Skip to content
Previous Sittings
Previous Sittings

Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 34

Le mercredi 17 décembre 1997

L'honorable Gildas L. Molgat, Président


Table des matières

LE SÉNAT

Le mercredi 17 décembre 1997

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

Les travaux du Sénat

Ajournement

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, avec l'autorisation du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)i ) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, le jeudi 18 décembre 1997, à 9 heures;

Que le Sénat se forme immédiatement en comité plénier en vue d'entendre les témoins ci-après relativement à la résolution visant à modifier la clause 17 de la Constitution, portant sur le système scolaire de la province de Terre-Neuve:

- De 9 h 05 à 9 h 45, la Conférence canadienne des évêques catholiques;

- De 9 h 45 à 10 h 30, «Education First»

- À 10 h 30, l'honorable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, et

Que, au terme des travaux du comité plénier, le Sénat reprenne la séance et procède à l'étude des affaires courantes.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs le permettent-ils?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'agriculture

Avis de motion demandant le report de l'homologation de l'hormone de croissance recombinante bovine jusqu'après l'achèvement des études

L'honorable Eugene Whelan: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 18 décembre 1997, je proposerai:

Que le Sénat exhorte le gouvernement à attendre au moins un an avant d'autoriser l'utilisation de l'hormone de croissance recombinante bovine pour accroître la production laitière des bovins laitiers canadiens et, par la suite, aussi longtemps que des études scientifiques n'auront pas été élaborées, appliquées et menées à terme, dont les conclusions permettront au gouvernement soit de déterminer exactement les risques à long terme pour la santé des Canadiens et des Canadiennes ou, autrement, de leur garantir publiquement que l'utilisation de cette hormone de croissance ne comporte pas de risque pour leur santé.

[Français]

La défense nationale

L'achat d'hélicoptères-Avis de motion demandant le rappel du Sénat advenant une décision du gouvernement

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 18 décembre 1997, je proposerai:

Une motion instruisant le Président d'utiliser les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l'article 17 pour convoquer une réunion du Sénat avant la date saisie par la motion d'ajournement, aussitôt que faire se peut, suivant le Règlement, après qu'une décision ait été arrêtée et annoncée concernant l'achat d'hélicoptères par le gouvernement du Canada, advenant qu'une telle décision soit arrêtée et annoncée entre le 18 décembre 1997 et le 2 février 1998.

[Traduction]

Les finances nationales

Avis de motion autorisant le comité à se déplacer

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le jeudi 18 décembre 1997, je proposerai:

Que le comité sénatorial des finances nationales soit autorisé à se déplacer à travers le Canada aux fins de l'examen des projets de loi, de la teneur des projets de loi, des messages, des pétitions, des interpellations, des documents et autres matières concernant les prévisions budgétaires fédérales en général.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'énergie

Les projets gaziers de l'île de Sable-La conclusion d'un accord-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat. Dans un article paru ce matin dans le Chronicle Herald de Halifax, on peut lire ce qui suit:

Mardi également, des sources sures au sein du gouvernement fédéral confirmaient que le Cabinet avait donné le feu vert au projet gazier de l'Île de Sable, éliminant le dernier obstacle important à la construction d'un gazoduc vers la Nouvelle-Angleterre, qui traverserait le Nouveau-Brunswick.

Selon des sources à Ottawa, le Cabinet Chrétien a ratifié un rapport de l'Office national de l'énergie approuvant l'exploitation du gisement de l'Île de Sable. Cela va permettre aux groupe Maritimes and Northeast Pipeline et Sable Offshore Energy Project de construire des installations de forage, de production, de transmission et de transformation.

Le ministre peut-il confirmer l'existence d'un tel accord?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, jusqu'à ce qu'un tel accord soit annoncé officiellement, je le regrette, mais je ne saurais faire de conjectures.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, dans le même article, on signale aussi que le premier ministre Russ MacLellan a confirmé la décision du Cabinet fédéral. L'article poursuit ainsi:

Selon certaines sources à Ottawa, l'Office national de l'énergie avertira Maritimes and Northeast de la décision du Cabinet d'approuver le projet global et la société procédera à l'annonce officielle avant la fin de la semaine.

(1340)

Le journaliste dit ensuite:

«Maritimes and Northeast est légalement tenue d'émettre un communiqué de presse», a affirmé un fonctionnaire qui a demandé que l'on taise son nom.

Le ministre des Ressources naturelles, Ralph Goodale, a tourné autour de la question, sans nier ni confirmer que le projet a été approuvé lors d'une réunion du Cabinet qui a duré deux heures.

Le leader du gouvernement au Sénat souhaite-t-il modifier sa réponse à ma question?

Le sénateur Graham: Non, honorables sénateurs. Toute annonce de la sorte sera faite soit par l'Office national de l'énergie, soit par le ministre des Ressources naturelles, soit par les deux conjointement.

En ce qui concerne tout communiqué de presse provenant de la société, ou des sociétés, en cause, je ne peux faire de conjectures sur la nature de ces annonces.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, j'ai présenté un avis de motion sur cette question, hier. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il assurer à ses collègues ici présents qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir - et même l'impossible, si c'est nécessaire - pour que le débat sur cette question commence aujourd'hui et qu'une motion soit mise aux voix avant le début du congé de Noël?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, l'ordre des travaux est très chargé. J'aurais donc tort de prendre un tel engagement. Je comprends les préoccupations du sénateur Simard. Je comprends les préoccupations de tous les Canadiens de l'Atlantique. Bien sûr, tous les Canadiens s'intéressent à ce projet, qui est important non seulement pour la région de l'Atlantique et la Nouvelle-Écosse, mais aussi pour toutes les régions du Canada. Ce serait malhonnête de ma part de prendre un tel engagement. Toutefois, si c'est possible, nous étudierons certainement cette question.

[Français]

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, je sais que tout le monde a entendu les menaces proférées par la compagnie Mobil Oil depuis trois, quatre ou six mois. Je ne suis pas expert dans les menaces, je n'aime pas cela, mais je peux vous dire que si un consentement unanime est requis, je vais exiger que la résolution soit débattue et votée avant l'ajournement de Noël. J'aimerais que vous preniez en considération ma suggestion. Je ne vais pas lâcher, honorables sénateurs.

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je pense que nous devrions attendre de voir comment les choses se déroulent en ce qui concerne le programme du Sénat.

La défense nationale

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-La nécessité d'acheter diligemment les appareils de remplacement-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, hier, j'ai posé une brève question supplémentaire en ce qui concerne les hélicoptères de recherche et de sauvetage au sujet desquels, si j'en crois ce que j'ai lu, le gouvernement essaie de prendre une décision. Je sais que le leader du gouvernement au Sénat reconnaît la gravité de la situation. Cependant, je voudrais attirer l'attention du Sénat sur la lourde responsabilité qu'on impose aux pilotes qui doivent piloter les hélicoptères Sea King. En tant que pilote, je sais que les incertitudes entourant la fiabilité d'un aéronef accroissent le stress des pilotes.

Dans un esprit de collaboration avec les forces armées, qui font l'objet de critiques injustes et excessives dans 99 p. 100 des cas, selon moi, le leader du gouvernement au Sénat a-t-il davantage d'information à donner au personnel militaire qui doit piloter les hélicoptères Sea King quant à savoir si le Cabinet a pris une décision favorable au sujet de l'acquisition du matériel voulu pour les opérations de recherche et de sauvetage?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends bonne note des préoccupations de mon honorable collègue pour les pilotes aux commandes de n'importe quel aéronef, qu'il s'agisse d'hélicoptères, d'appareils à voilure fixe, et cetera. Les gens me demandent souvent si j'ai peur de prendre l'avion, car je voyage beaucoup de cette façon. Je réponds toujours par la négative, et je précise que j'ai une pleine confiance dans les pilotes qui, je le sais, tiennent autant que moi à leur sécurité. Je sais que le sénateur St. Germain est un pilote breveté lui-même et qu'il va comprendre cela peut-être mieux que quiconque au Sénat.

Cela dit, je suis désolé de ne pouvoir présenter d'autres informations si ce n'est pour dire qu'à ma connaissance, aucune décision finale n'a été prise. Elle le sera sous peu, on l'espère.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat voudrait-il signaler à ses collègues du Cabinet, qui examinent la décision à prendre à ce sujet, qu'il est arrivé un malheureux accident hier soir au Nouveau-Brunswick? C'est à cette période-ci de l'année que les conditions météorologiques créent le plus de risques et que, par conséquent, l'équipement de recherche et de sauvetage est le plus essentiel.

J'invite le leader à porter cet incident à l'attention du Cabinet de sorte que nous n'ayons pas à passer une autre saison à espérer que les appareils voleront et que nous ne verrons pas de nouveau les Sea King interdits de vol.

Le sénateur Graham: L'honorable sénateur St. Germain a ma parole que je vais le faire aujourd'hui.

L'écrasement d'un avion à l'aéroport de Fredericton-La disponibilité d'hélicoptères de recherche et de sauvetage-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, comme le sénateur St. Germain l'a dit, le très grave accident qui s'est produit à Fredericton hier soir souligne l'urgence de nous doter d'un bon équipement.

Je suis persuadé que le leader su gouvernement au Sénat pourrait trouver dans ses notes d'information une réponse à la question suivante: si l'avion avait raté la piste d'atterrissage et s'était écrasé à 300 ou 400 verges dans la forêt, est-ce qu'un hélicoptère aurait pu se rendre sur les lieux en moins de deux heures?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je regrette, je ne peux répondre à cette question. Je présume que oui, étant donné la localisation de l'aéroport de Fredericton. Ce serait cependant pures conjectures de ma part de dire si un hélicoptère aurait pu s'y rendre en moins de deux heures. J'espère que la réponse serait affirmative, mais je ne voudrais pas donner une fausse impression aux honorables sénateurs. Je vais tâcher d'obtenir la réponse à cette question aussitôt que nous aurons terminé nos travaux ici aujourd'hui.

(1350)

L'écrasement d'un avion à l'aéroport de Fredericton-Les effectifs insuffisants à la tour de contrôle-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Je suis peut-être le sénateur qui prend le plus souvent l'avion pour Fredericton et j'emprunte souvent le vol qui s'est écrasé hier soir. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le ministère des Transports, dans l'enquête qu'il mènera sur l'écrasement, tiendra compte du fait qu'il n'y avait pas de contrôleurs aériens dans la tour de contrôle par suite d'une décision récente de son gouvernement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je ne peux pas mettre des mots dans la bouche des enquêteurs. Il est trop tôt pour échafauder des hypothèses sur les causes probables de l'accident. Je crois comprendre que NAV CANADA exploite une station d'information de vol, 24 heures sur 24, à l'aéroport de Fredericton. Je crois savoir aussi que cette station a informé les services d'intervention d'urgence de l'aéroport d'un écrasement possible et que les policiers, les pompiers et les services d'intervention d'urgence ont été appelés sur les lieux.

Cela intéressera certainement tous les sénateurs, car on a dit qu'il y avait peut-être eu des retards dans l'intervention. Je crois comprendre que, à cause de mauvaises conditions météorologiques et de l'absence d'indices visuels tels que de la fumée ou des flammes sur le site de l'accident, les services d'intervention d'urgence ont mis de 15 à 20 minutes environ à localiser l'appareil.

Les pêches

La baie de Fundy-La destruction du saumon infecté dans des piscicultures-Le progrès de la mise en oeuvre du programme d'aide financière aux éleveurs-La position du gouvernement

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le programme d'aide financière à l'intention des salmoniculteurs de la baie de Fundy, qui sont aux prises avec l'anémie infectieuse du saumon.

Récemment, le ministre des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick a ordonné le nettoyage de tous les bassins d'élevage du saumon infecté, qui avaient été utilisés en 1997. Cette mesure vise 21 piscicultures à Lime Kiln Bay, Bliss Harbour et Seal Cove. L'éradication du saumon de ces piscicultures est nécessaire pour réduire le risque de propagation de la maladie.

Cette mesure portera un dur coup aux salmoniculteurs de la région, se traduisant par une baisse de 15 millions de dollars de leur chiffre d'affaires qui s'ajoute à la perte de 11 millions de dollars qu'ils ont déjà ont subie cette année. Le gouvernement provincial a mis sur pied un programme d'aide financière prévoyant des prêts sans intérêt et des garanties de prêt, et il collabore avec le gouvernement fédéral en vue d'élaborer un programme d'aide financière additionnel.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il vérifier auprès du ministre des Pêches si des progrès ont été réalisés en vue d'élaborer un programme d'aide financière pour les éleveurs? Plus précisément, pourriez-vous obtenir l'échéancier que le gouvernement fédéral observe à cet égard? Les salmoniculteurs subissent cette perte depuis quelque temps déjà et ils ont besoin de connaître les détails de la participation et du soutien du gouvernement fédéral, ainsi que le moment où ils pourraient compter sur cette aide.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au courant de ce dossier. Je voudrais donner plus de précision sur un éventuel programme d'aide financière et, si ce programme se réalise, sur l'échéancier prévu. Encore une fois, je m'engage à fournir une réponse dans les plus brefs délais.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Michael Forrestall a posée le 26 novembre 1997 au sujet de la situation dans les Forces armées canadiennes.

La défense nationale

La situation dans les Forces armées canadiennes-
La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 26 novembre 1997)

Le 2e Bataillon du Royal Canadian Regiment dispose d'un effectif égal à celui de tout autre bataillon d'infanterie de la Force régulière. En prévision de la prochaine rotation en Bosnie, on a décidé d'envoyer une autre unité d'infanterie, à partir de la BFC Petawawa, afin de profiter de son bassin plus important de militaires qui ne font pas partie de l'infanterie et qui sont nécessaires pour former un groupement tactique. En outre, le fait d'envoyer de la BFC Petawawa l'ensemble du groupement tactique réduira au minimum les bouleversements pour les familles des militaires au cours de l'instruction préalable au déploiement.

L'effectif des forces régulières n'a pas chuté en-dessous du plafond de 60 000 membres. L'effectif des forces régulières est de 61 205 membres depuis le 30 novembre 1997.

En ce qui concerne la solde de la Réserve, des améliorations ont été apportées aux mécanismes de distribution de la solde aux membres de la Force de réserve. Le nouveau système, qu'on appelle le Système de solde révisé pour la Réserve (SSRR), a été livré par le contracteur au début de 1997 et a été mis en place à travers le Canada, en novembre dernier.

Comme c'est le cas dans toute mise en oeuvre de système informatique majeur, soit au gouvernement ou dans le secteur privé, il y a eu un certain nombre de difficultés lors de la mise en place de la nouvelle technologie. Nous avons alors mis au point, au printemps dernier, un processus qui assure que tous les membres reçoivent à temps le montant exact de leur paye. Lorsque le nouveau système informatique ne peut produire la paye d'un individu correctement, celui-ci est payé grâce à ce processus parallèle. Dans de tels cas, les unités locales transmettent au centre le montant précis de la solde que devrait recevoir un militaire pour chaque journée où il a travaillé. Les unités locales sont parfaitement au courant de ce processus; elles sont d'ailleurs constamment en communication avec le personnel qui administre le système central de solde. Quelle que soit la méthode de paiement, à part quelques cas d'exception, tous les membres sont payés à temps et reçoivent le montant exact de leur solde. S'il y a des cas précis d'individus qui ne sont pas payés, ces cas devraient être référés au gouvernement afin que l'on puisse intervenir et trouver la cause du problème.

Les membres de la Réserve devraient avoir reçu le montant exact qui leur est dû, le 15 décembre 1997, journée de la paye.

Les travaux du Sénat

L'aéroport international Pearson-Question au Feuilleton-Demande de réponse

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais savoir si le leader adjoint ou le leader du gouvernement au Sénat s'est renseigné au sujet de la question qui est inscrite au Feuilleton en mon nom depuis le 30 septembre 1997. Dans l'affirmative, quand puis-je m'attendre à avoir une réponse?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai passé beaucoup de temps à chercher cette réponse hier et je continuerai mes démarches à la première occasion cet après-midi.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel
La Loi d'interprétation

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable P. Derek Lewis propose: Que le projet de loi C-16, Loi modifiant le Code criminel et la Loi d'interprétation (arrestation et entrée dans les habitations), soit lu une troisième fois.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

Son Honneur le Président: Désiriez-vous parler de ce projet de loi, sénateur Lewis?

Le sénateur Lewis: Si le Sénat veut adopter le projet de loi maintenant, c'est très bien.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur m'a effectivement informée qu'elle désirait aborder ce projet de loi, mais a précisé qu'elle voulait le faire demain. Nous pourrions peut-être entendre l'intervention du sénateur Lewis, qui a quelques brèves observations à faire, puis ajourner le débat au nom du sénateur Cools. Cela devrait convenir.

Le sénateur Lewis: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi..

Rappel au Règlement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): J'invoque le Règlement. Hier, je me suis plains de la façon dont nous suivions l'ordre du jour. Aujourd'hui, je me plains de la façon dont nous traitons les mesures législatives dont nous sommes saisis.

Il est pourtant bien clair que l'ordre du jour appelait l'étude du projet de loi. Le projet de loi a été mis aux voix, la motion de troisième lecture a été mise aux voix et adoptée avec dissidence. Avant de revenir en arrière, nous devons annuler le vote. Un sénateur ne peut tout simplement pas se lever et dire: «Je vais en parler quand même», suivi d'un autre sénateur qui déclare: «Il y a aussi le sénateur Cools qui veut aborder la question et elle le fera demain.» Ou bien nous respectons les règles de base ou nous les rejetons.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'invoque de nouveau le Règlement. Je viens d'arriver. Dois-je comprendre que le projet de loi C-16 a été adopté? J'avais informé le leader que je voulais intervenir à l'étape de la troisième lecture.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il consentement pour que nous revenions en arrière et annulions le vote?

Des voix: Non.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Je suis désolé. La motion a été mise aux voix et adoptée. Je ne peux rien faire s'il n'y a pas consentement pour que nous revenions en arrière et il n'y a pas consentement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne m'oppose pas à ce que nous revenions en arrière, mais que ce soit bien la dernière fois. Autrement, ce serait tourner notre Règlement en dérision. Nous avons des règles de base. Ils ne figurent pas dans le livre rouge, mais il existe une procédure à suivre pour mettre un projet de loi aux voix. Parce que quelqu'un du côté du gouvernement l'a oubliée, faut-il que les autres sénateurs en souffrent?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, tout ce que je peux faire, c'est appeler l'ordre du jour. Si personne ne demande la parole, je n'ai pas le choix, je dois poursuivre. C'est ce qui est arrivé. Cependant, si le Sénat veut revenir à...

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: La réponse est non. Nous ne pouvons donc pas revenir. Troisième lecture du projet de loi.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je crois que...

Son Honneur le Président: Je suis désolé, honorable sénateur Cools, mais il n'y a pas consentement unanime et je ne peux rien faire de plus.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, tout à l'heure, le sénateur Cools a invoqué le Règlement et, dans son rappel...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il n'y a pas de rappel au Règlement. Le vote a eu lieu. Si vous voulez revenir...

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: J'entends non. Je ne peux rien faire de plus. Lorsque j'entends non, nous devons passer à la troisième lecture. Je ne peux pas vous accorder la parole, sénateur Cools.

Le sénateur Lynch-Staunton: Personne n'a dit non de ce côté-ci. Cependant, sachez que je ne permettrai plus que cela se produise. Disons qu'il y a eu un incident. De ce côté-ci, nous acceptons de revenir en arrière, mais nous ne voulons pas que cela soit considéré comme étant un précédent. Personne de ce côté-ci ne s'opposera si nous revenons en arrière.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pour la dernière fois, acceptez-vous que nous revenions en arrière?

Des voix: Non.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Je suis désolé. J'ai entendu des non. Nous ne pouvons donc pas revenir en arrière. Nous passons à la troisième lecture.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le projet de loi est lu une troisième fois et adopté.)

(1400)

Terre-neuve

La réforme du système scolaire-Motion de modification de la clause 17 de la constitution-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Petten:

Attendu: que l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du Gouverneur général, sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée,

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par la proclamation de Son Excellence le Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

1. La clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada figurant à l'annexe de la Loi sur Terre-Neuve est abrogée et remplacée par ce qui suit:

«17.(1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu de l'article quatre-vingt-treize de la Loi constitutionnelle de 1867.

(2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier.

(3) L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.»

TITRE

2. Titre de la présente modification: Modification constitutionnelle de l'année de la proclamation (Loi sur Terre-Neuve).

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la résolution visant à modifier la Constitution du Canada en ce qui a trait à la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada. C'est la deuxième fois en deux ans que la province de Terre-Neuve soumet une résolution au Parlement en vertu de l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, afin de modifier les conditions de son union en ce qui a trait à l'éducation. J'ai participé au processus à chaque fois. J'étais membre du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsque celui-ci a étudié la première demande de modification, et je siégeais au comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes qui a étudié la deuxième résolution, dont nous sommes maintenant saisis. J'ai écouté attentivement tous les témoins qui ont comparu, dans certains cas deux et même trois fois.

Honorables sénateurs, j'ai appuyé la modification de 1996 parce que, comme je l'ai dit dans mon discours à l'époque, j'étais convaincue, d'après les témoignages que j'ai entendus à St. John's, que:

...les possibilités de s'entendre sous le régime de l'ancienne clause 17 étaient très minces. Au contraire, il était certain que la lutte de pouvoir, qui, selon le très révérend Donald Harvey, évêque anglican de Terre-neuve et du Labrador, "affablissait et diluait" depuis déjà trop longtemps la capacité de la province d'offrir une éducation de la plus haute qualité possible avec les ressources à sa disposition, allait se poursuivre.

Du même souffle, j'ai dit que si le Sénat n'adoptait pas la résolution, «la tâche de réconcilier les parties et de rétablir les relations serait encore plus difficile lorsque notre veto suspensif serait levé» et que lorsque la Constitution serait modifiée sans nous, de nouveaux problèmes surgiraient par suite du mécontentement.

Honorables sénateurs, c'est précisément ce qui s'est produit.

Nous avons maintenant une autre résolution à examiner. Comme je n'ai guère besoin de le rappeler à mes collègues, la nouvelle clause 17 que renferme cette résolution jouit de bien plus d'appuis que la précédente. Soixante-treize pour cent des Terre-Neuviens qui se sont rendus aux urnes pour le référendum de septembre ont voté en faveur de la résolution. L'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador l'a adoptée à l'unanimité. Les appuis à la Chambre des communes se sont accrus. La dernière étape nous revient à nous. J'espère que cette étape sera positive et constructive.

Depuis que j'ai commencé à étudier la clause 17, j'ai été préoccupée par deux séries de questions. La première concerne les droits des élèves et de leurs familles, à l'aube du XXIe siècle. La seconde a trait aux questions liées à l'étude et à la pratique de la religion.

En ce qui concerne les élèves et leurs familles, j'ai été très heureuse d'écouter leurs représentants pendant les récentes audiences du comité spécial mixte. C'est avec un plaisir particulier que j'ai écouté les jeunes de St. John's et de Corner Brook qui nous ont parlé par vidéoconférence. Ces élèves ont exprimé leur satisfaction d'avoir été consultés. Erika Budgell, une élève pentecôtiste, nous a dit:

Je suis heureuse que les politiques demandent effectivement aux jeunes qui sont touchés ce qu'ils veulent et ce qu'ils pensent. Je pense que c'est assez important et je l'apprécie parce que, pendant trop longtemps, nous avons été laissés pour compte, et ce sont les adultes et les politiques qui prennent les décisions. Nous sommes dans les écoles actuellement et cela va nous toucher.

Stephanie Short, une étudiante du Heardman Collegiate, a dit:

Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous écouter. On me dit toujours que nous sommes trop jeunes pour voter ou pour exprimer nos opinions. Nous sommes ici ce soir pour montrer qu'une telle attitude n'est pas justifiée. J'espère que nos propos auront une incidence sur vos délibérations.

Ils en ont eu. Je crois que nous avons tous trouvé très intéressant ce que les élèves avaient à dire. Une chose est sûre, ils ont montré, par leurs commentaires, leur réponses à nos questions et les discussions qu'ils ont eues entre eux - et ils l'ont fait un peu mieux que les témoins adultes - la réalité des tensions qui existent entre certains, nombreux, qui aspirent au cadre familier marqué par la présence de l'Église qu'offre le système confessionnel et d'autres qui aspirent au défi intéressant qu'offre un système public plus ouvert mais moins prévisible. Néanmoins, ils ont convenu que des changements étaient nécessaires.

Jennifer Thornhill, représentante des élèves catholiques de la Regina High School, a décrit les problèmes dans son école:

L'an dernier, nous avons perdu trois unités et demie d'enseignement. Nous avons un demi-conseiller d'orientation pour 512 élèves. Cela ne suffit pas. Il y a des familles monoparentales. Il y a tellement de problèmes familiaux. Nous avons besoin d'un conseiller d'orientation. Nous avons besoin de ces enseignants. Nos programmes ont souffert.

Nous avons perdu des équivalences de cours en biologie et en rédaction. Nous avons tant perdu. Il ne s'agit pas d'une question se rapportant aux écoles catholiques ou pentecôtistes. C'est un problème tout à fait différent. Il faut investir davantage dans le système. Il y a trop de compressions.

Pour ce qui est des parents, j'ai été impressionnée par les témoignages que deux mères catholiques ont faits au nom d'Education First, un groupe pluriconfessionnel d'habitants de Terre-Neuve qui ont consacré une grande partie de l'été à une campagne - qu'ils ont financée eux-mêmes - en faveur d'une réponse positive à la question référendaire. Sur les questions d'intégration et de ségrégation, Oonagh O'Dea et Brenda Bryant ont dit:

Les enfants élevés dans un milieu sans ségrégation ne considèrent pas une religion ou une race comme étant supérieure à une autre et ne jugent personne selon des motifs religieux ou raciaux. L'intégration des religions ne diminue pas les valeurs chrétiennes et la moralité de nos élèves. Cela peut même consolider et renforcer ce que nous leur avons enseigné à la maison et à l'église. Si une société est tolérante à l'égard de toutes les religions et qu'elle encourage ses membres à se respecter les uns les autres, toutes les religions pourront s'épanouir librement.

Les résultats du référendum semblent montrer que la majorité des parents de la province sont d'accord avec cette affirmation.

Pour ce qui est de la deuxième série d'enjeux, je rappelle aux sénateurs que la liberté d'information et la liberté de religion sont des droits fondamentaux garantis aux enfants en vertu des articles 13 et 14 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, convention que le Canada a ratifiée en 1991. Ces articles se lisent ainsi:

L'enfant a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l'enfant.

Il s'agit du paragraphe 13(1).

Les États parties respectent le droit de l'enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut être soumise qu'aux seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires pour préserver la sûreté publique, l'ordre public, la santé et la moralité publiques, ou les libertés et droits fondamentaux d'autrui.

C'est ce disent les paragraphes (1) et (3) de l'article 14.

Honorables sénateurs, je suis très convaincue que ces droits, qui sont selon moi plus fondamentaux que les droits de toute Église à contrôler ses écoles aux frais du gouvernement, sont tout à fait respectés dans la nouvelle clause 17. J'ai examiné attentivement le programme des études religieuses qu'on suit actuellement dans les écoles intégrées et j'ai écouté ce que les jeunes en disent. Ce programme m'a impressionné. C'est un programme sensible aux besoins, large d'esprit, qui traite la question en profondeur et avec générosité.

Au cours de nos audiences, on nous a dit que le ministère de l'Éducation de Terre-Neuve et du Labrador voulait vraiment travailler avec toutes les parties touchées - les représentants des Églises, les parents, d'autres membres de la collectivité, des spécialistes des programmes d'études - pour faire en sorte que le programme d'études offert à tous les niveaux soit enrichissant et adéquat et qu'il offre aux élèves des choix qui leur conviennent. Je n'ai pas de raison d'en douter.

Des réserves ont été exprimées concernant le fait que la nouvelle clause 17 stipule que «la Législature [...] doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier» et que «l'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent». Toutefois, étant donné le climat créé à l'égard de ces questions dans le reste du Canada par la Charte des droits et libertés, je ne peux qu'envier les enfants de Terre-Neuve et leurs garanties constitutionnelles d'apprendre la religion et de participer aux cérémonies religieuses dans leur école, ou de les observer. J'aimerais que mes petits-enfants puissent jouir de ce même privilège dans le système public ontarien.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne la clause 17, nous avons trois options à notre disposition: nous pouvons suggérer à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et du Labrador de modifier la clause qu'elle nous a présentée; nous pouvons rejeter la résolution et laisser notre veto suspensif expirer, ou nous pouvons adopter la résolution sous sa forme actuelle. Si nous choisissons la première option, selon le témoignage du ministre de l'Éducation, Robert Grimes, nous ferions recommencer le processus à zéro et il ne fait aucun doute que, ce faisant, nous nous attirerions la colère d'un grand nombre de Terre-Neuviens. Si nous choisissons la deuxième option, tout ce que nous réussirions à faire c'est retarder les préparatifs pour l'année scolaire prochaine et laisser les enfants, leurs parents et leurs enseignants dans l'incertitude. Toutefois, si nous choisissons la dernière option, nous serons gagnants sur toute la ligne.

(1410)

D'une part, le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador pourra aller de l'avant avec la réorganisation nécessaire du système scolaire. D'autre part, les enfants de Terre-Neuve auront le droit, garanti par la Constitution, de suivre des cours de religion s'ils le veulent, et de participer ou non aux cérémonies religieuses dans l'école qu'ils fréquentent.

Je suis convaincue que c'est ce que veut la majorité des habitants de Terre-Neuve et du Labrador, y compris les élèves qui sont actuellement dans le système. Ils espèrent un avenir meilleur. Nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas les décevoir.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Pearson s'est prononcé sur la résolution. Comme les sénateurs le savent, demain matin à 9 heures, le Sénat se formera en comité plénier pour entendre la Conférence canadienne des évêques catholiques qui donnera son avis sur la clause 17, puis un autre groupe de témoins et enfin l'honorable ministre. Nous aborderons ensuite et le rapport et la résolution. Voilà pourquoi je propose l'ajournement du débat sur la résolution, débat qui doit reprendre demain.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais aborder la question suivante au Sénat. On m'a informé que les caméras de télévision ne peuvent pas fonctionner sans des lumières extrêmement puissantes. Si vous êtes d'accord, nous allons allumer les lumières afin que les délibérations du comité plénier puissent être télévisées.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une suggestion. Dans certaines assemblées législatives, les règles relatives à la tenue ne s'appliquent pas à l'étape de l'étude en comité. Cela ne veut pas dire que l'on peut se promener en maillot de bain certes, mais il est permis d'enlever son veston et desserrer son noeud de cravate.

Des voix: Non.

Le sénateur Taylor: Beauchesne dit que c'est acceptable. Est-ce que ça s'applique au Sénat, ou faut-il attendre de recevoir trop de «lumière du soleil de Floride» provenant des ampoules?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, en ce qui concerne les observations de l'honorable sénateur Taylor au sujet du code vestimentaire, je citerai le paragraphe 84(1) qui stipule ceci:

Le Règlement du Sénat s'applique au comité plénier, sauf les exceptions suivantes:

a) un sénateur peut prendre la parole aussi souvent qu'il ou elle le veut;

b) lors d'un débat en comité plénier, aucun sénateur ne prend la parole plus de dix minutes à la fois;

c) un vote par appel nominal a lieu immédiatement sans timbre d'appel des sénateurs;

d) il ne doit pas être admis de discussions à l'encontre du principe dont s'inspire le projet de loi; et

e) une motion portant sur la question préalable ou sur l'ajournement n'est pas recevable.

C'est pourquoi, honorables sénateurs, permission n'est pas accordée relativement au code vestimentaire.

Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada

Étude en comité plénier

L'ordre du jour appelle:

Le Sénat en comité plénier pour l'étude du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose: Que Son Honneur quitte maintenant le fauteuil et que le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable sénateur Corbin.

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, je pense que lorsque le Sénat siège en comité plénier, un sénateur peut intervenir même s'il n'estt pas à sa place. N'est-ce pas exact?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, c'est faux. Il doit y avoir une entente là-dessus. Est-on d'accord pour que les honorables sénateurs puissent parler de là où ils sont au Sénat?

Des voix: D'accord.


Le Sénat s'ajourne donc à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable sénateur Eymard G. Corbin, pour étudier ce projet de loi.

Le président: Honorables sénateurs, avant que nous ne commencions, étant donné que nos délibérations sont télévisées cet après-midi, je propose que les honorables sénateurs obtiennent le droit de parole de la présidence avant d'intervenir. Cela a pour but non seulement de faciliter les délibérations au Sénat, mais également d'identifier ceux qui ont la parole pour la gouverne des personnes qui regardent nos délibérations à la télévision. Ils pourront ainsi suivre facilement les délibérations, si je puis m'exprimer ainsi.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je demande que l'honorable Paul Martin, ministre des Finances, soit invité à participer aux délibérations du comité plénier.

Le président: Les honorables sénateurs ont entendu la proposition. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Conformément à l'article 21 du Règlement du Sénat , l'honorable Paul Martin, ministre des Finances, prend place dans la salle du Sénat.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'honorable ministre des Finances s'est joint à nous. Il est accompagné de M. Bob Hamilton, sous-ministre adjoint de la Division de la politique du secteur financier, et de Mme Susan Peterson, de la même division.

[Français]

Le président: Honorables sénateurs, le Sénat se forme en comité plénier pour étudier le projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

[Traduction]

Le président: L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le président: Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. Je vous invite, si vous le désirez, à faire une déclaration. Par la suite, nous vous soumettrons aux questions des honorables sénateurs.

[Traduction]

L'honorable Paul Martin, ministre des Finances: Honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Avant de commencer, je voudrais signaler que le sénateur Graham m'a fait remarquer que je prenais place à son siège, et que ce siège est aussi celui que mon père a occupé à une certaine époque. J'ignore si c'était le même à son époque, honorables sénateurs, mais je ne le trouve pas très confortable.

Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'offrir cette occasion de vous parler du projet de loi C-2. Grâce à cette loi, le Régime de pensions du Canada continuera de garantir une assise solide de revenu de retraite sûre aux travailleurs canadiens et à leur famille, à l'aube du nouveau millénaire. Il est le fruit d'un accord négocié par le gouvernement fédéral, huit provinces et les Territoires du Nord-Ouest. Cet accord lui-même est l'aboutissement du processus de consultations publiques le plus important exécuté conjointement par les deux niveaux de gouvernement dans un passé récent.

[Français]

(1420)

Cette démarche non partisane en vue de préserver le Régime de pensions du Canada est parfaitement appropriée dans les circonstances. En effet, ainsi que les consultations l'ont fait très clairement ressortir, le Régime de pensions du Canada fait partie intégrante de la culture de notre pays. Il est le symbole des grandes valeurs nourries par une très vaste majorité de Canadiens et de Canadiennes. C'est un fait que l'établissement du Régime de pensions du Canada, en 1966, se classe parmi les plus importantes initiatives de politique publique que notre pays ait connues. Il est inspiré d'une conviction qui dicte que le temps de la retraite ne devrait jamais être une période de pénurie pour les travailleuses et les travailleurs canadiens. Notre réussite en tant que pays peut se mesurer en grande partie par la protection que nous accordons à nos aînés.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le RPC incarne une autre valeur canadienne, celle du partage des responsabilités en vue de protéger ceux qui en ont besoin - par une aide concrète et fiable aux membres les plus vulnérables de notre société, c'est-à-dire les personnes handicapées, les veufs et les veuves ainsi que les orphelins. Ces valeurs sont aussi profondément ancrées et actuelles aujourd'hui qu'elles l'étaient dans les années 60. Et c'est pour ces raisons que le projet de loi C-2 a été déposé.

Un fait indéniable demeure: le Régime de pensions du Canada, qui a tant fait pour tant de gens, est soumis à des pressions de plus en plus fortes, et nous devons prendre des mesures dès maintenant, avant qu'il ne soit trop tard. L'accord fédéral-provincial conclu en février dernier nous ouvre la voie en ce sens. Le gouvernement fédéral et huit provinces ont montré qu'ils étaient prêts à prendre leurs responsabilités et à agir dès aujourd'hui, pendant qu'il est encore possible de gérer les problèmes qui touchent le RPC.

La valeur d'un gouvernement ne se mesure pas simplement à sa capacité de gérer le présent. Le gouvernement doit aussi faire preuve de la fermeté et de la clairvoyance nécessaires pour agir en prévision de l'avenir. Nous vivons en une époque d'évolution démographique - et historique - accélérée. Le Canada compte actuellement environ 3,7 millions d'aînés. Toutefois, ce nombre devrait augmenter considérablement à partir de 2011 environ, lorsque les «baby boomers» atteindront l'âge de la retraite. En 2030, il y aura quelque 8,8 millions d'aînés au Canada. Or, comme l'explosion des naissances survenue à la fin de la guerre a été suivie par un effondrement de la natalité, ces aînés représenteront une fraction plus importante que jamais de la population du pays.

En 1966, lors de l'instauration du RPC, on comptait environ huit Canadiens en âge de travailler par aîné. En 1997, on compte cinq personnes en âge de travailler par aîné. En 2030, il n'y aura plus que trois Canadiens en âge de travailler par aîné.

[Français]

Un autre changement d'importance vient s'ajouter à ce dilemme démographique. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la médecine et à un meilleur niveau de vie, l'espérance de vie est de plus en plus élevée et cette tendance devrait se poursuivre. L'espérance de vie des Canadiens et des Canadiennes d'aujourd'hui est de trois ans plus longue qu'en 1966. En l'an 2030, l'espérance de vie sera en moyenne de 4,5 ans plus longue. Ce phénomène a des répercussions importantes sur le Régime de pensions du Canada. Lorsque les «baby boomers» prendront leur retraite, ils recevront des prestations pendant une période moyenne de 20 ans contre 15 à l'époque où le RPC a été instauré.

[Traduction]

Compte tenu de ces réalités nouvelles, force est de constater que le RPC n'est plus viable sous sa forme actuelle. Il ne pourra relever les défis qui se poseront bientôt. Il faut agir maintenant, sinon des millions de travailleurs canadiens devront plus tard assumer un fardeau écrasant et injuste. Un fardeau qu'ils pourraient ne pas vouloir ou ne pas pouvoir supporter.

L'actuaire en chef du RPC a énoncé ce défi en termes non équivoques. Il estime que, si rien n'est fait, les taux de cotisation au RPC, qui sont aujourd'hui de moins de 6 p. 100, devront être haussés à plus de 14 p. 100 pour compenser la croissance des coûts. Cela signifierait une augmentation de plus de 140 p. 100 pour les générations à venir.

Monsieur le président, nous n'avons pas le droit de léguer un tel fardeau à nos enfants et à nos petits-enfants.

[Français]

Le projet de loi C-2 contient la solution à ce problème. Il renouvelle un engagement commun qui est de veiller à ce que le RPC demeure viable et abordable pour les travailleurs canadiens d'aujourd'hui et de demain. De plus, le projet de loi est le reflet d'un large consensus sur les changements requis.

[Traduction]

Lors des audiences fédérales-provinciales menées d'un bout à l'autre du pays, nous avons pris connaissance des avis d'actuaires et de spécialistes des pensions, de groupes de planification sociale et de chambres de commerce, de regroupements d'aînés et d'organisations représentant les jeunes, ainsi que de nombreux Canadiens qui se sentent concernés et qui ont réfléchi de manière consciencieuse. Le message que nous retenons de ces audiences est clair: les Canadiens veulent bénéficier du Régime de pensions du Canada, ont besoin de ce régime et comptent sur lui.

Nous avons par la même occasion appris ce que les Canadiens ne veulent pas. Ils nous ont dit que nous ne devons pas laisser le RPC aller à la dérive, que le RPC ne doit pas être privatisé et qu'il ne doit pas non plus être éliminé. Par ailleurs, les Canadiens souhaitent que les problèmes du RPC soient réglés sans pour autant que l'on transmette aux jeunes générations un fardeau écrasant. Ils veulent que les problèmes du RPC soient réglés dès maintenant et qu'ils soient réglés de la bonne façon.

Ils nous ont dit de préserver le RPC en renforçant son financement, en améliorant les pratiques de placement, et en freinant la hausse du coût des prestations. Dans le but de renforcer le financement du régime, le gouvernement fédéral et les provinces proposent d'accélérer l'augmentation des taux de cotisation au cours des six prochaines années, jusqu'à ce que ce taux corresponde à 9,9 p. 100 des gains cotisables. Les cotisations sont versées pour moitié par l'employeur et pour moitié par l'employé.

Il faut bien observer que ce taux de 9,9 p. 100 suffira à assurer la viabilité du RPC sans qu'il soit nécessaire de procéder à des hausses subséquentes. Il ne faut pas oublier que, en vertu de la législation actuellement en vigueur, il est déjà prévu que les taux de cotisation au RPC grimperont au-dessus de la barre des 9,9 p. 100. En fait, le taux devait atteindre 10,1 p. 100 en 2016.

Ce taux permanent de 9,9 p. 100 permettra à chaque cotisant de financer ses propres prestations, plus une part équitable et uniforme du passif non capitalisé du régime qui s'est accumulé au fil des ans parce que nous n'avons pas payé notre part. Il s'agit du moyen le plus juste de nous acquitter de nos obligations. Le coût des pensions sera réparti de façon égale et équitable entre les générations. Grâce à cette capitalisation supérieure, les fonds du RPC augmenteront de façon importante.

Une nouvelle politique de placement est donc proposée afin que les fonds du RPC soient investis de manière à offrir le meilleur rendement possible, ce qui est dans l'intérêt de tous les Canadiens qui cotisent au régime.

Chaque dollar gagné sur les placements est un dollar de moins à payer par les travailleurs canadiens et leurs employeurs. Les Canadiens ont le droit de profiter du meilleur taux de rendement possible, tout en sachant qu'ils peuvent compter sur leurs prestations.

Le projet de loi C-2 propose que le fonds du RPC soit investi de façon prudente par des professionnels dans un portefeuille diversifié de valeurs mobilières. Toutes les précautions seront prises pour préserver les décisions de placement de toute influence d'ordre politique. L'Office d'investissement n'aura aucun lien de dépendance avec les gouvernements.

[Français]

Monsieur le président, en conjonction avec ces changements importants au financement du régime et à la politique de placement, nous apportons des modifications au mode d'administration et de calcul des prestations. Je précise immédiatement que ces modifications n'auront aucune incidence sur les prestations de pension reçues à l'heure actuelle par les aînés. J'ajouterai que 75 p. 100 des changements sont d'ordre financier et que 25 p. 100 seulement ont trait aux prestations proprement dites.

[Traduction]

Avant de terminer, monsieur le président, je voudrais évoquer rapidement certaines opinions et critiques exprimées à l'égard de l'accord fédéral-provincial sur le RPC. Selon certains, le RPC n'est pas en danger dans l'immédiat, et il est inutile d'y apporter dans les plus brefs délais des changements fondamentaux. Quiconque prétend que le RPC est en parfaite santé doit vivre dans un autre monde. La solution de facilité, pour un gouvernement, consiste à adopter la politique de l'autruche et à prétendre que tout va bien.

[Français]

(1430)

Pourtant, il suffit de quelques notions mathématiques et d'un peu de bon sens pour comprendre que plus nous tardons à agir, plus il faudra hausser les cotisations dans l'avenir. Si on considère objectivement et rationnellement la situation, on comprendra que la solution la plus équitable et la seule qui soit responsable est de s'assurer que les gens comme vous et moi commencent à payer plus pendant que nous sommes encore sur le marché du travail de manière à ne pas refiler à nos enfants une facture absolument écrasante.

[Traduction]

D'autres considèrent que le projet de loi C-2 constitue une ponction fiscale, sous forme de cotisations plus élevées au RPC, et que ces mesures devraient être contrebalancées par une réduction des cotisations d'assurance-emploi. Ce raisonnement est non seulement boiteux, mais il est carrément absurde. Les cotisations au RPC ne sont pas un impôt. Elles constituent une épargne, qui prend la forme de prestations de pension, et elles contribuent à la protection financière de la famille. Ces cotisations sont versées dans un fonds séparé, et non dans les coffres de l'État, et elles seront investies comme le sont les fonds de n'importe quel autre régime de pensions.

Il est certain que les impôts devraient être réduits. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous venons de ramener les cotisations d'assurance-emploi de 2,90 $ à 2,70 $. De plus, nous nous sommes engagés à utiliser une partie du dividende budgétaire, lorsque le budget fédéral sera équilibré, pour réduire le fardeau fiscal. Toutefois, nous ne permettrons pas que la question de la nécessité de préserver le Régime de pensions du Canada donne lieu à des marchandages insensés ou à des affirmations fausses. Nous devons aux Canadiens qui s'attendent de bénéficier d'une retraite sûre de choisir des solutions judicieuses. C'est ce que nous faisons avec le projet de loi C-2.

À l'autre extrême, honorables sénateurs, il y a des personnes qui considèrent que le RPC est en trop mauvais état pour pouvoir être renfloué, et qu'il vaudrait mieux recourir à des REER obligatoires, qui coûteraient moins cher et fourniraient de meilleures pensions que le RPC.

[Français]

Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à préciser que les REER sont un élément essentiel et très important de notre régime de retraite, de notre revenu de retraite. Les Canadiens et les Canadiennes qui planifient en vue de leur retraite comptent à la fois sur le RPC et sur leurs économies détenues dans les REER.

Comme je l'ai dit dans la mise à jour économique et financière, l'aide fiscale dont bénéficient les Canadiens et les Canadiennes qui économisent en vue de leur retraite dans le cadre de RPA ou de REER sera accrue aussi rapidement que possible.

[Traduction]

Toutefois, monsieur le président, les Canadiens d'un océan à l'autre nous ont clairement affirmé qu'ils ne veulent pas que la totalité de leurs pensions de base soit à la merci de décisions sur des placements privés. Ils ont tout à fait raison.

Arrêtons-nous un instant à ce qui se passerait si nous décidions d'adopter la solution de l'épargne-retraite exclusivement privée, sous forme de REER.

En premier lieu, le régime de revenu de retraite ne comporterait plus de composante garantie et prévisible. Le revenu de retraite des Canadiens dépendrait de leur capacité d'anticipation et de gestion dans un marché boursier souvent volatile, comme nous avons pu le constater ce mois-ci. Pour tous les Canadiens, la planification de la retraite deviendrait en bout de ligne une question de chance ou de clairvoyance hors du commun dans les placements.

En deuxième lieu, le choix de se retirer du marché du travail pour élever des enfants se traduirait par un revenu de retraite moins élevé.

En troisième lieu, des familles entières n'auraient plus aucune protection financière en cas de décès ou d'invalidité d'un cotisant au RPC.

[Français]

La plupart des Canadiens sont conscients de ces préoccupations. C'est pourquoi ils tiennent à la sécurité que leur assure le RPC à titre de régime public garanti par le gouvernement. C'est pourquoi ils veulent que le RPC soit amélioré et non mis à la poubelle.

[Traduction]

Et outre la sécurité qu'offre le RPC, il ne faut pas oublier la valeur qu'il représente. J'ai dit il y a un instant que j'étais sur le point de conclure, honorables sénateurs, mais l'une des choses que j'ai apprises de mon père, c'est que, lorsqu'on dit à ses auditeurs qu'on est sur le point de conclure, ils le croient et sont prêts à écouter encore un peu. Cela dit, je vais tout de même conclure.

Est-il vrai que des REER obligatoires pourraient fournir des prestations équivalentes ou meilleures, tout en revenant moins cher que le RPC? Voilà la question que j'ai posée de manière très précise à mes fonctionnaires, et j'aimerais que vous preniez connaissance de leur analyse.

D'abord, grâce à la nouvelle politique de placement des fonds du RPC, celui-ci offrira un rendement aussi avantageux qu'on peut l'espérer en plaçant soi-même son épargne; de plus, le gouvernement canadien garantit les prestations déterminées promises par le RPC.

[Français]

Ensuite, les coûts d'administration du RPC, tout comme les dépenses entraînées par les placements de fonds sont beaucoup plus faibles que les coûts liés à des millions de régimes individuels. Par exemple, nous prévoyons que les coûts reliés à l'Office d'investissement du RPC se chiffreront à un dixième de 1 p. 100 de l'actif, ratio qui est conforme à ceux des grandes caisses de retraite. À titre de comparaison, les coûts de REER individuels représentent en général 2 p. 100 de l'actif, soit un ratio 20 fois supérieur. Si on tient compte de l'éventail complet des coûts, la facture de REER obligatoire pour les Canadiens et les Canadiennes serait à un niveau égal de prestations de 15 p. 100 supérieur aux coûts du RPC.

[Traduction]

Enfin, le RPC protège les familles lorsque le soutien de famille devient invalide ou décède, tout comme il protège les pensions des parents qui se retirent du marché du travail pour s'occuper de leurs jeunes enfants. Tout cela, les REER ne peuvent l'offrir.

Par conséquent, monsieur le président, je comprends mal comment les critiques du RPC peuvent prétendre que des régimes d'épargne-retraite obligatoires seraient plus avantageux. La seule conclusion possible est que ces critiques refusent de tenir compte du coût bien réel des engagements déjà pris en vertu du RPC - des engagements que nous avons non seulement envers les aînés d'aujourd'hui, mais aussi envers tous ceux et celles qui cotisent depuis des années au RPC, et qui comptent sur leur pension quand viendra l'âge de la retraite.

Les partisans de l'élimination du RPC doivent nous expliquer très clairement qui va payer les 600 milliards de dollars, ou presque, qui sont en jeu. Quels sont les impôts et taxes qu'ils vont augmenter, et de combien? Aucun tour de passe-passe ne peut faire disparaître ces 600 milliards de dollars. En outre, quelle sera la situation des jeunes travailleurs et de ceux qui se joindront à la population active au cours des années à venir? En bout de ligne, le remplacement du RPC par des REER obligatoires aurait des répercussions triples sur eux. Ils devraient assumer le coût des prestations versées à leurs grands-parents, c'est-à-dire les aînés qui reçoivent à l'heure actuelle des prestations. Ils devraient également assumer le coût des prestations de leurs parents qui ont versé des cotisations pendant des années et s'attendent à recevoir des prestations à leur retraite. Et ils devraient enfin verser des cotisations à leur propre compte de REER. De plus, s'ils voulaient avoir la même protection que celle offerte par le RPC, ils devraient également souscrire des polices d'assurance-vie et d'assurance-invalidité privées. Toutes ces obligations se traduiraient au bout du compte par des coûts astronomiques.

Pour conclure, notre gouvernement et celui des provinces qui appuient l'accord ne manqueront pas à leurs responsabilités. Nous respecterons nos obligations envers le Régime de pensions du Canada. Le Régime de pensions du Canada doit continuer d'offrir aux Canadiens une assise solide et sûre à partir de laquelle ils pourront planifier en vue de leur retraite, à un coût abordable.

Le projet de loi C-2 est le reflet d'un accord historique qui nous permettra de nous acquitter de nos responsabilités de façon efficace et honnête. Ce projet de loi mérite votre appui et une adoption rapide, honorables sénateurs.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Je rappelle aux honorables sénateurs que les règles régissant le comité plénier prévoient une période de questions de dix minutes, à moins d'une entente à l'effet contraire. J'appliquerai cette règle. Bien entendu, je prends les noms des sénateurs qui désirent poser des questions. Je donnerai d'abord la parole à l'honorable sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais expliquer pourquoi, la semaine dernière, l'opposition au Sénat a eu recours au Règlement pour faire cesser toute étude de projet de loi et surtout de celui-ci.

Nous avons adopté cette position après avoir essayé, pendant plus de deux mois, de convaincre le gouvernement qu'il devrait profiter des compétences et des aptitudes réunies en cette Chambre pour l'étude du projet de loi C-2. Il importe de comprendre les motifs de notre position.

Dès le 9 octobre, le sénateur Kinsella s'est levé en cette Chambre pour souligner que la clôture avait été imposée au débat sur le même projet de loi à la Chambre des communes et que le premier ministre lui-même avait publiquement déclaré qu'il espérait obtenir une entente avant la fin de l'année. Le sénateur Kinsella a précisé que, selon ses prévisions, le projet de loi ne nous parviendrait pas avant le début de décembre et qu'il recommandait donc que le Sénat amorce l'étude préalable du projet de loi avant même que celui-ci ne soit renvoyé au comité par la Chambre des communes. Cette proposition est demeurée sans suite.

Deux semaines plus tard, le 23 octobre, le sénateur Kinsella est intervenu à nouveau pour dire que les sénateurs de ce côté-ci étaient prêts à procéder à l'étude préalable du projet de loi. Il est hautement inhabituel que l'opposition dans l'une des Chambres offre ainsi son aide au gouvernement dans le but de hâter l'adoption d'un projet de loi. Généralement, c'est plutôt le gouvernement qui demande à l'autre Chambre de collaborer en procédant à une étude préalable. Dans ce cas toutefois, l'opposition, reconnaissant l'importance de ce projet de loi et ses effets directs ou indirects sur tous les Canadiens, a offert toute son aide. Encore une fois, cette offre est restée sans réponse. Pendant ce temps, nos représentants au comité sénatorial permanent des banques et du commerce essaient d'en arriver à une entente avec la majorité libérale en ce qui concerne la tenue d'audiences pancanadiennes sur le projet de loi, un genre d'étude préalable. Pour que cette suggestion soit retenue, il fallait que nous garantissions que le projet de loi serait adopté avant l'ajournement des Fêtes, ce que nous ne pouvions évidemment pas garantir tant que le projet de loi n'aurait pas été étudié à fond.

(1440)

À la fin de novembre, nous avons appris que, du côté du gouvernement, on était disposé à laisser le comité mener une étude préalable pourvu que celui-ci fasse rapport au plus tard le lundi 1er décembre. Or, la Chambre des communes avait convenu que la troisième lecture aurait lieu le 3 décembre. De toute évidence, toute étude préalable était inutile puisque l'autre endroit aurait déjà franchi l'étape à laquelle il peut prendre en considération les recommandations découlant de l'étude préalable du Sénat. En fin de compte, la troisième lecture a eu lieu le 4 décembre, les travaux du 3 décembre ayant été consacrés à l'adoption de la loi forçant le retour au travail des postiers.

Nous avons accepté de rester ici le jeudi 4 décembre pour la présentation et la première lecture du projet de loi. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre et les autres, l'opposition s'est comportée de façon plus que responsable.

Le lundi 8 décembre, le sénateur Kirby a ouvert le débat au nom du gouvernement. Il n'a fait aucune mention de l'urgence d'adopter ce projet de loi avant la fin de l'année civile ni dans son discours, ni durant la période de questions et réponses qui a suivi.

Le mardi 9 décembre, le sénateur Tkachuk fut le premier conservateur à prendre la parole, suivi des sénateurs Stratton et Bolduc. Ensuite, le sénateur Gigantès, un libéral, a proposé l'ajournement du débat. C'est lui, pas nous, qui a proposé l'ajournement du débat. Le fait qu'un sénateur d'en face présente une telle motion renforçait l'idée que la question n'était pas si urgente puisque son étude pouvait être reportée au lendemain sans problème.

Le mercredi 10 décembre, le sénateur St. Germain a pris la parole au sujet du projet de loi, suivi du sénateur Meighen. Au cours de cette séance, nous avons appris, par l'intermédiaire de la présidence, que la sanction royale allait être donnée à 16 heures. Quand une sanction royale est prévue, nous en sommes normalement avisés avant le début de la séance, afin de pouvoir organiser nos travaux en conséquence.

Au moment où elle devait intervenir, madame le sénateur Spivak a remarqué qu'il ne restait pas assez de temps avant la sanction royale pour qu'elle prononce tout son discours, de sorte qu'elle a proposé l'ajournement du débat, afin de ne pas être interrompue lorsqu'elle prendrait vraiment la parole. La motion d'ajournement du débat a été adoptée à l'unanimité.

Immédiatement après, le leader adjoint du gouvernement a donné avis d'une motion de clôture. Le gouvernement s'est donc contredit de façon extraordinaire en approuvant l'ajournement du débat et, immédiatement après, en annonçant que la clôture serait imposée dès la fin du débat du lendemain.

Encore une fois, le gouvernement a procédé de façon illogique en ce qui concerne l'étude de ce projet de loi au Sénat et nous ne sommes pas responsables de son attitude.

Constatant que tout effort de notre part pour participer à une évaluation de ce projet de loi restait vain, nous avons consulté le Règlement, ce qui a au moins donné l'alerte.

Monsieur le ministre, vous avez été alerté et vous avez fait part de vos craintes par écrit. Aujourd'hui, vous avez mentionné que votre père avait occupé le siège que vous occupez maintenant. Je suis certain qu'il serait fier de vous y voir. J'ignore toutefois ce qu'il aurait pensé s'il avait su que vous étiez hier à la réunion du caucus de l'opposition au Sénat. Je crois néanmoins que nous avons eu de bons échanges et je suis heureux qu'ils soient suivis de cette rencontre.

Monsieur le ministre et honorables sénateurs, voilà qui explique la position que nous avons défendue. Depuis deux mois, peu importe nos efforts pour obtenir une évaluation responsable de ce projet de loi, on nous repousse. Nous avons donc dû recourir à une stratégie qui, je l'espère, n'aura pas besoin d'être répétée.

Quelle est la situation maintenant et que demandons-nous? Compte tenu de l'état du fonds d'assurance-emploi et de l'excédent qui est en hausse, nous croyons vraiment qu'il faudrait songer à d'autres réductions pour compenser la hausse vertigineuse des cotisations au RPC, qui totalisera plus de 70 p. 100 sur six ou sept ans.

Nous sommes d'avis que la population ne connaît pas assez les répercussions de ce projet de loi. Bien sûr, il y a eu des consultations, mais pas comme il aurait dû y en avoir auprès des contribuables et de la population en général. Nous croyons fermement qu'il était incorrect d'étudier ce projet de loi à toute vapeur à la Chambre des communes et nous ne voulions pas prêter notre concours pour qu'il soit étudié de la même façon au Sénat.

Dans l'avenir, vous allez proposez une loi sur les prestations des personnes âgées, un projet de loi tout aussi important qui touchera des millions de Canadiens. Nous espérons qu'avant de lever la séance aujourd'hui vous confirmerai que cette offre que nous avons faite relativement au projet de loi C-2 s'appliquera également dans le cas de la loi sur les prestations des personnes âgées, que vous inciterez le Sénat à s'en occuper à la première occasion, que vous voudrez qu'un comité sénatorial tienne des consultations à la grandeur du pays, et que vous considérerez ses recommandations comme utiles au gouvernement. Venant de l'opposition, c'est une offre qui, à mon avis, ne saurait être rejetée.

Nous avons exprimé nos préoccupations relativement à l'obligation de rendre compte et à l'indépendance de l'Office d'investissement, qui gérera le fonds, les actifs qui, selon vos estimations, s'élèveront à 75 milliards de dollars dans 10 ans, si je ne m'abuse. J'espère que vous confirmerez aujourd'hui que les dispositions relatives à l'office ne seront pas proclamées avant que le Sénat ait eu l'occasion de faire des recommandations par suite des audiences.

En ce qui concerne nos appréhensions au sujet de l'obligation de rendre compte et de l'indépendance de l'office, j'ai attiré votre attention sur les remarques que le sénateur Pitfield a faites hier. Le sénateur Pitfield a été très proche du gouvernement fédéral et de ses activités. Il a formulé des réserves quant aux offices établis avec les meilleures intentions du monde, mais qui, soudainement, ne remplissent pas leur obligation de rendre compte, soit par négligence, par désintérêt, ou encore simplement parce que l'office est trop puissant. Nous essayons d'éviter pareille situation. Un bon exemple nous est donné pas la Caisse de dépôt et de placement du Québec, qui a commencé avec les meilleures intentions du monde. Sa politique d'investissement était calquée sur celle des compagnies d'assurance-vie, qui étaient régies par la loi sur les assurances de l'époque. Après un certain temps, le gouvernement est devenu trop gourmand, trop partisan et il a trop souvent utilisé les fonds de la Caisse de dépôt pour des investissements motivés par des intérêts partisans plutôt que dans l'intérêt de ceux qui devaient bénéficier de ses activités. Nous voulons éviter que le fonds soit utilisé à des fins autres que la protection des dépôts des Canadiens qui y cotiseront.

Monsieur le ministre, telle est fondamentalement notre position. Mes collègues donneront plus de détails sur les questions générales que je viens de vous présenter.

Je tiens à ce que vous et vos collègues sachiez et compreniez pourquoi nous avons dû agir comme nous l'avons fait. Ce n'était pas de gaîté de coeur et nous ne tenons certainement pas à le refaire. Cependant, nous voulons que vous sachiez que, peu importe ce qui a été dit au sujet de notre institution, il y a des deux côtés du Sénat des personnes possédant un talent, des capacités et un dévouement remarquables. À notre avis, il est déplorable qu'on ne fasse pas meilleur usage de notre compétence. Nous avons offert notre collaboration et nous serons heureux de l'offrir encore.

M. Martin: Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Je tiens à remercier tous les sénateurs pour m'avoir permis de me présenter ici et je vous remercie, sénateur Lynch-Staunton, de m'avoir donné la possibilité de m'entretenir avec le caucus conservateur hier. Cependant, je n'ai pas dormi de la nuit. J'entendais constamment des voix qui disaient: «Paul, Paul, qu'as-tu donc fait?» Je tiens néanmoins à vous remercier pour l'occasion que vous m'avez offerte hier.

(1450)

Nous voulons abaisser les cotisations à l'assurance-emploi dès que cela sera possible. Nous en avons l'intention. Je comprends parfaitement votre argument. Cependant, même sans un tel argument, nous voudrions abaisser les cotisations à l'assurance-emploi le plus rapidement possible et nous le ferons lorsque le gouvernement aura les moyens financiers de le faire.

De concert avec le provinces, nous avons entrepris le processus de consultation peut-être le plus poussé jamais vu sur un tel sujet. Le gouvernement fédéral a mené des consultations de son côté et chacune des provinces l'a fait elle aussi sur son territoire. Nous avons véritablement tenté, dans toute la mesure du possible, de connaître les vues des Canadiens et je crois que nous avons réussi à sonder pratiquement tous les secteurs de la société canadienne.

Compte tenu de leur expérience et de leur perspicacité, je n'ai aucun doute quant à la capacité des sénateurs des deux côtés de s'occuper de tels dossiers. Le gouvernement serait bien bête de se priver d'une offre impartiale pouvant l'aider à prendre la bonne décision. Je n'ai évidemment aucun contrôle sur ce qui arrivera en bout de ligne, mais je peux certainement vous dire que les conseils et les suggestions que pourrait fournir le Sénat seraient très utiles pour nous.

Sur la question de l'administration de l'office, il va sans dire que nous partageons vos préoccupations et essayons de respecter cet équilibre délicat entre l'indépendance, d'une part, afin qu'il n'y ait aucune ingérence politique, et la responsabilisation, d'autre part, qui est un élément essentiel de notre démocratie. Je suis prêt à confirmer que ces dispositions du projet de loi n'entreront pas en vigueur avant le 1er avril.

Le sénateur Grafstein: Merci, monsieur le ministre. Je ne peux m'empêcher de penser que l'esprit de votre père, s'il n'est pas dans votre fauteuil, est certainement dans cette pièce aujourd'hui, et nous sommes ravis de vous avoir ici.

Vous avez parlé du fonds du RPC et de la taille de ce fonds. Le fonds proposé pourrait atteindre entre 75 milliards et 125 milliards de dollars. Ce sont là des chiffres énormes. Ce serait le plus important fonds commun de capitaux d'investissement au Canada, probablement l'un des plus importants du monde.

D'après les lectures que j'ai faites, l'histoire législative des institutions bancaires et financières au Canada est fondée sur la simple thèse selon laquelle le pouvoir économique, ou le pouvoir financier, devrait être divisé, dispersé, compétitif et responsable. Selon cette thèse, aucune source de pouvoir économique ne peut surclasser ou diluer le pouvoir du Parlement, de la population ou des institutions comme la Banque du Canada.

Comme l'a mentionné plus tôt le chef de l'opposition au Sénat, cet argument a été invoqué contre la création de la caisse de dépôt avant que celle-ci ne soit établie. Nous avons entendu dire depuis ce temps que le gouvernement a tenté de se servir de la caisse à des fins politiques. Je ne veux pas me lancer dans un débat sur la validité de ces allégations, mais supposons pour un instant que, si le gouvernement ne s'est pas servi de la caisse à des fins politiques, la tentation est forte.

Que pensez-vous de cela compte tenu de la taille et de la portée du fonds d'investissement proposé dans cette mesure législative?

M. Martin: Honorables sénateurs, je comprends votre préoccupation, que je partage. Le danger que ce fonds soit utilisé à des fins politiques est moindre dans le cas du Régime de pensions du Canada puisqu'il n'y aura pas qu'un seul gouvernement en cause, soit le gouvernement fédéral, mais bien dix gouvernements et deux territoires et, si vous regardez la scène politique au Canada aujourd'hui, trois partis politiques. Cela assure un certain degré de protection.

Toutefois, pour répondre à votre question sur la taille du fonds ainsi qu'à la question du sénateur Lynch-Staunton, je dirai que, dans nos discussions avec les ministres des Finances, nous avons été très sensibles en particulier au fait que, à l'origine, le fonds sera très petit, il ne grimpera qu'à 2 milliards de dollars au cours des trois prochaines années avant d'atteindre les chiffres que vous avez mentionnés. Les frais administratifs de fonds qui sont en concurrence sont assez élevés. L'existence d'un seul fonds nous permet donc de faire de grandes économies. Cela ne répond pas, naturellement, à votre question, mais c'est un fait.

On prévoit que, dans dix ans, le fonds aura atteint sensiblement la même taille que le régime de retraite des enseignants, la même taille que la caisse et sera un peu plus important que le régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. Autrement dit, il figurera parmi les cinq principaux régimes de retraite au pays, mais ne les dominera pas encore à ce stade-là.

Cela étant dit, le gouvernement fédéral et les provinces effectueront des vérifications triennales. Les dangers que vous avez mentionnés sont bien réels. S'ils se concrétisent ou sont imminents, les divers ordres de gouvernement auront le pouvoir de diviser le fonds en fonds concurrentiels.

Le sénateur Grafstein: Faudra-t-il le consentement des provinces pour diviser le fonds?

M. Martin: Il faudra le consentement des deux tiers.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le ministre, mon leader, le sénateur Lynch-Staunton, n'a peut-être pas aimé avoir à user de tactiques pour contrer les efforts du gouvernement, mais, moi, j'ai bien aimé l'expérience.

Comme vous le savez peut-être, le Parti progressiste-conservateur préconise une réduction des cotisations à l'assurance-emploi ou de l'impôt sur le revenu pour compenser l'augmentation du taux de cotisation au Régime de pensions du Canada que propose votre gouvernement, car nous croyons que le taux d'imposition est trop élevé et que les charges sociales, comme l'augmentation des cotisations au RPC, nous font perdre des emplois. Nous ne semblons pas nous entendre sur le fait qu'il s'agit de charges sociales, mais nous reviendrons à cette question un peu plus tard.

En fait, l'augmentation que vous proposez correspond au salaire que touche, pour une semaine de travail, quiconque gagne moins de 35 800 $ par année. Pour un travailleur autonome, la hausse représente environ deux semaines de gains. En même temps, à la fin de la présente année, les cotisations versées au régime d'assurance-emploi excéderont de quelque 20 milliards de dollars les prestations payées. Pouvons-nous espérer certaines réductions dans le prochain budget, au niveau des prestations d'assurance-emploi ou de l'impôt sur le revenu, et de quel excédent avez-vous besoin dans le fonds d'assurance-chômage avant de pouvoir accorder des réductions?

M. Martin: Sénateur Tkachuk, je n'ai pas l'intention de discuter maintenant de ce qui sera inclus ou non dans le prochain budget. Toutefois, pour ce qui est des cotisations, nous avions prévu de les faire passer de 2,90 $ à 2,80 $. Or, nous les avons fait baisser à 2,70 $ précisément pour les raisons que vous venez de mentionner. Nous sommes conscients de la nécessité de réduire ces cotisations. Les cotisations à l'assurance-emploi sont examinées en novembre et ne constituent pas, par conséquent, un poste budgétaire. Nous sommes très conscients de la nécessité de faire baisser l'impôt sur le revenu des particuliers, certainement dans le cas des Canadiens à revenus faibles et moyens, ainsi que les cotisations à l'assurance-emploi, et nous le ferons dès que nous le pourrons.

Le sénateur Tkachuk: Je veux en venir à votre déclaration selon laquelle les cotisations au RPC ne représentent pas des charges sociales mais plutôt des économies. Pourquoi n'avons-vous rien épargné depuis 30 ans?

(1500)

M. Martin: Sénateur, en réalité les gouvernements ont épargné. Jusqu'à maintenant, le fonds du RPC était investi à un taux légèrement subventionné dans des obligations provinciales et autres. Ces obligations font l'objet d'un roulement et font partie de l'actif du fonds.

Le problème, c'est que quand le régime a été mis sur pied, au milieu des années soixante, il reposait sur un financement par répartition et était fondé sur un ensemble d'hypothèses qui se sont révélées incorrectes. Ces hypothèses supposaient que le ratio travailleurs/retraités allait demeurer sensiblement le même qu'à l'époque, soit 8 pour 1. Nous savons maintenant qu'il sera de 3 travailleurs pour 1 retraité. Le régime se fondait aussi sur des tables de mortalité en vertu desquelles l'espérance de vie des Canadiens était beaucoup plus courte que ce n'est le cas en réalité. C'est tant mieux si nous vivons plus longtemps, mais cela entraîne des coûts.

Un troisième élément qui est intervenu - et nous nous en protégeons dans la mesure législative proposée - est que d'autres coûts se sont greffés aux prestations. Or, ces coûts n'avaient pas été pleinement calculés. Ils sont donc venus s'ajouter sans que l'on ait prévu le financement nécessaire, de sorte que le gouvernement fédéral et les provinces se trouvent maintenant aux prises avec un passif de 600 milliards de dollars, et qu'il faut trouver une solution au problème.

Le sénateur Tkachuk: Voilà pourquoi notre parti est tellement préoccupé. Comme vous l'avez dit, un certain nombre d'erreurs ont été commises dans les 30 dernières années dans les tables et les investissements actuariels de telle sorte que nous n'avons pas touché le rendement escompté. Voici qu'on demande à nos enfants et à nos petits-enfants de faire les frais de ces erreurs, et nous trouvons cela fondamentalement injuste. Comment peut-on dire qu'on a fait une série d'erreurs sur une période de 30 ans, mais que, soit dit en passant, ce sont les Canadiens de 25 ans qui devront payer pour ces erreurs? Le gouvernement ne s'efforcera pas le moindrement de réduire les effets de ces erreurs. Nous ne croyons pas juste qu'un garçon ou une fille de 25 ans paie pour le reste de sa vie parce qu'on n'a pas su mettre de l'ordre dans ses affaires au cours des 30 dernières années. C'est pourquoi cette mesure nous préoccupe tant et pourquoi nous sommes tellement catégoriques sur ce que nous essayons d'obtenir, à savoir une réduction équivalente. Nous voulons que le gouvernement s'excuse de l'erreur qu'il a commise et qu'il réduise les impôts pour aider les jeunes qui débutent leur carrière.

M. Martin: D'abord, sénateur, il aurait été des plus faciles pour tout gouvernement, quelle que soit son allégeance politique, de laisser simplement aller les choses puisque le moment critique ne viendra qu'en 2011. Toutefois, nous avons estimé que nous ne pouvions pas faire cela. Si nous agissons maintenant, c'est justement pour la raison que vous donnez - nos enfants et nos petits-enfants. Si nous n'avions rien fait, la hausse n'aurait pas été de 9,9 p. 100, mais bien de 14,2 p. 100. Cela aurait été un fardeau insupportable.

Ce que nous faisons, c'est accélérer les hausses de taux, puis plafonner les taux de telle sorte que ma génération absorbe un plus grand pourcentage qu'elle ne l'aurait fait autrement et que nos enfants en absorbent un moins grand pourcentage.

En fait, sénateur, nous faisons exactement ce que vous dites. Nous réglons la question de l'équité entre générations, pas autant que nous le souhaiterions, mais dans la mesure où la génération actuelle de travailleurs peut le faire.

Ensuite, sénateur, comme le gouvernement a réussi à réduire et à venir raisonnablement près de supprimer le déficit pour la première fois depuis longtemps, nous pouvons en fait envisager des baisses d'impôt. J'espère que cela sera le début d'une démarche qui amènera une baisse plutôt qu'une hausse d'impôt de telle sorte que nos enfants paient moins d'impôts que nous.

Le sénateur Tkachuk: De quel ordre doit être l'excédent pour que vous vous sentiez à l'aise de réduire les cotisations à l'assurance-emploi?

M. Martin: Lorsqu'il a évalué l'importance de l'excédent, l'actuaire en chef a dit que celui-ci devait être de l'ordre de 16 milliards de dollars pour que l'on puisse protéger le fonds contre toute baisse.

La deuxième chose dont il nous faut tenir compte, c'est que le fonds est consolidé dans nos comptes. Nous avons fait cela en 1986 parce que le vérificateur général a insisté pour qu'il en soit ainsi. Ce qu'il faut se rappeler, c'est que toute baisse de dix cents coûte 700 millions de dollars.

Le sénateur Tkachuk: C'est beaucoup d'argent.

Le sénateur Pitfield: Monsieur le ministre, votre présence parmi nous est une preuve merveilleuse de l'excellence de notre régime parlementaire démocratique; aussi, je vous remercie d'être parmi nous et d'avoir rendu cette séance possible.

Si vous me le permettez, je vais modifier un peu l'orientation des questions. Vous vous souvenez peut-être de l'ancienne maxime selon laquelle, pour un point, Martin perdit son âne. Vous reconnaîtrez sûrement que vous pourriez perdre ce que vous vous efforcez de préserver si vous n'adoptez pas les bonnes modalités administratives. Certains d'entre nous craignent beaucoup que vous n'adoptiez pas les bonnes.

Pour dire les choses sans mettre de gants blancs, le ministre fédéral des Finances doit-il ou non rendre compte au Parlement et à ses collègues de ces opérations? S'il n'a pas de comptes à rendre, qui est responsable?

M. Martin: Honorables sénateurs, l'office rendra compte au Parlement, par mon entremise. Le vérificateur général aura la responsabilité générale de vérifier les livres du Régime de pensions du Canada.

Le sénateur Pitfield: J'imagine, monsieur le ministre, que nous n'aurons pas à discutailler comme nous le faisons à propos de la Société Radio-Canada, par exemple, lorsque les ministres disent qu'ils rendent compte des activités de cette société sans en être toutefois responsables.

M. Martin: Honorables sénateurs, l'office rend compte au Parlement par mon entremise. Je suis certain que s'il y avait un problème, je serais tenu responsable. Je suis également certain que si tout va bien, l'opposition ne m'en reconnaîtra guère le mérite.

Le sénateur Pitfield: L'office peut faire les investissements qu'il veut, dans les limites des exigences fixées par la loi. Il pourrait se lancer dans l'expansion économique régionale, si cela constituait un bon investissement.

M. Martin: Non, sénateur, il ne le pourrait pas. Son mandat est très clair. Il doit placer les sommes dans l'intérêt des personnes concernées, c'est-à-dire celles qui recevront des pensions du Canada. Des limites très strictes sont imposées en ce qui concerne les secteurs dans lesquels l'office peut investir. À l'heure actuelle, il ne pourrait pas lancer un programme d'expansion économique régionale.

Le sénateur Pitfield: Par qui ce contrôle serait-il exercé?

M. Martin: L'office doit fonctionner conformément aux directives énoncées dans la loi ou par les ministres tant provinciaux que fédéral des Finances. Pour qu'il en soit autrement, il faudrait essentiellement que les ministres des Finances modifient l'orientation de l'office.

Le sénateur Pitfield: Permettez-moi de vous donner un deuxième exemple lié au précédent; l'une des grandes difficultés que pose l'administration de ces organismes gouvernementaux est cette capacité qu'ils ont de créer de multiples filiales. Ce ne sont pas nécessairement des sociétés d'État, mais plutôt des sociétés du secteur public qui, dans le passé, ont constitué 15 ou 16 filiales dont le gouvernement central ne connaissait pas l'existence. Que fera-t-on à ce sujet? Est-ce interdit, ou le Conseil du Trésor exercera-t-il un certain contrôle?

(1510)

M. Martin: Au départ, l'Office d'investissement n'aura pas cette capacité. Nous l'avons constitué en lui imposant, pour commencer, des limites strictes quant aux investissements qu'il peut faire. En fait, au cours des trois premières années, à part de renouveler des obligations provinciales, il ne pourra qu'investir aux taux d'intérêt pratiqués sur le marché.

Il n'est inconcevable que, plus tard, l'office puisse se montrer plus aventureux et diversifier ses activités. Cela exigerait cependant que son mandat soit modifié de façon radicale. Pour ce faire, il faudrait obtenir le consentement des deux tiers des ministres provinciaux des Finances et du ministre fédéral.

Le sénateur Pitfield: Je ne me lancerai pas dans un débat sur ce point avec vous, monsieur le ministre. Ce n'est pas mon rôle de le faire aujourd'hui. Je pourrais vous demander - et je le ferai à un moment donné - de me montrer où de tels droits et pouvoirs sont prévus dans la loi, sous sa forme actuelle.

Ce qu'elle prévoit, c'est la création d'une société jouissant de la capacité pleine et entière d'une personne physique, ce qui n'est pas peu dire. Il n'y a pour ainsi dire pas de limite à ce qu'elle peut faire. Le pouvoir qui lui est conféré est celui d'investir, purement et simplement.

Je ne vois vraiment pas où les moyens de contrôle dont vous parlez se trouvent, à moins que ce ne soit dans les règlements découlant de la loi et dont il est question dans celle-ci. Dans pareil cas, il faut se demander comment vous allez vous arranger avec les provinces quand l'office s'aventurera dans des domaines relevant, selon elles, de leur compétence.

M. Martin: Je suis heureux de vous entendre dire que vous ne voulez pas vous lancer dans un débat. Je ne m'en suis pas très bien sorti, dans le passé, quand j'ai eu à débattre de certaines questions avec vous.

Vous avez tout à fait raison en ce qui a trait à la réglementation. Nous avons déjà dit que nous avons hâte de connaître le point de vue des sénateurs sur la réglementation.

Les questions que vous soulevez concerneront les provinces autant que nous. Si les sénateurs ont des opinions à exprimer en matière de réglementation qui porteront sur ces questions, elles seront prises en considération. Vous ne parlez pas en l'occurrence à des ministres provinciaux ou à un ministre fédéral des Finances qui se trouvent en désaccord avec vos préoccupations fondamentales.

Le sénateur Pitfield: Puis-je poser d'autres questions si l'on procède plus tard à un deuxième tour?

Le président: Il vous reste deux minutes.

Le sénateur Pitfield: Je renonce aux deux minutes que vous me laissez gentiment et je remercie le ministre. Je tâcherai de revenir à ma question plus tard.

Le sénateur Oliver: Ma question a trait à une disposition du projet de loi C-2, dont le paragraphe 61(2) s'énonce ainsi:

Pour chaque année postérieure à 1997, le montant de l'exemption de base de l'année est 3 500 $.

En d'autres mots, l'EBA, l'exemption de base de l'année, est gelée aux gains de base sous le seuil desquels on ne peut cotiser au RPC.

D'après les lectures que j'ai faites, ce gel de l'exemption de base frappe le plus durement les gagne-petit, les femmes, les étudiants, les travailleurs saisonniers et les habitants des régions pauvres du pays comme celle de l'Atlantique, et notamment la Nouvelle-Écosse. Une des choses que nous sommes censés faire au Sénat et au Parlement, c'est de proposer et de mettre en oeuvre de bonnes politiques publiques, des politiques publiques qui favorisent tous les Canadiens. Le ministre ne trouve-t-il pas comme moi que cette politique, qui frappe si durement les gagne-petit, les femmes, les étudiants et ainsi de suite, n'est pas une bonne politique publique?

Ma deuxième question découle du même sujet de préoccupation. Ne s'agit-il pas là d'un impôt qui frappe les pauvres? Pourquoi ne pas accepter d'indexer l'exemption de base de sorte que le plafond puisse s'élever et que plus de gens puissent être protégés?

J'ai fait un peu de recherche. J'ai découvert que les caisses de retraite au Canada avaient réalisé en moyenne un rendement de 11 p. 100 depuis 25 ans. Je crois savoir que vos projections actuarielles sont inférieures à cela. Si vous commenciez à obtenir un rendement sur votre investissement d'environ 11 p. 100, qui est la moyenne canadienne depuis 25 ans, vous pourriez vous permettre d'indexer l'exemption de base.

M. Martin: Premièrement, comme vous vous en doutez, cette mesure a fait l'objet de négociations entre toutes les provinces et le gouvernement fédéral. Ainsi, certaines souhaitaient l'abolition de l'exemption de base alors que d'autres demandaient le maintien de l'indexation. Toute négociation est faite de concessions mutuelles. Dans ce cas-ci, le consensus a été établi sur ce point.

Inévitablement, lorsqu'il y a consensus et concessions mutuelles, on aboutit à des mesures qui sont réalisables dans l'ensemble et pas nécessairement à une mesure parfaite en soi. Le montant de 3 500 $ élargit la base, ce qui nous permettra de réduire les cotisations. Si nous avions continué d'indexer le montant de 3 500 $, il aurait fallu fixer les cotisations à 11,3 p. 100 plutôt qu'à 9,9 p. 100.

Il faut également se rappeler que cette mesure s'inscrit dans un ensemble d'efforts qui visent à protéger et améliorer le régime de revenu de retraite. Le gouvernement va instaurer une prestation pour aînés. Un des principaux objectifs de cette mesure est de protéger le revenu de retraite des Canadiens à faible revenu, dont la majorité sera constituée, dans ce cas, de femmes. Comme vous le disiez, on ne peut pas concevoir le Régime de pensions du Canada isolément de la prestation pour aînés prévue par le gouvernement.

Enfin, j'espère que le rendement sera plus élevé que celui que nous avons prévu. Toutefois, il importait de ne pas répéter l'erreur qui a été commise dans le passé, c'est-à-dire supposer que le rendement serait élevé et que le monde continuerait de tourner comme avant. Il importe beaucoup plus que le gouvernement établisse des projections prudentes. Si le rendement est meilleur que prévu, les gouvernements auront le choix d'abaisser les cotisations ou d'accroître les prestations. Ils pourraient effectivement envisager une telle hausse des prestations, mais cette décision devrait être prise une fois que le niveau de rendement aura augmenté, ce que nous espérons.

Le sénateur Oliver: Dois-je comprendre, monsieur le ministre, que la principale raison du gel est que les provinces vous ont amené à prendre cette décision et que, dans le cas contraire, il n'y aurait pas eu de gel?

Vous n'avez pas vraiment parlé du fait que cette mesure touche durement cette classe de citoyens plus que toute autre. Je vous demande de nous dire si oui ou non il s'agissait d'une bonne politique que d'imposer un fardeau si lourd aux gens qui sont le moins bien placés pour le supporter.

M. Martin: Tout d'abord, c'est le fruit d'un consensus entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le gouvernement fédéral - et je suis persuadé que tous les ministres des Finances provinciaux diront la même chose - défend toutes les dispositions. Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'un ministre en particulier a prôné quoi que ce soit ou a été amené à décider quoi que ce soit.

Il est très juste de dire qu'il faut protéger les Canadiens à faible revenu, mais on ne peut s'arrêter simplement sur le Régime de pensions du Canada à ce sujet. Examinez les autres mesures que le gouvernement a prises, comme la prestation aux aînés que nous allons proposer et qui est destinée directement à aider les Canadiens à faible et à moyen revenus. Il y a également la prestation fiscale pour enfants qui fait partie de la politique gouvernementale et qui touche directement ces gens. En d'autres termes, nous disons aux familles à faible revenu qui ont des enfants que nous allons débloquer un milliard de dollars ou 600 millions de dollars de plus pour les aider, au cours de ce mandat.

Même si ce que vous dites, pris isolément, est tout à fait juste, lorsqu'on considère toute la politique gouvernementale dans son ensemble et ce que nous faisons pour les Canadiens à faible revenu, on constate, selon moi, que nous avons une approche équilibrée et juste.

Le sénateur Oliver: En réponse au sénateur Tkachuk, vous lui avez dit que vous aviez effectué de larges consultations et procédé à des recherches approfondies sur ce projet de loi.

(1520)

Cette recherche complète englobe-t-elle des études d'impact sur les répercussions de cet impôt sur les classes de citoyens que je viens d'énumérer: les gens de l'Atlantique, les femmes, les jeunes et les étudiants?

M. Martin: Nous avons effectué des études d'impact dans un certain nombre de domaines, sénateur. De plus, notre évaluation globale de la situation a tenu compte des autres mesures sociales que le gouvernement est sur le point de présenter ou qu'il a déjà présentées.

Le sénateur Oliver: Est-il possible pour vous et vos collaborateurs de déposer ces études d'impact pour que les sénateurs aient l'occasion de les étudier au cours de leurs délibérations futures?

M. Martin: Oui, dans certains cas. Par exemple, vous avez soulevé la question des femmes et nous serons très heureux de fournir notre analyse selon le sexe.

Je vais être clair, cependant. Dans un certain nombre de domaines, on n'a pas procédé à des analyses d'impact spécifiques, on a plutôt effectué une analyse de l'objectif global du gouvernement.

Nous allons vous remettre les documents que nous avons.

Le sénateur Oliver: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Joyal: Monsieur le ministre, ma préoccupation est principalement de comprendre le rôle ou le statut du vérificateur général du Canada eu égard aux activités de l'Office d'investissement qui serait créé en vertu du projet de loi C-2. Vous n'ignorez pas que l'une des grandes critiques adressées à la Caisse de dépôt, principalement exprimées par les parlementaires à Québec, a trait à la capacité du vérificateur général de s'assurer que les règles et l'emploi des fonds se fassent dans le meilleur intérêt des contribuables.

Dans le projet de loi tel que présenté actuellement, qu'est-ce qui est changé par rapport au rôle du vérificateur général eu égard au Régime actuel de pensions du Canada? Est-ce que le ministre peut confirmer que le vérificateur général du Canada exercera la même autorité dans le déroulement des activités de l'office qu'il peut en exercer dans d'autres activités du gouvernement canadien? Le vérificateur général n'est pas un fonctionnaire du gouvernement. C'est un fonctionnaire du Parlement. Il répond au Parlement du Canada. Les parlementaires gardent la possibilité d'obtenir du vérificateur général les garanties nécessaires pour s'assurer que les intérêts du public sont préservés. Est-ce que le ministre peut établir de façon claire quelle est la modification des responsabilités du vérificateur général eu égard à la création de l'Office?

M. Martin: Le vérificateur général garde ses pouvoirs en ce qui concerne le Régime de pensions du Canada. Il garde la responsabilité pour l'ensemble. Il se peut que le conseil d'administration, en ce qui concerne le fonds de pension même, puisse nommer un vérificateur de l'extérieur ou le vérificateur général. Ce sera leur décision.

Sauf que le vérificateur général aura accès à toutes ces informations, suffisamment pour qu'il puisse se rapporter dans l'ensemble. Nous avons rencontré le vérificateur général. Je crois qu'il y a une lettre du vérificateur général disant qu'il est satisfait, qu'il recevra les informations dont il aura besoin et qu'il est certainement en position d'exercer ses pleines fonctions.

Le sénateur Joyal: Donc, le ministre est satisfait que la situation du fonds sera différente de celle de la Caisse de dépôt puisque le vérificateur général du Québec, vis-à-vis la Caisse de dépôt, s'est plaint lors de son témoignage à la commission parlementaire sur les activités de la Caisse de dépôt l'automne dernier qu'il n'avait pas accès aux informations nécessaires pour lui permettre de garantir que les activités de la caisse se faisaient aux meilleurs intérêts des contribuables québécois.

M. Martin: Oui, nous avons une lettre du vérificateur général mentionnant qu'il est satisfait qu'il aura toutes les informations nécessaires et tous les pouvoirs requis et dans ce cas, je suis satisfait.

[Traduction]

Le sénateur Meighen: Monsieur le ministre, soyez le bienvenu. Un peu dans le même sens que les questions du sénateur Pitfield, je vous demande pourquoi, étant donné l'importance de rendre des comptes sur ce fonds et l'argent qu'il contient - l'épargne des Canadiens -, vous avez apparemment rejeté l'idée que rapport soit fait à un comité parlementaire et opté plutôt pour que rapport soit fait au Parlement, par l'intermédiaire du ministre des Finances.

J'ai confiance en votre intégrité, monsieur le ministre. Néanmoins, vous ne serez pas toujours là. Qu'arrivera-t-il si votre successeur n'est pas un homme de parole autant que vous l'êtes? Après tout, il y a moins de risque si le rapport est fait à un comité parlementaire. Êtes-vous opposé à cet idée, ou bien attendez-vous d'entendre ce que le Sénat a à dire lorsque nous étudierons la question de la gestion des affaires publiques?

M. Martin: Je comprends certes votre inquiétude à propos de mon successeur, monsieur le sénateur. Essentiellement, les ministres sont normalement responsables. Ils doivent ou bien défendre ou bien commenter la situation. C'est de loin la meilleure façon de procéder. C'est exactement ce que nous cherchons, la meilleure façon de procéder. Il se trouve que c'est notre opinion.

Comme je l'ai dit plus tôt, le point de vue du Sénat nous intéresse beaucoup. Les questions posées aujourd'hui témoignent de la capacité du Sénat, et nous attendrons les conclusions du Sénat.

Le sénateur Meighen: Je vous remercie, monsieur le ministre.

Pour ce qui est de la confiance, le fonds du Régime de pensions du Canada couvre environ deux années de prestations. Avec ce projet de loi, le projet de loi C-2, vous cherchez à augmenter ce nombre à cinq années en 20 ans. Ce que les sénateurs ne savent peut-être pas, c'est que le ratio fonds-prestations atteindra son maximum dans vingt ans, puis diminuera pour revenir à trois ou quatre années de prestations la dernière année des prévisions, quand, je présume, beaucoup d'entre nous ne serons plus là, encore que nos enfants et nos petits-enfants y seront peut-être.

Monsieur le ministre, vous êtes certainement au courant du sondage de la BCIC, publié la semaine dernière, montrant que les Canadiens croient que le projet de loi sur le RPC n'offre aucune assurance de sécurité du revenu à la retraite. Apparemment, ce sondage révèle que les deux tiers des Canadiens n'ont pas confiance que les changements proposés dans le projet de loi C-2, notamment une hausse des cotisations de 70 p. 100, leur assurera des prestations de retraite le moment venu.

Monsieur le ministre, pouvez-vous expliquer aux Canadiens pourquoi ils devraient croire que leurs prestations ne seront pas réduites et que leurs cotisations n'augmenteront pas dans les années ultérieures alors que, selon vos propres chiffres, la caisse du RPC augmentera, en 20 ans, au point de représenter un peu moins de cinq ans de prestations puis retombera presque jusqu'au niveau d'aujourd'hui?

M. Martin: Sénateur, d'abord, l'actuaire en chef a calculé que cette augmentation correspond à ce qu'il faut pour garder le taux à 9,9 p. 100. C'est pourquoi la hausse du financement a été conçue exactement ainsi. C'est pour que le taux demeure stable. C'est ainsi qu'on a fait les calculs actuariels.

Il y a un élément plus fondamental dans votre intervention, soit la question de la confiance. Je crois que vous êtes en plein dans le mille. Le fait qu'on n'aie pas réussi à régler le problème du Régime de pensions du Canada plus tôt a eu pour conséquences tragiques qu'un très grand nombre de jeunes Canadiens disent maintenant, dans un sondage, qu'ils ne croient pas qu'ils pourront en profiter. C'est pourquoi il importe d'adopter ce projet de loi.

Il importe de comprendre, sénateur, que ce régime fonctionnera comme tout autre régime de pensions, c'est-à-dire qu'il y aura des rapports trimestriels et une transparence totale. Je crois que, avec le temps, les Canadiens en viendront ainsi à considérer le Régime de pensions du Canada de la même manière que tout autre régime de pensions qui leur communique ouvertement et publiquement des rapports de rendement. Ce ne sera toutefois pas pour demain, parce que les Canadiens se sont inquiétés avec raison durant trop d'années, les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, ne faisant rien pour régler le problème.

(1530)

Vous avez également parlé du régime général de retraite et de pensions pour les Canadiens. Il faut bien comprendre que ce régime constitue un des trois piliers; ce n'est cependant pas le seul. La prestation pour aînés, lorsqu'elle sera en vigueur et, bien entendu, les régimes de pensions agréés et les régimes enregistrés d'épargne-retraite constitueront des éléments très importants du régime de retraite général.

Le sénateur Meighen: Je regrette seulement que nous n'ayons pu examiner les trois piliers en même temps et adopter une approche plus coordonnée, mais il est sans doute trop tard pour y songer.

Je vous recommande de réexaminer la possibilité de réduire les cotisations d'assurance-emploi, ce qui, selon certains spécialistes - et vous ne serez sans doute pas en désaccord avec eux -, permettrait d'ajouter jusqu'à 150 000 emplois à l'économie. Il faudrait pour cela réduire les cotisations à zéro. Ce nombre supplémentaire de travailleurs pourrait peut-être atténuer la crainte d'atteindre un point culminant qui serait suivi d'une diminution radicale dans une vingtaine d'années. Vous pourriez accumuler un fonds qui vous permettrait de conserver une réserve non pas de deux ou trois ans, mais peut-être six ou sept ans. Quoi qu'il en soit, vous avez donné votre réponse et je l'ai bien comprise.

Ma dernière question concerne les provinces prises individuellement. Je suis bien conscient qu'il s'agit d'un régime de pension national, mais les provinces n'ont peut-être pas posé toutes les questions nécessaires pendant les négociations. Elles n'ont pas toutes bénéficié également du Régime de pensions du Canada depuis sa création. J'ai distribué aux honorables sénateurs une série de tableaux qui révèlent des choses intéressantes. La statistique sans doute la plus étonnante concerne l'Alberta, dont les habitants ont reçu, depuis la création du RPC, moins que ce qu'ils y ont contribué, et cela de façon constante.

Comment l'expliquez-vous? Les Albertains auraient-ils intérêt à demander une variante de la solution proposée ou doivent-ils appuyer le projet de loi?

M. Martin: Sénateur, l'âge de la population a une importance considérable dans la plupart des cas et je crois que cela s'applique à l'Alberta. Cette province a reçu une immigration constante de population jeune. C'est pourquoi les prestations du Régime de pensions du Canada aux Albertains sont moins élevées que dans des provinces d'où partent des jeunes et où reste une population plus âgée.

Vous soulevez un point important. Éventuellement, la population de l'Alberta vieillira. À ce moment, la situation pourrait bien être inversée et l'Alberta sera fort heureuse de participer au Régime de pensions du Canada.

Je connais la teneur de certains discours du sénateur, alors je sais qu'il sera de mon avis sur un point. Les Canadiens n'apprécient pas nécessairement que l'on analyse le pays dans une optique comptable. Ils regardent plutôt leur pays et les valeurs qui nous unissent. Ils admettent que, à certains moments de notre histoire, une région semblera profiter davantage que les autres, mais, selon eux, en bout de ligne, le pays sera plus fort s'il reconnaît cette interdépendance.

Le sénateur Meighen: Je suis d'accord. J'ajouterai seulement, en terminant, que l'une des raisons qui expliquent la situation en Alberta, c'est peut-être que le taux d'imposition est très bas dans cette province.

[Français]

Le sénateur Pépin: Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu'aucune étude d'impact n'avait été effectuée sur l'application de votre projet de loi à l'égard des femmes. Ai-je mal compris?

M. Martin: Je me suis peut-être mal exprimé. Nous avons effectué une analyse sur l'impact que ce projet de loi aurait sur les femmes et nous pouvons certainement vous la donner.

Le sénateur Pépin: Au sujet des femmes à domicile qui doivent prendre des congés de maternité ou des absences pour s'occuper de leurs enfants; pouvez-vous nous expliquer comment vous croyez que ces femmes ne seront pas pénalisées par cette nouvelle directive?

M. Martin: Les femmes à domicile ou les femmes qui prennent des congés de maternité vont conserver les bénéfices du fonds de pension du Canada. Lorsque l'on a fait la comparaison entre le Régime de pensions du Canada et ceux qui achètent des REER indépendants, la différence est qu'il n'y a pas de bénéfices pour les femmes qui prennent des congés de maternité, mais en ce qui concerne le Régime de pensions du Canada, nous avons maintenu ces bénéfices.

Le sénateur Pépin: Elles vont être au même niveau.

M. Martin: Oui, sénateur Pépin.

[Traduction]

Le sénateur Eyton: Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui. C'est un précédent agréable et j'espère que vous vous en prévaudrez plus souvent à l'avenir. Par ailleurs, j'espère que votre siège deviendra plus confortable.

Je soupçonne que les Canadiens ne comprennent pas toutes les répercutions du projet de loi C-2, y compris ses conséquences pour les personnes âgées en ce qui concerne le filet de sécurité que constituent les prestations de remplacement du revenu et les régimes d'épargne-retraite volontaires. Je fais mienne la suggestion du sénateur Meighen qui aurait aimé que nous puissions étudier ensemble tous les éléments de ces trois programmes.

Certes, le projet de loi en soi est important et d'envergure. Je m'intéresse plus particulièrement à la règle relative aux placements à l'étranger qui s'appliquera au fonds d'investissement du RPC proposé. Comme le ministre le sait peut-être, plus tard aujourd'hui, les sénateurs Meighen et Kirby demanderont au Sénat de l'exhorter à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu et à porter à 30 p. 100, dans le budget de février 1998, la proportion des placements à l'étranger.

Ma question est tout simplement: êtes-vous prêt à porter à 30 p. 100 la proportion des placements à l'étranger, comme le Sénat va sans doute vous le suggérer?

M. Martin: Sénateur, je pense que le moment viendra effectivement où le gouvernement canadien envisagera une telle mesure. Je ne pense cependant pas que ce soit le moment. Le moment de prendre une telle décision sera lorsque les finances du pays seront encore plus solides qu'elles ne le sont maintenant, lorsque le pourcentage de notre dette extérieure sera plus faible que maintenant.

Je comprends le désir des gestionnaires de fonds de pensions d'avoir accès à une plus grande variété de marchés. Toutefois, compte tenu de tous les aspects positifs et négatifs d'une telle mesure pour l'économie canadienne, compte tenu du bilan national, je pense que le moment n'est pas encore venu. Je suis très ouvert à cette suggestion. C'est tout simplement une question de choix du moment, sénateur.

Le sénateur Eyton: Pour terminer, monsieur le ministre, un changement dans la politique étrangère a évidemment un effet direct sur le genre de rendement que les Canadiens peuvent attendre des fonds investis. Cela a également un lien direct avec ce que le sénateur Oliver a dit il y a quelques instants.

M. Martin: Sénateur, un jour, quand le fonds atteindra la taille dont nous avons parlé, dans dix ans, il se pourrait fort bien que ce soit un désavantage d'être limité au marché canadien, mais ce ne sera pas un problème initialement.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, on a beaucoup parlé du nombre d'emplois qui seraient créés si les cotisations étaient laissées aux employés. A-t-on déterminé combien d'emplois seront créés grâce aux 80 p. 100 qui seront investis au Canada? Autrement dit, a-t-on calculé le résultat net, c'est-à-dire la différence entre les pertes d'emplois et les emplois créés?

M. Martin: Je comprends très bien votre argument. Il va sans dire que ces sommes, investies au Canada, entraîneront d'autres investissements ailleurs. Ce sera une source importante de création d'emplois, tout comme notre stabilité financière. Nous sommes prudents face à tout ce qui pourrait compromettre cette stabilité. Il faut comprendre quelle était notre situation il y a quatre ans et à quel point nous avons progressé rapidement; cependant, le travail n'est pas terminé.

Ce sont justement la création d'emplois et la protection du bilan global qui me font dire que le temps n'est pas encore venu d'élargir la règle. Cependant, je comprends votre point.

(1540)

En ce qui concerne les emplois, le gouvernement de la Colombie-Britannique a publié une étude sur ces cotisations concluant que quelque 9 000 emplois disparaîtront à cause de l'augmentation des cotisations. C'est un peu ironique, vu que la Colombie-Britannique a refusé de participer parce que son gouvernement considérait que les cotisations pourraient augmenter davantage.

Le sénateur Taylor: Lors de la création du fonds d'investissement, a-t-on songé à le limiter à certaines régions, par exemple, les Maritimes, le Bas-Canada, le Haut-Canada et l'Ouest? Je suppose que, selon la structure actuelle, les placements peuvent être faits là où le rendement est le meilleur. N'aurait-il pas été préférable de fixer des limites géographiques aux placements, comme ils l'ont fait au Royaume-Uni?

M. Martin: Honorable sénateur, le mandat fondamental des responsables de la caisse est d'investir dans le plus grand intérêt des retraités actuels et éventuels. Au début, les placements seront limités aux valeurs provinciales, puis viendront ensuite les investissements passifs dans les actions, selon les indices boursiers, jusqu'à ce que l'expérience acquise soit suffisante.

Pour accomplir ce que vous avez mentionné, il nous faudrait faire un pas de plus, et ce genre de situation, le Sénat devra en tenir compte dans son examen global de l'administration. L'office sera très fortement représenté sur le plan régional. Pour toutes les raisons que vous avez invoquées, nous ne voulons pas en faire un fonds qui ne profite qu'à une seule région.

Le sénateur St. Germain: Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il ne s'agit pas d'une ponction fiscale. Je viens du secteur de la petite entreprise et je sais combien il est difficile d'assumer les charges sociales quand on lance une entreprise. Je suis sûr que vous savez de quoi il retourne. On nous a dit que ça n'affectera pas tant les grandes entreprises que les petites et moyennes entreprises. Vous êtes passé au secteur de la grande entreprise, monsieur le ministre. Moi, je suis resté dans le secteur de la petite entreprise et je sais que ça aura des effets très négatifs sur les entreprises agricoles et bien d'autres.

Je voudrais aborder la question de l'obligation de rendre des comptes. Le sénateur Pitfield et d'autres ont déjà parlé de l'obligation de l'office de rendre des comptes sur sa façon de gérer ces montants faramineux. Je voudrais insister sur le processus de sélection de l'office.

On a dit, peut-être à tort ou par dérision, que votre gouvernement était en train de servir un des plus gros gâteau du siècle avec cette mesure législative. En 1993, monsieur le ministre, vous avez dit que le capital de confiance des gouvernants auprès des gouvernés est de toute première importance; et que, pour combler les postes qui existeront toujours, un gouvernement libéral veillera à ce que les nominations tiennent compte des compétences. Monsieur le ministre, feriez-vous toujours vôtre cette déclaration aujourd'hui?

Ma question a directement trait au processus de sélection de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Vous-même avez nommé un certain M. Phelps à la tête du comité de sélection. Moi et bien d'autres ici présents le connaissons personnellement. C'est un homme très compétent, très expérimenté, qui nous vient de la Colombie-Britannique. Il a excellé tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Compte tenu de ses antécédents, je crois qu'il est apte à accomplir le travail que vous lui avez confié. Néanmoins, la nomination de M. Phelps à ce poste met en cause la question de la transparence. Car M. Phelps entretient depuis longtemps des liens étroits avec le Parti libéral et a déjà travaillé pour le compte de ministres libéraux du temps de M. Trudeau.

Je ne voudrais pas donner l'impression que M. Phelps pourrait agir incorrectement. En fait, je dis qu'il ne le ferait pas. Cependant, venant d'une famille de politiciens, vous savez à quel point une impression devient une réalité. Les nominations de ce genre sont malheureusement perçues comme des faveurs politiques.

Par conséquent, comment arriverez-vous à rendre le processus de sélection transparent pour éviter que l'on parle de nominations politiques d'amis du gouvernement en place? Le premier office ne m'inquiète guère. Mais il en va autrement du deuxième et du troisième. Il y aura belle lurette que vous aurez quitté votre rôle actuel au sein du Parti libéral. Comment vous y prendrez-vous pour que tous les Canadiens aient confiance comme ils le devraient dans la gestion de ce fonds énorme.

M. Martin: Sénateur, je comprends votre question, mais je saisis mal l'hypothèse qui la sous-tend. Avec raison, vous avez décrit Mike Phelps comme un Canadien ayant une personnalité et une intégrité remarquables, et dont la contribution à notre pays est précieuse. Vous avez ensuite fait remarquer que sa nomination créait une mauvaise impression. À mon avis, votre observation aboutit au résultat que vous voulez éviter.

En réalité, Mike Phelps travaille sans lien de dépendance avec le gouvernement. Il vient de votre coin du pays, ce qui est très important pour que l'office ne comprenne pas seulement des membres venant d'une même région. Nous avons délibérément choisi quelqu'un de l'Ouest du Canada. M. Phelps préside tout simplement un comité fédéral-provincial. Les gouvernements provinciaux, dont la majorité ne sont malheureusement pas libéraux, ont nommé leurs représentants. À leur tour, ces représentants, qui forment un groupe apolitique, nommeront 20 personnes. Sur ces 20 personnes, le ministre fédéral des Finances, en consultation avec les provinces, en choisira 12.

Sénateur, je ne vois pas du tout comment cette façon de procéder pourrait donner lieu à des faveurs politiques.

Je parle vraiment en toute sincérité. Je pense que les nominations que le gouvernement a faites depuis son arrivée au pouvoir ont prouvé le bien-fondé de ces déclarations.

Le sénateur St. Germain: Nous serions nombreux, de ce côté-ci et d'un bout à l'autre du pays, à trouver à redire à la transparence des nominations que vous avez faites, monsieur le ministre. Je n'en dirai cependant pas plus sur ce point. Je veux m'en tenir au projet de loi C-2.

Ma prochaine question porte plus précisément sur la participation des provinces. Vous avez indiqué que vous aviez choisi une personne venant de l'ouest. Pourtant, sur 19 jours d'audience, il y en a eu six en Ontario et une seule en Colombie-Britannique. Vu le temps que votre comité a passé en Ontario, je suis certain que vous connaissez bien le régime de pension des enseignants de l'Ontario, lequel est le plus gros fonds de placement au Canada. D'après les renseignements que j'ai trouvés et qui m'ont été fournis, le gouvernement et la fédération des enseignants choisissent chacun la moitié des membres du comité consultatif de ce fonds. Ceux-ci s'élisent ensuite un président neutre.

Sauf votre respect, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous soyez prêt à faire ce que vous avez dit, mais la formule de nomination par le gouverneur en conseil prévue dans le projet de loi ne diffère en rien de la formule actuelle.

Dans le cadre des discussions qu'auront les diverses autorités compétentes et de l'enquête que doit entreprendre le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, prendrez-vous position en faveur d'un processus de sélection dans lequel les provinces choisissent la moitié des membres de l'office d'investissement, et le gouvernement fédéral l'autre moitié, et un président neutre est élu, afin que la transparence et la responsabilité présidant aux nominations soient celles qu'elles devraient être, à mon avis, dans pareil cas?

(1600)

M. Martin: S'il y a eu plus d'audiences en Ontario qu'ailleurs, c'est parce que la capitale du pays est située en Ontario. Peu importe que l'on parcoure le pays ou non, on finit par tenir plus d'audiences ici à Ottawa. Il y a eu des audiences dans toutes les provinces. Il y a eu des audiences en Colombie-Britannique, dirigées par le gouvernement provincial avec la participation du gouvernement fédéral. Il en a été de même en Alberta, en Saskatchewan et partout dans le pays.

Quant au mode de sélection des membres du conseil d'administration, cela résulte de vastes consultations, notamment avec les provinces. Ces dernières se sont dites d'accord sur ce point, et c'est ainsi qu'elles veulent qu'on procède. Nous sommes certes ouverts aux suggestions, mais je devrais rencontrer les représentants des provinces pour la raison même que vous avez citée. Pour protéger tous les intéressés, je voudrais rencontrer les représentants des provinces pour voir s'il y a une meilleure façon de procéder. Telle est cependant la méthode qu'elles ont approuvée, sénateur.

Le sénateur St. Germain: Si le comité sénatorial permanent des banques et du commerce entreprend les études dont il a été question ici aujourd'hui, est-ce au moyen des règlements que vous prévoyez mettre en oeuvre les recommandations? Celles-ci devront-elles être approuvées par les provinces, ou s'agira-t-il simplement d'un exercice futile? Si le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se donne la peine d'étudier les aspects de responsabilité non seulement à l'égard de la sélection des membres du conseil d'administration mais aussi à l'égard du fonctionnement du compte du RPC, que se passera-t-il? Nous adoptons le projet de loi. Vous dites que la promulgation des articles 1 à 57, 89, 90 et 91, sauf erreur, sera reportée à plus tard. J'aimerais que vous expliquiez aux honorables sénateurs et aux Canadiens de quelle façon les modifications recommandées par le comité sénatorial permanent des banques et du commerce seraient effectuées.

M. Martin: Les règlements devront être approuvés par les provinces. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier qu'il y aura un examen triennal. Tous les trois ans, en effet, cette mesure fera l'objet d'un réexamen par le gouvernement fédéral et par les provinces, et le Sénat aura tout le loisir d'y participer.

Le sénateur Haidasz: Bienvenue, monsieur Martin, et merci de comparaître devant nous aujourd'hui. Votre présence ici me rappelle l'époque où je siégeais à l'autre endroit lorsque l'honorable Judy LaMarsh, la ministre de la Santé et du Bien-être social de l'époque, a présenté le premier projet de loi sur le Régime de pensions du Canada. J'étais son secrétaire parlementaire à l'époque. Je me souviens que son projet de loi renfermait une disposition établissant un comité consultatif du Régime de pensions du Canada, qui informait également le ministre sur le plan d'investissement à ce moment-là.

Y a-t-il maintenant un comité consultatif semblable à celui qui était envisagé en 1963?

M. Martin: Non. En fait, ce projet de loi supprime le comité consultatif parce qu'en fait les investissements seront faits par l'office lui-même.

Le sénateur Haidasz: Avant l'entrée en vigueur de la loi initiale, M. Pearson, le premier ministre de l'époque, a dû dépêcher Tom Kent à Québec pour négocier l'établissement du régime de pensions du Québec. L'Office d'investissement aura-t-il un droit de regard sur les investissements de la Régie des rentes du Québec?

M. Martin: Non, sénateur.

Le sénateur Haidasz: Elle est donc responsable de ses propres investissements.

M. Martin: C'est exact.

Le sénateur Haidasz: Quel pourcentage du fonds du régime de pensions l'Office d'investissement, que vous superviserez, pourra être investi à l'étranger? Quand l'office pourra-t-il faire des investissements à l'extérieur du Canada et dans quelle proportion?

M. Martin: Il serait soumis aux mêmes règles qui s'appliquent aux autres régimes de pension, sénateur, c'est-à-dire 20 p. 100.

Le sénateur Haidasz: Qu'arrive-t-il si des demandes d'investissement du fonds sont faites par des sociétés canadiennes? Ont-elles la priorité sur cette tranche d'investissements étrangers de 20 p. 100?

M. Martin: Au début, l'office n'investira que dans les indices des marchés. Il aura une stratégie passive. Il ne fera pas d'investissements risqués comme ceux que vous décrivez. Il le fera plus tard quand il aura acquis l'expérience voulue et examiné la réglementation applicable. Toutefois, il ne le fera pas au début.

Le sénateur Haidasz: J'ai posé cette question parce qu'il y a eu un grand nombre de plaintes, du moins dans la région de Toronto, de gens qui trouvent presque odieux que nombre de supposés fonds fédéraux puissent être investis à l'étranger, passant outre aux demandes canadiennes de capital à investir.

M. Martin: Je suis conscient du problème, sénateur. Il va de soi que c'est l'une des raisons pour lesquelles les gouvernements ont institué les fonds de capital de risque des travailleurs. Nous avons d'ailleurs exercé des pressions assez fortes sur les grandes institutions financières pour qu'elles offrent de telles possibilités. Il est certain que nous ne voudrions pas que cela se passe ainsi dans le cas du Régime de pensions du Canada. Au début, nous essaierons d'optimiser le rendement du régime et, comme je l'ai mentionné, nous investirons dans des indices généraux.

Le sénateur Haidasz: Le Régime des rentes du Québec aura-t-il un représentant au sein de l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada?

M. Martin: Non. Il pourrait fort bien y avoir un membre de l'office qui soit du Québec, étant donné qu'un certain nombre de Québécois touchent des prestations du RPC. Toutefois, il n'y aura pas de représentant du RRQ, étant donné que celui-ci fonctionne par l'entremise de la Caisse de dépôt.

Le sénateur Haidasz: Merci, monsieur le ministre. Je vous souhaite bonne chance avec votre projet de loi.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, vous allez créer un fonds considérable, tout le monde le dit. Vous avez parlé de 75 milliards de dollars. J'ai une note de David Slater, qui a mené une étude pour le compte de l'Institut C.D. Howe. Il dit que, éventuellement, le montant de ce fonds va peut-être monter jusqu'à 145 milliards de dollars. Je suis porté à le croire parce que j'ai étudié avec lui à l'Université de Chicago et qu'il était l'un des bons «économétriciens» de cette université.

Donc, c'est un conseil qui aura entre les mains des masses énormes d'argent. Vous avez parlé de 75 milliards de dollars, il parle de 150 milliards de dollars; disons que ce serait entre les deux, c'est-à-dire deux fois ce que l'on dépense au Canada dans le domaine de la santé dans une année, soit 120 milliards de dollars. C'est l'équivalent de l'ensemble de tous les programmes du gouvernement fédéral.

Or, quand je regarde le projet de loi, je suis forcé de constater que vous allez nommer 12 administrateurs qui seront choisis de façon méticuleuse, j'en suis convaincu. Mais, dans ce projet de loi, il n'y a pas de normes pour régenter leur conduite en termes de loi. Tout ce que l'on sait, c'est qu'à l'article 5, ils vont placer cette somme en vue d'un rendement maximal tout en évitant les risques de perte. À l'article 35, on dit que le conseil va agir comme une personne prudente.

Je ne vous cache pas que cela fait un peu peur. Vous allez donner à 12 personnes non élues des pouvoirs supérieurs à ceux de chacun des ministres du gouvernement fédéral, et même à l'équivalent de l'ensemble du Cabinet fédéral.

Ne serait-il pas décent qu'il y ait plus que seulement des règlements qui vont pourvoir à leur conduite? Par exemple, à l'article 53 vous dites:

Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements:

b) concernant les placements faits par l'Office et ses filiales;

C'est d'une largeur qui n'a pas de sens. Monsieur le ministre, il faut revoir et serrer davantage la première partie du projet de loi qui concerne les pouvoirs.

J'ai été témoin à Québec à la Caisse de dépôt de situations où il y a eu de graves critiques concernant la gestion de la caisse. Je ne voudrais pas que l'on répète cela au Canada. Il faudrait profiter de l'expérience acquise à la Caisse de dépôt pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Il me semble que vous devriez faire un effort spécial pour ajouter des choses dans la loi. Vous dites que vous allez peut-être l'inclure dans les règlements. Si ce que l'on veut mettre dans les règlements est si clair, pourquoi n'avons-nous pas les règlements devant nous?

M. Martin: C'est que l'on attend vos commentaires. En ce qui concerne la différence entre M. Slater et moi-même - je n'ai pas le document devant moi - il se peut qu'il y ait des différences sur notre estimation des chiffres, mais je pense que c'est une question d'années. Il parle de 10 ou 15 ans.

(1600)

Avec tout le respect que je lui dois, il est un peu optimiste. Mais quand même, sur le point que vous soulevez, vous avez entièrement raison; éventuellement, nous allons avoir un fonds de 150 milliards de dollars, même si c'est dans 15 ans.

Les points que vous soulevez sont très valables. Il va y avoir une revue dans trois ans, bien avant que l'on commence à augmenter les chiffres. Je partage vos inquiétudes. Je vous assure que lorsque l'on effectuera la révision des règlements dans trois ans, nous allons tenir compte de vos commentaires: les ministres des Finances des provinces partagent mon point de vue et le vôtre.

Le sénateur Bolduc: Monsieur le ministre, il me paraît que l'on doive mettre des balises statutaires additionnelles. Autrement dit, s'il y a des articles, des règlements qui deviennent vraiment des articles fondamentaux, il me semble que le Parlement devrait inscrire cela dans sa législation. C'est majeur, nous parlons d'un montant équivalent au budget fédéral. Il n'y a pas de règles sur les montants qui vont être placés en obligations et en actions.

Supposons que le conseil d'administration décide de placer 40 p. 100 ou 50 p. 100 en actions - et ces temps-ci, avec les taux d'obligation, un bon gestionnaire de placements va vous dire qu'il faut aller au moins jusqu'à 60 p. 100 en actions. Mais cela étant, voyez-vous l'effet que cela pourrait avoir sur le marché canadien, 60 milliards de dollars d'actions qui arrivent d'un coup sec? C'est incroyable.

M. Martin: C'est une des raisons pour lesquelles, au tout début, nous allons investir dans les indices du marché, pour éviter qu'arrive ce que vous êtes en train de dire. Vous soulevez un autre point - et c'est certainement sur un de ces points que le Sénat nous prodiguera ses conseils - à savoir s'il faut le placer, par exemple, 60-40: équité versus «débentures». La question que nous devrons nous poser est la suivante: «Ne sommes-nous pas en train de lier les mains de ces administrateurs?»

Le sénateur Bolduc: J'ai une dernière question à vous poser, monsieur le ministre. Étant donné l'ampleur de ce fonds, ne serait-il pas sage de penser à le subdiviser et à le faire gérer par des groupes indépendants les uns des autres? Avec un monopole de ce type, comme c'est le cas pour l'électricité ou d'autres, il est difficile de mesurer la performance des gestionnaires; s'agissant de l'argent du public, ne serait-il pas sage de prévoir la possibilité d'avoir trois ou quatre fonds gérés indépendamment les uns des autres? De telle sorte que l'on puisse mesurer la performance des gestionnaires et, s'il le faut, sanctionner certains d'entre eux.

M. Martin: Nous allons avoir la possibilité de mesurer leur performance, parce que tout va être transparent. Nous allons pouvoir faire une comparaison entre le fonds de pension du Canada, puis Teachers et Omers, puis les autres fonds, tant au niveau national qu'international.

Ceci étant dit, il se peut fort bien que si le fonds devient trop puissant, trop grand, il va falloir le subdiviser. C'est une décision qu'il faudra prendre en temps et lieu. Je comprends très bien votre inquiétude et d'autres la partagent aussi. Mais cela ne se fera pas dans les trois ou six prochaines années, parce que le fonds sera trop petit.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous avons un problème. Le ministre s'est libéré pour environ deux heures. Ces deux heures seront très bientôt expirées.

J'informe le comité que huit sénateurs figurent sur ma liste pour la première ronde. Deux autres sénateurs ont dit vouloir participer à la seconde ronde.

Pouvons-nous trouver ici le moyen de satisfaire à la fois les sénateurs qui veulent poser des questions et le ministre?

Le sénateur Kinsella: Je propose que nous ramenions nos interventions à cinq minutes chacune.

Le président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Cela vous va-t-il, M. Martin?

M. Martin: Je suis à votre disposition, monsieur le président.

Le président: On propose aussi de laisser tomber la seconde ronde. Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stratton: Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui. Je l'apprécie grandement.

Je voudrais revenir à la partie du projet de loi qui parle de responsabilité, de transparence et d'examen par le public. Après tout, il s'agit de l'argent de la population. On s'est beaucoup inquiété ici cet après-midi de la responsabilité du fonds.

Je tiens à citer ici une lettre que le vérificateur général a adressée, le 20 novembre, au président du comité sénatorial permanent des finances nationales. Vous la connaissez probablement par coeur, monsieur. Au deuxième paragraphe de la page 2, on peut lire ceci:

Je continue de croire que, à l'intérieur de mon mandat de vérificateur du Régime de pensions du Canada, il serait plus efficace et moins coûteux pour moi d'être le vérificateur de l'office. Néanmoins, les normes qui régissent la profession de vérificateur devraient me donner les moyens d'obtenir des vérificateurs de l'office l'information que je juge nécessaire pour bien remplir mon mandat à l'égard de l'ensemble du RPC. Il aurait mieux valu, toutefois, que ce droit d'accès soit spécifiquement prévu dans le projet de loi de telle sorte qu'il n'y ait aucun malentendu sur l'étendue de cet accès.

Je crois comprendre que vous avez autorisé cet accès, monsieur. Comme tout le monde l'a dit, ce qui nous inquiète, c'est ce qui arrivera après vous.

À l'égard plus particulièrement des articles 46 à 49 du projet de loi, je vous demanderai ceci: le gouvernement est-il disposé à s'engager à ce qu'un examen spécial ou une vérification spéciale soient faits par le vérificateur général afin de s'assurer qu'on rend clairement des comptes à la population?

M. Martin: Sénateur, il est évident que cela pourrait être fait par le vérificateur général. Toutefois, il n'est pas obligatoire que ce soit lui qui le fasse. L'important, et je suis sûr que vous le reconnaîtrez, c'est le niveau de compétence. Le vérificateur général n'a pas beaucoup d'expérience dans la vérification de grosses caisses de retraite. Si on peut trouver ces compétences dans les grandes firmes de comptables et que le vérificateur général peut recourir librement à ces firmes, je crois que c'est une solution satisfaisante.

Sénateur, vous avez cité la première lettre en disant que nous avions répondu. Je lirai le dernier paragraphe, car je crois que vous en serez satisfait. Le vérificateur général ajoute que nous proposerons un amendement et qu'il a pu voir l'amendement que nous avons proposé. Voici:

J'estime que l'amendement proposé est une amélioration. Mes fonctionnaires ont communiqué avec le ministère des Finances et ils ont convenu que, puisqu'il avait toujours été prévu que j'aurais accès...

...«Je» étant le vérificateur général,...

...un tel amendement serait souhaitable. À mon avis, s'il est adopté, il garantira que l'on nous communiquera les données nécessaires pour effectuer une vérification et donner notre avis sur la présentation des états financiers du Régime de pensions du Canada.

Je crois que nous avons remédié au problème soulevé par le vérificateur général et, je l'espère, au vôtre aussi.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je comprends. Il s'agit de toute évidence d'une question de perception. On espère que vous avez réglé la question et on tiendra donc pour acquis que le vérificateur général assumera un rôle direct, comme c'est le cas actuellement, quoiqu'il ne possède pas, comme vous l'avez dit, une vaste expérience de la vérification des caisses de retraite.

Toutefois, pour éviter que seul le cercle des amis - comme on l'a vu - se partage l'assiette au beurre, il serait bien que le vérificateur général, fort de son indépendance, puisse faire une évaluation. Cela serait assez important pour ne pas laisser de mauvaises impressions.

M. Martin: Évidemment, il faudra que la décision soit prise dans chaque cas parce que vous parlez des vérifications spéciales. Toutefois, compte tenu de la responsabilité du Parlement, si le vérificateur général jugeait qu'il lui était impossible de produire un rapport de qualité ou de corriger les mauvaises impressions que vous craignez parce que c'est quelqu'un d'autre qui fait les vérifications et que le vérificateur général n'a que le droit de se prononcer sur leur qualité, je ne vois pas pourquoi un gouvernement s'opposerait à sa volonté.

(1610)

Le sénateur Stratton: Pourquoi, dans les circonstances, ne pas insister là-dessus pour éviter à l'avenir qu'un gouvernement intervienne et donne au vérificateur général le droit d'intervenir quand bon lui semble?

M. Martin: Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un régime fédéral-provincial. Il incombe donc à ce régime fédéral-provincial de donner accès au vérificateur. Autrement, une des provinces pourrait demander pourquoi nous avons choisi notre vérificateur général et non pas le vérificateur d'une des provinces.

Nous disons simplement que nous donnerons au vérificateur la possibilité de choisir ou de décider. C'est la seule raison pour laquelle nous maintenons cette disposition. Nous ne voulons pas que le vérificateur général soit tenu à l'écart et nous dise: «Je n'ai pas accès.»

Le sénateur Pitfield: C'est ce genre de musellement qui nous inquiète.

M. Martin: Je comprends. La nuance que nous essayons de faire est subtile. Nous vous saurons gré de vos conseils en la matière.

Le sénateur Pitfield: Si je comprends bien, vous désirez que nous traitions immédiatement des grandes orientations en ce qui concerne les prestations du régime. L'aspect administratif est important. Vous avez dit à maintes occasions que vous vous montrerez généreux, mais ces questions doivent être réglées dans les jours et les semaines qui viennent, étant donné l'échéancier du mois d'avril.

Notre comité peut étudier la question. Nous pourrions ensuite recommander certains amendements que vous étudierez attentivement. Ce qui rend notre Chambre remarquable - et cela est clairement ressorti cette semaine au cours du débat sur l'article 93 - c'est l'expérience et les connaissances des sénateurs et, en particulier, de nos collègues du Québec. Il serait sage et même utile que le gouvernement profite de leurs compétences.

De toute évidence, il nous a été impossible aujourd'hui de régler les questions administratives qui nous préoccupent. Nous espérons être en mesure de le faire avant l'adoption du projet de loi.

M. Martin: Je reconnais les multiples compétences et talents dont le Sénat regorge et je sais que le gouvernement aurait grandement intérêt à les mettre à contribution. Je connais bien des sénateurs des deux côtés de cette enceinte. Il est indiscutable que leurs compétences et leur expérience peuvent enrichir énormément le débat actuel. Tout gouvernement serait fou de ne pas s'en prévaloir.

Le sénateur Cochrane: Le projet de loi C-2 prévoit que la prestation de décès payable à la succession d'un prestataire du RPC passera du maximum actuel de 3 580 $ à un nouveau maximum de 2 500 $. Il s'agit de 1 080 $ de moins par prestataire. Notre pays compte aujourd'hui quelque 30 millions de Canadiens. Reconnaissez-vous que cette disposition du projet de loi C-2 coûtera aux Canadiens un total de 30 milliards de dollars répartis sur le prochain siècle?

M. Martin: Je n'ai pas fait le calcul. Les collaborateurs qui m'accompagnent aujourd'hui sont en train de le faire.

Permettez-moi de parler de la question sous-jacente. Les modifications qui sont proposées en l'occurrence visent les cotisations dans une proportion de 75 p. 100, et les prestations dans une proportion de 25 p. 100. J'aurais préféré que nous n'ayons pas à toucher aux prestations. Sincèrement, j'aurais également préféré ne pas toucher aux cotisations non plus. Nous avons toutefois un problème réel, c'est-à-dire le passif de 600 milliards de dollars. Dans les circonstances, nous avons dû faire un certain nombre de compromis difficiles, notamment en ce qui a trait à la prestation de décès.

N'importe lequel de ces compromis est difficile à justifier en soi. Cependant, quand on considère l'autre choix qui s'offrait, celui de laisser le Régime de pensions du Canada disparaître, force est de reconnaître que les gouvernements fédéral et provinciaux ont pris la bonne décision.

Le sénateur Cochrane: Monsieur le ministre, avez-vous une idée de la réduction totale annuelle des prestations que cette disposition occasionnera?

M. Martin: Vous me demandez combien la réduction des prestations de décès coûte annuellement. Pour pouvoir répondre à cette question, il faudrait que je sache le nombre de prestataires du régime qui vont mourir.

La prestation de décès maximale est de 2 500 $. Les prestataires pourront opter pour l'équivalent de six mois de prestations de retraite au lieu de ce montant.

Le sénateur Cochrane: La prestation de décès du RPC est censée couvrir les frais des funérailles et les autres coûts connexes liés à la succession du prestataire du RPC. Pour beaucoup de familles à faible revenu, c'est le seul moyen d'obtenir l'argent nécessaire pour payer ces frais. Avez-vous une estimation du nombre de familles à faible revenu qui, à cause du projet de loi C-2, seront forcées d'emprunter de l'argent ou de demander la charité pour payer les frais funéraires à l'avenir?

M. Martin: Je n'en ai pas. Cela nécessiterait une enquête détaillée auprès de pratiquement toutes les familles appartenant à la catégorie de revenu que vous avez mentionnée pour savoir si elles ont déjà pris des arrangements à cet égard.

Je comprends néanmoins que, comme c'est le cas chaque fois qu'il y a des changements, certaines personnes seront touchées par ces changements. Encore une fois, cependant, la seule autre solution était de laisser mourir le régime. Dans ces circonstances, ces gens que vous cherchez à protéger auraient souffert encore davantage.

Le sénateur Spivak: Nous mettons peut-être votre patience à l'épreuve, mais je veux vous poser d'autres questions pour faire suite à ce que mes collègues, les sénateurs Pépin et Oliver, vous ont demandé au sujet de l'impact des changements envisagés dans ce projet de loi sur les femmes, particulièrement les femmes âgées.

Comme vous le savez, le taux de pauvreté chez les femmes âgées vivant seules au Canada dépasse les 50 p. 100. Un demi-million de femmes de 65 ans et plus vivent dans la pauvreté. Pourtant, les critiques prétendent que les réformes que vous proposez réduiront la sécurité financière de ces femmes et ne feront rien pour rétrécir l'écart énorme entre les ressources à leur disposition et ce dont elles ont besoin pour avoir une retraite digne.

Aux termes de ce projet de loi, ces femmes perdront des prestations. Par exemple, la prestation de décès, comme le sénateur Cochrane l'a mentionné, a été réduite. Les femmes vont perdre de l'argent à cause des nouvelles règles pour le calcul des prestations de survivant et des prestations de retraite combinées. Lorsque la nouvelle prestation aux aînés entrera en vigueur, les femmes perdront de l'argent à cause du nouveau calcul qui sera fondé sur le revenu familial et non sur le revenu de la femme seulement. Les femmes à la retraite recevront donc des pensions moins élevées.

Quelles politiques générales le gouvernement entend-il adopter pour que le nombre de femmes âgées qui vivent dans la pauvreté ne s'accroisse pas à cause du projet de loi C-2?

M. Martin: Premièrement, une analyse comparative entre les sexes a été préparée, et nous la mettrons à votre disposition.

Deuxièmement, et c'est là le point le plus important, vous avez raison de dire que les femmes dépendent plus des pensions publiques que les hommes.

(1620)

Par conséquent, si des modifications étaient apportées, elles toucheraient davantage les femmes que les hommes. Plus important encore, si le gouvernement ne faisait rien, le régime ne survivrait pas. L'actuaire en chef a déclaré que le fonds serait à sec d'ici 2016. Si le régime disparaissait, s'il n'existait pas, les femmes seraient confrontées à de graves difficultés. Je voudrais bien comparer les mesures que nous envisageons avec un idéal, mais il faut plutôt les comparer avec la réalité. La réalité, c'est que si le régime disparaît, les femmes auront beaucoup plus de mal à joindre les deux bouts. En fait, les mesures que nous envisageons favoriseront les femmes.

Sénateur, quand vous saurez exactement ce que représente la prestation pour aînés, vous verrez qu'elle garantit un revenu à cette partie de la population qui n'aura vraiment jamais gagné assez d'argent pour pouvoir économiser et se préparer à la retraite. Encore une fois, sénateur, la majorité de ces Canadiens sont des femmes. Vous constaterez qu'ensemble, la prestation pour aînés et les modifications du RPC que nous envisageons se révéleront excellentes pour les femmes. En fait, elles garantiront que les plus démunis puissent s'en sortir.

Le sénateur Spivak: Malheureusement, le temps ne nous permet pas, au cours de cette rencontre, d'étudier les propositions du Caledon Institute et d'autres intervenants pour atténuer ces réformes. L'autre question que je voudrais vous poser a trait à la prestation mensuelle. Les femmes qui ont pris leur retraite en mars l'an dernier reçoivent du RPC un chèque de 293 $ en moyenne chaque mois, ce qui suffit à peine pour payer le chauffage et faire le marché. Pourriez-vous nous dire l'effet qu'auront les modifications du RPC sur ce montant mensuel? Encore une fois, pensez-vous que votre mesure soit bonne pour le grand nombre de femmes qui, à cause de facteurs comme l'espérance de vie, les régimes de travail auxquels les femmes sont tenues du fait qu'elles fournissent des soins dans la société, les cotisations moins élevées au RPC et le faible revenu de retraite provenant d'autres sources, vivent avec trop peu d'argent? Comment cette prestation sera-t-elle efficace?

M. Martin: Sénateur, au début, il y aura une légère baisse, mais, avec le temps, les femmes se tireront mieux d'affaire. En d'autres termes, il y aura une légère baisse, puis les prestataires recevront plus d'argent.

Manifestement, à mesure que le nombre de femmes faisant partie de la population active augmente, indépendamment du régime, leurs pensions augmenteront puisqu'elles seront plus nombreuses à travailler.

Lorsque la prestation pour aînés sera introduite, les femmes en bénéficieront. Je peux vous dire, sénateur, que les rapports du Caledon Institute ont joué un grand rôle dans l'élaboration de la prestation pour aînés.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, je vous remercie. Je crois que je suis la seizième personne à poser des questions. Nous avançons.

Le président: La dix-huitième.

Le sénateur Kinsella: Merci de m'avoir corrigé.

Je crois comprendre maintenant, compte tenu de votre témoignage - et je voudrais que vous me confirmiez que c'est bien le cas - que les articles 1 à 57 n'entreront pas en vigueur d'ici au 1er avril. Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se concentrera sur la question de la gestion. Il a été beaucoup question de gestion dans le présent débat et notre comité vous fera part de ses recommandations à ce sujet.

Je voudrais aussi que vous nous assuriez que le comité aura son mot à dire au sujet du règlement d'application. Est-ce bien là ce que vous comprenez?

M. Martin: Oui.

Le sénateur Kinsella: Dois-je comprendre que vous seriez d'accord pour qu'un comité sénatorial tienne des audiences l'an prochain sur la question générale de notre système de retraite public en se concentrant particulièrement sur la sécurité de la vieillesse et le supplément de revenu garanti? Inévitablement, au cours des audiences publiques, la question des cotisations à l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada sera soulevée. Vous ne serez donc pas surpris si le comité dit que cette question a été soulevée. Nous avons votre témoignage selon lequel vous voulez vous débarrasser aussi de cela, ce sur quoi nous sommes nombreux à être d'accord.

Je crois aussi que certaines autres questions soulevées par les honorables sénateurs en comité plénier cet après-midi pourraient fort bien venir aussi sur le tapis. J'ose donc espérer que vous serez disposé à entendre les recommandations de ce comité et que vous ne serez pas surpris si ces questions viennent à être soulevées.

M. Martin: Sénateur, l'avis du Sénat sur l'ensemble du système de retraite devrait nous être très précieux. Nous attendons avec impatience de le connaître. Je me souviens que le sénateur Lynch-Staunton a mentionné que l'on procéderait de façon objective. Je pense que cela contribuera à redonner confiance aux Canadiens. Nous partageons son avis et souhaitons qu'il en soit ainsi.

Je me doute bien que vous allez me faire part de votre point de vue sur les cotisations d'assurance-emploi et sur les impôts. Je me contenterai de vous dire, à ce sujet, qu'il faut bien comprendre l'énorme changement qui est survenu dans notre pays au cours des quatre dernières années. Il y a quatre ans, il n'était pas envisageable de réduire les cotisations ou les impôts. Personne ne tient plus à réduire ces cotisations et impôts que moi, à titre de ministre des Finances, et que notre gouvernement, et nous allons le faire le plus rapidement possible. Je sais pertinemment que vous allez intervenir sur ces points.

Le sénateur Forrestall: Monsieur le président, il est intéressant de constater que vous confiez cet argent à une poignée de personnes. À mon arrivée à Ottawa, il y a quelques années, le budget total de l'autre endroit était de l'ordre de six ou sept milliards de dollars. Voyez le gâchis que vous avez fait au cours de vos 30 années au pouvoir. J'espère que vous n'en ferez pas autant cette fois-ci.

Puis-je vous poser une question très précise? Le gouvernement a-t-il réalisé ou commandé des études économiques sur l'impact des changements apportés au RPC sur la situation de l'emploi? Dans la négative, pourquoi ne pas l'avoir fait en prévision de ce projet de loi? Dans l'affirmative, pourrions-nous les voir?

J'ai remarqué que Jim Jones, notre porte-parole en matière de finances à l'autre endroit, a posé un certain nombre de questions et qu'il y en a une ou deux qui sont restées sans réponse, plus particulièrement celles de l'actuaire en chef portant sur les projections d'une année à l'autre. Si des études ont été réalisées, pourrait-on les mettre à notre disposition? Là où je veux en venir, c'est que, si aucune étude n'a été réalisée, certains d'entre nous vont trouver cela un tantinet fâcheux et s'inquiéter de ce qui justifie votre démarche, comme le laissait entendre le sénateur Pitfield. J'ai comme l'impression que y allez un brin à l'aveuglette dans cette affaire.

À propos, que dire des hélicoptères?

M. Martin: Sénateur, il existe un certain nombre d'études d'impact sur l'objet de votre question, et nous les mettrons volontiers à votre disposition. Vous avez parlé de vos 30 années à l'autre endroit. Nous sommes de vieux amis, vous et moi, sénateur. J'étais en affaires durant presque toutes ces 30 années, tandis que vous, vous siégiez à l'autre endroit.

Le sénateur LeBreton: Monsieur le président, je voudrais faire suite très brièvement aux questions posées par les sénateurs Oliver, Pépin, Spivak et maintenant le sénateur Forrestall au sujet des études d'impact. Le mois dernier, le porte-parole du Parti conservateur en matière de finances dans l'autre endroit, M. Jim Jones, a posé cinq questions, mais deux des questions demeurent toujours sans réponse. L'une d'elles portait sur les conséquences des hausses des cotisations pour les petits salariés. Je me demandais, monsieur le Ministre, si votre ministère a terminé cette étude et quand nous pouvons espérer l'obtenir.

Vous avez également promis, aujourd'hui, de déposer l'étude d'impact concernant les femmes.

Je voudrais donc savoir précisément quand nous pouvons espérer recevoir l'étude promise à M. Jones dans l'autre endroit et l'étude d'impact concernant les femmes.

M. Martin: Sénateur, je vais demander où en est l'étude concernant les gagne-petit. Nous avons présenté une étude d'impact sur les emplois à l'autre comité et nous serons heureux d'en faire autant ici. Nous avons également déposé les résultats de l'analyse concernant les sexes, que nous vous ferons également parvenir sans délai.

(1630)

Le sénateur Kelleher: Monsieur le président, je crois pouvoir vous aider. Comme notre collègue, l'honorable Jean Charest, l'a appris dans l'autre endroit, un des inconvénients d'être au bas de la liste de ceux qui posent des questions est que lorsque vient votre tour, quelqu'un d'autre a probablement déjà posé la même question et y a obtenu réponse. Je me soumettrai à votre volonté et vous aiderai à ce sujet.

Je suis heureux que le ministre ait reconnu que les Canadiens sont lourdement taxés et qu'il agira le plus rapidement possible pour alléger leur fardeau fiscal.

M. Martin: Merci, sénateur.

Le sénateur Bryden: Monsieur le ministre, en suivant le débat concernant la gestion du régime de pensions par l'Office d'investissement, j'ai imaginé 12 personnes assises autour d'une table et choisissant des actions. Dans le cas des régimes de pensions dont je me suis occupé, qui n'étaient pas aussi imposants que celui-ci mais tout de même considérables, les membres du conseil d'administration définissent la politique à suivre. En fait, tout en suivant certains paramètres, ils déterminent les parts respectives des obligations et des titres, d'une part, et celles des placements liquides et des placements à l'étranger. Ils ont également beaucoup recours à l'aide de spécialistes. Par exemple, ils peuvent consulter quelqu'un pour savoir qui gérera le fonds. Les conseillers sont nombreux. Un fonds de cette importance ne serait pas administré par un seul groupe mais par de nombreux groupes de personnes. Envisagez-vous cette solution et ce rôle pour l'office?

M. Martin: Oui, et je suis heureux que vous ayez posé la question. C'est ainsi que l'office fonctionnera.

[Français]

Le sénateur Simard: Monsieur le ministre, je déclare tout de suite que le projet de loi C-2 contient de nombreuses failles. Mes collègues, cet après-midi, en ont souligné quelques-unes. Premièrement, ce projet de loi est inéquitable à bien des égards. deuxièmement, le projet de loi impose une augmentation extraordinaire des impôts; troisièmement, des milliers de Canadiens et de Canadiennes deviendront chômeurs, suite à l'adoption de ce projet de loi; quatrièmement, le projet de loi ne garantit pas la transparence souhaitée du nouveau et très puissant Office d'investissement du RPC.

Nous sommes loin de la déclaration du ministre libéral de ma province, à la Saint-Valentin, le 14 février dernier. Je vais lire cet exemple de perfection dont M. Blanchard, le député de Campbellton, s'est rendu coupable en présence de son ami, son chef, M. McKenna, et je cite:

Le Nouveau-Brunswick a travaillé dur afin de trouver une solution viable pour tous les Canadiens et Canadiennes qui comptent sur le RPC.

Les réformes présentent un équilibre entre l'augmentation des taux de cotisation et la modification des prestations et traitent équitablement les employeurs et les employés, les retraités actuels et futurs, les personnes handicapées, les travailleuses et les travailleurs saisonniers, de même que les hommes et les femmes.

Quelle propagande libérale! Quelle fumisterie! Quel écran de fumée! Quelle perfection!

Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il attendu après l'élection fédérale du 2 juin pour présenter, au début octobre, ce projet de loi mal foutu, mal planifié et qui pénalisera les plus démunis, les petits travailleurs, les employeurs, les jeunes surtout? Si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, sans amendement, je vais conclure autrement que monsieur le ministre Blanchard du Nouveau-Brunswick. J'ai cessé de faire des prédictions de nature politique depuis 20 ans. Mais je vais m'y risquer.

Le seul article que j'accepte d'emblée dans ce projet de loi, c'est qu'on y prévoit une révision tous les trois ans. Pourquoi pénaliser toutes les catégories d'employés et de citoyens canadiens, les petits travailleurs, les plus démunis et faire à ces gens un tort irréparable?

Pourquoi le gouvernement fédéral ne va-t-il pas faire ses devoirs, pour une fois, et retarder, si possible, l'adoption de ce projet de loi jusqu'en juin prochain?

M. Martin: Vous allez comprendre si je dis d'abord que je ne suis pas d'accord avec le préambule de votre question.Vous allez comprendre lorsque je vous dis que je partage entièrement la vision de la déclaration de M. Edmond Blanchard.

Lorsque vous dites, sénateur Simard, que c'est seulement au mois d'octobre que l'entente a été publiée, elle a été entérinée au tout début du mois de février. Elle a été signée et publiée bien avant les élections. D'ailleurs, la population canadienne a eu la possibilité de juger de son contenu pendant la campagne électorale, puisque tout était connu.

En même temps, vous parlez de l'entente libérale. Je dois vous dire que trois gouvernements conservateurs, l'Ontario, l'Alberta et le Manitoba ont non seulement signé l'entente mais ont joué un rôle très important lorsque le temps est venu de la négocier.

Vous nous dites que l'on devrait retarder l'adoption du projet de loi. Permettez-moi de vous dire que cette attitude, qui dit que les gouvernements ne devraient pas affronter les défis, ne pas trouver des solutions aux problèmes, a mis le Régime de pensions du Canada dans la situation où il se trouve.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement fédéral et les gouvernement provinciaux - des gouvernements conservateurs autant que libéraux - ont décidé que le temps de retarder était fini, le temps était arrivé de trouver des solutions à nos problèmes.

[Traduction]

Le président: Je demande maintenant au sénateur Graham de remercier le ministre.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je remercie le ministre d'être venu ici cet après-midi et de nous avoir accordé si généreusement son temps.

Cela dit, monsieur le ministre, même si votre père était très à l'aise dans ce fauteuil, je ne voudrais pas que vous deveniez trop à l'aise, du moins pour le moment.

Nous sommes tous conscients de la transparence dont vous avez fait preuve relativement à cette importante mesure législative. J'apprécie le dialogue que nous avons eu sur cette question, vos discussions avec des sénateurs des deux côtés de cette Chambre, et les engagements que vous avez pris envers les honorables sénateurs. Je ne peux m'empêcher de profiter de l'occasion pour souligner l'importance de ce genre d'échange. Je suis sûr que vous mentionnerez à nos collègues l'utilité d'un tel dialogue.

(1640)

Bien que nous soyons conscients des rôles respectifs des deux Chambres du Parlement, le processus qui s'est déroulé ici aujourd'hui favorisera grandement une meilleure compréhension des questions qui revêtent une importance critique pour les Canadiens. Nos responsabilités communes et notre but commun doivent consister à trouver ce genre d'accommodement, dans l'intérêt de ceux que nous représentons.

Encore une fois, nous vous remercions chaleureusement du temps que vous nous avez consacré, de la patience dont vous avez fait preuve, et de l'importante contribution que vous avez apportée à nos travaux.

M. Martin: Sénateur, je veux vous répondre en remerciant encore une fois tous les sénateurs de m'avoir donné cette occasion. Il ne fait aucun doute que le Sénat peut apporter une contribution importante à ce dossier et à beaucoup d'autres. Les discussions que nous avons eues aujourd'hui en témoignent.

Je vous suis reconnaissant de vos conseils et de vos questions. Je dois dire au sénateur Graham et au sénateur Lynch-Staunton que j'apprécie l'attitude et le ton qui ont régné au cours de la discussion. C'était constructif et je vous en remercie.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Je demande que M. Walter Robinson, directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens, soit invité à participer aux délibérations du comité plénier.

Le président: Les honorables sénateurs ont entendu la proposition. Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Conformément à l'ordre du Sénat, M. Walter Robinson est escorté jusqu'à un siège dans la salle du Sénat.

Le président: Honorables sénateurs, en votre nom à tous, j'accueille maintenant M. Walter Robinson au comité plénier. M. Robinson, je vous invite tout d'abord à faire un exposé; ensuite, les honorables sénateurs vous poseront des questions.

[Français]

M. Walter Robinson, directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens: C'est un grand plaisir pour moi de vous présenter cet après-midi la position de la Fédération des contribuables canadiens concernant le projet de loi C-2. Ma présentation sera en anglais, mais je vais essayer de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.

[Traduction]

La Fédération des contribuables canadiens est une organisation non sectaire, non gouvernementale, sans but lucratif, qui se consacre à la défense de causes, à l'éducation et à la recherche. Nous surveillons de près les dépenses gouvernementales; nous préconisons la réforme du fisc et de la démocratie et nous mobilisons les contribuables pour qu'ils exercent leurs droits et assument leurs responsabilités.

Avant de commencer mon exposé, je tiens à féliciter le ministre Martin d'avoir témoigné devant vous aujourd'hui. Sa présence ici est importante et elle constitue un précédent. Je réitère mon respect envers la gestion de M. Martin et son administration judicieuse des finances publiques du pays.

Le projet de loi C-2, projet de loi sur le RPC, représente le changement le plus fondamental apporté à la politique sociale canadienne depuis que je suis au monde. Malheureusement, à notre avis, le projet de loi C-2 est fondamentalement défectueux. Au lieu de faire preuve de courage et d'emprunter la route de la créativité pour procéder à la réforme de notre régime de pensions public - comme ils l'ont fait dans plusieurs pays, du Chili à l'Australie, du Royaume-Uni au Pérou, et comme ils le font maintenant en Europe de l'Est - notre gouvernement a, encore une fois, eu recours à la méthode familière de la hausse des impôts, plus exactement la hausse des cotisations au RPC, une augmentation des charges sociales qui détruira des emplois, pour tenter en vain de soutenir le Régime de pensions du Canada. Je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'il aurait été plus facile de ne rien faire, mais je crois que la voie choisie par le gouvernement, la hausse des cotisations au RPC, arrive au deuxième rang dans l'ordre de facilité.

Je tiens à le dire clairement, au cas où vous n'auriez pas encore compris par le ton de ma voix: je me présente devant vous cet après-midi avec une seule intention, vous supplier de rejeter cette mesure législative. Les raisons sont simples et claires. Le projet de loi C-2 constitue une rupture de promesse entre le gouvernement du Canada et les contribuables.

Il y a seulement deux ans, on entreprenait les consultations mixtes fédérales-provinciales-territoriales sur la réforme du RPC. Si je puis me permettre de nuancer l'interprétation de M. Martin, je dirais que, même si ces consultations étaient exhaustives, je ne crois pas qu'elles aient été équivalentes à un débat national. Pour mettre les choses en perspectives, disons que les consultations mixtes provinciales-territoriales ont permis d'obtenir un maximum de 350 opinions, présentées sous forme de témoignages de particuliers ou de groupes ou encore de mémoires. La ligne 1-800 du secrétariat du RPC a reçu pour sa part environ 6 000 appels téléphoniques de Canadiens. C'est un bon départ, mais si l'on compare avec les travaux de la Commission de l'équité fiscale en Ontario, qui a reçu plus de 20 000 mémoires et commentaires, on peut dire que nous sommes encore loin d'un débat national avec les Canadiens sur le projet de loi C-2.

À l'époque, le gouvernement et les provinces - et je déposerai tous les documents pertinents - ont produit un document d'information en prévision des consultations sur le Régime de pensions du Canada. Ce document établissait trois critères en vertu desquels on évaluait tout changement apporté au régime. Ces changements préconisés devaient être durables, abordables et justes. Ces principes étaient interprétés comme inviolables par de nombreux Canadiens qui y voyaient une sorte de promesse, si vous voulez.

Nous croyons cependant que ces principes ont été violés. Malgré des changements qui assureront un financement plus complet, comme on dit, le RPC est encore un régime de pensions par répartition. Le plan n'est durable que tant que le bassin des travailleurs est plus important que celui des retraités. Les changements démographiques, les taux de fécondité à la baisse et une plus longue espérance de vie font que ce mode de financement est étrangement désuet. Je dirai même plus, les projections originales des concepteurs du RPC ont été complètement faussées en raison de ces facteurs.

Les contribuables auront-ils les moyens d'absorber une telle hausse? En effet, une augmentation des cotisations de 73 p. 100 en 6 ans représente, selon nos calculs, une augmentation nette de 48 milliards de dollars de l'argent pris aux travailleurs canadiens. Cela revient à 3 100 $ par travailleur canadien, puisqu'il y en a environ 15,1 millions. Cette charge sociale va faire disparaître des emplois. Les effets de cette charge sociale seront doublement dévastateurs pour les Canadiens qui travaillent à leur compte et qui doivent verser la cotisation de l'employeur et celle de l'employé. Près d'un Canadien sur cinq, soit 17 p. 100 de la population active, travaille à son compte.

Plus tôt, le ministre avait dit qu'il ne s'agissait pas d'une charge sociale. Je remarque, d'après la lecture des débats, que certains sénateurs ne sont pas d'accord avec lui. Dans sa déclaration économique de 1994, le ministre des Finances parlait du RPC comme d'une charge sociale. En 1995, The Globe and Mail rapportait que le ministre Martin avait dit que les charges sociales étaient un cancer tueur d'emplois. D'un bout à l'autre du pays, des économistes en chef, dont David Slater de l'Institut C.D. Howe et J.C. Herbert Emery de l'Université de Calgary, ont tous décrit le RPC comme une charge sociale.

Nous pensons également qu'il est nettement injuste de demander à une génération de Canadiens de financer les pensions d'une autre génération au comlet détriment de leur propre sécurité financière quand ils prendront leur retraite. Selon

l'actuaire en chef du RPC, l'année de votre naissance détermine le rendement de vos cotisations au RPC auquel vous pouvez vous attendre. Pour les Canadiens nés en 1911, le rendement sera d'environ 22,5 p.100; pour ceux qui sont nés en 1929, il sera de 10,1 p. 100; pour ceux qui sont nés en 1968, deux ans après ma naissance, il sera de 2,5 p. 100. Avec la mise en oeuvre des réformes proposées dans le projet de loi C-2, les Canadiens nés en 1988 pourront s'attendre à un rendement de 1,8 p. 100 de leurs cotisations au RPC, et ce pour la durée de leur vie.

(1650)

En effet, cette dernière génération de Canadiens paiera davantage qu'elle ne touchera jamais au titre des prestations. On a déjà fait placer le fardeau de la dette nationale, qui s'élève à 600 milliards de dollars, sur les épaules de cette dernière génération de Canadiens. En plus de devoir supporter ce fardeau, on leur demande maintenant de payer plus tout en acceptant de toucher moins, voilà qui est tout à fait immoral.

La confiance que les Canadiens accordent au RPC n'a jamais été aussi faible. Vous avez déjà entendu les propos du sénateur Meighen qui a cité une étude de la Banque Canadienne Impériale de Commerce. En septembre, la revue Maclean's signalait que 66 p. 100 des Canadiens croient que le RPC ne sera plus là quand ils en auront besoin, au moment où ils prendront leur retraite. Et le mois dernier, le Royal Trust faisait état, dans son enquête annuelle auprès des investisseurs, que 46 p. 100 des Canadiens n'approuvent pas les modifications au RPC qu'a proposées le gouvernement.

Cependant, il suffit de jeter un coup d'oeil aux données de Statistique Canada. Ces données indiquent que les Canadiens ont investi la somme incroyable de 26 milliards de dollars dans des REER pendant la seule année 1996. C'était une façon pour les Canadiens de faire savoir où allaient leurs préférences. Par rapport à 1995, cela représente une augmentation de 6 p. 100 du nombre des cotisants et une augmentation de 13 p. 100 des montants ainsi investis. Selon Statistique Canada, une partie de cette croissance peut s'expliquer par l'incertitude qui plane sur l'avenir des régimes de retraite.

Nous croyons que le RPC doit faire place à un régime obligatoire d'épargne-retraite, comme nous l'avons dit pour la première fois en 1996 et comme nous le réaffirmons aujourd'hui en constatant l'état des finances du RPC, tel qu'il apparaît dans le seixième rapport de son actuaire en chef.

Contrairement aux affirmations du ministre des Finances, notre régime règle la question du passif non capitalisé, remplace le régime par répartition par un système où chacun récolte ce qu'il a semé, et stimule la croissance économique grâce à un investissement accru sur le marché.

J'ai déposé des copies de ce document auprès du greffier du comité, et je vous encourage à y jeter un coup d'oeil avant de voter demain.

Honorables sénateurs, l'absentéisme - dont les médias ont fait grand cas - d'un de vos collègues a entaché la réputation de votre institution, une noble institution par ailleurs, aux yeux de bien des Canadiens. Aujourd'hui, vous avez l'occasion d'atténuer sensiblement les effets de cette malheureuse affaire en prenant fait et cause pour les Canadiens. S'il y a jamais eu une mesure législative qui méritait un second examen objectif, c'est bien le projet de loi C-2. Je vous encourage à consacrer vos talents et vos compétences à cette tâche.

Lorsqu'on a mis en oeuvre le RPC pour la première fois, en 1966, on nous a dit que les cotisations ne dépasseraient jamais 5,25 p. 100. En fait, on prévoyait que ces cotisations n'atteindraient 5,1 p. 100 qu'en l'an 2025. Eh bien, le futur est arrivé beaucoup plus tôt que prévu. De plus, depuis 1987, les cotisations au RPC ont augmenté tous les ans sans exception. Ainsi, devons-nous accepter aveuglément maintenant qu'avec un taux de cotisation de 9,9 p. 100 en 2003, tous nos problèmes seront réglés? Les 31 dernières années de notre histoire nous donnent des raisons d'être sceptiques.

De plus, lorsque nous avons insisté là-dessus à «l'autre endroit», comme on appelle la Chambre des communes, honorables sénateurs, le ministre des Finances a refusé d'écarter toute augmentation des cotisations à l'avenir. C'est ironique, en fait, car les documents publiés par le ministre Pettigrew et son ministère du Développement des ressources humaines garantissent fondamentalement que les cotisations ne dépasseront pas 9,9 p. 100. C'est l'information qu'on donne aux futurs retraités. Je vais les déposer auprès du comité plénier.

Notre question est simple. Qui dit la vérité dans le cas présent? Des millions de futurs retraités nous demandent maintenant de faire preuve d'initiative et de couler ce projet de loi. Vous avez l'occasion et, je crois, le devoir d'envoyer un message aux ministres Martin et Pettigrew qu'il ne suffit pas de hausser les impôts pour relever un défi fondamental en matière de politique sociale.

Honorables sénateurs, il faut rejeter le projet de loi C-2. C'est à vous de relever le défi dans le but d'assurer la sécurité de tous les Canadiens à leur retraite. Je vous exhorte à mettre de côté vos convictions partisanes, à prendre en compte l'avenir de vos enfants, de vos petits-enfants et, dans certains cas, de vos arrières-petits-enfants et à faire ce qui est le mieux pour eux. Les contribuables canadiens comptent sur vous pour vraiment procéder à un second examen objectif de cette mesure.

Le président: Honorables sénateurs, le témoin a offert de déposer certains documents. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur St. Germain: M. Robinson, je reconnais avec vous que ce projet de loi constitue une razzia fiscale. Il va supprimer des emplois et étouffer l'économie. Il va être un fardeau pour les régions pauvres du pays. Le taux de chômage se maintient à 9 p. 100 et je pense que ce projet de loi va aggraver la situation.

Quand je parle de ce sujet avec des Canadiens, ils sont choqués d'apprendre qu'ils auront à payer autant. Comment se fait-il que votre organisme et d'autres n'ont pas réussi à faire passer leur message au gouvernement à propos de cette mesure législative?

M. Robinson: Il y a une multitude de raisons. En ce qui concerne le gouvernement, il y a eu des élections en juin dernier, une chose dont nous ne lui faisons pas reproche, et beaucoup de mesures législatives sont restées en plan au Feuilleton des deux Chambres. Le gouvernement a présenté à nouveau le projet de loi à l'autre endroit en septembre. Pour une raison ou une autre - et je ne veux pas m'interroger sur leur nature - le gouvernement a tenté de limiter le débat sur le sujet dans les deux Chambres. C'est un fait. Ne pas en tenir compte ne le fait pas disparaître.

L'autre problème à propos de la réforme des pensions et à propos du Régime de pensions du Canada tel que structuré présentement, c'est que nous n'avons pas été capables de communiquer efficacement nos idées et nos solutions de rechange aux Canadiens. Je m'en attribue en partie la faute.

Le problème à propos du dossier des pensions, c'est que, pour attirer l'attention - comme beaucoup d'entre vous l'ont appris tout au long de vos longues et remarquables carrières politiques respectives - un dossier doit faire appel à l'émotion. Ce dossier fait appel à l'émotion, mais il doit être simple à comprendre. Nous sommes à l'époque des messages de huit secondes, et il est bien difficile d'expliquer aux gens un régime d'épargne-retraite obligatoire quand on voit, au bulletin de nouvelles du soir, le ministre des Finances dire que le Parti réformiste, les contribuables ou qui que ce soit n'ont pas de plan pour remédier au passif non capitalisé. Or, nous en avons un. Il suffit de faire connaître nos plans aux Canadiens et de les inviter à se prononcer.

L'autre problème, c'est que le projet de loi n'a pas été expliqué clairement. Bien franchement, les Canadiens ont dormi tout au long du débat. Je ne sais pas comment expliquer cela, sénateur.

Le sénateur St. Germain: Étant donné que la majorité des sénateurs siègent du côté ministériel, le projet de loi deviendra probablement une réalité si on le met aux voix, malgré vos plaidoyers et l'information que vous nous avez donnée aujourd'hui.

Hier et aujourd'hui à la période des questions, le sénateur Michael Pitfield, qui a une vaste expérience de l'administration publique, a mis en doute la responsabilité de l'administration du compte - la vérification du compte et la façon dont le compte sera administré. Je me préoccupe de la responsabilité en ce qui concerne la nomination des membres du conseil d'administration. Il est stipulé dans le projet de loi, comme dans toute autre mesure législative, que cela incombe strictement au gouverneur en conseil. Le gouvernement fait ce genre de nomination tous les jours. Il s'agit de nominations purement partisanes. Même s'il prétend qu'il a fait les choses différemment, le gouvernement libéral a agi comme il l'a toujours fait.

Le ministre a dit qu'il est disposé à prendre sérieusement en considération les recommandations du comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Votre organisation et d'autres qui tiennent à ce que les Canadiens aient des pensions acceptables participeront-elles aux audiences du comité et y exposeront-elles leur point de vue? Renseignons les Canadiens sur ce qui ressort de ce très important débat. Pensez-vous que nous pourrions mettre cette question en évidence et sensibiliser les Canadiens aux répercussions qu'elle aura sur leur vie?

(1700)

M. Robinson: Je ne puis parler au nom des autres organisations, mais la nôtre sera très certainement à la disposition du comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Je vais poursuivre cette lutte de principe contre le projet de loi à l'étude jusqu'à ce que le décret provincial soit signé. Comme vous, je pense que les premiers ministres des provinces s'en sont tirés indemnes en l'occurrence, car le débat passionné a eu lieu ici et à l'autre endroit. Si le projet de loi est adopté - et je suis aussi réaliste qu'idéaliste - nous nous prévaudrons certainement de cette possibilité.

Le paradoxe à propos du rôle du vérificateur général, c'est que, comme le ministre l'a expliqué cet après-midi, c'est lui qui a finalement des comptes à rendre. Nous croyons que, en tant que ministre, le vérificateur général devrait avoir accès aux livres qui concernent la réforme des pensions, bien que nous jugions celle-ci inacceptable.

L'idée du financement par répartition était populaire pendant les années 50 et 60. Le Canada s'est montré très prudent, il a attendu et n'a instauré le régime qu'en 1966. Dans le monde entier, le vent a maintenant tourné en faveur de la privatisation ou de la commercialisation des régimes de pensions publics. Encore une fois, le Canada tire de l'arrière. J'ai reçu des documents d'une conférence d'économistes qui a eu lieu à Londres, la semaine dernière. Des participants du monde entier ont partagé leur expérience quant à la privatisation et aux avantages des régimes de pensions publics.

L'obligation de rendre compte est un aspect important. À mon avis, le vérificateur général devrait avoir accès aux livres, au même titre qu'une firme qualifiée, qu'il s'agisse d'OMERS, d'OTF ou d'une autre, qui vérifierait les livres du régime de pensions. Ce genre d'examen et une telle transparence renforcent la confiance des Canadiens. Nous expliciterons ce point.

Le sénateur Hays: Vu le côté où se trouve mon fauteuil, vous comprendrez que j'aurai probablement plus de difficulté à accepter votre position que certains de mes collègues d'en face.

Ce qui me préoccupe, entre autres, c'est la base sur laquelle vous fondez l'hypothèse selon laquelle votre génération n'obtiendra qu'un rendement de 1,8 p. 100 sur ses cotisations. Est-ce en fonction du régime proposé - c'est-à-dire des modifications proposées - avec ce fonds qui sera investi ou est-ce en fonction du régime actuel?

Je pose immédiatement toutes mes questions, mais j'aurai peut-être des questions complémentaires.

Je voudrais aussi savoir comment vous vous y prendriez pour régler le problème des 600 milliards de dollars. Vous avez déclaré que vous remplaceriez le régime actuel par un régime où chacun récolterait ce qu'il a semé. Si vous pouviez apporter des précisions à ce sujet, cela me serait utile.

Selon le scénario que vous élaborez, quelles autres possibilités s'offrent à nous? Vous avez dit qu'il y en avait au moins deux: ne rien faire ou faire ce qui a été fait. Par contre, vous n'aimez aucune de ces solutions.

M. Robinson: Pour ce qui est du rendement de 1,8 p. 100, je me suis fondé sur le rapport que l'actuaire en chef du RPC a diffusé en septembre 1997. Outre l'obligation de présenter un rapport conformément à la loi, l'actuaire en chef doit, chaque fois que des changements sont apportés au RPC, diffuser un rapport. C'est ce qu'il a fait.

Permettez-moi à ce stade-ci d'apporter une précision. J'ai dit qu'une personne née en 1988 obtiendrait un rendement de 1,8 p. 100. J'ai eu tort. Il faut parler d'un rendement de 1,9 p. 100. Aux termes du projet de loi, les Canadiens qui naîtront en l'an 2012 obtiendront un taux de rendement de 1,89 p. 100 sur leurs cotisations à vie qui auront été investies.

Bref, la réponse est oui, ces chiffres tiennent compte des modifications proposées dans le projet de loi C-2.

Pour répondre à votre deuxième question, qui portait sur la façon de régler le problème du passif non capitalisé du Régime de pensions du Canada, passif qui s'élève à 587 milliards ou à 600 milliards, je dirai qu'il ne fait aucun doute qu'une entente a été conclue avec les Canadiens qui ont cotisé au Régime de pensions du Canada. Personne d'entre nous - du moins personne au sein de la fédération des contribuables - ne pense que nous devrions refuser de respecter cette entente.

Il importe de mentionner toutefois que ce passif de 600 milliards de dollars ne doit pas être remboursé d'un coup. Supposons que quelqu'un commence à travailler au sortir du secondaire - soit à 18 ans - et travaille jusqu'à 65 ans, contribuant tout ce temps-là au régime de pensions. Dans ce cas, on dispose de 47 années pour rembourser ce passif de 600 milliards de dollars. C'est là que l'actuariat et l'évaluation actuarielle entrent en jeu.

Nous estimons que, comme dans l'expérience chilienne, ce passif pourrait être remboursé de diverses façons. On pourrait se servir du produit de la privatisation des sociétés d'État. On songe notamment au Conseil national de recherches, à une accélération du Programme des différents modes de prestation des services de gestion des bases et d'ingénierie du ministère de la Défense nationale, et à la vente d'actifs de la Couronne, qui valent au total 52,7 milliards de dollars environ selon les Comptes publics du Canada de 1996. Nous avons présenté notre exposé concernant les consultations prébudgétaires au comité de l'autre endroit. Ce ne sont là que quelques exemples. Il y aurait aussi les excédents généraux dont nous disposons grâce à la bonne gestion financière de M. Martin. Nous pourrions financer cette obligation.

Pour en revenir à votre troisième question, ce qui nous trouble le plus, ce sont les consultations mixtes provinciales-territoriales. Nous y avons participé et y avons exposé notre opinion. Je me réjouis de l'occasion que j'ai ici de la présenter à nouveau.

En Grande-Bretagne, des particuliers ont été autorisés à ne pas cotiser à leur régime public de retraite à condition de payer une amende ou une surtaxe. La même chose est arrivée en Australie. Comme il y a eu une participation de 90 p. 100 sur dix ans en Australie, ce pays a adopté une caisse de retraite légiférée. L'expérience chilienne est considérée tant par ses adversaires que par ses partisans comme le modèle à ne pas suivre. Les principaux adversaires de ce système étaient à l'époque le solide mouvement ouvrier au Chili. Environ 15 ans plus tard, les plus grands alliés de l'architecte original des réformes sont les syndicats, qui se rendent compte maintenant que c'est un meilleur système pour eux.

En ce qui concerne le rendement du marché, il est extrêmement ironique que le premier ministre ait dit à son dîner de la Confédération, à la fin de novembre, à Toronto, et que le ministre ait dit ici aujourd'hui ceci: «Imaginez ce qui serait arrivé si les Canadiens avaient investi dans le marché, compte tenu de la volatilité que nous y avons observée!» Ma question est la suivante: où ce super fonds d'investissement prévoit-il d'investir son argent? Dans le même marché. Pourquoi alors - pour poser une question naïve et pour vous inviter à réfléchir - le gouvernement peut-il investir mon argent pour ma retraite, mais pas moi?

Je crois avoir répondu à certaines de vos questions à cet égard.

Le sénateur Hays: Le nouveau RPC proposé dans le projet de loi C-2 comprendrait une composante «marché». Nous connaissons tous plus ou moins bien le comportement du marché sur une longue période. On peut faire mieux ou pire que la moyenne, mais les fonds plus importants ont tendance à faire mieux. Je présume qu'on a tenu compte de ce facteur dans les études actuarielles qui montrent un taux de rendement de 1,9 p. 100 pour les gens nés en 1988.

Je ne veux pas prendre le temps de le faire maintenant, mais je serai intéressé à examiner cela de plus près. Cela semble très pessimiste, mais c'est peut-être vrai.

Si je comprends bien, vous proposez que, dans un avenir rapproché, nous cessions de prélever des cotisations au RPC et nous inscrivions le passif non capitalisé comme une dette du gouvernement. Nous négocierions ensuite le remboursement de cette dette en réduisant sa valeur pour les personnes qui ont droit à des paiements ou encore en attendant qu'elles deviennent admissibles pour les payer. Puis nous liquiderions tout simplement l'actif ou trouverions l'argent nécessaire d'une autre façon dans la structure fiscale. Est-ce exact?

M. Robinson: Je ne dirais pas que nous réduirions la valeur comptable de la dette. Comme je l'ai mentionné, les Canadiens ont conclu un contrat avec les gouvernements, s'engageant à verser des cotisations au RPC durant toute leur vie, qu'ils aient commencé à travailler hier ou il y a quarante ans. Il faudrait que nous calculions la valeur de ces cotisations et que nous regardions le barème des prestations déterminées que ces gens devaient recevoir à la retraite et émettre des obligations de reconnaissance, comme cela s'est fait ailleurs. Il s'agirait essentiellement d'un certificat autorisé, un peu comme les obligations d'épargne du Canada, qui est encaissable à la date d'échéance. Cette obligation de reconnaissance serait versée sous forme de prestation définie mensuelle. Je ne suis pas un expert en actuariat, tant s'en faut, sénateur.

(1710)

Sauf votre respect, est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Hays: Oui.

Vous voudrez peut-être faire des observations sur ce qui suit, monsieur. Je suis un peu incertain quant à savoir quel traitement sera réservé à ceux qui ont cotisé au régime. Peut-être que c'est attribuable au fait que je suis avancé en âge et que je regarde le taux de rendement sur mes cotisations, ou c'est peut-être à cause du fait que l'on monte une génération contre l'autre, mais je n'en conteste pas moins le chiffre pessimiste que vous avez cité pour le rendement des futurs cotisants.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre présentation et de vos propos. Ils m'ont certainement donné matière à réflexion, et j'y réfléchirai, bien que je doive dire que je préfère la certitude de ce qui est proposé à toute incertitude qu'il pourrait y avoir si ces mesures n'étaient pas adoptées. Toutefois, cela changera peut-être à mesure que je lirai votre documentation.

M. Robinson: En guise de conclusion, je tiens à vous rappeler que le rendement de 1,8 p. 100 n'est pas de moi. C'est l'actuaire en chef qui l'a mentionné dans son seizième rapport. Ce chiffre est fondé sur les modifications proposées dans le projet de loi C-2.

En ce qui concerne les taux de rendement, je pense que le sénateur Oliver a peut-être effleuré ce sujet dans ses questions au ministre. L'actuaire en chef note également que, depuis 25 ans, le RPC a affiché un taux de rendement réel d'environ 2,5 p. 100. Le taux de rendement réel, et le sénateur Oliver ne sera peut-être pas d'accord avec moi, d'un groupe représentatif de fonds de pension privés durant la même période, qui couvre deux profondes récessions et un choc pétrolier, était de 5 p. 100. Cela équivaut à un taux de rendement de 11 p. 100 qui, une fois corrigé de l'inflation, soit 6 p. 100, donne un taux de rendement réel de 5 p. 100. C'est un simple calcul qui nous permet de dire que si le fonds du RPC avait été investi dans ce type de placements dès le début et que les provinces n'avaient pas été autorisées à retirer cet argent à des taux inférieurs au marché, les Canadiens auraient alors obtenu un rendement deux fois plus élevé. Ces fonds ont été réinvestis pour une autre période de 20 ans avant qu'ils n'aient respecté leurs obligations.

Il y a une question fondamentale que nous posons à notre gouvernement: pourquoi n'avons-nous pas obtenu le meilleur rendement? Notre régime comporte d'autres composantes dont les prestations d'invalidité et les prestations de décès. Je connais très bien la valeur des prestations de décès. J'ai vu ma mère en recevoir une il y a moins d'un an. Je sais que ces prestations sont très importantes pour les Canadiens. J'espère que l'on ne croit pas que nous avons un coeur de pierre.

Lorsque nous parlons de réforme des pensions, nous dressons les générations les unes contre les autres, c'est inévitable. C'est ce qui se produit dans le cas de nombreux débats sur des programmes publics. Je crois que, en l'occurrence, toute la question se résume à une guerre de chiffres. De notre point de vue, sauf votre respect, les chiffres du gouvernement sont faussés. Nous pensons avoir une meilleure solution à proposer.

Le ministre Martin a laborieusement expliqué en quoi sa réforme était supérieure à ce que nous et d'autres avons proposé. Pourtant, selon les règles élémentaires de stratégie politique, si le gouvernement avait fait des études démontrant que sa proposition est la meilleure, il aurait dû les rendre publiques afin de faire taire les critiques et de restaurer la confiance que nous voudrions tous voir renaître envers notre régime public de pensions. Le ministre n'a encore publié aucune étude. Encore là, le pacte n'a pas été respecté. Nous croyons que les changements sont voués à l'échec, qu'ils coûteront trop cher et qu'ils sont clairement injustes et immoraux.

Le sénateur Taylor: Je tiens à remercier le témoin d'avoir souligné que les provinces faisaient très bonne figure depuis quelques années, ce que je vois rarement. Ce n'est pas tant que les personnes âgées utilisaient l'argent plus vite qu'il entrait dans les caisses, mais plutôt que les gouvernements provinciaux se servaient dans ces caisses.

Vous avez parlé d'un rendement de 1,8 p. 100. J'ai passé la majeure partie de ma vie à faire des affaires avec l'étranger et je peux dire qu'un franc suisse placé à 1,8 ou 2 p. 100 il y a 25 ans aurait rapporté beaucoup plus qu'une lire placée à du 20 p. 100. Le rendement varie en fonction de la monnaie.

J'ignore si l'actuaire a pensé que nous serions la nouvelle banque suisse ou que la prochaine génération le serait. Je voulais simplement faire ressortir qu'un rendement de 1,8 p. 100 n'est pas si mauvais que cela si c'est dans la bonne monnaie.

Au moment où l'actuaire a parlé d'un rendement de 1,8 p. 100, je pensais bien que tel serait le rendement. Il ne faut oublier que, depuis, les devises asiatiques ont connu quelque déboire. Il est maintenant question de hausser nos taux d'intérêt. Je crois que la prévision actuarielle vient de tomber à l'eau. Êtes-vous d'accord?

M. Robinson: Monsieur le président, je suis d'accord avec le sénateur Taylor quand il dit que les provinces ont eu beau jeu. Il est regrettable qu'elles n'aient pas eu une plus grande visibilité dans cette affaire et que vous, honorables sénateurs, et vos collègues de l'autre endroit vous soyez trouvés à écoper. Comme il s'agit d'un accord conjoint, elles devraient subir leur part de pressions politiques et avoir le courage de leurs opinions, si elles croient vraiment dans cet accord.

Pour ce qui est des hypothèses actuarielles, il est vrai que nous avons assisté à l'effondrement de ce qui était peut-être la onzième économie à l'échelle mondiale. Je parle de la dévaluation de la devise coréenne, qui a eu de graves répercussions. Comme je le disais à des amis en plaisantant, j'ai la grippe asiatique, mais d'autres l'ont attrapé en jouant sur le marché des devises.

Notons que les prévisions de l'actuaire en chef, et cela se trouve dans le seizième rapport, se fondent sur les projections de croissance des salaires et toutes sortes d'autres facteurs. Il ne s'agit pas d'une science exacte. Peuvent entrer en ligne de compte les cohortes, les changements démographiques et un grand nombre d'autres facteurs.

Que l'on me corrige si je me trompe, mais je crois que les projections de l'actuaire en chef reposent sur l'hypothèse d'une croissance des salaires de 4,5 p. 100 au cours des six ou sept prochaines années.

À la fin de notre document, nous fondons nos calculs sur une croissance beaucoup moindre. Nous faisons preuve d'une grande prudence dans nos prévisions. La pensée nous fait trop peur que, dans trois ans, le ministre des Finances, quel qu'il soit, doive une fois de plus dire aux Canadiens: «Oups, nous nous sommes trompés. Il va falloir réviser nos chiffres.»

Nous avons découvert, à partir des modèles de privatisation utilisés an Chili et au Pérou et, plus récemment, des fonds de pension australiens, que les cotisations correspondent à 9 p. 100, 10 p. 100 et même plus du revenu brut. Les gens cotisent cependant à leur propre fonds, auquel cas les hypothèses actuarielles s'appliquent moins.

Le sénateur Taylor: Même si les provinces ont puisé dans le fonds dans le passé, elles n'auraient aucun besoin de dire que c'est un bon régime. Elles y ont toutes souscrit. Comment expliqueriez-vous, de façon politique, voire psychologique, que vous avez décelé quelque chose qui est passé inaperçu aux yeux du ministre national des Finances et des huit ministres des Finances d'allégeances politiques différentes d'un bout à l'autre du Canada?

M. Robinson: Je ne me crois certainement pas supérieur sur le plan intellectuel à ceux qui ont été dûment élus. Nous ne faisons qu'exprimer un avis, lequel est partagé et appuyé par nos 80 000 partisans d'un bout à l'autre du pays.

En Alberta, Stockwell Day, le ministre des Finances provincial, a jonglé publiquement avec l'idée d'imiter le Québec. Aujourd'hui, le gouvernement de l'Alberta a pris un décret et n'attend plus que la signature du lieutenant-gouverneur. Par ailleurs, on a institué, en Alberta, une commission formée d'éminents actuaires et experts en matière de pensions pour étudier toutes les possibilités pour le cas où, comme on le craint, dans trois ans ou moins, selon ce qui arrivera, on doive revoir les taux de cotisation à la hausse. Il convient de tenir compte de cet aspect important.

(1720)

Il importe également de noter qu'il y a deux semaines, quant notre directeur provincial a contredit le ministre des Finances Stefanson, du Manitoba, quant aux effets de la taxe sur la province du Manitoba uniquement, il a affirmé, tel que le rapporte le Winnipeg Free Press, que la province a adhéré à l'entente en croyant qu'il y aurait une réduction des cotisations à l'assurance-emploi. Je ne suis pas dans le secret de ces négociations, mais je puis vous dire que dans deux provinces, si je ne m'abuse, des doutes ont déjà été soulevés. Je ne dirai pas qu'ils sont sérieux, mais il y a des doutes quant à ce plan, et les intéressés examinent toutes les possibilités, comme devrait le faire tout bon gouvernement.

Le sénateur Taylor: À titre d'information, je sais que le trésorier Stockwell, de l'Alberta, dit que sa province veut un régime différent parce que son économie est en plein essor, qu'elle compte une population plus jeune que celle des autres provinces, et qu'il estime qu'elle verse des cotisations trop élevées en conséquence. En fait, ce n'est que par égoïsme dépassé que cette province veut établir son propre régime parce qu'elle pense qu'elle aura des cotisants plus jeunes qui cotiseront plus longtemps.

M. Robinson: C'est peut-être de l'égoïsme, mais je n'en parlerais pas en ces termes. J'y vois plutôt à l'oeuvre un bon gouvernement qui se soucie des intérêts supérieurs des habitants de la province. Je viens de Toronto et j'habite maintenant à Ottawa; il ne faut donc pas dire pareille chose à mes partisans dans l'Ouest.

Le sénateur Gigantès: Merci de vous être présenté devant nous, monsieur. Vous vous exprimez très bien et vous présentez une bonne argumentation. Vous venez cependant de dire que personne ne peut prédire l'avenir. Si personne ne peut le faire, et vous admettez que vous ne pouvez pas le faire non plus, comment pouvons-nous parler de ce qui va arriver?

Je me rappelle que quelqu'un avait essayé il y a quelques années de me persuader d'acheter des actions de sociétés coréennes et de sociétés d'autres petits dragons dont l'économie s'est effondrée lamentablement. Si j'avais eu de l'argent, mais je n'en avais pas, et si j'avais investi dans ces sociétés, j'y aurais laissé ma chemise. Si j'avais investi dans les entreprises de M. Reichmann, j'y aurais laissé ma chemise. Il y a même des collègues au Sénat qui ont investi dans des entreprises et y ont perdu une petite fortune. Qu'avons-nous donc à parler de l'avenir? Comment pouvez-vous critiquer une mesure dont il est impossible de connaître les résultats?

M. Robinson: C'est comme répondre à une question hypothétique. Je ne puis qu'entrevoir l'avenir d'après l'expérience du passé, soit les 31 années durant lesquelles les cotisations au RPC se sont accumulées et les hypothèses qui se sont maintes et maintes fois révélées erronées lorsque de nouveaux éléments d'information ont été découverts. Nous disons que notre plan, qui peut selon nous parer à des éventualités que ni vous ni moi ne connaissons encore, serait supérieur à cet égard.

Le sénateur Gigantès: Votre évaluation de l'avenir inconnaissable est donc meilleure que celle que d'autres en font.

M. Robinson: Je ne parlerai pas de mes évaluation de l'avenir par rapport à celle que d'autres en font. Nous discutons en l'occurrence du projet de loi concernant le RPC, des projections de l'actuaire en chef fondées sur diverses hypothèses et des taux de rendement. Je le répète, j'utilise les chiffres de M. Dussault, non les nôtres. Nous disons simplement que l'expérience que nous avons observée partout dans le monde a prouvé qu'une solution de rechange pourrait mieux parer aux éventualités.

Le sénateur Gigantès: Sans savoir ce que réserve l'avenir?

M. Robinson: C'est exact.

Le sénateur Gigantès: Merci.

Le président: Honorables sénateurs, il n'y a plus de sénateurs qui souhaitent poser des questions. Je n'ai plus qu'à remercier le témoin, au nom des honorables sénateurs, d'être venu ici cet après-midi. Merci beaucoup, monsieur Robinson.

M. Robinson: Si vous me le permettez, j'aimerais souhaiter de bonnes fêtes à tous et vous remercier de votre patience.

Le président: Sénateur Carstairs, j'aimerais régler quelques points avant d'entendre le prochain témoin.

À la demande des membres du comité, le ministre a déjà fourni un document intitulé «Coût du remplacement du RPC par un système de REER obligatoire».

[Français]

Ce document s'intitule «Coût du remplacement du RPC par un système de REER obligatoire». Honorables sénateurs ce document est disponible dans les deux langues officielles à la table, si vous désirez vous en procurer une copie.

[Traduction]

Ce document est disponsible sur la table pour les sénateurs qui en voudront.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je demande que M. Armand Brun, président intérimaire du Conseil national du bien-être social, et M. Steve Kerstetter, directeur du Conseil national du bien-être social, soient invités à participer aux délibérations du comité plénier.

Le président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Français]

Le président: Honorables sénateurs, nos témoins sont M. Armand Brun, membre du Conseil national du bien-être social, qui est accompagné de M. Steve Kerstetter.

[Traduction]

Le président: M. Kerstetter, rien dans mes documents ne m'indique si vous êtes un membre ou un officier du conseil.

M. Steve Kerstetter, directeur, Conseil national du bien-être social: Je suis le directeur du conseil.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue à vous deux. Je crois que M. Brun désire faire une déclaration.

[Français]

M. Armand Brun, président intérimaire, Conseil national du bien-être social: Monsieur le président, je m'appelle Armand Brun, je suis de Shediac au Nouveau-Brunswick. J'agis maintenant comme président intérimaire du Conseil national du bien-être social. J'ai fait ma carrière en éducation et j'ai aussi travaillé dans le monde financier. D'ailleurs, j'ai eu l'honneur d'être directeur, pendant 15 ans, de la polyvalente Louis J. Robichaud.

[Traduction]

Je suis accompagné aujourd'hui de Steve Kerstetter, directeur du secrétariat du conseil et principal auteur de notre rapport de 1996 intitulé Améliorer le Régime de pensions du Canada. Je crois comprendre que les honorables sénateurs ont déjà reçu des exemplaires du rapport.

Le Conseil national du bien-être est un organisme de consultation populaire, qui oeuvre auprès du ministre du Développement des ressources humaines, l'honorable Pierre Pettigrew. Notre mandat consiste à fournir au ministre des conseils sur les questions qui préoccupent les citoyens à faible revenu. Les membres de notre conseil sont nommés par le Cabinet et travaillent pour nous à temps partiel. Nous pouvons compter sur l'aide d'un secrétariat formé de quatre fonctionnaires qui travaillent à plein temps à Ottawa. M. Kerstetter est le chef du secrétariat.

Je tiens à remercier les membres du comité qui nous donnent l'occasion de livrer notre témoignage pendant leur étude du projet de loi C-2 sur le Régime de pensions du Canada. Depuis longtemps, notre conseil est un loyal partisan du régime de retraite du Canada et du Québec et ce projet de loi nous désole énormément. Nous aurions préféré que la mesure législative soit retirée et qu'une nouvelle entente au sujet du RPC soit négociée avec les provinces. Sous sa forme actuelle, le projet de loi ne profite ni aux travailleurs ni aux employeurs. Nos réserves portent sur l'essentiel de la proposition ainsi que sur la façon dont la proposition a été élaborée.

(1730)

Ce qui nous préoccupe tout d'abord, c'est le financement du RPC. Quant au fond du projet de loi, nous ne sommes pas convaincus qu'il faut un financement public stable. Les dispositions du projet de loi C-2 auront fondamentalement pour effet que travailleurs et employeurs verseront des cotisations plus élevées que nécessaire, pendant de longues années, dans l'espoir d'avoir droit un jour, bien lointain, à une très faible baisse de ces mêmes cotisations.

Nous supposons que la principale raison qui explique ces augmentations accélérées des cotisations, c'est le désir de constituer dans le RPC un fonds qui permette d'investir encore davantage dans des actions et des obligations canadiennes. Nous n'avions rien en principe contre les placements en bourse, le problème c'est que la mesure législative donne très peu d'indications sur leur gestion. Chose certaine, il y a tout lieu d'examiner les conséquences à fond avant de modifier radicalement nos façons de faire en la matière. Or, c'est à peine si le document de consultation sur le RPC et la mesure législative elle-même touchent un mot sur cet aspect très important.

En ce qui concerne l'amélioration apportée aux prestations du RPC, les modifications proposées en ce sens dans le projet de loi se limitent à une série de modestes réductions. Le gouvernement n'a même pas daigné envisager les nombreuses options viables qui s'offraient pour améliorer la situation à cet égard. Selon le Conseil national du bien-être social, deux des plus importantes améliorations qui auraient pu être apportées consistaient, d'une part, à majorer les prestations destinées aux travailleurs à faible et à moyen revenus et, d'autre part, à accorder la retraite sans pénalité à 60 ans.

Les améliorations apportées aux prestations vont nécessairement se traduire par des augmentations des cotisations. À notre avis, il serait possible d'agir en ce sens d'une façon qui soit néanmoins acceptable aux yeux des travailleurs et des employeurs. Ce que nous proposons, c'est d'aligner les prestations et les cotisations, dans le cas du RPC, sur celles de la sécurité sociale aux États-Unis.

Notre troisième reproche, c'est le secret qui entoure tout ça. En ce qui concerne le processus qui a mené au projet de loi C-2, nous n'en revenons pas de la façon ultra-secrète dont le gouvernement s'est pris pour exercer son droit de gérance sur le Régime de pensions du Canada. C'est à huis clos que l'on a concocté un train de mesures très précises. Et quand le gouvernement a fait connaître ses propositions de modification, il s'attendait à ce que travailleurs et employeurs pavoisent, quoi qu'il leur en coûte. Notre conseil a recommandé que les futures rencontres fédérales-provinciales au sujet du RPC soient ouvertes au public et que les députés puissent proposer des modifications à toute loi concernant le RPC, même s'il faut ensuite redemander l'approbation des gouvernements provinciaux.

Contrairement aux recherches gouvernementales précédentes sur les régimes de pensions au Canada, la recherche à la base du dernier document d'étude sur le RPC est abominable. Ce n'est qu'une pâle image du travail remarquable que le gouvernement fédéral avait fait sur les pensions, au début des années 80 par exemple. Lorsque nous avons préparé notre rapport de 1996, nous avons essayé de ne pas tenir compte du document d'étude tant il était épouvantable.

Nous nous sommes posé la question suivante: comment aimerions-nous que le RPC évolue au cours des années à venir? Les réponses à cette question forment la base de notre rapport.

En résumé, nous croyons que le projet de loi C-2 est gravement lacunaire et qu'il devrait être retiré. Nous espérons sincèrement que le processus d'examen du Régime de pensions du Canada sera bien différent lors du prochain examen, dans trois ans je crois. Nous espérons que les Canadiens auront la chance d'étudier une vaste gamme d'améliorations possibles du régime à ce moment-là.

M. Kerstetter s'intéresse aux politiques sur le revenu de retraite depuis bon nombre d'années. Il étudiera volontiers toutes les questions d'ordre technique. Il sera prêt à discuter de ces questions avec vos chercheurs, au moment qui leur conviendra. Encore une fois, merci.

Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, je me demande si les témoins veulent commenter le contre-interrogatoire du ministre, qu'ils ont entendu je suppose, en ce qui concerne la structure de gestion du fonds de retraite prévue dans le projet de loi. Ont-ils des commentaires à faire ou des opinions à exprimer dans un sens ou dans l'autre? Ils ont entendu les questions provenant des deux côtés quant au contrôle du compte de placement.

M. Brun: Comme je viens de le dire, nous ne sommes pas opposés à cela. On pourrait obtenir un meilleur rendement sur les sommes investies. Il y a diverses façons d'y parvenir. Par exemple, juste avant de venir ici, j'ai recueilli une brochure de la société de caisse de retraite de la Banque Royale du Canada. En 1986, cette caisse a investi 27,6 p. 100 de ses fonds dans des obligations, 23,2 p. 100 dans des hypothèques et des biens immobiliers, 45,3 p. 100 dans des actions ordinaires et 3,8 p. 100 dans des dépôts bancaires, c'est-à-dire des placements à court terme.

Ces informations sont connues des experts. Si nous analysons les conclusions des experts, nous devrions en arriver à une solution satisfaisante. J'espère que le comité pourra arriver à un juste milieu entre l'investissement et la création d'emplois. Quelqu'un a mentionné cet après-midi que certaines personnes voudraient que l'on investisse de l'argent à l'étranger pour obtenir un meilleur rendement. Toutefois, si nous avons un meilleur rendement en investissant à l'étranger et si nous ne faisons rien pour l'emploi dans notre pays, je ne crois pas que nous avancerons. Je ne crois pas que ce soit le rôle du comité de décider de cette question. Ce devrait être le rôle du Parlement.

Le sénateur Grafstein: Peut-être ma question n'était-elle pas claire. Qu'arrivera-t-il si les personnes qui cotisent au fonds de pension - les Canadiens - ne sont pas satisfaits des résultats? Peut-être la structure des investissements est-elle mauvaise? Peut-être ne sont-ils pas contents de la politique d'investissement ou des taux de rendement? Peut-être les taux de rendement sont-ils loin de ce à quoi ils s'attendaient ou sont-ils inférieurs à ce que rapportent d'autres fonds? Supposons qu'il y ait un conflit. Qu'un groupe de Canadiens se mettent ensemble pour se plaindre. Auprès de qui se plaignent-ils? Qui est responsable?

M. Kerstetter: Sénateur Grafstein, c'est une question intéressante. C'est certainement l'une des questions que nous nous sommes posés au Conseil en ce qui concerne les opérations et le personnel de l'office d'investissement du RPC proposé dans cette mesure législative. C'est un changement radical dans la façon de financer notre système de pension public.

Si vous examinez bien ce projet de loi, comme je suis sûr que les honorables sénateurs l'ont fait, vous y trouverez seulement trois ou quatre paragraphes décrivant la façon dont les fonds doivent être investis et établissant les critères à utiliser.

Ainsi, il est intéressant de noter que le ministre, dans les commentaires qu'il a faits plus tôt aujourd'hui, a dit de la phase initiale de la politique d'investissement qu'elle devrait refléter l'indice de la Bourse de Toronto. Il n'en est pas question dans le projet de loi.

Des questions ont été soulevées à propos de la proportion du fonds investie à l'étranger qui pourrait être acceptable par la suite. Je n'ai rien vu à ce sujet dans le projet de loi. Essentiellement, le projet de loi semble dire que les investissements seront faits d'une manière prudente afin de maximiser les rendements pour les cotisants, mais rien d'autre. C'est inquiétant.

Le sénateur Grafstein: J'espère que votre groupe suivra cette affaire et présentera d'autres recommandations au comité des banques à ce sujet. Il y a une chose qui me préoccupe et dont vous pourriez traiter dans un futur mémoire. Comme je le disais, dans l'état actuel des choses, pour formuler une plainte, on s'adresse à l'office. Si l'office ne répond pas, on peut s'adresser au «parrain» de l'office, le groupe fédéral-provincial à qui il doit rendre des comptes. Ce groupe est composé au tiers de représentants du gouvernement fédéral et aux deux tiers de représentants des gouvernements provinciaux.

À qui se plaint-on dans ce cas? Et si l'on n'est pas satisfait, qui faut-il congédier? C'est en effet l'ultime recours d'un citoyen qui vit en démocratie, dans ses relations avec un organisme ayant des comptes à rendre. Je n'attends pas de réponse aujourd'hui, mais votre groupe pourrait peut-être offrir des conseils au comité du Sénat. Des deux côtés de la Chambre, la question des comptes à rendre nous intéresse au plus haut point - les comptes à rendre aux principaux intéressés.

(1740)

Le sénateur Gustafson: Le programme est-il conçu en fonction d'un facteur d'inflation, disons 3 p. 100 d'inflation par année? A-t-on pris ce facteur en considération?

M. Kerstetter: Le sénateur pourrait peut-être préciser sa question. Parlez-vous du facteur d'inflation influant sur les prestations ou sur les cotisations?

Le sénateur Gustafson: Sur le régime de pensions.

M. Kerstetter: En ce qui a trait aux prestations?

Le sénateur Gustafson: Disons que nous avons 3 p. 100 d'inflation durant 10 ans. Une personne née dans les années 80 qui obtient un rendement de 1,8 p. 100 sera perdante. Le programme prévoit-il un facteur d'inflation ou de déflation?

M. Kerstetter: Je pense que le ministre pourrait répondre à cette question.

M. Brun: L'exemption de base a été gelée à 3 500 $ et la prestation de décès à 2 500 $. Nous n'étions pas en faveur du gel de ces éléments et j'estime, pour ma part, que tout revenu de pensions devrait être indexé.

Le sénateur Gustafson: Je crois que vous n'avez pas compris ma question, ou peut-être est-ce moi qui me suis mal exprimé. Aujourd'hui, un montant de 10 $ permet d'acheter une certaine quantité de biens. S'il y a de l'inflation, dans 25 ans ce montant n'aura plus grand pouvoir d'achat. Une personne qui investit dans le régime en retirera bien peu si ce dernier ne comporte pas de facteur d'indexation au taux d'inflation. Savez-vous si un tel facteur est prévu?

M. Kerstetter: Je crois comprendre, sénateur, que les projections établies par le ministre des Finances supposent que les placements faits dans les instruments du marché auront un taux de rendement sensiblement supérieur au taux d'inflation et peut-être aussi plus avantageux que les obligations émises par les gouvernements provinciaux à l'heure actuelle. Il s'agit-là, je crois, d'une hypothèse sous-jacente et tacite dans les calculs du gouvernement. Le ministre ou ses fonctionnaires sont probablement beaucoup mieux placés que nous pour répondre à cette question.

Le sénateur Gustafson: Il n'y aurait pas de garanties?

M. Kerstetter: Non.

Le président: Honorables sénateurs, il y a de plus en plus de bruit et il est devenu difficile d'entendre les témoins. Je vous en prie, si vous voulez tenir des conversations, veuillez le faire à l'extérieur.

Le sénateur Gigantès: Dois-je comprendre que vous êtes inquiet parce que le facteur d'indexation des investissements en fonction de la bourse, dont a parlé le ministre au début, n'est pas prévu dans le projet de loi? Ai-je bien compris?

M. Kerstetter: Notre crainte était que même si le projet de loi contient un article général prévoyant que les investissements devront être faits de façon prudente pour assurer un rendement optimal aux cotisants et aux membres du régime, il ne précise pas comment cela devra être fait. Le ministre a dit des choses intéressantes dans cette Chambre plus tôt, mais le projet de loi n'y fait pas écho.

Le sénateur Gigantès: Est-ce que vous êtes en train de suggérer que la composition des placements du fonds devrait être fixée par la loi, ce qui ferait que, à chaque fois que les gestionnaires de ce dernier diraient: «Nous aimerions nous débarrasser de certaines actions qui ne sont pas très performantes pour acheter autre chose», ils seraient obligés d'en référer au Parlement, et il faudrait adopter une mesure législative nouvelle concernant ce que les gestionnaires peuvent faire?

M. Brun: Ce n'est pas ce que nous proposons.

Le sénateur Gigantès: Pourquoi alors dites-vous que les indices devraient figurer dans le projet de loi?

M. Kerstetter: Ce que je dis c'est qu'il y a des règles générales sur la manière dont les placements seront faits par l'Office d'investissement du RPC, mais que le projet de loi ne renferme pas de lignes directrices détaillées.

Le sénateur Gigantès: Pourquoi faudrait-il qu'il y en ait? Si l'office est composé de spécialistes qui consulteront d'autres spécialistes, nous devrions leur laisser la latitude de décider quelle est la meilleure façon de placer les fonds pour servir les intérêts des prestataires. Faute de quoi, cela deviendra un enjeu politique dans les deux Chambres du Parlement.

M. Kerstetter: Si vous me permettez de répondre, sénateur, je dirais que le projet de loi semble renfermer une grande quantité de détails sur les activités de gestion matérielle de l'office, mais très peu sur les lignes directrices relatives aux placements. Le projet de loi semble bizarrement déséquilibré.

Le sénateur Gigantès: L'administration est une chose qui est sensée avoir un caractère plus permanent. Les structures sont sensées être plus permanentes qu'un portefeuille. Le portefeuille devrait être modifié selon les besoins. Mentionner les indices empêcherait les gestionnaires d'avoir le meilleur portefeuille possible.

M. Brun: Je suppose que cela se retrouvera en grande partie dans les règlements quand ils seront rédigés. Je pense que le ministre est à la recherche de conseils à ce sujet.

Le sénateur St. Germain: Messieurs les témoins, vous avez suivi les délibérations qui ont eu lieu ici aujourd'hui. Je pense que la question de l'obligation de rendre des comptes a été clairement énoncée par le sénateur Pitfield et par le sénateur Bolduc. Pour ma part j'ai parlé de cette question dans le cadre des nominations. C'est pour moi une préoccupation majeure et je me demande si vous la partagez. Les dispositions du projet de loi à cet égard sont en tous points semblables à celles régissant les nominations par décret, à la Banque du Canada, par exemple, ou à tout autre organisme. Ma question au ministre portait sur l'obligation de rendre des comptes dans la façon de procéder à ces nominations, et je suggérais qu'elles devraient être faites différemment. Est-ce que cela vous préoccupe également?

M. Brun: Je pense que le ministre a trouvé que c'était une question très difficile. Je n'ai probablement pas ses compétences, et je trouverais cela difficile. Je ne sais pas en détail comment le gouvernement fonctionne, mais je pense qu'on doit se préoccuper des comptes à rendre.

Le président: Si aucun autre sénateur ne souhaite poser des questions, je remercie MM. Brun et Kerstetter d'avoir comparu devant le comité cet après-midi.

Honorables sénateurs, nous sommes maintenant arrivés à l'étape où le projet de loi va être examiné article par article. Vous vous rappelez que nous avons déjà reporté l'étude du titre, ainsi que de l'article 1, le titre abrégé. Je vais maintenant mettre toutes les questions aux voix dans l'ordre.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence.

L'article 3 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Adopté avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

[Français]

Le président: L'article six est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: Avec dissidence.

Le président: L'article sept est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le sénateur Bolduc: Les articles suivants jusqu'à l'article 57 ou 60 portent sur le conseil d'administration. Pourquoi ne les traite-t-on pas en bloc?

[Traduction]

Le président: L'honorable sénateur Bolduc propose l'adoption en bloc de tous les articles jusqu'à l'article 57. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: Les articles 8 à 57 sont-ils adoptés?

Des voix: Adoptés.

Le sénateur Kinsella: Avec dissidence.

Le président: Les articles 8 à 57 sont adoptés avec dissidence.

L'article 58 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le sénateur Kinsella: Avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence.

L'article 59 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence.

L'article 60 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Avec dissidence.

Le président: Adopté avec dissidence.

[Français]

Le président: L'article 61 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

[Traduction]

Le président: L'article 62 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 63 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 64 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 65 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 66 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

[Français]

Le président: L'article 67 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 68 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 69 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 70 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

[Traduction]

Le président: L'article 71 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 72 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 73 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 74 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 75 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 76 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 77 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 78 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 79 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 80 est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

[Français]

Le président: L'article 81 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: L'article 83 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: L'article 84 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: L'article 85 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: L'article 86 est-il adopté?

Des voix: Adopté

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: Le sénateur Bolduc propose que nous adoptions en bloc les articles 87 jusqu'à l'article 100.

[Traduction]

Les articles 87 à 100, inclusivement, sont-ils adoptés?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: Les articles 101 à 107 sont-ils adoptés?

Des voix: Avec dissidence.

[Français]

Le président: L'article 108 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: L'article 109 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

Le président: L'article 110 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Un honorable sénateur: Avec dissidence.

[Traduction]

Le président: L'annexe est-elle adoptée?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Avec dissidence.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi sans propositions d'amendement?

Des voix: Avec dissidence.


Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

Le président: Votre Honneur, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence, a étudié le projet de loi et m'a chargé d'en faire rapport sans propositions d'amendement.

Troisième lecture

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Attribution d'une période de temps pour le débat-Retrait de la motion

L'ordre du jour appelle:

Que conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude de la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p., concernant la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence;

que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour l'étude de ladite motion sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette successivement aux voix toute question nécessaire pour disposer de ladite motion; et

que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande le consentement unanime pour retirer cette motion de l'ordre du jour.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'horloge indique qu'il est 18 heures. Êtes-vous d'accord pour que je ne voie pas l'heure?

Des voix: D'accord.

La région Asie-Pacifique

Présentation du rapport du comité des affaires étrangères

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:

L'honorable John B. Stewart, président du comité permanent des affaires étrangères, présente le rapport suivant:

Le mercredi 17 décembre 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, autorisé par le Sénat le 28 octobre 1997 à étudier et à faire rapport sur l'importance croissante pour le Canada de la région Asie-Pacifique et à présenter son rapport au plus tard le 30 octobre 1998, présente, conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget soumit au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Le budget soumit ainsi que le rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration s'y référant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOHN B. STEWART

(Le texte du rapport figure à la p. 393 de l'annexe A dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stewart, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'Union monétaire européenne

Présentation du rapport du comité des affaires étrangères

L'honorable John B. Stewart, président du comité permanent des affaires étrangères, présente le rapport suivant:

Le mercredi 17 décembre 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires étrangères a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, autorisé par le Sénat le 19 novembre 1997 à étudier et à faire rapport sur les conséquences pour le Canada de l'émergence de l'Union monétaire européenne et sur d'autres sujets connexes en matière de commerce et d'investissement et à présenter son rapport au plus tard le 15 décembre 1999, présente, conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat , le budget soumit au comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Le budget soumit ainsi que le rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration s'y référant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOHN B. STEWART

(Le texte du rapport figure à la p. 398 de l'annexe B dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stewart, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur le tabac

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Haidasz, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Stewart, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur le tabac (réglementation du contenu).-(L'honorable sénateur Kelly).

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, le projet de loi S-8 que nous étudions aujourd'hui correspond essentiellement au projet de loi S-14 qui a été déposé au Sénat pendant la dernière législature. J'avais alors participé au débat sur le projet de loi S-14. Au lieu de répéter aujourd'hui ce que j'ai dit à ce moment-là, je vous renverrai simplement au hansard du 1er février 1996, lequel rend compte de mes observations. Cependant, si vous insistez, je puis reprendre tous mes propos.

(1800)

Comme je l'ai dit alors, je suis le président du conseil d'administration d'une société qui produit du tabac. Pour cette raison, je vais donc m'abstenir de voter sur le projet de loi à l'étude, comme je m'étais abstenu de le faire sur l'autre projet de loi concernant le tabac dont nous avions été saisis. Je vous demande toutefois d'être indulgents et de me laisser soulever, au sujet du projet de loi S-8, deux points que je n'avais pas abordés lors du débat sur le projet de loi S-14. J'avais alors expliqué, je crois, que j'étais en conflit d'intérêts.

Premièrement, depuis que le projet de loi S-14 a été présenté au Sénat, le Parlement a adopté le projet de loi C-71, Loi réglementant les produits du tabac. Cette loi accomplit tout ce que le projet de loi S-8 propose. Je ne vois rien dans le projet de loi S-8 qui ne puisse se faire par le biais de la partie I du projet de loi C-71. Je veux parler plus précisément des articles 5, 6 et 7 du projet de loi C-71.

Deuxièmement, le projet de loi C-71 prévoit de vastes pouvoirs de réglementation pour le gouverneur en conseil. Cette réglementation se divise en trois catégories générales: celle sur les produits, celle sur l'étiquetage et celle sur les activités de promotion.

J'aimerais que le Sénat comprenne que, malgré l'empressement du gouvernement à faire adopter le projet de loi C-71 avant la dissolution du Parlement l'an dernier, pas un seul règlement n'a été adopté depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-71. De plus, rien n'indique que des règlements seront adoptés prochainement.

L'honorable Stanley Haidasz: C'est pourquoi il est urgent d'adopter le projet de loi S-8.

Le sénateur Kelly: Il faut comprendre - et cela se rapporte directement au projet de loi S-8 - que le règlement qui pose le plus de problèmes est celui du projet de loi C-71, un règlement qui vise les produits et couvre exactement les mêmes aspects que le projet de loi S-8.

On nous a donné à entendre qu'aucun règlement ne serait diffusé à brève échéance en raison de la multitude de questions soulevées. Par exemple, si le gouvernement du Canada imposait des modifications majeures à la composition des produits du tabac canadiens, cela stimulerait la contrebande. C'est là une préoccupation et du gouvernement et des sociétés productrices.

Les préférences et les goûts changent lentement et ils sont très difficiles à imposer. Plutôt que de changer leurs préférences en fait de produits du tabac, les consommateurs pourraient très bien décider de ne pas modifier leurs habitudes et d'acheter le produit qu'ils aiment sur le marché noir. Ainsi, lorsque les taxes sur les produits du tabac étaient très élevées, le marché légal, où la taxe est payée, s'est littéralement effondré dans certaines régions.

Le ministère de la Santé nous a également dit qu'il voulait avoir des preuves épidémiologiques probantes avant d'ordonner de modifier la composition des produits. Une fois les produits modifiés, le gouvernement doit accepter la responsabilité des nouveaux produits. Aussi veut-il avancer prudemment. On arrive donc à la conclusion que le projet de loi S-8 part d'une bonne intention, mais qu'il n'est pas du tout nécessaire. Même si le projet de loi S-8 vise à faire quelque chose que le projet de loi C-71 ne fait pas, il n'est vraiment pas urgent.

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, une fois de plus, je tiens à apporter mon soutien à un projet de loi qui modifie la Loi sur le tabac.

Le projet de loi S-8 autorise le gouverneur en conseil à adopter des règlements réduisant la quantité de substances nocives permises dans les produits du tabac. Tout le monde sait très bien que fumer est, au Canada, une cause de mortalité prématurée pouvant être évitée. Selon les dernières statistiques canadiennes, il y a chaque année plus de 45 000 décès directement attribuables au tabagisme.

Notre société a réussi à contrôler beaucoup des aspects connexes du tabagisme, notamment en limitant pour les jeunes la possibilité de se procurer des produits du tabac, en restreignant la promotion des produits du tabac, en diffusant sur les emballages des produits du tabac de l'information sur la santé et en limitant les activités promotionnelles de l'industrie du tabac, notamment le parrainage de diverses activités.

Bien que nous puissions être fiers de nos réalisations dans ces domaines, rien n'a vraiment été fait pour résoudre le problème fondamental, à savoir la nocivité des produits du tabac eux-mêmes. Le loi S-8 vise directement à résoudre ce problème en établissant des normes pour les produits du tabac et, notamment, en réduisant la quantité admissible de substances nocives telles que la nicotine, les additifs, les goudrons et les autres substances nocives contenues dans les produits. Pour ce qui est de l'étiquetage et de la publicité, le projet de loi exige qu'ils fassent état de la teneur en nicotine, en goudron et en d'autres substances par gramme de tabac.

La lutte contre le tabac en est une que les médecins mènent de front depuis longtemps. L'association médicale canadienne a publié en 1954, au nom de la profession, le premier avertissement contre les dangers du tabac et n'a jamais cessé depuis de dénoncer le tabac.

Compte tenu du caractère létal du tabac, l'AMC a fait savoir qu'il était urgent de réglementer le produit et a recommandé que soient établies et progressivement réduites ses teneurs maximales en goudron, en nicotine et en oxyde de carbone.

Ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. La nocivité du tabac ne fait aucun doute. Le contrôle de ce qu'il y a dans le tabac est d'abord et avant tout une affaire de santé.

Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Haidasz d'avoir fait preuve d'autorité en présentant ce projet de loi. Je vous encourage tous vivement à appuyer ce projet de loi en troisième lecture.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, j'appuie moi aussi le sénateur Haidasz. Comme je vous l'ai déjà dit, le tabac m'a pris mon père, mon épouse et mon frère. Il faut faire quelque chose!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à informer le Sénat que si le sénateur Haidasz prend maintenant la parole, son allocution aura pour effet de clore le débat.

Le sénateur Haidasz: Honorables sénateurs, tout a été dit sur les dangers de la nicotine et de la teneur en nicotine du tabac, de même que des goudrons cancérigènes et autrement toxiques contenus dans la fumée de tabac.

Je remercie le docteur Keon pour son appui. Je comprends les observations de mon collègue, le sénateur Kelly; toutefois, mon projet de loi prévoit quelque chose que ne prévoyait pas le projet de loi C-71, à savoir l'article 5, qui se lit comme ceci:

La présente loi entre en vigueur six mois après la date de sa sanction.

Espérons qu'il y aura moins de cigarettes nocives sur le marché avant que le gouvernement ou ses conseillers ne se décident à présenter quelque chose dans un avenir trop lointain, ce que nous attendons depuis des décennies.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Haidasz, avec l'appui de l'honorable sénateur Stewart, propose: Que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

L'enseignement postsecondaire

Étude du rapport final du comité spécial-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du rapport final du comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire, déposé au Sénat le 16 décembre 1997.-(L'honorable sénateur Lavoie-Roux).

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, je veux parler aujourd'hui du rapport du comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire.

Avant de me concentrer sur deux chapitres en particulier, je voudrais remercier le sénateur Bonnell. Malheureusement, il prend sa retraite dans 24 heures environ. Cependant, je tiens à le remercier d'avoir pris l'initiative de créer ce comité spécial pour étudier l'enseignement postsecondaire. Même si son étude n'est pas encore complète, et je suis persuadée que d'autres seront nécessaires, au moins notre honorable collègue a sonné l'alarme et je pense qu'il était plus que temps que quelqu'un le fasse.

Je voudrais souligner la contribution de deux sénateurs, les sénateurs Forest et Andreychuk, qui, grâce à leur expérience des universités, ont beaucoup contribué à la rédaction de ce rapport. Je remercie en particulier le sénateur Andreychuk, car elle m'a remplacée quand j'ai été prise par mes devoirs au comité mixte étudiant l'article 93 de la Constitution.

Je voudrais concentrer mes observations sur le fait qu'on néglige la recherche et le développement, car je crois que c'est un domaine extrêmement important pour l'avenir du Canada. Lorsqu'on a formé le comité, je craignais particulièrement qu'on empiète sur les compétences provinciales, et c'est une préoccupation que j'ai eue tout au cours du processus.

Cependant, le gouvernement fédéral a un intérêt légitime et inévitable dans le domaine de la recherche et du développement. Je ne parle pas de notre contribution financière, mais plutôt, du rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de s'assurer que le Canada a un nombre suffisant de gens hautement compétents pour notre main-d'oeuvre, qu'il y a assez de bouchés pour nos jeunes et qu'on élabore la base de connaissances nécessaire à la croissance économique et à la prospérité.

Par rapport à d'autres pays industrialisés et à nos partenaires commerciaux, nous avons un piètre bilan en matière de recherche et de développement. En 1995, les dépenses intérieures brutes du Canada en recherche et développement représentaient environ 1,5 p. 100 du PIB. On comptait environ 4,7 chercheurs pour 1 000 travailleurs. C'est loin de nos voisins du Sud qui consacraient 2,6 p. 100 de leur PIB à la recherche-développement et qui avaient 7,4 chercheurs par tranche d'un millier de travailleurs. Même ces statistiques montrent que le Canada accroît ses efforts dans le domaine de la recherche. Depuis qu'ils ont atteint leur plus bas niveau en 1988-1989, ils sont encore inférieurs à ceux de tous les autres pays de l'OCDE, à l'exception de l'Italie.

Au cours des deux dernières semaines, les journaux du Québec ont fait paraître des études qui comparent le Conseil de recherches médicales du Canada ou CRM à son pendant américain, le National Health Institute.

[Français]

Ainsi en est-il notamment des États-Unis. Les chiffres fournis par ce comité indiquent que les dépenses effectuées par le Conseil de recherches médicales du Canada en 1990-1991 étaient de 8,71 $ par habitant comparativement à 39,71 $ pour le National Institute of Health des États-Unis. Pour l'exercice 1997-1998, les calculs communiqués signalent que ces dépenses ont encore diminué à 8,23 $ pour le Canada pendant qu'elles progressaient jusqu'à 66,64 $ aux États-Unis. Pire, en 1993, le comité permanent de la santé a constaté que le budget global pour la recherche avait atteint les 752 millions. Au cours de la même année, les dépenses en maladie avaient totalisé au Canada 157 milliards de dollars. Et alors? Le budget de la recherche représente donc 0,48 p. 100 des coûts de santé totaux.

Si le gouvernement fédéral tarde à renverser la tendance imprimée depuis le début de la décennie, il est vraisemblable que tous les efforts fournis pour doter l'industrie canadienne d'un capital de risque adéquat n'auront servi à rien. À cet égard, le docteur Martin Godbout, vice-président principal de Biomédical, a souligné ceci:

De 50 millions environ au début de la décennie, le capital de risque en biomédical totalise aujourd'hui les 400 millions, dont plus de la moitié au Québec. Si le fédéral ne modifie pas ses politiques en la matière, il y a fort à parier que les gestionnaires de ce capital de risque vont aller ailleurs.

Bref, ils investiront aux États-Unis, en Europe ou au Japon.

[Traduction]

Si nous voulons connaître la prospérité sociale et économique au Canada, il faut mettre l'accent sur l'éducation, la connaissance et l'innovation. Le Canada ne restera compétitif dans l'économie mondiale que s'il peut compter sur une main-d'oeuvre bien éduquée. C'est pourquoi nous devons améliorer notre performance dans le domaine de la recherche et du développement et, à cette fin, promouvoir les carrières dans le secteur de la recherche, freiner l'érosion de l'infrastructure du secteur de la recherche et favoriser les échanges de la technologie et de l'information.

Nous dépendons beaucoup, au Canada, de la recherche universitaire. Les universités et collèges contribuent de façon disproportionnée à l'effort canadien de recherche et de développement. Ils produisent pour 76 milliards de dollars de biens et services, soit 12 p. 100 du PIB, et emploient plus d'un million de personnes au Canada. L'investissement dans la recherche rapporte beaucoup. À l'heure actuelle cependant, le gouvernement canadien a réduit son aide réelle aux trois organismes subventionnaires fédéraux qui sont responsables de presque toutes les activités de recherche dans les collèges et universités.

Les budgets du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et du Conseil de recherches en sciences humaines ont été réduits de 14 p. 100. Le Conseil de recherches médicales a subi des compressions budgétaires de 10 p. 100 au cours des trois années qui ont précédé 1997-1998. Ces organismes vont subir de nouvelles compressions de 3,5 p. 100 en 1998-1999. À moins d'un renversement de la tendance actuelle, le secteur de l'innovation au Canada va continuer de régresser.

Je n'ai jamais cru qu'on puisse régler le problème en jetant de l'argent au secteur de la recherche, mais je crois néanmoins qu'il faut savoir choisir le moment opportun pour faire les bons investissements. Le manque de fonds et de ressources du secteur de la recherche a déjà eu des effets inquiétants sur le milieu de la recherche et sur le Canada dans son ensemble. Le fameux exode des cerveaux en est un exemple. La réduction du financement de la recherche amène des étudiants à renoncer à faire carrière dans la recherche et à s'expatrier pour exploiter d'autres débouchés ailleurs.

Des domaines vitaux de la recherche comme la biologie moléculaire et la génétique sont les plus négligés. Nos concitoyens les plus brillants ne peuvent pas mettre leurs talents en valeur parce qu'ils ne bénéficient pas d'un soutien adéquat. Les jeunes qui ont une formation en recherche peuvent poursuivre des carrières diverses et stimulantes. En décourageant les jeunes de faire carrière dans la recherche, nous les plaçons également dans une situation désavantageuse dans l'économie fondée sur l'information.

La façon la plus courante de transférer et de disséminer l'information ou le savoir, c'est au moyen de nos diplômés universitaires qui apportent leurs connaissances et leur expertise au milieu du travail. Les universités ont aussi établi des liens avec le secteur privé en ce qui concerne l'information afin de faciliter la commercialisation des résultats de la recherche. Ces transferts du savoir ont été principalement axés sur les résultats de la recherche en sciences physiques et en sciences de la santé, mais la recherche en sciences sociales et en sciences humaines a pris beaucoup plus d'importance. Le système d'appui pour la dissémination des résultats de la recherche dans ces domaines n'est toutefois pas le même.

Beaucoup de problèmes que connaît la société, comme la pauvreté chez les enfants, la violence et la restructuration économique, ne peuvent pas facilement être réglés au moyen de solutions techniques. Un effort plus grand est nécessaire pour réunir ces gens et ces idées. Ce n'est qu'en augmentant la recherche en sciences sociales et en sciences humaines que nous pourrons effectivement mettre au point des solutions, des politiques et des stratégies innovatrices.

(1820)

Nous avons, cette dernière décennie, assisté au Canada à des changements phénoménaux. La technologie a été une ouverture sur le monde. Si nous voulons que les Canadiens connaissent la prospérité, nous devons être soutenir la concurrence des autres pays du monde. Les chercheurs doivent apprendre à se familiariser avec l'histoire, la politique, la culture et les langues des pays du monde entier. Nous devons former des partenariats avec les autres pays afin de collaborer aux activités de recherche, et nous devons pouvoir faire profiter les autres pays de nos propres recherches. La collaboration au niveau de la recherche est non seulement une façon d'étendre la base de nos connaissances, mais c'est aussi rentable. C'est sûr que ce n'est pas irréaliste de songer à hausser les fonds de recherche à un niveau raisonnable, parce que ces fonds stimuleront l'économie de bien des manières. Le comité des études postsecondaires a admis l'importance de la recherche et a fait quelques recommandations en conséquence.

Nous recommandons que le gouvernement fédéral prenne un engagement stratégique détaillé et à long terme à l'égard du financement des travaux de recherche et développement dans les institutions d'enseignement postsecondaire. Pour ce faire, il doit commencer par s'engager immédiatement à hausser, d'ici cinq ans, les investissements canadiens dans ce domaine, afin qu'il atteignent le niveau moyen des autres pays membres de l'OCDE.

Ensuite, le gouvernement devrait rétablir le financement du Conseil de recherches médicales et du Conseil de recherches en sciences humaines aux niveaux de 1993 et surtout, il devrait s'engager à assurer des augmentations régulières de leur budget. Cela encouragerait les jeunes chercheurs doués à rester au Canada ou à y revenir. Le gouvernement doit envisager sérieusement la création d'un nouveau programme sur la recherche de pointe ou un programme semblable.

Nous avons abordé les questions propres à des clientèles particulières, les autochtones, par exemple. Je suis sûre que mon collègue en parlera. Nous avons discuté du sort des personnes handicapées et de ce qu'on fait au sein du système d'éducation pour répondre à leurs véritables besoins. Nous avons aussi parlé des minorités francophones dans les provinces autres que le Québec.

[Français]

La croissance accélérée des établissements postsecondaires francophones survient dans une période de compressions fédérales et provinciales plutôt qu'à une époque d'expansion rapide des budgets. Ils sont également beaucoup plus tributaires des crédits du gouvernement que les collèges et les universités d'un certain âge parce qu'ils n'ont pas eu le temps de se doter d'un bassin suffisant d'anciens qui puissent les appuyer ou accumuler les fondations qui leur permettraient de financer quelques points de pourcentage essentiels à leur budget d'exploitation.

Dans l'ensemble, l'appui que ces établissements reçoivent des provinces et du gouvernement fédéral accuse du retard compte tenu du poids démographique de la population francophone locale et ils ne disposent pas des fonds nécessaires à la mise sur pied du nombre de nouveaux cours requis. Les technologies modernes permettent aux universités et aux collèges de langue française de se rapprocher et de constituer un réseau pancanadien pouvant offrir toute une gamme de programmes postsecondaires en français. Ils leur manquent toutefois les ressources financières nécessaires pour construire une sorte d'inforoute nationale qui leur permettrait d'échanger des cours et des programmes, d'offrir des services universitaires en français dans les régions du pays qui en sont privées et d'élaborer de nouveaux programmes.

Le comité recommande donc que le gouvernement fédéral veille à ce que l'aide offerte aux établissements postsecondaires de langue minoritaire tienne compte des besoins spécifiques des établissements de langue française en matière de financement supplémentaire pour leur permettre de rattraper leur retard par rapport aux programmes offerts par d'autres collèges universitaires.

[Traduction]

Pendant notre séjour à Regina, l'Institut des langues de l'Université de Regina m'a passablement impressionnée. Cet institut fonctionne essentiellement en français et on dit qu'il fait du bon travail. Toutefois, son directeur a mentionné que les subventions fédérales de l'institut avaient été coupées. De nouvelles compressions menaceraient gravement sa capacité d'atteindre ses objectifs.

[Français]

Deuxièmement, que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file, non seulement en créant et en finançant une inforoute de langue française reliant tous les établissements postsecondaires des minorités francophones, mais aussi en appuyant l'élaboration de cours et de programmes appropriés au télé-enseignement.

Je me suis particulièrement intéressée, comme le sénateur Losier-Cool et d'autres, à toute la question de l'enseignement postsecondaire disponible ou non pour les francophones de l'extérieur du Québec.

Je pense que tout cet enseignement francophone à l'extérieur du Québec, s'il se développait ...

[Traduction]

...pourrait inciter les anglophones ou toute minorité linguistique hors Québec à apprendre le français. L'an 2000 approche à grands pas. Ce n'est pas du luxe que de connaître deux langues, c'est plutôt une nécessité.

Je ne peux ni blâmer ni réprimander mes collègues qui ne parlent pas français, ceux qui viennent d'autres provinces, mais les temps ont changé. Les gens commencent à comprendre que c'est le meilleur lien que nous puissions établir entre le Québec et le reste du Canada. J'espère qu'on donnera suite à ce rapport.

L'honorable Jean B. Forest: Honorables sénateurs, le président du comité et la vice-présidente, le sénateur Lavoie-Roux, ont pris la parole. Vu le peu de temps dont nous disposons cette semaine, les autres membres du comité ont accepté de remettre leurs discours au mois de février, lorsque le Sénat reprendra ses travaux. Je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Forest, le débat est ajourné.)

La fondation Famous Five

Motion visant à commémorer les événements en érigeant une statue sur la colline du Parlement-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., appuyée par l'honorable sénateur LeBreton:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait prendre en considération la demande de la fondation Famous Five d'honorer la mémoire de Emily Murphy, Nellie McClung, Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards - les «Famous Five» - en permettant de commémorer celles-ci par l'installation d'un monument sur la colline parlementaire.-(L'honorable sénateur Kenny).

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur tout particulier et un très grand privilège de prendre la parole pour appuyer la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Je ne peux pas laisser passer cette occasion sans rendre hommage à plusieurs personnes qui ont eu une influence considérable sur l'entreprise à laquelle nous participons tous.

Les sénateurs Joyce Fairbairn et Marjory LeBreton ont proposé et appuyé la motion. Il y a deux jours, le sénateur Fairbairn a fait un discours émouvant et, j'oserais même dire, passionné sur le sujet. Joyce ne fait jamais les choses à moitié. Quand elle se donne à une cause, vous pouvez vous attendre à ce que ce soit à 100 p. 100. Ensemble, Joyce et le sénateur LeBreton forment l'une des combinaisons les plus formidables que cette Chambre ait à offrir. Si elles collaborent à un projet, on peut être sûr du résultat.

Ensuite, je me sens obligé de signaler le sénateur Carstairs qui est dévouée à cette cause depuis le tout début. Elle m'a recruté au début de l'été pour l'aider à trouver un emplacement approprié. Elle m'a persuadé que c'était un groupe et une cause qui valaient la peine d'être appuyés. C'est elle la raison qui fait que je suis en train de parler ce soir.

Dans l'autre endroit, un trio est particulièrement remarquable: l'honorable Sheila Copps, toujours dévouée aux causes progressistes, a imaginé le concept hardi d'une «promenade du courage» bordée d'héroïnes et de héros canadiens; l'honorable Hedy Fry, secrétaire d'État à la Situation de la femme, dont l'énergie et l'entrain ont donné son élan au mouvement; et enfin, la dernière mais non la moindre, Jean Augustine, présidente du caucus libéral féminin qui, d'un ton calme mais avec une volonté de fer, n'a pas lâché le but des yeux et a tenu bon jusqu'au bout.

(1830)

Avant d'aborder un autre sujet que la contribution des parlementaires, je me dois de mentionner mon amie et collègue, l'honorable sénateur Andreychuk qui m'a rappelé que l'affaire «personne» ne s'adressait pas uniquement aux femmes, mais à toutes les personnes désavantagées à cause de leur sexe, de leur race, de leur origine ou de leur âge et qu'il y avait, dans ce dossier, une place et un rôle pour les hommes. Le processus est global et inclusif.

Avant de passer aux principaux protagonistes de l'exercice, je sais qu'il existe dans certains milieux une confusion quant au projet de loi S-6, Loi portant création d'un parc historique national pour commémorer l'affaire «personne», qui vise à rendre hommage à une cause qui a influencé grandement le développement du Canada comme nation. Cette motion propose qu'un monument soit érigé en l'honneur des cinq femmes, très courageuses et très déterminées, qui ont refusé de tolérer la position où les reléguait la société de l'époque. Les sujets de ces deux dossiers sont complémentaires, ils s'appuient réciproquement et cherchent, chacun à sa façon, à souligner et à honorer un profond changement dans l'attitude des Canadiens les uns envers les autres.

Aucune intervention dans ce débat ne serait complète sans un salut tout spécial à Frances Wright, le propulseur, le moteur, la force vive et irrésistible qui fait avancer cette cause. Les mots me manquent pour décrire son souci du détail, son enthousiasme, son optimisme et sa politesse constante durant la promotion de cette cause. En ma qualité de politicien, je ne peux m'empêcher de remarquer, et d'envier un peu, son doigté avec la presse et sa capacité de participation à une médiatisation considérable. On m'a dit, et je suis convaincu que c'est vrai, qu'elle a contribué à pousser les projecteurs dans ma direction de temps à autre. Frances et sa présidente très efficace d'Ottawa, Isabel Metcalfe, ont fait un travail remarquable pour mobiliser la collectivité et elles méritent toutes nos félicitations à ce sujet.

Je dois vous dire qu'il y a deux semaines, une jeune personne de onze ans seulement, Kate French, m'a appelé pour solliciter ma contribution, au nom du comité d'Ottawa. Le service postal était en grève, mais puisque Kate habite dans mon quartier, j'ai décidé de lui apporter mon chèque personnellement. Je me suis présenté chez elle à huit heures du matin. Elle était encore en pyjama car elle s'était cassé un bras plus tôt le matin et portait un plâtre. Si Frances peut convaincre une jeune fille de onze ans avec un bras dans le plâtre d'appuyer sa cause, le moins que l'on puisse faire est de soutenir les efforts de Frances.

L'honorable Norman K. Atkins: Est-ce que le sénateur Kenny me permettrait de lui poser une question?

Le sénateur Kenny: Bien sûr.

Le sénateur Atkins: J'ai entendu les exposés du sénateur Fairbairn et du sénateur LeBreton et je les ai trouvés excellents. Le sénateur a-t-il fait part à ces deux collègues de la possibilité de combiner la proposition du sénateur Fairbairn avec la sienne concernant un parc privé? Il me semble qu'il vaudrait beaucoup mieux combiner les deux propositions et que ce serait là une bien meilleure façon de commémorer l'événement que d'édifier un monument sur la colline et de créer un parc à quelque 500 verges de là.

Le sénateur Kenny: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Atkins de sa question. Je trouve son argument très pertinent. Je dois vous dire que, lorsque le sénateur Carstairs m'a demandé d'aider Mme Wright à cet égard, j'ai d'abord et avant tout essayé de trouver un endroit où installer une statue dans le périmètre qu'elle et son comité avaient choisi. Il se trouve qu'il s'agissait de la colline du Parlement. La statue rend hommage à cinq femmes, c'est on ne peut plus clair. Quant au parc dont je propose la création dans le projet de loi S-6, il vise à commémorer l'affaire «personne» qui, à mon avis, a une portée plus grande. Cette affaire concerne toute la société. Les groupes défavorisés trouvent beaucoup de réconfort dans l'affaire «personne». Je crois que le sénateur Andreychuk, par exemple, pourrait confirmer qu'un grand nombre de personnes, qui ne sont ni francophones ni anglophones, admirent l'affaire «personne» et y trouvent beaucoup d'encouragement et de réconfort.

Comme je l'ai dit dans mon intervention, il s'agit de deux initiatives distinctes quoique complémentaires, de deux façons différentes de commémorer un même sujet.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, en 1929, le comité judiciaire du Conseil privé renversait une décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Muir Edwards et déclarait qu'une femme pouvait être nommée au Sénat du Canada et que le mot «person», «personne» employé à l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 incluait les femmes.

Le Gouverneur général, sur proposition du premier ministre, a par la suite nommé plusieurs femmes au Sénat et aujourd'hui, plus du quart de la Chambre haute est composé de femmes. Cette tendance non seulement se maintiendra mais sera appelée à croître, bien sûr.

En 1960, la Déclaration canadienne des droits consacrait au niveau fédéral, le principe de l'égalité devant la loi pour les hommes et pour les femmes. Les chartes provinciales suivirent allant dans la même direction. Ces documents, toutefois, n'étaient et ne sont que des lois quasi constitutionnelles.

En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés voyait le jour. Cette mesure est enchâssée dans la Constitution du Canada et prévoit une égalité entre les hommes et les femmes.

L'article 28 de la Charte se lit comme suit:

Indépendamment des autres dispositions de la présente Charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.

Je dis toujours que c'est ma clause nonobstant préférée parce que l'article 28 s'applique, nonobstant tout ce qui est écrit dans la Charte.

En 1983, peu de temps après le rapatriement de la Constitution, un amendement constitutionnel était adopté pour reconnaître l'égalité des Amérindiens et des Améridiennes. La Cour suprême interprète généreusement cette Charte et moi, pour un, je suis d'accord.

C'est toujours un plaisir de commenter l'article 28 de la Charte canadienne des droits et libertés. L'arrêt de 1929, Muir Edwards - et ce qu'on appelle aussi «the person case» - et notre Charte constitutionnelle de 1982 ont changé notre Constitution de façon durable.

Je suggère en terminant que l'on garde et que l'on marque le souvenir de la célèbre cause de 1929 qui a reconnu, en premier, l'égalité des hommes et des femmes.

[Traduction]

(1840)

L'honorable Anne C. Cools: L'honorable sénateur Beaudoin accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Beaudoin: Certainement.

Le sénateur Cools: Je mourais d'envie de soumettre ce qui suit à un expert en droit constitutionnel. Il est souvent question de l'affaire «personne», mais je pensais que la question de l'identité individuelle ne se posait que lorsqu'il s'agit d'établir si les femmes sont des personnes aux termes de l'article 24 de l'AANB. Il se trouve que, en 1926, il y avait déjà des femmes qui siégeaient à la Chambre des communes et que celles-ci étaient totalement émancipées à tous les autres égards.

Cela fait un certain nombre d'années que je ne me suis pas penchée sur cette question, mais la Cour suprême a, semble-t-il, rendu un jugement conformément au droit romain, dans lequel elle soutenait que les femmes n'étaient pas des personnes en vertu du droit romain. C'est du domaine de l'ésotérisme maintenant. La question a été soumise au Conseil privé, qui en a fait ce qu'il en a fait.

Je crois que l'avocat qui a porté l'affaire devant le comité judiciaire du Conseil privé s'appelait Newton Rowell, celui-là même qui s'était distingué avec le rapport Rowell-Sirois.

Sénateur Beaudoin, à des fins historiques, peut-être pourriez-vous jeter un peu de lumière sur la différence qui existe entre la notion de personne dans le droit romain et la définition de «personne»? Les femmes étaient totalement émancipées à tous les autres égards à l'époque.

Comme un bon libéral, William Lyon Mackenzie King n'a rien fait. Si vous vous souvenez bien, c'était le temps de ses grandes contestations auprès du gouvernement impérial, que l'on pense à l'affaire King-Byng ou à l'abolition des appels canadiens au Conseil privé britannique. Vous pourriez peut-être éclairer notre lanterne, honorable sénateur.

Le sénateur Beaudoin: Il est vrai que le comité judiciaire du Conseil privé a cassé la décision de la Cour suprême du Canada, qui n'était pas vraiment suprême à l'époque puisque le Conseil privé se trouvait au-dessus d'elle. La Cour suprême du Canada avait pris le mot «personne» figurant à l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'est-à-dire la Loi constitutionnelle de 1867, dans son sens étroit pour statuer que «personne» ne comprenait pas les personnes de sexe féminin.

C'est à ce moment que le Conseil privé à lancé ce que l'on appelle en droit la doctrine de «l'évolution de la Constitution». Il a décidé qu'il faut considérer l'AANB comme un arbre vivant et interpréter la Constitution de façon à ce qu'elle reste toujours vivante. Il a adopté ce que l'on appelle en droit une «interprétation évolutive» de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

À proprement parler, la Cour suprême du Canada a peut-être eu raison, si l'on interprète le mot «personne» dans le sens étroit qu'on uilisait en 1928 ou 1929. Cependant, le Conseil privé a déclaré que nous devions interpréter la Constitution du Canada comme si c'était un arbre vivant. Nous ne pouvons modifier la Constitution chaque semaine ou chaque année. C'est trop compliqué. D'autres causes sont allées dans le même sens que l'affaire «Personne».

Je conviens avec l'honorable sénateur que les femmes ont eu le droit de vote en 1918. Ce n'était pas la première victoire des femmes, mais c'était la première qu'elles remportaient au niveau du Conseil privé.

Si vous m'aviez demandé si nous devrions commémorer cette décision du Conseil privé, je dirais oui, bien sûr, parce qu'elle marque un début. Après cela, nous avons évidemment eu d'autres causes qui n'étaient pas aussi célèbres, par exemple l'affaire Lavell. Par contre, il y a eu l'affaire Lovelace, dont les Nations Unies ont été saisies; on avait alors déclaré au Canada que Mme Lovelace avait raison.

L'affaire «Personne» et l'article 28 de la Charte des droits sont liés. En 1982, quand nous avons inscrit dans la Charte que les hommes et les femmes étaient sur un pied d'égalité, nous avons eu recours à la disposition d'exemption. Dans ce cas-là, nous avons fait les choses à la perfection. Nonobstant la Charte, les hommes et les femmes ont le même statut et la loi s'applique également aux deux sexes. Je ne peux en dire davantage.

Sénateur, votre interprétation est tout à fait juste.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Puis-je poser une question sur ce dossier à l'honorable sénateur Beaudoin?

Le sénateur Beaudoin: Oui.

[Français]

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, je n'ai pas compris pourquoi, malgré le fait que les femmes étaient déjà admise à la Chambre des communes, il y a eu cet autre cas. Je n'ai pas saisi pourquoi, malgré le fait que les femmes avaient obtenu leur liberté, il y a eu la cause «personne».

Le sénateur Beaudoin: C'était basé sur un concept de common law et l'égalité des femmes n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. On avait même dans le Code civil un article qui disait que la femme n'avait pas le droit de contracter, qu'elle devait avoir l'autorisation de son mari pour faire telle ou telle chose. C'était une autre époque.

Mais dans la cause «personne», on voulait nommer une femme au Sénat. Les gens avaient soulevé la constitutionnalité en disant que le mot «personnes», au pluriel, à l'article 24, n'incluent pas les femmes. C'était une interprétation extrêmement étroite du mot «personne» dans le droit existant de l'époque. C'est pour cela que le Conseil privé a dit: «Non, il faut interpréter ce mot d'une façon évolutive et le mot «personne» comprend les hommes et les femmes.»

Quand on a donné le droit de vote aux femmes en 1918 et dans les provinces en 1940, on a amendé les lois et on a dit que les femmes avaient le droit de vote. Cela ne soulève aucune difficulté. Mais le mot «personne» à l'article 24 de l'Acte de 1867 était restreint aux personnes du sexe masculin, avait dit la Cour suprême.

[Traduction]

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je veux poser une question au sénateur Beaudoin.

Ne serait-il pas correct de dire que, dans le cas du droit de vote, le Parlement, au niveau national, ou les assemblées législatives, au niveau provincial, ont décidé que les femmes auraient le droit de participer d'élire des députés, tandis que, les nominations au Sénat étant du ressort du pouvoir exécutif, le Parlement n'avait pas à traiter de la question de l'admissibilité? Par conséquent, la question devait être renvoyée aux tribunaux ou traitée par une modification de la Constitution, de façon à libérer le pouvoir exécutif du gouvernement du carcan imposé par les vieilles acceptions du terme «personne». L'affaire «Personne» n'est-elle pas un bel exemple de droit judiciaire?

Le sénateur Beaudoin: Oui, c'est certainement un cas d'interprétation. Le mot «personne» est dans l'Acte d'Amérique du Nord britannique depuis 1867. Comme nous le savons tous, l'AANB était une loi anglaise adoptée par le Parlement de Westminster. À l'époque, le mot «personne», du moins en vertu du droit britannique et de la common law, n'incluait pas les femmes. Toutefois, lorsque les lois électorales du Canada ont été modifiées, le pouvoir législatif de l'État est intervenu. On peut accorder le droit de vote aux personnes énumérées dans la loi. Les législateurs ont énuméré les hommes et les femmes, et les provinces ont fait de même par la suite. Cela pourrait être une explication.

Si le Parlement du Canada a dit que les hommes et les femmes avaient le droit de voter, il n'y a pas de problème. Cela ne laisse aucune place à l'interprétation. Il n'y a pas d'erreur possible.

(1850)

Cependant, si l'on utilise le terme «personne» dans une constitution, on doit interpréter ce terme conformément au common law, au droit civil ou à la loi applicable à l'époque. Si l'Acte de l'Amérique du Nord britannique avait stipulé «les hommes et les femmes» au lieu de «personne», la question aurait été réglée, mais cette loi a utilisé le terme «personne».

Le sénateur Gigantès: Pourquoi le pouvoir exécutif n'aurait-il pas pu nommer tout simplement une femme au Sénat?

Le sénateur Carstairs: Il ne voulait pas le faire. Voilà tout le problème.

Le sénateur Cools: On avait l'habitude de parler de Mackenzie King comme de l'un des grands leaders de notre grand Parti libéral. Il n'y avait rien pour empêcher Mackenzie King de nommer des femmes au Sénat. Ses décisions de ne pas le faire étaient purement politiques. Le sénateur Beaudoin pourrait peut-être tirer ce point au clair pour nous. Mackenzie King savait ce qu'il faisait.

Le sénateur Beaudoin: Toutes les lois sont présumées valides jusqu'à ce qu'elles soient déclarées non valides. Toutes les nominations sont censées être valides tant qu'elles ne sont pas contestées. Vous dites que Mackenzie King aurait pu nommer Mme Muir au Sénat. C'est exact. Je ne sais pas ce qui se serait produit. Si personne ne conteste la nomination, la question est close. Il existe en droit la théorie de facto. Si une personne est nommée, elle est nommée. Par contre, si votre nomination est contestée, vous êtes dans l'eau bouillante.

Il me faudrait réviser l'histoire de cette époque, car je n'en ai étudié que la crise constitutionnelle qui l'a secouée, mais pas l'affaire «personne». Cette affaire ne portait que sur l'interprétation qu'il fallait donner, selon le droit civil, le common law et l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, au mot «personne».

Le sénateur Cools: Mackenzie King aurait pu nommer une de ces cinq femmes. La vérité, c'est qu'il ne voulait pas le faire, car cela soulevait une question politique.

Mackenzie King était très conscient qu'il était le petit-fils de son grand-père. Il a de tout temps eu l'intention d'abolir ce qu'il considérait comme les derniers vestiges du pouvoir impérial au Canada. À l'époque, King était résolu à suivre la voie qui allait, un jour, le mener tout droit à l'abolition de certains pouvoirs qu'exerçait au Canada le gouvernement impérial d'Angleterre.

L'affaire «personne» est plus qu'un fait juridique. Elle fut aussi une affaire politique. Pour une raison ou pour une autre, Mackenzie King a pris les décisions qu'il a prises. Il ne serait ni honnête ni juste de dire que l'affaire «personne» a donné la liberté et l'égalité totale aux femmes. Les femmes étaient déjà très émancipées à l'époque.

Son Honneur le Président: La période réservée à l'allocution du sénateur Beaudoin et aux questions et réponses est expirée. Le sénateur a-t-il la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

L'honorable John G. Bryden: J'adresse ma question au sénateur Beaudoin qui saura m'éclairer, peut-être pas en tant que constitutionnaliste, sur des choses qui sont associées dans nos délibérations, à savoir la modification constitutionnelle concernant les écoles du Québec, la modification de la clause 17 pour Terre-Neuve et l'affaire «personne», dont il est maintenant question. Je crois comprendre que l'affaire «personne» a établi d'une façon ou d'une autre que les femmes sont des personnes.

Le sénateur Beaudoin: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Dans les autres débats que nous avons tenus, nous employons normalement les mots hommes, femmes et enfants pour désigner nos concitoyens. Les enfants sont-ils des personnes?

Le sénateur Beaudoin: Je vais me montrer très prudent et m'appuyer sur le droit civil. Je ne prétends pas être un spécialiste de la common law, même si je l'ai aussi étudiée.

Dans le Code civil, il y a un chapitre sur les personnes et la famille. De ce point de vue, un enfant est une personne. Il y est question de différentes choses au sujet des enfants et de ce qu'ils peuvent faire, notamment se prévaloir de leur droit de vote à 21 ans. Je dirais donc qu'un enfant est une personne, du moins en droit civil.

Le sénateur Bryden: Dans la Déclaration universelles des Nations Unies sur les droits de l'homme, des droits universels sont proposés, et il y est question de personnes. Je crois comprendre que notre Charte des droits reconnaît, par exemple, la liberté de religion à chacun. J'imagine que «chacun» signifie «toute personne».

Ma question n'était pas purement théorique. Si, comme certains l'ont fait valoir au Sénat, toute personne qui bénéficie de la protection de notre Charte des droits et libertés a la liberté de religion, et si les enfants sont des personnes, les enfants du Québec et de Terre-Neuve, comme ceux de partout ailleurs au Canada, n'ont-ils pas la liberté de religion, du moins dans la mesure où ils n'ont pas à adopter la religion que leur impose leur père, leur mère ou leur collectivité? Ne sont-ils pas libres de choisir leur religion?

Comme vous, je pense que les enfants sont des personnes. Ce sont de petites personnes, mais néanmoins des personnes. S'ils ne peuvent faire ce choix avant d'avoir 6, 7, 15 ou 18 ans, il n'en demeure pas moins qu'ils ont cette liberté absolue de religion en vertu de notre Charte des droits et que notre société, en les endoctrinant avec nos croyances d'adultes, les prive d'un des droits que leur confère la Charte, celui de choisir librement leur religion.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous rappelle notre règle concernant la pertinence.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

Les travaux du sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous sommes à la fin de l'ordre du jour. Conformément au paragraphe 43(8) du Règlement, le Sénat passe maintenant à l'étude des questions de privilège soulevées plus tôt par les sénateurs Tkachuk et Kinsella.

(1900)

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Comme nous avons épuisé l'ordre du jour, j'estime que nous devrions débattre deux motions.

Le sénateur Kinsella: Elles font suite à l'ordre du jour.

Le sénateur Carstairs: Oui, c'est plus tard.

Son Honneur le Président: Nous en sommes à l'ordre du jour, tel que le prévoit le Règlement du Sénat. Les interpellations et les motions viennent après les questions de privilège.

Projet de loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada

Publication d'un document d'importance capitale-Question de privilège

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, après en avoir avisé par écrit le greffier du Sénat, j'ai soulevé cette question de privilège oralement hier au Sénat. Je vous prie de m'excuser si, pour la première page et quelques autres, je me répète. Je me suis quelque peu laissé emporté hier quand j'ai donné cet avis.

La question de privilège découle de deux actes liés du gouvernement du Canada qui, ensemble, ont eu pour effet d'induire en erreur le Parlement du Canada et les sénateurs, moi y compris - par inadvertance, certes - relativement à une question découlant de notre étude du projet de loi C-2.

Cela est survenu le 4 décembre, pendant la période consacrée aux réponses différées, quand j'ai reçu une réponse à une question orale que j'ai posée le 19 novembre 1997. La question se lisait comme suit: «Le gouvernement entend-il faire paraître les formules pour le calcul des retenues sur la paie aux fins du RPC en vertu d'une loi qui n'a pas encore été approuvée par le Sénat?» Je demandais aussi si le gouvernement allait distribuer les formulaires de déclaration de revenu de 1997 qui tiendront compte de la hausse du taux de cotisation au RPC de 1997 avant que le Sénat ait approuvé le projet de loi C-2?

Et la réponse se lit comme suit:

Le gouvernement n'a pas l'intention d'émettre les tables de retenue à la source du RPC ni les déclarations d'impôt sur le revenu des particuliers jusqu'à ce que le Sénat ait dûment terminé l'étude du projet de loi C-2.

Or, le 10 décembre 1997, les tables de retenue à la source du RPC, que j'ai en main - c'est-à-dire les tables en vigueur le 1er anvier 1998 - avaient déjà été publiées par le gouvernement du Canada sur son site Web. J'ai ici l'adresse de ce site Web de même que les tables publiées, que je voudrais déposer au Sénat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, autorisez-vous le sénateur Tkachuk à déposer ces documents?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Tkachuk: Conformément à l'article 43 du Règlement du Sénat, il est clair que cela concerne directement les privilèges du Sénat et du comité auquel le projet de loi C-2 peut être renvoyé ainsi que mes privilèges en tant que sénateur, car j'ai été induit en erreur par le gouvernement du Canada.

Je soutiens, honorables sénateurs, que le geste posé par le gouvernement constitue, à première vue, une atteinte grave à mes privilèges et que le seul remède qui convient en l'occurrence consiste à renvoyer la question au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Je soulève la question de privilège. Je vous demande, Votre Honneur, de déclarer que ma question de privilège est fondée à première vue, aux termes du paragraphe 43(12) du Règlement. Après cela, je suis prêt à porter la question devant le comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour enquête et rapport.

Dans cette affaire, il convient de garder à l'esprit ce qui constitue un privilège au Sénat. La meilleure explication du privilège des parlementaires se trouve à la page 69 de la 21e dition de Erskine May. Voici:

Le privilège parlementaire est la somme des droits particuliers à chaque Chambre, collectivement, parlant en tant que parties constitutives de la Haute Cour qu'est le Parlement et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d'autres organismes ou particuliers. On est donc fondé à affirmer que, bien qu'il s'insère dans l'ensemble des lois, le privilège n'en constitue pas moins, en quelque sorte, une dérogation au droit commun. Certains droits et immunités, comme l'immunité d'arrestation et la liberté de parole, appartiennent principalement à chaque parlementaire et existent parce que la Chambre ne pourrait s'acquitter de ses fonctions sans l'utilisation sans entraves des services de ses membres. D'autres droits et immunités, comme le pouvoir de sanctionner l'outrage et celui de réglementer sa propre constitution appartiennent principalement à chaque Chambre collectivement, aux fins de la protection de ses membres et de la défense de son autorité et de sa dignité propres. Fondamentalement, toutefois, ce n'est que pour l'exercice efficace des fonctions collectives de la Chambre que ses membres jouissent du privilège.

Quand l'un de ces droits ou l'une de ces immunités fait l'objet d'une atteinte, il s'agit d'une atteinte au privilège qui est punissable en vertu de la Loi sur le Parlement.

Nous trouvons aussi des passages intéressants, relativement à cette question de privilège, aux paragraphes 25 et 92 de l'ouvrage de Beauchesne, 6e édition. Au paragraphe 25, on cite le Président de la Chambre des communes. Je ne lirai que la dernière partie de la citation, qui dit ceci:

À mon avis, le privilège parlementaire ne va pas beaucoup au-delà du droit de libre parole à la Chambre et du droit d'un député de s'acquitter de ses fonctions à la Chambre en tant que représentant aux Communes.

Cette citation est tirée des Débats de la Chambre des communes du 29 avril, 1971, à la page 5338.

Quant au paragraphe 92 du Beauchesne, il dit ceci:

Pour constituer véritablement une atteinte au privilège, l'entrave au travail du député doit toucher ses fonctions parlementaires et non le travail qu'il fait pour sa circonscription électorale.

Cette citation est aussi tirée des Débats de la Chambre des communes, cette fois-ci du fascicule du 15 juillet 1980, à la page 2914.

Je soutiens qu'être délibérément induit en erreur par le gouvernement du Canada relativement à un projet de loi que nous sommes en train d'étudier entrave mes fonctions parlementaires et porte atteinte à mes droits et aux droits de tous les sénateurs de nous acquitter de nos fonctions en tant que représentants au Sénat.

Pour appuyer les arguments que je fais valoir aujourd'hui, je mentionnerai deux affaires semblables qui se sont produites à l'autre endroit. Le premier incident remonte à novembre 1978, et il en est question dans les Débats de la Chambre des communes du 9 novembre 1978, à la page 9646, et encore une fois dans les Débats de la Chambre des communes du 6 décembre 1978, aux pages 1856 et 1857.

Le 3 novembre, M. Lawrence de Northumberland-Durham a soulevé la question de privilège, affirmant qu'il avait été délibérément induit en erreur par un ancien solliciteur général. Agissant au nom d'un électeur qui soupçonnait qu'on avait touché à son courrier, M. Lawrence avait écrit, en 1973, au solliciteur général de l'époque, qui lui avait assuré que, conformément à sa politique, la GRC n'interceptait pas le courrier privé de qui que ce soit. Or, le 1er novembre 1978, au cours de son témoignage devant la commission McDonald, l'ancien commissaire de la GRC a déclaré que la GRC avait déjà intercepté du courrier, en de très rares occasions, et que cette pratique n'avait pas été cachée aux ministres. M. Lawrence a fait valoir que sa déclaration contredisait clairement les renseignements qu'il avait reçus du solliciteur général de l'époque, quelques années auparavant. De nombreux arguments ont été présentés le même jour. Le 9 novembre, le Président a rendu une décision préliminaire qui réglait certains points relatifs à la question de privilège et dans laquelle il reportait sa décision concernant d'autres aspects de l'affaire parce qu'il n'avait pas réussi à trouver de solution satisfaisante.

Le Président a statué qu'il y avait, à première vue, outrage à la Chambre des communes. Fait tout aussi important pour les fins du présent débat, le Président a jugé que la lettre du solliciteur général à M. Lawrence pouvait être considérée comme faisant partie des délibérations du Parlement pour les fins de la question de privilège.

Le second cas que je voudrais porter à l'attention des honorables sénateurs, qui a fait l'objet d'une décision du Président le 10 décembre 1989, est un peu plus pertinent et lié plus étroitement à ce qui s'est passé ici. On trouvera le texte pertinent dans le hansard de la Chambre des communes du 10 octobre 1989, de la page 4457 à 4461.

L'affaire impliquait le ministère des Finances, celui-là même que met en cause le projet de loi C-2. Dans l'affaire survenue en 1989, le ministère des Finances avait publié l'avis suivant dans les journaux à la grandeur du Canada:

Le 1er janvier 1991, le régime de la taxe fédérale de vente connaîtra des modifications. Veuillez conserver cet avis. Il explique les modifications apportées et les raisons qui y président.

Le sénateur Gigantès: Quelle année?

Le sénateur Tkachuk: L'avis a été publié en 1989, mais la taxe devait entrer en vigueur le 1er janvier 1991. Je viens de lire cet avis.

On avait invoqué la question de privilège en faisant valoir que cette annonce avait été publiée alors que la Chambre des communes était encore saisie de la question. On a fait valoir que la publication de l'avis préjugeait des futurs travaux de la Chambre et du comité des finances, lequel avait entrepris une étude technique de la question. Deuxièmement, on a argué que le lecteur pouvait en déduire que la Chambre des communes n'avait rien à voir dans l'adoption de la taxe.

(1910)

Le Président a conclu que l'action du ministère des Finances ne constituait pas une atteinte au privilège des députés. Néanmoins, il a fait, à propos des actions du ministère, certains commentaires qu'il convient de rappeler ici. J'expliquerai ensuite en quoi cela se rapporte directement à mon cas.

Concluant qu'à son avis, il n'y avait pas à première vue de cas d'outrage, le président a fait remarquer, en page 4461 du hansard:

Je veux toutefois que la Chambre comprenne très clairement que si jamais le Président est appelé à examiner de nouveau une situation comme celle-ci, la présidence ne sera pas aussi généreuse. À mon avis, c'est une situation qui ne devrait jamais se reproduire. Je m'attends à ce que le ministère des Finances et les autres ministères étudient cette décision avec soin et je rappelle à tous, dans la fonction publique, que nous sommes une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif ou de type administratif.

Cette annonce publicitaire ne constitue peut-être pas un outrage à la Chambre dans les limites étroites établies par une définition de procédure, mais elle est mal conçue, à mon sens, si elle dessert les grandes traditions de la Chambre. Si nous ne préservons pas ces grandes traditions, nos libertés seront menacées et nos conventions seront bafouées. J'insiste, et je crois que j'ai l'appui de la majorité des membres modérés et sérieux de cette Chambre - de part et d'autre de celle-ci - sur le fait que cette annonce est répréhensible et qu'on ne devrait pas la répéter.

Honorables sénateurs, ils ont recommencé. Il a fallu huit ans au ministère des Finances pour répéter la même erreur dont parlait le Président Fraser, mais il l'a refaite. Ils ont publié un document qui laisse supposer que le Sénat va adopter le projet de loi C-2. C'est une situation dont le Président Fraser avait dit qu'elle ne devrait jamais se reproduire.

Cette information a été diffusée en totale contradiction avec la question que j'avais posée et à laquelle ont répondu les ministériels. C'est probablement arrivé par inadvertance. Je crains fort qu'ils ne nous traitent avec un tel mépris que même leurs propres ministres ne fournissent pas les informations exactes aux autres députés.

Les sénateurs des deux côtés ont grand intérêt à ce qu'une décision très stricte soit rendue sur cette question. Une telle affaire ne devrait jamais arriver à un parlementaire. Je ne devrais jamais avoir à m'inquiéter de savoir si, quand je reçois une réponse écrite du gouvernement du Canada, elle ne pourrait pas contredire directement ce qui se fait réellement, surtout s'il s'agit d'un projet de loi qui n'a pas encore été adopté par le Sénat du Canada. Le gouvernement fait des annonces comme si nous n'avions rien à voir avec cette mesure. Nous sommes ici aujourd'hui en train d'en discuter, mais on fait l'annonce de cette mesure et l'on publie les tables de calcul, comme si ce projet de loi était adopté et qu'il avait reçu la sanction royale.

Je crois que ce cas-ci est beaucoup plus flagrant que celui que le Président Fraser avait dû étudier. C'est une atteinte aux privilèges avec présomptions suffisantes dont le Président sera saisi. Si nous voulons effectuer notre travail efficacement en tant que parlementaires, il ne faut pas que le gouvernement nous induise en erreur.

C'est pourquoi je crois que, en agissant ainsi, le gouvernement a violé mes privilèges de sénateur, et la même chose est vraie pour tous les sénateurs. Je suis prêt à présenter la motion qui s'imposera si le Président constate que la question est fondée à première vue.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Tkachuk soulève une question très importante. Il n'y a rien de plus important pour une assemblée législative, qu'il s'agisse du Sénat ou de la Chambre des communes, qu'une question de privilège, parce que nos droits à tous dans nos assemblées respectives reposent sur le respect de nos privilèges.

Le sénateur Tkachuk a dit croire qu'on avait porté atteinte à ses privilèges de sénateur et qu'on l'avait volontairement induit en erreur dans une réponse différée à une question. Je ne crois pas qu'il ait raison là-dessus. Honorables sénateurs, ni le ministère des Finances ni Revenu Canada n'a publié les formulaires T-427(e) pour programmes informatiques faisant état des charges sociales.

Le sénateur Kinsella: J'en ai un exemplaire ici-même.

Le sénateur Carstairs: Rien n'a été communiqué sur papier à qui que ce soit, ni aux centres fiscaux régionaux, ni dans le cadre d'aucun envoi postal. Aucune annonce publicitaire n'a été publiée non plus.

Là où le sénateur Tkachuk a raison, cependant, c'est que les formulaires ont été brièvement disponibles durant quelques jours à l'écran de l'ordinateur si l'on consultait le site Internet de Revenu Canada. Il n'y a donc pas eu de publication de la part du gouvernement en l'occurrence, et je ne crois pas qu'on ait porté atteinte aux privilèges des honorables sénateurs. Il s'est produit une erreur. Il n'y avait aucune intention de rendre le formulaire public. Revenu Canada a corrigé son erreur et a présenté des excuses.

Je tiens à ce que les honorables sénateurs sachent que les tables qui se trouvent encore dans le site Internet sont maintenant précédées d'une mise en garde qui s'énonce ainsi:

Cette publication renferme les modifications proposées au Régime de pensions du Canada, tel que prévues dans le projet de loi C-2. Ce projet de loi est présentement devant le Sénat du Canada et s'il est adopté tel que proposé, il deviendra loi.

Honorables sénateurs, je voudrais déposer une lettre de K.M. Burpee, sous-ministre adjoint, de la Direction générale des cotisations et recouvrements.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Carstairs peut-elle déposer la lettre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Lorsqu'on a déposé la réponse différée à la question du sénateur Tkachuk, elle était exacte.

Honorables sénateurs, le cas auquel le sénateur Tkachuk se reporte, celui du 10 octobre 1989, est très intéressant. Je me permets de citer le passage suivant de la décision de la présidence:

Les ministres de la Justice et des Finances ont dit à la Chambre que cette publicité avait pour but d'informer les Canadiens. Les députés savent bien qu'il est dans nos usages d'accepter la parole d'un membre de la Chambre. L'acceptation des explications des ministres répond donc à la question d'intention, et de ce fait certains des doutes de la présidence sont aussi dissipés. Une fois établi que l'annonce publicitaire ne visait pas à porter atteinte à la dignité de la Chambre, il est difficile de conclure que nous avons affaire à première vue à un cas d'outrage.

Je suggère, honorables sénateurs, que c'est la même chose dans le cas présent. Ce n'était pas intentionnel, et dans ce cas précis, il n'y a en effet pas eu d'annonce. Personne n'a voulu porter atteinte à la dignité de la Chambre et l'erreur a depuis été corrigée.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, étant donné que le préavis relatif à la question de privilège de l'honorable sénateur Kinsella est similaire à celui du sénateur Tkachuk, je propose d'entendre le sénateur Kinsella maintenant et de rendre ensuite ma décision sur les deux.

Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question de privilège est liée à deux gestes du gouvernement du Canada qui, pris ensemble, équivalent à un outrage au Parlement du Canada, en particulier au Sénat du Canada et à une violation des privilèges de tous les membres du Sénat.

Honorables sénateurs, le 10 décembre 1997, le formulaire T-4 127 pour le calcul informatisé des retenues sur la paye, qui entrera en vigueur le 1er janvier 1998, a été publiée - je répète, publiée - par le gouvernement du Canada. J'ai ici un exemplaire de ce document publié qui a pour titre: «T-4 127(F) Formules pour le calcul informatisé des retenues sur la paye, 67e édition - En vigueur le 1er janvier 1998».

Honorables sénateurs, après la table des matières, au bas de la page 3, on peut lire:

[Français]

La version française de cette publication s'intitule «Formule pour le calcul informatisé des retenues sur la paye», 67e édition.

[Traduction]

À la page 4, sous le titre «Renseignements généraux», il est dit ceci:

Cette 67e édition remplace les 65e et 66e éditions du guide intitulé Formules pour le calcul informatisé des retenues sur la paye et elle entre en vigueur le 1er janvier 1998.

(1920)

Le texte mentionne expressément qu'il s'agit d'une publication. J'en ai une copie. Je voudrais la déposer parce qu'elle a été publiée et que sa publication constitue l'essence de l'outrage au Parlement dont je vais parler.

Avec la permission des honorables sénateurs, je demande à déposer ce document.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs autorisent-ils le sénateur Kinsella à déposer le document?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, cette publication vise directement le privilège du Sénat et constitue, de fait, un outrage au Parlement. La seule solution adéquate consiste à renvoyer l'affaire au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Je demande que, conformément au paragraphe 43(12) du Règlement du Sénat, le Président juge que la question de privilège paraît fondée à première vue. Une fois que cette décision aura été rendue, j'entends présenter une motion proposant de renvoyer l'affaire au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure pour qu'il fasse enquête et présente un rapport.

Dans des cas comme celui-ci, il est important, honorables sénateurs, de réfléchir à ce qui constitue un outrage au Parlement. Erskine May décrit en ces termes l'outrage au Parlement, à la page 115 de la XXIe édition, sous la rubrique «Outrages»:

Tout acte ou toute omission qui gêne ou contrarie l'une ou l'autre des deux Chambres du Parlement dans l'exercice de ses fonctions, ou qui gêne ou contrarie tout... fonctionnaire de ces Chambres dans l'exercice de ses fonctions ou qui tend, directement ou indirectement, à produire ces résultats peut être considéré comme constituant un outrage même s'il n'existe aucun précédent. Il serait vain de tenter d'énumérer tous les actes qu'on peut considérer comme constituant un outrage, le pouvoir de punir ces actes étant, par sa nature même, discrétionnaire.

Honorables sénateurs, en publiant avant l'adoption du projet de loi C-2 le document que j'ai déposé à la Chambre, le gouvernement préjuge des délibérations du Sénat et de ses comités. Je soutiens qu'il s'agit là d'un mépris très grave de l'autorité du Sénat et du Parlement du Canada.

Je voudrais attirer votre attention, honorables sénateurs, sur ce qui est dit à la page 231 de l'ouvrage Privilège parlementaire au Canada de Maingot:

L'outrage ne peut pas être codifié: l'outrage n'a pas de limite. On peut donc dire que les «privilèges» de la Chambre ne peuvent pas être codifiés de façon exhaustive; il existe un grand nombre d'actes ou d'omissions potentiels que la Chambre serait amenée à qualifier d'outrages, alors même qu'ils ne lèsent aucun de ses droits et immunités explicites...

Le Président déclarait récemment: «...le mépris de l'autorité du Parlement a une telle étendue que rien n'empêchera la Chambre de constater la violation des députés, ou de la Chambre. C'est précisément pour cette raison que, bien que nos privilèges soient définis, la violation de privilège n'est pas circonscrite. On aura beau inventer de nouvelles façons de s'immiscer dans nos délibérations, la Chambre pourra toujours conclure, dans les cas pertinents, qu'il y a eu violation de privilège».

Honorables sénateurs, je voudrais également attirer votre attention sur une décision que le Président Fraser a rendue le 10 octobre 1989, à la page 4461 du hansard de l'autre Chambre. Ce cas impliquait le ministère des Finances, le même ministère qui est impliqué dans ce projet de loi. Je trouve cela très pertinent. Le même ministère des Finances, châtié dans le cas survenu en 1989 et que je viens d'invoquer, est maintenant impliqué dans le cas sur lequel j'attire votre attention.

Dans ce cas-là, le ministère des Finances avait publié dans tous les journaux du pays une annonce à laquelle a fait allusion le sénateur Tkachuk. Une question de privilège avait été soulevée en l'occurrence parce que l'annonce avait été publiée alors que l'affaire était encore à l'étude à la Chambre des communes. On soutenait, premièrement, que l'annonce préjugeait des délibérations à venir de la Chambre et du comité des finances qui avait entrepris une étude technique à ce sujet et, deuxièmement, qu'une telle conduite avait amené le lecteur à croire que la Chambre des communes n'avait aucun rôle à jouer dans l'adoption de la mesure fiscale.

Le Président a, dans ce cas, conclu que l'action du ministère des Finances n'avait pas porté atteinte au privilège des députés. Néanmoins, il a fait, à propos, des actions du ministère, certains commentaires très importants que le sénateur nous a lus. Je ne les répéterai pas.

Honorables sénateurs, comme mon collègue, le sénateur Tkachuk l'a conclu lorsqu'il a parlé de cette atteinte à son privilège, et je suis d'accord: ils ont recommencé. Le ministère des Finances a encore une fois publié le document que j'ai déposé ici, un document qui laisse supposer que le Sénat va adopter le projet de loi C-2. C'est une situation dont le Président Fraser a dit qu'elle ne devrait jamais se reproduire. Il a dit à ce même ministère des Finances que ce genre de situation ne devrait jamais se reproduire.

À mon avis, le temps est venu pour la présidence de faire sienne la doctrine énoncée à la page 231 de l'ouvrage de Maingot. Finalement, en cas d'incertitude, le Président se pose la question suivante: l'acte en question constitue-t-il à première vue une atteinte au privilège?

Autrement dit: ai-je, en tant que député, un argument défendable? Si le Président a le moindre doute, il devra laisser à la Chambre le soin de trancher la question. À mon avis, les actions du gouvernement du Canada dans cette affaire constituent une atteinte au privilège, un outrage au Parlement. À mon avis, il a été établi que la situation donnait lieu à première vue à une question de privilège. Si le Président du Sénat conclut que la situation est susceptible de donner lieu à première vue à une question de privilège, je suis prêt à proposer la motion appropriée.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il semble y avoir désaccord au Sénat concernant la publication et l'impression. Le sénateur Kinsella pourrait-il dire aux sénateurs s'il a vraiment reçu une copie de l'imprimé du document enregistré sur Internet? De toute évidence, ce document figure sur le site Internet du ministère du Revenu, intitulé «Quoi de neuf».

J'ai demandé plusieurs fois si ce document avait été publié, dans le sens usuel du terme, sur support papier, prêt à envoyer par la poste aux employeurs partout au Canada. On m'a assuré qu'aucun document sur support papier n'avait été envoyé à qui que ce soit, pas même aux centres fiscaux régionaux.

Cette première version des formules a été autorisée en vertu des pouvoirs réglementaires du ministre du Revenu national. Pour fournir à temps les tables aux employeurs, il faut parfois les élaborer à l'avance. Sous le gouvernement précédent, on procédait toujours ainsi au moment de la présentation du budget et d'autres modifications législatives importantes. À mon avis, il serait irresponsable de la part d'un ministre de ne pas se préparer au cas où des mesures législatives seraient adoptées.

Le sénateur Simard: Mais il ne faut pas induire en erreur les Canadiens.

Le sénateur Carstairs: Cependant, je reconnais qu'il est incorrect d'imprimer ce type de document sur support papier et de les distribuer partout au Canada.

Je pense qu'il convient, si le document est enregistré sur un site Internet, d'y joindre un avertissement comme c'est le cas maintenant concernant l'adoption du projet de loi C-2.

Je vous invite donc, Votre Honneur, à examiner cette question attentivement. Nous attendons votre décision.

(1930)

Son Honneur le Président: D'autres honorables sénateurs veulent-ils parler de la question de privilège?

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je reconnais qu'il est contrariant d'être tenus pour acquis. À mon avis, voici généralement ce qui cloche avec les citations d'Erskine May. Tout privilège qui y est mentionné concerne la Chambre des communes, pas celle des lords. Le Sénat est presque toujours saisi de projets de loi qui ont été adoptés à la Chambre des communes. Ils sont en circulation. En fait, assez souvent, le Sénat encourage une certaine circulation des projets de loi afin de mieux tirer parti du processus d'examen dont ils font l'objet au sein des comités. On ne peut pas vraiment comparer la Chambre des communes au Sénat.

Je comprends que seule l'assemblée du Sénat peut décider s'il y a eu atteinte à un de ses privilèges. Son Honneur doit simplement reconnaître s'il y a, à première vue, une affaire à renvoyer à un comité. Ma conception de l'atteinte au privilège a toujours été conforme à son interprétation ancienne, celle où quelqu'un qui est armé d'une épée vous empêche d'entrer à la Chambre et d'y faire votre travail. À mon avis, il est très discutable de prétendre qu'il y a atteinte au privilège dans un cas d'outrage, si c'est le terme que l'on veut retenir pour décrire cela.

À la page 47 du Règlement du Sénat, l'article 43 prévoit ceci:

(1) Il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat. [...] Pour obtenir une telle priorité, une question présumée de privilège doit toutefois satisfaire à certains critères. Elle doit notamment:

c) réclamer un correctif que le Sénat a le pouvoir d'apporter.

Autrement dit, il est inutile d'étudier une question de privilège à moins d'avoir le pouvoir d'y apporter un correctif en dehors de tout autre processus parlementaire raisonnable.

Honorables sénateurs, je pense que Son Honneur devra prendre cela soigneusement en considération avant de rendre sa décision.

Passons maintenant au commentaire 27 de la 6e édition de l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne qui prévoit ceci:

La question de privilège ne devrait intervenir qu'exceptionnellement au Parlement. Elle devrait être soulevée par une motion donnant à la Chambre le pouvoir d'imposer une réparation ou d'infliger une sanction.

Encore une fois, il est question de «réparation» ou de «sanction».

Le commentaire 28 prévoit ceci:

[...] il est nettement établi que bon nombre d'actes qui pourraient constituer une infraction aux lois...

...et, de toute évidence, certains sénateurs considèrent qu'il y a eu infraction...

...ou au sens moral de la collectivité...

...mais, bien entendu, avec un sénateur qui passe le plus clair de son temps au Mexique, nous aurons peut-être de la difficulté à convaincre la population que notre sens moral a été ébranlé...

...ne portent pas préjudice à l'aptitude d'un député à servir ceux qui l'ont élu comme représentant, et ne contreviennent ni ne portent atteinte à la dignité de la Chambre des communes.

Quant au commentaire 31(9), voici ce qu'il prévoit:

Les tribunaux, et non le président, déterminent si le gouvernement contrevient à la loi.

Autrement dit, s'il y a effectivement eu infraction à la loi, cette question relève des tribunaux et ne constitue pas une question de privilège.

Enfin, le commentaire 62 prévoit ceci:

Le président a déclaré ce qui suit: «...dans le contexte de l'outrage, il me semble que pour être assimilées à un outrage, les démarches ou les déclarations relatives à nos délibérations ou à la participation des députés devraient non seulement être erronées ou inexactes, mais plutôt être délibérément fausses ou inconvenantes et comprendre un élément de tromperie.

Je pense que les sénateurs exagèrent leur situation s'ils pensent que le gouvernement du Canada les lèse avec des déclarations fausses ou inconvenantes et comportant un élément de tromperie. Bien que je sympathise avec eux, je pense qu'il ne s'agit vraiment pas d'une question de privilège.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, la présidence aura une décision intéressante à prendre parce que la question concerne la publication sur un site Web. C'est une publication.

Je veux déposer la réponse que j'ai reçue. J'ai reçu la réponse le 4 décembre, la réponse écrite, et j'ai trouvé la publication sur le site Web le 10 décembre. Évidemment, pendant qu'ils me disaient que le gouvernement n'avait pas l'intention de publier les tables de retenue à la source des cotisations au RPC ni de distribuer les formulaires de déclaration de revenu tenant compte de la hausse du taux de cotisation au RPC jusqu'à ce que le Sénat ait terminé son étude du projet de loi C-2, ils travaillaient sûrement à la publication des tables sur le site Web.

Les tables de retenue à la source n'ont pas été publiées aux fins d'information; ces tables doivent être publiées pour être utilisées. Ces tables sont téléchargées par les fournisseurs des entreprises. Celles-ci les chargent sur leurs ordinateurs, et peuvent dès lors produire leurs listes de paie, à compter du 1er janvier 1998, avec les nouveaux taux.

Ces nouvelles tables n'ont pas encore été approuvées par le Sénat. Elles n'en ont pas moins été publiées et utilisées. Il se peut qu'il ne soit pas nécessaire du tout dans l'avenir de publier ces tables. Tout ce qu'il faut faire, c'est les publier sur un site Web pour que les entreprises puissent les télécharger. Il n'est pas nécessaire d'en faire de copies, de les poster et de les imprimer. Il en va de même des formulaires de déclaration de revenu. La plupart des formulaires de déclaration de revenu sont maintenant déposés par voie électronique par un comptable. On ne dépose pas de document papier. Il faut conserver ses copies papier pour le cas où le fisc voudrait les vérifier. Cependant, c'est une vraie publication.

Honorables sénateurs, il y a tout lieu de s'inquiéter. Quand nous recevons une réponse écrite, nous ne devrions pas avoir à engager un détective pour savoir si celle-ci est véridique. Nous devrions pouvoir croire en la véracité de ce qu'on nous dit.

Honorables sénateurs, c'est donc une question de privilège, une question de surcroît très importante.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Je voudrais que la présidence saisisse exactement la signification des deux questions de privilège.

Selon le dictionnaire, «publication» s'entend de l'action de publier ou de l'écrit publié, de la procédure ayant pour objet de porter à la connaissance de tous.

L'Internet devient de plus en plus la principale source d'information. Plus de 80 pages sont parues sur Internet avant même que le projet de loi C-2 ait été adopté par le Parlement du Canada et qu'il ait reçu la sanction royale.

C'est très clair, à la page 4 de la publication du 17 décembre 1997. On peut y lire: «L'information contenue dans cette publication...» Il n'y a aucune mise en garde. La mise en garde n'a été ajoutée à la hâte qu'après qu'on s'est aperçu que la publication était irrégulière et prématurée, et constituait un outrage au Parlement. Voilà de quoi il s'agit ici. Cela touche les droits et les privilèges de tous les sénateurs et de tous les députés. Des informations comme celles-là ne devraient pas être diffusées et présentées, même comme des instructions, avant que le projet de loi ne reçoive la sanction royale. C'est ce qui nous préoccupe ici.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Tkachuk, vous avez dit que vous souhaitiez déposer une lettre, je crois.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(1940)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, aucun autre sénateur ne veut parler des deux points à propos desquels la question de privilège a été soulevée? J'ai écouté attentivement ce qui s'est dit. Je suis tout à fait d'accord pour dire que la question de privilège est extrêmement importante. Pour m'assurer de la justesse de ma décision, je me propose de prendre la question en délibéré.

Les travaux du Sénat

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement au sujet d'un problème très grave qui nous touche tous. J'ai revu les bleus des travaux d'aujourd'hui concernant le projet de loi C-16. J'ai consulté le sénateur Carstairs et d'autres sénateurs. Selon ma lecture des bleus, le projet de loi C-16 n'a pas été adopté, contrairement à ce que les sénateurs croient à l'heure actuelle. Il n'a pas été lu pour la troisième fois.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous pouvons vérifier auprès du bureau, où les comptes rendus sont conservés.

Le sénateur Cools: J'ai en main le compte rendu.

Son Honneur le Président: Les bleus ne représentent pas le compte rendu définitif. Comme on le sait, des corrections peuvent être apportées aux bleus et les honorables sénateurs sont invités à le faire. Le compte rendu est gardé au bureau quand des motions sont proposées.

Le Bureau m'informe que le projet de loi a été lu pour la troisième fois.

Le sénateur Cools: Nous pourrions peut-être examiner la question. Votre Honneur. Selon ce compte rendu, il y a eu énormément de confusion. En définitive, le projet de loi C-16 n'a jamais été adopté. Votre Honneur et les sénateurs voudront certainement vérifier.

Nous pourrions revoir les bleus. Nous pourrions peut-être en obtenir des copies. Je ne pense pas, Votre Honneur, qu'il suffise de déclarer qu'il a été adopté, parce que c'est justement l'objet de mon recours au Règlement.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, le Bureau m'assure que la motion a été adoptée et que les bleus ne donnent pas le véritable compte rendu de ce qui s'est passé.

Le sénateur Cools: Votre Honneur, je vous demande de me laisser au moins expliquer publiquement le problème que je vois. Les sénateurs pourraient en discuter. D'après ce que je vois ici, il y a eu de la confusion quand le sénateur Lewis est intervenu. Il y a eu énormément de confusion. Votre Honneur a maintes fois demandé de revenir en arrière et les sénateurs disaient «oui» ou «non», alors qu'il n'était pas nécessaire de revenir en arrière, puisque le sénateur Lewis avait été interrompu et n'avait jamais eu l'occasion de terminer ce qu'il avait à dire.

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette. La motion a été lue et lue très clairement. Quelqu'un a soulevé la possibilité de revenir sur la motion. J'ai demandé au Sénat s'il acceptait de revenir sur cette motion et un sénateur a répondu «non». Cependant, il est certain que la motion a été lue.

Le sénateur Cools: C'est ce que je dis. Lorsque vous avez demandé s'il y avait consentement unanime pour revenir en arrière, il n'était pas nécessaire de revenir sur quoi que ce soit parce que la question était encore....

Son Honneur le Président: Je regrette, honorable sénateur Cools. La motion a été présentée. J'ai lu très clairement la motion et personne n'a demandé la parole. Voilà pourquoi j'ai déclaré que la motion avait été «adoptée». Il est vrai que le sénateur Lewis s'est levé par la suite pour parler, mais la motion avait été proposée et adoptée. C'est alors que j'ai demandé s'il y avait consentement unanime pour revenir sur la motion. J'ai posé la question à trois reprises en fait. Je me sentais un peu comme un encanteur. La réponse donnée a été «non». Je regrette, sénateur Cools, mais votre recours au Règlement n'est pas admissible.

La Loi sur l'impôt sur le revenu

Motion d'amendement-Ajournement du débat

L'honorable Michael A. Meighen, conformément à l'avis du 15 décembre 1997, propose:

Que le Sénat presse le gouvernement de proposer, dans le budget de février 1998, une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à porter à 30 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé (régimes de pension, régimes enregistrés d'épargne retraite, régimes de pension agréés) comme cela a été fait entre 1990 et 1995, alors que le plafond de biens étrangers des régimes de revenu différé a été porté de 10 p. 100 à 20 p. 100:

a) parce que les Canadiens devraient avoir la possibilité de tirer avantage de meilleurs rendements sur leurs investissements dans d'autres marchés, ce qui aurait pour effet d'augmenter la valeur des avoirs financiers qu'ils détiennent en prévision de la retraite, de réduire le montant de supplément du revenu de sources gouvernementales dontles Canadiens pourraient avoir besoin et d'augmenter les recettes fiscales que le gouvernement tire des revenus de retraite;

b) parce que les Canadiens devraient avoir plus de flexibilité au moment d'investir les épargnes qu'ils accumulent en prévision de leur retraite tout en réduisant les risques que comportent ces placements grâce à la diversification;

c) parce qu'une amélioration de l'accès aux marchés boursiers mondiaux permettrait aux Canadiens de participer tant aux économies qu'aux secteurs industriels à plus forte croissance;

d) parce que le plafond actuel de 20 p. 100 est devenu artificiel depuis que les particuliers et les régimes de pension disposant de grandes ressources peuvent le contourner en ayant recours, par exemple, à des décisions stratégiques en matière d'investissement et à des produits dérivés;

e) parce que les problèmes de liquidité des gestionnaires de fonds de pension, qui constatent maintenant qu'ils doivent acquérir une participation significative dans une seule société pour satisfaire à l'obligation de détenir 80 p. 100 de biens canadiens, se trouveraient atténués.

- Honorables sénateurs, je suis heureux de me prononcer aujourd'hui en faveur de la motion parrainée par moi-même et le sénateur Kirby. Il s'agit de demander au Sénat de presser le gouvernement de proposer, dans son budget de février 1998, une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu, tendant à porter à 30 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé, à savoir les régimes de pension, les Régimes enregistrés d'épargne retraite et les régimes de pension agréés. Cette motion va dans le sens de ce qui a été fait entre 1990 et 1995, alors que le gouvernement a porté le plafond de biens étrangers des régimes de revenu différé de 10 p. 100 à 20 p. 100.

Puisque la motion dont nous sommes saisis concerne la grande majorité des Canadiens, elle énonce, en termes simples, les cinq raisons qui motivent l'augmentation proposée. Je vais épargner aux honorables sénateurs la répétition de ces raisons, qui figurent en bonne et due forme dans le hansard.

J'expliquerai brièvement les origines de cette motion et son objectif.

En 1990, le parti que je représente a entrepris de porter à 10 p. 100, par augmentations de 2 p. 100 par année sur cinq ans, le plafond de la proportion de biens étrangers des régimes de revenu différé, tout comme nous proposons de le faire aujourd'hui. En 1995, le parti de mes collègues d'en face a poursuivi le processus, si bien que le plafond de la proportion de biens étrangers est aujourd'hui fixé à 20 p. 100.

Je dis ceci pour souligner que ce n'est pas une question d'idéologie politique, mais une question qui touche des gens en chair et en os. Je ne spéculerai pas sur les raisons qui justifient la règle sur les biens étrangers. Plutôt, je vais simplement dire que la décision d'assouplir la limite est justifiée du fait que c'est le marché mondial des valeurs mobilières qui donne aux Canadiens la possibilité d'accroître la valeur de leur épargne-retraite. Je crois que c'est aussi vrai aujourd'hui qu'en 1990, peut-être même plus.

En août 1996, le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a publié son rapport intitulé «Régie des sociétés» à la suite d'une longue étude des modifications proposées à la Loi sur les sociétés par actions. Le comité, sous la présidence du sénateur Kirby, a formulé 27 recommandations, la dernière demandant que le gouvernement étudie l'impact sur les marchés financiers canadiens de la règle sur les biens étrangers en vue de sa suppression graduelle à court terme.

Les témoignages qui ont conduit à cette recommandation étaient impressionnants et portaient sur le rôle des grands investisseurs sur les marchés financiers canadiens que le comité des banques et du commerce étudie à l'heure actuelle. M. Tom Allen, un administrateur de plusieurs entreprises, qui a témoigné au nom de la Bourse de Toronto a résumé la situation ainsi:

[...] nous avons des règles sur les biens étrangers au Canada qui nous obligent à conserver un certain pourcentage de nos fonds dans les valeurs mobilières canadiennes. L'éventail des valeurs mobilières qui sont admissibles pour ces investissements est si petit par rapport à nos fonds qui sont si importants...

D'autres témoins, comme le président de la Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario, M. Dale Richmond, se sont également élevés contre des restrictions si serrées. Il a déclaré:

[...] nous sommes tenus d'investir 80 p. 100 de nos fonds sur le marché canadien et seulement 20 p. 100 sur les marchés étrangers. Or, le marché canadien ne représente que 3 p. 100 des marchés financiers dans le monde. Notre responsabilité comme fiduciaire est de rentabiliser nos investissements, mais une grande partie des marchés financiers nous sont interdits. [...]La règle applicable aux placements en biens étrangers nous empêche vraiment de faire des investissements nous permettant de répondre aux objectifs qui nous sont fixés aux termes du droit fiduciaire et des lois qui nous régissent, et cela pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la prudence dont il faut faire preuve dans la gestion d'une caisse de retraite.

M. Edward Waitzer, qui était alors président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, a invoqué des arguments similaires. Il a déclaré, et je cite:

Le Canada n'est pas un marché de grande envergure. Vous n'avez qu'à consulter l'indice Morgan Stanley pour vous rendre compte que les titres canadiens représentent moins de 2 p. 100 de la valeur du capital-actions à l'échelle mondiale. [...] La règle sur les biens étrangers est de nature à faire en sorte que les investisseurs de l'extérieur n'accordent pas au marché canadien toute l'importance qu'il mérite. À l'échelle mondiale, elle est tout à fait hors norme...

En fin de compte, le comité des banques s'est rallié à l'unanimité à l'idée que le gouvernement devrait procéder rapidement à l'élimination progressive de la règle sur les biens étrangers.

En octobre dernier, on a rendu publique une étude d'impact réalisée par Ernst & Young au sujet de la règle sur les biens étrangers. Il ressort de celle-ci que, si la limite avait été fixée à 30 p. 100 au cours des 25 dernières années, le rendement annuel des portefeuilles d'épargne-retraite des investisseurs canadiens aurait été de 1,6 p. 100 plus élevé.

(1950)

Cela a, bien sûr, eu un effet cumulatif énorme; pour un investisseur moyen, cela se traduit par une perte en capital de 32 000 $ à la retraite. Bref, la règle actuelle ne fait qu'appauvrir indûment certains Canadiens. Autrement dit, un REER comportant une participation étrangère de 30 p. 100 rapporterait 32 000 $ de plus à un investisseur moyen qui prend sa retraite qu'un REER assujetti à la limite actuelle de 20 p. 100.

Il y a quelques semaines, le comité des banques a entrepris son étude des investisseurs institutionnels et il a été inondé de demandes visant soit l'augmentation de la limite, soit l'élimination pure et simple de la règle sur les biens étrangers. Les personnes et organisations qui réclament de telles mesures sont celles qui sont chargées d'administrer le gros de l'épargne-retraite au Canada, à savoir l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, en ce qui concerne les fonds de pension, et l'Institut des fonds d'investissement du Canada, en ce qui concerne les fonds communs.

Compte tenu du caractère extrêmement convaincant des représentations faites, j'avais l'intention à l'origine de rédiger un projet de loi du Sénat, de demander aux membres du comité sénatorial des banques d'accorder leur appui unanime, puis de solliciter l'appui de tous les sénateurs. Toutefois, j'ai décidé que même si un tel projet de loi jouirait probablement d'un appui généralisé ici et dans l'autre endroit - et je rappelle aux honorables sénateurs que le comité des finances a appuyé le contenu de la motion dans son étude prébudgétaire - ce n'était peut-être pas la meilleure façon de susciter des changements à court terme. Cela dit, je me réserve la possibilité de déposer le projet de loi si le ministre décide de ne pas prendre de mesures en février.

Il a par conséquent été décidé que les honorables sénateurs qui voudraient que la règle soit modifiée tentent d'influencer le gouvernement, et plus précisément le ministre des Finances, relativement au budget de février 1998. Je profite de l'occasion pour remercier le sénateur Kirby d'avoir accepté d'appuyer la motion, ainsi que d'autres sénateurs des deux côtés de la Chambre, qui m'ont fourni leurs encouragements.

Dans son exposé de principes, M. Keith Ambachtsheer - le nom de ce consultant et spécialiste des régimes de pensions vous deviendra de plus en plus familier - prône un élargissement de la règle de 20 p. 100 pour les raisons suivantes:

Au cours de la période de 1985 à 1995, la règle relative à la propriété étrangère a entraîné un manque à gagner en revenus de placement de quelque 20 milliards de dollars pour les régimes de pensions en fiducie au Canada. Même avec la limite actuelle de 20 p. 100, on estime que la règle relative à la propriété étrangère prive les régimes de pensions des Canadiens de 700 millions de dollars par année. Une autre façon d'évaluer les coûts consiste à calculer les prestations de pension perdues et les cotisations supplémentaires qui doivent être payées par les employeurs pour compenser cette perte, ce qui désavantage les employeurs canadiens face à la concurrence. La règle relative à la propriété étrangère fait augmenter le coût du capital pour les émetteurs canadiens d'actions et d'obligations, au lieu de le faire diminuer. L'élimination de cette règle serait à l'avantage des émetteurs et des investisseurs canadiens.

La mondialisation des capitaux rend de plus en plus vague la distinction entre les placements faits au Canada et à l'étranger. En outre, la règle relative à la propriété étrangère n'est pas de nature à inciter les fournisseurs canadiens de services de placement à devenir des participants à part entière aux marchés financiers internationaux, bien au contraire.

Honorables sénateurs, l'actuelle crise asiatique justifie d'autant plus la nécessité d'assouplir la règle relative à la propriété étrangère, puisque seule la diversification permettra aux Canadiens de se protéger véritablement contre les secousses du marché et les cycles économiques, tant au niveau national qu'international. À ceux qui soutiennent que le moment est mal choisi, je dirai que le moment n'est jamais idéal, mais qu'une faible hausse de 2 p. 100 par année sur une période de cinq ans risque fort peu de miner notre dollar. D'ailleurs, ce n'est qu'une question de point de vue, puisque de nombreux investisseurs voient des occasions là où d'autres n'en voient pas.

Non seulement la règle applicable aux biens étrangers va à l'encontre des obligations que doivent assumer les gestionnaires du Régime de pensions du Canada, mais les investisseurs canadiens ont, eux-mêmes, affirmé qu'ils étaient en faveur de l'accroissement du pourcentage de titres étrangers, lorsque la règle applicable aux biens étrangers est passée de 10 p. 100 en 1990 à 20 p. 100 en 1995. En moyenne, le pourcentage de titres étrangers que renferme les régimes de retraite canadiens est passé de 9 p. 100 à 18 p. 100 au cours de la même période.

Honorables sénateurs, je n'ai entendu personne défendre le maintien de la règle applicable aux biens étrangers à son niveau actuel ou même aborder cette question. Tous les témoins que j'ai entendus parlaient plutôt de réviser la règle à la hausse ou de l'abolir. Néanmoins, je voudrais, en terminant, faire valoir des arguments en faveur du maintien de la règle à son niveau actuel.

Certains affirment que, en forçant les administrateurs des caisses d'épargne-retraite à investir dans des valeurs mobilières d'émetteurs canadiens, on offre au Canada des avantages considérables, tant au niveau de l'investissement de capitaux que de la création d'emplois, dont il ne pourrait pas jouir autrement. Honorables sénateurs, rien ne prouve que cela soit vrai. En fait, l'existence de la règle applicable aux biens étrangers fait augmenter le coût des capitaux au Canada ainsi que les frais que l'employeur doit assumer pour fournir des prestations de retraite. De toute façon, il est inadmissible d'agir ainsi aux dépens des millions de Canadiens dont le revenu de retraite repose sur la capacité des gestionnaires de leur régime de pension de maximiser leurs rendements à un niveau acceptable de risque.

D'autres pourraient prétendre que l'utilisation, par exemple, d'instruments dérivés peut permettre de contourner facilement la règle applicable aux biens étrangers. Toutefois, les honorables sénateurs ne sont pas sans savoir que les contribuables et les gestionnaires de régimes de retraite n'ont pas tous les ressources et les connaissances nécessaires pour avoir recours à des instruments d'investissement comme les instruments dérivés. De plus, ce ne sont pas tous les marchés étrangers qui négocient des contrats à terme. Certains investisseurs peuvent ne pas vouloir utiliser ce genre de contrats dans le cadre de leurs programmes d'investissement. De plus, comme de nombreux fiduciaires considèrent que la participation étrangère au-delà de la limite actuelle va à l'encontre de la lettre de la loi, ils refusent d'utiliser des instruments dérivés.

Au cours des cinq dernières années, le plafond des placements en biens étrangers est passé de 10 à 20 p. 100 et l'entrée de capitaux financiers a été deux à trois fois plus grande que la sortie de capitaux d'investissement qui en a découlé, les investisseurs étrangers continuant d'acheter des titres de créance et des titres de participation canadiens. Je dirai à tous les sénateurs que les marchés de capitaux du Canada sont stables, mûrs et capables d'attirer les capitaux.

Honorables sénateurs, je veux signaler deux points. D'abord, ce n'est pas en haussant le plafond de deux points de pourcentage par année qu'on va nuire aux marchés canadiens de capitaux. Ensuite, tout indique que le plafond naturel des placements en biens étrangers des caisses de retraite et des REER-fonds communs de placement canadiens se situe entre 28 et 30 p. 100. Il n'est pas étonnant que la plupart des placements sont faits sur le marché national puisque c'est là que les connaissances sont les meilleures.

Les sénateurs seront peut-être intéressés d'apprendre que si le Canada limite à 20 p. 100 les placements en biens étrangers, nos principaux partenaires commerciaux que sont les États-Unis et le Royaume-Uni n'imposent aucun plafond aux placements en biens étrangers par les caisses de retraite et que le Japon les limite actuellement à 30 p. 100.

Honorables sénateurs, la répartition de l'épargne-retraite des Canadiens est manifestement une activité du marché. Les Canadiens devraient être aussi libres que possible d'investir leur épargne-retraite où bon leur semble. Les régimes de retraite visés par la règle sur les biens étrangers constituent pour les Canadiens le principal moyen de se préparer à la retraite.

Il faut hausser le plafond des placements en biens étrangers pour permettre aux Canadiens de diversifier davantage leurs effets en portefeuille et de maximiser le rendement de leurs placements afin de s'assurer une bonne retraite. Cela fait manifestement l'objet d'un vaste consensus national. Pour terminer, soyons clairs: les possibilités de placement abondent dans nos marchés de capitaux et les Canadiens comme les étrangers continuent de chercher à faire fructifier leurs avoirs ici, au Canada, mais une coercition indue est à la fois inopportune et contre-productive.

Par conséquent, je demande à tous les sénateurs d'appuyer cette motion demandant au gouvernement de régler cette question dans son budget de février 1998.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Meighen et lui demander en même temps une faveur. Aurait-il l'obligeance de tenir compte des personnes plutôt nombreuses qui, comme moi, sont peut-être ignorantes, mais qui ont été entraînées à leur corps défendant dans le monde du Thatchérisme et de la mondialisation et qui ont une vision différente de la sienne parce qu'elles ne fréquentent pas les mêmes gens? Je ne connais personne de très riche, à part le sénateur Kolber, qui m'a donné un dollar, ce soir, lorsque j'ai dit que j'étais pauvre.

J'ai lu Milton Freedman. Il dit que les gens d'affaires qui prétendent chercher autre chose qu'à maximiser leurs profits mentent ou volent leurs investisseurs.

(2000)

Le sénateur demande aux gens comme moi - et nous sommes nombreux - de croire qu'il est mieux de prendre l'argent canadien et de l'investir à l'étranger plutôt que de l'investir ici, au Canada, où des députés me disent que les petites entreprises, dont certaines très prometteuses, ne parviennent pas à trouver des investisseurs.

S'il vous plaît, expliquez-moi clairement comment cela peut-être une bonne chose pour que je puisse me ranger de votre avis. Je ne doute pas que des gens possédant de confortables coussins puissent aimer l'idée d'investir à l'étranger. Si j'avais emprunté pour investir en Corée, je serais ruiné aujourd'hui, et deux fois plutôt qu'une, car j'aurais perdu mon argent et, en plus, je devrais rembourser mon emprunt.

Expliquez-vous en termes compréhensibles pour les vieux que nous sommes, qui ne sont pas encore totalement vendus à la mondialisation, et qui ont encore certaines réserves au sujet de Mme Thatcher. Vous n'avez pas été suffisamment clair. Vos arguments étaient ceux de gens très riches. Je ne comprends pas les gens très riches parce que je suis très pauvre. Je ne dispose que de ma pension de retraite et de mon traitement de sénateur.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois vous faire savoir que la période de 15 minutes prévue pour les observations et les questions est terminée. Acceptez-vous qu'elle soit prolongée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Gigantès: Vous n'avez pas à répondre à cette question.

Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, je serai bref.

Sauf le respect que je vous dois, sénateur Gigantès, il y a quelque chose que vous ne saisissez pas. Je ne suis pas un homme d'affaires et je ne l'ai jamais été. Les gens dont je parle sont des gens qui ont investi des gains de toute une vie dans des régimes de retraite. Ces gens, avec ceux dont ils ont retenu les services pour gérer leur argent afin de pouvoir prendre une retraite confortable dans la dignité, affirment qu'ils veulent tout simplement avoir le droit d'investir un plus gros pourcentage de leurs économies ailleurs qu'au Canada.

Ne hochez pas la tête. C'est ce qu'ils demandent. Peut-être ont-ils raison, peut-être ont-ils tort. Vous pouvez être d'accord avec eux ou pas. Il reste que ces gens demandent le droit de placer leur argent où bon leur semble. Cela vous aurait donné le droit d'investir votre caisse de retraite en Corée, si vous en aviez décidé ainsi. Vous auriez également pu en investir plus de 20 p. 100 aux États-Unis, où les choses vont très bien ces temps-ci.

L'idée est que cela donne le droit de diversifier. Les experts financiers dont j'ai lu les écrits reconnaissent tous que c'est la meilleure façon d'assurer son revenu. Si on met tous ses oeufs dans le même panier, les risques sont beaucoup plus grands que si on diversifie ses investissements.

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, il nous faut trouver des façons d'expliquer tout cela à ceux d'entre nous qui ne connaissent pas bien ce domaine. Il nous faut trouver des façons de nous convaincre par des arguments que nous pouvons comprendre.

Lorsque le sénateur parle de gestionnaires de caisses de retraite qui administrent des milliards de dollars, je ne connais pas ces gens. Je sais toutefois qu'ils font des erreurs. S'il y a des entreprises au Canada qui ont absolument besoin de capitaux et ne peuvent pas en trouver, je ne vois pas pourquoi nous enverrions des capitaux à l'étranger.

Le sénateur dit que je n'ai pas compris. Je reconnais que je n'ai pas compris et je lui demande de trouver une façon de me convaincre que j'ai tort.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je veux faire quelques remarques, mais j'hésite à me lancer dans un débat avec deux requins de la finance comme le sénateur Meighen et le sénateur Kirby. Cependant, je suis plus vieux que vous deux. J'ai encore des visions de Walter Gordon et du nationalisme canadien. C'est peut-être le problème du sénateur Gigantès aussi.

J'ai un problème semblable parce que nous parlons ici de régimes sanctionnés officiellement par le gouvernement. Nous n'empêchons pas quiconque n'a pas de régime enregistré d'investir en Corée ou aux Philippines ou n'importe où ailleurs.

On doit me convaincre. Je vais soulever deux ou trois points, puis, sénateur Kirby, vous pourrez peut-être nous donner des explications à cet égard. Je crois que les gens commencent à penser que je suis un oiseau de nuit. J'aime dormir jusqu'à 9 heures, et rien ne peut m'arrêter par la suite.

Le sénateur Gigantès a fait valoir un point important. Les programmes autorisés par le gouvernement comme les REER et tous les autres régimes officiels nous donnent de l'argent au Canada. Nous devrions donc le dépenser au Canada. Nous devrions le mettre à la disposition des capitalistes canadiens qui veulent emprunter. Si nous ne trouvons pas assez d'entreprises qui veulent emprunter l'argent de ces régimes et que nous devons maintenant aller investir à l'étranger, c'est peut-être que nos propres lois fiscales ne sont pas bien structurées. Peut-être le gouvernement devrait-il mettre une plus grande partie de cet argent à la disposition de nos agriculteurs, petits entrepreneurs et autres travailleurs autonomes. C'est peut-être cela qui ne fonctionne pas. C'est ce que nous devrions faire plutôt que de leur donner le droit d'aller dépenser à l'étranger.

Je défends un point de vue opposé à l'interprétation que le sénateur a faite de la situation. En effet, si les possibilités ne sont pas nombreuses pour les régimes enregistrés d'épargne-retraite au Canada, le gouvernement devrait peut-être être rappelé à l'ordre parce qu'il ne donne pas aux Canadiens suffisamment de possibilités d'utiliser leur argent.

En second lieu, sénateur Meighen, vous avez mentionné que les personnes qui ont témoigné au comité ont toutes suggéré qu'on élargisse les possibilités d'investissement à l'étranger. Si un conseiller canadien suggère au sénateur Gigantès ou à moi-même d'investir dans Imperial Tobacco ou dans les sables bitumineux du nord de l'Alberta, nous avons une idée de ce dont il s'agit. Nous savons de quoi il parle. Toutefois, quand on nous dit qu'il faudrait profiter de la ruée vers l'huile d'arachide dans le sud de la Patagonie, nous devenons totalement dépendants de quelque investisseur étranger. Par conséquent, je ne sais trop s'il faut voir dans cette recommandation une simple tentative visant à augmenter les revenus de ces gens qui nous diront où aller dépenser notre argent à l'étranger.

J'ai déjà beaucoup de difficulté à décider où investir de l'argent au Canada. Lorsque je vais investir à l'étranger, je dois m'en remettre à ces experts. Sommes-nous victimes d'un groupe de pression très futé qui veut que nous fassions appel à ceux qu'il représente pour aller placer notre argent dans la production d'huile d'arachide en Patagonie septentrionale ou la vente de fourrures en Nouvelle-Guinée? Est-ce de cela qu'il s'agit ici?

Nous parlons de pensions de retraite. Les gens passent leur vie à économiser. Ils renoncent à faire fructifier leur argent, comme il est dit dans la Bible. Peut-être n'obtiennent-ils qu'un rendement de 1,78 p. 100, peut-être de 6 p. 100. Il reste que le gouvernement du Canada peut réglementer leurs investissements. Que peut-on faire au sujet des gens qui vous vendent un placement en Corée ou dans un autre pays où le gouvernement du Canada n'a aucun moyen d'imposer de règles? Comprenez-moi bien. Si vous êtes un entrepreneur libre qui ne dépense pas ses économies de retraite, vous pouvez acheter dans ces pays étrangers, et je l'ai moi-même fait. Qu'avez-vous à opposer à ceux qui soutiennent que les investissements à l'étranger ne peuvent pas être réglementés comme ils peuvent l'être au Canada?

(2010)

Peut-être que, si tard en soirée, je ne suis pas aussi débordant d'enthousiasme que je croyais l'être. Ces gens qui veulent investir à l'étranger peuvent très bien le faire avec l'argent qu'ils ne placent pas dans leurs fonds de retraite. Les garanties diverses offertes par les gouvernements, par l'intermédiaire de l'assurance-dépôt et de tous les autres systèmes de protection que le gouvernement fédéral a mis sur pied, ne sont pas disponibles si ces fonds sont placés à l'étranger en dépit du fait que - et cela a été établi - vous ne perdez que 30 p. 100.

Le sénateur Kirby brûle de prendre la parole et de clarifier tout cela pour moi. Sommes-nous entraînés dans quelque plan machiavélique visant à aider les conseillers en placement gagnant 200 000 $ par année, les petits gnomes de Bay Street ou de Suisse, à nous convaincre de placer notre argent à l'étranger plutôt qu'ici même, dans les exploitations agricoles, les petites entreprises et les mines du Canada?

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je voudrais formuler quelques observations sur l'aspect investissement. Il me semble que le Canada a besoin d'investissements à l'heure actuelle. Je vais donner des exemples. Dans les Prairies, surtout là où les tarifs de transport des marchandises ont changé, nous essayons d'obtenir des produits à valeur ajoutée à partir des matières premières que nous avons. Des entreprises aimeraient lancer une entreprise d'élevage de bovins ou de porcs, par exemple, ou je ne sais quoi d'autre, mais elles n'ont pas les capitaux nécessaires pour ce faire. Tous les capitaux de placement canadiens vont aux États-Unis, car cela est très rentable.

Le sénateur Taylor: Il n'y a rien comme un porc canadien!

Le sénateur Gustafson: Je vais vous donner un exemple. J'ai suivi le chemin emprunté par les moissonneuses-batteuses allant des Prairies jusqu'au Texas. Au Kansas, j'ai examiné les parcs d'engraissement. J'y ai rencontré un type qui travaillait avec la Banque mondiale. Il m'a demandé d'où je venais. Je lui ai répondu que je venais d'Estevan. Il m'a demandé si je connaissais un tel ou un tel. Il m'a dit qu'il était là peu de temps auparavant, qu'une société pétrolière avait fait faillite et qu'il était allé rencontrer certaines personnes. Il a ajouté que sa société achetait un parc d'engraissement près de Calgary, Lakeside Feeders, avec quelque 40 000 bovins. L'Iowa Beef Producers, les plus importants éleveurs de bovins de boucherie du monde ont acheté Lakeside Feeders et ont porté sa capacité à 80 000 têtes. Je pensais téléphoner à Roy Romanow et lui dire que nous, les Canadiens, devrions faire cela, mais que nous n'avons pas les capitaux nécessaires.

Ce même type m'a dit ensuite que sa société recherchait un emplacement dans le nord de la Saskatchewan, car aux termes des tarifs-marchandises, les taux de conversion pour les animaux d'élevage étaient de huit pour un. Ainsi, il est plus avantageux de transporter les bovins vers les aliments pour animaux que l'inverse.

Ce qui se produit, c'est que les investisseurs américains en particulier profitent de la faiblesse de notre dollar pour acheter toutes les choses que nous devrions, en tant que Canadiens, contrôler dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Je suis d'accord avec le ministre. Le moment n'est pas venu d'accroître l'investissement étranger parce que nous avons besoin de capitaux d'investissement.

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, j'avais l'intention de faire un bref discours. Cependant, les observations formulées par les sénateurs Gigantès, Taylor et Gustafson méritent une réponse plus détaillée que ce que je pourrai donner à ce stade-ci de la soirée, de mémoire. Ainsi, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Kirby, le débat est ajourné.)

[Français]

L'Énergie

Le projet Sable Island Gas-Motion autorisant le comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à étudier cette question-Ajournement du débat

L'honorable Jean-Maurice Simard, conformément à son avis du mardi 16 décembre 1997, propose:

Que le Sénat presse le gouverneur en conseil de ne pas donner l'approbation finale à la proposition soumise par le consortium qui a soumis le projet de Maritime and Northeast Pipeline jusqu'à ce que le gouvernement du Canada ait rempli son obligation de tenir des audiences complètes et équitables sur les propositions soumises par toutes les parties intéressées, notamment celle de TransMaritime Pipeline, attendu:

a) que les ressources naturelles du Canada appartiennent à tous les Canadiens;

b) qu'il y a lieu de tenir compte avant tout des besoins et des intérêts des Canadiens dans l'exploitation, le développement et l'utilisation des ressources naturelles qui leur appartiennent;

c) que la proposition retenue de Maritime and Northeast Pipeline place les intérêts des Américains loin devant ceux des Canadiens en dirigeant 83 % du gaz naturel tiré du projet Sable Offshore Energy vers les États-Unis, alors que seulement 17 % sera alloué à deux provinces canadiennes seulement, soit la Nouvelle-Écosse et le sud du Nouveau-Brunswick;

d) la proposition de TransMaritime donne priorité aux intérêts des Canadiens en distribuant 64 % du gaz naturel du projet Sable Offshore à quatre provinces canadiennes, dont 34 % à la Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, par opposition à un volume total de seulement 36 % au États-Unis;

e) que selon la proposition de TransMaritime, les provinces de l'Ontario et du Québec bénéficieront aussi du gaz naturel produit par le projet Sable Offshore Energy;

f) que la proposition TransMaritime encourage l'industrie canadienne, favorise la sécurité de l'approvisionnement d'énergie du centre du Canada et offre aux Canadiens un approvisionnement plus important de gaz naturel à un prix plus bas;

g) que la proposition de TransMaritime fournirait des meilleurs possibilités d'emplois et générerait des avantages à long terme plus importants pour le nord du Nouveau-Brunswick qui est désavantagé;

h) que la proposition TransMaritime favorise l'unité du Canada en envoyant aux Canadiens de quatre provinces, notamment les Acadiens, les Québécois et les Franco-Ontariens, un message positif d'inclusion, de sécurité, de perspective d'avenir et de partage au sein de la Confédération;

i) que le refus de la Commission d'examen publique conjointe des projets gaziers de l'Ile de Sable et de l'Office national de l'énergie d'entendre la proposition de TransMaritime pourrait porter gravement atteinte aux droits des Canadiens au développement et à l'utilisation de leurs ressources énergétiques et miner la souveraineté du Canada sur ces ressources;

j) que le développement d'un pipeline plutôt que de l'autre n'amènera pas de gain important de temps;

k) que prendre une décision sur ce sujet sans examiner toutes les possibilités pourrait être plus dommageable que le retard relativement mineur qui résulterait d'une révision plus juste et plus complète;

Que la question de l'opération par laquelle la Commission d'examen publique conjointe des projets gaziers de l'Île de Sable et l'Office national de l'énergie sont arrivés à recommander que le projet Maritime and Northeast Pipeline soit autorisé à aller de l'avant, soit déférée au comité permanent du Sénat sur l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles avec instructions pour ce comité d'examiner cette question et de faire rapport de cet examen;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 28 février 1998.

Honorables sénateurs, il est probablement superflu de préciser que si j'interviens à ce moment-ci dans cette Chambre pour laquelle j'ai le plus grand respect, alors que nous nous apprêtons à ajourner pour la période des fêtes, c'est que la question que je soulève est d'une gravité telle qu'elle exige une action urgente de notre part.

Je n'ai pas à vous faire de sermon sur le noble mandat qui nous est confié comme membres du Sénat canadien, de défendre les intérêts des régions du pays et de protéger ainsi, en somme, l'essence de ce qu'est le Canada.

On dit aussi de cette Chambre haute qu'elle est celle de la mûre réflexion, ce qui signifie à mon sens que notre rôle est d'essayer d'éviter que des décisions gouvernementales hâtives, mal fondées et motivées par des raisons qui vont à l'encontre du bien commun, ne viennent miner les valeurs et les principes fondamentaux sur lesquels repose l'édifice de ce pays; les valeurs et les principes qui rendent nos gens fiers de dire qu'ils sont Canadiens et Canadiennes.

Et je ne peux m'empêcher de dire que la question que je soulève aujourd'hui relève directement et absolument de notre mandat. Car dans le cas du projet de gazoduc de l'Île de Sable, il ne s'agit même pas pour nous de mûrir une réflexion déjà faite par d'autres, mais d'exiger d'abord, et au plus vite, un minimum de réflexion de la part des instances gouvernementales responsables d'une décision qui risque de causer un tort irréparable au pays.

Honorables sénateurs, la souveraineté d'un pays est ce qu'il a de plus précieux. Elle ne se négocie pas et, surtout, elle ne se vend pas au plus offrant.

L'un des principes primordiaux de cette souveraineté est que le territoire du pays est inviolable, qu'il appartient aux gens de ce pays, et que ces gens ont non seulement le droit, mais l'ultime devoir de défendre ce territoire, les valeurs et les lois qu'il abrite, contre toute agression ouverte ou insidieuse.

Quand on parle de son pays, on fait allusion à sa terre natale ou d'adoption. Parce que la terre, le territoire, est ce qu'il y a de plus sacré. C'est de cette terre que nous tirons les ressources qui nous permettent de bâtir une société prospère, équitable et juste, où la qualité de la vie fait l'envie du monde entier.

Ces ressources naturelles sont aussi inviolables que le territoire qui les renferme. Elles sont la propriété des Canadiens et des Canadiennes, et leur exploitation, leur développement et leur mise en marché ne sont souhaitables que dans la mesure où cela est fait dans l'intérêt des Canadiens. Et l'intérêt des Canadiens passe avant tout autre intérêt dans toute décision touchant ces ressources.

Quand un pays accepte de faire des exceptions à ce principe fondamental, quand il renonce, ne fusse qu'à l'occasion, à sa souveraineté sur ses ressources naturelles, il renonce ainsi, à plus ou moins long terme, à toute sa souveraineté. C'est ainsi que se créent des états-satellites, des pays qui prennent des décisions au gré de ceux qui tirent leurs ficelles.

(2020)

Honorables sénateurs, les Canadiens et les Canadiennes méritent mieux que de se faire imposer une décision par Mobil Oil et les géants de ce secteur, par l'Office national de l'énergie qui refuse mystérieusement et obstinément de faire son travail, et d'entendre ceux qui auraient peut-être une meilleure solution, pour donner priorité comme il se doit aux intérêts de notre pays et de ses gens.

L'histoire entourant la construction du gazoduc de l'Île de Sable qu'on cherche à faire approuver en catastrophe serait rocambolesque si elle n'était pas si tragique.

Car lorsqu'on examine tous les éléments du dossier, on ne peut s'empêcher de se poser la question, aussi bête soit-elle: «Mais que se passe-t-il?»

Honorables sénateurs, qu'est-ce qui peut bien se passer dans la tête des preneurs de décision pour qu'ils songent même à risquer de dilapider ainsi vers l'étranger une ressource naturelle aussi précieuse que le gaz naturel, une source d'énergie propre et économique que tous les pays du monde souhaiteraient avoir à leur portée?

Qu'est-ce qui peut bien justifier qu'au moment où enfin, une région, celle de l'Atlantique, historiquement défavorisée du Canada, s'apprête à réduire sa dépendance économique sur les régions plus riches du pays, autant que sa dépendance énergétique sur l'étranger ou sur des méthodes plus coûteuses, moins efficaces et plus polluantes, au moment où les populations de l'Atlantique - ma région de l'Atlantique - commencent enfin à voir la concrétisation des promesses qu'on a trop souvent manqué de remplir, on s'empresse de leur arracher ce qui leur appartient?

De quels principes s'inspirent l'Office national de l'énergie et la Commission d'examen publique mixte des projets gaziers de l'Île de Sable, lorsqu'ils décident qu'il vaut mieux desservir le pays voisin, les États-Unis, que d'alimenter quatre provinces canadiennes?

C'est quand même renversant. Le projet Maritime and Northeast Pipeline, piloté par Mobil Oil et recommandé par l'Office national de l'énergie, propose d'acheminer non moins de 83 p. 100 du gaz naturel appartenant aux Canadiens vers les États-Unis. La Nouvelle-Écosse et le sud du Nouveau-Brunswick, selon ce projet, doivent se partager le 17 p. 100 qui reste.

Quel scandale! Quelle infamie! Quelle comédie! Quelle tragédie!

Et quand un consortium canadien formé, entre autres, de TransCanada Pipelines et de Gaz métropolitain du Québec veut soumettre une proposition, celle de TransMaritime Pipelines, qui garderait 64 p. 100 du gaz naturel de l'Île de Sable au pays, au Canada, et qui le distribuerait en plus dans quatre provinces, l'Office national de l'énergie et la Commission d'examen publique mixte des projets gaziers de l'Île de Sable refusent tout simplement de les entendre.

C'est de l'irresponsabilité érigée en système! C'est de l'exploitation déréglée, non seulement de nos ressources, mais des gens des provinces de l'Atlantique. Cette commission porte le titre d'Office «national», mais on est en droit de se demander: «De quelle nation?»

Quel beau message envoie-t-on aux Acadiens de ma région du nord du Nouveau-Brunswick, systématiquement défavorisée par les décisions de leur gouvernement presque chaque fois qu'il est question de développement économique.

Trois Acadiens, dirigés dans leur recherche par le docteur André Leclerc, professeur en économie au campus d'Edmundston de l'Université de Moncton, publiaient à l'automne dernier un volume qui illustrait de façon éloquente et tragique, les disparités grandissantes dans les régions acadiennes du Nouveau-Brunswick qui tranchaient avec un développement plus spectaculaire dans le sud du Nouveau-Brunswick. Si le gouvernement se devait d'approuver la décision de l'Office national de l'énergie et de la Commission d'examen mixte, vous savez sans doute, honorables sénateurs, surtout ceux et celles qui représentent le Nouveau-Brunswick, que les disparités vont devoir s'accroître.

Les intérêts des Américains passent-ils avant les intérêts des gens du nord du Nouveau-Brunswick? Est-ce une loi au Nouveau-Brunswick que seul le sud de la province a droit aux avantages économiques et à une qualité de vie supérieure à celle des gens du nord?

Quel beau message envoie-t-on à tous les chômeurs trop nombreux de l'Atlantique, déjà martelés par des politiques et des coupures gouvernementales oppressives, lorsqu'on approuve le projet de Mobil Oil même s'il procurera 5 000 emplois de moins pendant la période de construction du pipeline que celui du projet de TransMaritime Pipelines. Vous pouvez imaginer que le gaz naturel est une alternative qui pourrait coûter de 15 à 20 p. 100 moins cher que d'autres combustibles. Donc vous pouvez conclure que c'est une bonne alternative pour développer l'énergie. Conséquemment, si les gens du nord du Nouveau-Brunswick veulent aspirer au développement de futures industries dans différents secteurs, ils ont besoin, comme les gens du sud, de cette énergie moins coûteuse.

(2030)

Pas étonnant que le premier ministre intérimaire du Nouveau-Brunswick, M. Frenette, commence à s'interroger sur les bienfaits réels du projet de Mobil Oil. Pas étonnant qu'il soit à couteaux tirés depuis trois ou quatre jours avec le premier ministre de la Nouvelle-Écosse qui lui semble prêt à se contenter de quelques miettes de plus que Mobil Oil a laissé tomber sur sa table pour le presser d'approuver un projet.

Dans leur for intérieur, je soupçonne que tous les politiciens impliqués dans ce dossier, ô étrange coïncidence! tous les politiciens libéraux de trois gouvernements libéraux, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et le gouvernement fédéral, savent fort bien que ce projet est tout simplement un mauvais projet, et que cette entente est tout simplement une mauvaise entente.

Mais, ils n'osent faire ce que leur devoir leur dicterait de faire. Pourquoi? C'est une question légitime. Pourquoi laissent-ils faire le gouvernement fédéral et se rendent-ils complices? Quel obscur pouvoir vient saper soudainement leur courage politique?

Et quand le député progressiste-conservateur de ma circonscription, M. Jean Dubé, demande à la Commission d'examen publique mixte des projets gaziers de l'Île de Sable de reconsidérer sa décision, on feint de l'ignorer, comme on feint d'ignorer le député du NDP d'Acadie-Bathurst, M. Yvon Godin, et son chef national, Mme Alexa McDonough.

Ce qui cadre bien avec l'attitude méprisante que les responsables de la Commission mixte d'examen public des projets gaziers de l'Île de Sable ont envers tous ceux et celles qui osent remettre en question leur droit divin de décider sans avoir fait leur travail.

Son Honneur le président suppléant: Honorables sénateurs, la période allouée au sénateur Simard est terminée. Est-ce d'accord qu'il puisse poursuivre son discours?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Simard: On ne donne pas plus de poids aux inquiétudes du Conseil économique du Nouveau Brunswick, - une association regroupant plus de 1 000 commercants - du Conseil du travail d'Edmundston, de l'Association des municipalités francophones du Nouveau-Brunswick, des Commissions industrielles du nord-ouest, de Grand-Sault, de Woodstock, de Chaleur et de Restigouche, des Chambres de commerce et d'entreprises de tout le nord de la province, des partis d'opposition du Nouveau-Brunswick ou des groupes d'intérêts du Cap Breton, qui ont tous soulevé de graves réserves face à l'approbation précipitée du projet de Mobil Oil.

Les anglophones ont une belle expression pour ce genre de processus: ils appellent cela du «railroading». On ne peut trouver d'exemple plus classique.

Et que dire du message que nous envoyons à nos compatriotes québécois? Comment aller leur prêcher les bienfaits de la Confédération, quand le gouvernement fédéral sanctionne des décisions qui les excluent sans raison, pour ne pas dire, contre toute logique.

Je refuse de croire que les preneurs de décision évitent délibérément le Québec pour des motifs qu'ils n'osent avouer publiquement. Si tel est le cas, ce n'est plus d'un gazoduc dont il est question, mais du détournement du gaz naturel!

Le ministre d'État des Ressources naturelles du Québec, M. Guy Chevrette, demandait récemment au gouvernement fédéral d'intervenir, le 9 décembre dernier. Son homologue d'Ottawa, le ministre des Ressources naturelles, M. Ralph Goodale, lui répondait ainsi:

Vous conviendrez avec moi que le gouvernement du Canada ne devrait pas contourner ni entraver un processus réglementaire qui prévoit un examen équitable, impartial, transparent et indépendant des projets «pipeliniers».

Je vous le dis et je l'ai dit à M. Goodale, que c'était une blague de mauvais goût! Comment peut-on parler d'équité, d'impartialité et de transparence quand l'Office national de l'énergie agit avec une mentalité de bunker, en se cachant derrière son pouvoir pour nous faire avaler une décision qui sanctionne l'iniquité et transpire la partialité envers des intérêts particuliers, qui ne sont certainement pas ceux des Canadiens?

Le ministre Goodale prétend que le gouvernement fédéral ne peut, et je cite:

[...] prescrire à l'Office la façon dont elle doit évaluer des projets en concurrence.

En d'autres mots, il s'en lave les mains comme Ponce-Pilate le faisait lors de la crucifixion de Jésus-Christ.

Le gouvernement libéral d'Ottawa a bien vite oublié la crise récente de l'Hôpital Montfort. J'ai présenté une motion en juin dernier à ce sujet où M. Chrétien a sommé le premier ministre ontarien, M. Mike Harris, d'intervenir auprès d'une commission pourtant indépendante. J'étais d'accord avec le gouvernement, à cette occasion, parce qu'il s'agissait d'une cause trop importante pour tous les Canadiens pour que les élus se défassent ainsi de leurs responsabilités. Les gouvernements sont élus pour gouverner, non pas pour laisser les décisions difficiles aux fonctionnaires et aux commissaires.

Le gouvernement fédéral a dépensé 1,5 milliard de dollars il y plus de 10 ans, pour l'exploration d'hydrocarbures au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Un milliard et demi de dollars de l'argent des Canadiens qui ont mis leur confiance démocratique dans un gouvernement qui aujourd'hui, ne veut pas se mêler des résultats de leur investissement. Un milliard et demi de dollars pour exploiter des gisements gaziers pour en faire profiter d'abord les Américains. Quel scandale!

Je vous pose encore la question: que se passe-t-il?

Si au moins l'empressement de l'Office national de l'énergie était justifié pour des raisons de délais déraisonnables. Si au moins nous étions en mesure de démontrer que de prendre le temps d'entendre la proposition de TransMaritime Pipelines causerait des torts à la population en retardant indûment le développement du gazoduc et ses retombées économiques.

Mais, encore là, nous nageons en plein mystère.

Car le projet de Mobil Oil, même s'il était approuvé demain ou après-demain - on soupçonne qu'il a été approuvé hier, passons là-dessus - même s'il était approuvé demain ou la semaine prochaine, ne pourrait procéder avant plusieurs mois, puisqu'il doit encore franchir le processus américain d'approbation avant que sa construction ne soit autorisée aux États-Unis.

Par contre, le projet de TransMaritime a déjà l'autorisation nécessaire pour construire le raccordement du gazoduc qui desservirait les États-Unis.

C'est donc dire qu'on ne peut invoquer l'urgence pour approuver un projet plutôt que l'autre.

Honorables sénateurs, je le déclare solennellement en cette Chambre, soyez assurés que je n'ai aucun lien personnel ou autre, aucune sympathie particulière, ni aucune antipathie envers l'un ou l'autre des consortiums impliqués dans ce dossier.

Je n'ai que les intérêts des gens de ma région et du Canada à coeur. Et je ne peux concevoir que des élus du peuple canadien puissent endosser une décision aussi irréfléchie, sans avoir même fait un effort pour savoir s'il n'y aurait pas quelque chose de mieux.

Je demande donc, comme le dit ma résolution, au Cabinet fédéral d'utiliser le pouvoir qu'il tient du peuple canadien et de stopper cette décision avant qu'il ne soit trop tard et que des torts irréparables ne soient commis. Je demande que la proposition de TransMaritime Pipelines soit entendue et que les projets soient débattus, dans l'équité, l'impartialité et la transparence.

Je demande aussi que le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles enquête sur le processus qui a mené à la décision du comité d'examen mixte public qui a étudié ce dossier et qui a favorisé le projet Maritime and Northeast Pipeline, et qu'il en fasse rapport au plus tard le 28 février de l'an prochain. Il nous faut faire toute la lumière sur cette affaire.

Enfin, je lance un appel personnel au premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, qui dit avoir à coeur les intérêts des gens du Nouveau-Brunswick - et je le crois, je ne doute pas de la sincérité de ses sentiments - où il a eu l'honneur d'être député il n'y a pas si longtemps. Le premier ministre sait de quoi je parle lorsque je déplore l'iniquité dont a toujours souffert le nord de la province. Il sait à quel point les gens de ma région ont besoin de ce projet. J'ai confiance qu'il aura le courage de se porter à leur défense.

Honorables sénateurs, c'est parce que je connais votre grand sens des responsabilités et votre engagement profond envers la défense des intérêts du Canada, de sa souveraineté et de son unité que je vous demande d'appuyer ma résolution aujourd'hui.

Que vous soyez libéraux, indépendants ou progressistes-conservateurs, au nom de l'équité, de la justice et de notre avenir collectif, exigez du Cabinet fédéral qu'il retarde ou même qu'il rescinde sa décision, pour au moins entendre la proposition de TransMaritime, et acceptez d'examiner en comité sénatorial permanent le processus qui a mené à une décision aussi arbitraire et aussi néfaste pour le pays.

Je prie le leader du gouvernement au Sénat, comme je l'ai fait à la période des questions cet après-midi, de s'assurer que le Sénat se prononce et débatte cette résolution avant l'ajournement du congé de Noël, de façon affirmative et positive.

[Traduction]

(2040)

J'apprends qu'un des trois associés dans le projet de TransMaritime a abandonné à cause des nombreux refus qu'ils ont subis au cours des deux dernières semaines. Il a renoncé à voir le gouvernement fédéral modifier la décision de la commission conjointe. Je n'ai pas renoncé. Je ne puis renoncer, et vous non plus je l'espère. Je n'ai pas abandonné le nord du Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas perdu espoir dans le développement du nord du Nouveau-Brunswick, et vous non plus je l'espère.

Je suis impatient de voir le nord du Nouveau-Brunswick parvenir, dans un avenir rapproché, au même degré de développement que le sud et le centre de la province. J'espère que ce projet permettra d'y réussir.

[Français]

L'honorable Gérald J. Comeau: Honorables sénateurs, je désire tout simplement profiter de l'occasion qui m'est offerte de discuter de la motion présentée par le sénateur Simard.

Nous avons appris que la Commission mixte des projets gaziers de l'Île de Sable et l'Office national d'énergie ont refusé de considérer la proposition de TransMaritime. Nous devrions trouver cela étonnant, que les commissions mandatées par le gouvernement pour protéger les intérêts des Canadiens refusent d'envisager des alternatives. Mon intervention n'est pas pour répéter la description des bénéfices de TransMaritime, exposée par le sénateur Simard. Je veux toutefois vous souligner que la proposition de TransMaritime, un consortium canadien, est supérieure au consortium américain du pipeline des Maritimes et du Nord-Est.

Par contre, nous devrions être préoccupés par le fait que la commission mixte et l'Office national de l'énergie refusent d'écouter les propositions. Ce qui important ici, c'est que les différentes propositions soient examinées et qu'une décision soit prise, après étude.

Peut-être qu'examiner des alternatives a trop de bon sens et que nous ne devrions pas être en accord avec des décisions publiques qui ont du bon sens? Le gouvernement doit intervenir, le temps passe et des décisions doivent être prises afin d'exploiter les ressources de l'Île de Sable. Des décisions d'affaires sont probablement en marche en ce moment, et des contrats doivent être signés; il est donc important que le gouvernement prenne ses responsabilités et agisse à toute vitesse.

Le gouvernement connaît bien les torts, les dommages et les coûts associés à cette décision; il est important qu'il agisse maintenant, avant qu'il ne soit obligé de renverser les décisions plus tard.

Nous demandons tout simplement que soit donnée la chance à d'autres intervenants de présenter leur dossier. Ce n'est pas trop demandé, même à ce gouvernement, que de considérer une alternative canadienne.

Pour toutes ces raisons, j'appuie la motion du sénateur Simard. J'espère que tous les sénateurs verront le bon sens de cette motion.

[Traduction]

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, cette motion est importante pour le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. J'espère que Madame le sénateur Hervieux-Payette sera prête demain à débattre cette motion et que nous irons jusqu'au bout, parce que je voudrais aussi intervenir en faveur de cette motion. Si elle promet que je pourrai le faire, je consens à ce qu'elle propose l'ajournement.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je vous le promets.

(Sur la motion du sénateur Hervieux-Payette, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 9 heures, le jeudi 18 décembre 1997.)



Back to top