils sont toujours en activité, bon nombre de ces entrepreneurs sont toujours aux prises avec des restrictions liées à la COVID qui leur ont été imposées. Pourriez-vous faire un suivi au sujet du montant — du montant net — et corriger cette erreur si la règle est effectivement incorrecte, car le message du gouvernement n’était pas clair?

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice. Je vais effectivement faire un suivi, car je ne sais pas si la politique a été modifiée ou s’il y a eu une erreur de calcul ou de communication. Quoi qu’il en soit, je vais vérifier.

[Français]

Les services publics et l’approvisionnement

La flotte de brise-glaces—Les chantiers Davie

L’honorable Éric Forest : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

La pandémie représente un défi important pour les finances publiques. Afin de relancer l’économie et de rétablir l’équilibre budgétaire, le gouvernement devra notamment mettre à profit ses propres approvisionnements.

Selon un rapport du directeur parlementaire du budget, Ottawa aurait pu économiser 2,7 milliards de dollars en convertissant les navires Asterix et Obelix, plutôt que de construire deux navires ravitailleurs. Même s’il y a moyen d’en faire plus avec chaque dollar dépensé, il est nécessaire également de se servir des achats gouvernementaux pour faire travailler notre monde.

Alors que les chantiers d’Halifax et de Vancouver obtiennent toujours plus de contrats, le plus grand chantier maritime au Canada ne fonctionne pas à plein rendement. Devant l’incapacité de Seaspan à entreprendre la construction du brise-glace polaire Diefenbaker, huit ans après l’octroi du contrat, le chantier maritime Davie a offert au gouvernement de récupérer le mandat qui a été retiré au chantier de Vancouver en 2019. Ce contrat permettrait de faire travailler 1 500 personnes et créerait des retombées de près d’un milliard de dollars. Contrairement à Seaspan, le chantier Davie, avec sa chaîne d’approvisionnement pancanadienne, est en mesure de commencer les travaux dès maintenant.

Le gouvernement reconnaît-il qu’il est nécessaire de se servir des approvisionnements gouvernementaux afin de stimuler la reprise économique et l’emploi? Est-il prêt à le démontrer concrètement en octroyant le contrat du brise-glace Diefenbaker au chantier maritime Davie, le seul qui est en mesure de commencer les travaux dès maintenant?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie mon collègue de sa question.

Dans le but de renforcer la capacité de la Garde côtière canadienne à répondre à une demande croissante dans le cadre de ses opérations dans les eaux arctiques, le gouvernement étudie différentes options pour s’assurer qu’un brise-glace est construit rapidement et de la manière la plus efficace possible, et ce, au meilleur rapport qualité-prix pour la population canadienne.

On m’a avisé que tous les chantiers canadiens ont pu répondre à la demande de renseignements qui a pris fin le 13 mars 2020. Pour le moment, aucune décision n’a été prise en ce qui a trait au chantier naval qui construira le brise-glace polaire que vous avez mentionné. Les réponses qu’a reçues Services publics et Approvisionnement Canada, ainsi que les renseignements recueillis dans le cadre du processus, permettront au gouvernement de décider de la meilleure façon de procéder pour que le brise-glace soit livré aussi rapidement et efficacement que possible.

Son Honneur le Président : Sénateur Forest, voulez-vous poser une question complémentaire?

Le sénateur Forest : S’il vous plaît, Votre Honneur.

On sait très bien que, en ce qui a trait à la politique d’approvisionnement maritime et à la situation qui prévaut actuellement au Canada, les carnets de commandes des chantiers navals Irving et Seaspan débordent. Je ne comprends pas l’attitude du gouvernement, qui veut continuer d’analyser la situation et redonner un contrat à un fournisseur qui en a déjà plein les bras.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Comme vous le savez, le chantier maritime Davie a déjà obtenu des contrats d’une valeur de 2,1 milliards de dollars dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale. Ce chantier est en train de convertir trois brise-glaces pour la Garde côtière canadienne, et il est également en voie de devenir le troisième chantier naval dans le cadre de la Stratégie nationale de construction navale.

Cela dit, aucune décision n’a été prise pour déterminer quel sera le chantier naval qui construira le brise-glace polaire Diefenbaker.

[Traduction]

Les affaires étrangères

La persécution de la minorité baha’ie en Iran

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s’adresse, elle aussi, au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, on m’a demandé de vous poser cette question au nom de nombreux Canadiens de croyance baha’ie de nos collectivités. Ils s’inquiètent de la situation des baha’is en Iran. La persécution dont ils sont victimes dans ce pays a augmenté, et en cette terrible époque de pandémie de COVID, la situation est particulièrement troublante compte tenu de la propagation mortelle du coronavirus dans les prisons iraniennes. Le gouvernement iranien continue d’arrêter et d’emprisonner des baha’is sans motif valable. Hooshmand Talebi et Mojdeh Eghterafi, un couple baha’i dont la famille est au Canada, ont été arrêtés récemment. On leur a confisqué leurs biens, dont un piano sur lequel jouait leur fille.

Monsieur le leader, le gouvernement canadien a toujours défendu les baha’is en Iran. Puis-je savoir s’il compte le faire encore?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Merci de mettre en lumière la situation inquiétante que continue malheureusement de vivre la communauté baha’ie d’Iran, une communauté bien établie qui apporte beaucoup non seulement à l’Iran, mais au monde entier.

Les relations entre le Canada et l’Iran sont remplies de défis, mais les enjeux relatifs aux droits de la personne et les préoccupations des citoyens iraniens demeurent au cœur de la politique étrangère du Canada à l’égard de ce pays. Je n’ai pas besoin de rappeler aux sénateurs les difficultés qu’il faut surmonter pour traiter avec ce régime. Cela dit, je peux confirmer aux sénateurs que le gouvernement canadien demeure très préoccupé par la situation des personnes et des communautés d’Iran.

Son Honneur le Président : Sénatrice Jaffer, souhaitez-vous poser une question complémentaire?

La sénatrice Jaffer : Oui, je souhaite le faire, Votre Honneur.

Monsieur le leader, je vous remercie de votre réponse. Je suis, comme les Canadiens de confession baha’ie, au fait des défis que pose le gouvernement iranien. Le gouvernement du Canada a toujours défendu les baha’is. Il est essentiel qu’il les défende ainsi que toutes les minorités. J’aimerais savoir si le gouvernement du Canada se joindra à d’autres gouvernements qui défendent les droits des baha’is. Nous l’avons toujours fait. Le ferons-nous encore?

Le sénateur Gold : Je remercie la sénatrice de cette question complémentaire. L’approche du Canada à l’égard de dossiers concernant d’autres pays, tels que celui-ci, qui concerne l’Iran, consiste à collaborer avec nos alliés. Notre voix est plus forte lorsque nous la joignons à celles de pays aux vues similaires. Le Canada demeure résolu à insister pour que les pays respectent leurs obligations en matière de droits de la personne. D’ailleurs, c’est pour cette raison que le Canada a dirigé une résolution plus tôt ce mois-ci demandant à l’Iran de se conformer à ses obligations internationales en matière de droits de la personne.

La défense nationale

Les relations entre le Canada et la Chine—La sécurité

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’ai une question pour le sénateur Gold concernant la prise de contrôle prévue de TMAC Resources Inc. par la société d’État chinoise Shandong Gold Mining Co., Ltd., l’une des plus grandes productrices d’or au monde.

Le major-général à la retraite David Fraser a soulevé des préoccupations au chapitre de la sécurité, notamment la proximité de la mine avec les installations des radars d’alerte lointaine du Canada, à Cambridge Bay, au Nunavut, ainsi que l’utilisation de la mine à titre de port à Hope Bay, ce qui revêt une sérieuse valeur stratégique et militaire. L’ancien directeur du SCRS, Richard Fadden, partage ces préoccupations. En fait, une myriade de voix déplorent le manque de leadership du Canada en ce qui a trait à l’infrastructure économique et à la sécurité dans l’Arctique, notamment sur des questions telles que les brise-glaces, les ports en eau profonde et le faible développement industriel. L’attitude du Canada contraste nettement avec les investissements et les mesures de protection civile de la Russie et de la Chine dans la région.

(1450)

Le major-général David Fraser a dit, et je le cite :

Si on pense à ce que la Chine a fait dans la mer de Chine méridionale pour étendre sa sphère d’influence, qu’est-ce qui l’empêcherait de faire la même chose, dès qu’elle aura obtenu des droits de squatteur et qu’elle aura accès au port […]

Sénateur Gold, le gouvernement a récemment ordonné que la durée de l’examen de la sécurité soit prolongée de 45 jours. Pouvons-nous cesser de tergiverser et prendre position sur cette question et sur Huawei, comme nos alliés l’ont fait, pour que la Chine arrête d’empiéter sur notre souveraineté et notre sécurité, ainsi qu’exprimer très clairement nos inquiétudes sur le sort des deux Michael?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie madame la sénatrice, d’avoir soulevé ces questions qui concernent non seulement le gouvernement mais aussi tous les partis politiques et l’ensemble des Canadiens.

L’étude et l’examen dont vous faites mention sont en cours. Lorsqu’ils seront terminés, le gouvernement en fera l’annonce. J’assure aux sénateurs que nous poursuivons les efforts pour obtenir la libération des deux Michael et, en fait, pour assurer un traitement humain aux personnes détenues par la Chine. Cette situation constitue une préoccupation de tous les instants pour le gouvernement.

La sénatrice Wallin : Je tiens à rappeler à tout le monde que le directeur du FBI aux États-Unis, Chris Wray, a récemment déclaré publiquement qu’il ouvre un nouveau dossier de contre-espionnage sur la Chine toutes les dix heures. Il existe des preuves que des opérations secrètes se déroulent chez nous. Nous avons reconnu que la Chine pratiquait une diplomatie coercitive, comme nous l’avons constaté pendant la pandémie en ce qui concerne l’obtention de médicaments et d’équipement de protection individuelle : des commandes ont été retenues.

Pourquoi ne pas suivre l’exemple de nos alliés — je pense à l’Australie, mais aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis — et imposer des sanctions économiques et diplomatiques fortes à la Chine qui a injustement emprisonné les deux Michael? Comme vous le savez parfaitement, il y aura deux ans demain qu’ils sont emprisonnés en Chine.

Le sénateur Gold : En effet. Permettez-moi de vous renvoyer à une partie d’une réponse précédente. Le Canada travaille en étroite collaboration avec ses alliés sur ces fronts et sur bien d’autres, car le gouvernement actuel est d’avis que la collaboration avec nos alliés est le moyen le meilleur et le plus efficace pour que la voix du Canada soit entendue et amplifiée.

Je vous renvoie également aux observations qui ont été faites dans cette enceinte tout récemment, sur la complexité des questions de relations étrangères. Comme le sénateur Boehm l’a souligné à juste titre, ce sont des questions trop complexes pour qu’on puisse les aborder convenablement lors de la période des questions au Parlement. Mais une fois de plus, je peux donner aux sénateurs l’assurance que le gouvernement est bien conscient de l’importance de libérer les deux Michael, autant pour leurs familles que pour tous les autres Canadiens. Le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour y parvenir.

L’Agence du revenu du Canada

La Prestation canadienne d’urgence

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, pour donner suite aux questions de la sénatrice Martin, nous avons tous vu des cas où l’Agence du revenu du Canada demande le remboursement intégral de la PCU avant le 31 décembre. Ces cas concernent des travailleurs autonomes dont le travail a été ou continue d’être limité ou a complètement cessé en raison de la COVID-19. Beaucoup font partie de la catégorie de personnes les moins bien payées au Canada, soit les travailleurs pauvres.

On m’a également informée que le formulaire de demande ne fait pas la distinction entre les revenus nets et les revenus bruts. J’ai reçu une myriade de messages décrivant des situations déchirantes. L’un d’entre eux provenait d’un travailleur autonome de 77 ans qui n’a pas de pension et qui continue évidemment d’avoir très peu de revenus puisque la pandémie ne lui permet pratiquement pas de travailler. Il m’a dit ceci : « mon gouvernement bienfaisant s’est transformé du jour au lendemain en grippe-sou ».

Sénateur, le gouvernement se soucie-t-il du sort des Canadiens qui sont touchés par cette situation, qui ont présenté une demande de bonne foi et qui ont été encouragés à le faire? Le gouvernement se penche-t-il sur ces cas en tenant compte du malentendu dont certaines personnes ont été victimes lorsqu’elles ont présenté leur demande de PCU?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le gouvernement se soucie certainement du sort des Canadiens et il se penche sur ces cas. Tout ce que le gouvernement a fait dans le cadre de ses programmes était dans l’intérêt des Canadiens. La dernière chose que le gouvernement entend faire, c’est punir les Canadiens qui ont agi de bonne foi. Cela dit, comme je l’ai mentionné en répondant à la question de la sénatrice Martin, avant de donner une réponse définitive au Sénat, je vais certainement m’informer afin de bien saisir les détails du dossier.

Je rappelle au Sénat que les lettres visent à informer les prestataires qu’ils pourraient devoir rembourser les sommes qu’ils ont reçues. L’Agence du revenu du Canada a suspendu ses activités de recouvrement pour les nouvelles dettes contractées au cours de la crise et elle les reprendra seulement lorsqu’il sera raisonnable de le faire, et ce, de façon générale, et particulièrement dans le cas des versements de la Prestation canadienne d’urgence.

Je signale également que le gouvernement n’a ménagé aucun effort pour collaborer avec les contribuables afin de régler leur dette d’une façon appropriée et empreinte de compassion. Le gouvernement encourage les prestataires à communiquer avec l’agence pour négocier un arrangement convenable en fonction de leur capacité à rembourser, si, bien sûr, un remboursement est nécessaire.

La sénatrice Bovey : Merci, monsieur le sénateur. Je sais que des gens vendent leurs voitures et réhypothèquent leur maison pour essayer de faire face à la situation.

La ministre du Revenu national peut accorder un allégement des pénalités et des intérêts en vertu des dispositions d’allégement pour les contribuables. Selon le site Web de l’Agence du revenu du Canada, voici les critères pour accorder un tel allégement : des circonstances exceptionnelles, des actions de l’Agence du revenu du Canada, l’incapacité de payer ou des difficultés financières, ou d’autres circonstances.

Comme je l’ai dit, l’ensemble du pays est toujours aux prises avec la COVID-19 et la situation de beaucoup de ces personnes dans ma province est désastreuse, car nous sommes encore en confinement et nous le demeurerons jusqu’en janvier.

Le gouvernement a assuré aux Canadiens que les erreurs de bonne foi seraient rectifiées à la période de préparation des déclarations d’impôt, c’est-à-dire en mars et en avril 2021, et non à Noël 2020. La ministre va-t-elle utiliser son pouvoir pour accorder un certain allégement à ceux qui, de façon réaliste, ne peuvent pas générer de tels revenus en plusieurs semaines, en particulier dans les régions du pays où la COVID-19 est encore très présente?

Le sénateur Gold : Merci de la question. Je vais m’informer et m’efforcer d’obtenir une réponse dans les plus brefs délais.

[Français]

La justice

La cyberexploitation sexuelle des enfants

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, nous savons depuis très longtemps que la pornographie et l’exploitation sexuelle des mineurs sont un fléau de plus en plus sérieux dans la société canadienne. Il s’agit d’ailleurs des crimes qui ont connu la plus grande augmentation au cours des dernières décennies. Tout récemment, le gouvernement du Québec s’est intéressé beaucoup plus sérieusement à ce dossier problématique que le gouvernement du premier ministre Trudeau en créant une commission spéciale qui a déposé un rapport la semaine dernière. Ce rapport contenait une cinquantaine de recommandations et appelait le gouvernement à prendre des décisions énergiques pour mettre fin à ce fléau.

J’aimerais vous rappeler que, depuis le printemps dernier, plusieurs parlementaires canadiens et des membres d’un groupe multipartite non partisan sur l’exploitation sexuelle se sont adressés au premier ministre du Canada à deux reprises pour qu’il prenne des mesures contre Pornhub. Aucune action n’a été prise par le gouvernement jusqu’à ce jour, sauf pour des propos verbeux prononcés publiquement ou à l’autre endroit. Nous savons que c’est la récente parution d’un article du New York Times, qui a fait le tour du monde, qui a été l’élément déclencheur de la réaction du gouvernement de Justin Trudeau.

Cependant, les déclarations de M. Trudeau restent évasives et approximatives. Il ne parle jamais de ce fléau qui touche les jeunes mineurs au Canada, et plus particulièrement au Québec. Ma question est la suivante : la société MindGeek est basée à Montréal et nous savons depuis plusieurs mois que la plateforme Web se situe dans cette région. Pourquoi le gouvernement du Canada ne s’ingère-t-il pas dans les activités de cette compagnie afin de la responsabiliser? Pourquoi ne pose-t-il pas des actions concrètes pour mettre fin à ce fléau?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de cette question, cher collègue. Tout d’abord, permettez-moi de dire sans équivoque que l’exploitation des enfants et la violence sexiste et sexuelle sous toutes ses formes sont inacceptables, et que nous nous devons d’instaurer les mesures nécessaires pour mettre un terme à ces comportements épouvantables.

(1500)

Je vous remercie de votre question, sénateur Boisvenu, et, à cet égard, je tiens à remercier tous ceux qui s’engagent dans cette cause. Je remercie plus particulièrement notre collègue la sénatrice Miville-Dechêne pour son travail acharné, pour son engagement et pour le dépôt d’un projet de loi qui est fort bien accueilli au Sénat.

Chers collègues, il y a plusieurs aspects à cet enjeu. Pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement du Canada, le gouvernement est d’avis que nos lois et les articles du Code criminel sont là pour protéger ceux et celles qui sont victimes de ces actes inacceptables. Cela dit, le gouvernement est en train d’étudier les règlements plus en profondeur pour mieux répondre aux défis posés par les sites comme Pornhub et les autres, parce que — même si c’est de Pornhub dont on parle dans les manchettes — Pornhub est loin d’être un cas isolé. Il s’agit, malheureusement et tragiquement, d’un problème beaucoup plus vaste.

Cependant, il y a un autre côté à la médaille, et c’est la question de l’administration des poursuites dans le Code criminel. Comme vous le savez, chers collègues, conformément à la Constitution, l’administration des poursuites est une responsabilité des procureurs généraux provinciaux. Le rôle du procureur général du Canada dans ce genre de crimes et d’enjeux, conformément au Code criminel, est très limité. Il doit y avoir un travail de coordination entre le gouvernement fédéral et les provinces, comme c’est toujours le cas.

En terminant, il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’un problème qui s’aggrave. Simplement pour donner un exemple, il y a à peine deux ans, la GRC a traité sept fois plus de dossiers portant sur cette question qu’en 2015, soit plus de 100 000 dossiers, ce qui est choquant.

En résumé, Pornhub est un problème, mais il n’est pas le seul.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Gold, le ministre Steven Guilbeault dit qu’il agira en déposant une loi au printemps prochain. Le printemps prochain prendra fin le 21 juin 2021, soit dans sept mois. Entre-temps, sur ce site Web, on voit des enfants, des adolescents et des viols, ce qui est inadmissible.

Vous êtes avocat, sénateur Gold, et, en vertu du Code criminel, quiconque est responsable et distribue, ou plus précisément rend accessible de la pornographie juvénile commet un acte criminel. De plus, la Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet, une loi que nous avons adoptée en 2011, oblige ces fournisseurs à faire rapport s’ils sont avisés d’une adresse Internet où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public. Or, cela n’a pas été fait.

Je vous rappelle qu’en 2018, le premier ministre Trudeau a poussé la ministre de la Justice à intervenir dans le dossier SNC-Lavalin pour sauver ses amis. Pourquoi, pour les victimes d’actes criminels comme les enfants et les adolescents, le premier ministre n’est-il pas aussi empressé?

Le sénateur Gold : Cher collègue, je vais répondre à votre question sans pour autant être d’accord sur la façon dont vous avez décrit des événements passés.

Il y a des articles dans le Code criminel, et vous en avez mentionné quelques-uns. De plus, comme je le disais plus tôt, il y a d’autres règlements et un projet de loi qui sont à l’étude. Cependant, il y a une différence entre un article du Code criminel et une décision d’un procureur général provincial. Il doit y avoir suffisamment de preuves pour qu’on puisse intenter une poursuite.

Malheureusement, le système judiciaire — comme souvent les débats au Sénat — ne va pas nécessairement vite. Heureusement — même si c’est un mot qui n’est pas inapproprié dans ce contexte tragique —, parce que les sénateurs et les sénatrices, les parlementaires, les citoyens et les journaux mettent ce problème en lumière, les choses commencent à bouger.

On peut seulement souhaiter qu’on accomplisse des progrès le plus tôt possible. J’ai même noté que le site Pornhub a annoncé qu’il allait modifier ses protocoles pour essayer de nous convaincre que tout va bien se passer et qu’ils prennent ce problème au sérieux. Je ne suis pas certain du bien-fondé de leurs intentions, mais cela nous prouve, je l’espère, que la pression qui vient du public, du Sénat et d’ailleurs réussit à provoquer des changements.

Il faut mettre la main à la pâte et continuer à faire notre travail.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps alloué à la période des questions est écoulé.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, la deuxième lecture du projet de loi C-16, la deuxième lecture du projet de loi C-17 et la motion no 22, suivies de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Le Budget des dépenses de 2020-2021

Le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B)—Adoption du deuxième rapport du Comité des finances nationales

Le Sénat passe à l’étude du deuxième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2021, déposé au Sénat le 8 décembre 2020.

L’honorable Percy Mockler propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je dois admettre que je suis un peu nerveux aujourd’hui.

Ce matin, je me préparais pour ma journée de travail au Sénat et je me rappelais mon passé. Je dois vous avouer que je suis vraiment nerveux, car je n’aurais jamais cru que je prendrais un jour la parole comme parlementaire canadien, membre du Sénat du Canada, sur le même lopin de terre, mais dans une maison différente de celle où je suis venu au monde.

De plus, honorables sénateurs, je dois vous dire que, grandissant dans cette autre maison où nous vivions de l’aide sociale — le welfare, comme on disait — avec ma mère, chef de famille monoparentale, ma sœur et moi, je n’aurais jamais pensé que je serais assis un jour dans une tout autre résidence pour vous adresser la parole, et, surtout, pour discuter avec vous de budgets très différents, passant du budget de notre petite maison où nous vivions de l’aide sociale à celui d’aujourd’hui, le budget du gouvernement du Canada.

Voilà tout un changement de vie, honorables sénateurs, et je dis merci à la divine providence.

[Traduction]

Honorables sénateurs, en 35 ans et plus de vie parlementaire, que ce soit au fédéral ou au provincial, j’ai au moins appris une chose : les gens se fichent bien de qui nous sommes tant qu’ils ne savent pas ce qui est important à nos yeux.

Le 18 novembre, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a reçu du Sénat du Canada le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2021. Même s’il a dû procéder très rapidement s’il voulait déposer son rapport cette semaine, le comité a organisé 3 séances et entendu 40 personnes provenant de 14 organismes, comme l’exige son mandat. Nous avons notamment reçu le ministre Jean-Yves Duclos, du Conseil du Trésor, et le directeur parlementaire du budget.

(1510)

En tout et pour tout, honorables sénateurs, le Budget supplémentaire des dépenses prévoit pour environ 16,7 milliards de dollars de crédits, ce qui représente 80 % de toutes les dépenses votées prévues.

Quant au Budget principal des dépenses de 2021, honorables sénateurs, il prévoit 125,1 milliards de dollars en dépenses budgétaires votées, et 179,5 milliards en prévisions réglementaires, pour un total de 304,6 milliards, soit une augmentation de 1,6 milliard par rapport à l’exercice précédent.

Le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2020-2021 demande au Parlement d’approuver pour 20,9 milliards de dollars de dépenses budgétaires votées et une augmentation prévue des dépenses budgétaires statutaires de 58,3 milliards de dollars, pour un total de 79,2 milliards dans la catégorie des dépenses budgétaires.

On prévoit que les dépenses statutaires non budgétaires devraient augmenter de 1,3 milliard de dollars. Parmi les crédits demandés, 74 % des crédits votés — c’est-à-dire environ 15 milliards de dollars — et 96 % des prévisions réglementaires — soit 57 milliards de dollars —, sont liés aux mesures prises par le gouvernement relativement à l’incroyable pandémie de COVID-19.

[Français]

Honorables sénateurs et sénatrices, le Comité sénatorial permanent des finances nationales vous invite à prendre le temps de lire le document.

J’aimerais aussi profiter de l’occasion pour remercier les employés qui soutiennent nos travaux, notamment la greffière du comité, et souligner leur attitude professionnelle et leur éthique de travail, car ils nous permettent de bien faire notre travail à titre de sénateurs canadiens.

Honorables sénateurs et sénatrices, en tant que président du comité et au nom de mes collègues membres du comité directeur, le sénateur Forest, le sénateur Klyne et le sénateur Richards, je tiens à remercier tous les sénateurs membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales qui ont participé assidûment aux réunions et qui ont contribué à la rédaction et à l’approbation du rapport. Je remercie également les autres sénateurs qui ont participé à nos travaux.

[Traduction]

Honorables sénateurs, en tant que parlementaires, nous avons tous un rôle à jouer, et il ne fait aucun doute que nous avons tous un objectif en commun. C’est une question de transparence, de responsabilité, de prévisibilité et de fiabilité.

La pandémie de COVID-19 nous oblige à agir et à prendre des mesures pour protéger les Canadiens et leur qualité de vie d’un océan à l’autre. Tel est notre objectif.

J’aimerais vous présenter quelques observations du comité. Il est impératif que le gouvernement fédéral produise des rapports mensuels clairs et uniformes sur les coûts et le rendement de toutes ses mesures relatives à la pandémie de COVID-19. Il est impératif que le gouvernement fédéral continue de travailler avec les provinces et les territoires pour assurer en temps opportun une quantité suffisante de fournitures médicales dans tout le Canada.

[Français]

Il est impératif que Services aux Autochtones Canada reconnaisse ses responsabilités en matière de santé et qu’il veille à ce que les vaccins contre la COVID-19 soient rapidement distribués dans les communautés autochtones. La pandémie les expose à un risque disproportionné partout au pays, ce qui entraîne des conséquences désastreuses pour leur santé ainsi que celle de leurs enfants.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces et les territoires ainsi qu’avec les transporteurs aériens régionaux et de ligne pour élaborer des mesures d’aide pour le secteur du transport aérien, qui doit miser sur la coopération plutôt que sur la concurrence, et d’assurer le maintien des services pour l’ensemble des Canadiens, où qu’ils vivent.

Cependant, en examinant le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B), je crois que nous avons failli à la tâche. Honorables sénateurs, je tiens à attirer votre attention, c’est-à-dire l’attention du Sénat du Canada, sur un groupe de Canadiens appelés « les pauvres oubliés ». Je ne vois rien à leur sujet dans le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B) du gouvernement. Je vous demande un peu de patience. Il s’agit d’un problème sur lequel nous devons nous pencher.

Chers collègues, il serait difficile de prétendre que la dernière année n’a pas été très difficile pour tous les Canadiens, et qu’il reste encore beaucoup de mois difficiles à traverser. Les banques alimentaires du pays ont été sur la ligne de front pour assurer la survie des membres des collectivités qui n’ont nulle part d’autre où aller. Elles se sont acquittées de cette tâche même si elles ont dû composer avec une baisse des dons de nourriture et d’argent ainsi que du nombre de bénévoles en raison des directives de santé, et même si elles ont dû adapter leurs procédures pour garantir la sécurité de tous ceux qui franchissent leurs portes.

Elles ont mis sur pied des services de livraison à l’extérieur des centres de distribution et des modes de distribution sécuritaires, et elles ont trouvé toutes sortes de façons novatrices de rester ouvertes et de continuer à nourrir les gens de leur communauté. C’est l’une des belles histoires qui ressortent de la pandémie : les communautés unissent leurs forces et s’entraident pour surmonter les périodes difficiles.

Comme le montre le dernier rapport de Banques alimentaires Canada, pendant les premiers mois de la pandémie, un climat d’anxiété régnait dans les banques alimentaires, car elles craignaient fortement de ne pas être en mesure d’aider les Canadiens. Point positif pour la plupart d’entre elles, la Prestation canadienne d’urgence et la bonification de l’Allocation canadienne pour enfants ont aidé les personnes les plus vulnérables à se maintenir à flot.

Ce ne sont malheureusement pas tous les Canadiens qui ont été épargnés, honorables sénateurs. Comme l’indique le rapport, pendant les premiers mois de la pandémie, les nouveaux clients des banques alimentaires étaient surtout des adultes célibataires, ce groupe comptant pour 36 %. Il ne fait aucun doute pour moi qu’il s’agit d’un groupe délaissé par les politiques du gouvernement, déjà avant la pandémie, et dont sa situation semble encore se détériorer. Ce n’est pas le Canada que nous connaissons.

On n’a pas fait grande-chose, peut-être même rien du tout, pour régler les problèmes de pauvreté et de faibles revenus que connaissent les adultes vivant seuls.

Honorables sénateurs, près de 4 millions de Canadiens sont des adultes de moins de 65 ans vivant seuls. Un tiers d’entre eux, soit 1,3 million de personnes, vivent sous le seuil de la pauvreté, leur revenu moyen s’établissant à environ 10 000 $ par année.

Au cours des 20 dernières années, le nombre d’adultes vivant seuls et qui ont dû avoir recours à une banque alimentaire a presque doublé. Ils représentent maintenant la moitié de la clientèle de l’ensemble des banques alimentaires au pays. On appelle ce groupe de gens les pauvres oubliés. Les politiques gouvernementales et la pandémie les ont enfoncés davantage dans la pauvreté.

Pour la relance économique des prochaines années, il est plus important que jamais que les politiques gouvernementales prévoient des mesures de soutien aux pauvres oubliés, car ceux-ci peuvent grandement contribuer à la relance du Canada.

Il peut s’agir de personnes qui ont perdu leur emploi ou qui occupent un emploi précaire à faible revenu, et qui ont peu ou pas d’études ou de formation. Beaucoup d’entre elles devront se débrouiller dans une économie difficile avec des prestations d’assurance-emploi, si elles ont cette chance, ou avec un petit salaire jusqu’à ce qu’elles n’aient d’autres choix que de se tourner vers l’aide sociale offerte par leur province et se retirer complètement du marché du travail.

(1520)

Honorables sénateurs, il est alors souvent trop tard. Nous savons que lorsqu’une personne est obligée de recourir à l’aide sociale, il est extrêmement difficile de faire marche arrière.

Honorables sénateurs, à mon avis, de bonnes politiques gouvernementales peuvent prévenir de telles situations. Que ce soit au moyen d’un régime d’assurance-emploi étendu qui prolonge la période permettant de suivre des formations — je pense que c’est une question d’éducation et de formation —, d’une aide financière ou d’occasions d’emplois, ces gens peuvent rester dans le marché du travail. Ils peuvent contribuer à rebâtir l’économie d’un océan à l’autre en occupant des emplois de demain. Ils peuvent faire partie de la reprise économique et ne plus avoir besoin des banques alimentaires pour joindre les deux bouts.

Il y a urgence. Il faut agir. Les politiques gouvernementales ne peuvent plus faire fi de ce groupe de Canadiens vulnérables tout simplement parce qu’ils vivent seuls. Nous devrions plutôt élaborer des programmes qui multiplient les débouchés afin qu’ils ne soient jamais obligés de quitter le marché du travail. Ils contribueraient ainsi au Canada de demain qu’il nous faut bâtir. Merci, honorables sénateurs.

[Français]

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, la sagesse nous enseigne que, pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. Il faut reconnaître que notre collègue le sénateur Mockler n’a vraiment pas oublié ses racines et tout ce qui consolide ses valeurs humaines.

Honorables sénateurs, je voudrais profiter du dépôt du rapport du Comité permanent des finances nationales sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2021 pour attirer votre attention sur quelques enjeux qui ont été soulignés au cours de notre étude.

Dans le budget supplémentaire actuel, 92 % des autorisations budgétaires sont, on s’en doute, liées aux mesures visant la COVID-19. Il a donc beaucoup été question des différents gestes posés par le gouvernement pour faire face aux conséquences économiques et sanitaires de la pandémie.

Premièrement, au chapitre de la reddition de comptes, si le comité reconnaît qu’il fallait aider rapidement les Canadiennes et les Canadiens lors de cette terrible pandémie, nous avons constaté que le gouvernement transmet trop peu d’information aux parlementaires pour que nous puissions faire un suivi adéquat des dépenses.

Bref, nous avons un gouvernement qui est généreux quand il faut aider les travailleurs, mais qui est vraiment avare d’information quand vient le moment d’expliquer où est passé l’argent.

Nous déplorons que le gouvernement ait cessé de faire des rapports bimensuels au Parlement sur les dépenses liées à la COVID-19.

Le directeur parlementaire du budget a relevé avec raison, et je cite, que :

[...] la quantité d’informations mises à la disposition du public aux fins de suivi des dépenses est insuffisante, empêchant ainsi les parlementaires de mener à bien leur rôle essentiel quant à la supervision des dépenses gouvernementales et la reddition de comptes au gouvernement.

[...] il n’existe actuellement aucun document gouvernemental public publié offrant une liste exhaustive de toutes les mesures annoncées à ce jour, ou des estimations de coûts mises à jour.

En tant que parlementaires, nous nous devons d’être plus exigeants envers le gouvernement en ce qui a trait aux coûts des programmes et à leur efficacité.

Pour ce qui est de l’épineuse question des dividendes, l’étude des crédits supplémentaires a permis au comité de rencontrer des représentants des principaux ministères impliqués dans le déploiement des mesures d’aide visant les travailleurs et les entreprises dans la foulée de la pandémie. Pour ma part, j’ai été particulièrement frappé par les hésitations du gouvernement à resserrer les mesures de contrôle afin d’éviter les abus qui ont été relevés au cours des derniers mois.

Je comprends qu’au début de la crise il fallait agir rapidement. Pourtant, le gouvernement a eu amplement le temps d’ajuster ses programmes depuis.

Par exemple, sur la question de la subvention salariale, nous avons été appelés à voter à plusieurs reprises pour modifier le taux de la subvention et les conditions requises pour y avoir droit. Le gouvernement aurait pu facilement profiter de l’occasion pour interdire aux entreprises qui touchent la subvention salariale de verser des dividendes à leurs actionnaires. Rappelons que, au cours des derniers mois, on a appris qu’au moins 68 entreprises « à capital ouvert » ont touché 1 milliard de dollars dans le cadre de la subvention salariale et ont versé de l’autre main 5 milliards de dollars en dividendes à leurs actionnaires. Onze entreprises ont même augmenté leurs dividendes alors qu’elles recevaient la subvention salariale.

Un programme de dernier recours destiné à soutenir les travailleurs ne devrait pas servir à enrichir les actionnaires. Pour moi, le comportement de ces entreprises est abusif, et je ne comprends pas l’entêtement du gouvernement à ne pas agir dans ce dossier.

Les plans sectoriels sont nécessaires.

À l’occasion de l’étude des crédits, le comité a rencontré des représentants des six agences de développement régionales. Ces agences sont chargées d’intervenir de façon plus pointue afin d’aider les secteurs qui ne seraient pas couverts adéquatement par les programmes d’aide plus généraux, comme la subvention salariale et les facilités de crédit.

Par l’entremise du Fonds d’aide et de relance régionale, par exemple, le gouvernement fédéral offre 1,5 milliard de dollars pour aider les PME qui n’ont pas pu obtenir de l’aide d’urgence. Le comité juge cette somme bien modeste, compte tenu des besoins.

Pensons seulement à la restauration, alors qu’on estime qu’un restaurant sur deux est menacé de fermer définitivement ses portes en 2021.

Pour éviter que des secteurs entiers de notre économie ne soient déstructurés par la pandémie, le comité réclame un financement suffisant pour aider les entreprises des secteurs durement touchés, comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, la culture et le commerce de détail.

Pour une relance optimale : au cours des derniers mois, le Comité des finances nationales a étudié les programmes d’aide du gouvernement pour faire face à la pandémie. Nous avons rencontré les fonctionnaires qui ont conçu ces programmes. Nous avons également rencontré les représentants des entreprises et des travailleurs visés par ces programmes. Nous avons formulé des recommandations qui permettront d’y apporter rapidement des ajustements.

Toutefois, il faudra bientôt nous pencher sur la relance économique, car, malgré l’arrivée imminente du vaccin, beaucoup d’emplois qui sont occupés surtout par des jeunes, des femmes et des aînés ne reviendront pas.

Les centres-villes, de leur côté, qui sont aujourd’hui désertés, risquent de ne retrouver qu’une petite partie des travailleurs qui les animaient. Vous pouvez imaginer les conséquences que cela aura sur les commerces de proximité et les pertes de revenus que subiront les propriétaires d’immeubles et les municipalités.

D’ailleurs, les municipalités, qui sont les maîtres d’œuvre de la plupart des projets d’infrastructures publics, devront être mises à contribution pour relancer notre économie. Elles ont conçu plusieurs projets qui n’attendent que d’être financés, notamment dans les secteurs du logement social, du transport collectif et des infrastructures locales. De plus, les mécanismes de paiement et de reddition de comptes sont déjà en place; que l’on pense au programme de la taxe sur l’essence, au Fonds vert ou au Fonds fédéral d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes. Les municipalités ont déjà annoncé leur intention d’être de véritables partenaires de la relance. Il faudra s’assurer que ces partenaires incontournables sont entendus par le gouvernement, et que le gouvernement fait appel à leur expertise.

Pour relancer l’économie, le gouvernement fédéral devra aussi mettre à profit ses propres approvisionnements. Je donne ici l’exemple de la construction du brise-glace Diefenbaker; il s’agit d’un projet d’un milliard de dollars, qui pourrait donner du travail à 1 500 personnes et qui stagne depuis huit ans parce que les différents gouvernements, tant libéraux que conservateurs, se sont empêtrés dans des politiques d’approvisionnement inutilement complexes et partisanes.

(1530)

Voilà un projet qui est déjà inscrit au budget et un chantier maritime qui est prêt à commencer les travaux dès maintenant. Pourquoi se priver d’un projet qui serait fort utile pour contribuer à la relance économique? Bref, il faudra réfléchir à toutes ces questions et s’assurer d’appuyer le gouvernement du mieux que nous pouvons.

On sait que le représentant du gouvernement au Sénat propose de mettre sur pied un comité spécial chargé d’étudier tous les aspects liés à la crise de la COVID-19. Un travail rétrospectif sur la gestion administrative, économique et sanitaire est, en effet, nécessaire. Cependant, je crois qu’il faut permettre au Comité permanent des finances nationales de regarder vers l’avant et de se pencher plus spécifiquement sur la relance économique.

Le gouvernement a créé le Conseil sur la stratégie industrielle, dirigé par Mme Monique Leroux, pour étudier les transformations qui seront nécessaires pour faire suite à cette crise. La Chambre des communes ne manquera pas d’y aller de ses propres recommandations.

Cependant, je crois que le Sénat, et plus particulièrement le Comité des finances, a un rôle à jouer dans la réflexion que nous tiendrons à la sortie de cette crise, notamment pour s’assurer qu’elle soit plus juste, plus solidaire, plus verte et plus durable. J’espère que cette Chambre acceptera de confier un mandat au Comité des finances à cette fin.

En conclusion, je voudrais remercier mes collègues qui siègent au Comité des finances, ainsi que tout le personnel qui nous a accompagnés, pour tout le travail qui a été effectué, tout comme les 14 organisations qui ont participé à l’étude des crédits supplémentaires.

Contrairement au scepticisme affiché par certains collègues, et dans l’intérêt de tous les Canadiens, je crois que nous devons prolonger l’autorisation de tenir des séances hybrides afin de poursuivre nos travaux.

En terminant, j’aimerais dire que nous avons particulièrement apprécié la participation du président du Conseil du Trésor. Voilà un signe que nos travaux bénéficient d’une certaine écoute.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Projet de loi de crédits no 4 pour 2020-2021

Deuxième lecture

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, à titre de marraine au Sénat du projet de loi, je réserverai mes observations sur la teneur du projet de loi et sur les diverses dépenses pour mon intervention à l’étape de la troisième lecture qui, je l’espère, aura lieu demain.

Je tiens à féliciter brièvement le Comité sénatorial permanent des finances nationales de leur étude et leur considération du budget des dépenses ainsi que de leurs observations détaillées. Au fil des ans, le travail réalisé par ce comité est devenu un outil de référence utile pour les autres sénateurs afin de mieux comprendre les subtilités et l’importance du processus budgétaire. J’espère que tous les sénateurs se joindront à moi pour appuyer le projet de loi C‑16. Merci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 5 pour 2020-2021

Deuxième lecture—Débat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-17, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’ai le plaisir d’intervenir à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-17, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, que nous étudions maintenant.

Je partagerai mes remarques plus longuement à l’étape de la troisième lecture, et j’attends avec grand intérêt que nous poursuivions nos délibérations sur ces deux projets de loi. Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord remercier le sénateur Mockler et le sénateur Forest de leurs touchantes observations sur les gens pauvres qui sont laissés pour compte.

Jusqu’à présent, bon nombre des mesures prises par le gouvernement fédéral à l’égard de la pandémie de COVID-19, y compris celles qui sont incluses dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), ont reflété l’importance de tenir compte des facteurs humains, sanitaires et économiques pour lutter contre la marginalisation économique et les inégalités afin d’assurer la réussite des efforts de relance après la pandémie. Dans les neuf derniers mois, ce sont les personnes marginalisées souffrant le plus de l’exclusion systémique qui ont été le plus durement touchées par la COVID-19.

C’est d’ailleurs ce que confirme l’Énoncé économique de l’automne :

Selon les données récentes de Santé publique Toronto, les personnes ayant un niveau de revenu plus faible et les membres de communautés racisées affichent des taux plus élevés d’infection et d’hospitalisation à cause de la COVID-19 [...] [L]es populations noire, latino-américaine, arabe, moyen-orientale et d’Asie de l’Ouest sont au moins 7 fois plus susceptibles de contracter la COVID-19 que les groupes non racisés de la ville. À l’échelle du Canada, selon de nouvelles données de Statistique Canada, les communautés qui comptent le plus grand nombre de Canadiens racisés ont affiché les taux de mortalité les plus élevés pendant la première vague de la pandémie.

Bien que la COVID‑19 constitue une situation sans précédent, le lien frappant entre le revenu et la santé que la pandémie a mis en relief n’est pas nouveau. Au cours des neuf derniers mois, nous avons constaté que le soutien direct au revenu profitait non seulement aux personnes dans le besoin, mais aussi à toute la société. Les mesures de soutien du revenu comme la Prestation canadienne d’urgence ont donné les moyens à certains Canadiens de rester à la maison au lieu d’aller travailler, de suivre les consignes de la santé publique, d’obtenir les produits et les traitements dont ils avaient besoin et d’assurer leur sécurité, ainsi que celle de leur famille et du reste de la population.

La Prestation canadienne d’urgence et d’autres mesures de soutien direct de la population pendant la pandémie ont également servi l’économie. Elles ont contribué à stabiliser la demande pour les biens et services et à assurer une reprise des dépenses commerciales. Cela n’a rien de surprenant. Le Canada tire déjà des avantages économiques de mesures semblables au revenu garanti comme l’Allocation canadienne pour enfants. Ces contributions économiques représentent 2,1 % du PIB total du Canada et elles génèrent une activité économique de 1,97 $ pour chaque dollar versé aux familles, en plus de garder 277 000 familles hors de la pauvreté.

Comme le souligne le rapport que vient de publier le Canadian Centre for Economic Analysis, si on devait adopter cette solution, en cinq ans, le revenu minimum garanti national représenterait de 1,6 à 2,4 % du PIB total du Canada, créerait plus de 300 000 à 450 000 emplois et sortirait au moins 3,2 millions de familles de la pauvreté.

(1540)

L’énoncé économique de l’automne nous prévient que les indicateurs économiques traditionnels, comme le produit intérieur brut, ne donnent pas à eux seuls une image complète de la qualité de vie des Canadiens. Il souligne que la relance à la suite de la COVID-19 nécessitera :

[...] de réfléchir de manière globale à des facteurs comme la santé et la santé mentale, les communautés et la culture, la sécurité et les droits de la personne, la qualité des emplois et les opportunités. Cela signifie aussi penser de manière inclusive à la répartition des résultats.

Le rapport conclut que les inégalités rendent notre économie moins résiliente. Voilà pourquoi une relance solide et complète ne doit laisser personne pour compte. Nous avons tous intérêt à nous serrer les coudes et à refuser de laisser qui que ce soit pour compte.

Il n’est pourtant que trop évident que les mesures prises en réaction à la COVID-19, résumées dans le budget supplémentaire des dépenses et l’énoncé économique de l’automne, laissent des gens pour compte. Pis encore, malgré les nombreuses promesses du gouvernement, plus de 3,5 millions de Canadiens attendent toujours son aide, c’est-à-dire les personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté. En effet, les plus démunis sont exclus des mesures d’aide au revenu telles que la Prestation canadienne d’urgence et la bonification de l’assurance-emploi. Seuls ceux qui gagnent habituellement au moins 5 000 $ par année sont admissibles à la Prestation canadienne d’urgence et aux mesures qui lui ont succédé. Ainsi, en période de besoin et de crise, les systèmes de soutien d’urgence du revenu refusent les demandes de certaines personnes parce que ces dernières sont trop pauvres. Cela défie l’entendement. C’est scandaleux et incompréhensible. Ces personnes ont un revenu trop faible pour être admissibles à l’aide offerte.

C’est inacceptable, chers collègues, et nous devons cesser de regarder ailleurs simplement parce que le gouvernement continue de prétendre que le moment n’est pas venu.

Dans la plupart des provinces et dans un territoire, les personnes qui touchent des prestations d’invalidité ou d’aide sociale et qui ont aussi eu droit à la Prestation canadienne d’urgence ont dû rembourser cette dernière. Quant aux personnes qui n’y avaient pas droit, elles n’ont eu d’autre choix que d’affronter la pandémie avec pour seule aide des chèques d’invalidité ou d’aide sociale qui, quel quel soit l’endroit où on vit, sont tellement loin d’être suffisants pour subvenir à ses besoins primaires qu’ils en sont criminels — et nous nous rendrions complices de cette façon de faire si nous donnions notre aval aux budgets des dépenses à l’étude.

Honorables sénateurs, sur les 3,5 millions de personnes qui attendent toujours l’aide de l’État, il y a un nombre anormalement élevé de femmes et de personnes racialisées qui ont perdu leur emploi et qui avaient déjà été jugées inadmissibles à l’assurance-emploi avant la pandémie ou qui, malgré les multiples emplois précaires et mal rémunérés qu’elles devaient occuper, n’ont quand même pas réussi à gagner plus de 5 000 $.

Je pense par exemple aux Canadiens qui étaient sur le point de lancer leur entreprise, aux travailleurs autonomes ou aux artistes qui ont un contrat de temps à autre.

Il ne faut pas oublier les aînés qui ont demandé la PCU et qui seront ainsi privés d’une partie de leur Supplément de revenu garanti.

Même chose pour tous ces Canadiens — surtout des Canadiennes, souvent racialisées — qui prenaient soin de leurs enfants, d’un proche âgé ou d’une personne handicapée avant la COVID-19 : elles aussi travaillaient, mais elles n’en tiraient aucun salaire.

Que dire des personnes ayant une limitation non diagnostiquée et qui ne travaillaient pas parce qu’elles étaient à l’hôpital ou en convalescence?

C’est sans parler des personnes qui, avant même le début de la pandémie, ne travaillaient pas parce qu’elles n’avaient pas les moyens de prendre les transports en commun, de faire garder leurs enfants ou d’acheter des vêtements.

Il en va de même de celles qui n’avaient pas les moyens de renoncer à la couverture d’assurance-médicaments que leur procurait l’aide sociale.

Le plan d’intervention créé dans la foulée de la COVID-19 est peut-être assorti d’une enveloppe de 407 milliards de dollars, mais les plus démunis du pays ont tout au plus reçu un chèque, un seul, de 400 $ — et encore, seulement s’ils figuraient dans les registres de l’Agence du revenu et avaient droit au crédit d’impôt pour la TPS.

À l’autre bout du spectre, la fortune totale des 20 personnes les mieux nanties du Canada, qui étaient déjà milliardaires, a crû d’au moins 37 milliards de dollars depuis le début de la pandémie. Pendant ce temps, un ménage avec enfants sur cinq a connu l’insécurité alimentaire.

Au début de la pandémie, les petits salariés étaient plus susceptibles d’avoir perdu leur emploi. En effet, on constatait une baisse de l’emploi de 38 % parmi ce groupe, alors qu’elle était de 13 % pour les grands salariés. Chez les femmes ayant un faible salaire, la baisse était de 41 %. En outre, la relance de l’emploi pour les plus marginalisés et les travailleurs de secteurs précaires ou des secteurs des services ou de l’hôtellerie s’est faite plus lentement que dans les autres secteurs, d’autant plus que ces emplois sont moins adaptés au télétravail.

Chers collègues, que l’autre endroit accorde peu d’importance à l’exclusion et au manque de ressources qui poussent tant de gens sous le seuil de pauvreté ne nous autorise pas à réduire ces gens au silence. Nous avons l’obligation de représenter l’intérêt des minorités, alors faisons notre travail. Nous devons mettre en œuvre des mesures pour faire en sorte que tous surmontent cette crise et pour combattre les inégalités économiques grandissantes et la marginalisation qui accroît la vulnérabilité des gens à la crise qui persiste, aux vagues futures de la pandémie ou à la prochaine crise économique, environnementale ou sanitaire qui frappera.

En avril dernier, 50 d’entre nous se sont réunis pour demander la transformation de la PCU en un revenu de base garanti qui est accessible à tous ceux qui en ont besoin. En juillet, le Comité sénatorial des finances nationales a demandé l’étude prioritaire d’un programme de revenu de base garanti. Non seulement une telle mesure permettrait aux gens de sortir définitivement de la pauvreté, mais le directeur parlementaire du budget et le gouverneur de la Banque du Canada de l’époque n’étaient que deux des nombreux experts à souligner qu’une telle mesure pourrait mieux préparer le Canada pour réagir à la prochaine urgence qui surviendra.

À l’approche des Fêtes, de l’hiver et de la fin de l’année 2020, l’impact dévastateur de la pandémie se poursuit avec absolument aucune — zéro, nada — mesure de soutien à l’horizon pour les personnes qui en ont le plus besoin.

Le gouvernement fédéral a clairement indiqué que, dans sa lutte contre la pandémie de COVID-19, le Canada ne peut pas se permettre de laisser qui que ce soit pour compte. Pendant neuf mois, nous avons exhorté le gouvernement à prendre des mesures à cette fin, mais, au lieu de cela, il a mis en œuvre successivement des programmes qui ignorent les 3,5 millions de personnes ayant désespérément besoin d’aide.

Certains diront qu’une pandémie n’est pas le moment de risquer un changement audacieux pour le mieux. Chers collègues, les inégalités et la marginalisation ayant poussé de façon disproportionnée les pauvres, dont beaucoup sont des femmes, des personnes racialisées et des personnes handicapées, au bord de la maladie et même de la mort, quand agira-t-on si ce n’est maintenant?

Le gouvernement a apporté rapidement des changements audacieux grâce à des mesures comme la Prestation canadienne d’urgence pour protéger les gens de la classe moyenne afin qu’ils ne sombrent pas dans la pauvreté. Il faut des mesures tout aussi audacieuses pour que les travailleurs pauvres et les autres qui peinent à survivre dans la pauvreté disposent de moyens qui leur permettront de sortir de la pauvreté, d’y échapper et de s’en remettre.

Il y a lieu de féliciter le gouvernement, car le projet de loi C-17 prévoit 20 milliards de dollars pour financer des mesures louables de lutte contre la COVID-19 et de protection de beaucoup de Canadiens. Or, étant donné que les mesures prises en réaction à la pandémie de COVID-19 ont continuellement et systématiquement laissé pour compte les plus démunis, elles nous sont offertes aux dépens des plus marginalisés. Il faut empêcher qu’une telle chose se produise. Depuis trop longtemps, nous déplorons le sort de ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté et nous compatissons avec eux tout en investissant dans des programmes qui ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté ou, pire encore, qui les excluent complètement.

Nous avons une chance d’améliorer leur situation. Ce que je nous demande, chers collègues, est une démarche audacieuse et essentielle. En tant que sénateurs non élus, nous n’avons pas le pouvoir de légiférer sur le type de dépenses que nous souhaiterions voir. En tant que Chambre de second examen objectif, il est cependant de notre devoir de garder un œil vigilant sur les intérêts à long terme du Canada, en particulier pour les groupes marginalisés que nous avons pour mandat de représenter. Nous ne pouvons pas, en toute conscience, attendre qu’il soit trop tard pour mettre en place des garde-fous pour les plus de 3,5 millions de Canadiens qui sombrent dans le gouffre de la pauvreté.

Motion d’amendement—Déclaration de la présidence

L’honorable Kim Pate : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion soit modifiée par suppression de tous les mots après le mot « Que » et par substitution de ce qui suit :

« le projet de loi C-17, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, parce que le Sénat est d’avis qu’il ne comprend pas de dépenses adéquates visant à réduire la pauvreté au Canada, actuellement vécue par plus de trois millions et demi de personnes dont la vie a été touchée de manière disproportionnée par la pandémie de la COVID-19, y compris des taux d’infection élevés et conséquemment de maladie grave et de décès. ».

Merci. Meegwetch.

(1550)

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir qu’il s’agit d’une procédure à laquelle le Sénat a rarement recours, procédure qui est mentionnée à la page 133 de La procédure du Sénat en pratique et que l’on appelle amendement motivé. Cet amendement permet à un sénateur d’indiquer pourquoi il s’oppose à la deuxième ou à la troisième lecture d’un projet de loi. Il permet d’inscrire au compte rendu une déclaration ou une explication exposant pourquoi l’étude d’un projet de loi devrait être abandonnée. L’amendement peut être débattu, sous-amendé et ajourné.

Les honorables sénateurs ne sont pas non plus sans savoir que, si un amendement motivé est adopté, le projet de loi est rejeté.

Ceci étant dit, l’honorable sénatrice Pate, avec l’appui de l’honorable sénatrice McPhedran, propose que la motion soit modifiée... puis-je me dispenser de lire l’amendement?

Sénateur Woo, vous avez la parole.

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, les sénateurs qui, comme moi, sont présents dans la salle du Sénat ont l’avantage d’avoir le document devant eux. Je crois comprendre que l’Administation du Sénat a envoyé le même document par courriel à nos collègues qui participent par téléconférence. Dans l’intérêt de ceux qui n’ont pas lu leurs courriels, Votre Honneur, pourriez-vous, je vous prie, lire intégralement l’amendement?

Son Honneur le Président : La motion a été envoyée par courriel à tous les honorables sénateurs qui participent par téléconférence. Je vais lire l’amendement, mais cela aura seulement pour effet de le soumettre à un débat. J’ai vu plus d’un sénateur se lever, alors je suis convaincu que vous aurez l’occasion de lire l’amendement. Sinon, je vous invite à lever la main pour m’en aviser, et nous prendrons le temps de le lire.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, à la vue du fantôme de son père, l’un des personnages de Shakespeare parle d’« un air de tristesse plutôt que de colère ». Personnellement, j’ai probablement l’air de quelqu’un qui a subi un petit choc.

Je prends position contre l’amendement proposé. Je félicite la sénatrice Pate de son activisme et de son militantisme en faveur des personnes les plus vulnérables. Quel que soit l’enjeu en cause, son engagement ne se dément pas, et c’est tout à son honneur.

Cela dit, très respectueusement, il m’est impossible d’appuyer la motion à l’étude, et j’encourage tous les sénateurs à la rejeter. Il s’agit, en fait, d’une motion dilatoire qui retarderait considérablement la mise en œuvre du projet de loi. Étant donné la date actuelle et le fait que nous traversons toujours une crise, si la motion est adoptée, elle aura pour effet de tuer le projet de loi, comme l’a signalé le Président.

Je ne doute pas que la motion ait été présentée avec des intentions sincères, dans le but d’aider les personnes vulnérables qui, on ne peut le nier, ne profitent pas pleinement des avantages de l’économie canadienne et n’ont peut-être pas bénéficié autant que le souhaiterait la sénatrice des programmes instaurés par le gouvernement pour aider les Canadiens à traverser la crise actuelle.

Mais le fait de rejeter le projet de loi ou d’adopter l’amendement aurait de sérieuses conséquences sur le plan économique et opérationnel. Je ne nie pas, et je ne doute pas, qu’on l’ait présenté de bonne foi. Je me permets toutefois de dire — peut-être est-ce en raison de mon ahurissement — que cela aurait de cruelles répercussions. En rejetant le projet de loi à l’étude, on empêcherait la prestation continue de programmes et de services gouvernementaux dont les Canadiens ont besoin.

Cela entraverait — en fait, cela ralentirait et même interromprait dans certains cas — d’importants programmes et mesures mis en place pour lutter contre la pandémie. Cela entraverait ou même suspendrait — le temps est notre ennemi lorsque l’on a affaire à une maladie aussi implacable que la COVID-19 — le développement de la capacité de production canadienne et l’établissement de notre capacité à faire face aux futures pandémies, l’élaboration de vaccins canadiens, l’aide aux travailleurs essentiels qui se sont exposés, eux et leur famille, au risque chaque jour, pour le bien des plus vulnérables de la société. Cela empêchera tout simplement le gouvernement, lequel a été démocratiquement élu, d’accomplir son travail à tous les égards — et pas seulement celui-ci — au nom des Canadiens.

Chers collègues, c’est un euphémisme de dire que l’adage « ne laissons pas le mieux être l’ennemi du bien » s’applique tout à fait à ces circonstances-ci, avec des conséquences on ne peut plus claires.

Je vais me calmer, et tout simplement rappeler aux sénateurs nos responsabilités en tant que législateurs et en tant que citoyens. Le projet de loi traite de mesures financières. Manifestement, il peut faire l’objet d’un vote de confiance, mais le Sénat ne peut pas accorder sa confiance au gouvernement ou la lui refuser, comme le sénateur l’a fait valoir indirectement. C’était un vote de confiance dans l’autre endroit, et les députés ministériels, du Parti libéral, n’ont pas été les seuls à voter pour le projet de loi. Ceux du NPD, du Bloc québécois et du Parti vert ont voté pour également. Ces quatre partis ont recueilli ensemble une nette majorité des suffrages aux dernières élections.

Je ne suis peut-être pas très fort en mathématiques, mais je m’appuie sur des principes très solides. L’autre endroit s’est prononcé, lors d’un vote de confiance, pour accorder au gouvernement les fonds dont il a besoin afin de poursuivre le travail qui lui incombe, comme il lui incombe de gouverner. En effet, comme l’opposition s’efforce de nous le rappeler à juste titre aux Communes et au Sénat— et c’est tout à son honneur — c’est une chose de poser des questions, de s’interroger et de demander des comptes au gouvernement, mais c’en est une autre de ne pas permettre au gouvernement de gouverner. Ce projet de loi nous est justement soumis par un gouvernement qui gouverne.

J’ai énormément de respect pour le Sénat et pour la contribution que nous apportons au moyen des débats et des examens critiques, mais agir de la sorte serait aller au-delà de notre rôle et nuirait aux Canadiens. Il m’est absolument impossible d’appuyer cet amendement, et je vous implore de ne pas le faire non plus.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a fait son travail, comme d’habitude. Il a fait preuve de la diligence voulue. Nous avons entendu son rapport. Nous avons entendu les préoccupations que partagent, nous le savons, la sénatrice Pate et d’autres, comme moi, qui s’inquiètent pour les laissés-pour-compte de l’économie canadienne. Cependant, ce n’est pas de cette façon que le Sénat doit faire son travail.

En tout respect, cet amendement est irresponsable et il ne peut avoir l’aval du gouvernement ni, je l’espère, celui de l’ensemble des sénateurs. Je vous remercie de votre attention.

[Français]

Son Honneur le Président : Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question ou prendre la parole?

L’honorable Renée Dupuis : Je veux soulever un recours au Règlement, monsieur le Président.

Son Honneur le Président : D’accord.

La sénatrice Dupuis : Je veux m’assurer d’avoir bien compris les règles du Sénat. Lorsqu’on dépose un amendement, celui-ci doit-il être présenté dans les deux langues officielles?

Son Honneur le Président : Oui, absolument.

La sénatrice Dupuis : Alors, est-ce que vous me permettez de poser la question et de demander pourquoi nous devrions examiner cet amendement à ce moment-ci, si nous n’en avons pas reçu la version française?

(1600)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Sénatrice Dupuis, je crois comprendre que l’amendement a été envoyé par courriel à tous les sénateurs qui participent à distance, et ce, dans les deux langues officielles. Je peux confirmer qu’il a été distribué dans les deux langues officielles au Sénat. Je consulte le courriel en ce moment même, sénatrice Dupuis.

De toute façon, cette question sera abordée demain. Je suis désolé, sénatrice Dupuis. Si vous constatez que vous n’avez pas reçu l’amendement, je vous prie de communiquer avec mon bureau, et nous déterminerons ce qui s’est passé.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Monsieur le Président, si vous me le permettez, j’ai reçu l’amendement uniquement en anglais. Merci.

[Traduction]

Son Honneur le Président : On corrigera la situation. Toutes mes excuses. L’amendement aurait dû être envoyé dans les deux langues officielles.

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 27 octobre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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