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Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 134

Le jeudi 29 avril 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 29 avril 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Václav Havel, Président de la République tchèque

Dépôt et impression en annexe de l'allocution aux membres du Sénat et de la Chambre des communes

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande que l'allocution de Son Excellence Václav Havel, président de la République tchèque, prononcée plus tôt aujourd'hui devant les deux Chambres du Parlement, le discours d'introduction du très honorable premier ministre du Canada et les discours du Président du Sénat et du Président de la Chambre des communes soient imprimés en annexe aux Débats du Sénat de ce jour.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte des discours figurent en annexe, p. 3213)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Alberta

Les condoléances à l'occasion de la fusillade tragique à l'école secondaire W.R. Myers, à Taber

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, le sud de l'Alberta, ma région, est plongée aujourd'hui dans un état de choc, d'incompréhension et de peine profonde alors que les familles, les élèves et les amis essaient de se remettre de la fusillade tragique qui s'est produite hier à l'école secondaire W.R. Myers, dans la petite ville de Taber.

Le calme de cette petite ville des Prairies a été bouleversé lorsqu'un adolescent enragé et démoniaque a pénétré dans l'école armé d'un fusil et a abattu deux élèves avant d'être désarmé et mis en état d'arrestation. Nous ignorons l'identité de cet adolescent qui, âgé de seulement 14 ans, est protégé par la Loi sur les jeunes contrevenants.

Jason Lang, âgé de 17 ans, est décédé. Son père, qui est ministre du culte de l'Église anglicane à Taber, déclarait aujourd'hui, lors d'une conférence de presse, que Jason avait grandi au sein d'une famille aimante et que personne ne pouvait imaginer les terribles conséquences qu'allait avoir son décès sur la vie des membres de sa famille.

Shane Christmas, également âgé de 17 ans, a été gravement blessé et repose dans un état critique dans un service de soins intensifs de l'hôpital régional de Lethbridge.

Pour toutes ces familles, les prières et la sympathie des sénateurs ici présents vont de soi.

Taber n'est qu'à 30 milles de Lethbridge, qui est ma ville natale. C'est une ville chaleureuse, belle et familiale qui compte environ 7 200 habitants. Il y règne un fort sentiment d'appartenance communautaire et d'amitié, comme dans beaucoup d'autres merveilleuses petites collectivités rurales.

Vous vous rappelez peut-être que j'ai souvent fait allusion à l'industrie de la betterave à sucre dans le sud-ouest de l'Alberta. C'est à Taber que la betterave est traitée. À Taber, également, on cultive le meilleur maïs sucré dans le monde, les gardiens de troupeaux organisent l'été un formidable rodéo, le degré d'alphabétisation est important et les écoles dispensent aux jeunes une excellente éducation, leur offrant ainsi toutes les chances dans la vie. Taber est une collectivité où règne la sécurité. Cette image de paix s'est envolée avec les événements d'hier.

On les compare déjà aux événements horribles qui se sont déroulés la semaine dernière au Columbine High School, à Littleton, au Colorado. Les débats sur le contrôle des armes à feu se multiplient. Toutes sortes de spéculations circulent concernant le garçon qui a tiré et sur ses motivations. C'était un solitaire et il n'était pas beaucoup aimé par les jeunes de son âge, qui le tourmentaient. Je suppose que nous ne connaîtrons jamais toute l'histoire sur ces événements que n'aurait jamais dû connaître une ville comme Taber.

(1410)

Honorables sénateurs, pensez à vos propres collectivités. Au Canada, cela n'est pas censé se produire. Alors que nous sommes toujours dépassés par ces événements et que nous cherchons à l'extérieur une solution et une raison, je prétends que tous les sénateurs devraient faire de l'introspection et comprendre que toutes les collectivités au Canada sont vulnérables, qu'il s'agisse de centres urbains ou de petites villes des Prairies. En tant que citoyens et sénateurs, nous devons apprendre à décoder les signaux que nous envoient nos jeunes.

Nous devons également comprendre que les jeunes de notre pays grandissent dans des conditions différentes des nôtres. Ils ont dans leur vie des influences qui peuvent être difficiles à comprendre pour nous. Cependant, ce n'est qu'après un examen de conscience pour comprendre et voir ce qui fait qu'un enfant est solitaire et désespéré que nous serons en mesure d'offrir une véritable compassion et un véritable appui. C'est ce qui se produit aujourd'hui à Taber.

Hier soir, les médias ont dit que Taber était différente de Littleton parce que les citoyens n'étaient pas dans la rue, n'étaient pas à l'école et ne se précipitaient pas à l'école avec des bouquets de fleurs. Honorables sénateurs, Taber est différente. C'est une petite ville forte, épanouissante, qui est au coeur de ce qui rend notre pays si spécial. Cela est arrivé à Taber et nous sommes de tout coeur avec tous les étudiants, tous les citoyens et particulièrement les familles qui ont subi une perte et qui vivent dans l'angoisse aujourd'hui.

J'espère, honorables sénateurs, alors que d'autres concluront leurs observations aujourd'hui, que nous serons en mesure de les insérer dans un hansard spécial, comme nous le faisons à d'autres occasions, afin que l'école, les familles en question et cette petite ville du sud-ouest de l'Alberta sachent que nous pensons à eux, que nous compatissons à leur douleur et que nous partageons leur angoisse.

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je voudrais faire écho aux éloquentes observations du sénateur Fairbairn au sujet de cette tragédie qui s'est produite dans sa collectivité.

J'ai visité la région de Taber à de nombreuses reprises et elle est exactement comme le sénateur Fairbairn nous l'a décrite. C'est vraiment la petite ville typique de l'Alberta et du Canada rural. Les gens de l'endroit sont très religieux et sont des personnes aimantes qui élèvent leurs familles dans les meilleures traditions de notre pays. Je peux imaginer la douleur que ressent aujourd'hui cette collectivité après avoir traversé une expérience aussi horrible.

Ce n'est pas le moment de discuter des causes des actes d'un individu dont l'état d'esprit peut l'amener à créer une situation comme celle qui est survenue hier à l'école de Taber; ce n'est pas non plus le moment d'examiner les facteurs complexes qui ont amené les jeunes vêtus d'imperméables et porteurs d'armes et de bombes à provoquer la tragédie survenue au Colorado la semaine dernière. Nous devons plutôt comprendre les causes de la fragilité du système scolaire et de nos jeunes. Nous devons tenter de comprendre, comme le disait le sénateur Fairbairn, à quel point il est difficile de grandir, de subir le rejet, de suivre les autres et de faire partie d'une communauté pour quelqu'un qui est souvent rejeté et qui réagit d'une façon qui, jusqu'ici, était inimaginable.

Les sénateurs doivent partager la douleur des membres de la communauté de Taber, pour que les familles et l'ensemble de la communauté sachent que nous sympathisons avec eux et que nous espérons que des tragédies comme celle-ci ne se reproduiront plus jamais dans notre magnifique pays.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi dire quelques mots au sujet de cette tragédie.

Je suis né à quelque 30 milles de la localité de Taber. Les habitants de Taber ont grandi dans la crainte de Dieu. Le nom de cette localité serait formé des cinq premières lettres du mot «tabernacle» et pourrait être associé à des missionnaires mormons venus du sud. D'autres croient plutôt que le nom de la localité aurait été donné par un employé du Canadien Pacifique qui aurait mal épelé les mots «mont Tabor», mentionnés dans l'Ancien Testament. Quoi qu'il en soit, c'est un endroit où il fait bon vivre et élever une famille.

Je n'ai rien à ajouter à ce que disaient mes deux collègues albertains, qui ont parlé de la qualité de vie et de la qualité des gens à Taber. Il m'apparaît cependant intéressant de signaler qu'environ une semaine après que j'aie commenté la violence survenue au Colorado, au moment de laquelle le président des États-Unis a déclaré que les jeunes devaient apprendre à résoudre leurs différends sans avoir recours à la violence, les médias montrent les moyens violents que nous utilisons pour résoudre le conflit au Kosovo et en Europe. Il sera difficile d'enseigner à nos enfants de ne pas avoir recours à la violence si nous-mêmes la voyons comme une solution. La violence peut peut-être servir à enseigner des leçons, comme certaines organisations internationales le proposent. Il nous sera très difficile de séparer ce message que nous envoyons au monde du message que nous voulons faire parvenir à nos enfants.

J'ai communiqué avec d'autres assemblées législatives, aujourd'hui, avant de faire cette intervention. Dans d'autres assemblées où j'ai siégé, le Président pouvait toujours, dans un cas comme celui-ci, écrire une note au nom de l'assemblée. J'exhorte notre Président à trouver un moyen de faire parvenir les condoléances de notre institution aux parents et aux habitants de Taber. Ce serait très apprécié.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pour répondre aux sénateurs Taylor et Fairbairn, nous ferons une transcription des déclarations d'aujourd'hui sur cette affaire.

Le Sénat

La durée limite des discours et des déclarations de sénateurs-Le respect du Règlement

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je veux aborder au Sénat une question qui me chiffonne depuis que j'ai été nommée, en juin dernier. Il s'agit de la durée limite des discours. J'ai parlé à des sénateurs des deux côtés de la Chambre, et j'ai l'appui d'un certain nombre d'entre eux qui hésitent quand même à soulever cette question au Sénat, pour diverses raisons, peut-être à cause de la relation qu'ils entretiennent avec des sénateurs d'en face. Personnellement, je n'ai pas de tels scrupules.

Le Règlement vise à garantir des règles égales pour tous, et le Règlement du Sénat est clair. On ne peut rien reprocher au Président, car il l'applique très bien, mais je pense à deux dispositions en particulier. La première est le paragraphe 22(6) relatif aux déclarations de sénateurs, qui dit que les interventions sont censées être limitées à trois minutes. Un sénateur peut toutefois demander la permission de continuer, et pour que la permission du Sénat soit accordée, il faut qu'il n'y ait pas une seule voix contre. C'est très souvent le cas dans la pratique. Par contre, si un sénateur répond non, on lui en veut un peu. Pis encore, cela fausse les règles du jeu.

L'autre disposition est le paragraphe 37(4), qui dit:

[...] aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes[...]

- et je souligne ce qui suit:

[...] y compris les questions ou commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.

(1420)

Cela signifie 10 minutes plus les commentaires et les questions. Certains chronomètrent leurs discours. Ils sont lésés parce qu'ils auraient beaucoup plus à dire. D'autres interviennent pendant 30 ou 45 minutes sans se rendre compte que leurs discours sont improductifs du fait qu'il y a une perte d'attention.

D'habitude, je trouve que l'atmosphère au Sénat est détendue. Cependant, je me demande si le Sénat n'est pas rempli de prédicateurs frustrés qui ne peuvent tout simplement pas s'arrêter. Il n'y a aucune limite de temps.

J'invite les honorables sénateurs à observer plus rigoureusement le Règlement, surtout parce que, lorsqu'un sénateur intervient pendant trop longtemps, il accapare le temps de collègues qui auraient peut-être des choses importantes à dire, et que cela prolonge indûment les séances. Cela dit, je pense qu'un mot suffit aux sages.

Les sans-abri

La fermeture possible d'un centre à Ottawa

L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à propos des sans-abri.

Le mardi 22 avril dernier, je me suis rendu au centre anglican des services sociaux, situé au 454, avenue King Edward, à Ottawa, où j'ai rencontré environ 200 sans-abri. Ils m'avaient invité parce qu'ils voulaient me rendre hommage pour ma carrière au hockey et ma nomination au Sénat.

Au cours de la rencontre, ils m'ont demandé si je pouvais les aider et je leur ai posé la question suivante:

Le problème des sans-abri relève-t-il du gouvernement fédéral?

Voici ce qu'ils m'ont répondu:

C'est un problème qui concerne tout le monde, Frank.

Honorables sénateurs, les problèmes des sans-abri sont de plus en plus apparents. Le premier ministre du Canada reconnaît qu'il incombe à tout le monde, aux municipalités, aux gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral ainsi qu'aux collectivités de chercher des solutions à cet important problème des sans-abri. C'est pourquoi il a récemment désigné l'honorable Claudette Bradshaw comme responsable de la coordination des activités gouvernementales liées aux sans-abri de notre pays.

Le Centre 454 est situé au sous-sol de l'église anglicane Saint-Alban-le-martyr et il est en activité au même endroit depuis 22 ans. On vient d'aviser les responsables qu'ils devront quitter les lieux dans quelques mois. La directrice du centre est Mme Mary-Martha Hale. Elle dit que le centre devrait rester dans le même secteur, car la plupart des sans-abri errent dans les rues à proximité du centre. Mme Hale a travaillé d'arrache-pied et elle a fait preuve de beaucoup de dévouement et n'a ménagé aucun effort pour venir en aide aux sans-abri. Ma femme, Marie, et moi sommes très fiers d'elle et de ce qu'elle a accompli. Il y a une trentaine d'années, Mme Hale nous a aidés en gardant nos enfants.

Mme Hale et son groupe de sans-abri ont besoin de notre aide et de notre soutien pour que les différents programmes offerts par le centre soient maintenus. Depuis ma rencontre avec des sans-abri au centre, j'ai parlé à l'honorable Claudette Bradshaw et elle m'a dit qu'elle rencontrerait Mme Hale, ce dont je lui suis reconnaissant. Je sais qu'il y a des problèmes partout au Canada, notamment à Toronto. Je sais que le maire de Toronto a fait des démarches auprès du gouvernement et qu'il s'est enquis des fonds disponibles. Il va nous pressentir sous peu et insister afin que le gouvernement fédéral accorde des fonds pour les sans-abri de Toronto.

En 1967, lorsque les Maple Leafs de Toronto ont remporté les éliminatoires au Maple Leaf Gardens, nous avons défilé dans les rues. Cette année, le Maple Leaf Gardens a fermé ses portes. En me rendant au nouveau centre sportif, j'ai vu une vingtaine ou une trentaine de sans-abri qui s'apprêtaient à passer la nuit sur des bouches d'égout et des couvercles de trous d'homme.

Honorables sénateurs, je puis vous assurer que le nombre de sans-abri est à la hausse. Je vous demande de prendre la parole et d'aider de toutes les façons possibles afin que nous puissions épauler ces centres et leur permettre de rester ouverts et de poursuivre leurs différents programmes.

[Français]

National Youth Achievement Award

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je me joins à tous mes collègues qui ont pris la parole pour avouer mon désarroi face à la tragédie de Taber, en Alberta.

Je suis attristé par cette tragédie, mais il faut aussi regarder l'avenir. La jeunesse canadienne mérite que l'on s'attarde à sa réussite. Nos pages en sont de très bons exemples.

Hier soir, le Président de la Chambre des communes a tenu à marquer de façon spéciale la remise des prix décernés par The National Youth Achievement Award, attribués à des jeunes Canadiens de tous les âges. J'ai vu un jeune homme de huit ans dont la bravoure a été reconnue à cette occasion. Ces 30 Canadiens me font regarder l'avenir avec optimisme et amour.

J'aurais souhaité que plusieurs de mes collègues assistent à cette soirée. Ces jeunes Canadiens ont fourni beaucoup d'efforts dans des domaines aussi variés que les sports - notre collègue, le sénateur Mahovlich, est un exemple assez éloquent dans ce domaine - et les sciences. Il y avait, entre autres, deux jeunes Canadiens de 17 ans qui ont mis au point un logiciel permettant à des personnes des communautés isolées de transmettre leur électrocardiogramme à leur médecin. Il faut le faire!

Autant la tragédie de Taber en Alberta nous attriste et doit nous forcer, nous les législateurs, à poser des gestes pour tenter de trouver des solutions, si minimes soient-elles, à des situations si tragiques, autant nous devons regarder l'avenir avec optimisme et savoir encourager les jeunes Canadiens qui réussissent, comme ces 30 Canadiens l'ont fait si éloquemment.


AFFAIRES COURANTES

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Première lecture

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-29, intitulé: Loi modifiant le Code criminel (protection des patients et des soignants.)

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Lavoie-Roux, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de mardi prochain, le 4 mai 1999.)

[Traduction]

(1430)

L'Association parlementaire Canada-Europe

La réunion des assemblées parlementaires de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et du conseil de l'Europe à Paris, en France-Dépôt du rapport de la délégation canadienne

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe sur la réunion des assemblées parlementaires du Bureau de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et du Conseil de l'Europe qui s'est tenue à Paris, en France, le 5 mars 1999.

PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

Le conflit en Yougoslavie-L'utilisation présumée d'armes chimiques contre l'Armée de libération du Kosovo-La fourniture de vêtements protecteurs et d'entraînement aux militaires canadiens

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, nous avons appris hier par la presse britannique que les forces yougoslaves emploient des armes chimiques contre l'UCK. Le ministre peut-il confirmer ou infirmer ces informations?

Les militaires canadiens qui seront envoyés en Macédoine se verront-ils remettre les plus récents vêtements de protection contre les armes chimiques, et leur donnera-t-on l'entraînement supplémentaire nécessaire pour qu'ils puissent tirer pleinement profit de cet équipement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne suis pas au courant de l'emploi d'armes chimiques. Le ministère de la Défense nationale m'a assuré que les soldats que nous enverrons dans ces régions auront l'équipement nécessaire pour faire face à toute éventualité.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, j'aurais une question complémentaire à poser. J'ai entendu à la BBC que les forces yougoslaves avaient été accusées d'avoir envoyé des missiles FROG sur les camps de l'UCK en Macédoine et en Albanie.

Le ministre peut-il confirmer cette nouvelle? Dans l'affirmative, pourrait-il préciser s'il s'agissait de missiles de type chimique ou explosif?

Le sénateur Graham: Je suis désolé, mais je n'ai pas de renseignements à ce sujet.

Le conflit en Yougoslavie-Le mandat des troupes terrestres dans l'initiative de maintien de la paix

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je reviens à ma question d'hier au sujet du déploiement de 800 soldats de la paix qui pourraient servir au Kosovo, si les difficultés finissaient par s'y résoudre.

Le Canada a déclaré qu'il se rallierait aux choix de l'OTAN, dont nous faisons partie, bien entendu. Le leader du gouvernement au Sénat nous dirait-il si les soldats de la paix canadiens auront plus de latitude et seront mieux armés que pour leur intervention en Bosnie?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois savoir que notre personnel sera équipé du matériel le plus moderne.

Le sénateur Forrestall: Les mêmes réponses évasives.

Le sénateur Andreychuk: Ma question ne porte pas sur la modernité du matériel, mais sur la latitude qu'aura notre personnel. Si nous ne sommes pas en faveur de la séparation du Kosovo, il sera question de la création d'une région autonome ou de sa réintégration à l'ensemble du pays. Si les réfugiés rentrent chez eux, ils côtoieront les autres habitants du Kosovo qui se trouvent sur place. La situation ne sera pas facile, comme ce n'était pas facile non plus en Bosnie. À mon avis, nos forces de maintien de la paix en Bosnie avaient un mandat limité et ne pouvaient pas jouer leur rôle de façon adéquate.

Le leader du gouvernement au Sénat veillera-t-il à ce que la même erreur ne se reproduise pas au Kosovo?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, nos forces armées auront le mandat de se défendre elles-mêmes, et de défendre les réfugiés.

Le conflit en Yougoslavie-Le déploiement de troupes terrestres-La déclaration du chef d'état-major de la Défense britannique-La tenue d'un vote au Parlement-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, le général Charles Guthrie, chef d'état-major de la Défense britannique, a confirmé que le Canada allait envoyer un corps de Génie se joindre aux groupes terrestres de combat que l'OTAN déploiera. Toutefois, un communiqué diffusé antérieurement par le cabinet du premier ministre précisait bien que, si l'OTAN demande au Canada d'envoyer des troupes de combat, la Chambre sera consultée avant qu'une décision définitive ne soit prise.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il confirmer ou infirmer la déclaration du chef d'état-major de la Défense britannique?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux que répéter la déclaration du premier ministre Chrétien, à savoir que, si nos forces armées doivent être déployées à d'autres fins qu'une opération de maintien de la paix, le Parlement sera consulté.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, que penser alors de la déclaration du général Charles Guthrie, le chef d'état-major de la Défense britannique? Est-il mal cité lorsqu'on rapporte qu'il aurait déclaré que nos troupes participeraient au combat? Que faut-il conclure de tout cela?

Le sénateur Graham: Sir Charles Guthrie a fait une déclaration en sa qualité de chef d'état-major de la Défense britannique. Il ne parlait pas au nom du Canada ni au nom de l'OTAN. Une décision à ce sujet n'a pas encore été prise par nos alliés de l'OTAN.

Le conflit en Yougoslavie-Le déploiement de troupes terrestres en service actif-Le bénéfice des avantages réservés aux anciens combattants

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, si des membres de nos troupes terrestres, qui, selon vous, n'auront pas à participer aux combats, sont blessés ou tués pour une raison quelconque, bénéficient-ils de la Loi sur les allocations aux anciens combattants?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nos militaires auront droit à tout ce qui est accordé généralement aux troupes en service actif.

La Société de développement du Cap-Breton

La fermeture de mines-La rencontre du premier ministre avec la délégation de United Families of Cape Breton-Demande de renseignements à jour

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, hier, la délégation de United Families of Cape Breton a rencontré le premier ministre Chrétien. La réunion, à ce qu'on nous dit, avait été organisée par le leader du gouvernement au Sénat.

Le leader du gouvernement voudrait-il nous dire quel engagement, le cas échéant, le premier ministre a pris devant ces femmes quant à l'étude par le gouvernement de leur proposition touchant les pensions et les autres mesures que le gouvernement a annoncées en janvier à l'intention des mineurs de la Devco?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne voudrais pas parler au nom du premier ministre, alors je répondrai simplement qu'il a dit avoir déjà reçu la plupart des documents de ce groupement. Comme il se doit, il a accepté les exposés que le groupement a présentés à d'autres hier et il s'est engagé à les étudier.

Régie interne, budgets et administration

Le comité des pêches-La situation du budget des déplacements-Demande de renseignements

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité de la régie interne.

Au mois de mars, j'ai soumis un budget au nom du Comité des pêches en vue de la tenue de quelques audiences sur la côte Ouest, à la suite d'un certain nombre d'invitations que nous avons reçues de divers groupes de la région, notamment le Coastal Communities Network.

Le président du Comité de la régie interne a répondu par écrit que son comité n'examinera aucun budget tant que tous les budgets n'auront pas été prêts pour examen et décision en même temps.

J'ai appris il y a quelques jours que le Comité de la régie interne a examiné un certain nombre de budgets mais que le budget du Comité des pêches ne figurait pas parmi eux. Est-ce ce à quoi nous devons nous attendre? Compte tenu de la conduite du gouvernement ces dernières années, devons-nous nous attendre à un traitement semblable de la part du Comité de la régie interne?

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, le Comité des pêches reçoit toujours une priorité élevée. Sachant d'où je viens, on aurait tort de croire que je n'accorde pas une priorité élevée aux pêches.

Cela étant dit, il faut tenir compte du processus budgétaire. Nous avons rétabli trois sous-comités au sein du Comité de la régie interne. L'un d'eux s'occupe des budgets. Ces sous-comités existaient déjà quand le parti de l'honorable sénateur a formé le gouvernement, mais ils n'ont pas été utilisés pendant quelques années. Nous les avons rétablis parce que nous pensons que c'est là un moyen efficace.

(1440)

Cela étant dit, le sous-comité des budgets a examiné tous les budgets et il est vrai que certains ont été approuvés. La raison de cela est le respect des délais. Certains de ces comités devaient faire rapport au plus tard en juin.

Le sénateur Bryden, qui préside le sous-comité des budgets, a réuni tous les présidents de tous les comités. Il a mentionné deux impératifs: premièrement, il faut permettre à tous les comités de faire le travail qu'ils font du mieux qu'ils le peuvent; deuxièmement, il ne faut pas oublier que nous avons le devoir de maintenir le budget du Sénat dans des limites raisonnables.

Ces deux impératifs étant précisés, le sénateur Bryden a discuté de la question avec tous les présidents, qui ont ensuite déposé leur budget. Les membres de son comité et lui-même ont décidé qu'il importait que certains de ces budgets soient examinés immédiatement, car certains comités devaient faire rapport au plus tard en juin. Cela ne veut pas dire, loin de là, que ceux des autres comités ne seront pas examinés.

J'avais cru comprendre que le Comité des pêches avait aimablement décidé qu'il pourrait peut-être remettre ses audiences à l'automne. Si tel est le cas, comme je l'espère, cela nous donnerait plus de temps pour réexaminer nos finances et peut-être donner une réponse plus positive. Quoi qu'il en soit, les budgets de tous les comités sont à l'étude et ils seront tous traités équitablement.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, à mon avis la réalité est tout autre. Quel choix avait le Comité des pêches après s'être fait dire que son budget ne serait pas étudié? C'est écrit noir sur blanc et j'ai la lettre, si vous voulez la voir.

Nous n'avions pas d'autre choix que d'annuler les audiences sur la côte Ouest. Comme le sait fort bien le sénateur Rompkey, on ne peut pas prévoir un voyage concernant la pêche à n'importe quel moment de l'année. Il faut tenir compte des saisons de pêche et il y a des périodes où il vaut mieux ne pas se rendre dans certains zones de pêche. Comme il est de Terre-Neuve depuis longtemps, le sénateur Rompkey est au courant de cet état de choses.

Le sénateur a dit que le président du sous-comité avait rencontré plusieurs présidents. J'ai été prévenu la veille qu'il y aurait une réunion le lendemain matin, non pas pour discuter des budgets, mais pour discuter du nouveau processus selon lequel les budgets seraient étudiés. Cependant, ce n'est pas ce qui s'est passé.

Apparemment, ce qui s'est produit, c'est que le sous-comité a décidé d'examiner un certain nombre de budgets, dont celui du puissant Comité des banques, que les journaux mentionnent toujours. Je demanderais au président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration de retourner à ses racines et d'attacher au secteur de la pêche l'importance qu'elle devrait revêtir au Sénat.

L'honorable Raymond J. Perrault: Honorables sénateurs, étant originaire de la côte Ouest, j'approuve la déclaration qu'a faite le président du Comité des pêches, qui appartient à un autre parti. Honorables sénateurs, il y a une crise dans le secteur de la pêche sur la côte Est et sur la côte Ouest, et nous devons montrer que ce problème nous préoccupe.

Des voix: Bravo!

L'immigration

Le conflit au Kosovo-Les réfugiés du Kosovo-Les critères d'admission au Canada-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat concernant les difficultés des Albanais kosovars, qui ont été expulsés de leurs maisons et se trouvent actuellement en Macédoine, au Monténégro, en Albanie et ailleurs. Il y a une dizaine de jours, on a discuté de la possibilité que le Canada accueille 5 000 de ces réfugiés. Le haut-commissaire des Nations Unies pour le statut des réfugiés est ensuite intervenu.

Le ministre pourrait-il donner les grandes lignes de la politique du gouvernement du Canada à l'égard de ces personnes déplacées?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la situation dans les camps de réfugiés a atteint un niveau critique. Le haut-commissaire des Nations Unies pour le statut des réfugiés a déclaré que les camps étaient débordés. Le sénateur a mentionné la Macédoine, le Monténégro et l'Albanie. Il semble que la situation soit particulièrement critique dans les camps en Macédoine.

Cela dit, le haut-commissaire des Nations Unies pour le statut des réfugiés n'a pas demandé à des pays non européens, comme le Canada, les États-Unis et l'Australie, d'activer leurs plans pour offrir temporairement des refuges sûrs à de grands nombres de réfugiés. Le Canada continue d'accueillir des réfugiés en fonction de critères fondés sur la réunion des familles et des besoins spéciaux. La première de ces familles est arrivée au Canada lundi. Je crois savoir que 45 autres personnes arrivent aujourd'hui. La ministre de l'Immigration du Canada communiquera plus tard aujourd'hui avec le haut-commissaire des Nations Unies pour le statut des réfugiés.

Le Canada est prêt à accueillir 5 000 réfugiés. J'ai déclaré auparavant que nous étions prêts à accueillir des réfugiés dans différentes bases militaires du Canada après un préavis de 72 heures. Je crois savoir que les bases de Winnipeg, Trenton, Valcartier, Greenwood ainsi qu'un camp au Nouveau-Brunswick sont prêts à accueillir jusqu'à 5 000 réfugiés.

Il y avait un article dans un journal d'aujourd'hui qui disait que le programme d'accueil de réfugiés avait été réactivé. Ce n'est pas tout à fait exact. La ministre de l'Immigration communiquera, si elle ne l'a pas déjà fait, avec le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés pour dire que le Canada est toujours prêt à accepter 5 000 réfugiés. Elle aura probablement des renseignements plus à jour à communiquer aujourd'hui ou, chose certaine, demain.

Puisque j'ai la parole, je voudrais répondre à plusieurs questions qui ont été posées au sujet du matériel utilisé par nos forces armées au Kosovo, notamment les Coyote et d'autres types de matériel. J'ai demandé s'il serait possible aux honorables sénateurs de voir le matériel qui sera utilisé. À l'autre endroit aussi, certains ont exprimé un intérêt.

On m'a fait savoir, juste avant que j'arrive au Sénat, à 14 heures, que ceux et celles qui sont intéressés à voir le type de matériel que les militaires canadiens utiliseront pourront prendre un autobus qui quittera la porte ouest vers 15 heures pour les amener au manège militaire situé tout près d'ici. Ce sera là une excellente chance de voir le matériel que nos militaires utiliseront.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, sur ce dernier point, je tiens à dire, au nom des sénateurs de ce côté-ci, que nous sommes reconnaissants de ce genre d'initiatives qui visent à tenir les sénateurs aussi informés que possible de l'aspect technique des choses. Merci.

(1450)

Honorables sénateurs, je veux revenir à la dimension humanitaire et au fait que le Canada a mentionné qu'il accueillerait 5 000 réfugiés parmi les Albanais du Kosovo qui ont été déplacés.

Je suis curieux de connaître les critères utilisés par le gouvernement pour en arriver à ce chiffre. Comment en est-on arrivé au nombre de 5 000 réfugiés? Lorsque ce chiffre a été annoncé, le nombre connu d'Albanais du Kosovo qui avaient été expulsés de leurs maisons était beaucoup moins élevé qu'aujourd'hui.

Sur quels critères le gouvernement s'est-il fondé, il y a quelques semaines, pour en arriver au chiffre de 5 000? Si les mêmes critères étaient appliqués aujourd'hui, ce chiffre serait-il encore réaliste?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je ne crois pas que le chiffre de 5 000 constituait une limite. Sauf erreur, c'est le nombre qui a été décidé au terme d'une première évaluation des logements immédiatement disponibles au Canada. Il va de soi que ce chiffre a été établi après des discussions entre le ministre de la Défense nationale, la ministre de l'Immigration et le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés quant à ce qui serait un nombre acceptable de réfugiés pour le Canada.

Je ne veux pas laisser entendre qu'il s'agit là d'un nombre maximum. Je suis convaincu que si le haut-commissaire pour les réfugiés demandait que ce nombre soit augmenté en raison des circonstances tragiques qui règnent, le Canada serait disposé à envisager cette possibilité.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai une dernière question complémentaire relativement à ce dossier. Le gouvernement du Canada agit-il de façon proactive et détermine-t-il lui-même le nombre d'Albanais du Kosovo déplacés qu'il accueillerait, ou se contente-t-il encore une fois de réagir et de donner suite aux demandes d'autres organismes, notamment, dans ce cas-ci, le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés?

Avons-nous une politique établie ou nous contentons-nous de répondre aux demandes formulées par d'autres, en fonction de leurs politiques?

Le sénateur Graham: Bien au contraire, honorables sénateurs. Sauf erreur, c'est la ministre de l'Immigration du Canada qui a pris l'initiative de communiquer avec le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. La ministre joue un rôle très actif dans ce dossier.

L'environnement

Les évaluations des incidences et les précautions de transport relativement aux expéditions transfrontalières de plutonium et de combustible MOX-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, les Américains sont en train de faire une évaluation environnementale et d'informer les gens établis le long des itinéraires de transport qu'emprunterait le combustible MOX provenant, semble-t-il, de Russie et des États-Unis. Le Canada n'a fait aucune évaluation des incidences sur l'environnement des essais prévus ou des projets de transport par camion du plutonium à travers des régions du Canada, y compris la ville de Winnipeg.

Comme l'a rapporté la Presse canadienne le 23 avril, une réunion secrète sur le transport de plutonium à travers la Nouvelle-Écosse a été annulée après que la nouvelle eut été rendue publique. La réunion, semble-t-il, devait servir de séance de formation pour les chefs de services d'incendie et le personnel des mesures d'urgence sur ce qu'il faut faire avec le combustible MOX dans les situations d'urgence.

Quelles assurances le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous donner que le gouvernement respectera des normes d'évaluation environnementale et de sécurité des transports aussi rigoureuses que celles des Américains? Soit dit en passant, les Américains ont dit que c'était la responsabilité du Canada. Ils s'en lavent les mains.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai posé personnellement la même question et j'ai obtenu l'assurance des personnes responsables que toutes les précautions voulues seront prises.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes s'est déjà livré à une analyse en profondeur de la question des mesures destinées à éliminer le plutonium venant des armes excédentaires. En plus de soutenir que l'idée d'utiliser du combustible MOX au Canada est totalement irréalisable, le comité a recommandé au Canada de ne même pas participer à l'essai proposé qui doit avoir lieu plus tard cette année à l'installation d'EACL de Chalk River. De plus, les États-Unis et la Russie resteront aux prises avec d'énormes stocks de plutonium. Les médias ont laissé entendre que nous pourrions recevoir du combustible d'usage domestique et non du combustible utilisé à des fins militaires.

Je sais que tous les témoins qui ont comparu devant le Comité des affaires étrangères étaient d'accord. Comment le gouvernement concilie-t-il la proposition de mener les essais à Chalk River et la recommandation du comité des affaires étrangères de la Chambre des communes?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, une question semblable a été posée par le sénateur Wilson l'autre jour. Je crois comprendre que le leader adjoint du gouvernement va déposer une réponse à cette question dès que la période des questions sera terminée. Je ne voudrais pas devancer le leader adjoint ni la réponse à la question du sénateur Wilson. Une copie de la réponse sera transmise au sénateur Spivak dès qu'elle sera déposée.

La défense nationale

Les forces de l'OTAN en Yougoslavie-Le déploiement de soldats du génie-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'aimerais revenir à la question que mon collègue, le sénateur Stratton, a soulevée au sujet des soldats du génie. Je veux être sûr de bien comprendre la réponse qu'a fournie le leader du gouvernement au Sénat.

A-t-il dit qu'aucun soldat du génie ne se joindra au contingent britannique dans les Balkans?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, non, je n'ai pas parlé de «soldats du génie». Les militaires qui sont envoyés dans les Balkans sont déployés expressément à des fins de maintien de la paix.

Le sénateur Nolin: Il y aura plusieurs soldats du génie au sein de ce contingent canadien, n'est-ce pas?

Le sénateur Graham: Il y aura plusieurs membres du génie. Je ne sais pas s'ils seront déployés en tant que combattants. Ce que je sais, c'est qu'ils sont déployés à titre de membres du génie pour le maintien de la paix.

Le sénateur Nolin: Cependant, le leader sera-t-il surpris si on lui disait que le ministre de la Défense a utilisé l'expression «soldats du génie»?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, un soldat est un soldat, et le rôle d'un soldat peut varier selon qu'il s'agit de maintenir la paix ou de rétablir la paix. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le répète, l'unique mandat dont disposent les forces armées à l'heure actuelle, c'est de déployer jusqu'à 800 de nos soldats, et cela, à des fins de maintien de la paix.

[Français]

(1500)

Le Développement des ressources humaines

La Fondation des bourses du millénaire-L'Impasse des négociations avec le Québec-La propostion d'un médiateur-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, concernant la question des bourses du millénaire, le ministre Pettigrew refuse de parler au ministre de l'Éducation du Québec. Cette question présente un très grand intérêt pour les étudiants du Québec. Les négociations avec les autres provinces progressent difficilement alors que l'impasse persiste au Québec.

Hier, à l'Assemblée nationale, le chef du Parti libéral du Québec, M. Jean Charest, a pris l'initiative de demander au gouvernement canadien, avec l'accord du premier ministre du Québec, M. Bouchard, de désigner un négociateur particulier sur cette question.

Le leader du gouvernement pourrait-il demander au ministre du Développement des ressources humaines s'il a reçu cette demande conjointe de nomination d'un médiateur proposée par le premier ministre du Québec et le chef de l'opposition à l'Assemblée nationale afin que les négociations commencent le plus rapidement possible?

M. Riddell, le secrétaire administratif de la Fondation des bourses du millénaire, a déjà indiqué que l'absence d'une entente avec le gouvernement au tout début de l'année 1999 pourrait compromettre l'admissibilité des étudiants à ces bourses.

Il est dans l'intérêt de tous les étudiants du Québec que cette mesure soit adoptée, même si on en conteste toujours la légitimité. Le leader du gouvernement peut-il s'informer auprès de son collègue?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la réponse est oui. J'aimerais assurer au sénateur que nous convenons que les étudiants québécois ne devraient en aucun cas être pénalisés. Ils devraient avoir les mêmes possibilités que les étudiants du reste du pays.

J'ai transmis cette question au ministre Pettigrew à la suite des interventions du sénateur Rivest. Le ministre Pettigrew m'a assuré qu'il était prêt à fournir un médiateur pour aider à résoudre le problème entre le gouvernement du Québec et la fondation. Comme le savent les sénateurs, la Fondation des bourses du millénaire est indépendante du gouvernement fédéral, mais le ministre était prêt à fournir un médiateur afin de trouver une solution.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question posée par l'honorable sénateur Lois M. Wilson le 21 avril 1999 au sujet de la recommandation du comité permanent de la Chambre des communes contre l'incinération du combustible MOX.

L'environnement

La recommandation du comité permanent de la Chambre des communes contre l'incinération du combustible MOX-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Lois M. Wilson le 21 avril 1999)

Dans sa réponse au rapport du comité, le gouvernement souligne son engagement à l'égard des initiatives de non-prolifération nucléaire. La promesse d'étudier la possibilité de permettre l'utilisation des combustibles MOX dans les centrales nucléaires canadiennes, si on le lui demandait, a été faite dans ce contexte.

Dans sa recommandation, le comité permanent soutient qu'il est impossible d'utiliser les combustibles MOX dans les réacteurs canadiens. En effet, ces combustibles sont utilisés dans les centrales nucléaires de plusieurs pays d'Europe. Les essais qui ont été prévus au centre de recherche de Chalk River font suite à d'autres tests qui ont permis de déterminer que les combustibles MOX peuvent être utilisés dans les réacteurs de type CANDU.

Si l'on peut réduire la menace nucléaire et détruire le plutonium des armes nucléaires en l'utilisant pour produire de l'énergie à des fins pacifiques, le gouvernement considère que le Canada a la responsabilité de ne pas rejeter carrément cette possibilité.


Projet de loi privé

L'Association des comptables généraux accrédités du Canada-Message des communes

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes le projet de loi S-25, Loi concernant l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, accompagné d'un message où elles disent avoir adopté le projet de loi sans amendement.

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les perquisitions et les saisies internationales

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Bolduc, tendant à la deuxième lecture de projet de loi S-24, Loi instituant l'autorisation judiciaire préalable aux demandes de perquisitions ou de saisies à l'extérieur du Canada devant être présentées à une organisation ou à une autorité étrangère ou internationale.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le jour où ce projet de loi a été présenté par le sénateur Beaudoin, j'ai demandé l'ajournement du débat. Toutefois, le sénateur Grafstein a fait savoir qu'il désirait prendre la parole à propos de cette mesure législative. Je crois comprendre qu'il a eu certaines discussions avec le sénateur Beaudoin, ou devrait en avoir sous peu, et que d'après ce que comprend le sénateur Beaudoin, le sénateur Grafstein interviendra au sujet du projet de loi dès qu'il aura mis ses réflexions sur papier. Nous espérons que c'est pour bientôt.

Ceci étant entendu, je propose l'ajournement du débat sur cette question au nom du sénateur Grafstein.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

Le budget des dépenses pour 1998-1999

Le maintien en poste et la rémunération dans la fonction publique-Adoption du rapport du comité des finances nationales

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Cohen,, tendant à l'adoption du neuvième rapport du Comité sénatorial des finances nationales intitulé «Le maintien en poste et la rémunération dans la fonction publique», déposé au Sénat le 18 février 1999.-(L'honorable sénateur Cools).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, cet article a été ajourné au nom du sénateur Cools. Je peux affirmer qu'il y a un appui de ce côté-ci en faveur de ce rapport et que nous sommes prêts à nous prononcer sur la motion.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'état du système financier

L'étude du rapport provisoire du comité des banques et du commerce-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du dix-septième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé «Plan directeur de changement» (Volumes I, II et III), déposé au Sénat le 2 décembre 1998.-(L'honorable sénateur Tkachuk).

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella pourrait-il nous dire quand le sénateur Tkachuk a l'intention d'intervenir sur cette motion? Il y a déjà un bout de temps que nous en avons été saisis et nous devrions en disposer dans un sens ou un autre.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, cet article, inscrit au nom du sénateur Tkachuk, en est à sa 15e journée. L'honorable sénateur Tkachuk n'est pas ici et il ne m'a rien dit à cet égard. Nous pouvons donc prendre une décision, sans quoi il aura le sort qui attend les articles qui dépassent le délai de 15 jours.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, le comité n'était pas unanime au sujet de ce rapport. Trois libéraux s'y sont opposés. Il semble que le sénateur Tkachuk ait changé d'avis, et ce, avant la rédaction du rapport final, et non après. Je voulais entendre ce qu'il avait à dire parce que j'aurais pu intervenir. Cependant, la motion risque de mourir au Feuilleton avant que certains de mes collègues ne puissent intervenir.

Ce rapport a été rédigé avant Noël, même s'il n'a pas été adopté tout de suite. Comme il traite, entre autres, de la location à long terme d'automobiles par les banques, il est très controversé dans certaines régions du pays. Je me rends compte que, en régions urbaines, il ne l'est peut-être pas, mais ceux d'entre nous qui représentent des régions rurales du Canada ont été témoins de réactions très négatives sur cette partie du rapport. J'espérais que le sénateur Tkachuk se joindrait à nous.

Honorables sénateurs, j'espère que le rapport ne sera pas accepté par le Sénat simplement par défaut.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la situation n'est pas très réglementaire. Comme le débat avait été ajourné, on ne devrait pas en discuter maintenant. La solution serait peut-être de demander à d'autres sénateurs de proposer l'ajournement. Ainsi l'étude du rapport reviendrait à la première étape du cycle.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je dirai donc quelques mots à ce sujet. Je veux commencer par parler du sort du dieu grec Sisyphe, qui, arrivé aux Enfers, a été condamné à pousser éternellement une pierre jusqu'au sommet de la montagne, seulement pour la voir redescendre à chaque fois qu'il arrivait au sommet.

Je ne veux pas qu'on pense que je remets les chronomètres à zéro pour le simple plaisir de le faire, mais après l'intéressante intervention du sénateur Stewart, je suis prêt à proposer l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

(1510)

Le budget de 1999

L'exposé du ministre des Finances-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 16 février 1999.-(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances le 16 février.

J'ai entendu bon nombre interventions éloquentes de la part de mes collègues. Par exemple, en présentant son interpellation, le sénateur Lynch-Staunton a souligné que le gouvernement libéral profitait des succès de ses prédécesseurs.

Des succès autrefois considérés comme des échecs que le gouvernement a maintenant faits siens: la réduction des dépenses gouvernementales, la TPS, le libre-échange, la réduction des effectifs dans la fonction publique et le durcissement des conditions d'admissibilité à certains droits sont autant d'initiatives du gouvernement Mulroney que le gouvernement actuel a non seulement adoptées, mais poursuivies.

Pour sa part, madame le sénateur Cohen a attiré notre attention, comme elle l'a déjà souvent fait dans cette Chambre, sur le sort des pauvres et des sans-abri, se plaignant du fait que le budget faisait très peu pour eux.

Le sénateur Atkins a contesté les arguments du gouvernement, qui prétend que la faiblesse du dollar et des prix à l'exportation est favorable à l'économie et souligné la réduction marquée du nombre d'investissements étrangers au pays. Il a également souligné que le gouvernement n'avait investi que juste assez d'argent dans les soins de santé pour ramener, d'ici 2004, les paiements de transfert au niveau où ils se trouvaient en 1996. De plus, il a attiré notre attention sur le fait que le gouvernement fait preuve d'une négligence honteuse à l'égard de nos militaires.

Par ailleurs le sénateur Lavoie-Roux a démontré comment, depuis 1993, le gouvernement avait presque réduit à néant les paiements de transfert aux provinces et qu'il persistait à conserver un excédent énorme dans la caisse de l'assurance-emploi alors qu'il avait restreint l'accès aux prestations.

Le sénateur Bolduc nous a rappelé la récente diminution de la productivité canadienne par rapport à celle de nos voisins du sud ainsi que le déclin du revenu des particuliers dans notre pays. Le sénateur Bolduc a dit:

Le ministre des Finances a donc, et le gouvernement avec lui, opté pour continuer la croissance économique anémique des 30 dernières années en déclinant l'occasion du surplus budgétaire pour redresser la situation.

Il a ensuite souligné que cela avait conduit à une hausse de productivité plus lente que dans les autres pays du G-7, à un fardeau fiscal beaucoup plus élevé que chez nos concurrents américains, à une dette globale parmi les plus élevées du G-7 et à l'exode de nombreux spécialistes de diverses disciplines.

Le sénateur Tkachuk a démontré les effets dévastateurs de la politique fiscale sur la classe moyenne.

Le sénateur Simard, avec l'aide du sénateur Kinsella, a souligné combien la politique du gouvernement était néfaste pour sa province, le Nouveau-Brunswick, et toutes les provinces maritimes.

Honorables sénateurs, notre collègue le sénateur LeBreton nous a rappelé que les politiques qui ont généré cette croissance économique sont nées sous le gouvernement Mulroney. Elle a dit ceci:

Le libre-échange, Investissement Canada, l'abolition du terrible Programme énergétique national, les restrictions, la privatisation, la réforme de la taxe de vente, la déréglementation, autant de politiques du gouvernement précédent que le gouvernement actuel a choisi de maintenir. Ce sont ces mêmes politiques qui mènent l'économie d'aujourd'hui.

Le sénateur Spivak a parlé de la non-indexation des tranches d'imposition. Les jeunes qui commencent à travailler et qui bénéficient d'une augmentation de salaire normale passent à la tranche supérieure, et ils ne sont pas mieux nantis qu'avant. Du coup, le gouvernement canadien empoche aux environs de 185 millions de dollars de plus par an. Elle a également parlé du changement climatique, au sujet duquel le gouvernement ne fait rien, et des garderies, au sujet desquelles le gouvernement ne fait toujours rien.

À mon avis, les discours dont je viens de citer des passages jettent une lumière très révélatrice sur le rendement général du gouvernement et sur le dernier budget. Cependant, sauf le respect que je dois à mes collègues, je trouve encore plus révélateur d'entendre et de lire ce qui se passe actuellement au sein du groupe parlementaire du Parti libéral. De toute évidence, les membres de notre groupe parlementaire ne sont pas les seuls à penser que le gouvernement a raté une bonne occasion dans son dernier budget.

Pour la première fois en une génération, le gouvernement, grâce en grande partie à des mesures prospectives adoptées par l'ancien gouvernement Mulroney et aux nombreux sacrifices qu'a consentis la population canadienne, disposait d'un excédent budgétaire dont il aurait pu se servir pour alléger le fardeau des contribuables canadiens et améliorer leur qualité de vie, notamment en aidant à accroître la productivité au Canada. Au lieu de cela, le ministre a décidé de faire du rafistolage, tout en maintenant les impôts élevés et en faisant des ponctions fiscales punitives comme l'utilisation de l'excédent de la caisse d'assurance-emploi et la hausse des cotisations au RPC, et de se lancer dans des dépenses à court terme. Cette façon de faire est particulièrement inquiétante lorsqu'on pense que, au cours des prochaines années, le gouvernement aura des excédents de plus en plus importants à affecter.

Manifestement gêné par l'excédent de cette année, le ministre des Finances a tout simplement tenté de le faire disparaître, surtout au moyen d'initiatives ponctuelles de dépense au cours des semaines qui ont précédé le budget.

Comme William Watson l'a fait remarquer dans le National Post quelques jours après la présentation du budget, après avoir examiné un tableau figurant dans les documents décrits par le ministre:

Il y a dix semaines, l'excédent pour l'exercice financier se terminant cinq semaines plus tard était censé se chiffrer à 11,7 milliards de dollars, le chiffre indiqué au haut du tableau. Au bas du tableau, on trouve le chiffre 0, soit les prévisions pour cette année.

Après avoir dressé la liste de nombreuses initiatives de dépense que le gouvernement a prises, il a ajouté:

... Comme par magie, le problème s'est réglé avec des dépenses de un milliard de dollars par semaine pendant dix semaines. Le solde de cette année est tombé à zéro.

Il est impossible de discerner toute planification cohérente et à long terme dans la stratégie du gouvernement. Un budget devrait être un plan. Il devrait traduire une détermination, s'attaquer aux problèmes actuels et préparer l'avenir. Ce budget est un échec sur tous ces plans.

Même certains membres du caucus libéral sont inquiets, c'est évident. Le ministre des Finances venait à peine de terminer la lecture de son discours du budget que des membres de son parti exprimaient déjà l'espoir que le prochain budget renfermerait d'importantes réductions d'impôt. La meilleure preuve que ce budget était, en fait, une occasion ratée, c'est que nous voyons maintenant des ministériels empressés de tourner la page relativement à ce budget et essayant de convaincre le ministre des Finances de faire mieux la prochaine fois.

Dans son discours du budget, le ministre des Finances a fait allusion à la prédiction de sir Wilfrid Laurier selon laquelle le XXe siècle appartiendrait au Canada. En fait, honorables sénateurs, le Canada a été l'une des grandes réussites de notre siècle. Avec une population relativement petite, dispersée sur le deuxième territoire en importance dans le monde, malgré une topographie et un climat difficiles, nous avons bâti un pays qui est respecté et admiré dans le monde entier pour son esprit de tolérance et son égalité des chances. Nous avons également gagné notre place à des tribunes internationales aussi prestigieuses et influentes que le G-7, l'APEC, l'OEA, le Commonwealth et la Francophonie.

Cependant, il n'est pas certain que le Canada va automatiquement être florissant dans cette nouvelle ère d'intense concurrence économique et technologique. L'une des clés de notre succès passé résidait dans les initiatives personnelles, la prise de risques, ainsi que le travail acharné et la persévérance. Si nous voulons réussir dans le siècle à venir, nous devons mettre en place dès maintenant le cadre qui permettra aux Canadiens d'être compétitifs et de s'imposer. Seul le gouvernement national peut formuler la vision qui nous aidera à réussir dans une économie mondiale et nous transportera vers un nouveau siècle de réalisations et de prospérité.

Malheureusement, il n'y a aucune vision venant du gouvernement à ce stade-ci. Peut-être qu'à la réflexion, c'est trop demander à ce gouvernement que de s'attendre à du leadership de sa part. Il se peut que même les ministériels soient satisfaits d'être considérés comme le gouvernement qui est resté les bras croisés alors que le XXe siècle se terminait au lieu de nous faire entrer avec audace dans cette nouvelle ère.

Nous pouvons certes espérer qu'à tout le moins, le gouvernement ne va pas étouffer les ambitions personnelles et les possibilités des Canadiens, ce qu'il fait en maintenant des impôts élevés qui pénalisent l'initiative, font obstacle à l'investissement qui crée des emplois et poussent des Canadiens hautement qualifiés à chercher leur avenir ailleurs.

Alors que le ministre des Finances et la plupart de ses collègues du Cabinet sont tellement satisfaits d'eux-mêmes, la population canadienne est de plus en plus inquiète au sujet de ses perspectives d'avenir. Même le jovial ministre des Finances a été amené à admettre, par nul autre que le ministre de l'Industrie, que le Canada a de graves problèmes de productivité.

(1520)

Auparavant, le ministre des Finances tançait vertement quiconque osait dire que la productivité du Canada était à la baisse. Quelques jours plus tard, comme on lui présentait des statistiques qui montrent que la productivité du secteur manufacturier canadien perd sans cesse du terrain par rapport à celle des États-Unis, le ministre a été forcé d'avouer qu'il y avait bien un problème.

Les Canadiens le savent. Ils le constatent tous les jours. La productivité n'est pas un problème seulement pour les entreprises et les exportateurs canadiens. La baisse de la productivité se traduit aussi par des revenus plus faibles pour les Canadiens, ce qui, avec des impôts de plus en plus lourds, est l'une des raisons qui expliquent la baisse du revenu disponible des Canadiens, tandis que celui des Américains est à la hausse.

Il est choquant d'entendre le gouvernement se vanter de l'état de ses finances tandis que le Canadien moyen a de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Le gouvernement a fini par éliminer le déficit et à dégager un excédent, en grande partie à cause des sacrifices consentis par cette génération-ci de Canadiens. Ce sont eux qui devraient être récompensés, ce sont eux qui devraient recevoir les félicitations. Mais le gouvernement feint de ne pas voir l'anxiété et les difficultés d'un nombre croissant de Canadiens.

Le ministre doit certainement savoir, ne fût-ce que pour avoir lu dans le Ottawa Citizen du 2 mars le résumé d'un rapport de recherche des Communes, que «les ménages à revenu modeste qui ont un seul salaire paient en impôt jusqu'au deux tiers de chaque dollar additionnel qu'ils gagnent...» Ne sait-il pas aussi que les impôts sur le revenu sont la dépense la plus importante pour les ménages canadiens, surpassant le total des dépenses consacrées à l'alimentation et au logement, et que le revenu disponible par personne a fondu de près de 1 000 $ par personne depuis 1990, selon la Banque Royale du Canada?

Loin de tirer profit des années de pertes d'emplois et de réduction des services, les Canadiens sont pénalisés encore davantage. Voici par exemple ce qu'aurait dit du dernier budget la Société canadienne d'évaluation du crédit, selon le Ottawa Citizen du 2 mars:

[...] il n'y a pas eu d'allégements fiscaux. Les impôts fédéraux, y compris l'impôt sur le revenu, les cotisations à l'assurance-emploi, la TPS et le reste, représentaient 14 p. 100 du PIB en 1994 et ce pourcentage a augmenté régulièrement pour atteindre 17,1 p. 100 l'an dernier.

Le message est de plus en plus clair. Dans le journal d'hier, John Roth, PDG de Nortel, déclarait que, si nous ne faisions rien au sujet des impôts, il pourrait être contraint de déménager Nortel aux États-Unis. Cette entreprise emploie 7 500 personnes au Canada et menace de déménager. L'entreprise est au Canada pratiquement depuis que le Canada existe.

Le gouvernement nous donne la désagréable impression d'avoir atteint un objectif assez douteux: enrichir le gouvernement tout en appauvrissant le pays. Même les employés du gouvernement ont un sens diffus de dérive. J'ai récemment eu l'honneur de déposer un rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales sur le maintien en poste et la rémunération dans la fonction publique, Ce rapport, déposé ici le 23 février dernier, montre clairement que le programme de rationalisation du gouvernement, qui ne visait qu'à démanteler de grands secteurs de la fonction publique, a eu des effets dévastateurs sur l'estime de soi des fonctionnaires.

Gilles Paquet, directeur du Centre d'études en gouvernance de l'Université d'Ottawa, aurait déclaré récemment que le rapport du comité faisait ressortir que le gouvernement libéral n'avait aucun projet pour la fonction publique, à l'exception du programme de réduction lancé par le ministère des Finances. Ce professeur déclarait:

Le gouvernement ne me donne pas l'impression de respecter la fonction publique. Il a mis fin à l'idée qu'il pouvait exister des fonctionnaires de carrière, mais il demande pourtant à ces mêmes fonctionnaires une loyauté accrue; il leur donne de moins en moins, mais leur impose toujours plus de travail. Cela conduit tout droit à un mur.

Jocelyne Bourgon, dans son quatrième rapport, lorsqu'elle occupait le poste de greffière du Conseil privé, déclarait:

La fonction publique vit actuellement une «crise tranquille». Tranquille, parce que peu de gens en sont conscients et que moins encore ont commencé à agir.

Le 25 janvier dernier, une étude menée par le Centre for Research and Education on Women and Work, de l'Université Carleton, révélait qu'environ les trois quarts des fonctionnaires les meilleurs et les plus brillants songeaient à quitter leur emploi et que 21 p. 100 affirmaient qu'ils partiraient dans l'année. C'est là une triste situation qui résulte de l'indifférence crasse du gouvernement envers les conditions de travail au sein de la fonction publique et de sa précipitation à réduire les services gouvernementaux.

Honorables sénateurs, avec le dernier budget, le ministre des Finances et le gouvernement libéral ont laissé passer une belle occasion de faire preuve de leadership à l'approche d'un nouveau siècle. Le résultat le plus tragique du manque de vision du gouvernement, cependant, c'est que des dizaines de milliers de Canadiens perdent d'innombrables possibilités et ont un avenir sombre. Les Canadiens méritent mieux.

(Sur la motion du Sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)

La santé

Motion de maintien des règlements actuels sur la caféine en tant qu'additif alimentaire-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Spivak, appuyée par l'honorable sénateur Cochrane:

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à continuer de réglementer la caféine en tant qu'additif alimentaire dans les boissons gazeuses d'ici à ce qu'on démontre que tout changement proposé n'aura pas d'effets nuisibles sur la santé des Canadiens et des Canadiennes et, plus particulièrement, sur la santé des enfants et des jeunes.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je ne ferai pas un long discours, car j'ai en mémoire les commentaires du sénateur Wilson.

Je félicite le sénateur Spivak d'avoir porté cette question à notre attention. L'adjonction de caféine ne doit pas être prise à la légère. C'est une question sur laquelle doivent se pencher attentivement le gouvernement et la population du Canada. Le sénateur Spivak a abordé la plupart des sujets de préoccupation, et j'appuie donc très fermement sa motion.

Santé Canada n'a pas entamé de processus et de travaux de recherche précis. Par conséquent, je ne crois pas que le gouvernement devrait accepter l'ajout de caféine à des boissons à base d'agrumes ou, pour être plus précis, au Mountain Dew. Tant que l'on ne se sera pas livré à des travaux de recherche, à une enquête et à un débat pertinents, ce serait de la pure folie d'intensifier l'utilisation de la caféine alors que ce n'est pas vraiment nécessaire.

L'auteur de la demande, Pepsi, dit souhaiter l'harmonisation. Il a invoqué l'Accord de libre-échange et l'ALENA pour faire valoir qu'il existe une saine et bonne raison de coordonner les normes entre les États-Unis et le Canada. Toutefois, je pense que l'Accord de libre-échange n'a jamais visé et ne devrait jamais servir à déroger à la nécessité pour le Canada de protéger la santé des Canadiens. Ce genre d'harmonisation n'a jamais été envisagé et ne devrait pas avoir lieu.

Il a également été dit que la caféine améliore le goût et qu'elle est ajoutée afin que les consommateurs aient plus de choix. Je ne pense pas que c'est la vraie raison. Si la caféine est ajoutée dans ces boissons pour donner le choix aux consommateurs, on doit alors se demander pourquoi les gens ne boivent pas de Mountain Dew maintenant s'ils pensent que c'est une bonne boisson. Si quelque chose ne va pas dans cette boisson, il faut l'abandonner et trouver une nouvelle recette ou un exhausteur de saveur autre que la caféine.

Dire que la caféine n'a pas d'effets néfastes, c'est aller à l'encontre de ce que nous savons quand il s'agit de la caféine dans le café ou certains médicaments prescrits. Des recherches ont été faites, et Santé Canada s'est prononcé sur l'utilisation de la caféine par les femmes qui vieillissent et qui ont réduit leur apport en calcium. Nous savons que la caféine est un problème pour les femmes enceintes. Nous avons également dit que, dans le cadre d'un modèle de mieux-être, pour lequel le gouvernement du Canada semble exercer des pressions, et avec raison, la médecine préventive est aussi importante que la médecine curative. En conséquence, l'ajout de la caféine ne saurait se justifier.

(1530)

Certes, la protection des enfants est plus importante que le choix des consommateurs, en cas de conflit entre les deux, et j'estime que cela reste à prouver. Je ne pense pas que Pepsi ni Santé Canada ne l'aient prouvé. L'ajout de la caféine ne serait pas conforme à la politique déclarée du ministre, qui consiste à protéger les enfants et à promouvoir de saines pratiques de santé. Des produits de remplacement peuvent être trouvés. Par conséquent, le débat doit se poursuivre. J'estime que cette motion autorise carrément le gouvernement à faire ce qui s'impose pour la société canadienne.

Je crois également que si nous le faisons pas, nous nous engagerons dans le même débat qu'avec la cigarette, où l'industrie du tabac affirme que fumer n'est pas dommageable et a mis des décennies à admettre que ses produits étaient nuisibles. Je ne pense pas que nous ayons besoin de nous engager dans un tel débat relativement aux boissons gazeuses, qui, de façon générale, sont consommées plus par les enfants que par les adultes.

J'imagine que personne au Sénat ne s'opposera à la proposition et à la motion du sénateur Spivak. J'exhorte donc tous les sénateurs à soumettre sans tarder cette motion à l'examen du gouvernement du Canada.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

Les Nations Unies

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-Les réponses récentes aux questions du comité-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Kinsella, attirant l'attention du Sénat sur les réponses aux questions supplémentaires posées par le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels relativement au troisième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.-(L'honorable sénateur Forrestall).

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, le rapport qui existe entre les droits de la personne et le droit au développement est reconnu partout dans le monde. L'automne dernier, la campagne du Jubilé de l'an 2000, qui aborde cette question, a été lancée sur la colline du Parlement. Parrainée par les Églises du monde entier, cette campagne représente en quelque sorte une convergence des opinions des sociétés civiles et des gouvernements au niveau international. Récemment, la question a été adroitement analysée, à Genève, à la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme, par un rapporteur spécial qui discutait des répercussions de la dette extérieure sur la pleine jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.

Le grave problème de la dette extérieure continue de ralentir le développement et de perpétuer les inégalités entre les pays, ce qui fait diminuer encore davantage les ressources nationales déjà maigres dont disposent de nombreux pays pour satisfaire aux besoins essentiels de leurs habitants. Le dixième anniversaire de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, que nous célébrons cette année, nous donne une excellente occasion de lier directement la remise de dette à des objectifs en matière de développement des enfants, ainsi qu'à l'objectif de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui consiste à réduire de moitié la pauvreté absolue d'ici 2015.

Dans un discours que notre premier ministre a livré le 25 mars 1999 et dans des documents de politique qu'ont publiés le ministre des Finances et la ministre de la Coopération internationale, le gouvernement fédéral a annoncé sa stratégie de réduction de la dette en prévision du prochain sommet du G-8, en juin, à Cologne, où la suppression de la dette sera à l'ordre du jour.

La proposition du Canada a fait considérablement avancer le débat et a posé un important défi aux autres créanciers en mettant la barre haute dans le contexte des autres propositions du G-7. Son aspect le plus positif réside dans le fait de fixer le défi d'une annulation bilatérale à 100 p. 100 comme étant la règle plutôt que l'exception - comme le propose l'Allemagne - pour un ensemble de pays, et d'inclure dans ce défi toutes les dettes bilatérales de ces pays. En outre, le Canada a fait savoir qu'il est disposé à agir unilatéralement si des négociations multilatérales n'aboutissent pas au degré d'annulation que recherche le Canada.

Toutefois, la restriction de ce principe à un nombre insuffisant de pays est problématique. Cette importante initiative du Canada ne peut-elle pas être prise pour au moins une cinquantaine de pays pauvres? Le Canada demande la radiation de la dette de seulement 29 pays moins développés, dont seulement 12 ont une dette bilatérale envers le Canada. Le coût additionnel pour notre pays, si toutes les propositions canadiennes d'annulation bilatérale sont acceptées, serait de 100 à 150 millions de dollars seulement, comparativement aux 900 millions de dollars de la dette de l'aide étrangère que le Canada a déjà annulée pour des pays pauvres.

Qui plus est, le Canada a invité d'autres pays à suivre son exemple et à renoncer à la dette au titre de l'APD, ou aide publique au développement, de pays pauvres lourdement endettés et à fournir, dans l'avenir, une aide au développement sous forme de subventions. Cela signifie que les mesures visant à annuler la dette s'ajouteraient à l'aide et ne s'y substitueraient pas, l'APD du Canada n'ayant jamais été aussi basse qu'en 1998, à 0,27 p. 100 du PNB. Les mesures que le premier ministre a proposées pour stabiliser l'APD dans le budget de cette année et pour accroître l'aide dans les budgets à venir sont les bienvenues. Les responsables de la campagne du Jubilé de l'an 2000 lui ont demandé de montrer que le Canada progresse par rapport à l'atteinte de l'objectif de 0,7 p. 100 du PNB, en atteignant l'objectif de 0,35 p. 100 du PNB d'ici 2005.

Par ailleurs, le débat ne doit pas se limiter à l'«impayabilité» de la dette de certains pays, mais il doit placer la dette dans le contexte de la justice. Nous regrettons que le Canada continue de travailler, dans une large mesure, dans le cadre d'un programme réformé, l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, les PPTE, un programme que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont lancé en 1996 afin de résoudre le problème de l'endettement des pays pauvres. Bien que l'Initiative en faveur des PPTE et les propositions du gouvernement canadien soient les bienvenues et qu'elles constituent des pas dans la bonne direction, nous pourrions faire davantage. L'Initiative en faveur des PPTE va plus loin que tous les mécanismes précédents visant à alléger la dette, mais elle soulage plus les créanciers qui ont des créances irrécouvrables dans leurs livres que les populations des pays endettés.

À l'occasion de la réunion qui doit se tenir à Cologne, en juin, les membres du G-8 devront faire plus que de fignoler l'initiative en faveur des PPTE; ils devront se pencher sur les besoins de toute une brochette de pays pour lesquels la dette est un fardeau moral imposé aux pauvres. Dans son rapport de 1998 sur le développement humain, l'ONU fait remarquer que la communauté internationale a pu réunir 100 milliards de dollars américains en quelques mois à peine pour faire face à la crise asiatique, alors qu'il lui faut des années pour trouver les 8 milliards de dollars nécessaires pour mettre en oeuvre l'initiative en faveur des PPTE. L'aspect le plus contestable de cette mesure est l'obligation qui est faite aux pays débiteurs de mettre en place des programmes d'ajustement structurel, les PAS, très conventionnels, qui supposent des niveaux d'austérité inacceptables pour les pays très pauvres. Dans les pays endettés, les pauvres doivent faire trop de sacrifices pour dégager les sommes devant servir à payer la dette.

Le Canada propose une remise de dette dans le cas des pays qui:

Augmentent les dépenses consacrées à l'éducation et aux soins de santé pour leur population et qui réduisent les dépenses liées aux armes ainsi que les dépenses militaires.

Nous proposons aussi que:

la période de bon rendement au chapitre de l'ajustement structurel soit ramenée de six ans à trois ans.

Une autre proposition fort louable.

Or, n'y a-t-il pas une contradiction fondamentale dans le fait que le Canada continue de lier l'allégement de la dette aux programmes d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale, lesquels sont conditionnels à l'adoption par les pays débiteurs de politiques économiques qui ont pour effet de perpétuer des relations économiques injustes entre le nord et le sud, contribuant ainsi à appauvrir davantage les pauvres?

La résolution de 1997 de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies:

[...] constate avec regret les effets négatifs sur l'exercice et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, de l'ajustement structurel et des politiques de réforme conçus par les institutions financières internationales et les créanciers bilatéraux et imposés aux pays débiteurs pour composer avec les effets de la dette étrangère, en particulier parmi les groupes les plus vulnérables et dont les revenus sont les moins élevés.

Les problèmes exigent une approche plus générale que la relation créancier-débiteur, foncièrement biaisée. Selon le rapporteur spécial des Nations Unies sur l'allégement de la dette, les questions sociales devraient être sur le même pied que les questions de croissance et de développement. L'efficience et la productivité ne sont pas des aspects économiques exclusifs du développement. Elles devraient être validées pour les fins des dépenses et investissements sociaux.

Qui plus est, il est important d'examiner les questions de droits de la personne se rapportant à la façon dont les dettes ont été contractées et perpétuées, afin qu'il soit possible d'évaluer les aspects de l'endettement considéré comme non légitime. À titre d'exemple, mentionnons la dette contractée par le régime sud-africain d'apartheid, qui utilisait ses prêts contre les intérêts de sa population.

(1540)

Le mouvement du Jubilé de l'Amérique latine a demandé la vérification et l'annulation des dettes illégitimes. Les enfants qui n'étaient pas encore nés lorsque le fardeau de la dette a atteint un niveau inacceptable, et qui ont une espérance de vie limitée, devront-ils rembourser ces dettes, au prix de leur santé et de leur vie, pour permettre aux créanciers de recouvrer ce qu'ils considèrent comme leur dû?

Une autre question se pose relativement à la façon de gérer les futures crises de l'endettement. La proposition la plus originale consiste à instituer un tribunal d'arbitrage international qui surveillerait l'amortissement ordonné des dettes des pays souverains. Ce tribunal pourrait également examiner l'annulation des dettes illégitimes, et les pays à revenu moyen pourraient s'adresser à lui pour obtenir le rééchelonnement ordonné de leur dette. Les pays d'Amérique latine, par exemple, ont besoin d'un tribunal de ce genre, auquel ils pourraient s'adresser afin d'éviter de se retrouver en situation de crise de balance des paiements.

Cette mesure pourrait ouvrir la voie au droit à l'ordre social et international, dans les limites duquel les droits et les libertés énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies pourraient devenir réalité. Elle pourrait également garantir la transparence, ce qui permettrait de mettre un frein aux emprunts et prêts inconsidérés.

Un tel tribunal devrait être un organisme indépendant, placé sous les auspices des Nations Unies et chargé d'élaborer les principes d'admissibilité à l'annulation de dette. Cet organisme devrait s'assurer que les sommes ainsi économisées servent principalement au développement social.

Il faut féliciter M. Martin, le ministre des Finances, d'avoir proposé que des pays puissent invoquer une «clause moratoire d'urgence» pour ne pas avoir à effectuer des versements aux créanciers le temps de négocier un réaménagement de leur dette. Un tribunal pourrait intervenir en cas d'impossibilité de parvenir à une telle entente.

La campagne du Jubilé 2000 pour l'Amérique latine prévoit des ententes selon lesquelles:

... créanciers et débiteurs nommeront un nombre égal de juges au tribunal d'arbitrage. Les nations débitrices effectueront ces nominations à la suite d'une vaste consultation auprès de la population. La représentation de la société civile dans un tel processus d'arbitrage est un gage d'équité.

Enfin, le Jubilé 2000 du Canada prévoit présenter au premier ministre, avant le sommet du G-8, une des plus grandes pétitions de toute l'histoire du pays, qui témoignera du large appui de la population en faveur d'un véritable renouveau pour les pays les plus pauvres du monde en ce début du nouveau millénaire. Les honorables sénateurs recevront une copie de la pétition en temps utile. Votre participation témoignera de l'appui que les sénateurs peuvent apporter à cet important impératif de notre temps - l'annulation de la dette.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, dans la mesure où l'honorable sénateur n'a pas parlé plus de 10 minutes, puis-je lui poser deux questions?

Son Honneur le Président: En fait, l'honorable sénateur Wilson a pris beaucoup moins de 15 minutes.

Le sénateur Stewart: Malgré cela, peut-être ne reste-t-il pas suffisamment de temps? Mes questions n'ont rien d'hostile, elles visent seulement à obtenir des clarifications.

En ce qui concerne l'annulation de la dette, j'ai entendu dire que la dette ne devrait pas être annulée car une grande partie de cet argent a été utilisée directement ou indirectement au profit de ce qu'on appelait «les gens de la haute», l'élite.

Le sénateur Kinsella: La classe dirigeante.

Le sénateur Stewart: C'est cela. On dit que, dans un sens, cela équivaut à les récompenser pour ce qui, dans de nombreux cas, était de la corruption. C'est un argument très sérieux puisqu'il va à l'encontre de la position du sénateur Wilson. J'espère qu'elle pourra opposer des arguments qui réfuteront complètement cette thèse. Voilà ma première question. Peut-elle le faire?

La deuxième question a trait aux dangers dits moraux. Nous connaissons tous l'expression. Si nous annulons ces dettes, ne transmettons-nous pas à ces pays dont les dettes ont été annulées le message qu'ils peuvent accumuler encore davantage de dettes à l'avenir, tout en étant certains que nous les annulerons encore une fois, puisque nous nous l'avons déjà fait?

C'est un cas classique de ces dangers moraux. Je ne sais pas si le sénateur Wilson est d'accord avec cela?

Le sénateur Wilson: Je ne peux vous donner une réponse définitive et régler d'un coup la question puisque cette interpellation avait en partie pour but d'engager la participation d'autres sénateurs dans ce débat important. Je suis loin d'avoir toutes les réponses.

Vous avez raison de dire qu'une part du problème vient du fait que cet argent a été en grande partie accaparé par l'élite. En réalité, la dette retombe sur le dos des pauvres. Le Jubilé de l'an 2000 s'oppose à tout le processus des prêts et remboursements, affirmant que tout cela n'est pas normal et que des corrections s'imposent.

Le tribunal international proposé assurerait un processus transparent qui pourrait peut-être freiner ce cycle de prêts et emprunts irresponsables. À l'heure actuelle, les pays n'ont aucun recours. Ils sont à la merci des instruments financiers internationaux. Cette mesure pourrait peut-être corriger la situation.

Pour ce qui est de votre première question, je ne peux malheureusement vous donner une meilleure réponse. Comme toute cette question s'inscrit dans le cadre créancier-débiteur qui comprend le programme d'ajustement structurel, l'élite est donc en mesure de faire de l'argent sur le dos des pauvres. En Afrique, on parle du peuple africain souffrant. En Amérique latine, on parle d'arrangements subtils face à la pauvreté. Ils savent tous bien que l'argent est accaparé par quelqu'un.

Tout d'abord, nous félicitons le premier ministre de son initiative. Nous avons déjà annulé un certain nombre de dettes. Nous lui demandons d'aller encore un peu plus loin et de faire preuve de leadership à l'échelle mondiale face à ce que nous considérons comme une bonne initiative.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, cette question est inscrite au nom de l'honorable sénateur Forrestall. L'honorable sénateur Kinsella me fait savoir que le sénateur Forrestall préférerait qu'elle soit inscrite au nom du sénateur Andreychuk. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

Les pays en voie de développement

L'état de l'éducation et de la santé des jeunes filles et des femmes-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Losier-Cool, attirant l'attention du Sénat sur la population, l'éducation et la santé dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier chez les jeunes filles et chez les femmes.-(L'honorable sénateur Callbeck).

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier le sénateur Losier-Cool d'avoir présenté cette interpellation. Mes commentaires iront dans le même sens que ceux de plusieurs sénateurs et, à mon avis, ils se feront l'écho des préoccupations qu'ils ont tous déjà exprimées de façon si éloquente.

Je fais ces commentaires au moment où tous les pays, y compris le nôtre, ont les yeux tournés vers la Yougoslavie et le drame qui s'y déroule. Le Canada participe activement aux efforts de l'OTAN qui, au-delà des diverses justifications géopolitiques et stratégiques, sont motivés essentiellement par les droits de la personne et la protection des personnes.

En tant que pays, nous nous sommes engagés à faire respecter ces principes. Nous les avons inscrits dans notre Charte canadienne des droits et libertés, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et dans les codes provinciaux et territoriaux des droits de la personne. De plus, le Canada tient depuis longtemps un rôle de chef de file en matière de défense et de promotion de l'égalité des hommes et des femmes dans le monde entier. Nous nous sommes engagés à garantir que le respect des droits et de la dignité de la personne occupe une place fondamentale dans nos politiques de développement et d'aide aux pays étrangers.

C'est pourquoi des organisations telles que l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, ont, au cours des dernières années, financé des centaines de projets ayant pour objectif le développement durable, social et économique dans les pays en voie de développement. Ces projets tirent parti des capacités individuelles de chaque société.

(1550)

Essentiellement, notre approche a consisté à donner aux populations les moyens et les pouvoirs voulus pour résoudre à long terme les problèmes socioéconomiques auxquels elles font face. C'est particulièrement vrai pour les femmes et, dans bien des cas, les enfants de ces populations, qui jouent un rôle essentiel dans le développement socioéconomique de leurs pays mais reçoivent peu de droits en retour. Par exemple, ce sont généralement les femmes dans ces pays qui assurent les principales fonctions de production. Ce sont elles qui vont chercher l'eau et le carburant, qui préparent les repas, s'occupent des jardins pour répondre aux besoins du foyer, font les récoltes et travaillent dans les champs.

En Afrique subsaharienne, par exemple, les femmes produisent jusqu'à 80 p. 100 des récoltes. Cependant, ces femmes ne peuvent même pas posséder un bout de terrain et ne peuvent pas hériter de biens, obtenir du crédit ou se lancer en affaires.

Ainsi, beaucoup d'initiatives de l'ACDI et d'autres initiatives s'adressent précisément aux femmes des pays en développement, car il y a un lien entre leur situation et le développement de leur pays, y compris le degré de pauvreté qu'on y trouve. Ce n'est pas un lien abstrait. Il s'appuie sur des données bien réelles montrant que 70 p. 100 des personnes qui vivent dans la pauvreté dans le monde sont des femmes. Ce qui est également très révélateur, ce sont les données sur le travail des enfants. On estime que 250 millions d'enfants âgés de 5 à 14 ans doivent travailler dans les pays en développement, souvent pour un salaire de misère. De nos jours, il y a encore des régions du monde où les enfants sont vendus comme serviteurs ou, pire encore, réduits à l'esclavage.

Si on cible les soutiens sur le plan de la santé et l'éducation dans ces pays surtout sur les femmes, les jeunes et les jeunes filles, c'est parce qu'on sait qu'une population qui n'est pas instruite et n'est pas en santé ne peut pas contribuer efficacement à son propre développement. Honorables sénateurs, c'est aussi direct que le respect des droits de la personne dans ces pays.

Permettez-moi de commencer par le droit de chacun à l'éducation, comme le précise l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont le Canada est signataire. Ajoutez à cette déclaration le fait que, selon les Nations Unies, deux tiers des analphabètes dans le monde sont des femmes. Il y a donc tout un écart entre leur droit à l'apprentissage et la réalité.

L'ACDI a décrit l'importance d'améliorer les possibilités d'étudier pour les femmes, dans tous les coins du monde, dans un récent article intitulé: «Les femmes, partenaires essentielles au développement international». Je vous en lis un extrait:

La majorité des illettrés du monde sont des femmes et, comme la pauvreté et l'analphabétisme vont de pair, la majorité des plus pauvres du monde sont aussi des femmes. Dans les pays où la condition de la femme s'est améliorée, on a constaté une croissance économique plus accentuée et des conditions de vie meilleures, tandis que dans les régions où les droits et libertés des femmes sont réprimés, les progrès sont lents.

Là où le niveau de scolarité des femmes a augmenté, le taux de mortalité infantile a diminué, le régime alimentaire s'est amélioré et la taille de la famille a diminué. Pour les femmes, le fait d'apprendre à lire et à écrire est souvent une première étape vers l'acquisition de connaissances qui amélioreront leur qualité de vie et celle de leurs enfants...

La description des femmes des pays en développement est généralement un bien sombre tableau. Ce sont peut-être les Nations Unies qui en ont fait la description la plus percutante, à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing, en Chine, en septembre 1995. Je cite:

Pauvres, accablées de travail et illettrées - cette description s'applique à la plupart des femmes adultes des régions rurales, dans la majorité des pays en développement. Il y a maintenant plus de filles et de femmes qui vont à l'école et, dans beaucoup de régions, certaines étudient presque jusqu'à l'université, mais il subsiste un écart énorme quant à l'éducation et à l'alphabétisation des femmes, surtout chez les adultes - celles qui s'occupent des enfants et qui veillent à leur bien-être. Si elles savaient lire et écrire, cela ferait un monde de différence.

Réduire ces écarts est l'un des principaux rôles de notre pays au chapitre de l'aide au développement. Ces objectifs sont intégrés dans la Politique canadienne concernant l'intégration de la femme au développement. Depuis son adoption, en 1984, cette politique vise à accroître la participation des femmes aux décisions économiques, politiques et sociales. Cette politique a aussi permis de réduire la discrimination exercée contre les femmes tout en amélioration leurs conditions économiques, leurs conditions d'hygiène et leur scolarité.

Certains se demanderont pourquoi l'éducation est considérée comme un facteur si important pour les femmes et les jeunes filles. Pour être précis, la Banque mondiale estime que, pour chaque année de scolarité acquise par les filles, le taux de mortalité infantile est réduit de 10 p. 100, tandis que les salaires grimpent de 10 à 20 p. 100.

D'une façon plus générale, cependant, l'éducation est très efficace dans ces pays et dans tout autre pays, car elle permet de faire des choix. Elle permet notamment aux femmes de connaître les possibilités qui s'offrent à elles et à leur famille. Elle leur permet de constater qu'une pratique ou une conduite qui a peut-être été jugée acceptable pendant de nombreuses générations à leur endroit n'est ni la seule pratique ni la seule conduite qu'elles peuvent accepter.

L'éducation permet aux femmes de prendre conscience des options qui s'offrent à elles et de faire consciemment des choix parmi ces options, au lieu de se faire imposer ces choix par d'autres. Par conséquent, une bonne éducation engendre non seulement le respect de soi, mais encore le respect mutuel. Elle permet aux femmes de participer pleinement à leur société en tant que partenaires égales. Il ne s'agit pas seulement d'un élément qui ajoute à leur bien-être, il s'agit aussi d'un facteur qui favorise le mieux-être de leurs concitoyens.

Une autre préoccupation que suscite une mauvaise éducation, c'est qu'elle mène souvent, voire inévitablement, à une mauvaise santé, puisque les deux sont très étroitement liés. Autant l'éducation est un droit fondamental, autant la jouissance du plus haut niveau possible de santé physique et mentale est un droit fondamental, comme on le reconnaît encore une fois dans l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont le Canada est signataire.

Il suffit de prendre connaissance des faits qui suivent pour comprendre l'ampleur du défi à surmonter pour faire de ce droit à la santé une réalité. Un demi-million de femmes meurent chaque année des complications de l'accouchement. Dans les pays en développement, 800 millions d'habitants souffrent de malnutrition et, chaque année, plus de 8 millions de décès d'enfants de moins de cinq ans sont liés à la malnutrition.

En Afrique du sud du Sahara, quelque 14 millions d'habitants sont infectés par le VIH, soit les deux tiers des hommes, des femmes et des enfants atteints de ce virus dans le monde. La malaria entraîne 2 millions de décès chaque année, surtout dans les pays en développement.

Dans la plupart des sociétés et ce, peut-être davantage dans le monde en développement, ce sont les femmes qui voient aux besoins de leur famille. Quand ces femmes ne sont pas instruites et n'ont aucune notion de nutrition et d'hygiène, toute la famille en souffre. Par ailleurs, dans les sociétés où les femmes sont plus aptes ou du moins un peu plus instruites, c'est toute la famille qui en bénéficie.

Par exemple, une mère illettrée ou peu instruite peut éprouver des difficultés à comprendre les instructions que lui donne un travailleur de la santé concernant les médicaments à administrer à son enfant malade. Elle ne saisit peut-être pas les quantités du médicament à administrer ou elle peut avoir de la difficulté à reconnaître les signes d'une maladie grave. Par ailleurs, il se peut que, pour commencer, elle vive dans de mauvaises conditions sanitaires ou qu'elle n'ait pas accès aux travailleurs de la santé ou aux médicaments qu'il lui faudrait.

(1600)

Même dans les sociétés en voie de développement où les soins sont facilement accessibles, les femmes, pour une raison qu'on ignore, y ont recours moins souvent qu'elles le devraient. Moins de femmes que d'hommes sont traitées dans les hôpitaux, reçoivent des ordonnances ou sont traitées à temps par les praticiens, voire même survivent à des maladies relativement communes.

Je suis certaine que les honorables sénateurs conviendront que, en appuyant des programmes qui se renforcent mutuellement tels que des programmes portant sur l'éducation des femmes et les soins de santé, nous aidons les pays en voie de développement à accomplir des progrès durables en ce qui concerne la qualité de vie et le niveau de vie. Nous appuyons de telles initiatives parce qu'elles affirment la force de notre engagement national envers les droits de la personne, tant chez nous qu'à l'étranger, et qu'elles sont le fondement du respect, de la dignité et de l'égalité des individus. Cependant, je pense que nous reconnaissons également l'investissement essentiel qu'elles représentent pour nous en tant que pays.

Comme le savent tous les sénateurs, on parle beaucoup de mondialisation ces jours-ci et de la réduction des échanges internationaux du fait soit des moyens de communication électronique, soit de la concentration des marchés en un seul marché mondial. Nous avons pris conscience de la réalité de ce phénomène il y a presqu'un an lorsqu'une crise économique a touché des pays de l'Asie du Sud-Est et qu'elle a eu des répercussions directes sur l'économie et les actions boursières de pays situés aux antipodes. Nous sommes conscients de la relation de cause à effet, mais si nous n'en tenons pas compte, nous le faisons à notre propre péril.

Il en est de même des réalités sociales dans bien des pays en voie de développement. Nous le savons, la force de leur économie en termes de croissance est liée à celle de l'infrastructure sociale sur laquelle elle repose. Cette infrastructure est directement liée à la primauté de la santé, de l'éducation et de la condition des femmes.

Nous ferions bien de nous souvenir de ce vieux proverbe maltais: «le monde est une chaîne, chaque maillon est relié à un autre». La prospérité et la sécurité politique mondiales sont indissociables d'un développement social équitable. Séparer les aspirations économiques de la condition sociale est de la folie pure et simple.

Le Canada fait figure de chef de file pour ce qui est des efforts déployés en vue d'un développement aussi équitable. Nous sommes fiers de notre contribution, d'autant plus qu'elle est en grande partie liée au soutien de l'éducation et de la santé des jeunes filles et des femmes.

Dans ce contexte, je demanderai aux sénateurs de se souvenir du débat sur cette motion la prochaine fois que les sondages nationaux réclameront que l'on réduise l'aide internationale parce que nous avons nous-mêmes des problèmes difficiles à résoudre et que nous devrions dépenser cet argent au Canada. Nos problèmes difficiles ne sauraient être qu'une utopie pour les habitants des pays en voie de développement. Dans ces pays, des millions de femmes verront leurs enfants se coucher le ventre vide, et, trop souvent, mourir de faim. Elles sont peut-être elles-mêmes battues ou pire encore. Elles ont le droit de savoir qu'il leur reste des options, à leur famille et à elles-mêmes.

Ce n'est pas seulement de l'«aide» que le Canada et ses organismes accordent aux populations des pays en développement, honorables sénateurs. C'est la reconnaissance et la protection des droits humains et le respect de leur dignité humaine.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

[Français]

La Sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 29 avril 1999

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable Peter deC. Cory, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 29 avril 1999, à 16 h 30, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque

L'honorable
    Président du Sénat
        Ottawa

[Traduction]

La défense nationale

L'état des flottes d'hélicoptères-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Forrestall, attirant l'attention du Sénat sur l'annulation par les libéraux du contrat des EH-101 et sur l'état des flottes canadiennes d'hélicoptères Labrador et Sea King.-(L'honorable sénateur Atkins).

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet de l'interpellation du sénateur Forrestall sur les EH-101. Après 20 ans de planification, de propositions et de recherches par les Forces armées canadiennes sur un nouvel hélicoptère militaire maritime, l'actuel gouvernement libéral a annulé, en 1993, le programme des EH-101, comme il avait promis de le faire au cours de la campagne électorale fédérale de 1993.

En 1993, le gouvernement progressiste conservateur était disposé à remplacer l'hélicoptère Labrador de recherche et de sauvetage et l'hélicoptère maritime Sea King par près de 50 EH-101 parce qu'il savait que les Forces canadiennes avaient besoin de cet équipement. Mais pas les libéraux. Ceux-ci ont vu l'occasion de faire une question électorale d'une acquisition de défense qui assurerait la sécurité et l'efficacité de nos forces. D'un coup de plume, ils ont détruit les espoirs et les rêves de notre marine et de notre aviation.

J'ajouterai que le gouvernement libéral actuel a tout fait cela au coût d'au moins un milliard de dollars pour les contribuables. Cela me rappelle l'annulation du contrat de l'aéroport Pearson, qui a coûté plus d'un milliard de dollars aux contribuables canadiens.

Le sénateur Stewart se souviendra qu'en 1956, au cours du débat sur le pipeline, un des célèbres ministres libéraux, C.D. Howe, a dit, au cours d'un débat à la Chambre: «Qu'est-ce qu'un million?» Il semble bien qu'il dirait aujourd'hui: «Qu'est-ce qu'un milliard?»

Vous rappelez-vous que le chef du Parti libéral a dit, en 1993: «Je vais prendre un stylo et écrire zéro hélicoptères. Personne ne mourra à cause d'un hélicoptère»? Le professeur Desmond Morton, un éminent universitaire canadien, dans son rapport au premier ministre sur l'état des Forces canadiennes, a dit que l'ignorance et l'opportunisme étaient les coupables dans cette histoire.

Dans la préface de Jane's Fighting Ships 1996-97, l'une des publications sur la défense les plus respectées dans le monde, le rédacteur en chef a écrit qu'au sein des marines de l'OTAN, aucune question n'était plus marquée par la procrastination bureaucratique que le remplacement des Sea King. L'OTAN, les Forces canadiennes et les contribuables canadiens ont souffert de la négligence et de l'opportunisme politique du gouvernement actuel.

Mentionnons également les propos de Clare Musselman, un père pleurant la mort de son fils dans l'écrasement d'un hélicoptère au Québec l'automne dernier, qui a dit: «Vous conviendrez sûrement avec moi que le décès de Peter est attribuable à de l'équipement défectueux.» Qu'en pense M. Chrétien? Personne ne mourra à cause d'un hélicoptère?

Tous les sénateurs sont au courant de l'affaire du Labrador 305. Pour ceux qui l'ignorent, il s'agit de l'hélicoptère qui s'est écrasé en Gaspésie le 2 octobre 1998, causant la mort de tout l'équipage. Ajoutons à cela quelques atterrissages d'urgence et des interdictions de vol de la flotte de Labrador, dans les semaines qui ont suivi; les incidents embarrassants à Terre-Neuve, où des hélicoptères Labrador, au cours de séances d'entraînement au ras de l'eau, ont été forcés d'amerrir et ont dû être repêchés; le fait que, le 6 avril, un hélicoptère de la Garde côtière américaine a dû terminer un sauvetage au large de la Nouvelle-Écosse; le fait que le ministre de la Défense nationale a reçu un rapport dans lequel, selon ce que j'ai appris, il est dit que la flotte des Labrador fait courir des «risques graves« à ses équipages et est sujette à des «défaillances catastrophiques«; et le coût de l'entretien de la flotte actuelle et les heures qu'il faut lui consacrer simplement pour garder les hélicoptères dans les airs.

(1610)

Je pense que tous les honorables sénateurs savent maintenant en quoi consiste notre capacité de recherche et sauvetage actuelle, à la suite de promesses électorales irréfléchies.

Je vais maintenant parler de notre marine. La marine canadienne n'a pas encore de nouvel hélicoptère maritime et, maintenant que le budget est déposé, il est peu probable qu'on fasse l'acquisition de ces nouveaux appareils avant trois ans. Il faut environ trois ans, une fois que la commande est passée, pour obtenir le premier hélicoptère, et il faudrait au moins trois autres années, avant qu'on reçoive le dernier des nouveaux hélicoptères.

Actuellement, le taux de disponibilité des Sea King vieillissants n'est que de 30 à 40 p. 100, et leurs systèmes de mission font défaut à peu près la moitié du temps. Avec des appareils comme les Sea King, il ne faut pas se surprendre que les forces armées soient actuellement à court de 300 pilotes. D'ailleurs, les médias ont fait état de deux incidents concernant l'efficacité des Sea King lors de la dernière patrouille de l'OTAN; le personnel des Forces armées canadiennes a dit que c'était une source d'embarras.

Il semble maintenant que ces hélicoptères peu fiables seront envoyés dans l'Adriatique et qu'ils seront à la tête de la force navale permanente de l'OTAN. Comme vous le savez peut-être, honorables sénateurs, les hélicoptères maritimes sont très utiles pour les patrouilles pendant les blocus. De plus, il est à souhaiter que nos navires n'auront pas à se fier à ces hélicoptères contre les forces serbes et qu'il n'y aura pas de tragédie, une tragédie qui serait attribuable aux promesses libérales. Les choses ont mal tourné en ce qui concerne l'annulation de l'achat des EH-101, et notre pays est en guerre.

Enfin, je trouve très curieux qu'aucun sénateur libéral n'ait voulu prendre la parole dans le cadre de cette interpellation très importante. C'est peut-être parce qu'ils ont de la difficulté à appuyer la politique du gouvernement dans ce dossier.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

L'accès à l'information relative aux recensements

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Milne, attirant l'attention du Sénat sur l'inaccessibilité de tous les recensements depuis 1906 en raison d'une loi adoptée en 1906 par le gouvernement de sir Wilfrid Laurier.-(L'honorable sénateur Johnson).

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, je tiens moi aussi à remercier le sénateur Milne d'avoir attiré notre attention sur le fait que nous ne pouvons pas consulter le recensement de 1906 ni les autres qui ont suivi. Je voudrais vous expliquer l'importance du problème pour les Métis du Canada.

En 1982, le gouvernement fédéral a reconnu dans la Constitution canadienne la nation métisse comme nation autochtone. Nous, les Métis de l'Ouest du Canada, avons toujours connu notre ascendance et notre histoire, dans le développement de notre pays.

Les Premières nations et les Inuits ont toujours été dénombrés, de la naissance à la mort, par le ministère des Affaires indiennes, mais les Métis ne l'ont pas été de la même façon. Maintenant qu'ils forment une nation autochtone reconnue, il est impérieux que les généalogistes puissent consulter ces recensements. Cette preuve documentaire est d'une importance vitale pour les Métis de l'Ontario et du Québec, si on veut qu'ils puissent, eux aussi, avoir accès aux avantages que tous les autochtones peuvent réclamer.

Les Métis de l'Ouest du Canada peuvent consulter la documentation manuscrite dans les archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Les Métis de l'Ontario et du Québec devraient pouvoir obtenir les renseignements dont ils ont besoin et qui se trouvent dans ces recensements. Les familles pourraient ainsi avoir l'information dont elles ont besoin dans la recherche de leur identité en tant que vrais citoyens canadiens. En faisant des recherches dans l'histoire de sa famille, on peut savoir où on se situe dans son arbre généalogique. À une époque où l'on met l'accent sur le processus de guérison des peuples autochtones et où l'on soutient ce processus, il est capital que les autochtones puissent savoir d'où ils viennent afin qu'ils puissent progresser dans le cercle sacré de leur vie. C'est pourquoi j'appuie les déclarations du sénateur Milne.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'interpellation sera ajournée au nom de l'honorable sénateur Johnson.

La défense nationale

Motion visant à établir un comité spécial pour examiner les activités du Régiment aéroporté du Canada en Somalie - Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur Berntson:

Qu'un comité spécial du Sénat soit nommé pour faire examen et rapport sur la manière dont la chaîne de commandement des Forces canadiennes, tant sur le théâtre réel des opérations qu'au quartier général de la Défense nationale, a répondu aux problèmes opérationnels, disciplinaires, décisionnels et administratifs éprouvés durant le déploiement du Régiment aéroporté du Canada en Somalie, dans la mesure où ces questions n'ont pas été examinées par la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie;

Que le comité soit autorisé, pour étudier ces questions, à convoquer les témoins dont il pense obtenir des témoignages pertinents, incluant entre autres:

1) les ex-ministres de la Défense nationale;
2) le sous-ministre de la Défense nationale à l'époque;
3) le chef intérimaire d'état-major de la Défense nationale à l'époque;
4) le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale à l'époque (M. Campbell);
5) le conseiller spécial du ministre de la Défense nationale à l'époque (J. Dixon);
6) les personnes occupant le poste de juge-avocat général durant la période en question;
7) le juge-avocat général adjoint (litiges) à l'époque; et
8) le chef d'état-major de la Défense à l'époque.

Que sept sénateurs, dont trois membres constituent un quorum, soient désignés par le comité de sélection pour faire partie du comité spécial;

Que le comité soit autorisé à convoquer des personnes, à exiger la production de documents et pièces, à interroger des témoins sous serment, à faire rapport de temps à autre et à faire imprimer au jour le jour les documents et les témoignages qu'il juge à propos;

Que le comité soit autorisé à permettre le télédiffusion et la radiodiffusion, selon ce qu'il juge à propos, d'une partie ou de la totalité de ses délibérations;

Que le comité soit habilité à retenir les services de conseillers, professionnels, techniciens, employés de bureau et autres personnes jugées nécessaires pour la conduite de son étude;

Que les partis politiques représentés au comité spécial reçoivent des allocations pour l'obtention de services experts dans le cadre de l'étude;

Que le comité ait le pouvoir de se déplacer d'un endroit à l'autre au Canada et à l'étranger;

Que le comité soit autorisé à se réunir pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport dans l'année suivant sa création et, dans l'éventualité où le Sénat ne siégerait pas, que son rapport soit réputé être présenté le jour où il est déposé auprès du greffier du Sénat; et

Que le comité spécial inclue dans son rapport ses constatations et ses recommandations concernant la structure, le fonctionnement et l'efficacité opérationnelle du quartier général de la Défense nationale, la relation entre les composantes militaires et civiles du quartier général de la Défense nationale, et la relation entre le sous-ministre de la Défense, le chef d'état-major de la Défense et le ministre de la Défense nationale;

Et sur la motion en amendement de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur Beaudoin, que la motion soit modifiée en ajoutant, au deuxième paragraphe, ce qui suit:

«9) l'actuel ministre de la Défense nationale.».-(L'honorable sénateur Kinsella).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je tiens à apporter mon appui à la motion de mon collègue, le sénateur Lynch-Staunton.

Honorables sénateurs, si les travaux de la commission Létourneau n'avaient pas été interrompus par le gouvernement, elle aurait pu terminer son étude et la motion ne serait pas nécessaire. Cependant, comme les honorables sénateurs le savent, la commission d'enquête sur les événements survenus en Somalie a été dissoute par le gouvernement et, par conséquent, de nombreuses questions sont restées sans réponse.

Les Canadiens ont reconnu que les événements survenus en Somalie étaient très graves. Il s'agissait notamment d'actes de torture et de meurtres commis à l'étranger par des Canadiens.

L'étude que mènerait le Sénat aux termes de cette motion servirait à montrer qu'un gouvernement responsable demeure le symbole de notre régime gouvernemental. La motion tend simplement à mettre sur pied un comité sénatorial chargé d'examiner la question de la responsabilité et de trouver les réponses que nous aurions déjà si le gouvernement n'avait pas mis fin aux travaux de la commission judiciaire indépendante qui avait été créée.

Les honorables sénateurs savent que l'expression «gouvernement responsable« s'applique de trois façons à notre régime gouvernemental. Premièrement, elle s'applique dans le sens où notre gouvernement doit agir de façon responsable, c'est-à-dire qu'il ne doit pas faire un emploi abusif des pouvoirs légaux que lui confèrent notre Constitution et nos lois, qui accordent d'énormes pouvoirs au gouvernement à la tête du pays. Les Canadiens veulent avoir l'assurance que leur gouvernement et ses agences, notamment l'armée, sont dignes de confiance.

Deuxièmement, par «gouvernement responsable» on entend un gouvernement responsable de l'opinion publique, qui agit en fonction de ce qu'il perçoit comme les désirs de la majorité. Les Canadiens ont toujours exprimé le désir que le gouvernement prenne des mesures justes et adéquates, sans chercher à camoufler ses décisions ou à se soustraire à ses responsabilités.

Le troisième sens donné à cette expression est crucial. Un «gouvernement responsable» est un gouvernement qui, tout comme ses agences, est redevable devant le Parlement.

(1620)

Il est manifeste que les circonstances entourant la façon dont on a mis fin aux travaux de la commission d'enquête judiciaire sur la Somalie a laissé sans réponse bon nombres de questions que se posent les sénateurs et les députés, voire même le grand public. Les questions et les problèmes qui subsistent doivent être examinés afin de régler une fois pour toutes les préoccupations que j'ai décrites concernant cette affaire. Toutefois, je ne suis pas le seul à les avoir décrites. Le département d'État des États-Unis d'Amérique publie chaque année un rapport sur les droits de la personne pour divers pays dans le monde. Il y a deux ans, dans son rapport sur le Canada, il a souligné cette question des droits de la personne que constitue l'homicide extra-territorial commis par des agents du Canada.

La commission d'enquête sur la Somalie a cherché à établir comment s'en sont tirés les commandants des Forces canadiennes ayant participé aux opérations de maintien de la paix dans la Somalie déchirée par la guerre, sur les plans des opérations, de la discipline, de la prise de décision et du contrôle administratif en ce qui concerne les militaires. De plus, la commission était chargée de déterminer si les militaires avaient agi de leur propre chef et sans supervision, ou si la notion de contrôle des autorités civiles sur les militaires demeurait un principe régissant toujours nos activités.

Le gouvernement a cependant mis fin prématurément aux travaux de la commission au moment où elle s'apprêtait à établir les faits au sujet des officiers aux plus hauts échelons des Forces canadiennes. La commission avait trouvé des preuves d'un niveau élevé de mauvaise gestion de la part de hauts fonctionnaires. Le rapport indique explicitement qu'il y a eu du camouflage, des activités suspectes, des mesures de falsification, de redésignation et de destruction de documents, et des falsifications de signatures. Appelé à témoigner, l'ancien chef d'état-major de la Défense, le général Boyle, s'est révélé remarquablement mal informé au sujet du comportement de ses troupes. Lorsque le président de la commission, le juge Létourneau, lui a demandé ce qu'il savait des activités qui se déroulaient sous sa gouverne, le chef d'état-major de la Défense de l'époque a répondu, selon le Ottawa Citizen du 24 août 1996:

Monsieur, j'ai oublié beaucoup de choses au cours des deux dernières années.

Le manque de mémoire ou l'ignorance la plus totale dont a fait preuve l'ancien CEMD concernant les activités qui se sont déroulées sous son commandement est troublant. Le président de la commission d'enquête a déclaré ce qui suit, selon le Ottawa Citizen du 31 août 1996:

[...] dans un cadre hiérarchique fortement contrôlé comme celui de la direction des affaires publiques de l'armée, il est impensable que des fonctionnaires supérieurs comme Boyle n'aient pas su ce qui ce passait. Des officiers subalternes n'auraient tout simplement pas agi unilatéralement sans l'approbation de leurs supérieurs.

Tous les sénateurs sont conscients des problèmes liés à la commission d'enquête sur la Somalie. En effet, un examen de notre hansard révèle que ce dossier a fait l'objet de longues discussions ici. Même si nous ne le disons pas tous ouvertement, chacun d'entre nous a certains doutes quant à savoir si l'on a permis à la commission de terminer son travail d'une façon juste et en n'étant pas dérangée.

Honorables sénateurs, deux possibilités s'offrent à nous. Nous pouvons oublier l'examen de la conduite des Forces canadiennes en Somalie, tout en sachant que des hauts gradés militaires et d'autres autorités possèdent de l'information qu'ils n'ont pas eu à divulguer, ce qui laisse véritablement planer un doute sur la qualité de l'exercice. L'autre possibilité est évidemment celle qui est proposée par le sénateur Lynch-Staunton dans sa motion, à savoir que cette affaire fasse l'objet d'une analyse poussée afin de trouver la vérité. Si nous optons pour cette solution, peut-être pourrons-nous, ensemble, écrire le chapitre final que la commission d'enquête elle-même n'a pu rédiger.

Sur cette note, honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat au nom de mon collègue, le sénateur Meighen.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

Agriculture et forêts

La situation actuelle et l'avenir de la foresterie-Adoption du rapport budgétaire du comité

Permission ayant été accordée de revenir au point no 10, Rapports de comités:

Le Sénat procède à l'étude du neuvième rapport du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (budget supplémentaire-étude relative à la foresterie au Canada) présenté au Sénat le 28 avril 1999.

L'honorable Nicholas William Taylor propose l'adoption du rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Peuples autochtones

La commission royale sur les peuples autochtones-Adoption du rapport budgétaire du comité

La permission de revenir au point no 9 de l'ordre du jour, Rapports de comités, ayant été accordée:

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du comité sénatorial permanent des peuples autochtones (budget supplémentaire-étude relative à la fonction gouvernementale autochtone) présenté au Sénat le 28 avril 1999.

L'honorable Charlie Watt propose l'adoption du rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de renvoyer au sous-comité des documents déjà réunis sur l'étude de la forêt boréale

L'honorable Nicholas W. Taylor, conformément à l'avis donné le 28 avril 1999, propose:

Que les documents reçus et les témoignages entendus à propos de l'exploitation de la forêt boréale durant la deuxième session de la trente-cinquième législature soient renvoyés au sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial de l'agriculture et des forêts.

(La motion est adoptée.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je quitte maintenant le fauteuil pour attendre l'arrivée de Son Excellence, le suppléant du Gouverneur général.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


[Français]

Sanction Royale

L'honorable Peter deC. Cory, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi portant création de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-43, Chapitre 17, 1999)

Loi concernant l'Association des comptables généraux accrédités du Canada (Projet de loi S-25)

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


[Traduction]

(1640)

Le Sénat reprend sa séance.

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 4 mai 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 4 mai 1999, à 14 heures.)

ANNEXE

Allocution de
Son Excellence Václav Havel
Président de la République tchèque
Devant les deux Chambres du Parlement à la
Chambre des communes, à Ottawa

Le jeudi 29 avril 1999

[Traduction]

(1035)

M. Václav Havel et Mme Havlovà sont accueillis par le très honorable Jean Chrétien, Premier ministre du Canada, l'honorable Gildas L. Molgat, Président du Sénat, et l'honorable Gilbert Parent, Président de la Chambre des communes.

L'honorable Gilbert Parent (Président de la Chambre des communes): Monsieur le Président, Madame Havlovà, distingués invités et collègues, j'invite le Premier ministre à présenter nos hôtes. Le très honorable Jean Chrétien.

Le très honorable Jean Chrétien (Premier ministre): Messieurs les Présidents de la Chambre des communes et du Sénat, honorables députés et sénateurs, mesdames et messieurs.

À de rares occasions, nous, les parlementaires des deux chambres du Parlement canadien, laissons de côté les divisions partisanes. Nous interrompons les débats sur les grands dossiers de l'heure. Nous nous rassemblons ici et nous nous conduisons de manière absolument exemplaire.

Aux yeux de quiconque a eu l'occasion d'observer nos délibérations quotidiennes, cette transformation est miraculeuse. Et je dois avouer que cette perception est juste. Surtout aujourd'hui. Car nous sommes en présence d'un grand homme d'État, d'un leader tout à fait remarquable dont la ténacité devant la tyrannie et la dignité devant la persécution ont contribué à rendre possible la transformation démocratique de son peuple, de son pays et de son continent, il y a dix ans; une transformation qui relève, peu importe le point de vue qu'on adopte, du prodige.

Je veux parler, bien sûr, du Président de la République tchèque, Václav Havel.

[Français]

Le grand Victor Hugo a écrit un jour que même l'armée la plus puissante au monde ne peut vaincre une idée dont l'heure est venue. Mais il est également vrai que pour triompher à son heure, une idée doit d'abord avoir un champion, un leader et un symbole.

Monsieur le Président, votre longue croisade pour la liberté et la justice, vous l'avez menée contre l'un des plus puissants ennemis du progrès humain: la peur et l'oppression.

Fort du courage de vos convictions et de la justesse de votre cause, vous avez triomphé.

Pendant votre enfance, vous avez vécu une occupation étrangère, puis la consolidation d'un régime totalitaire brutal. Un régime qui a choisi d'étouffer vos aspirations pour l'avenir.

De telles blessures auraient fait naître l'amertume et un sentiment de futilité chez la plupart d'entre nous. Mais chez vous, elles ont inspiré les écrits et les actes de conscience qui ont éveillé l'ardeur de vos compatriotes et l'admiration du monde entier.

Vous avez révélé le vide derrière la façade du système politique qui vous avait été imposé. Et par vos paroles et vos actes, vous avez contribué à sa perte.

(1040)

Lorsque le temps est venu, après tant d'années de privations, il n'y avait vraiment personne d'autre que vous pour diriger un pays qui renaissait, pour définir ses nouvelles orientations politiques et économiques et ses nouvelles relations avec l'Europe et le reste du monde.

[Traduction]

Monsieur le Président, je voudrais citer la première allocution du Nouvel An que vous avez adressée à votre peuple:

Vous vous demandez peut-être de quelle république je rêve.

Je vous répondrai que je rêve d'une république indépendante, libre et démocratique. D'une république à l'économie prospère où règne la justice sociale. Bref, d'une république humaine qui sert l'individu et permet donc d'espérer que l'individu la servira à son tour.

Quand vous êtes venu au Canada la première fois, au début de 1990, cette vision ne s'était pas encore matérialisée. Aujourd'hui, la République tchèque est l'une des grandes démocraties de l'Europe centrale et orientale.

La transformation de votre économie, malgré certaines difficultés passagères, vous conduit vers l'adhésion à l'Union européenne.

Vous êtes un partenaire du Canada au sein de l'OTAN et de l'OCDE et vous jouez un rôle actif à l'OMC. Nos soldats maintiennent la paix en Bosnie, et nous faisons cause commune à l'OSCE.

Certains de vos fils et de vos filles les plus remarquables sont venus s'établir au Canada au cours du dernier siècle. Ils comptent parmi nos plus éminents hommes ou femmes d'affaires, universitaires, auteurs et joueurs de hockey. Je dois vous dire, monsieur le Président, que l'un de vos compatriotes, Dominik Hasek, n'est pas très populaire à Ottawa ces jours-ci, mais il est très gracieux de votre part d'être venu parmi nous pour nous faire oublier cette humiliation.

En échange, depuis dix ans, le Canada a fait de son mieux pour appuyer vos efforts en vue de rétablir la démocratie et de restaurer l'économie de marché. Ensemble, nous cherchons également à établir de nouveaux liens qui soient à notre avantage mutuel dans le domaine du commerce et des investissements.

Monsieur le Président, votre cheminement personnel et celui de la République tchèque illustrent tout le chemin parcouru en Europe sur le plan de la liberté et des droits de la personne, mais la crise du Kosovo nous rappelle crûment que nous sommes encore loin du but. J'oserais même affirmer que, si nous voulons que ce cheminement garde tout son sens dans l'Europe du nouveau millénaire, nous devrons appliquer ses leçons à la fois simples et éloquentes, sans hésiter, dans cette région complexe et troublée.

Les habitants du Kosovo et des autres pays d'Europe doivent un jour connaître les sentiments de sécurité et d'attachement à leur patrie que vous avez décrits il y a tant d'années, quand vous rêviez tout haut d'une république humaine; des idéaux que vous avez consacré tant d'efforts à réaliser dans la République tchèque d'aujourd'hui.

Il me paraît encourageant qu'une personne aussi fermement convaincue de la force de la justice et du droit ait adhéré à cette cause sans aucune hésitation.

Ensemble, avec nos alliés de l'OTAN, nous faisons ce qui doit être fait au Kosovo. Ensemble, nous réussirons.

À notre époque d'inflation verbale, monsieur le Président, les mots perdent souvent leur sens et leur valeur par un excès de rhétorique. Mais, dans votre cas, aucune exagération n'est possible.

J'ai l'immense plaisir et le grand honneur de présenter à cette honorable assemblée un flambeau de la liberté, un homme dont les réalisations font mentir l'idée reçue selon laquelle les poètes et les rêveurs n'ont pas leur place parmi les hommes d'État.

Mesdames et messieurs, je vous présente un poète, un rêveur, un homme d'État, Václav Havel.

Des voix: Bravo!

(1045)

M. Václav Havel (Président de la République tchèque): Monsieur le premier ministre, monsieur le Président du Sénat, monsieur le Président de la Chambre des communes, sénateurs et députés, distingués invités, il n'est certainement pas nécessaire de souligner combien je suis honoré de pouvoir m'adresser à vous. Qu'il me soit permis de saisir cette occasion pour exprimer quelques réflexions sur l'État et son rôle probable à l'avenir.

Tout semble indiquer que la gloire de l'État-nation, en sa qualité de point culminant de toute communauté nationale et en tant que valeur suprême, voire unique, au nom de laquelle il est permis de tuer ou de sacrifier une vie humaine, n'est plus à son apogée.

Il semble aussi que le labeur éclairé de longues générations de démocrates, l'expérience atroce des deux guerres mondiales, qui a contribué considérablement à l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ainsi que l'évolution des civilisations dans leur ensemble nous font constater, petit à petit, que l'homme est plus important que l'État.

Cette idole qu'est la souveraineté nationale doit d'ailleurs s'effacer devant un monde qui unit les gens, sans égards aux frontières nationales, grâce aux millions de liens intégrateurs tels que les échanges commerciaux et financiers, les liens de propriété et l'information. Ces liens véhiculent toutes sortes de modèles culturels et de valeurs universelles. En outre, dans ce monde-là, toute menace planant sur les uns touche immédiatement tous les autres. Nos destinées deviennent unies pour bon nombre de raisons, mais surtout à cause de l'essor de la science et de la technique. Que cela nous plaise ou non, nous sommes tous responsables de tout.

Il est évident que, dans un tel monde, un amour aveugle pour son pays, un amour qui fait fi de toute autorité supérieure, qui va jusqu'à accepter, au nom de la patrie, n'importe quelle action justement parce que c'est la patrie et qui refuse tout le reste simplement parce que c'est différent, représente un anachronisme dangereux, un terreau générateur de conflits et une source de souffrances humaines incommensurables.

(1050)

Je suis convaincu qu'au cours du siècle prochain la plupart des États entreprendront une mutation afin de se débarrasser de leur peau-culte et de son contenu émotionnel et deviendront des unités administratives plus simples, plus ordinaires, moins puissantes et surtout plus rationnelles. Elles ne constitueront alors qu'une couche de l'organisation sociale planétaire multistratifiée. Cette mutation devrait s'accompagner de l'envol, vers les oubliettes de l'histoire, de l'idée de non-ingérence selon laquelle il est dit que nul ne devrait s'occuper de ce qui se passe dans un autre État.

Mais où trouverons-nous les différentes fonctions qu'exerce aujourd'hui l'État?

Parlons d'abord des fonctions émotionnelles. À mon avis, celles-ci commenceront à se répandre plus équitablement dans les autres aspects de l'activité de l'homme qui constituent son identité ou à l'intérieur desquels il se réalise. J'entends par là les différentes facettes de ce qui représente notre chez-soi ou notre monde naturel : notre famille, notre entreprise, notre village et notre ville, notre région, notre métier, notre Église, notre association, notre continent et, enfin, la planète que nous habitons, la Terre. Tout cela constitue les divers paysages de notre auto-identification. Et si notre lien, hypertrophié jusqu'à maintenant, avec l'État doit se fragiliser, il faut que cela se fasse au profit des autres milieux de vie.

Quant aux fonctions concrètes de l'État et à ses pouvoirs, ils peuvent s'orienter vers deux directions seulement : vers le haut ou vers le bas.

Vers le bas signifie en direction de diverses entités et structures de la société civile auxquelles l'État devrait transférer progressivement beaucoup de ses fonctions actuelles. Vers le haut signifie vers diverses communautés ou organisations régionales, supranationales ou mondiales. D'ailleurs, ce transfert de fonctions a déjà commencé. Dans certains secteurs, il est bien avancé; dans d'autres, il l'est moins. Mais il est évident que l'évolution doit aller, pour un bon nombre de raisons, dans cette direction.

Si les États démocratiques modernes se distinguent habituellement par des signes tels que le respect des droits et libertés de la personne, l'égalité des citoyens, la primauté du droit et la société civile, l'humanité devrait, pour survivre, évoluer vers une forme d'existence qui serait fondée sur le respect des droits de la personne, l'égalité des citoyens, la primauté du droit et la société civile à l'échelle universelle ou mondiale.

(1055)

La délimitation géographique, c'est-à-dire la définition des frontières, a toujours été l'un des problèmes majeurs rencontrés par les États-nations dès leur naissance. Ce problème est issu de facteurs multiples, dont des considérations ethniques, historiques et culturelles, des éléments géologiques, des enjeux de pouvoir ainsi que la situation globale de la civilisation.

La mise en place de communautés régionales ou supranationales importantes se heurtera parfois au même problème; dans une certaine mesure, ce problème viendra des États-nations qui forment ces entités. Force nous est de tout faire pour que ce processus d'auto-définition ne soit pas aussi douloureux que l'a été celui des États-nations.

Permettez-moi de vous citer un exemple. Membres d'une même coalition de défense, l'Alliance de l'Atlantique Nord, le Canada et la République tchèque sont devenus alliés. C'est le résultat d'un processus historique très important, à savoir l'élargissement de l'OTAN vers le centre et l'est de l'Europe. L'importance de ce processus découle du fait qu'il s'agit d'un premier pas historique sérieux et irréversible vers l'éclatement du rideau de fer et vers la levée réelle, non plus verbale, de ce qui a résulté des accords de Yalta.

Cet élargissement, nous le savons tous, n'a pas été facile. Il est devenu réalité dix ans seulement après l'éclatement réel de la division bipolaire du monde. L'une des multiples raisons de sa difficile mise en oeuvre était l'opposition de la Fédération de Russie, qui se demandait pourquoi l'Occident grandissait et se rapprochait d'elle sans toutefois lui ouvrir les bras. Exception faite des autres motivations, cette attitude révèle un élément très intéressant, à savoir l'incertitude sur les contours de l'espace qu'on peut appeler le monde de la Russie, ou l'Est. En tendant une main de partenaire vers la Russie, l'OTAN suppose qu'elle a affaire à deux grandes entités égales : d'un côté, le monde euro-atlantique et, de l'autre, la grande puissance euro-asiatique. Ces deux entités peuvent et doivent se serrer la main et coopérer. C'est dans l'intérêt du monde entier. Toutefois, elles peuvent le faire seulement à condition d'être conscientes de leur propre identité. Autrement dit, il faut qu'elles sachent où se trouvent le commencement et la fin de l'une et de l'autre. Par le passé, la Russie a toujours eu du mal à le savoir. Elle transpose sans doute le problème dans le monde d'aujourd'hui où il ne s'agit plus de savoir où commence et où s'arrête un État-nation, mais plutôt quels sont les contours d'une culture, d'une civilisation, d'une région.

Oui, la Russie dispose de mille et une choses qui l'associent au monde euro-atlantique ou à ce qu'on nomme l'Occident, mais elle présente aussi mille et une facettes qui l'en différencient, tout comme l'Amérique latine, l'Afrique, l'Extrême-Orient ou d'autres régions ou continents du monde d'aujourd'hui.

(1100)

Et pourtant, cette différence entre ces mondes ou ces parties du monde ne veut pas dire que la valeur de l'un est supérieure à celle de l'autre. Ils sont égaux, bien qu'un peu différents l'un de l'autre. Mais être différent n'est pas une honte. La Russie tient à être perçue comme une importante puissance mondiale qui mérite un traitement à part. D'un autre côté, elle ressent un malaise sachant qu'elle est vue comme une entité autonome qui aura du mal à devenir partie intégrante d'une autre entité.

La Russie s'habitue déjà à l'élargissement de l'Alliance; elle finira par s'y habituer définitivement. Espérons qu'il ne s'agira pas seulement d'une manifestation de la «nécessité reconnue» d'Engels, mais l'expression d'une compréhension nouvelle et plus profonde de soi-même. Comme les autres, la Russie doit apprendre à se définir dans ce nouvel environnement multiculturel et multipolaire mondial.

Cela veut dire que non seulement elle ne pourra plus continuer à remplacer ce qu'on peut appeler une assurance naturelle par un jeu d'orgueil, mais elle doit aussi comprendre où sont ses limites. Par exemple, la Russie, c'est la grande Sibérie avec ses vastes ressources naturelles, mais ce n'est pas la petite Estonie, et ce ne le sera jamais. Si l'Estonie a le sentiment d'appartenir au monde représenté par l'Alliance de l'Atlantique Nord ou par l'Union européenne, il faut comprendre ce sentiment et le respecter, sans y voir une preuve d'inimitié.

Qu'ai-je voulu montrer avec cet exemple? Le monde du XXIe siècle sera, dans la mesure où l'humanité saura faire front à toutes les menaces qu'elle concocte, le monde d'une coopération de plus en plus étroite, qui se fera sur un pied d'égalité entre des unités plus grandes, souvent continentales, dans la plupart des cas supranationales.

Pour que le monde soit comme cela, les différentes entités, cultures ou civilisations doivent clairement comprendre leur identité, saisir en quoi elles diffèrent les unes des autres et accepter que le fait d'être différent n'est pas un handicap mais bien un apport particulier au patrimoine de l'humanité. Évidemment, c'est ce que doivent comprendre aussi ceux qui ont tendance à considérer leur différence comme un motif de supériorité.

(1105)

L'Organisation des Nations Unies est une des organisations les plus importantes au sein de laquelle tous les États et les grandes formations supra-étatiques se réunissent sur un pied d'égalité pour débattre des questions et prendre de nombreuses décisions qui concernent le monde entier. Si l'ONU doit réussir à accomplir les obligations que lui imposera le siècle prochain, il faut qu'elle se lance dans une vaste réforme.

Le Conseil de sécurité, l'organe majeur de l'ONU, ne peut plus fonctionner dans les conditions qui ont été établies au moment de la naissance de l'organisation. Il doit refléter équitablement le monde multipolaire d'aujourd'hui. Il faut bien peser s'il est indispensable qu'un État, ne serait-ce qu'en théorie, puisse faire basculer le vote des autres. Il faut voir quels sont les pays grands, puissants et peuplés qui n'en sont pas membres permanents. Il faut réfléchir sur un mode d'alternance des membres non permanents et à diverses autres choses.

Force nous est de débureaucratiser la grande structure qu'est l'ONU pour la rendre plus efficace.

Il nous faut réfléchir sur la façon de parvenir à une souplesse véritable du mécanisme décisionnel des organes de l'ONU, notamment de son plénum.

Il faut - et c'est ce que je considère comme la chose la plus importante - parvenir à ce que tous les habitants de la planète fassent de l'ONU leur affaire et ne la considèrent plus comme un club de gouvernements.

L'important, c'est ce que cette organisation peut faire pour les habitants de cette planète et non pas pour les différents États en leur qualité d'États. Ainsi devrait-on modifier le mode de financement de l'ONU, le mode d'application de ses documents et son suivi.

Il ne s'agit pas de supprimer le pouvoir des États pour établir un État mondial géant. Il s'agit, au contraire, de faire en sorte que tout ne passe pas entre les mains des États ou de leurs gouvernements. Il est dans l'intérêt de l'humanité, des droits et libertés de la personne et de la vie en général que d'autres voies soient constituées pour faire porter les décisions de cette représentation planétaire vers les citoyens et pour que la volonté des citoyens puisse remonter vers cette représentation. Des voies multiples signifient un plus grand équilibre et un contrôle réciproque plus vaste.

J'espère qu'il est évident que je ne plaide pas l'inexistence de l'État en tant qu'institution. Il serait d'ailleurs absurde qu'un chef d'État plaide l'abolition de l'État devant les corps représentatifs d'un autre État.

Je parle ici d'autre chose. Je parle d'une valeur supérieure à l'État. Cette valeur, c'est l'humanité. L'État doit, chose notoire, servir les citoyens, et non pas le contraire. Si une personne sert son État, elle devrait le faire de sorte que l'État serve bien tous ses citoyens à son tour.

Les droits de la personne passent avant les droits des États. Les libertés individuelles sont une valeur supérieure à la souveraineté de l'État. Le droit international protégeant l'être humain unique devrait avoir prépondérance sur le droit international protégeant l'État.

(1110)

Si le monde actuel a entrelacé nos destinées pour n'en faire qu'une seule et que chacun d'entre nous est responsable de l'avenir des autres, plus personne, pas même l'État, ne doit limiter le droit des citoyens à l'exercice de cette responsabilité. J'estime que les différents États devraient modifier progressivement la catégorie qui sert le plus souvent de base à leur politique étrangère, soit celle des «intérêts», des «intérêts nationaux» ou «des intérêts de la politique étrangère de notre État».

La catégorie des intérêts divise plus qu'elle ne rapproche. Nous avons chacun des intérêts propres. C'est tout à fait naturel, et il n'y a aucune raison de renoncer à nos intérêts légitimes. Mais il y a quelque chose qui leur est supérieur : les principes auxquels nous adhérons.

Les principes nous unissent plus souvent qu'ils ne nous divisent. Ils sont aussi l'élément qui permet de reconnaître le caractère légitime ou illégitime de nos intérêts. Je ne crois pas qu'il soit correct qu'une doctrine d'État stipule qu'il est dans l'intérêt de l'État d'imposer un principe ou un autre. Il faut les respecter, ces principes, et les imposer pour eux-mêmes, par principe. Et ce n'est qu'à partir d'eux qu'on peut définir ses propres intérêts.

Par exemple, il ne serait pas correct de ma part si je disais qu'il est dans l'intérêt de la République tchèque qu'il règne une paix juste dans le monde. Je dois plutôt dire qu'il faut qu'une paix juste règne dans le monde et que les intérêts de la République tchèque doivent être subordonnés à cela.

L'Alliance dont sont membres le Canada et la République tchèque mène une lutte contre le génocide entrepris par le régime de Slobodan Milosevic. Ce n'est pas une lutte facile ni populaire. Les opinions concernant la stratégie et les tactiques peuvent diverger, mais il y a une chose indéniable que toute personne raisonnable doit reconnaître : c'est probablement la première guerre qui ne soit pas menée au nom d'intérêts mais au nom de principes et de valeurs.

Si on peut parler d'une guerre fondée sur des raisons conformes à l'éthique, c'est vrai pour celle-ci. Au Kosovo, il n'y a pas de puits de pétrole qui pourraient présenter un intérêt pour quelqu'un. Aucun pays membre de l'Alliance ne revendique une partie de ce territoire. Milosevic ne menace pas l'intégrité territoriale ou autre d'un membre de l'Alliance.

Et pourtant, l'Alliance lutte. Elle lutte au nom de la non-indifférence de l'homme envers le sort des autres. Elle lutte parce que les gens bien ne peuvent pas être témoins de l'extermination systématique, dirigée par l'État, d'autres gens. Les gens bien ne peuvent tout simplement pas supporter ce genre de comportement, et ne peuvent pas s'empêcher de venir en aide aux victimes s'ils ont les moyens de le faire.

(1115)

Cette guerre fait passer les droits de la personne avant ceux de l'État. La République fédérale de Yougoslavie a été attaquée sans que l'Alliance ait reçu un mandat direct de l'ONU. Pourtant, il n'y a pas ici de situation arbitraire, d'agressivité ou de manque de respect pour le droit international. Au contraire, c'est une manifestation de respect pour le droit, pour un droit supérieur à celui qui protège la souveraineté des États. L'Alliance a agi par respect pour les droits de l'humanité, tels que nous les dicte notre conscience, tels qu'ils sont stipulés dans d'autres documents de droit international.

Je crois qu'il s'agit d'un précédent important pour l'avenir. Il a été clairement dit qu'on ne peut pas impunément assassiner les gens, les chasser de leurs maisons, les torturer et les priver de leurs biens. Il a été démontré que les droits de la personne sont indivisibles. Qui fait mal à l'un fait mal à tous.

Mesdames et messieurs, je sais très bien que la politique du Canada impose depuis longtemps, et de façon systématique, le principe de la sécurité de la personne, que vous considérez tout au moins aussi important que celui de la sécurité de l'État, ou plus encore. Je tiens à vous assurer que cette politique du Canada suscite un profond respect dans mon pays. Je souhaite que nous ne soyons plus seulement des alliés formels ou institutionnels en tant que membres d'une même alliance de défense, mais que nous devenions des alliés pour faire valoir ce noble principe.

Chers amis, je me suis demandé à maintes reprises pourquoi l'homme a le privilège d'avoir des droits. J'ai fini par arriver à la conclusion que les droits, les libertés et la dignité de la personne trouvent leurs racines ailleurs que dans le monde d'ici-bas. Ils sont ce qu'ils sont seulement parce que, dans certaines circonstances, les gens leur donnent spontanément, sans y être forcés, une valeur supérieure à leur propre vie. C'est pourquoi ils n'ont de sens que sur la toile de fond de l'infini, de l'éternité. Je suis profondément convaincu que c'est là seulement que nos activités, qu'elles soient ou non en harmonie avec notre conscience, ambassadrice de l'éternité dans notre âme, seront définitivement mises en valeur. Si nous ne le soupçonnions pas ou ne le supposions pas inconsciemment, certaines choses ne pourraient jamais se faire.

Permettez-moi de clore ma réflexion sur l'État et son rôle probable à l'avenir en disant que l'État est l'oeuvre de l'homme et que l'homme est l'oeuvre de Dieu. Merci.

Des voix: Bravo!

[Français]

(1120)

L'honorable Gildas Molgat (Président du Sénat): Votre Excellence président Havel, madame Havlovà, monsieur le premier ministre et madame Chrétien, mes collègues du Parlement, distingués représentants du corps diplomatique et amis.

[Traduction]

Votre Excellence, les applaudissements que vous venez d'entendre sont notre façon de vous remercier d'avoir partagé avec nous ce matin votre vision de l'avenir, ce que je pourrais appeler la solution Havel pour l'humanité.

Votre Excellence, nous sommes enchantés de vous accueillir ici comme ami et comme chef d'État de l'OTAN.

[Français]

Votre allocution de ce matin à notre Parlement et l'accession de la République tchèque au rang d'allié témoignent de l'étroitesse croissante des relations entre la République tchèque et le Canada.

[Traduction]

À titre personnel, Votre Excellence, je suis heureux que mon alma mater, l'Université du Manitoba, vous ait décerné hier soir, à Winnipeg, l'un de ses rares grades honorifiques spéciaux. L'université voulait ainsi saluer votre intelligence, votre courage, votre fidélité aux principes et votre oeuvre littéraire. Je regrette simplement de ne pas avoir été en mesure d'assister à la soirée d'hier.

Il y a à peine huit mois, le Parlement du Canada s'est rassemblé pour entendre un discours d'adieu du président Nelson Mandela d'Afrique du Sud. Je ne peux m'empêcher d'être frappé par certains parallèles entre sa carrière et la vôtre. Vous avez tous les deux vaincu des obstacles apparemment insurmontables, parfois au risque de votre vie, pour promouvoir les principes de liberté et l'avancement de l'esprit humain.

Vous vous êtes heurté à la discrimination. Vous vous êtes heurté au totalitarisme. Vous avez été harcelé et emprisonné pour vos opinions et vos activités. On vous a refusé la possibilité de terminer les études de votre choix. Mais vous n'avez pas flanché.

Par vos paroles et par votre leadership courageux, vous êtes devenu un champion de la liberté en Europe de l'Est et partout dans le monde. Le monde libre vous admire.

[Français]

Pendant les années 1960, au plus fort de la guerre froide, vous vous êtes battu avec une arme puissante: les mots. Dans vos écrits, dans vos pièces La fête champêtre, Le mémorandum et La difficulté croissante de se concentrer, vous avez fait des déclarations de principe et de moralité qui ont frappé juste pour la liberté.

C'est un fait historique que vos oeuvres littéraires ont contribué à la renaissance démocratique et nationale qui a conduit au Printemps de Prague en 1968. Et, après l'étouffement du Printemps de Prague par l'intervention du Pacte de Varsovie, vous avez joué un rôle de premier plan dans l'organisation d'une opposition pacifique au régime totalitaire de l'époque.

[Traduction]

Au cours des dix années qui ont suivi, votre refus de transiger sur vos opinions personnelles et vos principes politiques vous ont conféré une autorité morale sans pareille. Et lorsque la résistance passive tchécoslovaque est devenue révolutionnaire en novembre 1989, le Cercle théâtral de Prague a donné naissance au Forum civique, organisation qui a pris la parole au nom du nombre croissant de groupes et de particuliers qui revendiquaient des changements politiques fondamentaux.

Étant donné votre passé d'auteur dramatique et de dissident, il était naturel que vous jouiez un rôle directeur au sein du Forum civique. La force de votre leadership semblait rendre inévitable que, comme Nelson Mandela, vous deveniez président de votre pays et que, à l'été de 1990, vous présidiez les premières élections libres en plus de 40 ans.

[Français]

Votre Excellence, au cours des six dernières années, vous avez, en tant que premier président de la République tchèque, assumé le rôle de chef d'État et d'éducateur international centré davantage sur l'avenir de l'Europe. Votre formation d'auteur dramatique vous a donné la confiance philosophique et morale nécessaire pour traiter en profondeur des défis auxquels l'Europe fait face.

[Traduction]

Par exemple, vous revenez souvent dans vos discours sur la nécessité pour l'Union européenne de ne pas se contenter d'une monnaie commune et d'un marché commun, sur la nécessité pour l'Europe de se réinventer spirituellement et de redécouvrir sa civilisation classique foncière.

Dans un contexte plus large, vous parlez souvent, comme vous l'avez fait ce matin, des racines communes de la spiritualité humaine. Vous parlez du besoin de trouver des impératifs moraux universels qui soient fondés sur des règles de coexistence humaine acceptées de tous, ce qui fait grandement défaut.

Votre Excellence, votre aptitude et votre disposition à parler des questions profondément morales d'une régénération spirituelle des sociétés occidentales font de vous un homme politique et un homme d'État hors du commun. Nous vous remercions de votre allocution.

En quittant le Canada, vous emportez avec vous notre affection, notre respect et nos voeux les plus cordiaux.

Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président Parent: Président Havel, Madame Havlovà, Monsieur le Premier ministre et Madame Chrétien, sénateurs, collègues de la Chambre des communes, distingués invités, mesdames et messieurs.

Monsieur le Président, je vous remercie d'avoir honoré la Chambre et nous tous de votre présence et de votre éloquence.

[Français]

Comme l'a dit le premier ministre, nos deux Chambres ne se rassemblent pas souvent. Si nous le faisons aujourd'hui, monsieur le président, c'est un signe des liens étroits qui existent entre la République tchèque et le Canada, et de notre grande amitié.

Nous avons mis entre parenthèses, comme l'a dit le premier ministre, nos petits différends pour vous entendre, car votre vie est un exemple édifiant de courage face à l'oppression. C'est le témoignage d'un attachement indéfectible aux principes politiques les plus nobles.

[Traduction]

(1130)

Notre pays a la bonne fortune de connaître la démocratie depuis sa création. Pourtant, il peut arriver d'oublier ce que c'est que de vivre dans une société démocratique.

D'autre part, monsieur le Président, vous avez dû lutter pour garantir les droits politiques de votre peuple, en courant personnellement de grands risques.

Vous avez agi selon vos convictions, et vous l'avez souligné aujourd'hui, voulant que tous ont droit à la liberté et à la dignité. Et, en tant que parlementaires canadiens, nous savons quels efforts vous avez déployés pour rebâtir les institutions parlementaires de votre pays, qui sont l'expression de ces droits.

Votre présence à la Chambre est un puissant symbole pour nous tous, un symbole qui nous rappelle que nous devons toujours chérir, nourrir et renouveler les idées démocratiques fondamentales dont la Chambre est l'incarnation.

Vous nous avez donné une perspective plus large des défis qui attendent notre pays s'il veut jouer un rôle utile dans un monde tourmenté. Nous sommes conscients qu'il y a des valeurs tellement fondamentales qu'elles méritent d'être défendues, parfois à n'importe prix.

Car, en dernière analyse, ces valeurs ne sont pas uniquement tchèques ou canadiennes, voire occidentales, mais elles appartiennent à l'humanité tout entière.

[Français]

Vous défendez une vision de l'Europe qui trouve un écho chez les Canadiens. Vous avez qualifié l'Europe d'entité politique unique, mais d'une diversité et d'une pluralité très grandes, où des peuples d'origines diverses peuvent oeuvrer ensemble à une cause commune. Comme vous, nous sommes fiers de notre diversité et nous nous efforçons de tirer profit de nos différences.

[Traduction]

Monsieur le Président, vous nous avez montré comment une seule personne peut infléchir le cours de l'histoire, même dans l'adversité.

Le monde peut se féliciter d'avoir en vous un porte-parole aussi éloquent de ses plus hautes aspirations.

Il y a quelques années, monsieur le Président, à l'instar d'une foule de Canadiens, sinon de la totalité d'entre eux, j'ai applaudi au printemps de Prague et j'ai pleuré avec vous quand votre rêve a pris fin.

Maintenant, ces dernières années, quand vous avez accédé à la présidence de votre pays, ce fut le début d'un nouveau printemps de Prague.

Vous avez parlé non seulement de droits individuels, mais vous avez aussi parlé, monsieur le Président, de l'humanité.

J'ai dit une fois à la Chambre à une occasion semblable à celle-ci que, pour connaître la force d'un pays, il faut regarder ses lois et ses soldats. Quant à l'âme d'un pays, il faut, pour la saisir, se tourner vers ses poètes, ses écrivains et ses artistes.

Aujourd'hui, vous êtes devenu pour nous tous le poète, l'écrivain et l'interprète de l'âme de l'humanité. Merci d'être avec nous aujourd'hui.

Des voix: Bravo!


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