Skip to content
Previous Sittings
Previous Sittings

Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 55

Le jeudi 11 mai 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 11 mai 2000

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les Franco-Ontariens

Le Concours provincial de français

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, vendredi dernier, le 5 mai, avait lieu en cette prestigieuse enceinte de la Chambre du Sénat la 62e remise de prix du Concours provincial de français de l'Ontario. Il y a 100 000 étudiants francophones en Ontario et 26 000 au secondaire. Un concours de français s'est tenu dans toutes les écoles secondaires de notre province.

L`honorable sénateur Marie-P. Poulin présidait la cérémonie et Mme Yolande Grisé, du département des lettres françaises à l'Université d'Ottawa, a organisé l'événement en collaboration avec l'Université Laurentienne de Sudbury.

Ce concours s'est tenu en cette Chambre en présence de plusieurs étudiants, professeurs et parents. La salle était comble. Nous avions également l'honneur d'avoir parmi nous l'ambassadeur de France, M. Denis Bauchard, ainsi que plusieurs autres personnalités de marque.

Cette distribution de prix regroupait des finissants et finissantes des douzième et treizième années des écoles secondaires de langue française de l'Ontario. Quatre-vingt-un élèves représentant 41 écoles de l'Ontario ont pris part à ce concours et, de ce nombre, 22 lauréats et lauréates se sont vu décerner différents prix et bourses.

J'aimerais féliciter la récipiendaire du premier prix pour l'ensemble des épreuves: rédaction, étude de texte, dictée et résumé, Mlle Ariane Sénécal, de l'école secondaire catholique de langue française Cardinal-Carter, d'Aurora, en Ontario. Mlle Sénécal s'est classée au deuxième rang en étude de texte, au troisième rang en dictée, pour terminer première au classement général des épreuves.

Je voudrais également souligner la performance remarquable des élèves des écoles secondaires de la région de l'Est ontarien et de la région d'Ottawa-Carleton qui se sont distingués dans ces quatre catégories du concours, notamment Mlle Janie Bertrand, de l'école secondaire de Hawkesbury, qui a récolté une deuxième place en dictée, une première place en étude de texte et une quatrième place pour l'ensemble des épreuves.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'exprimer aujourd'hui ma fierté à l'égard de ces jeunes étudiants franco-ontariens. Quelle belle relève pour demain! Comme le dirait le journal Le Droit: «C'est une belle cuvée.» Il est clair que ce concours encourage et motive nos jeunes à viser l'excellence. Avec une telle motivation, nous serons toujours fiers de les voir prendre leur place dans notre société.

Comme le dit le proverbe: «Participer, c'est gagner.» Je félicite donc tous les participants et participantes, les organisateurs et organisatrices, ainsi que les généreux commanditaires qui ont contribué au succès de ce grand concours provincial français tenu annuellement.

[Traduction]

L'International Association of Fire Fighters

La proposition d'établir un organisme fédéral d'enquête et d'application des normes en matière de santé et de sécurité au travail

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, récemment, les représentants de l'International Association of Fire Fighters, l'IAFF, se sont réunis sur la colline et ont rencontré beaucoup de sénateurs dans leurs bureaux. Dans leur rapport annuel, les intéressés ont recommandé de minimiser les risques d'exposition des pompiers et de la population en général à des dangers en milieu de travail, en établissant un organisme fédéral ayant la capacité de faire enquête et d'appliquer des normes en matière de santé et de sécurité au travail.

(1340)

Les représentants de l'association ont souligné leurs préoccupations en faisant part de l'expérience de l'incendie de l'usine de recyclage Plastimet en 1997, à Hamilton, en Ontario. L'incendie, qui a fait rage pendant quatre jours et demandé l'intervention de 255 pompiers, a libéré dans l'air des dioxines dont les taux étaient plus de 60 fois supérieurs aux niveaux acceptables. Cet emplacement demeure l'un des plus toxiques au Canada.

L'IAFF, qui était inquiète de la possibilité à l'avenir d'autres incendies dans les usines de recyclage, a réclamé à de multiples reprises une commission d'enquête sur la cause de l'incendie. Même si des renseignements essentiels demeurent inconnus, le gouvernement de l'Ontario a décidé qu'il n'était pas nécessaire de tenir une enquête.

Aux États-Unis, deux organismes fédéraux distincts assurent une protection importante aux travailleurs exposés à des matériaux toxiques et à d'autres dangers en milieu de travail. Le Canada n'a aucun organisme comparable. Le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail est une source d'information fort respectée sur les questions nationales de santé et de sécurité, mais il n'a pas les pouvoirs d'enquête et d'application nécessaires pour protéger les travailleurs canadiens en général et les pompiers en particulier.

Durant la réunion avec les intéressés dans mon bureau, on a suggéré que la solution consistait peut-être à créer un organisme indépendant semblable au Bureau de la sécurité des transports du Canada, qui relève du Parlement par l'intermédiaire du président du Conseil privé de la Reine. Son mandat est d'effectuer des enquêtes indépendantes et, dans certains cas, de procéder à des enquêtes publiques sur les accidents de transport afin de trouver les causes et les facteurs contributifs.

Le bureau fait rapport publiquement sur ses enquêtes et ses conclusions et formule des recommandations tendant à éliminer ou à réduire les problèmes de sécurité. Il a la liberté de choisir sur quels accidents il veut faire enquête et il se concentre principalement sur les accidents qui peuvent entraîner des correctifs au niveau de la sécurité ou qui soulèvent beaucoup d'inquiétude dans la population. La philosophie du bureau tourne autour de la transparence, de l'équité, de la compétence et de l'intégrité, et son indépendance lui permet d'être pleinement objectif. C'est ce type d'organisme qui semble être une solution appropriée aux préoccupations des pompiers et qu'on devrait examiner plus en profondeur.

Honorables sénateurs, chaque jour, des pompiers risquent leur vie pour protéger nos vies et nos biens et, en tant que parlementaires, nous devons veiller à assurer la santé et la sécurité de ces gens courageux.

La discrimination visant les femmes autochtones

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, la discrimination visant les femmes, notamment les femmes autochtones, a encore relevé sa tête hideuse. L'Edmonton Journal du 4 mai rapportait une déclaration faite par Robert, 76 ans, de Camrose, Alberta, dans laquelle il disait ceci:

Il y a quarante ans, arnaquer les Indiens était à la mode; et de plus - les tribunaux devraient en tenir compte parfois - les squaws étaient bonnes à cueillir.

C'est cette attitude irrespectueuse et offensante qui a fait de ces victimes des cibles idéales. Les victimes ont souffert en silence des années durant. Dans une lettre au rédacteur en chef, une des victimes affirme ce qui suit:

Cette affaire de viol a chamboulé complètement ma vie. Elle a eu des conséquences sur moi, mes enfants et mes relations. J'ai vécu dans les rues, j'ai été battue, j'ai été volée et j'ai été dépouillée totalement de mon estime de soi.

Jack Ramsey ne pourrait pas tolérer cette souffrance. La détention de M. Ramsey va-t-elle aider les victimes à retrouver leur estime de soi et leur fierté? Peut-être.

Honorables sénateurs, une autre option est la justice autochtone. La victime et le coupable se font face dans un cercle formé d'anciens pour confronter les résultats des terribles événements qui se sont produits dans l'existence des victimes. En tant que Canadiens, nous devons nous poser la question: que faisons-nous pour régler les tragiques problèmes de discrimination et mettre fin à la violence qui se produisent à cause de cette loi?

Presque toutes les femmes et les jeunes filles autochtones du pays ont été exposées à cette attitude méprisante, y compris moi-même et mes filles. Les femmes autochtones réclament de l'aide depuis trop longtemps déjà. Les Canadiens vont-ils enfin écouter? Ce n'est qu'un autre exemple du fanatisme et des tortures qui jalonnent l'existence de mon peuple: les Métis, les Inuit et les Premières nations.

Des voix: Bravo!

[Français]

La Semaine nationale des soins infirmiers

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, nous fêtons en ce moment la Semaine nationale des soins infirmiers et le 12 mai est la Journée internationale des infirmières. Le moment est donc idéal pour réfléchir à l'incroyable contribution faite par cette profession au pays. Les infirmières constituent indéniablement l'armature du système de soins de santé au Canada. Sans leurs connaissances, leur soutien et leur professionnalisme, nous n'aurions jamais pu espérer obtenir la qualité et l'accès aux soins de santé dont nous jouissons au Canada.

L'an dernier, à la même époque, j'ai décrit combien la profession d'infirmière s'était détériorée depuis 10 ans. La vie d'infirmière est caractérisée par une faible rémunération, l'absence d'emploi permanent et d'avantages sociaux, le manque de possibilités de perfectionnement professionnel, des charges de travail accrues et des conditions de travail souvent dangereuses.

Cette année, nos gouvernements ont pris conscience de cette crise imminente: nous faisons face aujourd'hui à une pénurie d'infirmières qui s'aggravera si les gouvernements n'interviennent pas rapidement.

Face à la crise, les gouvernements partout au pays mènent des campagnes de recrutement pour attirer des jeunes gens vers la profession d'infirmière. Nous recrutons même à l'extérieur du pays et offrons aux médecins formés à l'étranger des cours accélérés afin qu'ils ou elles puissent pratiquer comme infirmier autorisé ou infirmière autorisée au Canada. Ces actions aideront sans doute à réduire quelque peu la crise actuelle.

Toutefois, il faudrait s'attaquer au véritable problème si nous souhaitons le régler. Il s'agit des conditions de travail. Nous réussirons peut-être à attirer des recrues au moyen d'incitatifs à court terme, mais comment pourrons-nous les retenir étant donné ce que nous savons de la vie professionnelle qui les attend?

Soyons clairs. Ce n'est pas une question d'argent, bien que des salaires adéquats, la sécurité d'emploi et des avantages sociaux soient aussi importants. C'est surtout une question de pouvoir pratiquer sa profession en toute sécurité, de façon responsable et avec compassion. Il n'y a rien de plus démoralisant que de se rendre au travail tous les jours tout en sachant que la charge de travail, conjuguée à des ressources et à un soutien limités, met en péril le bien-être des gens.

La profession d'infirmière fait de son mieux pour s'attaquer à la crise. Les infirmières sont bien placées pour jouer un rôle de leadership dans la réforme de notre système de santé, et elles sont disposées à le faire. Il semble que ce sont les gouvernements qui font la sourde oreille.

Cependant, ce n'est pas aux infirmières de jouer. J'invite donc les gouvernements fédéral et provinciaux à manifester leur volonté politique de travailler ensemble pour réformer les soins de santé et régler la crise imminente qui risque de se produire dans la profession d'infirmière.

Ne perdons jamais de vue le fait que les infirmières constituent l'armature de notre système. Par conséquent, efforçons-nous d'atténuer le fardeau qu'elles portent et de sauver notre système de soins de santé, puisque les deux éléments font partie intégrante de la même solution.

[Traduction]

La Journée du livre au Canada

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, la semaine dernière, pour souligner la Journée du livre au Canada, madame le sénateur Fairbairn m'a gentiment offert un livre rempli de belles photographies de sa province, l'Alberta. Son engagement envers l'alphabétisme au Canada est à la fois exemplaire et total. Je tiens à la remercier pour son présent et à la féliciter pour ses efforts.

À ce moment-là, je n'ai pas caché mon appréciation ni ma gêne. Aujourd'hui, en retour, je veux offrir au sénateur Fairbairn une oeuvre littéraire particulière qui sera la source des discussions intenses qui se tiendront cette fin de semaine à Québec, où les progressistes-conservateurs de partout au Canada se réuniront pour élaborer une série de propositions en prévision des prochaines élections fédérales. Cette publication, dont, malheureusement, la couverture est bleue, s'intitule «Rassembler les Canadiens: Rapport de consultation de la commission politique nationale du Parti progressiste-conservateur du Canada». Ce rapport est le résultat de consultations menées auprès de 20 000 Canadiens dans plus de 250 circonscriptions. Je n'ai aucun doute que madame le sénateur en sera inspirée et qu'un jour, nous verrons certaines de ces propositions présentées sous une couverture rouge.


(1350)

AFFAIRES COURANTES

Comité spécial pour l'étude du projet de loi C-20

Avis de motion portant attribution de temps

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que, conformément à l'article 39 du Règlement, un maximum de six heures de débat additionnel soit attribué pour disposer de la motion suivante:

Qu'un comité spécial du Sénat soit institué afin d'étudier, après la deuxième lecture, le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, le comité soit composé de quinze membres, y compris:

Le sénateur Joan Fraser
Le sénateur Céline Hervieux-Payette, c.p.
Le sénateur Colin Kenny
Le sénateur Marie-P. Poulin (Charette)
Le sénateur George Furey
Le sénateur Richard Kroft
Le sénateur Thelma Chalifoux
Le sénateur Lorna Milne
Le sénateur Aurélien Gill;

Que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que le comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

Que le comité soit autorisé à retenir les services de professionnels et du personnel de soutien et autres qu'il juge nécessaires.

Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toutes questions nécessaires pour disposer de la motion; et

Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demanderais d'avoir maintenant la possibilité de parler des travaux de cette Chambre. Je fais référence à mes propos du mercredi 3 mai, soit il y a une semaine. J'ai alors indiqué, au nom du gouvernement, que notre objectif était de faire adopter le projet de loi C-2 en troisième lecture et le projet de loi C-20 en deuxième lecture d'ici la fin de cette semaine. J'ai constaté, en examinant le hansard, que le sénateur Kinsella était prescient. Il a indiqué que, quelquefois, l'analyse a posteriori vaut mieux que la prévoyance dans ces questions, et nous n'avons pas, comme le savent les honorables sénateurs, atteint cette étape dans nos débats. Je voudrais voir les choses avancer, d'où la raison de l'avis de motion que je viens de donner.

Bref, honorables sénateurs, je réitère maintenant - avec une plus grande détermination, je l'espère - notre objectif de faire passer à ces projets de loi, d'ici la semaine prochaine, les étapes que j'ai mentionnées.

Projet de loi d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil

Première lecture

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-22, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 15 mai 2000.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Avis de motion autorisant le comité à étudier la détermination de la peine

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je donne avis que le mardi 16 mai 2000, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier les questions se rapportant à la détermination de la peine au Canada; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 21 juin 2001.

Les cahiers des recensements

Pétitions

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter six pétitions signées par 159 Canadiens qui demandent au gouvernement de permettre que tous les cahiers des recensements effectués depuis 1906 soient rendus publics après un délai raisonnable.

[Français]

La Société Radio-Canada

Avis d'interpellation

Permission ayant été accordée de revenir aux avis d'interpellation:

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi prochain, le 16 mai 2000, j'attirerai l'attention du Sénat sur la Société Radio-Canada.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai les réponses différées aux questions posées au Sénat par le sénateur Bolduc le 2 mai 2000 au sujet des missiles balistiques américains et par les sénateurs Roche, Bolduc et Prud'homme les 9 et 10 mai 2000 au sujet de l'accord avec les États-Unis sur le système de défense antimissile balistiques.

La défense nationale

La proposition de mettre au point un système de défense contre les missiles balistiques avec les États-Unis-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Roch Bolduc le 2 mai 2000)

Le gouvernement du Canada n'a pas encore pris position concernant le système national de défense antimissile qu'envisagent les Américains. De son côté, le gouvernement des États-Unis n'a rien décidé quant au déploiement d'un tel système, et le Canada n'a pas non plus été invité à y participer. Bon nombre de questions devront être réglées avant que celui-ci ne soit vraiment en mesure de se prononcer sur le projet, de même que sur sa participation si une telle invitation venait à se matérialiser.

Le ministre de la Défense nationale et celui des Affaires étrangères consultent actuellement leurs homologues des États-Unis et d'autres pays alliés, ou intéressés par la question, afin que soient pris en compte les intérêts du Canada relativement à la sécurité de l'Amérique du Nord, les répercussions possibles sur sa position au chapitre des régimes internationaux de contrôle des armes, ainsi que ses obligations en matière de sécurité collective en sa qualité de membre de l'OTAN.

Le gouvernement fera connaître sa position dans ce dossier au moment qui lui semblera opportun.

L'accord avec les États-Unis sur le système de défense antimissile balistiques-Le processus décisionnel-La possibilité de formation d'un comité spécial du Cabinet

(Réponse aux questions posées par l'honorable Douglas Roche, l'honorable Roch Bolduc et l'honorable Marcel Prud'homme les 9 et 10 mai 2000)

Aucun comité spécial du Cabinet n'a été créé pour examiner la possibilité d'une participation canadienne à la mise en place du système national de défense antimissile des États-Unis.

Que des ministres se réunissent dans un cadre informel pour discuter de certains dossiers n'a rien d'exceptionnel. Il ne faut pas nécessairement déduire de ces réunions spéciales qu'un nouveau comité du Cabinet a été constitué.

Le gouvernement n'a pas encore décidé de la date à laquelle le Canada rendra sa décision. Et comme le gouvernement américain n'a pas non plus décidé d'aller de l'avant avec ce projet, il serait prématuré de notre part de nous prononcer sur notre participation.

Le ministre de la Défense nationale et le ministre des Affaires étrangères consultent actuellement leurs homologues des États-Unis et des pays alliés. Notre évaluation du projet tiendra compte:

a. des intérêts du Canada en matière de sécurité en Amérique du Nord;

b. des répercussions sur la position du Canada concernant les régimes internationaux de contrôle des armes;

c. de la participation du Canada à la sécurité collective en sa qualité de membre de l'OTAN.

Le gouvernement fera connaître sa position au moment opportun.

ORDRE DU JOUR

Recours au Règlement-Décision du Président

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis maintenant prêt à rendre ma décision au sujet du recours au Règlement concernant la prolongation du temps de parole.

Le vendredi 7 avril, alors que l'on venait tout juste de passer à l'ordre du jour, le leader adjoint du gouvernement au Sénat a invoqué le Règlement. Le sénateur Hays a demandé à la présidence de rendre une décision, à savoir s'il est recevable de fixer des limites à une demande de prolongation du temps de parole d'un sénateur. Cette question a été soulevée par le sénateur par suite d'une série d'échanges qui s'étaient déroulés la veille, après que le sénateur Sibbeston eut demandé la permission de poursuivre son intervention dans le cadre de la troisième lecture du projet de loi C-9. Selon le sénateur Hays, lorsque la permission de prolonger le temps de parole est demandée, il convient, aux fins du bon déroulement des travaux, de s'entendre sur une durée précise. À son avis, il ne faudrait pas penser que, du fait qu'une permission ait été accordée, le temps de parole peut être prolongé indéfiniment.

[Français]

(1400)

Répondant à cela, le sénateur Kinsella, chef adjoint de l'opposition, s'est dit d'accord avec la situation fondamentale qui, selon lui, est à l'origine de l'objection formulée par le sénateur Hays. Il a reconnu la nécessité de revoir les règles de débat applicables au temps de parole accordé à chaque sénateur, précisant que la question devrait être étudiée par le Comité du Règlement. En fait, plusieurs autres sénateurs qui ont participé ensuite à la discussion entourant ce rappel au Règlement ont aussi parlé d'un examen possible des règles applicables aux interventions. Néanmoins, en ce qui concerne le rappel au Règlement fait par le sénateur Hays, le sénateur Kinsella a soutenu que la demande de permission visant à ne pas tenir compte des limites de temps prévues dans le Règlement ne peut pas logiquement être assujettie à une autre limite de temps.

Comme je l'ai déjà souligné, plusieurs autres sénateurs ont pris la parole sur ce rappel au Règlement afin d'exprimer leur point de vue. À la fin, le Président pro tempore a déclaré au Sénat que nous avions déjà discuté des aspects de cette question après les commentaires de la veille et que nous les examinerions de nouveau à la lumière des observations formulées au sujet du rappel au Règlement fait par le sénateur Hays. Depuis, j'ai lu les textes pertinents du hansard, j'ai aussi examiné notre Règlement en consultation avec le Président pro tempore et les greffiers au Bureau, et je suis maintenant prêt à rendre ma décision.

[Traduction]

Lors de son intervention, le sénateur Corbin a souligné que le paragraphe 37(4) du Règlement est catégorique. Aux termes de ce paragraphe:

[...] aucun sénateur ne parle pendant plus de 15 minutes, y compris les questions ou commentaires d'autres sénateurs que l'intervenant accepte au cours de son intervention.

Cette limite de temps a été incorporée au Règlement du Sénat en 1991 avec de nombreuses autres règles qui ont été conçues pour structurer plus clairement les séances du Sénat et permettre au gouvernement d'exécuter ses travaux. Le sénateur Murray estime qu'aujourd'hui, près de dix ans plus tard, il n'est peut-être plus autant nécessaire de limiter le temps de parole accordé aux sénateurs. Que ce soit le cas ou non, ce n'est pas à moi de le décider. Cette question est davantage du ressort du Comité du Règlement.

Il ne fait aucun doute que les dispositions actuelles du Règlement sont restrictives. Il est de plus en plus souvent demandé que la durée des discours ou de la période de questions et d'observations après les discours soit prolongée. La permission a rarement été refusée. Cette pratique, par contre, peut susciter un sentiment de frustration, comme en témoignent les objections faites parfois par certains sénateurs qui trouvent que le processus n'est pas suffisamment balisé. Le sénateur Hays a invoqué le Règlement pour proposer une solution à ce problème. Tant que les règles applicables au temps de parole des sénateurs n'auront pas été revues, il se pourrait que cette solution soit le seul moyen efficace de traiter la situation. Cependant, il faut d'abord établir si cette façon de faire est viable sur le plan de la procédure.

[Français]

Le sénateur Kinsella a souligné que le fait d'accéder à la demande signifie, aux termes du paragraphe 4(6) du Règlement, que l'on autorise qu'une chose soit faite ou que l'on procède d'une certaine manière «sans dissidence». Normalement, la demande suppose la suspension de l'application d'une règle, en tout ou en partie. Cela se fait de façon routinière chaque mardi, par exemple, lorsque le leader adjoint du gouvernement demande la permission de proposer, sans avoir présenté l'avis requis, une motion concernant l'heure à laquelle le Sénat siégera le mercredi. Au lieu de se réunir à 14 heures le mercredi, le Sénat convient habituellement de se réunir à 13 h 30 et de s'ajourner à 15 h 30 pour permettre aux comités de siéger. Il arrive aussi qu'une permission soit demandée pour que la règle régissant les votes différés ne s'applique pas afin que l'on puisse procéder au vote par appel nominal à une heure plus pratique que 17 h 30, comme prévu au paragraphe 67(2). Dans les deux cas, la permission est utilisée non seulement pour déroger à l'exigence relative à l'avis, mais aussi pour offrir, en remplacement des règles applicables, une solution qui permette au Sénat de poursuivre ses travaux de manière plus pratique et plus efficace.

[Traduction]

À la lumière de ces deux exemples, je ne trouve pas incorrect, sur le plan de la procédure, de joindre à la demande de permission de déroger aux règles applicables au temps de parole une proposition visant à préciser la durée de la prolongation. En fait, si l'on se fonde sur le modèle de la Chambre des lords que le sénateur Kinsella a mentionné, il serait utile et avantageux, pour le sénateur qui demande une prolongation, d'indiquer le temps dont il a besoin s'il veut améliorer ses chances d'obtenir une réponse favorable. De plus, je crois qu'une telle approche respecterait l'intention de l'article 3 du Règlement relatif à la suspension d'une règle. Aux termes de cet article, on peut suspendre une règle «à condition de bien préciser la règle dont il s'agit et les raisons de sa suspension». Dans la mesure du possible, j'ai toujours autorisé les explications à condition que cela n'entraîne pas de discussion prolongée. Je pense qu'il s'agit là d'une approche judicieuse qui pourrait bien servir le Sénat tant que les règles applicables aux débats n'ont pas été revues.

Par conséquent, je déclare qu'une demande visant à prolonger le temps de parole peut être acceptée si elle s'accompagne d'une déclaration indiquant la durée du temps supplémentaire requis. Cette déclaration peut être proposée soit par le sénateur qui fait la demande ou par tout autre sénateur, pourvu que la discussion au sujet de cette permission reste très courte.

J'espère que cette approche, outre la procédure actuelle relativement à une demande de prolongation du temps de parole d'un sénateur, représente une solution satisfaisante pour le Sénat, d'ici à ce que le Comité du Règlement procède à un examen plus poussé de nos règles de débat.

Honorables sénateurs, je voudrais faire une observation qui ne fait pas partie de la décision. J'ai cru observer récemment que certains de nos meilleurs débats ont fait suite à un discours. Je me rappelle, par exemple, le très bon débat que nous avons tenu sur le projet de loi nisga'a à la suite de questions et d'un échange d'observations d'un genre différent au Sénat. J'espère que nous ne nous limiterons pas indûment, car, après tout, notre rôle est d'encourager la discussion.

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais que nous mettions en délibération l'article no 3, sous «Initiatives ministérielles», qui concerne la reprise du débat sur le projet de loi C-20.

Honorables sénateurs, le débat avait été interrompu après l'ajournement décidé hier en vertu d'un ordre de cette Chambre. Nous écoutions un échange entre le sénateur Joyal et le sénateur Murray.

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-Suspension du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai préparé un certain nombre de questions qui portent toutes sur le même sujet. J'ai consulté le sénateur Joyal et je pense bien que nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il serait plus cohérent et efficace, et que nous perdrions moins de temps, si je lui posais toutes mes questions en une seule fois et qu'il y répondait en une seule fois, pour que d'autres sénateurs aient la possibilité de participer au débat et que nous puissions continuer.

Cela étant, je dois attirer l'attention des sénateurs sur une erreur qui s'est glissée dans l'édition d'hier des Débats du Sénat, à la page 1320 des versions anglaise et française, où j'aurais dit, à propos du procureur général:

[...] que ce dernier ne prétend pas que la sécession ne peut se faire unilatéralement.

C'est plutôt le contraire que le procureur général et ses juristes affirment, et c'est le contraire de ce que j'ai rapporté comme étant leurs paroles. Pour que les choses soient claires, je vais lire la déclaration intégrale de maître Pierre Bienvenu, le représentant du procureur général du Canada.

[Français]

À la page 55 des procès-verbaux de la Cour suprême du Canada du 16 février 1998, maître Bienvenu a dit, et je cite:

Je répète que la Procureure générale du Canada ne soutient pas que la sécession ne peut se faire en vertu de la Constitution du Canada. Elle soutient uniquement qu'elle ne peut pas se faire unilatéralement.

[Traduction]

Ce problème étant réglé, je voudrais poser mes questions au sénateur Joyal. Je lui ai demandé au départ si sa thèse de l'indivisibilité du Canada avait été modifiée notablement par l'adoption des formules de modification, en 1982. Le procureur général du Canada, dans son mémoire à la Cour suprême du Canada et dans l'argumentation présentée par ses avocats, a affirmé que le processus de modification était assez souple pour permettre même la sécession d'une province.

(1410)

Dans ce cas, la thèse du sénateur Joyal n'est-elle pas contredite par la position défendue par le procureur général du Canada devant les tribunaux et par l'avis de la cour? Le procureur général a-t-il fait des concessions qu'il nous faudra accepter pour toujours et qui lieront ses successeurs? Avons-nous perdu, à cause de l'avis de la cour, ce que le sénateur Joyal appelle «notre indivisibilité»?

Le sénateur Joyal dit qu'on a tort de soutenir que des négociations aboutissant à la sécession sont semblables à des négociations qui mènent à une modification constitutionnelle ordinaire. On a peut-être tort, mais cela semble être la position du gouvernement, confirmée par l'avis de la cour. Le gouvernement a soutenu devant la Cour suprême du Canada qu'il n'existait pas de droit à la sécession. Par contre, la sécession peut être réalisée par des moyens constitutionnels. Cette distinction a-t-elle quelque importance pour la thèse du sénateur Joyal?

Que pense le sénateur Joyal de la réponse type de M. Dion, le ministre des Affaires intergouvernementales, relativement à l'argument de l'indivisibilité, qui veut que le Canada soit uni par la volonté du peuple et non par une obligation juridique?

Enfin, on peut en conclure, d'après l'intervention du sénateur Joyal, qu'à son avis, le projet de loi C-20 est inconstitutionnel à plusieurs égards au moins. Puisque c'est le cas, comment un ou même plusieurs amendements pourraient-ils aider à résoudre le problème?

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je vais tenter de répondre de façon aussi brève que possible aux divers points soulevés par le sénateur Murray.

En ce qui a trait à sa première question, qui portait sur la position du procureur général du Canada quant au plaidoyer de la cour dans le cadre des débats de la Cour suprême du Canada dont il est question, je crois qu'il ne faut pas perdre de vue les questions qui avaient été posées à la cour. Ces questions avaient bien sûr été clairement énoncées dans le décret en cause. La première question, qui sera au centre de ma première réponse, était la suivante:

L'Assemblée nationale, la législature ou le gouvernement du Québec peut-il procéder à la sécession du Québec, en vertu de la Constitution du Canada, du Canada?

Nous savons tous que le tribunal a déjà répondu à cette question par la négative. Le tribunal a poursuivi ses commentaires, sans aller jusqu'à nier le principe même dont je tire la conclusion que notre pays est indivisible. Je renvoie au paragraphe 53 de la décision, que j'aimerais citer puisqu'il traite de ce point. Le paragraphe 53 dit ceci:

Nous avons toutefois signalé dans le Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale que le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 avait pour effet d'incorporer par renvoi certains principes constitutionnels, proposition affirmée auparavant par l'arrêt Fraser c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique.

Autrement dit, la Cour suprême a reconnu dans sa décision que le préambule de la Constitution conserve toute sa force et sa signification quant à l'interprétation de la Constitution du Canada. Dans cette optique, la cour n'innovait en rien puisque en 1992, dans l'affaire New Brunswick Broadcasting Co. c. Nouvelle-Écosse (Président de l'Assemblée législative), le juge McLachlin a parlé longuement, à la page 378, de l'importance du préambule et de sa signification. La décision n'a en rien diminué l'importance de cette décision. Cela est très clair dans l'interprétation de ce que le tribunal a eu à dire en ce qui a trait à la première question, qui portait sur l'indivisibilité du Canada ou sur le degré de protection de l'indivisibilité du Canada dans la Constitution canadienne.

Deuxièmement, concernant ce qui s'est passé depuis 1982, je sais que d'autres honorables sénateurs partagent un sujet de préoccupation. Le sénateur Beaudoin m'a fait part de sa préoccupation à ce sujet après mon intervention. J'attire l'attention de l'honorable sénateur sur l'article 41 de la Constitution canadienne, qui stipule:

Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province [...]

Il s'agit, autrement dit, du principe d'unanimité. Quel est le premier sujet auquel s'applique le principe d'unanimité? C'est la charge de Reine, celle de Gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur. Autrement dit, dans la Loi constitutionnelle de 1982, il y a certaines catégories de sujets qui pourraient être modifiés selon ce que j'appelle le «principe fédéral», sept provinces regroupant 50 p. 100 de la population, représentant les diverses régions du pays, et d'autres selon le principe d'unanimité. Autrement dit, il y a des éléments de la Constitution qui semblent être si fondamentaux pour la nature du pays que l'unanimité est recommandée. Nous savons ce que signifie l'unanimité. Cela signifie le consentement de tous sur un pied d'égalité, quelle que soient la superficie de la province et sa population. La formule de modification est fondée sur le principe d'égalité des provinces quand il s'agit d'unanimité.

Si nous devons discuter de la charge de Reine et de ce que l'on veut dire par «une seule et même Puissance (Dominion) sous la couronne», et si nous voulons modifier cet aspect même de notre Constitution, nous devons respecter le principe d'unanimité, en d'autres mots obtenir le consentement de toutes les provinces et du Parlement du Canada.

De plus, les honorables sénateurs se rappelleront que le Parlement a adopté, il y a quatre ans, une loi ayant trait à ce que j'appelle le «principe fédéral» en ce qui concerne le gouvernement fédéral. Cette mesure, intitulée: «Loi concernant les modifications constitutionnelles», a été adoptée le 2 février 1996 et prévoit que le gouvernement fédéral ne peut déposer une motion de résolution à la Chambre des communes à moins d'avoir l'appui des cinq régions du Canada. Les honorables sénateurs se rappelleront le débat qui a suivi.

Le gouvernement du Canada s'est lié davantage avec la formule de modification. Nous en connaissons les conséquences. Je pense que les sénateurs qui étaient présents à l'époque se souviennent de ce débat. En outre, il faut se rappeler qu'un grand nombre de provinces se sont imposé des contraintes supplémentaires avant d'exprimer leur consentement à la formule de modification. Je parle ici de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Manitoba. Je rappelle au sénateur que ces trois provinces ont adopté des mesures législatives précises les obligeant à tenir un référendum avant que leur gouvernement ne puisse consentir à toute modification de la Constitution. Je voudrais citer un passage de l'Alberta Constitutional Referendum Act de 1992, qui dit très clairement que:

Le gouvernement de l'Alberta doit ordonner la tenue d'un référendum avant qu'une résolution autorisant une modification de la Constitution du Canada ne soit votée par l'assemblée législative.

En 1991, dans la loi intitulée «Constitutional Amendment Approval Act», le gouvernement de la Colombie-Britannique a inséré la même disposition, qui dit ceci:

Le gouvernement ne doit pas présenter de motion concernant une résolution de l'Assemblée législative autorisant une modification de la Constitution du Canada, à moins qu'un référendum n'ait d'abord été tenu à cet égard en vertu du Referendum Act.

Le Manitoba a obligé son assemblée législative à tenir des audiences dans toute la province avant que l'assemblée législative ne soit autorisée à consentir à une modification.

Autrement dit, trois provinces, en application de la formule de modification de 1982, ont franchi un pas de plus pour reconnaître la source de la souveraineté, soit la volonté de la population de la province. Nous savons que, en 1992, lorsqu'on s'est entendu sur l'Entente de Charlottetown, le gouvernement du Canada et celui de ces provinces auraient pu approuver sans tenir de référendum. L'honorable sénateur se rappellera certainement que le gouvernement de l'heure avait jugé bon, vu l'importance de la question posée, de tenir un référendum.

(1420)

Mon argument est que, en ce qui concerne l'interprétation du préambule de la Constitution du Canada, la décision reconnaît l'importance et la force du préambule. Cela n'a pas changé. Le rapatriement n'a aucunement diminué le rôle de la Couronne aux termes de la Constitution.

Lors des discussions constitutionnelles de 1992, on a signalé que si nous apportons un changement quelconque à cet égard, par exemple, si le Canada envisageait de devenir une république au lieu d'une monarchie constitutionnelle, l'article 41 prévoit qu'il faut l'unanimité. Plus précisément, c'est le cas, mais on sait que, dans le passé, les provinces et le gouvernement fédéral ont déclaré qu'ils ne se sentaient pas totalement autorisés, en ce qui concerne le mandat démocratique, à agir sans consulter la population et obtenir un mandat de sa part.

C'est la convention du gouvernement. J'ai cité le premier ministre même qui a dit qu'il consulterait les Canadiens s'il devait y avoir une modification importante. Il se sentirait tenu de consulter les Canadiens parce que, comme il l'a dit en 1992, nous avons donné la Constitution à la population canadienne.

Honorables sénateurs, je doute avoir dit ou laissé entendre hier que la décision, la pratique, les lois provinciales ou la manière dont nous interprétons la Constitution du Canada aient été diminuées par la décision rendue par la cour ni par la manière dont nous avons mené nos discussions sur les modifications constitutionnelles au Canada.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à l'honorable sénateur Joyal. Je me joins à tous ceux qui l'ont félicité et remercié pour son intervention de première classe.

L'honorable sénateur a attiré l'attention sur une disposition de la constitution française qui traite de l'indivisibilité de la république française. Sur le continent nord-américain, il y a deux autres confédérations en plus de la nôtre, soit les États-Unis d'Amérique et le Mexique.

Dans son avis sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême dit se pencher sur les principes du fédéralisme, de la démocratie, du constitutionnalisme et de la primauté du droit. Le fonctionnement des deux autres fédérations est aussi fondé sur ces principes.

La Cour suprême des États-Unis a déclaré, dans la cause White, que les États-Unis d'Amérique formaient un pays indivisible. J'ai appris, en discutant avec des parlementaires du Mexique, qu'ils sont aussi d'avis que la république fédérale du Mexique, y compris le Chiapas, est indivisible.

L'honorable sénateur aimerait-il commenter cette expérience? A-t-il, grâce à cela, confirmé son point de vue, que je partage, selon lequel le Canada est indivisible?

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Kinsella de sa question.

Les honorables sénateurs savent sans doute qu'une étude comparative des diverses constitutions des pays du monde nous apprend que certaines constitutions, celles de la France et du Portugal notamment, affirment non seulement que le territoire du pays est indivisible, mais aussi qu'il est interdit de modifier l'article établissant et reconnaissant cette indivisibilité. Cette disposition se trouve à l'article 89 de la Constitution française et se trouve aussi dans la Constitution du Portugal. Ce sont les sources d'information les plus instructives à ce sujet.

Dans certains autres pays, le principe n'est pas exprimé précisément dans le texte de la constitution, mais il est affirmé par l'histoire, les précédents et les conventions, qui font partie du cadre législatif où de telles questions se posent et sont interprétés comme des règles établissant une indivisibilité réelle, péremptoire et inaltérable, à moins que toute la population ne demande le contraire.

En fait, l'honorable sénateur sait que rien dans la Constitution américaine ne stipule que les États-Unis d'Amérique forment un pays unique et indivisible. Cependant, nous savons tous que les présidents américains ont toujours considéré que leur mandat les obligeait à faire respecter la Constitution tant que les citoyens de leur pays ne les autorisaient pas à dissoudre l'unité du pays et du territoire.

Il existe différents systèmes pour parvenir au même résultat. Les pays régis par la common law obéissent à un certain nombre de principes et de conventions non écrits dont la force obligatoire équivaut à celle des dispositions écrites de la France et des pays européens qui ont hérité du droit romain et où les règles sont bien codifiées et écrites. Cependant, le résultat est le même: la souveraineté repose toujours sur la même assise, à savoir la volonté des citoyens de maintenir l'intégrité et l'unité de leur pays, qu'ils expriment en n'autorisant pas leur gouvernement à amorcer le démantèlement de leur pays.

Je cite à nouveau ici le paragraphe 53 de la décision de la Cour suprême du Canada:

Étant donné l'existence de ces principes constitutionnels sous-jacents, de quelle façon notre Cour peut-elle les utiliser? Dans le Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale [...] nous avons apporté la réserve que la reconnaissance de ces principes constitutionnels (l'opinion majoritaire parle de «principes structurels» et décrit l'un d'eux, l'indépendance de la magistrature, comme une norme «non écrite») n'est pas une invitation à négliger le texte écrit de la Constitution. Bien au contraire, nous avons réaffirmé qu'il existe des raisons impératives d'insister sur la primauté de notre Constitution écrite. Une constitution écrite favorise la certitude et la prévisibilité juridiques, et fournit les fondements et la pierre de touche du contrôle judiciaire en matière de révision constitutionnelle. Nous avons toutefois signalé dans le Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale que le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 avait pour effet d'incorporer par renvoi certains principes constitutionnels, proposition affirmée auparavant par l'arrêt Fraser c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique [...] nous avons statué que le préambule «invite les tribunaux à transformer ces principes en prémisses d'une thèse constitutionnelle qui amène à combler les vides des dispositions expresses du texte constitutionnel».

Autrement dit, lorsque le texte n'en fait pas mention, on compte sur le préambule pour combler le vide. Comme la notion d'indivisibilité ne figure pas clairement dans la Constitution, il faut se reporter au préambule et l'y chercher, de même que dans les quatre principes constitutionnels sous-jacents que la cour a cernés et que l'honorable sénateur a exprimés. C'est ce que j'ai toujours prétendu et ce que la cour a confirmé dans sa décision du 28 août 1998.

L'honorable Anne C. Cools: Puis-je demander à l'honorable sénateur Joyal des éclaircissements à cet égard?

Le sénateur Kinsella: Je vous en prie.

Le sénateur Cools: Je tiens à remercier l'honorable sénateur Joyal pour l'excellente allocution qu'il a présentée hier.

Le sénateur Joyal vient de citer le passage suivant du paragraphe 53 du Renvoi relatif à la sécession du Québec:

Dans le Renvoi relatif aux juges de la Cour provinciale [...] nous avons statué que le préambule «invite les tribunaux à transformer ces principes en prémisses d'une thèse constitutionnelle qui amène à combler les vides des dispositions expresses du texte constitutionnel».

Je mets cela en doute, honorables sénateurs, car je ne crois pas que les tribunaux aient moindrement le pouvoir de combler les vides des dispositions législatives.

(1430)

Je crois comprendre que c'est sur la même disposition ou le même paragraphe que l'honorable sénateur Joyal vient de lire que la cour s'est appuyée pour statuer que le gouvernement fédéral est légalement tenu de négocier la sécession. Autrement dit, c'est sur ce préambule particulier que la cour s'appuie pour dire qu'elle a le droit de créer une obligation légale à l'endroit du gouvernement fédéral. Je trouve curieux que, jusqu'à maintenant, ni le gouvernement du Canada, ni le premier ministre ni les sénateurs n'aient jamais su que le gouvernement du Canada est non seulement tenu de négocier la sécession, mais que c'est aussi sa prérogative.

Le sénateur Joyal pourrait-il clarifier cela? La cour utilise cet argument pour justifier une position diamétralement opposée à celle qu'il défend. Il dit que l'indivisibilité du Canada est inhérente dans le préambule. Je suis d'accord avec lui. Je pense aussi que l'indivisibilité du Canada est inhérente dans chaque disposition. Cependant, comme la cour s'est appuyée sur le préambule pour arriver à une conclusion opposée à celle du sénateur, celui-ci n'est donc pas aussi d'accord avec la cour qu'il n'y paraît. Pour confirmer ce que j'avance, je vous renvoie au paragraphe 148 du jugement, où la cour dit:

Une lecture superficielle de certaines dispositions spécifiques du texte de la Constitution [...] pourrait induire en erreur.

L'honorable sénateur pourrait-il clarifier pour nous cette contradiction? Je pense que bien des gens ici s'en remettent à ceux d'entre nous qui ont sérieusement étudié la question. Il n'y a absolument aucune disposition ni aucun principe écrit ou non écrit qui impose au gouvernement du Canada quelque obligation ou prérogative que ce soit de négocier la sécession.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Cools a posé une question intéressante: comment peut-on concilier les principes que la cour a mis en évidence et que l'honorable sénateur a cités - le fédéralisme, la démocratie, la primauté du droit, la constitutionalité et la protection des droits de la minorité - comme étant les principes sous-jacents de la Constitution, en plus du préambule, qui sont reconnus comme ayant un certain effet sur l'interprétation de la Constitution, et le fait que, plus loin, à la fin de leur raisonnement, les juges de la Cour suprême disent que, s'il y a un référendum et une majorité clairs, le gouvernement fédéral aurait alors le devoir d'écouter les demandes de la province en cause et d'en venir à une entente de bonne foi? Ils fondent essentiellement la totalité du processus sur la bonne foi. Autrement dit, ils n'appuient pas le résultat. Ils disent simplement que le gouvernement devra négocier de bonne foi et tenter d'en venir à une entente fondée sur la reconnaissance du principe fédéral et de la protection des droits de la minorité, et ils dressent la liste d'articles qui devraient faire l'objet des discussions.

Qu'ont-ils reconnu, en fait? Ils ont reconnu un principe de l'expression démocratique. Ils ont reconnu que, s'il y a un référendum et une majorité clairs, sans qualifier ni l'un ni l'autre, le gouvernement devrait négocier et tenter d'en venir à une entente. Ils n'ont pas ordonné le démantèlement du Canada. Ils n'ont pas d'office confié au gouvernement du Canada le mandat de négocier. Le gouvernement du Canada a toujours la responsabilité de faire respecter la Constitution. C'est pour cette raison que j'ai proposé aux sénateurs qu'avant de négocier avec les représentants de la province sécessionniste, le gouvernement du Canada consulte la population canadienne de la même manière que la province sécessionniste a consulté la sienne. C'est là que réside la souveraineté du pays. Si le gouvernement du Canada doit négocier le démantèlement du pays, tout comme le premier ministre provincial devra obtenir le mandat de ses citoyens, le gouvernement du Canada devra en faire autant auprès des siens. C'est pourquoi j'estime que les premiers ministres fédéraux précédents avaient raison de dire: «Nous n'avons pas le mandat de le faire. Ne frappez pas à ma porte lundi matin. Je ne répondrai pas. Cette question n'est pas inscrite à mon programme de la journée.»

À mon avis, tout gouvernement du Canada désireux de s'associer à une telle initiative devrait consulter la population. C'est là que se trouve le principe d'indivisibilité de notre pays. À mon avis, si, dans chacune des cinq régions, une majorité de Canadiens dit: «Oui, vous pouvez négocier de bonne foi», nous avons franchi une nouvelle étape parce que nous avons l'expression de la volonté démocratique des Canadiens. Évidemment, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'arriver au moment où deux parties seront autorisées, après avoir suivi le même processus démocratique, à négocier le démantèlement du pays. C'est pourquoi je crois qu'il est important de réaffirmer le caractère indivisible du pays et de réaffirmer que les gouvernements du Canada détiennent leur pouvoir souverain par la volonté du peuple, exprimée dans les différentes régions, à égalité. Si jamais nous devions lancer un processus de démantèlement du Canada, ce ne serait que parce que la population l'a autorisé.

Je ne vois rien dans la décision qui empêche le gouvernement du Canada de consulter la population et rien qui indique au gouvernement qu'il doive adopter une mesure législative définissant la clarté. Le gouvernement a cru que c'était la chose à faire et je crois que c'est vrai, mais seulement dans le contexte de ce que l'honorable sénateur a présenté comme étant un des principes fondamentaux de la démocratie. Y a-t-il un processus démocratique plus direct qu'un référendum où l'ensemble de la population du Canada pourrait dire au gouvernement, en réponse à une question claire, avec une majorité régionale claire: «D'accord, vous pouvez y aller!» Je le répète, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'en arriver là. Cependant, il est important d'avoir les discussions que nous avons dans le cadre du débat sur le projet de loi C-20, parce que ces questions s'inscrivent dans le contexte général où se situe ce projet de loi.

Nous nous efforçons tous de comprendre les répercussions du projet de loi C-20. Je suis convaincu que ce projet de loi nous préoccupe tous. Beaucoup d'entre nous ont participé à de nombreux débats référendaires au cours des 20 dernières années. Je vois mon collègue, l'honorable sénateur Nolin, qui en a parlé dans son discours d'il y a deux semaines. Nous voulons être certains de faire les choses en respectant les principes qui nous lient.

Le sénateur Murray demande si la volonté des Canadiens est plus importante que la lettre de la loi. À mon avis, cette dernière est indispensable si nous voulons avoir l'expression de la volonté des Canadiens. À défaut de règles claires, nous nous trouvons alors sur la pire voie possible, qui nous mènera à des situations civiles très difficiles. Nous le savons. C'est une question très délicate. Si jamais nous devons permettre aux gens de certaines régions du Canada de se séparer, ce ne sera que parce que la procédure est claire depuis le début et qu'il n'existe pas d'ambiguïté. Si les Québécois veulent faire sécession un jour, ils sauront qu'il faut deux intervenants pour qu'il y ait des négociations. Quiconque mène des négociations sait qu'il a besoin d'un mandat pour le faire et, pour obtenir ce mandat, il doit consulter ses membres, ou encore le président doit consulter le conseil d'administration et dire: «Donnez-moi un mandat.» Si vous n'avez pas de mandat, vous n'êtes pas autorisé à négocier. C'est pourquoi je soutiens que s'il existe un mandat, il est entre les mains des Canadiens. C'est la volonté des Canadiens qui fait en sorte que ces règles aident l'ensemble du pays à relever le défi que constitue le maintien de son unité.

Le sénateur Murray: Je ne suis pas en désaccord avec la position adoptée par l'honorable sénateur Joyal. Je souligne simplement que l'avis de la Cour suprême traite un amendement concernant la sécession comme tout autre amendement à la Constitution. De fait, au paragraphe 88, la cour précise ce qui suit:

Au Canada, l'initiative en matière de modification constitutionnelle relève de la responsabilité des représentants démocratiquement élus des participants à la Confédération. Pour ces représentants, le signal peut être donné par un référendum mais, en termes juridiques, le pouvoir constituant au Canada, comme dans bien d'autres pays, appartient aux représentants du peuple élus démocratiquement.

Ailleurs dans la décision, la cour ajoute ce qui suit:

Les autres provinces et le gouvernement fédéral n'auraient aucune raison valable de nier au gouvernement du Québec le droit de chercher à réaliser la sécession, si une majorité claire de la population du Québec choisissait cette voie, tant et aussi longtemps que, dans cette poursuite, le Québec respecterait les droits des autres.

À mon avis, tout cela veut dire que la cour ne suggère d'aucune façon que la procédure serait autre chose que la procédure applicable à toute modification constitutionnelle. La Couronne fédérale est obligée de se présenter à la table, comme tous les autres partenaires, pour négocier la volonté clairement exprimée de la population du Québec à propos d'une question claire.

(1440)

Le sénateur Joyal: La loi qui régit l'exercice de la responsabilité du gouvernement fédéral ne change pas. Le gouvernement fédéral a la responsabilité inéluctable de maintenir l'ordre constitutionnel tant que le gouvernement n'a pas reçu de la population canadienne le mandat de le démanteler. C'est l'élément fondamental de la démocratie.

Le sénateur Murray: Je suis d'accord, mais pas la cour.

Le sénateur Joyal: Le gouvernement du Canada n'a jamais demandé à la cour de se prononcer sur la procédure de sécession. Les honorables sénateurs se rappelleront, même si l'argument a été soulevée à l'époque par plusieurs personnes ayant comparu devant la cour, que le gouvernement du Canada a refusé de demander à la cour de se prononcer un tant soit peu sur la procédure qui devrait présider à la sécession. La cour a formulé une observation dans ce sens. Pour moi, il n'est pas question de prendre des raccourcis pour démanteler le pays et éviter - comme l'a dit le juge Estey - le genre de chaos qui se produirait à coup sûr.

Si c'était le cas, il serait trop facile, en fait, de procéder au démantèlement du pays. Aucun gouvernement appartenant à un parti fédéral - j'exclus le Bloc Québécois pour des raisons évidentes - ne recevrait jamais, au cours d'une élection générale, le mandat de démanteler le pays. Où obtenez-vous le mandat? Vous obtenez le mandat de la population canadienne. Comment peut-on lire le jugement de façon à lui faire dire que le gouvernement serait libéré de la responsabilité démocratique d'obtenir le mandat de la population du Canada? Ce n'est pas mon interprétation du jugement.

Les diverses provinces et le gouvernement fédéral, s'ils le jugent bon, peuvent s'obliger eux-mêmes un peu plus avant de souscrire à des modifications constitutionnelles. J'ai cité la législation provinciale ainsi que la mesure législative que notre Parlement a adoptée, le projet de loi C-110, sur les implications de laquelle plusieurs sénateurs ici présents ont débattu. Si vous vous en souvenez, on disait alors que la Constitution serait plus rigide parce que nous aurions à franchir une autre étape que la modification de la formule 7/50.

Autrement dit, si l'on tient compte de tous les éléments, de toutes les mesures qui doivent être prises avant que le gouvernement fédéral ne soit autorisé à s'asseoir à la table de négociation, je pense que nous avons la capacité de maintenir l'ordre constitutionnel tant que le peuple du Canada n'aura pas autorisé le gouvernement du Canada à modifier la formule.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je trouve les arguments avancés par le sénateur Joyal très convaincants. Ils m'aident terriblement à mieux comprendre cette importante mesure législative.

Si je comprends bien ce qu'a dit le sénateur, il a dit au début de son intervention hier qu'il appuyait les objectifs du gouvernement. Un sénateur lui a posé une question à ce sujet et, si je comprends bien ce qu'il a dit, je partage les objectifs qui, selon lui, sont ceux du gouvernement en ce qui concerne ce projet de loi. Je n'ai aucun problème à souscrire à ces objectifs.

C'est dommage que le gouvernement n'ait pas consulté le Sénat en premier lieu et qu'il ne lui ait pas demandé sa participation. Ce débat a été l'un des meilleurs auxquels j'ai participé. J'ai appris énormément de choses en écoutant les interventions de tous les honorables sénateurs. Le niveau du débat en dit long sur cette institution.

Ces principes sont critiques. Il y va de la vie ou de la mort du Canada. Étant donné les informations extrêmement importantes que nous avons devant nous et étant donné que les principes se précisent à chaque fois qu'un sénateur fait part de ses réflexions à ce sujet, je dirai que nous devons examiner la proposition dans le cadre du processus législatif.

Comme je l'ai dit, c'est dommage que nous n'ayons pas été consultés en premier lieu. Nous aurions pu rédiger une mesure législative qui aurait tenu compte de ces principes en s'inspirant des principes qui témoignent de l'intégrité d'un pays qui a 133 ans d'existence. Nous pourrions quitter cet endroit sachant que le pays existera encore dans 133 ans.

Honorables sénateurs, ma question est celle-ci. Compte tenu du fait qu'il accepte en principe l'objectif du gouvernement, l'honorable sénateur ne trouverait-t-il pas logique de renvoyer cette question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce comité pourrait en examiner l'objet et rédiger un projet de loi sur la base des principes que nous avons exposés au cours de ce débat? À mon avis, il est impossible d'améliorer le projet de loi C-20 dont nous sommes saisis, car il y a trop de contradictions.

L'honorable sénateur va-t-il réfléchir à cette idée et peut-être la commenter, que ce soit maintenant ou plus tard, afin que nous puissions essayer de nous entendre au sujet du renvoi du projet de loi à un comité en vue de présenter et d'adopter une mesure législative respectant ces critères essentiels, présents dans ce cas-là?

Le sénateur Joyal: Je remercie l'honorable sénateur de sa suggestion. Je suis persuadé que le leader du gouvernement au Sénat et le leader adjoint du gouvernement au Sénat l'auront entendue. Cette question est sans aucun doute très importante pour chacun d'entre nous.

Nous avons eu un long débat ici. Comme on peut le voir, tout le monde a eu amplement le temps de donner son point de vue sur la question. Le Sénat a écouté attentivement chacun des discours prononcés. Le gouvernement et le leader du gouvernement au Sénat peuvent prendre en délibéré la suggestion de l'honorable sénateur Kinsella et nous pouvons en discuter davantage.

Nous avons l'immense privilège dans cette enceinte de dire ce que nous pensons de façon détaillée et de profiter des échanges que nous avons eu dans le cadre du débat. Il y a des avantages à suivre la voie dans laquelle nous nous sommes engagées jusqu'à maintenant. Il s'agit d'un processus libre, ouvert et jusqu'ici totalement crédible. Je sais infiniment gré aux honorables sénateurs qui m'ont donné le temps nécessaire pour faire part de mon opinion. Je sais que le gouvernement a un programme tout à fait légitime, mais d'un autre côté, il doit reconnaître l'importance fondamentale de cette question. Je suis persuadé que le leader du gouvernement au Sénat voudra réfléchir à cette suggestion.

D'un autre côté, nous sommes saisis du projet de loi. Il a été discuté et amendé à l'autre endroit. D'autres sénateurs ont des préoccupations. Les sénateurs autochtones ont fait part de leurs craintes. Mon collègue de l'Ontario, le sénateur Gauthier, a exprimé ses propres préoccupations. Nous participons tous à ce débat.

Ce n'est pas que je n'aime pas le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je vois le sénateur Beaudoin, le sénateur Milne, qui est l'excellente présidente de ce comité, le sénateur Cools et tous mes autres collègues, toujours présents, et je pense qu'il est utile de partager ce que nous faisons ici aujourd'hui comme nous l'avons fait au cours des derniers mois. Je crois que chacun d'entre nous doit écouter les divers arguments présentés.

Ce projet de loi a été amendé. Il renferme des éléments importants. Chacun d'entre nous a peut-être une opinion différente là-dessus. Dans l'ensemble, on essaie d'encadrer les objectifs fondamentaux que nous voulons exprimer dans un projet de loi portant sur l'avenir même de notre pays.

[Français]

(1450)

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Je remercie l'honorable sénateur Joyal de sa contribution remarquable à ce débat. Il faut se souvenir que trois questions ont été soumises à la Cour suprême, et que l'on a volontairement choisi de ne pas demander quelle serait la formule d'amendement applicable si une négociation prenait place.

Il faut toujours revenir sur cette question controversée. Honorables sénateurs, certains disent qu'il faut l'unanimité, d'autres disent que c'est la «formule du 7/50», mais la Cour suprême ne s'est pas prononcée à ce sujet et c'est dommage.

J'ai toujours dit que le référendum ne fait pas partie de la formule d'amendement. Il n'y a absolument rien qui empêche le gouvernement fédéral de consulter la population canadienne. J'imagine que s'il y a un domaine assez important pour justifier un référendum national, c'est bien celui-là. Je suis d'accord avec l'honorable sénateur sur ce point.

Les lois des provinces disent qu'on ne doit pas ratifier un amendement constitutionnel sans référendum préalable. Il faut se souvenir que cela ne fait pas partie de la formule d'amendement. Si jamais on ne se conforme pas à cette formule, je ne suis pas sûr que cela annule l'amendement.

L'honorable sénateur en vient-il à la conclusion que le principe de l'indivisibilité inclut nécessairement un référendum préalable? Il me semble que c'est ce qu'il veut dire. Remarquez que je n'imagine guère que l'on puisse négocier sans tenir un référendum. L'honorable sénateur est-il d'accord avec cette assertion?

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je soutiens que le principe d'indivisibilité est enchâssé dans la Constitution et qu'il est «underlined», pour reprendre les termes de la Cour suprême dans son opinion. Nous devons l'affirmer clairement, parce qu'il est à la base même du rôle de la monarchie constitutionnelle. Il est lié essentiellement à la structure politique et constitutionnelle de notre État. Si on veut poser un geste qui aurait pour effet de nier ce principe, il faut retourner à la source constitutive de la souveraineté qui est la population canadienne.

Par conséquent, on ne peut pas arriver à d'autres conclusions que celle-là puisque, en pratique, si on remet en cause l'existence même de la nation, il faut qu'elle puisse s'exprimer. C'est la raison pour laquelle j'ai élaboré dans mon texte, hier, la notion de citoyenneté, parce que c'est là, en définitive, où reposent ultimement les droits et les libertés des individus. Si nous devions remettre en cause fondamentalement les droits et les libertés des individus, c'est parce que la population aura accepté qu'une partie de ces libertés puisse être éteinte sur une partie du territoire canadien. L'un ne va pas sans l'autre dans un système démocratique, selon les principes que la Cour suprême elle-même a reconnus être présents dans notre édifice constitutionnel.

Le sénateur Beaudoin: Autrement dit, au Canada, cela serait implicite, alors qu'en France, c'est explicite, c'est dans le texte. Aux États-Unis, la Cour suprême a affirmé que l'union fédérative était indissoluble. La thèse de l'honorable sénateur soutient donc qu'on ne pourrait pas y arriver chez nous parce qu'il y a une obligation constitutionnelle implicite?

Le sénateur Joyal: Tout à fait.

L'honorable Roch Bolduc: En disant cela, l'honorable sénateur est conscient qu'il parle de la Constitution d'après 1982, c'est-à-dire après les deux formules d'amendement sur l'unanimité, pour des situations précises, et l'autre la formule 7/50 pour, par exemple, la création d'une province. Seraient-ce, d'après l'honorable sénateur, des arguments convaincants pour donner aux législatures le pouvoir de négocier?

Le sénateur Joyal: Je ne peux pas répondre totalement de façon affirmative à cette question. Même si les législatures ont toute autorité sous la formule d'amendement pour adopter le texte de la loi, la cour a très bien reconnu que là où il y a des silences dans la Constitution, on devait les interpréter en ayant recours aux principes sous-jacents à l'édifice constitutionnel canadien.

La cour a reconnu que la démocratie, par exemple, n'est pas reconnue dans le contexte constitutionnel canadien, mais a une force liante sur les gouvernements; de la même manière le principe de l'indivisibilité, qui est enchâssé dans l'existence d'une monarchie constitutionnelle, doit servir de base et de référence à la décision si on peut démanteler le pays sans demander à l'autorité constitutive elle-même l'autorisation pour ce faire.

Le sénateur Bolduc: Dans la Constitution, suite aux amendements de la Loi constitutionnelle de 1982, la monarchie peut être changée par un amendement constitutionnel unanime. Qu'y a-t-il de plus fort que cela si on peut devenir une république par un amendement constitutionnel voté par les législatures?

Le sénateur Joyal: L'article 41.1 que j'ai cité démontre clairement que l'office du Gouverneur général et du lieutenant-gouverneur peuvent être l'objet d'amendements unanimes.

Le sénateur Prud'homme: René Lévesque l'a laissé passer.

Le sénateur Joyal: Comme je l'ai mentionné antérieurement, il y a non seulement le texte même, mais aussi la pratique constitutionnelle que la cour a reconnue comme étant partie liante à la manière de pouvoir assumer ou faire droit aux principes sous-jacents à la Constitution. J'ai exprimé plus tôt que les gouvernements canadiens et des provinces ont reconnu que, lorsqu'il s'agit d'amendements constitutionnels, cela met en cause directement la souveraineté populaire là où elle réside, à savoir chez les citoyens eux-mêmes. Certaines provinces ont voulu se lier formellement. Comme l'a dit l'honorable sénateur, une loi peut toujours être changée. Rien à ce moment-là n'oblige le gouvernement canadien à consulter sa population avant de procéder à un amendement constitutionnel. Toutefois, les gouvernements, au cours des 10 dernières années ou à tout le moins depuis 1991, ont limité leur prérogative reconnue dans la formule d'amendement. La raison en est que c'est fondamentalement un exercice de la démocratie directe par les citoyens quand ils se prononcent sur un amendement constitutionnel substantiel. Il y a donc là l'élément essentiel que nous pouvons reconnaître dans le projet de loi pour nous assurer que ce principe d'indivisibilité reçoive pleine reconnaissance.

Le sénateur Bolduc: Constitutionnellement parlant, les référendums ne lient pas les gouvernements.

L'honorable Jean-Claude Rivest: Je trouve intéressante la théorie de l'honorable sénateur. Je crois que cette approche reste théorique puisque la formule d'amendement ne satisferait pas aux exigences de la démocratie garanties dans la Constitution de façon implicite d'après les extraits qu'il a cités de l'opinion de la Cour suprême du Canada.

(1500)

La divisibilité du Canada est importante et fondamentale, bien sûr, dans la mesure où une partie du pays pourrait quitter le Canada. Est-ce que le sénateur Joyal tiendrait le même raisonnement s'il s'agissait d'abolir des libertés fondamentales dans la Charte canadienne des droits et libertés, lesquelles sont aussi essentielles que l'intégrité du territoire canadien? À cet égard, si des gouvernements décidaient d'abolir des libertés fondamentales pour toutes sortes de raisons, quelle voie l'honorable sénateur choisirait-il? Celle de la démocratie, qu'il exige pour la divisibilité du Canada ou celle de la formule d'amendement déjà prévue depuis 1982 dans la Constitution du Canada? Je vais écouter les commentaires de l'honorable sénateur, mais ma réponse est la formule d'amendement. Malgré tout l'intérêt que je porte au débat, je crois que la formule d'amendement dispose des questions de la divisibilité du Canada et de l'abolition des libertés fondamentales.

Je vous donne l'exemple de l'abolition des libertés fondamentales parce qu'il s'agit d'un principe sous-jacent essentiel de la Constitution. Cette liberté nous vient de la Magna Carta, intégrée dans le préambule de la Constitution. C'est l'argument développé avec beaucoup d'intérêt et de compétence par l'honorable sénateur devant cette Chambre au sujet de la divisibilité du Canada qui serait effectivement implicite et selon lequel on devrait procéder par voie référendaire.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, j'ai lu il y a quelques mois un article écrit par un collègue que l'honorable sénateur connaît certainement, Me Frémont, professeur de droit à l'Université de Montréal. Cet article a paru il y a quelques années dans une revue canadienne spécialisée dans le droit public. Le professeur Frémont analyse comparativement la manière dont les pays de tradition de common law ont interprété les libertés fondamentales et la capacité des gouvernements de modifier ces libertés fondamentales. Son analyse comparative met en relief le fait que certaines questions sont jugées «supraconstitutionnelles» par les tribunaux. Elles sont tellement fondamentales que les tribunaux ont considéré que les gouvernements ne pouvaient pas les modifier ou les abolir par les procédures habituelles. Je me souviens, entre autres, d'un cas. C'était une question d'élection qui avait pour effet de maintenir un gouvernement au pouvoir pendant plus de quatre ou cinq ans. C'était une décision des tribunaux des Indes qui ont hérité d'un système de common law public britannique en termes d'organisation publique. Le professeur Frémont, dans un article, a fait le recensement de ces questions. Selon son interprétation, celles-ci vont au-delà des pouvoirs du gouvernement d'amender les constitutions. Je pourrai donner la référence à l'honorable sénateur, et nous pourrions certainement poursuivre la discussion à ce sujet.

À mon avis, comme notre Constitution ne couvre pas tous les aspects des éléments essentiels de la structure politique et des libertés fondamentales de notre pays, la cour voit dans ces principes les références nécessaires pour combler les silences. Je crois qu'à ce propos, on peut avoir une opinion qui rejoigne celle que j'ai exprimée.

Le sénateur Rivest: J'aimerais faire un commentaire qui se situe hors du champ juridique dans lequel l'honorable sénateur a d'emblée, et de façon très correcte, situé son discours.

Prenons le principe de l'indivisibilité qui a été formulé. S'il était reconnu de façon implicite sur le plan politique, qu'arriverait-il au mouvement souverainiste du Québec? Il pourrait continuer d'exprimer ses velléités mais ce serait illégal ou non permis. L'honorable sénateur réalise-t-il que le fait de restreindre - et je ne pense pas que c'était son intention - le débat à une vision très juridique et constitutionnelle, même si cela est nécessaire comme apport au débat, ne résout pas le problème de la sécession d'une province? On parle en l'occurrence de la question du Québec qui, depuis quelque temps, est un problème politique.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, très rapidement, je rappellerai à l'honorable sénateur les propos que j'ai tenus hier à ce sujet. J'ai voulu concentrer ma réflexion uniquement sur les éléments constitutionnels essentiels pour que l'on connaisse exactement les implications d'une telle question. Cela ne dispose pas de la question de la sécession. Je ne conclus pas de mon exposé, qu'il n'y a pas de séparation. Je dis simplement que si on refait une lecture - comme celle que j'ai proposée à la réflexion de mes collègues - des principes sous-jacents à notre édifice, ce sont les balises qui nous encadrent. Par ailleurs, la cour l'a bien dit dans son avis, le mouvement sécessionniste au Québec, dans notre système démocratique, peut exister, s'exprimer et mener un débat public qui doit être fait en conséquence.

[Traduction]

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je serais ravie de faire un discours maintenant, mais je dois vous dire à quel point je me sens privilégiée d'assister à des échanges intellectuels de cette qualité. Les propos entendus aujourd'hui sont vraiment étonnants et certainement informatifs. Les participants ont manifestement à coeur de bien servir les intérêts des Canadiens.

Bien que je souhaite tout autant ce résultat, il n'en demeure pas moins que le processus me laisse de plus en plus perplexe. Je suis une Québecoise fort préoccupée de l'avenir de ma province et particulièrement soucieuse du bien-être de la communauté anglophone du Québec. C'est une minorité dont doit se soucier la province. Je suis également tout à fait d'accord sur la nécessité de préserver et de promouvoir la langue et la culture françaises dans le contexte canadien.

J'écoute attentivement ce débat. Je croyais avoir trouvé la solution, mais voici que je suis redevenue perplexe. Je pense et j'espère que le Canada est indivisible, mais, en réalité, les choses changent, à voir ce qui se passe ailleurs. Cela pourrait se produire ici. Le cas échéant, nous voulons que les choses se passent dans un contexte non conflictuel, quel qu'en soit le résultat.

Je sais que mon collègue, le sénateur Joyal, a très longuement étudié la question, comme d'ailleurs beaucoup d'autres sénateurs ici présents.

Effectivement, j'apprécie la clarté, et j'ai horreur des référendums. Je méprise la procédure à laquelle il a été fait appel au Québec. Les mécanismes utilisés m'ont paru injustes et incertains, surtout en ce qui concernait la communauté anglophone. Je ne veux plus que cela se reproduise. Je tiens à la justice, à l'équité et à la clarté. J'en viens à ma question fondamentale.

Le projet de loi parle de clarté. C'est très bien. La question devrait être claire; c'est normal. Nous devrions savoir en quoi consiste cette majorité; ce n'est que chose normale. Les autres régions du Canada devraient être impliquées si - à Dieu ne plaise - nous en venions à devoir envisager de nouvelles divisions géographiques pour le Canada.

Voilà ce sur quoi je m'interroge en ce qui concerne la clarté de la question et la nécessité d'en rédiger une qui soit équitable pour que nous puissions savoir à quoi nous en tenir advenant la nécessité - à Dieu ne plaise - de devoir négocier les choses. J'en viens à ma question fondamentale: l'argument est-il désormais à la fois juridique et on ne peut plus politique? Si le Sénat devait adopter un amendement prévoyant sa participation, nous en contenterions-nous pour le moment? Ou jugerions-nous que c'est insuffisant?

C'est là mon dilemme. Comment dois-je voter? Serai-je satisfaite si nous amendons ce projet de loi pour inclure le Sénat?

L'honorable sénateur a dit qu'il avait de nombreuses questions au sujet de la teneur du projet de loi et de la procédure ainsi que, peut-être, de la clarté. Que se passerait-il si le Sénat présentait un amendement dans le but d'inclure le Sénat dans le processus? Je pense qu'il aurait dû l'être dès le début et j'accepterai l'explication qu'il s'agit d'une erreur technique.

Le sénateur Cools: Ils ont oublié!

Le sénateur Finestone: L'honorable sénateur serait-il prêt, dans ce cas, à voter en faveur de ce projet de loi?

Le sénateur Joyal: Je remercie l'honorable sénateur de ses remarques. Elle se rappellera que le cinquième point de ma présentation d'hier portait sur le statut du Sénat dans notre ordre constitutionnel. J'estime que le Sénat devrait être inclus pour des raisons fondamentales. Je les ai mentionnées hier. Je pense que l'honorable sénateur a eu l'occasion d'y réfléchir. Elles sont essentiellement liées à la nature fédérale de notre pays, qui est l'un des principes sous-jacents dont la Cour suprême a déterminé qu'ils apportaient de l'ordre dans le régime politique canadien.

(1510)

J'ai également déclaré qu'il y avait, dans le maintien de l'unité et de l'intégrité de notre pays, des éléments qui doivent être clairement exprimés. Par le passé, nous avons omis de parler de certains de ces principes, non pas en raison d'une perspective erronée, mais parce qu'il ne semblait pas convenable de les soulever.

Le comité qui va examiner cette mesure législative va avoir largement l'occasion de se pencher non seulement sur les points dont j'ai parlé, mais également sur d'autres points soulevés par d'autres sénateurs. Comme j'ai proposé une interprétation, je suis certainement prêt à écouter tout sénateur, témoin ou expert qui aura le privilège d'être entendu par le comité. Nous aurons en cette Chambre un débat de troisième lecture à la suite duquel on nous demandera de nous prononcer.

Pour le moment, cependant, si l'on me demande si j'accepterai moins, alors que je demande davantage, je dirai bien franchement que je ne veux pas me trouver dans cette situation. Je veux profiter de l'occasion que nous aurons d'écouter tous ceux qui participeront au débat. J'ai le plus grand respect pour mes honorables collègues qui participeront aux travaux du comité législatif ou du comité spécial ou de quelque comité que ce soit auquel le Sénat décidera de renvoyer le projet de loi. J'écouterai les spécialistes. Après la dernière étape du débat, je déciderai comment je voterai. Les sénateurs comprendront que, pour le moment, alors que nous commençons seulement à nous instruire et à nous éclairer les uns les autres, il est prématuré de nous prononcer définitivement sur les conséquences du projet de loi.

Son Honneur le Président: Nous en sommes encore au stade de l'intervention du sénateur Joyal et de la période subséquente réservée aux questions et observations. Y a-t-il d'autres observations ou questions?

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai écouté, étudié et relu le discours du sénateur Joyal. Il est arrivé souvent à la Chambre des communes que des décisions soient prises prématurément. Comment l'honorable sénateur pourrait-il interpréter la décision du gouvernement de nous annoncer qu'immédiatement après l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi, il y aura un comité formé de 15 sénateurs, dont huit sont déjà connus et nommés, alors que l'on ne sait pas encore comment le Sénat disposera de ce projet de loi?

[Traduction]

N'est-ce pas préjuger que de dire à l'avance qu'après la deuxième lecture, un comité sera chargé d'étudier le projet de loi, ce qui rend inutile tout débat pour le moment? Nous avons été prévenus qu'un comité sera constitué. Cette question a parfois donné lieu à des débats animés à la Chambre, quand on prenait des décisions qui préjugeaient de l'issue d'un vote. J'aurais imaginé qu'on prendrait ces décisions une fois qu'un vote aurait eu lieu et qu'on dirait alors «il est par conséquent décidé», et ainsi de suite. Ce n'est pas que je m'oppose au comité spécial, mais je trouve cela plutôt inhabituel. Comme je ne sais même pas comment je voterai, je ne vois pas comment quelqu'un d'autre peut préjuger de la façon dont je voterai ou de la façon dont les autres sénateurs voteront. N'est-ce pas quelque chose qui devrait inquiéter les sénateurs qui veulent, en toute justice, pouvoir dire: «Je vais tâcher d'influencer mes collègues, de sorte qu'il ne soit pas nécessaire de former un comité spécial»?

[Français]

J'aimerais avoir un commentaire, s'il vous plaît.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, le moment où cette Chambre doit se prononcer sur la création d'un comité et sur la nature de ce comité est une question liée à la procédure. Ainsi, c'est au Président qu'il revient d'interpréter notre Règlement. Je m'en remets donc à l'opinion savante du Président.

Est-ce que j'interprète cette décision d'une façon ou d'une autre? Je dirai au sénateur, avec qui j'ai eu l'occasion de séjourner quelques années à l'autre endroit, qu'il m'importe, en tant que sénateur, d'exprimer mon opinion sur des questions que je juge fondamentales. Je ne doute pas que mes collègues qui siégeront au comité qui sera chargé de débattre et d'étudier ce projet de loi en profondeur, qu'il s'agisse d'un comité permanent ou d'un comité spécial, accepteront volontiers d'accueillir tout sénateur pour qu'il pose des questions et tire profit du savoir-faire et des connaissances des divers sénateurs et experts qui seront invités au comité. La question de décider quand le comité sera formé, avant ou après le vote, revient aux sénateurs à qui nous confions la responsabilité de ces décisions.

Pour répondre au sénateur Finestone, à la fin de la troisième lecture, cette Chambre disposera du projet de loi comme elle l'entendra. Tout ce qui risque de se produire entre-temps sera conforme à notre Règlement, à notre tradition, à nos pratiques et à la décision de nos groupes parlementaires respectifs. Comme le sénateur le sait, la plupart d'entre nous participent aux groupes parlementaires, où ils peuvent exprimer leurs préoccupations...

Le sénateur Prud'homme: La plupart.

Le sénateur Joyal: ... au sujet de l'organisation de nos travaux en tant qu'équipe. La plupart d'entre nous, pour faire droit au statut de l'honorable sénateur.

J'estime que nous avons eu jusqu'ici le privilège de tenir un débat libre et ouvert sur cette question. Je suis redevable aux leaders des deux côtés et à tous les sénateurs qui ont participé à cette discussion.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais poser une autre question au sénateur Joyal.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puis-je interrompre le débat? Comme mon homologue, le chef adjoint de l'opposition, doit s'absenter, je voudrais que le Sénat traite de certaines questions pendant qu'il est présent. Ai-je l'autorisation?

Le sénateur Cools: Je serais ravie de vous céder la parole, sénateur Hays.

Le sénateur Hays: Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée pour que le sénateur Hays traite maintenant de ces autres points?

Le sénateur Cools: Absolument.

Le sénateur Prud'homme: Si ses propos ne portent pas à controverse.

Le sénateur Hays: Vous verrez bien. Ils ne portent pas à controverse d'après moi.

(Le débat est suspendu.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, premièrement, j'ai eu l'occasion de négocier le moment du vote sur la motion portant formation d'un comité pour l'étude du projet de loi C-20, comme le proposait ma motion sur les attributions de temps, ou d'en discuter plus amplement. Nous avons convenu, et le sénateur Kinsella le confirmera, de voter sur tout ce qui se rapporte à cette motion à 17 h 30 mardi prochain, ce qui signifie qu'il ne sera pas nécessaire de siéger lundi pour des raisons de procédure. Par conséquent, lorsque nous reviendrons à la motion d'ajournement, j'ajournerai à mardi prochain et non à lundi, comme je l'aurais fait autrement.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je puis souscrire à cette entente.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, juste un instant. Ces gestes d'amitié sont bien édifiants et vous parlez de «consultation». J'ai demandé au sénateur Hays s'il y avait des surprises. Son Honneur le Président a affirmé que tous les sénateurs sont égaux. Le sénateur Joyal vient de laisser entendre que le débat à ce sujet a été vif. Il a dit que ces questions avaient été débattues au sein des groupes parlementaires. Or, cinq d'entre nous ne sont pas encore regroupés en caucus. Je ne parle pas au nom de mes collègues, mais en mon nom personnel. Nous n'avons pas de groupe parlementaire. Nous échangeons avec ceux qui veulent bien nous écouter. Cependant, on ne nous a pas consultés au sujet de la possibilité de voter à 17 h 30 mardi.

(1520)

Le sénateur Hays est un homme respectable et je continuerai de l'affirmer jusqu'à ce qu'il proteste. Nous acquiesçons toujours à ce qu'il propose, mais j'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que nous n'avons pas été consultés à ce sujet. Par conséquent, nous ne voyons pas pourquoi il serait nécessaire de siéger lundi, et nous reviendrons ici mardi pour voter à 17 h 30.

D'autres sénateurs interviendront sur cet article. Je ne soulèverai aucune opposition; les honorables sénateurs peuvent être tranquilles. Par contre, c'est toujours la même chose qui se passe. On consulte les sénateurs indépendants à l'occasion, mais pas toujours. Je ne demande pas qu'on me consulte quotidiennement sur les affaires courantes du Sénat ou sur les motions d'ajournement, par exemple. Mais, au sujet d'une question aussi importante que celle-ci, j'aurais apprécié qu'on me mette au courant. Il est possible qu'on m'en ait parlé et que je ne m'en souvienne pas. Toutefois, il serait difficile pour moi de l'admettre publiquement; ou alors j'étais peut-être absent lorsque les pourparlers ont eu lieu. Dans ce cas, je serais à blâmer. Je le répète, en ce qui concerne des questions aussi importantes, il ne faut qu'une minute, car nous sommes à quelques pieds l'un de l'autre. J'aurais apprécié être mis au courant.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je confirme l'entente conclue de ce côté-ci du Sénat. L'article 38 du Règlement est très clair et s'énonce comme suit:

Lorsque le Sénat siège, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat peut, de sa place au Sénat, déclarer que les représentants des partis au Sénat se sont entendus pour...

Honorables sénateurs, je confirme qu'il y a eu entente.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Kinsella d'avoir soulevé cette question. Toutefois, cet article ne couvre pas l'entente qui est maintenant conclue et qui vise à mettre aux voix une motion.

Je voudrais que ce soit clair pour qu'il n'y ait aucune méprise mardi sur la question dont nous parlons. Ne sommes-nous pas en train de parler de la motion visant la formation d'un comité spécial?

L'honorable Anne C. Cools: Non.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: La motion dont nous parlons prévoit en partie ce qui suit:

Qu'un comité spécial du Sénat soit institué afin d'étudier, après la deuxième lecture, le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis...

Honorables sénateurs, est-ce bien la motion dont nous parlons?

Le sénateur Cools: C'est exact.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord donc pour que le vote sur la motion se tienne à 17 h 30?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Quand débattrons-nous la motion, honorables sénateurs?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je pourrais répondre. La motion sera appelée pour débat aujourd'hui. Elle sera appelée tous les jours de séance jusqu'à mardi. J'ai dit que je proposerais une motion, avec la permission du Sénat, portant ajournement jusqu'à 14 heures mardi. Il y aura deux jours de débat de plus.

Son Honneur le Président: Je voudrais éviter tout malentendu, honorables sénateurs. Mardi prochain, à 17 h 30, peu importe où nous en serons dans les délibérations, je mettrai la motion aux voix.

Le sénateur Hays: D'accord.

Son Honneur le Président: Qu'il y ait eu débat ou non, je mettrai la motion aux voix. Soyons bien clairs. Il y aura d'abord vote par oui ou non. Si les sénateurs demandent un vote par appel nominal, il suivra, conformément à notre Règlement. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je constate que la présidence est très équitable et très prudente. Son Honneur dit exactement ce qu'elle va faire. Par conséquent, la question sera réglée mardi. Il ne s'agit pas de l'adoption du projet de loi C-20 à l'étape de la deuxième lecture, mais de la motion portant création d'un comité, une fois que le Sénat se sera prononcé sur le projet de loi C-20 en deuxième lecture. Ai-je raison?

Son Honneur le Président: Non. Pour l'instant, je ne sais pas du tout où en sera le projet de loi C-20 à ce moment-là. Nous cherchons à nous entendre maintenant uniquement sur la mise sur pied du comité. Je ne sais pas où en est le projet de loi C-20, et je n'ai pas le moyen de le savoir. Tout ce que je veux savoir, c'est ce que nous ferons mardi à 17 h 30.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous voterons contre la motion.

Son Honneur le Président: À 17 h 30, peu importe à quel article du Feuilleton nous en serons, je mettrai cette motion aux voix.

Le sénateur Hays: Votre Honneur, pour fins de clarification, nous pourrions peut-être établir à quelle heure le timbre se fera entendre. Il y aura un vote par oui ou non à 17 h 30, comme Son Honneur l'a expliqué, puis le timbre sonnera pendant 30 minutes, et le vote aura lieu à 18 heures.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, j'invoque aussi le Règlement à cet égard. Devons-nous présumer qu'avant le vote, nous connaîtrons les noms des autres sénateurs qui feront partie du comité, outre ceux dont les noms figurent dans le Feuilleton d'aujourd'hui?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, la meilleure réponse que je puis donner à cette question c'est non. J'imagine que la composition du comité sera déterminée - car elle ne l'est pas dans la motion - conformément à notre Règlement, c'est-à-dire que le comité de sélection se réunira, prendra une décision et en fera rapport au Sénat. Je ne sais pas quand le Sénat recevra ce rapport. J'espère que ce sera le plus tôt possible. Le rapport sera alors transmis au Sénat pour approbation et vote.

Le sénateur Prud'homme: Il sera transmis au Sénat et fera l'objet d'un vote. Cependant, comme toute autre question, il pourra faire l'objet d'un débat.

Le sénateur Hays: C'est exact.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si on a le temps de mettre la motion en délibération, elle pourra faire l'objet d'un débat. Cependant, si elle n'a pas été mise en délibération avant 17 h 30, je ne pourrai pas accepter d'autre discussion à ce sujet. Ce sera la fin du débat.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je voudrais un éclaircissement. J'ai été ici tout l'après-midi à suivre le débat. J'ai entendu le leader adjoint du gouvernement dire qu'il y aura autre chose dans la motion. Si j'ai bien compris, il a dit qu'on prévoira six autres jours de débat sur le projet de loi C-20. Ai-je raison ou tort?

Le sénateur Hays: À ma connaissance, je n'ai pas parlé du projet de loi C-20. Toutes mes observations, je les ai faites dans le contexte de l'entente que le sénateur Kinsella et moi-même avons conclue conformément à l'article 38 du Règlement.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais aussi obtenir des éclaircissements. Je ne sais trop si nous serons appelés à nous prononcer sur une motion qui ne fera état que de la moitié des membres du comité représentant seulement un côté du Sénat. Nous demande-t-on d'approuver la formation d'un comité dont nous ne connaissons qu'une partie des membres? Ces noms ont-ils quelque chose à voir avec la motion?

Le sénateur Hays: Le sénateur Taylor a posé deux questions. La réponse à sa première question est oui. Techniquement, la réponse à la deuxième est non, mais je crois qu'il convient que je donne quelques explications.

La motion vise à former un comité de 15 personnes. Conformément aux règles de répartition des membres, neuf sénateurs du côté ministériel ont été nommés.

(1530)

Nous n'avons pas de noms de sénateurs de l'opposition, mais je crois que des propositions seront présentées lors de la réunion du comité de sélection. Si la motion était défaite, ce qui est possible, il ne serait pas nécessaire de nommer d'autres sénateurs. Néanmoins, si elle est adoptée, les membres manquants du comité seront choisis lors de la réunion du comité de sélection.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais obtenir deux précisions. Je crois comprendre que, lorsque nous nous prononçons sur une motion, nous savons clairement ce que notre côté propose, mais nous ne savons pas ce que propose l'autre côté.

Cela m'amène à ma deuxième précision. J'ai étudié le Règlement, où il est dit que quatre personnes forment le quorum. Est-ce que cela signifie que, si l'opposition ne propose personne et que nous approuvons la formation du comité, quatre des neuf personnes déjà nommées pourraient se réunir, déclarer qu'elles ont quorum et contrôler le vote? À quoi nous engageons-nous ici?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, c'est une question hypothétique. On pourrait poser beaucoup de questions de ce genre. J'ignore dans quelle mesure il faut que j'entre dans le détail. La situation s'est déjà produite au Sénat auparavant et des décisions ont été rendues. Peut-être aurons-nous aujourd'hui l'occasion de passer ces décisions en revue. Pour ma part, je ne vois pas de difficulté.

Honorables sénateurs, nous sommes déjà à 15 h 30 d'une journée qui devait être courte. Je donne l'assurance à tous les sénateurs que le chef adjoint de l'opposition et moi avons conclu une entente et que nous avons étudié la plupart de ces questions. J'espère que nous pouvons passer à la prochaine question avant qu'il ne parte. Je serai heureux de m'asseoir avec le sénateur après l'ajournement afin de lui expliquer davantage la situation.

Le sénateur Taylor: Merci beaucoup. Selon mon expérience, j'ai toujours eu des problèmes quand on me disait de ne pas m'en faire, que tout était réglé.

Le sénateur Nolin: On vous l'a dit juste avant le dernier référendum.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je pourrais peut-être être utile au sénateur Taylor et à ses collègues. Nous n'avons soumis aucun nom de ce côté-ci parce que nous ne sommes pas en faveur de la création d'un comité spécial. Nous estimons que le projet de loi devrait être renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et je présenterai mes arguments le moment venu. En fait, nous avons commencé à demander aux membres actuels de ce comité, des deux côtés, s'ils veulent siéger au comité spécial. Par conséquent, les demandes des sénateurs d'en face sont les bienvenues.

Le sénateur Cools: Puis-je poser ma candidature moi aussi?

Le sénateur Kinsella: Absolument. Envoyez votre nom avec trois références.

Le sénateur Cools: Je pensais qu'il m'était possible d'être membre du comité parce qu'il semble y avoir quelques postes vacants.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous avons besoin d'une référence pour votre président.

Le sénateur Prud'homme: Je me ferai un plaisir de discuter de la question avec le sénateur après la séance d'aujourd'hui. Nous pourrions proposer le nom du sénateur Cools afin de remplacer quelqu'un dont la nomination a déjà été annoncée. Pour parler franchement, je n'aime pas savoir d'avance, même avant que la décision relative à la création du comité ait été prise, qui sera nommé. Je serai heureux de présenter, en temps opportun, une motion où figurera le nom du sénateur au lieu de celui d'un autre sénateur.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous sommes en train de discuter de la teneur de la question plutôt que du problème de procédure dont nous sommes saisis. Revenons à ce dernier.

J'en conclus donc que le sénateur Hays est d'accord pour qu'on retire son avis de motion présenté plus tôt aujourd'hui?

Le sénateur Hays: Nous le pourrions, ou encore je ne proposerai tout simplement pas la motion. J'avais envisagé la seconde approche, mais si Son Honneur préfère qu'elle soit rayée du Feuilleton, pas de problème.

Le sénateur Kinsella: Si j'étais vous, je la laisserais là.

Le sénateur Hays: Je préfère qu'elle reste là.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, qu'il soit alors clair, en ce qui concerne cette motion portant création d'un comité, qu'à 17 h 30, mardi, j'interromprai les délibérations en cours et mettrai cette motion aux voix.

Le sénateur Lynch-Staunton: Un vote par oui ou non.

Son Honneur le Président: Si un vote par assis et debout est demandé, est-ce d'accord que le timbre sonnera pendant une demi-heure?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Telle est l'entente. La Chambre est d'accord. Nous procéderons de cette façon.

Le sénateur Cools: J'avais cru comprendre que le sénateur Hays avait demandé que la mise aux voix ait lieu à 17 h 15 et que le timbre sonnerait 15 minutes.

Son Honneur le Président: Je crois que le sénateur Hays a apporté un correctif et a dit que nous appellerions le vote à 17 h 30. Si un vote par assis et debout est nécessaire, le timbre sonnera pendant une demi-heure. La Chambre s'est mise d'accord. Voilà ce qu'il faut comprendre.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je crois comprendre que cela a le statut d'un ordre de la Chambre.

J'aimerais maintenant passer à une autre affaire importante. Elle a trait à l'article no 4 des «Affaires émanant du gouvernement».

La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité

Deuxième lecture-adoption de la motion déclarant le projet de loi nul et non avenu-Retrait de l'article

L'ordre du jour appelle:

Deuxième lecture du projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)(i) du Règlement, je propose:

Que, nonobstant le paragraphe 63(1) du Règlement, les délibérations portant sur le projet de loi C-22, qui ont eu lieu le mardi 9 mai 2000, soient déclarées nulles et non avenues.

Nous sommes en présence d'une situation sans précédent à la suite de mon interpellation, dans laquelle je précise que le texte du projet de loi C-22 qui a été envoyé ici par l'autre endroit ne tient pas compte d'une série d'amendements qui ont été apportés au projet de loi C-22 audit endroit. Selon mes informations, ce sont les amendements qui figuraient dans le deuxième rapport du Comité permanent des finances de l'autre endroit. Il y en a plusieurs. Par conséquent, ce que nous avons mentionné au point no 4 est inexact. L'erreur semble être de nature administrative, mais elle est néanmoins importante. Il faut la corriger, car il n'est pas question du même document dans les deux Chambres sur le plan du contenu.

La Chambre des communes a réagi en nous faisant parvenir ce que j'estime être le bon document. Toutefois, nous devons régler cette question ici, en l'absence de toute autre façon de venir à bout de ce problème sans précédent.

Honorables sénateurs, c'est une question dont j'ai eu l'occasion de discuter avec le chef adjoint de l'opposition. Je propose que nous agissions dans ce cas par consentement unanime. Le sénateur Prud'homme n'écoute pas. Quoi qu'il en soit, nous traiterons de cette question en adoptant la motion que j'ai présentee.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais savoir ce que cela comporte. Je collaborerai dans ce dossier.

Le sénateur Hays: Je suis content que vous acceptiez de collaborer, sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme: Vous devez vous rendre compte que les sénateurs se parlent. Certains prétendent que je suis timide. Je ne sais pas exactement ce qui se passe, alors je n'aime pas prendre la parole. Il m'arrive parfois de le savoir, cependant. Je me préoccupe des nouveaux sénateurs. Lorsque je suis devenu sénateur il y a sept ans, je n'osais pas prendre la parole de peur de ne pas être à la hauteur.

Le leader adjoint du gouvernement peut-il nous dire ce que cela comporte afin que nous soyons tous au diapason en ce qui concerne l'interprétation de l'erreur qui a été commise?

Le sénateur Hays: Je vous remercie, sénateur Prud'homme. Avant de poursuivre, je tiens à souligner aux honorables sénateurs que j'ai cherché à être aussi précis et aussi clair que faire se peut dans mon explication. Quoi qu'il en soit, permettez-moi de vous expliquer de nouveau ce qui s'est passé.

(1540)

Nous avons reçu lundi de cette semaine le projet de loi C-22, qui fait l'objet de l'article numéro 4 de l'ordre du jour. Ce projet de loi a été lu en première lecture lundi.

Le texte ne contenait pas les changements qui avaient été apportés au Comité permanent des finances de l'autre endroit. Il est fait référence à ces changements dans le deuxième rapport de ce comité. Il y en a plusieurs et ils sont substantiels. On s'est aperçu de l'erreur - il s'agit d'une erreur matérielle, mais importante. Nous avons finalement reçu le nouveau texte du projet de loi C-22 avec les corrections.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons avoir deux projets de loi C-22 et donc, après en avoir discuté avec le chef adjoint de l'opposition et les greffiers au Bureau, nous avons proposé une solution pour régler cette situation sans précédent. La solution que nous proposons est que le Sénat approuve à l'unanimité la motion que j'ai proposée et que Son Honneur a lue. Peut-être Son Honneur pourrait-il la lire une nouvelle fois pour s'assurer que tous les sénateurs l'ont bien entendue et comprennent exactement ce que nous proposons.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, étant donné que cet article de l'ordre du jour n'a pas encore été appelé, je ne crois pas en tant que Président devoir le faire à ce stade. Nous n'en avons pas terminé avec l'article qui précède à l'ordre du jour, à savoir la deuxième lecture du projet de loi C-20. Je m'occuperai du projet de loi C-22 quand cet article aura été appelé.

(La motion est adoptée, et l'article est retiré.)

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, y a-t-il d'autres interventions au sujet du projet de loi C-20?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Hays pour cette explication et cette rapide correction.

J'ai une dernière question à poser au sénateur Joyal, mais apparemment, il n'est pas ici. Peut-être pourrait-on proposer l'ajournement?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, à moins qu'un autre sénateur ne désire prendre la parole, voilà qui met fin à la partie des questions adressées au sénateur Joyal. Nous poursuivons le débat.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je voudrais féliciter le sénateur Joyal pour son analyse magistrale et détaillée de ce projet de loi et dire que je suis d'accord avec lui. Je n'essaierai donc pas de reprendre ses arguments en détail.

Dans son libellé actuel, le projet de loi sur la clarté pose aux sénateurs une cruelle énigme et les rend perplexes. Son objet, tel qu'expliqué par ses partisans, ici et dans l'autre Chambre, est de favoriser la mise en place d'un mécanisme législatif approprié, du point de vue de la Constitution, qui serait respectueux de la voie constitutionnelle tracée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec. Je rappelle qu'il s'agit bien d'un avis consultatif, et non d'une décision.

À l'évidence, la raison d'être de ce projet de loi est de veiller à ce que tout futur référendum proposant le fractionnement du Canada soumette une question qui soit à la fois claire et qui ait obtenu l'aval d'une grande majorité d'électeurs de la province en cause.

Comment pourrait-on ne pas être d'accord avec de tels objectifs? Pourtant, il y a anguille sous roche en ce qui en concerne les détails. Les rédacteurs ont oublié le Sénat. Il y a donc tout lieu de se demander si un projet de loi qui aspire à une plus grande clarté constitutionnelle est effectivement constitutionnel si, à première vue, il néglige de satisfaire aux principes mêmes de la Constitution. Quelle menace risque de planer sur le pays si un projet de loi rédigé dans le seul but de faire respecter les principes mêmes de la Constitution néglige lui-même d'y satisfaire? La pire des choses serait de chercher à bien faire pour les mauvaises raisons.

Le rôle législatif du Sénat n'est pas en cause. Dans la partie IV de la Loi constitutionnelle de 1867, intitulée: «Pouvoir législatif», l'article 17 précise:

Il y aura pour le Canada un parlement qui sera composé de la Reine, [du] Sénat et de la Chambre des communes.

L'article 18 énonce ensuite les privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre et du Sénat.

La Constitution précise clairement que, pour être légale et exécutoire, une loi doit bénéficier de l'intervention de trois acteurs: les deux Chambres du Parlement, l'autre endroit et le Sénat et, bien sûr, le Gouverneur général, qui représente la Couronne. Pourtant, ce projet de loi néglige bizarrement ces dispositions expresses de la Constitution.

Honorables sénateurs, que faire? Récapitulons la pratique constitutionnelle dans l'espoir de convaincre les promoteurs et les partisans de cette initiative au Sénat de la nécessité de remanier le projet de loi pour qu'il atteigne l'objectif visé.

Honorables sénateurs, il serait désastreux que ce projet de loi soit contesté et jugé déficient, inconstitutionnel et, partant, illégitime ou à première vue inapplicable et sans effet parce que non conforme aux principes, explicites ou implicites, de la Constitution. Tout cela pourrait survenir au moment même où les forces séparatistes au Québec, constatant des conditions gagnantes, tenteraient de renouveler ou de poursuivre leur projet. Les défenseurs de ce projet de loi s'engagent dans une voie très périlleuse. Comme je le disais, en excluant le Sénat, le projet de loi enfreint des dispositions de la Constitution telles qu'écrites ou interprétées.

Honorables sénateurs, examinons la validité du projet de loi de divers points de vue. Respecte-t-il les conventions constitutionnelles? L'usage constitutionnel? La pratique constitutionnelle? La coutume constitutionnelle? La primauté du droit, telle qu'expliquée par la Cour suprême et telle qu'énoncée dans le préambule de la Charte elle-même? Les pouvoirs et privilèges explicites du Sénat? Le pouvoir d'amendement du Sénat, si l'action visée dans le projet de loi est une certaine condition préalable à un amendement?

Les défenseurs de ce projet de loi peuvent-ils donner un seul exemple où le pouvoir de surveillance législatif du Sénat, créé précisément pour représenter les intérêts régionaux et les droits des minorités dans le régime fédéral, a jamais été écarté de la sorte? Existe-t-il un seul exemple qui ne puisse rapidement être reconnu?

Comme les honorables sénateurs peuvent le voir, cette mesure législative des plus exceptionnelles soulève des questions profondes et importantes. Est-elle conforme au principe fédéral et à la règle de droit qui, selon la Cour suprême, sont inséparables de la Constitution? Quel préjudice insoupçonné ce projet de loi porte-t-il au principe d'un Parlement bicaméral?

Enfin, honorables sénateurs, le produit final de ce projet de loi est-il une résolution exécutoire, obligatoire et impérative qui peut lier l'exécutif et limiter son pouvoir discrétionnaire sans l'approbation des deux Chambres ou de la Couronne? De fait, les résolutions exécutoires que l'exécutif demande dans ce projet de loi constituent-elles des «actes législatifs»? Sont-elles, essentiellement, des actes législatifs? Si elles le sont, respectent-elles le critère de la primauté du droit et les principes et pratiques constitutionnels là où le Sénat ne joue pas un rôle direct?

Le projet de loi C-20 n'est pas un exercice de sciences politiques. Les résolutions qui sont demandées risquent d'engendrer le démembrement du Canada. Si l'exécutif vise à assurer une plus grande légitimité et une plus grande crédibilité, s'il veut s'assurer l'appui du public à la reconnaissance et au respect de la primauté du droit, ne risque-t-il de compromettre l'avenir du Canada en traçant une voie différente avec l'appui d'une seule Chambre, qu'il contrôle?

J'aimerais conclure, honorables sénateurs, avec une des meilleures expressions artistiques de la règle de droit, qu'il est de notre devoir, en vertu du Règlement du Sénat et de la Constitution, de faire respecter. Elle est tirée de la magnifique pièce de Robert Bolt intitulée A Man for All Seasons:

Sir Thomas More: La loi, Roper, la loi. Je sais ce qui est légal, non ce qui est juste. Et je m'en tiendrai à ce qui est légal...

William Roper: Alors, maintenant, vous accorderiez au diable le bénéfice de la loi!

Sir Thomas More: Oui. Que feriez-vous? Vous sabreriez dans la loi pour attraper le diable?

William Roper: J'éliminerais toutes les lois d'Angleterre pour y parvenir!

Sir Thomas More: Ah oui? Et lorsque vous en auriez fini avec la dernière loi, et que le diable se retournerait contre vous, quel serait votre recours, Roper, puisqu'il n'y aurait plus de lois? Ce pays dispose de nombreuses lois d'une côte à l'autre - des lois mises en place par l'homme, non par Dieu - et si vous les éliminez - et vous en seriez bien capable - pensez-vous vraiment que vous pourriez faire face aux tempêtes qui vous attendraient alors?

Honorables sénateurs, pensez-vous que nous pouvons faire face si nos préoccupations sur la règle de droit ne sont pas réglées? Il incombe aux défenseurs de ce projet de loi de permettre une audience complète et ouverte dans un comité qui, je l'espère, n'aura pas de préjugés sur ces questions extrêmement importantes.

(1550)

La scission du Parlement, sans amendement constitutionnel, ne soulève-t-elle pas plus de doutes alors qu'on cherche à clarifier cette question imposante?

Tous les sénateurs se rappelleront le discours du président Václav Havel sur la règle de droit à l'autre endroit, il y a quelque temps. J'aimerais conclure avec les paroles de Václav Havel, le leader tchèque, président et écrivain, qui a écrit ceci dans un livre intitulé Disturbing the Peace:

Les bonnes et les mauvaise choses que nous faisons chaque jour font partie intégrante de notre histoire. L'histoire ne se déroule pas hors de l'histoire, et l'histoire ne se déroule pas hors de la vie...

Honorables sénateurs, ce projet de loi nous conduit dans un voyage historique. Nous devrions naviguer avec précaution et soin. Notre pays pourrait être en jeu.

L'honorable Lowell Murray: Avec la permission de l'honorable sénateur, j'aimerais lui poser une question.

Le sénateur Grafstein: Oui.

Le sénateur Murray: Je déduis de son allocution, comme dans le cas de l'allocution antérieure de notre collègue, le sénateur Joyal, que, à son avis, le projet de loi est, à plusieurs égards au moins, anticonstitutionnel.

Quels amendements pourrions-nous proposer pour résoudre ce problème?

Le sénateur Grafstein: Je répète ce que j'ai dit dans mes observations préliminaires, mais j'espère que, comme l'a voulu la pratique du Sénat dans le passé, nous aurons au comité une audition publique et approfondie où des spécialistes, qui auront eu l'avantage de lire le compte rendu du débat de deuxième lecture, pourront présenter leur opinion personnelle. Cela nous permettra d'en arriver à un consensus sur la question de savoir si l'opinion que je partage avec le sénateur Joyal, notamment, sur la constitutionnalité de cette mesure se reflète dans les témoignages qui auront été présentés au comité.

Les sénateurs se rappelleront que je n'étais pas d'accord avec le gouvernement sur le projet de loi sur l'accord nisga'a. Je ne faisais pas partie du comité; pourtant, j'ai assisté à toutes les audiences du comité ou presque. Nous avons eu une audition pleine et juste. Toutes les opinions ont été exprimées. Comme l'a dit le sénateur Joyal, je crois que tous les membres et la présidence de ce comité permettront une audition pleine et juste de tous les faits qui pourraient discréditer les opinions que vous avez entendues ici aujourd'hui.

Je ne crois pas qu'on m'invitera à faire partie de ce comité, mais je vais certes assister à ses audiences, comme pourront le faire tous les sénateurs, y compris les sénateurs indépendants; je vais écouter et, je l'espère, participer pour ma juste part aux questions et aux réponses. Je m'attend à ce que cette démarche débouche sur la bonne conclusion.

Je crois tout d'abord que ce projet de loi est insuffisant. Aucun de nous ne veut étudier un projet de loi fondé sur des principes constitutionnels qui soit lui-même anticonstitutionnel. Ce serait horrible. Tous les sénateurs reconnaissent l'importance de cette mesure, la nature exceptionnelle de cette mesure, et je suis persuadé qu'aucun ne préjugera de l'issue de cette affaire mais que tous seront entièrement ouverts aux témoignages présentés avant de se permettre, peut-être, de contester les faits.

Par exemple, j'ai des objections de fond à opposer à l'avis consultatif de la Cour suprême du Canada.

Le sénateur Murray: J'allais vous le demander.

Le sénateur Grafstein: La bonne nouvelle, honorables sénateurs, c'est qu'il s'agit d'un avis et non d'un jugement. La bonne nouvelle, c'est qu'il y aura peut-être des remarques incidentes. Qui sommes-nous pour nous opposer à la Cour suprême du Canada? Ma foi, je vais vous dire qui nous sommes. Nous sommes des sénateurs, et nous sommes censés avoir le dernier mot en matière de rédaction des lois.

Le sénateur Murray: J'apprécie l'analyse réfléchie que l'honorable sénateur a faite de ce projet de loi, comme dans le cas du projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a. Même si j'ai quelque peu critiqué sa décision de s'abstenir à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi sur l'Accord définitif nisga'a, après mûre réflexion, je me suis trouvé moi-même à m'abstenir.

Cela dit, jusque là, l'honorable sénateur avait pris garde de ne pas critiquer l'avis de la Cour suprême du Canada. En fait, j'ai pensé que le sénateur Joyal avait du mal à le faire. Cela reflète peut-être sa formation professionnelle.

Le sénateur Cools: Oui.

Le sénateur Murray: Personne ne veut critiquer la cour inutilement, et certainement pas moi.

Cependant, si le projet de loi est imparfait, comme mon honorable collègue le laisse entendre, n'est-il pas possible que cela vienne de l'avis consultatif de la cour? L'avis de la cour a des lacunes, en ce sens qu'après avoir répondu aux trois questions qu'on leur avait posées par décret, les juges de la Cour suprême se sont lancés dans un exposé politique au sens large qui, en toute déférence, était au-delà de leur expérience et leur mandat.

Leur avis a créé, à un certain nombre d'égards, beaucoup de problèmes aux «acteurs politiques».

Permettez-moi de relever un point que l'honorable sénateur a soulevé. La bonne nouvelle, c'est que la cour a émis un avis consultatif seulement. J'ai cette opinion ici. Je ne vais pas vous lire la phrase exacte, mais elle est à jamais gravée dans ma mémoire: «Les obligations juridiques dégagées par la Cour sont des obligations impératives en vertu de la Constitution». Je crois citer presque mot pour mot.

Lorsque les juges parlent d'obligations impératives aux termes de la Constitution, ils parlent du processus qu'ils mettent de l'avant en cas d'un référendum sur la sécession d'une province.

Il n'y a pas très longtemps, alors qu'il parlait de sa retraite de la cour, le très honorable Antonio Lamer, dans une entrevue célèbre accordée au journal Le Devoir, s'est donné beaucoup de mal pour exprimer ce qui me semblait être l'opinion contraire, à savoir que personne n'est lié par cela, qu'il s'agit simplement d'un avis, et cetera. Que comprend mon collègue de tout cela?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, il y a trois questions. Je vais essayer d'y répondre brièvement, si je le peux.

Premièrement, en ce qui concerne l'avis consultatif de la Cour suprême du Canada, je crois que l'ancien juge en chef Lamer avait raison quand il disait que cet avis est un avis. Ce n'est pas un jugement; c'est un avis. Un avis diffère beaucoup d'un jugement. Comme l'a fait observer le sénateur Joyal dans Re Broadcasting, ou même dans un meilleur cas, le renvoi du Manitoba concernant les lois bilingues, il y avait un jugement clair appuyé sur des principes clairs, et l'autorité de la chose jugée s'applique.

La belle question pour des avocats - et également pour des sénateurs - est de savoir si la Cour suprême du Canada, en vertu de la règle de l'autorité de la chose jugée, doit suivre un avis tout comme un jugement. Je crois qu'on est tenu de suivre un jugement à moins qu'on puisse trouver d'autres faits ou modèles à utiliser. On est plus libre de modifier son point de vue quand il s'agit d'un avis. Je ne crois pas qu'on soit lié par l'autorité de la chose jugée.

Comme le sénateur Cools, je crains que la cour n'en vienne parfois à aller au-delà de l'exercice de ses droits constitutionnels. J'ai été le seul sénateur à entendre les arguments finals touchant l'avis. Parlant en mon nom, j'étais mécontent de l'argument avancé alors.

Le sénateur Murray: Pourquoi? Par le gouvernement?

Le sénateur Grafstein: Par le gouvernement et par les parties à l'avis. La raison pour laquelle je suis fondamentalement d'accord avec le sénateur Joyal, c'est que l'argument qu'il fait valoir avec tant de profondeur et de justesse à propos du pays qui est un et indivisible n'était pas...

Son Honneur le Président: Je suis désolé de devoir vous signaler que la période de 15 minutes prévue pour le discours et les questions est écoulée.

(1600)

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose que la période allouée au discours du sénateur Grafstein, aux observations et aux questions soit prolongée de 15 minutes.

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour qu'on prolonge de 15 minutes la période allouée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je ne comprends pas ce qui vient d'arriver. De quelle sorte de motion s'agissait-il? Il me semble que la demande de prolongation devrait venir du sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Je trouve que c'est tout à fait acceptable, à moins que d'autres sénateurs ne pensent autrement.

Le sénateur Hays: Le sénateur Cools a demandé si, oui ou non, la procédure était correcte. La nouvelle décision n'a été rendue qu'aujourd'hui, le sénateur n'a peut-être pas eu le temps de la lire. À la page 4, le décision dit ceci:

Par conséquent, je déclare qu'une demande visant à prolonger le temps de parole peut être acceptée si elle s'accompagne d'une déclaration indiquant la durée du temps supplémentaire requis. Cette déclaration peut être proposée soit par le sénateur qui fait la demande ou par tout autre sénateur, pourvu que la discussion au sujet de la permission reste très courte.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, un certain problème se pose, car on ne peut discuter des décisions du Président. Je ne verrais absolument aucun problème à ce que le sénateur Grafstein demande une heure supplémentaire. Je serais d'accord. Toutefois, nous ne pouvons débattre d'une décision. Il s'agit de déterminer qui devrait faire la demande.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, je dois vous demander de ne pas débattre de cette question dans cette instance. Une prolongation de 15 minutes a été accordée au sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Je vous remercie, honorables sénateurs.

J'aborderai en terminant le troisième aspect. J'ai déjà traité des deux autres.

Comme les sénateurs Joyal et Finestone l'ont dit, le projet de loi nous a été transmis et nous sommes obligés de l'étudier. Je le trouve étrange. On y utilise le mot «résolution» qui, en anglais, selon le dictionnaire Oxford, peut avoir bon nombre de sens. Cela peut vouloir dire «une opinion». À la Chambre des communes, l'exécutif peut chercher à obtenir une résolution non exécutoire. Les deux Chambres le font constamment.

Cette résolution est différente. Elle est obligatoire et impérative; ce sont tous des termes juridiques que j'utilise avec circonspection.

Les partisans du projet de loi nous disent ensuite que ce n'est qu'un moyen de lier la décision de l'exécutif qui peut être prise à l'autre endroit. Lorsque l'on se tourne vers les dispositions de la Constitution concernant les amendements, on constate qu'elles exigent une résolution.

Cette résolution est-elle sur le fond une mesure législative? Je crois que c'est le cas. Même si elle ne l'est pas, je n'ai rien à redire. Dans le cas contraire, notre Chambre a la responsabilité constitutionnelle de traiter cette affaire comme étant le produit de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, c'est un point important. Il soulève la question des pouvoirs du Sénat. Il soulève la question des prérogatives du Sénat. Il soulève la question des privilèges du Sénat ainsi que de ses pratiques et usages sur le plan constitutionnel.

Si quelqu'un veut faire l'analyse de mon discours, il constatera que j'ai essayé brièvement d'indiquer les nombreux principes qui, à mon avis, ont été violés par cette mesure législative. J'espère que le comité, en temps et lieu, examinera chacune de ces propositions différentes qui ont toutes des conséquences distinctes sur le plan constitutionnel.

Le sénateur Murray: Cette tâche prendra du temps, honorables sénateurs.

Le sénateur Grafstein: Ce ne sera pas si long. Je ne crois pas que ce sera très laborieux. Les experts que nous avons au Canada seront en mesure d'émettre une opinion, car nous bénéficions d'une grande expertise. Cette question est complexe. J'espère que le comité s'accordera suffisamment de temps pour l'étudier.

Peut-être que les sénateurs qui n'ont pas suivi la question de près auront besoin de plus de temps. C'est compréhensible. En ce qui me concerne, cela ne me prendra pas beaucoup de temps.

Le sénateur Cools: Le sénateur Grafstein aurait-il l'obligeance de répondre à une question?

Le sénateur Grafstein: Oui.

Le sénateur Cools: Je pense que le sénateur Murray a entièrement raison. C'est exactement ce que dit le jugement au paragraphe 153 de l'avis consultatif, à savoir:

Les obligations que nous avons dégagées sont des obligations impératives en vertu de la Constitution du Canada.

La question devient purement théorique, puisque le gouvernement y a vu une obligation, comme le projet de loi C-20 en témoigne.

Là n'est pas ma question. D'après le projet de loi et selon l'avis consultatif, nous nous retrouverons, si je puis le dire ainsi, avec un ancien et un nouveau Canada. Le sénateur Joyal a été très éloquent à propos de la souveraineté des Canadiens et du fait que le gouvernement devrait agir en respectant leur volonté souveraine.

Honorables sénateurs, je suis une coloniale, et j'en connais donc un peu sur le passage d'un statut à un autre. Je n'ai entendu personne demander qui prendra la parole pour le nouveau Canada. Autrement dit, lorsqu'un pays est créé, comme en 1867, lorsque le Canada est né, ce sont les représentants de la nouvelle entité qui disent: «Nous voulons former une union.»

Je sais qu'une constitution fonctionne de façon positive, et non négative. En d'autres mots, toute autorité exercée au Parlement ou au gouvernement au nom des Canadiens disparaît si le Canada disparaît.

Je voudrais donc demander au sénateur Grafstein s'il s'est penché sur cette question. Qui seront les représentants du nouveau Canada, si on peut dire Canada, ou de l'équivalent du Canada? Comment connaîtront-ils la volonté souveraine du peuple de cet État futur, quel que soit son nom?

Le sénateur Grafstein: Je voudrais faire deux remarques, et je serai bref. Ce projet de loi part d'une présomption, celle que les acteurs qui sont présents aujourd'hui dans cet endroit et dans l'autre seront ici pour traiter de cette question.

Le sénateur Cools: Effectivement.

Le sénateur Grafstein: Je ne suis pas d'accord sur la position qu'aurait adoptée, selon vous, le gouvernement et même en supposant qu'il ait adopté cette position, je ne suis pas sûr que ce soit exact de dire...

Le sénateur Cools: Elle est extrêmement mauvaise...

Le sénateur Grafstein: ...qu'il est lié par un avis consultatif. Je laisse à ce gouvernement ou à ceux qui suivront le soin d'en décider. À mon avis, le gouvernement n'est aucunement lié. Il s'agit d'un avis consultatif.

La province de Québec change constamment de position à ce propos. Tantôt elle est d'accord, tantôt elle ne l'est pas.

Le sénateur Cools a soulevé une autre question importante. Le seul exemple historique pertinent que je puisse donner, c'est celui des États-Unis. Il y a eu un immense débat entre les pères de l'union américaine. Avec la convention constitutionnelle, George Washington, Madison, Jefferson et tous les pères de l'union craignaient d'avoir fait une chose illégale. George Washington, en particulier, craignait que les États-Unis ne reposent sur des bases illégales. Ils ont donc, dans les meilleurs délais, créé le Congrès. Ils ont insisté pour que le Congrès adopte les articles exposés dans la convention.

Qui parle au nom de qui? Qui parle au nom des nouveaux ou des anciens? Je vais vous dire qui parle au nom du Canada. C'est le Parlement du Canada. Jusqu'à nouvel ordre, c'est le Parlement - le Sénat et l'autre endroit - qui parle au nom du Canada.

(1610)

Le sénateur Cools: Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Grafstein. J'espère qu'à mesure que le débat progressera, certaines de ces questions se poseront avec encore plus de clarté. Je remercie le sénateur de son intervention.

Je remercie le sénateur Joyal d'avoir évoqué le cas des États-Unis. Ses propos portaient non pas tant sur la révolution américaine que sur le contexte de la guerre civile américaine.

Honorables sénateurs, j'ai beaucoup étudié la guerre civile américaine. L'arrière-grand-père de mon époux y a pris part. Lorsque j'étais fillette et que je vivais dans les Antilles, on m'a appris que le gouvernement constitutionnel parlementaire était une institution nettement supérieure, parce que le système parlementaire permettait d'éviter les bains de sang et les révolutions.

La question de la révolution, de la guerre civile et des bains de sang sera inévitablement soulevée durant le débat.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je tiens à remercier l'honorable sénateur Grafstein de m'avoir éclairé sur certains aspects juridiques du projet de loi. Il n'a cependant pas répondu à un point précis que le leader du gouvernement a exposé en longueur, à savoir la prérogative.

Dans l'évaluation de l'article 1 du projet de loi, relativement à la résolution, l'honorable sénateur a-t-il pu faire des recherches au sujet de l'argument selon lequel cette mesure législative est une expression de la prérogative? Dans ce contexte, comment peut-on lier l'application de la résolution à l'exercice de la prérogative plutôt qu'à l'application d'une simple loi du Parlement?

Le sénateur Grafstein: C'est une question très complexe. J'espère que le comité l'examinera.

Je ne suis pas convaincu que l'exécutif puisse lier ou limiter sa propre prérogative de cette façon. Le gouvernement peut déléguer le pouvoir à un subordonné, mais je ne suis pas sûr qu'il puisse limiter sa propre prérogative de cette façon sans, peut-être, une modification constitutionnelle en bonne et due forme. Aussi, si la question était posée, pour plus de clarté et de certitude, il serait important que les deux Chambres adoptent le projet de loi et que la Reine le sanctionne. Nous aurions ainsi une garantie de limitation de la prérogative de l'exécutif. C'est une question que le comité devrait soulever et examiner en profondeur.

(Sur la motion du sénateur Hays, au nom du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur la Loi sur la Loi électorale du Canada

Troisième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je serai bref, compte tenu du fait que j'ai des amendements à déposer.

Les partis politiques sont régis par la Loi électorale du Canada. Le projet de loi C-2 vise à abroger cette loi pour en créer une nouvelle. Les principaux partis politiques enregistrés doivent maintenir des activités financières transparentes. Pour ce faire, la loi actuelle oblige chaque parti enregistré à avoir un agent principal. Son rôle est comparable à celui de l'agent officiel d'un candidat lors d'une élection, dans une circonscription en particulier.

Depuis que nous avons commencé à examiner le projet de loi C-2, j'ai reçu de la correspondance de citoyens, en particulier de groupes de pression, qui me demandent d'étudier de près la divulgation des renseignements financiers des partis politiques, et qui réclament plus de transparence, surtout en ce qui concerne le financement des associations de circonscription.

Les partis nationaux sont obligés de déposer des rapports détaillés. D'ailleurs, le projet de loi C-2 augmente la quantité d'informations qui devront être fournies annuellement par les différents partis politiques.

La Chambre des communes, en 1988, la commission Lortie, en 1993 et le directeur général des élections, dans son rapport de 1996, suite à l'élection de 1993, ont réclamé plus de transparence quant au financement et aux transactions financières des partis politiques. La commission Lortie et le directeur général des élections ont été encore plus précis. Ils ont spécifiquement réclamé que la loi soit modifiée afin d'y inclure les associations de circonscription.

J'aimerais signaler un phénomène, qui n'est pas nouveau, voulant qu'environ 80 p. 100 de la population canadienne soit déjà régie sur le plan fédéral par de telles dispositions. Six provinces sur dix disposent déjà de telles mesures dans leur loi électorale, y compris le Québec depuis 1977. L'Ontario bénéficie également de telles mesures par lesquelles les associations de circonscription font partie intégrante des partis politiques. À ce titre, elles doivent soumettre des rapports d'activités financières détaillés, examinés par des vérificateurs autorisés.

La loi actuelle, comme le projet de loi actuel, stipule qu'une association de circonscription peut utiliser les services d'un agent enregistré sans préciser quelles seraient ses responsabilités ou son mandat.

(1620)

Je suis d'accord avec la demande du directeur général des élections et avec ce que la commission Lortie nous a demandé en 1993. D'ailleurs, au moins deux des membres de la commission Lortie se trouvent présentement parmi nos collègues. Ce qu'ils nous demandent n'est pas sorcier. Ils nous demandent de la transparence. Les Canadiens méritent la plus grande transparence possible en ce qui a trait au financement des partis politiques. Il y a transparence au niveau national. Elle est tellement importante que nous sommes un modèle dans le monde.

Il y a une zone grise. Dans son rapport de 1996, le directeur général des élections nous l'a dit. Il nous a dit en comité que si nous n'amendions pas la loi, il allait nous répéter le même discours la prochaine fois: «Tant que vous ne le ferez pas, je vais vous le dire. Faites-le.»

C'est l'officier du Parlement qui a la responsabilité de l'intégrité du système électoral dont nous sommes si fiers. J'avais un discours, et j'aurais pu vous expliquer pourquoi la transparence est si nécessaire. Par exemple, dans le cas d'un député qui cesse de siéger pour un parti politique et qui change de parti politique, qu'arrive-t-il aux fonds de l'association de la circonscription? Demandez à M. Nunziata de l'autre endroit ce qui est arrivé aux fonds de son association de circonscription. Il y a fort à parier que les sommes d'argent réunies sont parties avec lui et qu'elles ne se trouvent plus dans les coffres de l'association libérale de son comté.

Qu'arrive-t-il lorsqu'une association de circonscription change d'exécutif? Demandez au Nouveau Parti démocratique ce qui arrive aux sommes d'argent des associations de circonscription. Des gens diront que dans leur parti, ces sommes doivent passer par le comité central à Ottawa. Qu'arrive-t-il si, en faisant une contribution au parti, une personne ne veut pas de reçu pour fins d'impôts? Qu'est-ce qui oblige le trésorier de l'association de circonscription à encaisser le chèque dans le compte de banque de l'association de comté? C'est une pente très dangereuse. Protégeons-nous.

Nous avons supposément la plus belle loi électorale du monde et nous sommes cités en exemple. Il y a pourtant une lacune dans cette loi. Il est de notre devoir, au Sénat, de présenter ces amendements. La Chambre des communes est en conflit d'intérêts et ne veut pas que nous jouions dans sa loi électorale. Lors du débat sur les limites des circonscriptions électorales, nous nous mêlions supposément de ses affaires. Justement, nous nous mêlions de ses affaires.

Le sénateur Prud'homme: Nous avons bien fait de le faire.

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'aimerais proposer des amendements qui touchent à ce dont je viens de parler.

Le sénateur Prud'homme: Si je les aime, je vais les appuyer.

Le sénateur Nolin: Ces amendements concernent des modifications importantes à l'article 375 du projet de loi actuel, qui traite des agents enregistrés des partis politiques au niveau des associations de circonscription.

Motions d'amendement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 375, à la page 154:

a) par substitution, aux lignes 26 à 27, de ce qui suit:

«375. (1) Les partis enregistrés nomment des agents enregistrés; la nomination»;

b) par substitution, aux lignes 30 à 31, de ce qui suit:

«de circonscription, le parti enregistré nomme un agent enregistré - appelé agent»;

c) par adjonction, après la ligne 34, de ce qui suit:

«(3) L'enregistrement d'un agent de circonscription n'est valide que, selon le cas:

a) jusqu'à la révocation de sa nomination par le parti politique;

b) jusqu'au moment où le parti politique qui l'a nommé est radié du registre des partis;

c) jusqu'au moment où sa circonscription disparaît du fait d'un décret de représentation électorale pris en application de l'article 25 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

(4) En dehors d'une période électorale, l'agent de circonscription d'un parti enregistré:

a) est responsable de toutes les opérations financières de l'association de circonscription du parti;

b) doit remettre annuellement, à l'agent principal du parti enregistré qui l'a nommé un rapport financier vérifié, en conformité avec le paragraphe (5), de toutes les opérations financières de l'association de circonscription.

(5) Le rapport financier annuel mentionné au paragraphe (4) comporte les renseignements suivants:

a) un état des contributions apportées au parti enregistré par les particuliers, les entreprises, les organisations commerciales, les gouvernements, les syndicats, les personnes morales sans capital-actions, autres que les syndicats, et les organismes ou associations, autres que les syndicats, non constitués en personne morale;

b) le nombre des donateurs de chacune des catégories visées à l'alinéa a)

c) sous réserve de l'alinéa c.1), les nom et adresse de chaque donateur visé à l'alinéa a) qui a apporté une ou plusieurs contributions d'une valeur totale supérieure à 200 $ au parti directement ou par l'intermédiaire d'une de ses associations de circonscription ou d'une fiducie constituée pour l'élection d'un candidat soutenu par le parti, et la somme de ces contributions;

c.1) dans le cas où le donateur visé à l'alinéa c) est une société à dénomination numérique, le nom du premier dirigeant ou du président de la société;

d) en l'absence des renseignements sur l'identité d'un donateur qui a apporté sa contribution par l'intermédiaire d'une association de circonscription, les nom et adresse des donateurs de la totalité de telles contributions apportées à l'association de circonscription au cours de l'exercice et, si le donateur est une société à dénomination numérique, le nom du premier dirigeant ou du président de celle-ci, comme si elles avaient été apportées au parti;

e) un état des contributions reçues d'une fiducie;

f) un état de l'actif et du passif et de l'excédent ou du déficit de l'association de circonscription selon les principes comptables généralement reconnus, notamment :

(i) un état des créances contestées visées à l'article 421,

(ii) un état des créances impayées faisant, ou susceptibles de faire, l'objet de la demande prévue au paragraphe 419(1) ou à l'article 420;

g) un état des recettes et des dépenses de l'association de circonscription selon les principes comptables généralement reconnus;

h) un état des prêts et des sûretés à l'association de circonscription, ainsi que des conditions afférentes;

i) un état des contributions reçues et remboursées en tout ou en partie à leur donateur ou dont l'association de circonscription a disposé en conformité avec la présente loi.

(6) Pour l'application du paragraphe (5), à l'exception de l'alinéa (5)i), une contribution comprend un prêt.

(7) L'association de circonscription produit les documents visés au paragraphe (5) auprès de l'agent principal d'un parti enregistré dans les six mois suivant la fin de l'exercice.»;

d) par le changement de la désignation numérique du paragraphe (3) à celle de paragraphe (8) et par le changement

Honorables sénateurs, j'ai d'autres amendements qui sont corollaires au premier, et ce dans les deux langues officielles.

Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 405, à la page 166, par substitution, aux lignes 38 à 40, de ce qui suit:

«principal, à un agent enregistré ou à un agent de circonscription d'un parti enregistré, d'accepter les contributions apportées au parti.

(4) Il est interdit à quiconque, sauf à l'agent principal d'un parti enregistré, de délivrer aux donateurs de contributions monétaires destinées au parti enregistré des reçus officiels pour l'application du paragraphe 127(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.».

(1630)

Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 424, à la page 174, par substitution, aux lignes 14 à 15, de ce qui suit:

«a) les rapports financiers portant sur les opérations financières de celui-ci et de ses associations de circonscriptions dressés.»

Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième mais qu'il soit modifié, à l'article 426:

a) à la page 176, par substitution, aux lignes 27 et 28, de ce qui suit:

«tion à la fois du rapport financier du parti, de celui de toute fiducie de celui-ci visée à l'article 428 et des rapports financiers sur les opérations financières des associations de circonscriptions mentionnés à l'alinéa 375(4)b). Il»;

b) à la page 177:

(i) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit:

«b) il n'a pas reçu des agents de circonscription, des agents enregistrés et»,

(ii) par substitution, aux lignes 17 et 18, de ce qui suit:

«parti et a le droit d'exiger des agents de circonscription, des agents enregistrés et des dirigeants du parti les renseigne-».

Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 473, à la page 202, par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit:

«parti enregistré, au parti ou à un agent enregistré de ce parti dans sa».

Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 477, à la page 203, par substitution, aux lignes 32 et 33, de ce qui suit:

«477. Les candidats, leurs agents officiels et l'agent principal d'un parti enregistré, selon le cas, doivent utiliser le formulaire prescrit pour».

Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Prud'homme:

Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 560, à la page 246:

a) par substitution, à la ligne 19, de ce qui suit:

«présentation au ministre d'un reçu signé de l'agent principal, d'un»;

b) par substitution, à la ligne 25, de ce qui suit:

«a) par l'agent principal ou un agent enregistré d'un parti enre-».

[Traduction]

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le sénateur Nolin est-il autorisé à présenter sept amendements?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Nolin: Inutile!

Son Honneur le Président pro tempore: Suis-je dispensé de donner lecture?

Des voix: D'accord.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Nolin de sa présentation et des amendements qu'il a proposés. Ces amendements exigent, par circonscription ou association de circonscription, une reddition de comptes beaucoup plus serrée que prévu dans le projet de loi C-2.

Cette disposition ne me déplaît pas complètement. Je suis d'accord avec le sénateur pour ce qui est de l'importance de la transparence pour tout ce qui concerne la démocratie. Il s'agit au fond de la façon dont nous élisons nos représentants. Le sénateur Nolin a fait observer que les provinces avaient, pour la plupart d'entre elles, prévu des obligations plus poussées en matière de divulgation. C'est à mon sens une indication claire de l'orientation que nous semblons vouloir prendre sur le plan national.

Je m'oppose à ces amendements et je demande aux sénateurs de songer à ce que fera le projet de loi C-2, dans sa forme actuelle, sans amendement, sur le plan d'une meilleure transparence et d'une meilleure divulgation. Le sénateur Nolin a fait référence au rôle important du directeur général des élections. Je suis tout à fait d'accord pour dire que ce rôle est d'une extrême importance et que les responsabilités de cet agent sont énormes, pour ce qui est de garantir l'intégrité du système notamment. En plus du directeur général des élections, les partis politiques reconnus conformément aux dispositions de la loi ont un rôle tout aussi important à jouer, car ils doivent assurer un niveau adéquat de transparence et veiller à ce que, sur les plans financier et politique, les associations de circonscription, qui sont à la base des partis politiques, se conforment aux règles.

Selon moi, la plus importante institution politique dans le pays est l'association de circonscription. La plupart des partis ont alors un moyen de répartir les circonscriptions selon les provinces ou les territoires et enfin dans l'ensemble du pays. Selon moi, l'association de circonscription est la plus importante, viennent ensuite l'association provinciale ou territoriale et enfin l'association nationale.

Les partis au niveau de la circonscription, de la province ou du territoire et le parti national sont tenus de rendre des comptes, au moins tous les cinq ans, lors d'élections générales, au public qu'ils représentent aux différents niveaux. Ainsi, la manière dont ces partis sont dirigés et la manière dont ils gèrent la responsabilité politique et économique et la transparence des associations de circonscription expliquent, dans une large mesure, l'objet de ces amendements. Un parti qui permet à une association de circonscription de faire quelque chose d'irrégulier en paiera le prix politique et devra répondre de ces irrégularités.

Ceci dit, je reconnais que les différentes exigences de transparence permettront de signaler ces irrégularités plus tôt que ne le pourraient celles prévues dans la loi actuelle. Toutefois, comme l'a admis le sénateur Nolin au début de son intervention, le projet de loi C-2 exige un niveau plus élevé de responsabilité et de transparence lorsqu'il s'agit de publier le nom et l'adresse des donateurs, de révéler quels sont les fonds de fiducie qui contribuent aux campagnes, de dévoiler les transferts aux circonscriptions par les associations fédérales ou provinciales, et de nombreux autres points. Cela inclut la distribution, après les élections, des fonds excédentaires dont les candidats doivent rendre compte en vertu de notre système. Les associations de circonscriptions ont toujours été tenues responsables en ce sens qu'elles reçoivent ces fonds qu'elles ne peuvent ensuite distribuer aux candidats élus.

(1640)

Sans m'éterniser pour citer les dispositions du projet de loi qui invitent à un niveau supérieur de transparence les associations fédérales responsables de nos partis politiques, ni pour faire valoir l'importance de notre système et le fait qu'il fonctionne extrêmement bien pour préserver la saine démocratie qui règne au Canada, dans les circonscription surveillées par les associations dont elles font partie au niveaux provincial, territorial et national, je dirais que je m'oppose aux amendements du sénateur Nolin.

Par conséquent, j'exhorte les honorables sénateurs à ne pas se prononcer en leur faveur. Je serai heureux de répondre à des questions ou d'entendre des observations.

L'honorable Marcel Prud'homme: Les honorables sénateurs savent que j'ai été élu neuf fois. Je n'ai jamais dépensé plus de 25 000 $ pour me faire élire. Une partie de l'argent venait de ma propre famille, ce qui me permettait de préserver mon indépendance.

L'honorable sénateur Hays a dirigé le Parti libéral du Canada, poste auquel il a d'ailleurs été très apprécié. Le Parti libéral devrait lui être reconnaissant pour son travail à la présidence. Assis à côté du sénateur Hays, il y a un ancien président du parti que j'ai appuyé fermement à l'époque du gouvernement de M. Trudeau. Notre président a également été président du parti et je l'ai solidement appuyé lui aussi. Il y en a d'autres au Sénat qui ont occupé ce poste.

Je rappelle tout cela pour faire remarquer qu'il y a beaucoup de gens expérimentés au Sénat. Comme les honorables sénateurs le savent, l'intention qui anime le sénateur Nolin quand il propose ces amendements est le résultat de sa longue expérience. Empruntant le jargon communiste, je dirais qu'il est un apparatchik au sein de son parti. J'étais probablement un peu moins apparatchik dans mon parti. Je vois que le sénateur Milne est ici. Elle connaît à fond les finasseries de la politique. Mes bons amis, les sénateurs Finnerty, Taylor et Carstairs, sont également ici, en fin d'après-midi le jeudi, même si tous les autres sénateurs semblent être au Québec pour tenter de sauver un chef bon et honnête, qui n'est pourtant pas très populaire.

Je ne m'attends pas à ce que le sénateur Hays approuve les amendements. Je les ai appuyés pour le pur plaisir d'en discuter. Reconnaît-il que quelque chose devra être fait? On sait que quelques circonscriptions ont des sommes astronomiques qu'elles refusent de transmettre à leur parti qui, dans certains cas, a grand besoin d'argent? Je ne pense pas que ce soit juste ou acceptable. Je sais que quelques associations de circonscription - et je ne pense à aucune en particulier ni à aucun parti - couvent des centaines de milliers de dollars pendant que leur parti est dans la dèche.

Cela devrait suffire à nous convaincre qu'il faut faire quelque chose. Tout le monde convient que quelque chose doit être fait. C'est comme la chanson bien connue au Québec qui disait: «Tout le monde veut aller au ciel, mais personne ne veut mourir.»

L'honorable sénateur reconnaît-il que nous devrions peut-être faire quelque chose sans tarder pour mettre de l'ordre dans nos affaires afin de pouvoir continuer à dire que nous avons la meilleure loi électorale du monde? D'autres pays, notamment au sein de l'Union parlementaire internationale, de l'OTAN, du Commonwealth et de la Francophonie, nous demandent de les faire bénéficier de notre expertise en la matière.

S'appuyant sur sa propre expérience et sur l'expérience de tous ceux que je vois autour de lui, l'honorable sénateur ne croit-il pas qu'il faudrait faire quelque chose?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, le sénateur Prud'homme a raison. Nous avons ici un groupe de gens - dont le sénateur fait partie - qui possèdent une vaste expérience et qui sont donc devenus, en quelque sorte, des sages en la matière.

L'honorable sénateur demande si je reconnais que quelque chose doit être fait. Le sénateur Nolin a déclaré que le directeur général des élections voudrait beaucoup plus que ce qu'offre le projet de loi C-2. Il a fait allusion au précédent créé par les provinces. Son propre amendement indique dans quelle direction nous nous dirigeons. Je le répète, et le sénateur Nolin l'a reconnu, le projet de loi C-2 va beaucoup plus loin que la loi qu'il modifie et il mérite d'être adopté. Si des élections ont lieu après l'adoption de ce projet de loi, le système sera plus transparent et plus responsable.

Cependant, je tiens à répéter que quelque chose est fait. Un parti politique qui ignore - et je parle ici en absolu - ce que ses associations de circonscription font, combien elles ont en banque et ce qu'elles font de leur argent, ne fait pas son travail. Je dirai aux honorables sénateurs que les partis politiques du Canada savent ce qui se passe au niveau des circonscriptions. Ils savent combien il y a dans leurs comptes en banque et comment l'argent est dépensé. C'est là la responsabilité financière à laquelle j'ai fait allusion.

Je pense que notre démocratie est saine. Notre niveau de transparence et de responsabilisation, même s'il n'est pas parfait et qu'il serait considérablement amélioré par l'amendement, et d'aucuns sont d'avis qu'il devrait l'être, assure un bon système qui fonctionne bien. À mon avis, notre expérience, vieille de 130 ans et quelques, en matière d'élections - et encore je ne connais que les plus récentes alors que le sénateur Prud'homme en connaît bien davantage - l'a prouvé cycle d'élections après cycle d'élections.

C'est la meilleure réponse que je puis fournir, honorables sénateurs. Ce faisant, j'essaie de renforcer la position de mes collègues selon laquelle le projet de loi tel qu'il est présenté est bon et qu'il devrait être adopté sans amendement.

[Français]

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je m'attendais à ce que vous me fassiez une belle démonstration à l'effet que les partis politiques bien organisés maîtrisent leurs activités financières adéquatement. Cependant, je vous mets au défi de me dire sur-le-champ que votre parti politique national connaît exactement la provenance de tous les fonds sollicités, parlons simplement sur le plan régional, par quiconque se présente au nom du Parti libéral du Canada et que ces fonds sont dûment inventoriés.

Si vous me répondez que cela est possible mais que vous ne le savez pas, je vais comprendre. En ce sens, il est peut-être exagéré de ma part de vous défier, mais je suis convaincu que vous ne pouvez affirmer que votre parti sait exactement où se trouvent les fonds sur le plan de la gestion locale.

(1650)

L'honorable sénateur ne croit-il pas qu'il serait beaucoup plus salutaire pour la transparence et la crédibilité de notre système que cela soit inclus dans la loi, avec toutes les sanctions que cela comporte. Si nous n'adoptons pas les amendements que j'ai proposés, nous ne pourrons pas améliorer une fois pour toutes ce système. Celui-ci est déjà amélioré dans les provinces pour 80 p. 100 des Canadiens?

[Traduction]

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, quand j'ai formulé mes observations, elles n'avaient pas trait à un parti politique. Elles visaient à décrire les partis en termes généraux, abstraits. Je n'entends pas faire des commentaires sur le parti qui est le mien ou sur celui de quelqu'un d'autre.

Votre question se résume essentiellement à ceci: serait-il plus facile et mieux si le directeur général des électeurs et ses bureaucrates s'occupaient de cela à notre place? Nous nous sentirions alors plus à l'aise. Cette question revient souvent dans la vie publique: Qui devrait exercer le pouvoir? Il y a toujours eu un courant qui veut que si les bureaucrates ou le vérificateur général dirigeaient le pays, nous nous en porterions que mieux. Le fait est que dans tout le système on trouve les mêmes êtres humains ayant les mêmes faiblesses, qu'ils soient politiciens ou bureaucrates. Je crois que le pouvoir et ces responsabilités devraient être retirés avec précaution des mains des politiciens. Ils sont responsables par l'intermédiaire de leurs partis et, dans le cas de nos démocraties, lors de la tenue d'élections générales.

Les partis devraient être courant de ce qui se passe. À mon avis, la plupart sont bien informés. Ont-ils toutes les informations qu'ils devraient avoir? Probablement pas. Les auraient-ils si votre amendement était adopté et en vigueur dans cinq ans? Probablement pas. Le système fonctionne très bien. Il est sain et il a été amélioré. Nous nous dirigeons de plus en plus vers un plus grand niveau de transparence et de responsabilité, et je pense que nous continuerons dans cette voie. Les changements qui figurent dans le projet de loi C-2 permettront de voir à quel point nous faisons des progrès. La prochaine fois que la loi sera révisée, il y aura encore de nouveaux progrès.

Pour répondre à votre question, sénateur Prud'homme, c'est dans cette direction que nous allons. Nous exigerons une plus grande transparence et une plus grande responsabilité. Toutefois, nous devons le faire de façon mesurée. C'est à mon avis ce que nous faisons, et je pense que le projet de loi C-2 est un grand progrès.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, les 15 minutes allouées à cette question sont écoulées, mais le sénateur Milne avait une question.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je veux faire une remarque au sujet de ce projet de loi.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée?

Le sénateur Hays: La permission est accordée, mais le sénateur n'a pas besoin de permission étant donné que c'est la première fois qu'elle intervient.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, puisque que l'on m'a accusée dans cet endroit de toutes sortes d'entourloupettes, j'estime que je devrais me défendre et prendre la parole sur l'amendement.

Son Honneur le Président pro tempore: À l'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Prud'homme: J'invoque le Règlement, j'ai trop de respect et d'amitié pour le sénateur Milne. Elle a dit qu'on l'avait accusée de toutes sortes d'entourloupettes. Elle a dit cela après les interventions du sénateur Nolin, du sénateur Hays et de moi-même. J'espère qu'elle ne faisait allusion à aucun d'entre nous. Je doute fort qu'un gentilhomme comme le sénateur Hays ou le sénateur Nolin - et j'espère pouvoir dire comme moi-même - oserait faire de pareilles remarques. Peut-être cette remarque vient-elle de son voisin. En tous cas, elle ne vient pas de ce côté-ci de la Chambre.

Le sénateur Taylor: Je suis à un âge où je devrais considérer cela comme un compliment.

Le sénateur Milne: Lors de l'examen de l'initiative en comité, il a été clairement indiqué, et à juste titre d'ailleurs, qu'il s'agit de la Loi électorale du Canada et non pas d'un texte qui concerne les périodes entre les différentes élections. Si nous demandons aux partis politiques de rendre compte des moindres sommes dépensées ou des moindres financements réunis entre les différentes périodes électorales et que nous obligeons le directeur général des élections à examiner de près les questions de régie interne des circonscriptions des partis à ces périodes, nous poussons les choses un peu loin. Le projet de loi favorise une très grande transparence pour ce qui concerne le processus de financement des partis en période d'élections, et je pense que nous devrions l'adopter tel quel, sans amendement.

(Sur la motion du sénateur Taylor, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, à la rubrique «Affaires émanant du gouvernement», je voudrais appeler maintenant le projet de loi C-22.

Projet de loi sur le recyclage des produits de la criminalité

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 15 mai 2000.)

(1700)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Thelma J. Chalifoux, au nom du sénateur Gustafson, conformément à l'avis donné le 4 mai 2000, propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 15 h 30, mardi prochain, le 16 mai 2000, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

(La motion est adoptée.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Mise à jour de «De la vie et de la mort»-Motion visant à autoriser le sous-comité à siéger en même temps que le Sénat-Retrait

À l'appel de la motion no 66:

Que le sous-comité de mise à jour de «De la vie et de la mort» soit autorisé à siéger le lundi 15 mai 2000, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, le leader adjoint du gouvernement a bien précisé que nous ne siégerons pas lundi. Cette motion devient donc inutile. Je demande la permission du Sénat de retirer cette motion par consentement unanime.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, y a-t-il consentement unanime pour que cette motion soit retirée?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

[Français]

Transports et communications

Retrait de la motion portant autorisation au sous-comité des communications de siéger en même temps que le Sénat

À l'appel de la motion no 67:

Que le sous-comité des communications soit autorisé à siéger le lundi 15 mai 2000, même si le Sénat siège à ce moment, et que l'application de l'alinéa 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, étant donné que le leader adjoint du gouvernement nous a informés que le Sénat ne siégera pas le lundi 15 mai 2000, je demande le consentement unanime pour retirer cette motion.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée de retirer cette motion, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

[Traduction]

Agriculture et forêts

Motion visant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat-Retrait

À l'appel de la motion no 68:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger le lundi 15 mai 2000, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, je demande au nom du sénateur Fairbairn le consentement unanime pour retirer cette motion.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, y a-t-il consentement unanime pour retirer cette motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 16 mai 2000, à 14 heures.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 16 mai 2000, à 14 heures.)


Back to top