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Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 39

Le mardi 29 mai 2001
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mardi 29 mai 2001

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence dans nos tribunes de Son Excellence Gennady Seleznev, Président de la Douma de l'Assemblée fédérale de la Fédération de la Russie, accompagné par des membres de la Douma d'État de la Fédération de la Russie.

[Traduction]

Nous avons eu, en compagnie des membres du Comité des affaires étrangères de l'autre endroit, l'honneur de rencontrer nos invités plus tôt aujourd'hui. Ils terminent ce qui, je l'espère, a été pour eux une visite intéressante et réussie au Parlement du Canada.

Le président Seleznev était accompagné de M. Mihail Emelyanov, de M. Nikolai Kiselev, de M. Mikhail Musatov, de Mme Antonina Romanchuck, de M. Vitaly Safronov, de M. Alexandre Sizov, de M. Igor Khankoyez, de M. Sergei Chikulayev, de M. Anatoly Usov, de M. Boris Golovin et de l'ambassadeur Vitaly Churkin.

Honorables sénateurs, je voudrais également vous signaler la présence à notre tribune de M. Pavel Pelant, secrétaire général du Sénat de la République tchèque, et de Mme Eva Bartonova, directrice des relations internationales au Sénat de la République tchèque. Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE GROUPE PARLEMENTAIRE CANADA-RUSSIE

RENCONTRE DES PARLEMENTAIRES

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je remercie Votre Honneur d'avoir signalé la présence à la tribune d'une importante délégation de la Douma, qui est l'équivalent de notre Chambre des communes en Russie. La délégation est dirigée par leur Président, comme Son Honneur l'a déclaré.

Honorables sénateurs, je suis heureux de faire rapport au Sénat sur l'une des réunions les plus réussies qui aient jamais eu lieu. Alors que neuf comités parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat siégeaient et que des parlementaires étaient à l'étranger, nous avons réussi à attirer plus de 30 membres des deux Chambres, entre 10 heures et 11 heures ce matin, à la réunion du comité appelé Groupe parlementaire Canada-Russie.

Comme les honorables sénateurs se le rappellent, ce groupe parlementaire a été créé à la demande de notre regretté Président, le sénateur Gildas Molgat. Après cette rencontre, nous avons pu profiter de l'hospitalité de l'honorable Président Hays, qui a reçu nos invités. Je suis heureux que le Groupe parlementaire Canada-Russie ait aidé à cimenter des liens étroits entre nous.

Honorables sénateurs, lorsqu'on se penche sur la géographie de la Russie, on comprend mieux ce à quoi la nouvelle Russie est confrontée. Dans la délégation russe, on retrouve une députée de Vladivostok, ville située juste au nord de la Corée du Nord, tout près de la Chine. Elle doit traverser 11 fuseaux horaires pour se rendre au Parlement. Imaginez l'immensité de la Russie, et celle de ses voisins qui sont parfois plus hostiles qu'on le voudrait.

C'est pourquoi je crois que ce groupe de parlementaires est si important, honorables sénateurs. Bientôt, on demandera à certains d'entre nous de se joindre à ce groupe pour les quatre prochaines années. Il est important de montrer à nos amis russes que beaucoup de Canadiens se préoccupent de la situation difficile à laquelle ils sont confrontés. Beaucoup de Canadiens croient que nous pourrions être plus proches, sur le plan du commerce, des droits de la personne, des échanges politiques et de l'amitié.

Merci, et bienvenue.

L'AVENIR DE LA MONARCHIE

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, il y a quelques jours, deux ministres de la Couronne ont remis en question le maintien de la monarchie constitutionnelle au Canada. Mais ils n'ont pas dit les choses en ces termes. Ils ont plutôt simplement proposé que nous remplacions par un chef d'État canadien l'héritier de la reine, quand ce dernier accédera au trône. De leur avis, la monarchie est un anachronisme qui nous est étranger et qui ne signifie rien de particulier pour les Canadiens. Au mieux, ce serait un vestige d'un passé colonialiste, qui aurait depuis longtemps perdu toute raison d'être.

(1410)

Je rappelle que, en notre qualité de sénateurs, nous prêtons un serment d'allégeance à la reine. Ce serment sert au moins à nous amener à réfléchir sur la nature de notre système parlementaire et sur les institutions qui en représentent les valeurs, notamment la Couronne.

Permettez-moi de poser tout d'abord cette question: quel est le rôle de la Couronne dans notre Constitution? Bien que peu de gens le sachent, ou veuillent le reconnaître, la Couronne n'est rien de moins que le principe structurant fondamental de l'intégralité de notre système gouvernemental.

Depuis le XVe siècle, le Canada a été sans discontinuer sous tutelle française et britannique, dont les monarchies nous ont fourni une lignée exceptionnelle de souverains. Aujourd'hui, le Canada est un pays souverain qui appartient aux Canadiens.

En 1867, les Pères de la Confédération ont mis en place un système fédéral sans précédent, qui a établi la dualité de la Couronne, comme exprimée par les niveaux fédéral et provincial de gouvernement. Jamais auparavant, dans l'histoire, la souveraineté des assemblées législatives provinciales et du Parlement fédéral n'avaient été reconnues sous une seule Couronne. La création de cette Couronne composite dont a parlé le professeur David Schmidt s'est avérée une solution à la fois pratique et novatrice conçue par les Pères de la Confédération pour mettre en place un régime politique particulier.

Le concept d'une Couronne abstraite et composite, représentant l'ensemble de la nation et ses éléments autonomes, a imprégné toutes nos institutions politiques et judiciaires. Depuis ces débuts remarquables, la caractéristique dominante de la monarchie constitutionnelle canadienne demeure son adaptabilité.

La Couronne canadienne a également montré sa souplesse exceptionnelle à l'occasion de la réforme constitutionnelle de 1982. Le rapatriement de la Constitution a permis de reconnaître la primauté du droit et nous avons obtenu le pouvoir exclusif de déterminer la nature de notre système de gouvernement. La Couronne s'adapte à la volonté du peuple canadien. Les Canadiens sont les seuls maîtres absolus de leur destinée en tant que nation. Ainsi, le concept de la Couronne en tant qu'expression de notre souveraineté s'est avéré souple et tout à fait adapté à nos aspirations politiques. La Couronne canadienne constitue un symbole, une institution et un principe constitutif. D'abord et avant tout, elle est l'expression de la continuité de notre nation.

Contrairement à ce que pensent bien des gens, la Couronne occupe une place centrale dans notre Parlement et notre démocratie. Elle incarne l'essence transcendante de notre existence en tant que nation. Elle demeure au-dessus de la sphère politique. Elle constitue même l'ultime garantie de notre liberté constitutionnelle pour bénéficier des droits et libertés d'un pays uni.

[Français]

Les Québécois d'aujourd'hui ne sont plus prisonniers des clichés d'autrefois, des victimes ou des pseudo-modernistes.

[Traduction]

La Couronne est une institution qui va bien au-delà des circonstances passagères d'aujourd'hui, car elle nous lie à une histoire, à des traditions et à des valeurs partagées par les pays du Commonwealth, qui représentent le quart de la population mondiale. C'est donc un élément important de notre identité canadienne et elle ne devrait pas être rejetée à la légère.

LE DÉCÈS DE L'HONORABLE BEVERLY MASCOLL, O.C.

HOMMAGE

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je désire rendre hommage à la regrettée Beverly Mascoll, de Toronto, qui est décédée par suite d'un cancer du sein le 16 mai 2001. Mme Mascoll était une charmante dame noire qui avait connu beaucoup de succès et qui trouvait toujours du temps à consacrer aux autres. C'était une bonne citoyenne, une bonne épouse et une bonne mère. Mme Mascoll laisse dans le deuil son époux, Emerson Mascoll, avec qui elle a partagé 37 ans de sa vie, leur fils, Eldon, ainsi que nombre d'amis.

Beverly Mascoll était une Néo-Écossaise de race noire, descendante des loyalistes noirs, des femmes et des hommes libres, tandis qu'Emerson est de descendance antillaise. Bev est née à Fall River, en Nouvelle-Écosse, où une école, l'Ash Lee Jefferson School, a été nommée en l'honneur de sa grand-mère. Elle habite à Toronto depuis son adolescence. En 1970, elle a fondé la Mascoll Beauty Supply Limited, l'un des principaux distributeurs de produits de beauté pour les femmes de race noire. Elle a toujours milité dans la communauté noire, surtout au sein de la Beverly Mascoll Community Foundation.

Emerson, l'époux de Beverly, a fréquenté la St. Francis Xavier University en même temps que l'ancien premier ministre Mulroney. Le couple s'était lié d'amitié avec M. Mulroney.

Emerson est aujourd'hui à la retraite. Il a été vice-président de McGuinness Distillers et vice-président de Nabisco Brands. Il a aussi été le premier administrateur de race noire au sein du conseil d'administration du Canadien National.

Honorables sénateurs, à la pensée de Beverly Mascoll, la Bible, plus précisément le verset 8 du psaume 98, me revient à la mémoire:

Que les fleuves battent des mains, qu'avec eux les montagnes crient de joie.

Beverley Mascoll était un être humain exceptionnel et une personne extraordinaire pour ceux d'entre nous qui l'ont connue. Elle a reçu un nombre impressionnant de prix et d'honneurs, y compris l'Ordre du Canada. Elle était la lumière et la vie de son époux et une source d'inspiration pour son fils.

Honorables sénateurs, j'offre à Emerson Mascoll, à Eldon et à toute la famille mes plus sincères condoléances et toute mon affection à l'occasion du décès de Beverly.

LA SEMAINE NATIONALE DE LA SÉCURITÉ NAUTIQUE

L'honorable Ione Christensen: Honorables sénateurs, la semaine dernière était la Semaine nationale de la sécurité nautique. Elle marquait le début de la saison de la navigation de plaisance au Canada. Je suis membre du chapitre du Yukon de la Canadian Power Squadron, une association nationale qui préconise la sécurité nautique au moyen de cours de formation complets.

La navigation de plaisance dans les eaux froides nordiques exige de la prudence et le respect de mesures de précaution responsables. Malheureusement, l'apparition des moteurs puissants, des embarcations aux lignes profilées et des motomarines a entraîné une hausse du nombre d'accidents sur l'eau causant des blessures et des mortalités.

En avril 1999, il a été nécessaire de doter la navigation de plaisance de règlements de sécurité établissant l'âge des conducteurs et la puissance des moteurs et d'obliger les plaisanciers à se munir d'un permis et à doter leur embarcation, chaloupe, canot, kayak, bateau à moteur confondus, de matériel de sécurité.

Ce règlement a pour seul objet de réduire le nombre d'accidents et de sauver des vies. Chaque année entre 7 et 9 millions de personnes empruntent les voies d'eau canadiennes, mais chaque année, plus de 200 Canadiens meurent inutilement dans des accidents de bateau. En outre, on enregistre 6 000 cas de blessures graves et de pertes matérielles.

Pour la majorité, ces tragédies sont évitables. Les statistiques nous disent que, dans 40 p. 100 des décès causés par un bateau à moteur, la victime avait un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal pour pouvoir conduire. Il est illégal de boire et d'être aux commandes d'un bateau et, de plus, c'est une recette sûre pour ne pas revenir à bon port.

Honorables sénateurs, je fais énormément de bateau, soit à la rame, soit au moteur, et chaque fois que je sors je vois des situations qui ne peuvent que conduire à un accident, par exemple, des gens qui ne portent pas leurs gilets de sauvetage ou qui s'en servent comme coussins, des bateaux surchargés, des comportement dangereux aux commandes de bateaux à haute vitesse et des gens qui font la fête.

J'exhorte les Canadiens à obtenir leurs cartes de conducteur d'embarcation de plaisance, à apprendre à leurs enfants à respecter et à aimer l'eau, à être prudents et à suivre les règles de sécurité afin que leurs embarcations les ramènent toujours à bon port.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'une délégation de juges du tribunal constitutionnel de Russie. Ils sont ici en voyage d'études dans le cadre du projet de partenariat judiciaire entre le Canada et la Russie. Ce sont les invités de notre collègue, l'honorable sénateur Beaudoin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


AFFAIRES COURANTES

LA SITUATION ACTUELLE DU RÉGIME FINANCIER CANADIEN ET INTERNATIONAL

BUDGET ET DEMANDE D'AUTORISATION POUR ENGAGER DU PERSONNEL—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

L'honorable E. Leo Kolber, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant:

Le mardi 29 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre Comité, autorisé par le Sénat le 20 mars 2001 à examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international, demande respectueusement, que le Comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire aux fins de ses travaux.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
LEO KOLBER

(Le texte du rapport figure à la p. 605 des Journaux des Sénats d'aujourd'hui.)

(Sur la motion du sénateur Kolber, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1420)

[Français]

L'AJOURNEMENT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 30 mai 2001, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

FINANCES NATIONALES

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER LE RÔLE DU GOUVERNEMENT VIS-À-VIS DU FINANCEMENT DES FRAIS D'ENTRETIEN DIFFÉRÉS DANS LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT POSTSECONDAIRE

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner pour en faire rapport le rôle du gouvernement vis-à-vis du financement des frais d'entretien différés dans les établissements d'enseignement postsecondaire au Canada, et

Que le Comité fasse rapport au plus tard le 31 octobre 2001.

DÉFENSE ET SÉCURITÉ

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À MENER UNE ÉTUDE DES PRINCIPALES QUESTIONS DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 30 mai 2001, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité soit autorisé à faire une étude préliminaire des principales questions de défense et de sécurité qui touchent le Canada en vue de la préparation d'un plan de travail détaillé pour des études plus poussées;

Que le Comité présente son rapport au Sénat au plus tard le 28 février 2002, et que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude jusqu'au 31 mars 2002; et

Que le Comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ENGAGER DU PERSONNEL

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 30 mai 2001, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été déférés.

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À PERMETTRE LA DIFFUSION ÉLECTRONIQUE DE SES DÉLIBÉRATIONS

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 30 mai 2001, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité soit habilité à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À CHANGER DE NOM

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 31 mai 2001, je proposerai:

Que l'alinéa 86(11)r) du Règlement du Sénat soit modifié: en remplaçant les mots «Comité sénatorial de la défense et de la sécurité» par les mots «Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense».

L'ACCÈS AUX DONNÉES DE RECENSEMENT

PRÉSENTATION DE PÉTITIONS

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'en remets. J'ai l'honneur de présenter aujourd'hui une pétition portant 862 signatures de Canadiens de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse qui établissent l'arbre généalogique de leur famille ainsi que les signatures de 126 personnes vivant aux États-Unis qui recherchent leurs racines canadiennes. Ainsi, un total de 988 personnes demandent ce qui suit:

Vos pétitionnaires exhortent le Parlement à prendre toutes les mesures nécessaires pour modifier avec effet rétroactif les dispositions sur la confidentialité et le respect de la vie privée de la Loi sur la statistique en vigueur depuis 1906, en vue de permettre la communication publique, après un délai raisonnable, des données de recensement postérieures à 1901, à commencer par le recensement de 1906.

Ces 862 signatures s'ajoutent aux 9 704 que j'ai déjà soumises au cours de la présente année civile, pour un total de 10 722 signatures présentées pendant la 37e législature et de plus de 6 000 signatures présentées pendant la 36e législature, tous les pétitionnaires réclamant des mesures immédiates relativement à cet aspect très important de notre histoire.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LA POSSIBILITÉ DE LA MODIFICATION DES SPÉCIFICATIONS CONCERNANT L'APPAREIL LUI-MÊME—LES RÉPERCUSSIONS SUR LA PARTICIPATION D'EUROCOPTER

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. L'autre jour, j'ai demandé expressément si l'on modifierait, dans le programme de remplacement des hélicoptères, les nouvelles spécifications de l'appareil lui-même pour accommoder Eurocopter, étant donné que j'avais entendu dire de sources tout à fait fiables que la société prétendait que les normes étaient trop élevées. J'ai analysé les spécifications de l'hélicoptère et constaté que les normes avaient été notablement réduites, étant ramenées à 2 h 20, plus une réserve de 30 minutes, par rapport à la norme minimale absolue de 2 h 50, plus une réserve de 30 minutes, que prévoyait le gouvernement dans l'énoncé sur l'utilisation envisagée.

Pourquoi le gouvernement a-t-il maintenant décidé de réduire les spécifications de l'appareil lui-même d'une façon aussi draconienne?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, avant que nous ajournions pour le congé, l'honorable sénateur a posé une question qui m'a préoccupée. J'ai immédiatement cherché à obtenir l'information qu'il m'a demandée. On m'a dit qu'aucun changement n'a été apporté à la norme d'autonomie énoncée dans le programme d'hélicoptère maritime. Après une analyse en profondeur, le MDN a établi que le nouvel hélicoptère maritime devrait pouvoir demeurer en vol pendant une période de 2 h 50 dans des circonstances normales, avec une réserve de carburant de 30 minutes, et pendant une période de 2 h 20 et une réserve de carburant de 30 minutes dans une situation de chaleur extrême.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, c'est presque incroyable. Une réduction par rapport à l'ISA 20 exige uniquement que l'on ramène l'autonomie de 2 h 50 plus une réserve de 30 minutes, à 2 h 43, plus une réserve de 30 minutes. L'ISA 20 est tout simplement une échappatoire pour réduire la norme afin d'accommoder Eurocopter, étant donné que l'appareil doit être en mesure de faire du vol stationnaire au décollage avec un seul moteur pendant une période maximale d'une heure. C'est un dispositif de sécurité, et cela ne peut être accompli avec une pleine charge de carburant.

Madame la ministre va-t-elle être franche avec le Sénat et nous dire pourquoi le gouvernement fausse les données de l'appel d'offres pour accommoder Eurocopter?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la déclaration de l'honorable sénateur comprend des accusations très graves. L'acquisition du nouvel hélicoptère maritime est fondée sur un processus concurrentiel juste, ouvert et transparent.

(1430)

Le sénateur Forrestall: C'est là où nous en étions il y a des mois déjà.

Le sénateur Carstairs: Le sénateur dit que les besoins opérationnels ont changé. Ils n'ont pas changé. Ils sont exactement les mêmes qu'en août 2000, lorsque l'appel d'offres a été lancé. Les besoins opérationnels en hélicoptères maritimes sont fondés sur une analyse militaire approfondie et sur des scénarios opérationnels réalistes concernant les besoins du Canada à l'heure actuelle.

Le sénateur Forrestall: Je suis perplexe, honorables sénateurs. Je ne comprends pas — à moins qu'il s'agisse ici de finasseries — pourquoi nous abaisserions la norme pour inclure un hélicoptère qui n'est même pas à vocation maritime, un hélicoptère qui ne peut pas décoller ni planer pendant une heure sur un seul moteur, un hélicoptère qui n'a que deux moteurs au lieu de trois. Que faisons-nous aux hommes et aux femmes qui devront piloter ces machines? Que se passe-t-il, pour l'amour du ciel?

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LA SÉANCE D'INFORMATION DONNÉE AU LEADER DU GOUVERNEMENT SUR L'APPEL D'OFFRES

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, permettez-moi de poser à nouveau à madame la ministre la question que je lui ai posée l'autre jour: madame la ministre a-t-elle assisté à une séance d'information sur cette affaire? Dans l'affirmative, cette séance a-t-elle porté sur ces questions?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, nous ne nous entendons manifestement pas ici. Le sénateur dit que nous avons abaissé la norme. J'ai dit au sénateur que la norme n'avait pas été abaissée.

Quant à la question de savoir si j'ai assisté à une séance d'information, la réponse est non. Toutefois, on m'a proposé ce matin trois dates où la sous-ministre adjointe des Travaux publics, Jane Billings, pourra me donner une séance d'information. Cela pourrait avoir lieu d'ici au 11 juin. Je poserai les questions du sénateur à cette séance, si elle est confirmée.

Le sénateur Forrestall: Je demanderai au colonel Myrhaugen et aux Amis de l'aviation maritime s'ils donneront au leader une séance d'information et on verra. Nous nous occuperons de l'affaire à l'automne, lorsque des vies auront peut-être déjà été risquées.

Madame la ministre est incroyable, absolument incroyable.

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LA POSSIBILITÉ DE LA MODIFICATION DES SPÉCIFICATIONS CONCERNANT L'APPAREIL LUI-MÊME—LES RÉPERCUSSIONS SUR LA PARTICIPATION D'EUROCOPTER

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'aimerais revenir sur la question soulevée par le sénateur Forrestall. Ce dernier a mentionné le colonel Lee Myrhaugen, coordonnateur des Amis de l'aviation maritime. Dans une entrevue publiée dans l'édition du 27 mai du Ottawa Citizen, le colonel Myerhaugen a expliqué qu'il avait piloté un appareil Sea King pendant quatre heures consécutives. Les spécifications initiales concernant le remplacement des appareils Sea King faisaient état d'une autonomie de vol de 4 heures, plus 30 minutes de réserve.

Or, nous croyons comprendre maintenant que cette exigence a été ramenée à 2 heures 20 minutes, plus le temps de réserve. Pourquoi le gouvernement semble-t-il ajuster l'appel d'offres pour y rendre admissible l'appareil Cougar d'Eurocopter, qui est un moins bon hélicoptère que le Sea King quand il est entré en service au Canada?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur me pose essentiellement la même question que son collègue avant lui. Les exigences établies en août 2000 n'ont pas été changées.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, j'ai compris la réponse du leader du gouvernement, mais les normes ont changé. Il ne s'agit pas ici d'une divergence d'opinions, mais d'un fait. Comment le gouvernement peut-il acheter un hélicoptère moins performant, au plan de l'autonomie, une exigence essentielle, que le Sea King, entré au service de la Marine canadienne en 1963? C'est pourtant essentiellement ce que le gouvernement s'apprête à faire. Nous avons reçu de madame la ministre l'assurance qu'on n'assouplirait pas les exigences pour accommoder Eurocopter. Pourquoi donc a-t-on modifié une exigence de fonctionnement aussi capitale?

Le sénateurs Carstairs: Je répète, pour mon estimé collègue, que les exigences opérationnelles applicables au projet d'hélicoptère maritime ont été déterminées par les militaires, après une analyse approfondie des besoins présents en fonction des situations opérationnelles réalistes.

L'honorable J. Michael Forrestall: Pourquoi alors a-t-on modifié ces exigences?

Le sénateur Carstairs: Le sénateur Forrestall a demandé il y a plusieurs semaines pourquoi les exigences avaient été modifiées par rapport aux exigences initiales. La réponse est qu'il n'y a pas eu de changement depuis août 2000, lorsque la proposition a été présentée.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire à ce sujet. Elle est davantage du domaine du sénateur Forrestall, mais il se trouve sur une autre côte. Je vis sur une des côtes les plus sauvages et certes l'une des plus longues du monde.

Si les exigences opérationnelles ont été réduites comme on le dit, madame le leader du gouvernement pourrait-elle préciser l'autonomie opérationnelle mentionnée dans les spécifications annoncées ici?

Si on mène des opérations sur la côte de la Colombie-Britannique à partir, disons, de Comox, il y a une différence marquée dans l'étendue des opérations de recherche et de sauvetage qu'on peut effectuer en quatre heures avec la capacité de vol stationnaire et celles qu'on peut mener et le territoire qu'on peut couvrir en deux heures et vingt minutes.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, soyons clairs. Il n'est pas question de 2 heures et 20 minutes, mais plutôt de 2 heures et 50 minutes, plus une réserve de 30 minutes, sauf dans des conditions de chaleur extrême, chose que nous ne vivons pas très souvent au Canada. Il est vrai que cela se produit parfois et malheureusement, le nord de l'Alberta subit des chaleurs extrêmes à l'heure actuelle. En réalité, il s'agit d'une liste de critères établis depuis le début de ce projet.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, s'il y a une diminution de l'un des critères que l'honorable sénateur nous a donnés, cela entraîne alors une diminution de la portée des missions de recherche et de sauvetage qui peuvent être effectuées sur la côte de la Colombie-Britannique. Madame la ministre pourrait-elle préciser au Sénat dans quelle mesure on va réduire le rayon d'action et la capacité opérationnelle des appareils sur la côte de la Colombie-Britannique, sur l'île de Vancouver et dans le Pacifique Nord, toutes des régions où nos opérations de recherche et de sauvetage sont essentielles.

Le sénateur Carstairs: Je le répète, honorables sénateurs, il n'y a pas de capacité réduite, mais je me renseignerai à nouveau. S'il y a eu un changement, je serai heureuse de présenter à l'honorable sénateur une nouvelle réponse mise à jour.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, au risque de vraiment irriter madame le leader du gouvernement au Sénat, je vais persister à poser des questions en ce sens. Je voudrais faire l'historique de ce qui s'est passé depuis 1992.

À l'époque, le critère d'endurance de l'hélicoptère était de 4 heures, plus une réserve de 30 minutes. En 1996, on a réduit cela à 3 heures, plus une réserve de 30 minutes. En 1999, la norme est tombée à 2 heures et 50 minutes. Or, maintenant, elle n'est plus que de 2 heures et 20 minutes, plus la réserve. En 1963, le Sea King pouvait voler pendant 4 heures.

Nous avons posé cette question encore et encore. Pourquoi les spécifications ont-elles changé de façon si radicale? Le leader du gouvernement prétend qu'elles n'ont pas changé depuis 2000. Or, comme je viens de l'expliquer, elles ont changé à quatre reprises. Nous voulons savoir pourquoi.

Madame la ministre prétend qu'elles n'ont pas changé depuis 2000. Or, elles ont considérablement changé depuis le moment où le gouvernement a fixé une norme d'autonomie de quatre heures, plus trente minutes.

Le sénateur Tkachuk: Nous savons tous pourquoi. Le gouvernement ne veut pas l'admettre.

Le sénateur Carstairs: Les besoins opérationnels en ce qui concerne le programme d'hélicoptère sont basés sur les besoins qui nous ont été indiqués par les militaires en fonction des situations opérationnelles en 2001.

Le sénateur Forrestall: Ce ne sont pas les militaires qui ont changé les spécifications, et vous le savez.

Le sénateur Carstairs: Ce sont les militaires qui ont décidé. Je présume qu'ils savent ce qu'ils font, qu'ils connaissent leur capacité et leurs besoins.

Le sénateur Forrestall: Est-ce ce qui est arrivé à Ran Quail?

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je pense que le leader du gouvernement au Sénat se doit de s'informer des raisons de ce changement. C'est très bien de dire que les militaires ont fait connaître leurs besoins. La question, c'est pourquoi la norme d'autonomie a été réduite de quatre heures à deux heures vingt minutes. C'est cela la question.

Selon l'énoncé des besoins établi en 1999, un hélicoptère maritime avec une autonomie de deux heures vingt minutes risque d'avoir des problèmes dans 50 p. 100 des cas. Comment le gouvernement peut-il sacrifier une exigence de base et accepter de sceller le sort de la moitié des missions avant même que les hélicoptères quittent le pont du navire?

(1440)

Le sénateur Carstairs: Je désire corriger le sénateur. Il s'agit de deux heures et 50 minutes, plus une réserve de 30 minutes de carburant.

Voilà l'énoncé de l'exigence, exception faite de la chaleur extrême. Or, ayant moi-même passé 21 années de ma vie dans le Canada atlantique, je ne me souviens pas d'y avoir connu de chaleur extrême.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, il se peut qu'ils soient obligés de le faire. Si la ministre est prête à risquer ce taux d'échec et à défendre cette position, c'est son choix. Or, je pense qu'elle protège un certain premier ministre. Elle le protège parce qu'il a dit lors de la campagne électorale de 1993 que le EH-101 était une Cadillac et que nous n'en avions pas besoin. C'est pour cela que les normes ont été abaissées. Vrai ou faux?

Le sénateur Carstairs: Si j'avais pensé que je devais protéger ce premier ministre, je l'aurais fait avec plaisir. Malheureusement, ce n'est pas le cas. La population canadienne a respecté les décisions qu'il a prises trois fois de suite.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, si madame le leader du gouvernement au Sénat dit que ce sont les militaires qui ont changé leurs exigences à quatre reprises depuis 1993, peut-elle nous dire si le ministre de la Défense, le Cabinet et le premier ministre sont d'accord sur ces changements? Est-ce là la politique du gouvernement?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la politique du gouvernement est d'accueillir les conseils des experts militaires.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que les normes ont été abaissées. Est-ce que cela a été fait afin de servir Eurocopter, qui ne pouvait pas répondre aux exigences militaires? Si oui, pourquoi choisir Eurocopter?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je risque de me répéter une fois de plus. Les besoins opérationnels pour le projet d'hélicoptère maritime sont fondés sur une analyse militaire approfondie.

Le sénateur Forrestall: Certes, mais pourquoi le gouvernement ne se conforme-t-il pas aux recommandations?

LE CABINET DU PREMIER MINISTRE

DEMANDE D'UNE DÉCLARATION CONCERNANT LA CONVENTION RELATIVE À LA SOLIDARITÉ MINISTÉRIELLE

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, à propos d'autre chose, j'aimerais que le leader du gouvernement au Sénat obtienne du premier ministre une déclaration officielle sur l'état de la convention relative à la solidarité ministérielle au sein du gouvernement actuel.

Étant donné le précédent que M. Manley a manifestement établi en préconisant, évidemment sans l'autorisation du Cabinet à cet égard, la plus fondamentale de toutes les modifications constitutionnelles, on se demande si la convention relative à la solidarité ministérielle a été suspendue pour certains ministres ou à propos de certains sujets. La ministre pourrait-elle obtenir une déclaration officielle concernant ce projet, car il est absolument essentiel pour le bon fonctionnement de notre système de gouvernement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, voilà une question intéressante. Je vais tâcher d'obtenir du premier ministre le texte officiel de la convention relative à la solidarité ministérielle, comme on le demande.

[Français]

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre une réponse différée à une question posée par l'honorable sénateur Rivest, le 1er mai 2001, concernant le questionnaire du recensement et la dualité linguistique canadienne.

STATISTIQUE CANADA

LE QUESTIONNAIRE DU RECENSEMENT—LA DUALITÉ LINGUISTIQUE CANADIENNE

La façon de déclarer l'origine ethnique ou ancestrale a changé au cours des années en partie en raison des changements apportés aux questions du recensement et en partie en raison de la façon dont les répondants identifient leurs origines. Toutefois, le recensement peut servir à évaluer le nombre de francophones et d'anglophones d'origine acadienne ou de tout autre groupe culturel déclaré dans le recensement.

Le Canada est un chef de file mondial en matière de collecte de données sur la langue. Les données du recensement peuvent être utilisées pour évaluer certaines tendances ayant trait au nombre de francophones et d'anglophones ainsi que leurs caractéristiques. Tous les recensements depuis 1921 comportent une question sur la langue maternelle. En outre, des questions sur la langue parlée à la maison et sur la connaissance des langues officielles ont été ajoutées lors de recensements plus récents.

De plus, le Recensement de 2001 comporte deux nouvelles questions qui permettront une analyse encore plus détaillée des connaissances linguistiques et de leur utilisation. Plus particulièrement, une question sur toutes les langues parlées à la maison et une nouvelle question sur la langue utilisée au travail y ont été ajoutées.

DÉPÔT D'UNE RÉPONSE À UNE QUESTION INSCRITE AU FEUILLETON

LA JUSTICE—LA VENTE D'AVIONS AIRBUS À AIR CANADA—ÉTAT DE L'ENQUÊTE DE LA GRC

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 9 inscrite au Feuilleton par le sénateur Lynch-Staunton.

LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DES PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter les nouveaux pages de la Chambre des communes.

À ma droite, je vous présente Andrée-Anne Maranda, qui étudie en psychologie à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa. Andrée-Anne est native de Saint-Georges-de-Beauce, au Québec.

[Traduction]

Je vous présente, à ma gauche, Jamie Furniss. Il est étudiant à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa. Jamie vient de Whitehorse, au Yukon.


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LES JUGES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Joan Fraser propose: Que le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre loi en conséquence, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis une piètre remplaçante du sénateur Grafstein, le parrain du projet de loi, que les affaires du Sénat retiennent malheureusement ailleurs aujourd'hui. Je n'essaierai donc pas d'émuler l'intervention savante et de grande envergure qu'il a faite à l'étape de la deuxième lecture. Je me contenterai de faire quelques brèves observations.

Le projet de loi C-12 propose d'apporter à la Loi sur les juges des modifications visant à assurer une rémunération convenable aux juges nommés par le fédéral au Canada. Il a pour objet de mettre en oeuvre les engagements pris par le gouvernement en réponse au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges de 1999.

[Français]

Honorables sénateurs, la force de la magistrature du Canada constitue un facteur clé de la prospérité et de la santé de notre nation. Les juges forment un important pilier de notre société démocratique. Le système judiciaire canadien fait l'envie du monde entier en raison de sa propre qualité, de son dévouement et de son indépendance. De plus en plus, nos tribunaux et nos juges sont perçus comme des modèles d'intégrité et d'impartialité par les nations démocratiques en développement qui tentent de mettre sur pied des systèmes justes et efficaces. Cela intéresse même les pays qui ont une très longue histoire. Nous avons d'ailleurs aujourd'hui la visite de quelques juges de la Russie.

[Traduction]

Comme pour un si grand nombre des droits et privilèges acquis aux Canadiens, l'importance d'un appareil judiciaire indépendant ne saurait être sous-estimée ou tenue pour acquise.

Lors de sa visite en Chine, le premier ministre a souligné l'importance de l'indépendance de l'appareil judiciaire et a dit à ce sujet:

En effet, aussi bien rédigés que soient les textes de loi, il ne saurait y avoir de justice sans procès équitable mené par un appareil judiciaire compétent, indépendant, impartial et efficace. Un appareil judiciaire qui applique la loi de la même façon à tous les citoyens. Sans distinction de sexe, de condition sociale, de croyance religieuse, d'opinion religieuse ou d'opinion politique.

Honorables sénateurs, les trois éléments de l'indépendance judiciaire prévus dans la Constitution sont l'inamovibilité, l'indépendance dans l'administration des affaires reliées à la fonction judiciaire et la sécurité financière. Conformément au principe de l'indépendance judiciaire, l'article 100 de la Constitution a conféré au Parlement, en 1867, la charge de déterminer la rémunération des juges, leurs indemnités et leur pension. Voilà pourquoi les recommandations formulées par la commission en 1999 ne sont pas exécutoires et ne devraient pas l'être. C'est au Parlement que la Constitution a accordé le pouvoir et la responsabilité exclusifs d'établir la rémunération des juges. Toutefois, lorsque le Parlement, à la lumière d'un jugement de la Cour suprême, décide de rejeter ou de modifier les recommandations de la commission, il est tenu par la loi et la Constitution d'offrir publiquement une justification raisonnable de cette décision.

Dans le projet de loi C-12, le gouvernement propose la mise en oeuvre de la plupart des recommandations de la Commission d'examen de la rémunération des juges, dont l'augmentation proposée de la rémunération et quelques améliorations modestes aux pensions et indemnités. Compte tenu de tous les facteurs examinés par la commission indépendante, notamment les tendances observées dans les secteurs privé et public, le gouvernement estime que les propositions contenues dans le projet de loi C-12 sont raisonnables et permettent de répondre au critère constitutionnel de la sécurité financière.

(1450)

Toutefois, le gouvernement n'est pas disposé à mettre en oeuvre toutes les recommandations de la Commission. Il a entre autres reporté la proposition d'augmenter le nombre des juges surnuméraires ou à temps partiel, jusqu'à ce qu'il obtienne les résultats des importantes consultations avec les provinces et les territoires.

En outre, honorables sénateurs, le gouvernement n'a pas accepté la recommandation de la Commission eu égard aux frais juridiques, parce qu'elle ne précisait pas de limites raisonnables. Ainsi, le gouvernement a proposé une formule statutaire conçue pour fournir une contribution raisonnable aux coûts de la participation du pouvoir judiciaire, tout en fixant, par la même occasion, des limites.

[Français]

Le gouvernement s'est engagé à respecter le principe de l'indépendance judiciaire, qui constitue une condition fondamentale pour assurer la vitalité de la règle du droit dans notre système démocratique de gouvernement.

Le Canada est fier d'avoir une magistrature qui fait l'envie du monde entier en raison de sa compétence, de son dévouement, de son indépendance et de son impartialité.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-12 a précisément pour objet de sauvegarder le principe de l'indépendance judiciaire, et je le soumets à votre attention.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le projet de loi C-12 modifie la Loi sur les juges dans le but d'augmenter le traitement et les indemnités des juges fédéraux, d'améliorer leur régime de pension en y ajoutant plus de flexibilité et de créer un régime distinct d'assurance.

Ce projet de loi m'apparaît respecter l'état du droit. L'étude en comité va aussi dans ce sens. Diverses questions ont été soulevées et le comité a décidé de faire rapport sans proposer d'amendement. Plus particulièrement, le projet de loi C-12 semble conforme à l'esprit et à la lettre du Renvoi relatif à la rémunération des juges.

Le projet de loi C-12 constitue une manifestation concrète du principe de l'indépendance judiciaire. En effet, ce projet de loi fait suite au rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges, qui a été mise sur pied dans la foulée du Renvoi relatif à la rémunération des juges.

Incidemment, l'indépendance judiciaire au Canada est assurée par des dispositions constitutionnelles, par des conventions constitutionnelles et une longue tradition, par des décisions de la Cour suprême du Canada, par des documents qui font partie de notre droit constitutionnel et par le jeu du préambule de la Constitution de 1867, comme l'Act of Settlement de 1701. La Charte canadienne des droits et libertés contient elle aussi certains principes qui contribuent à garantir l'indépendance des tribunaux.

L'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 consacre l'indépendance du pouvoir judiciaire des cours supérieures. Cet article est de droit fondamental.

C'est dans l'arrêt Valente que furent d'abord établis les critères qui déterminent l'étendue de l'indépendance judiciaire. L'indépendance judiciaire se caractérise par l'inamovibilité des juges, la sécurité financière des juges et l'autonomie complète à l'intérieur de la fonction de juge — l'indépendance institutionnelle. Ces critères sont appréciés du point de vue de la «personne raisonnable».

Dans le Renvoi relatif à la rémunération des juges, suite à une brève étude des articles 96 à 100 de la Loi constitutionnelle de 1867, de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, de même que de la jurisprudence relative à ces dispositions, le juge en chef Lamer estime que le principe de l'indépendance de la magistrature est, à l'origine, un principe constitutionnel non écrit. La source de ce principe remonte à l'Act of Settlement de 1701. Ce principe a été reconnu et confirmé par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, d'où l'importance significative du préambule de la Constitution du Canada. Ainsi, le principe de l'indépendance judiciaire a été transféré au Canada par le texte constitutionnel du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867.

Il est bien évident que, depuis l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, le pouvoir judiciaire a pris une importance plus considérable encore; sa visibilité s'est accrue. On a affirmé que les décisions de juges non élus sapaient les fondements mêmes de la démocratie. Je ne suis pas d'accord. Comme l'affirme la juge Beverley McLachlin dans un article de doctrine:

[Traduction]

Loin de menacer la démocratie, un pouvoir judiciaire fort est essentiel pour assurer le maintien des institutions démocratiques.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'interviens à l'occasion de la troisième lecture du projet de loi C-12. Le 9 mai dernier, j'ai présenté l'historique de la rémunération des juges au Canada et les frais statutaires imputés au Trésor public. J'ai émis certains doutes quant au travail de la Commission d'examen de la rémunération des juges et de l'établissement de leurs salaires. Pour l'instant, je ne soulève pas la question du montant du traitement ou des augmentations de celui-ci. J'estime que les juges doivent être rémunérés adéquatement. Je le répète, c'est le processus qui me préoccupe.

J'ai exprimé certaines réserves du fait que le projet de loi ne tient pas compte de l'intérêt du Parlement et de celui du représentant du public dans l'établissement des salaires de la magistrature. J'ai signalé les rôles que jouent certains juges dans l'établissement des priorités en matière de dépenses publiques et parlementaires et leur empiètement sur le contrôle des cordons de la bourse du Parlement et sur les initiatives financières de l'État.

Honorables sénateurs, la ministre de la Justice, Mme Anne McLellan, a comparu le 10 mai devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour parler du projet de loi C-12. Son témoignage a révélé qu'elle ne connaissait pas bien la Loi sur les juges, son histoire, son application et sa portée. En outre, elle ne semble pas non plus comprendre la relation constitutionnelle entre les juges et le Parlement. La ministre semble ne pas bien saisir le dossier de la position historique et constitutionnelle du Parti libéral à ce sujet, au Canada et au Royaume-Uni.

Le sénateur Andreychuk a interrogé la ministre sur les projets internationaux en matière de justice, la supervision ministérielle et judiciaire desdits projets et le financement de ces projets par l'Agence canadienne de développement international. La ministre a répondu ceci:

À en juger par l'expérience que j'ai acquise lors des visites que j'ai effectuées dans différents pays du monde, nous pourrions aider à l'éducation des juges et à l'instauration d'une culture du respect de la primauté du droit et de l'indépendance de l'appareil judiciaire dans des dizaines de pays.

La ministre a beaucoup parlé de l'introduction, par les juges canadiens, de la primauté du droit dans les pays en développement. J'ai interrogé la ministre sur ce qui autorisait législativement les juges à se lancer dans de tels projets internationaux. Je lui ai dit:

J'avais toujours cru comprendre que l'introduction de la primauté du droit dans les pays où elle est inconnue, où elle n'existe pas, était une question politique. Quand j'étais enfant, nous appelions cela le «colonialisme». Les Britanniques appelaient cela la «pax Britannica». L'introduction de la primauté du droit dans d'autres pays, notamment les pays en développement, relève de la politique. Cela relève de la politique, non pas de l'appareil judiciaire.

La ministre pourrait-elle nous dire ce qui dans la Loi sur les juges autorise les juges à prendre part à de tels projets dans le monde?

(1500)

La ministre a répondu:

Toutefois, lorsqu'on les sollicite, les juges ont une plus grande obligation de venir en aide à ceux qui cherchent désespérément à créer des démocraties fonctionnelles et stables.

Elle a confirmé mon affirmation selon laquelle la Loi sur les juges ne prévoit aucune obligation de ce genre, en principe ou en droit. Au sujet des prétendus articles habilitant de la Loi sur les juges en ce qui concerne ces interventions judiciaires internationales, la ministre a dit:

Les articles 56 et 57 ne sont pas explicites, mais ils signalent le fait que les juges peuvent être appelés à faire cela en sus des tâches dont ils s'acquittent au sein de quelque tribunal où ils sont nommés.

Honorables sénateurs, la ministre a déclaré qu'elle s'en remettait à deux articles de la Loi sur les juges, dont elle a immédiatement dit qu'ils n'étaient pas explicites. C'est stupéfiant. Honorables sénateurs, non seulement ils ne sont pas explicites, mais encore ils sont de fait contraires. Les articles 56 et 57 de la Loi sur les juges ne prévoient absolument rien autorisant des activités internationales de la part des juges canadiens. De plus, la Loi sur les juges n'a aucune application à l'échelle internationale et est uniquement d'ordre intérieur.

La ministre a ensuite parlé de l'amendement portant sur la juge Louise Arbour apporté à la Loi sur les juges dans le cadre du projet de loi C-42 de 1996, ce qui a permis à celle-ci de devenir la procureure en chef du Tribunal international des Nations Unies pour le Rwanda et la Yougoslavie. La mauvaise compréhension du projet de loi C-42 par la ministre et son insistance ambiguë sur des dispositions inexistantes de la Loi sur les juges concernant les activités internationales de ces derniers étaient curieuses. De fait, le projet de loi C-42 transmis au Sénat en 1996 réclamait un vaste pouvoir général en vue de permettre à tous les juges de se rendre à l'étranger pour travailler pour le compte d'organismes internationaux. Le Sénat a dit non et a limité cette possibilité uniquement à madame la juge Louise Arbour qui, par la plus extraordinaire des procédures, était mentionnée nommément dans le projet de loi C-42. Avant l'adoption de ce dernier, madame la juge Arbour avait déjà quitté le Canada pour occuper les fonctions de procureure en chef. Son absence judiciaire a été autorisée par trois décrets, dont la légalité demeure toujours imprécise. Le Sénat avait compris que les activités internationales des juges, comme le proposait le projet de loi, étaient foncièrement de nature politique. Le Sénat, entériné par la Chambre des communes, a dit non et a prévu dans la loi que la seule exception à l'interdiction générale serait madame la juge Louise Arbour.

Honorables sénateurs, je vais citer les articles pertinents de la Loi sur les juges auxquels la ministre faisait référence; il s'agit des articles 56 et 57. Je citerai tout d'abord l'article 55, dont la note en marge indique «incompatibilités». Le voici:

Les juges se consacrent à leurs fonctions judiciaires à l'exclusion de toute autre activité, qu'elle soit exercée directement ou indirectement, pour leur compte ou celui d'autrui.

L'article 56 est révélateur parce qu'il place expressément toutes les fonctions extrajudiciaires des juges sous l'autorité législative du Parlement. Les activités internationales des juges, notamment leur participation à l'édification de la démocratie dans les pays en voie de développement et dans les pays du tiers monde, ne relèvent pas de l'autorité législative du Parlement. Elles relèvent de la prérogative royale et du droit des États, non pas de l'autorité du Parlement. L'article 56, dont la note en marge indique «qualité de commissaire», que la ministre invoque à l'appui de son autorité à l'égard des activités internationales des juges, stipule en partie ce qui suit:

56(1) Les juges ne peuvent faire fonction de commissaire, d'arbitre, de conciliateur ou de médiateur au sein d'une commission ou à l'occasion d'une enquête ou autre procédure que sur désignation expresse:

a) par une loi fédérale ou par une nomination ou autorisation à cet effet du gouverneur en conseil...

L'article 57, sur lequel la ministre fonde également son autorité, stipule en partie ce qui suit:

57.(1) Sauf le cas prévu au paragraphe (3), ne donne lieu à aucune rémunération ou indemnité l'exercice par un juge des fonctions — soit visées au paragraphe 56(1), soit en qualité d'administrateur du Canada ou de suppléant du gouverneur général, soit ressortissant au pouvoir judiciaire ou exécutif — qu'il est tenu de remplir pour le gouvernement du Canada ou d'une province ou en leur nom.

Honorables sénateurs, il est clair que les articles 56 et 57 de la Loi sur les juges n'autorisent aucun juge du Canada à contribuer à l'édification de la démocratie dans des pays du tiers monde, parce que, selon les termes de la Loi sur les juges, le développement de la démocratie à l'extérieur du Canada a toujours constitué une fonction politique et non pas judiciaire. La Loi sur les juges n'a aucune application ou portée internationale.

Honorables sénateurs, le fondement législatif des activités de ces juges sur la scène internationale en vue de contribuer à l'édification de pays selon les principes du bon gouvernement est une question qui n'a pas été résolue et qui demande que nous l'étudions. J'aimerais citer ce qu'a dit l'ex-juge en chef de la Cour suprême du Canada sur les ondes de CPAC, le 9 décembre 1996, quelques jours seulement après l'adoption du projet de loi C-42, tel que modifié par le Sénat. Au cours de cette émission intitulée: «Une vie publique, avec la participation du juge en chef Antonio Lamer», ce dernier, commentant l'amendement du Sénat à la proposition Arbour a dit:

J'ai été quelque peu déçu que le Sénat ait modifié l'amendement Arbour [...]

L'ex-juge en chef a expliqué en ces termes aux auditeurs les raisons de sa déception:

Cet amendement aurait fait en sorte qu'il aurait été plus facile de couvrir les dépenses car, comme vous le savez, les juges ne sont censés recevoir de l'argent qu'aux termes de la Loi sur les juges — la situation est un peu délicate — et quand cet modification a été apportée seulement pour couvrir la situation de madame la juge Arbour, j'ai été un peu déçu, mais j'ai trouvé une autre façon de faire, et je vais déjeuner aujourd'hui avec madame Huguette Labelle, qui dirige l'ACDI, et je pense que nous allons passer par l'ACDI. Qui veut la fin veut les moyens.

L'ex-juge en chef Lamer a insisté et a poursuivi de la sorte:

Je serai très fier de voir 20, 30, 40 juges canadiens, sans qu'il leur en coûte quoi que ce soit [...] aller partout dans le monde [...]

[...] les juges qui sont disponibles et prêts à partir pourront partir. Je suis en contact avec madame Labelle. Comme je l'ai dit, je vais déjeuner avec elle aujourd'hui, puis, vendredi, je dois rencontrer le commissaire à la magistrature fédérale. Je vais déjeuner avec lui vendredi et je pense que nous arriverons très vite à nos fins.

Cela se passait seulement quelques jours après que le Sénat ait rejeté ses propositions.

Honorables sénateurs, huit mois plus tard, l'ex-juge en chef Lamer était interviewé par Cristin Schmitz à ce sujet. L'interview a fait l'objet d'un article intitulé: «Canada's new global role: Juges sans frontières», qui a paru dans le numéro du 29 août 1997 de la publication The Lawyers' Weekly. Parlant des projets internationaux de l'ex-juge en chef Lamer et du commissaire à la magistrature fédérale, Guy Goulard, Cristin Schmitz écrit ceci:

Monsieur Goulard coordonne un nombre croissant de projets de coopération judiciaire internationale très réussis, dont un grand nombre sont appuyés financièrement par l'Agence canadienne de développement international (ACDI).

Du rôle de l'ex-juge en chef Lamer, elle dit ce qui suit:

«Juges sans frontières» ou «Judges without borders» est le nom que donne en plaisantant le juge en chef Antonio Lamer à son projet.

Elle ajoute que le juge en chef Lamer:

[...] est l'un des principaux promoteurs du rôle de notre pays sur la scène judiciaire internationale [...]

Informée du débat au Sénat, elle lui a demandé ceci:

Au cours des débats de la dernière législature, des sénateurs ont soutenu qu'on minerait la confiance de la population dans l'impartialité des juges si l'on permettait à des juges canadiens de mener des activités non judiciaires à l'étranger.

Elle a cité ce qu'il a répondu à propos du Sénat, à savoir:

«Je ne crois pas que cette critique soit valable et je ne crois pas que la plupart des sénateurs l'aient approuvée», a observé le juge en chef Lamer.

Honorables sénateurs, en tant que sénateur qui s'intéresse à ce projet de loi, j'ai écrit une lettre au rédacteur en chef en réaction aux observations du juge en chef Lamer. The Lawyers' Weekly a publié intégralement ma lettre dans son numéro du 12 septembre 1997. Voici ce que j'écrivais:

Après mûre réflexion, et respectueuse de la convention voulant que les juges canadiens n'engagent pas le Parlement dans un débat public, ni dans la politique publique, ni ne contestent les débats parlementaires, je ne peux m'empêcher en tant que sénateur de répondre aux observations de l'honorable juge en chef.

Défiant le juge en chef, je poursuivais en ces termes:

Je suis vivement préoccupée par les déclarations du juge en chef sur le peu de validité de l'opinion des sénateurs et de leur décision d'interdire aux juges canadiens de mener des activités internationales non judiciaires et de l'affirmation corollaire par le Sénat de l'intérêt public dans l'impartialité, l'intégrité et l'exclusivité judiciaire des juges.

À propos du Sénat, il a dit ceci: «Je ne crois pas que cette critique soit valable et je ne crois pas que la plupart des sénateurs l'aient approuvée.»

Les affirmations du juge en chef Lamer étaient trompeuses. Les faits prouvent le contraire.

Le vote du Sénat sur le projet de loi C-42 a été unanime. Le vote unanime en troisième lecture, tenu le 7 novembre 1996, a maintenu l'interdiction générale pour les juges canadiens de mener des activités internationales, et cela, contre rémunération, et a confirmé les articles 54 à 57 de la Loi sur les juges. Le vote unanime figure à la page 1138 des Débats du Sénat.

En même temps, avec ce même vote, le Sénat a légiféré, quoique à contrecoeur, une seule exception à cette interdiction générale.

La seule exception est madame la juge Louise Arbour, que le Sénat cite spécifiquement par son nom, dans sa motion du 7 novembre 1996, au paragraphe 56.1(1) comme la seule et unique exception à cette loi.

Contrairement à ce qu'avait affirmé le juge en chef Lamer, le Sénat a déclaré définitivement et sans équivoque sa volonté, son intention et sa légitimité.

(1510)

Dans cette lettre publiée, j'ajoutais:

À une autre occasion, au cours du débat du Sénat, on a fait état d'une lettre adressée au ministre de la Justice Allan Rock le 6 novembre 1996, dans laquelle le juge en chef Lamer avait écrit:

Concernant le paragraphe 56.1(1) du projet de loi C-42, je me permets d'ajouter qu'il est extrêmement regrettable que les sénateurs opposés à cette modification d'ordre général n'aient pas du tout saisi son objet.

Les sénateurs ont été mis au courant des questions touchant la rémunération et les avantages que supposent les activités internationales hors tribunal des juges canadiens.

Le Sénat était au courant des opinions et des intérêts du juge en chef Lamer et des autres honorables juges concernant les séjours de juges canadiens à l'étranger. Le Sénat n'en a pas tenu compte.

Le Parlement du Canada a rejeté ces dispositions et a légiféré autrement et contrairement.

Je terminais ma lettre comme suit:

Il est profondément troublant de constater que le juge en chef n'a pas tenu compte de la volonté clairement exprimée du Parlement et qu'il ait manoeuvré dans son dos en dépit de ce prescrivent les lois du Parlement.

Je crois que le juge en chef présentera des excuses au Sénat pour ses observations sur la position politique et les politiques des sénateurs du Canada.

Honorables sénateurs, je reviens au projet de loi C-12. Le 17 mai 2001, au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, je me suis opposée et prononcée contre l'article 18 du projet de loi C-12, qui me semblait novateur et comparable à un chèque en blanc. La Commission d'examen de la rémunération des juges a étendu le rôle de la Loi sur les juges en ajoutant l'article 26 en 1998. Maintenant, le projet de loi C-12 crée un nouveau mécanisme de paiement des dépens, en ajoutant l'article 26.3. Ce mécanisme que créera le nouvel article 26.3 de la Loi sur les juges permettra d'exiger le paiement de dépens sur le Trésor. C'est une pratique inhabituelle et, à mon avis, inacceptable. Cet article permettra également à la Commission de déterminer les dépens que le Trésor versera. Encore une fois, on fait fi du Parlement et du droit des Canadiens à ce que leurs représentants contrôlent les fonds publics.

Honorables sénateurs, je termine en parlant de l'un des plus récents développements dans le domaine de la magistrature. Je parle des activités quotidiennes des juges à titre de publicistes et de propagandistes. Ce nouveau rôle des juges au Canada de nos jours est sans précédent dans notre histoire constitutionnelle. Le Parlement doit se pencher là-dessus. Tous les jours, on voit des juges sous l'éclairage des médias, à la télévision et dans les journaux.

Le rôle adéquat des juges par rapport aux besoins de propagande requiert une certaine clarification. Leur rôle approprié par rapport aux médias, à la propagande et à la publicité a été expliqué de la meilleure façon possible en 1955 par le lord Kilmuir, lord chancelier de la Grande-Bretagne à l'époque. Il avait alors écrit une lettre à sir Ian Jacob, directeur général de la BBC, au sujet des juges, des médias et de la radiodiffusion et cette communication devint ensuite ce qu'il convient d'appeler les règles Kilmuir, lesquelles ont été publiées dans la revue Public Law 1986. Le lord chancelier écrivait:

[...] l'élément primordial à prendre en considération [...] est l'importance de maintenir la distance entre la magistrature du pays et toutes les controverses du jour. Tant qu'un juge garde le silence, sa réputation de personne sage et impartiale reste hors d'atteinte; mais chaque déclaration qu'il fait en public, sauf dans l'exercice même de ses fonctions judiciaires, doit nécessairement l'exposer à la critique. En outre, il ne conviendrait pas que les juges soient associés à toute série d'entrevues ou à quoi que ce soit qui puisse être interprété comme un divertissement et, bien entendu, quelles que soient les circonstances, un juge ne devrait jamais accepter une rétribution quelconque pour participer à une diffusion.

Mes collègues et moi sommes donc d'avis que, en règle générale, il n'est pas souhaitable qu'un membre de la magistrature participe à une radiodiffusion ou paraisse à la télévision.

Voilà donc les règles de Kilmuir telles qu'énoncées par le lord chancelier.

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je dois malheureusement vous dire que vos 15 minutes sont écoulées. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Cools: Je n'ai plus qu'un paragraphe.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, les règles qui exigeaient des juges qu'ils soient inattaquables sur le plan moral et qui leur interdisaient de s'engager publiquement et politiquement, ces considérations étant étayées par le principe politique appelé l'indépendance du pouvoir judiciaire, formaient autrefois la pierre angulaire d'un pouvoir judiciaire sûr et protégé, préservé et protégé par le Parlement. Cette perspective contraste grandement avec les discussions actuelles sur l'expression «indépendance du pouvoir judiciaire» qui est souvent utilisée abusivement ou fautivement. Cet emploi fautif ou galvaudé de l'expression est au mieux intéressé et au pire un cliché. Grâce à la Constitution britannique, le Canada bénéficie de la civilité constitutionnelle, de la souveraineté parlementaire et du principe politique de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Nous devrions rendre hommage à notre patrimoine constitutionnel et le soutenir et, ce faisant, honorables sénateurs, nous rendrons hommage à nos juges et nous les soutiendrons.

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je serai très bref pour ne pas retarder l'étude du projet de loi. Pour revenir au débat, je crois qu'il est essentiel de souligner qu'il s'agit essentiellement d'un projet de loi de nature salariale.

À mon avis, il importe aussi de souligner qu'à la suite de l'examen qu'elle a fait de la situation des juges de la Cour suprême, la Commission d'examen de la rémunération des juges, une commission instituée par la Cour suprême du Canada dans ce but exprès, a recommandé des hausses raisonnables. Ceux d'entre nous qui ont une certaine expérience du travail de la magistrature savent que les juges travaillent très fort, qu'ils méritent chaque cent qu'ils gagnent et que les augmentations proposées n'en feront certainement pas des êtres surpayés. Il est important que nous reconnaissions cela.

Après avoir rapidement examiné le rapport de la commission chargée d'examiner les indemnités des parlementaires, j'ai aussi l'impression que, dans l'avenir, les augmentations des parlementaires seront tributaires de celles déterminées par la Commission d'examen de la rémunération des juges. D'après ce que j'ai lu, à l'avenir, le salaire du juge en chef de la Cour suprême déterminera le salaire du premier ministre. À l'avenir, les rajustements dont bénéficiera le juge en chef échoiront au premier ministre, puis aux députés, puis à nous.

Dans le cas qui nous occupe, puisqu'il semble que notre sort soit lié à l'adoption du projet de loi des juges, je crois qu'il serait logique d'adopter ce projet de loi avant de passer au nôtre, qui viendra rapidement dans sa foulée et pourrait même être adopté à la vitesse de l'éclair, à l'exception de la question de la parité, qui pourrait, et devrait, ralentir le processus. Je crois qu'il est important que nous adoptions aujourd'hui le projet de loi C-12, sur les juges, de sorte que, lorsque l'autre projet de loi nous arrivera à toute vapeur de l'autre endroit, nous soyons en mesure de faire diligence nous aussi.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi, que j'appuyais déjà en deuxième lecture. Cependant, je crois qu'il incombe au gouvernement de nous faire part de son opinion sur certaines vues exprimées par l'avant-dernier orateur, soit le sénateur Cools.

Il a été fait mention de la position présentée par la ministre de la Justice. Plus tôt aujourd'hui, une question a été posée au leader du gouvernement au Sénat au sujet du principe de la solidarité ministérielle. Par conséquent, il me semble que la ministre qui représente le gouvernement au Sénat doit répondre. Par leur silence, les dirigeants du parti ministériel pourraient donner à entendre qu'ils appuient les positions mises de l'avant par le sénateur Cools. Si c'est le cas, il est clair qu'il y a une contradiction au sein du Cabinet. Sinon, quelle est la position du gouvernement?

En particulier, il me semble que le Sénat devrait connaître la position du gouvernement au sujet des juges canadiens qui font un travail, à mon avis, très important et de très haute valeur sur la scène internationale, dans le cadre de la contribution du Canada à la société civile et également aux systèmes de gouvernance dans le monde, y compris à la merveilleuse institution qu'est le pouvoir judiciaire.

(1520)

Comme le savent les honorables sénateurs, de nombreux penseurs sont d'avis qu'il existe dans une société démocratique trois institutions fondamentales qui servent à protéger et à promouvoir les droits de la personne. Ce sont nos corps législatifs, les organismes civils ou non gouvernementaux et un appareil judiciaire indépendant. Il est clair que nous appuyons les efforts qui sont faits par la magistrature canadienne dans le cadre des initiatives internationales de développement de sociétés démocratiques à travers le monde. Il me semble que le gouvernement devrait indiquer clairement s'il partage ou non ce point de vue. Il a été question des articles 56 et 57 de la Loi sur les juges.

On a aussi parlé de la déclaration faite en comité par la ministre de la Justice concernant l'application du projet de loi C-42 et du fait que la position de la ministre dénote une méconnaissance de la loi. Madame le leader du gouvernement au Sénat est-elle d'accord ou non sur cette proposition?

On a fait référence aux trois décrets en conseil. D'après ce que j'ai compris, on doute de l'à-propos de ces trois décrets en conseil.

Que répond le gouvernement aux points soulevés par le sénateur Cools, en particulier à l'affirmation suivant laquelle les juges, en participant à des événements à l'extérieur du Canada parrainés par l'ACDI, reçoivent un salaire provenant d'une source autre que celle prévue par le Parlement? Le gouvernement est-il d'accord ou non avec nous sur ce point?

Le sénateur Cools: Je tiens seulement à préciser, honorables sénateurs, que je n'ai pas dit que les juges recevaient un salaire pour leurs activités à l'échelle internationale. J'ai dit que l'ACDI finançait de nombreux projets. Pour autant que je sache, les juges ne reçoivent pas de salaire de l'ACDI, et je n'ai aucune preuve du contraire.

Je voulais apporter cette précision afin que le sénateur Carstairs sache exactement ce que j'ai dit.

Le sénateur Kinsella: Je remercie l'honorable sénateur d'avoir éclairci un point inexact que j'avais noté.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Kinsella de me donner l'occasion de clarifier la position du gouvernement sur cette mesure législative. Je veux également remercier mon amie et collègue, le sénateur Cools, pour sa contribution cet après-midi. Cependant, comme elle le sait, je ne suis pas d'accord sur une bonne partie des propositions qu'elle a mises de l'avant relativement aux rôles que le gouvernement et moi-même jugeons tout à fait appropriés pour les membres de la magistrature.

À l'instar du sénateur Kinsella, je crois que nos juges peuvent faire un excellent travail sur la scène internationale relativement aux questions de gouvernance et de primauté du droit. Ils l'ont fait dans le passé et j'espère qu'ils continueront de le faire à l'avenir.

Le sénateur Cools a parlé d'un amendement au projet de loi que nous avons adopté à l'unanimité dans cette enceinte. Cet amendement prévoyait le prêt d'un membre de la haute magistrature de ce pays pour remplir le rôle de procureur chargé de poursuivre les auteurs de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine. Dans ce cas particulier, dans sa sagesse, et je pense que nous prenons généralement des décisions très judicieuses, le Sénat s'est assuré de limiter cette permission à une seule juriste en raison de la nature à temps plein du travail, des fonctions particulières rattachées à ce poste et de leur caractère unique. Madame la juge Arbour s'est vu offrir cette occasion particulière et elle a agi non seulement au nom des Canadiens, mais aussi de la communauté mondiale pour chercher à punir des criminels de guerre.

De ce point de vue, le sénateur Cools a tout à fait raison. Nous l'avons limité à un cas, à juste titre selon moi. Cependant, si je comprends bien l'amendement que nous avons apporté à ce projet de loi, nous n'avons absolument pas interdit à d'autres juges d'accomplir du travail au niveau international pour le compte de l'ACDI ou d'autres organisations. Comme le sénateur Cools l'a précisé, ils ne sont pas payés pour le travail qu'ils effectuent dans le cadre de ces initiatives. Ils le font de manière à ce que la primauté du droit puisse se répandre d'un pays à l'autre, surtout dans les régions du monde où la primauté du droit n'est pas très bien comprise ni respectée.

Les sénateurs Beaudoin et Murray se rappelleront notre voyage en Chine. Nous avons tous, je crois, été choqués par le système judiciaire dans ce pays. Nous étions là-bas pour prêter aide et assistance à l'occasion du tout nouveau recours à la primauté du droit en Chine. Les initiatives de ce genre sont à mon avis extrêmement valables.

Pour revenir au projet de loi, il s'agit, comme le sénateur Lawson s'est empressé de le faire remarquer, d'un projet de loi sur la rémunération, laquelle est décidée par le Parlement. Cette décision passe certes par tout un processus d'arbitrage, mais en fin de compte, c'est nous qui décidons du traitement des juges en appuyant cette mesure législative. J'espère que cela clarifie la position du gouvernement.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Ne pourrait-on pas suggérer que ce travail d'expertise — exportable à l'étranger et particulièrement dans les pays en voie de réformer leur système judiciaire — soit effectué par des juges à la retraite plutôt que par des juges encore en fonction?

Présentement, au pays, beaucoup de gens se plaignent de la lenteur du processus judiciaire. À travers le Canada les registres des cours supérieures et des cours d'appel débordent. La situation est telle et on envoie des juges à l'étranger!

Une autre solution serait d'envoyer à l'étranger des juges semi-retraités. Vous savez sans doute qu'à partir de 65 ans, un juge peut toucher un salaire et travailler à mi-temps. C'est un peu comme ici, au Sénat.

Les juges bénéficient d'une pension très confortable. En fait, un juge à la retraite gagne presque deux fois plus qu'un sénateur en fonction. Honorables sénateurs, je ne me plains pas de mon salaire, au contraire, je ne veux pas un sou d'augmentation.

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Bolduc pour sa question très intéressante. Il a mentionné l'idée d'avoir recours aux juges à la retraite ou aux juges surnuméraires. Nous devons reconnaître que les juges ne sont pas obligés de prendre leur retraite avant l'âge de 75 ans. Les juges surnuméraires choisissent souvent de le devenir car il veulent une charge moins lourde. Reste à savoir si ces juges seront prêts et disposés à aller dans des pays du tiers monde où les conditions de vie ne sont pas celles auxquelles nous sommes accoutumés dans notre pays, pour faire le travail nécessaire. Reste à savoir, s'ils en seront capables. Je pense que c'est une excellente idée. Toutefois, je crois que nous pouvons avoir besoin à l'occasion d'avoir recours aux services des membres de l'appareil judiciaire en activité pour nous acquitter de notre mandat, qui n'est pas seulement d'assurer la justice à tous les Canadiens — ce qui est le rôle premier des juges — mais aussi de veiller à assurer la justice dans le monde.

Le sénateur Cools: Si vous me le permettez, je vais essayer de nouveau d'obtenir des éclaircissements. Le sénateur Carstairs a dit être en désaccord sur certaines idées, et j'accepte volontiers cela. Toutefois, il est difficile de ne pas être d'accord sur les faits. Ainsi, dans la Loi sur les juges, le pouvoir de participer à une activité internationale qui est accordé aux juges du Canada est au mieux imprécis et au pire tout simplement inexistant. C'est la question sur laquelle j'avais demandé à la ministre de la Justice de se prononcer lorsqu'elle a comparu devant le comité. Je comprends qu'il est très facile de manifester un brin de fierté et de s'enorgueillir dans un sens de la paternité d'un ouvrage, et de dire à quel point il est splendide que les juges du Canada soient merveilleux et accomplissent un boulot magnifique à l'échelle du pays. Je reviens néanmoins au fait fondamental suivant: un long historique constitutionnel sous-tend le rôle des juges et la Loi sur les juges. Cela a été prévu il y a nombreuses années pour des raisons particulières, notamment pour éviter exactement ce qui se produit à l'heure actuelle.

Lorsque j'ai demandé à la ministre de la Justice d'indiquer précisément quelles étaient les dispositions de la Loi sur les juges autorisant ces derniers à se déplacer partout dans le monde pour y participer à l'édification de gouvernements, elle a évoqué les articles 56 et 57 de la Loi sur les juges. Je viens tout juste de lire ces deux articles avant de prendre la parole et ils ne prévoient manifestement pas un tel pouvoir.

Peut-être ai-je mal compris ou n'ai-je pas écouté assez attentivement, mais j'accepte sur le plan des idées que le sénateur Carstairs ne soit pas d'accord avec moi. Toutefois, en ce qui concerne les dispositions législatives autorisant les juges à se déplacer dans le monde, quel est ce pouvoir et où le trouve-t-on dans la loi?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je pense en toute franchise qu'il n'est pas nécessaire que de telles dispositions figurent dans la loi. L'usage et les conventions ont présidé à ces activités. Bon nombre des choses que nous faisons comme sénateurs ne sont pas prévues dans les lois. Si l'on s'arrête au rôle du Cabinet, il n'est pas prévu dans les lois. À mon avis, il est juste de dire que cela fait partie des coutumes et usages propres aux activités des juges. Cela ne devient un problème que lorsqu'il s'agit du principal emploi d'un juge donné, comme ce fut le cas avec la juge Arbour, et dans ce cas nous avons apporté une modification précise à la Loi sur les juges.

Le sénateur Cools: Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Carstairs, j'ai lu les articles pertinents de la Loi sur les juges, soit les articles 54, 55, 56 et 57. On y précise clairement que les juges doivent s'en tenir exclusivement à des fonctions judiciaires. De plus, comme je l'ai dit auparavant, ces articles ont une origine historique particulière conformément à l'article 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Il est tout simplement inexact ou insuffisant de dire que les juges sont habilités à faire ce genre de travail international par convention. La Loi sur les juges est une loi distincte, que l'on améliore depuis quelques 60 ou 70 ans, précisément dans le but de déterminer la nature exacte des conditions d'emploi des juges, de leur rémunération et de la manière dont ils sont payés par le Parlement du Canada. La loi a une longue histoire constitutionnelle qu'on ne peut ignorer ou réfuter.

Le fait est que, honorables sénateurs, il n'y a absolument aucun fondement législatif à cela. S'il y en avait un, nous n'aurions pas été saisis du projet de loi C-42 il y a quatre ou cinq ans. Lorsque nous avons été saisis du projet de loi C-42, il y a quelques années, le ministre du jour avait demandé à ce qu'il soit d'application générale et très large. Le Sénat a dit non et en a limité l'application à Louise Arbour. Nous devons encore répondre à la question suivante: si le sénateur Carstairs dit qu'il n'y a pas de fondement législatif ou qu'on n'en a pas besoin, la situation est très bizarre car je maintiens, honorables sénateurs, que si les juges canadiens pouvaient se promener dans le monde entier et y faire autre chose, il n'y en aurait bientôt plus beaucoup au Canada.

La Constitution de notre pays et la Constitution britannique ont donné au Parlement un rôle spécial à l'égard de la protection et de la tutelle. Le vieux texte parlait de la surveillance et de la protection des juges. Je dirais au sénateur Carstairs, qu'à un moment donné, peut-être pas maintenant ni aujourd'hui, le Sénat devra régler cette question. S'il y a divergence d'opinions, il n'est pas suffisant de dire qu'il y a divergence d'opinions. Je veux savoir en quoi elle consiste. J'en reviens à la question qui est au coeur du débat, à savoir, comme je le maintiens, qu'il n'y a pas de fondement législatif et que la situation actuelle nécessite l'intervention du Parlement.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, quand nous sommes nommés au Sénat, on nous demande de tout laisser tomber, et d'être présents à chaque fois que le Sénat siège. Dans la pratique, ce n'est pas ce que nous faisons. Dans la pratique, plusieurs d'entre nous prennent des engagements sur la scène publique dans le cadre de nos fonctions et nous représentons la région du pays dont nous venons en nous acquittant de ces fonctions particulières. Ce n'est pas défini par la loi, ce n'est pas prévu par le serment que nous avons prêté, mais c'est ce que nous faisons et c'est ce que nous respectons au Sénat, et j'espère qu'il en va de même de la population en général.

Quand le projet de loi fait mention d'exclusivité, je ne crois pas que le Parlement tende à dicter leur emploi du temps 365 jours par année aux membres de la magistrature. La dynamique humaine comporte suffisamment de liberté d'action pour que nous puissions, avec beaucoup de fierté, permettre à nos juges de contribuer à la gestion des affaires publiques de pays en voie de développement.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, j'ai une question.

Son Honneur le Président: Il serait préférable de laisser le sénateur Cools terminer.

Le sénateur Cools: Je n'avais pas l'intention de laisser le sénateur Carney poursuivre. De fait, la question doit être débattue.

Madame le sénateur Carstairs devrait peut-être examiner un peu plus attentivement les articles pertinents de la Loi sur les juges, parce qu'il ne s'agit pas uniquement de nos directives. On a consacré beaucoup de travail et d'attention à l'historique des lois relativement à la question des emplois que peuvent occuper les juges et à leur rémunération.

Ma question au sénateur Carstairs est la suivante: un juge canadien peut-il siéger au conseil d'administration de Lavalin ou de DuPont International?

Le sénateur Carstairs: Je pourrais, pour la forme, demander si un sénateur peut s'engager dans une activité donnée. Des sénateurs se sont livrés à genre d'activité. Je sais que les juges canadiens limitent leur participation aux conseils d'administration d'organismes de bienfaisance ou d'organismes artistiques, et beaucoup le font avec beaucoup de distinction. À ma connaissance, aucun juge ne siège au conseil d'administration d'une société.

L'honorable Pat Carney: Je voudrais poser à madame le leader du gouvernement au Sénat une question qui fait suite à ce qu'elle a répondu au sénateur Cools, qui fait valoir que rien dans la loi ne prévoit que les juges surnuméraires puissent courir le monde, et à la comparaison qu'elle faisait avec la situation des sénateurs. Madame le leader du gouvernement veut-elle dire que le gouvernement est en train d'ouvrir une boîte de pandores de précédents et que le gouvernement pourrait confier à des sénateurs à la retraite des missions en divers endroits du monde? Dans l'affirmative, je pourrais recommander de nombreux excellents candidats de ce côté-ci de la Chambre, dont le sénateur DeWare, qui doivent prendre leur retraite cet été.

Le sénateur Carstairs: Au départ, il n'était pas question des juges surnuméraires; cet aspect a été mentionné dans une réponse ultérieure.

Les juges qui font ce genre de travail ne sont pas rémunérés. Ils ne touchent pas de traitement supplémentaire. J'espère que cela répond à votre question.

Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

(1540)

PROJET DE LOI DE 2001 SUR LA MARINE MARCHANDE DU CANADA

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Callbeck, appuyée par l'honorable sénateur Bacon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-14, Loi concernant la marine marchande et la navigation et modifiant la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes et d'autres lois, soit lu une deuxième fois.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je suis ravi de lancer le débat au nom de l'opposition à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-14.

Dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, le sénateur Callbeck a dit que ce projet de loi était en gestation depuis quelque cinq ans. Je puis l'assurer, en me basant sur les années où j'étais secrétaire parlementaire du ministre des Transports, puis président du Comité des transports à l'autre endroit, que ce projet de loi est en gestation depuis quelque 20 ans. Cela ne fait que prouver que c'est en restant assez longtemps au Parlement que l'on a l'occasion de voir certains de ses projets menés à terme.

Le sénateur Angus, en tant qu'expert sur les questions légales et techniques de ce projet de loi, interviendra aussi au nom de l'opposition. Cela me laisse libre d'aborder certains aspects du projet de loi en détails et de tracer les grandes lignes de certains des enjeux politiques plus vastes concernant le transport maritime et la construction navale au Canada aujourd'hui.

Mais d'abord, il convient de féliciter le gouvernement pour la façon dont il a abordé les modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada. Au cours des trois dernières années, nous avons examiné le projet de loi C-15, qui a reçu la sanction royale le 11 juin 1998 et qui abordait principalement les questions de propriété, d'enregistrement et d'hypothèque aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. Dans cette enceinte, nous avons aussi discuté du projet de loi S-17, qui traitait des questions de responsabilité financière, comme se le rappelleront mes honorables collègues. Nous sommes maintenant saisis du projet de loi C-14 qui, selon moi, met un point final à la réforme de la Loi sur la marine marchande du Canada.

Dans le cadre de la rédaction de ce projet de loi, honorables sénateurs, le gouvernement a mené de vastes consultations. Je le reconnais. En effet, contrairement à ce qui fut le cas lors d'autres consultations menées par ce gouvernement, et par d'autres gouvernements d'ailleurs, je crois le gouvernement a prêté une oreille attentive à la majorité des intervenants de l'industrie canadienne du transport maritime. Je l'en félicite.

Ce projet de loi remanie et simplifie la Loi sur la marine marchande du Canada à plusieurs égards différents. Par exemple, les définitions qui paraissent dans la loi ne sont transposées dans le projet de loi que lorsque le sens habituel des termes a été resserré ou élargi. Beaucoup de détails de forme ont été supprimés de la loi pour être insérés dans le règlement. Bien que nous, de ce côté-ci de la Chambre, ne soyons pas habituellement d'accord sur cela, les voeux de l'industrie du transport maritime ont été exaucés. L'industrie désirait depuis quelque temps un projet de loi cadre, dont les détails figureraient dans le règlement, qu'il serait plus facile de modifier au besoin, au lieu de devoir modifier la loi.

Ce projet de loi confère le droit d'imposer des sanctions lorsque des montants sont dus aux termes d'un contrat de transport et vise à clarifier les rôles et les responsabilités du ministère des Transports et du ministère des Pêches et des Océans, en ce qui concerne les nombreuses et diverses parties de la Loi sur la marine marchande du Canada.

Il modifie également la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes, afin de l'harmoniser avec les lois des principaux partenaires commerciaux du Canada. Ces modifications ont fait l'objet de désaccords entre les propriétaires de navire et les transporteurs, lors des audiences du comité des Communes. J'en parlerai plus tard de façon détaillée.

Je voudrais d'abord souligner quelques-uns des aspects de ce projet de loi que j'estime contestables. Par exemple, la partie 6 du projet de loi traite des incidents, des accidents et des sinistres et vise à clarifier le rôle de Transports Canada dans les enquêtes portant sur les accidents. J'aimerais savoir ce qu'en pense le Bureau de la sécurité dans les transports, car je ne crois pas que nous devrions adopter un projet de loi qui n'a pas reçu entièrement l'appui et l'approbation de ce bureau.

Les parties 8 et 9 portent respectivement sur la prévention de la pollution et l'intervention. L'intervention en cas de pollution incombe au ministère des Pêches et Océans, et Transports Canada est chargé de prévenir la pollution. Tout comme d'autres sénateurs, j'en suis sûr, je crains que le partage de ces compétences ne nuise à l'intervention dans le contrôle ou la prévention de la pollution.

Les parties 2 et 10 traitent respectivement de l'immatriculation, de l'enregistrement et de l'inscription des navires commerciaux de toutes les tailles, ce qui incombe à Transports Canada, tandis que Pêches et Océans doit se charger des inspections, des contrôles d'application et des permis d'embarcations de plaisance. Là encore, j'espère que nous n'avons pas créé plus de problèmes que nous n'en avons réglé. Dans certaines régions du pays, une embarcation de plaisance peut également servir d'embarcation commerciale. J'ose espérer que toute confusion découlant de ces deux compétences sera dissipée par la réglementation et que nous n'avons pas créé des difficultés administratives inextricables. La solution serait de créer un système informatique, mais une telle initiative ne va sans son propre lot de problèmes.

Honorables sénateurs, la partie 10 énonce les dispositions relatives au contrôle d'application. Le sénateur Callbeck a fait observer à juste titre que ces dispositions étaient controversées dans l'industrie. La question devrait faire l'objet d'un examen attentif au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, car les préoccupations exprimées semblent concerner la charge de la preuve requise par le nouveau régime. La charge de la preuve est moins lourde dans le cas des sanctions administratives. L'on s'inquiète également de l'absence d'une procédure équitable, de l'importance des amendes, et de l'indépendance des arbitres.

N'oublions pas certaines réalités pratiques dont il faudra tenir compte lors de l'examen du projet de loi. Bien que ce dernier mette en place un régime que le législateur a sûrement jugé efficace pour lutter contre la pollution en mer, la décision récente du gouvernement fédéral de réduire le nombre des appareils de surveillance et de patrouille Aurora, notamment au large des côtes de la région atlantique, n'aide certainement en rien le ministre à atteindre son objectif au moyen de ce projet de loi. Il nous faut renforcer les dispositions de contrôle d'application et leur potentiel, si nous voulons nous assurer de l'efficacité de ce projet de loi.

Une bonne partie du problème de pollution est le fait de capitaines peu scrupuleux qui font leur vidange en mer. Nous devons augmenter, et non pas diminuer, le nombre des patrouilles aériennes de surveillance, pour protéger nos pêches. À cet égard, le gouvernement devrait revoir les amendes imposées aux pollueurs. Ces amendes devraient être doublées et même triplées, surtout lorsqu'il apparaît être un cas de responsabilité délictuelle.

L'Association des armateurs canadiens a soulevé devant le comité de l'autre endroit la question des exemptions accordées en vertu de ce projet de loi. Aux termes des paragraphes 10(3) et 10(4), les exemptions doivent faire l'objet d'un avis dans la Gazette du Canada. Nous craignons que ces dispositions ne suscitent des retards qui annulent l'effet des exemptions. Il convient souvent d'agir avec célérité.

J'aimerais parler de la controverse entourant les modifications à la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes. Contrairement aux expéditeurs, les armateurs aiment le changement. Les expéditeurs estiment que la confidentialité de leurs ententes contractuelles n'est pas assurée et que cela les empêche de négocier de meilleurs prix de transport maritime.

Le gouvernement a apporté des modifications à l'étape du rapport dans le but de régler ce problème. Ces modifications feront l'objet d'un examen détaillé pour s'assurer qu'elles répondent aux demandes des expéditeurs canadiens et leur assurent le même niveau de protection qu'aux États-Unis et dans le territoire de plusieurs autres de nos partenaires commerciaux.

Dans l'ensemble, les témoins qui se sont présentés au comité de l'autre Chambre appuient le projet de loi, mais expriment des réserves dans certaines secteurs. Les sénateurs doivent étudier attentivement ces secteurs en comité, car nous disposons de suffisamment de temps pour bien faire les choses.

(1550)

J'aimerais maintenant aborder certaines questions dont le projet de loi ne fait pas mention, mais qui ont été soumises au Comité spécial de la sécurité des transports, que j'ai eu le privilège de présider. Dans le cadre des activités du comité, nous avons rencontré des représentants de l'industrie maritime de Vancouver, Montréal et Halifax. Nous avons également été informés de la modernisation des règlements de transport maritime à l'occasion de la deuxième World Safety Conference, à l'université de Delft aux Pays-Bas. Si nous voulons avoir une politique de transport maritime exhaustive allant au-delà des limites de ce projet de loi, il faut régler ces questions.

Le comité spécial a entendu le témoignage de Michael Turner, alors commissaire intérimaire de la Garde côtière canadienne. M. Turner a soulevé la question de la sécurité des plaisanciers qui est une des responsabilités de la GCC. Plus de 250 plaisanciers meurent chaque année. Cela représente le plus haut taux de mortalité dans le secteur maritime si on compare le nombre de participants au nombre d'accidents mortels. Dans le rapport provisoire du comité sur cette question, nous avons appuyé un projet de la Garde côtière imposant des restrictions d'âge aux conducteurs de certaines embarcations de plaisance.

Le comité a également entendu des témoignages sur la formation dans le milieu de travail de l'industrie maritime canadienne. Il existe une éthique de travail qui s'est développée depuis que des navires à voile ont commencé à sillonner les océans et que ceux qui sont aux commandes doivent être en fonction tant que le travail n'est pas terminé, peu importe le temps que cela peut prendre. David Bellefontaine, le président et directeur général de la Société du port de Halifax, a parlé des heures de travail et de la fatigue excessives des travailleurs de l'industrie maritime, notamment des débardeurs, comme étant la principale préoccupation du port de Halifax en matière de sécurité. Je suis d'avis que d'autres importants ports du pays partagent cette préoccupation.

La société Secunda Marine Services Limited a également abordé la question des longues heures de travail sans pause. M. John Hugues, son gestionnaire du port, a dit ceci:

Il est proposé qui vous disposiez de huit heures de repos durant une période de 24 heures. Je suis bien conscient, d'un point de vue pratique, que cela est souvent difficile à faire dans un environnement éloigné de tout soutien.

En raison des mentalités qui se sont développées dans l'industrie maritime et de l'éthique de travail des intéressés, les heures de travail deviennent une question de sécurité, mais dans ce milieu on n'est guère en faveur des solutions législatives. Un équipage fatigué est un équipage inefficace qui peut mettre en danger ses propres membres ou d'autres personnes. Cela s'applique aux débardeurs aussi bien qu'à tous les employés qui travaillent jusqu'à l'épuisement, quelle que soit l'industrie en cause.

Une autre question qui est liée de près au problème des longues heures de travail concerne le manque d'investissement dans la formation et d'engagement du gouvernement ou de l'industrie à veiller à ce que suffisamment de Canadiens soient formés comme marins à court et à long terme. Un certain nombre de témoins ont dit que le manque de jeunes formés comme marins constituait une des grandes préoccupations pour l'avenir de l'industrie maritime.

Le capitaine John Hughes, de Secunda Marine, a parlé de la formation de personnel qualifié en nombre suffisant pour répondre à la demande du gouvernement et de l'industrie comme étant le principal défi à relever par l'industrie des transports maritimes dans la décennie à venir. Il craint que le bassin de main-d'oeuvre de l'industrie maritime ne finisse par s'épuiser.

En outre, il estime que les compressions dans l'éducation pour les adultes et que le fait qu'il y a moins d'avantages fiscaux pour l'embauche de marins canadiens se traduiront par une diminution du nombre de marins formés au Canada. La Company of Master Mariners of Canada est du même avis. Des places doivent être créées pour des jeunes. En période d'austérité, il est difficile pour la Garde côtière ou les armateurs de trouver assez de fonds pour permettre aux Canadiens d'accéder à l'expertise nécessaire. Comme dans le cas de Secunda Marine, la CMMC propose que des avantages fiscaux soient offerts aux marins canadiens.

À mon avis, il faut remettre l'accent sur la formation, car, au fur et à mesure que la main-d'oeuvre de la marine marchande vieillit — et elle vieillit certes — les problèmes de sécurité se font plus pressants. Une main-d'oeuvre vieillissante n'est pas forcément moins sûre, mais il se peut que certains de ses membres deviennent fatigués par suite d'un surcroît de travail. Cela fait passer la question de la sécurité à l'avant-plan.

Compte tenu de la géographie du Canada et de notre dépendance commerciale à l'égard de la marine marchande, je crois que, de concert avec les provinces et le secteur privé, le gouvernement fédéral devrait encourager les jeunes Canadiens à faire carrière en mer en leur offrant un bon programme de formation. On devrait aussi envisager d'accorder des avantages fiscaux aux marins canadiens et aux navires canadiens qui les emploient.

Honorables sénateurs, je sais que certaines de ces questions sont traitées dans le projet de loi C-14 et que d'autres vont au-delà de la portée de ce projet de loi, mais j'exhorte notre comité des transports à examiner attentivement ces questions, car l'avenir de l'industrie du transport maritime en dépend.

Enfin, je m'en voudrais de ne pas parler de l'état de l'industrie canadienne du transport maritime. Nous savons tous que le rapport intitulé: «Vaincre les obstacles vers la prospérité» est sur le bureau du ministre de l'Industrie. Ce rapport contient des recommandations pour revitaliser l'industrie canadienne du transport maritime. Nous avons désespérément besoin d'une nouvelle politique en matière de transport maritime, car cette question intéresse le Canada dans son ensemble. La question du transport maritime a été couverte en détail par la politique de mon propre parti au cours de la dernière campagne électorale. Les sénateurs savent qu'il y a des chantiers navals dans tout le Canada — en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve. Les chantiers navals du Canada peuvent employer directement plus de 10 000 Canadiens. Ils n'en emploient même pas 4 000 à l'heure actuelle.

Le secteur canadien de la construction navale est très raffiné au plan tant de la conception que de la construction. La technologie informatisée y est comparable à celle de l'industrie aérospatiale pour la conception, la planification et la production. La construction navale a beaucoup d'industries dérivées dans le secteur de la technologie de pointe. On a estimé à 6 000 le nombre des emplois à temps plein que peut créer une industrie prospère de la construction navale et des installations nautiques.

Au Canada, le régime de réglementation empêche l'industrie de soutenir avec succès la concurrence dans le marché à créneaux de la construction navale — vraquiers à auto-déchargement, structures pour l'exploitation pétrolière et gazière en haute mer, remorqueurs et navires de ravitaillement. Nos concurrents appuient leurs constructeurs navals beaucoup plus que nous ne le faisons au Canada.

Pour revitaliser la navigation, nous devons soustraire les navires construits au Canada à l'application des règles de Revenu Canada concernant le crédit-bail. Les taux d'amortissement actuellement applicables aux navires s'appliqueraient ensuite sans restriction, et l'on éliminerait ainsi le facteur fiscal dissuasif par rapport au fait d'être propriétaire d'un navire ou d'en louer un. Cela stimulerait le marché des navires de fabrication canadienne, car le crédit-bail est la principale méthode de financement d'immobilisations importantes comme un navire.

Nous devons aussi envisager la possibilité de garantir le financement de la dette du secteur privé, comme cela se fait aux États-Unis, avec des amortissements à long terme et un financement pouvant atteindre jusqu'à 87,5 p. 100 du coût d'un projet. Les armateurs ou les constructeurs navals canadiens qui concluent un marché pour la construction d'un navire, pour la transformation d'un navire ou pour un grand carénage dans un chantier naval canadien devraient avoir droit à un crédit d'impôt remboursable.

Si l'on accordait un crédit d'impôt de 20 p. 100 pour le premier navire, un crédit d'impôt de 15 p. 100 pour les deuxième et troisième navires, et un autre de 10 p. 100 pour le quatrième, on contribuerait grandement à stimuler l'industrie.

Nous devrions aussi promouvoir le plus possible la construction de bâtiments militaires canadiens dans les chantiers navals de notre pays. Comme le mentionne le rapport intitulé: «Franchir les obstacles», nous devrions négocier l'assouplissement des conditions restrictives de la loi dite Jones Act en vigueur aux États-Unis afin de permettre aux navires canadiens de transporter des cargaisons américaines dans les eaux des États-Unis.

Honorables sénateurs, tout cela milite en faveur de l'adoption d'une politique globale de la construction navale pour le Canada. J'ai hâte de participer aux discussions en comité. Il me tarde aussi de voir le sénateur Spivak tenter d'intégrer son projet de loi restreignant l'usage des motos marines à ce projet de loi, sous la rubrique «réglementation de la navigation de plaisance». Je remarque que le sénateur Angus est absent, mais aussi que le sénateur Spivak vient de quitter cet endroit.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Angus, le débat est ajourné.)

(1600)

La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Finestone, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de lancer le débat, de ce côté-ci du Sénat, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, mieux connue sous le nom de loi sur les paiements de péréquation.

Depuis que j'ai écouté le discours du sénateur Rompkey amorçant la deuxième lecture du projet de loi et que je l'ai lu par la suite dans le hansard, j'ai dû passer beaucoup de temps à ajuster mes notes pour mon discours. Je croyais au départ que je pouvais simplement dire en une phrase que j'étais d'accord sur la dernière partie du discours du sénateur Rompkey, dans laquelle il critiquait la formule de péréquation et proposait des solutions de rechange.

Cependant, en raison de l'importance du projet de loi pour tous les Canadiens, j'aimerais m'attarder sur les carences du projet de loi et du système de péréquation qu'il vise à mettre en place. Je tiens d'abord à remercier le sénateur Rompkey, de la part de tous ceux qui résident dans des provinces moins prospères, pour avoir expliqué en termes simples comment le système de péréquation touche tous les Canadiens.

De nombreux Canadiens, dont certains politiciens, surtout dans l'autre endroit, pensent que la péréquation consiste tout simplement à prendre aux riches pour donner aux pauvres. Je retiens particulièrement les mots du porte-parole de l'Alliance canadienne en matière de finances, qui expliquait à l'autre endroit que le système de péréquation force les familles à faible revenu ou à revenu moyen de sa circonscription à payer plus d'impôts pour aider d'autres provinces, notamment pour améliorer le réseau routier ou le système de soins de santé utilisés par des gens ayant des revenus supérieurs à la moyenne dans les provinces receveuses.

Heureusement, le sénateur a remis les pendules à l'heure. Je suis d'accord avec son portrait général de la situation. Le programme de péréquation est un programme du gouvernement du Canada. Chaque Canadien y contribue selon ses moyens. C'est un programme national financé par la gouvernement du Canada avec l'argent des contribuables. Cela étant dit, il faut reconnaître qu'il est autorisé en vertu du paragraphe 36(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, selon lequel:

Sous réserve des compétences législatives du Parlement et des législatures et de leur droit de les exercer, le Parlement et les législatures, ainsi que les gouvernements fédéral et provinciaux, s'engagent à:

a) promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être;

b) favoriser le développement économique pour réduire l'inégalité des chances;

c) fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels.

Le paragraphe 36(2) dit ceci:

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

La différence entre la position préconisée par le gouvernement et celle que défend ce côté-ci du Sénat concerne le sens à donner au passage «des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables». Nous ne croyons pas que les solutions proposées dans le projet de loi C-18 soient raisonnables.

Un bref rappel historique ne serait pas inutile pour mieux comprendre les lacunes du projet de loi C-18. Le programme de péréquation remonte à 1957, et il est depuis un élément central de la fédération canadienne. En 1997, le vérificateur général a même parlé à ce propos d'un élément essentiel, d'une des grandes réussites de notre pays.

En 1982-1983, le programme a été plafonné en raison des risques de fortes fluctuations des versements à cause d'une inflation croissante et des prix des ressources. En réalité, ce plafond n'aurait pas été nécessaire parce que, en 1982, une norme fondée sur cinq provinces et excluant l'Alberta a été adoptée. On ne tenait plus compte, dans le calcul des versements de péréquation, des importantes recettes que l'Alberta tirait de ses ressources.

À la même époque où le programme était plafonné, le principe de péréquation était inscrit dans la Constitution. L'actuel premier ministre, qui était alors ministre de la Justice, avait parlé en cette qualité, le 6 octobre 1980, en faveur de la résolution portant modification de la Constitution, notamment par rapport à l'article 36 auquel j'ai fait référence plus tôt. Il est important de citer ses propos dans leur intégralité. Il avait déclaré ceci:

Je voudrais maintenant aborder une autre partie de la résolution et parler de la péréquation. La pratique qui consiste à utiliser les revenus du gouvernement fédéral pour redistribuer aux provinces les moins favorisées une partie de la richesse des autres provinces est une pratique bien établie. Depuis 1957, le gouvernement fédéral a effectué des transferts de fonds inconditionnels, connus sous le nom de paiements de péréquation, pour permettre à toutes les provinces d'assurer des services publics à un niveau raisonnable, sans avoir à lever des impôts trop lourds pour leur population. Cette pratique est maintenant si bien établie qu'elle est devenue un des principes de base du fédéralisme canadien. Le partage des richesses est devenu un droit fondamental des Canadiens et c'est pourquoi la résolution enchâssera le principe de la péréquation et les deux ordres de gouvernement seront tenus de promouvoir l'égalité des chances de tous les Canadiens dans la recherche de leur bien-être; de favoriser le développement économique pour réduire l'inégalité des chances et, particulièrement, pour fournir à tous les Canadiens des services publics essentiels, à un niveau de qualité acceptable.

En inscrivant ce principe dans la constitution, nous enchâssons l'obligation de partager qui s'est avérée fondamentale dans l'évolution du Canada.

Tels sont les propos qu'avait tenus l'actuel premier ministre, qui était alors ministre de la Justice. Il avait ensuite dit de la péréquation qu'elle faisait partie du tissu social du Canada. Il avait également fait remarquer qu'en période difficile, les riches avaient toujours aidé les pauvres.

[Français]

Que s'est-il donc passé? Le projet de loi contredit directement les principes que défend le premier ministre aujourd'hui et les déclarations qu'il a faites lorsqu'il était ministre de la Justice. Comment cela s'est-il produit?

Lorsqu'il a présenté le projet de loi C-18, le gouvernement a ignoré le point de vue formulé par les ministres des Finances et par les premiers ministres de toutes les provinces depuis 1999, c'est-à-dire l'élimination en permanence du plafond qui s'appliquerait aux paiements de péréquation.

On nous dit que ce projet de loi remplit un engagement pris par le premier ministre durant une réunion des premiers ministres en septembre de l'année dernière, juste avant l'annonce des élections générales. Il a alors promis de supprimer le plafond pour l'année financière 1999-2000. Par la suite, le programme devait pouvoir s'ajuster au taux de croissance du PIB. Malheureusement, et c'est là l'essentiel de notre argument contre le projet de loi, ce dernier réimpose le plafond jusqu'à l'année financière 2003-2004.

Quelles sont les conséquences de ce geste pour les provinces moins prospères? L'imposition d'un plafond signifie que les provinces bénéficiant de la péréquation reçoivent des versements moins élevés que ceux prévus dans la formule. Les versements déterminés par la formule de péréquation sont rajustés en fonction d'un plafond par habitant. En conséquence, les provinces bénéficiaires ne reçoivent plus désormais de péréquation selon la norme du programme visé, ce qui entraîne un élargissement des disparités que la formule devait originalement réduire.

En vertu du projet de loi C-18, un plafond arbitraire de 10 milliards de dollars a été établi pour l'année financière 1999-2000. C'est également le montant qui doit s'appliquer jusqu'à 2004. Toutefois, ce plafond ne touche pas l'exercice 1999-2000, car il a été supprimé pour cette année, puis rétabli pour les années suivantes. Donc, les provinces recevant la péréquation obtiendront environ 10,8 milliards de dollars pour l'année financière 1999-2000. L'incidence de ce plafond sur les prochaines années financières est dévastatrice.

Compte tenu de la croissance normale du PIB, et sans le projet de loi C-18, les versements de péréquation atteindraient 13,9 milliards de dollars en 2003-2004. Le projet de loi limiterait ce montant à 12,5 milliards de dollars, peut-être moins.

En termes pratiques, quelle est l'incidence de cette réduction? Au Nouveau-Brunswick, le projet de loi C-18 signifie une baisse des recettes prévues de l'ordre de 50 millions de dollars. Ce montant permet de financer environ 11 jours de soins de santé pour les résidants du Nouveau-Brunswick. Il permet de faire travailler 1 000 infirmiers et infirmières. Il se traduit par 25 kilomètres d'une nouvelle autoroute à quatre voies. À l'Île-du-Prince-Édouard, on estime, conformément au plafond imposé par le projet de loi C-18, que les versements de péréquation seront réduits de neuf millions de dollars par rapport au montant obtenu sans le projet de loi C-18.

(1610)

Ce montant est supérieur à ce que la province dépense annuellement pour la technologie de développement, les pêches, l'aquaculture et l'environnement.

Dans ma province de la Nouvelle-Écosse, le sous-ministre des Finances, M. William Hogg, s'adressant au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, a souligné que le projet de loi C-18 plaçait la Nouvelle-Écosse dans une position concurrentielle désavantageuse par rapport aux autres provinces, et je le cite:

Comme la plupart des provinces, la Nouvelle-Écosse s'efforce de gérer le taux de croissance des coûts de la santé, de répondre aux besoins en éducation et de financer adéquatement tous les programmes sociaux. Toutefois, la différence réside dans notre capacité de répondre à ces pressions. La capacité de la Nouvelle-Écosse de générer ses propres recettes supplémentaires afin de maintenir des niveaux de services comparables, tout en abaissant son fardeau fiscal pour demeurer concurrentielle, est réellement menacée.

Comment une province comme la Nouvelle-Écosse peut-elle espérer concurrencer les économies importantes qui affichent des surplus renversants et offrent des incitatifs fiscaux pour encourager l'investissement des individus et des entreprises?

Voilà une bonne question. Il est dérangeant de constater qu'au lieu d'appuyer la position mise de l'avant par la Nouvelle-Écosse et les autres provinces atlantiques, le député libéral d'Halifax West, M. Geoff Regan, attribue le problème de la Nouvelle-Écosse au niveau de la dette. Le ministre responsable de l'APECA, M. Robert Thibault, a déclaré que le problème, particulièrement en Nouvelle-Écosse, réside dans le fait que les provinces affichent une dette trop élevée. Voilà le soutien que reçoivent les provinces de l'Atlantique et la Nouvelle-Écosse au sein du Cabinet, et même au sein du gouvernement libéral.

Les députés libéraux sont trop mous pour défendre leurs provinces et leurs électeurs. Désormais, c'est à nous d'agir, ici dans cette Chambre. Voilà la raison d'être du Sénat. Nous avons le devoir de parler au nom de nos régions. Je sais qu'il est difficile de ne pas appuyer son parti, mais nos régions ont préséance, malgré les directives de M. Jean Chrétien et de M. Paul Martin.

À notre avis, le projet de loi C-18 est fondamentalement imparfait. Nous saluons le retrait du plafond pour l'année financière 1999-2000, mais il ne doit pas être rétabli pour les années suivantes. Le premier ministre doit respecter sa promesse.

Le deuxième point que je désire soulever relativement à la formule de péréquation concerne la récupération, mieux connue sous le nom de «claw-back». C'est exactement ce qui se produit actuellement en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, en particulier dans le dossier des recettes de l'exploitation du pétrole en mer. Comme le sénateur Rompkey l'a déclaré, cette situation est facile à décrire. Les sommes que tire une province de la mise en valeur de ses ressources sont déduites de ses versements de péréquation, car les recettes provenant des ressources naturelles, y compris les redevances, font partie des recettes de la péréquation.

Cette question est à l'origine de la campagne pour l'équité menée par le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, M. John Hamm. Il soutient que, pour chaque dollar de redevance liée au pétrole exploité en mer, 70 cents sont récupérées en vertu de la formule de péréquation des fonds du gouvernement fédéral.

Durant un échange au Comité permanent des finances de la Chambre des communes entre le nouveau député libéral de Markham, en Ontario, M. John McCallum — peut-être mieux connu en tant qu'ancien économiste en chef de la Banque Royale et professeur à l'Université McGill avant d'être relégué aux oubliettes de l'arrière-ban — et les représentants du ministère des Finances, le taux de récupération fiscale a été bloqué à 100 p. 100. M. McCallum a indiqué aux représentants que la récupération devient, en fait, une mesure dissuasive à la mise en valeur des ressources. Bien qu'il existe des accords, avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, qui atténuent quelque peu cette récupération, ils ne donnent en rien le coup de main dont ont besoin ces provinces.

La meilleure analogie que je puisse faire consiste à comparer cette situation à celle d'une personne en transition entre l'aide sociale et le marché du travail. Le sénateur Cohen et les autres, qui ont participé au groupe du travail du Parti progressiste-conservateur sur la pauvreté, connaissent bien la question. Pour chaque dollar qu'un prestataire gagne en travaillant, une réduction équivalente est apportée à ses prestations d'aide sociale, ce qui rend extrêmement difficile la transition hors de l'aide sociale. Toutefois, si les prestations d'aide sociale sont maintenues à un même niveau, sans réduction, disons pendant un an ou un certain temps, la personne serait finalement capable d'aller de l'avant, d'économiser et de retomber sur ses pieds.

Voilà tout ce que demande le premier ministre Hamm dans sa campagne d'équité: l'élimination de la disposition de récupération afin de permettre à la Nouvelle-Écosse et aux autres provinces moins prospères de respirer un peu et de retomber sur leurs pieds. Incontestablement, cette demande a du sens.

Il doit y avoir une meilleure distribution des redevances du pétrole exploité en mer entre les provinces productrices et le gouvernement fédéral. Ce concept figurait dans la plate-forme électorale du Parti progressiste-conservateur lors des dernières élections et mérite le soutien de tous les membres de cette Chambre.

Lorsqu'il a démissionné de son poste de premier ministre de Terre-Neuve pour se joindre au Cabinet libéral fédéral, le ministre de l'Industrie actuel, M. Tobin, a déclaré au sujet de la péréquation, et je le cite:

[...] la mise en valeur du pétrole et du gaz exploités en mer, ici et en Nouvelle-Écosse, a été rendue plus difficile en raison de la formule de péréquation actuelle. Les dispositions de récupération en particulier ralentissent le rythme d'ajustement des provinces bénéficiaires au niveau de vie moyen canadien.

Dans le contexte de l'économie mondiale [...] l'Alberta, l'Ontario et la Colombie-Britannique savent très bien qu'il va de l'intérêt national d'accroître le bien-être social et économique de toutes les provinces [...] C'est pourquoi elles soutiennent les mesures visant à augmenter le niveau économique de toutes les provinces. Elles savent que la péréquation profite à leurs propres régions. Elles savent également que les régions moins prospères contribuent d'une certaine façon à leur prospérité. Ces dernières forment des travailleurs jeunes, éduqués et compétents pour les provinces prospères [...] qui développent davantage leur économie.

Cette vérité fondamentale n'est pas encore parvenue à M. Paul Martin, à M. Jean Chrétien ni aux députés libéraux.

Les Canadiens comptent sur nous pour conserver un pays dont nous pouvons tous être fiers. Je demande à tous les sénateurs d'avoir le courage de représenter les régions de ce pays, en particulier les moins prospères. Ayons le courage de faire comprendre au gouvernement que le projet de loi C-18 est inacceptable, car il ne règle pas les vrais problèmes de la péréquation et de la disparité régionale dans ce pays.

[Traduction]

Avant de me rasseoir, je voudrais noter que le sénateur Rompkey et moi-même avons discuté — et je suis désolé qu'il ne soit pas ici aujourd'hui — de la nécessité d'examiner de façon plus large et plus approfondie la question de la péréquation. Nous allons discuter davantage de cette question. Nous pourrions proposer que le Sénat donne un ordre de renvoi au comité des finances pour qu'il procède à une étude approfondie et détaillée de la péréquation. Je vois que le sénateur Robichaud hoche la tête, pour donner son approbation, j'espère.

Nous proposons que le Comité sénatorial des finances examine sérieusement les préoccupations exprimées de ce côté-ci du Sénat et effectue une étude appropriée.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je voudrais prendre un instant pour participer au débat sur le projet de loi C-18. Je ne vais pas vous préciser en détail comment on en est arrivé à la formule de péréquation ni comment elle fonctionne. Ces questions ont été bien expliquées par le sénateur Rompkey ainsi que par le sénateur Comeau. De plus, je ne suis pas certain de parfaitement comprendre ces questions et je m'en tiendrai donc à leurs positons.

(1620)

Je voudrais soulever plusieurs points. Tout d'abord, le projet de loi est une mesure limitée pour tenir l'engagement qui a été pris par le gouvernement du Canada à l'égard des gouvernements provinciaux dans le cadre de l'entente prévoyant le versement d'une somme de 22 ou 23 milliards de dollars destinés à la santé et la suppression du plafond pour les paiements de péréquation pour une année. Fait intéressant, sans faire l'historique de cela au départ, comme le sénateur Rompkey l'a signalé dans son discours, la suppression du plafond a eu pour effet d'accroître le montant des paiements de péréquation versés à certaines provinces.

Ainsi, je peux rappeler aux honorables sénateurs que les provinces vont recevoir les montants suivants pour l'exercice 1999-2000. Terre-Neuve et Labrador, 36 millions de dollars; l'Île-du-Prince-Édouard, 10 millions de dollars; la Nouvelle-Écosse, 62 millions de dollars; le Nouveau-Brunswick, 50 millions de dollars; le Québec, 489 millions de dollars; le Manitoba, 76 millions de dollars et la Saskatchewan, 69 millions de dollars. Si la répartition semble vraiment asymétrique, c'est parce que la distribution des paiements de péréquation se fait en fonction du nombre d'habitants dans chaque province.

Il est fort manifeste que l'élimination du plafond au cours des années où des paiements de péréquation sont accordés s'effectue sans chercher à déterminer si la formule appliquée est bien celle dont on a besoin. On ne détermine pas si cette formule se traduirait encore par des paiements du même ordre que par les années passées. Par suite des commentaires du sénateur Comeau, et sans doute aussi du sénateur Rompkey, il conviendrait de chercher sérieusement à déterminer si la formule actuelle est celle qui donne les meilleurs résultats dans notre société contemporaine.

La disposition de la Loi constitutionnelle, qui précise essentiellement que le gouvernement du Canada garantira la prestation de services de base à tous les Canadiens, est un droit s'appliquant aux provinces «nanties» et «démunies», aux Canadiens qui sont pauvres comme à ceux qui sont riches.

La formule semble avoir donné jusqu'à un certain point de bons résultats. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis la Grande Crise, époque où nos voisins de l'Ouest n'avaient pas d'or noir giclant du sol ou de gaz empruntant les canalisations vers la Californie. Comme on me l'a dit à l'occasion de visites dans les Prairies, les citoyens de certaines collectivités attendaient l'arrivée du train afin d'obtenir leur part de pommes de terre et de poisson salé en provenance du Canada Atlantique.

Depuis les années 40 et 50, l'aide requise pour que tous soient traités sur un pied d'égalité n'emprunte plus la même direction. L'énorme richesse tirée du sous-sol et aboutissant dans les coffres de certaines provinces a permis à ces dernières de participer au programme fédéral qui cherche à uniformiser la prestation de services à tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, il existe un jeu de table appelé «Gusher», ou puits jaillissant. Vous lancez le dé, ce qui vous indique où aller sur le jeu, puis vous appuyez sur le derrick qui vous sert de pièce de jeu. Si cette pièce ne s'abaisse pas, vous avez abouti sur un puits sec. Une autre personne lance le dé et appuie sur un autre derrick. Si la pièce s'abaisse, c'est qu'elle a abouti sur un puits jaillissant. Ce joueur touche alors un certain montant.

Dans une certaine mesure, la géographie du Canada peut être assimilée à ce jeu de table. Si vous appuyez sur le derrick à divers endroits en Alberta, de l'or noir jaillit du sol. Si vous appuyez sur ce derrick, du moins jusqu'à maintenant, dans la province du Nouveau-Brunswick, vous aboutissez sur des puits secs. Il n'y a pas de ressources naturelles viables jaillissant du sol.

Par conséquent, l'Alberta et, pour une raison différente liée à l'industrie de l'automobile, la Colombie-Britannique et l'Ontario sont en mesure d'offrir les meilleurs services à leurs citoyens. Dans le cadre de la Confédération, elles sont également en mesure, par l'entremise des paiements de péréquation, de voir à ce que les provinces démunies bénéficient de certains de ces services.

Le sénateur Comeau semble être un dieu car, maintenant, quand on presse le derrick en Nouvelle-Écosse, il y a de fortes possibilités de trouver un puits éruptif. En effet, on a obtenu plusieurs puits de pétrole jaillissant à Terre-Neuve. On peut donner un coup de pioche dans le sol au Labrador et trouver un gisement de nickel valant des milliards de dollars. Il y aura, espérons-le, des provinces riches dans la région de l'Atlantique.

Avec raison, ces provinces n'hésiteront pas à dire qu'elles veulent conserver une forte proportion des redevances car ces redevances proviennent du sol de la province. La province voudra utiliser les fonds qui en résulteront pour faire à l'intention de ses citoyens ce que l'Alberta peut faire pour ses citoyens depuis de nombreuses années. Il est bien raisonnable qu'elle puisse le faire.

(1630)

Honorables sénateurs, les conditions changent rapidement, même dans une petite région comme celle de l'Atlantique. Pendant longtemps, nous avons toutes été dans le même bateau — pauvres comme Job — et nous étions considérées comme les «parents pauvres» de la Confédération. À mon avis, ce sont certains des «parents riches» qui nous ont rendues telles. Au fil des années, nous avons tâché de faire du mieux que nous pouvions. Comme le sénateur Comeau l'a dit, nous avons envoyé nos meilleurs cerveaux diriger des banques, des usines d'automobiles et même certaines des provinces riches, dans certains cas. Nous avons toujours fait partie de la même équipe.

Cependant, plusieurs problèmes surgissent. L'un d'entre eux a trait au remboursement des fonds — si nous sommes tenus de les rembourser — qui nous ont été accordés pour pouvoir offrir des services relativement comparables à ce que l'on trouve dans les régions plus riches de notre pays. L'observation du sénateur Rompkey est juste: il n'est pas vrai que les provinces riches donnent aux provinces pauvres. Le fait est que si l'on appartient à une tranche d'imposition élevée dans une province riche, on paie beaucoup d'argent au gouvernement fédéral. Si l'on appartient à une tranche d'imposition élevée dans une province pauvre, comme le Nouveau-Brunswick, on paie également beaucoup d'argent au gouvernement fédéral. Les contribuables riches paient beaucoup d'argent et ceux qui sont pauvres n'en paient pas autant.

Honorables sénateurs, je ne crois pas que l'analyse du sénateur Rompkey soit complète, car peu importe combien les gens riches de la Nouvelle-Écosse ou de Terre-Neuve payaient, nous n'avons tout simplement pas assez de gens riches. Par conséquent, pour fournir les services dans nos provinces, il fallait soutirer davantage aux riches de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de l'Ontario.

Il est possible qu'au moins deux de nos provinces, et j'ose l'espérer toutes nos provinces, deviennent riches un jour, pas un peu mais comme l'Alberta, riches comme Crésus. Elles tireront des profits énormes des ressources naturelles souterraines du Canada atlantique. On ne parle pas des ressources souterraines de la Saskatchewan ou du Québec, mais bien des ressources souterraines de nos provinces sur lesquelles nous percevrons des redevances. Pourquoi ne pouvons-nous pas nous enrichir comme l'a fait l'Alberta en gardant toutes ces redevances? Pourquoi ne pas en jouir comme les Albertains l'ont fait?

Honorables sénateurs, franchement, je ne pense pas que nos concitoyens du Canada atlantique souhaitent tout garder pour eux et reproduire le même modèle, c'est-à-dire faire de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick une reproduction de l'Alberta et de la Saskatchewan.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Bryden est écoulé. Le sénateur demande-t-il la permission de poursuivre?

Le sénateur Bryden: Oui, je demande la permission de continuer.

Son Honneur le Président pro tempore: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président pro tempore: Le sénateur n'a pas la permission de poursuivre.

L'honorable Tommy Banks: Votre Honneur, puis-je poser une question au sénateur Comeau relativement à ce qu'il a dit?

Une voix: Non.

Le sénateur Banks: Honorables sénateurs, je continuerai donc dans la veine du sénateur Bryden. Je signale que l'Alberta, riche comme Crésus, ne garde pas toutes les redevances perçues sur ses ressources souterraines.

Je me souviens, il n'y a pas si longtemps de cela, que l'Alberta était une province démunie. L'Alberta a cessé de recevoir des paiements de péréquation en 1961. Pour moi, c'est de l'histoire récente.

Avec tout le respect que je vous dois, la question que j'aurai posée, si j'en avais eu l'occasion, aurait porté sur la disposition de récupération. Je ne suis pas sûr qu'il convienne de supprimer le concept de la récupération. Autrement dit, si les provinces pauvres peuvent déduire une certaine part de leurs recettes provenant de l'exploitation des ressources, les provinces nanties ne pourraient-elles pas en faire autant aux fins du calcul de leurs contributions au fonds de la péréquation? C'est presque une question de pure forme, car nous savons tous quelle réponse nous voulons obtenir.

Honorables sénateurs, le pendule auquel a fait allusion le sénateur Bryden se balance et nous continuons d'espérer qu'il ira dans un sens qui profitera à toutes les provinces. Nous devons faire attention à ce que la disposition de récupération s'applique aux deux catégories de provinces.

Le sénateur Comeau: Je suis heureux que l'honorable sénateur ait soulevé ce point. J'aimerais poser une question au sénateur Banks. Je la ferai toutefois précéder d'un préambule afin que l'honorable sénateur sache que, en 1957, la péréquation était basée sur une formule qui tenait compte de trois sources de revenus. À l'époque, l'Alberta ne devait pas faire entrer dans ses calculs les recettes provenant de l'exploitation des ressources pétrolières. Par conséquent, en raison du type de formule employé à l'époque, l'Alberta pouvait conserver 100 p. 100 de ses recettes provenant du pétrole. J'ignore si l'honorable sénateur sait qu'à l'époque il n'y avait pas de disposition de récupération mais que depuis 1982, une telle disposition s'applique.

L'honorable sénateur a tout à fait raison: nous devons faire attention à la manière d'envisager la question et nous devons également comprendre comment certaines provinces ont pu améliorer leur situation. L'Alberta, grâce au régime fiscal en vigueur à l'époque, a pu utiliser pendant un certain temps ses recettes et les investir dans l'industrie pétrochimique. Étiez-vous au courant de l'existence de ce facteur en 1957?

Le sénateur Banks: Oui, j'étais au courant. Nous pourrions discuter longtemps de la question de savoir combien de temps il a fallu pour que ces recettes atteignent les niveaux d'aujourd'hui. Ce n'est qu'en 1950 que le développement a débuté en Alberta. Il a fallu très longtemps avant que les recettes s'accumulent au point où elles se chiffraient dans les millions. Le régime a changé depuis, comme l'a fait remarquer l'honorable sénateur.

Le sénateur Bryden: Votre Honneur, puis-je poser une question au sénateur Banks?

Son Honneur le Président pro tempore: Bien sûr, sénateur Bryden.

Le sénateur Bryden: Le sénateur Banks ne convient-il pas que, dans une province, les ressources ne se trouvent pas uniquement dans le sol, mais aussi au-dessus du sol? Par exemple, l'une des principales ressources de la Colombie-Britannique est la forêt. Au Nouveau-Brunswick, les arbres représentent l'une de nos principales ressources — les terres domaniales représentent une proportion importante de la superficie de la province.

(1640)

Lorsque le Nouveau-Brunswick vend des arbres pour qu'ils soient transformés en billes ou en pâte, la province reçoit une redevance appelée droit de coupe qui est versée dans ses revenus, afin qu'on puisse déterminer le montant de péréquation auquel elle a droit. Le même principe s'applique aux arbres abattus en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard. Il vaut également pour les bénéfices provenant de la vente d'autres ressources.

Pour employer un exemple ridicule, car la Nouvelle-Écosse ne permettrait jamais cela, si nous exemptions le pétrole et le gaz de la Nouvelle-Écosse de la récupération d'une partie de ses redevances pour lui donner une chance de se rattraper, ne serait-il pas équitable que les mêmes règles s'appliquent au Nouveau-Brunswick, qui possède des ressources forestières, et qu'il soit privé des redevances, des droits de coupe, que lui versent les grandes papetières ou d'autres producteurs, de sorte que les droits de coupe ne seraient pas calculés dans la formule de péréquation?

Le sénateur Banks: Je remercie le sénateur de la question. Nous examinons un sujet dont je ne connais rien. Je répondrai donc lorsque j'en saurai davantage.

Le sénateur Bryden: En ce qui concerne la question que j'ai soulevée, je crois que le sénateur ne s'est pas demandé si ces redevances seraient les mêmes que celles qui s'appliquent au pétrole ou au gaz, ou encore au poisson. Il conviendra ou non que, lorsque nous modifions la formule que nous avions l'habitude d'utiliser et que les gens disent vouloir que leurs ressources soient exemptées, une foule de personnes, comme le premier ministre du Nouveau-Brunswick ou moi, demanderont si elles ne sont que du menu fretin. Il s'agit là de ressources forestières, et les redevances sont versées sur ces dernières. En outre, elles sont renouvelables. Nous ne les épuiserons pas.

La difficulté que rencontrent les provinces atlantiques, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, me rappelle l'époque où je pratiquais le droit. J'insistais toujours pour que des associés qui lançaient une entreprise signent des accords juridiques. Ils disaient qu'ils étaient des amis et que, s'ils faisaient faillite, ils le sauraient. On ne perd pas ses amis lorsqu'on fait faillite. On les perd lorsqu'on gagne beaucoup d'argent. Les problèmes surgissent lorsqu'un associé croit que son partenaire bénéficie d'un avantage énorme. Par conséquent, je propose que nous appuyons cette simple démarche qui consiste à supprimer le plafond pendant la période fixée, pour que l'accord que le premier ministre a conclu soit mis en oeuvre.

Le sénateur Carney: C'est la question?

Le sénateur Bryden: Sénateur Carney, j'aurais terminé mon discours si on ne m'avait pas refusé la permission de continuer. La discussion sera très compliquée. Je propose que nous envisagions sérieusement, à l'automne, de constituer un comité sénatorial des finances ou un autre groupe qui réfléchirait sérieusement à cette question, étant donné ses conséquences.

Le sénateur Banks: Je vais répondre au sénateur Bryden en lui disant que le sénateur Murray et moi avons discuté ce matin, et que nous prévoyons un renvoi au Comité des finances nationales. Ce comité serait chargé d'étudier les questions de péréquation.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai travaillé en géologie marine pendant 40 ans, et j'ai été un pionnier de certains forages au large de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve. Ce qu'on oublie, c'est que Ernest Manning. par exemple, aimait bien recevoir de l'argent d'Ottawa alors que le pétrole nous permettait de remplir nos coffres, car les recettes provenant des ressources minérales n'étaient pas considérées comme un revenu, étant donné que des biens étaient vendus en échange. Pendant un certain nombre d'années, l'Alberta a eu de la chance d'être considérée comme une province démunie, puisque la vente de notre pétrole et de notre gaz était assimilée à la vente de nos biens. Le problème a été réglé depuis.

Mon honorable collègue ne se souvient-il pas des partis? L'honorable Joe Clark a été premier ministre, et il a fait une chose que nous, des Prairies, avons vraiment jugée exceptionnelle et peut-être même un peu excessive. Jusque-là, les provinces maritimes n'étaient considérées comme propriétaires des ressources que sur deux milles et demi au-delà de la côte. Au-delà, c'était de compétence fédérale. M. Clark a dit: «Nous allons partager avec vous, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, tous les droits que le Canada aura.»

Subséquemment, en droit international, nous avons repoussé les frontières des pays, leur conférant l'accès à l'océan jusqu'à la ligne d'équidistance avec un autre pays. Aujourd'hui, Terre-Neuve a une part, avec le gouvernement fédéral, sur la moitié de la distance qui la sépare de l'Irlande. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, sur la moitié de la distance qui la sépare des Bermudes. Quant au Nouveau-Brunswick, la présence de l'Île-du-Prince-Édouard sur ses côtes l'empêche d'étendre son territoire.

Les habitants des Maritimes ont fait une bonne affaire, car ils ont un beau territoire et peuvent avoir des activités lucratives sur une zone bien plus étendue que celle de leur territoire initial. L'Alberta et la Saskatchewan ne peuvent extraire des minéraux qu'à l'intérieur de leurs limites territoriales. La Colombie-Britannique n'a guère profité de sa côte maritime, car elle a désigné toute la zone comme parc sous-marin, interdisant toute exploitation des ressources. La province se réveillera peut-être un jour et lèvera cette interdiction.

Les Maritimes possèdent une zone d'exploitation minière bien plus grande, par habitant, que toute autre région du Canada. Tout cela, grâce au premier ministre Joe Clark. Je tenais à faire connaître ces faits, car j'ai travaillé dans ce domaine pendant de longues années. Les Maritimes se sont bien tirées d'affaire, et pas seulement à cause du pétrole. Il y aussi des ressources en manganèse, et tous les fonds marins, qui n'ont pas que du poisson, de sorte que les Maritimes sont peut-être l'une des régions les plus riches du monde. Si vous avez un petit-fils qui veut se marier, je vous conseille de l'envoyer dans les Maritimes.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

(1650)

PROJET DE LOI SUR LES CANDIDATURES DE COMPÉTENCE FÉDÉRALE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Cohen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-20, Loi visant à accroître la transparence et l'objectivité dans la sélection des candidats à certains postes de haut niveau de l'autorité publique.—(L'honorable sénateur Cohen).

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre part aujourd'hui au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-20. Présenté par mon ami et collègue de l'Ouest, le sénateur Stratton, le projet de loi est une contribution importante au débat sur la réforme parlementaire. Vers la fin de la dernière législature, j'avais présenté une interpellation au sujet de la réforme parlementaire. Dans mon discours, j'avais énoncé trois thèmes: la nécessité pour le Parlement de s'affirmer par rapport au pouvoir exécutif; la nécessité de mettre en place un Sénat élu pour mieux représenter les régions du Canada et les intérêts des minorités, et lui faire jouer le rôle de Chambre de mûre réflexion sur les projets de loi; et la nécessité de procéder à une meilleure répartition des sièges à la Chambre des communes et surtout au Sénat, pour donner aux provinces de l'Ouest une meilleure représentation au Parlement.

Le projet de loi du sénateur Stratton traite de mon premier thème, soit reprendre une partie du pouvoir détenu par l'exécutif. Dans mon discours, j'ai longuement parlé de la nécessité d'assouplir le système de whip en place aux Communes et peut-être ici même, au Sénat, du côté ministériel, et de la nécessité pour les députés de la Chambre des Communes de changer radicalement d'attitude et d'agir en toute indépendance, sans craindre des sanctions du cabinet du premier ministre.

Dans le contexte de la lutte pour récupérer un peu du pouvoir du cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé, je recommande au Parlement, et notamment au Sénat, de prendre part à l'examen des nominations faites par décret. À l'époque, je n'étais pas sûr de la façon dont il fallait procéder, et j'ai donc été particulièrement ravi quand j'ai pris connaissance du projet de loi du sénateur Stratton.

Pour autant que je sache, le projet de loi S-20 du sénateur Stratton constitue un compromis intéressant. Il donne au Sénat le pouvoir d'examiner un groupe de nominations, mais laisse au pouvoir exécutif le pouvoir ultime de faire les nominations. Son véritable but est de faire la lumière sur un processus qui, sans lui, est malheureusement entouré de secret.

Le projet de loi crée, par voie législative, le Comité des candidatures du Conseil. Ce comité a la responsabilité d'établir des critères et des procédures pour la sélection des candidats aptes à être nommés aux postes énumérés dans l'annexe du projet de loi. Il vise donc à faire des recommandations sur l'admissibilité des candidats à ces postes.

Les articles 8 et 9 prévoient qu'un ministre, qui a l'intention de recommander une nomination à un poste mentionné à l'annexe, doit choisir l'une des personnes figurant sur la liste des candidats admissibles établie par le Comité des candidatures du Conseil. Le ministre doit aviser de son intention de faire une nomination. L'avis à cet effet peut être donné aux deux Chambres du Parlement ou publié dans la Gazette du Canada.

Les articles 10, 11 et 12 prévoient une audience devant le comité plénier du Sénat. Nous sommes tous au courant du succès qu'a connu l'examen des projets de loi et des divers rapports annuels des agents parlementaires par notre comité plénier.

Le projet de loi établit un calendrier d'intervention précis pour le Sénat et prévoit également un processus par lequel le ministre peut, en cas d'urgence, faire des nominations immédiatement, sans examen préalable du Sénat. Dans ce qui, j'espère, sera une des rares exceptions au processus de nominations, le Sénat, en vertu de cette mesure législative, peut effectuer un examen après qu'une nomination a été effectuée. Cela montre que le projet de loi est vraiment équitable.

Le projet de loi exige que les critères de nomination soient rendus publics et établit le processus d'examen, et uniquement d'examen, qui permet d'analyser l'admissibilité et les qualifications des candidats pour le poste et de connaître leur point de vue sur les responsabilités rattachées au poste. Je demande si cela menace vraiment le processus de nomination.

Il s'en trouvera pour soutenir, à l'instar du sénateur Banks, que ce projet de loi nous entraîne sur la pente glissante vers les audiences à la mode américaine sur la nomination des juges. Les adversaires de ce projet de loi sont-ils contre toute forme d'examen? Tout examen est-il une mauvaise chose, ou avons-nous peur de la façon américaine de faire les choses? La façon américaine de faire les choses peut être bonne et positive. Peu importe qu'elle vienne des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, si elle est bonne, adoptons-la! N'est-il pas étrange que ce soit grâce au système américain, auquel on reproche beaucoup de politiser la Cour suprême, que nous en sachions davantage sur les deux récents candidats à la Cour suprême des États-Unis que sur tous les membres réunis de notre Cour suprême? Et pourtant, à cause de la Charte des droits et libertés, les neuf femmes et hommes qui travaillent un peu plus loin, dans cette rue, ont le pouvoir ultime de déterminer la légitimité constitutionnelle des lois que nous adoptons au Parlement. On pourrait dire que, au bout du compte, ils ont plus de pouvoirs législatifs que nous puisque ce sont eux qui ont le dernier mot.

Cela m'a particulièrement plu, au cours du congé de Pâques, de voir qu'un certain nombre d'articles de journaux et d'éditoriaux appuyaient l'initiative du sénateur Stratton. On a qualifié celle-ci d'aussi modeste que son auteur, car le projet de loi ne donne pas le pouvoir de rejeter des candidats. On a affirmé dans la Gazette de Montréal que:

Les contribuables méritent que la nomination des hauts fonctionnaires et des bureaucrates qui régissent tellement leur vie soit plus transparente.

Ce projet de loi mérite d'être approuvé par le Sénat à l'étape de la deuxième lecture et renvoyé au comité pour qu'il procède à une étude approfondie. Soyons justes, il devrait être étudié. J'espère que ceux qui croient dans la transparence au gouvernement et ceux qui croient qu'il faut retirer à l'exécutif certains pouvoirs vont y souscrire. J'en sais quelque chose du pouvoir de l'exécutif, car j'ai déjà été un ministre à l'autre endroit et je sais comment nos institutions fonctionnent.

À ceux qui sont inquiets qu'on soumette la candidature de juges à l'examen d'un comité plénier, je tiens à dire, en tant qu'ancien candidat à des élections, que le plus obscur des députés d'arrière-ban du côté ministériel à la Chambre des communes a dû passer par un processus public qui en a révélé beaucoup plus sur lui que ce que les candidats à la magistrature doivent subir à l'heure actuelle. Nous savons tous à quel point ceux qui siègent sur les dernières banquettes du côté ministériel à la Chambre des communes ont peu de pouvoirs comparativement aux juges, surtout ceux de la Cour suprême du Canada.

Honorables sénateurs, je crois que nous devrions souscrire au projet de loi S-20, qui jette un peu de lumière sur un processus qui, à l'heure actuelle, semble entouré du plus grand secret.

(1700)

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à l'honorable sénateur St. Germain. J'ai écouté et je ne suis pas certain d'avoir bien compris; l'honorable sénateur a-t-il dit que le processus d'examen aurait lieu après la nomination ou avant qu'une nomination ne puisse être faite?

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, cela pourrait être après, mais seulement dans le cas d'une urgence, lorsque le ministre nomme quelqu'un immédiatement et que le processus d'audience au Sénat ou ailleurs ne peut avoir lieu faute de temps. L'examen aurait lieu après seulement dans ces cas-là. Est-ce que je me suis bien expliqué, sénateur?

Le sénateur Taylor: Non. Est-ce qu'une nomination au Sénat est une urgence?

Le sénateur St. Germain: On peut examiner les nominations au Sénat. Elles peuvent être urgentes. J'ai vu qu'elles étaient traitées comme telles au moment du débat sur la TPS. Ainsi, cette possibilité existe toujours, mais cela ne serait fait qu'en cas d'urgence.

L'honorable Tommy Banks: Honorables sénateurs, moi aussi, j'aimerais poser une question au sénateur St. Germain. Toute la composition et le fonctionnement du modèle du Parlement de Westminster résident dans le fait que la Couronne s'élève au-dessus du simple organe politique et qu'elle n'est pas ternie par le politique. Aux termes du projet de loi en question, que parraine le sénateur Stratton, les représentants de la Couronne au Canada, le gouverneur général et les lieutenants-gouverneurs des provinces, seraient assujettis au même processus d'examen par le politique. L'honorable sénateur convient-il que les représentants de la Couronne soient également assujettis à ce processus d'examen?

Le sénateur St. Germain: Je remercie le sénateur Banks pour sa question. Je pense qu'il soulève un aspect sur lequel devrait s'arrêter le comité. Je n'ai pas d'opinion sur l'examen de ces affectations. Cependant, je voudrais certes faire partie de tout ce processus d'examen.

Notre pays est en évolution. Nous devons tenir compte du paysage politique qui change. Sur cette question précise, je n'ai pas fixé une opinion. Je suis un ardent partisan de la monarchie. En fait, je suis en désaccord avec un ministre qui a fait des observations sur la monarchie aux médias ces derniers jours.

Je m'inquiète davantage de l'effet que cela peut avoir sur les Canadiens dans la vie de tous les jours. Je pense aux nominations à la magistrature et à la haute direction de sociétés d'État plus qu'aux nominations auxquelles fait allusion l'honorable sénateur dans sa question. C'est une question que doit absolument approfondir le comité. Je suis certain que, guidés par l'honorable sénateur, dont j'apprécie le grand esprit de collaboration et la logique, ainsi que par le sénateur Stratton, que je considère très compétent, nous pouvons réaliser beaucoup de progrès.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)

[Français]

L'IMPÉRIALE COMPAGNIE D'ASSURANCE-VIE

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Serge Joyal propose: Que le projet de loi S-27, Loi autorisant L'Impériale, compagnie d'assurance-vie, à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec, soit lu une deuxième fois.

Honorables sénateurs, le dépôt du projet de loi S-27 vise à autoriser L'Impériale, une compagnie d'assurance-vie à charte fédérale, incorporée par une loi du Canada, en 1896, il y a plus de 105 ans, à continuer ses activités en tant que société d'assurance provinciale, en vertu de la Loi sur les assurances du Québec, en vue de sa fusion avec sa société soeur, l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne. C'est la dernière fois que cette compagnie se présentera devant le Parlement pour obtenir des modifications à sa charte.

L'adoption d'un projet de loi fédéral d'intérêt privé est requise parce que la Loi sur les assurances ne contient aucune disposition qui permette à L'Impériale de continuer ses activités en tant que compagnie à charte provinciale. Or, il n'est pas dans les intentions du ministre des Finances du Canada de modifier la législation fédérale en ce moment. Par conséquent, la continuation de L'Impériale comme société à charte du Québec est la condition préalable à sa fusion avec Assurance vie Desjardins-Laurentienne.

La nouvelle compagnie, qui résultera de la fusion, relèvera de l'inspecteur général des institutions financières du Québec. Cet organisme exerce, pour les sociétés à charte provinciale, les mêmes fonctions que le surintendant des institutions financières du Canada pour les compagnies à charte fédérale. Le rôle de ces deux organismes est d'évaluer la solidité des institutions financières et de s'assurer qu'elles sont financièrement saines, et que les droits des assurés sont préservés et respectés.

Comme je vais vous l'exposer dans quelques instants, la décision de fusionner ces deux sociétés d'assurance a été prise en raison des avantages que la fusion comporte pour les assurés. Permettez-moi d'abord de vous donner un bref aperçu des deux compagnies.

La Compagnie d'assurance-vie Impériale a été créée par loi fédérale, en 1996, à la suite de diverses transactions effectuées à partir de 1968. L'Impériale est devenue, depuis 1993, une filiale du Mouvement Desjardins. L'Impériale est, depuis plus de 30 ans, sous le contrôle de sociétés établies au Québec. L'Impériale est une compagnie active dans l'ensemble du Canada et au Bahamas. Elle détient en outre un portefeuille d'affaires à Hong Kong. Bien qu'elle jouisse d'une grande notoriété au Canada, L'Impériale est un joueur de petite taille, avec un volume de primes légèrement inférieur à 500 millions de dollars. Elle se situe bien en dessous des grandes sociétés d'assurance dont le volume de primes, varie entre un milliard et 3,6 milliards de dollars. Il lui sera plus difficile dans l'avenir de faire concurrence à ces grandes sociétés d'assurance canadiennes et aux entreprises étrangères présentes au Canada.

L'Assurance vie Desjardins-Laurentienne résulte de la fusion, en 1994, de l'Assurance vie Desjardins et de la Laurentienne vie. À la fin de l'an 2000, l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne a fusionné avec une autre filiale de Desjardins, la corporation d'assurance de personne La Laurentienne. L'Assurance vie Desjardins-Laurentienne est une compagnie très solide et elle détient, en outre, des permis d'exercice dans toutes les provinces canadiennes. Solide au Québec, elle y occupe le premier rang pour ce qui est des primes souscrites, avec près de 16 p. 100 du marché.

L'Assurance vie Desjardins et L'Impériale, toutes deux filiales de Desjardins, ont une structure commune depuis trois ans. Elles ont les même produits, les mêmes systèmes, des services communs et une direction commune. Par conséquent, sur le plan des affaires, la fusion juridique est une suite tout à fait logique du processus de rapprochement des deux compagnies.

En se regroupant, L'Impériale et l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne formeront une nouvelle compagnie qui sera en meilleure position concurrentielle pour faire face aux grandes sociétés d'assurance au Canada.

Sur la base des résultats financiers des deux compagnies, l'an dernier, la nouvelle société aura un actif de 13,4 milliards de dollars et un volume annuel de primes de 1,5 milliard de dollars, soit trois fois plus que celui de L'Impériale, et davantage représentatif des volumes rapportés par les compagnies canadiennes de plus grande taille.

La nouvelle compagnie, qui reposera sur des assises plus solides, sera mieux outillée pour croître. Plus forte, de plus grande envergure, plus solide financièrement et mieux capitalisée, elle poursuivra ses activités dans l'ensemble du Canada et au Bahamas. Cette fusion donnera naissance à un nouveau joueur qui se classera au septième rang de l'industrie canadienne de l'assurance et qui deviendra ainsi plus concurrentielle.

Le point le plus important de ce projet de fusion, c'est qu'il se fait surtout dans l'intérêt des assurés eux-mêmes. En effet, la couverture d'assurance sera renforcée puisque l'assureur sera de plus grande taille, plus solide et mieux capitalisé.

(1710)

Les assurés participants conserveront en outre leur droit de recevoir des participations. Les participations sont en fait des dividendes que la compagnie verse aux assurés qui détiennent des contrats d'assurance avec participation. Elles varient selon plusieurs facteurs, dont les résultats techniques, les frais d'exploitation et les revenus de placement de la compagnie. Elles sont déclarées à la discrétion du conseil d'administration de l'assureur. Suite à la fusion de L'Impériale et de l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne, le fonds de participation sera plus important et, par conséquent, moins sujet aux fluctuations.

De plus, tout comme L'Impériale et l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne le sont actuellement, la nouvelle compagnie sera elle aussi membre de la Société d'indemnisation d'assurance de personnes, organisme qui administre le fonds de garantie dans le but de fournir une protection aux titulaires canadiens de polices.

Compte tenu que la structure opérationnelle demeure inchangée, la fusion ne pourra avoir d'effet négatif sur le service à la clientèle ni sur les activités quotidiennes. Les assurés continueront donc à être servis par le même personnel, dans la langue de leur choix. Enfin, la direction de L'Impériale a déjà indiqué à ses assurés participants que la fusion ne changerait rien aux politiques de placement de la nouvelle compagnie. Un groupe de gestion de l'actif gère présentement l'actif des deux compagnies, et c'est ce même groupe qui gérera l'actif de la nouvelle compagnie. Quant aux employés des deux compagnies, que ce soit L'Impériale ou l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne, la fusion n'entraînera ni abolition de poste ni fermeture de bureau. Étant donné que les deux sociétés partagent déjà une direction commune, des services communs et les mêmes systèmes, l'effet de la fusion sur les emplois sera en fait nul, puisque la structure commune demeurera.

Les activités à Toronto, où travaillent actuellement quelque 500 employés, se poursuivront comme à l'habitude et les trois lieux d'opération au Québec, soit Lévis, Québec et Montréal, où travaillent près de 2 000 employés, seront également maintenus.

En conclusion, que ce soit sous l'angle des affaires, de la protection des assurés ou du maintien des emplois, le projet de fusion s'avère une solution d'avenir pour L'Impériale tout comme pour sa société soeur, l'Assurance vie Desjardins-Laurentienne.

Permettez-moi enfin de souligner que le projet de loi a déjà reçu l'appui des autorités réglementaires, d'un expert actuaire indépendant, ainsi que des assurés participants de L'Impériale. En effet, le surintendant des institutions financières du Canada, de qui relève actuellement L'Impériale, a été associé dès le début au processus et s'est montré favorable au projet de fusion de L'Impériale et de l'Assurance-vie Desjardins-Laurentienne. Il en est de même de l'actuaire indépendant, mandaté par les deux compagnies pour se prononcer sur l'impact de la fusion sur les assurés. Il conclut dans son rapport, et je cite:

La fusion préservera ou améliorera les services existants, la sécurité et les attentes raisonnables des titulaires de police relativement aux prestations et aux versements des participations, et que dans l'ensemble, la fusion est proposée dans le meilleur intérêt des titulaires de polices et des actionnaires des deux sociétés.

Enfin, la fusion des deux sociétés a reçu l'approbation des assurés participants de L'Impériale. Les quelque 100 000 assurés participants de L'Impériale ont été consultés selon la procédure requise au début d'avril par le biais d'un envoi postal comprenant une circulaire d'information, une brochure simplifiée et un bulletin de vote. La réponse a été des plus significatives. Comme il a été annoncé à l'occasion de l'assemblée générale extraordinaire de L'Impériale, tenue le 11 mai dernier à Toronto, au-delà de 90 p. 100 des assurés qui se sont prononcés se sont dits en faveur du projet de regroupement.

Cet assentiment sans équivoque des assurés est sans aucun doute un argument de taille qui ne peut que militer en faveur de la poursuite du processus de fusion. Il est donc certainement dans l'intérêt de L'Impériale, et par conséquent des assurés eux-mêmes, que le projet de loi soit soumis à cette Chambre pour étude en comité, et, éventuellement, au vote des honorables sénateurs.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, à la suite de leur dépôt en cette Chambre, j'ai eu l'occasion de prendre connaissance des deux projets de loi d'intérêt privé — le projet de loi S-27 et le projet de loi S-28 — dont le sénateur Joyal vient de nous faire la présentation.

Je comprends qu'il n'existe actuellement aucune disposition législative autorisant les sociétés d'assurance constituées sous le régime des lois du Canada, comme c'est le cas pour L'Impériale, Compagnie d'Assurance-Vie et Certas direct, compagnie d'assurance, à demander leur prorogation en tant que personne morale régie par les lois d'une province.

Les deux projets de loi ne comportent aucun élément litigieux et nous sont soumis uniquement en raison du caractère singulier des réorganisations proposées qui, en raison de leur spécificité, ne sont pas prévues dans la Loi sur les sociétés d'assurance. Ils servent tous deux également le meilleur intérêt des assurés respectifs des deux compagnies requérantes.

Les deux projets de loi reçoivent l'appui du Bureau du surintendant des institutions financières, qui supervise les opérations de L'Impériale et de Certas.

Dans le cas de L'Impériale, le projet de loi a également fait l'objet d'une consultation publique auprès des souscripteurs avec participation, comme cela est d'usage pour les compagnies d'assurance-vie dans de telles circonstances. Les souscripteurs avec participation, qui se sont exprimés lors de l'assemblée tenue le 11 mai dernier, ont approuvé le projet par une majorité supérieure à 90 p. 100.

Honorables sénateurs, je suis d'accord sur la recommandation du sénateur Joyal de référer ces deux projets de loi d'intérêt privé en comité.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne souhaite intervenir, le débat sera considéré comme clos.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Joyal, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

CERTAS DIRECT, COMPAGNIE D'ASSURANCE

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Serge Joyal propose: Que le projet de loi S-28, Loi autorisant Certas direct, compagnie d'assurance, à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je tenterai de limiter mes quelques remarques aux éléments essentiels du projet de loi S-28. Le dépôt de ce projet de loi vise à autoriser la compagnie Certas direct, une compagnie d'assurance à charte fédérale, à continuer ses activités en tant que société d'assurance provinciale en vertu de la Loi sur les assurances du Québec, en vue de sa fusion avec sa société soeur, les Assurances générales des caisses Desjardins.

La fusion de ces deux sociétés d'assurance s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation corporative et a été décidée dans le but de maximiser à l'intérieur d'un même groupe de compagnies les avantages financiers propres à chacune d'elles, l'objectif ultime étant de poursuivre la croissance des affaires à l'extérieur du Québec.

Ce type de réorganisation administrative est usuel dans des groupes financiers de cette taille. Cette réorganisation nécessite l'intervention d'un projet de loi d'intérêt privé strictement parce que nous avons affaire à des sociétés soumises à des juridictions différentes, autrement le surintendant des institutions financières du Canada aurait approuvé cette restructuration de son propre chef. Comme je l'indiquais dans le cadre de l'étude du projet de loi d'intérêt privé visant la continuation de la compagnie L'Impériale, la Loi sur les assurances du Canada ne contient aucune disposition qui permette à une compagnie d'assurance constituée en vertu de cette loi de continuer ses activités en tant que compagnie à charte provinciale.

Le surintendant des institutions financières du Canada, de qui relève actuellement Certas direct, a été associé dès le début au processus et s'est montré favorable au projet de fusion de Certas et de l'Assurance générale des caisses Desjardins.

(1720)

Permettez-moi d'abord de vous donner un bref aperçu des deux compagnies en question. Certas direct, compagnie d'assurance, a été créée en 1993 sous le nom de Compagnie d'assurance générale CIBC Limitée, comme filiale de la banque CIBC.

Le 31 août 2000, la Société de portefeuille du Groupe Desjardins, assurances générales, filiale du Mouvement Desjardins, s'est portée acquéreure des sociétés d'assurances générales de la CIBC, soit La Personnelle, Compagnie d'assurance générale du Canada et la Compagnie d'assurance générale CIBC Limitée, dont la dénomination sociale a été subséquemment changée en celle de Certas direct.

Certas est une compagnie relativement jeune qui, au cours des dernières années, a subi des pertes d'opération importantes et exige conséquemment une restructuration de ses affaires, dans le but de favoriser son développement futur. À la fin de l'année financière 2000, elle rapportait un montant de 120 millions de primes brutes souscrites alors qu'elle avait accumulé plus de 100 millions de dollars de pertes fiscales.

Par ailleurs, les Assurances générales des caisses Desjardins est une société constituée en vertu de la Loi sur les assurances du Québec qui a souscrit plus de 451 millions de primes brutes en 2000. Les Assurances générales des caisses Desjardins constituent une compagnie très solide qui a un historique de profits récurrents depuis plusieurs années. Elle détient un permis d'exercice dans la province de Québec seulement. Avec près de 9.6 p. 100 du marché, elle est l'un des assureurs de dommages les plus profitables au Canada.

Dans le cadre de la réorganisation, une nouvelle compagnie d'assurance à charte fédérale, la nouvelle Certas, sera créée afin de poursuivre les activités menées par l'ancienne Certas à l'extérieur du Québec. L'émission de nouvelles affaires d'assurances sera effectuée par cette nouvelle compagnie fédérale au sein de laquelle l'ancienne Certas transférera toutes ses affaires en cours.

Cette nouvelle Certas à charte fédérale offrira les mêmes produits et les mêmes services. C'est l'ancienne Certas, dépouillée des affaires en cours transférées à la nouvelle Certas, mais conservant le portefeuille en écoulement, qui sera continuée comme compagnie provinciale et fusionnera avec les Assurances générales des caisses Desjardins.

Ce projet de fusion s'inscrit également dans l'intérêt des assurés et surtout, dans l'intérêt même des assurés, les polices en vigueur et les assurés futurs seront transférés à la nouvelle compagnie fédérale, appuyée par de nouveaux capitaux et des stratégies de croissance propres à ce marché.

Par conséquent, les intérêts des assurés seront protégés et la fusion n'aura pas d'effet sur le service à la clientèle ni sur les activités quotidiennes. Les assurés continueront d'être servis par le même personnel dans la langue de leur choix.

Du côté des employés des deux compagnies, cette restructuration n'entraînera ni abolition de postes ni fermeture de bureaux et les activités hors Québec, regroupant quelque 1 000 employés, se poursuivront comme à l'habitude. Les deux lieux d'opération au Québec, soit Lévis et Montréal, où travaillent près de 2 000 employés, seront également maintenus.

En conclusion, que ce soit sous l'angle des affaires, de la protection des assurés ou du maintien des emplois, le projet de fusion s'avère une solution d'avenir pour Certas direct et les assurés. Il est donc certainement dans l'intérêt de Certas et des Assurances générales des caisses Desjardins, et par conséquent des assurés eux-mêmes, que le projet de loi soit référé au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, pour être par la suite, le cas échéant, soumis au vote des sénateurs.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, les motifs que j'ai élaborés au cours de mon discours précédent, sur le projet de loi S-27, valent également pour le projet de loi S-28. Je donne donc mon appui pour les mêmes raisons.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Joyal, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

LE SYSTÈME NATIONAL DE DÉFENSE ANTIMISSILES DES ÉTATS-UNIS

MOTION RECOMMANDANT QUE LE GOUVERNEMENT N'APPUIE PAS SON DÉVELOPPEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roche, appuyée par l'honorable sénateur Finestone, c.p.,

Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada évite de participer et d'aider au développement d'un système national de défense antimissiles (NMD) qui irait à l'encontre des obligations juridiques inscrites dans le Traité sur les missiles antimissiles balistiques, lequel est la pierre angulaire de la stabilité stratégique et un important fondement des efforts internationaux faits en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires depuis près de 30 ans;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Bacon, que la teneur de la motion soit renvoyée au Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité pour étude et rapport au Sénat.—(L'honorable sénateur Robichaud, c.p.).

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsque j'avais demandé l'ajournement de cette motion, la question était de savoir à quel comité devait être renvoyée cette motion. Il était question, dans la motion d'amendement, de l'envoyer au Comité permanent de la défense et de la sécurité, qui est un comité nouvellement créé.

L'auteur de cette motion a complété sa consultation. C'était d'ailleurs pour cette raison que j'avais demandé l'ajournement, afin de lui permettre de vérifier si c'était bien le comité où l'on devait envoyer cette motion.

On m'a informé depuis qu'un autre sénateur souhaitait prendre la parole sur cette motion. Je lui cède donc volontiers la parole, s'il désire faire ses remarques maintenant.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais une clarification à propos de l'interprétation de la motion d'amendement. Je vais poser ma question au leader adjoint du gouvernement.

L'amendement du sénateur Finestone nous demande de renvoyer la teneur de la motion à un comité, mais si je comprends bien la proposition du sénateur Roche, la teneur de la motion est de refuser toute appréciation du développement d'un système national de défense antimissiles.

Si mon interprétation de l'amendement du sénateur Finestone est exacte, cela voudrait dire que nous allons donner instruction à un comité de prendre note de la teneur de la motion et en même temps, soit directement ou indirectement, nous nous prononçons contre le projet américain, parce que la teneur de la motion est justement à l'effet de prendre position immédiatement sur un projet dont on ne connaît aucun détail. Mon interprétation est-elle bonne? Je ne peux que poser la question au sénateur Robichaud, à moins que quelqu'un d'autre ne prenne partie au débat. Cela me préoccupe grandement, et j'aimerais savoir exactement ce que signifie la teneur de la motion et si mon interprétation est exacte.

Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, la teneur de la motion traite de ce que l'honorable sénateur vient d'exprimer, c'est-à-dire que l'on évite de participer et d'aider au développement d'un système national de défense antimissiles, ce qu'on appelle communément le NMD. Par contre, lorsqu'on parle de ce système de défense, très peu d'informations sont disponibles. On en parle de façon vague, sans pouvoir préciser l'ampleur du système ou de quelle sorte de déploiement on parle, que cela soit par mer, par air ou par terre.

En fait, l'information n'existe tout simplement pas. C'est donc pour cette raison que je verrais bien que le comité de la défense puisse aller quérir cette information afin que, lorsque cette motion reviendra du comité, nous puissions prendre une décision informée. Actuellement, nous manquons nettement d'informations.

[Traduction]

(1730)

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, si j'ai présenté ma motion d'amendement au Sénat, c'est justement parce qu'on connaît très mal ce domaine qui a d'énormes répercussions sociales, économiques, culturelles et financières pour le Canada. Nous devons étudier cette question avant de nous prononcer. Je crois avoir expliqué assez clairement que, à mon avis, nous ne devrions pas abolir les ABM, mais plutôt les appuyer.

J'espère que cela clarifie la situation. Je voudrais que la question soit renvoyée au Comité de la défense pour qu'il l'étudie. Nous ne pouvons prendre position avant d'en savoir davantage sur cette question.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je veux parler brièvement de la position actuelle du gouvernement du Canada en ce qui concerne le système NMD et, avec la permission de la Chambre, demander au Sénat que le débat soit ajourné en mon nom. Le premier ministre a dit que le Canada devrait étudier le système proposé avant de prendre officiellement position sur cette question. Cela peut paraître prudent et nous donner la possibilité d'influencer les États-Unis, qui semblent ne pas tenir compte de nos idées.

Le président Bush et son administration ont toujours dit qu'ils voulaient consulter leurs alliés avant de déployer toute forme de défense antimissile. Ces consultations ne seront pas et ne peuvent être fondées sur les détails du programme de défense antimissiles, étant donné qu'il n'y a actuellement pas de système établi. Si les Américains mettaient en oeuvre le programme envisagé par l'administration Clinton, il leur faudrait amorcer la construction d'ici la fin de 2001 pour pouvoir respecter la date cible de 2005. Ce programme devait produire des résultats limités, et le président Bush a reconnu qu'il comportait certaines faiblesses.

Il est ressorti très clairement du discours que le président Bush a prononcé le 1er mai devant la National Defence University que nos amis américains ne se soucieront guère du traité ABM s'ils décident d'aller de l'avant avec leurs plans de défense antimissiles.

Le secrétaire d'État Colin Powell espère organiser un sommet en Russie — même si ses efforts en ce sens restent vains actuellement — afin de renégocier le traité ABM. Le président Bush a dit ouvertement que le secrétaire de la Défense, Donald Rumsfeld, examine des solutions de rechange terrestres et maritimes qui pourraient contrevenir au traité ABM dans sa forme actuelle.

Honorables sénateurs, puis-je vous rappeler que le secrétaire Rumsfeld a dirigé la commission indépendante qui a produit le rapport ayant incité le président Clinton à créer un système de défense antimissiles auquel il s'était précédemment opposé? Les États-Unis étant nos voisins et nos alliés, tout système conçu par eux et mettant en jeu le développement d'une technologie antimissiles de plus en plus perfectionnée devrait nous préoccuper tous au premier chef au Canada.

Ces consultations constituent donc une occasion pour les alliés des États-Unis de faire des observations sur les ramifications politiques et sociales du système de défense antimissiles. Le secrétaire d'État Powell s'adressera à l'OTAN, tout comme le secrétaire à la Défense Rumsfeld, au début de juin. Le président Bush projette de s'adresser à l'OTAN, à Bruxelles, et à l'Union européenne à la mi-juin. Entre-temps, le gouvernement du Canada, on le comprend, n'a pas encore pris fermement position sur cette question.

Honorables sénateurs, j'espère que le gouvernement du Canada tentera, au moyen de consultations auprès de comités parlementaires, d'élaborer une position plus claire et d'obtenir des informations certainement plus claires en ce qui concerne le développement et le déploiement d'un système antimissiles par les États-Unis, quelle qu'en soit la forme.

Je voudrais ajourner le débat en mon nom.

L'honorable Douglas Roche: Je voudrais poser une question au sénateur Forrestall.

Son Honneur le Président: Le sénateur Forrestall devra accepter qu'on lui pose une question.

Le sénateur Forrestall: Sauf tout le respect que je vous dois, je préférerais ne pas répondre à des questions tant que je n'aurai pas terminé mes observations, après quoi je répondrai volontiers à des questions.

(Sur la motion du sénateur Forrestall, le débat est ajourné.)

LA DÉFENSE NATIONALE

LA QUALITÉ DE VIE DES FAMILLES MILITAIRES—INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cohen, attirant l'attention du Sénat sur la qualité de vie des familles militaires et sur la manière dont cette qualité de vie est affectée par les décisions du gouvernement et les politiques des Forces canadiennes.—(L'honorable sénateur Wilson).

L'honorable Lois M. Wilson: Honorables sénateurs, je voudrais parler de la question qu'ont soulevée les sénateurs Cohen et Pépin relativement à la qualité de vie des familles de militaires et de la manière dont celle-ci est affectée par les décisions du gouvernement et les politiques des Forces armées canadiennes. Je ne vais pas reprendre leurs propos, lesquels figurent déjà dans le compte rendu. Toutefois, j'appuie ce qu'ils ont dit et je les félicite pour leurs observations, pour les fins de votre étude. Le sujet est particulièrement pertinent puisque le Sénat compte maintenant un nouveau Comité de la défense.

L'essentiel de la question concernant la qualité de vie des familles de militaires a été résumé par le sénateur Cohen lorsqu'il a cité les propos du lieutenant-général Mike Jeffrey, qui déclarait:

Nous tentons de changer la culture d'une institution tout en protégeant les principes sur lesquels elle repose.

Dans son ouvrage intitulé: No Life Like It, qu'elle a cosigné avec Lucie Laliberté, Deborah Harrison, qui occupait alors la chaire de sociologie à l'Université Brock, y décrit la culture des Forces armées canadiennes. Elle explique les principales caractéristiques de cette culture de la façon suivante:

La formation de liens entre hommes est une caractéristique très importante de la culture militaire, car ces liens visent à faciliter la cohésion du groupe, jugée indispensable à l'efficacité au combat. Le génie de la culture militaire repose sur deux hypothèses: l'omniprésence de l'ennemi et la force ou la violence comme moyen légitime de régler des conflits. De ces hypothèses découle le principe de la préparation au combat. Les militaires devant constamment être prêts à faire le sacrifice ultime, celui de leur vie, ou du moins à risquer leur vie, la préparation au combat oblige à la dureté et à la maîtrise de la situation. Le succès au combat repose également sur l'existence d'une chaîne de commandement opérationnelle. C'est pourquoi les militaires accordent une importance considérable à la hiérarchie, aux ordres et à l'obéissance. Le code de l'honneur militaire, par exemple, oblige les militaires à révéler des secrets au sujet de leurs pairs chaque fois que leurs supérieurs le leur demandent. Dans la pratique, beaucoup de militaires préfèrent ne pas connaître les secrets de leurs pairs, afin de se protéger eux-mêmes.

Par ailleurs, l'une des caractéristiques de la vie militaire est la solidarité entre pairs. L'équipe, c'est tout. L'image parfaite est une nécessité, et les épouses de militaires apprennent très tôt à projeter une image parfaite. Le fait de ne pas entretenir cette image peut avoir des conséquences très graves. Les épouses de militaires deviennent donc par conséquent très hésitantes à divulguer des problèmes d'ordre personnel. La cohésion du groupe suppose la conformité, et ceux qui sont différents peuvent être perçus comme une menace pour la cohésion sociale, si nécessaire au combat. Un des principaux objectifs militaires est le contrôle complet, qui a pour effet de détruire la confiance de l'ennemi.

Les auteurs concluent que «l'attitude négative des militaires à l'égard des femmes est profondément enracinée dans l'obsession de l'homogénéité, les méthodes de formation en vue d'actions violentes et les traditions de camaraderie entre hommes».

Certaines des choses que je viens de citer ne vont pas de soi pour vous. Certains faits doivent être pris en compte et changés. La plupart des choses que j'ai mentionnées correspondent aux aspects de la culture de l'institution dont le lieutenant-général disait qu'ils doivent être changés.

(1740)

Voilà qui contribue cependant à exprimer les principes qui doivent être protégés si nous voulons que cette institution survive et fasse ce qu'elle est censée faire. Nous devons maintenir les deux, c'est à dire changer la culture militaire tout en préservant, si possible, les principes nécessaires à la survie de l'institution. C'est un équilibre très délicat.

En ce qui concerne la culture militaire, la principale conclusion des auteurs est que les femmes civiles qui vivent au sein de la communauté des Forces canadiennes se sentent particulièrement isolées, vulnérables et maltraitées. Le rapport de mai 2000 sur la réaction des Forces canadiennes à la violence faites aux femmes dans les Forces et à la violence familiale dans les familles militaires, auquel le sénateur Pépin a fait référence, faisait 51 recommandations pour corriger la situation. L'une des principales recommandations était que les Forces canadiennes doivent comprendre et reconnaître que la violence faite aux femmes au sein de la société canadienne et au sein des Forces canadiennes constitue un problème important et grave.

Une autre recommandation importante était que plus de ressources soient mises à la disposition des femmes ayant survécu aux mauvais traitements pour leur venir en aide ainsi qu'à leurs enfants.

Les remarques à propos des aumôniers militaires dans l'évaluation des personnes-ressources disponibles pour aider à régler ces problèmes ont particulièrement retenu mon attention. Les aumôniers sont tenus de promouvoir le bien-être des familles des membres des Forces canadiennes, mais ils n'ont aucun mandat en ce qui concerne les anciennes conjointes de membres des Forces canadiennes. La priorité est de servir les membres des Forces canadiennes et non pas leur famille. Toutefois, le rôle de l'aumônier en cas de violence familiale est souvent plus crucial que celui du travailleur social, étant donné que l'aumônier est de permanence 24 heures sur 24 et qu'il a accès à tous les niveaux de la chaîne de commandement.

Quand une survivante d'abus cherche refuge dans un foyer pour femmes battues, c'est souvent par l'aumônier et non pas la chaîne de commandement que le personnel du foyer contacte la base pour prendre des arrangements afin que la femme en question puisse passer prendre ses affaires personnelles ou voir ses enfants.

La présence d'aumôniers militaires dans ces fonctions pose deux problèmes. Premièrement, ce sont des militaires qui sont portés à penser comme des militaires. Ils ont un grade, ils portent un uniforme, ils reçoivent une formation de base et sont envoyés dans des missions à l'étranger. Ils connaissent aussi les répercussions sur la carrière des militaires étiquetés comme des agresseurs de femmes. Par conséquent, certains d'entre eux conseillent aux réchappées de ne pas signaler à leurs officiers hiérarchiques les mauvais traitements qui leur ont été infligés, ou encore de retirer les accusations ou de tenir compte du travail stressant qu'accomplit leur partenaire.

Deuxièmement, la plupart des aumôniers n'ont pas reçu de formation sur la dynamique des agressions commises contre des femmes, soit dans les Forces canadiennes ou à l'école de théologie. Bon nombre de superviseurs des Forces canadiennes et de réchappées croient à tort qu'ils ont été formés pour faire face à de telles situations, si bien qu'on a tendance à leur confier des cas qu'ils ne peuvent pas et ne devraient pas traiter. Les aumôniers qui ne connaissent pas la dynamique des agressions commises contre des femmes risquent de faire des erreurs pouvant avoir des conséquences terribles pour les réchappées.

Bien sûr, quelques réchappées ont eu de la chance dans leurs démarches auprès d'aumôniers militaires. Mais il semble qu'elles doivent leur bonne fortune en grande partie aux qualités personnelles de ces personnes. Au nombre des 51 recommandations qui ont été faites, quelques-unes traitent de l'importance d'une formation sur la reconnaissance des sévices dont les femmes sont victimes, la dynamique des sexes et les ressources militaires accessibles aux réchappées, à l'intention du personnel travaillant dans le domaine des services humains.

J'espère que d'autres sénateurs participeront à cette interpellation. Il est important que nous exprimions des idées pour aider à changer la culture de l'institution tout en protégeant les principes constituant les fondements de celle-ci.

(Sur la motion du sénateur DeWare, le débat est ajourné.)

LE SÉNAT

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE—L'ÉLECTION DE SÉNATEURS—INTERPELLATION

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carney, attirant l'attention du Sénat sur l'opportunité d'élire au Sénat canadien des représentants de la Colombie-Britannique.—(L'honorable sénateur Milne).

Son Honneur le Président: Je dois aviser les honorables sénateurs que, conformément à l'article 35 du Règlement, si le sénateur Carney prend maintenant la parole, son discours aura pour effet de mettre fin au débat sur cette question.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, j'ai consulté madame le sénateur Milne, qui souhaitait prendre la parole sur le sujet, et elle a décidé de n'en rien faire.

Je prendrai trois minutes du temps des honorables sénateurs pour lire une réponse que l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique, M. Ujjal Dosanjh, m'a fait parvenir lorsque je lui ai suggéré que la Colombie-Britannique présente de nouveau la loi concernant le choix des sénateurs, étant donné que le départ à la retraite du sénateur Perrault offrait cette possibilité. Étant donné que cette suggestion a soulevé de l'intérêt, je désire lire sa réponse.

Je crois fermement que les Britanno-Colombiens désirent une meilleure représentation au sein d'un Sénat réformé. Je conviens également que le sentiment d'aliénation que ressentent souvent les Britanno-Colombiens à l'endroit du gouvernement fédéral pourrait être atténué si nous pouvions intervenir de façon plus vigoureuse dans les affaires de la nation. Cela étant dit, je ne suis pas d'avis que la tenue d'élections pour combler les postes vacants en Colombie-Britannique contribuerait à régler les problèmes fondamentaux avec lesquels le Sénat est aux prises. De fait, l'élection de sénateurs à ce moment-ci pourrait saper les efforts consentis en vue d'aboutir aux changements fondamentaux qui pressent beaucoup, comme la redistribution des sièges afin d'offrir une représentation plus équitable à la Colombie-Britannique.

Comme vous le savez, une réforme fondamentale du Sénat exigerait un amendement constitutionnel et, par la suite, un référendum provincial. La Colombie-Britannique n'est pas opposée à une réforme du Sénat à l'heure actuelle, mais entamer des discussions constitutionnelle ne fait pas partie de ses priorités. Nos priorités sont toujours de protéger les soins de santé et de veiller à ce que les Britanno-Colombiens aient accès à une éducation de haute qualité à prix raisonnable.

Je vous félicite de nous avoir très généreusement offert de libérer votre siège afin de stimuler le changement. La dévotion dont vous faites preuve dans la cause visant à améliorer la représentation de la Colombie-Britannique et de l'Ouest à Ottawa est fort louable. J'espère que nous aurons l'occasion de travailler ensemble dans l'avenir afin d'apporter au Sénat les réformes fondamentales qui s'imposent vraiment.

Je vous remercie de nouveau de m'avoir écrit au sujet de cet important dossier.

Honorables sénateurs, ceci met fin selon moi au débat sur cette question.

Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne désire prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

LE PATRIMOINE ASIATIQUE

MOTION VISANT À DÉSIGNER LE MOIS DE MAI MOIS DE LA RECONNAISSANCE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Vivienne Poy, conformément à l'avis du 15 mai 2001, propose:

Que le mois de mai soit désigné Mois du patrimoine asiatique, étant donné l'importante contribution des Canadiens d'origine asiatique à la fondation, à la croissance et au développement du Canada, la diversité de la communauté asiatique et la valeur de celle-ci pour le Canada.

— Honorables sénateurs, le 5 mai 2001, j'ai assisté à une conférence donnée à Calgary pour lancer le Mois du patrimoine asiatique. Cette année, pour la première fois, Calgary s'est jointe à Toronto, Vancouver, Montréal, Edmonton et Halifax pour célébrer les réalisations importantes des Canadiens d'ascendance asiatique. D'un bout à l'autre du Canada ont été organisées des projections, des conférences, des expositions d'arts visuels, des pièces de théâtre et autres festivités communautaires auxquelles les Canadiens d'origine asiatique et autres ont été conviés.

Même si d'autres villes canadiennes organisent des manifestations pour célébrer le patrimoine asiatique, la Colombie-Britannique est la seule province à avoir officiellement déclaré le mois de mai Mois du patrimoine asiatique. Elle en a pris l'initiative en 1996 et l'a depuis répétée annuellement.

En 2000, à l'occasion de la quatrième édition de cette manifestation, le premier ministre Dosanjh et la ministre du Multiculturalisme et de l'Immigration, Mme Sue Hammel, ont rappelé l'importance de la présence asiatique en Colombie-Britannique, hier comme aujourd'hui.

(1750)

Mme Hammel a déclaré:

La communauté asiatique apporte beaucoup à notre province. Elle est des nôtres depuis plus d'un siècle et ses pionniers nous ont laissé un héritage impressionnant. Les générations qui se sont succédé ont continué de jouer un rôle de premier plan dans les sphères économique, sociale, culturelle et politique de la Colombie-Britannique.

La désignation officielle du Mois du patrimoine asiatique en Colombie-Britannique a contribué à susciter l'enthousiasme de la population pour les festivités qui sont organisées pendant ce mois.

Aux États-Unis, la reconnaissance officielle de la contribution amérasienne remonte à plus d'une vingtaine d'années, c'est-à-dire en 1979, quand le président Jimmy Carter a désigné la semaine du 4 au 10 mai Semaine du patrimoine des Américains originaires de la région Asie-Pacifique. Par la suite, le président George Bush en a fait une célébration d'un mois. Le Mois du patrimoine des Américains originaires de la région Asie-Pacifique a été proclamé en octobre 1992. Par suite de cette reconnaissance officielle par la Maison-Blanche, des manifestations ont été organisées d'un bout à l'autre du pays pendant le mois de mai.

La contribution des personnes d'origine asiatique aux États-Unis et au Canada présente des similarités. Les pionniers asiatiques, en particulier les Chinois, ont joué un rôle important dans la construction du chemin de fer dans les deux pays, contribuant ainsi à l'unification de chacun de ces deux pays, tant physiquement que symboliquement. Entre 1881 et 1885, un grand nombre d'entre eux ont donné leur vie pour que soit réalisé ce que Pierre Berton a appelé le «rêve national». Il n'est pas exagéré de dire que sans le CPR, il est probable que le Canada n'existerait pas sous sa forme actuelle car c'est le chemin de fer qui a relié l'Ouest à l'Est, permettant que se réalise l'union structurelle et politique du pays.

Les Asiatiques sont venus s'installer au Canada il y a plus d'un siècle. Comme tous les autres immigrants, ils y sont venus en quête d'une vie meilleure. Bien qu'étant au début exploités parce qu'ils constituaient une main d'oeuvre bon marché, les Asiatiques ont fondé des localités florissantes au fur et à mesure que leurs entreprises prenaient de l'expansion. Tout comme les pionniers français et anglais, les Asiatiques ont contribué de leurs propres mains à l'édification de notre pays, travaillant dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles.

Les Japonais étaient des pêcheurs accomplis. Les Chinois étaient employés dans les mines, l'exploitation forestière et les conserveries. Au début, les immigrants originaires de l'Asie du sud travaillaient sur les chantiers de scierie et certains possédaient même leur propre entreprise de scierie. Toutefois, leur caractère industrieux n'a pas toujours été apprécié dans le passé et, comme nous le savons tous, on a à plusieurs reprises tenté de limiter l'immigration des Asiatiques et de restreindre les droits et les libertés des Canadiens d'origine asiatique.

Après que les États-Unis eurent adopté, en 1992, une loi instituant le mois du patrimoine des Américains originaires de l'Asie et du Pacifique, près de 8 millions de citoyens américains sur un total de 250 millions ont pu retracer leurs racines à la région de l'Asie et du Pacifique. En comparaison, en 1996, près de 2 millions de Canadiens, soit près de 7 p. 100 de la population, se sont déclarés d'origine asiatique.

En outre, le pourcentage de Canadiens d'origine asiatique a augmenté au cours des cinq dernières années et l'Asie est devenue la source la plus importante d'immigrants venant s'installer au Canada. Personne ne sera surpris d'apprendre que la langue qui est la plus parlée après l'anglais et le français est le chinois, suivie de près par plusieurs langues asiatiques dont le vietnamien, le tagalog, le punjabi et le tamoul. Le taux de natalité étant en baisse au Canada, l'augmentation de la population depuis le dernier recensement sera due en grande partie à l'arrivée d'Asiatiques. En fait, selon un récent rapport, le pourcentage d'Asiatiques sur la côte ouest est d'environ 18 p. 100, ce qui explique que, lors des dernières élections provinciales en Colombie-Britannique, des Asiatiques d'origine indienne, philippine et chinoise se sont présentés comme candidats pour des partis représentant l'ensemble du spectre politique, allant de la gauche à la droite. À l'avenir, les Asiatiques continueront à jouer un rôle de plus en plus important dans l'évolution de la société canadienne.

Depuis la dernière décennie, on reconnaît de plus en plus l'importance de la communauté Asie-Pacifique en matière de commerce international. Notre gouvernement a accordé une attention particulière à cette tendance en se concentrant sur l'établissement de liens avec cette région. Un des principaux avantages dont dispose le Canada dans l'établissement de liens culturels, politiques et économiques plus étroits avec la région, c'est sa population d'origine asiatique.

En tant que Canadiens, nous sommes fiers de la diversité de notre pays et de la tolérance et du respect que nous manifestons à l'égard des différences que nous considérons comme notre plus grande force. Nous avons même consacré ces principes dans la Loi sur le multiculturalisme de 1988. Néanmoins, nous avons mis beaucoup de temps à reconnaître la contribution passée et présente de nos communautés culturelles aux échelons national et institutionnel. Il nous a fallu beaucoup plus de temps pour réagir que les États-Unis qui se considèrent comme un creuset d'ethnies, mais qui, avant nous, ont créé chez eux des programmes universitaires Asie-Amérique.

L'influence des Asiatiques sur notre culture collective est évidente lorsque nous examinons la situation actuelle de la littérature canadienne. La voix du Canada, telle que reflétée dans le monde, s'avère de plus en plus multiculturelle. De nombreux écrivains d'origine asiatique ont remporté des prix littéraires, à l'échelle nationale et internationale, notamment Paul Yee, Michael Ondaatje, Anita Rau Badami, Shauna Singh Baldwin, Wayson Choy et Rohinton Mistry. Le roman Obasan de Joy Kogawa a changé pour toujours la façon de percevoir notre passé et peut avoir influencé la réparation de 1988 à l'égard des Sino-Canadiens. La lecture de cet ouvrage est maintenant obligatoire dans de nombreux cours au Canada et aux États-Unis. Ces écrivains redessinent notre conception de la nationalité canadienne.

Le Canada tire avantage de la diversité de ces nouvelles voix. À l'échelle nationale, notre culture mûrit au fur et à mesure que nous reconnaissons et intégrons de nouvelles perspectives de notre passé, de notre présent et de notre avenir dans notre histoire collective. À l'échelle internationale, on reconnaît le dynamisme de notre style littéraire, caractérisé par le chevauchement de plusieurs cultures qui évoluent dans le temps et l'espace.

Par le truchement de notre littérature, nous indiquons au monde entier que notre expérience multiculturelle est une réussite. Loin de là l'idée que les contributions asiatiques se limitent à la littérature. Des Canadiens tels que le docteur Lap-Chee Tsui, de Toronto, l'un des plus grands intervenants dans le cadre du projet international de séquençage du génome humain, et le généticien David Susuki, de Vancouver, qui s'occupe de l'une des émissions les plus populaires sur l'environnement, ont acquis une renommée internationale pour leur apport à la science. Norman Kwong, de Calgary, a obtenu l'Ordre du Canada pour la contribution qu'il a apportée au football et a été intronisé à trois temples de la renommée des sports. Au plan financier, les Asiatiques ont influencé le milieu des affaires canadien par leur sens de l'innovation et leur esprit d'entreprise.

Honorables sénateurs, bien que les effets de cette motion soient grandement symboliques, j'estime que de tels symboles sont nécessaires, car ils montrent l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des communautés culturelles, tant au plan politique que pratique.

Comme ce fut le cas en Colombie-Britannique et aux États-Unis, où l'on souligne depuis longtemps le Mois du patrimoine asiatique, cette motion servirait de point de ralliement autour des activités susceptibles d'être organisées d'un bout à l'autre du pays. Plus important encore, elle permettrait de reconnaître publiquement les contributions des Canadiens d'origine asiatique au développement économique, social et culturel du Canada en tant que nation.

Honorables sénateurs, je crois qu'il est temps que nous reconnaissions le Mois du patrimoine asiatique. J'espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer cette motion.

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je suis fière d'appuyer la motion du sénateur Poy à l'effet que le mois de mai soit reconnu comme étant le Mois du patrimoine asiatique.

Son Honneur le Président: Sénateur Carney, avant que vous poursuiviez, je signale qu'il est 18 heures. Est-ce d'accord pour que l'on oublie l'heure qu'il est?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, je livrerai une version abrégée de mon discours, puisque le sénateur Poy et moi-même couvrons à peu près le même sujet. Je remercie les honorables sénateurs de me laisser en parler.

La Colombie-Britannique est la seule province à avoir désigné officiellement le mois de mai comme étant le Mois du patrimoine asiatique. Vancouver se joint à plus de 30 autres villes nord-américaines qui célèbrent le Mois du patrimoine asiatique. Environ 34 p. 100 de la population de la région du Grand Vancouver est de descendance asiatique.

Au cours de ce mois, des artistes chinois, philippins, autochtones, hawaïens, indiens, japonais, coréens, polynésiens et vietnamiens ont fait état de la diversité artistique et culturelle asiatique à Vancouver, dans le cadre de plus de 120 événements animés par 40 groupes, compagnies, ensembles et organisations sur le thème de cultures qui se croisent et vivent ensemble.

(1800)

Cette année, les célébrations sont axées sur les activités transculturelles. Tout comme jadis les Chinois cultivaient le riz au Mexique et les Hawaïens travaillaient avec les Autochtones dans le cadre de relations peu connues quoique bicentenaires, le Mois du patrimoine asiatique se concentrera sur les dimensions transculturelles d'oeuvres contemporaines. Parmi les activités, il y aura des dégustations de thés, des arts martiaux, de la calligraphie et de la peinture chinoise, des documents, du théâtre, de la musique, de la danse et des créations orales.

Le sénateur Poy a un peu rappelé l'histoire des Canadiens d'origine asiatique qui vivent en Colombie-Britannique. Bien sûr, les premiers Asiatiques qui se sont installés en Colombie-Britannique étaient des Chinois arrivés au milieu du XIXe siècle.

L'honorable Peter A. Stollery: J'invoque le Règlement, honorables sénateurs, car il est 18 heures.

Son Honneur le Président: Vous avez parfaitement raison, sénateur Stollery. J'ai peut-être créé de la confusion en demandant si les sénateurs acceptaient de ne pas voir l'heure et nous avons convenu que nous ne le ferions pas.

Le sénateur Stollery: Il est l'heure de lever la séance, Votre Honneur.

Son Honneur le Président: Voilà qui est intéressant, mais j'estime que, le Sénat ayant permis à l'unanimité qu'on continue, cette décision a l'effet d'une règle du Sénat et nous sommes en droit de poursuivre sans tenir compte de l'heure. La permission de poursuivre a été donnée sans condition précédemment.

Le sénateur Carney: Je mentionnais le fait que les Canadiens d'origine asiatique sont arrivés en Colombie-Britannique au milieu des années 1800. Vinrent d'abord s'établir des Chinois, à l'époque de la ruée vers l'or, puis des Japonais vers les années 1870 et des Sud-Asiatiques au début du XXe siècle. Le sénateur Poy a parlé de certaines de leurs contributions.

Je tiens à préciser à mes collègues que, quand on parle du Mois du patrimoine asiatique, il est question de l'image actuelle de Vancouver. J'ai fait état de la présence de Canadiens d'origine asiatique dans le paysage urbain. Les langues asiatiques sont présentes sur les campus étudiants. On voit des visages aux traits asiatiques dans les banques et les magasins. Il y a des signalisations en langue asiatique au coin des rues et dans les aéroports. Des foules se pressent au Jardin Dr. Sun Yat Sen, le seul jardin Ming authentique à l'extérieur de la Chine, et le seul construit au cours des 400 dernières années. On note la présence de temples bouddhistes à Delta et de temples indo-canadiens à Surrey. Les Canadiens d'origine asiatique ont des centres commerciaux à Richmond, et aussi Japan Town et les populaires courses de bateaux dragons. Il y a aussi l'organisme social SUCCESS, qui travaille tellement fort auprès des immigrants.

Les Canadiens d'origine asiatique sont très présents dans la vie de tous les jours à Vancouver. Le Canada et la ville de Vancouver profiteront de la capacité d'adaptation, de l'énergie et des capacités intellectuelles de bon nombre de nos Canadiens d'origine asiatique. C'est le Mois du patrimoine asiatique, mais j'aime à penser que chaque jour est le Jour du patrimoine asiatique au Canada.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Finestone, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 30 mai 2001, à 13 h 30.)


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