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Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 49

Le jeudi 13 avril 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 13 avril 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois de la santé dentaire

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'inviter tous les sénateurs ici présents à célébrer le sourire et à le garder pendant la durée du mois d'avril, qui est consacré à l'hygiène bucco-dentaire.

Le Mois de la santé dentaire a vu le jour grâce à une résolution adoptée en 1957 par l'organe directeur de l'Association dentaire canadienne. Il intéressera le leader du gouvernement au Sénat d'apprendre que le président nouvellement nommé de cette association est un dentiste de Sydney, en Nouvelle-Écosse. La résolution proposait d'instaurer une Semaine nationale de l'hygiène bucco-dentaire, voire y consacrer une ou plusieurs journées. Cette résolution a débouché sur la désignation de la Semaine de l'hygiène bucco-dentaire, laquelle, vers la fin des années 70, s'est transformée en Mois de la santé dentaire.

Au début des années 60, la santé bucco-dentaire des Canadiens laissait beaucoup à désirer. Entre autres facteurs, il fallait compter avec une pénurie de professionnels de l'hygiène dentaire, l'inexistence de l'assurance dentaire, et la non-fluoruration de l'eau potable dans la plupart des régions du Canada. En outre, la population n'était pas sensibilisée aux bienfaits de l'hygiène bucco-dentaire. Aujourd'hui, cependant, nous nous enorgueillissons d'un niveau d'hygiène bucco-dentaire extrêmement élevé, en fait l'un des plus élevés au monde. Nous le devons en bonne partie au travail accompli par les professionnels de la santé dentaire au Canada et les organismes qui les représentent.

Le Mois de la santé dentaire a contribué à sensibiliser les Canadiens à l'importance de l'hygiène bucco-dentaire et des soins appropriés. Tous les mois d'avril, l'Association dentaire canadienne et ses contreparties provinciales et régionales organisent de nombreuses activités, notamment des journées d'étude, des expositions, la diffusion dans les médias de messages pédagogiques, des conférences sur des sujets comme le cancer et le soin des voies buccales pour les personnes âgées, des concours, et des cliniques de soins dentaires gratuits pour les nécessiteux.

Le Mois de la santé dentaire a pour objet de nous rappeler combien il est important de préserver la santé de nos dents et de nos gencives, et cela quel que soit notre âge. Il offre aux Canadiens une excellente occasion de faire un bilan dentaire et d'envisager, au besoin, des moyens d'améliorer leur hygiène bucco-dentaire, dans un souci de prévention.

Honorables sénateurs, je voudrais profiter de l'occasion pour féliciter nos professionnels de l'hygiène bucco-dentaire, qui se dévouent pour améliorer notre santé dentaire et qui parrainent le Mois de la santé dentaire.

[Français]

L'importance de l'éducation pour les jeunes

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, aujourd'hui, la colline parlementaire était le site de plusieurs activités très significatives pour nous, parlementaires, et aussi pour tous les Canadiens et Canadiennes.

Très tôt ce matin, le Président du Sénat, le sénateur Molgat, recevait environ 200 jeunes à un déjeuner, «Forum pour jeunes Canadiens», et plusieurs sénateurs y étaient présents. Je remarque la présence de ces jeunes à la tribune.

À 10 h 30, une très belle cérémonie avait lieu dans la Rotonde de l'édifice du Centre à l'occasion du dévoilement de la sculpture des armoiries du Nunavut, sous la présidence d'honneur des Présidents des deux Chambres, le sénateur Molgat et M. Parent.

À 11 heures, à l'édifice du Centre, je participais à un autre événement organisé par Oxfam Canada, Oxfam Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération canadienne des enseignants, qui avait pour objectif de promouvoir le plan d'action mondial en faveur de l'éducation.

(1410)

Je voudrais commenter brièvement cet événement. Il y a dix ans, les leaders de 155 pays se sont réunis à la Conférence mondiale sur l'éducation pour tous. Ils ont convenu de fournir un enseignement primaire de qualité à tous les enfants pour l'an 2000. Ils ont échoué.

Aujourd'hui, quelque 125 millions d'enfants ne fréquentent pas l'école. La plupart sont des filles. Imaginez un instant tous les enfants âgés de 6 à 14 ans en Amérique du Nord et en Europe et vous aurez une idée du nombre d'enfants dans le monde qui n'iront jamais à l'école. Pourtant, les statistiques prouvent que l'éducation est l'arme la plus puissante dont nous disposons pour lutter contre la pauvreté. Les mêmes leaders mondiaux se rencontreront à nouveau à Dakar, au Sénégal, à la fin avril, avec l'objectif de réaliser l'éducation pour tous d'ici 2015.

«Éduquer un enfant, c'est l'affaire de tout un village», dit le proverbe africain. L'éducation primaire universelle est dispendieuse, mais les meilleures estimations indiquent qu'il suffirait de huit milliards de dollars de plus par an, ce qui représente moins de la moitié de ce que dépensent en moyenne les parents américains pour les jouets de leurs enfants dans une année.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ces 125 millions d'enfants qui ne peuvent pas aller à l'école méritent bien plus que de belles paroles. Il existe une solution. Le plan mondial d'action en faveur de l'éducation a été approuvé par des centaines d'associations de citoyens dans 90 pays. En tant que Canadiens, concertons nos efforts pour que le rêve de ces 125 millions d'enfants devienne réalité.

Le Mois de la sensibilisation à la maladie de Parkinson

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, je voudrais signaler à votre attention le fait qu'avril est le mois de la sensibilisation à la maladie de Parkinson. La maladie de Parkinson est un état neurologique à progression lente qui affecte le mouvement corporel ou le contrôle du mouvement, y compris le langage.

La maladie de Parkinson constitue un fléau pour la société depuis des siècles, mais ce n'est qu'au XIXe siècle que la maladie a été cliniquement reconnue. La maladie de Parkinson touche des gens de partout dans le monde, dont plus d'un million de Nord-Américains. À une époque, la maladie de Parkinson frappait surtout les personnes âgées de plus de 65 ans. Malheureusement, la recherche actuelle montre que 30 p. 100 des malades sont maintenant diagnostiqués avant l'âge de 50 ans.

Il importe de souligner que la maladie de Parkinson n'est pas une maladie mortelle. Les progrès faits en santé publique et le choix de meilleurs modes de vie ont permis à des personnes souffrant de la maladie de Parkinson de vivre jusque dans les 80 ans. Mais, à mesure que le trouble progresse, les malades finissent peu à peu par ne plus pouvoir s'occuper d'eux-mêmes, d'où les difficultés matérielles et autres auxquelles sont confrontés ceux qui sont atteints de la maladie de Parkinson et leurs familles.

Bien que les progrès accomplis par la recherche soient encourageants, il faut consacrer plus d'argent et de recherches à mettre au point un remède. Récemment, les honorables sénateurs s'en souviennent peut-être, la maladie de Parkinson a obtenu l'attention de la population et des médias grâce à la franchise de Michael J. Fox, qui a annoncé publiquement qu'il était atteint de cette maladie. Acteur émérite pendant 20 ans, père et mari, Michael J. Fox est devenu le porte-parole des victimes de la maladie de Parkinson dans l'espoir de sensibiliser la population et de recueillir des fonds pour la recherche.

Honorables sénateurs, une personne souffrant de la maladie de Parkinson a décrit cette affection en ces termes: «Ce n'est pas une condamnation à mort, mais une condamnation à perpétuité.» La sensibilisation à cette maladie et les fonds aidant, ce siècle, espérons-le, trouvera peut-être un remède à une maladie qui, pour l'instant, semble avoir le dessus sur nous.

Le Mois de la sensibilisation au cancer

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, comme nous arrivons à la mi-avril, je rappelle à tous que c'est le Mois de la sensibilisation au cancer au Canada. Je suis sûr de ne pas me tromper en disant que le cancer a malheureusement influencé la vie de chacun d'entre nous à la Chambre. Il est étonnant de constater le nombre de personnes qui sont atteintes de cette maladie. Il est en particulier décourageant d'entendre parler de Canadiens de plus en plus jeunes qui sont atteints de diverses formes de cancer.

D'extraordinaires Canadiens ont été terrassés par cette maladie tenace. Qui d'entre nous peut oublier l'image obsédante de Terry Fox, se déplaçant le long d'une route déserte afin de chercher à sensibiliser les gens à la recherche sur le cancer et à recueillir de l'argent pour cette cause? En 1977, Terry n'avait que 18 ans lorsqu'on a diagnostiqué chez lui un cancer des os qui l'a obligé à se faire amputer la jambe droite.

En 1980, Terry a entrepris son marathon de l'espoir. Pouvez-vous croire, honorables sénateurs, que cela fait déjà 20 ans? Bien qu'il ait dû mettre fin à son marathon en raison de la propagation de la maladie, sa lutte se poursuit de nos jours. Terry Fox est une figure légendaire dans notre pays. À ce jour, sa fondation a recueilli plus de 250 millions de dollars pour la recherche sur le cancer.

Le décès récent de la médaillée d'or olympique Sandra Schmirler a montré à bon nombre d'entre nous à quel point cette maladie peut rapidement briser une jeune famille. L'esprit et l'enthousiasme que manifestait Sandra dans la compétition nous rendaient tous fiers d'être Canadiens.

Ce ne sont là que deux Canadiens parmi des milliers d'autres qui ont lutté contre le cancer et qui ont perdu cette bataille personnelle. De fait, en 1999 seulement, 63 000 Canadiens sont morts du cancer et il est regrettable de constater que ce nombre continue de croître. Notre système de santé étant très surchargé, il est urgent de trouver des fonds supplémentaires pour accroître le taux de rémission, favoriser la prévention et, un jour, trouver une cure, car nous y arriverons.

Nous ne devrions pas sombrer dans le découragement parce que nous n'en avons pas encore trouvé une. Au cours des 50 dernières années, les chercheurs ont établi une solide base de connaissances au sujet du cancer et notre taux de succès est à la hausse.

Chacun d'entre nous connaît quelqu'un qui a perdu la bataille contre le cancer, mais nous en connaissons également quelques-uns, dont moi-même et d'autres sénateurs, qui sont des survivants. Le cancer afflige depuis trop longtemps notre société et nous devons faire de plus grands progrès vers l'élimination de cette maladie.

Dans cette entreprise, à la différence de ce qui se passe dans d'autres cas, l'argent fait effectivement une différence. Les Canadiens, tant sur le plan personnel que par l'intermédiaire de leurs gouvernements, doivent trouver l'argent voulu.

Je prie instamment tous les honorables sénateurs et tous les Canadiens de puiser au plus profond de leurs goussets afin que nous réussissions plus tôt que tard à nous libérer de ce fléau.

Le dix-huitième anniversaire de la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la Charte des droits et libertés

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, lundi prochain, le 17 avril, les Canadiens célèbreront le dix-huitième anniversaire de la proclamation historique de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous nous remémorerons la présence sur la colline du Parlement de Sa Majesté la reine Elisabeth II en ce jour brumeux du 17 avril 1982 où la Loi constitutionnelle de 1982 et la Charte canadienne des droits et libertés ont été proclamées. Je sais que plusieurs sénateurs assistaient à cet événement.

La brume qui mouillait l'air ce jour-là convenait parfaitement aux larmes de joie qui étaient les nôtres tandis que nous étions les témoins de l'émancipation du Canada. En tant que pays, nous avions enfin atteint la dernière étape de ce long chemin dans la voie de l'indépendance souveraine, qui avait commencé avec la Confédération en 1867.

Honorables sénateurs, nous avons reconnu que le chemin parcouru n'avait pas toujours été facile, et nous nous sommes rendu compte que celui qui nous restait à parcourir était semé d'écueils. Cependant, tous les peuples du Canada se sont montrés à la hauteur des obstacles du passé comme ils se montrent à la hauteur de ceux qui les attendent encore. Nous avons reconnu l'importance et la valeur de ces qualités éprouvées, réelles et caractéristiques du Canada - la flexibilité et l'esprit de compromis.

Certains ont reproché aux Canadiens leur sens de l'ambiguïté, mais la plupart ont reconnu le don du Canada d'empêcher que la quête de la vertu ne devienne un vice.

Honorables sénateurs, sans la disposition d'exemption, il n'y aurait pas de Charte des droits et libertés. Tous ceux d'entre nous qui se sont opposés a cette mesure s'y sont faits et, heureusement, les Canadiens ont eu le bon sens de s'assurer qu'il y soit peu fait recours.

(1420)

Honorables sénateurs, l'anniversaire de la Charte et de la Loi constitutionnelle de 1982, lundi prochain, constitue donc une occasion de célébrer la sagesse et le bon sens des Canadiens.

Le Nouveau-Brunswick

La Semaine nationale de la francophonie-Les félicitations au Centre scolaire Samuel-de-Champlain et à l'ARCf de Saint-Jean pour le prix qu'ils ont remporté

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, comme vous le savez, la province du Nouveau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue du Canada. De nombreuses régions de notre province comptent principalement des habitants francophones. La communauté francophone de Saint John représente seulement 10 p. 100 de la population, soit environ 12 000 personnes.

C'est avec fierté que je vous informe que le Centre scolaire Samuel-de-Champlain et l'ARCF de Saint-Jean viennent de remporter un prix national durant la Semaine nationale de la francophonie. Ce concours, appelé «Actifs et fiers... En français... bien sûr!», le premier du genre, a été organisé par l'Association canadienne d'éducation de langue française.

Quarante-cinq organisations ont participé à cet événement inaugural. Les critères comprenaient la valorisation de la langue française et de sa culture, la diversité et l'individualité des activités proposées, ainsi que le nombre de ces activités dont profite l'ensemble de la communauté. D'après M. James Thériault, directeur exécutif de l'ARCF de Saint-Jean:

... ce prix en est un dont peut être fière l'ensemble de la communauté...

Il a poursuivi ainsi:

Bien sûr, un tel prix renforce le fait que notre communauté francophone est sur la bonne piste.

Honorables sénateurs, cette reconnaissance soutient le merveilleux esprit de coopération qui naît dans notre communauté. La communauté francophone de Saint John, au Nouveau-Brunswick, constitue un atout vital pour notre ville. En tant qu'habitants du Nouveau-Brunswick, nous partageons la fierté de recevoir ce prix important.

La Semaine nationale du droit

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots sur la Journée nationale du droit, maintenant devenue la Semaine nationale du droit. Comme le sénateur Kinsella l'a souligné dans sa déclaration, la canadianisation de la Constitution en 1982 était un jalon important dans l'histoire de notre pays. Cela signifiait que désormais nous serions en mesure de modifier notre Constitution sans devoir faire intervenir le Parlement britannique. Cela signifiait aussi que notre démocratie parlementaire jouirait d'une Charte des droits et libertés qui serait incorporée dans notre Constitution. C'était toute une victoire pour les minorités.

La constitutionnalisation de la Charte des droits et libertés a souligné plus que jamais auparavant pour les Canadiens le rôle des tribunaux dans notre société et celui que le Parlement a joué dans l'adoption des lois que nos tribunaux font respecter. Le but premier de la Journée du droit était de donner aux intervenants du domaine du droit, c'est-à-dire les professeurs, les juges et les avocats, la chance de porter à l'attention du grand public divers aspects de l'environnement juridique grâce à la présentation d'exposés et de séminaires.

Le thème retenu pour la Semaine du droit de cette année est «L'accès à la justice». C'est un thème très important parce qu'au cours des dernières années, compte tenu de la réduction du financement et des programmes, les divers régimes provinciaux d'assistance judiciaire sont en péril. C'est grâce à ces régimes d'assistance judiciaire que nous pouvons garantir un accès structuré et sûr au système judiciaire pour ceux qui n'ont pas les moyens de retenir les services d'un avocat. Le droit à une représentation compétente par un avocat doit être maintenu pour que notre système judiciaire puisse survivre.

Nous avons un système accusatoire. Comme l'a souligné le grand juriste américain Jerome Frank:

C'est dans un système accusatoire que la vérité est le plus susceptible de faire surface.

Le thème de cette année, qui mise sur l'accès à la justice pour tous, est donc approprié pour la Semaine du droit. Un peu partout au pays, on a prévu des visites des tribunaux et la présence de groupes de spécialistes dans les écoles secondaires et les universités, et dans ma province, la Saskatchewan, on a même organisé un concours provincial de procès simulés. Cela permettra aux élèves d'acquérir une expérience importante, tout en attirant l'attention du public sur l'importance du système judiciaire dans notre société.

La Déclaration canadienne des droits, adoptée par le Parlement du Canada en 1960, et la Charte canadienne des droits et libertés, incorporée dans la Constitution en 1982, reconnaissent toutes les deux que le Canada a été fondé sur le principe de la primauté du droit.

Honorables sénateurs, j'aimerais remercier tous les Canadiens qui ont participé à la Semaine nationale du droit, qui nous rappelle l'un des principes sur lesquels notre pays a été fondé.

Le curling féminin

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, le week-end dernier, l'équipe canadienne de curling féminin a une fois de plus fait la fierté de notre pays en remportant le championnat mondial de curling féminin. J'aimerais rendre hommage non seulement à l'équipe gagnante de Kelley Law, mais également à tous les joueuses de curling du Canada pour leur importante contribution à ce sport.

Honorables sénateurs, ce championnat a vu le jour en 1978, grâce à un intense lobbying auprès de la Fédération internationale de curling. Nous devrions l'appeler le «club des vieux garçons». Il y avait seulement quatre femmes: une Canadienne, une Américaine, une Écossaise et une Suédoise. J'ai le plaisir de dire que j'étais la déléguée canadienne à ces réunions.

La première a eu lieu à Vancouver en 1975. Elle fut suivie de réunions à Perth, en Écosse; à Duluth, au Minnesota; à Karlstad, en Suède; et à Winnipeg, au Manitoba. A Duluth, le comité était présidé par Colin Campbell, de l'Ontario, que certains d'entre vous connaissent sans doute. Il ne voulait rien entendre, il n'était pas prêt à laisser la fédération produire des femmes sur la scène internationale. Nous avons dû nous rendre à Karlstad, en Suède, pour essayer de convaincre le comité. Ce n'est qu'en 1978, à Winnipeg, qu'il a finalement cédé et accepté de faire place aux femmes dans le monde du curling.

Le premier championnat féminin a eu lieu en Écosse en 1978. À l'époque, j'avais dit à la fédération que le championnat féminin devrait avoir lieu en même temps que le championnat masculin car, vu la couverture médiatique et l'intérêt des mordus du sport, il serait difficile d'avoir deux championnats mondiaux. La fédération n'était pas d'accord, mais, 10 ans plus tard, en 1989, les championnats sont devenus conjoints.

Honorables sénateurs, le curling féminin au Canada a fait beaucoup de progrès depuis que l'équipe que je dirigeais a remporté le championnat canadien de curling féminin en 1963, deux ans après la fondation du championnat. Les juniors ont remporté un bon nombre de titres et les femmes ont remporté plus de la moitié des championnats mondiaux.

Depuis, le curling est devenu un sport olympique et, comme vous le savez, Sandra Schmirler a été notre première championne olympique.

Nos joueuses de curling ont acquis un savoir-faire de calibre mondial grâce, je crois, à la tradition du curling au Canada. Nous jouons au curling depuis les années 1700, lorsque les soldats du général Wolfe et les colons écossais ont introduit le sport au Canada. Il y a plus d'un million de joueurs au Canada et plus de 1 200 clubs.

Je tiens à ajouter mes félicitations à celles du sénateur St. Germain. Je félicite les Canadiennes pour avoir fait de ce sport une telle source de fierté pour nous tous.

Le sénateur St. Germain: Bravo!

Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter un visiteur de marque à notre tribune. Il s'agit de l'honorable Peter Irniq, commissaire du Nunavut.

Monsieur le commissaire, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

Des voix: Bravo!

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, je tiens à féliciter le nouveau commissaire du Nunavut. M. Peter Irniq est un bon ami.

Le sénateur St. Germain: Vous avez déjà de l'influence.

Le sénateur Adams: Nous ne sommes pas seulement amis en politique, nous sommes aussi de bons copains de chasse. Je n'oublierai jamais le jour où nous sommes allés chasser le caribou. Les caribous se trouvaient loin d'où nous habitions. Nous avons tous les deux manqué d'essence et nous avons dû revenir à la maison à pied.

Je félicite Peter Irniq, particulièrement en ce premier anniversaire du nouveau territoire du Nunavut. M. Irniq a été assermenté il y a seulement deux semaines et il joue déjà très activement son rôle de commissaire du Nunavut.

Je tiens aussi à remercier madame le sénateur Losier-Cool d'avoir assisté au dévoilement des armoiries du Nunavut, qui a eu lieu ce matin à 10 h 30. L'inscription au haut des armoiries est en inuktitut. Elle se traduit par «Le Nunavut, notre force».


(1430)

AFFAIRES COURANTES

Privilèges, Règlement et procédure

Présentation et impression du quatrième rapport du comité

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure sur les questions de privilège soulevées par les sénateurs Andreychuk et Bacon.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, annexe «A», p. 531)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Austin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Présentation et impression du cinquième rapport du comité

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le cinquième rapport du comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure sur la question de privilège soulevée par le sénateur Kinsella.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, annexe «B», p. 540)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Austin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur la loi électorale du Canada

Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 13 avril 2000

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 28 mars 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Milne, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le premier ministre

La possibilité de le faire rentrer de son voyage au Moyen-Orient

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Comme le comportement du premier ministre s'apparente non pas au don du roi Midas de transformer en or tout ce qu'il touche, mais davantage aux aventures de L'Iliade, quand le gouvernement fera-t-il rentrer le premier ministre du Moyen-Orient?

Le sénateur Lynch-Staunton: Paul Martin refuse d'aller le chercher!

Le sénateur Forrestall: Qu'on envoie un Sea King le chercher!

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois que l'emploi du temps du premier ministre est bien connu, et nous souhaitons qu'il revienne sain et sauf. Cependant, il a du travail à accomplir là-bas et nous lui souhaitons également bonne chance dans son travail dans cette région du monde.

La défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La plupart des sénateurs ont lu ce matin, avec un peu de stupéfaction et de tristesse, que nos Sea King éprouvent des difficultés. Selon de récents rapports de presse, la marine britannique a été obligée de venir au secours du Canada à deux reprises, l'automne dernier, lors d'un important exercice de l'OTAN. Les Sea King canadiens étaient immobilisés au sol. Dans les deux cas, les Canadiens ont eu besoin que la Grande-Bretagne offre une aide médicale d'urgence à des militaires canadiens.

Vu que des vies sont en danger parce que les hélicoptères ne sont pas fiables ou disponibles, quand le gouvernement va-t-il prendre l'initiative de commander des hélicoptères embarqués de remplacement?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme mon collègue le sait, et nous sommes d'accord là-dessus, les hélicoptères Sea King ont vraiment atteint la limite de leur durée de vie utile. Certains peuvent se demander s'ils l'ont dépassée. Comme le sénateur et moi en avons déjà discuté, ils ont besoin régulièrement de beaucoup d'entretien et de réparations. Le ministère de la Défense nationale a décidé d'effectuer ces réparations, de moderniser l'équipement et de n'envoyer aucun militaire en mission à bord d'un hélicoptère Sea King si ses supérieurs ne sont pas absolument convaincus que l'hélicoptère fonctionnera sans mettre en danger la sécurité ou la vie de quiconque à son bord.

Cela étant dit, j'admets, tout comme le sénateur, que ces hélicoptères doivent être remplacés. Le ministre de la Défense nationale a répété maintes fois, et j'ai réitéré ses déclarations dans cette enceinte que le remplacement des hélicoptères Sea King est une priorité pour lui, tout comme le programme de remplacement des sous-marins, deux programmes qui sont en cours. Je suis d'accord avec le ministre de la Défense nationale pour dire que les hélicoptères Sea King seront peut-être remplacés très bientôt.

Le sénateur Lynch-Staunton: Par les mêmes que ceux que le gouvernement a annulés?

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, ma question est très sérieuse. Je ne veux pas être désagréable en insistant sur ce point, mais nous savons maintenant que 40 p. 100 des missions échouent parce que les appareils sont inutilisables, subissent des ennuis mécaniques ou ne peuvent voler dans certaines conditions atmosphériques. Nous reportons cette décision depuis 1994! Le coût dépassera largement les 700 ou 800 millions de dollars. Je peux vous démontrer, noir sur blanc, que cette décision du premier ministre a coûté aux Canadiens plus de 1 milliard de dollars.

Devons-nous attendre que la tragédie frappe avant de prendre une décision toute simple? Il vaut mieux demander au gouvernement d'amarrer les navires et de renvoyer la marine à cause de négligence mineure. C'est ce que le gouvernement a fait. Cependant, ce faisant, il a mis la vie de Canadiens et de Canadiennes en grand danger. Je demande au leader du gouvernement au Sénat de transmettre mon message et ma requête au ministre.

(1440)

L'an 2000 est déjà bien avancé et nous devrions déjà utiliser les appareils de remplacement. Ils devraient voler à l'instant où je vous parle. Dans l'intérêt de ces hommes et de ces femmes allons-nous au moins commander les appareils de remplacement?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, le gouvernement s'est engagé à remplacer le matériel et a déjà commencé à réaliser des programmes de remplacement des gros appareils, et notamment le programme des sous-marins. Nous aurons de nouveaux sous-marins.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pas des sous-marins neufs, des sous-marins d'occasion.

Le sénateur Boudreau: Nous aurons aussi de nouveaux hélicoptères de recherche et de sauvetage. Il ne fait aucun doute que ces appareils doivent être remplacés. Cependant, des officiers de haut rang nous ont assuré de leur capacité opérationnelle. En fait, comme je l'ai déjà mentionné au sénateur à la suite de l'une de ses interventions, j'ai visité les installations où l'on fait la réparation et l'entretien de ces appareils. J'ai fait état de ses préoccupations dans l'atelier même où se font les travaux. On m'a assuré que les réparations et l'entretien étaient faits et que personne ne mettait sa vie en danger en partant en mission.

Est-ce que cet équipement exige beaucoup plus de réparation et d'entretien que nous ne le voudrions? Oui. Le ministre en a fait sa principale priorité et je prévois que le programme progressera bientôt.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Si le ministre vient d'admettre au Sénat que l'équipement a besoin d'être remplacé, alors pourquoi son gouvernement a-t-il annulé le contrat?

Le sénateur Lynch-Staunton: C'était en 1994. Vous n'étiez pas présent.

Le sénateur Boudreau: À l'époque, on pensait sûrement faire une économie. D'ailleurs, on se demandait si ce type d'équipement était approprié ou non. Quand il est question de faire des acquisitions militaires de cette ampleur, il faut procéder à une analyse minutieuse pour garantir que les Canadiens en ont pour leur argent et qu'on achète l'équipement approprié pour le travail à accomplir.

Les Nations Unies

La possibilité d'une résolution du Conseil de sécurité exonérant le lieutenant-général Roméo Dallaire de faute présumée durant son affectation au Rwanda

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, j'adresse ma question au leader du gouvernement au Sénat.

Demain, au nom du Canada, le ministre Axworthy des Affaires étrangères présidera une réunion au Conseil de sécurité des Nations Unies sur le génocide survenu en 1994 au Rwanda et sur les moyens d'empêcher de telles tragédies à l'avenir. L'événement coïncide avec le départ à la retraite d'un militaire canadien fort respecté, le lieutenant-général Roméo Dallaire, qui a servi les Nations Unies au Rwanda à l'époque.

Hier, à la Chambre des communes, le ministre Eggleton de la Défense nationale a déclaré que ce n'était pas seulement les Nations Unies, mais bien tous les pays participants qui n'avaient pas répondu à l'appel du général Dallaire quand il avait besoin de secours.

Je voudrais demander au ministre si le Sénat pourrait se joindre à l'effort visant à défendre la réputation du général Dallaire en suggérant que le Canada fasse demain, à la réunion du Conseil de sécurité, une déclaration pour que cet homme vraiment bon et compatissant, ce serviteur dévoué à la cause du maintien de la paix, puisse commencer sa retraite, sachant que tous les parlementaires l'applaudissent et lui offrent leurs meilleurs voeux.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, étant donné le court délai, je vais immédiatement porter cette demande à l'attention des responsables et les prier de la prendre en considération.

La défense nationale

La possibilité de suspendre le programme de vaccination contre le charbon

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le ministre est sans doute au courant qu'aux États-Unis, le sous-comité de la sécurité nationale de la Chambre des représentants a recommandé que le programme concernant le vaccin sporulé anti-charbonneux appliqué par l'armée américaine - le même vaccin utilisé par l'armée canadienne - soit suspendu. Le vaccin en question n'a fait l'objet d'aucun test sur sa réaction aux spores en suspension dans l'air qui sont inhalés, qui constitue vraisemblablement le risque le plus grand. De plus, la Federal Drug Administration a fermé la seule entreprise qui fabriquait le vaccin contre le charbon en Amérique du Nord, Bioport, dont les installations ne satisfaisaient pas à ses exigences.

Cet été, le NCSM Calgary ira dans le golfe Persique. L'équipage de ce navire sera-t-il vacciné contre le charbon ? Dans l'affirmative, d'où viendra le vaccin? La marine entend-elle utiliser celui de Bioport, qui a été interdit aux États-Unis parce qu'il ne satisfait pas à la réglementation gouvernementale?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie mon collègue d'avoir soulevé la question. Je n'ai pas sous les yeux les détails du programme prévu pour cet équipage. Le gouvernement veillera à ce que les précautions voulues en matière de santé soient prises.

Pour donner une réponse plus précise au sénateur, je vais devoir me renseigner auprès du ministre de la Défense nationale, lui transmettre les questions posées au Sénat et communiquer une réponse aux sénateurs plus tard.

L'agriculture et l'agroalimentaire

Les inondations au Manitoba et en Saskatchewan-La possibilité d'une aide

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit encore des agriculteurs du sud-ouest du Manitoba et du sud-est de la Saskatchewan. Une fois de plus, je dois dire que les réponses à mes questions se trouvent dans les journaux.

Le Winnipeg Free Press du vendredi 7 avril rapporte que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Manitoba, Steve Ashton, est très déçu. Le gouvernement provincial estime que les autorités fédérales doivent à la province environ 39 millions de dollars au titre de l'aide aux sinistrés. M. Ashton a dit:

[...] il semblait qu'Ottawa allait augmenter la mise, mais un accord a été rejeté dans une lettre du 29 mars signée par Art Eggleton, ministre fédéral chargé de la protection civile.

Ashton a ajouté que le coût de la lutte contre les mauvaises herbes, les pertes dans l'application d'engrais et les frais de remise en état des pâturages n'étaient pas admissibles aux termes des Accords d'aide financière en cas de catastrophe.

Les coûts estimatifs s'élèvent à 43 millions de dollars.

Est-ce exact?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas l'information mentionnée dans l'extrait que le sénateur a donné de la lettre d'un ministre manitobain. Je transmettrai cette information et j'essaierai de la faire vérifier. Comme il s'agit des propos d'un ministre provincial, je ne sais pas si le ministre fédéral pourra vérifier les statistiques précises quant au coût. Je n'ai certes aucune objection à m'informer. S'il a ces statistiques, je les confirmerai au sénateur.

Le sénateur Stratton: Je crois avoir posé cette question, il y a plus d'un mois, au leader du gouvernement au Sénat. En fait, il m'a informé, autour du 28 février, je crois, qu'il m'avait donné une réponse écrite. Et pourtant, on entend parler de lettres de refus qui arrivent un mois plus tard. Bon sang, le leader du gouvernement au Sénat pourrait être plus franc et direct avec nous. Si cela doit se produire, qu'il m'en informe d'avance ou voire le jour même où cela se produit pour que je n'aie pas à lire la réponse dans le journal. Pourquoi devrais-je faire cela? Pourquoi n'importe quel sénateur devrait-il faire cela?

Nous nous inquiétons pour ces agriculteurs. Nos inquiétudes sont légitimes. Cela prouve encore que le ministre semble tout simplement s'en moquer.

Je veux citer ici un article publié aujourd'hui dans le Leader-Post de Regina.

Les agriculteurs du sud-est de la province continueront de réclamer d'être indemnisés pour les intrants perdus et pour l'entretien des terres inondées le printemps dernier, en dépit du refus opposé par Ottawa la semaine dernière.

Encore une fois, le leader du gouvernement peut-il confirmer cela?

(1450)

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, à ma connaissance, l'information que j'ai déposée en réponse à la question reste vraie et exhaustive à ce jour.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais faire savoir au Sénat ce que le président de la Southeastern Saskatchewan Rural Municipalities Association a déclaré à cet égard. Il a dit:

Ils ne semblent pas vouloir déclarer cette région zone sinistrée. [...] C'est une autre gifle. Il semble que nous ne soyons pas assez importants lorsque nous sommes frappés par certains de ces désastres.

C'est ce que pensent les habitants de cette région.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je dirai simplement que les décisions de ce genre sont prises en fonction de critères établis. En fait, l'aide dont il est question dans l'information déposée a été accordée. Si certains sont déçus des niveaux d'aide consentis, je puis le comprendre; mais il reste que l'information demeure. Je ne puis que répéter ce que j'ai déjà dit au sénateur.

Le sénateur Stratton: C'est vraiment merveilleux pour ces gens-là. Ils tombent encore entre les mailles.

Les affaires indiennes et le Nord canadien

Le rapport du vérificateur général-La qualité inférieure de l'enseignement dispensé aux autochtones

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans son dernier rapport annuel, le vérificateur général dit que l'enseignement dispensé aux quelque 117 000 élèves autochtones par les écoles financées, je suppose, par AINC et le gouvernement fédéral à raison de presque 1,3 milliard de dollars, est de qualité inférieure et ne permet pas aux élèves de devenir concurrentiels dans notre société. Le leader du gouvernement est-il au courant de cela?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au courant, de façon générale, des observations du vérificateur général dans ce domaine. Comme le sénateur le sait, le rapport plutôt volumineux du vérificateur général traitant de sept ou neuf domaines différents en détail a été déposé cette semaine - avant-hier, si je ne m'abuse. Je ne connais pas tous les détails des domaines en question, mais il est vrai que le vérificateur général a émis des réserves quant à la qualité de l'enseignement dispensé aux autochtones.

Le sénateur St. Germain: Je me dois donc de poser la question suivante: le gouvernement va-t-il, comme dans le passé, faire fi des recommandations du vérificateur général? Sinon, que fera-t-il pour corriger cette situation inacceptable pour les autochtones de notre pays? Le ministre sait-il si le gouvernement compte prendre immédiatement des mesures ou s'il élabore actuellement un plan pour résoudre ce problème? Comme le ministre le sait sûrement, on nous a dit à maintes occasions, lors des audiences de différents comités étudiant diverses questions autochtones, que l'éducation revêt une importance capitale si l'on veut améliorer le sort de nos autochtones.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, il est certain que le ministère va examiner le rapport en profondeur et le prendre très au sérieux. Je sais que le ministère reconnaît indiscutablement l'importance primordiale de l'éducation des membres des Premières nations, que celle-ci se déroule dans la réserve ou dans le système scolaire habituel. D'ailleurs, la part prévue pour l'enseignement primaire et secondaire est la plus importante allocation à figurer dans le budget du ministère.

Le sénateur St. Germain: De combien de dollars s'agit-il?

Le sénateur Boudreau: Il est question d'un budget estimatif de 995 millions de dollars en 2000-2001 - c'est-à-dire près de 1 milliard de dollars. C'est donc une somme considérable.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le leader du gouvernement a-t-il lu le rapport du vérificateur général?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, il faut travailler avec les collectivités, avec les dirigeants autochtones et avec les intervenants du système d'éducation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves, pour améliorer le rendement. Cependant, j'insiste sur le fait qu'il faut faire cela en partenariat avec les collectivités autochtones.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question que le sénateur Oliver a posée au Sénat le 14 décembre 1999, concernant la répartition de crédits au titre du Régime de pensions du Canada en cas de rupture du mariage; j'ai la réponse à une question que le sénateur Cochrane a posée au Sénat le 10 février 2000, concernant le Fondation des bourses d'études du millénaire et le versement des bourses; j'ai la réponse à une question que le sénateur Cochrane a posée au Sénat le 23 février 2000, au sujet de la Fondation des bourses d'études du millénaire et de la répartition des fonds entre les dépenses de fonctionnement et les bourses; j'ai la réponse à une question que le sénateur Forrestall a posée au Sénat le 28 mars 2000, concernant le rapport sur la restructuration des réserves et la viabilité de la milice; et enfin, j'ai la réponse à une question que le sénateur Forrestall a posée au Sénat le 29 mars 2000, au sujet de l'opération de sauvetage en mer et de l'état du quatrième hélicoptère Sea King affecté à la force opérationnelle.

Les finances

La répartition de crédits au titre du Régime de pensions du Canada en cas de rupture du mariage

(Réponse à la question posée par l'honorable Donald H. Oliver le 14 décembre 1999)

Le document «Préserver le Régime de pensions du Canada: Entente sur les modifications proposées au RPC», publié en 1997, expose l'entente survenue entre le gouvernement fédéral et les provinces à l'égard des changements importants pour la survie du Régime de pensions du Canada et précise que la répartition des crédits au titre du RPC entre les conjoints est une question importante qu'il fallait examiner de façon plus approfondie. On fait remarquer dans le document que le faible degré de recours à la disposition sur la répartition des crédits suscite des inquiétudes.

Le RPC prévoit la répartition des crédits de pension au titre du RPC en cas de rupture de mariage. La répartition des crédits est obligatoire en cas de divorce et elle s'applique sur demande en cas de séparation dans les situations d'union légitime et d'union libre. Ces dispositions reflètent le fait que les crédits au titre du RPC sont des «actifs» qui appartiennent conjointement aux deux membres d'un couple. Toutefois, pour respecter la compétence des provinces en droit de la famille, la loi sur le RPC donne aux provinces le choix, en vertu du droit de la famille provincial, de permettre aux couples de ne pas recourir à la disposition sur la répartition des crédits.

Lorsque la répartition des crédits est obligatoire dans le cas des couples mariés devant la loi qui divorcent, la pratique a montré qu'il était impossible d'assurer un partage automatique des crédits, car il n'existe aucun mécanisme permettant de fournir systématiquement aux gestionnaires du RPC l'information dont ils ont besoin au sujet du divorce. Pour des raisons généralement inconnues, la plupart des couples qui divorcent n'en informent pas les gestionnaires du RPC et, en conséquence, la répartition des crédits se fait pour seulement environ 16 p. 100 des couples qui divorcent.

À la suite de l'engagement qu'ils ont pris en 1997, le gouvernement fédéral et les provinces se sont penchés sur les moyens pratiques d'accroître l'application de la disposition sur la répartition des crédits. Au cours d'une réunion des ministres des Finances, tenue le 9 décembre 1999, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Manitoba ont convenu de mener un projet pilote au Manitoba. Dans le cadre de ce projet, l'information requise pour effectuer la répartition des crédits, détenue par les tribunaux provinciaux, sera envoyée automatiquement aux gestionnaires du RPC. Les deux gouvernements sont occupés à établir en détail les paramètres du projet pilote, notamment les aspects touchant les lois, les règlements, l'administration et les communications au sein des deux gouvernements. Le projet pilote sera évalué pour en déterminer la pertinence pour d'autres provinces.

Le développement des ressources humaines

La Fondation des bourses d'études du millénaire-Le versement des bourses

(Réponse à la question posée par l'honorable Ethel Cochrane le 10 février 2000)

Au sujet des questions concernant le projet des Bourses d'études canadiennes du millénaire, à savoir quel est le montant d'argent qui a été versé directement aux étudiants et combien est allé aux gouvernements provinciaux, les étudiants canadiens ont reçu quelque 285 millions de dollars en aide financière additionnelle au cours de l'année scolaire 1999-2000.

La Fondation a conclu des ententes avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour la distribution des bourses d'études par le biais de ses programmes d'aide financière destinée aux étudiants. Ces ententes stipulent que la majorité des fonds de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire sont attribués aux étudiants. Les provinces se sont engagées à réinvestir toutes les économies qui leur reviennent dans le système d'éducation.

En vertu de ces ententes, la Fondation remboursera aux provinces ou territoires une partie des coûts administratifs associés à la distribution des bourses d'études. Outre un coût total unique de 1,23 millions de dollars pour moderniser les systèmes d'information, ces versements s'élèvent à un somme globale annuelle d'environ 2,5 millions de dollars. Il est clair que les étudiants recevront la majorité des fonds attribués par la Fondation.

Pour ce qui est de la question de savoir combien d'étudiants ont refusé ces bourses d'études, il me semble qu'en date du 9 février 2000, sur un total de départ de quelque 100 000 étudiants boursiers, seulement huit ont refusé leurs bourses. La raison principale du refus était l'imposition de celles-ci.

Les préoccupations des étudiants en rapport avec l'imposition des bourses d'études ont été clairement abordées dans le budget de 2000 lorsque l'exonération d'impôt sur les frais de scolarité, les bourses de recherche et les bourses d'études est passée de 500 dollars à 3000 dollars. À la suite de cette décision, les frais moyens de scolarité seront maintenant exempts d'impôt.

La Fondation des bourses d'études du millénaire-La répartition des fonds entre les frais de fonctionnement et les subventions

(Réponse à la question posée par l'honorable Ethel Cochrane le 23 février 2000)

Pour ce qui est de savoir quelle proportion du montant original des bourses d'études du millénaire sera soutirée aux étudiants canadiens dans le besoin pendant la période de 1998 à 2010, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire s'est engagée à conserver ses coûts administratifs le plus bas possible pour ainsi maximiser les fonds destinés aux étudiants.

La Fondation s'est engagée à maintenir son budget opérationnel annuel entre 8 et 10 millions de dollars, ce qui représente seulement de 3 à 4 pour cent des dépenses annuelles. Ce montant est nettement inférieur au 5 pour cent qui avait été prévu pour les coûts administratifs.

Durant la première année, la Fondation a fait un excellent travail. Toutefois, une grande partie des dépenses de la Fondation durant les six premiers mois a été utilisée pour payer les frais engendrés par les consultations de premier plan avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les associations étudiantes et les autres représentants des communautés intéressées par l'apprentissage. Ces consultations ont permis à la Fondation d'établir la meilleure façon de distribuer les fonds pour répondre aux besoins et aux attentes des étudiants.

Il est important de remarquer que la préparation du portefeuille des investissements de la Fondation a aussi occasionné des coûts importants. Les dépenses reliées à la gestion des 2,5 milliards de dollars de la Fondation ont sûrement été remboursées. Suite à cet investissement, je comprends que les dépenses de la Fondation se sont élevées à 64,5 millions de dollars.

En ce qui concerne la question suivante: «Ce programme de bourses d'études ne serait-il pas mieux géré s'il était à l'intérieur d'un programme déjà existant, tel le Programme canadien des prêts aux étudiants (PCPE) ou un autre programme», il est important de souligner les points suivant.

- Afin de marquer l'arrivée du nouveau millénaire, le gouvernement fédéral a choisi d'investir pour l'avancement du savoir et des compétences des Canadiens plutôt que pour des briques et du mortier comme plusieurs autres pays ont fait.

- La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire doit répondre à un mandat précis qui est celui d'aider les Canadiens, peu importe l'âge, à accéder à des études postsecondaires et à gérer leur dette étudiante grâce à l'attribution de bourses d'études.

- En collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et en se basant sur les programmes déjà existant d'aide financière aux étudiants, la Fondation a réussi de façon brillante à éviter la répétition des coûts et à accorder les toutes premières bourses avant même la date prévue.

- Grâce à son programme de Primes d'excellence, la Fondation encouragera également les étudiants canadiens à se surpasser, incluant le rendement scolaire.

- L'attribution des bourses d'études va au-delà du mandat des programmes tels le PCPE dont le mandat est d'accorder des prêts et non des bourses d'études.

Il est aussi important de souligner qu'en tant qu'organisme indépendant, la Fondation investira soigneusement les 2,5 milliards de dollars pour pouvoir générer des fonds additionnels pour les étudiants.

Madame le sénateur a reçu une copie du Rapport annuel de 1998 de la Fondation, comme elle l'avait demandé.

La défense nationale

Le rapport sur la restructuration des réserves-La viabilité de la milice

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 28 mars 2000)

La Réserve est un pilier important des Forces canadiennes (FC) et joue de nombreux rôles au Canada et à l'étranger. Le ministère de la Défense nationale est toujours déterminé à mettre sur pied une Réserve qui soit viable, soutenable financièrement et apte à répondre aux exigences opérationnelles actuelles, tout en constituant un élément essentiel de la structure de force des FC. Grâce à la restructuration, les FC espèrent également profiter de l'énorme potentiel qu'offre la Réserve pour optimiser leur capacité opérationnelle.

Les récents reportages indiquant que les unités déclarées non viables seraient fermées sont fondés sur des documents qui ne contenaient que des renseignements préliminaires et qui ont été communiqués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Le fait de conclure que les unités qualifiées de non viables seront fermées est à la fois injuste et faux parce que les évaluations de la viabilité des unités ne constituent qu'un seul élément du casse-tête. La restructuration de la Réserve est une affaire complexe, où bon nombre de facteurs doivent être pris en considération. Aucune décision n'a encore été prise relativement à la restructuration de la Réserve, notamment en ce qui concerne l'attribution de nouveaux rôles aux unités.

Il reste encore beaucoup à faire, et le ministre de la Défense nationale a demandé à l'honorable John Fraser, président du Comité de surveillance reconstitué, de lui donner son avis sur le processus de restructuration de la Réserve. Dans le cadre de cette stratégie, le Ministère examine des propositions axées sur l'avenir et sur les opérations, relativement à la restructuration de la Réserve, lesquelles sont envisagées par les cadres supérieurs des FC. Ce processus de restructuration vise à rendre la Réserve plus apte à participer aux types d'opération dont sont habituellement chargées les FC.

L'opération de sauvetage en mer-L'état du quatrième hélicoptère Sea King affecté à la force opérationnelle

(Réponse à la question posée par l'honorable J. Michael Forrestall le 29 mars 2000)

Tous les Canadiens devraient être extrêmement fiers de la compétence et du professionnalisme affichés par les hommes et les femmes qui ont participé à cette opération de sauvetage. Treize vies furent sauvées parce que les Forces canadiennes ont pu intervenir rapidement et efficacement. Le Groupe opérationnel naval, qui comprend cinq navires et quatre hélicoptères Sea King embarqués, se rendait dans les Caraïbes pour des manoeuvres navales lorsque le tragique incident est survenu. Après l'appel à l'aide du navire panaméen, quatre des navires de guerre canadiens ont changé de direction pour se rendre le plus rapidement possible vers le navire en détresse et participer au sauvetage.

Dès que le navire panaméen s'est trouvé à l'intérieur du rayon d'action des Sea King, deux Sea King furent envoyés. Ils ont volé plus de 100 milles nautiques et sont arrivés sur les lieux de l'incident au milieu de la nuit. Douze membres d'équipage furent sauvés des eaux et un treizième survivant fut récupéré par le NCSM Halifax. En plus des Sea King, un avion Hercules et un aéronef de patrouille à long rayon d'action Aurora des Forces canadiennes se sont déployés à partir de la 14e Escadre Greenwood afin d'aider à l'opération.

Les deux autres Sea King n'ont pas participé aux opérations de sauvetage de nuit en raison d'un problème avec le radar doppler à bord. Même si les deux hélicoptères avaient pu voler de nuit, le problème avec le radar doppler aurait empêché les hélicoptères de planer en toute sécurité au-dessus d'une mer particulièrement agitée, risquant ainsi inutilement les vies de leur équipage.

Un des deux Sea King s'est joint le lendemain matin aux opérations de recherche. Le quatrième hélicoptère fut toutefois gardé en réserve sur son navire et était disponible pour une opération si le besoin s'en était fait sentir.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant d'aller plus loin, je rappelle à tout le monde que, en vertu d'un ordre adopté plus tôt, je devrai interrompre les travaux à 15 h 15 pour passer aux votes.

Projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-9, Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur St. Germain, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois d'ici six mois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Sparrow, appuyée par l'honorable sénateur DeWare, que l'article 3 du projet de loi soit modifié par l'ajout d'une négation au mot «constitue».

Par conséquent, l'article 3 modifié se lira comme suit:

«3. L'Accord définitif nisga'a ne constitue pas un traité et un accord sur des revendications territoriales au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.»;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Sparrow, appuyée par l'honorable sénateur DeWare, que l'article 27 du projet de loi soit modifié par l'ajout des mots suivants:

«qui ne devront pas précéder la date à laquelle la Cour suprême du Canada se prononcera sur la validité de l'accord nisga'a.»

Par conséquent, l'article 27 modifié se lira comme suit:

«Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret, qui ne devront pas précéder la date à laquelle la Cour suprême du Canada se prononcera sur la validité de l'accord nisga'a.»

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, premièrement, je félicite et remercie le sénateur Austin, en tant que président du comité, le sénateur St. Germain, en tant que vice-président, et tous les membres du comité pour les longues journées qu'ils ont consacrées à une série de réunions au cours desquelles ils ont fait une étude exhaustive et fort utile du projet de loi C-9.

J'ai assisté à un bon nombre d'audiences et lu de nombreux comptes rendus. À tout le moins, nous avons une fois de plus une preuve convaincante que le Sénat est capable d'étudier une question en profondeur, même un sujet aussi complexe et litigieux que celui dont nous sommes saisis. Cela contraste tout à fait avec l'étude habituellement superficielle que l'autre endroit fait des projets de loi, comme ce fut certainement le cas du projet de loi C-9.

Honorables sénateurs, permettez-moi de citer ce que disait le ministre des Affaires indiennes, à la fin de sa première comparution devant le comité. Il déclarait:

[...] nous avons eu beaucoup de mal à examiner concrètement le traité. Nous avons été très irrités par le fait qu'à l'autre endroit, nous n'avons pas pu parler en détail des dispositions des chapitres de l'accord et de leur signification. Je pense que c'était un mauvais service envers la population du Canada et de la Colombie-Britannique.

Si le projet de loi avait d'abord été déposé au Sénat, l'autre endroit aurait pu bénéficier de nos propres délibérations, qui contrastent beaucoup avec les siennes, lesquelles nous sont de peu sinon d'aucune utilité.

Avant d'indiquer les raisons pour lesquelles j'appuie l'amendement proposé par le sénateur St. Germain, je demande que le sénateur Austin retire, à la première occasion, le mot «infamant», dont il a qualifié l'amendement. Selon le dictionnaire qui se trouve sur le bureau du greffier, le mot «infamant» signifie «qui flétrit l'honneur, la réputation.» Quoi qu'on puisse penser de l'amendement, j'espère que le sénateur Austin reconnaîtra, après réflexion, qu'il était quelque peu excessif, à tout le moins, de le qualifier d'«infamant».

Je tiens à répéter au départ que l'appréhension au sujet du projet de loi C-9 n'a rien à voir avec l'autonomie gouvernementale des autochtones. La Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones a été créée par un gouvernement conservateur. C'est ce même gouvernement qui a demandé aux Canadiens d'approuver, dans un référendum, le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, dans l'Entente de Charlottetown de 1992. Cet accord avait malheureusement été rejeté, notamment par pas moins de 62 p. 100 des autochtones eux-mêmes, selon Élections Canada.

Le sénateur Austin a invoqué le rejet de l'Entente de Charlottetown, et en particulier de l'article 45, pour justifier le projet de loi C-9. La semaine dernière, après que j'eus dit qu'on nous demandait de sanctionner une entité distincte sans précédent au Canada, le sénateur Austin a déclaré ce qui suit:

Ces dernières paroles sont tout à fait exactes. Nous créons quelque chose de nouveau, une forme de gouvernement autochtone qui sera protégée en vertu de l'article 35 de la Constitution. Cette mesure est considérée comme souhaitable par bien des sénateurs de ce côté-ci et, je l'espère, par bien d'autres de l'autre côté. Cette mesure a été pleinement décrite dans l'article 45 de l'Entente de Charlottetown.

(1500)

Puis il a dit:

Le gouvernement de l'ancien premier ministre Brian Mulroney avait fait cette proposition aux Canadiens avec l'accord de tous les premiers ministres provinciaux. Cette question ne devrait susciter ni crainte ni inquiétude chez les sénateurs d'en face. La politique vient du parti de l'honorable sénateur et de l'ancien premier ministre Mulroney.

Que le gouvernement, par l'intermédiaire du sénateur Austin, justifie le traité avec les Nisga'as en invoquant une politique conservatrice ne devrait surprendre personne, puisque le gouvernement libéral le fait sans arrêt depuis sept ans, mais qu'il le fasse alors que cette politique a été rejetée par voie référendaire devrait troubler chacun d'entre nous.

Il n'y a pas d'endroit où l'accord ait été rejeté plus catégoriquement que dans la propre province du sénateur Austin, la Colombie-Britannique, où, dans chaque circonscription à l'exception d'une seule, comme nous l'a rappelé le sénateur Carney la semaine dernière, la majorité des électeurs, y compris une majorité d'autochtones, ont voté contre l'accord.

Le sénateur Sibbeston s'est fait l'écho du sénateur Austin jeudi dernier quand il a dit:

En mars 1992, un rapport parlementaire conjoint recommandait que le pouvoir inhérent d'autonomie gouvernementale soit inscrit dans la Constitution, mais en tenant compte que l'article 35 pourrait...

... je souligne le mot «pourrait»...

... déjà reconnaître le droit.

Un peu plus loin, parlant de l'Entente de Charlottetown, il ajoute:

Nous ne savons pas exactement quelles sont les dispositions de l'accord que les électeurs ont rejetées. Quoi qu'il en soit, cela prouve que la réflexion du gouvernement et l'appui en faveur de l'autonomie gouvernementale des autochtones ont évolué au fil des ans.

La divergence d'opinions porte donc non pas sur l'appui dont jouit le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, mais plutôt sur la question de savoir s'il est constitutionnel tel qu'énoncé dans le traité avec les Nisga'as. Nos deux collègues ont invoqué l'esprit des délibérations au fil des ans pour affirmer que le droit inhérent se trouve au moins de facto dans l'article 35. Je me range du côté de ceux qui affirment que cela ne suffit pas, car l'histoire de l'article 35 et de ce qui en découle ne peut que conduire à la conclusion que ses auteurs n'ont jamais eu l'intention d'y inclure le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.

Mardi, le sénateur Buchanan a déclaré en termes sans équivoque que le projet de loi C-9 était inconstitutionnel. Ayant participé à toutes les conférences constitutionnelles fédérales-provinciales au début des années 80, il nous a affirmé sans équivoque qu'aucun des participants, en commençant par le premier ministre Trudeau lui-même, n'a jamais admis que l'article 35 devait être interprété comme incluant un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et que cette optique était partagée par les autochtones eux-mêmes.

Aucun parlementaire ne peut écarter un tel témoignage d'une personne qui non seulement était là, mais a participé de manière active à toutes les discussions concernant l'article 35.

J'aimerais reprendre là où s'est arrêté le sénateur Buchanan et résumer l'évolution depuis l'adoption, en mars 1983, de l'amendement, qui ajoute les paragraphes 3 et 4 à l'article 35.

En 1983, un amendement a été renvoyé à notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles - qui, à propos, n'est pas un comité spécial. Ce comité était présidé par notre ex-collègue, l'honorable sénateur Joan Neiman.

Un examen des témoignages faits devant ce comité est instructif pour déterminer la signification de l'article 35 tel qu'amendé. Le sous-secrétaire du Cabinet pour les relations fédérales-provinciales de l'époque, Pierre Gravel, a affirmé qu'il y avait 19 points à l'ordre du jour de cette réunion, y compris l'autonomie gouvernementale. Il a ensuite informé le comité que le gouvernement autochtone devait être à l'ordre du jour de la conférence constitutionnelle de mars 1984.

Le regretté Mark McGuigan, alors ministre de la Justice, et John Munro, alors ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, ont tous les deux affirmé que l'autonomie gouvernementale n'était pas incluse dans l'article 35 modifié.

Cette optique est également appuyée par le rapport du Comité spécial de la Chambre des communes sur l'autonomie gouvernementale des autochtones, connu sous le nom de rapport Penner, et dont a parlé le sénateur Sibbeston. Ce comité spécial a fait rapport en octobre 1983. Cela a été un comité important pour un certain nombre de raisons, en l'occurrence pour la profondeur de son analyse de l'autonomie gouvernementale en raison d'un ordre spécial de la Chambre d'avoir des représentants de l'Assemblée des Premières nations, de l'Association des femmes autochtones du Canada et du Congrès des Peuples Autochtones participant en tant que membres à part entière du comité.

Le chapitre 11 du rapport est intitulé «Structures et pouvoirs du gouvernement des Premières nations» et il recommande qu'une méthode légale pour parvenir à l'autonomie gouvernementale soit mise en place parce que l'article 35 ne contenait pas la base constitutionnelle nécessaire pour l'autonomie gouvernementale. L'extrait qu'a donné le sénateur Sibbeston du rapport dans son discours sur le projet de loi C-9 est lui-même tiré d'un autre chapitre intitulé «Étendue des pouvoirs», qui fait suite à une longue discussion, dont j'ai parlé, sur les moyens législatifs nécessaires pour atteindre l'autonomie gouvernementale parce qu'il n'y avait pas et qu'il n'y a toujours pas de base constitutionnelle adéquate.

En juin 1984, cet avis législatif a acquis davantage de crédibilité lorsque John Munro, qui était toujours ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a présenté en première lecture le projet de loi C-52, Loi sur l'autonomie gouvernementale des Indiens, qui établissait un cadre de travail législatif permettant aux groupes d'Indiens ou de nations qui désiraient atteindre l'autonomie gouvernementale de le faire grâce à un processus législatif. Il est évident que le projet de loi a été déposé pour imposer par voie législative une forme d'autonomie gouvernementale que l'article 35 ne permet pas.

L'Accord du lac Meech a été la prochaine proposition constitutionnelle importante à être déposée, à un moment où les peuples autochtones du Canada se plaignaient souvent d'avoir été tenus à l'écart. Le rapport du comité mixte spécial et celui du comité sénatorial plénier ont tous les deux exhorté le gouvernement à reporter la question de l'autonomie gouvernementale des autochtones à l'ordre du jour des prochaines conférences constitutionnelles.

Il n'y avait donc toujours pas à l'époque d'appui en faveur d'inclure dans l'article 35 un fondement constitutionnel qui aurait permis de réaliser l'autonomie gouvernementale des autochtones.

Jeudi, dans son allocution, le sénateur Sibbeston a parlé du rapport du comité Beaudoin-Dobbie, le Comité mixte spécial sur le renouvellement du Canada. J'aimerais préciser ici que certains des témoins qui ont comparu devant le comité ont affirmé que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale pourrait déjà être inclus dans l'article 35, mais le comité a néanmoins recommandé que le droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale soit prévu par un amendement constitutionnel.

Le dernier document dont j'ai parlé est bien sûr l'Entente de Charlottetown de 1992 qui, bien qu'elle représente l'opinion unanime des premiers ministres et des représentants de l'Assemblée des Premières nations, a été rejetée dans un référendum, comme nous le savons.

Elle proposait un amendement constitutionnel sous forme d'un nouveau paragraphe relevant de l'article 35 et reconnaissant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale de façon que le gouvernement autochtone puisse devenir un troisième ordre de gouvernement au Canada. Cela aura pu être l'amendement qui aurait servi de base au gouvernement nisga'a, tel que prévu dans l'Accord définitif nisga'a.

D'après ce résumé rapide de l'évolution du dossier constitutionnel depuis 1982, on ne peut que conclure que ceux qui faisaient partie des gouvernements et ceux qui participaient aux conférences et aux audiences de comités, de même que les représentants de la communauté autochtone, croyaient clairement que l'article 35 ne prévoit pas le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Si on veut l'établir, il faut le faire au moyen d'une modification à la Constitution, comme cela était proposé dans l'Entente de Charlottetown. Sinon, il appartiendra aux tribunaux de déterminer la légitimité constitutionnelle des structures de gouvernement établies dans l'Accord définitif nisga'a.

Ce qu'on propose en l'occurrence, honorables sénateurs, c'est un ersatz de modification constitutionnelle apportée au moyen d'un projet de loi, et fondée sur une interprétation très contestable de l'article 35. Comme dans le projet de loi C-20, le gouvernement recourt à une solution législative alors qu'il devrait consacrer certaines valeurs fondamentales dans la Constitution. Il l'a fait dans le cas de la clause 17 et dans le cas du changement du système scolaire du Québec, uniquement parce que la formule bilatérale de modification pouvait s'appliquer. Quand il s'est agi de proclamer le Québec société distincte, cependant, et de rétablir également son droit de veto et de l'accorder aux autres régions, il l'a fait au moyen d'une résolution et d'un projet de loi de la Chambre des communes, respectivement, au lieu de le faire au moyen d'une modification, car d'autres formules constitutionnelles plus difficiles auraient dû être appliquées.

Je constate le même procédé en l'occurrence. «L'article 35 s'applique», prétend le gouvernement, «et que ceux qui ne sont pas d'accord contestent le projet de loi devant les tribunaux.» Autrement dit, il ne se donne pas la peine de rouvrir la Constitution, car c'est un terrain qu'aucun gouvernement qui se soucie strictement de sa préservation ne voudra jamais fouler. Au lieu de cela, il présente un projet de loi, et si sa constitutionnalité suscite des doutes, que ceux qui pourraient vouloir poursuivre le débat s'adressent aux tribunaux.

(1510)

Je n'accepte tout simplement pas que l'on vote sur un projet de loi dont le fondement est aussi contesté que le projet de loi C-9 avant qu'un tribunal se soit prononcé sur l'objet de la contestation. Le Parlement est le premier à se plaindre de l'ingérence des tribunaux dans ses domaines de compétence; or, c'est le Parlement qui invite les tribunaux à le faire en débattant et en approuvant un projet de loi qu'il sait gravement imparfait. Je pourrait évoquer le projet de loi Pearson, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, le projet de loi C-78, deux projets de loi concernant le tabac, le projet de loi sur le contrôle des armes à feu et le projet de loi ayant pour effet d'interdire le MMT. Nous avons été saisis aujourd'hui du projet de loi C-2, concernant la Loi électorale, dont un comité vient de faire rapport, qui impose des plafonds de dépenses pour la publicité des tiers qui ont déjà été contestés devant les tribunaux et qui le seront de nouveau si le projet de loi prend force de loi.

Je crains que le projet de loi C-9 ne subisse le même sort qu'un certain nombre de ses prédécesseurs. Peu importe le verdict définitif, l'adoption du projet de loi C-9 avant que d'importantes objections ne soient confirmés ou infirmées, compromettra sa mise en oeuvre. Elle découragera la conclusion d'accords semblables avec d'autres nations autochtones. Si le pire devait arriver, après des années d'argumentation, toute la bonne volonté et tous les efforts extraordinaires qui, après une vingtaine d'années, ont mené à cet accord sans précédent auront en grande partie été vains.

D'autres pays règlent des problèmes juridiques comme ceux que nous examinons aujourd'hui en les renvoyant à des tribunaux constitutionnels avant que leurs assemblées législatives ne prennent une décision finale. Par le passé, il a été proposé à plusieurs reprises que le Canada crée un tribunal de ce genre, mais cette proposition n'a pas été retenue. Il est peut-être temps de l'examiner.

Entre-temps, il est possible de faire un renvoi à la Cour suprême, mais le gouvernement fédéral refuse obstinément d'en tirer parti. Il semble que des renvois ont lieu seulement lorsque c'est politiquement avantageux, comme dans le cas du renvoi sur la sécession du Québec, qui était très hypothétique et éloignée de la réalité.

Le projet de loi C-9 est historique. Il est beaucoup plus important que le projet de loi C-20, car il vise à redonner un sentiment de fierté et d'estime de soi à des membres de la société canadienne qui ont été trop longtemps négligés et considérés comme des citoyens de seconde zone. Nous ne leur rendrons pas service en votant en faveur de ce projet de loi, alors que sa légalité soulève tant d'incertitudes. Il vaudrait beaucoup mieux dissiper ces incertitudes, peu importe le temps qu'il faudra, que de l'appliquer en sachant que les tribunaux en rejetteront une grande partie, sinon la totalité.

On ne conteste pas le principe du projet de loi C-9, loin de là. On a cependant la conviction qu'il déborde les limites prévues dans la Constitution, qui est la loi fondamentale du pays. L'adopter dans sa forme actuelle, c'est s'exposer à des années de litige, de malentendu et de méfiance, et l'appliquer dans sa totalité ou en partie risque d'entraîner son rejet.

Si nous prenons le temps nécessaire pour régler les questions constitutionnelles de base, nous pourrons, une fois ces questions réglées, parvenir à un accord pleinement légitime, qui recueillera un appui massif, du moins des sénateurs de ce côté-ci, dont l'engagement à défendre le droit inhérent des autochtones à l'autonomie gouvernementale demeure aussi indéfectible que jamais.

Adopter le projet de loi, comme on nous le demande cet après-midi, c'est entamer une période de grande incertitude et ouvrir la voie à d'interminables contestations judiciaires qui ne pourront que nuire aux Nisga'as et à tous ceux qui aspirent à un traitement similaire.

Je rends hommage aux représentants de la nation nisga'a, qui sont venus à bout de cette épreuve et qui ont manifesté tant de patience au cours de ces débats. Ils peuvent croire que, même si nous sommes insatisfaits face au contenu de ce projet de loi et à la perspective des contestations judiciaires qu'il suscitera, nous sommes tous favorables au droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Nous aurions simplement voulu que ce soit fait correctement. J'espère que le Sénat, au cours de son examen objectif, agira en conséquence.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, comme il est 15 h 15, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le mardi 11 avril 2000, j'ai le devoir d'interrompre les délibérations et de mettre immédiatement aux voix toute question nécessaire pour disposer de la troisième lecture du projet de loi C-9, sans autre débat ni amendement.

Honorables sénateurs, le vote qu'entreprend le Sénat porte sur la motion de l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Gill, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-9, et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur St. Germain, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, que le projet ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit lu une troisième fois dans six mois.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Nous allons procéder à un vote par assis et debout. Convoquez les sénateurs. Le timbre retentira pendant 15 minutes.

Je rappelle aux honorables sénateurs que les amendements subséquents seront présentés dans l'ordre, mais je vais accorder suffisamment de temps entre les amendements pour permettre à tout sénateur qui le désire de quitter la salle. Cependant, il n'est pas question que le timbre retentisse de nouveau pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 15 h 30.

(1530)

(La motion d'amendement du sénateur St. Germain, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Buchanan, Carney, Cochrane, Cogger, Cohen, Comeau, DeWare, Doody, Forrestall, Grimard, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Roberge, Robertson, Rossiter, Simard, Sparrow, Spivak, St. Germain, Stratton-32

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bacon, Banks, Boudreau, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chali foux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hays, Her vieux-Payette, Joyal, Kenny, Kroft, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud (L'Acadie-Aca dia), Robichaud (Saint- Louis-de-Kent), Roche, Rompkey, Ruck, Sibbeston, Stollery, Taylor, Watt, Wie be-47

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Pitfield, Rivest-2
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il y a deux autres amendements. Si certains sénateurs désirent quitter l'enceinte du Sénat, qu'ils le fassent maintenant. Sinon, nous allons procéder au vote sur l'amendement suivant.

Le prochain amendement est celui de l'honorable sénateur Sparrow, appuyé par l'honorable sénateur DeWare:

Que l'article 3 du projet de loi C-9 soit modifié par l'ajout d'une négation au mot «constitue»

Par conséquent, l'article 3 modifié se lira comme suit:

«3. L'Accord définitif nisga'a ne constitue pas un traité et un accord sur des revendications territoriales au sens des articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateur s'étant levés:

(La motion d'amendement du sénateur Sparrow, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Simard, Sparrow-2

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Andreychuk, Atkins, Austin, Bacon, Banks, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Boudreau, Bryden, Buchanan, Callbeck, Carney, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cohen, Comeau, Cook, Cools, Corbin, Doody, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Forrestall, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Grimard, Hays, Hervieux-Payette, Johnson, Joyal, Kelleher, Kenny, Keon, Kinsella, Kroft, LeBreton, Losier-Cool, Lynch-Staunton, Maheu, Mahovlich, Meighen, Mercier, Milne, Murray, Nolin, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Pitfield, Poulin, Poy, Robertson, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Roche, Rompkey, Rossiter, Ruck, Sibbeston, Spivak, St. Germain, Stollery, Stratton, Taylor, Watt, Wiebe-74

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Cogger, DeWare, Rivest, Roberge-4
Son Honneur le Président: Si des sénateurs veulent quitter le Sénat avant que je passe au dernier amendement, qu'ils aient l'obligeance de le faire maintenant! Les nombres seront les mêmes, alors.

(1540)

Honorables sénateurs, voici le dernier amendement que l'on propose d'apporter à la motion principale. Le vote porte sur la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Sparrow, appuyé par l'honorable sénateur DeWare:

Que l'article 27 du projet de loi C-9 soit modifié par l'ajout des mots suivants:

«qui ne devront pas précéder la date à laquelle la Cour suprême du Canada se prononcera sur la validité de l'accord nisga'a.»
Par conséquent, l'article 27 modifié se lira comme suit:
«Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret, qui ne devront pas précéder la date à laquelle la Cour suprême du Canada se prononcera sur la validité de l'accord nisga'a.»
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Comme convenu, nous allons tenir immédiatement un vote par assis et debout.

(La motion d'amendement du sénateur Sparrow, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins, Buchanan, Carney, Cogger, Cohen, Comeau, DeWare, Doody, Forrestall, Grimard, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch- Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Roberge, Robertson, Rossiter, Simard, Sparrow, Stratton-24

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Andreychuk, Austin, Bacon, Banks, Beaudoin, Bolduc, Boudreau, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hays, Hervieux-Payette, Johnson, Kenny, Kroft, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Roche, Rompkey, Ruck, Sibbeston, Spivak, Stollery, Taylor, Watt, Wiebe-51

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Berntson, Joyal, Pitfield, Rivest, St. Germain-5
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous en revenons à la motion principale. Il a été proposé par l'honorable sénateur Austin, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Gill: Que le projet de loi C-9 soit lu une troisième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous les honorables sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Comme convenu, nous allons tenir immédiatement un vote par assis et debout.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Austin, Bacon, Banks, Boudreau, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Gill, Graham, Hays, Hervieux-Payette, Johnson, Joyal, Kenny, Kroft, LeBreton, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Pitfield, Poulin, Poy, Rivest, Robichaud (L'Acadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Roche, Rompkey, Ruck, Sibbeston, Spivak, Stollery, Taylor, Watt, Wiebe-52

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins, Berntson, Buchanan, Cogger, Comeau, DeWare, Forrestall, Grimard, Keon, Kinsella, Lynch-Staunton, Robertson, Rossiter, Simard, Sparrow-15

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk, Beaudoin, Bolduc, Carney, Cohen, Doody, Kelleher, Meighen, Murray, Nolin, Roberge, St. Germain, Stratton-13
(1550)

Son Honneur le Président: Est-ce pour un rappel au Règlement, sénateur Carney?

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, nous avons le droit de signifier notre abstention. Je tenais à le faire car puisque c'est là le premier de 50 traités en Colombie-Britannique et qu'il existe des preuves contradictoires quant à la question de savoir s'il est ou non constitutionnel, je ne puis me prononcer ni pour ni contre.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'invoque aussi le Règlement. Aujourd'hui, avant de venir au Sénat, j'ai parlé à mes frères et soeurs des nations Gitanyow et Gitskan. Ils m'ont demandé de faire ce que j'ai fait ici aujourd'hui. Je pense que ce jour est une triste journée en ce sens que nos frères et soeurs ont été victimisées.

Des voix: À l'ordre, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président: Sénateur St. Germain, un sénateur a le droit d'expliquer son vote, mais non de dire ce qu'il pense du résultat du scrutin.

Le sénateur St. Germain: Très bien, honorables sénateurs, dans ce cas, j'expliquerai mon vote.

Honorables sénateurs, c'est à la demande des nations Gitanyow et Gitskan que je me suis abstenu de voter sur cette importante mesure législative. Elle est importante pour le peuple nisga'a et pour les habitants de la Colombie-Britannique. Toutefois, nous ne pouvons pas bafouer les droits des minorités.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je tiens aussi à signifier mon abstention. Je répète ce que j'ai dit hier. En tant que non-autochtone, je ne prendrai parti ni pour les Gitskan et les Gitanyow, ni pour les Nisga'as.

[Français]

La sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 13 avril 2000

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que la très honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 13 avril 2000, à 18 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi (C-6, C-9 et C-13).

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque

L'honorable
    Le Président du Sénat
        Ottawa
[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous venons d'être informés de la teneur du message reçu de Rideau Hall. Je crois savoir que la pratique veut que lorsque Son Excellence la Gouverneure générale vient au Sénat pour donner la sanction royale, le premier ministre soit présent. Peut-on nous dire si cette coutume sera respectée et si le premier ministre est sur le point de rentrer du Moyen-Orient?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, cette fois-ci, en raison de la mission importante qu'il accomplit à l'étranger, le premier ministre ne sera pas des nôtres cet après-midi.

Le sénateur Forrestall: Vous n'avez pas de Sea King pour aller le chercher!

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je présume que le rappel au Règlement du sénateur Kinsella a obtenu réponse et qu'il n'est pas utile que la présidence s'étende sur le sujet ou prenne la question en délibéré. L'affaire est donc close.

[Français]

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, avant d'aborder mon texte, je demanderais la permission d'excéder la période de 15 minutes qui m'est allouée en vertu du Règlement.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

[Traduction]

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, combien de temps demandait-on?

Le sénateur Kinsella: Un peu de temps.

Le sénateur Nolin: Votre Honneur, puis-je poser une condition? Je demande simplement une permission.

Son Honneur le Président: Sénateur Nolin, vous n'êtes pas tenu de faire une déclaration. N'oubliez pas cependant que les sénateurs ont le loisir de refuser. C'est le risque à courir.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, si je dois demander une période de temps pour prononcer mon discours, ce serait dans le but d'avoir la permission d'excéder les 15 minutes allouées par le Règlement.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin demande la permission de poursuivre ses observations au-delà de la période de quinze minutes prévue.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, lorsque quelqu'un demande pareille permission, il est tout à fait de mise de lui en demander la raison. Je veux simplement savoir si le sénateur demande la permission de parler pendant une période illimitée. Prendra-t-il plus d'une heure? Je pense que c'est une question légitime.

Le sénateur Nolin: Je demande de poursuivre au-delà des 15 minutes prévues.

Le sénateur Hays: Je sais que Son Honneur a pris une question en délibéré. J'ai essayé d'être sensible à cela dans ma façon de me comporter à titre de leader adjoint du gouvernement; cependant, je pense que notre Règlement me permet de poser cette question. De combien de temps le sénateur veut-il disposer?

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'accepterai la décision du Président de la Chambre lorsqu'elle aura été déposée. En attendant, je vais excéder les 15 minutes prévues par le Règlement. J'espère que ce sera moins d'une heure, mais je ne peux pas savoir à l'avance de combien de temps j'aurai besoin ni combien de questions vous allez me poser.

[Traduction]

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, à condition que l'honorable sénateur Nolin parle moins d'une heure, je suis d'accord pour lui accorder cette permission.

(1600)

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Je partage l'avis du leader adjoint du gouvernement. Cependant, je pense qu'il ne faut rien anticiper pour l'instant. Il se peut fort bien que le sénateur ait terminé son discours dans 15 minutes. Pourquoi précipiter les choses? Dans 15 minutes, nous mettrons la question aux voix.

Le sénateur Atkins: C'est exactement cela.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'ai déjà demandé la permission, j'attends la réponse.

Son Honneur le Président: Le sénateur Gauthier désire-t-il prendre la parole?

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai passé 21 ans à la Chambre des communes et j'ai souvenance que cette demande faite par le sénateur Nolin peut servir à un «filibuster». Je voudrais m'assurer qu'il n'a pas l'intention de faire de l'obstruction sur le projet de loi C-20 et qu'il va parler pendant un temps raisonnable.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'ai, en effet, un texte qui excédera les 15 minutes permises pour mon discours, mais je ne crois pas que cela excédera une heure. Cela dépendra des questions qui me seront posées.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, une intervention d'une heure ne saurait être considérée comme de l'obstruction systématique.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Allez-y, je vous en prie, sénateur Nolin.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, d'entrée de jeu, je dois vous avouer que j'aurais préféré prendre la parole sur un projet de réforme du fédéralisme canadien. Ce dernier aurait répondu aux engagements de réformes majeures du fédéralisme canadien qu'avait pris, à deux reprises, le premier ministre du Canada au cours de la dernière semaine de la campagne référendaire de 1995.

Malheureusement, ce n'est pas le cas. Je vais plutôt commenter le projet de loi C-20, projet de loi donnant effet à la supposée exigence de clarté formulée par la Cour Suprême dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec. Comme vous le savez, j'ai été impliqué de très près dans l'organisation des trois référendums québécois, le premier en 1980 sur la souveraineté-association, le deuxième en 1992 sur l'Entente de Charlottetown et le dernier, en 1995 sur la souveraineté avec ou sans partenariat avec le reste du Canada. Suite aux résultats très serrés obtenus dans ce dernier référendum, le soir du 30 octobre 1995, plusieurs Canadiens ont constaté que l'option souverainiste pouvait briser le Canada.

Un sentiment de panique - et je pèse mes mots, de panique - s'est emparé de la population de l'extérieur du Québec. Les Canadiens ont poussé le gouvernement fédéral à prendre tous les moyens à sa disposition pour éviter que le Canada se retrouve à nouveau au bord du gouffre. Pendant le référendum de 1995, j'ai reçu plusieurs appels de Canadiens inquiets pour l'avenir de notre pays. Ces appels inquiets me provenaient de Canadiens de tous les milieux: des ministres du gouvernement fédéral, des premiers ministres provinciaux et des Canadiens de tous types de provenance. Mes réponses à ce moment-là étaient à peu près toujours les mêmes: tous les fédéralistes québécois font tout en leur pouvoir pour s'assurer que le Canada demeure uni et prospère.

Si j'avais à reparler aujourd'hui à ces mêmes personnes, je ne serais probablement pas en mesure de leur dire que la tempête est passée, car le gouvernement fédéral n'a rien fait de significatif depuis 1995 pour convaincre les Québécois de choisir l'option canadienne, au contraire.

Honorables sénateurs, notre Chambre étudie plutôt un projet de loi qui définit les règles qui permettront au Québec de faire sécession légalement du reste du Canada. Au lieu d'entreprendre une vaste réforme du fédéralisme canadien, le gouvernement fédéral a décidé «de plonger tête première dans le fameux trou noir,» expression que Jean Charest avait utilisée pour souligner son inquiétude quant à l'adoption de la ligne dure contre les Québécois. C'est ce que l'on appelle communément le plan B.

Je crois sincèrement que l'ancien chef du Parti progressiste-conservateur décrivait exactement la réalité que nous offre le projet de loi C-20. Si vous me permettez une analogie avec l'astronomie, l'étude des trous noirs débouche sur l'inconnu; on sait quand on y entre, mais on ne sait pas quand on en sort. On peut donc dire que le projet de loi sur la clarté référendaire est un trou noir politique qui menacerait la stabilité politique et sociale du Canada s'il devait être appliqué dans l'avenir.

J'ai posé, le 23 mars dernier, une question au leader du gouvernement au sujet de la légalité des bases constitutionnelles du projet de loi C-20, sans toutefois remettre en question le pouvoir de l'exécutif d'agir dans ce domaine. Malheureusement, le leader du gouvernement n'a jamais répondu clairement à cette question.

Honorables sénateurs, il est donc important que cette Chambre s'interroge plus profondément sur la légalité de l'action du ministre des Affaires intergouvernementales dans ce dossier. À cet égard, l'avis de la Cour suprême relatif à la sécession du Québec peut nous éclairer.

Il importe de mentionner que la cour a dû justifier son droit de se prononcer sur des questions très délicates puisque la Constitution est muette sur la notion de sécession d'une province. En ce sens, son avis repose sur l'utilisation de quatre principes sous-entendus dans la Constitution du Canada, à savoir: la démocratie, le constitutionnalisme, la primauté du droit et la protection des minorités.

Suite à ce jugement, plusieurs observateurs ont souligné le fait que la cour a pris un risque important en décidant «d'écrire» un nouveau chapitre de la Constitution, chapitre que ses rédacteurs ont préféré ne pas ouvrir en 1867 et en 1982 pour des raisons politiques évidentes. De plus, elle l'a fait d'une façon qui transfère une grande partie des pouvoirs, au sujet de la sécession du Québec, entre les mains du gouvernement fédéral.

D'ailleurs, Patrick Monahan, dans une étude récente de l'Institut C.D. Howe au sujet du projet de loi C-20, remettait en question la solidité des principes constitutionnels sur lesquels s'est basé le plus haut du tribunal du pays pour se prononcer sur une question aussi grave. M. Monahan affirmait, et je cite:

Si les tribunaux sont libres d'ajouter plusieurs nouvelles sections à la Constitution par le biais de conventions non écrites, ils disposent d'une autorisation illimitée pour la réécrire. Ils peuvent ainsi y inclure des dispositions entières même si, dans certains cas, les autorités politiques ont déterminé que ces questions ne devaient pas être constitutionnalisées, mais plutôt laissées entre les mains des acteurs politiques.

À plusieurs endroits dans l'avis, on sent que la cour hésite dans son analyse. Pour éviter de se prononcer trop clairement sur des questions hautement politiques, elle mentionne, au paragraphe 100 de son opinion, que son mandat se limite, et je cite:

[...] à identifier les aspects pertinents de la Constitution dans leur sens large.

En ce sens, l'autolimitation qu'elle pratique, la frontière qu'elle trace entre des questions qui relèvent de son rôle et celles qu'elle range dans les aspects politiques des négociations constitutionnelles me paraissent pleinement justifiées.

Au paragraphe 98 de l'avis, on mentionne que la cour tente seulement d'interpréter juridiquement une question politique. Au paragraphe 100, elle réitère cette position en mentionnant qu'il est de la responsabilité des acteurs politiques de déterminer ce que constitue une question et une majorité claires en fonction des circonstances du moment avant d'entreprendre des négociations.

Ils seraient les seuls à disposer de l'information et de l'expertise pour juger du moment où ces ambiguïtés seraient résolues, dans un sens ou dans l'autre, suivant les conditions dans lesquelles un futur référendum pourrait être tenu. Par contre, les juges ne définissent pas explicitement ce qu'ils entendent par «acteurs politiques». La seule référence faite à cette notion est au paragraphe 88, où l'on parle «de représentants démocratiquement élus, des participants à la Confédération».

En résumé, la cour mentionne qu'il y a une obligation réciproque de négocier si l'option sécessionniste obtient une majorité claire à une question claire. De plus, la sécession du Québec doit se faire par le biais d'un amendement constitutionnel prévu par la Loi constitutionnelle de 1982.

Nulle part dans l'avis le plus haut tribunal du pays n'impose-t-il au gouvernement fédéral d'adopter une loi pour mieux se positionner par rapport au gouvernement du Québec dans ce dossier.

(1610)

Comme le mentionnait si bien l'ex-juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer, dans une entrevue accordée au journal Le Devoir le 11 janvier dernier:

Il y a une distinction à faire entre un jugement et un renvoi. Le renvoi sur la sécession du Québec, comme tous les autres renvois, n'est qu'une opinion. Ni le Québec ni le restant du Canada n'est obligé de suivre notre opinion. S'il s'agissait d'un jugement, il serait exécutoire.

Tout comme moi, plusieurs commentateurs politiques, professeurs, politiciens et Canadiens se posent des questions quant à la légalité constitutionnelle de l'action du gouvernement fédéral. À cet égard, le préambule de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 peut nous être utile. Il stipule:

Il sera loisible à la Reine, de l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes, de faire les lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets exclusivement assignés aux législature des provinces [...]

Le 31 octobre 1995, au lendemain du référendum de 1995, l'actuel premier ministre du Canada affirmait, dans le cadre de l'émission The National, au réseau anglais de Radio-Canada, qu'il utiliserait le préambule de l'article 91 afin de déterminer la question du prochain référendum au Québec.

Honorables sénateurs, selon le professeur Peter Hogg, dans la troisième édition de Constitutionnal Law of Canada, le préambule est en quelque sorte le pouvoir résiduaire qui est souvent qualifié du «pouvoir général» du gouvernement du Canada. Cependant, son emploi fut encadré depuis 1867 par plusieurs décisions judiciaires du Conseil privé et par la Cour suprême du Canada.

Depuis 1867, il s'est développé trois théories au sujet de l'interprétation de ce préambule. Toujours selon le professeur Hogg, la première est celle des dimensions nationales; une des caractéristiques est que la matière en cause ne doit être rattachée à aucune compétence déjà présente dans l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui concerne les pouvoirs des provinces. Par contre, si le gouvernement fédéral est capable de soutenir que certaines actions d'une province démontrent qu'elle ne peut s'acquitter correctement de ses responsabilités dans un domaine précis, et que cela a un impact sur les autres provinces ou le pays tout entier, la compétence peut revenir au gouvernement central. Le professeur Hogg qualifie ce dernier point de «test de l'inhabileté provinciale».

La deuxième théorie est celle de l'urgence nationale. Le gouvernement fédéral peut l'invoquer dans les cas de conflits armés, d'insurrection sociale ou de périodes d'instabilité économique grave pour s'arroger temporairement des pouvoirs habituellement réservés aux provinces. Il s'agit d'un pouvoir restreint et limité à une période de temps.

Il reste enfin la théorie du pouvoir résiduaire. Comme le soulignent Guy Tremblay et Henri Brun dans la seconde édition du Droit constitutionnel, il y a peu d'interprétations judiciaires de cet aspect du préambule.

Ayant présenté ces trois théories d'interprétation du préambule, je constate que la constitutionnalité du projet de loi C-20 ne repose pas sur celle de l'urgence nationale et encore moins sur celle des dimensions nationales. Bien que la décision du Québec puisse affecter les autres provinces du Canada, il est plutôt dangereux d'affirmer que le Québec échouerait le test de l'inhabileté provinciale pour tenir son propre référendum. Pour en arriver à cette conclusion, j'ai considéré la transparence du processus électoral québécois, des dispositions strictes de la Loi québécoise sur les consultations populaires et la prérogative de l'Assemblée nationale sur la définition de la question et de la majorité requise. Les Québécois ont le droit de décider eux-mêmes de leur avenir. L'avis de la Cour suprême aux paragraphes 65, 66, 68 et 86 a reconnu la légalité de leur démarche référendaire.

Honorables sénateurs, il ne nous reste plus qu'à déterminer si le gouvernement fédéral peut agir en vertu de la théorie du pouvoir résiduaire. Après plusieurs lectures et journées de réflexion, il m'est difficile d'y répondre. J'aurais aimé être capable de vous offrir cette réponse. En comité, j'imagine que nous serons à même de l'examiner, d'y répondre par l'affirmative ou la négative. Pour l'instant, cette interprétation a été peu employée pour accepter la justification des pouvoirs fédéraux ou leur extension. Jamais un tribunal ne s'est prononcé sur le rôle d'Ottawa pour ce qui est de la sécession d'une province.

Le seul témoin qui a soulevé rapidement cette question pourtant importante lors des travaux du comité de l'autre endroit sur le projet C-20 fut Guy Lachapelle, professeur de sciences politiques à l'Université Concordia. Je n'ai absolument rien contre les professeurs de sciences politiques, mais ce ne sont pas des avocats. Ces gens comprennent les nuances du droit constitutionnel, mais ils sont moins ferrés à l'usage et à l'interprétation des nuances qu'impose la compréhension du droit constitutionnel. Guy Lachapelle affirmait, et je cite:

Il semble qu'il n'y ait pas de bases juridiques pour proposer ce genre de loi. Il n'y a ni convention portant sur les lois électorales qui relèveraient du Parlement fédéral, ni surtout, dans le cas qui nous intéresse, de conventions sur la définition des termes.

[...] Il n'y a pas de conventions ou de loi précise, à part l'article 91 qui pourrait toujours être utilisé, qui pourraient valider un exercice comme celui-là. Ce projet de loi est une atteinte, non seulement aux droits du Québec, mais aussi à ceux de l'ensemble des provinces canadiennes et des citoyens canadiens.

Je crois donc, honorables sénateurs, qu'il est important d'aborder à nouveau la définition d'acteurs politiques pour analyser la constitutionnalité du projet de loi C-20. Comme je le disais plus haut, la Cour suprême a affirmé dans son avis qu'il revenait aux acteurs politiques et non aux tribunaux de définir les modalités des négociations pour permettre la sécession du Québec. Au niveau fédéral, l'action politique ne se traduit pas toujours par des mesures législatives. Pourtant, le gouvernement a opté pour l'adoption d'une loi de sorte que la cour pourra être appelée formellement à intervenir dans le débat. Cette fois, elle pourra juger, décider et non seulement donner son opinion. Les tribunaux seront appelés formellement à intervenir dans le débat et à dire si le Parlement fédéral a ou non le droit d'agir dans cette matière.

Actuellement le projet de loi C-20 donne aux seuls députés de la Chambre des communes cette responsabilité de déterminer la clarté de la question et de la majorité avant d'engager des négociations avec le Québec. Cela pose des questions graves car les députés ne sont pas seulement des acteurs au sens de leur rôle au sein du Parlement et de l'exécutif, ils le sont également au niveau de leur circonscription électorale respective. Ils doivent représenter les intérêts de leur formation politique et également ceux de leurs électeurs.

Par contre, selon le projet de loi, il y a fort à parier qu'ils seront soumis aux pressions du Cabinet via la ligne de parti. Le dilemme est encore plus complexe en ce qui a trait aux députés québécois qui se prononceront sur ces sujets ou lorsqu'ils se présenteront à la table des négociations. Que feront-ils si les Québécois jugent qu'une question portant sur la souveraineté-association est claire ou qu'une majorité simple est suffisante pour engager des négociations avec le reste du Canada?

De plus, les provinces, en accord avec les principes du fédéralisme canadien énoncés par la Cour suprême, doivent également jouer un rôle important dans ce processus. Aux termes du projet de loi C-20, elles n'ont qu'un rôle accessoire, sans pouvoir imposer leur définition d'une question claire ou des litiges en jeu.

Cela m'amène à vous poser deux questions. Certaines provinces davantage touchées par la sécession du Québec prendraient-elles une direction différente que celle adoptée par la Chambre des communes pour s'assurer que les négociations soient possibles? L'exécutif fédéral peut-il s'accaparer le droit de déterminer seul la clarté de la question et de la majorité affirmative requise sur cette question?

Au Québec, le paragraphe 3 du préambule du projet de loi C-20 reconnaît à l'Assemblée nationale un droit de consulter sa population par référendum sur quelque sujet que ce soit et de décider du texte de la question référendaire. Par contre, l'article 1 diminue considérablement la portée de cette affirmation. La Chambre doit examiner et déterminer par résolution si la question est claire. De même, la question sera jugée invalide si elle contient l'option de la souveraineté- association ou une offre de partenariat politique et économique avec le reste du Canada. En conséquence, cette question doit porter exclusivement sur la sécession, sinon le gouvernement fédéral ne devra engager aucune négociation.

(1620)

Pourtant, un renvoi du Conseil privé en 1919 sur la constitutionnalité des référendums provinciaux au Manitoba, «The Initiative and Referendum Act», a reconnu le droit des provinces de tenir des référendums sur des questions qui concernent uniquement leur compétence, à condition qu'ils soient consultatifs. Cela inclut la détermination des modalités de consultation. Par contre, les résultats ne peuvent lier ni le Parlement fédéral ni les assemblées législatives provinciales.

Actuellement, la Loi sur les consultations populaires du Québec prévoit des référendums consultatifs. Selon Henri Brun et Guy Tremblay, le Québec a toujours tenu pour acquis que le régime constitutionnel canadien ne permettait que la tenue de ce type de référendums. Cette règle fut observée lors des référendums de 1980 et de 1995.

De plus, encore selon le professeur Henri Brun dans un avis juridique publié dans Le Devoir en janvier dernier, le titre du projet de loi C-20:

[...] suggère l'idée selon laquelle la Cour suprême du Canada a imposé au Parlement fédéral une exigence de clarté. En réalité, rien n'est moins vrai. C'est au contraire au Parlement du Québec qu'il appartiendra, le cas échéant, de donner effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême.

C'est pourquoi, honorables sénateurs, le projet de loi C-20, selon moi, contrevient au principe fédéral, voire à la notion de pouvoir résiduaire car la Chambre des communes, seul acteur politique dûment reconnu, pourrait imposer à la population québécoise et à l'Assemblée nationale sa définition de ce que constituent une question claire et une majorité claire. Le projet de loi C-20 dicte immédiatement la décision à prendre par la Chambre des communes, peu importe le type de question qui sera posée par l'Assemblée nationale du Québec.

En ce sens, les dispositions des articles 1 et 2 de cette loi sont éloquentes. Comme le disait l'ancien chef du Parti libéral du Québec, M. Claude Ryan, lors de son témoignage devant le comité de l'autre endroit qui examinait le projet de loi C-20, et je cite:

Si l'Assemblée nationale a le droit de consulter sa population sur un projet de sécession, elle doit pouvoir le faire à l'abri de toute contrainte et de toute ingérence en provenance d'un autre Parlement.

Un peu plus loin dans son témoignage, il ajoute:

Sous notre régime de gouvernement, chaque ordre de gouvernement est réputé souverain dans sa sphère. [...] Or, le pouvoir de jugement sur la clarté de la question qui serait attribuée au Parlement fédéral entraînerait une intrusion évidente de celui-ci dans une campagne référendaire en cours.

En ce sens, la population du Québec doit être considérée comme un «acteur politique» important dans ce processus.

En conclusion sur cette première partie de mon discours, il est prématuré pour moi de trancher sur la constitutionnalité de ce projet de loi. Il est clair que, vu l'absence d'urgence de légiférer sur cette question, le gouvernement fédéral aurait pu procéder autrement, sans lier la Chambre des communes, le Sénat, les provinces et l'Assemblée nationale aux dispositions contraignantes du projet de loi C-20.

Lors des référendums de 1980 et de 1995, le gouvernement fédéral avait déclaré que la question posée aux Québécois n'était pas claire, mais sans plus. Probablement qu'à l'époque, le gouvernement avait jugé plus sage de ne pas aller plus loin pour garder toutes les options ouvertes suite à une victoire possible de l'option souverainiste.

D'ailleurs, M. Claude Ryan, dans une étude publiée récemment par l'Institut C.D. Howe que j'ai déjà citée, affirmait:

La Constitution est silencieuse sur la question de la sécession d'une province appartenant à la fédération. La Cour suprême a conclu de cet état de droit, qu'il n'était pas de sa responsabilité d'imposer son jugement sur une question aussi délicate si l'on tient compte du fait qu'elle laisse cette question aux acteurs politiques. Plusieurs facteurs supportent cette affirmation. Il y a notamment le fait que plusieurs oublis constitutionnels veulent souvent dire que les rédacteurs, tout en ne voulant pas nier l'existence de certaines réalités, ont pensé qu'il était plus sage de pas les inclure explicitement, plutôt que de les intégrer dans le texte d'une façon insatisfaisante.

Est-ce que le projet de loi C-20 constitue la meilleure réponse à l'avis de la Cour suprême? Je ne le crois pas. Il est donc primordial que le Sénat et le comité qui sera chargé d'étudier le projet de loi C-20 s'interrogent sur la légalité et la légitimité de l'initiative fédérale sur le plan des lois fondamentales qui organisent la vie politique et sociale de notre pays. Je tiens à vous dire qu'au Canada, créer de faux espoirs chez la population canadienne, et plus particulièrement au Canada anglais, peut être très dangereux politiquement.

Honorables sénateurs, j'aborderai maintenant la présumée efficacité que confère le ministre des Affaires intergouvernementales à son projet de loi. Personnellement, je ne partage pas son optimisme. Comme on peut le constater à la lumière de la première partie de mon exposé, l'approche du gouvernement fédéral pour contrer la sécession du Québec semble reposer sur une approche constitutionnelle «pure». Elle ne tient pas compte des multiples facteurs sociaux et politiques qui pourraient la faire dérailler immédiatement après une victoire de l'option souverainiste.

Une lecture attentive de l'avis de la Cour suprême sur la sécession du Québec suffit à nous convaincre des limites du cadre juridique qu'Ottawa souhaite opposer à la démarche politique des Québécois.

Dans un premier temps, le plus haut tribunal reconnaît, au paragraphe 83, que «la sécession est autant un acte juridique que politique». Discutant de la question des intérêts économiques et politiques, du climat politique instable, des minorités et des frontières qui seraient au c9ur des négociations suite à une victoire souverainiste, la cour affirme ceci au paragraphe 97:

Dans ces circonstances, on ne peut douter que des négociations résultant d'un tel référendum seraient difficiles. Les négociateurs devraient envisager la possibilité d'une sécession, sans qu'il y ait toutefois de droit absolu à la sécession ni certitude qu'il sera réellement possible de parvenir à un accord conciliant tous les droits et toutes les obligations en jeu. Il est concevable que même des négociations menées en conformité avec les principes constitutionnels fondamentaux aboutissent à une impasse.

Enfin, après avoir établi et défini, au cours de 107 pages, que la sécession unilatérale du Québec était illégale en vertu du droit constitutionnel canadien et international, la cour en arrivait, au paragraphe 155, à une conclusion pour le moins surprenante, et je cite ce passage:

Même s'il n'existe pas de droit de sécession unilatérale en vertu de la Constitution et du droit international, [...] cela n'écarte pas la possibilité d'une déclaration [...] de facto.

D'ailleurs, les professeurs Peter Hogg, Henri Brun et Guy Tremblay abondent dans le même sens dans leurs ouvrages respectifs que j'ai précités. De tels propos qui, je vous le rappelle, émanent du plus haut tribunal du pays sont assez explicites pour remettre en cause, comme je l'affirmais plus tôt, le succès d'éventuelles démarches du gouvernement fédéral aux yeux de nombreux Canadiens.

On peut donc comprendre pourquoi le gouvernement fédéral n'a repris qu'une vingtaine de paragraphes de l'avis dans les pochettes de presse distribuées aux médias pour justifier sa démarche. On veut éviter de parler des vraies questions, et ce même s'il faut manquer de transparence et jouer avec l'avenir du Canada.

Honorables sénateurs, ce manque de transparence du gouvernement sur les conséquences réelles d'une telle initiative n'a rien de rassurant. Ainsi, il ne peut que contribuer à créer un faux sentiment de sécurité. Plusieurs Canadiens pourraient être tentés de croire que cette initiative empêche, à toutes fins utiles, la séparation du Québec.

En ce sens, les commentaires de Canadiens anglais tels que Roger Gibbins, de la Canada West Foundation, semblent être moins concluants sur l'impact véritable du projet de loi C-20. Lors de sa comparution devant le comité de l'autre endroit, M. Gibbins affirmait:

Il est fort possible que les Canadiens de l'Ouest croient que le projet de loi sur la clarté a une portée beaucoup plus grande qu'elle ne l'est en réalité. Je ne serais pas surpris, par exemple, qu'ils croient que le projet de loi définit la question qui pourra être posée aux Québécois et détermine le seuil requis pour qu'un vote du Québec déclenche une réaction de la part du gouvernement du Canada. Le projet de loi C-20 est loin, peut-être très loin de répondre aux attentes du public à cet égard.

(1630)

Toujours dans la même ligne de pensée, Gordon Gibson, de l'Institut Fraser, en Colombie-Brittanique, résumait son opinion sur le projet de loi C-20 que nous étudions présentement à ceci:

En termes plus précis, le projet de loi n'est pas nécessaire; à mon avis, il ne sera d'aucune utilité dans le monde réel.

Comme vous pouvez le constater, il n'y a pas seulement nous, de ce côté de la Chambre, qui affirmons que ce projet de loi est dangereux et inapplicable dans le vrai monde politique.

Honorables sénateurs, le projet crée des mythes dans l'esprit de plusieurs Canadiens. Je crois qu'il est important, et je profite du temps qui m'est alloué aujourd'hui, de rétablir les faits au sujet de certains aspects méconnus de ce projet de loi. Je m'attarderai plus particulièrement à la détermination du libellé de la question, de la clarté de la majorité de Québécois qui se prononceront en faveur de l'option souveraniste et à l'obligation de négocier qui incombe au gouvernement fédéral.

Commençons par le libellé de la question. À l'extérieur des considérations constitutionnelles et juridiques, à moins que les sondages ne démontrent une remontée de l'option de la souveraineté - ce qui n'est pas le cas actuellement - il est acquis, pour des raisons politiques, que le gouvernement de Lucien Bouchard ne posera jamais la question souhaitée par Ottawa. C'est compréhensible s'il veut espérer qu'une majorité d'électeurs se prononcent en faveur de son option. Comme je l'ai déjà mentionné, le projet de loi C-20 sera peu efficace pour imposer le libellé de la question aux parlementaires québécois.

Jamais la Cour suprême n'a suggéré que la question devait porter sur une option spécifique lorsqu'elle parlait d'une question claire. Une lecture attentive de l'avis de la Cour suprême démontre que non seulement la cour n'a pas défini ce qu'est une question claire, ni à quelle condition une question serait claire, mais qu'elle a expressément refusé de le faire. Aux paragraphes 84 et 87 de l'avis, on constate que la notion de question claire n'est employée que comme condition de légitimité d'un processus particulier de modification constitutionnelle. Comme le rappelle Andrée Lajoie, professeure de droit à l'Université de Montréal, dans une opinion juridique au sujet du projet de loi C-20, et je cite:

Ainsi, ne peuvent être incluses dans les exigences de clarté ni l'obligation de ne faire porter la question que sur la sécession ni celle de lui assurer un sens univoque pour tous. La cour a eu raison d'éviter ce piège: il n'existe pas, objectivement, de question univoquement claire.

La question peut porter sur la souveraineté-association ou le partenariat, et non pas seulement sur la sécession pure et dure du ministre des Affaires intergouvernementales. L'avis de la Cour suprême, à cet égard, n'impose aucune contrainte à l'Assemblée nationale pour déterminer le libellé de la question. Selon le professeur Lajoie, il appartiendra uniquement aux acteurs politiques du Québec et à la population québécoise de définir une question acceptable.

Par contre, le plus haut tribunal du pays va plus loin en affirmant que si les acteurs politiques du reste du Canada, notamment le Parlement fédéral, refusent de respecter la position collective des Québécois sur la clarté de la question, ils s'exposeraient au jugement de la communauté internationale quant à leur volonté de négocier de bonne foi, comme la cour l'a elle-même indiqué aux articles 152 et 154 de son avis.

Honorables sénateurs, contrairement aux règles contraignantes du projet de loi, une simple déclaration officielle du premier ministre du Canada sur la clarté de la question au cours de la campagne référendaire québécoise serait suffisante aux yeux de l'électorat québécois et canadien. Cela suffirait amplement pour qu'Ottawa exprime ses réserves face à la question. Tant Pierre Elliott Trudeau en 1980 que Jean Chrétien en 1995 avaient prévenu le gouvernement du Québec qu'ils ne s'engageraient pas à se ranger au verdict référendaire. Les deux avaient servi des avertissements avant le référendum, car ils n'étaient pas satisfaits de la clarté de la question. Cette option donnait l'avantage non négligeable selon lequel toutes les options restaient ouvertes advenant une victoire de l'option souverainiste.

Les dispositions du projet de loi C-20 quant à elles ne donnent pas cette flexibilité et pourraient mettre le Parlement fédéral et le reste du Canada dans une position intenable.

Malheureusement, honorables sénateurs, je crois fermement que les mêmes commentaires peuvent s'appliquer en ce qui concerne la majorité nécessaire pour que le gouvernement entreprenne des négociations avec le Québec. On peut déjà affirmer que si la question n'est pas jugée claire par les députés de l'autre endroit, il serait normal que si une majorité de Québécois se prononcent en faveur de la souveraineté, elle ne sera pas jugée claire.

Le paragraphe 2.(2) du projet de loi C-20 définit les facteurs que la Chambre des communes doit considérer pour déterminer si une majorité claire de Québécois se sont prononcés pour la sécession du Québec. Les députés devront prendre en considération les facteurs suivants: premièrement, l'importance de la majorité des voix validement exprimées en faveur de la proposition de sécession; deuxièmement, le pourcentage des électeurs admissibles ayant voté au référendum et, troisièmement, tout autre facteur ou circonstance qu'ils estiment pertinent. Pour une loi qui se targue de clarifier la position du gouvernement fédéral dans ce dossier, le gouvernement aurait pu se forcer!

Au cours des derniers mois, le premier ministre du Canada et son ministre des Affaires intergouvernementales ont indiqué à maintes reprises que la règle de la majorité simple n'était pas suffisante pour définir une majorité claire de Québécois en faveur de la sécession. Au mois de novembre 1999, le premier ministre aurait mentionné à certains de ses conseillers, selon un article du National Post, que 60 p. 100 serait un seuil minimal acceptable pour dire qu'une majorité claire de Québécois s'était prononcée en faveur de l'option souverainiste. Probablement que le premier ministre appuyait ses commentaires sur un sondage réalisé auprès de 5 000 Québécois pour le compte du Conseil privé du Canada, entre le 9 juin et le 2 août 1999. Ce dernier avait révélé que seulement 37 p. 100 des Québécois considéraient que la règle de la majorité simple devait s'appliquer lors du prochain référendum et que 60 p. 100 des répondants y étaient opposés. Cependant, 70 p. 100 des Québécois étaient en accord avec l'utilisation d'un seuil majoritaire de 60 p. 100, comparativement à 27 p. 100 qui étaient contre cette idée.

Avec des résultats aussi encourageants, il serait important de déterminer les motifs qui ont poussé le gouvernement fédéral à ne pas aller au bout de la logique de la loi sur la clarté. À mon avis, pour éviter la création de faux espoirs, Ottawa aurait dû inclure un pourcentage qui aurait défini une fois pour toutes ce que constitue une majorité claire aux yeux du premier ministre et du ministre des Affaires intergouvernementales.

Cet oubli ne sèmerait-il pas la confusion chez les Québécois, compte tenu du fait que tous les partis politiques du Québec et la plupart des acteurs sociaux de la province sont en accord avec la règle de la majorité simple?

Honorables sénateurs, la Cour suprême s'est exprimée à de nombres reprises sur la nature du résultat référendaire. Or, elle ne s'éloigne en aucun cas de l'expression «majorité claire». La seule fois où elle le fait, au paragraphe 87, est justement pour prévenir les électeurs qu'ils auraient tort d'attribuer à cette expression une signification autre que celle que lui confère le sens ordinaire des mots. La cour précise alors qu'elle parle de majorité claire au sens qualificatif, sans toutefois aller plus loin. D'ailleurs, Henri Brun, dans un avis juridique au sujet de l'interprétation du sens d'une majorité claire, laisse entendre que c'est le plus grand nombre et rien d'autre. Selon lui, et je cite:

La majorité dont parle la Cour suprême à titre de déclencheur de l'obligation de négocier est la majorité de 50 p. 100 des votes qu'obtiendrait l'option souverainiste à l'occasion d'un référendum et non pas l'évaluation approximative de l'existence d'un appui majoritaire à la souveraineté.

En 1978, le gouvernement travailliste du Royaume-Uni présentait un projet de création d'une assemblée législative en Écosse. Le gouvernement britannique décida qu'il devait être adopté par voie référendaire par les Écossais. Il avait reconnu qu'une majorité simple serait acceptable pour déterminer le résultat du vote. Toutefois, pour que le Parlement soit créé, la proportion des votes en faveur du OUI devait atteindre au minimum 40 p. 100 des électeurs inscrits. En 1997, le livre blanc du Parlement britannique, qui devait à nouveau mener à la création d'un parlement dans cette région et à la dévolution de pouvoirs, prévoyait que la règle de la majorité simple s'appliquerait pour déterminer l'issue du référendum.

De plus, comme le rappelait Gordon Gibson lors de son témoignage, et je cite:

Je maintiens que si une question référendaire est imprégnée un tant soit peu de souveraineté et qu'elle obtient 50 p. 100 plus un des voix, nous nous retrouvons en terrain absolument inconnu. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura une perte de contrôle considérable à partir de là. Dès que cette barre est atteinte, il y a forcément négociations, qu'on le veuille ou non.

(1640)

On peut donc affirmer que le chiffre de 50 p. 100 plus un possède un certain pouvoir magique et une légitimité démocratique qui fait défaut à d'autres seuils. Il est difficile, par exemple, de trouver des précédents pour des seuils de majorité de 60, 65 ou 70 p. 100, et quand il y en a, l'expérience nous démontre souvent que ce n'est pas une loi qui a empêché un peuple de proclamer son indépendance.

En 1990, le Kremlin, alors durement ébranlé par l'agitation populaire dans les trois républiques baltes, a adopté une loi semblable au projet de loi C-20 pour bloquer la sécession de ces trois régions. Elle prévoyait, notamment, un seuil de 50 p. 100 plus un vote pour que Moscou engage des négociations avec les nouveaux États. À l'époque, M. Gorbatchev, alors président de l'Union soviétique, avait modifié la loi pour que ce seuil soit élevé à une majorité des deux tiers des voix exprimées.

Dix ans plus tard, il est important de constater que cette loi aura eu peu d'impact sur le processus d'accession à la souveraineté de ces trois républiques. En tout cas, elle n'a pas empêché leur sécession!

Le gouvernement doit donc reconnaître qu'une majorité claire, c'est 50 p. 100 plus un vote et rien d'autre, si l'on veut éviter de plonger le Canada dans une impasse. Comme le disait si bien l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau au sujet de la règle de la majorité simple:

La démocratie prouve vraiment sa foi dans l'homme en se laissant ainsi guider par la règle du 51 p. 100. Car si tous les hommes sont égaux, et si chacun est le siège d'une dignité suréminente, il suit inévitablement que le bonheur de 51 personnes est plus important que celui de 49. Il est donc normal que ce ceteris paribus, et compte tenu des droits inviolables de la minorité, les décisions prises par les 51 l'emportent.

Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant aborder brièvement la question du taux de participation requis pour déterminer si la majorité de Québécois qui se prononceront en faveur le souveraineté est claire. Le ministre des Affaires intergouvernementales devrait également nous indiquer si les taux de participation rapportés par le directeur général des élections du Québec, de l'ordre de 95 p. 100 des électeurs admissibles au vote lors du référendum de 1995 85,6 p. 100 lors du référendum de 1980 et 82,7 p. 100 lors du référendum de 1992 sur l'Entente de Charlottetown, constituent des taux de participation clairs aux yeux du gouvernement fédéral. Il est très rare de voir un taux de participation aussi élevé lors d'une élection ou d'un référendum.

En comparaison, selon la revue Options politiques de l'Institut de recherche en politique publiée le 9 novembre 1999, le taux de participation lors des élections fédérales était de 75 p. 100 en 1984 de 75,3 p. 100 en 1988 de 69,6 p. 100 en 1993 et de 67 p. 100 en 1997. À partir de là, il serait donc intéressant de voir ce que ferait le gouvernement fédéral si, dans une proportion de 55 p. 100, les électeurs du Québec se prononceraient en faveur de la souveraineté du Québec, avec un taux de participation populaire de 90 p. 100?

En ce sens, j'aimerais porter à votre attention l'absence d'une liste complète de critères objectifs en plus du seuil de majorité et du taux de participation pour déterminer la clarté de la majorité qui se sera prononcée pour la souveraineté. Il est évident que si ce genre de scénario se produit, l'émotivité, l'indignation et la colère guideront les travaux des députés fédéraux dans leur analyse. L'impartialité et la raison ne triompheront certainement pas dans ce processus même si le projet de loi C-20 prétend le contraire. Tout comme dans le cas de la clarté de la question, il est décevant que les provinces et le Sénat n'aient pas un rôle plus important à jouer dans ce processus.

Honorables sénateurs, cette analyse m'amène à conclure cette partie de mon discours en affirmant que les dispositions à la fois contraignantes et obscures du projet de loi C-20 au sujet de la clarté de la question et de la majorité auront un impact sur l'obligation de négocier définie par l'avis de la Cour suprême.

C'est ainsi que le projet de loi C-20 a pour résultat que le gouvernement fédéral, pour des raisons purement politiques, semble vouloir renoncer à négocier avec le Québec, comme il l'avait affirmé lors des référendums de 1980 et de 1995. Officiellement, Ottawa semble reconnaître les prérogatives de l'Assemblée nationale. Or, dans la pratique, il souhaite imposer son option politique par le biais d'un projet de loi et ce, peu importe ce que les Québécois décideront. Ainsi, par le projet de loi C-20, le gouvernement fédéral réduit considérablement les possibilités où il devrait négocier les termes de la sécession du Québec et facilite ainsi une déclaration unilatérale de souveraineté. Par conséquent, en se liant les mains volontairement, Ottawa compromet la stabilité politique et sociale du reste du Canada s'il refuse de négocier de bonne foi les termes de la sécession avec le Québec.

Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que les gouvernements ont pour mandat d'assurer la sécurité et la prospérité de leurs citoyens, et non de les manipuler pour servir des intérêts partisans par des procédés machiavéliques comme le projet de loi C-20. Le ministre des Affaires intergouvernementales s'en tient uniquement à des modèles théoriques peu concluants et dénués de tout lien avec la réalité pour défendre le projet de loi C-20. Pourtant, de par son expérience universitaire, il devrait être conscient que peu de déclarations de sécessions ont suivi un tel modèle au cours des 100 dernières années. Pensons à la Révolution américaine de 1776, à la période de décolonisation qui s'ést échelonnée de 1948 à 1970, à l'éclatement de la Yougoslavie et de l'ex-Union soviétique.

Les souverainistes québécois ont toujours affirmé qu'ils étaient prêts à négocier avec le gouvernement fédéral les termes de la sécession du Québec. D'ailleurs, à la fin de novembre 1999, le premier ministre Bouchard déclarait que, et je cite:

Si c'est la position du gouvernement fédéral, après un vote pour le OUI, les portes seront grandes ouvertes pour une déclaration unilatérale d'indépendance avec l'autorité du jugement de la Cour suprême.

Honorables sénateurs, avec ce que je viens de dire, si j'étais un Ontarien, un Albertain ou un Néo-Brunswickois, je m'inquièterais grandement du fait que cette loi, en plus d'être inefficace, ne prévoit aucun plan d'urgence pour le reste du Canada face à un tel geste de la part du Québec.

Selon Alan C. Cairns, professeur réputé de droit constitutionnel de l'Université de la Saskatchewan, la Cour suprême aurait discuté de cette question plutôt que de se concentrer uniquement sur le Québec. Selon lui:

Un nouveau Canada va émerger des ruines de l'ancien comme un État distinct avec pratiquement aucune préparation, tant du côté des gouvernements que de la population, pour assumer ce nouveau statut.

La désorganisation politique et sociale qui résulterait d'une déclaration unilatérale d'indépendance du Québec pourrait être extrêmement grave pour la sécurité des Québécois et des Canadiens. De plus, elle affaiblirait grandement le pouvoir de négociation du gouvernement fédéral et sa réputation sur la scène internationale. La population doit être consciente de cette réalité.

Honorables sénateurs, en guise de conclusion, je crois que le caractère d'urgence manquait au gouvernement pour le justifier de déposer en catastrophe un projet de loi aussi incomplet, peu réaliste et probablement anticonstitutionnel que celui-ci. Selon les informations du gouvernement, il pourrait y avoir à tout instant un référendum sur la souveraineté. Pourtant, des signaux en provenance du Québec semblent plutôt démontrer le contraire.

En visite en France, Lucien Bouchard affirmait la semaine dernière que la recherche de conditions gagnantes pour déclencher une consultation populaire était bel et bien terminée. Tandis que les politiciens québécois discutent chacun dans leur coin de fédéralisme et de souveraineté, un nouveau sondage réalisé par la firme Léger et Léger pour la Société Radio-Canada indique que le débat constitutionnel intéresse très peu de Québécois. Environ 55 p. 100 d'entre eux jugent que la souveraineté est une idée dépassée, tandis que 41,5 p. 100 appuient le projet. Soixante et onze pour cent des Québécois en ont assez des chicanes constitutionnelles. Ils veulent passer à autre chose, comme le disait si bien notre collègue, le sénateur Bacon, cette semaine. Comme le disait récemment Alain Dubuc, éditorialiste en chef du journal La Presse:

Les Québécois, tant fédéralistes que souverainistes, ont connu trop d'échecs, en alternant entre des défaites référendaires ou des réformes avortées du fédéralisme canadien. Ce débat national a amené les Québécois à gaspiller leur énergie créatrice dans des batailles devenues stériles, à subordonner les besoins réels et les priorités du Québec aux seuls intérêts de deux options qui s'affrontent.

Pour toutes les raisons que j'ai invoquées au cours de mon exposé, je vous invite donc à rejeter le projet de loi C-20. Il ne respecte pas la tradition démocratique du Québec et du Canada. Il est contraire à l'esprit de nos pères fondateurs et va à l'encontre des principes constitutionnels qui ont établi la réputation de tolérance et de respect de la liberté d'expression de notre pays au niveau international. Je crois fermement que nous n'avions pas besoin d'un projet de loi bâclé qui divise davantage la population pour des considérations purement électoralistes.

En ce début de millénaire, le ministre des Affaires intergouvernementales aurait pu faire preuve d'optimisme face à l'avenir de la fédération canadienne. Il ne l'a pas fait.

(1650)

Honorables sénateurs, il ne nous reste plus qu'à nous en remettre à l'histoire pour juger si cette initiative aura du succès dans l'avenir. Je n'y crois pas.

Pour avoir travaillé avec certains d'entre vous, dont le sénateur Joyal, pendant le référendum de 1995, imaginez-vous un instant que le sénateur Joyal et moi, tous les matins, à 7 heures, nous nous réunissions. Nous avons essayé de garder le Canada uni. Imaginez-vous un bon matin la nouvelle que nous avons pour nous aider: de bonne foi, la Chambre des communes a décidé que la question référendaire n'était pas claire. Demandez-nous si cette décision faciliterait notre travail pour s'assurer que le Canada reste uni. Elle ne nous aiderait pas. Pensez-vous que les Québécois accepteraient de se faire dire par la Chambre des communes: «Votre question n'est pas claire et on n'ira pas plus loin, on ne s'occupera pas de vous»? Cela ne fonctionne pas ainsi dans le monde réel. Il faudra se réveiller à un moment donné et dire à Stéphane Dion que ce n'est pas la réalité politique du Québec.

(Sur la motion du sénateur Hays, au nom du sénateur Hervieux-Payette, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Raymond J. Perrault propose: Que le projet de loi S-11, Loi modifiant le Code criminel afin d'interdire la coercition contre une personne à l'égard des actes médicaux qui sont contraires à sa religion ou à sa croyance au caractère inviolable de la vie humaine.

- Honorables sénateurs, le projet de loi vise à protéger le droit des professionnels de la santé et d'autres de refuser, sans crainte de représailles ou d'autres mesures coercitives et discriminatoires, de participer à des actes médicaux qui sont contraires aux préceptes de leur religion ou à leur croyance au caractère inviolable de la vie humaine.

Un ancien sénateur que nous sommes nombreux à connaître, le sénateur Stanley Haidasz, s'est efforcé pendant un certain temps de faire approuver par le Parlement ses propositions visant à renforcer et protéger les droits de la personne. Cette cause a le soutien de membres de divers partis au Canada, et les organisations qui militent pour les libertés civiles s'en préoccupent. Chose certaine, les défenseurs des libertés civiles en Colombie-Britannique ont manifesté de l'intérêt pour cette apparente lacune dans les droits de la personne.

Avant de quitter le Sénat, l'honorable sénateur Haidasz a exprimé le souhait que quelqu'un poursuive son oeuvre ici. Il a conçu les éléments essentiels du projet de loi avant son départ à la retraite, il y a deux ans. Des sénateurs d'allégeances diverses ont alors approuvé le principe du projet de loi. Pour différentes raisons, dont la retraite de son parrain, nous avons perdu de vue le projet de loi.

Le sénateur Haidasz a signalé pendant le débat de deuxième lecture qu'il avait reçu au fil des ans un grand nombre de lettres et de messages, dont plus de 8 000 pétitions de professionnels de la santé. Il y avait notamment des messages de médecins exprimant leur angoisse lorsqu'ils ne pouvaient pas, par des craintes de représailles, prendre en toute liberté une décision éthique concernant le risque pour la vie. Lorsqu'ils s'efforcent de sauver des vies, de traiter des maladies et d'atténuer des souffrances sans nécessairement les éliminer, ils craignent aussi des représailles parce qu'ils essaient d'éviter des risques mortels.

Un grand nombre de ces mêmes médecins et infirmières reconnaissent qu'il est presque impossible de prouver qu'il y a intention de réprimer leurs convictions au sujet de la vie humaine. Néanmoins, tous les pétitionnaires ont dit qu'ils seraient soulagés qu'une loi fédérale réponde à leurs préoccupations.

On a tenté d'obtenu un recours fédéral pendant des années parce que la question de la liberté de conscience et de religion relève pleinement de notre pouvoir de droit pénal au Parlement.

Le regretté et vénérable juge Walter Tarnopolsky, un éminent juge de la Cour d'appel de l'Ontario et professeur de droit d'Osgoode Hall, a écrit il y a 20 ans une étude fondamentale, qui n'a pas été publiée, intitulée: «La liberté de religion au Canada: Les fondements juridiques et constitutionnels». Cet ouvrage et la Déclaration canadienne des droits ont été régulièrement cités par les autorités judiciaires et d'autres personnes s'intéressant aux grandes questions des droits religieux et de la liberté de conscience, même après l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et des libertés, qui est survenue quelques années après la proposition de déclaration canadienne des droits.

Ainsi que l'a savamment montré le juge Tarnopolsky dans cette étude spéciale, le fait est que le pouvoir de protection de ces droits inhérents, qui figurent maintenant dans la Charte, ne réside pas ailleurs. Il ne réside pas dans les provinces, sauf à titre de pouvoir d'application.

On peut se demander pourquoi il a fallu autant de temps pour attirer l'attention du public sur cette très importante question liée aux droits de la personne. La protection législative des travailleurs de la santé existe déjà dans bien des États, y compris 45 des 50 États américains, mais, fait incroyable, elle n'existe pas encore au Canada, pas plus au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Pour bien des Canadiens, c'est une situation tragique parce que le besoin est grand. Il y a eu des violations claires des droits humains et des droits du travail du personnel infirmier au Canada. Nombre d'infirmières n'ont pu obtenir un emploi ou une promotion parce qu'elles ont refusé de participer, par exemple, à des avortements. D'autres, craignant de perdre leur emploi, voire de compromettre leur carrière, ont fait une entorse à leurs principes pour garder leur emploi.

Cela est source de bien des souffrances psychologiques parce que ces infirmières ont choisi leur profession pour soigner les autres, mais elles se voient forcées d'infliger à autrui ce qu'en leur âme et conscience elles croient être mal. Nombre d'infirmières ont été déchirées par ce dilemme. Par exemple, il y a deux ans, ma femme et moi faisions une tournée dans un secteur des basse terres continentales de la Colombie-Britannique. Nous avons été accueillis par une femme qui était clairement affolée. Elle a dit: «Je suis infirmière depuis 16 ans à notre hôpital local et je ne puis plus, en mon âme et conscience, prendre part à des opérations que je considère comme contraires à la morale, et j'ai dû quitter mon emploi. Je suis maintenant au chômage.»

La situation à laquelle sont confrontées de nombreuses infirmières est bien décrite par Nurses for Life. Cette organisation croit qu'au moins cinq facteurs doivent entrer en ligne de compte lorsque l'on examine le dilemme dans lequel se retrouvent beaucoup d'infirmières.

Premièrement, on prétend souvent que l'avortement est une question strictement privée entre la femme enceinte et son médecin, mais Nurses for Life affirme avec conviction que ce n'est jamais le cas. Les médecins ne travaillent pas sans infirmières, qui doivent jouer un rôle actif à toutes les étapes d'un avortement. Le problème c'est que les médecins sont libres d'accepter ou de refuser de pratiquer des avortements et que les femmes enceinte sont libres de subir ou de ne pas subir un avortement, tandis que les infirmières ne sont pas libres de décider si elles participeront à un avortement. Elles soutiennent que leurs services sont tenus pour acquis.

Deuxièmement, contrairement aux médecins, les infirmières sont des employées de l'hôpital où elles travaillent. Leur emploi et leur revenu dépendent donc bien plus que ceux des médecins de leur volonté de demeurer dans les bonnes grâces des administrateurs de l'hôpital.

(1700)

Troisièmement, même dans les rares cas où les employeurs des infirmières sont disposés à prendre des arrangements pour respecter leurs valeurs morales, les infirmières partisanes du «respect de la vie» peuvent être pointées du doigt comme étant des non-conformistes qui n'ont pas l'esprit d'équipe. Cela nuit beaucoup à leurs chances de promotion.

Quatrièmement, les infirmières soutiennent que, comme les médecins, elles se spécialisent souvent dans des domaines comme l'obstétrique et la gynécologie, ce qui exige des connaissances, une expérience, des aptitudes et des intérêts particuliers. Même lorsqu'un hôpital offre des arrangements aux objecteurs de conscience, ces arrangements consistent souvent à transférer les infirmières dans d'autres départements que ceux où elles ont leur spécialité, en dépit du fait que les avortements ne constituent qu'une petite fraction des cas de ces départements. Les infirmières sont forcées de seconder les médecins dans les avortements ou de renoncer à la spécialisation qu'elles ont travaillé dur pour acquérir et qui est devenue une caractéristique de leur identité professionnelle. À l'opposé, il n'a jamais été suggéré que les médecins canadiens spécialisés en obstétrique et en gynécologie qui refusent de pratiquer des avortements renoncent à leur spécialité.

Le cinquième point sur la liste des infirmières est le suivant. Il devient de plus en plus difficile pour certaines infirmières de choisir un secteur de pratique où elle peuvent éviter d'avoir à participer à des avortements puisque cet acte médical est souvent pratiqué dans des services autres que ceux de l'obstétrique et de la gynécologie. Il ne s'agit pas du tout ici d'un débat pro-vie ou pro-choix. C'est une question de droits de la personne. Mon intervention n'a rien à voir avec l'autre question.

Des centaines d'infirmières d'un bout à l'autre du pays sont frustrées parce qu'on les a injustement forcées d'une manière ou d'une autre à faire quelque chose qu'elles ne voulaient pas faire. Dans la plupart des cas, leurs histoires n'ont jamais été portées à l'attention du public; certaines l'ont été évidemment.

Un exemple notable est le traitement qu'auraient subi certaines infirmières à l'hôpital de Markham-Stouffville, dans la région de Toronto, en Ontario. Huit infirmières ont été congédiées de l'hôpital en 1994 parce qu'elles ne voulaient pas participer à des avortements. Elles ont porté plainte devant la Commission ontarienne des droits de la personne. Elles ont attendu cinq longues années pour avoir une audience, période durant laquelle une des infirmières est décédée. Au dernier moment, juste avant l'audience, qui devait avoir lieu cette année, l'hôpital a accepté de régler l'affaire. En plus de verser une indemnisation monétaire, l'hôpital a accepté de rédiger un énoncé de politique ferme pour protéger la liberté de conscience des infirmières qui sont encore à l'hôpital et leurs droits en tant que travailleuses.

Honorables sénateurs, je maintiens que ce projet de loi offre une solution adéquate aux nombreuses personnes qui se trouvent devant un dilemme qui ne devrait pas les empêcher de prodiguer des soins, ce qui, pour certaines d'entre elles, est même une vocation spirituelle.

La situation à laquelle beaucoup d'infirmières doivent faire face dans leur milieu de travail est clairement inacceptable. Elle viole leurs droits en tant qu'êtres humains. Il existe bien des arguments qui montrent que les infirmières devraient être protégées par la loi.

Premièrement, l'alinéa 2a) de la Charte des droits et libertés garantit la liberté de conscience et de religion.

Deuxièmement, ces libertés sont également mentionnées dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et dans les lois provinciales sur les droits de la personne.

Troisièmement, la jurisprudence, tant dans les causes liées à la charte que dans celles liées à la législation sur les droits de la personne, appuie massivement la protection de la liberté de conscience et de religion au Canada. La nature des diverses causes et des divers arrêts laisse supposer que, si chaque infirmière injustement congédiée déposait une plainte officielle contre son ancien employeur, c'est probablement l'employeur qui perdrait dans tous les cas.

Quatrièmement, le code de déontologie de l'Association médicale canadienne reconnaît clairement le principe selon lequel les travailleurs de la santé possèdent des droits de conscience. Le code stipule que les médecins doivent informer leurs patients lorsque leur morale personnelle influe sur la recommandation d'une pratique médicale quelconque dont un patient a besoin ou qu'il demande. Le libellé suggère clairement que, même si les médecins doivent informer les patients de leurs convictions personnelles, ils ne sont pas obligés d'y renoncer pour autant. Dans le cas des avortements, par exemple, les médecins ne sont pas obligés d'en pratiquer ni même de référer leurs clientes à des médecins qui pratiquement l'avortement.

Cinquièmement, certains établissements médicaux ont reconnu que les infirmières possèdent des droits de conscience. J'ai déjà parlé de l'hôpital Markham-Stouffville, qui offre le plus récent exemple d'établissement hospitalier à avoir adopté et à appliquer un énoncé de principe pour protéger le personnel infirmier.

Selon l'article le plus important de cet énoncé, toutes les infirmières qui refusent, pour des motifs religieux, de pratiquer ou de participer à une interruption de grossesse durant le premier trimestre d'une grossesse en sont exemptées. Les articles suivants reprennent cet énoncé à l'égard des avortements effectués durant les deuxième et troisième trimestres d'une grossesse. La seule exception à la règle concerne les grossesses où la vie de la mère est en danger.

Pourtant, honorables sénateurs, malgré les énoncés clairs de la Charte, de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de l'Association médicale canadienne et de l'énoncé de principe adopté par certains hôpitaux, les droits des infirmières continuent d'être violés. Pourquoi? Pourquoi ces mesures législatives et ces énoncés de principe ne suffisent-ils pas?

Dans un discours qu'il livrait récemment à l'autre endroit au sujet du projet de loi C-207, le député Maurice Vellacott a fait une contribution intéressante et excellente au dialogue. Il déclarait:

Commençons par la Charte. Elle ne peut protéger les infirmières de toute coercition en milieu de travail, car elle n'a pas été conçue à cette fin. On peut invoquer la Charte uniquement pour contester des lois qui vont à l'encontre des droits établis en vertu de la Charte. Puisque aucune loi provinciale ou fédérale ne régit les violations des droits des infirmières qui présentent des objections de conscience, il est impossible de protester en vertu de la Charte. Celle-ci ne peut donc pas aider les infirmières dans la situation actuelle.

Si la Charte ne peut guère leur être utile, qu'en est-il des lois et commissions sur les droits de la personne? Malheureusement, elles sont aussi insuffisantes. Les commissions des droits de la personne essaient de redresser les injustices après le fait, habituellement des années après le fait. Elles ne peuvent absolument pas prévenir les mises à pied. De plus, elles ne s'attaquent qu'aux abus qui sont signalés par des gens qui ont un sens de l'initiative peu ordinaire, connaissent parfaitement leurs droits et tiennent mordicus à ce qu'une justice soit rendue en leur faveur. Par conséquent, les cas d'injustice non signalés sont légion. En règle générale, les Commissions des droits de la personne sont lentes et peu proactives, ce qui les rend inaptes à fournir aux infirmières la protection immédiate nécessaire pour garantir leur maintien en poste.

Enfin, les infirmières nous ont demandé de prendre en compte l'efficacité des énoncés de principe des hôpitaux. Le problème à cet égard, c'est que peu d'hôpitaux disposent de telles déclarations. J'ai parlé en bien du cas de l'hôpital de Markham-Stouffville. Mais il faut savoir que cet hôpital n'a adopté cette ligne de conduite que quelque temps avant de comparaître devant la Commission ontarienne des droits de la personne. Il a finalement fait ce qu'il convenait de faire, mais vraiment à contrecoeur. Si aucune pression n'avait été exercée, cela ne se serait jamais fait. D'où la pertinence d'une loi qui reconnaisse explicitement la liberté de conscience des professionnels de la santé.

La mesure proposée ici a peut-être une portée restreinte, mais elle pourrait à tout le moins offrir un certain soulagement quant aux menaces auxquelles les infirmières font face de nos jours.

La liberté de conscience et de religion serait protégée en vertu du droit criminel au Canada. La doctrine établie selon laquelle le droit fédéral constitue le principal rempart de protection de la liberté de religion et de conscience n'est pas contestée et conserve tout son crédit.

La common law reconnaît depuis longtemps la liberté de parole, souvent apparentée à la liberté d'expression religieuse. Ce n'est qu'une des raisons historiques pour lesquelles la juridiction fédérale constitue le premier ressort de défense des droits inhérents, dont l'importance est tellement cruciale dans une société libre, juste et démocratique.

Nous disposons déjà du Code criminel, en vertu duquel on ne peut faire obstacle à la tenue d'une réunion religieuse. Nous avons également la Loi sur les droits de la personne, qui interdit la discrimination fondée sur la religion ou la croyance. Conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, ces dispositions sont assujetties à des «limites qui soient raisonnables» lorsque cela est nécessaire à la protection «de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui». Ces mots proviennent d'un document international.

Les constitutionnalistes utilisent l'expression «limites raisonnables» pour signifier que le droit à la liberté religieuse n'est pas absolu. Mais le fait de croire que la vie d'un patient est sacrée peut difficilement constituer une menace à la santé, à la morale ou à l'ordre public. Quoi qu'il en soit, lorsque des mesures coercitives menacent la liberté de vivre selon cette conviction, il devrait exister une loi offrant une protection conforme à la justice fondamentale.

Dans les recueils de jurisprudence canadienne, lorsqu'il est question de la liberté de conscience et de religion, on mentionne souvent l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976. Les trois premiers paragraphes de l'article 18 valent la peine qu'on les rapporte:

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.

2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.

3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.

(1710)

Honorables sénateurs, c'est pour les raisons de justice fondamentale décrites dans le dernier paragraphe de l'article 18 qu'un technicien de salle d'urgence peut être forcé de participer à une transfusion sanguine, même s'il est devenu témoin de Jéhovah. Dans les circonstances, pareille limite de sa liberté religieuse est réputée raisonnable. Par ailleurs, en tant que patient, un témoin de Jéhovah conscient et sain d'esprit ne peut pas être obligé de subir une transfusion sanguine. C'est le refus de poser des actes pour risquer la vie de quelqu'un, et non pas des actes pour sauver la vie de quelqu'un, qui est soutenu par le pouvoir de la mesure législative proposée.

La liberté de conscience et la liberté d'expression sont au coeur même de la Confédération canadienne. La liberté de culte des divers groupes religieux est une pierre de touche au Canada, par écrit, dans le Code criminel et dans ce qu'on peut appeler les droits innés ou inhérents, depuis le début de la Confédération et même avant - le débarquement et la fondation de diverses communautés religieuses à Terre-Neuve à l'époque de Cabot.

Étant donné que la médecine, à la fois science et pratique, est allée au-delà de ce que prescrit le respect de la vie humaine, il y a tout lieu de renforcer le droit fondamental imposé par la conscience. Nous devons mettre en place des mesures pour combattre les graves atteintes à la liberté individuelle et, en définitive, à la vie des patients. Pour cela, il nous faut une loi qui soit plus complète que ce projet de loi ou que le projet de loi qui a été présenté à l'autre endroit.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer le projet de loi S-11. Non seulement il aidera des milliers de membres de la profession infirmière, mais il permettra de faire avancer la cause des droits de la personne, qui nous tient tous à coeur. J'espère que les honorables sénateurs appuieront le renvoi de cette mesure législative au comité parlementaire compétent, qui pourra entendre le point de vue des défenseurs et des opposants et déterminer si la situation actuelle constitue ou non une violation des droits de la personne.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

Le Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Watt, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (peines consécutives).-(L'honorable sénateur Taylor).

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, mardi dernier, au cours de ses remarques...

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je désire informer le Sénat que si le sénateur Cools prend la parole...

Le sénateur Cools: Non, honorables sénateurs. Il s'agit d'un rappel au Règlement. Je demande au Sénat la permission de reporter le débat.

Son Honneur le Président pro tempore: Que demandez-vous au Sénat, honorable sénateur Cools?

Le sénateur Cools: J'étais sur le point de dire, honorables sénateurs, que je voulais invoquer le Règlement au sujet de certaines remarques que le sénateur John Bryden avait faites, mais le sénateur n'est pas ici aujourd'hui. J'aimerais donc faire savoir au Sénat que j'ai l'intention d'invoquer le Règlement quand il sera présent.

Son Honneur le Président pro tempore: L'article reste donc inscrit au nom de l'honorable sénateur Taylor.

(Le débat est reporté.)

Projet de loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales

Deuxième lecture-Report du débat

L'ordre du jour appelle:

Deuxième lecture du projet de loi C-473, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, cet article est inscrit à mon nom. Cependant, il n'est inscrit à mon nom que parce que j'étais leader adjoint suppléant ce jour-là. Le véritable parrain du projet de loi est le sénateur Rompkey. J'aimerais donc que l'article soit inscrit à son nom.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le débat est reporté.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du huitième rapport du comité

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p. (Saint-Louis-de-Kent), tendant à l'adoption du huitième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (accès aux personnes handicapées), présenté au Sénat le 10 avril 2000.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui pour parler du huitième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, portant sur les problèmes d'accessibilité au Sénat du Canada.

Honorables sénateurs, le mérite de cette initiative revient au sénateur Brenda Robertson. J'ai été ravie de travailler avec elle et avec les membres du personnel du Sénat, mais personne ne devrait oublier que ce travail a été effectué sous la direction du sénateur Robertson.

Je sais que beaucoup d'entre vous ont observé avec intérêt et avec une certaine curiosité le nouveau service fourni à notre collègue, le sénateur Gauthier, qui, comme vous le savez, est malentendant. Malgré nos efforts pour lui fournir un service audio amélioré et perfectionné, nous avons échoué. Grâce au nouveau service, un de nos sténographes produit une transcription immédiate des débats que le sénateur Gauthier peut lire, ce qui lui permet donc d'avoir entièrement accès à tous les débats au Sénat, au caucus et au comité, pourvu qu'il y ait un membre du personnel disponible.

Voilà, honorables sénateurs, qui constitue le coeur de tout le problème en matière d'accessibilité. Nous pouvons élaborer des politiques et offrir de nouvelles initiatives, mais si nous n'y sommes pas complètement engagés - et cela suppose presque toujours un engagement de fonds - les politiques demeureront des voeux pieux. J'espère que nous allons dépasser le stade des voeux pieux et vraiment assurer l'accessibilité au Sénat.

Honorables sénateurs, nous avons pris un excellent départ cette année, mais ce n'est qu'un premier pas. Je rappelle aux sénateurs qu'il nous reste un long chemin à parcourir avant de pouvoir nous reposer sur nos lauriers.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'Union monétaire européenne

Le rapport du comité des affaires étrangères

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé: «Le point sur l'Europe: les implications d'une intégration accrue de l'Europe pour le Canada», déposé au Sénat le 17 novembre 1999.-(L'honorable sénateur Grafstein).

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, le comité des affaires étrangères a produit au cours des dernières années deux rapports sur l'Union européenne eu égard à l'importance de cette association d'États comme telle et à son importance pour le Canada.

L'Union européenne compte le quart de la production mondiale, comme les États-Unis, environ 8 billions de dollars chacun. À des fins de comparaison, il convient de noter que le Canada compte pour environ 2,5 p. 100 de la production mondiale.

Les sénateurs savent que 87 p. 100 de notre commerce extérieur se fait avec les États-Unis. Cependant, il faut également rappeler que nos échanges annuels de biens et de services avec l'Union européenne sont à hauteur de 65 milliards de dollars et que l'investissement étranger de part et d'autre de l'Atlantique, c'est-à-dire au Canada et en Europe de l'Ouest, est de 45 milliards de dollars, comme nous l'a rappelé récemment le sénateur Stollery, le président du comité. Pas plus tard qu'hier, le ministre du Commerce international, M. Pierre Pettigrew, a annoncé que la société Bombardier vendrait à l'Espagne 40 avions, dont 29 Dash 8 et 11 moyen-courriers, au coût de 1,2 milliard de dollars.

L'Union européenne est donc une importante région politique pour notre activité économique, sans parler des affinités culturelles spéciales qui nous lient depuis des siècles à l'Angleterre et à la France et, plus récemment, à l'Allemagne et à l'Italie, entre autres pays.

Toutefois, la croissance de notre commerce avec l'Union européenne a ralenti par rapport au reste de notre commerce international. Nous sommes en fait en quelque sorte coincés entre, d'une part, l'importance croissante de nos échanges avec les Américains et, de l'autre, les difficultés que nous rencontrons pour accroître nos échanges avec l'Europe de l'Ouest. Comment pouvons-nous accroître notre marge de manoeuvre? C'est le type de préoccupations sur lesquelles nous nous sommes penchés dans nos deux études et rapports sur l'Union européenne.

Avant de répondre à cette question et à d'autres qui sont liées, j'aimerais expliquer brièvement que la situation en Europe a changé par rapport à il y a dix ans.

Tout d'abord, le leadership français en Europe qui a marqué la période d'après-guerre et de reconstruction a commencé, il y a quelques années, à être remplacé par une montée - modérée mais réelle de l'Allemagne. Tout le monde ne sera pas d'accord avec moi sur cela, mais cela me semble de toute façon inévitable.

Deuxièmement, le problème du Kosovo a sans aucun doute changé l'image que l'Europe de l'Ouest a d'elle-même. L'initiative de défense européenne, bien qu'elle soit un objectif qui pourrait prendre dix ans pour être réalisé, me semble maintenant réalisable et saine, aussi longtemps qu'elle est exercée dans le cadre de l'OTAN qui reste et qui doit rester l'écran de sécurité de l'Ouest.

Bien que sa valeur ait chuté par rapport au dollar américain au cours de la dernière année, ce à quoi il fallait s'attendre, l'euro a été lancé et il profite principalement aux exportateurs européens.

Pour terminer, le leadership politique de l'union passe actuellement de la Commission européenne de Bruxelles aux gouvernements des pays membres, ce qui est plus légitime. L'Europe va ainsi plus dans le sens d'une confédération que d'une fédération, ce qui ne peut qu'améliorer le processus décisionnel démocratique. Il reste à voir si un consensus ou une certaine règle de la majorité sera confirmé en vue d'accélérer le rythme de prise de décisions dans un contexte international qui évolue rapidement.

(1720)

La culture politique de l'Europe continentale, représentée par l'accumulation de 80 000 pages de règlements, continue de rendre les Britanniques mal à l'aise. Ils ont rejeté l'union monétaire qui accueillera bientôt de nouveaux partenaires scandinaves. Tout cela signifie que le paysage politique européen change de façon marquée chaque année.

Les Britanniques, et une analogie pourrait être faite ici avec les Québécois au sein de notre fédération, entretiennent des doutes au sujet de l'attitude plus interventionniste de l'Europe continentale.

[Français]

En effet, ce n'est un secret pour personne que les Anglais se sentent mal à l'aise - depuis Mme Thatcher, et même avec un M. Blair plus centriste que bien des conservateurs - avec certains phénomènes européens qui sont étrangers à leur façon de voir, par exemple, un marché du travail assez rigide, une banque centrale qui ne répond à personne, un capitalisme rhénan qui, même s'il est en pleine évolution, demeure bien différent du capitalisme anglo-américain plus décentralisé, un retard dans les dépenses hi-tech et les investissements, un régime de gouvernance moins démocratique que celui de la tradition de Westminster et des règles d'éthique dans le fonctionnement quotidien de l'Union européenne dont l'application a surpris les insulaires au cours des dernières années.

Encore hier, on voyait un exemple de l'utilisation du pouvoir quasi judiciaire par un tribunal sur la concurrence qui faisait obstacle à certaines transactions entre des compagnies américaines et européennes. On a vécu cela au Canada. Des compagnies canadiennes ont été placées dans les mêmes situations.

Tels sont en résumé les aspects du paysage européen qui m'ont frappé lors de ces études de notre comité. Que signifie tout cela pour le Canada? D'abord, je pense qu'il faut maintenir un 9il vigilant sur ce processus régional d'intégration économique et politique qui nous intéresse pour les raisons précédemment énoncées. La situation évolue, et il faut en être conscient.

Sur le plan commercial, notre stratégie doit, selon moi, en être une de flexibilité. Les Européens subventionnent en raison de 45 milliards $ US par an leurs producteurs agricoles. C'est énorme et cela nous fait mal. De plus, dans le processus d'élargissement de l'Union européenne, les pays en instance de membership sont des pays agricoles comme la Pologne, dont les conditions d'entrée dans l'union se feraient possiblement à notre détriment.

Voilà pourquoi nous devons cibler nos interventions commerciales, ce qui signifie éliminer des obstacles techniques comme les certifications de qualifications professionnelles, les règles de concurrence et cetera, conclure des ententes de portée spécifique sur les nouvelles technologies de l'information, par exemple, ou le commerce électronique, progresser dans nos accords commerciaux avec les autres pays non-membres de l'union, comme la Norvège et la Suisse, pousser les relations bilatérales avec l'Irlande, qui sont déjà bien engagées, mais aussi avec l'Angleterre, la Hollande et l'Allemagne, sans oublier la France et l'Italie.

Nous avons des intérêts communs sur le plan culturel avec la France, entre autres, qu'il faut exploiter. Dans le cas de l'Angleterre, la relation plus complexe à cause du métissage fort naturel avec les États-Unis.

Il faut cultiver avec les Européens de l'Ouest, nos cousins culturels, des préoccupations communes générales à l'égard de la paix mondiale, par exemple, les questions d'énergie, le réchauffement planétaire, l'architecture financière internationale qui est en train de se redéfinir et le lien transatlantique si crucial au plan géopolitique. Je reviendrai là-dessus quand nous discuterons du dernier rapport de notre comité des affaires étrangères sur l'OTAN.

Nous devons aussi tâcher cette année d'aplanir les difficultés qui se sont manifestées à la ronde de négociations de l'Organisation mondiale du commerce concernant le protectionnisme agricole. Il faut également profiter de la tribune de l'OCDE pour faire valoir aux Européens les avantages du multilatéralisme réglementaire dans le commerce et l'avantage commun que comportent des règles claires pour la protection des investissements étrangers. Ceci est très important pour nous car nos industriels, face aux barrières commerciales européennes, ont décidé de passer à côté de celles-ci en investissant en Europe et en s'y installant.

Voilà, honorables sénateurs, les quelques réflexions que m'inspire le dépôt de notre rapport.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, le débat sur cet article est terminé.

[Traduction]

La défense nationale

La nécessité pour le Canada de se joindre aux États-Unis aux fins du programme de défense nationale antimissile-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable J. Michael Forrestall, ayant donné avis le 5 avril 2000:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la nécessité, pour le Canada, de se joindre aux États-Unis aux fins du programme de défense nationale antimissile.

- Honorables sénateurs, j'attire aujourd'hui votre attention sur la question du programme de défense antimissile des États-Unis ou NMD. Comme le savent les sénateurs, cette question a été soulevée plus tôt cette année par le sénateur Roche, ancien ambassadeur au désarmement. Il est tout à l'honneur du Sénat de compter des gens comme lui qui amorcent et mènent le débat sur les questions de contrôle des armements avec la connaissance et la passion qu'il apporte à cet important thème. Toutefois, après mûre réflexion et avoir été mêlé étroitement pendant de nombreuses années au dossier, je dois signifier mon désaccord avec son opposition au programme de défense nationale antimissile.

Lorsque le sénateur Roche s'est adressé à nous, il a dit:

À sa résistance à la défense antimissile, le gouvernement devrait ajouter la mise en oeuvre vigoureuse des 15 recommandations du rapport du comité permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé: «Le Canada et le défi nucléaire: Réduire l'importance politique de l'arme nucléaire au XXIe siècle.»

En fait, c'est un rapport de l'autre endroit, et non du Sénat.

Cela étant dit, je suis pleinement d'accord que nous devrions appuyer ces recommandations et je demande, honorables sénateurs, qu'est-ce qui pourrait réduire davantage la valeur politique des armes nucléaires et en particulier d'un vaste arsenal d'armes nucléaires offensives de riposte, qu'un système national efficace de défense antimissile non nucléaire? C'est là l'élément central de mon argumentation, qui conclut qu'il est tout à fait dans l'intérêt national du Canada d'appuyer le système de défense proposé.

Qu'est-ce que la défense nationale antimissile? Pourquoi est-elle importante? Va-t-elle à l'encontre du traité ABM? Si c'est le cas, déstabilise-t-elle les mesures de dissuasion? Quels sont les intérêts du Canada dans la défense nationale antimissile? Que devrait faire le Canada pour y donner suite?

Premièrement, la défense nationale antimissile n'est pas la «guerre des étoiles» et n'est pas une initiative de défense stratégique, un système grandiose de défense antimissile basé dans l'espace rendu célèbre pendant les années Ronald Reagan. Ce projet a été abandonné en temps opportun en raison des coûts et du manque de moyens techniques permettant de faire fonctionner le programme.

La défense nationale antimissile repose sur au moins deux systèmes de défense, honorables sénateurs. Ce sont la défense haute altitude de théâtre d'opération, connu sous le sigle THAAD, et le programme de théâtre d'opération de la marine, connu sous le sigle NTW. Le plan est d'avoir un système en place d'ici l'an 2007 dans chaque secteur si le président des États-Unis prend la décision d'aller de l'avant cet été.

Dans le cadre de la défense haute altitude de théâtre d'opération, 20 véhicules exoatmosphériques ou missiles d'interception non armés seraient déployés en 2007, et quelque 80 autres au cours des années suivantes. Ces missiles de défense mettent hors d'état les missiles balistiques d'arrivée grâce à l'effet d'impact. Ils ne sont pas armés. Le système de défense haute altitude de théâtre d'opération entraînerait en bout de piste le déploiement de 100 missiles en Alaska. Si l'on passait à une étape suivante, 100 missiles supplémentaires seraient déployés ans le Dakota du Nord. Le seul rôle du système THAAD serait d'attaquer et de détruire des missiles balistiques avant qu'ils n'atteignent les États-Unis. Le programme de théâtre d'opérations de la marine a été créé pour deux raisons: premièrement, protéger les forces américaines et alliés déployées à l'avant contre des attaques de missiles Scud provenant de l'Iraq ou de la Corée du Nord et, deuxièmement, assurer le repérage rapide et l'interception de missiles avant qu'ils ne soient engagés par le système THAAD. Le programme de théâtre d'opérations de la marine est basé sur les systèmes de défense aérienne des destroyers Aegis, des croiseurs de la marine américaine et du Standard Missile-3, qui est développé en collaboration avec le Japon. En juin et août 1999, le système THAAD a réussi deux tests d'interception et en a échoué un autre par la suite. Le système de théâtre d'opérations de la marine a réussi plusieurs tests durant la dernière année. Toutefois, il est important de signaler qu'il s'agit dans les deux cas de systèmes d'armes de théâtre, et non pas de systèmes stratégiques nationaux. Il faudrait avoir recours aux deux systèmes et aussi à d'autres, évidemment, pour créer un système de défense antimissile national.

(1730)

La raison pour laquelle des milliards de dollars sont investis dans ces programmes n'est peut-être pas évidente pour les Canadiens, mais elle l'est pour des pays d'Asie et d'Europe qui craignent des attaques de missiles d'États parias. Les États parias que sont l'Iran, l'Iraq et la Corée du Nord se soucient tellement peu de leurs propres populations qu'on peut raisonnablement présumer qu'ils feraient encore moins de cas des populations des pays voisins. La Corée du Nord, l'Iraq et l'Iran ont mis au point des missiles balistiques de longue et moyenne portées qui menacent leurs voisins et qui pourraient, assez rapidement, menacer les États-Unis et le Canada. On pense immédiatement au Taepo Dong-2, de la Corée du Nord, comme une source de menace possible dans un avenir stratégique très rapproché, probablement d'ici l'an 2005.

Honorables sénateurs, la prolifération des missiles, autant les missiles balistiques que les missiles de croisière, progressent à un rythme alarmant. Ces pays que je viens de nommer auraient déjà mis au point ou seraient sur le point de se doter d'armes chimiques, biologiques et nucléaires. La menace est réelle, qu'on ne s'y trompe pas. Quelque 30 États possèdent déjà des missiles balistiques et 70 possèdent des missiles de croisière. Les critiques soutiennent que la défense nationale antimissile n'est pas équipée pour défendre les États-Unis contre les attaques de groupes terroristes possédant des armes nucléaires rudimentaires. C'est vrai, mais une attaque aux missiles nucléaires lancés par des États parias constitue la véritable menace de catastrophe majeure. Chaque menace nécessite des contre-mesures différentes. Pour contrer les attaques de bombes cachées dans des valises, par exemple, il faut des services de renseignement fiables. S'il s'agit des missiles de la Corée du Nord, il faut pouvoir compter sur un système de défense antimissile non nucléaire. Les critiques devraient cesser de mélanger les pommes et les oranges.

Le programme national de défense antimissile viole-t-il le traité de 1972 sur la limitation des systèmes antimissile balistiques? À mon avis, il ne fait aucun doute que le programme du théâtre d'opérations de la marine, tel qu'il est actuellement doté d'armes, viole le traité ABM de 1972 et les amendements de 1974 et surtout de 1997, car le programme NTW emploie un missile d'interception qui dépasse la vitesse maximale de trois kilomètres la seconde prévue dans le traité. L'amendement de 1997 autorise l'application d'un programme de défense antimissile de théâtre, mais établit la limite maximale du missile d'interception à trois kilomètres la seconde. Vous remarquerez tout de suite qu'il s'agit là d'une violation d'un détail du traité, et non d'une violation au sens juridique. C'est parce que, comme je l'ai dit, ce programme de défense est appliqué sur le théâtre d'opération, et non sur le plan stratégique, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une violation du traité au sens juridique. En outre, il importe de souligner que le traité ABM autorisait l'utilisation de systèmes limités de défense ABM dans une région restreinte, par exemple, autour de la capitale du pays ou dans un champ de missiles, mais pas les deux. Le système ADM de la Russie a été déployé autour de Moscou pendant des années. Les Américains avaient un système de défense dans le Dakota du Nord et l'ont abandonné. Maintenant, le Dakota du Nord est le site d'un projet de système de deuxième étape, qui pourrait être mis en place sans qu'il ne viole aucunement le traité ABM. Le traité ADM autorise l'utilisation de systèmes de théâtre, mais pas de systèmes stratégiques.

Honorables sénateurs, nul besoin de vous rappeler que ce qui n'est pas écrit dans un traité n'en fait pas partie. Le droit international ne renferme aucune mention de l'esprit d'un traité, dans le sens où nous nous plaisons à parler de «l'esprit de la loi». Nous sommes ici dans un monde à part. Je pense que les rédacteurs auraient pu et auraient peut-être dû tenir compte du fait que les systèmes de théâtre pourraient être intégrés à un système stratégique central, ce qui entraînerait une violation du traité ABM au sens juridique. Mais cela ne s'est pas produit. Ce que le traité ABM n'autorise peut-être pas, c'est l'application à l'échelle nationale que le programme NTW offrirait en plus du THAAD. En effet, je crois que le THAAD n'est pas une préoccupation au sens du traité, car il ne s'applique pas aux 50 États et n'est situé que sur la trajectoire de missiles lancés depuis l'Asie, autrement dit, de la Corée du Nord, de la Chine et de la Russie. Les violations du traité ABM et les discussions à cet égard dépendront donc de la position du programme NTW.

Honorables sénateurs, les Russes et les Chinois sont nettement préoccupés par le système national de défense antimissile, connu sous le sigle NMD, que les États-Unis ont l'intention de créer et ils affirment que cela va déstabiliser la stratégie de dissuasion. La défense antimissile stabilise-t-elle la dissuasion? La dissuasion se fonde sur une hypothèse, soit que tout assaillant sera accueilli par une contre-attaque si ravageuse qu'il est irrationnel et stratégiquement inutile d'initier un échange de missiles. La dissuasion se fonde donc sur la logique. Le système NMD proposé par les États-Unis n'est pas en mesure de répondre à une salve des 877 missiles balistiques terrestres intercontinentaux des Russes. Il n'a jamais été conçu à cette fin. Si la Russie lançait son arsenal considérable et extrêmement efficace contre les États-Unis, elle renverserait facilement les 20 à 100 missiles de défense américains. En outre, la Russie se fie de plus en plus sur sa force de missiles balistiques lancés d'un sous-marin. Ces missiles l'emporteraient facilement sur un système de missiles antimissile balistiques, à cause du très court délai d'avertissement entre le lancement et l'impact, qui laisse à l'attaqué peu de temps pour réagir avant qu'il ne soit trop tard.

Il importe aussi de souligner que ces missiles font partie de systèmes existants, capables de faire échec au système national de défense antimissile. Par conséquent, il est peu probable qu'on ait recours à une course aux armements où la Russie, vu sa position économique, pourrait difficilement participer et encore moins gagner. Le système NMD n'est donc même pas inclus dans l'équation de la dissuasion. Le système de défense antimissile ne menace pas la dissuasion entre la Russie et les États-Unis; il ne pourra servir que d'argument neutre ou, au mieux, d'éventuel outil de négociation. En fait, il pourrait bien fournir l'argument requis pour amener la Douma russe à ratifier START II et les États-Unis à préparer START III. Le président Poutine a tout intérêt à le faire avant qu'un président républicain n'arrive au pouvoir dans ce pays.

(1740)

Honorables sénateurs, pour le moment, la Chine ne possède que quelques missiles balistiques intercontinentaux que le système américain pourrait intercepter en cas d'affrontement nucléaire. Cependant, la situation change de jour en jour. Bientôt la Chine va déployer des missiles balistiques intercontinentaux sur pneumatiques à têtes multiples de types DF-31 et DF-41 en nombres suffisants pour l'emporter sur le THAAD ou sur le NTW. En outre, de nouveaux sous-marins sont en construction qui pourront porter le missile balistique JL-2 lancé d'un sous-marin, lequel, encore une fois, est capable de facilement l'emporter sur le système NMD. Tout cela se produira très rapidement au cours des prochaines années et probablement avant le déploiement prévu du système national de défense antimissile en 2007. Puisque les États-Unis n'ont aucun système de défense antimissile pour le moment, et puisqu'il se pourrait fort bien que l'arsenal nucléaire de la Chine se modernise avant le déploiement du THAAD ou du NTW, il est peu probable que la dissuasion contre les affrontements entre Chine et États-Unis soit menacée. Je le répète, ces systèmes, le DF-31, le DF-41 et le JL-2, seront facilement déployés en nombre suffisant pour neutraliser le système national de défense antimissile et il n'y a aucune raison de reprendre la course aux armements. Par conséquent, suggérer que le système national de défense antimissile déclenchera une nouvelle course aux armements est tout simplement ridicule. Ces armes sont soit en construction, soit prêtes à être déployées.

Les critiques du système national de défense antimissile prétendent qu'il mènera à la prolifération de missiles et d'armes nucléaires. Je rétorque que c'est en Russie et en Chine que la prolifération de la technologie relative aux missiles est la pire au monde. Le Régime de contrôle de la technologie relative aux missiles et le Traité de non-prolifération y sont de plus en plus souvent violés indépendamment du fait que les États-Unis aillent de l'avant ou non avec leur système nationale de défense antimissile. La Russie aide l'Iran avec son programme de missiles et on pense que la Chine est derrière le programme du Pakistan. En fait, si la Chine, la Russie et la Corée du Nord mettaient fin à la prolifération de systèmes de missiles, cette grave question ne se poserait probablement pas.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Forrestall, je regrette de devoir vous interrompre, mais vos 15 minutes sont épuisées.

Le sénateur Forrestall: J'aimerais avoir quelques minutes de plus.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Je suis curieux. De combien de temps le sénateur Forrestall pense-t-il avoir besoin?

Le sénateur Forrestall: Pas plus de 7 ou 8 minutes, et certainement pas une heure.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée au sénateur Forrestall de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Forrestall: L'accumulation par la Chine de missiles nucléaires et conventionnels à l'échelle de théâtre pourrait, au bout du compte, forcer le Japon à se doter d'armes et de missiles nucléaires. Le Japon pourrait le faire très rapidement. Quand la Chine menace ses voisins d'une attaque au missile, comme elle l'a fait récemment à l'égard des États-Unis, peu de progrès sont réalisés. Selon toute vraisemblance, l'Iran, l'Iraq, la Corée du Nord, Israël, l'Inde et le Pakistan violent tous le Traité sur la non-prolifération de 1970, parce qu'ils croient que le fait de posséder des armes nucléaires améliore leur sécurité. Je suis d'avis que ce faisant, ils nous poussent au bord de l'abîme et que c'est eux qui déstabilisent la politique de dissuasion tant à l'échelle régionale que de théâtre. En réalité, le Traité sur la non-prolifération est éteint. Peut-être que si la Chine, la Russie et la Corée du Nord se comportaient mieux, les États-Unis seraient davantage enclins à écouter leurs inquiétudes à l'égard du programme de défense nationale antimissile.

Bref, honorables sénateurs, la politique de dissuasion Chine-États-Unis et Russie-États-Unis n'est pas le moindrement déstabilisée par le programme de défense nationale antimissile. La prolifération de la technologie des missiles et des armes nucléaires se poursuit en l'absence du système.

La question à se poser est la suivante: qu'est-ce que cela signifie pour le Canada, et devrait-il se joindre aux États-Unis? D'abord, la non-participation au projet de défense nationale antimissiles entraîne des répercussions. Je suis d'avis qu'avec des gens comme Kim Jong Il, de la Corée du Nord - qui, aux dires de tout le monde, est un psychopathe paranoïaque qui possède des missiles balistiques et apparemment cinq armes nucléaires - , un certain système de défense antimissile serait logique compte tenu de la menace que font peser de tels «États parias». Quand la Corée du Nord a lancé un Taepo Dong, en août 1998, même les Russes - de supposés amis - ont envoyé en mer des destroyers lance-missiles surface/surface. Le meilleur allié de la Corée du Nord, la Chine, a exprimé des inquiétudes et préconisé une bonne conduite, et le Japon a parlé d'une attaque anticipée.

Ne nous leurrons pas, honorables sénateurs. Je conviens qu'une attaque au missile contre Montréal est hautement improbable, mais elle n'est pas impossible. Ce qui est probable, cependant, c'est que le Taepo Dong n'est pas doté d'un système de guidage acceptable. Si la cible était Los Angeles, le missile pourrait tomber pratiquement n'importe où sur la côte ouest, y compris à Vancouver, tout simplement par accident. Nous ne serions pas la cible délibérée- et je dis que c'est un psychopathe - , mais nous pourrions être frappés simplement à cause d'un équipement défectueux et de la proximité géographique.

En outre, si nous ne participons pas, où les honorables sénateurs croient-ils que ces missiles abattus tomberont? Au Wyoming ou en Alberta? Ou bien nous faisons partie du système national de défense antimissile, ou bien nous n'en faisons pas partie.

Par le passé, les gouvernements canadiens ont su que les Américains violeraient notre souveraineté sur notre espace aérien et sur nos mers pour protéger la leur. Mackenzie King le savait lorsqu'il a décidé de garder une petite marine pour patrouiller les côtes. King s'était assuré qu'elle soit juste assez imposante pour satisfaire les Américains. L'ancien premier ministre Trudeau s'en était rendu compte au cours du débat sur la lutte anti-sous-marine stratégique. NORAD est né essentiellement pour que nous soyons au moins admis dans la planification des détails si notre souveraineté était violée. Ou NORAD participe au système national de défense antimissile ou bien NORAD n'y participe pas. Que croient les honorables sénateurs qu'il arrivera à NORAD si nous ne participons pas à ce programme? Nous n'assumons déjà pas notre juste part en matière de défense. Demandez à la Nouvelle-Zélande ce que cela fait de se débrouiller sans l'aide américaine. Ce pays fonctionne, depuis environ 18 mois, dans le cadre d'un accord de défense conclu avec l'Australie, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Après avoir fait cavalier seul pendant quelques années, il est revenu à l'accord. Pourquoi? Parce que faire cavalier seul, c'est justement être seul. Ce n'est pas très drôle.

Par contre, il y a d'excellents avantages à participer au système national de défense antimissile. Cela donne une voix à la table et permet de participer à la planification. Les Américains déploieront leurs missiles, que nous le voulions ou non. La participation du Canada nous donne une chance sur le plan diplomatique. Autrement, nous dictons à un État souverain la façon de se défendre. Nous, Canadiens, savons ce que cela fait de se faire dire par des étrangers comment dépenser son budget de la défense. Nous nous rappelons à quel point le ministre Axworthy était outré que le secrétaire général Robertson de l'OTAN vienne demander au Canada d'augmenter ses dépenses de défense.

Honorables sénateurs, je vous demande de réfléchir à l'argument le plus important en faveur de notre participation. Songez au levier diplomatique efficace dont nous disposerions à l'égard de notre plus proche allié et principal partenaire commercial, si nous lui disions que nous appuyons pleinement son effort de défense non nucléaire, mais que nous sommes prêts à le faire seulement si, de son côté, il s'engage à réduire la place qu'il accorde aux armes nucléaires offensives. Nous lui dirions que notre participation enthousiaste à son projet et les efforts diplomatiques déployés à l'appui de ce dernier dépendraient d'un geste significatif de sa part, par rapport à des questions comme l'amorce du traité START III et sa ratification, de même qu'une réduction importante des armes nucléaires défensives, et la ratification du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. De plus, en participant au programme, nous encouragerions aussi d'autres initiatives concernant, par exemple, le soutien - et je dis cela en pesant bien mes mots - ainsi que la reconstruction du système satellite de détection avancée de la Russie, de même que l'installation éventuelle de systèmes semblables de défense nationale antimissile à proximité d'autres pays menacés, comme la Russie et la Chine, ce qui permettrait d'accroître leur sécurité et d'éliminer les raisons justifiant des moyens de défense nucléaire.

De cette manière, les Canadiens ne considéreraient certainement pas leur pays comme étant le valet des Américains; ils le verraient plutôt comme une sorte de partenaire malaimé, pour ainsi dire. Les Américains sont prêts à élaborer le programme de défense nationale antimissile sans l'aide du Canada. Cependant, à en juger par leurs dernières déclarations, ils aimeraient beaucoup que nous soyons de la partie. Nous devrions participer au projet, mais en profiter aussi pour leur proposer des conditions constructives que la plupart des citoyens américains et, j'ajouterais même, que la plupart des représentants du gouvernement américain accueilleraient probablement favorablement pour pouvoir se sortir du genre d'impasse dans laquelle ils se trouvent en ce qui concerne cette question très importante. Il faut réellement faire preuve de diplomatie - et éviter que le Canada n'indispose les États-Unis.

En conclusion, honorables sénateurs, nous, en Occident, y compris au Canada, avons vécu dans l'ombre menaçante de deux superpuissances lourdement armées et dotées d'un arsenal nucléaire offensif et meurtrier dirigé vers leur ennemi. Notre sécurité dépendait de la menace de représailles massives qui risquait de faire dégénérer en désastre mondial un duel nucléaire. L'idée était suicidaire, et nous le savions tous. En 1983, même la Conférence des évêques catholiques américains a eu de la difficulté à composer avec le paradoxe nucléaire qui a finalement émergé. Les participants à cette conférence ont finalement conclu que, même s'il était logique de déployer des armes nucléaires pour riposter et même s'il était moral de menacer de les utiliser pour écarter une éventuelle agression, il serait à la fois illogique et immoral de les utiliser concrètement. Non seulement parce que je suis catholique, mais encore parce que je suis un citoyen responsable, je dois souscrire à la conclusion à laquelle en arrivent les évêques dans leur lettre pastorale de 1983 sur le sujet.

(1750)

Comment sortir de l'impasse? Ne nous y trompons pas. La menace a été et continue d'être représentée par les armes nucléaires offensives. Par conséquent, pour écarter les dangers et établir un minimum de sécurité, il faut tout faire pour renoncer aux armes nucléaires offensives et trouver d'autres moyens d'assurer notre sécurité. Telle est la raison d'être du système de défense national antimissile non nucléaire. Il est clairement dans l'intérêt national du Canada d'appuyer cette initiative américaine et d'aider les États-Unis à échapper à leur dépendance envers les armes nucléaires offensives.

Je vous remercie de votre indulgence, honorables sénateurs.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai quelques questions à poser à des fins de clarification. Je ne suis pas sûr de bien saisir la différence entre un missile de «théâtre» et un missile «national». Le sénateur Forrestall a utilisé les deux termes. Si je ne m'abuse, le sénateur a dit que ce missile est un missile national et non un missile de théâtre, ou est-ce le contraire?

Le sénateur Forrestall: Ce qui est proposé, c'est qu'il y ait deux systèmes, un système en haute altitude et un second sur des navires. Il s'agit de la différence entre un système stratégique et un système de théâtre. Par exemple, un système de théâtre serait un système installé dans cette pièce, alors qu'un système stratégique viserait l'ensemble de la colline parlementaire, ou, autrement dit, le pays tout entier. Voilà pour le contexte général. Pour ce qui est des différents traités qui ont été conclus et ce que nous tentons de promouvoir dans le cadre de la culture et du contexte canadiens, nous songeons à des systèmes de défense non nucléaires.

C'est comme un projectile qui se déplace à une telle vitesse qu'il n'a pas besoin de dynamite. Il n'a sûrement pas besoin d'une détonation nucléaire pour rendre le système inefficace. Telle est fondamentalement la différence.

(Sur la motion du sénateur Taylor, le débat est ajourné.)

[Français]

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 2 mai 2000, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat s'ajourne à loisir.


(1800)

Sanction royale

Son Excellence la Gouverneur générale du Canada arrive et prend place au Trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président. Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis, utilisés ou communiqués dans certaines circonstances, en prévoyant l'utilisation de moyens électroniques pour communiquer ou enregistrer de l'information et des transactions et en modifiant la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur les textes réglementaires et la Loi sur la révision des lois (Projet de loi C-6, Chapitre 5, 2000)

Loi portant création des Instituts de recherche en santé du Canada, abrogeant la Loi sur le Conseil de recherches médicales et modifiant d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-13, Chapitre 6, 2000)

Loi portant mise en vigueur de l'Accord définitif nisga'a (Projet de loi C-9, Chapitre 7, 2000)

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de se retirer.


Le Sénat reprend sa séance.

[Traduction]

(1800)

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à la motion d'ajournement, je vous signale la présence à notre tribune d'une délégation du Conseil nisga'a, dirigée par les anciens.

Nous avons aussi à notre propre tribune le docteur Henry Friesen, président du Conseil de recherches médicales du Canada. Il s'intéressait au projet de loi C-13, qui a également reçu la sanction royale aujourd'hui.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix: Bravo!

(Le Sénat s'ajourne au mardi 2 mai 2000, à 14 heures.)


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