Skip to content
Previous Sittings
Previous Sittings

Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 7

Le mercredi 27 mars 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 27 mars 1996
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La réforme de la Constitution

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, l'un des nôtres, le sénateur Beaudoin, depuis quelques semaines pour ne pas dire quelques mois, tente de convaincre les responsables des deux formations politiques de cette Chambre de mettre sur pied un comité du Sénat pour étudier les possibles réformes constitutionnelles disponibles à l'heure actuelle.

Cette proposition est opportune, non pas que la réforme constitutionnelle soit une solution à tous nos maux mais beaucoup plus parce que la réforme de notre loi fondamentale, si elle est possible, doit soutenir toutes les tentatives de rajustement du fédéralisme canadien. J'ai décidé d'en faire une déclaration.

Il faut être unanime derrière cette proposition du sénateur Beaudoin pour que la réforme de la Constitution soit beaucoup plus un outil à la disposition des politiciens canadiens qui ont un devoir de réexaminer les aménagements du fédéralisme canadien. C'est la raison pour laquelle j'appuie la proposition du sénateur Beaudoin.

[Traduction]

La Journée mondiale du théâtre

L'honorable Jean-Louis Roux: Honorables sénateurs, depuis près de 35 ans, et cela dans près de 100 pays membres de l'Institut international du théâtre, le 27 mars est consacré à la célébration de la Journée mondiale du théâtre. À cette occasion, l'institut demande à un homme ou à une femme de théâtre d'un de ses pays membres de rédiger un message international soulignant l'importance de cet art dans l'édification de la paix dans le monde et dans l'amélioration de la qualité de vie de tous les citoyens et de toutes les citoyennes du monde entier.

Cette année, c'est à Saadalla Wannous, auteur dramatique syrien, qu'on a fait appel. Né en 1941, Wannous est un personnage majeur du monde arabe. Ses oeuvres dramatiques ont paru et ont été mises en scène en russe, en allemand, en espagnol et en français, et ont reçu la plus haute reconnaissance dans des festivals internationaux.

Dans son message, Saadalla Wannous s'exprime ainsi:

[Français]

S'il était de tradition d'associer à la Journée Mondiale du Théâtre une devise qui soit en relation avec les exigences que doit satisfaire le 4e Art, ne serait-ce que sur le plan symbolique, j'aurais proposé pour cette année que l'on choisisse «La soif de dialogue».

Dialogue pluriel, complexe et tout à fait global. Dialogue entre les individus, dialogue entre les groupes. Un dialogue qui exige évidemment au préalable une réelle démocratisation, le respect du pluralisme et le refoulement des tendances belliqueuses chez les personnes et les nations. Quand je ressens cette soif et prends conscience de sa force et de sa nécessité, je vois ce dialogue débuter au théâtre, puis ondoyer, s'étendre et se développer, englober les peuples et les cultures de l'Univers, dans leurs différences et leur diversité.

[Traduction]

L'auteur poursuit en ces termes:

J'ai la ferme conviction que, malgré toutes les révolutions technologiques, le théâtre restera cet espace modèle où l'homme réfléchit à sa propre condition existentielle et historique à la fois. La spécificité du théâtre en fait un champ singulier où réside la possibilité qu'a le spectateur de vaincre son isolement et de méditer sur la condition humaine, dans un contexte collectif qui éveille son appartenance au groupe et lui enseigne la richesse du dialogue et la diversité sous toutes ses formes. Car si le théâtre est dialogue au sein de la représentation, il est aussi dialogue implicite entre le public et le spectacle. Il secrète aussi un troisième type de dialogue, celui qui s'instaure entre les spectateurs eux-mêmes... et, à un niveau plus élevé, le dialogue qu'impliquent la fête théâtrale, représentation destinée au public, et la cité, cadre dans lequel se déroule la fête. Chaque type de dialogue nous libère de la tristesse de notre solitude et aiguise une prise de conscience de notre dimension communautaire. De ce fait, le Théâtre n'est pas seulement une manifestation de la société civile, il est plutôt une des conditions qu'exige la naissance de cette société et l'impératif requis pour son développement et son essor.

[Français]

Mais de quel théâtre suis-je en train de parler, demande l'auteur de ce message? Suis-je en train de rêver ou d'éveiller la nostalgie d'époques où le théâtre était un véritable événement qui faisait jaillir le dialogue et le plaisir dans la Cité. Ne nous leurrons pas!

Le théâtre est en train de régresser. Quelle que soit la région sur laquelle je porte mes regards, je vois que les cités n'ont plus de place pour les théâtres et qu'elles les chassent vers des périphéries abandonnées et obscures alors qu'au sein de ces mêmes cités naissent et prolifèrent gadgets lumineux, écrans en couleurs ou autres vulgaires boîtes à images. Le théâtre a-t-il jamais connu de période aussi indigente, que ce soit du point de vue matériel ou moral? Les subventions qui lui sont attribuées diminuent de jour en jour.

[Traduction]

Les subventions qui lui sont attribuées diminuent de jour en jour.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, les interventions sont limitées à trois minutes. Si certains dépassent les trois minutes, cela empêche les autres sénateurs de s'exprimer. Peut-être avez-vous une minute pour terminer.

[Traduction]

Le sénateur Roux: L'auteur poursuit et conclut:

Le théâtre a un rôle fondamental à jouer. Il peut réaliser la mission critique et créative de la culture. Le théâtre peut permettre, à travers la fiction et la participation, de combler les fractures et de recoudre les déchirures ouvertes dans le corps social. Il peut rétablir le dialogue nécessaire à tous. Je suis persuadé que l'amorce d'un dialogue sérieux et global constitue le premier pas pour lutter contre la situation frustrante qui accable notre univers en cette fin de siècle.

[Français]

Nous sommes mus par l'espoir. Ce qui se passe aujourd'hui ne peut être la fin de l'Histoire.

[Traduction]

Ce message est l'oeuvre de Saadalla Wannous. Longue vie au théâtre!

Les enquêtes sur les questions d'intérêt public

La comparaison des coûts de différents forums

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention brièvement sur ce que je considère être une occasion coûteuse et manquée de la part du gouvernement. Ma remarque vaut pour le gouvernement actuel, mais aussi pour les gouvernements précédents.

Nous sommes tous au courant du rapport Juneau sur l'avenir du Canada, qui vient d'être publié. Je ne veux pas parler du contenu de ce rapport. Il y a des constatations qui sont sans doute valables et d'autres qui le sont peut-être moins. Plutôt, je voudrais parler du coût et surtout me demander si le Sénat n'est pas une source oubliée lorsque le gouvernement envisage des exercices de ce genre.

On nous dit que le rapport Juneau a coûté aux Canadiens quelque 2,5 millions de dollars, soit trois fois son budget original. Est-ce que cela valait l'argent? Seul l'avenir nous le dira.

À titre de comparaison, l'étude du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide a coûté 207 000 $. Je pense qu'elle aurait même pu coûter un peu moins avec un encadrement un peu plus rigoureux. Seul l'avenir nous dira si cet exercice en valait la peine, mais je peux dire, personnellement, que notre rapport a eu et continue d'avoir des conséquences importantes sur la façon dont les personnes abordent le sujet.

Même si les deux sont des études très différentes, je ne pense pas que quiconque puisse prétendre que l'une était plus facile ou moins controversée que l'autre. Alors pourquoi la grande différence de coût? Une commission ou un groupe de travail doit verser des salaires au personnel, et je suis sûre qu'ils dépassent largement 64 000 $ par année. De même, l'infrastructure pratique - c'est-à-dire les bureaux, les salles de réunion, et cetera - doit être créée de toutes pièces.

Chers collègues, une étude effectuée par le Sénat n'a pas ces besoins particuliers, ou du moins pas dans la même mesure. Je me souviens que lorsque le comité sur l'euthanasie a commencé son travail, il y a eu quelques récriminations de nos collègues au sujet des dépenses. Oui, c'est vrai, 207 000 $, c'est beaucoup d'argent, en particulier si l'on considère le petit budget sur lequel on doit le tirer. Toutefois, nous avons persévéré et le résultat est un bon rapport, préparé dans les limites du budget et qui a été très bien reçu par la population.

Deux cent sept milles dollars, c'est beaucoup mieux que 2,5 millions, particulièrement lorsque cela vient du même contribuable. Je pense que même le Parti réformiste serait d'accord avec cela.

[Français]

Honorables sénateurs, pourquoi saisir le Sénat de cette affaire aujourd'hui? Le Canada traverse une période difficile. Le sénateur Simard nous a abondamment décrit la misère des sans-emploi. Le sénateur Comeau nous a parlé des sacrifices que doivent faire les pêcheurs suite aux compressions du gouvernement. Je pourrais continuer encore longtemps. Vous savez où je veux en venir.

Le gouvernement ne peut se permettre le luxe de dépenser des millions pour des études, surtout si elles n'ont pas de suivi. Je demande donc au leader du gouvernement, qui fait aussi partie du Cabinet, et qui, je présume, prend part aux décisions sur la création des commissions spéciales de rappeler à ses collègues que le Sénat existe. Je lui demande de faire connaître le travail accompli par notre Chambre, bien que la Chambre des communes devrait être au courant, et de l'excellent personnel à notre disposition comme ressource pour le gouvernement quand celui-ci désire réunir de l'information sur des sujets impartiaux, ce qui représenterait une solution de rechange économique. Je n'apprendrai rien aux personnes qui prennent le temps de nous comprendre, que c'est dans nos comités que nous nous distinguons particulièrement. Pourquoi ne pas mieux les utiliser et ainsi épargner des frais aux contribuables sans menacer de quelque façon la qualité du travail qui s'y accomplit?

[Traduction]

(1350)

Les réclamations territoriales des autochtones

La cérémonie de signature de l'accord de principe conclu avec les Nisga'a

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je veux profiter de cette occasion pour partager avec vous un événement extraordinaire auquel j'ai eu le privilège d'assister vendredi dernier dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. Je parle ici de la cérémonie de signature de l'accord de principe conclu avec les Nisga'a, qui a eu lieu à New Aiyansh, petit village situé dans la vallée de la rivière Nass.

Honorables sénateurs, je dois dire sans ambages que j'ai de grandes affinités avec les gens de la nation Nisga'a. Ils contribuent à la diversité intéressante de notre pays, par leur dignité, leur tradition et leur culture unique. J'ai eu le bonheur, à cette occasion, de voir tous ces attributs se manifester, à un moment crucial de leur histoire. Je ne pourrai oublier de sitôt cet événement et c'est pourquoi j'ai aujourd'hui ce vif désir de rapporter mes impressions si favorables.

Comme nous le rappellent de temps à autre les rapports et les articles de divers organismes internationaux hautement respectés, le Canada est considéré comme une lueur d'espoir dans notre monde en bouleversement. Malgré cette remarquable réputation, nous connaissons tout de même certains désaccords dans notre pays où les différences entre les points de vue se manifestent de diverses façons. Heureusement, nous avons tendance à négocier la résolution de ces différends dans presque tous les cas.

Honorables sénateurs, les Nisga'a incarnent les mérites de cette approche. Depuis plus de 110 ans, génération après génération, ils ont paisiblement, mais avec détermination, fait valoir leur position aux deux paliers de gouvernement. Ils demandaient qu'on reconnaisse leurs droits à l'égard des terres et des ressources auxquelles ils sont assimilés depuis des milliers d'années. La patience, la persévérance et la retenue - quelles que furent les frustrations - ont toujours été et demeurent la marque de commerce des Nisga'a.

Honorables sénateurs, le président Gosnell de la nation Nisga'a, un bon ami à moi depuis de nombreuses années, a réitéré la conviction de son peuple, qui croit fermement qu'il importe d'établir un nouveau partenariat respectable avec tous les Canadiens. Il a déclaré:

Un traité Nisga'a sera excellent pour tous les citoyens de la Colombie-Britannique, autochtones ou non. Il favorisera la sécurité de l'économie, la stabilité sociale et la justice.

Honorables sénateurs, c'est un appel que nous ne pouvons ignorer, car nous avons beaucoup à perdre, en tant que pays, si des générations de nos concitoyens nisga'a sont privées de l'occasion de voir se réaliser, dans une certaine mesure, leurs espoirs et leurs aspirations au sein de notre grand pays. J'espère que les honorables sénateurs liront l'histoire de la nation Nisga'a.

En conclusion, je dirai que les Nisga'a reconnaissent l'importance des jeunes pour l'avenir des Nisga'a et du Canada. S'ils ont persévéré tant d'années, c'est qu'ils veulent assurer l'avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants au Canada.

C'est l'important message que je rapporte de cette magnifique région de notre pays. Je suis heureux d'avoir eu le temps d'en faire part à mes honorables collègues et à mes concitoyens à l'extérieur de cette enceinte. Je crois que vous et eux trouverez qu'il vaut la peine que nous en tenions compte.

J'ajouterais, honorables sénateurs, que j'ai eu l'honneur d'avoir pour compagnon de voyage mon ami et voisin, le sénateur St. Germain.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je voudrais me pencher un instant sur l'événement historique qui a eu lieu en Colombie-Britannique vendredi dernier. Ce fut un honneur et un plaisir pour moi de prendre part à la cérémonie de signature tenue au sein de la nation Nisga'a dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

Comme l'honorable sénateur Prud'homme l'a fait observer à juste titre - il a fait l'historique de la question -, ce fut un moment qui restera gravé à jamais dans la mémoire des habitants de la Colombie-Britannique qui y ont assisté. Le ministre Irwin, le ministre responsable du dossier au niveau fédéral, ainsi que le ministre Cashore et le président Joe Gosnell, de la nation Nisga'a ont accompli un travail remarquable.

Comme plusieurs honorables sénateurs le savent, je suis intervenu à la Chambre au nom de nos autochtones à l'occasion de l'étude de diverses mesures législatives. J'ai évoqué les défis que représente pour eux notre arrivée sur ce continent. Il est encourageant et stimulant de voir qu'on reconnaît maintenant leur autonomie gouvernementale au Canada.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a rendu hommage aux gouvernements qui ont piloté cet important dossier avant lui.

Honorables sénateurs, vendredi dernier, le peuple Nisga'a a retrouvé sa dignité et son honneur. Notre plus grande richesse collective, à mon avis, ce sont nos différences. À la vue des jeunes Nisga'a célébrant ce moment historique, je peux confirmer que ce fut un premier pas dans la bonne direction pour les habitants de cette région de la Colombie-Britannique et pour l'ensemble des Canadiens.

Je tiens à remercier le sénateur Prud'homme de nous avoir fait partager cet événement et je n'aurai de cesse de défendre la cause des autochtones et de travailler au mieux-être des citoyens de la Colombie-Britanniques et, il va sans dire, de tous les Canadiens.


AFFAIRES COURANTES

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code canadien du travail (entreprises nucléaires) et une autre loi en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur les transports au Canada

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-14, Loi maintenant l'Office national des transports sous le nom d'Office des transports du Canada, codifiant et remaniant la Loi de 1987 sur les transports nationaux et la Loi sur les chemins de fer et modifiant ou abrogeant certaines lois.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1400)

Banques et commerce

Avis de motion portant autorisation au comité de déposer le rapport sur l'état du système financier canadien

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 28 mars 1996, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été autorisé par le Sénat, le 21 mars 1996, à examiner l'état du système financier canadien, soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer un rapport sur ledit sujet auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

La Loi sur les armes à feu

Présentation d'une pétition

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais présenter une pétition au nom des soussignés, citoyens du Canada, qui prétendent humblement que le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, est une mesure injustifiée et envahissante qui s'attaque de façon inutile aux propriétaires d'armes à feu respectueux des lois et sapent les fondements mêmes des principes démocratiques du pays.

Cette pétition est signée par des gens du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Québec.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les Nations Unies

Le maintien de la paix en Haïti-Les rôles et les responsabilités du contingent canadien-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, après avoir rencontré brièvement au cours du week-end dernier le nouveau président élu d'Haïti, René Préval, le premier ministre Chrétien a déclaré que le Canada:

...fera tout en son pouvoir pour l'aider à réussir dans sa tâche extrêmement difficile.

Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer au juste ce que cette garantie signifiait en termes plus pratiques, le premier ministre a déclaré:

«...Je ne suis pas ici pour décider exactement comment ils vont traiter de façon quotidienne.» Le commandant canadien est «en discussions constantes avec le président sur la façon de se comporter»

Honorables sénateurs, le Canada a quelque 800 militaires en Haïti. Même s'il a récemment obtenu certains succès sur le plan démocratique, ce pays n'est en rien assuré d'une existence pacifique. Ces deux vagues observations du premier ministre m'amènent à poser deux questions au leader du gouvernement au Sénat. Il ne s'agit pas, selon moi, de questions hypothétiques, mais de questions très pratiques fondées sur la nature de la situation là-bas. Si les hostilités reprennent, s'il y a menace de coup d'État ou si un coup d'État éclate, quel sera alors le devoir précis de nos troupes? En quoi consistera leur rôle?

Ensuite, si la violence éclate, qui déterminera les rôles et les responsabilités des troupes canadiennes? Est-ce le gouvernement canadien ou le président d'Haïti?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir que le Canada joue un rôle important en Haïti, qui est agité par des troubles. Le Canada fait tout en son pouvoir pour aider le gouvernement haïtien et établir un climat de sécurité dans lequel le nouveau gouvernement puisse fonctionner. Les activités des troupes canadiennes sur place sont assujetties au mandat des Nations Unies que le Conseil de sécurité a fixé vers la fin du mois de février. Ce mandat consiste à favoriser l'établissement d'une certaine stabilité et à aider les forces policières haïtiennes à développer leur capacité de maintenir l'ordre public et la sécurité.

Dans toutes les circonstances, dans le cadre de leur mandat à Haïti, les Forces canadiennes et toutes les autres forces présentes dans le cadre de la mission des Nations Unies consulteront les Nations Unies au sujet de l'évolution de la situation. Pour le moment, je crois que la question de l'honorable sénateur est hypothétique. Cependant, si des événements se produisent, le général canadien Pierre Daigle est le commandant de la mission des Nations Unies et il va, en tout temps, consulter ses supérieurs aux Nations Unies au sujet de son rôle et de celui des forces présentes sur place.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, j'apprécie beaucoup l'effort sincère dont fait preuve le leader en tentant d'éclaircir la situation. Cependant, le conflit subsiste encore. Voici ce que le ministre de la Défense nationale, M. Collenette, déclarait le 28 février dernier:

En ce qui a trait aux règles d'engagement, nous devons savoir avec une grande certitude sous quels auspices nous opérons là-bas.

Pourtant, moins d'un mois plus tard, le ministre des Affaires étrangères aurait reconnu que «le corps expéditionnaire canadien s'engage dans l'inconnu».

Honorables sénateurs, étant donné l'incertitude qui règne au Cabinet, il n'est pas particulièrement difficile d'imaginer pourquoi les officiers supérieurs canadiens ont de sérieuses réserves. Les Canadiens veulent savoir pourquoi nous n'avons pas établi les règles de base pour ce genre d'opération.

Voilà la question que j'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait? Le gouvernement compte-t-il le faire? Nos dirigeants militaires, les Canadiens et les hommes et les femmes que nous avons envoyés remplir cette mission méritent tous de comprendre clairement qui commande.

Nous avons déjà abdiqué notre souveraineté dans une large mesure en matière de commerce international à cause du fiasco de Cuba. Notre réputation de défenseurs des droits de la personne sur la scène internationale s'en est trouvé un peu ternie. Nos militaires canadiens seront-ils le prochain groupe à être trahis et laissés à eux-mêmes? Il est sûrement possible de leur fournir un document énonçant les règles de combat, les règles d'engagement et les règles de désengagement.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, nos militaires en mission de maintien de la paix à Haïti et ailleurs ne sont pas laissés à eux-mêmes, sans aucune indication sur les paramètres de leur mission. Le mandat de la mission de l'ONU en Haïti a été défini par la résolution des Nations Unies. Nos militaires sont là-bas pour aider à maintenir l'environnement sûr et stable qu'on a réussi à établir dans ce pays. Ils y sont pour aider à professionnaliser la police nationale haïtienne, un domaine dans lequel les envoyés canadiens ont été particulièrement utiles. Nous y avons envoyé notre propre police. Des cours spéciaux de formation ont été donnés en Saskatchewan. Le mandat de l'ONU autorise la mission à protéger les installations et le personnel.

Je comprends les questions et l'exaspération du sénateur Forrestall. Cependant, le mandat des militaires actuellement en Haïti est très clair. Ils y sont pour soutenir le processus démocratique et la stabilité de ce pays. Ils n'y sont pas tout seuls, mais sous l'égide des Nations Unies. C'est un Canadien, le général Daigle, qui commande actuellement cette force de l'ONU. Il restera en communication constante avec le personnel des Nations Unies tout au long du déroulement de la mission. Cela n'a rien d'ambigu, honorables sénateurs.

Je crois également que la force a pour mandat secondaire de maintenir la paix. Elle y a réussi jusqu'à présent. En ce sens, les Canadiens sont à l'avant-garde. Les tâches à remplir n'ont rien d'ambigu. Les militaires canadiens prennent leur place dans cette mission des Nations Unies.

(1410)

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, concernant les énoncés de politique, madame le leader du gouvernement pourrait-elle nous dire ce qui a été fait, de la fin février jusqu'à maintenant, ou jusqu'à la fin mars, pour combler l'écart entre les observations du ministre Collenette, le 28 février, et celles que le ministre des Affaires étrangères a faites tout dernièrement en disant que le corps expéditionnaire canadien s'engageait dans l'inconnu?

Il y a sûrement contradiction. Je ne serais pas très heureux si mon ministre compétent, le ministre de la Défense nationale, disait que nous attendons toujours des précisions, des certitudes et des assurances quant à l'organisme pour lequel nous oeuvrions à Haïti - je pensais que tout le monde les avait, mais ce n'était évidemment pas le cas du ministre Collenette -, et si le ministre des Affaires étrangères venait ensuite le contredire en parlant d'inconnu ou d'«eaux inexplorées». Je fais de la voile et j'avoue que je ne me lance jamais dans l'inconnu; j'ai toujours mes cartes, même dans le port d'Halifax.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je vérifierai certainement les deux déclarations que le sénateur a citées. D'une façon générale, il conviendra peut-être que la situation en Haïti est quelque peu différente, car chaque mission de maintien de la paix est différente, les exigences des régions n'étant pas les mêmes. Dans ce cas-ci, le Canada a procédé autrement et il a offert, dans un esprit ouvert et même généreux, d'augmenter et d'appuyer les forces des Nations Unies en place en Haïti.

Je vais certainement vérifier auprès de mes deux collègues, mais je crois que les directives concernant cette mission sont conformes à celles qui sont énoncées dans la résolution de l'ONU et, bien sûr, elles évoluent suivant les circonstances. Pour le moment, ce sont celles que nous connaissons. Je vérifierai auprès de mes collègues, mais, personnellement, je ne trouve rien d'ambigu ni de troublant dans les deux citations, et je voudrais bien savoir dans quel contexte elles ont été faites.

Les Canadiens sont là-bas. Ils sont formés et prêts. Ils sont partis dans un esprit généreux afin d'aider le pays le plus pauvre de notre hémisphère occidental. Je crois que, par ses missions militaires et ses programmes d'aide, le Canada tente de faire de son mieux pour créer des occasions de promouvoir la paix et le développement dans ce pays.

La Défense nationale

Les compressions dans le financement des unités d'entraînement de la milice en Nouvelle-Écosse-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je voudrais revenir sur une question que j'ai posée la semaine dernière au leader au sujet des centres d'entraînement de la milice dans la région canadienne de l'Atlantique. Voici que j'apprends que le gouvernement se propose de réduire de 8 millions de dollars leur budget au cours des trois prochaines années. Cela pourrait entraîner la dissolution de quelques-unes des onze unités de milice de la Nouvelle-Écosse et la fermeture de leurs salles d'armes.

La ministre aurait-elle l'obligeance de nous dire quels sont au juste les projets de son gouvernement au sujet de la milice en Nouvelle-Écosse?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Je ne peux pas répondre directement à cette question, honorables sénateurs. Toutefois, je me ferai un plaisir de m'entretenir avec le ministre de la Défense nationale. Je crois que, en répondant il y a une semaine, à la Chambre des communes, à une question concernant les réserves, il a parlé de l'orientation qu'il entendait prendre. Je me ferai un plaisir de revoir cette question avec lui en général et aussi dans le contexte de la Nouvelle-Écosse en particulier.

Comme mon collègue ne l'ignore pas, par suite du dépôt du rapport de la commission spéciale chargée d'examiner la milice et les réserves et du travail accompli par le Sénat et la Chambre des communes pour répondre à ce rapport, le ministre est en train d'analyser ce travail et de prendre des décisions qui, je l'espère, seront annoncées dans un avenir pas trop lointain.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, pendant qu'elle y sera, la ministre voudra peut-être clarifier avec le ministre de la Défense nationale ce qu'un collaborateur du ministre aurait apparemment laissé entendre, à savoir qu'aucun de ces changements n'entrera en vigueur avant les élections de 1997.

Est-on en train de jouer ici un jeu politique aux dépens des unités de milice des Maritimes qui, comme nous le savons tous, sont très remarquables?

Le sénateur Fairbairn: Je crois pouvoir dire sans hésitation, honorables sénateurs, que ce n'est absolument pas le cas. On ne joue pas avec les unités de milice de la région canadienne de l'Atlantique, ni avec celles d'aucune autre région du Canada, y compris le sud-ouest de l'Alberta, où je suis fière d'être lieutenant-colonel honoraire du 18e Régiment d'artillerie antiaérienne de Lethbridge.

Le sénateur Comeau: La ministre veut-elle dire qu'elle confirme que, si des unités d'entraînement de la milice sont dissoutes, cela sera annoncé avant et non après les prochaines élections?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je veux dire ce que je viens de dire, à savoir que le ministre est en train d'examiner les rapports et les recommandations qui lui ont été soumis afin de pouvoir nous faire savoir très bientôt, je l'espère, l'orientation qu'il entend prendre. Je ne peux pas en dire plus. Toutefois, si mon collègue s'appuie sur des articles ou des ouï-dire dont je n'ai pas connaissance pour dire qu'on joue avec les réserves et les unités de milice de notre pays, je ne suis pas du tout d'accord.

Le Budget

Les modifications des lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants-Les avantages pour les enfants de l'alourdissement du fardeau fiscal du parent qui n'a pas la garde-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne un sujet que j'ai abordé ici la semaine dernière. Dans le budget de 1996, le gouvernement fédéral a proposé de nouvelles lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants. Ces lignes directrices indiqueront le montant de base de la pension alimentaire qui devrait être versée pour les enfants, et les tribunaux seront donc tenus de fixer les montants à verser en conformité de ceux qui sont prévus dans les lignes de directrices et qui sont fondés sur le revenu du parent n'ayant pas la garde des enfants.

La plupart des économistes et des avocats spécialisés dans le droit de la famille estiment que, dans l'ensemble, les parents qui ont la garde finiront par obtenir des règlements plus généreux avec l'adoption des lignes directrices. Ils s'entendent aussi pour dire que, en vertu des lignes directrices proposées, les coûts aux fins de l'impôt auraient été beaucoup plus élevés pour le gouvernement s'il avait continué d'autoriser le parent n'ayant pas la garde des enfants à déduire de son impôt la pension alimentaire pour enfants.

On estime que, pour l'exercice 1996-1997, les règles fiscales actuelles concernant les pensions alimentaires pour enfants coûteront 410 millions de dollars aux gouvernements fédéral et provinciaux. Cependant, selon des évaluations que j'ai obtenues, les coûts pour le gouvernement pourraient passer à environ 700 millions de dollars par année si les lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants étaient mises en oeuvre conformément aux règles actuelles. Par conséquent, en faisant en sorte que les pensions alimentaires pour enfants ne soient plus déductibles d'impôt, le gouvernement récupérera annuellement quelque 700 millions de dollars directement auprès des parents n'ayant pas la garde des enfants. Il est évident que si le gouvernement modifie les règles fiscales concernant les pensions alimentaires pour enfants, c'est parce qu'il a fait des calculs et qu'il a réalisé combien les nouvelles lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants finiraient par lui coûter. Il a donc décidé de transférer le fardeau des 700 millions de dollars aux parents qui n'ont pas la garde des enfants.

Voici ma question: madame le leader du gouvernement au Sénat trouve-t-elle juste que le gouvernement transfère son fardeau fiscal de 700 millions de dollars aux parents seuls qui n'ont pas la garde de leurs enfants et qui, comme la plupart des Canadiens, essaient de joindre les deux bouts? Pourrait-elle nous expliquer en quoi cela sera dans l'intérêt des enfants qui vivent ce genre de situation?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la semaine dernière, mon honorable collègue, comme d'autres sénateurs d'ailleurs, m'ont demandé d'obtenir plus de précisions, et c'est ce que je fais.

Comme je l'ai dit à mon honorable collègue la semaine dernière au moment de sa question initiale, les propositions budgétaires qui concernent les pensions alimentaires pour enfants ont vraiment pour objectif d'aider les enfants. Comme mon honorable collègue le sait, l'équilibre entre les responsabilités et les avantages est actuellement très différent de ce qu'il a déjà été dans le passé. Cependant, mon honorable collègue a mentionné certaines sommes et je voudrais bien vérifier si elles sont justes.

Les modifications à la pension alimentaire pour enfants qui ont été apportées après de très vastes consultations ne visent pas à imposer un fardeau indu au parent n'ayant pas la garde des enfants, mais à équilibrer la capacité des deux parents de subvenir le mieux possible aux besoins de leurs enfants. À cet égard, le gouvernement a prévu non seulement des mesures fiscales, mais aussi des lignes directrices. Il réinjectera aussi les sommes économisées grâce à certaines de ces modifications, directement dans les suppléments au revenu gagné destinés aux familles pauvres, que les parents soient séparés ou non. Il faut tenir compte de tous ces éléments pour bien comprendre comment cette modification particulière sera avantageuse pour les enfants et conférera une certaine stabilité aux parents qui ont la garde des enfants, tout en étant juste pour les autres.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je trouve étrange que le leader du gouvernement au Sénat nous dise que de grandes consultations ont eu lieu, puisque le ministre qui a tenté d'expliquer la situation immédiatement après le dépôt du budget n'a même pas pu fournir de réponses.

Le leader du gouvernement au Sénat remet en question la validité des chiffres que j'avance et ce n'est que juste. Je m'attends à ce qu'elle produise les chiffres du gouvernement afin que nous puissions déterminer qui a raison, qui a tort, qui a partiellement raison et qui a partiellement tort.

Comment madame le leader peut-elle dire que les enfants profiteront du changement, quand le gouvernement retire des millions de dollars d'un système qui intéresse directement les enfants? Les parents qui n'ont pas obtenu la garde de leurs enfants et qui vivent en Colombie-Britannique pourraient utiliser leur exemption fiscale pour aller visiter leurs enfants en Nouvelle-Écosse, comme on me l'a rappelé dans les conversations téléphoniques que j'ai eues et les lettres que j'ai reçues à ce sujet.

Comment la ministre peut-elle dire que les enfants profiteront de ce changement? Le supplément au revenu gagné dont parle la ministre représente une somme dérisoire par rapport au montant que le gouvernement retire du système. Qu'a-t-elle à répondre à cela?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ne dirais sûrement pas que la somme dont parle mon honorable collègue est dérisoire. Je lui répète...

Le sénateur St. Germain: Elle l'est lorsqu'on la compare au montant qui est retiré du système.

Le sénateur Fairbairn: Je cherche sincèrement à comprendre les renseignements que désire obtenir mon collègue afin que nous puissions comparer nos chiffres.

Toutefois, bon nombre de ceux qui ont fourni des conseils non seulement au gouvernement ou à un comité de la Chambre des communes, mais également à des comités provinciaux et territoriaux partout au pays, ont déclaré que les changements apportés aux lignes directrices et la façon dont ils seront appliqués devraient venir en aide aux parents et garantir aux enfants une protection meilleure ou tout au moins égale à ce que leur offre le système en place. Le gouvernement veut donner à ces enfants une aide plus équitable et plus directe.

De toute évidence, mon honorable collègue s'oppose farouchement à cette proposition. Cependant, j'espère pouvoir obtenir les renseignements supplémentaires qui me permettront de lui prouver que le système sera plus avantageux pour les enfants que le système actuellement en place. Il y aura certainement des cas spéciaux où des injustices seront commises. Toutefois, mon collègue n'est pas sans savoir que les lignes directrices sont assez souples pour nous permettre de réagir lorsque des enfants vivent des circonstances spéciales. Nous voulons et nous espérons que ce système sera meilleur que celui qu'il remplacera.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une brève question complémentaire à poser. Je ne conteste pas la démarche du gouvernement. On me dit qu'il a tenu des consultations. J'ai discuté avec certaines personnes qui ont été consultées.

Le gouvernement dit qu'il n'augmente pas les taxes et les impôts dans son budget quand, en réalité, il fait tout le contraire. Voilà le point que je tenais à faire valoir. Le gouvernement déforme les faits. J'espère que, en dernière analyse, le nouveau système se révélera plus équitable et offrira une aide plus directe aux enfants. Toutefois, d'après ce que m'ont dit les gens avec qui j'ai discuté, ce n'est pas le cas. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de mettre les choses au clair, pourquoi n'admet-il pas que cette modification se traduira par une augmentation d'impôt pour les personnes visées et que, en dernière analyse, ce sont les enfants qui sortiront perdants?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, la réponse la plus simple à cette question est que nous n'acceptons pas la prémisse de l'honorable sénateur.

La Garde côtière canadienne

Le Nouveau-Brunswick-La cessation du subventionnement des travaux de dragage dans le port de Saint John-La position du gouvernement

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, la Garde côtière ne subventionnera plus le dragage des chenaux après la fin de l'exercice en cours. Le dragage d'entretien du chenal principal et du chenal de Courtenay Bay est essentiel à l'exploitation et à la viabilité du port de Saint John. Quelque 10 millions de tonnes de marchandises transitent par les chenaux, y compris des produits pétroliers, de la potasse, des produits forestiers, du sucre, du sel, des containers et des marchandises diverses.

Le coût annuel du dragage des principaux chenaux s'élève à 1,8 million de dollars environ. La Société du port de Saint John n'a pas les moyens financiers pour assumer ces coûts. Elle a déjà essayé de comprimer ses dépenses en réduisant son personnel. La politique de la Garde côtière nuira sérieusement à l'avenir du port.

Madame le leader du gouvernement demandera-t-elle au ministre des Transports d'expliquer comment le gouvernement fédéral peut accorder une subvention de 5,8 millions de dollars à Belledune pour en faire un port en eau profonde, mais ne peut pas aider au dragage d'un des ports en eau profonde du pays ouverts toute l'année et déjà établis?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je transmettrai la question du sénateur.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais proposer deux petites modifications à l'ordre du jour. J'en ai déjà discuté avec les dirigeants d'en face. La première modification se rapporte à un avis de motion donné hier par le sénateur Carstairs concernant la réunion d'aujourd'hui du comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je demande que cet article soit appelé maintenant.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger
en même temps que le Sénat

L'honorable Sharon Carstairs, conformément à l'avis du mardi 26 mars 1996, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 15 h 15 le mercredi 27 mars 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il nous reste encore à étudier le Budget des dépenses supplémentaire (B). À nouveau, je propose, pour suivre un ordre logique, que nous passions à cet article maintenant pour qu'il soit étudié avant la troisième lecture des projets de loi C-21 et C-22.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(1430)

Le Budget des dépenses de 1995-1996

Adoption du rapport du Comité des finances nationales sur le Budget des dépenses supplémentaire (B)

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., portant adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses supplémentaire (B) de 1995-1996), présenté au Sénat le 27 mars 1996.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter le rapport?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 4 pour 1995-1996

Troisième lecture

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi C-21, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une trosième fois, est adopté.)

Projet de loi de crédits NO 1 pour 1996-1997

Troisième lecture

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi C-22, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1997, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

Projet de loi sur le pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, appuyé par l'honorable sénateur Hays, portant deuxième lecture du projet de loi C-10, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 permet au gouvernement d'emprunter 18,7 milliards de dollars pour s'acquitter de ses obligations financières et effectuer des opérations de change au cours de l'exercice financier 1996-1997. Cette somme sera réduite de toute somme autorisée par le projet de loi sur le pouvoir d'emprunt de l'an dernier, mais non utilisée au début de l'année financière, soit le 1er avril 1996. Jusqu'à 4 milliards de dollars de fonds non utilisés pourraient être reportés à l'année financière 1997-1998.

À une exception près, le gouvernement doit approuver tous les nouveaux emprunts. Cette exception, ce sont les emprunts remboursables en six mois. La Loi sur la gestion des finances publiques permet au gouvernement de contracter de tels emprunts lorsqu'il a fait tous les emprunts autorisés par la loi. Il n'est pas nécessaire de demander un nouveau pouvoir pour renouveler un emprunt existant.

Dans le budget, un déficit de 24,3 milliards de dollars est prévu pour 1996-1997. Cependant, ce déficit ne correspond pas aux sommes à emprunter pour diverses raisons. Premièrement, il y a des transactions non budgétaires qui assurent une source nette de fonds. Elles incluent les remboursements des prêts consentis par le gouvernement dans le passé et les cotisations versées dans les régimes de pension de la fonction publique.

Les recettes du gouvernement incluent les revenus des placements dans ses comptes en monnaie étrangère, mais il ne peut pas utiliser cet argent pour payer ses dépenses. Un fonds d'urgence est habituellement inclus dans les projets de loi portant pouvoir d'emprunt pour permettre au gouvernement de gérer les opérations de change du Canada. Par exemple, lorsque la Banque du Canada veut intervenir pour ralentir la hausse de la valeur du dollar, elle change des dollars canadiens en devises étrangères. Ces dollars ne sont donc plus disponibles pour autre chose. L'inverse est vrai lorsque le gouvernement soutient le dollar.

Le pouvoir d'emprunt demandé dans le projet de loi reflète la situation que j'explique maintenant. Le déficit s'établit à 24,3 milliards de dollars, moins les transactions non budgétaires, qui représentent 10,6 milliards de dollars, ce qui laisse 13,7 milliards de dollars en besoins financiers. Le compte du fonds des changes est fixé à 1 milliard de dollars et la réserve pour éventualités à 4 milliards de dollars. Le pouvoir d'emprunt demandé est donc de 18,7 milliards de dollars.

Le problème, c'est qu'Ottawa veut emprunter beaucoup plus que ce dont il a besoin. Le déficit prévu inclut déjà 2,5 milliards de dollars pour éventualités et, à cela, le projet de loi ajoute 4 milliards, ce qui fait une réserve pour éventualités totale de 6,5 milliards de dollars. A-t-on besoin de tant d'argent pour parer aux imprévus, ou les libéraux sont-ils en train de se préparer à des élections ou encore à une folie dépensière?

Le gouvernement ne semble pas accorder beaucoup d'importance à l'idée d'équilibrer le budget et, en plus, il ne nous dit pas quand le budget sera équilibré ou comment. Aura-t-il recours à des hausses d'impôts ou à de nouvelles compressions des dépenses? S'il a recours à des compressions de dépenses, quand ces compressions seront-elles faites?

Le gouvernement se vante de ramener le déficit de 42 à 24 milliards de dollars. Toutefois, jusqu'à maintenant, la plus grosse partie de la réduction du déficit provient de la réduction des paiements aux provinces, des augmentations d'impôts des budgets de 1994 et 1995 et de la décision d'utiliser les primes d'assurance-chômage comme vache à lait. Les primes d'assurance-chômage rapportent 5 milliards de dollars de plus que ce qu'il faut pour administrer le régime. Le gouvernement garde les charges sociales élevées, mais reproche au secteur privé de ne pas créer d'emplois. Les transferts en liquide aux provinces ont été réduits de 7 milliards de dollars depuis 1993. Le gouvernement fédéral se déleste de son problème sur les provinces, délestage qui se répercute ensuite sur les municipalités.

Depuis leur arrivée au pouvoir, les Libéraux ont pris des décisions qui ont ajouté 4 milliards de dollars par année au fardeau fiscal des Canadiens. Il est temps que le gouvernement fédéral discute avec les provinces pour élaborer un plan de gestion du déficit et de la dette reposant sur des objectifs communs. Les dettes combinées du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux totalisent 800 milliards de dollars, soit plus de 100 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.

[Français]

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je voudrais seulement prendre quelques minutes en cette Chambre pour revenir à ma motion d'ajournement d'hier tendant à l'adoption du deuxième rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales, et en particulier à d'autres éléments contenus dans ce rapport.

Je me suis opposé hier à l'adoption rapide de ce rapport. J'ai mentionné alors que lorsque l'on entreprendra l'étude du projet de loi C-10 et des projets de loi C-21 et C-22, ma coopération ne serait pas acquise à la majorité libérale. C'était ma façon de protester contre la politique de deux poids, deux mesures. La politique veut que lorsque le gouvernement a besoin de l'unanimité et de la coopération de tous les sénateurs en cette Chambre, on doit céder à cette façon de faire du gouvernement. Alors que lorsque qu'il y a des projets de loi, tel le projet de loi C-12, on nous refuse notre droit à une pré-étude si cela ne fait pas l'affaire du gouvernement et de ses ministres. On ne s'engage pas à autoriser un éventuel comité du Sénat à entreprendre une pré-étude de ce projet de loi de façon à ce que le Sénat puisse faire le travail nécessaire, notamment écouter les citoyens et voyager dans certaines provinces.

J'ai eu une conversation avec le leader adjoint du gouvernement, le sénateur Graham, au cours du déjeuner. Je veux lui donner une autre indication de notre bonne volonté. Je vais retirer, pour le moment, mon objection. Je donnerai mon acquiescement à une étude et à un passage rapides de ces trois projets de loi.

Le sénateur Graham ne s'est pas engagé à ce que la majorité libérale pourrait être amenée à donner sa permission à une pré-étude. Certainement, il ne s'est pas engagé à nous donner son support entier. Il ne nous promet pas que le comité des affaires sociales aurait le temps et le mandat de voyager. J'ai vu de la part du sénateur Graham une bonne volonté.

Je reviendrai sur ce sujet dans deux semaines. J'espère que les citoyens du Nouveau-Brunswick pourront garder l'espoir de voir le comité des affaires sociales voyager au Nouveau-Brunswick. Si cela devait arriver, je compte sur la majorité libérale et le leader adjoint du gouvernement, le sénateur Graham pour faire le nécessaire afin que dans les deux dernières semaines du mois d'avril, le comité soit saisi de ma demande et que les ressources financières soient accordées de façon à ce que dès le début du mois de mai, lorsque le projet de loi C-12 sera devant nous, tout soit en place pour voyager au Nouveau-Brunswick et entendre les citoyens.

C'est sur cette base que j'ai accepté de faire ma petite part, pour aider le gouvernement à s'acquitter de son menu législatif. Ceci n'est pas une garantie perpétuelle et permanente que je vous donne. Je verrai comment le gouvernement se comportera dans les prochaines semaines. D'ici là, je suis bien heureux de faire ma part pour accélérer les choses.

[Traduction]

(1440)

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je désire informer le Sénat que si l'honorable sénateur De Bané parle maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette motion.

[Français]

L'honorable Eymard G. Corbin: Est-ce que le sénateur Simard me permettrait une question?

Le sénateur Simard: C'est à la présidence de prendre cette décision.

Le sénateur Corbin: C'est à vous de décider. Je veux simplement un éclaircissement de vos propos. Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat vous a donné un engagement que le comité voyagerait lorsque le projet de loi C-12 viendrait ici?

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, à la lecture de ma déclaration d'il y a quelques instants, j'ai bien dit que le leader adjoint du gouvernement ne s'engageait pas. Il m'a donné confiance qu'il pourrait travailler dans ce sens sans me donner de garantie, ce que j'ai accepté de bon aloi.

Le sénateur Corbin: Si vous n'avez pas cette garantie, qu'arrivera-t-il?

Le sénateur Simard: Nous aurons deux semaines pour réfléchir à cette question et pour envisager de nouvelles tactiques. Comme je le disais il y a quelques instants, je n'ai pas perdu espoir de vous convaincre, sénateur Corbin, ainsi que d'autres sénateurs, du bien-fondé de notre demande, de façon à ce que le comité puisse obtenir l'autorisation de voyager et trouver les ressources nécessaires pour que le comité puisse, dès le début du mois de mai, entreprendre l'étude du projet de loi C-12.

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, comme mon nom a été mentionné plusieurs fois durant cette discussion, je voudrais dire que le sénateur Simard et moi-même avons eu aujourd'hui un entretien fort intéressant au cours duquel nous avons examiné ce qu'il voulait faire au sujet du Budget des dépenses supplémentaire (B). Il est clair, à mon avis, que sa motion d'ajournement portait sur cela et non sur le projet de loi C-10.

Je devrais peut-être expliquer au Sénat pourquoi on a changé le Budget des dépenses supplémentaire (B) de position au Feuilleton pour le mettre avant les projets de loi C-21 et C-22, particulièrement en ce qui concerne le projet de loi C-21, parce que cette mesure législative est fondée sur le Budget des dépenses supplémentaire (B) qui doit être adopté avant la fin de l'exercice en cours. Évidemment, le terme «supplémentaire» indique qu'il s'agit de dépenses imprévues que le gouvernement cherche à faire approuver par la Chambre des communes et le Sénat.

Dans le projet de loi C-22, le gouvernement demande l'approbation de trois douzièmes du budget total pour pouvoir s'acquitter de ses obligations du 1er avril à la fin de juin. On présume que, avant la fin de juin - on espère que ce sera au début de juin - le comité des finances nationales, auquel le budget a été renvoyé, présentera un rapport provisoire sur ce budget, et nous prévoyons recevoir au début de juin une nouvelle mesure législative demandant l'approbation des autres neuf douzièmes du budget qui permettront au gouvernement de fonctionner pendant le reste de l'exercice.

La motion d'ajournement proposée par le sénateur Simard hier portait en fait sur le Budget des dépenses supplémentaire (B). Durant la discussion que j'ai eue avec lui ce matin sur la recommandation du sénateur Kinsella, qui remplaçait le sénateur Berntson comme chef adjoint de l'opposition, il m'a proposé, comme il l'a proposé plusieurs fois au leader du gouvernement, une étude anticipée du projet de loi C-12. Il m'a également dit qu'il aimerait que le comité soit autorisé à voyager, plus précisément à se rendre au Nouveau-Brunswick.

Je ne suis pas en mesure de prendre quelque engagement que ce soit au nom du gouvernement à cet égard. J'ai cependant dit que nous sommes constamment en contact avec les autorités responsables de la progression du projet de loi C-12 à l'autre endroit. Je suis certain, comme mon leader l'a dit à plusieurs reprises, que nous aurons le projet de loi C-12 assez rapidement pour en faire un examen approfondi ici même, au Sénat, et en comité.

[Français]

Le sénateur De Bané: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois informer le Sénat que si l'honorable sénateur De Bané prend la parole maintenant, son discours aura l'effet de clore la discussion sur cette motion.

[Traduction]

Le sénateur De Bané: Honorables sénateurs, la Loi sur la gestion des finances publiques exige que le pouvoir d'emprunt prévu par la loi soit approuvé par le Parlement avant que le gouvernement ne puisse accroître sa dette active. Cette condition se rapporte aux nouveaux emprunts, et non au refinancement ou à la reconduction de la dette existante à la date d'échéance, qui sont autorisés en vertu de l'article 46 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

(1450)

Pour ce qui est du projet de loi dont nous sommes saisis, honorables sénateurs, le projet de loi C-10, le gouvernement demande au paragraphe 2(1) le pouvoir d'emprunter jusqu'à 18,7 milliards de dollars durant l'exercice 1996-1997 au moyen d'emprunts ou par l'émission et la vente de titres du Canada. Ce montant est de 10,2 milliards de dollars, soit 35 p. 100 de moins que le montant qui avait été accordé par le Parlement en 1995-1996, lequel était de 16 p. 100 inférieur à celui accordé pour l'exercice 1994-1995. La tendance à la baisse est directement liée aux efforts qu'a faits le gouvernement au cours des deux derniers exercices afin de réduire le budget du déficit et les besoins financiers associés.

Comme mon collègue s'en rend compte, il s'agit d'une réduction importante des besoins d'emprunt du gouvernement. J'espère, honorables sénateurs, que quand ce projet de loi sera renvoyé au comité plus tard aujourd'hui, tous les membres l'examineront d'une manière responsable.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur De Bané, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des finances nationales.)

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bacon, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé lors de l'ouverture de la session. - (L'honorable sénateur Beaudoin). (3e jour de la reprise du débat)

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, pour un certain nombre de personnes, le résultat du référendum au Québec n'a pas été une surprise, mais pour de nombreuses autres, ce fut un véritable tremblement de terre. On leur avait dit que le NON l'emporterait largement. Ce n'est que pendant la dernière semaine de la campagne référendaire que ces gens se sont rendu compte que le résultat serait extrêmement serré. Certains ont réagi rapidement. Pourtant, la première chose à faire dans un cas semblable est de réfléchir d'abord et d'agir ensuite.

Certaines personnes ont alors commencé à parler du plan A, c'est-à-dire de modifications constitutionnelles. D'autres ont parlé du plan B, c'est-à-dire des règles de sécession, y compris la partition. Je puis facilement le comprendre, mais ma préférence va au plan A. Parler du plan B seulement, c'est admettre que la sécession du Québec est inévitable.

La majorité des Canadiens se rendent compte aujourd'hui que le démembrement du Canada est une possibilité. C'est pourquoi nous devons trouver un moyen de vivre ensemble dans le même pays. Certains diront que depuis l'échec de la Charte de Victoria en 1971, du rapport Pepin-Robarts en 1979, de l'Accord du lac Meech en 1990 et de l'Accord de Charlottetown en 1992, il n'est plus possible d'imaginer quoi que ce soit de nouveau.

Honorables sénateurs, je ne souscris aucunement à cette conclusion. Personne ne sait avec certitude ce que sera l'avenir. Ce serait cependant une terrible erreur que de ne pas tenter quelque chose. Pourquoi? Parce que la situation a changé de fond en comble. Le second référendum n'était pas comme le premier, car la solution de rechange n'est pas intéressante pour le Canada.

Les deux Chambres du Parlement fédéral ont adopté la résolution concernant la société distincte et le Parlement canadien a adopté une loi concernant le pouvoir de veto des cinq régions relativement à la formule de modification de la Constitution. À mon avis, il s'agit là d'une solution transitoire, compte tenu que le premier ministre du Canada va vraisemblablement convoquer une conférence constitutionnelle en avril 1997 pour revoir la formule d'amendement. Il s'agit néanmoins d'un pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas suffisant. Nous devons inscrire dans la Constitution les particularités du Québec dans un vocabulaire nouveau, si nécessaire, et accorder un pouvoir de veto au Québec seul ou au Québec et à d'autres provinces. Autrement, le Québec continuera de rêver d'un État-nation.

Honorables sénateurs, des ajustements doivent également être apportés dans certains domaines en ce qui concerne la répartition des pouvoirs législatifs. La modification de la distribution des pouvoirs et la reconnaissance du concept de société distincte exigent le consentement de sept provinces représentant 50 p. 100 de la population canadienne. Le problème avec le changement de la formule d'amendement, c'est qu'il exige l'unanimité, mais nous ne devons néanmoins pas considérer la chose comme impossible. Qui sait?

Certaines personnes disent que même des changements ne convaincront pas le premier ministre Bouchard de rester dans le Canada. Notre objectif est de convaincre la population du Québec de rester dans la fédération. Si nous réussissons, elle convaincra M. Bouchard. Les sondages d'opinion révèlent que les Québécois demeurent attachés au Canada mais qu'ils veulent des changements. Je ne crois pas que ce soit payer trop cher pour préserver l'unité de notre pays.

Nous devons aussi tenir compte du rôle historique des peuples ou nations autochtones. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 le reconnaît déjà en bonne partie, mais nous devons aussi régler la question du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le Canada est une fédération multinationale. Pour reprendre les mots de Peter White, les francophones forment une majorité au Québec et une minorité nationale dans l'ensemble du Canada. Un grand juriste canadien, Maxwell Cohen, a proposé d'inscrire dans la Constitution le concept des peuples fondateurs. Il est grand temps qu'on traite l'histoire de notre pays telle qu'elle est. Il y a trois possibilités: premièrement, une déclaration factuelle comme la résolution déjà adoptée; deuxièmement, une règle d'interprétation sur le multiculturalisme, semblable à l'article 27 de la Charte; troisièmement, un fédéralisme asymétrique. Ce sont les possibilités existantes.

(1500)

Le partage des pouvoirs varie d'une fédération à l'autre. Le Canada s'est décentralisé depuis une vingtaine d'années, mais cela ne veut pas dire qu'il n'est pas nécessaire de rajuster le partage des pouvoirs. Nous devons avant tout respecter la Constitution du Canada. Dans le domaine de la sécurité sociale, le problème serait déjà réglé en bonne partie si on respectait le partage des pouvoirs convenu. Le pouvoir de dépenser du fédéral devrait s'exercer suivant certains paramètres comme l'Accord du lac Meech en prévoyait.

Six domaines - les forêts, le tourisme, le logement, les affaires municipales, les mines et les loisirs - devraient être considérés de compétence provinciale. Nous devrions aussi résoudre le cas de la main-d'oeuvre. Nous devrions avoir plus de pouvoirs concurrents, selon la Constitution du Canada, surtout dans le domaine de la culture, qui est de la plus grande importance pour une province comme le Québec, parce qu'on y parle français, que la majorité est de culture française et que le système de droit privé, le Code civil, est différent.

La Cour suprême a joué un rôle important dans le domaine du fédéralisme canadien et continuera à le faire. C'est, comme aux États-Unis, un tribunal constitutionnel de facto.

Les constitutions évoluent constamment à la suite de modifications, de jurisprudence, d'ententes administratives et de nouvelles conventions.

Le partage des pouvoirs dans une fédération peut toujours être mieux défini. Nous sommes parvenus à un partage des pouvoirs qui a un certain mérite, mais on pourrait l'améliorer. Nous devrions aussi avoir plus d'ententes administratives. Nous devrions renforcer l'union économique de notre pays. L'article 121 de notre Constitution est trop timide.

Je n'ai pas l'intention, à cette étape du débat, de discuter en détail des questions de territoires, de frontières, de sécession ou de partage des pouvoirs.

Nous devons être prudents. Dans une démocratie libérale comme celle du Canada, dans un pays dont la Constitution renferme une Charte des droits et libertés, les questions liées au droit constitutionnel et au droit international sont toujours présentes. De plus, les règles de la démocratie sont bien connues et on devrait les respecter. Il existe déjà une procédure de modification fort complexe, mais les juristes s'entendent habituellement sur les principes fondamentaux.

Le Canada a évolué énormément depuis 1867, géographiquement, économiquement, culturellement et politiquement. La démocratie canadienne est remarquable. Le Canada est une réussite à plusieurs égards. Pour résoudre les problèmes actuels, nous devons voir la situation telle qu'elle est. Les autochtones étaient au Canada mille ans avant les Français, les Anglais et tous ceux qui sont arrivés par la suite. Le Québec doit accepter ce fait. Il en va de même pour le reste du Canada. La chose la plus importante pour nous est la volonté politique d'agir.

Nous devrions faire des efforts en vue de la réconciliation, élaborer des modifications à une échelle raisonnable. Après tout, comme on dit, ce n'est pas la fin du monde, mais si nous ne nous occupons pas dès maintenant de la situation, elle pourrait entraîner l'éclatement d'un pays très sympathique, qui était, et est toujours, promis à un grand avenir.

L'honorable Peter Bosa: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends part au débat sur l'Adresse en réponse au discours du Trône, mais avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais d'abord en féliciter le motionnaire et le comotionnaire, les sénateurs Bacon and Rompkey. J'ai trouvé leurs commentaires éloquents et intéressants.

Alors que le sénateur Bacon a été nommé à la Chambre rouge il y a un an et demi environ, le sénateur Rompkey est arrivé plus récemment. Ils ont occupé des postes importants dans différents ordres de gouvernement. Ils sont riches d'expérience. Leur arrivée dans nos rangs, auxquels se sont ajoutés récemment d'autres nouveaux venus, renforce considérablement le Sénat et j'ai hâte de travailler avec eux.

Depuis 28 mois, la politique du gouvernement est axée sur l'emploi et la croissance. Son programme d'action repose sur quatre éléments clés: premièrement, réformer le programme de sécurité sociale; deuxièmement, établir un climat financier sain; troisièmement, revoir les autres programmes et les autres priorités du gouvernement; et quatrièmement, améliorer la performance de l'économie canadienne en matière d'investissement, d'innovation et de commerce. Je précise que, jusqu'à présent, le gouvernement a réussi sur ces quatre fronts et a pris les mesures nécessaires pour honorer ses engagements à l'égard du peuple canadien.

Commençons par les programmes de sécurité sociale. Prenons comme exemple le projet de loi C-76, aux termes duquel les transferts aux provinces ont été modifiés en profondeur par la création du Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Ce nouveau transfert, qui entre en vigueur à compter de l'exercice 1996-1997, est financièrement viable et mieux adapté aux besoins de la société contemporaine. Le programme d'assurance-chômage est l'objet d'un processus de révision qui devrait donner lieu à des modifications importantes pour aider les travailleurs canadiens à devenir plus autonomes et pour promouvoir la création d'emplois.

Passons maintenant au deuxième point. Le gouvernement a grandement amélioré le climat financier et atteindra son objectif de réduction du déficit, qui sera ramené à 3 p. 100 du produit intérieur brut en 1996-1997. De nouvelles mesures financières feront passer le déficit à 24,3 milliards de dollars en 1996-1997, alors qu'il était de 42 milliards en 1993-1994, de 37,5 milliards en 1994-1995, et de 32,7 milliards en 1995-1996. Le gouvernement a fixé son objectif intérimaire pour 1997-1998 à 2 p. 100 du PIB. Il ne fait aucun doute que la stratégie fonctionne et qu'elle est plus humaine, sans pour autant compromettre l'objectif ultime qui est de réduire le déficit à zéro, que l'approche radicale et destructrice prônée par certains autres partis.

En ce qui concerne l'examen des programmes et des priorités du gouvernement, la phase un a déjà entraîné une réduction des dépenses du gouvernement. Dans le cadre de la deuxième phase de cet exercice, les programmes des ministères vont être à nouveau l'objet d'un examen. Les dépenses de programmes passeront de 120 milliards de dollars en 1993-1994 à 106,3 milliards en 1997-1998 sans qu'il y ait une baisse sensible de la qualité des services.

Pour ce qui est du dernier élément, le gouvernement privilégie la science et la technologie parce qu'au Canada, l'innovation est la clé de la compétitivité. L'innovation est à la base de la productivité, et par conséquent au centre de la croissance économique. C'est pourquoi le gouvernement appuiera le développement technologique dans l'industrie aérospatiale, les technologies environnementales et les nouveaux domaines, comme la biotechnologie.

Le Canada est une des nations du monde qui dépend le plus du commerce. Par exemple, l'exportation de biens et de services représente actuellement 30 p. 100 de notre PIB. Le commerce international, directement ou indirectement, représente approximativement un emploi sur quatre. L'importance du commerce explique pourquoi le gouvernement annoncera de nouvelles mesures pour développer les exportations et financer de nouveaux produits, afin d'attirer des investissements étrangers. Le gouvernement continuera également ses efforts pour étendre l'ALENA. Ces mesures ne peuvent que signifier des emplois supplémentaires pour le Canada et une augmentation de la productivité.

Le discours du Trône faisait également état des inquiétudes des Canadiens en ce qui concerne l'unité du pays, l'incertitude économique et la durabilité des programmes sociaux.

Je vais parler d'abord de la question de l'unité nationale. La possibilité d'un autre référendum au Québec sur la séparation du reste du Canada est un boulet important pour l'économie canadienne, en particulier au Québec. Certaines grandes sociétés situées à Montréal restent en état d'alerte. On m'a dit qu'il n'était pas rare que les sociétés qui louent des bureaux au centre ville de Montréal demandent une clause de séparation dans leurs baux. Cette clause leur permettrait de déménager rapidement si le Québec votait en faveur de la souveraineté. Vu cette menace permanente de souveraineté qui plane au-dessus de leur tête, de nombreuses entreprises hésitent à s'engager pour des périodes d'investissement prolongées. Il n'est donc pas surprenant que les sociétés hésitent à prendre de l'expansion et à investir au Québec. C'est pourquoi le taux de chômage dans certaines parties de la ville de Montréal dépasse 16 p. 100. Il n'est pas surprenant que certains quartiers de cette ville historique soient défavorisés sur le plan économique.

Une enquête récente publiée par Statistique Canada est particulièrement inquiétante. Elle montre que, pour la deuxième année consécutive, le Québec affichera une baisse des investissements. En fait, au cours des cinq dernières années, le Québec n'a connu qu'une seule année d'augmentation des investissements.

Tant que la crise d'unité nationale n'aura pas été réglée, j'ai bien peur que les gouvernements ne puissent rien faire de plus pour stimuler l'économie. L'incertitude politique est très coûteuse pour les Canadiens d'un océan à l'autre. Le climat politique rend plus risqués les investissements dans les titres canadiens, ce qui entraîne une prime de risque supplémentaire sur les taux d'intérêt. À la toute fin de la campagne référendaire, les craintes des marchés financiers ont refait surface, ce qui s'est traduit par une hausse de faible durée des taux d'intérêt et la faiblesse de notre dollar. La volatilité du dollar canadien a été à son comble au cours de la dernière semaine du référendum, notre devise perdant près d'un cent américain. Même la Caisse de dépôt et placement du Québec est intervenue pour soutenir le dollar. Cette volatilité des taux d'intérêt a été très coûteuse pour l'ensemble des Canadiens.

Récemment, le premier ministre du Québec, M. Bouchard, a fait lors d'une réunion avec les minorités à Montréal, qui a été largement diffusée dans les médias la semaine dernière, une déclaration selon laquelle son gouvernement avait l'intention de se concentrer sur l'économie et que le prochain référendum n'aurait pas lieu avant 1999. Ces propos offrent un répit, à tout le moins passager, et c'est une nouvelle fort réjouissante. Bien qu'il ait perdu un peu de son actualité, le référendum continue de se profiler à l'horizon. Tant que cette question n'aura pas été réglée à tout jamais, nous ne serons pas capables de réaliser notre plein potentiel en matière d'investissements et de développement et de croissance économiques.

Le gouvernement prend des mesures pour satisfaire les demandes des provinces au sujet d'une plus grande autonomie dans certains domaines. Le gouvernement a également annoncé des modifications qui ont pour objectif de moderniser le Canada et de lui donner la possibilité de répondre aux besoins du XXIe siècle. Ces modifications donneront aux gouvernements une plus grande souplesse en ce qui concerne leurs priorités financières. Ils seront ainsi en mesure de fonctionner de façon plus efficiente et efficace. Ainsi, le gouvernement fédéral est prêt à se retirer des domaines comme la formation de la main-d'oeuvre, les forêts, les mines et les loisirs. Ces domaines sont sans aucun doute davantage la responsabilité des gouvernements locaux et provinciaux.

De plus, le gouvernement fédéral va proposer des partenariats avec les provinces pour accroître l'efficacité dans des domaines importants comme l'environnement, le logement social et le tourisme. Le gouvernement va collaborer avec les provinces pour élaborer des principes et normes qui garantiront aux Canadiens des normes minimales et un traitement égal dans le cas des programmes sociaux. Cette nouvelle union sociale améliorée protégera mieux les Canadiens où qu'ils vivent. Ces modifications vont accroître la mobilité de la main-d'oeuvre, protéger la mobilité sociale entre les provinces et garantir l'accès aux avantages sociaux.

Pour renforcer la fédération et améliorer le fonctionnement de l'union économique canadienne, le gouvernement a annoncé qu'il allait prendre d'autres mesures au sujet des accords commerciaux interprovinciaux et de la suppression des barrières commerciales. De plus, le gouvernement met sur pied une commission canadienne des valeurs mobilières, un service unifié d'inspection des aliments et un organisme national de recouvrement des recettes. Toutes ces mesures vont renforcer notre union économique. Certaines provinces ne seront pas d'accord avec ces initiatives. Cependant, je suis persuadé qu'elles vont se rendre compte sous peu de l'importance de ces mesures et de leurs avantages sur le plan économique. Ainsi, une commission nationale des valeurs mobilières protégerait mieux les investisseurs et améliorerait la mobilité des capitaux au Canada.

Les modifications annoncées dans le discours du Trône devraient plaire au Québec et à d'autres provinces qui demandent une plus grande autonomie dans certains domaines. En fin de compte, il faut espérer que le problème de l'unité nationale, qui entraîne un énorme gaspillage de ressources et nuit beaucoup à notre économie depuis quelques années, sera bientôt chose du passé. La stabilité économique va favoriser la croissance économique et stimuler de gros investissements. Les entreprises vont à nouveau songer à prendre de l'expansion et à engager des gens.

Une fois qu'on aura réglé la question du Québec, nous serons mieux placés pour relever les défis du siècle prochain. Le plus tôt sera le mieux pour nous tous.

[Français]

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, parce que le Sénat est une Chambre «de réflexion», l'honorable sénateur Bacon a su injecter au débat la profondeur et le recul dignes de cette tradition. Je la félicite. Je souligne l'apport du sénateur Rompkey, qui a appuyé l'Adresse en réponse au discours du Trône. Et je rends hommage aussi au sénateur Lynch-Staunton pour sa réplique au programme gouvernemental au nom de notre parti récemment encore majoritaire en cette Chambre.

[Traduction]

En réponse au discours du Trône, pour la deuxième moitié du mandat du gouvernement et avant les élections fédérales, beaucoup de mes collègues - dont le sénateur Beaudoin - traiteront des aspects constitutionnels. Je ne minimise pas l'importance de la question. Je viens du Québec, je suis père de trois enfants et je prétends en plaisantant en avoir élevé un quatrième appelé «Constitution». En effet, depuis 1960 - pendant plus de 35 ans -, on en discute passionnément. Au lieu de poursuivre la discussion, je voudrais répondre au discours du Trône en évoquant le point de vue des familles canadiennes ordinaires, qui ont des enfants, des maisons, des voitures, des hypothèques, des rêves et, très souvent, des inquiétudes au sujet de leurs emplois.

[Français]

La pauvreté prive de biens essentiels et elle empêche certaines jouissances. Elle peut frapper à l'improviste n'importe qui aujourd'hui. Ce fléau ne se cantonne plus, comme autrefois, à certaines personnes ou à des groupes marginaux. Cette crainte hypothèque l'avenir des familles moyennes, les plus menacées, oserai-je dire, à court terme.

Bercées par le crédit depuis une génération, elles ont des prêts à rembourser pour une maison, des meubles, un chalet ou une automobile. Mais s'il y a perte d'un ou parfois des deux salaires domestiques, cette obligation de rembourser les prêts précédents se transforme en véritable cauchemar. Elle expose ces familles à la faillite et à la saisie.

Mais d'autres aspects négatifs touchent les jeunes diplômés universitaires. Détenteurs d'un baccalauréat ou même d'une maîtrise, ils trouvent difficilement, depuis dix ans, un emploi dans leur spécialité. La déception des parents s'attache à l'impossibilité de dire à leurs enfants, comme on le faisait en 1950 et 1960, que l'éducation poussée conduit nécessairement à un mieux-être et à une élévation sociale. Et, par contre, ils ne peuvent davantage leur conseiller de bouder la formation collégiale et universitaire.

Pour ainsi dire, l'insuffisance académique représente partout une lacune. Fondée sur des connaissances précises, la société contemporaine récompense moins que celle d'autrefois les chevaliers d'industrie. La débrouillardise seule conduit rarement au succès. Elle garantit encore moins sa rétention.

La crainte de recul dans leurs revenus, et dans leur patrimoine, atteint tous les salariés. Les coups du destin guettent maintenant autant le cadre d'une compagnie que le manoeuvre. La sécurité d'emploi à vie est chose du passé. Et les syndicats s'avèrent, en outre, impuissants devant les fermetures d'usines. Ils n'apportent même qu'une protection mitigée lorsque ce n'est pas toute l'entreprise qui ferme, mais un seul service.

Ainsi, les familles subissent des pertes par la disparition d'un emploi. Mais d'autres épuisent et rongent leurs économies, par suite de l'effondrement d'un commerce familial ou d'un portefeuille d'actions, et elles se retrouvent également sans le sou. Sans être encore généralisée, et Dieu merci, la pauvreté évolue. Ces familles moyennes s'ajoutent à celles qui souffrent déjà de notre faible niveau de recherche et de formation industrielle. Tous s'entendent pour soutenir que la plupart des emplois et des postes supprimés ne reviendront jamais.

Jeunes ou vieux, les chercheurs d'emplois ressentent alors la dévalorisation. Ils reçoivent les encouragements de leurs parents et de leurs amis. Mais même cette attention peut les exaspérer, si l'on se fie à une jeune diplômée, qui disait dans un article du Toronto Star du 17 janvier 1995, et je cite:

[Traduction]

Des gens me disent qu'avoir un emploi n'est pas si important - chose étrange, ils en ont tous un.

Un an plus tard, le 24 février, c'est un homme de 45 ans qui se plaignait de la même chose. Ce père de cinq enfants qui touchait un revenu moyen avait perdu son emploi. Il est néo-Canadien. Il a déclaré au Star, dans la première d'une série de cinq articles à la une portant sur la rareté des emplois:

Mes enfants me demandent tous les jours si j'ai un nouvel emploi. Ils connaissent la différence entre mener une vie confortable et devenir pauvre.

[Français]

En pratique, la vie moderne s'articule autour de trois étapes: environ 25 années de formation, puis 40 ans de travail actif, puis la retraite, que plusieurs planifient très tôt. Peu de citoyens poursuivent aujourd'hui leur carrière au-delà de 65 ans. Il en est ainsi parce que l'État fédéral verse ses pensions universelles de sécurité de la vieillesse à partir de cet âge. En général, c'est aussi le moment choisi par les travailleurs pour mettre fin à leur vie active. Les employeurs rajeunissent leur personnel et versent, à leur tour, leurs pensions. C'est la situation normale.

Mais que se passe-t-il si des imprévus surviennent? Si le gagne-pain d'un couple ou, à plus forte raison, si les deux membres perdent tout à coup leur emploi à cinquante ans? Que feront-ils? Alors sonne l'alarme de la catastrophe.

La restructuration mondiale de l'économie a supprimé nombre d'emplois dans les pays dits industrialisés. Et les travailleurs d'un âge avancé sont les plus à plaindre. Gâtés par leur aisance antérieure, plusieurs ne possèdent pas habituellement les connaissances en informatique essentielles pour se retrouver un emploi. La dure réalité de leur âge leur complique la découverte d'un autre employeur. Par conséquent, ces personnes remerciées de leurs services ne savent pas où aller.

Très souvent, le désespoir guette ces citoyens. Ils pensent que, peut-être, il n'y a pas de place pour eux. Et pourtant, ils ont contribué toute leur vie au Régime de pensions du Canada ou à la Régie des rentes du Québec. Ils ont payé des impôts, élevé des enfants, fait marcher l'économie et travaillé sans interruption jusqu'à la mondialisation associée aux années 1990.

Les jeunes sur le point de fonder un foyer éprouvent de la difficulté à se trouver une première occupation rémunérée stable. La quête, la conservation ou le remplacement d'un emploi devient aussi une inquiétude majeure pour les adultes et pour les personnes près de la retraite.

Je répugne à encourager la population à vivre sur le bien-être social. Je refuse aussi de condamner ceux qui doivent en tirer leur revenu.

[Traduction]

Étant donné l'ampleur de la dette, le gouvernement ne pourra plus, comme avant, compenser autant, ni pour aussi longtemps, les pertes de revenu des particuliers. En effet, l'agitation au sujet de l'état des finances publiques a atteint un point critique lorsque, le 12 janvier 1995, le Wall Street Journal a comparé le Canada à un pays du tiers monde. Bien sûr, il faut nuancer un point de vue aussi cinglant, mais comment les gens nerveux ont-ils compris cet éditorial? Les prêteurs internationaux ont réduit la cote de crédit du Canada et ont augmenté le taux d'intérêt que nous versons sur l'argent que nous leur empruntons.

[Français]

Des solutions nouvelles devront être trouvées. Comme on le dit fréquemment, «on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre». Et si jamais le gouvernement décidait de différer de deux ans l'âge de la retraite et des pensions, j'en comprendrai la nécessité. Mais je souhaite, en plus, qu'il veille à ce que l'on aménage des conditions de travail humaines, un horaire réduit et une description des tâches allégée pour les personnes de 65 ans et plus obligées de continuer à travailler au moment où la fin du XXe siècle nous plonge vers autant d'inconnues. Avons-nous le choix de refuser d'y faire face? Nous ne l'avons pas.

À son rythme actuel, la caisse de la sécurité de la vieillesse se tarira autour de l'année 2015. N'étant pas un économiste, je crois à ce propos les comptables et les actuaires, puisque ce sont leurs chiffres.

Là où toutes ces transformations m'inquiètent, c'est néanmoins pour les familles assaillies par des difficultés économiques à la préretraite. J'ai un pincement au coeur à la pensée de les forcer à attendre encore deux ou tant d'années de plus avant de toucher les secours du coffre de l'État auquel elles ont contribué.

[Traduction]

À ce moment, les prestations d'assurance-chômage seront probablement épuisées. Dans ce cas, même les Canadiens qui auront travaillé vaillamment et honnêtement toute leur vie éprouveront des difficultés.

L'Ouest méprise l'Est; le Québec menace toujours de se séparer; la violence prend le dessus sur la raison et la colère, sur la modération; je sais que le Canada est confronté à une menace très grave. Je ne parle pas du volet constitutionnel du discours du Trône. Je n'entends pas parler de la partition du Québec non plus. Cependant, est-ce que tous les Canadiens, toutes les familles canadiennes, peuvent croire en la compétence des ministres chargés du volet économique du gouvernement et penser qu'ils viendront à bout du chômage et feront en sorte que l'économie redémarre?

Je doute fort que le fait de doubler le nombre d'emplois d'été, de réunir les premiers ministres des provinces, de former de plus grandes Équipes Canada et de créer des partenariats avec les provinces soit suffisant pour rétablir la confiance des Canadiens.

[Français]

Autant la promesse de remplacer la TPS par une autre taxe, dite nationale de vente unique, est une répétition du discours du Trône du 18 janvier 1994, autant le récent discours du budget manque-t-il de précisions à ce sujet. Un peu comme au hockey, nous sommes rendus au milieu de la deuxième période. Il reste peu de mois au gouvernement pour dissimuler l'inertie qui le paralyse à ce propos. Il est vrai que, si l'on veut remplacer la TPS simplement par une autre taxe d'un autre nom et de même facture, mais de montant identique, le gouvernement peut avoir de bonnes raisons d'hésiter. La situation économique du Canada a plutôt décru que remonté la pente depuis deux ans.

Pour Ottawa, se retirer de la formation professionnelle, des forêts, des mines et des loisirs peut être un geste de bonne volonté. Mais sera-t-il accepté par les provinces? Qu'en dira M. Lucien Bouchard maintenant qu'il est premier ministre du Québec?

Mais ces coups de clairon d'un éclaireur, à la recherche de la piste pour faire sortir sa troupe des sentiers ombragés et la ramener sur la route, ne suffiront pas à faire repartir l'économie.

Les investissements diminuent au Canada, et tragiquement au Québec surtout. Je lie une partie de cette léthargie au dernier référendum.

La ville de Montréal agonise... C'est une affirmation tant du magazine Maclean's que de séries d'articles publiées par Claude Picher dans La Presse et, plus récemment, par Michel Vastel dans les journaux d'Unimédia.

[Traduction]

Ne pas tenir compte des difficultés nous ferait du tort à tous. J'espère que mon pays poursuivra ses efforts, mais je sais aussi que nous aurons peu de marge de manoeuvre en préparant notre entrée dans le XXIe siècle en Amérique du Nord.

(Sur la motion du sénateur Stanbury, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Comité de sélection

Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité de sélection (membres de divers comités mixtes), présenté au Sénat le 26 mars 1996.

L'honorable Jacques Hébert: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Quatrième rapport du comité-Retrait de l'article

L'ordre du jour appelle:

Étude du quatrième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration (dépenses de taxi), présenté au Sénat le 19 mars 1996. - (L'honorable sénateur Di Nino).

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino a présenté ce rapport en mon nom la semaine dernière. Depuis lors, il y a eu des discussions concernant ce rapport. Par conséquent, je demande la permission du Sénat pour retirer de l'ordre du jour cet article concernant le rapport.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(L'article est retiré.)

Adoption du deuxième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (dépenses des témoins), présenté au Sénat le 28 février 1996.

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je propose que nous adoptions le rapport.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter le rapport?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La Nouvelle-Écosse

La situation du secteur houiller du Cap-Breton-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Murray, attirant l'attention du Sénat sur la situation du secteur houiller du Cap-Breton et sur la politique à cet égard de la Société de développement du Cap-Breton. - (L'honorable sénateur Buchanan)

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Murray pour avoir lancé, à un moment très opportun, cette discussion sur une question très grave qui porte sur le gagne-pain de milliers d'habitants du Cap-Breton et, par conséquent, de la Nouvelle-Écosse. Le sénateur Murray est originaire de la région de New Waterford, qui, depuis maintenant plus de 100 ans, produit du charbon au Cap-Breton.

À l'heure actuelle, il y a une question qui préoccupe grandement les habitants du Cap-Breton: quel est l'avenir du secteur houiller au Cap-Breton? Par conséquent, il convient pour le Sénat de mener une étude indépendante à ce sujet.

Au début des années 1900, la plupart des habitants du Cap-Breton vivaient de deux activités économiques: le secteur houiller et l'industrie sidérurgique. L'aciérie est située à Sydney, tandis qu'on trouve des charbonnages dans toutes les villes minières autour de la région de Sydney.

Vers la fin des années 1800 et le début des années 1900, des familles des comtés de Richmond, de Victoria et d'Inverness se sont établies dans la région de Sydney, le centre industriel du Cap-Breton, afin de pouvoir travailler dans les nouvelles mines de charbon et dans l'aciérie de Sydney. Des habitants de nombreux pays européens, comme la Pologne, l'Italie, la Tchécoslovaquie, l'Ukraine, sont venus travailler dans les nouvelles industries du Cap-Breton. En fait, c'est dans une de ces régions, la ville de Dominion, que connaît bien le sénateur Graham, qu'a vu le jour la première communauté italienne au Canada. Cette ville a fourni de nombreux ouvriers, gens d'affaires, ingénieurs, etc. Ces gens qui ont quitté des pays étrangers ou des régions rurales du Cap-Breton pour s'établir dans ce secteur industriel étaient tous d'honnêtes travailleurs, qui croyaient en Dieu et aimaient la vie de famille.

Mon grand-père paternel est venu du comté de Victoria pour s'installer à Port Morien, à proximité de la région de Glace Bay. La première mine de charbon à ouvrir dans le secteur s'est tout simplement appelée la mine de Port Morien. Mon grand-père a travaillé sous terre jusqu'à ce que la mine de Port Morien ferme, puis il a déménagé sa famille dans la ville de Dominion lorsque la houillère 1A de Dominion a ouvert ses portes. Il y a été mineur jusqu'à ce qu'il soit blessé au front de taille.

Mon père est né à Port Morien, puis a suivi ses parents à Dominion. À l'âge de 15 ans, il a commencé à travailler aux magasins de la Dominion Coal Company, à Glace Bay. Il a gravi un à un tous les échelons, a pris des cours du soir et a été transféré au bureau général de la société houillère. En 1924, il a été transféré à Sydney, où les bureaux de la Dominion Coal Company se fusionnaient alors à ceux de la société sidérurgique pour former le bureau général de la Dosco.

Mon grand-père maternel était encore un jeune homme lorsqu'il a quitté le comté de Pictou pour aller travailler dans les nouvelles mines de la région de Glace Bay. Les membres de la famille de mon grand-père ont quitté le comté de Richmond pour Glace Bay où ils ont travaillé dans les mines. Mon grand-père a travaillé dans une houillère appelée Caledonia 11, à Glace Bay, et cela, jusqu'à ce qu'il soit blessé au front de taille. Puis, pendant dix ans, il a travaillé sous terre à prendre soin des chevaux de mine, comme on appelait à l'époque les chevaux qui servaient à transporter le charbon du front de taille au point d'où il était monté à la surface. Il est intéressant de remarquer que ces chevaux étaient ramenés à la surface une fois par année et qu'ils étaient tellement habitués aux ténèbres de la mine qu'ils perdaient temporairement la vue au contact de la lumière du jour. Bien sûr, les temps ont changé, et ce sont aujourd'hui des machines et des wagons qui servent à transporter le charbon.

À partir du tournant du siècle jusque dans les années 20, les mineurs qui travaillaient sous terre gagnaient entre 2 $ et 3 $ par jour et ceux qui travaillaient à la surface, 1,50 $. Dans les années 20 et 30, ces salaires se sont beaucoup améliorés, passant dans le premier cas à 3 $ ou 4 $ par jour, et dans le second à 2 $. Aujourd'hui, ces salaires paraissent tout bonnement incroyables.

La maison de mon grand-père était parmi les premières maisons en rangée de la compagnie, à Glace Bay, juste en face de la houillère Caledonia. Comme on employait à l'époque des chevaux dans les mines, des rats sortaient des endroits où les chevaux étaient gardés sous terre et envahissaient les cours et les maisons des mineurs. Aujourd'hui, bien sûr, les mineurs n'ont plus à endurer cela.

Honorables sénateurs, la vie était très difficile à cette époque. Il convient toutefois de souligner - ma mère me l'a répété à maintes reprises, et je sais que d'autres habitants du Cap-Breton seraient d'accord avec elle - que même si la vie était alors bien plus difficile qu'aujourd'hui, durant toute cette période et jusqu'aux années 50, la solidarité qui existait au sein de la collectivité rendait la vie bien plus agréable pour ceux qui en faisaient partie. La vie était centrée autour de la mine, de l'église, du foyer et d'un endroit de Glace Bay qui s'appelait le «coin des sénateurs» et qui était le lieu de rassemblement de presque tout le monde de la région.

Les mineurs et les métallos avaient des responsabilités. Ils en avaient tout d'abord envers leur famille, puis envers l'église et, enfin, par rapport à l'éducation. L'éducation était primordiale pour les familles des régions où il y avait des mines de charbon et des usines sidérurgiques. Si les mineurs et les métallos devaient faire des heures et des quarts supplémentaires pour permettre à leurs enfants d'étudier, ils le faisaient. L'éducation était une priorité pour les gens de la région industrielle du Cap-Breton.

À une certaine époque, jusqu'aux années 50, il y avait deux mines de charbon en exploitation à Sydney Mines. Ces mines s'appelaient Florence et Princess. Je me souviens que lorsque j'étais enfant, j'écoutais la radio tous les soirs pour savoir si les mines Princess et Florence seraient ouvertes le lendemain. À la radio, on disait: «La mine Princess sera ouverte demain, mais la mine Florence sera fermée; trois équipes sont nécessaires à la mine Princess, et une à la mine Florence.» Ou encore, on disait à la radio: «Les mines Princess et Florence seront toutes les deux ouvertes demain; deux équipes sont nécessaires à la mine Princess, et une à la mine Florence.» Les mineurs étaient rivés à leurs postes de radio pour savoir s'il y aurait du travail le lendemain.

Les houillères sont numérotées, par exemple Caledonia no 11, no 26, no 16, no 13, etc. Au fil des ans, toutes ces houillères ont été fermées. La dernière a été la mine no 26, dont le charbon à extraire se trouvait à plusieurs milles sous l'océan. Pour partir de la salle de nettoyage et descendre sous terre au front de taille, il fallait aux mineurs deux heures et demie à l'aller et autant au retour. Ils restaient environ trois heures au front de taille. Il y a eu un incendie dévastateur à la mine no 26, et elle a été fermée il y a dix ou douze ans.

Nombre d'entre vous ne sont jamais allés sous terre; certains l'ont fait. J'ai été sous terre dans l'ancienne mine Dominion 1-B il y a environ trente ans. Je suis allé sous terre à la mine no 26 à trois reprises. Je connais les conditions dans lesquelles les hommes travaillent dans ces mines de charbon.

Aujourd'hui, une autre crise risque d'éclater dans les régions minières du Cap-Breton. Ce que le gouvernement du Canada fera au cours des prochains mois influera non seulement sur les mineurs en cause et leurs familles, mais sur des milliers d'autres. Le ratio est d'environ trois pour un - un emploi direct dans l'industrie du charbon en crée deux autres indirectement. Ce sont quelque 6 000 emplois directs et indirects qui sont en jeu dans ces régions. Si on multiplie ce chiffre par le nombre de personnes par famille, ce sont 20 000 personnes qui seraient directement touchées par la fermeture de mines dans la région industrielle du Cap-Breton. C'est un grave problème socio-économique avec lequel nous avons été aux prises pendant des années au Cap-Breton, et ce problème nous menace de nouveau. Par conséquent, des mesures doivent être prises, et ces mesures devront être appropriées pour que l'industrie du charbon puisse survivre.

En 1967, le Cap-Breton a été durement frappé le jour où la société Dosco a commencé à se retirer de la fabrication de l'acier et des mines de charbon au Cap-Breton. La privatisation n'a pas marché, ni durant les années 60, ni par la suite. L'industrie de l'acier devait aussi fermer. Dosco a décidé de se retirer complètement de l'industrie de l'acier. Les prochaines entreprises à fermer auraient été les mines de charbon, mettant sur le pavé des milliers et des milliers de travailleurs. Il semblait que c'était la fin de l'industrie du charbon et de la fabrication de l'acier au Cap-Breton, ce qui aurait été le plus grave problème social du Canada tout entier à l'époque.

Honorables sénateurs, j'étais député à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse en 1967. En 1968, je suis entré au Cabinet. Je m'en souviens bien. Je me souviens des préoccupations d'un sénateur ici présent quand il faisait partie du gouvernement du Canada. Il s'agit bien sûr d'Allan J. J'allais dire le sénateur MacEachen, mais je l'appellerai Allan J., comme on l'appelait affectueusement et comme on l'appelle toujours dans tout le Cap-Breton. Sa conscience sociale, sa connaissance du Cap-Breton, sa connaissance de l'industrie du charbon et de l'acier ainsi que ses préoccupations sincères pour le Cap-Breton et sa population se sont manifestées. Grâce à l'acharnement de gens comme Allan J., Bob Stanfield et Ike Smith, le problème a été partiellement réglé à l'époque et nous avons assisté à l'adoption de la Sydney Steel Corporation Act et à la création de la société Sysco par l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, de même qu'à la formation de la Devco, la Société de développement du Cap-Breton, et à la prise de contrôle par la Dosco de l'aciérie de Sydney et de toutes les mines de charbon du Cap-Breton.

Honorables sénateurs, nous avons la chance d'avoir ici au Sénat des gens qui comprennent et aiment l'industrie du charbon. Je parle, bien sûr, du sénateur Murray, natif de New Waterford, un homme qui connaît bien l'industrie du charbon. Je parle aussi du sénateur Finlay MacDonald, lui aussi originaire du Cap-Breton, qui comprend l'industrie du charbon. Je parle également du sénateur John M. Macdonald, qui a grandi et a vécu dans une région minière. Il y a aussi notre ancien collègue, le sénateur Bob Muir, qui a travaillé et a été blessé dans des mines de charbon, et qui a bien servi sa région tant à la Chambre des communes qu'au Sénat. Je parle encore du sénateur Graham, qui a grandi dans la région de Dominion, où il y a des mines de charbon. En fait, le sénateur Graham a été le deuxième employé de la Société de développement du Cap-Breton. J'ignore qui a été le premier, mais il a été le deuxième.

Le sénateur Graham: Robinson Orr a été le premier.

Le sénateur Buchanan: C'est exact. Il a été le premier et le sénateur Graham le deuxième. Le sénateur Graham a gravi les échelons jusqu'aux postes de directeur général adjoint et de secrétaire général de la Société de développement du Cap-Breton. À l'époque, en 1968, quelque 4 000 mineurs et autres travailleurs comptaient sur les mines de charbon pour assurer leur subsistance.

Au départ, Devco avait pour mandat de fermer progressivement les mines de façon ordonnée et d'en ouvrir une nouvelle, celle de Lingan. La société devait également trouver des emplois de remplacement pour les mineurs touchés par la fermeture de mines. Cependant, au début des années 1970 et vers le milieu de la décennie, lorsque le prix du pétrole a augmenté en flèche dans le monde occidental, le charbon a repris ses droits, en tout cas en Nouvelle-Écosse, où la Nova Scotia Power Corporation générait environ 60 p. 100 de son électricité à partir de pétrole. Évidemment, à l'époque, le prix de l'électricité a aussi augmenté rapidement. Il fallait faire quelque chose. C'est pourquoi la Nova Scotia Power Corporation et la Société de développement du Cap-Breton ont négocié des contrats. J'ai participé à la négociation de ces contrats avec Allan J. MacEachen. Ils s'agissait de garantir un approvisionnement abondant en charbon à la Nova Scotia Power Corporation. Lingan 1, 2, 3 et 4, toutes des centrales de 150 mégawatts, ont été construites dans la région de Lingan pour produire de l'électricité à partir du charbon. À l'époque, la centrale Seaboard - maintenant fermée - produisait l'électricité.

La centrale de Point Aconi a été construite il y a quelques années. Elle est la première centrale à lit fluidisé du Canada. Il y en a très peu dans le monde occidental. Ces centrales sont uniques parce qu'elles utilisent du calcaire dans le processus pour éliminer entre 35 et 90 p. 100 du bioxyde de soufre. Grâce à ce processus, la centrale de Point Aconi ne contribue pratiquement pas à ce que l'on appelle les «pluies acides».

Vers le milieu des années 1970, il fallait plus de charbon et la mine Prince, du côté nord, ainsi que la nouvelle mine Lingan ont été ouvertes. La mine New Waterford no 16 et la no 26 ont continué d'être exploitées, mais, comme je l'ai dit, elles ont fermé depuis.

On avait besoin de plus de charbon cokéfiable pour alimenter les fours métallurgiques. La mine no 26, qui produisait du très bon charbon cokéfiable, a répondu à cette demande.

(1650)

Le mandat de Devco a été élargi. On a établi des régimes de retraite pour les travailleurs qui avaient été déplacés. L'effectif a été réduit à la société Sysco, qui a ramené son effectif à un niveau où le nombre d'employés serait suffisant pour la production requise.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Buchanan, j'hésite à vous interrompre, mais, en vertu du Règlement, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur a-t-il la permission de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Buchanan: À ce moment-là, nous avions les mines Prince, Lingan et Lingan-Phelan. La mine Lingan a fermé l'an dernier.

Dans le moment, les seules mines de charbon en exploitation au Cap-Breton sont la mine Prince dans le nord et la mine Lingan-Phelan. Ces deux mines ont une espérance de vie limitée. On ne sait pas exactement combien de temps elles pourront être exploitées. L'une d'elles a des problèmes de coups de toit, de méthane et d'inondation. Il est intéressant de noter que les couches de l'ancienne mine Dominion 1B et de la mine no 26 passent au-dessus de la mine Lingan et qu'elles sont toutes deux inondées. Il y a un léger problème d'inondation à la mine Lingan, en plus des coups de toit. Ces problèmes ont été réglés en grande partie, mais on s'attend à avoir d'autres problèmes à l'avenir à la mine Lingan. La mine Prince a eu des problèmes d'éboulis au cours des années, mais elle produit, et le charbon qu'elle produit est d'assez bonne qualité.

En 1978-1979, sachant que certaines de ces mines auraient une durée de vie de 15 ou 20 ans, on a décidé d'ouvrir une autre mine de charbon. Le meilleur bloc de charbon au Cap-Breton à ce moment-là était le bloc Donkin de la couche Harbour. Ainsi, en 1979, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, que j'avais l'honneur de diriger, a fourni 5 millions de dollars pour faire venir un navire de forage des États-Unis pour forer le bloc Donkin.

On a évalué à ce moment-là que ce charbon était d'excellente qualité, contenant de 2,5 à 3,5 p. 100 de soufre et de 6 à 8 p. 100 de cendre. Certains d'entre vous penseront peut-être que ces pourcentages sont élevés; ils le sont. Cependant, au lavoir de Victoria Junction, ce charbon peut être lavé pour ramener le pourcentage de soufre à entre 1,5 et 2 p. 100, ce qui en fait un bon charbon thermique. Il y a aussi du bon charbon métallurgique à cet endroit.

Une fois le navire de forage parti, la tâche suivante consistait à déterminer si une nouvelle mine serait ouverte sur le site du bloc Donkin. On a dressé les plans, et on a commencé les travaux. Quelque 80 millions de dollars ont été dépensés en vue de l'exploitation de la mine Donkin, y compris la préparation des plans et des cartes et l'évaluation du charbon lui-même.

Deux tunnels ont été forés à ce moment-là, et ils sont encore là. Ils ont été inondés il y a quelques années.

Nous avons présentement deux mines de charbon en exploitation d'une durée utile limitée. La mine Donkin compte deux tunnels prêts à être exploités. En 1979, un plan en matière d'énergie a été préparé pour le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. J'en ai ici une copie. Fait intéressant, ce plan fait état de réserves de 700 millions de tonnes dans le gisement de charbon de la mine Donkin, dont environ 400 millions pourraient faire l'objet d'une exploitation minière. Compte tenu de ce plan et de la quantité de charbon qui pourrait être exploitée dans le gisement Donkin, il faut se demander s'il y a lieu d'ouvrir la mine Donkin.

Honorables sénateurs, nous proposons dans notre interpellation qu'un comité sénatorial examine divers aspects de l'exploitation des mines de charbon dans la région du Cap-Breton, notamment la possibilité d'ouvrir une nouvelle mine Donkin.

Il y a des pour et des contre. UMW affirme que ce serait économiquement viable et que le projet emploierait beaucoup d'hommes. La compagnie Devco affirme que le projet pourrait être économiquement viable et elle a estimé que l'ouverture de la mine coûterait entre 200 millions et 400 millions de dollars. Une recherche indépendante indique que la nouvelle mine de charbon pourrait être ouverte et mise en production après des investissements de l'ordre de 120 millions à 140 millions de dollars, considérant que quelque 80 millions de dollars ont déjà été investis à cette fin. Un comité indépendant devrait examiner ces questions. Il subsiste encore de nombreuses inconnues au sujet de la mine Donkin. Je dispose de nombreux documents de référence à ce sujet.

Deuxièmement, nous devrions examiner la faisabilité d'un projet auquel le sénateur Graham, et le sénateur MacEachen et moi-même accordons beaucoup d'importance depuis de nombreuses années. Il s'agit du projet de combustibles synthétiques, qui utilise un processus de liquéfaction pour créer de l'huile à partir du charbon.

En 1980, le sénateur MacEachen et moi-même, ainsi que la Société Gulf, maintenant Ultramar, la Nova Scotia Resources Limited et la compagnie de combustibles synthétiques d'Allister Gillespie ont signé une entente pour donner suite au projet. Malheureusement, 16 ans se sont maintenant écoulés et le projet n'a toujours pas démarré. Lorsqu'il débutera, il consommera jusqu'à 500 000 tonnes de charbon par année. La chose mérite notre attention.

Nous devrions considérer l'espérance de vie des mines de charbon Lingan-Phelan et Prince. Nous devrions considérer la demande actuelle de la Nova Scotia Power Corporation de 2,2 millions de tonnes de charbon. Nous devrions considérer le marché d'exportation sur lequel la Devco a toujours pu vendre du bon charbon, thermique et métallurgique. Nous devrions comparer les taux d'emploi que l'on connaît actuellement et les taux futurs.

Honorables sénateurs, je crois que cette enquête, indépendante comme il se doit au Sénat, est d'une importance capitale pour le Sénat, et certainement aussi pour l'industrie du charbon de Nouvelle-Écosse et du Cap-Breton. Je me joins donc au sénateur Murray pour demander la tenue de cette enquête. Je crois que le comité le mieux qualifié pour mener cette enquête est le comité de l'énergie. J'espère que tous les sénateurs voteront en faveur de cette enquête afin que nous puissions aller de l'avant au Cap-Breton et nous assurer que ces milliers de personnes touchées pourront continuer à assurer leur subsistance.

(Sur la motion du sénateur Hébert, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité d'étudier les questions se rapportant à son mandat

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition), au nom du sénateur Ghitter, conformément à l'avis du 26 mars 1996, propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, en conformité au Règlement 86(1)p), soit autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles du Canada; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 mars 1997.

(La motion est adoptée.)

Les carburants de remplacement utilisés dans les moteurs à combustion interne-Autorisation au Comité de suivre les questions liées à la mise en vigueur de la loi

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition), au nom du sénateur Ghitter, conformément à l'avis du 26 mars 1996, propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à suivre toutes les questions liées à la mise en vigueur et à l'application de la Loi visant à promouvoir l'utilisation de carburants de remplacement dans les moteurs à combustion interne (antérieurement S-7); et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 21 juin 1996.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de permettre le reportage de ses déliberations par les médias électroniques

L'honorable Eric Arthur Berntson (chef adjoint de l'opposition), au nom du sénateur Ghitter, conformément à l'avis du 26 mars 1996, propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

(La motion est adoptée.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

Autorisation au comité d'engager du personnel et des services

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), au nom du sénateur Carstairs, conformément à l'avis du mardi 26 mars 1996, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à retenir les services de conseillers juridiques et de personnel technique, d'employés de bureau ou d'autres personnes nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur des projets de loi et les prévisions budgétaires qui pourraient être renvoyés au Comité.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi réglementant certaines drogues et autres substances

Autorisation au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de recevoir et d'utiliser les documents et témoignages se rapportant à l'ancien projet de loi C-7 qui a été étudié pendant la dernière session du Parlement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), au nom du sénateur Carstairs, conformément à l'avis du mardi 26 mars 1996, propose:

Que les documents et témoignages recueillis par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles pendant son examen du projet de loi C-7, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence, au cours de la première session de la trente-cinquième législature et tout autre document parlementaire et témoignage pertinent concernant ledit sujet soient renvoyés à ce Comité pour la présente étude du projet de loi C-8, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


Back to top