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Debates of the Senate (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 58

Le mercredi 11 mai 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

 

LE SÉNAT

Le mercredi 11 mai 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de 12 sous-ministres du gouvernement de la République de Géorgie, dirigés par M. Levan, gamgebeli, directeur du Secrétariat du chef de l'Administration, Administration de la présidence de la Géorgie. Ils sont les invités du sénateur Grafstein et ils sont venus pour une tournée d'étude auprès des sous-ministres et des ministères du gouvernement du Canada.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


DÉCLARATION DE SÉNATEURS

LA RÉPUBLIQUE DE GÉORGIE

LA VISITE D'UNE DÉLÉGATION DE FONCTIONNAIRES

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, je suis heureux d'accueillir aujourd'hui à la Chambre les administrateurs généraux de tous les ministères de la République de Géorgie, le chef de la fonction publique et le chef de l'Administration de la présidence. Je leur souhaite la bienvenue au Canada.

Il s'agit d'une visite tout à fait exceptionnelle. Les membres de la délégation effectuent une visite de travail de cinq jours, durant laquelle ils vont se renseigner de leur mieux auprès de nos sous-ministres et de nos ministères sur les rouages de la fonction publique dans une démocratie.

Je me suis rendu pour la première fois en Géorgie il y a 10 ans pour y parler au Parlement des droits de la personne. Dix ans plus tard, je suis à la fois surpris et ravi que cette république se soit donné un gouvernement démocratiquement élu, représenté par une nouvelle fonction publique attachée à la démocratie et à la croissance économique. J'espère que nous instaurerons avec notre république sœur de Géorgie des relations étroites et florissantes dans le domaine de l'économie et de la démocratie.

Honorables sénateurs, je rends un hommage particulier au Bureau canadien de l'éducation internationale et à la Georgian Foundation for Strategic and International Studies, deux organisations non gouvernementales qui fournissent aide et conseil à nos collègues de Géorgie durant leur visite au Canada.

Bienvenue au Canada. Bienvenue au Sénat. Bienvenue à la démocratie.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'une délégation parlementaire du Koweït, dirigée par M. Basel Saad Al Rashed, député et chef de la délégation, qui comprend en outre MM. Abdullah Youssef Al Roumi, Adel Abdelazziz Al Sarawi et Ali Fahed Al Rashed. Ils sont accompagnés par Son Excellence Musaed Rashed Al Haroun, ambassadeur du Koweït au Canada. Ils sont les invités du sénateur Marcel Prud'homme.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

[Français]

LE DÉCÈS DE MME JEANNE-MANCE CHARLISH

L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de l'approche de la Journée nationale des Autochtones pour rendre hommage à une grande dame, Jeanne-Mance Charlish.

Mme Charlish est décédée en octobre 2004. Elle s'est battue pour la préservation du mode de vie autochtone. Les personnes qui l'ont connue ont témoigné de l'héritage culturel qu'elle a laissé. Elle vivait la vie des Innus et savait tout ce qu'il fallait savoir pour vivre cette vie. Mme Charlish était spécialiste en linguistique autochtone. Elle était traductrice émérite de plusieurs langues dont l'algonquin, le navajo et d'autres langues que je ne saurais prononcer correctement.

(1340)

Dans un communiqué émis par la Coalition Ukauimau aimu, qui veut dire « les mères de famille parlent », on peut lire qu'elle a aidé de nombreuses personnes de toutes les origines à se familiariser avec sa langue, avec ses mots et leur vrai sens.

Elle a collaboré avec des anthropologues du monde entier. C'était une poète, une conteuse, une artiste, toujours inspirée par le creux de la forêt profonde dans le territoire des Innus.

Dynamique et volontaire, Mme Charlish s'est principalement consacrée au maintien et à la revitalisation de la langue. Maintenir la vitalité d'une langue, c'est maintenir la fierté d'une communauté et c'est aussi la renforcer. C'est augmenter ses chances d'être fort et ainsi de contribuer par des échanges au développement des autres communautés.

Une langue différente, ce n'est pas une barrière, c'est une opportunité de s'enrichir de la culture de l'autre. Les mots, les concepts et les expressions d'une langue ont une âme propre. Ici même, dans cette Chambre, il faut que les sénateurs autochtones puissent délibérer d'égal à égal avec francophones et les anglophones.

Mme Charlish a toujours travaillé pour préserver sa culture. Elle disait que le mot « négociation » aurait dû exister en 1534.

L'hommage que je veux lui rendre aujourd'hui ne lui aurait pas plu si elle était encore vivante. Elle était humble et ne voulait jamais être honorée.

Évoquer sa vie aujourd'hui, c'est aussi se demander ce que pour chacun de nous, les mots « langue », « culture » et « peuple » veulent dire, et faire en sorte que nos différences ne soient pas des murs qui nous isolent, mais des ponts qui permettent des rapprochements dans le respect de chacun.

LA SASKATCHEWAN

LES CÉLÉBRATIONS DU CENTENAIRE

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le 19 mai prochain, Sa Majesté la reine Élizabeth II et le prince Philip visiteront l'Université de la Saskatchewan.

[Traduction]

Au cours de sa visite en Saskatchewan à l'occasion du centenaire de la province, le couple royal se rendra au Centre canadien de rayonnement synchrotron situé sur le campus de l'Université de la Saskatchewan et prendra part à une réception organisée par le président de l'Université, M. Peter MacKinnon. Il visitera également une école et assistera au gala du centenaire donné par la lieutenante-gouverneure, Lynda Haverstock.

J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs quelques faits saillants de notre histoire d'avant 1905, du point de vue des Premières nations. En 1871, quatre ans après la création du Dominion du Canada, le gouvernement canadien négocia la première d'une série de 11 traités numérotés dans l'Ouest. L'Université de la Saskatchewan, à Saskatoon, se trouve dans la zone visée par le traité no 6, signé en 1876. La Loi sur les Indiens, qui date également de 1876, définit ce qu'est un Indien.

Honorables sénateurs, je suis de la Première nation de Gordon de la Saskatchewan. Ma réserve se situe dans le territoire visé par le traité no 4, signé en 1874. Ma mère, Eva McNab, fut placée dans des pensionnats, où on lui apprit à avoir honte de sa culture. En fait, on lui apprit à avoir honte d'elle-même.

Sur son certificat de mariage, au lieu d'indiquer qu'elle était Indienne, elle marqua « Écossaise ». C'était vrai, dans une certaine mesure, puisque qu'elle avait effectivement un grand-père écossais, qui fut marchand de fourrures à la fin du XIXe siècle.

Moi aussi, j'ai eu honte de mes origines. Je me suis dite Chinoise jusqu'en 1981, lorsque j'ai obtenu mon doctorat. Avec ce diplôme, ai-je pensé, personne ne pouvait plus me regarder de haut.

Mon père, Yok Leen Quan, était Chinois. Immigré au Canada en 1912, il dut payer la taxe d'entrée. Il avait une femme et des enfants en Chine et au Canada. On nous a dit qu'il n'avait pu obtenir la citoyenneté canadienne qu'en 1956, soit 44 ans après son arrivée, parce qu'il avait refusé de renier sa famille chinoise, particulièrement son premier né.

N'ayant pas épousé un Indien, ma mère se vit retirer automatiquement ses droits, c'est-à-dire qu'elle ne fut plus considérée comme Indienne au sens de la Loi sur les Indiens.

Jusqu'à l'adoption du projet de loi C-31 en 1985, je n'avais pas pu bénéficier du statut d'Indienne inscrite ni des droits issus des traités. Bien que ce projet de loi m'ait permis de recouvrer ce statut, ce n'est pas le cas de mon fils. Seule la première génération d'enfants issus de femmes qui, comme ma mère, avaient perdu leur statut peuvent le recouvrer. Il va sans dire que le projet de loi C-31 continue de défavoriser les familles de femmes qui ont perdu leur statut en s'unissant à des non-Indiens.

[Français]

Honorables sénateurs, en célébrant le centenaire de la province de la Saskatchewan...

[Traduction]

...rappelons que les Premières nations de la Saskatchewan, en concluant des traités, ont permis à la Saskatchewan d'être colonisée et d'accueillir des peuples ne faisant pas partie des Premières nations. Rappelons également que le principe de l'égalité des sexes pour les femmes des Premières nations n'est pas encore reconnu par la loi canadienne.

[Français]

LA REGRETTÉE HONORABLE LOIS E. HOLE, O.C.

PRIX DÉCERNÉ À TITRE POSTHUME

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, le 5 mai dernier, j'ai eu le privilège et l'honneur d'assister, à Toronto, à la soirée de reconnaissance organisée par The Learning Partership, un organisme à but non lucratif voué à l'avancement de l'éducation publique au Canada. Au cours de la cérémonie, un prix a été décerné à la regrettée Lois Hole, ancienne lieutenante-gouverneure de l'Alberta, qui nous a quittés en janvier.

J'ai eu le bonheur d'avoir bien connu Mme Hole et le privilège de recevoir cette distinction au nom de sa famille m'est revenu.

À travers cet hommage posthume, les éducateurs du Canada ont voulu magnifier la contribution de Mme Hole à l'éducation à travers le pays. Elle-même conseillère scolaire pendant une vingtaine d'années, puis chancelière de l'Université de l'Alberta, Lois Hole fut une alliée infatigable de l'éducation publique. La promotion de l'alphabétisation était prioritaire pour elle, car elle croyait qu'il n'était jamais trop tard pour apprendre.

Son engagement s'étendait également avec la même ferveur à la défense des enfants, des soins publics de santé et des plus démunis de notre société. De plus, elle était très active dans la protection de l'environnement et de la culture.

La foi de Mme Hole dans les avantages du bilinguisme était sans faille. Elle a été en ce sens un appui de taille aux programmes d'immersion française à l'action de Canadian Parents for French ainsi qu'à l'oeuvre de la Faculté Saint-Jean.

[Traduction]

En acceptant le prix au nom de Son Honneur la regrettée Lois Hole, j'ai été frappé une fois de plus par l'engagement et le dévouement avec lesquels cette femme exceptionnelle embrassait la cause de l'éducation. Elle était aimée de tous les Albertains, quelle que soit leur classe sociale, leur race, leur religion ou leur idéologie. Qu'ils viennent d'enseignants, de bibliothécaires, de gens d'affaires ou de journalistes, les témoignages concordent : la lieutenante- gouverneure était absolument convaincue de la valeur intrinsèque du savoir et du pouvoir de transformation de l'éducation, tant sur la vie des individus que sur la société.

Championne infatigable de l'alphabétisation, elle a donné son temps sans compter dans les rapports qu'elle entretenait partout dans la province avec les enfants dans les écoles et les bibliothèques, même à titre de lieutenante-gouverneure. Les sourires et les étreintes de Son Honneur ont donné espoir et encouragement à des milliers d'élèves albertains, allant du lecteur hésitant de 6e année à l'étudiant universitaire sur le point d'être diplômé.

Honorables sénateurs, je termine en vous laissant ces paroles qu'a prononcées Son Honneur elle-même :

Le coeur et l'âme de l'Alberta ne résident ni dans la richesse de ses terres agricoles, ni dans la majesté de ses Rocheuses, ni dans la valeur de ses champs pétrolifères, ni dans la vitalité de ses villes. Aussi importantes et impressionnantes que soient ces caractéristiques, c'est pourtant dans notre population que résident ce cœur et cette âme.

Honorables sénateurs, on ne peut trouver meilleur exemple du cœur et de l'âme de l'Alberta que dans la vie de la regrettée honorable Lois E. Hole.

[Français]

C'est ma première déclaration dans cette Chambre. Je suis très heureuse de l'avoir consacrée à dire ma reconnaissance et mon respect à cette grande dame avec qui j'ai en commun mon attachement à l'éducation et à l'Alberta. À l'instar de plusieurs Albertains, Lois Hole continuera d'être pour moi une source d'inspiration inépuisable.

(1350)

[Traduction]

M. STEVE NASH

FÉLICITATIONS POUR SON TITRE DE JOUEUR LE PLUS UTILE DE LA NATIONAL BASKETBALL ASSOCIATION

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage au joueur de basket- ball qui est devenu le premier Canadien de l'histoire de la National Basketball Association à remporter le titre de joueur le plus utile de la NBA. Meneur de la NBA pour le nombre d'aides fournies cette saison, Steve Nash est le premier de cette catégorie à être nommé le joueur le plus utile depuis que Magic Johnson a remporté ce titre en 1987.

Lorsqu'il a accepté le trophée, M. Nash a mis de côté ses réalisations personnelles et il a invité ses coéquipiers du Sun de Phoenix, avec lesquels il a établi un record de 62 victoires à l'échelle de la ligue, à venir le rejoindre sur l'estrade. Pareil geste est ni plus ni moins typiquement canadien. Les honorables sénateurs savent que cet honneur se faisait attendre depuis longtemps, non seulement en raison du jeu exceptionnel de Steve Nash, mais aussi parce que le basket-ball a été inventé par un Canadien, James Naismith, de la charmante localité d'Almonte, en Ontario. M. Naismith serait certainement fier de son compatriote, comme nous le sommes tous d'ailleurs.

Honorables sénateurs, je suis heureuse de vous annoncer que M. Nash et moi avons certaines choses en commun. La première et la plus évidente, c'est que nous venons tous les deux de la magnifique province de la Colombie-Britannique. M. Nash continue d'appuyer de nombreux programmes communautaires de basket-ball dans sa ville, espérant inciter les jeunes Canadiens à remporter, comme lui, les plus grands honneurs dans le domaine du basket-ball. Deuxièmement, nous sommes tous les deux Afro-Canadiens, M. Nash étant arrivé d'Afrique du Sud à l'âge de quatre ans, alors que, j'étais un peu plus âgée lorsque je suis arrivée d'Ouganda.

Honorables sénateurs, j'espère que vous vous joindrez à moi pour féliciter un Canadien exceptionnel et un athlète britanno-colombien hors du commun et pour lui souhaiter la meilleure des chances lorsque, en compagnie de ses coéquipiers de Phoenix, il affrontera son ancienne équipe, les Mavericks de Dallas, lors des éliminatoires de la NBA.

LA FONDATION COMMÉMORATIVE DU GÉNIE CANADIEN

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, le vendredi 13 mai, la Fondation commémorative du génie canadien décernera des bourses d'études lors d'un déjeuner de l'assemblée annuelle du Conseil canadien des ingénieurs à Regina, en Saskatchewan. La FCGC veut que le Canada soit un pays où le génie répond aux besoins et aux défis de la population tout entière en mettant en œuvre les compétences et les talents des Canadiens, homes et femmes. Elle est déterminée à attirer davantage de femmes vers la profession d'ingénieur afin qu'elles puissent y contribuer d'une manière véritablement inclusive. Tel que noté dans le dernier rapport du Conseil canadien des ingénieurs sur les inscriptions universitaires, en 2001, les femmes représentaient 57 p. 100 du total des inscriptions aux programmes d'études du premier cycle au Canada. En comparaison, elles ne représentaient qu'un peu moins de 20 p. 100 des étudiants inscrits aux programmes de génie.

La FCGC s'emploie à encourager les femmes à s'engager dans le domaine des sciences appliquées. Ce faisant, elle rend hommage à la mémoire des 14 femmes de l'École Polytechnique de Montréal, dont les vies ont été abruptement écourtées le 6 décembre 1989. Chaque année, la FCGC remet des bourses d'études aux femmes qui se sont distinguées dans les études en génie afin de les aider et de souligner leurs réalisations. Chaque année, des jeunes remarquables, les leaders du Canada de demain, présentent des demandes de bourse et seuls les meilleurs d'entre eux sont choisis. La Fondation obtient son financement des entreprises et de milliers de particuliers de partout au Canada qui souscrivent à sa mission. Le Conseil canadien des ingénieurs est un partenaire clé de la FCGC; il s'agit du regroupement national des organisations provinciales et territoriales d'accréditation des 160 000 ingénieurs du Canada.

J'invite les honorables sénateurs à se joindre à moi pour féliciter les boursiers de la FCGC de cette année. Je tiens à féliciter la Fondation d'avoir investi dans l'éducation des jeunes femmes canadiennes, de leur avoir appris la valeur de la profession d'ingénieur et de faire la promotion du génie comme choix de carrière pour tous les jeunes Canadiens, hommes et femmes.


AFFAIRES COURANTES

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

DÉPÔT DU TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, concernant le code sur les conflits d'intérêts pour les sénateurs.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Smith, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE PARLEMENT

LA CORRUPTION AU SEIN DU GOUVERNEMENT

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Andrew Stark, professeur de sciences de la gestion et de sciences politiques à l'Université de Toronto, voit dans le scandale des commandites « un effondrement total de toutes les limites morales, juridiques et institutionnelles qu'on est censé respecter. C'est pratiquement le scandale par excellence ».

Honorables sénateurs, nous ne savons que trop bien que la corruption libérale ne se limite pas au fiasco des commandites. Les dix dernières années ont été particulièrement mauvaises sur le plan des scandales dans ce pays. Voici quelques faits saillants : le cafouillis à DRHC, où un milliard de dollars de subventions et de contributions ont été dilapidés; l'enquête sur la Somalie, à laquelle on a mis un terme parce qu'elle prenait trop de temps; le Shawinigate et les questions au sujet de la participation de Jean Chrétien à la vente de deux propriétés dans sa circonscription. À trois occasions distinctes, l'ancien premier ministre a communiqué avec la Banque de développement du Canada au sujet de l'octroi d'un prêt de deux millions de dollars à Yvon Duhaime, le nouveau propriétaire de l'Auberge Grand-Mère, pour l'agrandissement de l'hôtel; la fiducie sans droit de regard de Paul Martin, qui n'était pas vraiment sans droit de regard, puisqu'il a rencontré à 33 reprises le conseiller en éthique; l'enquête inspirée par une motivation politique dans l'affaire Airbus, qui a coûté 6,4 millions de dollars et n'a rien permis de découvrir; le programme d'enregistrement des armes à feu de deux milliards de dollars.

Voici ma question : quand le leader du gouvernement va-t-il nous dire pourquoi le gouvernement actuel a soumis les Canadiens au cours des 11 dernières années à une telle corruption, qui a atteint son point culminant avec « le scandale par excellence » aujourd'hui?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, ce n'est pas une question, mais en fait un discours politique par le sénateur Stratton. Pour commencer, le professeur Andrew Stark a été un collaborateur politique de l'ancien Parti progressiste-conservateur et il continue de formuler, selon moi, des déclarations partisanes. D'un point de vue objectif, je ne crois pas qu'on puisse se fier à ses déclarations.

Honorables sénateurs, je m'abstiendrai d'énumérer tous les actes de corruption survenus sous l'administration Mulroney; je ne parlerai pas des ministres qui ont été accusés; je ne mentionnerai pas non plus ceux qui ont été reconnus coupables; et je vais vous dire pourquoi. J'estime que le Parlement doit faire preuve de civilité, de décence et d'équité dans sa conduite. Le genre de discours que vient tout juste de prononcer le sénateur Stratton n'a pas sa place au Sénat. Voilà la conduite que doivent adopter les sénateurs en leur qualité de responsables du second examen objectif et du maintien d'un équilibre relativement impartial et objectif. Honorables sénateurs, j'ai répondu à la question du sénateur Stratton.

(1400)

J'accepterai une question complémentaire de mon collègue à condition qu'elle soit civile et basée sur des faits objectifs.

Le sénateur Stratton : J'admire vraiment l'aplomb avec lequel le leader du gouvernement répond aux questions. Je me rappelle encore l'époque où nous siégions en face et où il siégeait de ce côté-ci et j'imagine facilement ce qu'il aurait fait dans de pareilles circonstances. Je sais ce qu'il aurait fait.

Le sénateur Lynch-Staunton : Vous rappelez-vous la TPS?

Le sénateur Stratton : Nous, nous n'avons pas de mirlitons. Je n'oublierai jamais les mirlitons.

En fait, Andrew Stark est un universitaire et un analyste politique fort respecté. Lorsque le magazine Maclean's l'a interrogé au sujet du scandale des commandites, il a répondu ceci :

On n'a jamais rien vu de comparable ni au scandale des commandites ni à la série ininterrompue d'allégations de conflits d'intérêts qui ont éclaboussé même les premiers ministres. Je pense que ce scandale est assimilable à un effondrement des institutions à une échelle qui s'apparente au pire genre de corruption qu'on trouve dans les pays en développement.

Venant même d'un professeur aussi respecté et politiquement motivé, c'est toute une déclaration. En ce qui concerne le scandale des commandites, Paul Martin parle de toutes les mesures qu'il a prises. Je vais répondre à la question. Il a ordonné l'enquête, congédié des gens et il se sent personnellement outragé. Paul Martin se plaît à imputer la faute aux autres, mais lui-même refuse d'admettre sa responsabilité.

Il ne faut pas s'étonner que les Canadiens sont de plus en plus cyniques. À quel point le sont-ils devenus? La participation électorale a tombé de 10 p. 100 depuis 11 ans, passant de 70 p. 100 en 1993 à 60 p. 100 en 2004. Durant le mandat des libéraux. Qui peut blâmer les Canadiens quand personne n'assume la responsabilité du gâchis causé par les libéraux? Qui va assumer la responsabilité? Comment l'honorable leader explique-t-il la désaffection et le cynisme des Canadiens? Qu'il me le dise. Qu'il réponde à cette question.

Le sénateur Austin : Et le discours politique se poursuit. On peut voir quelle sera la stratégie des conservateurs aux prochaines élections, quand elles se seront déclenchées.

Les sénateurs ont écouté le sénateur Stratton, et ils peuvent constater que ces élections seront fondées sur des informations trompeuses, des déclarations erronées et des insinuations.

Honorables sénateurs, revenons au professeur Stark pendant quelques instants. Je crois comprendre qu'on lui a demandé son point de vue à titre de partisan conservateur, pas à titre d'observateur objectif.

Face à ce genre de questions, nous voulons rappeler aux conservateurs que les sondages sont clairs. La population veut attendre pour connaître l'issue de la Commission Gomery et son rapport. Elle veut pouvoir en juger en toute justice et en toute objectivité. Elle veut connaître le point de vue du commissaire Gomery sur toutes les révélations qui sont faites, mais les conservateurs ne le veulent pas. Les conservateurs ne veulent entendre qu'une version des faits et, comme je l'ai dit dans le passé, former un groupe de lynchage et pendre haut et court les accusés avant même que le juge ait eu la possibilité de rendre un verdict.

Honorables sénateurs, c'est du travail sérieux. Le premier ministre a dit vouloir que la commission aille au fond des choses. Le gouvernement libéral et le Parti libéral méritent d'être respectés par tous les Canadiens, et je crois qu'ils le sont effectivement, pour avoir institué cette enquête et mis un terme une fois pour toutes à cette façon de faire de la politique au Canada.

Tous les partis politiques ont recours à certaines pratiques. Je crois que M. Guité a déclaré dans son témoignage, et je ne veux pas donner l'impression de croire autre chose de ce qu'il a dit, que le Parti conservateur était pire encore. C'est précisément ce qu'il a dit.

Le sénateur Lynch-Staunton : Il n'a pas dit cela. Il a dit 150 p. 100.

Le sénateur Austin : Il a dit 150 p. 100 pire.

Je suis ravi de cet échange rapide avec les sénateurs Lynch- Staunton et LeBreton, mais je déplore l'inexactitude des propos du sénateur Lynch-Staunton.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quelques échanges demeurent acceptables, mais lorsqu'ils sont trop nombreux les sénateurs ont de la difficulté à entendre ce qui se dit.

Le sénateur Lynch-Staunton : C'est aussi bien.

Son Honneur le Président : Je demande un peu d'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Stratton : Là encore, j'admire le culot de l'honorable leader, parce que certaines des remarques qu'il a lancées étaient tellement tordues que j'avais peine à croire ce que j'entendais. Nous sommes les seuls, selon lui, à dire des choses de mauvais goût.

Je ne puis m'empêcher de penser que s'il était à notre place et nous à la sienne, il ferait exactement comme nous. Le sénateur, en face, affirme que nous avons fait pire. Dites, qu'y a-t-il de pire que le scandale des commandites?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le spectacle continue. Lors du débat sur la TPS, au Sénat, les Canadiens nous ont dit qu'ils ne voulaient pas de cette taxe, et nous, au Sénat, avons défendu leur point de vue.

Aujourd'hui, les Canadiens s'opposent à la tentative de l'opposition de défaire le gouvernement dans l'autre endroit. Les Canadiens affirment qu'ils ne veulent pas d'élections. Le Parti conservateur, et en particulier son chef, sont avides de pouvoir et impatients de le saisir à la première occasion, mais ils refusent d'agir dans l'intérêt public et de porter un jugement objectif sur les témoignages. En somme, tout ce que veulent les conservateurs, c'est le pouvoir.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA SURPÊCHE ÉTRANGÈRE

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, ma question au ministre se rapporte à une question posée la semaine dernière au sujet de la conférence internationale sur les pêches, qui se tenait à St. John's, Terre-Neuve.

L'avenir de l'industrie internationale des pêches est très préoccupant. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture estime que la surpêche menace 78 p. 100 des stocks mondiaux de poissons et leur reproduction.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous faire part de l'évaluation que fait le gouvernement des progrès qui ont été accomplis à la réunion de St. John's en vue du règlement du problème de la pêche illégale? Pourrait-il aussi nous dire si le gouvernement a une quelconque stratégie pour transposer dans des actions concrètes les voeux exprimés par le premier ministre?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme le sénateur Comeau le sait, l'honorable Geoff Regan, ministre des Pêches et des Océans, a annoncé le 2 mai dernier que le gouvernement du Canada investirait 20 millions de dollars de plus au cours des trois prochaines années dans des initiatives de lutte contre la surpêche et le renforcement de la gouvernance des pêches internationales.

Au sujet de cet investissement, le gouvernement espère rassembler des ressources pour agir sur plusieurs nouveaux fronts, notamment sur le front scientifique, au niveau de la politique et dans des initiatives juridiques. Nous espérons que les résultats que nous obtiendrons appuieront les efforts déployés par le Canada pour collaborer avec d'autres pays sur différents forums afin d'améliorer la gestion internationale de cette importante ressource océanique, tant dans les eaux canadiennes que dans les eaux limitrophes.

(1410)

LE NUNAVUT—LE RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE DANS L'ARCTIQUE

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, ma prochaine question porte aussi sur les pêches, mais pas spécifiquement sur la surpêche par des pays étrangers.

Je renvoie les sénateurs au rapport de jeudi dernier où le gouvernement du Nunavut propose un changement de politique radical en demandant au gouvernement fédéral de dégager des fonds et de prendre des mesures pour développer l'industrie de la pêche dans l'Arctique. Plus précisément, le gouvernement du Nunavut, étant donné son économie chancelante, a demandé au gouvernement fédéral de l'aider en investissant massivement dans la recherche, dans les infrastructures et dans la formation nécessaire pour permettre à l'industrie de la pêche de prendre de l'expansion et de survivre. Nous savons que, au fil du temps, le gouvernement fédéral a investi massivement dans les régions du sud du Canada, mais a consacré très peu d'argent au Nunavut. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quand nous pouvons espérer obtenir une réponse du gouvernement aux demandes formulées par le gouvernement du Nunavut?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je vais m'informer, honorable sénateur, et j'espère pouvoir répondre dans deux ou trois semaines.

LE PATRIMOINE

L'ÉTAT DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le Musée des beaux-arts du Canada. Ce musée abrite plus de 38 000 objets d'art, qui sont détenus en fiducie au nom de tous les Canadiens.

On apprenait récemment que le musée éprouvait des problèmes financiers et structuraux. Les travaux visant à réparer les fuites dans la toiture ont été reportés, faute d'argent. J'ai visité le musée dernièrement, et je puis confirmer que le taux d'humidité à l'intérieur de l'édifice est très élevé, ce qui, bien entendu, aura des effets néfastes à long terme sur les œuvres d'art.

En raison de ses problèmes financiers, le musée a été forcé de réduire sa programmation et ses heures d'ouverture. Il commence également à manquer d'espace d'entreposage et a réduit ses effectifs. Le musée occupe une place de premier plan dans notre patrimoine, notre fierté nationale et, en fait, dans le monde. La situation est donc alarmante.

Vu les milliards de dollars que le gouvernement fédéral distribue très généreusement ces temps-ci, ne pourrait-il pas envisager de consacrer des fonds à la réparation du Musée des beaux-arts du Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : À l'instar de madame le sénateur Johnson, la situation du Musée des beaux-arts du Canada, des édifices du patrimoine et des musées en général me préoccupe vivement.

Honorables sénateurs, le gouvernement est en train de revoir ses priorités en matière de dépenses dans tous ces domaines. Le sénateur Johnson doit savoir que, dans l'enveloppe budgétaire, des sommes importantes ont été réservées à un nouveau musée à Winnipeg, compte tenu du fait qu'il y aura un financement privé en contrepartie. Le gouvernement a en quelque sorte inclus ce nouvel établissement dans ses priorités en matière de dépenses. L'enveloppe budgétaire totale pour les musées, les édifices du patrimoine, ainsi que pour le réseau national de parcs et ses installations, est présentement à l'étude.

L'EXAMEN DE LA POLITIQUE SUR LES MUSÉES—LA DEMANDE DE MISE À JOUR

L'honorable Janis G. Johnson : Je remercie l'honorable sénateur de sa réponse, mais je continue de croire que nous devons nous occuper de notre Musée des beaux-arts.

En décembre dernier, la ministre du Patrimoine canadien, Mme Liza Frulla, a promis d'examiner la politique fédérale sur les musées. Le leader du gouvernement pourrait-il se renseigner et faire état de l'avancement de cet examen devant le Sénat?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je vais certainement le faire. J'espère pouvoir répondre dans deux ou trois semaines.

LA SANTÉ

LA PRESTATION PUBLIQUE ET PRIVÉE DES SERVICES

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, le mois dernier, j'ai pris part à un forum sur la politique en matière de santé à Toronto, où j'ai prononcé une allocution peu après le ministre de la Santé. Dans son discours, le ministre a affirmé que le seul système de santé que le gouvernement appuie est un système de prestation publique financé par les deniers publics.

J'ai publié un document qui défend la thèse opposée et je crois fermement que nous devrions faire place à la concurrence de l'entreprise privée dans le domaine des soins de santé, à condition que les coûts soient remboursés par l'État, puisque c'est ainsi que cela fonctionne dans tous les autres pays au monde.

Toutefois, ce qui m'étonne dans la déclaration du ministre, c'est qu'il n'a pas reconnu que 30 p. 100 des soins de santé sont actuellement assurés par le secteur privé au Canada. Cela inclut le secteur de la santé mentale dans lequel presque tous les services psychologiques sont offerts par le secteur privé. Cela inclut également les services de soutien à domicile, bon nombre de cliniques de diagnostic et de chirurgie et, bien sûr, presque tous les services dentaires et ophtalmologiques.

Je tenais à soulever la question parce que je considère qu'il s'agit là d'un principe très important pour la survie de notre système de soins de santé. Le leader du gouvernement croit-il que, selon la politique gouvernementale, l'État se chargerait désormais d'offrir directement tous les services de santé? À mon avis, une telle politique serait une grave erreur.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, c'est bien sûr là une question très grave qui préoccupe au plus haut point les Canadiens et tous ceux qui leur offrent des soins de santé, tant le gouvernement fédéral que les provinces et les territoires.

Le débat, en partie suscité par le dépôt du rapport de notre propre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, se poursuit à plusieurs niveaux. Le ministre de la Santé est d'avis que la Loi canadienne sur la santé exige que tous les services de santé assurés et médicalement nécessaires soient remboursés par les régimes provinciaux et territoriaux d'assurance-maladie. Comme nous le savons tous, cela n'interdit pas la prestation de tels services par le secteur privé, dans la mesure où les personnes assurées ne sont pas tenues de payer pour des services de santé assurés.

L'approche adoptée par Santé Canada à l'égard de l'application de la Loi canadienne sur la santé est définie dans une lettre d'interprétation générale que le ministre de la Santé de l'époque, l'honorable Jake Epp, a transmise aux provinces et territoires en 1985. Cette approche insistait sur la transparence ainsi que sur la consultation et le dialogue avec les gouvernements provinciaux et les responsables des soins de santé. Nous continuons d'agir dans ce sens.

Comme mon collègue le sait, il existe bon nombre de cliniques de diagnostic au Canada. Le ministre fédéral de la Santé a rencontré à Ottawa le 7 février 2005 des représentants de quelques provinces et territoires afin de discuter de ce sujet. On n'a pas encore fini de discuter de la question de savoir comment les Canadiens veulent que les services de santé couverts par l'assurance-maladie publique leur sont dispensés.

Le gouvernement du Canada maintient la position qu'il a adoptée de longue date. Je crois — et le sénateur Keon en sait peut-être plus que moi là-dessus — que la décision du tribunal sur la question de savoir si la Charte garantit le droit de recevoir des services de santé dans un délai raisonnable est attendue cette année. Cette décision pourrait se révéler déterminante dans le règlement de cette question.

Le sénateur Keon : Je remercie le leader de sa réponse, mais j'aimerais poursuivre un peu dans cette voie.

Je crois comprendre que le ministre de la Santé a envoyé une lettre aux premiers ministres du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique pour les inviter à le rencontrer afin de discuter de la façon de mettre un terme aux activités des cliniques de diagnostic privées dans ces provinces. Je ne voudrais pas sous-estimer la complexité du problème. L'été dernier, le gouvernement de l'Ontario a pris en charge les cliniques de RMN. C'était un geste tout à fait stupide. Les propriétaires de ces cliniques avaient assumé la totalité des coûts en immobilisations.

(1420)

Leurs prix étaient les mêmes que ceux des cliniques publiques. Les propriétaires faisaient des bénéfices. Les clients étaient satisfaits. Par idéologie, le gouvernement prend les commandes de ces cliniques. Résultat : les coûts sont plus élevés et les services sont moins bons. Il faut faire preuve de bon sens dans ce dossier. Je crains que le gouvernement fédéral ne rachète des cliniques privées dont les coûts d'immobilisations ont déjà été absorbés, qui sont disposées à accepter le paiement unitaire ou quotidien normal du gouvernement pour leurs services, qui font des bénéfices et qui offrent des services d'une qualité hautement supérieure à ceux des systèmes publics bureaucratiques.

Je pose la question suivante au leader, et j'espère qu'il la soumettra au Cabinet : le gouvernement veut-il réellement se mettre à racheter ces cliniques et ainsi accroître ses dépenses et la bureaucratie et diminuer la qualité des services?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je porterai à l'attention du ministre de la Santé les propos tenus par le sénateur Keon ici aujourd'hui. Je ne vois rien de mieux que de transmettre les arguments qu'il a avancés. Je veux confirmer que, comme il l'a dit, le ministre a écrit à ses homologues de l'Alberta, de la Colombie- Britannique, de la Nouvelle-Écosse et du Québec le 26 avril 2005 pour leur proposer d'ouvrir des discussions au niveau des sous- ministres pour clarifier le statut des cliniques privées de diagnostic à la lumière des lois et règlements fédéraux, provinciaux et territoriaux. Dans sa lettre, le ministre demande aux sous- ministres d'étudier les types de services offerts par ces cliniques et d'examiner les solutions permettant à ces cliniques de se conformer à la Loi canadienne sur la santé.

Ce qui importe pour le gouvernement, c'est d'optimiser la prestation de soins de santé aux Canadiens. Il faut également souligner que dans l'examen de la question des cliniques de diagnostic privées, il est légitime de tenir compte de la capacité globale du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires d'offrir les meilleurs soins de santé possible. À part cela, honorables sénateurs, je porterai à l'attention du ministre de la Santé les questions et réponses qui ont eu lieu aujourd'hui au Sénat.

LE PREMIER MINISTRE

LE RECOURS À DES ÉTABLISSEMENTS PRIVÉS DE SOINS DE SANTÉ

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le premier ministre lui-même fréquente- t-il une clinique privée à Montréal?

L'honorable Austin (leader du gouvernement) : Je crois que cette question a été posée quelque part et qu'une réponse est en cours.

Le sénateur Tkachuk : Cette clinique s'appelle-t-elle Medisys?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit lorsque j'ai répondu à cette question, personnellement je n'en sais rien. Je vais me renseigner pour pouvoir répondre au sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement tentera-t-il de se porter acquéreur de cette clinique également?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Keon posait de meilleures questions.

Le sénateur Tkachuk : Grand bien vous fasse.

[Français]

L'ENVIRONNEMENT

LA POLITIQUE NATIONALE DE L'EAU

L'honorable Madeleine Plamondon : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement et elle concerne l'environnement, plus particulièrement l'eau. Dans l' Ottawa Citizen d'hier, un article faisait état d'une étude d'Environnement Canada. Cette étude révèle des problèmes majeurs en ce qui concerne divers aspects de l'eau. D'ailleurs le titre était évocateur :

[Traduction]

« Une crise menace l'eau et personne n'y voit »

[Français]

On mentionne que des pénuries d'eau dans les Prairies existent; qu'il y a des maladies occasionnées par l'eau contaminée ; que le niveau est bas dans les Grands Lacs et menace le transport maritime et la production d'hydro-électricité; que le Canada a besoin de 41 milliards de dollars au cours des dix prochaines années pour le traitement des eaux usées et le traitement de l'eau; que le manque d'eau cause des frictions entre les provinces et les industries et entre le Canada et les États-Unis; que nous ne connaissons pas l'inventaire de nos eaux souterraines au Canada; que nous ne comprenons pas l'effet des nouveaux polluants comme les produits pharmaceutiques qui aboutissent dans les égouts et qui pourraient altérer le système hormonal humain.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire si le gouvernement a un plan pour s'attaquer à ces problèmes qui mettent en danger les Canadiens et leur environnement?

[Traduction]

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Plamondon de sa question. L'eau fait partie de notre programme de politique gouvernementale depuis fort longtemps. Comme l'a dit le sénateur Plamondon, il s'agit d'une compétence que se partagent les provinces. En fait, l'eau est une ressource qui relève habituellement de la compétence des provinces, en vertu de la Constitution, et les provinces délèguent certaines responsabilités aux municipalités. Au Canada, on n'a pas encore élaboré une politique cohérente à l'égard de l'eau. On se penche sur ces questions en visant à protéger l'environnement. On prend des mesures pour traiter les eaux usées dans les municipalités. Le gouvernement fédéral a accordé des fonds considérables à diverses provinces pour qu'elles se chargent du traitement des eaux usées dans les municipalités du pays. Je n'ai pas les chiffres en main, mais je peux certes les trouver, s'ils intéressent le sénateur Plamondon.

Nous nous efforçons de lutter contre la pollution des eaux qui provient de l'activité industrielle. Encore une fois, comme cette activité est importante pour diverses localités, certains genres de mesures se heurtent à une résistance.

Je tiens à signaler le travail du sénateur Grafstein à l'égard de plusieurs préoccupations liées à l'eau, notamment la façon dont nous considérons l'eau au plan économique. Nous avons toujours considéré l'eau comme une ressource gratuite. Le Canada la considère comme une ressource abondante. Tout le monde a le droit de prendre toute l'eau qu'il veut sans payer. De plus en plus, des considérations d'ordre économique nous obligeront à attribuer une valeur à l'eau polluée, l'eau surutilisée qui ne peut être réutilisée sinon à un prix beaucoup plus élevé.

Honnêtement, j'accueillerais favorablement une étude sénatoriale sur l'eau. Cette proposition a déjà été faite dans cet endroit. Malheureusement, si ma mémoire est bonne, une telle étude n'a jamais été entreprise. Je me demande si madame le sénateur Plamondon accepterait que le sénateur Banks, qui est président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, réponde à cette question. Je ne peux pas suivre les travaux de tous les comités et je serais ravi que le sénateur Plamondon demande un complément d'information au sénateur Banks.

(1430)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LA MISE EN QUARANTAINE

MESSAGE DES COMMUNES—AMENDEMENTS DU SÉNAT APPROUVÉS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, un message a été reçu des Communes par lequel elles retournent le projet de loi C-12, Loi visant à prévenir l'introduction et la propagation de maladies transmissibles, informant le Sénat que les Communes ont agréé les amendements apportés par le Sénat à ce projet de loi, sans autre amendement.


ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LES MOTOMARINES

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Spivak, appuyée par l'honorable sénateur Murray, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-12, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.).

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, ce projet de loi est devant nous depuis un certain temps. J'ai été informé qu'un sénateur en particulier voulait assurément prendre la parole et qu'il avait peut- être besoin d'un peu plus de temps pour consulter le parrain de ce projet de loi.

Je propose que la suite du débat soit reportée à la prochaine séance du Sénat au nom de l'honorable sénateur Massicotte.

(Sur la motion du sénateur Robichaud, au nom du sénateur Massicotte, le débat est ajourné.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

BUDGET ET AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SUR L'ÉTUDE DES DROITS ANCESTRAUX ET ISSUS DE TRAITÉS EXISTANT DES PEUPLES AUTOCHTONES

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (budget—étude sur l'inclusion, dans la loi, de dispositions non dérogatoires—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 10 mai 2005.—(L'honorable sénateur Bacon)

L'honorable Lise Bacon propose : Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

BUDGET ET AUTORISATION D'ENGAGER DU PERSONNEL—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ SUR L'ÉTUDE VISANT À DÉCLARER OTTAWA VILLE BILINGUE

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (budget—étude demandant de déclarer Ottawa une ville bilingue—autorisation d'embaucher du personnel), présenté au Sénat le 10 mai 2005.—(L'honorable sénateur Bacon)

L'honorable Lise Bacon propose : Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

L'ÉTUDE DES ASPECTS JURIDIQUES DE LA QUESTION DES BIENS IMMOBILIERS MATRIMONIAUX SITUÉS DANS UNE RÉSERVE EN CAS DE RUPTURE D'UN MARIAGE OU D'UNE UNION DE FAIT

ADOPTION DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE LA DEMANDE D'UNE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

Le Sénat passe à l'étude du dix-septième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (étude sur une invitation au ministre des Affaires indiennes et du Nord), déposé au Sénat le 10 mai 2005.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément au paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée au gouvernement et que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien soit le ministre invité à répondre au rapport.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

LA DÉCENTRALISATION DES MINISTÈRES, ORGANISMES GOUVERNEMENTAUX ET SOCIÉTÉS D'ÉTAT FÉDÉRAUX

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Downe, attirant l'attention du Sénat sur les avantages de la décentralisation des ministères fédéraux, organismes gouvernementaux et sociétés de la Couronne de la capitale nationale vers les différentes régions du Canada.—(L'honorable sénateur Chaput)

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole sur la question de la décentralisation de la fonction publique fédérale conformément à l'interpellation du sénateur Downe. En tant que sénateur francophone du Manitoba, j'appuie fermement les initiatives qui favorisent l'accès aux services gouvernementaux aux habitants des diverses régions du Canada et qui contribuent à l'activité économique et à l'épanouissement des communautés.

Conséquemment, j'encourage notre gouvernement à continuer ses efforts de décentralisation. Il va sans dire que la plus forte concentration de fonctionnaires fédéraux est ici même dans la région de la capitale nationale et selon Statistique Canada, leur nombre a augmenté considérablement.

Ces emplois fédéraux sont considérés comme des postes permanents, stables et bien rémunérés, comparativement à ceux disponibles dans les régions. Plusieurs de mes honorables collègues qui ont parlé à ce sujet ont cité des exemples de succès dans ces efforts de décentralisation. Ils ont mentionné la Division des pensions de retraite de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui a été déplacé à Shediac. On a fait l'annonce de ce déplacement le 14 juin 1976. En 1976, on parlait d'une masse salariale de quatre millions de dollars et aujourd'hui, il s'agit de 23 millions de dollars pour ces bureaux bien établis et qui stimulent l'activité économique de ce milieu.

Un autre exemple de succès cité par le sénateur Downe est l'implantation du ministère des Anciens Combattants à Charlottetown, qui a aussi contribué à une augmentation remarquable de l'utilisation du français. Il est évident que les gouvernements tentent de décentraliser certains ministères à l'extérieur d'Ottawa. Madame le sénateur Ringuette a mentionné que :

Malgré l'opposition, les ministères déplacés ont bel et bien réussi à réduire leurs coûts en termes d'immobilisation et de ressources humaines et ils sont devenus des moteurs de développement économique pour leur région d'adoption.

Honorables sénateurs, je me dois de souligner les retombées positives du transfert d'activités du gouvernement fédéral dans une ou plusieurs régions : Investissement privé, masse salariale annuelle, augmentation de la valeur des ressources humaines, des inscriptions dans nos programmes scolaires, des emplois locaux, la rétention de nos jeunes chez nous, et j'en passe.

Toutefois, il y a un autre facteur important que le gouvernement fédéral doit considérer dans toute décentralisation. Ce sont les conséquences de ce déménagement des sièges sociaux d'institutions fédérales et leur impact sur l'ensemble de la Loi sur les langues officielles lorsque ces sièges sociaux sont transférés dans une région qui n'est pas une région désignée bilingue.

Il y a alors perte du droit de travailler dans sa langue et possiblement une perte de services dans la langue officielle de son choix pour plusieurs Canadiens et Canadiennes.

Je viens à mon tour citer un exemple de décentralisation sûrement très valable au niveau économique, mais ayant de fortes répercussions sur les droits des employés de travailler en français et sur les droits des citoyens de continuer à obtenir des services dans les deux langues officielles. Il s'agit du déménagement de la Commission canadienne du tourisme (CCT).

La CCT est reconnue comme ayant une incidence sur le développement des communautés francophones en situation minoritaire et, d'après la commissaire aux langues officielles, la CCT n'a même pas de politiques et de lignes directrices en matière de langues officielles.

(1440)

La commissaire aux langues officielles affirme aussi que :

La situation est très sérieuse en transférant la commission dans une région non désignée bilingue, aux fins de la langue de travail.

Bien que l'on puisse déménager des sièges sociaux des institutions fédérales, il faut tenir compte de l'impact de leur déménagement sur l'ensemble de la loi, incluant la langue de travail.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada doit prendre toutes les mesures nécessaires pour promouvoir la vigueur et l'utilité de ses institutions en les décentralisant de manière à ce qu'elles puissent soutenir économiquement les régions, mais il doit aussi protéger les droits linguistiques des Canadiens. Cela est d'autant plus important dans le cas des institutions fédérales qui, selon le gouvernement du Canada, ont une incidence significative sur le développement des communautés de langues officielles en milieu minoritaire. À mon avis, il est possible de trouver des façons de concilier l'impact économique et l'impact sur le développement et la vitalité des communautés de langues officielles en milieu minoritaire.

De nombreux ministères et organismes fédéraux ont établi, au fil des ans, des liens de coopération et d'appui avec les communautés de langues officielles en milieu minoritaire. Le rapprochement de ces deux entités, soit les organismes fédéraux et les communautés, par le biais de la décentralisation est un excellent objectif dans la mesure où on rapproche effectivement les deux et qu'on ne les éloigne pas.

Il me semble évident que la décentralisation doit permettre la création ou le maintien de liens concrets avec la nouvelle collectivité hôte de l'organisme fédéral. L'organisme ne fonctionne pas en vase clos. Il s'adapte et s'acclimate à son nouveau milieu d'accueil et il est prêt à cultiver la relation qui existe déjà ou qui peut être établie avec le gouvernement fédéral.

Dans tout plan de décentralisation, il faut tenir compte des infrastructures, des clients et des services en langues officielles. De cette façon, les intérêts de la collectivité sont pris en considération et la mission du gouvernement est respectée. Les communautés de langues officielles en milieu minoritaire demandent depuis longtemps d'avoir un accès égal aux organismes et aux ministères fédéraux.

Je terminerai en rappelant aux honorables sénateurs qu'il faut respecter la Loi sur les langues officielles, adoptée pour la première fois en 1969. Comme cette loi fait maintenant partie de la réalité canadienne et qu'elle vise principalement à assurer le développement et la vitalité des communautés de langues officielles en milieu minoritaire, il est essentiel que les décisions de notre gouvernement en tiennent compte. Le succès de la décentralisation des organismes et des ministères fédéraux en dépend. Autrement, le gouvernement donne d'une main et reprend de l'autre, et je sais que telle n'est pas son intention.

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, le débat est ajourné.)

[Français]

LE SÉNAT

MOTION VISANT À MODIFIER L'ARTICLE 32 DU RÈGLEMENT—LES INTERVENTIONS AU SÉNAT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur Cook,

Que le Règlement du Sénat soit modifié à l'article 32 par substitution de ce qui suit :

« 32. (1) Un sénateur qui désire prendre la parole au Sénat doit se lever du siège qu'il occupe habituellement avant de s'adresser aux autres sénateurs.

(2) Tout sénateur qui prend la parole au Sénat doit s'adresser dans l'une des langues officielles.

(3) Nonobstant le paragraphe (2), un sénateur qui désire s'adresser à la Chambre en inuktitut doit en aviser le greffier du Sénat au moins 4 heures avant le début de la séance du Sénat.

(4) Le greffier du Sénat prend les dispositions nécessaires afin d'obtenir l'interprétation des paroles prononcées en inuktitut dans les deux langues officielles.

(5) Les paroles prononcées en inuktitut seront publiées dans les Débats du Sénat dans les deux langues officielles, avec mention dans les Journaux du Sénat qu'elles ont été prononcées en inuktitut. » —(L'honorable sénateur Robichaud)

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer la motion de l'honorable sénateur Corbin sur la modification du Règlement du Sénat à l'article 32. Ce changement permettrait aux honorables sénateurs représentant certaines régions du grand Nord canadien de s'exprimer dans leur langue maternelle, l'inuktitut. C'est un changement que je trouve très important, car il concerne la reconnaissance de l'identité culturelle de certains de nos honorables collègues.

Pour la majorité des gens, la langue maternelle est la première apprise et, bien sûr, la mieux maîtrisée. S'exprimer en utilisant sa langue maternelle se fait donc avec beaucoup plus d'aisance qu'en utilisant sa seconde ou même sa troisième langue.

De plus, la langue fait partie de l'identité culturelle et personnelle. Il est très important de garder et de pratiquer sa langue maternelle, c'est-à-dire de garder et d'affirmer son identité.

Honorables sénateurs, il faut comprendre qu'il est très difficile de garder et de pratiquer sa langue maternelle quand celle-ci n'est pas une des deux langues officielles du Canada. Bien sûr, nous ne pouvons pas actuellement faciliter et rendre possible l'usage, de toutes les langues parlées au Canada, ici en cette Chambre. Cependant, accepter cette motion, ce changement au Règlement, irait dans le bon sens. Pourquoi ne pas faire ce premier pas pour agréer à nos collègues Adams et Watt, en suivant la procédure qui nous est proposée?

Nous savons que la traduction de cette langue, l'inuktitut, peut bien se faire au Sénat, car nous avons à l'occasion vécu cette expérience. Nous avons déjà entendu, à plus d'une reprise, l'honorable sénateur Adams s'exprimer en inuktitut tandis que le sénateur Watt en faisait l'interprétation vers l'anglais. Comme il n'avait pas accès au système d'interprétation du Sénat, le sénateur Watt devait interrompre le sénateur Adams toutes les quelques secondes afin de faire l'interprétation. Ces interruptions imposaient à l'honorable sénateur Adams un contretemps qui brisait la fluidité de son discours. Pourquoi ne pas offrir les outils nécessaires pour permettre à nos honorables collègues de mieux se faire comprendre et de mieux s'exprimer? Bien sûr, je ne porte aucun jugement sur la façon dont ces honorables sénateurs se sont déjà exprimés dans cette enceinte.

Je crois que ce serait un signe de reconnaissance de leur culture si nos collègues pouvaient s'exprimer dans leur langue maternelle, l'inuktitut. Il est souvent difficile d'exprimer ses idées, ses pensées et même ses sentiments dans une langue qu'on ne maîtrise pas totalement. C'est-à-dire qu'on ne connaît pas tous les mots ou toutes les expressions. La tâche devient encore plus difficile quand notre langue maternelle n'est pratiquement jamais utilisée à l'extérieur des communautés. Comme l'a mentionné le sénateur Corbin, un Inuit nommé au Sénat doit contribuer à ses travaux et représenter les habitants de son territoire, c'est-à-dire les coutumes et la culture de ceux-ci. Pourquoi ne pas leur fournir les outils nécessaires pour qu'ils puissent s'exprimer avec aisance et partager avec nous leurs sentiments?

Si, honorables sénateurs, nous devons, en tant que sénateurs, représenter nos régions et leur spécificité, ne devons-nous pas utiliser la langue parlée par les habitants de ces régions? Je crois que cette honorable Chambre pourrait établir un lien avec ces communautés qui pourraient s'associer avec le Sénat.

Je crois que la proposition que nous étudions actuellement va dans ce sens et je l'appuie sans réserve.

(1450)

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionné en cette Chambre la semaine dernière, je suis en faveur de cette motion. Comme vient de l'expliquer le sénateur Robichaud, il est extrêmement difficile de toujours s'exprimer dans une langue autre que notre langue maternelle. On sent que l'on n'a pas les nuances qu'il faut, que l'on ne pourra jamais expliquer exactement ce que l'on veut dire. Il est important de pouvoir s'exprimer dans cette Chambre avec toutes les nuances et toute l'intelligence dont nous sommes capables. Il serait tout à fait souhaitable de faire les changements proposés par le sénateur Corbin.

Cependant, la semaine dernière, le sénateur Joyal nous a rappelé que le Constitution du pays stipule que les débats au Parlement se font dans les deux langues officielles du Canada. Afin d'avoir plus de certitudes, plus de rigueur dans nos propos, il serait très utile de renvoyer cette motion au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour un examen qui pourrait, j'en suis persuadée, se faire très vite, pour confirmer que, si on fournit la traduction dont il s'agit, de l'inuktitut à l'anglais ou au français, et qu'on publie les débats en français et en anglais avec la mention que le discours original était en inuktitut, ce serait tout à fait conforme au cadre constitutionnel. Si, telle que formulée, la motion du sénateur Corbin n'était pas exactement la façon de faire, nous pourrions corriger la situation. Nous devons être absolument certains que nous agissons en conformité avec nos obligations constitutionnelles.

Le sénateur Corbin pourra alors considérer d'ajuster sa motion et demander au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de faire cette étude. Je suis convaincue que le processus serait rapide et que la réponse serait tout à fait favorable.

[Traduction]

L'honorable Nick G. Sibbeston : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer la motion du sénateur Corbin visant à changer les règles, pour qu'il soit permis de s'exprimer en inuktitut dans cette enceinte. En adoptant cette modification de notre Règlement, nous ferions un grand pas. Nous montrerions aux Canadiens que le Sénat est composé de personnes qui représentent véritablement tous les habitants de notre pays. Il serait particulièrement bon que l'inuktitut puisse être parlé au Sénat parce que les Inuits sont l'un des premiers peuples de notre pays.

Le sénateur Adams et moi avons commencé notre carrière politique en 1970 à l'assemblée législative des Territoires du Nord- Ouest. C'était à une époque où les peuples autochtones du Nord commençaient seulement à prendre part au système démocratique. Quelques années auparavant, nous avions un gouvernement qui exerçait ses fonctions ici à Ottawa. On élisait des gens du Nord, mais le commissaire qui était chargé du gouvernement du Nord avait ses pénates à Ottawa.

J'ai été élu en 1970 à un conseil territorial composé de 14 membres, dont neuf étaient élus et cinq étaient nommés. Le sénateur Adams et d'autres Inuits, ainsi que des Dénés, dont je suis, ont siégé au conseil. C'était très difficile parce que les gens étaient beaucoup plus à l'aise dans leur langue maternelle autochtone. Comme dans le cas présent, ils étaient pour ainsi dire forcés de parler anglais, ce qui ne facilitait pas la communication.

Lorsque je suis arrivé sur la scène en 1970, il y avait d'autres institutions dans le Nord, comme Radio-Canada, qui n'avait pas une seule émission en déné. Je sortais tout juste de l'université, où, grâce à mes études en sciences politiques, avaient germé en moi quelques idées sur le fonctionnement de la démocratie dans le Nord. Alors, à force de contester, j'en suis venu à réaliser en compagnie d'un aîné une émission d'une demi-heure en langue dénée à Radio- Canada. C'était un début, un tout petit pas, qui permettait à des Dénés puis ensuite à tous les peuples autochtones d'entendre leur langue parlée à la radio.

Lorsque je siégeais à l'Assemblée territoriale, j'enviais les Inuits parce qu'ils pouvaient s'exprimer dans leur langue. Le gouvernement, à l'époque, n'avait pas d'autre choix que de fournir des interprètes parce qu'il y avait parmi les élus des Inuits unilingues qui ne parlaient pas l'anglais et qui devaient donc s'exprimer dans leur langue. J'ai demandé si les Dénés, comme moi- même, pouvaient prendre la parole dans leur langue, mais la réponse fut « non ».

Un jour, pour faire valoir mon point de vue, j'ai longuement parlé uniquement dans ma langue et, finalement, tout s'arrêta. Le Président trouva alors quelqu'un qui parlait ma langue et le fit asseoir près de moi. À partir de ce jour-là, il y eut des interprètes dénés.

Le ministre John Munro vint d'Ottawa nous rendre visite dans le Nord pour nous annoncer, à l'assemblée et au gouvernement, que le français devait être l'une des langues officielles des Territoires du Nord-Ouest. La plupart d'entre nous parlions une langue autochtone, mais le gouvernement fédéral voulait imposer le français aux populations du Nord.

Nous nous sommes réunis et nous avons discuté. À l'issue de cette réunion, il fut convenu que si nous acceptions que le français et l'anglais soient reconnus comme langues officielles dans le Nord, le gouvernement fédéral fournirait des fonds pour que les langues autochtones soient également reconnues et employées dans toute les institutions des Territoires du Nord-Ouest.

À un moment, quelque chose comme neuf langues autochtones étaient employées à l'assemblée législative, l'inuktitut et un certain nombre de langues dénées.

Nous étions très heureux que les langues autochtones parlées dans les Territoires du Nord-Ouest soient respectées. Plus tard, on adopta un projet de loi reconnaissant le français, l'anglais et toutes les langues autochtones parlées dans le Nord comme langues officielles. Nous avons pris ces mesures importantes pour protéger les langues et les cultures du Nord.

Aujourd'hui, j'appuie sans réserve la mesure proposée par le sénateur Corbin. Nul doute que le sénateur Adams connaît et parle très bien sa langue, l'inuktitut. Toutefois, les sénateurs savent que le sénateur Adams éprouve un peu de difficulté à s'exprimer en anglais, alors j'appuie l'initiative qui a été prise et qui laisse présager qu'un jour notre Règlement sera modifié.

(1500)

Honorables sénateurs, nous sommes bien loin du Nord, mais nous verrons comment ce processus fonctionne. Peut-être qu'un jour, j'exercerai des pressions pour être en mesure de m'exprimer dans ma langue.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

[Français]

LE SÉNAT

MOTION VISANT À MODIFIER L'ARTICLE 135 DU RÈGLEMENT DU SÉNAT—SERMENT D'ALLÉGEANCE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lavigne, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P.,

Que le Règlement du Sénat soit modifié par adjonction après l'article 135 de ce qui suit :

135.1 Chaque sénateur doit, après son entrée en fonction, prêter et souscrire un serment d'allégeance au Canada ci- après, devant la présidence ou une personne autorisée à faire prêter serment :

Moi, (prénom et nom du sénateur), je jure (j'affirme solennellement) que je serai fidèle et porterai sincère allégeance au Canada.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Lavigne,

Que la motion soit modifiée par substitution dans l'article 135.1 proposé, le mot « doit, » par le mot « peut, ».—(L'honorable sénateur Cools)

L'honorable Raymond Lavigne : Honorables sénateurs, j'aimerais savoir quand madame le sénateur Cools prendra la parole sur ma motion.

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être que madame le sénateur Cools a dit, la semaine dernière, qu'elle aimerait intervenir au sujet de cette motion. Je lui parlerai d'ici demain ou après- demain et j'informerai le Sénat.

(Le débat est reporté.)

LA NÉCESSITÉ D'AVOIR UN MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL INTÉGRÉ

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition), au nom du sénateur Andreychuk, ayant donné avis le 22 février 2005 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la nécessité d'avoir un ministère des Affaires étrangères et du Commerce international fort et intégré et la nécessité de renforcer et de soutenir le Service extérieur du Canada pour assurer le respect des obligations internationales du Canada et la maximisation de son potentiel et de ses intérêts.

— Honorables sénateurs, madame le sénateur Andreychuk n'est pas en mesure d'intervenir sur cette question aujourd'hui. Elle a dû quitter plus tôt pour assister à une séance du Comité des affaires étrangères qui entend aujourd'hui le témoignage du président du Mali.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)

LES MODIFICATIONS APPORTÉES AU BUDGET DE 2005

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Gerald J. Comeau, ayant donné avis le 3 mai 2005 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le budget du NPD que le premier ministre a annoncé dans les médias le 26 avril 2005; sur la destruction et l'abandon du budget libéral; sur l'intégrité désormais compromise du ministre des Finances, qui maintenait que de telles mesures n'étaient pas responsables sur le plan financier; et sur l'irresponsabilité du gouvernement libéral, qui tente de renforcer ses appuis en baisse en annonçant de nouvelles dépenses irréfléchies.

— Honorables sénateurs, j'avais prévu intervenir au sujet de l'interpellation du sénateur Kinsella concernant le budget de février dernier. Cependant, M. Martin a jeté ce budget par la fenêtre, les plans financiers ne tiennent plus et l'intégrité du ministre des Finances est désormais compromise. Nous nous retrouvons à présent avec un budget combiné du Parti libéral et du Nouveau Parti démocratique qui n'a pas été communiqué au Parlement par le ministre des Finances. Pire, comme l'a appris au Sénat le leader du gouvernement le 3 mai, le ministre des Finances ne dispose même pas d'un document à déposer au Parlement.

Si l'on en croit les médias et les communiqués de presse du Nouveau Parti démocratique, les libéraux et le Nouveau Parti démocratique ont conclu une entente selon laquelle celui-ci assure le gouvernement de sa confiance en échange de changements budgétaires — et tant pis pour le processus démocratique. Il fut une époque où les annonces budgétaires étaient faites au Parlement en présence des parlementaires, et non pas dans les journaux ou ailleurs hors de notre enceinte.

Le Nouveau Parti démocratique peut dire adieu aux promesses que lui a faites le gouvernement. L'ensemble des contribuables vont payer 4,6 milliards de dollars pour une entente permettant de maintenir en place un gouvernement noyé sous les scandales. Cette somme sera dépensée au cours de deux exercices financiers à raison chaque fois de 2,3 milliards de dollars, et sera peut-être prise à même la réserve pour éventualités ou ailleurs. Y aura-t-il d'autres coupes dans le budget du ministère des Pêches et des Océans ou dans l'aide aux agriculteurs? Les impôts seront-ils augmentés?

Dans sa parution du 4 mai, le Globe and Mail laisse entendre qu'une partie de la somme prévue pour cette entente pourrait être tirée de fonds initialement destinés aux Autochtones et dont le gouvernement devait faire l'annonce. Si tel est le cas, il faudra réécrire le chapitre 3 du plan budgétaire intitulé « Renforcer les fondements sociaux du Canada ». Pour l'instant, le gouvernement fait des annonces de dépenses en chaîne.

[Français]

En une semaine, entre le 21 et le 27 avril, plusieurs ministres ont annoncé des nouvelles dépenses de 1,6 milliard. Ajoutez les 4,6 milliards de dollars à ces dépenses et M. Martin va devenir l'homme de 6 milliards de dollars.

[Traduction]

L'homme de 6 milliards de dollars aura très bientôt besoin d'un bras bionique pour décontracter ses muscles fatigués d'avoir signé tous ces chèques. Du 21 avril au 10 mai, on a annoncé des dépenses au rythme de 1,24 milliard de dollars par jour, ce qui finit par totaliser 22 milliards de dollars. Combien de temps les contribuables canadiens peuvent-ils se permettre cela?

M. Pat Martin, qui n'a aucun lien de parenté avec le premier ministre Martin, est un député néo-démocrate. Aux actualités de CTV le 26 avril dernier, il a qualifié d'« orgie de dépenses » la récente vague de dépenses gouvernementales. Cela s'apparente à une folie dépensière. Les contribuables devraient souhaiter la tenue d'élections printanières avant que ces dépenses n'acculent notre pays à la faillite. M. Pat Martin est un député du caucus néo-démocrate qui a conclu l'accord avec les libéraux.

Honorables sénateurs, l'accord conclu entre les néo-démocrates et les libéraux s'inscrit-il dans une orgie de dépenses qui mènera notre pays à la faillite s'il n'y a pas d'élections au printemps? C'est une excellente question. Une somme de 4,6 milliards de dollars, c'est l'équivalent d'environ un quart de milliard de dollars par vote néo- démocrate.

[Français]

Les libéraux achètent les votes du NPD au Parlement pour tenter de survivre au scandale. Est-ce ainsi que les Canadiens veulent que les gouvernements dépensent 4,6 milliards en fonds publics? Je crois que non.

[Traduction]

Nul autre n'aurait pu expliquer mieux la situation que M. Layton; dans un communiqué diffusé le 21 avril, il a déclaré ceci :

[...] au coeur du scandale, on trouve le Parti libéral qui ne sait pas faire la différence entre les fonds publics et les siens.

Actuellement, le Parti libéral hanté par les scandales est au pouvoir, et le NPD socialiste dicte la politique budgétaire. Ensemble, ils ont pondu un plan budgétaire pour notre pays au verso d'une enveloppe, le ministre des Finances ayant assisté à cela à partir des coulisses. Voilà la recette parfaite d'un désastre économique. Les entreprises qui créent des emplois et les Canadiens qui travaillent d'arrache-pied et qui font rouler l'économie se sont fait claquer la porte au nez par le premier ministre et M. Layton.

Pour payer ces dépenses supplémentaires au cours des deux prochaines années, le gouvernement a d'abord accepté de différer les réductions d'impôt aux entreprises.

[Français]

Au plan de l'équilibre budgétaire, ce point de vue est intéressant. Les fonds sont dépensés maintenant mais les recettes correspondantes ne seront pas réalisées avant 2008.

[Traduction]

Dans un communiqué diffusé le 29 avril, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a répondu ceci :

Il est remarquable qu'ils aient reconnu la petite entreprise. Toutefois, il ne s'agit plus d'un budget pour la petite entreprise mais plutôt d'un budget de ``survie''.

Le communiqué demandait ensuite ceci :

Quel message envoient-ils aux entreprises canadiennes et aux investisseurs étrangers?

Honorables sénateurs, je trouve que le message n'est pas si fantastique.

Après avoir examiné les effets de la volte-face sur les mesures visant les entreprises, l'Institut C.D. Howe a déclaré, dans un communiqué diffusé le 27 avril :

La volte-face sur les réductions de l'impôt fédéral des sociétés prévues dans le budget fera perdre quelque 31 milliards de dollars en dépenses d'immobilisations au pays et 2,7 milliards de dollars à son PIB. Ces chiffres ne sont pas une bagatelle, ils sont lourds de conséquences.

Dans un article paru le 28 avril dans le National Post, Mme Nancy Hughes Anthony, présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Canada, a déclaré ceci :

Voici ce qu'ils disent : « Faites-nous confiance et nous tenterons de faire adopter ces mesures un jour ou l'autre. » Hé bien! C'est trop peu, trop tard.

Honorables sénateurs, de toute évidence le chef du NPD n'a pas conclu une entente secrète pour prendre soin du Canada atlantique. Malgré son soi-disant appui pour que l'accord sur les ressources extracôtières soit retiré du budget de manière à ce que celui-ci puisse être adopté immédiatement, il semble bien qu'il n'a même pas soulevé la question auprès du premier ministre.

(1510)

[Français]

Le Canada atlantique attend donc encore les fonds qui lui sont dus pour se remettre à flot. Comme les libéraux, Jack Layton ne s'en soucie guère.

[Traduction]

D'ailleurs, M. Layton peut-il faire confiance à M. Martin? Au départ, M. Martin devait reporter les réductions d'impôt aux entreprises de quelques années, sauf pour les petites entreprises. C'était le mardi 26 avril. Puis, le mercredi 27 avril, à la fin de la journée, le ministre des Finances a déclaré dans un communiqué de presse que le gouvernement avait l'intention d'aller de l'avant et de réduire l'impôt des entreprises. Le gouvernement a pris les éléments qui ne concernaient pas les réductions d'impôt aux petites entreprises pour les présenter sous la forme d'un projet de loi distinct.

M. Layton s'est-il rendu compte qu'il consentait à un tel tour de passe-passe? Selon les journaux du 28 avril, il a réagi en accusant le premier ministre de « duper les Canadiens encore une fois et de prétendre pouvoir plaire à tout le monde ».

Le chef du NPD a également avoué qu'il ne pourrait forcer le premier ministre à respecter les promesses de l'entente. Selon un article de la Presse canadienne, il a dit :

Je ne sais pas quelles garanties il peut me donner pour l'avenir lointain. Il a déjà essayé de promettre bien des choses aux Canadiens, mais il ne respecte jamais ses promesses. Nous verrons bien.

Au moins l'une de ces mesures, la réduction des frais de scolarité, ne pouvait être mise en oeuvre sans la coopération des provinces. La plupart des autres mesures impliquent des dépenses fédérales dans des champs de compétence provinciale. Pourtant, le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a dit que les premiers ministres provinciaux et les dirigeants territoriaux n'avaient pas été consultés au préalable. Les deux protagonistes de l'entente ne peuvent même pas s'entendre sur le contenu de celle-ci.

Je citerai ce passage de l'édition du 29 avril du Vancouver Sun :

Layton et les responsables du NPD ont dit que les libéraux avaient convenu explicitement, par écrit, que les fonds destinés à l'éducation ne seraient versés qu'aux provinces qui accepteraient précisément de s'en servir pour réduire les frais de scolarité.

« Non, nous n'avons pas dit cela », aurait répondu M. Martin.

Ces deux personnes s'expriment dans la presse. Cela est ridicule.

Si M. Layton tient à ce que les promesses qu'on lui a faites soient respectées, il faudra probablement qu'il appuie le gouvernement jusqu'aux Fêtes, afin que tous les projets de loi pertinents puissent être adoptés. Cependant, le premier ministre insiste sur le fait que ces nouvelles dépenses ne seront engagées que s'il reste un excédent à la fin de l'exercice financier. Cela nous amène au printemps prochain.

Honorables sénateurs, Paul Martin a dit qu'il voulait que le Parlement tourne rondement, mais il n'a manifestement pas consulté notre parti pour accoucher d'un budget qui tienne vraiment compte des priorités des Canadiens.

[Français]

Les conservateurs espèrent d'importantes baisses d'impôt pour les familles et les entreprises canadiennes et une certaine réduction des dépenses. M. Martin aurait pu recueillir 99 votes au lieu de 19 si telles avaient été ses priorités. Il aurait pu faire adopter le budget très rapidement sans dépenser 4,6 milliards de dollars additionnels.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le gouvernement est tout simplement incapable de dresser un plan de match et de s'y tenir. Il y a quelques semaines, le ministre des Finances, Ralph Goodale, a prévenu l'opposition qu'elle risquait de déclencher une crise financière en altérant le projet de loi d'exécution du budget. Dans son numéro du 28 avril 2005, le Star Phoenix de Saskatoon cite les propos suivants de M. Goodale :

On ne peut pas éliminer, une à une, les diverses mesures prévues dans le budget. On ne peut pas, après coup, choisir à sa guise : « Enlevons cet élément, puis ajoutons celui-ci; déplaçons ceci, puis rebrassons le tout ». Ce n'est pas la façon de préserver la cohérence d'un cadre financier. Ce genre de manoeuvre ne peut que mener à un déficit.

Dans son numéro du 26 avril, publié le matin du jour où M. Martin a conclu son entente, le Leader-Post de Regina, indique ce qui suit :

Selon M. Goodale, la proposition du NPD, si le gouvernement libéral l'acceptait, serait préjudiciable au pays; le gouvernement devrait annuler 4,6 milliards de dollars en réductions d'impôt des sociétés annoncées dans le budget, pour pouvoir compter sur l'appui du NPD au Parlement.

M.Goodale a ajouté que l'annulation de ces réductions d'impôt pourrait nuire à la position concurrentielle des entreprises canadiennes par rapport aux entreprises américaines.

Le premier ministre laisse tomber le ministre des Finances, M. Goodale. En définitive, le premier ministre a nui à l'intégrité du ministre des Finances, qui avait soutenu que ces mesures étaient financièrement irresponsables. Pourquoi le premier ministre traite-t- il ainsi son ministre des Finances? Qu'a fait Ralph Goodale pour mériter un traitement pareil? Au fait, qu'est-il donc arrivé à Jack Layton qui, ces dernières semaines, a qualifié le Parti libéral de corrompu et de criminel et a suggéré que le premier ministre n'avait plus les deux pieds sur terre?

Dans son numéro du 13 avril, le Winnipeg Free Press cite les propos suivants de M. Layton :

En fait, la corruption des libéraux corrompt l'image du fédéralisme au Québec et entache la réputation du Québec dans le reste du Canada.

Dans un communiqué diffusé le 7 avril, il déclare :

Le témoignage ressortant de la Commission Gomery montre un manque total de responsabilité des plus hauts échelons du Parti libéral. Il expose pour ce qu'il est vraiment un régime usé, lessivé et corrompu.

Logiquement, on penserait que M. Layton voudrait que les Canadiens se prononcent sur la question de savoir si les libéraux sont toujours aptes à gouverner. Pourtant, malgré toutes ses vitupérations, il a maintenant accepté de maintenir Paul Martin au pouvoir. Il se dit préoccupé par le scandale des libéraux, mais il est disposé à leur vendre le soutien du NPD. Et tant pis pour les principes des néo-démocrates. S'ils n'aiment pas ceux qu'ils ont aujourd'hui, ils en changeront quand bon leur semblera.

Le sénateur LeBreton : C'est d'ailleurs pour ça qu'ils s'entendent si bien avec les libéraux.

Le sénateur Comeau : Où est passé le parti de Knowles, Coldwell, Woodsworth, Lewis, Douglas et Broadbent?

Si le gouvernement voulait améliorer le budget, il aurait pu faire d'autres choix. Il aurait pu donner les ressources nécessaires aux Forces armées canadiennes afin qu'elles soient pleinement aptes au combat et bien équipées pour les missions de maintien de la paix.

Il pourrait immédiatement mettre en œuvre la réduction projetée de l'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que de demander aux Canadiens de se contenter d'une maigre réduction de 16 $ l'année prochaine. Il pourrait définitivement tourner le dos aux dispositions de mise en œuvre de l'irréalisable accord de Kyoto, et, plutôt que d'acheter des crédits d'émission venant de Dieu sait où, s'occuper des véritables problèmes environnementaux comme les pluies acides qui détruisent nos terres, nos forêts et nos rivières. L'achat de crédits d'émission de gaz à effet de serre est inacceptable. C'est une farce.

Le gouvernement pourrait donner l'argent destiné aux services de garde directement aux parents au lieu de mettre sur pied un programme de garderies bureaucratique à l'excès. Il pourrait s'engager à apporter une aide digne de ce nom au secteur agricole et aux régions rurales à un moment où elles en ont le plus besoin. Il aurait pu mettre fin au gaspillage, dont le registre des armes d'épaule est un parfait exemple.

[Français]

Le projet de loi d'exécution du budget a été présenté à l'autre endroit le 24 mars. Nous sommes maintenant en mai et on n'a pas encore franchi l'étape de la deuxième lecture.

[Traduction]

Sous la forme où il a été présenté, il avait l'appui de l'opposition officielle, pourvu que les dispositions portant sur l'accord de Kyoto soient insérées dans un autre projet de loi, et l'opposition officielle offrait d'adopter immédiatement les dispositions de l'Accord atlantique si elles faisaient l'objet d'un projet de loi distinct. Au lieu de cela, le gouvernement a tergiversé et il a commis toutes sortes de gaffes d'une crise à l'autre, il n'a pas su gérer son programme parlementaire et il se raccroche maintenant à n'importe quoi dans un effort désespéré pour demeurer au pouvoir.

Le gouvernement nous demande maintenant d'être jugé selon le principe de la primauté du droit. Les ministériels nous disent de ne pas les condamner jusqu'à ce que leur culpabilité soit prouvée. Or, là encore, les libéraux prétendent que le commissaire Gomery va rendre un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité dans le cadre de son enquête. Ce n'est pas ce qui va se passer. Le commissaire Gomery va simplement faire un résumé de ce que sa commission a constaté.

Nous avons déjà des résultats. Combien d'autres enveloppes en papier manille, sacoches et sacs de papier brun pleins d'argent devons-nous voir passer des agences de publicité au Parti libéral? De combien d'autres enveloppes du genre devons-nous entendre parler avant de se faire une idée sur un parti qui n'est plus le bienvenu au Canada et qui doit maintenant panser ses blessures et reconnaître qu'il a mal agi?

C'est le temps de le faire. Le budget dont nous allons être saisis le prouve et les révélations quotidiennes à la Commission d'enquête Gomery montrent qu'il est maintenant temps que le grand Parti libéral du Canada agisse de façon honorable, accepte la motion de censure à l'autre endroit et cherche à obtenir un nouveau mandat des Canadiens.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai le regret de signaler au sénateur Comeau que son temps de parole est écoulé.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : L'honorable sénateur va-t-il accepter de demander une prolongation pour que nous puissions lui poser des questions?

(1520)

Le sénateur Comeau : Si le Sénat souhaite prolonger la période à ma disposition pour que je puisse répondre à des questions, j'en serai très heureux.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous accordons à l'occasion cinq minutes de plus au sénateur pour terminer son discours, mais si le sénateur Comeau pouvait le faire en une minute, nous serions d'accord.

Le sénateur Kinsella : J'aimerais explorer deux choses. Vous avez mentionné le mandat du commissaire Gomery. Vous avez dit que le juge ne peut pas mentionner de noms dans le rapport final et qu'il ne peut pas indiquer qui devrait être accusé devant les tribunaux. Pouvez-vous expliquer le mandat de M. Gomery et dire qui lui a donné ce mandat?

Le sénateur Comeau : Le premier ministre, juste avant l'appel de la dernière élection, alors que l'on soupçonnait certaines choses, a décidé de créer la Commission Gomery. Il a clos les travaux du Comité des comptes publics pour empêcher la divulgation d'informations de ce comité à la Chambre des communes. Avant que la Commission Gomery ne commence à entendre des témoins, il a décidé de tenir des élections. Nous n'avons pas pu voir ce qui se passait.

Depuis ce moment, la Commission Gomery poursuit son mandat. Il y a une impression créée dans la population canadienne que la Commission Gomery mène une enquête judiciaire; ce n'est pas le cas. Juge Gomery entend des témoignages des personnes impliquées. Monsieur Gomery, suite à ces témoignages, ne peut pas trouver un témoin coupable ni « nommer » des noms. Il ne peut que formuler un rapport disant : « Voici ce que j'ai entendu. » Il ne peut même pas faire de recommandations.

[Traduction]

Il ne s'agit pas d'une enquête judiciaire mais bien d'une Commission d'enquête. Le gouvernement donne l'impression que l'enquête du juge Gomery fera toute la lumière et que des personnes seront reconnues coupables ou innocentées. Or, tel n'est pas le cas. La Commission Gomery ne fait que réunir des éléments de preuve et les présenter ensuite au public, ce qui veut dire que le public aura à tirer ses propres conclusions. C'est la population canadienne qui devra trancher.

De nombreuses personnes se sont demandé si nous devrions tenir des élections ou attendre que le juge Gomery nous livre ses constatations. Or, les constatations sont faites au fur et à mesure. Nous voulons faire valoir au gouvernement que, face à des révélations déjà fort nombreuses, personne n'assume aucune responsabilité. Le premier ministre actuel, alors lieutenant au Québec, se pète les bretelles de ses exploits comme ministre des Finances, ayant soi-disant réglé tous les problèmes — mais grâce à la TPS et au libre-échange, et en profitant de décisions difficiles prises par un gouvernement antérieur. Il lui suffisait de faire du sur- place. Il n'avait qu'à récolter tranquillement ce que le gouvernement précédent avait semé.

J'ai entendu aujourd'hui le leader du gouvernement au Sénat parler du gouvernement antérieur. Chaque fois que l'on revient sur le passé, on cite le nom de M. Mulroney. Aurions-nous dépassé les 15 minutes?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénateur. Vos cinq minutes sont écoulées.

Le sénateur Robichaud : J'ai une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je ne vois aucun sénateur se lever.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Comeau : Vous ne voulez pas entendre la vérité. Je vais vous faire ma meilleure imitation de Jack Nicholson.

Le sénateur Robichaud : Nous voulons que l'enquête Gomery nous révèle la vérité.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À l'ordre!

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 12 mai 2005, à 13 h 30.)


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