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Debates of the Senate (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 157

Le lundi 22 juin 2015
L'honorable Leo Housakos, Président

LE SÉNAT

Le lundi 22 juin 2015

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Magna Carta

Le huit centième anniversaire

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, l'année 2015 marque le 800e anniversaire de la Magna Carta, un document que les barons anglais ont forcé le roi Jean à signer en 1215. Il s'agit du même roi Jean que dans les légendes bien connues de Robin des Bois, du roi Jean et de Richard Cœur de Lion.

Le document a été signé à l'issue d'un différend entre le roi et les barons à propos des droits traditionnels de chacun.

Sitôt le document signé, le roi Jean s'est plaint au pape qu'on l'avait forcé à signer ce qu'il appelait « cette affreuse entente ». Le pape Innocent III l'a déclarée nulle et non avenue quelques mois plus tard. La déclaration du pape a déclenché une guerre qui a pris fin à la mort du roi Jean en 1216, un an seulement après la signature de la Magna Carta.

Après la guerre, la Magna Carta a été intégrée au traité de paix. Ce n'est qu'après cette guerre que le document a pris le nom de Magna Carta. Auparavant, on l'appelait la Charte de Runnymede, du nom de l'endroit où elle avait été signée.

Quand ce document a été signé, c'était la première fois qu'un roi était forcé d'approuver une liste de conditions imposées par ses sujets. Cet événement historique a établi le principe selon lequel ceux qui règnent ne le font qu'avec la permission de leurs citoyens. En outre, ce document affirme que nul n'est au-dessus des lois, pas même un roi.

Plus récemment, cet état de fait a très bien été exprimé par Winston Churchill, lorsqu'il a dit ceci :

Voici une loi qui est au-dessus du roi et que même le roi ne doit pas violer. Cette réaffirmation d'une loi suprême et son expression dans une charte générale est la grande valeur de la Grande Charte, la Magna Carta. Ce qui en soi justifie le respect qui lui est accordé par le peuple.

Quatre grands principes, honorables sénateurs, ont été établis par la Magna Carta. Premièrement, personne n'est au-dessus de la loi; deuxièmement, personne ne peut être détenu sans motif ni preuve; troisièmement, tout le monde a droit à un procès devant jury; et quatrièmement, une veuve ne peut pas être forcée de se marier et de renoncer à son bien. Le quatrième principe est particulièrement intéressant, car il s'agit sans doute de la première loi où il est question des droits de la femme.

À l'origine, la Magna Carta comptait 61 articles. Seulement trois d'entre eux font encore partie de la loi anglaise : celui qui établit les droits et les libertés de l'Église anglaise; celui qui confirme les libertés de même que les us et coutumes de la ville de Londres et des autres villes et cités; et celui — probablement le plus célèbre de tous — qui dit ce qui suit :

[Qu'a]ucun homme libre ne sera arrêté, ni emprisonné ou dépossédé de ses biens, ou déclaré hors-la-loi, ou exilé, ou lésé de quelque manière que ce soit, pas plus que nous n'emploierons la force contre lui, ou enverrons d'autres pour le faire, sans un jugement légal de ses pairs ou selon les lois du pays.

Honorables sénateurs, jusqu'au 26 juillet, le Musée de l'histoire nous offre une occasion unique : celle de voir de nos yeux la Magna Carta, qui est prêtée pour la première fois au Canada par le Royaume-Uni, et d'en comprendre le contexte historique grâce à de nombreuses présentations interactives.

Des voix : Bravo!

Le Service de sécurité du Sénat

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, c'est un grand honneur pour moi de saluer aujourd'hui les contributions extraordinaires du Service de sécurité du Sénat. Vendredi dernier, le 19 juin, le Service de sécurité du Sénat a tenu son 19e tournoi de golf annuel, au club de golf Mont-Cascades. J'ai eu l'immense plaisir d'être le président d'honneur de cet événement important, qui, en près de 20 ans, a d'ailleurs permis de recueillir pas moins de 70 000 $ pour la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada et divers autres organismes caritatifs du pays.

Tout l'argent recueilli cette année sera versé à la Société canadienne du cancer, qui estime que près de la moitié des Canadiens souffriront d'un cancer au cours de leur vie. Sur la Colline du Parlement, nous connaissons tous des gens qui ont eu à subir les effets de cette maladie, y compris notre regretté Président, l'honorable Pierre Claude Nolin. Je voudrais donc remercier du fond du cœur les organisateurs et les participants du tournoi de golf de cette année, en particulier Mike McDonald, directeur du Service de sécurité du Sénat.

Après 19 éditions qui ont remporté un franc succès, le tournoi de golf en est à sa dernière année dans sa mouture actuelle. Comme nous le savons, les services de sécurité de la Chambre des communes et du Sénat ont été intégrés pour former le Service de protection parlementaire, qui sera placé sous le commandement de la GRC. Je suis sûr que nous allons tous bénéficier de ce partenariat solide et j'attends avec impatience les éditions futures du tournoi sous une nouvelle bannière.

Pour terminer, je voudrais exprimer ma profonde gratitude envers les hommes et les femmes du Service de sécurité du Sénat, qui risquent leur vie tous les jours pour nous servir et nous protéger. Je les remercie tous pour le dévouement dont ils font preuve afin d'assurer la sécurité publique. De plus, je voudrais les féliciter pour leurs efforts de sensibilisation et de collecte de fonds consacrés à une cause qui nous tient beaucoup à cœur.

Merci.

La Journée mondiale des réfugiés

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, samedi dernier, le 20 juin, a eu lieu la Journée mondiale des réfugiés. Notre monde est marqué actuellement par un équilibre précaire. Les déplacements et l'incertitude sont la norme pour des millions de personnes. Les guerres civiles et les troubles ont déplacé des mères de famille et leurs filles, des pères de famille et leurs fils, qui ont été obligés de fuir loin de leur foyer.

Honorables sénateurs, la séparation que vivent ces gens n'est pas que physique. Au-delà de la distance géographique, la séparation a des conséquences psychologiques, par exemple, lorsqu'on sait que son enfant ne pourra pas faire ses premiers pas dans la cour de la maison qu'on a bâtie à la sueur de son front, dans le but d'assurer la stabilité de sa famille, pour ensuite voir ses rêves fracassés.

Au lieu de pouvoir vivre chez lui, le réfugié est condamné à vivre dans un camp de réfugiés. Je suis déjà allée dans les camps de réfugiés de Turquie. Les camps de ce pays figurent parmi des meilleurs camps de réfugiés syriens. Je suis aussi allée dans ceux du Darfour, et c'est à peine si on peut appeler ces endroits des camps.

(1410)

Malgré les conditions de vie des réfugiés dans les camps et le nouveau contexte de paix qu'ils y trouvent peut-être enfin, ces camps ne sont pas un chez-soi. Plus de 50 millions de réfugiés dans le monde, oui, 50 millions de personnes, n'ont pas de foyer.

Honorables sénateurs, alors que nous réfléchissons aux mesures à prendre pour mieux aider les réfugiés, n'oublions pas que, pour les réfugiés, l'arrivée dans un camp n'est pas une fin en soi. Les réfugiés ne seront peut-être pas en mesure de retrouver le milieu qu'ils ont quitté, mais ils devraient être en mesure de rebâtir ce qu'ils ont déjà eu, un milieu de vie où ils pourront vivre en sécurité et s'épanouir, où leurs enfants pourront aller jouer et dont ils pourront être fiers.

Honorables sénateurs, il y a 43 ans, j'étais moi-même réfugiée. J'ai parfois l'impression que c'était juste hier. Encore aujourd'hui, je me souviens très clairement de cette horrible époque. Cependant, je me rappelle aussi fort bien la gentillesse des Canadiens envers les gens venant de Somalie ou d'ailleurs et envers les membres de ma famille et moi. Je vous remercie de m'avoir accueillie parmi vous et de m'avoir fait Canadienne.

Je tiens à remercier M. et Mme Chrétien de leur amitié durable et de leur amour. Je remercie aussi l'honorable Thomas Dohm, ancien juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique — mon mentor, mon ami et mon associé en droit — ainsi que sa femme, Faith, et leurs enfants, qui nous ont aidés à nous intégrer dans la société.

À tous les Canadiens, merci d'avoir fait de nous de fiers Canadiens.


AFFAIRES COURANTES

La justice et le procureur général

L'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels—Dépôt de la réponse du gouvernement au rapport annuel de 2013-2014

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au rapport annuel de 2013-2014 du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.

[Français]

L'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels—Dépôt du rapport annuel de 2013-2014

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2013-2014 du Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'emploi et le développement social

Les droits de scolarité des universités

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La question est tirée de l'initiative des sénateurs libéraux intitulée « Votre période des questions ». Cette dernière remporte un vif succès, puisque, chaque jour, des Canadiens qui veulent obtenir des réponses du gouvernement nous envoient des questions. Cette question-ci nous a été envoyée par Mme Maria Lisa Seminara de Barrie, en Ontario. Elle étudie à l'université et s'inquiète de la hausse des droits de scolarité.

Avant de lire sa question, j'aimerais souligner que l'éducation est, comme nous le savons, une responsabilité qui relève principalement des provinces. Le gouvernement fédéral joue toutefois un rôle important, puisqu'il accorde des prêts et des subventions aux étudiants de partout au pays. En outre, le gouvernement administre divers outils d'épargne pour les parents, notamment le régime enregistré d'épargne-études et le Bon d'études canadien.

Monsieur le leader, cela dit, j'espère que vous pourrez donner une réponse précise aux préoccupations de Maria. Voici sa question :

J'étudie à temps plein en psychologie à l'université en Ontario. Je m'inquiète de la hausse continuelle des droits de scolarité, alors qu'il n'y a pas de changement au niveau du contenu des programmes, des professeurs, de l'institution, du nombre de cours et de classes, entre autres. Les étudiants sont l'avenir et les prix élevés brisent les rêves et les objectifs de milliers de personnes. Je m'inquiète constamment, parce que je ne sais pas si j'aurai suffisamment d'argent pour faire des études supérieures. Je comprends que vous êtes une personne occupée, mais je vous écris, au nom d'innombrables autres étudiants, pour vous demander de l'aide et vous dire que la hausse des droits de scolarité ne semble avantager que le gouvernement. Pourquoi ces frais ne cessent-ils d'augmenter? Peut-on mettre fin à ce phénomène? Que doivent faire les milliers de personnes qui ont investi de nombreuses années et des milliers de dollars dans leurs études, mais qui ne peuvent pas les terminer parce qu'elles coûtent trop cher? À votre avis, quels avantages, s'il y en a, les étudiants tirent-ils de cette hausse des droits de scolarité?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénateur, de nous transmettre la question de cette citoyenne.

Comme vous le savez, notre gouvernement a pris des mesures en matière de soutien aux étudiants de niveau universitaire, et il continue de le faire. Je dois vous rappeler que nous avons exempté d'impôt les prêts et bourses d'études et présenté un crédit d'impôt pour les manuels scolaires, de même qu'un crédit relatif aux outils. Ce sont des mesures fiscales extrêmement importantes pour les étudiants de niveau postsecondaire, particulièrement pour les étudiants des universités qui doivent travailler à temps partiel pendant leurs études.

De plus, les étudiants à temps partiel n'ont plus à payer d'intérêt sur leurs prêts pendant qu'ils sont aux études. Nous avons également exempté le seuil de revenu, qui sert à déterminer l'admissibilité aux bourses pour les étudiants à temps partiel. Dans le cadre du budget, nous avons créé le Prêt canadien aux apprentis, qui donne aux apprentis des métiers du Sceau Rouge accès à des prêts sans intérêt. Nous avons consenti des investissements sans précédent en faveur des jeunes Canadiens dans le cadre du programme des prêts et bourses. En fait, grâce à notre Plan d'action économique de 2015 — que nous adopterons aujourd'hui, je l'espère —, nous aiderons 22 000 étudiants en élargissant le Programme canadien des prêts et bourses. Nous allons éliminer les revenus en cours d'études dans le cadre du processus d'évaluation des besoins, accorder des prêts accrus à 87 000 étudiants, et accorder un soutien plus important à plus de 92 000 étudiants en réduisant les contributions parentales dans le cadre du processus d'évaluation des besoins.

Ce sont donc des mesures concrètes qui sont prévues dans le Plan d'action économique de 2015 et qui feront l'objet, je l'espère, d'un vote ce soir. J'espère également que les sénateurs de l'autre côté appuieront ces mesures importantes qui s'adressent aux étudiants.

D'ailleurs, l'Alliance canadienne des associations étudiantes a déclaré ce qui suit, et je cite :

Nous sommes très heureux que le gouvernement prenne les priorités des étudiants au sérieux. [...]

Les contributions annoncées totalisent 419 millions de dollars sur quatre ans. Les étudiants n'ont pas vu un tel investissement dans l'aide financière aux étudiants depuis plusieurs années.

Je crois que notre gouvernement est pleinement engagé à apporter son soutien aux étudiants, et j'invite tous les sénateurs à appuyer le Plan d'action économique de 2015.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le leader. Je reconnais qu'il existe un certain nombre de bons programmes, mais je ne sais pas s'ils permettront de régler de façon satisfaisante le problème soulevé par Mme Maria Lisa Seminara, à savoir que la hausse des droits de scolarité empêche des centaines de milliers de personnes de se payer des études universitaires ou d'obtenir un second diplôme.

(1420)

À la fin de la dernière année, le Centre canadien de politiques alternatives a signalé que :

[...] les droits de scolarité et les frais obligatoires des étudiants canadiens de premier cycle augmenteront de près de 13 p. 100 au cours des quatre prochaines années, passant de 6 885 $, l'automne [dernier], à environ 7 755 $ en 2017-2018.

Et, malheureusement pour Maria :

Selon l'étude, l'Ontario est la province où les droits de scolarité sont les plus élevés au pays. De plus, les droits de scolarité et les autres frais dans cette province passeront de 8 474 $, l'automne [dernier], à quelque 9 483 $ en 2017-2018.

Monsieur le leader, qu'est-ce que le gouvernement compte faire ou continuera de faire pour que l'éducation postsecondaire reste abordable pour l'ensemble des étudiants canadiens?

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai parlé des programmes de soutien qui s'adressent aux étudiants. J'ai également souligné les transferts, bien que le tout soit de compétence provinciale. Les transferts en matière de services sociaux et aux fins des études postsecondaires qui ont été effectués par notre gouvernement sont sans précédent, et ils permettront de continuer à soutenir les provinces dans leurs efforts en vue de financer, notamment, le milieu universitaire et de réduire au maximum la pression à la hausse qu'exercent les droits de scolarité sur les étudiants.

[Traduction]

L'honorable Wilfred P. Moore : Ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, je me méfie toujours lorsque j'entends des associations étudiantes complimenter le gouvernement pour les sommes prévues dans le budget à l'intention des programmes pour étudiants, parce que, selon moi, elles ne veulent pas faire de vagues. Elles se disent qu'il vaut mieux encenser le gouvernement, prendre ce qui passe et aller de l'avant.

Vous avez parlé des transferts en matière de santé et de programmes sociaux. Les transferts au titre des programmes et des services sociaux comprennent des fonds pour l'éducation universitaire. Le gouvernement est-il prêt à faire la distinction entre ces transferts afin que l'on puisse connaître les sommes exactes affectées à chacune des provinces aux fins de l'éducation postsecondaire?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je crois que ces chiffres ont été publiés. Si vous consultez les tableaux des différents transferts sur le site web de Statistique Canada, vous verrez aisément l'évolution des différents transferts.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Merci. C'est ce que j'ai essayé de faire, monsieur le leader. Je pense que le transfert en matière de santé est clair. Il me semble que, dans le cas de l'autre transfert, il s'agit d'une somme forfaitaire. Je vais examiner de nouveau les chiffres, mais je ne pense pas que l'on indique précisément quelles sommes sont destinées aux provinces au titre de l'éducation postsecondaire.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a décidé de renoncer à percevoir les intérêts des prêts étudiants. Votre gouvernement est-il prêt à envisager un programme de ce genre pour ce qui est des sommes qu'il pourrait destiner aux programmes pour étudiants?

[Français]

Le sénateur Carignan : Pour la Nouvelle-Écosse, en 2015-2016, les paiements seront de l'ordre de 3 milliards de dollars au titre des principaux transferts, soit une hausse de 779 millions de dollars par rapport à 2005-2006, ce qui inclut 1,7 milliard de dollars en péréquation.

Comme je l'ai expliqué en réponse à la question du sénateur Munson, les sommes prévues dans le cadre du Plan d'action économique de 2015 sont extrêmement importantes. Comme l'a dit l'association étudiante universitaire que j'ai citée plus tôt, cet investissement est l'un des plus importants en faveur des étudiants qui aient été consentis par le gouvernement depuis plusieurs années. Il a été accueilli avec beaucoup de chaleur et d'enthousiasme par le milieu étudiant.

Nous vous invitons, encore une fois, à soutenir le Plan d'action économique de 2015 et, lorsqu'il sera mis au vote, au cours des prochaines heures, à voter en sa faveur.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Monsieur le leader, d'un point de vue philosophique, des articles récents sur la gratuité des droits de scolarité pour les études postsecondaires présentent celles-ci comme un investissement, pas comme une dépense, mais bien un investissement dans l'avenir de notre pays. Je pense que c'est ce que fait l'Irlande, où les étudiants doivent payer leurs livres et certains frais, mais où il me semble qu'il n'y a pas de droits de scolarité.

Avez-vous envisagé cette possibilité, ou le ministre responsable du dossier au sein de gouvernement y a-t-il songé? Je ne suis pas certain que cela fonctionnerait, mais je pense que cela vaut la peine d'y penser. Cela semble avoir fonctionné en Irlande et c'est un moyen de répondre aux préoccupations soulevées par le sénateur Munson. Puisque vous êtes père de deux enfants qui étudient à l'université — nous sommes tous passés par là —, n'avez-vous jamais pensé à cela ou croyez-vous que cela mérite d'être pris en considération?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, les droits de scolarité sont de compétence provinciale. Nous allons laisser aux provinces le soin de gérer et de fixer les droits de scolarité. J'aimerais rappeler que le gouvernement fédéral a versé, par l'intermédiaire des paiements de péréquation, des sommes record sous forme de transferts aux provinces. Il a investi, notamment dans le cadre du Plan d'action économique de 2015, des sommes extrêmement importantes. À ce titre, je le répète, l'Alliance canadienne des associations étudiantes a dit ce qui suit :

Nous sommes très heureux que le gouvernement prenne les priorités des étudiants au sérieux. [...]

Les contributions annoncées totalisent 419 millions de dollars sur quatre ans. Les étudiants n'ont pas vu un tel investissement dans l'aide financière aux étudiants depuis plusieurs années.

Le milieu étudiant reconnaît donc les efforts considérables qui sont déployés par notre gouvernement. C'est la raison pour laquelle je vous invite, honorables sénateurs, à appuyer le projet de loi C-59, qui permettra de mettre ces mesures en vigueur.

[Traduction]

Le cabinet du premier ministre

Les contrats de photographie

L'honorable Jane Cordy : En février, j'ai parlé de contrats accordés à des photographes pour suivre des ministres qui s'élevaient à 2,3 millions de dollars, tirés à même les deniers publics. Puis, en mai, nous avons appris que les vidéos d'autopromotion du ministre de l'Emploi, M. Poilièvre, ont été produites à même les ressources du ministère, c'est-à-dire avec l'argent des contribuables.

Le mois dernier, le premier ministre a fait une virée de relations publiques désormais célèbre en Afghanistan, accompagné du ministre Kenney et de son équipe de vidéographie personnelle, laquelle a produit une vidéo pour la chaîne en ligne du Parti conservateur.

Maintenant, à la veille des élections, les contribuables payent de nouveau la note pour les publicités du Parti conservateur. En effet, le premier ministre Harper a interrompu les exercices de l'OTAN dans la mer Baltique et a réquisitionné une frégate canadienne, tout cela pour participer à une séance de photos à des fins électoralistes avec le ministre Kenney.

Le sénateur Munson : Il a mis la Russie dans sa mire

La sénatrice Cordy : Oui.

Combien cela a-t-il coûté pour envoyer le premier ministre et le ministre Kenney à bord du navire de guerre de l'OTAN, dans la mer Baltique, pour participer à cette séance de photos? Et combien cela a-t-il coûté pour prendre des photos du premier ministre tentant d'apercevoir, à l'aide de jumelles, un navire russe à 13 kilomètres de distance du Fredericton?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : On se rapproche de plus en plus des élections. Comme on le dit, chassez le naturel et il revient au galop. On a eu beau commencer l'année, de l'autre côté, en disant qu'on n'était plus libéral; toutefois, plus les élections approchent, plus le rouge refait surface. De toute évidence, sénatrice, vous fourbissez vos armes pour la prochaine campagne électorale.

N'ayez crainte, nous n'avons pas l'intention d'imiter le Parti libéral. Vous n'avez aucune crédibilité lorsqu'il s'agit de remettre en question les dépenses en matière de publicité. Lorsque nous engageons des dépenses à ce titre, celles-ci visent bel et bien à faire de la publicité, et non à aider nos amis. D'ailleurs, on se demande toujours où sont passés ces 40 millions de dollars.

Je vous ai demandé à plusieurs reprises si vous vouliez nous aider à les retrouver.

(1430)

Sénatrice, notre gouvernement traite l'argent des contribuables avec le plus grand respect, et nous exigeons que les opérations gouvernementales soient réalisées au moindre coût possible. Nous allons continuer à prendre des mesures afin d'accroître la responsabilité et la transparence, et ce, afin de protéger l'argent des citoyens.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Les réponses du sénateur sont tout à fait prévisibles. Il répond toujours la même chose à toutes les questions qu'on lui pose au sujet du gaspillage au gouvernement.

La campagne publicitaire avait pour objectif l'unité nationale; c'était un objectif louable, mais malheureusement, quelques personnes ont mal agi, amenant le public à se méfier des politiciens. Un politicien doit toujours agir avec honnêteté et intégrité. Le gouvernement libéral de l'époque était déterminé à trouver les parties coupables — contrairement au gouvernement actuel, qui propose des mesures dans le projet de loi C-59 qui accordent une exonération rétroactive. Le premier ministre Martin a nommé le juge Gomery et accepté chacune de ses recommandations. Il a entièrement coopéré avec le juge Gomery, contrairement au Parti conservateur dans l'enquête sur le scandale des appels robotisés.

Honorables sénateurs, le gouvernement refuse de faire enquête sur les femmes autochtones assassinées et portées disparues. Quel dommage que le premier ministre Harper pense que la transparence et l'ouverture concernent tout le monde sauf son gouvernement. Le gouvernement s'est servi de deniers publics pour produire des publicités manifestement politiques dans le seul but de faire de l'autopromotion. Il s'est servi de l'argent que les Canadiens gagnent à la sueur de leur front.

Pouvez-vous me dire combien de photographes et de vidéographes personnels le premier ministre Harper et le ministre Kenney ont emmenés avec eux à la mer Baltique?

[Français]

Le sénateur Carignan : Manifestement, vous voulez commencer la campagne électorale avec des attaques partisanes. La Chambre des communes a ajourné ses travaux; on dirait que vous avez décidé de prendre le relais en posant des questions partisanes. J'aimerais vous rappeler que votre chef, Justin Trudeau, n'est pas prêt à être premier ministre du Canada.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Ce ne sont pas des questions partisanes. Je cherche à déterminer de quelle façon l'argent que versent les contribuables est dépensé.

Une voix : Bravo!

Le sénateur D. Smith : La vérité finira par sortir!

Le sénateur Day : Demandez-lui de s'en tenir aux faits.

La sénatrice Cordy : Impossible de l'amener à reconnaître les faits, sénateur Day. Ce n'est que discours partisan, sénateur Day.

Honorables sénateurs, le NCSM Fredericton a dû interrompre sa participation à un exercice de l'OTAN, non seulement pendant les 20 heures de la visite du premier ministre et du ministre Kenney à bord, mais aussi durant toute la durée des préparatifs de la frégate pour la séance de photos.

Si la situation avec les Russes et le président Poutine est aussi grave que le premier ministre persiste à le dire, pourquoi lui et le ministre Kenney ont-ils interrompu la participation du Fredericton et de son équipage à la mission qui consiste à défendre les pays de l'OTAN? Ce faisant, ils ont mis en danger notre sécurité et celle des pays baltes, simplement pour une séance de photos.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vos accusations sont fausses et sans fondement. Ce qui ressort de vos questions, c'est la volonté de vous engager pleinement dans la campagne électorale. J'espère que vous monterez sur scène avec Justin Trudeau pour montrer que vous êtes une vraie libérale, au lieu de vous cacher en prétendant être une sénatrice indépendante. De toute évidence, vous reprenez religieusement le même type de questions que vos amis libéraux de l'autre côté.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je prendrai part à la campagne « N'importe qui sauf Harper » en Nouvelle-Écosse.

Des voix : Non!

Des voix : Oh!

Une voix : Vous vous éloignez!

La sénatrice Cordy : On a empêché les journalistes de La Presse canadienne présents à bord du Fredericton de prendre des photos ou des vidéos, afin que les photographes et vidéographes personnels du premier ministre captent les meilleures images, lesquelles serviront aux publicités des conservateurs.

Encore une fois, vous n'avez pas répondu à mes questions : combien de photographes et de vidéographes ont accompagné le premier ministre Harper et le ministre Kenney? Combien d'argent ces séances photos ont-elles coûté?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, nous nous assurons que l'argent des contribuables soit dépensé avec le plus grand respect. Vous devriez consacrer votre énergie à trouver les 40 millions de dollars qui ont été transférés à vos amis. De votre côté, ce sont les copains d'abord.

[Traduction]

La sécurité publique

Le tourisme sexuel

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : D'après un rapport publié par Equality Now, au moins 20,9 millions d'adultes et d'enfants dans le monde sont achetés et vendus pour le commerce du sexe. Au total, 60 p. 100 des victimes de traite identifiées sont trafiquées à des fins d'exploitation sexuelle.

Au cours des dernières sessions parlementaires, nous avons adopté de nombreux projets de loi concernant la traite de personnes à des fins sexuelles. Voici ma question au leader du gouvernement au Sénat : que fait le gouvernement pour lutter contre le tourisme sexuel?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme vous le savez, nous avons adopté une loi contre la traite de personnes, que vous avez d'ailleurs appuyée. Nous allons continuer de minimiser les risques d'exploitation sexuelle, particulièrement pour les jeunes. Nous devons maintenir le flambeau et continuer de jouer un rôle d'impulsion pour lutter contre la traite de personnes et l'exploitation sexuelle. Nous allons continuer à le crier haut et fort.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, je ne sais pas si vous avez répondu à ma question, mais je vais la poser de nouveau. Les gens qui travaillent sur ces questions nous ont maintes fois conseillé d'établir un agent de police en Thaïlande, en République dominicaine et au Cambodge. Si vous prenez le tourisme sexuel au sérieux, que faites-vous?

Une voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, nous avons adopté une loi contre la traite de personnes. Nous allons continuer à travailler pour lutter contre la traite de personnes et l'exploitation sexuelle, particulièrement celle des enfants.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, je travaille avec l'International Justice Mission du Canada, qui fait d'excellentes choses à bien des endroits. Je suis allée avec l'organisme à Calcutta et, la semaine prochaine, je me rends en République dominicaine, où, m'a-t-on dit, de nombreux Canadiens pratiquent le tourisme sexuel et agressent des jeunes filles et des jeunes garçons. Que faisons-nous pour mettre fin à cette pratique?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je le répète, nous allons poursuivre nos efforts dans ce dossier, grâce à la législation qui a été adoptée pour contrer la traite de personnes et l'exploitation sexuelle. Nous avons également adopté une loi qui a permis de durcir les peines et d'augmenter les infractions. Nous allons continuer à dénoncer haut et fort tout type d'exploitation sexuelle, particulièrement celle qui concerne les femmes et les enfants.


(1440)

[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'honorable Dennis Glen Patterson propose que le projet de loi C- 72, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-72, Loi sur le parc national Qausuittuq du Canada, et pour témoigner mon appui à la création du 45e parc national du Canada sur l'île Bathurst, qui est située dans mon territoire, le Nunavut.

Ce parc, qui est le plus récent ajout à notre réseau de parcs nationaux de calibre mondial, est situé dans l'ouest de l'Extrême- Arctique du Canada. Sa superficie dépasse tout juste les 11 000 kilomètres carrés, ce qui en fait le 11e parc national en importance au Canada; il est donc un peu plus grand que le parc national de Jasper.

Le parc comprend la partie nord-ouest de l'île Bathurst, plusieurs des îles du gouverneur général ainsi que plusieurs petites îles situées à l'ouest et au nord de l'île Bathurst. Au sud, on trouve la Réserve nationale de faune de Polar Bear Pass et au nord, le Refuge d'oiseaux migrateurs de l'île Seymour. La collectivité inuite de Resolute se trouve à environ 200 kilomètres au sud-est du parc.

Ce nouveau parc national est le fruit d'une collaboration entre Parcs Canada et les Inuits. Le nom du parc a été choisi dans le cadre d'un concours qui s'est déroulé dans la région de Resolute Bay. Le mot « Qausuittuq » signifie « l'endroit où le soleil ne se lève pas » en inuktitut; en effet, dans cette région, à cette latitude, le soleil reste sous la ligne d'horizon pendant plusieurs mois l'hiver.

Le parc est composé de collines et de plateaux, d'une altitude maximale de 400 mètres. On y trouve de magnifiques falaises au bord de la mer, de même que des petits lacs, des terres humides et des basses terres. Le parc, qui est entouré par la mer, comprend deux passages marins et, au fond de ceux-ci, on trouve des roches sédimentaires. Les eskers, les moraines et les plages soulevées que l'on voit à la surface sont les signes d'une glaciation.

À 76 degrés de latitude nord, le parc national Qausuittuq se trouve dans l'une des régions les plus anciennes et les plus arides du monde. Certains qualifient cette région de désert polaire. Les précipitations annuelles sont inférieures à 130 millimètres. Le parc est composé d'une grappe d'îles de l'Arctique, qui sont entourées d'une mer glacée pendant une grande partie de l'année, et qui sont situées aux confins du territoire occupé par l'homme.

Malgré les conditions désertiques, on retrouve de la végétation dans le parc, dont la saxifrage à feuilles opposées, qui est l'emblème floral du Nunavut; le saule herbacé, le carex, des graminées, des lichens et des mousses.

Toute cette végétation est une précieuse source de nourriture pour la faune, et le parc abrite une étonnante diversité d'espèces sauvages, notamment l'ours polaire, le loup arctique, le renard arctique, le bœuf musqué et le caribou. On y retrouve aussi toutes sortes d'oiseaux, comme le harfang des neiges, l'oie des neiges, l'eider à tête grise, le labbe, le bécasseau maubèche, ainsi que d'autres goélands et oiseaux de rivage. Quant aux eaux marines du parc Qausuittuq, on y retrouve aussi diverses espèces, dont le phoque annelé, le phoque barbu, le morse, la baleine boréale, le béluga et le narval.

En somme, honorables sénateurs, pendant plusieurs mois de l'année, le parc national Qausuittuq prend vie avec l'éveil de la végétation et des espèces sauvages. C'est cette oasis au milieu d'un désert polaire qui doit être protégée au titre de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. C'est grâce à la végétation et aux espèces sauvages qu'abrite le parc que les résidants de la minuscule collectivité de Resolute Bay peuvent compléter leur alimentation depuis qu'ils ont quitté le Nord du Québec pendant les années 1950. Ils considèrent le parc national comme l'un des principaux moyens de protéger le caribou de Peary, une espèce en voie de disparition. C'est cette espèce de caribou qui a permis aux résidants de la collectivité de survivre lorsqu'ils se sont installés dans la région initialement.

Je vais citer un aîné de la collectivité, qui a déclaré ce qui suit à Parcs Canada en 2010 :

C'est au début du mois de septembre, en 1953, qu'on nous a laissés là où se trouve aujourd'hui la communauté de Resolute. Il faisait noir et froid, comparé à l'endroit où nous habitions près de la baie d'Hudson. Nous n'avions aucune idée de la façon dont nous pourrions survivre. Nous ne savions pas quels animaux vivaient à cet endroit. Nous nous sommes débrouillés pour passer à travers notre premier hiver en nous nourrissant de phoque et d'ours polaire. La viande de caribou nous manquait énormément. Durant le deuxième hiver, au mois de mars, cinq ou six chasseurs ont réussi à obtenir l'équipement nécessaire pour aller sur l'île Bathurst. Notre famille accompagnatrice de Pond Inlet nous a dit qu'il pouvait y avoir des caribous sur l'île, et elle nous a indiqué comment s'y rendre. Après environ une semaine, les chasseurs sont revenus avec huit caribous! Je n'étais qu'un enfant à l'époque, mais je me souviens que la viande avait très bon goût et que les adultes étaient très excités. Depuis ce jour, nous appelons l'île « l'endroit où chasser le caribou ». Ces caribous nous ont sauvé la vie à plus d'un égard. C'est maintenant à notre tour de les protéger.

Honorables sénateurs, en adoptant le projet de loi C-72, nous aiderons les aînés et les résidants de Resolute Bay à protéger le caribou de Peary. Le parc national Qausuittuq protégera les lieux de passage, les terrains de mise bas et les aires d'hivernage fréquentés par le caribou de Peary, une espèce inscrite depuis 2011 sur la liste des espèces en voie de disparition aux termes de la Loi sur les espèces en péril du Canada.

L'île Bathurst est également considérée comme un territoire très important pour le bœuf musqué dans les îles de la Reine Élisabeth. Des études archéologiques réalisées dans la région de l'île Bathurst ont révélé la présence d'humains au cours des 4 500 dernières années. Des peuples de culture dorsétienne et thuléenne inuite, tant préhistorique qu'historique, ont occupé la région. Dans le parc national Qausuittuq, il y a plusieurs sites archéologiques du Dorsétien récent, soit la période entre 500 et 1 200 après Jésus- Christ. Bien que l'île Bathurst ait parfois été habitée au cours des derniers millénaires, la zone du parc était la partie la moins peuplée de l'île.

L'incroyable découverte de vestiges des navires de sir John Franklin, qui ont permis notamment d'identifier le NSM Erebus et de récupérer la cloche du navire, s'avère une importante réalisation scientifique et historique de 2014. La découverte du NSM Erebus lors d'une recherche dirigée par Parcs Canada a fasciné les Canadiens et le monde entier, et elle a permis de mettre en valeur la souveraineté du Canada dans l'Arctique ainsi que notre respect pour le savoir traditionnel des peuples autochtones.

Le parc national Qausuittuq est lié au triste sort de l'expédition de sir Franklin. On y trouve un cairn érigé par l'une des équipes qui étaient parties à la recherche des navires de sir John Franklin, le NSM Erebus et le NSM Terror, et de leur équipage, disparus en 1845. J'ai eu le privilège de me rendre là-bas. C'est à près de 1 000 kilomètres de l'endroit où l'épave du NSM Erebus a été découverte, l'année dernière.

Bien que ce parc national sauvage de l'Extrême-Arctique se trouve dans un coin très éloigné du monde, je puis assurer qu'il est très facilement accessible à partir de Resolute, au Nunavut. Les Inuits de la région peuvent offrir des services de guide et de pourvoirie aux explorateurs aventureux et organiser l'accès par avion affrété, bateau, motoneige ou traîneau à chiens.

Il faut en faire l'expérience, sentir le soleil et le vent de l'Extrême- Arctique, découvrir ses horizons sans limites et voir la faune particulière qui réussit à y vivre. De plus, à ce temps-ci de l'année, le soleil brille 24 heures par jour.

Visiter le tout nouveau parc national du Canada, c'est quitter le monde ordinaire pour un paysage extraordinaire évoquant un infini sentiment d'isolement. C'est surtout au printemps et à l'été que les visiteurs se laisseront tenter par les charmes du parc national Qausuittuq. Ils pourront l'explorer de différentes façons, y camper et voyager comme le faisaient traditionnellement les Inuits, en compagnie de guides inuits.

Au printemps, on pourra aller de Resolute au parc en motoneige ou en traîneau à chiens, en raison de la neige et la glace de mer. L'été, un court trajet d'avion amènera les visiteurs de Resolute jusqu'au parc, où ils pourront explorer la toundra ou camper sous le soleil de minuit. Les passagers des bateaux de croisière seront aussi les bienvenus dans le parc.

Honorables sénateurs, la création de ce parc sera le fruit d'un partenariat entre Parcs Canada et les Inuits de Resolute. Ce partenariat a été négocié et défini dans le cadre d'une Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits signée par la ministre de l'Environnement et ministre responsable de Parcs Canada et par le président de l'Association inuite du Qikiqtani en janvier 2015.

Le parc national Qausuittuq aura un comité de gestion coopérative. Parcs Canada travaillera de concert avec les Inuits de Resolute, dans la région de Qikiqtani au Nunavut, afin que ce nouveau parc national procure aux Inuits des avantages sociaux et économiques, tout en offrant aux visiteurs une expérience agréable et enrichissante et l'occasion de découvrir la culture inuite.

La création du parc national Qausuittuq s'inscrit dans la foulée des mesures importantes que prend le gouvernement conservateur en vue de protéger le patrimoine naturel du Canada pour les générations futures. Depuis 2006, le gouvernement a élargi le réseau des zones protégées. Il a multiplié par six le territoire de la Réserve de parc national Nahanni et créé la Réserve de parc national de l'Île- de-Sable, la Réserve de parc national Nááts'ihch'oh, la Réserve de parc national, réserve d'aire marine nationale de conservation et site du patrimoine haïda Gwaii Haanas, et il propose actuellement une nouvelle aire protégée, l'aire marine nationale de conservation du lac Supérieur.

Pour terminer, j'encourage vivement les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-72. Qujannamiik.

(1450)

L'honorable George Baker : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Patterson : Bien sûr.

Le sénateur Baker : Le projet de loi a été adopté par la Chambre des communes et je suis heureux que le sénateur l'ait décrit de façon aussi détaillée puisque, comme il le sait, le projet de loi est réputé avoir été lu pour la deuxième fois, réputé avoir été renvoyé au comité, réputé avoir fait l'objet d'un rapport sans amendement et réputé avoir été lu pour la troisième fois à la Chambre des communes. Il faut tout de même que le contenu de la loi que nous allons adopter se trouve quelque part dans le compte rendu des discussions.

J'ai remarqué que l'on peut lire « (5) » dans le projet de loi, et que cette partie vise à modifier, par adjonction, l'annexe 1 de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. L'annexe 1 dresse la liste des provinces et territoires du Canada ainsi que le nombre de parcs nationaux. Je présume que l'on a indiqué « (5) » parce que ce parc serait le cinquième parc national à être créé sur le territoire du Nunavut. J'en suis presque certain, car je me souviens du moment où l'on a ajouté le quatrième; il devrait donc s'agir du cinquième.

Il arrive parfois que la création de parcs nationaux d'une grande superficie soit une source de conflits puisqu'elle limite les activités auxquelles les membres des collectivités locales peuvent s'adonner. Le sénateur peut-il garantir aux membres du Sénat que, à sa connaissance, la population locale ne conteste pas l'idée que l'on fasse de cette belle région un parc national comme il vient de nous l'expliquer? Peut-il nous assurer que le processus a été mené de concert avec les gens qui habitent le territoire qui deviendra un parc national et que ceux-ci sont heureux de se plier aux éventuelles restrictions qui leur seront imposées en ce qui concerne la chasse, entre autres choses?

Le sénateur Patterson : Je remercie le sénateur de poser la question et je suis ravi de lui dire que ce parc national a été créé dans le cadre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui prévoit la création de parcs nationaux, mais comporte aussi une disposition qui exige la conclusion d'ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits.

Les Inuits de la région de Baffin et l'Association inuite du Qikiqtani ont participé à toutes les négociations et à la conclusion d'une entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits. Honnêtement, je pense pouvoir dire qu'il n'y a pas eu d'opposition à la création de ce parc, qui a été négociée avec la participation entière des Inuits de la région de Baffin, de la région du Qikiqtani et de la région adjacente de Resolute Bay.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'aimerais remercier le sénateur Patterson de son discours fort instructif sur ce projet de loi. Il a eu le très grand privilège d'aller sur ce territoire, pas moi. Soyons honnêtes. La plupart d'entre nous n'y ont jamais mis les pieds et ne le feront jamais, mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas en faveur de sa préservation. Au contraire, nous savons tous à quel point l'Arctique est fragile et a besoin d'être préservé.

Je serais portée à croire que le tourisme n'est pas encore très développé à Qausuittuq, mais il est susceptible de s'intensifier en raison des changements climatiques et il est encore plus important qu'il soit encadré dans le Haut-Arctique qu'ailleurs au pays en raison de la grande fragilité du terrain.

C'est un territoire immense. Le projet de loi dit qu'il est d'environ 11 008 kilomètres carrés. C'est une vaste terre rude. Le sénateur Patterson a parlé du désert arctique. La température moyenne est de 32 degrés sous zéro en janvier et de seulement 5 degrés en juillet. Le fait que des gens vivent sur cette terre inhospitalière depuis 5 000 ans, qu'ils y aient fait leur marque et y aient survécu tient du miracle.

J'aimerais beaucoup, un jour, me rendre jusqu'au cairn dont parlait le sénateur Patterson, celui qui a été érigé par l'expédition partie à la recherche de sir John Franklin et de son équipage. Ça n'arrivera probablement jamais, mais je suis contente de savoir qu'il existe et qu'il est protégé.

Même s'il est évidemment important que nous appuyions tous la création de parcs nationaux comme celui-ci, il faut malgré tout que le Comité de l'environnement ait la chance de jeter un œil au projet de loi pour voir s'il n'y a pas de petits détails qui auraient besoin d'être fignolés.

Selon ce que je vois, il s'agit d'un texte tout simple auquel, comme le disait le sénateur Patterson, les gens du coin ont donné leur appui, et c'est ce qui compte par-dessus tout.

J'espère que ce parc leur procurera plaisir, profit et agrément, et comme, à mon avis, nous devrions renvoyer ce projet de loi au comité le plus rapidement possible, je propose que c'est ce que nous fassions sans plus tarder.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Patterson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

La Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'honorable David M. Wells propose que le projet de loi C-64, Loi modifiant la Loi sur la mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre part à ce débat important, qui porte sur le projet de loi C-64, Loi modifiant la Loi sur la mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Ce projet de loi permet au gouvernement d'à la fois tenir une promesse récente et remplir un engagement à long terme. Comme vous vous en souviendrez sans doute, le Plan d'action économique de 2015 annonçait il y a quelques semaines à peine la remise en vigueur du moratoire sur l'exploitation pétrolière et gazière dans le banc de Georges. Eh bien voilà : chose promise, chose due. Plus qu'un simple proverbe, cette phrase caractérise en fait le gouvernement conservateur; personne ne s'étonnera donc que ce projet de loi ait vu le jour.

En plus d'honorer cet engagement précis, le gouvernement a plusieurs fois assuré aux Canadiens que toute exploitation de nos ressources pétrolières et gazières extracôtières devrait respecter les normes environnementales les plus élevées. Avec cette mesure législative, nous honorons également cet engagement. En collaboration avec notre partenaire provincial, nous continuons à protéger cette zone écologique unique, qui abrite une grande diversité de poissons, de mammifères marins et de coraux. La pêche commerciale y est fort importante : en 2007, elle était évaluée à plus de 89 millions de dollars et générait plus de 43,5 millions de dollars en revenus connexes.

Chers collègues, le banc de Georges est plus qu'un simple accident géographique. Il a forgé une grande partie de notre histoire maritime. On peut dire, en effet, que c'est grâce à lui que se sont développées des villes comme Yarmouth sur la côte de la Nouvelle- Écosse. C'est un banc qui, sans l'ombre d'un doute, a fourni un gagne-pain et créé un mode de vie qui sont purement maritimes et indéniablement canadiens.

À 100 kilomètres à peine de la côte, le banc de Georges est l'un des bancs de pêche les plus accessibles du Nord de l'Atlantique. Son emplacement particulier, au confluent du courant froid du Labrador et des eaux chaudes du Gulf Stream, crée des conditions idéales pour le plancton et le krill, qui favorisent le développement d'un écosystème entier d'animaux marins.

(1500)

Le banc de Georges est l'une des régions océaniques les plus productives et les plus riches du monde sur le plan de la biodiversité. Grouillant de morue et de flétan, il a permis à l'industrie de la pêche de prospérer pendant plus de 400 ans. Les nouvelles techniques de pêche et la mauvaise gestion des ressources ont cependant conduit à la surpêche, sans parler des dommages causés aux habitats des fonds marins, dont les coraux et les éponges. Le gouvernement est déterminé à ne plus répéter les erreurs du passé. Pour ce faire, il est bon de faire un bref retour sur ce passé.

Vous vous rappelez peut-être que, de 1976 à 1982, un certain nombre de puits de reconnaissance ont été forés du côté américain du banc de Georges. Les répercussions sur les stocks de poisson ont toutefois suscité des craintes, ce qui a amené le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse à imposer, du côté canadien, un moratoire sur les activités pétrolières et gazières. Plus tard, les États-Unis ont imposé un moratoire semblable de leur côté.

Honorables sénateurs, la loi de 1998 qui a instauré cette interdiction au Canada, la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, prévoyait aussi la création d'une commission d'examen public mixte Canada — Nouvelle-Écosse. Cette commission avait pour but de formuler des recommandations aux deux gouvernements avant la fin du moratoire, en 2000.

Elle a conseillé de prolonger le moratoire jusqu'en 2012. De leur côté, les États-Unis ont prolongé, en 2010, le moratoire sur les activités pétrolières et gazières jusqu'en 2017. Le Canada et la Nouvelle-Écosse ont convenu, pour remplacer l'ancien moratoire imposé par la loi, d'instaurer, jusqu'en décembre 2015, un moratoire découlant d'une politique.

Cette période supplémentaire a permis d'étudier les effets de la prospection pétrolière sur les pêches. Compte tenu de l'échéance du 31 décembre et des élections qui doivent avoir lieu en octobre, nous agissons dès maintenant. Nous sommes fiers de travailler à cette initiative historique en collaboration avec la Nouvelle-Écosse.

Le gouvernement est déterminé à protéger des zones écosensibles comme le banc de Georges. Nous savons qu'il est impératif de préserver le précieux habitat qui assure le maintien de notre secteur des pêches afin de protéger notre patrimoine géographique pour les générations futures et d'assurer la viabilité économique de nos collectivités côtières.

Cette mesure législative cadre avec cette approche et notre plan d'exploitation responsable des ressources. Grâce à ce plan, nous faisons participer les groupes autochtones à tous les aspects de l'exploitation des ressources, renforçons la sécurité extracôtière tout en améliorant les mesures de prévention, l'état de préparation et le cadre d'intervention, augmentons la responsabilité des pollueurs dans le cas peu probable d'un accident, inscrivons dans la loi le principe du pollueur-payeur et, pour finir, modernisons notre examen réglementaire des projets majeurs liés aux ressources pour éliminer le dédoublement et fournir des échéanciers prévisibles aux investisseurs.

Permettez-moi d'intervenir sur ce dernier point, celui concernant l'accroissement de l'efficacité des règlements. L'objectif du gouvernement n'est pas d'adopter des règlements qui ont l'air bons, mais des règlements qui sont bons et solides. L'Initiative de renouvellement de la réglementation concernant les zones pionnières et extracôtières, l'IRRZPE, en est un bon exemple.

Les sénateurs savent que cette initiative est le fruit d'une collaboration entre les gouvernements du Canada, de Terre- Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse. Parmi les autres partenaires, il y a l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers et l'Office Canada-Terre-Neuve-et- Labrador des hydrocarbures extracôtiers, ainsi que l'Office national de l'énergie.

L'objectif de cette initiative est simple : moderniser le cadre réglementaire qui régit les secteurs pétrolier et gazier dans les régions extracôtières du Canada. Bref, il s'agit de renforcer les règlements en s'assurant que ceux-ci sont axés sur le rendement et donnent des résultats tangibles sans entraîner de tracasseries administratives. C'est une initiative nécessaire et je suis impatient de poursuivre ma collaboration avec l'industrie et les partenaires provinciaux pour faire avancer ce travail.

Bien entendu, le renforcement de la sécurité maritime partout au pays est un élément clé de notre plan d'exploitation responsable des ressources. Pour ce faire, nous augmentons le nombre d'inspections de surveillance et de vérifications de sécurité, et renforçons les pouvoirs d'application. De plus, nous mettons en œuvre les recommandations du groupe d'experts indépendants sur la sécurité des navires-citernes pour élaborer des plans d'intervention.

Ces plans d'intervention seront adaptés aux caractéristiques géographiques et aux conditions environnementales des différentes régions, ainsi qu'aux pétroliers qui y circulent. Tous les efforts déployés dans le cadre de notre plan de développement responsable des ressources complètent nos efforts continus pour protéger les eaux canadiennes en créant des aires marines protégées. Les aires marines protégées existantes couvrent plus de 56 000 kilomètres carrés des océans et des Grands Lacs canadiens, ce qui équivaut environ à la superficie de la Nouvelle-Écosse

Le bilan environnemental du Canada pour les activités extracôtières est solide. Les projets pétroliers et gaziers extracôtiers n'ont le feu vert que s'ils ne présentent aucun danger pour les Canadiens et l'environnement. En rétablissant un moratoire législatif, nous avons écouté les associations de pêcheurs, les entreprises de transformation de produits de la mer, les organisations environnementales et non gouvernementales, ainsi que les Premières Nations.

En même temps, nous avons montré que nous étions déterminés à profiter des possibilités économiques associées aux ressources pétrolières et gazières extracôtières du Canada, tout en garantissant le niveau de protection environnementale le plus élevé.

Ce projet de loi établira un moratoire sur l'exploitation pétrolière et gazière jusqu'en 2022. Aux termes de ce projet de loi, le moratoire pourra être prolongé pour une période allant jusqu'à 10 ans par un avis conjoint du ministre des Ressources naturelles et de son homologue provincial. Ces avis fourniront une justification pour la prolongation du moratoire et seront publiés dans la Gazette du Canada. Ils peuvent seulement être émis après un examen approfondi des incidences environnementales et socioéconomiques des activités pétrolières et gazières.

Je vais vous expliquer pourquoi nous avons choisi de procéder par avis ministériel plutôt que par mesure législative. C'est parce que cela fait plus de 30 ans que le banc de Georges a besoin d'être protégé. Notre objectif consiste à faire en sorte que toute prolongation du moratoire soit aussi efficace que possible, et les avis ministériels conjoints sont la meilleure façon d'y parvenir. L'émission de ces avis est également conforme aux principes de gestion conjointe en vertu desquels les ministres fédéral et provinciaux travaillent de concert pour confirmer les décisions relatives aux activités pétrolières et gazières en Nouvelle-Écosse. Dans la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle- Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, ces décisions sont nommées « décisions majeures ».

La Nouvelle-Écosse s'est engagée à présenter un projet de loi semblable dans le but de modifier la loi provinciale sur l'accord et d'abroger la loi provinciale sur la politique d'octroi des permis pour les activités extracôtières, une fois que le projet de loi sera adopté au Parlement fédéral.

Il arrive que le Sénat ait à s'occuper de dossiers ayant des conséquences immédiates ou dans le but de résoudre immédiatement certains problèmes. Cependant, il arrive aussi que le Sénat ait à prendre du recul, selon une perspective à plus long terme, qui va au- delà des prochaines élections, afin d'agir dans l'intérêt des générations à venir.

Ce projet de loi doit être envisagé dans une telle perspective. Il nous propose de protéger à long terme l'intégrité d'une précieuse richesse naturelle nationale. Je demande à tous les sénateurs de voir à la protection de cette zone écologiquement sensible en appuyant le projet de loi C-64. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Baker, vous avez une question?

L'honorable George Baker : Le sénateur me permettrait-il de lui poser une question?

Le sénateur Wells : Votre question est la bienvenue, sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Voilà un autre projet loi qui a été adopté par la Chambre des communes. Premièrement, je voudrais féliciter le sénateur pour sa description exacte de la teneur du projet de loi. Celui-ci a été adopté par la Chambre des communes sans qu'un seul mot ne soit prononcé. D'un seul vote, la Chambre des communes a décidé que le projet de loi était réputé avoir été lu pour la deuxième fois, réputé avoir été renvoyé à un comité, réputé avoir été étudié par le comité, réputé avoir fait l'objet d'un rapport du comité sans proposition d'amendement et réputé avoir été lu pour la troisième fois. Il nous faut pourtant débattre des lois avant de les adopter.

Les États-Unis ont sans doute précédé le Canada pour ce qui est de l'adoption d'un moratoire sur les activités de forage. Je dois reconnaître que le sénateur en sait beaucoup sur ce domaine, auquel il s'est beaucoup consacré. Je ne sais pas si c'était dans le secteur privé ou dans l'administration publique, mais il connaît bien l'accord Canada-Terre-Neuve. Je pense qu'il a fait partie du comité de surveillance par le passé.

Je remarque que cette mesure législative n'impose pas un moratoire permanent, ni même un moratoire qui s'étendrait jusqu'au 31 décembre 2022, mais qu'il est précisé dans chaque article que les ministres fédéral et provincial « peuvent, par avis conjoint » interdire certaines activités.

Le sénateur pourrait-il donner au Sénat l'assurance que le gouvernement a bien l'intention de faire ce qu'il a exposé dans son allocution et ce que le résumé du projet de loi laisse entendre, c'est-à-dire établir un moratoire sur le forage et le maintenir jusqu'au 31 décembre 2022, que le projet de loi prévoira le mécanisme nécessaire à cette fin et que les mots « peuvent, par avis conjoint » doivent être interprétés de cette manière?

(1510)

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénateur Baker. Je tiens à préciser que je n'ai pas exercé de fonctions de surveillance. J'ai été adjoint au chef de la direction de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers pendant deux ans et j'ai siégé au conseil d'administration de cet office pendant deux ans et demi. J'ai donc été en contact quotidien avec des offices extracôtiers. Dans le cadre de mes fonctions à l'époque, j'ai aussi eu affaire directement à l'Office national de l'énergie, au ministère des Ressources naturelles du Canada et à l'Office Canada-Nouvelle- Écosse des hydrocarbures extracôtiers.

Je pense que, en fait, le moratoire canadien a précédé le moratoire américain. Je pense qu'il s'agissait d'un moratoire fondé sur une politique — et non sur une loi —, qui remontait aux années 1970.

Si je comprends bien votre question, vous cherchez à savoir si le gouvernement pourrait s'engager à poursuivre le moratoire au-delà de 2022 puisqu'il est inscrit dans la loi. Est-ce là, en gros, le contenu de votre question?

Le sénateur Baker : Non. Voici ce que prévoit textuellement le projet de loi :

Les ministres fédéral et provincial peuvent, par avis conjoint, interdire [...]

Le mot « peuvent » est répété.

Dans vos explications sur le projet de loi, vous avez dit que le moratoire sur les opérations de forage se poursuivrait pendant un certain temps, alors que, dans le projet de loi, le libellé est le suivant : « [...] peuvent, par avis conjoint, interdire [...] »

Le sénateur Wells : Merci, sénateur Baker. Parce que le gouvernement fédéral ne peut contrôler que les choses qui relèvent de sa compétence — et je l'ai mentionné dans mon discours. C'était un ajout. Ce n'était pas dans le texte et c'était très précis.

Certaines décisions prises par les deux offices des hydrocarbures extracôtiers, dont le Canada fait partie, s'appellent des décisions fondamentales. Il s'agit de décider s'il convient de forer ou de s'abstenir de le faire. Les décisions fondamentales s'appliquent à diverses catégories. Ces décisions doivent être prises par le ministre de l'Énergie du Canada et le ministre responsable de Terre-Neuve- et-Labrador — il s'agit habituellement du ministre de l'Énergie ou des Ressources naturelles.

En utilisant le mot « peuvent » pour évoquer une possibilité, nous ne présumons pas de la décision du ministre provincial puisque, au sein de ces offices fédéraux-provinciaux, il revient à la province de prendre ses propres décisions. Bien que nous soyons fortement convaincus de ce que fera le gouvernement fédéral — en fait, nous l'inscrivons dans la loi —, nous ne pouvons pas présumer de la décision du ministre provincial même si, dans le cas de la Nouvelle- Écosse, c'est la province elle-même qui a réclamé cette mesure législative.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Comme le dirait le sénateur Baker, mon intervention sera brève, et je le dis sérieusement.

Je remercie le sénateur Wells d'avoir exposé les grandes lignes des dispositions du projet de loi. Cette initiative fédérale-provinciale est importante pour le Canada et pour ma province, la Nouvelle- Écosse. Comme l'a dit le sénateur, de 1988 à 2012, la prospection pétrolière et gazière était interdite par la loi sur une partie du banc de Georges. Puis, un moratoire stratégique a été décrété de 2012 jusqu'au 31 décembre de cette année. Le projet de loi a pour but de remplacer ce moratoire stratégique par un moratoire législatif qui s'appliquerait jusqu'en 2022. Par la suite, tel que l'a décrit le sénateur, les ministres pourraient prolonger le moratoire par tranches de 10 ans au moyen d'un avis conjoint et non par voie législative, une fois menées à terme les études d'impact environnemental et socioéconomique.

Ce matin, j'ai profité de l'occasion pour parler avec des représentants provinciaux de la Nouvelle-Écosse. Ils m'ont assuré avoir participé à la négociation de cette entente, appuyer l'adoption de cette mesure législative et être prêts à présenter, comme le sénateur Wells l'a dit, une loi correspondante quand l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse sera convoquée à nouveau.

Puisque le Sénat est censé être une Chambre de surveillance législative, d'examen législatif, de second examen objectif, peu importe le nom qu'on lui donne, je voudrais seulement revenir sur le point que le sénateur Baker a déjà soulevé à deux reprises, d'abord dans une question qu'il a adressée au sénateur Patterson, puis dans une question qu'il a posée au sénateur Wells.

Il nous arrive souvent de revoir ce qui s'est dit à l'autre endroit au sujet de projets de loi qu'on nous demande d'adopter. Je vais vous citer mot pour mot ce qu'on a dit au sujet du projet de loi à l'autre endroit. C'est l'honorable Peter Van Loan, leader du gouvernement à la Chambre, qui a dit cela. Cela ne me prendra pas trop de temps. C'était le 19 juin, vendredi dernier. C'est tout ce qui a été dit au sujet du projet de loi à la Chambre des communes :

Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre :

a) le projet de loi C-64, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, soit réputé lu une deuxième fois et renvoyé à un comité plénier, réputé étudié en comité plénier, réputé avoir fait l'objet d'un rapport sans amendement, réputé adopté à l'étape du rapport et réputé lu une troisième fois et adopté.

Cela ne me semble pas être la façon dont on devrait adopter des lois au Canada; je suppose que tous les sénateurs partagent mon avis. Je reconnais l'importance du projet de loi, que j'appuie. Cela dit, ce n'est pas comme cela que l'on devrait adopter des lois.

Dans son discours, M. Van Loan a également parlé du projet de loi C-72, parrainé il y a quelques instants par le sénateur Patterson; il y a consacré exactement le même nombre de mots et de secondes, sans discussion, sans débat. Le problème, c'est que le projet de loi sera renvoyé à notre comité, qui convoquera vraisemblablement un fonctionnaire compétent, mais je doute qu'il aura le temps d'entendre d'autres témoins qui pourraient être légitimement concernés par l'adoption d'un tel projet de loi.

Bien que j'appuie le projet de loi et que je voterai en sa faveur à l'étape de la deuxième lecture et à l'étape du rapport, je pense vraiment que ce n'est pas de cette façon que nous devrions étudier et adopter les lois du Canada.

Cela dit, j'appuie le projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Une voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wells, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

Projet de loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice

Dix-neuvième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais, tendant à l'adoption du dix-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice, avec une recommandation), présenté au Sénat le 1er avril 2015.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.

Comme vous le savez, chers collègues, le comité a recommandé que le Sénat ne poursuive pas l'étude du projet de loi.

J'ai présenté celui-ci pour la première fois il y a deux ans, soit le 12 juin 2013. Je l'ai fait en raison de l'évidente inefficacité de l'approche actuelle en matière de santé mentale et de justice pénale. De plus en plus, ce ne sont pas des criminels endurcis qui remplissent les prisons, mais des personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Les services de police ne s'affairent pas tant à combattre la criminalité dans nos rues qu'à répondre à des appels liés à la maladie mentale, à la toxicomanie et à la dépendance.

Je ne répéterai pas encore une fois les statistiques et la litanie de problèmes relatifs à la question. Il en est question dans un autre discours que j'ai prononcé sur ce projet de loi, dans les témoignages qui ont été entendus par le Comité des affaires sociales et dans un nombre de plus en plus grand de rapports, y compris, malheureusement, dans les rapports des coroners et les rapports judiciaires sur le décès de détenus atteints de maladie mentale.

(1520)

Il y a une expression qui décrit bien ce qui se passe, chers collègues. Il est question ici de criminalisation de la maladie mentale. Le problème, c'est que les prisons ne sont pas des hôpitaux et que les gardiens de prison ne sont pas des professionnels de la santé mentale. On ne devient pas policier parce qu'on veut s'occuper des problèmes de santé mentale des citoyens; on devient policier parce qu'on veut empêcher les criminels d'agir.

Plus important encore, la criminalisation de la maladie mentale ne fait qu'aggraver la situation. Les membres du Comité des affaires sociales ont appris que, l'an dernier, on a dénombré plus de 1 000 blessures auto-infligées dans les prisons et que ce taux a plus que triplé au cours des cinq dernières années. Bien entendu, nous avons tous entendu des histoires tragiques concernant des Canadiens — trop souvent, de jeunes Canadiens — atteints de maladie mentale qui se sont suicidés pendant qu'ils étaient incarcérés.

Ce n'est pas le genre de société que nous voulons. Nous ne voulons pas non plus que nos concitoyens soient traités ainsi; nous ne voulons pas qu'ils se retrouvent derrière les barreaux parce qu'ils ont une maladie.

Mon projet de loi avait pour objectif de trouver une autre façon, bien meilleure, d'aborder la situation. Les rapports, les études et les professionnels, qu'il s'agisse de policiers, de juges, de responsables des services correctionnels ou de psychiatres, indiquent tous la même chose : il faut adopter une meilleure approche, une approche globale, qui réunit les divers ordres de gouvernement ainsi que des institutions et des professionnels du milieu de la justice pénale, mais surtout, du milieu de la santé. Notre approche doit être axée sur le dépistage précoce et le traitement, et elle doit garantir que des services de soins de santé mentale seront offerts et que les Canadiens qui en auront besoin pourront s'en prévaloir quand c'est nécessaire.

Mon projet de loi visait à constituer une nouvelle commission dont le principal objectif serait de s'attaquer sérieusement à ces problèmes. J'ai été heureux de voir l'accueil favorable que ma proposition a suscité, notamment chez les intervenants que j'ai rencontrés, les témoins qui ont comparu devant notre comité et même d'autres sénateurs siégeant au comité. Comme l'a dit la sénatrice Frum au Sénat : « Il ne s'agit plus de s'entendre sur ce qui doit être fait, mais bien sur la meilleure façon d'atteindre les objectifs convenus. »

J'ai proposé la création de la nouvelle Commission canadienne de la santé mentale et de la justice. D'autres personnes, y compris plusieurs témoins qui ont comparu devant le comité ainsi que la majorité des sénateurs siégeant au Comité des affaires sociales, croyaient que la meilleure idée était de confier cette tâche à la Commission de la santé mentale du Canada.

Honorables collègues, la Commission de la santé mentale du Canada est un organisme dont tous les sénateurs sont très fiers, à juste titre, puisque sa création découle directement des recommandations qui avaient été faites par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans son rapport novateur sur la santé mentale intitulé De l'ombre à la lumière. Nous savons que cette importante commission a été créée grâce au Sénat, et c'est une réalisation citée par bon nombre d'entre nous lorsque nous parlons du bon travail effectué par le Sénat.

La Commission de la santé mentale fait un travail excellent et important dans le domaine de la santé mentale. Cependant, j'avais des réserves à l'idée de lui confier les tâches définies dans mon projet de loi. C'est pourquoi j'ai proposé de constituer une nouvelle commission. Voici une explication.

Mentionnons d'abord que la Commission de la santé mentale a été créée par le gouvernement actuel en 2007 et que son mandat de 10 ans prendra fin en 2017. À l'approche de la date limite, au cours des dernières années, plusieurs sénateurs ont demandé au leader du gouvernement de nous assurer que le gouvernement prévoyait renouveler le mandat après 2017, mais le leader évitait soigneusement de nous donner cette assurance.

Cependant, il y a deux mois, soit le 21 avril 2015, le gouvernement a annoncé dans son budget que le mandat de la commission allait effectivement être renouvelé pour 10 autres années.

Les honorables sénateurs comprendront toutefois que, lorsque j'ai rédigé mon projet de loi en 2013, je ne pouvais pas tenir pour acquis que la Commission de la santé mentale existerait toujours et pourrait s'acquitter des tâches décrites.

C'était l'une des raisons, mais pas la seule.

Dans son discours du 21 avril, la sénatrice Frum a indiqué qu'il n'était pas nécessaire de créer un autre organisme, puisque la Commission de la santé mentale « se penche sur certaines questions de santé mentale dans le système de justice et au-delà ». Le problème, chers collègues, c'est que l'excellent travail de la commission ne représente qu'une infime parcelle de tout ce qu'il y aurait à faire dans ce domaine. La commission a réalisé quelques projets louables et fort utiles, certes, mais aucun n'était aussi poussé et aussi pratique que les tâches prévues par le projet de loi S-208.

Cela n'a rien d'étonnant, étant donné le vaste mandat de la Commission de la santé mentale du Canada.

Selon moi, il serait utopique de croire que la commission pourra continuer le travail qu'elle fait déjà dans d'autres domaines et s'attaquer, en plus, à la tâche très exigeante décrite dans mon projet de loi. Pour y parvenir, elle aurait besoin de ressources considérablement accrues.

Ma dernière préoccupation tient au fait que la Commission de la santé mentale n'a pas de mandat législatif. À l'heure actuelle, chers collègues, son mandat est déterminé par le gouvernement au pouvoir. Comme on a pu le voir, la survie même de l'organisme a été incertaine pendant une longue période. De toute évidence, il est difficile de planifier et de mener à bien des travaux de longue haleine dans pareil contexte.

Plusieurs témoins ont exprimé ces inquiétudes quand ils ont comparu devant le comité. Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada et professionnel très respecté, a appuyé la création d'une Commission canadienne de la santé mentale et de la justice parce qu'elle « pourrait fournir l'énergie et la direction nécessaires pour conduire une réforme et un changement à l'échelle nationale ».

Il appuyait vigoureusement l'idée d'inscrire dans la loi le mandat d'une commission comme celle-ci. Voici ce que M. Sapers a répondu quand la sénatrice Seidman lui a demandé ce qu'il pensait de la proposition visant à décerner à la commission un mandat législatif :

Vous ne serez pas surprise d'apprendre que j'ai une idée sur l'importance des mesures législatives et du pouvoir légal. Mon bureau...

— il s'agit du Bureau de l'enquêteur correctionnel du Canada —

... profite bel et bien d'une telle situation. L'assise est un gage de stabilité et de continuité. Elle élimine par exemple la question devant laquelle se trouve actuellement la Commission de la santé mentale : l'organisation existera-t-elle au-delà de 2017? Il ne faut pas sous-estimer l'importance d'une telle certitude.

Cela ne veut pas dire que les organismes ou organisations ne peuvent pas exister sans pouvoir légal, ni que ces pouvoirs ne devraient jamais devenir caducs ou être révisés de temps à autre. Quoi qu'il en soit, je peux vous dire que je trouve très important que mon bureau ait un fondement législatif.

Anita Szigeti, qui possède aussi une grande vaste expérience du domaine, a comparu devant le comité et a témoigné au nom de la Criminal Lawyers' Association. En 23 ans de carrière, elle a représenté plus de 6 000 clients atteints de graves troubles mentaux. Elle a indiqué que la Criminal Lawyers' Association appuie la création d'une commission nationale de la santé mentale et de la justice. Selon elle, « les problèmes que vivent les personnes atteintes de maladie mentale qui ont des démêlés avec la justice pénale atteignent des proportions effarantes et [...] pour les régler, il faut des personnes spécialisées dans le domaine et une solution globale ».

Mme Szigeti préconise elle aussi le recours à un mandat législatif. Elle a d'ailleurs déclaré ce qui suit : « un mandat législatif est nécessaire pour obtenir des résultats concrets ».

La majorité du comité a statué autrement en ce qui concerne la nécessité de donner à l'organisation un mandat législatif et de créer une nouvelle organisation. Ainsi, dans son rapport, le comité recommande que le projet de loi S-208 ne soit plus examiné par le Sénat. Le comité exhorte plutôt le gouvernement à confier à la Commission de la santé mentale du Canada un nouveau mandat élargi comprenant les missions et les fonctions énoncées dans le projet de loi S-208. J'ai été heureux de constater que le comité a indiqué, dans ses observations, que la Commission de la santé mentale doit être « adéquatement financée » et dirigée de façon à s'acquitter des fonctions qui lui sont confiées.

Chers collègues, je crois toujours qu'un mandat législatif est la meilleure solution. On a pu constater très concrètement les problèmes liés à un mandat limité dans le temps, qui dépend de la bonne volonté du gouvernement du moment. J'estime que la stabilité, la clarté, la transparence et l'imputabilité devant le Parlement que fournirait un mandat législatif sont cruciales.

Toutefois, bien que l'on sache avec certitude que le mandat de la Commission de la santé mentale du Canada sera renouvelé, on ne sait pas encore en quoi consistera le nouveau mandat et on ne dispose pas non plus de renseignements sur les ressources qui seront fournies.

Il y aura beaucoup d'incertitude si le Sénat choisit de procéder comme le recommande le rapport du comité. Ce qui est certain, c'est qu'il y a beaucoup de travail à faire, que, tous les jours, des Canadiens se retrouvent pris dans un système de justice pénale qui n'est pas en mesure de résoudre leurs problèmes et que ce système est utilisé d'une façon qui n'était tout simplement pas prévue lorsque le système a été conçu.

(1530)

Des gens qui ne sont pas des criminels, mais qui souffrent de maladie mentale, de même que leur famille et leurs amis, paient de leur vie le prix de notre inaction. En un mot, ou bien nous établissons la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice, ou bien nous donnons au plus vite à la Commission de la santé mentale le nouveau mandat et les ressources financières dont elle a grandement besoin.

Je vous remercie, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la non-discrimination génétique

Onzième rapport du Comité des droits de la personne—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénateur Demers, tendant à l'adoption du onzième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, avec des modifications), présenté au Sénat le 19 février 2015.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'avais cru comprendre, il y a quelques semaines, que la sénatrice Poirier allait parler de cette question. Puis-je demander à la leader adjointe quand elle le fera?

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Je suis désolée, je ne puis répondre à votre question, et je vois que la sénatrice Poirier n'est pas à sa place.

Le sénateur Cowan : Pourriez-vous vous renseigner et me le faire savoir?

La sénatrice Martin : Oui.

(Le débat est reporté.)

[Français]

Projet de loi renforçant la sécurité des Canadiens et promouvant la chasse et le tir sportif

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose que le projet de loi S-231, Loi modifiant la Loi sur les armes à feu, le Code criminel et la Loi sur la production de défense, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord mettre en contexte ce projet de loi. Il ne s'agit pas d'une réponse au projet de loi C-42 qui a été adopté récemment. Je travaille sur ce sujet depuis plusieurs années. C'est le résultat de recherches et de consultations auprès d'experts que j'ai effectuées avec l'aide du personnel de mon bureau depuis septembre de l'an dernier qui m'a amenée à déposer ce projet de loi.

À ce jour, il n'existait, dans les médias sociaux, qu'un seul communiqué de presse qui expliquait les grandes lignes du projet de loi. J'ai reçu des réactions négatives, pour ne pas dire des insultes plus ou moins menaçantes. Par contre, de toute ma carrière politique, je n'ai jamais reçu autant de fleurs, soit un bouquet de 3 250 « j'aime » en réponse à l'article que j'ai publié sur le dépôt de mon projet de loi. Je ne me suis jamais sentie aussi aimée de ma vie.

Par conséquent, j'aimerais vous rappeler l'objectif de ce projet de loi et la raison pour laquelle la loi porte le titre de Loi renforçant la sécurité des Canadiens et promouvant la chasse et le tir sportif. Son objectif est triple : premièrement, garantir la sécurité; deuxièmement, garantir aux passionnés de chasse et de tir sportif la possibilité d'effectuer leurs activités de façon sécuritaire; troisièmement, prohiber toute arme à feu qui n'est pas liée à la sécurité ni aux activités que je viens de mentionner.

Évidemment, mon projet de loi est plus nuancé que le sommaire dont je viens de vous faire part. Ainsi, il maintient les quatre motifs de possession et d'acquisition de permis d'armes à feu déjà inscrits dans la loi, à savoir l'emploi, l'autodéfense, le sport et la collection. Par exemple, les collectionneurs d'armes à feu pourront toujours exercer leur passion et garder les armes qui appartenaient à leur grand-père ou à leur arrière-grand-père, car mon projet de loi prévoit que ces armes seront rendues inopérantes et qu'elles pourront être mises en évidence dans les maisons d'habitation de ces personnes.

Selon une autre exception qui est prévue, une personne qui doit assurer sa protection pourra toujours, comme c'est le cas dans la loi actuelle, demander une dérogation pour conserver une arme à feu chez elle. En d'autres termes, et compte tenu des réactions sur Internet d'activistes pro-armes, je vous le dis sans équivoque : je ne suis pas contre les armes à feu! Je compte vous le répéter parfois pour m'assurer que c'est bien compris. Je ne suis donc pas contre les armes à feu.

La différence entre ma position, exprimée par mon projet de loi, et celle de certains groupes de pression est de savoir où placer la ligne de démarcation entre les armes à feu autorisées et celles que l'on souhaite voir prohibées ou limitées à un usage localisé comme aux clubs de tir. Voilà pour cette introduction.

Je reviendrai avec force détails sur la philosophie qui sous-tend mon projet de loi, mais une chose est sûre : je ne fais pas dans la caricature ni dans la manipulation pour un sujet aussi délicat. Tout le monde ne peut en dire autant, à commencer par certains groupes de pression qui, seulement à partir de mon communiqué de presse, ont évoqué des impressions et des détails qui n'existent en aucun cas dans mon projet de loi.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, c'est avec plaisir que j'aimerais partager avec vous quelques-uns de mes plus beaux souvenirs de famille. Comme la plupart d'entre vous le savent probablement, je suis originaire d'une petite ville qui s'appelle l'Assomption, située au nord de Montréal, au Québec, dans la région de Lanaudière. En raison de la proximité du fleuve Saint-Laurent, plusieurs chasseurs résidaient et résident toujours à l'Assomption, parce qu'elle offre à la fois la possibilité d'aller à la chasse au canard et de parcourir les différentes forêts de la région, et de faire également du sirop d'érable.

Mon père faisait partie de ces gens qui fréquentaient souvent les sous-bois et les berges du fleuve pour chasser le petit et le gros gibier. Quand on parle de gros gibier, on parle de chevreuils et d'orignaux. En ce qui concerne la chasse aux animaux sauvages, donc la venaison, je connais tout le processus qui consiste à l'engranger, à la conserver, à la faire faisander et même à la faire cuire. Si cela vous intéresse, c'est avec plaisir que j'irai vous aider à faire cuire chez vous les lièvres, les perdrix ou les canards que vous aurez chassés. Ce sont des activités pour lesquelles mon père me disait avoir plus de talent que ma mère. Ce n'est pas tout à fait vrai, mais c'est ce qu'il me disait.

Dans les années 1950 et 1960, il utilisait, pour chasser le gros gibier, une arme fiable, une carabine Lee Enfield de calibre .303, qui était également pourvue d'une lunette d'approche. Nous avions également une carabine de calibre .22, pour le plus petit gibier, ainsi que les fameux calibre .12 avec lequel il fallait vraiment viser la tête de la perdrix, sinon on ne mangeait pas de perdrix, car il ne restait que du plomb et un paquet de plumes.

Mon père utilisait ces armes à feu pour le sport, mais également pour mettre sur la table une excellente nourriture. Aujourd'hui, c'est différent. Les animaux que mon père rapportait de la chasse représentaient des mets de choix. Je ne crois pas qu'on puisse se nourrir de cette façon aujourd'hui, mais, en ce qui me concerne, on mangeait de la viande sauvage plus de la moitié de l'année. J'ajouterais aussi qu'il y avait du poisson qui garnissait notre table grâce à de ces activités de plein air. Au fil des décennies, le mode de vie s'est urbanisé, et le caractère utilitariste des armes à feu s'est progressivement estompé.

(1540)

Je ne nie pas non plus la réalité des populations autochtones qui ont conservé un mode de vie basé sur la chasse et la pêche, mais, de façon globale, nous ne sommes plus au temps des pionniers ni à celui de mon père. Mon collègue, le sénateur Watt, m'a déjà fait déguster quelques morceaux de caribou, et je dois dire que c'est délicieux.

Je reconnais aussi que la chasse et la pêche font partie de la culture canadienne, et que les pourvoiries, par exemple, sont des lieux qui satisfont à la pratique de cette culture. Au Québec, nous en avons de très confortables et de très agréables. Je suggère d'ailleurs à mes collègues d'y séjourner, à l'occasion de petites vacances à l'automne, lors d'une semaine où nous n'avons pas à nous présenter au Sénat.

J'aimerais aborder en détail le projet de loi S-231. J'ai cerné six points clés qui me permettront d'expliquer les mesures contenues dans ce projet de loi, un projet de loi rationnel, cohérent et conforme aux valeurs de la majorité des Canadiens.

Premièrement, le projet de loi S-231 renverse le régime actuel des armes à feu en affirmant que toutes les armes à feu au Canada sont prohibées, à l'exception des armes à feu de chasse, des armes à feu qui seront utilisées dans des clubs de tir ou des armes à feu qui sont des armes de collection, qui sont traitées de façon spéciale.

Deuxièmement, on redéfinit deux des trois classes actuelles d'armes à feu en ne rendant légales que les armes à feu de chasse, et en limitant de façon localisée les armes à feu avec restriction.

Troisièmement, le projet de loi S-231 limite le transport des armes à feu à prohibition localisée à des transporteurs — une forme de transport qui relève de personnes qui n'ont aucun intérêt, sinon celui de faire du transport sécuritaire —, ce qui renforce le contrôle de la circulation des armes à feu.

Quatrièmement, le projet de loi S-231 remplace le certificat d'enregistrement par un certificat d'immatriculation. Vous comprendrez qu'on a tellement entendu les mots « enregistrement » et « enregistré » que, finalement, pour dédramatiser, on a pensé tout simplement à changer de nom afin de parler d'« immatriculation ». Comme nous avons tous une voiture immatriculée, je pense que ce terme ne provoquera pas de sentiment de crainte.

Cinquièmement, le projet de loi S-231 renforce le rôle de la Gendarmerie royale du Canada et du commissaire aux armes à feu de façon statutaire.

Sixièmement, le projet de loi S-231 renverse toutes les dispositions du projet de loi C-42, exception faite des interdictions de recevoir un permis de possession et d'acquisition à la suite d'un verdict de culpabilité en matière de violence conjugale.

Enfin, j'expliquerai en quoi le projet de loi S-231 contribuera aux activités de chasse et de tir sportif, tout en servant les intérêts de la sécurité générale.

Tout d'abord, nous devons renverser le régime actuel afin de limiter la circulation des armes dangereuses au Canada. Je souscris au postulat selon lequel ce ne sont pas les hommes qui tuent, mais bien les armes à feu. Ce postulat, je vous le concède, est l'antithèse de celui du lobby des armes à feu mais, contrairement à ce lobby, je n'ai pas d'industrie à promouvoir, pas de marché à développer, seulement la sécurité des Canadiennes et des Canadiens à assurer. Je me fie donc aux chiffres.

Les chiffres, les voici. Parmi les réactions négatives exprimées sur les réseaux sociaux, des citoyens m'expliquent qu'il ne sert à rien de vouloir contrôler les armes à feu, puisqu'il y a très peu de décès par arme à feu au Canada. Autrement dit, ces citoyens se servent des statistiques obtenues grâce aux politiques libérales précédentes sur le contrôle des armes à feu — puisqu'on en ressent encore les effets positifs — qui ont eu cours, pour l'essentiel, jusqu'en 2012. Avouez qu'il faut un peu de culot pour parvenir à une telle contorsion de la réalité.

Une simple comparaison avec nos voisins du Sud nous permet de nous rendre à l'évidence. Ainsi, le taux de mortalité lié aux armes à feu aux États-Unis, un pays où les lois en matière de contrôle des armes à feu sont très faibles, se chiffrait à 10,3 pour 100 000 habitants en 2011. Il s'agit de 32 163 décès, selon les National Vital Statistic Reports du U.S. Department of Health and Human Services pour une année. Cela représente 20 tours du World Trade Center qui s'écroulent chaque année aux États-Unis. Le 11 septembre 2001, il y eut 2 977 victimes.

Au Canada, pour le même taux et la même année, en 2011, nous n'avons compté que 679 décès, soit un taux de 1,9 pour 100 000 habitants; 1,9 chez nous et 10,3 chez eux, et c'était sous un régime qui avait été élaboré par les libéraux.

Par conséquent, affirmer que, parce qu'il y a très peu de décès par arme à feu, nous pouvons nous passer du contrôle de ces armes relève au mieux de l'ignorance, et peut-être un peu de la supercherie. Dans tous les cas, c'est menacer la vie des Canadiens et des Canadiennes, comme le démontre l'exemple américain où, en 2011, près de quatre personnes ont été tuées par balle chaque heure du jour et de la nuit.

Malheureusement, honorables sénateurs, la semaine dernière, une tuerie de plus est survenue dans une église à Charleston, en Caroline du Sud, où six femmes et trois hommes sont morts. Autrement dit, plus on favorise l'accès aux armes, plus il y a de morts. En partant de ce fait, qui n'est pas une position idéologique, mais bien un constat de la réalité américaine, j'ai donc estimé qu'il fallait aller au bout de la logique.

Pour assurer la sécurité des Canadiens, j'ai donc élaboré le projet de loi S-231 autour de l'idée selon laquelle toutes les armes seront prohibées par défaut, sauf celles qui servent à des fins sportives, dans un milieu contrôlé comme les clubs de tir, les armes à feu de chasse et les armes de collection. J'ai donc supprimé la catégorie des armes à feu restreintes pour créer la catégorie des armes à feu prohibées, mais à autorisation localisée. Autrement dit, ces armes ne sont autorisées qu'à l'intérieur des centres de tir. Elles doivent être entreposées dans ces centres et transportées par des experts ou des entreprises spécialisées. Enfin, comme je l'ai précisé au début de mon discours, j'ai tenu compte de la réalité pour aménager des exceptions.

Ainsi, selon la définition du Code criminel, toute arme à feu est légale, sauf si elle est classifiée avec restriction ou prohibée.

Cette organisation juridique des définitions est préoccupante pour la sécurité publique au Canada, puisqu'il s'agit d'une clause fourre- tout permettant de classifier des armes à feu très dangereuses sous la catégorie des armes à feu sans restriction. Comme vous le savez, les armes à feu sans restriction ne sont assujetties à presque aucune condition à l'heure actuelle.

Le projet de loi S-231 rectifie ce problème en prévoyant que toute arme à feu est prohibée, sauf s'il s'agit d'une arme à feu de chasse ou d'une arme à feu utilisée exclusivement dans les clubs de tir. Pensons-y : quelle est l'intention de posséder une arme à feu chez soi, si ce n'est pour la chasse ou la collection? Dans ce dernier cas, le projet de loi S-231 oblige tout de même à rendre l'arme inopérante.

Les commentaires de certains opposants au projet de loi S-231 me donnent une idée de leurs intentions. En effet, plusieurs me parlent de leur supposé droit à l'autodéfense contre des agresseurs de tout ordre, qui vont du simple voleur au terroriste. D'ailleurs, le grand lobby américain est intervenu après la tuerie de Charleston pour dire que, évidemment, ce n'est pas l'arme qui avait tiré, mais bien quelqu'un derrière l'arme.

Le 15 juin, une pétition en ligne a même été lancée à l'attention du ministre Blaney afin d'autoriser les Canadiens entraînés au maniement des armes à recevoir un permis de transport d'arme à feu à des fins d'autodéfense. « Ainsi, le Canada sera un endroit plus sécuritaire », conclut la pétition. Toute une pensée magique! Depuis quand les États-Unis, avec leurs 32 000 morts par balle par année, sont-ils plus sécuritaires que le Canada? Il n'y a pas de droit à l'autodéfense par arme à feu dans le droit canadien, et c'est heureux. Nul n'est censé se faire justice lui-même. Il n'y a pas eu de guerre de Sécession au Canada, à ce que je sache, tandis que nos voisins américains ne semblent toujours pas comprendre qu'elle est terminée depuis plus d'un siècle.

D'autres activistes pro-armes revendiquent simplement leur droit d'avoir une arme. Cependant, la Cour suprême du Canada, en 2005, a clairement statué qu'il n'existait aucun droit de posséder une arme à feu au Canada, qu'il s'agissait simplement d'un privilège accordé par le gouvernement.

Je reviens donc à ma question : quelle est l'intention de posséder une arme à feu dans une maison, si ce n'est pas pour l'autodéfense, si cette arme n'est pas adaptée pour la chasse, mais plutôt pour le tir sportif et si ce n'est pas une arme de collection?

La réponse est que, pour le moins, l'intention n'est pas claire, qu'elle ne semble pas conforme à notre droit, et qu'elle repose sur une mythologie sécuritaire qui n'est corroborée par aucune réalité.

(1550)

Ce renversement du régime des armes à feu m'amène au deuxième point clé du projet de loi S-231, c'est-à-dire les nouvelles définitions des trois catégories d'armes à feu.

Selon le projet de loi S-231, il n'est plus question des armes à feu non restreintes, restreintes et prohibées, mais bien des armes à feu de chasse, des armes à feu à prohibition localisée et des armes à feu prohibées.

Ce changement majeur en matière de définitions favorise une meilleure distinction entre les armes à feu pouvant raisonnablement être utilisées pour la chasse — donc, être conservées dans une maison d'habitation avec les règlements qui les entourent — et les armes à feu que les tireurs sportifs manient dans des clubs de tir et qu'ils devront entreposer dans ces mêmes clubs.

Alors, quelles sont ces définitions?

La catégorie des armes à feu de chasse regroupe toute arme à feu pourvue d'un canon d'une longueur de plus de 470 millimètres, à âme lisse ou à âme striée, soit respectivement les fusils et les carabines. Toutes les armes à feu semi-automatiques sont exclues de la définition d'armes à feu de chasse, à l'exception des carabines semi-automatiques de calibre .22 à percussion annulaire.

Cette définition restrictive de l'arme à feu de chasse que j'ai retenue dans mon projet de loi est basée, notamment, sur les indications de chasseurs et d'un instructeur du Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu. En effet, dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, l'un de mes employés, qui a complété son droit, a suivi ce cours. Or, chasseurs comme instructeurs avaient fortement déconseillé et surtout prévenu les étudiants de ne pas utiliser d'armes à feu semi-automatiques pour la chasse, en raison des nombreux accidents qui étaient survenus.

Le projet de loi S-231 abroge ainsi le privilège des titulaires de permis de possession et d'acquisition de garder dans leur maison d'habitation toute carabine semi-automatique dans percussion centrale. Par contre, le projet de loi S-231 ne prohibe pas le droit d'en faire usage. Ceux et celles qui ont la passion du maniement de ces armes et qui souhaiteraient continuer à vivre leur passion pourraient bien le faire dans les centres de tir où ces armes seraient entreposées et où les cours sont généralement donnés.

Encore une fois, dans quel but conserverions-nous de telles armes à feu dans notre maison d'habitation, puisque ces armes ne sont pas adaptées pour la chasse et que l'autodéfense par arme à feu n'est pas souhaitable, sauf dans de rares exceptions prévues par la loi?

J'ouvre une parenthèse sur ce point; je vois bien où le lobby des armes à feu veut nous conduire : vers un système à l'américaine où l'accès aux armes à feu est facile et où son usage est légal pour protéger sa propriété. Cependant, personne n'est dupe : cela ne sert pas l'intérêt des Canadiennes et des Canadiens et cela ne sert pas la sécurité de ces derniers; cela sert simplement l'intérêt du lobby des armes à feu pour qu'il vende plus d'armes. D'ailleurs, ils ne doivent pas en vendre beaucoup, car la compagnie Colt a fait faillite la semaine dernière.

Je comprends que la déclaration du premier ministre Harper, le 17 mars dernier, dans le cadre du congrès annuel de l'Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, est un autre clin d'œil au lobby des armes à feu en cette période préélectorale.

Je cite le premier ministre Harper, qui a dit ce qui suit :

Ma femme vient d'une région rurale où la possession d'armes n'était pas que pour les besoins de la ferme, mais aussi pour assurer un certain niveau de sécurité lorsqu'une assistance policière immédiate n'était pas disponible.

Cette position du premier ministre en faveur de l'autodéfense par arme à feu a fait réagir l'Association du Barreau canadien, qui s'est dite très inquiète du signal envoyé aux citoyens. L'Association des policiers provinciaux du Québec a, quant à elle, jugé cette déclaration « inappropriée ».

Le 18 mars 2015, Manon Cornellier, dans le magazine L'actualité, analysait ce message de la façon suivante. Je cite le texte de Mme Cornellier :

Seuls les agents de la paix et de sécurité détenant un permis à cet effet peuvent avoir une arme pour des raisons de sécurité, ce qui veut dire, par conséquent, chargée. Tous les autres détenteurs d'armes sont obligés de ranger leur fusil de façon sécuritaire et déchargé, tout en conservant leurs munitions ailleurs — et, là encore, de façon sécuritaire.

Impossible, dans ces conditions, de se défendre face à un agresseur qui surgit à l'improviste. Alors quand le premier ministre revient à la charge avec cette histoire de sécurité, il encourage indirectement l'autodéfense armée. Qu'il le veuille ou non.

Le fait que le Parti conservateur ait sollicité des fonds dès le lendemain de la déclaration originale ne permet pas de croire à un geste improvisé.

Ce n'est plus un secret que le Parti conservateur du Canada fait campagne en faveur des armes à feu et donne régulièrement des garanties à l'industrie des armes. En revanche, c'est nouveau qu'il souhaite entraîner, pour des raisons idéologiques et probablement électoralistes, le Canada sur cette pente dangereuse de l'autodéfense armée dont le principe existe chez notre voisin du Sud, qui est un mauvais élève avec ses 88 morts par jour par arme à feu en 2011.

Par conséquent, j'ai estimé que mon projet de loi devait nous protéger définitivement d'une telle dérive. C'est pourquoi, avec le projet de loi S-231, aucune autre arme à feu que celle qui est définie comme arme de chasse ne pourra plus être conservée à l'intérieur d'une maison d'habitation.

Je referme ma parenthèse sur l'autodéfense; je vais être claire, honorables sénateurs, en disant que le projet de loi S-231 ne vise pas à interdire l'usage des carabines semi-automatiques à percussion centrale, mais bien à circonscrire leur utilisation et leur entreposage dans les clubs de tir.

Je ne suis donc pas contre les armes à feu, mais je suis favorable à ce qu'on les utilise de façon sécuritaire, et certainement pas comme armes d'autodéfense.

Ainsi, avec le projet de loi S-231, tout titulaire d'un permis de possession et d'acquisition aura la possibilité d'acquérir et de posséder une carabine à percussion centrale et de s'exercer au tir dans un club réservé à cet effet. Lorsque ce titulaire de permis aura terminé sa session de tir, il devra déposer et entreposer son arme à feu au club de tir.

La distinction entre les carabines semi-automatiques de calibre .22 à percussion annulaire et les carabines semi-automatiques à percussion centrale est un élément essentiel du projet de loi S-231.

D'ailleurs, le Royaume-Uni a adopté une telle distinction après les terribles événements de Hungerford. En 1987, un tireur fou nommé Michael Ryan massacre 16 personnes, y compris sa propre mère. Équipé d'une arme de poing et de deux carabines semi- automatiques, soit une arme à feu appelée Type 56 Assault Rifle — variante chinoise du fusil d'assaut AK-47 — et d'un M1 Carbine, Ryan a également blessé 14 autres personnes avant de se suicider. Selon les autorités, Ryan aurait perpétré sa folie meurtrière sans aucun motif. Autre fait important : Ryan possédait toutes ses armes à feu conformément aux lois britanniques de l'époque.

L'année suivante, la première ministre Margaret Thatcher — une femme peu connue pour son libéralisme et avec qui certains d'entre vous, j'en suis sûre, partagent de grandes affinités idéologiques conservatrices — a répondu de façon dramatique à cette horrible tragédie.

Le gouvernement conservateur de la dame de fer a effectivement banni complètement les armes à feu semi-automatiques à percussion centrale du Royaume-Uni et restreint l'utilisation des fusils de chasse avec une capacité maximale de trois cartouches. Les seules qui sont restées légales au Royaume-Uni les armes à feu semi- automatiques à percussion annulaire de calibre .22.

Les politiques britanniques strictes en matière d'arme à feu ne s'arrêtent toutefois pas en 1988, car, en 1996, soit neuf ans après la tragédie de Hungerford, la Grande-Bretagne se retrouve encore une fois en état de choc à la suite d'une fusillade meurtrière.

Un individu nommé Thomas Hamilton est alors entré dans une école élémentaire de Dunblane, en Écosse, et a tué 16 enfants âgés de 4 et 5 ans, en plus de leur professeur d'éducation physique, avant de se suicider. Hamilton possédait légalement deux carabines de chasse et une arme de poing; le massacre a été perpétré avec l'arme de poing dûment enregistrée.

En réponse à ce massacre, le gouvernement britannique a demandé à lord William Douglas Cullen de présider une commission royale afin d'enquêter sur les circonstances qui avaient amené Hamilton à commettre un tel geste et, surtout, pour faire des recommandations pour empêcher la perpétration de tout autre crime du genre à l'avenir.

Dans son rapport, lord Cullen suggérait que l'État effectue un nouveau resserrement du contrôle des armes à feu. Le gouvernement britannique a répondu au rapport Cullen en adoptant la Firearms (Amendments) Act 1997. C'est ainsi qu'il est maintenant interdit à tout civil de posséder et d'entreposer dans une maison d'habitation la plupart des armes de poing en Grande-Bretagne.

(1600)

Les résultats de ces politiques de contrôle des armes à feu sont impressionnants. En 2011, seulement 38 Britanniques ont été tués par une arme à feu, alors que, pour la même année, avec une population au moins deux fois moindre, 153 Canadiens ont été assassinés de la même façon. Selon d'autres données pour l'année 2011, le taux d'homicide britannique serait plus faible qu'au Canada, avec le pourcentage suivant : 0,06 sur une population de 100 000 habitants contre 0,45 sur 100 000 habitants au Canada. Toutes ces mesures mises en œuvre par le Royaume-Uni en 1988 et en 1997 prouvent encore une fois qu'un contrôle sévère des armes et un retrait des armes des foyers contribuent à faire diminuer le nombre d'homicides commis avec une arme à feu. La preuve est faite que c'est l'arme qui tue et non l'homme, contrairement à ce que prétend le slogan de marketing du lobby des armes à feu.

Le projet de loi S-231 s'inspire d'un modèle qui a fait ses preuves. Je veux bien entendre toutes les critiques contre mon projet de loi. Cependant, celles qui consistent à attaquer un modèle qui fonctionne pour se rapprocher du modèle américain, qui est manifestement une faillite sécuritaire, n'ont aucun sens, ou plutôt, si elles ont un sens, elles servent les intérêts d'une industrie.

Le projet de loi S-231 remplace l'actuelle catégorie des armes à feu restreintes par la catégorie des armes à feu à prohibition localisée. Une arme à feu à prohibition localisée regroupe toute arme à feu qui est pourvue d'un canon qui ne dépasse pas 470 millimètres, comme armes de poing, ainsi que les armes à feu semi-automatiques à percussion centrale, nonobstant la longueur du canon si elles ne sont pas prohibées.

Comme le terme le laisse entendre, un titulaire de permis de possession et d'acquisition d'une telle catégorie d'armes à feu ne pourra qu'utiliser et entreposer ces armes dans les clubs de tir. Je me suis assurée que la traduction anglaise des termes « circonscribed firearms » fasse également référence à cette notion de localisation.

Honorables sénateurs, ce n'est pas sans raison que mon projet de loi range ces armes dans la catégorie « à prohibition localisée. » Ce sont de telles armes qui ont été mille fois impliquées dans des tueries au Canada. Je pense à Marc Lépine, à Kimveer Gill et à Justin Bourque. Ils avaient tous un élément en commun au niveau de leur arsenal. En effet, ils s'étaient conformés à la Loi sur les armes à feu d'épaule semi-automatiques tirant des munitions à percussion centrale.

Ces armes sont dangereuses et ne remplissent aucun rôle utilitaire en matière de chasse. Elles n'ont donc pas leur place dans une maison d'habitation. C'est aussi le sens de la déclaration de Me David Lutz, l'avocat de Justin Bourque, qui a communiqué avec moi. Dans les minutes qui ont suivi le prononcé de la peine de son client, Me Lutz a lancé un vibrant plaidoyer contre les armes à feu à la sortie du Palais de justice de Moncton, le 31 octobre 2014. Il a mentionné ce qui suit à la CBC, et je cite :

Trois policiers sont morts à Moncton et un autre à Ottawa, parce que les mauvaises personnes étaient en possession d'armes à feu qui devraient être prohibées.

Il poursuit en affirmant ce qui suit, et je cite :

Aucun chasseur n'a besoin d'une arme comme celle qu'a utilisée Bourque. Aucun.

Troisièmement, le projet de loi S-231 vient renforcer le contrôle de la circulation de ces armes semi-automatiques dangereuses. Ainsi, tout propriétaire d'une telle arme qui aurait besoin de la déplacer, notamment pour l'entreposer dans un autre centre de tir où il souhaite exercer son activité, devra faire appel à un service extérieur, un transporteur spécialisé.

Mon bureau a consulté plusieurs experts, y compris un ancien policier, qui ont tous affirmé que les carabines semi-automatiques à percussion centrale sont des armes à feu très dangereuses. Ils ont insisté sur le fait qu'il n'y a aucune nécessité de garder ce type d'arme dans une maison d'habitation. Le modèle américain le prouve : plus il y a de circulation d'armes à feu dans un pays, plus le taux d'homicide est élevé. Or, le projet de loi S-231 vise à renforcer la sécurité des Canadiennes et des Canadiens.

Mon quatrième point concerne le remplacement du certificat d'enregistrement par un certificat d'immatriculation. Selon moi, les mots ont un sens. Il s'agit donc d'un changement dans l'esprit de la loi. Le projet de loi S-231 prend acte de la disparition du Registre canadien des armes à feu, et je ne reviendrai pas sur ce point. Je déplore la disparition de ce registre, une autre mesure des conservateurs qui vise à satisfaire le groupe de pression des armes à feu, mais j'ai décidé que mon projet de loi ne reviendrait pas sur cette mesure pour ne pas dévier du débat qu'il propose. La question centrale est celle que j'ai posée au début de mon discours, à savoir quelle serait l'intention de posséder chez soi une arme à feu qui ne soit pas strictement destinée à la chasse. Par conséquent, je ne souhaite plus que l'on parle de certificat d'enregistrement, qui rappelle l'idée d'un registre. Je préfère le terme « immatriculation ». Pour les mêmes raisons, en anglais, c'est le terme « inscription certificate », qui vient remplacer l'expression connotée « registration certificate. » Personne ne s'oppose à faire immatriculer son auto, et parfois son vélo, à des fins administratives. Je souhaite que l'on immatricule son arme à feu dans le même esprit, que ce soit pour aller à la chasse ou pour faire partie d'un club de tir.

En cinquième lieu, le projet de loi S-231 renforce les rôles de la Gendarmerie royale du Canada et du commissaire aux armes à feu en précisant leurs responsabilités dans le processus de classification des armes à feu, ce qui n'existe pas dans la loi actuelle.

Pour plus de précision, sous le régime du projet de loi S-231, et contrairement au projet de loi C-42, le gouverneur en conseil devra s'appuyer sur les recommandations du commissaire aux armes à feu lorsqu'il utilisera son pouvoir discrétionnaire pour désigner une arme à feu de chasse par règlement. En outre, le gouverneur en conseil ne disposera pas de pouvoirs discrétionnaires pour désigner une arme à feu autre qu'une arme à feu de chasse. Il s'agit d'un ajout important à la loi actuelle, puisque, je le répète, le rôle de ces acteurs n'est pas clairement expliqué dans notre régime lorsque vient le temps de classifier une arme.

De plus, le projet de loi S-231, là encore, contrairement au projet de loi C-42, ne permet pas au gouvernement de décider de manière unilatérale la « déclassification » d'une arme à feu et ne permet pas de « déjuger » la GRC, comme le ministre Blaney l'a fait au comité auquel j'ai participé dans le dossier Swiss Arms. Voilà encore un autre gage donné au groupe de pression des armes à feu par le gouvernement conservateur. En effet, ce dernier milite depuis des années pour que plusieurs armes à feu jugées dangereuses par de nombreux experts et autorités se retrouvent sur le marché canadien.

En 2014, la Gendarmerie royale du Canada avait mené une enquête après avoir reçu des plaintes selon lesquelles ces armes à feu semi-automatiques pouvaient être facilement converties en armes à feu automatiques. La GRC a donc classifié à nouveau les armes à prohibition localisée et des armes Swiss Arms. Furieux, plusieurs lobbyistes d'armes à feu ont fait pression sur le gouvernement conservateur pour qu'il infirme la décision de la GRC. Comme la loi actuelle ne permet pas de « déclassifier » une arme à feu, le ministre Blaney a pris, le 13 mars 2014, un décret d'amnistie de deux ans afin de protéger les propriétaires de ces armes contre, ce qui paraît absurde, les dures peines que son propre gouvernement avait prévues dans le cadre du projet de loi C-10 en 2012. Donc, même le ministre qui avait légiféré sur ce dossier est revenu sur son propre projet de loi. Enfin, le ministre Blaney a même annoncé, dans un communiqué de presse daté du 28 février 2014, et je cite :

[...] j'ai été troublé d'apprendre que des bureaucrates non élus ont décidé d'interdire certaines armes importées de Suisse.

Ces bureaucrates sur lesquels on lève le nez sont les experts de la GRC, qui ont pour mission d'assurer la sécurité des Canadiens par l'entremise du Programme canadien des armes à feu. Le ministre a conclu en déclarant ce qui suit :

Je vais aussi prendre des mesures pour assurer que cela ne se reproduise jamais.

Je traduis : le ministre n'aime pas que ceux qui sont responsables de la sécurité des Canadiens prennent des mesures qui soient contraires aux intérêts des groupes de pression des armes à feu. Le ministre a donc proposé des mesures dans le cadre du projet de loi C-42, qui ont pris la forme d'un pouvoir discrétionnaire confié au Cabinet pour « déclassifier » des armes à feu, même si cela s'oppose aux recommandations de la GRC.

Le sixième point que je souhaite soulever à propos de mon projet de loi est l'absence de dogmatisme et d'idéologie avec lesquels je l'ai élaboré. Je me suis fondée sur des faits, des chiffres et des résultats documentés des politiques canadiennes, américaines et britanniques. L'Australie abonde dans le même sens que l'Angleterre. Par conséquent, lorsque j'ai constaté que le projet de loi C-42 contenait une disposition à laquelle j'étais favorable, je l'ai intégrée à mon projet de loi. Ainsi, le projet de loi S-231 prévoit qu'une personne coupable de violence conjugale ne pourra jamais plus recevoir de permis de possession et d'acquisition d'armes à feu, à l'instar de ce que préconise le projet de loi C-42, ce qui est tout à fait logique.

(1610)

Ce qui me choque, c'est que, au lieu d'exercer un véritable leadership à l'égard de la sécurité publique en remaniant notre régime des armes à feu pour le rendre plus restrictif à la suite des tragédies survenues au Collège Dawson, en 2006, et à Moncton, en 2014, le gouvernement de Stephen Harper est allé dans le sens opposé en adoptant des mesures moins contraignantes en ce qui concerne le privilège de possession d'armes à feu, contrairement à nos collègues en Angleterre.

Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que, à la suite de ces tragédies horribles, le gouvernement Harper a déposé les projets de loi C-19 et C-42, l'un mettant fin au Registre des armes à feu, l'autre facilitant l'accès aux armes. Ces deux lois vont à l'encontre non seulement de la sécurité des Canadiens et des Canadiennes, mais de l'intervention législative de la première ministre Margaret Thatcher en 1988.

A contrario, à la suite de la catastrophe de l'École Polytechnique en 1989, un gouvernement libéral avait resserré les politiques en matière de possession et d'acquisition d'armes à feu au moyen du projet de loi C-68. C'est grâce à cela que nous pouvons nous vanter d'avoir un taux de mortalité par arme à feu à ce point plus faible, de sorte qu'il est aujourd'hui utilisé comme argument par le lobby des armes à feu. Si, en effet, nous avons autant de chance de mourir par une arme à feu que de mourir frappé par la foudre, c'est grâce aux politiques de contrôle des armes à feu d'un gouvernement libéral précédent.

Mon projet de loi s'inspire également du rôle d'impulsion joué par le gouvernement québécois qui, après la tragédie du Collège Dawson, a déposé le projet de loi no 9, surnommé « projet de loi Anastasia » à la mémoire de l'une des victimes de Kimveer Gill. Entré en vigueur le 1er septembre 2008, ce projet de loi prohibe la circulation de toute arme à feu à autorisation restreinte et prohibée sur les sites d'institutions désignées, comme les établissements scolaires, ainsi qu'à bord des transports publics et scolaires.

Qu'a fait Stephen Harper à la suite de ces tragédies? Il a cédé au lobby et a fait du Canada l'un des rares pays au monde où les mesures de contrôle des armes à feu ont reculé.

Je terminerai l'explication du texte de mon projet de loi en reprenant son titre, Loi renforçant la sécurité des Canadiens et promouvant la chasse et le tir sportif. Je ne reviendrai pas sur la sécurité; j'ai suffisamment expliqué en quoi les Canadiens bénéficieraient réellement de ce projet de loi à ce chapitre. Cependant, qu'en est-il de la promotion de la chasse et du tir sportif?

Le projet de loi S-231 redéfinit les armes de chasse au sens strict et fait de ces armes les seules qui aient l'autorisation de se trouver entre les mains des usagers sur le territoire canadien. Il donne toute la légitimité à cette activité, en lui accordant un privilège que nulle autre arme à feu ne possède. Il ne rétablit pas le Registre des armes à feu; autrement dit, c'est un projet de loi favorable à la chasse et aux chasseurs, et je m'en réjouis.

La définition restrictive de l'arme de chasse retenue dans mon projet de loi est basée sur les indications de chasseurs, d'un instructeur du Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu et sur le modèle britannique. Ce projet de loi fait du chasseur le détenteur d'une arme à feu réellement consacrée à la chasse. L'image du chasseur devrait donc en sortir améliorée dans l'opinion publique, ce qui réjouirait les propriétaires de toutes les pourvoiries au Canada.

Quant aux clubs de tir, la nouvelle classification retenue dans mon projet de loi, notamment la nouvelle catégorie des armes à feu à prohibition localisée, permet de développer un marché tout en assurant la sécurité. En effet, le fait de contraindre l'usage des armes à feu semi-automatiques autres que le calibre .22 aux clubs de tir et d'en obliger l'entreposage accroît de facto l'activité des clubs de tir qui, moyennant l'aménagement des lieux, pourront même devenir des armureries ou pourront s'associer à elles.

Pour conclure, je tiens à remercier l'équipe d'avocats, de juristes, de légistes et de rédacteurs du Sénat qui ont travaillé très fort pour faire de ce projet de loi une réalité. En peu de temps, mes collaborateurs et eux ont réécrit une pièce complexe de notre législation pour la rendre progressiste, innovatrice et audacieuse. Ce projet de loi respecte les amoureux de la chasse et les passionnés du tir en tout en apportant de réels bienfaits à la sécurité des Canadiens.

Si j'ai élaboré ce projet de loi, c'est que je crois qu'une vision progressiste de la société canadienne est possible, en plus d'être souhaitable. Ce projet de loi pourra être utilisé comme base de travail pour tout gouvernement ou toute organisation non gouvernementale qui, demain, voudra mettre un terme à la fuite en avant d'un gouvernement conservateur qui ne cesse de légiférer pour satisfaire l'industrie des armes à feu à des fins électoralistes.

La sécurité ne s'obtient pas en relâchant le contrôle des armes à feu à l'aide du projet de loi C-19 ou en rendant les armes à feu plus accessibles au moyen du projet de loi C-42. La sécurité a un seul numéro, et ce numéro est le numéro S-231.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur le renforcement de l'examen et de la surveillance civils de la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir à l'article no 2, sous la rubrique Autres affaires, Projets de loi d'intérêt public du Sénat, Deuxième lecture :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-232, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Conseil civil d'examen et de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada et ombudsman de la Gendarmerie royale du Canada) et modifiant d'autres lois en conséquence.

L'honorable Grant Mitchell : Merci beaucoup, c'est très gentil. En fait, je vais parler de deux projets de loi. Le premier est le S-232, qui est inscrit à la rubrique « Projets de loi d'intérêt public du Sénat », deuxième lecture, a été présenté par moi et prévoit la création d'un conseil civil d'examen et de surveillance de la GRC et un poste d'ombudsman. Il me reste seulement quelques mots à dire pour conclure. En fait, je sais que je risque sans doute d'en surprendre plus d'un, car j'ai l'habitude d'être précis à la seconde près quand je dois présenter quelque chose ou prendre la parole, mais j'ai réussi vendredi à dépasser le délai de 16 heures; il m'aurait fallu seulement une trentaine de secondes de plus. Je dois donc terminer ce discours- là. Ne vous étonnez pas si je me répète un peu, mais c'est pour que tout soit clair dans le hansard et que tout le monde sache où nous en sommes et où nous allons.

J'en étais à dresser la liste des tâches de l'ombudsman, et plus précisément à dire que l'ombudsman peut convoquer et mettre en examen qui bon lui semble. Après enquête, il pourra en outre recommander : un, le renvoi de l'affaire à une autorité pour réexamen; deux, la correction de l'acte; trois, la correction de l'omission ou du retard; quatre, l'annulation de la décision; cinq, la fourniture des motifs derrière une décision, une mesure ou un enjeu quelconque; six, la modification de la pratique ou de la procédure; sept, l'examen d'une disposition législative ou d'une autre règle de droit; et huit, la prise de toute autre mesure indiquée.

Nul n'est lié par les recommandations de l'ombudsman. Si l'ombudsman estime que la question n'a pas été réglée de façon adéquate, il peut présenter un rapport au ministre. Enfin, il doit fournir chaque année un rapport au Parlement,

En plus d'établir le Conseil civil d'examen et de surveillance de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que la charge d'ombudsman de la GRC, la troisième partie du projet de loi modifie également d'autres lois en conséquence.

(Sur la motion de la sénatrice Marshall, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

Consentement ayant été accordé de revenir à l'article no 4, sous la rubrique Autres affaires, Projets de loi d'intérêt public du Sénat, Deuxième lecture :

L'honorable Grant Mitchell propose que le projet de loi S-233, Loi édictant la Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Merci beaucoup, honorables sénateurs. Le titre officiel du projet de loi S-233 est « Loi édictant la Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines et modifiant certaines lois en conséquence ».

Cela peut sembler un projet de loi inoffensif qui porte un titre assez discret mais, en réalité, il s'agit d'un projet de loi palpitant. Croyez-moi. Mon collègue, le sénateur Tannas, de l'Alberta, où il y a probablement plus de pipelines souterrains que n'importe où ailleurs dans le monde, sait exactement ce dont je parle.

(1620)

Le projet de loi est le fruit d'un excellent travail de la part du Sénat — comme d'habitude. Il s'agit cette fois du Comité sénatorial de l'énergie, qui était alors sous la direction du sénateur David Angus. Nous avions entrepris une étude de trois ans sur la stratégie énergétique du Canada. Je crois que nous avons reçu 250 témoins, et nous sommes allés dans diverses régions du Canada pour étudier la question.

Lors de réunions qui ont eu lieu dans deux régions géographiquement distinctes, qui n'avaient aucun lien entre elles, deux personnes qui ne se connaissaient vraisemblablement pas m'ont parlé de la question. À une occasion, à Calgary, un cadre supérieur de l'industrie pétrolière a déclaré ce qui suit : « Savez-vous qu'aucune mesure législative exhaustive en Alberta ne prévoit que les gens doivent appeler avant de se mettre à creuser? » On a déjà entendu dire qu'il faut « appelez avant de creuser », pour ne rien frapper par inadvertance lorsqu'on creuse au moyen d'une pelle rétrocaveuse ou, même lorsque l'on creuse pour poser un poteau de clôture dans sa cour.

Puis, nous sommes allés à Sarnia, et, une fois de plus, sans qu'on le demande, un cadre supérieur de — je crois que c'était Union Gas — a déclaré ce qui suit : « Savez-vous que l'Ontario est la seule province qui a légiféré de manière exhaustive et rigoureuse sur la question d'appeler avant de creuser, et que c'est la seule province au Canada qui s'est dotée d'une mesure législative complète? » L'Ontario venait d'adopter cette mesure législative, et il lui restait encore à la mettre en œuvre. La mesure vient justement d'être mise en œuvre. Cela remonte à quelques années.

Avant d'aller plus loin, je dois préciser que c'était Bob Bailey, que le sénateur Runciman connaît sans doute. Ils ont peut-être siégé ensemble à l'Assemblée législative de l'Ontario. Il était un député provincial du Parti conservateur, alors que ce parti formait l'opposition, et il a travaillé, sous le gouvernement minoritaire, avec les néo-démocrates et les libéraux pour présenter cette mesure législative, qui créait un précédent au Canada. La plupart d'entre nous auraient tenu pour acquis qu'une telle mesure existait déjà dans les 10 provinces, et qu'une loi fédérale encadrait jusqu'à un certain point la question dans les territoires, même si la nécessité de le faire était moindre. J'ai été renversé lorsque les deux cadres supérieurs m'ont dit qu'il n'existait pas une mesure législative exhaustive sur ce sujet partout au pays.

Donc, que ferait cette mesure législative? En gros, une mesure législative qui prévoit que les gens doivent appeler avec de creuser s'inscrit dans la continuité du travail de la Canadian Common Ground Alliance, une alliance du secteur privé sans but lucratif qui s'active d'un bout à l'autre du pays pour qu'il y ait des centres d'appel structurés où les gens peuvent appeler avant de commencer à creuser — quoique maintenant, ils cliquent avant de creuser, puisque le service en ligne est plus commode — pour éviter que des infrastructures souterraines soient endommagés lors des travaux et éviter tous les coûts et les dangers que cela entraîne.

Nous sommes tous plus ou moins au courant de la situation, mais je pense que c'est l'année dernière, ou l'année précédente, qu'au Québec il y a eu pour quelque 75 millions de dollars en dommages causés par des atteintes à des infrastructures souterraines — par exemple, des pipelines, des canalisations d'égouts, des conduites d'eau ou des lignes électriques — parce que des gens ont creusé et heurté des installations faute d'avoir fait le nécessaire pour les localiser.

La dernière année où, à ma connaissance, le coût total a été calculé en Ontario — je rappelle que les incidents ne sont pas tous signalés et évalués —, il y a eu pour 37 millions de dollars de dommages. Nous avons eu connaissance de cas où de gens ont été blessés ou tués parce qu'un pipeline avait éclaté, ce qui aurait pu être évité si l'entreprise — le conducteur de pelle rétrocaveuse ou l'entrepreneur, qu'importe — avait appelé avant de creuser ou avaient consulté un site web, comme c'est maintenant le cas de l'Alberta, où 75 p. 100 des contacts se font sur un site web. Ce genre de dommage et de danger pourrait être grandement réduit.

Donc, que veut-on dire par appeler avant de creuser? C'est un ensemble de choses. Cela requiert un centre où une personne peut appeler. Avant que la mesure législative soit adoptée en Ontario, un entrepreneur devait appeler jusqu'à 13 organismes avant de creuser s'il voulait avertir tous les propriétaires d'infrastructures souterraines. Il faut donc un lieu où tous les appels sont centralisés, si je puis dire.

Deuxièmement, ce centre doit idéalement rassembler tous les propriétaires d'infrastructures souterraines, des municipalités aux exploitants des oléoducs et des gazoducs en passant par les compagnies de téléphone, les câblodistributeurs et j'en passe. Ce centre d'appels pourra alors disposer d'une base de données facilitant la localisation des infrastructures souterraines. Il faut aussi qu'un processus, que la Common Ground Alliance est aussi en train d'élaborer, permette la mise en commun des pratiques à adopter lorsqu'on doit creuser dans le sous-sol. Tous ces aspects doivent faire partie d'une mesure législative sur les pratiques sécuritaires d'excavation et de construction.

Le projet de loi dont nous sommes saisis ne couvre pas le troisième aspect. Il découlera de l'élaboration commune des pratiques exemplaires, ce à quoi s'emploie notamment la Canadian Common Ground Alliance.

Nous avons donc repris le travail amorcé par les deux personnes dont j'ai parlé tout à l'heure. Mon adjoint Kyle Johnston a entrepris de communiquer avec les parties intéressées et nous avons commencé à travailler sur ce projet.

Je tiens à mentionner deux personnes qui ont joué un rôle déterminant : il s'agit de James Tweedie et Mike Sullivan. Les deux occupent des postes supérieurs et ont donné beaucoup de leur énergie et de leur temps, surtout à titre bénévole, à la Canadian Common Ground Alliance et aux efforts visant à créer un centre d'appels au Canada. C'est grâce à leur aide et à leur apport que nous avons pu entreprendre ce projet. Je remercie particulièrement Mike Sullivan, qui a beaucoup aidé mes collaborateurs à rédiger le texte du projet de loi.

Nous avons appris que seulement trois provinces disposent d'une législation, qu'elle soit complète ou partielle. La législation de la Colombie-Britannique et de l'Alberta nous semble vraiment limitée. L'Ontario s'est déjà dotée d'une législation complète grâce aux efforts de Bob Bailey, qui a fait de l'excellent travail.

L'un des exemples les plus remarquables de loi de ce genre ayant donné de bons résultats est le projet de loi 8, en Ontario, une initiative du député conservateur provincial Bob Bailey, comme je l'ai mentionné. J'ai rencontré Bob Bailey récemment pour lui parler davantage du projet de loi actuel, et il a témoigné devant notre Comité de l'environnement au cours de l'étude de la question. Je tiens à remercier les membres et le président du Comité de l'énergie pour avoir accepté que cette étude ait lieu et pour avoir entrepris, comme première étape, une petite partie de notre étude majeure sur le secteur de l'énergie. Je pense que nous avons entendu 15 témoins. Nous avons produit un excellent rapport qui témoigne du très bon travail que fait notre excellent comité.

Le député provincial Bob Bailey s'est dépensé sans compter pour que son projet aboutisse. Il a indiqué que ce genre de projet de loi aiderait à protéger la sécurité des travailleurs de première ligne, mais qu'il serait également une bonne chose pour le secteur économique concerné. J'estime que le projet de loi faciliterait l'acceptation sociale des projets de construction des pipelines et des autres infrastructures souterraines qui inquiètent les gens parce que les mesures prévues dans le projet de loi réduiraient le danger d'accident lorsqu'on procède à une excavation.

Nous avons appris un certain nombre de choses au cours de l'étude faite par le comité. Premièrement, le gouvernement fédéral ne fait généralement pas partie du régime de sécurité, à l'exception de l'Office national de l'énergie, qui prend lentement des mesures visant un accroissement de la sécurité. Je ne devrais pas dire que les mesures sont prises lentement, en fait. L'Office national de l'énergie se préoccupe beaucoup du dossier et nous a été très utile.

Deuxièmement, pour diverses raisons, certaines provinces ont été incapables d'établir des régimes semblables ou n'ont pas encore décidé de le faire. C'est le cas de la plupart des provinces, en fait. Je pense que c'est davantage attribuable à leurs priorités qu'à autre chose. Cependant, si nous pouvons favoriser la question et attirer l'attention des provinces sur celle-ci avec ce projet de loi, nous pourrons œuvrer à l'échelle nationale et faire en sorte que le dossier ait des chances de monter dans l'échelle des priorités.

Je tiens à signaler que le même genre de division des compétences, fédérales et provinciales, existe dans le cas des États-Unis. C'est un dossier qui est en majeure partie de compétence provinciale. Le dossier comporte un aspect fédéral, dont traite mon projet de loi. Aux États-Unis, qui nous ont aussi servi de modèle pour ce que nous tentons de faire ici, les 50 États du pays participent maintenant à un programme complet qui impose l'obligation de se renseigner avant de creuser.

(1630)

Il est évident que, puisque la plupart des aspects liés aux infrastructures souterraines sont de compétence provinciale, il est plus difficile pour le gouvernement fédéral d'aller au-delà de la pression morale, d'établir un programme national et de créer des normes nationales. Cependant, il y a certains secteurs — comme l'Office national de l'énergie, les terrains militaires, les chemins de fer et ainsi de suite — qui relèvent de la compétence fédérale et pour lesquels une telle mesure législative est pertinente. Il faut être très prudent dans le cas des bases militaires, et ce, pour des raisons de sécurité nationale. Cela s'applique aussi aux pipelines qui traversent des frontières provinciales, visés par l'Office national de l'énergie, ainsi qu'à d'autres territoires domaniaux, aux chemins de fer et ainsi de suite.

La Loi visant à accroître la sûreté des infrastructures souterraines a plusieurs objectifs. Elle exige, premièrement, que le propriétaire ou l'exploitant de toute infrastructure souterraine relevant de la compétence fédérale ou située sur un territoire domanial inscrive l'infrastructure en question à tous les centres de notification qui desservent la province dans laquelle se situe l'infrastructure, si un tel centre existe — ce qui sera obligatoire; il est très important que cela le soit —, et, deuxièmement, qu'il s'acquitte du paiement de droits d'inscription fixés par le centre de notification ou par la législation provinciale de la province où il se trouve.

La mesure législative exigera que le propriétaire ou l'exploitant de l'infrastructure souterraine qui se trouve sur un territoire domanial fournisse une description de l'infrastructure, ainsi que son emplacement, au centre de notification.

Avant d'effectuer des travaux qui entraînent une perturbation du sol, l'entité qui exécute les travaux doit informer le centre de notification de la province et préciser quelles infrastructures seront vraisemblablement touchées.

Après avoir reçu l'information, le centre de notification — le centre « appelez avant de creuser » — doit, dans un délai raisonnable, veiller à ce que l'emplacement de la zone à creuser soit marqué au sol au moyen des codes de couleurs prévus par règlement. Il existe des codes de couleurs prévus par règlement.

En plus d'exiger que les propriétaires et les exploitants inscrivent leurs infrastructures auprès d'un centre de notification provincial, la mesure législative permettra au ministre de conclure, s'il le souhaite, des accords avec les provinces en matière de financement pour les inciter à mettre sur pied un centre de notification et à mettre en place le système de centre d'appel connexe. Le ministre peut également adopter tout règlement nécessaire à l'application des objectifs et des dispositions de la loi.

Pour finir, le projet de loi modifierait d'autres lois en conséquence pour mettre en œuvre les principes de cette loi.

Bien entendu, les gens s'inquiéteront du coût des centres de notification. En fait, d'un côté, comme je l'ai dit, le fait de ne pas avoir de centre d'appel qui fonctionne adéquatement coûte très cher, parce que des accidents surviennent et certaines personnes n'appellent pas; j'ai donné l'exemple du Québec et de l'Ontario, où les dommages se sont élevés à respectivement 75 millions et 37 millions de dollars en un an. Ces chiffres ne couvrent de toute évidence pas tous les dommages, parce que les gens ne sont pas tenus de les rapporter. Les dommages peuvent être beaucoup plus élevés et le risque est également très élevé.

Il ne s'agit pas des coûts imposés aux personnes qui creusent pour installer des poteaux de clôture. Il ne s'agit pas non plus de coûts imposés aux entrepreneurs qui construisent des bâtiments. Il s'agit plutôt des coûts payés par les propriétaires des infrastructures souterraines. Des frais sont imposés pour chaque appel — parfois, c'est moins de 1 $ l'appel, parfois, c'est un peu plus de 1 $ l'appel. Là où ces frais ont été imposés, on s'est aperçu qu'il s'agissait d'une somme adéquate. En fait, aux États-Unis, le secteur privé est parfois responsable de cette pratique et en tire des profits. Au Canada, la pratique sera à but non lucratif — en tout cas, c'est ce que nous proposons. Là où elle a été mise en œuvre au pays, cette pratique n'a jamais servi jusqu'ici à faire des profits.

En vertu du projet de loi S-233, les propriétaires ou les exploitants d'une infrastructure souterraine relevant de la compétence fédérale devront communiquer avec les autorités avant de creuser, soit par téléphone, soit en ligne. Nous espérons que le projet de loi stimulera un plus grand intérêt à l'égard de cette question dans les neuf autres provinces et les trois territoires — cette question est moins importante dans les territoires, compte tenu de leur situation géographique, mais elle l'est certainement dans les neuf provinces qui ne disposent pas d'une loi complète à cet égard. On pourra ainsi obliger les propriétaires d'infrastructures souterraines à les inscrire à un centre de notification et imposer des sanctions aux personnes qui ne communiquent pas avec ce centre par téléphone ou en ligne avant de creuser.

De cette façon, nous pourrons inciter l'industrie de la construction et les particuliers à travailler ensemble partout au pays en vue d'élaborer des pratiques exemplaires en matière d'excavation, afin d'améliorer la sécurité de nos infrastructures souterraines et de convaincre les Canadiens que ces opérations peuvent se dérouler en toute sécurité. Il s'agit d'un projet de loi innovateur, en vertu duquel le gouvernement fédéral pourra vraiment améliorer les choses en faisant preuve de leadership. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L'étude sur des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général

Adoption du onzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international et demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du onzième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Accroître la présence des entreprises canadiennes sur les marchés internationaux : le rôle des services fédéraux de promotion du commerce, déposé au Sénat le 17 juin 2015.

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose :

Que le onzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Accroître la présence des entreprises canadiennes sur les marchés internationaux : le rôle des services fédéraux de promotion du commerce, déposé au Sénat le 17 juin 2015, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, j'interviens pour souligner certains des points essentiels soulevés par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international dans son onzième rapport. Le rapport est intitulé Accroître la présence des entreprises canadiennes sur les marchés internationaux : le rôle des services fédéraux de promotion du commerce.

Cette étude marque un léger changement dans le travail du comité. Ces dernières années, nous nous intéressons principalement aux pays et régions d'importance croissante pour les intérêts commerciaux et diplomatiques du Canada. La présente étude arrive dans la foulée, par exemple, de l'étude sur la région Asie- Pacifique, que je déposerai dans les jours suivants, et de l'étude sur les relations trilatérales en Amérique du Nord, adoptée au Sénat lundi dernier. Avant cela, le comité s'est penché sur les intérêts canadiens dans chacun des pays BRIC ainsi qu'en Turquie.

Dans le cadre de chacune de ces études, le comité a appris que la promotion efficace du commerce est essentielle au succès à long terme du Canada en tant que nation commerçante. Mais en quoi consistent ces services? Comment peuvent-ils être améliorés de manière à mieux répondre aux besoins changeants du milieu des affaires? Ces questions sont à l'origine de l'étude dont il est question dans le rapport.

(1640)

Le rapport n'est pas long, mais il traite d'éléments fondamentaux pour les millions de personnes pour qui la réussite du commerce canadien est cruciale. On y rapporte que, selon le gouvernement fédéral, 60 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et un emploi sur cinq sont attribuables aux exportations.

Beaucoup d'efforts ont été déployés pour conclure des accords de libre-échange. Ceux-ci sont essentiels pour offrir de nouveaux débouchés aux entreprises canadiennes, et leur ouvrir des marchés. Toutefois, nous prenons de plus en plus conscience qu'il faut en faire davantage pour favoriser la réussite des entreprises à l'étranger.

Le rapport mentionne ceci :

[...] le comité a été avisé par les témoins que les entreprises rencontrent souvent des obstacles au commerce qui n'ont rien à voir avec les barrières tarifaires.

Parmi ces difficultés, les témoins ont cité le manque d'information sur les possibilités commerciales pertinentes existant à l'étranger, les difficultés à obtenir du financement pour du nouvel équipement et du personnel, les risques financiers que comportent l'expédition et les affaires à l'étranger, ainsi que les barrières linguistiques et culturelles. De tels risques et obstacles découragent certaines entreprises — en particulier les PME — à saisir les possibilités commerciales qu'offrent les marchés internationaux.

Comme Lorna Wright, de l'Université York, a dit au comité :

Il faut que les PME surmontent la peur, si elles veulent réussir sur la scène internationale.

Or, la tâche des services de la promotion du commerce consiste à calmer certaines de ces craintes et à surmonter les obstacles au nom des entreprises canadiennes.

Le rapport résume les opinions exprimées par les quelque 28 témoins experts qui ont comparu devant le comité. Ceux-ci représentaient le milieu des affaires, des finances et de la recherche, des associations industrielles, le gouvernement fédéral, des initiatives provinciales et des sociétés d'État canadiennes. D'après leurs témoignages, les services de la promotion du commerce au Canada semblent susciter une satisfaction générale. Toutefois, on a le sentiment que ces services pourraient être bonifiés et que les entreprises canadiennes pourraient être mieux servies par de nouvelles stratégies en matière de promotion du commerce.

John Kalbfleisch, d'Alpha Technologies Limited, a déclaré au comité que même si :

[...] [les] délégués commerciaux [...] nous ouvrent beaucoup de portes [...] [ce] serait formidable [s'ils] avaient une mentalité plus proactive, s'ils étaient mieux informés au sujet des entreprises, de leurs marchés et de ce dont elles ont besoin pour réussir.

Le comité a appris, par exemple, que si les délégués commerciaux faisaient partie intégrante des associations de gens d'affaires, ils joueraient un rôle plus utile et seraient mieux en mesure de répondre aux besoins du secteur privé. On a également souligné que les missions et les foires commerciales sont un excellent moyen de présenter les marchés étrangers, les clients, les partenaires et les possibilités aux entreprises. Par ailleurs, ces missions sont plus efficaces si elles ciblent certains secteurs et si les entreprises participent à la planification. La participation de fonctionnaires de haut niveau, y compris de ministres, peut contribuer à souligner l'importance d'une mission.

Il est aussi essentiel de bien mettre en valeur notre image de marque pour envoyer un message clair à propos des produits et des services canadiens. Cela dit, il ne faut pas confondre cela avec la désignation « Fait au Canada ».

Cam Vidler, de la Chambre de commerce du Canada, a mentionné que le programme exhaustif de promotion de l'image de marque mis en œuvre par l'Australie est un exemple de réussite. Il a résumé en quelques mots les répercussions du programme Australia Unlimited :

[...] il crée une identité et trouve différentes façons de communiquer cette identité.

Une stratégie de mise en valeur de l'image de marque, qui présenterait le Canada comme une source de produits de haute qualité, d'expertise et d'idées novatrices, pourrait aider les entreprises canadiennes à réussir à l'étranger.

Nous avons aussi appris que les entreprises canadiennes se heurtent à des difficultés lorsqu'elles souhaitent accéder aux chaînes de valeur mondiales. Selon la Chambre de commerce du Canada, environ le cinquième de la valeur de tous les produits et services exportés par les entreprises canadiennes en 2009 provenait de l'étranger, même si les services de promotion du commerce tendent à favoriser les exportations plutôt que les importations. Il faudrait mettre davantage l'accent sur les points d'entrée au Canada pour les chaînes de valeur mondiales afin de mieux équilibrer cette dynamique.

Le comité s'est notamment fait expliquer comment une PME avait profité d'un partenariat entre Exportation et Développement Canada et la société General Electric. Voici ce que nous a dit Rhonda Barnet, de l'entreprise Steelworks Design Incorporated :

Forte de son grand succès dans la fabrication de matériel sur mesure pour cette usine de Peterborough, notre entreprise a été invitée, à plusieurs occasions, à rencontrer des acheteurs d'autres installations de GE aux quatre coins du monde.

Les entreprises ont également fait ressortir les obstacles suscités par certaines de nos politiques intérieures. Par exemple, elles sont tenues de payer la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée sur les produits importés, même s'ils sont destinés à l'exportation. Elles peuvent demander un remboursement de la taxe qu'elles ont payée après avoir réexporté un produit qui n'était pas destiné au marché intérieur, mais les PME peuvent connaître des problèmes de liquidités en attendant de recevoir ce remboursement. Une simplification ou un allégement de ce fardeau pourrait inciter les PME à participer davantage au commerce international.

Le comité a également entendu parler des difficultés qu'éprouvent les employeurs qui passent par le Programme des travailleurs étrangers temporaires pour embaucher du personnel. Les employeurs qui n'arrivent pas à trouver des travailleurs qualifiés au Canada sont tenus de demander une étude d'impact sur le marché du travail, mais le temps qu'il faut pour la réalisation de cette étude risque de leur faire perdre de bons candidats.

La question du financement a, elle aussi, été présentée comme un défi pour les entreprises qui veulent devenir plus actives sur les marchés étrangers. Pour étendre ses activités à l'étranger, il faut souvent plus de personnel, plus d'équipement et de nouveaux types d'assurance.

Les témoins ont plusieurs fois répété qu'Exportation et développement Canada était essentiel pour réduire ces risques, mais certains ont également faire remarquer que le roulement de personnel à EDC créait des difficultés.

Voici ce qu'a expliqué Sheila Kehler, copropriétaire de CanAgro Exports :

Or, le roulement du personnel au service de sélection des risques est frustrant, car chaque nouvel employé a besoin de temps pour comprendre nos opérations et, en tant qu'exportateur, c'est du temps dont nous ne disposons pas lorsqu'on essaie de clore un contrat avec nos clients.

Le comité croit donc qu'il faut envisager des moyens comme le versement de primes de fidélisation afin de réduire le taux de roulement du personnel d'EDC.

On a également souligné le rôle joué par une autre société d'État, la Banque de développement du Canada, lorsqu'il s'agit de favoriser la réussite des exportateurs canadiens. La BDC a moins d'aversion au risque que les banques traditionnelles et offre de nombreux produits utiles. Cependant, un certain nombre de petites et moyennes entreprises qui présentent un fort potentiel d'exportation demeurent aux prises avec un manque de financement lorsqu'elles tentent de s'implanter sur les marchés étrangers. On devrait déterminer comment améliorer davantage l'accès au financement pour les petites et moyennes entreprises présentant un fort potentiel d'exportation.

L'une des difficultés les plus souvent citées par les témoins est que les entreprises connaissent mal les services de promotion du commerce qui sont offerts. Selon un témoin, seulement 20 p. 100 des exportateurs canadiens connaissent les services de promotion du commerce offerts par le gouvernement fédéral. Les ateliers « Le monde à votre portée » ont été cités comme exemple d'un bon moyen d'information, mais on peut en faire encore davantage.

Plusieurs témoins ont réclamé la création d'un « service de guide- expert » pour faciliter l'accès aux ressources fédérales de promotion du commerce. Par exemple, la création d'un site web regroupant tous les renseignements relatifs aux services offerts et les coordonnés des principales personnes-ressources pourrait aider les entreprises à trouver les programmes qui correspondent à leurs besoins.

Enfin, le comité a entendu parler de l'importance du mentorat. Pour les petites et moyennes entreprises, l'idée d'étendre ses activités à l'étranger peut être intimidante. Kati Suominen, de TradeUp Capital Fund, a dit ceci au comité :

Pour les novices en la matière, c'est un peu comme lancer une nouvelle entreprise.

Jean Michel Laurin, d'Octane Stratégies, a donné un bon exemple. Il a fait valoir que les délégués commerciaux des ambassades et des consulats pourraient contribuer à jumeler les entreprises désirant faire des affaires dans un marché donné avec des entreprises canadiennes déjà implantées dans ce marché. Cela pourrait aider les exportateurs potentiels à acquérir de la confiance et à éviter de répéter les erreurs commises par d'autres.

En tant que pays commerçant, le Canada doit poursuivre ses efforts pour ouvrir de nouveaux marchés à ses entreprises, mais il faut aussi les aider à surmonter les obstacles que représentent les risques et les coûts à assumer lorsqu'on commence à explorer les possibilités à l'étranger.

Les services fédéraux de promotion du commerce sont particulièrement importants pour aider les petites et moyennes entreprises canadiennes à acquérir la confiance nécessaire pour étendre leurs activités à l'étranger.

(1650)

Quand on dispose des connaissances appropriées, d'un bon financement, de bonnes relations et d'autres appuis, l'entrée dans un marché étranger comporte moins de risques et offre de meilleures chances de réussite. Le gouvernement fédéral et d'autres intervenants continuent de voir à ce que ces ressources soient disponibles, une tâche essentielle. On pourrait toutefois faire davantage pour faciliter l'accès aux ressources et mieux les adapter aux besoins changeants des entreprises.

Notre rapport propose différentes façons d'y arriver. Il repose sur la conviction suivante, commune aux membres du comité et aux témoins que nous avons entendus : plus les entreprises canadiennes sont concurrentielles et réussissent dans les marchés étrangers, plus les Canadiens peuvent bénéficier de cette réussite.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada

Adoption du seizième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Vigilance, reddition de comptes et sécurité aux frontières du Canada, déposé au Sénat le 18 juin 2015.

L'honorable Daniel Lang propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Vigilance, reddition de comptes et sécurité aux frontières du Canada. Ce rapport, adopté à l'unanimité par le comité, est le fruit d'un an de travail consacré aux politiques, aux pratiques et aux efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada qui visent à identifier les personnes interdites de territoire et à renvoyer les personnes interdites de territoire après leur entrée au Canada.

Avant de parler de la teneur du rapport, j'aimerais souligner l'excellent travail des membres du personnel, dont la contribution a été essentielle, notamment le nouveau greffier du comité, Adam Thompson, les membres du personnel politique, tout particulièrement mon conseiller politique, Naresh Raghubeer, le conseiller politique du sénateur Mitchell, Kyle Johnston, et le conseiller politique de la sénatrice Stewart Olsen, Tyler Barker, ainsi que les membres du personnel de la Bibliothèque du Parlement, Christina Yeung, Julie Béchard et Holly Porteous.

Chers collègues, le rapport contient les conclusions du comité sur les politiques, les pratiques et les efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en ce qui concerne la détermination de l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes interdites de territoire. Le comité a entendu 28 témoins et a mené une mission d'étude au Centre national de ciblage à Ottawa en septembre 2014.

Le comité a constaté que, en 2012, dans les 50 aéroports les plus achalandés du Canada, on a procédé à l'embarquement et au débarquement de 23 609 330 passagers provenant de pays autres que les États-Unis. Il s'agit d'une augmentation de 3 p. 100 par rapport à l'année précédente et — d'après mes calculs — d'une augmentation de 86 p. 100 par rapport aux 12 660 777 passagers qui ont fait l'objet d'un contrôle en 2003.

L'Agence des services frontaliers du Canada, qui compte 13 000 employées, dont 7 200 agents en uniforme, est l'agence de première ligne qui contrôle les entrées et les sorties d'environ 100 millions de voyageurs par année, dont 70 millions passent par la frontière terrestre canado-américaine.

L'agence, qui a été créée en 2003, à la suite de l'attaque terroriste commise en 2001, recueille, analyse et diffuse de l'information et des renseignements au sujet de personnes et de marchandises qui arrivent aux postes frontaliers, aux aéroports et aux ports. Elle veille à l'application de plus de 90 lois, règlements et accords internationaux et est chargée de l'exécution de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Chers collègues, l'agence doit effectuer une tâche complexe, et ce, dans un environnement complexe. Elle est responsable de la sécurité frontalière.

Le rapport du comité a recensé plusieurs difficultés en matière de politiques et sur le plan opérationnel auxquelles se heurtent l'Agence des services frontaliers du Canada et d'autres acteurs du gouvernement engagés dans le processus d'identification des personnes interdites de territoire au Canada. Le comité présente au total 10 recommandations.

Le rapport indique que les agents en première ligne des services frontaliers de l'Agence des services frontaliers du Canada doivent avoir accès à de l'information exacte et pertinente en temps voulu au moyen de mécanismes d'échange de renseignements clairs et d'une coordination accrue avec d'autres organismes chargés du renseignement et de l'application de la loi.

Votre comité recommande d'accroître la reddition de comptes en exigeant que l'Agence des services frontaliers du Canada enregistre sur support audiovisuel toutes les entrevues réalisées auprès de voyageurs et d'immigrants. Cette recommandation judicieuse a été formulée par un certain nombre de témoins, y compris les porte- parole du Conseil canadien pour les réfugiés et de l'Association canadienne des libertés civiles.

Le rapport propose également d'accroître la reddition de comptes grâce à la création d'un organisme de surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il recommande aussi la création d'un organisme civil et indépendant d'examen des plaintes, auquel la population pourra s'adresser directement. Cet organisme aura le pouvoir de passer en revue toutes les activités de l'Agence des services frontaliers du Canada.

Votre comité se préoccupe du laps de temps nécessaire au renvoi d'une personne interdite de territoire, ainsi que de l'arriéré actuel de 44 000 personnes qui font l'objet de mesures de renvoi. Pour résoudre ces problèmes, le comité recommande que le gouvernement mette en place l'enregistrement des entrées et des sorties de tous les voyageurs, qu'il exerce une surveillance accrue pour empêcher l'entrée au pays de toute personne jugée interdite de territoire, et qu'il impose des contrôles et précontrôles plus rigoureux des personnes souhaitant visiter le Canada ou y immigrer.

D'autre part, le comité propose d'améliorer le système de demandes de filtrage de Citoyenneté et Immigration Canada, d'utiliser davantage l'information du Service canadien du renseignement de sécurité et de la Gendarmerie royale du Canada pour les contrôles et de tenir un plus grand nombre d'entrevues en personne.

En outre, le comité demande au gouvernement de prélever et d'utiliser les données biométriques de tous les ressortissants étrangers à leur arrivée au Canada, sous réserve des dispositions des accords conclus avec d'autres gouvernements. Il devra aussi respecter les mesures de sécurité et les mesures de protection des renseignements personnels.

Chers collègues, l'Agence des services frontaliers du Canada joue un rôle crucial : elle assure notre sécurité. Je constate qu'il faut faire beaucoup plus pour accroître la vigilance, la reddition de comptes et la sécurité à nos frontières. Nous devons effectuer des contrôles accrus des visiteurs et des immigrants qui entrent au Canada, mettre en place un système d'enregistrement des entrées et des sorties, utiliser les données biométriques et mener des entrevues en personne.

Je tiens à souligner qu'il faudrait qu'il y ait un contrôle plus serré des étudiants, des travailleurs étrangers temporaires, des réfugiés et des immigrants. C'est la raison pour laquelle le comité a recommandé le recours à la vidéoconférence et, dans la mesure du possible, à des entrevues en personne, et que les décisions soient prises par des employés canadiens.

En octobre dernier, comme nous le savons, les Canadiens ont appris que plus de 145 de nos concitoyens étaient partis rejoindre les terroristes djihadistes et que plus de 80 étaient revenus. À l'heure où la menace terroriste s'accentue et où plus de gens voyagent dans le monde, il est important pour le Canada et pour notre sécurité de donner à l'Agence des services frontaliers les outils dont elle a besoin pour faire le travail qu'on lui confie.

Je demande à tous les sénateurs d'adopter cet important rapport et de donner au gouvernement la possibilité de répondre à nos recommandations.

L'honorable Wilfred P. Moore : Je félicite le président du comité, le sénateur Lang, et son vice-président, le sénateur Mitchell, pour ce rapport. C'est un rapport important. Comme vous le savez, chers collègues, j'ai déjà présenté au Sénat un projet de loi traitant de l'exercice d'une surveillance à l'Agence canadienne des services frontaliers et de la création d'un processus indépendant pour entendre les plaintes. Je suis donc vraiment heureux d'entendre les recommandations du sénateur Lang. J'ai hâte de voir lesquelles de vos recommandations le gouvernement choisira de suivre lorsqu'il en aura pris connaissance et j'espère qu'il y donnera suite.

Je vous félicite. Merci.

L'honorable Grant Mitchell : J'aimerais faire quelques observations au sujet du rapport qui est, à mon avis, un excellent rapport. Je félicite le président du comité pour la façon dont il a dirigé les travaux et, comme lui, je salue le personnel de nos bureaux respectifs ainsi que le personnel de la Bibliothèque du Parlement et du bureau du greffier, notre greffier. Ils sont tous très compétents et ont fait un excellent travail.

À certains égards, ce rapport n'a pas été facile à produire et je vous dis pourquoi. Il traite de plusieurs questions d'une importance capitale pour tous les Canadiens. Le sénateur Lang y a fait allusion lorsqu'il a pris la parole. Il concerne notamment les renseignements personnels, car nous réclamons que les employés de première ligne de l'Agence des services frontaliers du Canada puissent obtenir des renseignements sur les gens qui pourraient entrer au Canada, mais que nous voudrions interdire de territoire. La question des renseignements personnels est donc importante.

(1700)

Il concerne aussi l'équité et l'application régulière de la loi. Lorsqu'une personne veut entrer au Canada, nous voulons qu'elle soit traitée équitablement. Il peut s'agir, par exemple, d'un éventuel réfugié ou d'un travailleur étranger temporaire qui dépasse la durée de son séjour. Peu de ces travailleurs restent ici plus longtemps. En fait, nous ne le savons pas. Je ne crois pas qu'ils soient nombreux, mais il y en a sans doute.

Le Canada est vraiment soucieux de l'équité et de l'application régulière de la loi. Cela transparaît dans le rapport.

Le rapport concerne surtout l'immigration. En effet, le Canada est un pays d'immigrants, et les services frontaliers s'occupent au quotidien de questions relatives à l'immigration. C'est donc un fondement de ce rapport. L'immigration est une question délicate qui a été abordée avec soin dans le rapport.

Le rapport concerne enfin les simples visiteurs. Le Canada est un pays ouvert où les visiteurs sont les bienvenus. C'est important pour notre économie. Le Canada est aussi ouvert aux immigrants. C'est l'un des fondements mêmes du Canada et c'est aussi important pour l'économie. En effet, ce sont les immigrants qui ont bâti le Canada.

Le rapport devait aborder ces questions avec prudence et discernement. J'estime que nous avons atteint cet équilibre grâce aux discussions intenses que nous avons menées et à notre excellent travail. Je remercie les membres du comité et le président de leurs efforts et de leur investissement personnel.

Je tiens, en passant, à souligner l'incidence — même indirecte — qu'a eue le sénateur Moore sur ce rapport, parce qu'il n'a jamais arrêté de réclamer que l'Agence canadienne des services frontaliers soit soumise à des processus de surveillance et d'examen. Fait intéressant, l'une des recommandations du rapport parle justement de surveillance et d'examen. Rappelez-vous que, contrairement à l'examen, qui a lieu après coup, la surveillance est continue, proactive, je dirais presque quotidienne; on pourrait la comparer à ce que fait un conseil d'administration. Ces deux éléments figurent dans notre rapport, et c'est excellent.

Nous avons aussi recommandé que toutes les entrevues avec des gens qui pourraient éventuellement être interdits de territoire soient enregistrées — sur bande audio et vidéo — afin que la manière dont elles sont menées par les employés de l'agence ne soit jamais remise en cause.

Voilà qui fait le tour des points que je voulais aborder.

Encore une fois, je remercie tous ceux qui ont participé au processus. Il s'agit à mes yeux d'un excellent rapport, qui soulève un certain nombre de questions difficiles, mais importantes, et qui le fait très bien.

Merci.

L'honorable Joseph A. Day : J'aimerais moi aussi recommander la lecture du rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et insister sur le fait que, même s'il porte d'abord et avant tout sur la sécurité à la frontière, il aborde beaucoup d'autres aspects de la sécurité, à l'intérieur du territoire et à ses frontières. N'hésitez pas à comparer ce qui s'y trouve avec les dispositions du projet de loi C-59 sur les contrôle biométrique qui seront utilisés à la frontière et ailleurs, qu'il s'agisse de balayage de l'iris, d'empreintes digitales ou de photographies. Il s'agit en réalité d'un élément important de quelque chose de beaucoup plus gros qui pourrait donner lieu à une étude beaucoup plus vaste, étude que j'ai bon espoir de voir le comité entreprendre.

Bref, je recommande aux honorables sénateurs de lire le rapport, en n'oubliant pas qu'il s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large.

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter le rapport?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur l'utilisation de la monnaie numérique

Douzième rapport du Comité des banques et du commerce—Suspension du débat

Le Sénat passe à l'étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Les crypto-monnaies : pile ou face?, déposé au Sénat le 18 juin 2015.

L'honorable Irving Gerstein propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis très heureux de déposer aujourd'hui le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Les crypto-monnaies : pile ou face?. Le comité a rédigé ce rapport après avoir entendu 55 témoins à Ottawa et effectué un voyage d'étude à New York. Le rapport contient huit recommandations, et nous croyons que, si elles sont mises en œuvre, elles permettront au secteur canadien des monnaies numériques de favoriser la croissance et l'innovation, tout en aidant simultanément à réprimer les activités illicites et à minimiser les risques pour les consommateurs.

Je tiens à remercier sincèrement tous les membres du comité et le personnel de soutien de leurs opinions réfléchies sur cette question très complexe, mais fascinante.

Je suis d'avis que ce rapport, comme les rapports antérieurs du Comité des banques, témoigne du fait que le Sénat excelle dans l'art de formuler des recommandations publiques non partisanes et de qualité.

Honorables sénateurs, imaginez pour un instant que je tiens, dans l'une de mes mains, un billet de 20 $, ce qui, comme vous le savez, n'est pas autorisé au Sénat. Dans l'autre main, je n'ai rien. La première est une monnaie émise par un État, et l'autre est une monnaie numérique. Ces monnaies ont une certaine similarité. Par exemple, elles permettent toutes les deux d'acheter des choses. Cependant, elles sont aussi très différentes parce qu'il est impossible d'ouvrir un compte bancaire avec de la monnaie numérique, et qu'il faut un ordinateur ou un cellulaire pour le dépenser.

Vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons choisi de faire une étude sur les crypto-monnaies. Je crois que le sénateur des États-Unis Tom Carper, président du comité sénatorial de la sécurité intérieure dans ce pays, a déjà donné une bonne description de cette nouvelle réalité. Je le cite : « Les crypto-monnaies, en particulier le bitcoin, ont captivé l'imagination de certains, suscité la peur chez d'autres et semé la confusion dans l'esprit de beaucoup de gens parmi nous. »

En mars 2014, lorsque j'ai pris la parole dans cette enceinte au sujet de l'ordre de renvoi permettant au comité d'entreprendre cette étude, j'ai souligné que c'était un bon moment pour se pencher sur le sujet des crypto-monnaies, qui suscite beaucoup d'intérêt dans plusieurs milieux : les autorités de réglementation se demandent quels volets de ce phénomène devraient être réglementés; les responsables de l'application de la loi voient les crypto-monnaies comme un moyen de blanchir de l'argent ou de financer le terrorisme; les consommateurs, les investisseurs et les entrepreneurs veulent se servir de cette nouvelle forme de monnaie ou y investir; des organismes y voient une manière de permettre à la population des pays en voie de développement d'avoir accès à des services financiers.

Tous ces gens veulent se donner une longueur d'avance, et il est tout à fait pertinent de s'intéresser aux crypto-monnaies présentement. Depuis que nous avons commencé notre étude, le département des services financiers de l'État de New York a publié une proposition visant à accorder des permis aux sociétés émettrices de crypto-monnaie. D'autres gouvernements ont commencé à étudier le sujet. Un nombre croissant d'organismes et d'entreprises avant-gardistes ont adopté la crypto-monnaie comme mode de paiement pour les produits et les services, y compris l'Université Simon Fraser, qui accepte maintenant le bitcoin pour l'achat des manuels.

Chers collègues, je suis sûr que plusieurs d'entre vous se posent la même question que nous nous posions au départ : qu'est-ce qu'une crypto-monnaie? Je vous avoue que la réponse est assez complexe.

Je cite encore une fois le sénateur Carper :

Les crypto-monnaies sont de l'argent sous forme numérique. Elles sont générées par des ordinateurs, résident sur Internet et peuvent être utilisées pour acheter des produits réels ou numériques dans le monde entier.

Mais voilà où les choses se compliquent un peu : la monnaie numérique ou virtuelle — ces deux termes sont interchangeables — est une catégorie très vaste. Il existe diverses sous-catégories de monnaies numériques, dont la crypto-monnaie, l'un des thèmes centraux de notre rapport.

La crypto-monnaie est une monnaie numérique décentralisée et l'émission d'unités de monnaie ainsi que la vérification du transfert de fonds sont réglementées par des techniques de cryptage. Ce système fonctionne indépendamment d'une autorité centrale. Cela m'amène à parler du bitcoin, la crypto-monnaie la mieux connue. Elle est tellement connue qu'elle est devenue l'avatar de facto de tout le secteur.

(1710)

Dans un article publié dans le magazine Canadian Lawyer, Luis Millan a fourni la description suivante :

Bitcoin, la plus populaire des quelque 200 monnaies virtuelles créées depuis 2009, est un code informatique ingénieux, dont la valeur monétaire est contrôlée et stockée entièrement par ordinateur. Il s'agit essentiellement d'un système de paiement en liquide pair à pair, d'une forme de monnaie électronique, dont la valeur est exprimée en unités de bitcoin, divisibles comme le dollar canadien en cents. Cependant, le bitcoin n'est pas associé à une marchandise physique, à un État ou à une autorité bancaire centrale.

Mais, chose plus importante encore, le bitcoin est aussi un système de paiement, un réseau pair à pair qui permet de prouver et de transférer la propriété sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à un tiers digne de confiance, comme une banque centrale.

Nous avons appris que les systèmes de paiement pair à pair, qui permettent au bitcoin de fonctionner sans l'intervention d'un tiers, reposent sur ce qu'on appelle un registre public. Celui-ci est exactement ce que l'on pense : un grand tableau d'affichage ayant recours à une technologie appelée la chaîne de blocs. Il enregistre toutes les transactions effectuées en bitcoins et les diffuse dans des milliers d'ordinateurs qui interagissent à l'échelle mondiale pour atteindre un consensus à des fins de vérification. Une fois la transaction vérifiée, elle ne peut pas être contrefaite ou modifiée, et elle est inscrite dans un registre public permanent.

Chose intéressante, tout au long de son étude, le comité s'est fait dire que le bitcoin — la monnaie — n'est peut-être pas l'invention la plus importante qui soit; c'est plutôt le système de paiement par bitcoins qui est l'innovation la plus importante, c'est-à-dire la chaîne de blocs et le registre public. La technologie de la chaîne de blocs sert maintenant de base à des centaines, voire des milliers, d'autres crypto-monnaies, et son architecture sous-jacente promet déjà d'être fort utile pour des usagers dans un certain nombre de domaines. Par exemple, on nous a fait valoir que, comme il n'est pas nécessaire qu'un tiers intervienne et donne l'autorisation nécessaire, le coût des transactions effectuées au moyen de bitcoins est considérablement moins élevé que celui lié à l'utilisation d'une carte de crédit ou de débit.

On nous a également appris que la technologie de la chaîne de blocs peut être adaptée pour l'enregistrement sûr et permanent des mariages, des naissances, d'achats immobiliers et toute une myriade d'autres transactions. Nous nous sommes même servis de cette technologie pour publier notre rapport vendredi dernier.

Le comité a aussi entendu un témoignage des plus fascinants de la part de Rodger Voorhies, directeur au Services financiers destinés aux plus démunis à la Fondation Bill et Melinda Gates. Celui-ci a indiqué que plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde n'ont pas de comptes bancaires. Autrement dit, le tiers des personnes sur la planète n'ont pas accès à des services bancaires ou financiers proprement dits. Par ailleurs, M. Voorhies a mentionné que, même dans les régions les plus pauvres du monde, où les gens n'ont pas de comptes bancaires et vivent sous un toit de tôle sans eau courante, la majorité de la population a accès à des téléphones mobiles.

Honorables sénateurs, cet état de fait a d'énormes implications. Pensez-y : la capacité d'effectuer des transactions bancaires grâce à une application mobile offre aux personnes sans compte bancaire la possibilité d'entrer dans le système financier mondial. La technologie entourant la monnaie numérique peut impulser le développement, créer de l'épargne et même permettre l'octroi du crédit, et ainsi améliorer la qualité de vie dans les pays en développement. C'est vraiment renversant.

Enfin, nous avons étudié comment la technologie de la chaîne de blocs peut représenter une option sécuritaire pour les consommateurs qui ne veulent pas courir le risque de voir leurs renseignements personnels divulgués sur Internet. Le comité a appris que, parce qu'elle ne fait pas appel à un tiers, la technologie de la chaîne de blocs offre aux consommateurs et aux gouvernements un moyen plus efficace de se protéger en ligne. Voilà qui est particulièrement pertinent étant donné la cyberattaque menée contre des sites du gouvernement du Canada la semaine dernière.

Honorables sénateurs, toute médaille a un revers. Il se trouve que les bitcoins en ont un aussi. En effet, la puissance de la technologie de la chaîne de blocs en matière de protection de l'identité a aussi ses mauvais côtés.

Francis Pouliot, de Bitcoin Foundation Canada, a affirmé ce qui suit :

À l'instar d'Internet, Bitcoin est un outil pouvant être utilisé à des fins nobles ou répréhensibles, par des saints ou par des criminels.

On a notamment entendu parler de l'incidence sur le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent. C'est là bien évidemment une question qui interpelle tout particulièrement le Comité des banques qui, il y a deux ans, a étudié la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Afin d'atténuer les risques à ce chapitre, le rapport recommande que le gouvernement exige des bourses de monnaies numériques qu'elles respectent les mêmes exigences légales que celles imposées aux entreprises de services monétaires.

(Le débat est suspendu.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, puisqu'il est 17 h 15, je dois interrompre les délibérations pour que la sonnerie retentisse pour les votes reportés à 17 h 30.

Nous commencerons par le vote sur l'amendement de la sénatrice Ringuette au projet de loi C-59. Nous tiendrons ensuite les votes sur l'amendement du sénateur Wells au projet de loi C-586 et sur l'amendement du sénateur Moore à la motion de la sénatrice Ringuette concernant le sous-amendement au projet de loi C-377.

Après les votes, nous reprendrons le débat sur les articles à l'ordre du jour, selon l'ordre dans lequel ils ont été mis aux voix. Nous reviendrons à la question maintenant à l'étude après avoir repris le débat sur les projets de loi C-59, C-586 et C-377.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015

Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith (Saurel), appuyée par l'honorable sénateur Doyle, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Moore, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié comme suit :

Que les divisions 19 et 20 soient abrogées.

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion suivante : l'honorable sénatrice Ringuette, avec l'appui de l'honorable sénateur Moore, propose :

Que le projet de loi ne soit pas lu maintenant pour une troisième fois, mais qu'il soit amendé de la façon suivante :

Que les divisions 19 et 20 soient abrogées.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Campbell Joyal
Chaput Kenny
Cools Massicotte
Cordy Merchant
Cowan Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
Fraser Ringuette
Furey Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif—23
Hubley

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Nancy Ruth
Bellemare Neufeld
Beyak Ngo
Carignan Ogilvie
Dagenais Oh
Doyle Patterson
Eaton Plett
Enverga Poirier
Frum Raine
Gerstein Rivard
Greene Runciman
Lang Seidman
LeBreton Smith (Saurel)
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Marshall Wallace
Martin Wells
McInnis White—40

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

(1740)

Projet de loi de 2014 instituant des réformes

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénateur Oh, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires).

Sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Wells, appuyée par l'honorable sénatrice Batters, que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 4, à la page 2, après la ligne 35, par l'ajout de ce qui suit :

« 49.21 L'article 49.2 ne s'applique pas au chef d'un parti. ».

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion suivante : l'honorable sénateur Wells, avec l'appui de l'honorable sénatrice Batters, propose :

Que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 4, à la page 2, après la ligne 35, par l'ajout de ce qui suit :

« 49.21 L'article 49.2 ne s'applique pas au chef d'un parti. ».

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien se lever.

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters MacDonald
Dagenais Maltais
Eaton McInnis
Enverga Ngo
Fraser Plett
Frum Stewart Olsen
Housakos Wells—14

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan Massicotte
Baker McIntyre
Bellemare Merchant
Beyak Mockler
Campbell Moore
Carignan Nancy Ruth
Chaput Neufeld
Cools Ogilvie
Cordy Oh
Dawson Patterson
Day Poirier
Doyle Raine
Furey Ringuette
Gerstein Rivard
Greene Runciman
Hervieux-Payette Seidman
Jaffer Smith (Cobourg)
Joyal Smith (Saurel)
Kenny Tannas
Lang Tardif
LeBreton Wallace
Marshall White—46

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cowan Mitchell
Hubley Munson—4

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur Doyle, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Black, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1, à la page 5, par adjonction, après la ligne 45, de ce qui suit :

« c) aux organisations ouvrières dont les activités de relations de travail ne relèvent pas de la compétence fédérale;

d) aux fiducies de syndicat dans lesquelles aucune organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale ne possède d'intérêt juridique, bénéficiaire ou financier;

e) aux fiducies de syndicat qui ne sont pas constituées et administrées en tout ou en partie au bénéfice d'une organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale, de ses membres ou des personnes qu'elle représente. »

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyé par l'honorable sénatrice Ringuette, que la motion d'amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par adjonction, dans le paragraphe introductif, suivant les mots « à la page 5 » de ce qui suit :

« :

a) par substitution de la ligne 35 par ce qui suit :

"ont trait à l'administration, à la";

b) ».;

Et sur la motion subsidiaire de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., que le sous-amendement ne soit pas adopté maintenant, mais, conformément au paragraphe 12-8(1) du Règlement, qu'il soit plutôt renvoyé avec l'amendement au comité plénier aux fins d'examen et de rapport, et que le Sénat se forme en comité plénier immédiatement après la période de questions de la deuxième journée de séance suivant l'adoption de la présente motion.

Sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Dawson, que la motion de l'honorable sénatrice Ringuette ne soit pas adoptée maintenant mais qu'elle soit modifiée en remplaçant le mot « deuxième » par le mot « premier ».

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion suivante : l'honorable sénateur Moore, avec l'appui de l'honorable sénateur Dawson, propose :

Que la motion de l'honorable sénatrice Ringuette ne soit pas adoptée maintenant mais qu'elle soit modifiée en remplaçant le mot « deuxième » par le mot « premier ».

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien se lever.

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Campbell Joyal
Chaput Kenny
Cools Massicotte
Cordy Merchant
Cowan Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
Fraser Ringuette
Furey Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif—23
Hubley

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Mockler
Ataullahjan Nancy Ruth
Batters Neufeld
Beyak Ngo
Carignan Ogilvie
Dagenais Oh
Doyle Patterson
Eaton Plett
Enverga Poirier
Frum Raine
Gerstein Rivard
Greene Runciman
Lang Seidman
LeBreton Smith (Saurel)
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Marshall Wallace
Martin Wells
McInnis White—39
McIntyre

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Bellemare—1

(1750)

La Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du quinzième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports de comités :

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le lundi 22 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

QUINZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada, conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 19 juin 2015, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans propositions d'amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
RICHARD NEUFELD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi de mise en Œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Présentation du seizième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le lundi 22 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

SEIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-64, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada—Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 22 juin 2015, a étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans propositions d'amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
RICHARD NEUFELD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du dix-septième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le lundi 22 juin 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 22 juin 2015, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
RICHARD NEUFELD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015

Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith (Saurel), appuyée par l'honorable sénateur Doyle, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Smith (Saurel), avec l'appui de l'honorable sénateur Doyle, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

Projet de loi de 2014 instituant des réformes

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénateur Oh, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires).

Des voix : Le vote!

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : La sénatrice Batters voulait intervenir dans ce débat. Je propose l'ajournement à son nom.

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Martin, avec l'appui de l'honorable sénatrice Marshall, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat, au nom de la sénatrice Batters. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

L'honorable Serge Joyal : Monsieur le Président, je m'oppose à l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de l'ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre l'ajournement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

La sénatrice Cools : Non, ils ne l'emportent pas.

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Je vois des sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente sur la durée de la sonnerie? Honorables sénateurs, la sonnerie retentira pendant une heure. Le vote se tiendra donc à... Je suis désolé; la durée de la sonnerie ne fait pas l'unanimité. Si un sénateur le demande, quand bien même il serait seul à le demander, la durée de la sonnerie est d'une heure.

La sénatrice Marshall : C'est aux whips d'en décider.

Son Honneur le Président : Non, la décision ne revient pas aux whips, mais à l'assemblée. Les whips ont convenu d'une durée. La Chambre ne l'a pas acceptée. La durée de la sonnerie est donc d'une heure.

Le vote aura lieu à 18 h 59. Convoquez les sénateurs.

(1900)

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters Plett
Eaton Seidman
Enverga Wells—7
Frum

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Ataullahjan Massicotte
Baker McInnis
Bellemare McIntyre
Beyak Mockler
Carignan Moore
Chaput Munson
Cools Nancy Ruth
Cordy Neufeld
Cowan Ngo
Dawson Ogilvie
Day Oh
Doyle Patterson
Fraser Poirier
Furey Raine
Gerstein Ringuette
Greene Rivard
Hervieux-Payette Runciman
Hubley Smith (Cobourg)
Jaffer Smith (Saurel)
Joyal Tannas
Lang Tardif
LeBreton Wallace—47
Maltais

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Dagenais Stewart Olsen
MacDonald White—5
Martin

Son Honneur le Président : La motion est donc rejetée.

Honorables sénateurs, il est passé 18 heures. Conformément à l'article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu'à 20 heures, à moins que les honorables sénateurs consentent à ne pas tenir compte de l'heure.

Des voix : Ne pas tenir compte de l'heure.

Son Honneur le Président : Nous poursuivons le débat. La sénatrice Batters a la parole.

L'honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada. Comme vous le savez, le projet de loi propose de modifier les règles concernant les chefs et les députés des groupes parlementaires, ou caucus. Aux termes de ces nouvelles règles, il faut la signature de seulement 20 p. 100 des députés d'un groupe parlementaire pour déclencher un examen de la direction ou de l'adhésion d'un député. Si plus de 50 p. 100 des députés du groupe parlementaire votent en ce sens, le député ou le chef en question sera expulsé.

L'auteur du projet de loi, mon collègue, Michael Chong, tente de renforcer l'autonomie des députés en présentant cette mesure législative. Son objectif consiste à codifier les règles des groupes parlementaires et à permettre aux députés de déterminer par eux- mêmes comment ils régleront les problèmes qui surviendront au sein de la direction et du groupe parlementaire.

À cet égard, les objectifs visés par M. Chong sont louables, et je sais qu'il a travaillé fort pour faire adopter ce projet de loi. Malheureusement, la mesure législative dont nous sommes saisis ne permettra pas de réaliser la réforme démocratique à laquelle M. Chong aspire. En fait, le projet de loi C-586 pourrait causer plus de problèmes qu'il n'en résoudra.

Le projet de loi est largement considéré comme faible, même parmi ses partisans. Les mesures qu'il contient sont presque entièrement facultatives. Il ne prévoit aucune sanction et pourrait être utilisé pour déstabiliser les partis politiques et leur chef. À mon avis, il n'est pas du ressort du Parlement de légiférer sur les rouages internes des partis politiques. Le projet de loi C-586 risque d'aller à l'encontre de la volonté des dizaines de milliers de simples militants des partis politiques et de millions d'électeurs canadiens, ce qui serait exactement le contraire des idéaux démocratiques que le projet de loi vise à promouvoir.

Même s'il a été adopté par la Chambre des communes avec une confortable majorité, le projet de loi C-586 a été dénoncé par beaucoup de critiques. Le journaliste Dale Smith l'a qualifié de « toxique pour la démocratie canadienne ». David Frum a déclaré que le projet de loi C-586 « réduirait l'espace de responsabilité des députés » et « nourrirait les querelles intestines ». Stéphane Dion, ancien chef du Parti libéral du Canada a simplement déclaré ceci : « Je crois que c'est un mauvais projet de loi. »

Même les partisans du projet de loi C-586 ne manifestent que peu d'enthousiasme. Par exemple, lorsque Comité sénatorial du Règlement l'a étudié, l'ancien Président de la Chambre des communes, Peter Milliken, est venu témoigner et a déclaré ceci : « Il a des lacunes [...] ce projet de loi comporte son lot de problèmes [...] Je ne suis [pas] terriblement entiché du projet de loi et je ne prétends pas qu'il soit tout à fait au point [...] Je ne suis pas extrêmement favorable à tous les détails de ce projet de loi. Je préférerais quelque chose de différent, mais c'est un début. »

On ne peut pas dire que M. Milliken ait accordé un appui sans réserve au projet de loi, honorables sénateurs. Pourtant, au cours de cette même réunion, il a déclaré encore ceci : « [...] j'incite les sénateurs à se pincer le nez et à adopter ce projet de loi. »

Il semble que les partisans du projet de loi n'aient rien de mieux à dire pour nous convaincre, honorables collègues, et que, même si nous y voyons beaucoup de lacunes, nous devrions l'adopter quand même.

J'estime qu'un tel argument n'est pas suffisant, honorables sénateurs, et je crois qu'adopter le projet de loi ne serait pas digne de nous. Nous avons un devoir en tant que gardiens de la démocratie canadienne : nous devons procéder à un second examen objectif des projets de loi qui nous sont soumis. Le Sénat a la responsabilité d'étudier en profondeur les projets de loi adoptés par l'autre endroit, et je ne suis pas d'accord pour que nous adoptions le projet de loi C-586 simplement parce qu'on nous dit que nous devrions l'adopter.

Si la mesure comporte des lacunes importantes — et j'estime que c'est le cas —, nous devons, au Sénat, faire de notre mieux pour qu'elles fassent l'objet de discussions et soient corrigées.

Le principal problème que présente ce projet de loi, c'est que son application est facultative. Comme avocate et membre du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, je peux facilement imaginer le chaos qui s'ensuivrait si on apportait au Code criminel des modifications dont l'observation est facultative comme celles qui sont proposées dans le projet de loi de M. Chong.

En vertu des dispositions du projet de loi C-586, peu après les élections, les groupes parlementaires devront tenir un scrutin pour déterminer s'ils acceptent les règles énoncées dans la mesure législative sur la composition des groupes parlementaires, le leadership, et cetera. Si un groupe parlementaire choisit de ne pas adopter les seuils indiqués dans le projet de loi C-586, il peut proposer autre chose ou rejeter carrément la règle et maintenir le statu quo, auquel cas, pourquoi aurions-nous besoin d'une telle mesure législative, honorables sénateurs? Pourquoi débattons-nous cette mesure législative que les groupes parlementaires n'auraient pas à suivre et dans laquelle aucune pénalité n'est prévue en cas de non-conformité? Si le respect de la mesure législative est facultatif, à quoi bon l'adopter?

Nous pourrions tout aussi bien laisser les partis faire les choix qu'ils veulent en ce qui a trait à leur groupe parlementaire et à leur gouvernance, comme cela se fait actuellement.

Qui plus est, ce projet de loi ne dit rien sur la fréquence à laquelle les membres d'un groupe parlementaire peuvent remettre en question le choix qui a été fait concernant la direction du parti.

(1910)

J'ai cru comprendre que plusieurs autres pays limitent la fréquence à laquelle le leadership d'un chef de parti peut être contesté afin d'éviter que le parti, mais aussi le gouvernement dans certains cas, ne soient indûment déstabilisés. Quand on lui a fait remarquer cette lacune, M. Chong a répondu au Comité du Règlement que, à son avis, « [...] les députés vont utiliser ces pouvoirs de façon judicieuse [...] ». C'est à espérer, honorables sénateurs, mais sans balises claires, comment en être sûrs? Comment un chef peut-il diriger son parti efficacement s'il doit constamment se prémunir contre les contestations?

Prenons un exemple hypothétique, celui de Patrick Brown, un ancien député fédéral conservateur qui a été nommé récemment à la tête du Parti conservateur de l'Ontario. Il a remporté la course à la direction du parti avec environ 23 000 voix. Il n'était pas député provincial lorsqu'il a posé sa candidature. À vrai dire, seulement 5 des 28 députés provinciaux de son groupe parlementaire l'ont appuyé. Si le projet de loi C-586 avait été en vigueur, il aurait suffi que 5 ou 6 d'entre eux en fassent la demande pour que le leadership de M. Brown soit contesté et que 14 en décident ainsi pour qu'il soit éjecté illico de son poste. Qui plus est, comme il ne siégeait pas à l'assemblée législative quand il a été élu chef, M. Brown n'aurait même pas eu le droit d'influer sur les décisions de son groupe parlementaire avec son vote. Vous le voyez donc : les règles établies par le projet de loi C-586 pourraient s'avérer chaotiques.

Je crains en outre l'effet que cette mesure législative pourrait avoir sur la participation citoyenne aux partis politiques, qui constituent après tout le fondement même de notre régime politique. Toute ma vie adulte, j'ai été membre de partis politiques. Au cours de cette période, j'ai vendu des milliers de cartes de membre, et je suis sûre que plusieurs d'entre vous pourraient en dire autant. Or, en achetant une carte de membre 10 ou 15 $, les Canadiens ont alors leur mot à dire sur l'identité de la personne qui dirigera leur parti et pourrait occuper les fonctions de premier ministre du Canada.

Des dizaines de milliers de Canadiens participent à chacune des courses à la direction des principaux partis politiques au pays et prennent le temps de voter pour les chefs de parti. Or, ce projet de loi permettrait aux caucus de leur enlever ce droit et d'aller à l'encontre de la volonté des membres du parti. En étant membres d'un parti, les citoyens contribuent directement à l'élaboration de politiques et au choix du chef. Il est extrêmement sain pour notre démocratie d'inviter les gens à participer ainsi au processus politique.

Parallèlement, le droit de destituer un chef devrait incomber aux personnes qui l'ont choisi au départ, à savoir les membres du parti. En général, l'électorat canadien participe au processus démocratique en exerçant son droit de vote pendant les élections et, entre les élections, il transmet ses commentaires aux parlementaires et exerce sur eux des pressions.

M. Chong et d'autres personnes ont souligné que, au Canada, les électeurs ne votent pas directement pour un premier ministre. Techniquement, c'est évidemment vrai. Toutefois, des études ont révélé qu'un nombre important d'électeurs votent pour un parti ou un chef de parti, plutôt que pour un candidat local. Habituellement, environ 5 p. 100 seulement des électeurs votent en faveur d'un candidat donné à l'échelle locale. Même les meilleurs candidats vedettes ne réussissent à convaincre qu'environ 10 p. 100 des électeurs dans une circonscription donnée. Les autres électeurs font leur choix en fonction du parti auquel appartient le candidat ou de son chef. Honorables sénateurs, cela revêt une importance cruciale.

Ce qui me préoccupe dans le cas du projet de loi C-586, c'est que la volonté de milliers de Canadiens qui votent pour un candidat pourrait être contrecarrée par une poignée de membres du caucus. Examinons les chiffres qui s'appliqueraient à certaines courses à la direction tenues récemment. Plus de 67 000 membres du Parti conservateur du Canada ont voté pour notre chef, le premier ministre Stephen Harper, et 5,8 millions de Canadiens ont voté pour lui lors des dernières élections fédérales. Si le caucus du Parti conservateur adoptait les dispositions proposées dans le projet de loi C-586, il suffirait de 32 députés pour déclencher un vote de confiance à l'égard du chef et de 80 députés pour le destituer. Dans le cas du Parti libéral, 81 000 membres ont voté pour que Justin Trudeau devienne chef de ce parti. Il suffirait de 7 membres du caucus pour déclencher un vote de confiance à l'endroit du chef et de 18 pour le destituer.

Par conséquent, les dispositions proposées dans le projet de loi C- 586 pourraient permettre à un petit nombre de députés — moins qu'il n'en faut pour remplir un petit autobus vert du Parlement — d'annuler le vote de ces milliers de personnes qui votent pour le chef d'un parti. Étant donné qu'un maigre 20 p. 100 de députés du groupe parlementaire est nécessaire pour déclencher un vote, il est facile de voir comment des groupes d'intérêt spéciaux dans un caucus — qu'il s'agisse de groupes régionaux, moraux ou philosophiques — pourraient renverser la volonté de milliers d'électeurs. M. Chong fait valoir que l'absence de règles de caucus écrites crée le chaos. Honnêtement, il y aura toujours du chaos, vu qu'il arrive souvent que les chefs n'aient pas la confiance de la majorité des membres de leur caucus. Il y a de nombreuses années, lorsque Stockwell Day était chef de son parti, le chaos a duré plusieurs mois.

Or, nous sommes dans une ère nouvelle, gouvernée par la vitesse de la technologie, la communication et les réseaux de nouvelles en continu, lesquels n'étaient pas aussi prévalents il y a 10 ou 15 ans. Ce scénario s'est concrétisé plus rapidement dans le cas de la première ministre Alison Redford en Alberta et la première ministre Kathy Dunderdale à Terre-Neuve. Dans le cas du premier ministre néo- démocrate Greg Selinger au Manitoba, ce dernier a réussi à s'accrocher au pouvoir, mais le processus visant à le remplacer s'est mis en branle rapidement. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, l'absence de confiance dans le chef d'un parti incite relativement rapidement ce dernier à donner sa démission. Honorables sénateurs, impossible de diriger efficacement avec des couteaux dans le dos.

Mon argument, c'est que les caucus forcent déjà leurs chefs à démissionner. Je crois qu'il est dangereux que nous inscrivions un plan en ce sens dans une loi adoptée au Parlement. S'il faut modifier la façon de choisir et de destituer les chefs de parti, laissons les partis politiques le faire. Je crois que nous devrions laisser les partis politiques créer leurs propres politiques à cet égard en consultant les membres de la base du parti et au moyen des conventions et des processus politiques habituels.

M. Chong a déclaré que le Sénat devrait approuver sans discussion cette mesure législative proposée. Il a dit qu'il serait abominable que le Sénat effectue un second examen objectif de ce projet de loi. Il affirme que ce projet de loi n'a rien à voir avec les sénateurs et qu'il concerne strictement les députés de la Chambre des communes. Le Sénat devrait donc s'occuper de ses oignons, comme on dit, peu importe que les sénateurs conservateurs fassent toujours partie du caucus national, y apportent une contribution précieuse et rencontrent le premier ministre chaque semaine pour lui faire part du point de vue et des préoccupations de leur région sur les dossiers fédéraux.

Dans certains cas, la présence des sénateurs au sein d'un caucus constitue le seul moyen de faire entendre les régions. Dans le caucus conservateur, par exemple, les sénateurs sont les seuls représentants de Terre-Neuve-et-Labrador. Quand Justin Trudeau a renvoyé les sénateurs libéraux du caucus national l'an dernier, il a perdu tous les représentants libéraux pour l'Alberta, notamment de précieux éléments comme le sénateur Mitchell, ancien chef du Parti libéral de l'Alberta et ancien chef de l'opposition officielle, et la sénatrice Tardif, qui a été leader adjointe de l'opposition au Sénat pendant six ans et demi. L'Alberta, qui est un grand moteur économique du pays et qui compte plus de 4 millions d'habitants, dont 129 000 ont voté pour le Parti libéral lors des dernières élections fédérales, ne peut maintenant plus se faire entendre au sein du caucus libéral. En raison du retrait des sénateurs du caucus national, les libéraux ont perdu 75 p. 100 des membres néo-brunswickois du caucus et il ne leur reste qu'un seul député représentant la Saskatchewan.

L'exclusion des sénateurs de la définition de « caucus » proposée dans le projet de loi C-586 risque d'exclure totalement certaines régions du pays de décisions importantes concernant le caucus et la direction.

C'est le premier projet de loi qui donnerait un véritable pouvoir au caucus, ou au moins à une partie du caucus puisque les sénateurs en sont exclus. Non seulement cela pourrait-il avoir de graves répercussions sur le plan régional, mais j'estime aussi que le projet de loi C-586 risquerait d'encourager le fractionnement au sein des caucus. Cet effet se ferait particulièrement sentir dans les dossiers touchant à la moralité ou à la conscience, qui tendent à polariser les membres de caucus et les électeurs. Les gens changent rarement d'avis dans de tels dossiers. Essentiellement, le processus pourrait avoir pour effet d'amener les insatisfaits à former un groupe distinct.

Pour un parti politique qui cherche à représenter les intérêts des Canadiens de l'ensemble du pays, un tel fractionnement peut constituer une difficulté, voire même une impasse. Dans les cas les plus extrêmes, le parti ou le gouvernement pourrait se retrouver pris en otage par un groupe d'intérêt spécial motivé par une seule idéologie ou intéressé à une seule région.

Honorables sénateurs, bien que je reconnaisse l'intention de M. Chong et de ses collègues qui préconisent une réforme démocratique poussée, le projet de loi n'atteint pas l'objectif visé. Les dispositions du projet de loi C-586 sont soit trop vagues et facultatives pour être de la moindre utilité, soit si restrictives qu'elles pourront potentiellement déstabiliser la direction et la gouvernance des partis. Quoi qu'il en soit, le projet de loi risque de priver de leur droit de vote des milliers de membres de la base de partis politiques et des millions d'électeurs sur lesquels repose notre démocratie.

Motion d'amendement

L'honorable Denise Batters : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose les amendements suivants :

Que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 4 :

a) à la page 2 :

(i) par suppression des lignes 22 à 25,

(ii) par substitution, aux lignes 26 et 27, de ce qui suit :

« 49.2 Un député ne peut être expulsé du groupe parlementaire d'un parti que si, à la fois : »,

(iii) par substitution, à la ligne 29, dans la version anglaise, de ce qui suit :

« of the caucus who are members of the House of Commons requesting that the member's »,

(iv) par substitution, aux lignes 32 et 33, dans la version anglaise, de ce qui suit :

« by secret ballot by a majority of the members of the caucus who are members of the House of Commons. »;

b) à la page 3 :

(i) par substitution, à la ligne 4, dans la version anglaise, de ce qui suit :

« members of the caucus who are members of the House of Commons requesting the »,

(ii) par substitution, à la ligne 8, dans la version anglaise, de ce qui suit :

« ballot of the members of that caucus who are members of the House of Commons who »,

(iii) par substitution, à la ligne 17, de ce qui suit :

« membres du groupe parlementaire présents lors »,

(iv) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« 20 % des membres du groupe parlementaire, »,

(v) par substitution, à la ligne 25, de ce qui suit :

« secret, par la majorité des membres du groupe »,

(vi) par substitution, aux lignes 35 et 36, de ce qui suit :

« (2) Dans le cas où un avis écrit, signé par la majorité des membres d'un groupe parlemen- »,

(vii) par substitution, aux lignes 40 et 41, de ce qui suit :

« examen de la direction dans les 24 mois suivant la réception de l'avis. »;

c) à la page 4 :

(i) par suppression des lignes 1 à 8,

(ii) par substitution, aux lignes 10 à 12, de ce qui suit :

« démission du chef d'un parti, le président du groupe parlementaire ordonne la tenue d'un vote au scrutin secret auprès des membres du groupe parlementaire afin de nommer la personne qui occupera par intérim les fonctions de chef de parti jusqu'à l'élection en bonne et due forme du nouveau chef. »,

(iii) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« membres, la tenue d'un scrutin distinct sur »,

(iv) par substitution, aux lignes 28 à 31, de ce qui suit :

« c) l'applicabilité de l'article 49.6 au groupe parlementaire. »,

(v) par substitution, à la ligne 38, de ce qui suit :

« (3) Les votes de chaque membre du groupe parlementaire sont consi- »,

(vi) par substitution, à la ligne 41, de ce qui suit :

« nées aux alinéas (1)a) à c) nécessite le vote »,

(vii) par substitution, à la ligne 43, de ce qui suit :

« membres du groupe parlementaire. ».

(1920)

L'honorable George Baker : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Batters : Oui.

Le sénateur Baker : Si nous continuons ainsi avec ces amendements, nous en arriverons à rejeter le projet de loi à l'étude. Étant donné que 260 députés de tous les partis de la Chambre...

Une voix : 267.

Le sénateur Baker : ...267, d'après l'honorable sénatrice, enfin environ ce nombre — ont voté en faveur du projet de loi. La plupart d'entre eux sont des conservateurs. Il est vrai que le Parti vert a voté contre, de même que bon nombre de néo-démocrates et de libéraux, mais pas beaucoup de conservateurs.

Son Honneur le Président : Le temps de parole de la sénatrice Batters est écoulé. Souhaitez-vous demander cinq minutes de plus?

La sénatrice Batters : Je crois que même mes cinq minutes supplémentaires sont écoulées.

Le sénateur Baker : Je serai très bref. J'aimerais connaître la réponse de la sénatrice à la question suivante. Après avoir longuement étudié et passablement édulcoré le projet de loi, 260 députés de la Chambre des communes ont voté en sa faveur et seulement 17 députés ont voté contre. La sénatrice a elle-même souligné que c'était optionnel. Eh bien, si c'est optionnel, pourquoi une telle opposition?

Une voix : Bravo!

Le sénateur Baker : S'il s'agit d'une disposition facultative, d'une forme de suggestion. Tous les Parlements de type Westminster — en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande — voient leur caucus adopter de telles règles. C'est seulement une suggestion. Je connais la loi à cet égard. Il s'agit d'une suggestion qu'un caucus peut choisir d'adopter, de rejeter ou d'adapter. Elle vise à mettre fin au vote de parti qui s'applique à la totalité des votes tenus à la Chambre des communes, peu importe de quoi il s'agit. Tous les députés du parti s'y soumettent, qu'ils soient pour ou contre la question mise aux voix — certains parce qu'ils n'arrivent pas à obtenir ce qu'ils veulent pour leur circonscription, d'autres parce que le chef du parti les menace de ne pas appuyer leur candidature aux prochaines élections. Voilà la situation que cette suggestion vise à corriger.

Comment expliquez-vous ce raisonnement? Nous ne devrions pas nous ingérer dans une mesure législative qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes et qui ne touche que la Chambre des communes?

La sénatrice Batters : Je pense que j'ai très bien expliqué les répercussions que cette mesure législative a sur le Sénat, mais surtout, les répercussions qu'elle a sur des millions de Canadiens. Tout d'abord, des dizaines de milliers de Canadiens se sont rendus dans des endroits comme Moose Jaw et Regina, en Saskatchewan, et ils ont voté pour ces chefs de parti. Ainsi, 68 000 personnes ont voté pour Stephen Harper, 81 000 ont voté pour Justin Trudeau, et ensuite, 5,8 millions de Canadiens ont voté pour Stephen Harper et le Parti conservateur en 2011.

Vous demandez pourquoi ne pas adopter ce projet de loi puisqu'il est optionnel. Pour ma part, je me demande pourquoi nous devrions l'adopter s'il est optionnel. C'est une situation très étrange.

Par ailleurs, pour revenir aux observations que vous avez formulées au sujet des autres administrations, les témoignages que nous avons entendus à ce sujet pendant les audiences du Comité du Règlement nous ont appris que les mesures de ce type qui ont été adoptées ailleurs l'ont été à titre de politiques des partis, et non de règles gouvernementales ou législatives.

Le sénateur Baker : Mais nous n'avons pas de règles de ce type, et c'est cela, le problème, n'est-ce pas? Le Parlement britannique a de telles règles. Un vote peut être déclenché avec l'appui de 15 p. 100 des membres du caucus. L'Australie a aussi adopté de telles règles, et ce pourcentage est maintenant passé à 75 p. 100 à cause de ce qui s'est passé récemment. La Nouvelle-Zélande a aussi des règles de ce type.

Pourquoi les 260 députés de la Chambre des communes qui ont adopté ce projet de loi et ont ainsi exprimé le désir de pouvoir faire ce choix ne pourraient-ils pas le faire? Qu'y a-t-il de mal là-dedans? C'est bien de prévoir cette situation dans la loi, mais c'est simplement un choix qu'ils peuvent faire. Qu'y a-t-il de mal dans le fait de leur donner le choix de démocratiser la Chambre des communes?

La sénatrice Batters : Sénateur Baker, je préfère donner le choix aux Canadiens. Je préfère que ce choix soit fait par les membres du parti, qui versent 10 $ ou 15 $ pour devenir membres du parti et qui vont à l'école ou à l'église de leur quartier pour voter pour le chef de leur parti, puis par tous ceux qui se rendent dans les bureaux de vote du pays, les millions d'électeurs, qui votent pour le premier ministre du Canada.

En ce qui concerne votre question au sujet du caractère facultatif, vous êtes le vice-président du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Vous siégez avec moi à ce comité chaque semaine. Arrive-t-il jamais que l'on nous présente une mesure législative facultative en matière de justice pénale? Pourrait-on enfreindre cette mesure et être envoyé en prison? Cela n'a aucun sens, et l'on ne devrait pas l'autoriser ici.

L'honorable Linda Frum : Sénatrice Batters accepteriez-vous de répondre à une question? J'aimerais revenir sur quelque chose que le sénateur Baker a dit. Il a soulevé un point que l'on a entendu très souvent dans ce débat, c'est-à-dire que c'est un projet de loi qui touche uniquement la Chambre des communes.

Si je présentais un projet de loi du Sénat qui prévoyait que, dorénavant, les sièges au Sénat seraient transmis de façon héréditaire et si les sénateurs votaient en faveur de ce projet de loi, pourrions-nous faire valoir à ce moment-là que, comme le projet de loi a été adopté au Sénat, étant donné qu'il touche uniquement le Sénat et comme il ne porte que sur le Sénat, seuls les sénateurs devraient avoir leur mot à dire à son sujet?

Des voix : C'est un argument valable.

La sénatrice Batters : C'est une excellente question, qui confirme ce que nous disons. Le Canada est doté d'un système bicaméral. Aucun projet de loi n'est adopté dans le cadre de ce système à moins que la Chambre des communes et le Sénat ne votent en sa faveur. Il est arrivé à plusieurs reprises qu'il faille étudier des projets de loi qui touchaient davantage la Chambre des communes que le Sénat et vice versa, mais notre système est ce qu'il est. C'est ce dont nous avons besoin pour que notre démocratie fonctionne de façon adéquate.

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, manifestement, ce projet de loi a créé beaucoup de divisions de toutes parts. Je n'ai jamais été témoin d'un si grand nombre d'abstentions et d'un si grand nombre de votes pour l'adoption et de votes contre l'adoption, et ce, même au sein du groupe parlementaire dont je fais partie. Je suis donc très préoccupé du fait que le projet de loi ne semble pas avoir un grand appui.

Bien entendu, j'ai entendu les sénateurs d'en face dire que le projet de loi ne jouit pas d'un grand appui, malgré le fait que le nombre de voix était de 260 contre 17.

Évidemment, nombre de défenseurs du projet de loi disent que celui-ci reflète la volonté de la Chambre des communes, qu'il faut respecter la volonté de la Chambre des communes. Manifestement, chaque projet de loi qui est présenté au Sénat pour examen a l'assentiment de la Chambre des communes, sinon le projet de loi n'aboutirait pas ici.

Le sénateur Plett : Le projet de loi C-377.

Le sénateur Wells : Je dirais qu'il est important que mes collègues soient au courant, et, bien entendu, ils sont au courant. Je suis ici depuis moins longtemps que la plupart des sénateurs, à l'exception du sénateur Tannas, qui est arrivé un mois après moi, alors qu'est-ce que j'en sais? Je dirais que les amendements sont utiles, même dans les derniers jours d'une session. Ne pensons donc pas nécessairement qu'en proposant des amendements, on torpillera le projet de loi. Si ce projet de loi est si bon pour les Canadiens et qu'il est si démocratique, adoptons l'amendement et lorsque de nouveaux projets de loi seront présentés, que la Chambre des communes considère, comme l'a suggéré l'ancien Président Milliken, les amendements que nous proposons dans cette enceinte comme un ajout ou un élément important à inclure.

(1930)

L'honorable Donald Neil Plett : Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Wells : Oui, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Sénateur Wells, dans vos brèves observations, vous avez traité de cette question, mais le sénateur Baker a affirmé catégoriquement que 260 personnes avaient voté en faveur de quelque chose à l'autre endroit. Si je ne me trompe pas, la Chambre des communes compte 308 députés; il y en a donc 48 qui ont voté contre. Le sénateur Baker pense qu'il s'agit d'un nombre magique, je suppose, parce que le projet de loi C-377 a, lui aussi, été largement appuyé à l'autre endroit — probablement pas par 260 voix contre 48, mais tout de même par une forte majorité.

Le sénateur Baker veut que nous nous prononcions là-dessus et que le projet de loi soit adopté. Ne conviendriez-vous pas, sénateur Wells, que si nous faisons cela et que nous mettons la question aux voix, comme nous le devrions et comme je l'ai dit dans mon allocution, nous devrions permettre la tenue d'un vote sur tous les projets de loi, y compris le projet de loi C-377, le plus rapidement possible?

Le sénateur Wells : Je vous remercie de votre question, sénateur Plett. Bien entendu, nous sommes ici pour prendre des décisions. J'ai justement eu des discussions avec bon nombre de mes collègues sur la question des abstentions. Nous siégeons ici jusqu'à ce que nous ayons 75 ans, nous pouvons donc prendre des décisions et n'avons pas à être poussés dans un coin par des groupes d'intérêts spéciaux, ni à nous effacer par crainte de représailles. C'est pour cela que nous sommes ici jusqu'à l'âge de 75 ans, uniquement pour cela. Nous sommes ici pour prendre des décisions, et je crois qu'il faudrait arriver à prendre une décision au sujet de tous les projets de loi.

L'honorable Bob Runciman : J'ai une question pour les sénateurs Wells, Batters et Plett. Ils tiennent de beaux discours sur la démocratie et sur l'importance de prendre la bonne décision. Je crois que le résultat du vote tenu plus tôt aujourd'hui a été de 46 contre 14. J'estime donc que leur approche n'est pas très démocratique. S'ils sont vraiment convaincus de ce qu'ils disent ce soir, alors votons ce soir.

Des voix : Bravo!

Des voix : Le vote!

L'honorable David P. Smith : Je vais voter contre cette motion d'amendement. L'amendement vise à torpiller ce que je considère comme une réforme qui apporterait un véritable vent de renouveau au Parlement. Ce projet de loi accorde plus d'indépendance aux députés afin qu'ils ne soient pas tous comme des robots dont on dicte constamment la conduite. C'est ce qu'on a fait dans d'autres pays du Commonwealth, et le Canada n'a tout simplement pas suivi cet exemple.

Ce qu'il y a de paradoxal, c'est que le modèle de tous les parlements, soit le Parlement du Royaume-Uni, permet de diviser ainsi la discipline de parti en trois catégories afin d'accorder une certaine indépendance aux députés. Dans bien des cas, on peut prendre la parole pour dire tout ce qu'on veut et voter comme on l'entend. La discipline de parti ne s'applique que lorsque la question peut déterminer si le gouvernement demeure en place ou non.

Cette mesure est novatrice. C'est nouveau. C'est ce qu'il nous faut, et j'appuie cette mesure.

Des voix : Bravo!

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet du projet de loi C-586. J'aimerais corriger ce qui me semble être une idée fausse ou erronée du travail des sénateurs à l'égard de l'étude de certains projets de loi. Beaucoup de sénateurs très récemment arrivés ici ne le savent peut-être pas, mais la pratique a toujours voulu que, lors de l'étude et du débat sur un projet de loi provenant de la Chambre des communes qui porte sur une réforme de la carte électorale — ce qu'on appelait autrefois un découpage électoral —, le Sénat fasse toujours preuve de déférence à l'égard de la Chambre des communes, parce que ce genre de réforme n'a toujours concerné que les députés de la Chambre des communes.

Avec tout le respect que je lui dois, j'aimerais signaler à la sénatrice Batters que le Sénat a de nombreuses traditions qu'elle gagnerait à connaître et à comprendre. Honorables sénateurs, nous avons toujours accepté que, lorsqu'il est question d'élections au pays, la Chambre des communes...

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur le Président : À l'ordre.

Sénatrice Cools, vous pouvez vous exprimer avec éloquence sans pointer agressivement des collègues du doigt. Vous pouvez adoucir un peu vos propos, j'en suis sûr.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, ces motions, ces amendements ont été mis délibérément de côté pendant plusieurs semaines afin que le projet de loi C-586 de Michael Chong meure au Feuilleton. C'est de la mauvaise foi. La situation a été orchestrée délibérément. J'étais à la réunion du Comité du Règlement le 2 juin, il y a trois semaines. Des sénateurs ont indiqué qu'ils laissaient le projet de loi franchir l'étape de l'étude au comité pour que le Sénat le rejette par la suite. Le sénateur Wells a fait savoir à l'avance qu'il présenterait des amendements; il prévoyait les présenter il y a trois jours, mais il a plutôt attendu que la Chambre des communes ait ajourné pour l'été.

Honorables sénateurs, je ne doute pas un seul instant que nous soyons tous conscients de cette réalité. Je ne m'offusque pas des commentaires de Michael Chong, selon lesquels le Sénat devrait approuver son projet de loi tel quel. Peut-être s'est-il montré un peu fougueux et impatient, mais je ne lui en tiens pas rigueur. Il a fait un effort louable en présentant ce projet de loi. Le Sénat a toujours fait preuve de respect envers la Chambre des communes quand il est question de l'élection des députés. Les sénateurs n'ont jamais eu l'ombre d'un doute à ce sujet.

Honorables sénateurs, j'aimerais dissiper la confusion de la sénatrice Batters à cet égard, si je le puis. Chers collègues, nous souhaitons ardemment sentir en cette enceinte la bouffée d'air frais dont parlait le sénateur Smith. Certains d'entre nous font partie d'un caucus depuis des années et connaissent la réalité des caucus. Celle-ci n'est pas aussi noble que le dépeint la sénatrice Batters. La sénatrice a souligné que le premier ministre n'est pas élu, mais a qualifié ce fait de détail. Eh bien, j'aimerais nous rappeler à tous un point important : c'est le caucus et les députés de la Chambre des communes qui déterminent qui sera premier ministre, il ne faut pas se le cacher. La loi le veut ainsi.

Honorables sénateurs, j'appuie ce projet de loi et j'exhorte tous les sénateurs à voter maintenant sur le projet de loi C-586.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion d'amendement proposée par la sénatrice Batters, appuyée par le sénateur Wells, tendant que le projet de loi C-586 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 4... puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Whips, y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Maintenant!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

(1940)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters Housakos
Dagenais Ngo
Eaton Oh
Enverga Plett
Fraser Stewart Olsen
Frum Wells—12

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McIntyre
Baker Merchant
Bellemare Mockler
Beyak Moore
Carignan Nancy Ruth
Chaput Neufeld
Cools Ogilvie
Cordy Patterson
Dawson Poirier
Day Raine
Doyle Ringuette
Greene Rivard
Hervieux-Payette Runciman
Jaffer Seidman
Joyal Smith (Cobourg)
Lang Smith (Saurel)
LeBreton Tannas
Marshall Tardif
Martin Wallace—39
McInnis

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cowan Munson
Hubley White—5
MacDonald

Des voix : Le vote!

L'honorable Serge Joyal : Je propose que la motion soit maintenant mise aux voix.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion principale?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Tannas, avec l'appui de l'honorable sénateur Oh, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que tous les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Des voix : Maintenant!

La sénatrice Marshall : Maintenant.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien se lever.

La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Baker McIntyre
Bellemare Merchant
Beyak Mockler
Carignan Moore
Chaput Nancy Ruth
Cools Neufeld
Cordy Patterson
Dawson Poirier
Day Raine
Doyle Ringuette
Greene Rivard
Hervieux-Payette Runciman
Jaffer Seidman
Joyal Smith (Cobourg)
Lang Smith (Saurel)
LeBreton Tannas
Maltais Tardif
Marshall Wallace—38

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Batters McInnis
Dagenais Ngo
Eaton Oh
Enverga Plett
Fraser Stewart Olsen
Frum Wells
Housakos White—14

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cowan MacDonald
Hubley Munson—4

(1950)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motions d'amendement, motion de sous-amendement et motion—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur Doyle, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Black, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1, à la page 5, par adjonction, après la ligne 45, de ce qui suit :

« c) aux organisations ouvrières dont les activités de relations de travail ne relèvent pas de la compétence fédérale;

d) aux fiducies de syndicat dans lesquelles aucune organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale ne possède d'intérêt juridique, bénéficiaire ou financier;

e) aux fiducies de syndicat qui ne sont pas constituées et administrées en tout ou en partie au bénéfice d'une organisation ouvrière dont les activités de relations de travail relèvent de la compétence fédérale, de ses membres ou des personnes qu'elle représente. ».

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyé par l'honorable sénatrice Ringuette, que la motion d'amendement ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par adjonction, dans le paragraphe introductif, suivant les mots « à la page 5 » de ce qui suit :

« :

a) par substitution de la ligne 35 par ce qui suit :

"ont trait à l'administration, à la";

b) ».;

Et sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., que le sous-amendement ne soit pas adopté, mais, conformément au paragraphe 12-8(1) du Règlement, qu'il soit plutôt renvoyé avec l'amendement au comité plénier aux fins d'examen et de rapport, et que le Sénat se forme en comité plénier immédiatement après la période de questions de la deuxième journée de séance suivant l'adoption de la présente motion.

Des voix : Le vote!

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'appuie les amendements proposés par les sénateurs Bellemare, Cowan et Ringuette.

En vertu de la Loi constitutionnelle, la réglementation des syndicats relève exclusivement des provinces. Par conséquent, je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi le Sénat devrait examiner, et encore moins approuver, un projet de loi qui s'ingérerait dans les affaires provinciales. Cependant, c'est reparti avec le projet de loi C-377, lequel constituerait clairement une ingérence dans le champ de compétence des provinces en matière de réglementation du travail.

Cette fois-ci, la majorité conservatrice souhaite faire adopter ce projet de loi au Sénat sans proposer d'amendements et sans tenir compte de son inconstitutionnalité. Ce n'est pas ce qui s'est passé lorsque le même projet de loi a été présenté au Sénat lors de la dernière session du Parlement. À cette époque, la majorité conservatrice au Sénat avait jugé sage d'amender le projet de loi. Cependant, le Parlement a été prorogé, et le projet de loi ainsi que les amendements proposés à celui-ci sont morts au Feuilleton avant que l'autre endroit ait eu la possibilité de débattre et d'approuver le projet de loi amendé.

Le projet de loi a été présenté de nouveau au cours de la présente session, dans sa forme originale, c'est-à-dire sans les amendements qui avaient été adoptés au Sénat, ce qui traduit un manque de respect...

Le sénateur Munson : Votre Honneur, j'ai du mal à entendre l'intervenante. Il y a beaucoup de conversations en ce moment dans cette enceinte.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous prierais de garder le silence autant que possible afin que nous puissions entendre les sénateurs qui participent au présent débat.

La sénatrice Cordy : Le projet de loi a été présenté de nouveau au cours de la présente session, dans sa forme originale, c'est-à-dire sans les amendements qui avaient été adoptés au Sénat, ce qui traduit un manque de respect envers la décision qui avait été prise dans cette Chambre. Le gouvernement actuel a fait fi de la volonté de l'une des deux Chambres du Parlement afin de tenter une deuxième fois de faire adopter à toute vapeur au Sénat un projet de loi d'initiative gouvernementale déguisé en projet de loi d'initiative parlementaire.

Rien n'a changé dans ce projet de loi. Il demeure une mauvaise mesure législative et, comme la sénatrice Ringuette l'a dit :

[...] sa non-constitutionnalité, [...] les coûts exorbitants qu'il engendre pour les contribuables, la mise en danger des travailleurs canadiens, particulièrement ceux qui assurent notre sécurité, ainsi qu'un débalancement injustifiable dans les rapports entre employeurs et employés, y sont toujours présents.

Comme ce projet de loi n'a pas changé depuis qu'il a été présenté pour la première fois, en 2011, toutes les préoccupations que les Canadiens avaient à son sujet demeurent malheureusement encore pertinentes aujourd'hui. Voici ce que Danny Cavanagh, de la Nouvelle-Écosse, a écrit :

Le projet de loi C-377 vise à forcer les organisations ouvrières à divulguer des quantités considérables de renseignements financiers et de nature délicate. On omet de mentionner dans ce projet de loi que les syndicats sont des organisations démocratiques, qui divulguent déjà leurs états financiers aux membres qui en font la demande. Ce projet de loi créera une montagne de paperasse administrative et environ 25 000 organismes devront fournir les détails de toutes les transactions de plus de 5 000 $. Ce projet de loi entraînera des coûts extrêmement importants, estimés entre 10,6 et 150 millions de dollars pour la mise sur pied du registre.

Gary Vermeir, agent d'affaires d'une petite section locale de techniciens de l'industrie cinématographique du Canada atlantique, m'a écrit ceci :

Nos membres vivent la vie précaire des pigistes, ne sachant pas d'une année à l'autre quelles productions seront tournées sur la côte Est. Comme ils ne peuvent compter sur un emploi permanent, ils s'en remettent à leur syndicat pour la coordination de leurs fonds de retraite, de leur régime de soins de santé et de leur formation. Nos dirigeants syndicaux élus font leur possible pour gérer aussi judicieusement que possible les cotisations des membres et les fonds de retraite, de formation et de soins médicaux. Nous n'apprécions pas que le gouvernement Harper laisse entendre que nos dirigeants bénévoles qui travaillent fort posent des gestes répréhensibles. Nos livres comptables font l'objet de vérifications régulières et sont soumis à nos membres lors des assemblées ordinaires.

J'aimerais citer un extrait d'une lettre que Brad Smith, directeur exécutif du Mainland Nova Scotia Building Trades Council, a fait parvenir au greffier du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Dans cette lettre, il demandait qu'on l'assigne à comparaître à titre de témoin. Voici ce qu'il a écrit :

Ce projet de loi cible injustement les syndicats de métiers et leur impose des exigences de divulgation sans précédent. Beaucoup remettent en question sa validité constitutionnelle, et le syndicat des métiers de la construction estime que le projet de loi C-377 est totalement discriminatoire et injuste.

Soit dit en passant, M. Smith n'a pas été cité à comparaître à titre de témoin et ce, même si son organisation représente 11 000 résidants de la Nouvelle-Écosse.

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec M. Smith. Le projet de loi C-377 est injuste et discriminatoire. Le gouvernement actuel affirme qu'il appuie ce projet de loi au nom de la transparence. Or, jamais un gouvernement n'a montré moins d'intérêt que celui-ci pour la transparence. Le projet de loi est une attaque flagrante contre les organisations ouvrières. Aux yeux du gouvernement, ces organisations sont des ennemies. Le gouvernement ne veut pas travailler en collaboration avec les groupes qui ont une opinion différente de la sienne pour trouver un terrain d'entente; il préfère détruire ceux qui ne sont pas d'accord avec tout ce qu'il fait.

Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a soulevé une question intéressante alors qu'il comparaissait devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et la voici :

Je dois dire que le fait que le projet de loi C-377 propose d'associer le nom d'une personne précise avec ses activités politiques m'inquiète. Ces activités ont évidemment un caractère sensible. Pourquoi obliger une telle divulgation quand d'autres régimes adoptés au nom de la reddition de comptes n'ont pas une telle obligation?

Il s'agit d'une excellente question, honorables sénateurs.

Le gouvernement espère-t-il que, une fois le projet de loi C-377 adopté, les organisations ouvrières n'arriveront plus à poursuivre leurs activités en raison de l'ampleur inouïe de leurs obligations en matière de divulgation et de publication des renseignements personnels de leurs membres? Beaucoup de petites organisations ne pourront tout simplement pas répondre à une telle demande.

Comme « Marcel », président d'une petite section locale de l'Alliance internationale des employés de scène en Nouvelle-Écosse, l'a écrit :

Ma section n'a pas de personnel à temps plein. Nous travaillons bénévolement. Ce projet de loi va nous créer des problèmes insurmontables.

L'idée selon laquelle la divulgation des dépenses est positive pour les membres parce qu'elle est synonyme de transparence n'est rien d'autre qu'une distraction de la part des conservateurs. La Trade Union Act de la Nouvelle-Écosse traite déjà de transparence financière.

Outre le fait qu'il s'agit d'une attaque flagrante contre les syndicats, je crains fort que la publication de renseignements sur les régimes d'assurance médicale et d'assurance-vie des membres porte atteinte à leur vie privée et à celle de leur conjoint.

Les plus grandes organisations s'adapteront aux nouvelles règles, mais le projet de loi désavantagera gravement et injustement les organisations ouvrières en ce qui concerne la négociation et la protection du gagne-pain de leurs membres. Ce n'est pas la transparence que le gouvernement vise avec ce projet de loi, mais strictement le pouvoir. Avec ce projet de loi anticonstitutionnel, le gouvernement fédéral fait pencher la balance du pouvoir en faveur des employeurs, ce qui est injuste. N'oublions pas que le gouvernement fédéral est l'un des plus importants employeurs au Canada.

Durant sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, l'honorable Kelly Regan, ministre du Travail et de l'Éducation postsecondaire de la Nouvelle-Écosse, a exprimé les mêmes craintes :

Le projet de loi prévoit que les syndicats, et non les employeurs, devront divulguer toute dépense de 5 000 $ ou plus à l'Agence du revenu du Canada. Les salaires et avantages sociaux des employés syndiqués qui gagnent plus de 100 000 $ doivent également être divulgués. Les syndicats devront aussi produire une ventilation détaillée des dépenses liées au lobbying et aux activités politiques. Ils auront à afficher ces informations sur le site web de l'ARC. Ces dépenses peuvent être des paiements à un cabinet d'avocats, les coûts de règlement d'un grief ou des coûts de publicité. Ces renseignements pourraient donner aux employeurs un avantage déloyal à la table de négociation.

À toutes fins utiles, n'importe qui pourra voir l'état financier d'un syndicat ou d'une organisation de travail. Les finances des petites sections locales — et il y en beaucoup en Nouvelle-Écosse — seraient pratiquement mises à nu, car elles n'effectuent que quelques transactions. Dans le cas où il y a un seul règlement de grief, la publication des états financiers révèlerait l'identité du membre qui en a fait l'objet et violerait ainsi fondamentalement son droit à la protection de la vie privée.

La province de la Nouvelle-Écosse s'inquiète du caractère unilatéral de ce projet de loi qui exige des seuls syndicats la divulgation d'informations très détaillées dont on pourrait se servir contre eux. Nous aimerions qu'il tienne compte des principes fondamentaux d'équité.

(2000)

Honorables sénateurs, il n'y a pas que les petites organisations ouvrières qui soient ciblées par ce projet de loi. Dans une lettre adressée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, Nancy MacCready-Williams, directrice générale de Doctors Nova Scotia, a formulé les préoccupations suivantes :

DNS a été informée que ce projet de loi contient une définition du terme « organisation ouvrière » suffisamment large pour inclure DNS et d'autres associations médicales provinciales et territoriales (AMPT) [...] Le projet de loi actuel imposera des exigences de déclaration très onéreuses pour notre organisation, sans avantage concret ni objectif particulier. Nous faisons déjà preuve de transparence et de responsabilité envers nos membres et le public. Nous communiquons nos activités et divulguons nos états financiers aux membres au moins une fois par an, et nous sommes entièrement conformes aux exigences législatives et réglementaires de la Nouvelle-Écosse. Or, ce projet de loi nous imposerait involontairement de nouvelles exigences de déclaration, lesquelles sont détaillées plus bas, et nous obligerait à réaffecter des ressources qui étaient dirigées vers d'autres priorités. Cette situation est très préoccupante. DNS est une organisation qui doit travailler en collaboration avec le gouvernement pour améliorer et façonner le système de soins de santé.

Le projet de loi C-377 exigera la communication et la divulgation de tout versement supérieur à 5 000 $ et de tout salaire supérieur à 100 000 $. L'information communiquée devra comprendre le nom et l'adresse du payeur et du bénéficiaire, la description et l'objet des opérations et les montants en cause. Certains ont une réelle crainte que d'autres renseignements personnels sur les membres des organisations ouvrières soient affichés à la vue de tous.

Brad Smith, du Mainland Nova Scotia Building Trades Council, a écrit ceci à propos du projet de loi :

Il soulève des questions quant à la divulgation de renseignements financiers détaillés, notamment relatifs aux salaires, aux contrats, aux prêts, aux investissements et aux dépenses consacrées à l'organisation des activités syndicales, à la négociation collective, à l'éducation ainsi qu'à la formation.

Il exigerait également la divulgation des renseignements concernant les régimes de pensions et d'avantages médicaux, donc des renseignements personnels de nature médicale et financière délicate des membres. [...] Ces renseignements figureraient dans une base de données en ligne interrogeable qui serait accessible sur le site web de l'Agence du revenu du Canada. Il est inacceptable de violer ainsi le droit à la vie privée de milliers de personnes. L'administration interne d'un syndicat relève du syndicat et de ses membres, pas du public.

Lorsqu'il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Terrien, est intervenu sur la question de la protection de la vie privée, disant ceci :

[...] le fait de nommer publiquement les personnes qui ont payé un syndicat ou reçu de sa part des montants cumulés de plus de 5000 $ m'apparaît également être une mesure disproportionnellement envahissante du point de vue de la vie privée [...]

Lorsque le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a été saisi du projet de loi C-377, la commissaire à la protection de la vie privée à l'époque, Jennifer Stoddard, a dit, au sujet d'une question posée le 7 novembre 2012 :

Je trouve qu'en termes de protection des renseignements personnels, le fait de demander que le nom de tous les gens qui gagnent ou reçoivent plus de 5 000 $ soit publié sur le site Internet, en plus des montants qui leur sont alloués, est assez sérieux.

La sénatrice Ringuette a déclaré ceci :

La Loi sur la protection des renseignements personnels précise que, pour divulguer publiquement des renseignements personnels, il faut d'abord obtenir le consentement de la personne concernée. Pour respecter la loi, les syndicats, le directeur de l'Agence du revenu du Canada et le ministre seraient tous tenus d'obtenir le consentement des personnes concernées avant de rendre l'information publique, sans quoi, ils risquent de faire l'objet d'une contestation judiciaire en application de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Honorables sénateurs, il est curieux que le parti ayant aboli le questionnaire détaillé du recensement parce qu'il demandait trop de renseignements personnels veuille rendre obligatoire la divulgation de toutes ces données sur un site web public. Je suppose que la collecte de renseignements personnels pour créer de bonnes lois et de bonnes politiques gouvernementales peut être sacrifiée parce qu'elle empiète trop sur la vie privée, mais, honorables sénateurs, il semble que la collecte de renseignements personnels pour que les syndicats restent sous l'emprise du gouvernement conservateur soit essentielle.

Comment ces renseignements seront-ils recueillis, consignés, entreposés, classés et publiés? Les syndicats devront assumer le coût de la déclaration de ces renseignements, puis l'Agence du revenu du Canada devra gérer et conserver ces grandes quantités de données, la lourde base de données et le site web aux frais des contribuables.

Honorables sénateurs, ces mesures ne seront pas peu coûteuses et l'Agence du revenu du Canada aura ainsi accès à d'énormes quantités de renseignements. La sénatrice Bellemare a clairement dénoncé cette mesure au Sénat.

Le sénateur Segal a dit ce qui suit au Sénat en 2013 :

En tant que contribuable et sénateur conservateur, je m'oppose à ce genre d'augmentation des pouvoirs ou des dépenses de n'importe quelle administration publique.

Honorables sénateurs, je dois remercier la sénatrice Ringuette de tout ce qu'elle a fait pour soulever les nombreux problèmes que pose le projet de loi. Il s'agit vraiment d'une mauvaise mesure législative, qui ferait du tort aux relations patronales-syndicales au Canada. La sénatrice Ringuette n'a pas cessé de se battre depuis que le Sénat a été saisi pour la première fois du projet de loi en 2012. Le Sénat a jugé bon d'amender le projet de loi lors de la dernière session. Malheureusement, il semble que la majorité conservatrice ait décidé de rejeter ces amendements et de faire adopter tel quel ce nouveau, mais ancien projet de loi. Je suis déçue, mais pour tout vous dire, je ne suis pas étonnée.

J'avais espéré, quand ce projet de loi a été présenté, que nous allions nous en tenir à ce que nous avions décidé et qu'au lieu de faire comme nous le demande Thomas Mulcair en adoptant les yeux fermés tout ce qui vient de la Chambre des communes, nous aurions apporté à ce texte les amendements que nous aurions jugé pertinents. Même si M. Mulcair a tourné le dos aux syndicats du pays et que la majorité conservatrice au Sénat va tout faire pour que cette mauvaise mesure législative soit adoptée, je vais être solidaire des sénateurs de ce côté-ci et voter contre le projet de loi C-377.

J'ai été déçue que l'amendement du sénateur Moore à la motion de la sénatrice Ringuette soit rejeté tout à l'heure, mais avec du recul, je me dis que nous avons peut-être été trop ambitieux. Je n'ai sûrement pas besoin de rappeler que plus d'une cinquantaine de personne et d'organismes, dont le plus gros syndicat du pays, le Syndicat canadien de la fonction publique, ont demandé à comparaître devant le Comité sénatorial des affaires juridiques pour parler du projet de loi C-377, mais qu'on a rejeté leur demande.

La motion de la sénatrice Ringuette devait permettre à ces personnes et organismes de comparaître devant le comité plénier du Sénat. L'amendement du sénateur Moore, quant à lui, prévoyait que le Sénat se forme en comité plénier le lendemain de l'adoption de la motion de la sénatrice Ringuette. Même si, par là, nous voulions surtout montrer que nous tenions à ce que les audiences publiques aient lieu le plus rapidement possible, il est vrai que, à si court préavis, les parties intéressées auraient eu beaucoup de mal à se présenter.

Puis-je avoir cinq minutes de plus, s'il vous plaît?

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs accordent-ils cinq minutes de plus à la sénatrice Cordy?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cordy : En réalité, au lieu de leur donner moins de temps pour se préparer et s'organiser, nous devrions leur en donner plus.

Motion d'amendement

L'honorable Jane Cordy : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que la motion subsidiaire ne soit pas adoptée maintenant mais qu'elle soit modifiée en remplaçant le mot « deuxième » par le mot « troisième ».

Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens pour appuyer l'amendement proposé par la sénatrice Cordy, et je veux aussi la remercier de ses propos réfléchis.

De plus, je tiens également à remercier les sénateurs Ringuette et Cowan d'avoir travaillé sans relâche sur ce projet de loi. Ils ont consacré un grand nombre d'heures et de mois — et même d'années — à cette mesure législative, et je souhaite les remercier de leur persévérance.

[Français]

Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).

(2010)

Le résumé du projet de loi se lit comme suit :

Le texte modifie la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'exiger que les organisations ouvrières fournissent des renseignements financiers au ministre afin qu'il puisse les rendre publics.

Comme nous en sommes à l'étape de la troisième lecture, je vais profiter de l'occasion pour aborder ce projet de loi sous l'angle constitutionnel. Lorsque le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié ce projet de loi, plusieurs témoins nous ont fait part de leurs inquiétudes quant à la constitutionnalité même de l'ébauche. Plus précisément, leurs inquiétudes concernaient l'inconstitutionnalité du projet de loi à deux niveaux : d'abord en ce qui a trait à la violation constitutionnelle des articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 et, deuxièmement, en ce qui a trait à la violation de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982.

La doctrine, la jurisprudence et les témoignages d'experts permettent d'avancer que ce projet de loi est effectivement inconstitutionnel. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. Comme je viens de le mentionner, le premier problème de ce projet de loi se situe aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. La partie VI de la Loi constitutionnelle du Canada mentionne explicitement la distribution des pouvoirs législatifs, à savoir quel Parlement a l'autorité d'adopter un projet de loi dans le cadre de ses compétences respectives. Ainsi, le Parlement du Canada a l'autorité exclusive d'adopter des projets de loi en vertu de l'article 91, alors que les législatures provinciales ont l'autorité exclusive d'adopter des projets de loi en vertu de l'article 92. Afin de déterminer si un projet de loi a été adopté par le bon Parlement, la Cour suprême du Canada a créé le test du caractère véritable.

[Traduction]

Honorables sénateurs, selon Peter Hogg :

Pour déterminer la validité ou la constitutionnalité fédérale d'une loi, on s'appuie sur la doctrine de l'essence même. Cette dernière s'intéresse à l'interprétation de la loi contestée en cernant ses caractéristiques dominantes ou primordiales, parfois appelées « objet » de la loi contestée. Il ne faut pas oublier que les lois ont souvent plus d'une caractéristique ou d'un aspect.

Dans l'affaire du Renvoi par le gouverneur en conseil au sujet de la proposition concernant une loi canadienne intitulée Loi sur les valeurs mobilières, la Cour suprême a dit ceci :

Pour juger de la validité constitutionnelle des lois du point de vue du partage des compétences, les tribunaux utilisent l'analyse du « caractère véritable », qui suppose de se pencher sur l'objet et les effets de la loi, avant d'examiner la question de savoir si la loi relève du chef de compétence qui est invoqué pour en soutenir la validité. Si le caractère véritable de la loi est classé comme relevant d'un des chefs de compétence du gouvernement qui l'a adoptée, la loi est valide.

[Français]

La question ici est de savoir quel est le caractère véritable du projet de loi, c'est-à-dire l'intention derrière son adoption. Il est important d'appliquer ce test aux faits. J'aimerais donc partager avec vous les témoignages d'experts en la matière.

[Traduction]

D'après le Barreau du Québec :

Un problème d'autant plus sérieux est posé par l'objet du projet de loi, car ce dernier vise à encadrer les organisations syndicales à l'échelle du Canada. Un tel but tombe sous l'égide des relations de travail, une compétence qui a été dévolue aux provinces par le biais de l'interprétation jurisprudentielle au paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867, et ce, depuis la célèbre décision rendue par le comité judiciaire du Conseil privé en 1925.

Les relations de travail sont présumées relever de la compétence exclusive des provinces [...] Comme le rappelle la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Northern Telecom v. Communications Workers :

(1) Les relations de travail comme telles et les termes d'un contrat de travail ne relèvent pas de la compétence du Parlement; les provinces ont une compétence exclusive dans ce domaine.

Le syndicat international des employés de service a ajouté ceci :

À notre humble avis, ce projet de loi ne porte pas sur les impôts sur le revenu, en dépit de son titre. Dans son essence et par son objet même, c'est une mesure relative aux syndicats [...] Le projet de loi C-377 représente une [...] intervention dans un champ de compétence provinciale relative aux relations de travail, sans qu'il y ait eu ni consultation ni consentement des provinces.

[Français]

Le message est clair. Ce projet de loi ne passerait pas le test de la constitutionnalité en ce qui a trait à la question du caractère véritable, parce qu'il n'a pas été adopté par le bon gouvernement. Plus précisément, le projet de loi C-377 tombe sous l'article 92-13 de la Loi constitutionnelle, qui est une compétence exclusivement réservée aux provinces. Il ne s'agit guère d'une loi de l'impôt sur le revenu, mais bien de la Loi sur les organisations ouvrières.

Le deuxième problème lié à ce projet de loi concerne la Charte canadienne des droits et libertés. Comme vous le savez, la Charte protège les droits et libertés des Canadiennes et des Canadiens, notamment contre ce type de projet de loi.

D'abord, l'article 2b) de la Charte énonce ce qui suit :

Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;

Deuxièmement, l'article 2d) de cette même Charte dit ceci :

Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

d) liberté d'association.

À ce propos, j'aimerais partager avec vous certains commentaires qui nous ont été adressés en comité à ce sujet.

[Traduction]

La Fédération canadienne des syndicats d'infirmières/infirmiers écrit ceci :

Le projet de loi C-377 :

Nuira considérablement à la liberté d'expression et à la liberté d'association, des droits protégés aux paragraphes 2b) et 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982.

Et voici le point de vue de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical :

Rien ne saurait justifier que des renseignements de vif intérêt sur le discours politique des syndicats et de leurs membres soient divulgués publiquement sur un site web gouvernemental.

[Français]

L'Association du Barreau canadien a également fait part au comité des doutes qu'elle entretenait quant à la constitutionnalité du projet de loi, en disant ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

Les obligations de communiquer de l'information prévues aux alinéas 149.01(3)b) [...] risquent de contrevenir aux paragraphes 2b) et 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protègent la liberté d'expression et la liberté d'association.

[Français]

Le projet de loi entrave l'administration et les activités internes d'un syndicat, ce qu'interdit la liberté d'association garantie par la Constitution à moins que le gouvernement puisse démontrer qu'il s'agit d'une limite raisonnable aux droits d'association. D'après le texte du projet de loi, on ne voit pas quelle est la justification pour ces empiètements sur les droits.

[Traduction]

L'association dit également ceci :

Il ne fait aucun doute que le fait de divulguer aux membres des renseignements sur la façon dont leur syndicat dépense son argent est justifié, mais une telle information est déjà à leur disposition grâce aux lois du travail provinciales.

Le syndicat des fonctionnaires provinciaux albertains nous soumet le point de vue suivant :

Si ce projet de loi parvient à survivre aux contestations pour empiétement dans un champ de compétence provinciale, les syndicats de l'ensemble du pays en contesteront certainement la constitutionnalité parce qu'il viole sérieusement la liberté d'association protégée par la Charte en empêchant les syndicats d'agir collectivement en toute équité.

Dans une série de décisions récentes, la Cour suprême du Canada a affirmé que la liberté d'association garantie par l'alinéa 2d) de la Charte a une vaste portée et qu'elle doit être interprétée de manière généreuse et téléologique.

Qui plus est, il est clair que l'alinéa 2d) accorde une protection constitutionnelle au processus de négociation collective.

La Cour suprême du Canada a confirmé que si le gouvernement entrave de façon substantielle la capacité des membres d'un syndicat de participer à une négociation collective, il contrevient à l'alinéa 2d) de la Charte.

Cette protection a pour but d'assurer une certaine égalité dans le pouvoir de négociation des employeurs et des employés, et cet équilibre peut être brisé de différentes manières.

(2020)

[Français]

La Fédération autonome de l'enseignement avait également des inquiétudes à partager quant à la constitutionnalité du projet de loi, et je cite :

La liberté d'association est consacrée aux articles 2d) de la Charte canadienne et 3 de la Charte québécoise. L'exercice de cette liberté implique l'absence d'entraves dans les décisions et la gestion interne de l'organisation syndicale. Or, en exigeant la divulgation publique d'informations stratégiques, le gouvernement fédéral s'ingère dans les activités des organisations syndicales en leur imposant quels renseignements doivent être rendus publics et la forme que cette divulgation doit prendre. Cette exigence, unique en son genre, faut-il le rappeler, a pour effet d'affaiblir les organisations syndicales dans leur rapport avec l'employeur et de brimer la liberté d'association en exigeant que l'ensemble des activités et dépenses de l'organisation soit rendu public.

Honorables sénateurs, ces déclarations sont claires, le projet de loi C-377 ne passera pas le test de la constitutionnalité de la Charte canadienne des droits et libertés. Encore une fois, la Cour suprême du Canada se penchera sur la constitutionnalité d'un projet de loi du gouvernement Harper, et cela engendrera, encore une fois, des coûts importants pour les contribuables.

Honorables sénateurs, j'aimerais rappeler à cette Chambre que, en vertu de l'article 52-1 de la Loi constitutionnelle de 1982, la Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. Le Parlement du Canada se doit donc de respecter cette disposition lorsqu'il adopte un projet de loi. Ignorer les experts, ignorer les faits, ignorer la doctrine et ignorer la jurisprudence ne feront qu'engendrer des coûts importants pour tous les Canadiennes et Canadiens. Ces coûts sont irresponsables et injustes.

J'aimerais terminer ce discours en vous lisant des extraits d'une lettre provenant de l'honorable Francine Landry, ministre de l'Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail et ministre responsable de la Francophonie du Nouveau-Brunswick, qui résume très bien le problème en ce qui a trait au projet de loi, et je cite :

En réaction au rétablissement du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), le gouvernement du Nouveau- Brunswick tient à réitérer ses inquiétudes en ce qui concerne cette initiative.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick est préoccupé par les exigences en matière de divulgation financière envisagées par le projet de loi car, à notre avis, l'administration interne des affaires syndicales est une question qui relève essentiellement du syndicat et de ses membres. La question de la divulgation de renseignements financiers par les syndicats est traitée dans la Loi sur les relations industrielles du Nouveau-Brunswick, qui comprend une disposition sur la responsabilité financière visant à s'assurer que les syndicats font preuve de transparence fiscale à l'égard de leurs membres. En vertu de cette disposition, les syndiqués peuvent demander une copie des états financiers vérifiés confirmant que les fonds syndicaux sont correctement gérés et administrés. La Commission du travail et de l'emploi a le pouvoir de faire appliquer la disposition, au besoin [...]

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Jaffer, désirez- vous qu'on vous accorde plus de temps?

La sénatrice Jaffer : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

[Français]

La sénatrice Jaffer : Merci.

[...] Les dossiers du Nouveau-Brunswick révèlent qu'aucune plainte n'a été déposée auprès de la Commission au cours des quatre dernières années, et que très peu ont été soumises à l'arbitrage. Ces données confirment que les protections déjà prévues dans la loi du Nouveau-Brunswick répondent aux attentes des syndiqués, et semblent indiquer que les principes démocratiques sur lesquels reposent les structures syndicales permettent de répondre efficacement aux normes de reddition de comptes et de transparence exigées par les syndiqués.

La réglementation du droit du travail, y compris la gouvernance des syndicats, relève de la compétence des provinces. Il est bien établi, depuis la décision du Conseil privé dans l'affaire Snider (1925), que les relations de travail relèvent de la compétence des provinces. Le projet de loi C-377 met l'accent sur l'imposition d'obligations de déclaration aux syndicats, plutôt que sur la gestion du système fiscal fédéral. Comme il est mentionné ci-dessus, le Nouveau-Brunswick a déjà des dispositions législatives efficaces qui régissent la question couverte dans le projet de loi.

Nous avons consulté des syndicats des secteurs public et privé au Nouveau-Brunswick, et ils ont tous exprimé des préoccupations à propos des répercussions potentielles du projet de loi C-377. Voici quelques-unes de ces préoccupations :

Répercussions sur les droits constitutionnels clés :

droit à la protection des renseignements personnels [...];

les droits garantis par la Charte [...].

Important fardeau administratif et financier en raison de la production de rapports détaillés, tel qu'exigé par le projet de loi, surtout pour les petites sections locales.

[...]

En tant que ministre provinciale du Travail, et eu égard aux préoccupations que j'ai exprimées ci-dessus, je recommande fortement que ce projet de loi ne soit pas adopté.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ensemble, nous pouvons rejeter ce projet de loi parce qu'il ne relève pas de notre compétence; il s'agit plutôt d'une compétence provinciale. Je vous remercie.

(Sur la motion du sénateur D. Smith, le débat est ajourné.)

L'ajournement

Préavis de motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 5-5g) du Règlement, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au jeudi 25 juin 2015, à 13 h 30.

L'étude sur l'utilisation de la monnaie numérique

Adoption du douzième rapport du Comité des banques et du commerce

Reprise du débat sur le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui s'intitule Les crypto- monnaies : pile ou face?, déposé au Sénat le 18 juin 2015.

L'honorable Scott Tannas : Le sénateur Gerstein avait un rendez- vous à l'extérieur du Sénat, et il m'a demandé si je pouvais lire la fin de son discours.

(2030)

Honorables sénateurs, lorsque le sénateur Gerstein s'est interrompu, il parlait d'un témoin selon qui le bitcoin pourrait servir à des fins répréhensibles.

Afin d'atténuer les risques à ce chapitre, le rapport recommande que le gouvernement exige des bourses de monnaies numériques qu'elles respectent les mêmes exigences légales que celles imposées aux entreprises de services monétaires. Ces bourses, qui opèrent aux portes d'entrée et de sortie du système de monnaie numérique et qui permettent à des clients de convertir des monnaies émises par un État en monnaies numériques et vice-versa, devraient respecter les exigences de la législation canadienne contre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.

Autres enjeux dont nous avons entendu parler : les problèmes d'accessibilité aux services bancaires pour les entreprises associées aux monnaies numériques, l'évasion fiscale liée à l'utilisation de monnaie numérique et la volatilité de la valeur des crypto-monnaies. Le rapport aborde aussi ces enjeux et offre des pistes de solution pour atténuer certains risques inhérents à ces nouvelles monnaies et à ces nouveaux systèmes de paiement.

Les conséquences dangereuses de ce genre de criminalité appellent une certaine réglementation. Toutefois, presque tous les témoins ont insisté sur l'importance d'établir un juste équilibre à cet égard, et le comité abonde aussi en ce sens.

Nous convenons que ces nouvelles technologies pourraient avoir d'autres applications innovatrices et encore non imaginées, et qu'elles sont à une étape délicate de leur développement. Par conséquent, le comité a convenu que la meilleure stratégie en matière de monnaie numérique est de faire preuve de prudence lorsque l'on envisage la mise en place de règlements, de façon à ne pas freiner l'innovation.

Après 14 mois d'étude et de réflexion, nous sommes d'avis que la meilleure façon de procéder est de continuer à surveiller le secteur des monnaies numériques pendant que des organismes gouvernementaux — l'Agence du revenu du Canada, le CANAFE ou Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et les services de police — apprennent à se servir de la technologie de la chaîne de blocs.

Bref, les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce sont tous d'avis qu'au chapitre de la réglementation concernant la monnaie numérique et les technologies qui y sont associées, il faut adopter une stratégie souple et minimale, presque de non-intervention, pour permettre au secteur des monnaies numériques de prospérer. En tant que législateurs, nous devrions faire en sorte que l'environnement économique, technologique et juridique au Canada favorise l'innovation dans ce secteur plutôt que de le restreindre.

Honorables sénateurs, reprenant ce que le premier ministre Mackenzie King a dit dans un discours au Parlement en juin 1942, mais dans le contexte actuel des crypto-monnaies, le Comité des banques a indiqué qu'il ne faut pas nécessairement réglementer, mais réglementer si nécessaire.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les phares à titre de symboles irremplaçables du patrimoine maritime

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Munson, attirant l'attention du Sénat sur les phares, qui sont un symbole unique du patrimoine maritime du Canada et des monuments qui enrichissent les collectivités et le paysage national.

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je désire prendre la parole aujourd'hui dans le cadre de cette interpellation, qui attire l'attention du Sénat sur les phares à titre de symboles irremplaçables du patrimoine maritime canadien et de monuments qui enrichissent les collectivités et le paysage national. Je serai bref, mais je tiens à dire qu'il s'agit d'une interpellation importante portant sur un sujet d'actualité, et je félicite le sénateur Munson d'avoir attiré l'attention du Sénat sur cette question.

Il ne fait aucun doute que le Canada est un pays maritime, mais il est facile de l'oublier, étant donné que notre pays fait 3 000 milles de largeur et s'étend sur un continent et que la majorité de la population ne vit pas sur les côtes.

Les honorables sénateurs se souviendront que plus tôt cette année, nous avons souligné le 50e anniversaire de l'unifolié. Ce drapeau a remplacé le Red Ensign, qui a été notre drapeau pendant presque 98 ans. Au départ, le Red Ensign était le drapeau de la marine marchande britannique, et il flottait sur les navires canadiens parcourant le monde. À partir du XVIIIe siècle, on l'apercevait souvent sur les Grands Lacs, sur le fleuve Saint-Laurent et sur la côte de l'Atlantique, de même qu'à Vancouver et à Victoria, sur la côte du Pacifique. Le drapeau de la marine marchande a donc commencé à être associé au Canada, et on y a simplement ajouté les armoiries du Canada pour créer notre premier drapeau.

Notre premier drapeau national n'est pas le résultat d'une décision imposée par un pays étranger ou d'une initiative prise par une assemblée délibérante ou par un comité. C'est plutôt un héritage du patrimoine maritime du Canada, et les quelque 900 phares répartis sur l'ensemble de notre territoire font aujourd'hui partie des exemples les mieux préservés et les plus représentatifs de ce patrimoine.

Selon Pêches et Océans Canada, plusieurs structures qu'on appelle des « aides à la navigation » correspondent à la définition plus large de ce qui constitue un phare. Le Canada compte 250 phares dignes d'orner des cartes postales, dont certains font déjà partie des sites patrimoniaux protégés. Toutes les provinces, sauf l'Alberta et la Saskatchewan, ont de vrais phares. C'est la Nouvelle-Écosse qui en a le plus grand nombre, avec ses 160 phares. Il y en a 104 en Ontario, 78 au Nouveau-Brunswick, 72 à Terre-Neuve, 59 au Québec, 56 à l'Île-du-Prince-Édouard, 52 en Colombie-Britannique, et 2 au Manitoba.

Par ailleurs, il serait faux de croire que tous les plus beaux phares se trouvent sur le littoral. Il y a de magnifiques phares dans toute la région des Grands Lacs, y compris les phares de Point Clark et de Cove Island, qui ne sont que deux des six magnifiques phares impériaux qui ont été construits avant la Confédération et qui existent encore.

Ces phares sont également des monuments qui reflètent une époque et un mode de vie et qui représentent une part importante de notre patrimoine culturel et architectural.

Nous connaissons tous l'histoire du chemin de fer canadien, le plus grand exploit d'ingénierie du XIXe siècle que John A. Macdonald a fait construire pour unifier le pays. Cependant, le plus grand exploit d'ingénierie du XIXe siècle qui date d'avant la Confédération se trouve dans la ville où nous sommes actuellement, et nous pouvons encore l'admirer aujourd'hui. Le canal Rideau et ses écluses, construits par le colonel John By, représentaient une réalisation exceptionnelle pour l'époque, même si, une fois le projet terminé, la construction des chemins de fer a rendu cette structure superflue. Construit à des fins militaires et commerciales, le canal s'est avéré peu utile, voire pas du tout, dans les deux domaines.

On n'a pas tenu compte de ceux qui, par la suite, ont proposé de laisser le canal à l'abandon ou même de le démolir, et aujourd'hui, il fait partie des sites du patrimoine mondial de l'UNESCO. Ce précieux joyau de la capitale nationale est un symbole tangible de notre passé. Cette ville aurait grandement perdu de son éclat si le canal Rideau n'avait pas été convenablement préservé et entretenu. Aujourd'hui, les peuples civilisés sont attristés et fâchés de voir que, dans certaines régions du monde, il y a des gens qui détruisent de façon volontaire des sites et des monuments anciens, et nous regrettons de ne pas pouvoir faire quoi que ce soit pour les en empêcher.

Bien qu'il ne soit pas trop tard pour nous engager à protéger le patrimoine culturel et architectural du Canada, dans le cas des phares, il faut agir dès maintenant

Les temps ont changé. Avec l'arrivée du GPS et d'autres progrès technologiques, les phares ne sont plus essentiels à la sécurité de la navigation comme ils l'étaient autrefois. En mai 2010, le ministère des Pêches et des Océans a déclaré que plus de 900 phares, dont certains servaient toujours, étaient excédentaires. Il a précisé qu'il n'avait pas pour mission de préserver le patrimoine du pays, une position justifiée sur le plan administratif. Mais il ne faudrait pas croire pour autant que ces phares ne peuvent pas servir d'autres fonctions ou devraient être laissés à l'abandon.

Les phares ont une forte valeur symbolique et attirent les gens de tout âge. Je le constate depuis des années. Les adultes sont intrigués et les enfants, enchantés. Bien des phares pourraient jouer un rôle commercial ou touristique important, non seulement à titre de monuments, mais aussi sous forme de musée ou de centre communautaire interactif, par exemple.

(2040)

Nombre de ces bâtiments sont de petite taille et faciles à entretenir, mais il y a plusieurs monuments énormes situés dans des endroits magnifiques. Pensons aux tours romaines, que tous peuvent voir et apprécier, qui subsistent partout en Europe, agrémentent le paysage et contribuent à préserver l'histoire d'une autre ère. Les magnifiques phares canadiens sont nos tours romaines et il faut les préserver pour que les générations futures de Canadiens puissent les connaître et en profiter.

En 2010, conscient de l'évolution de la situation de ces phares quant à leur avenir, le gouvernement du Canada a tenu compte de cette réalité en présentant la Loi sur la protection des phares patrimoniaux, qui permettait le transfert de ces biens à de nouveaux propriétaires pourvu qu'ils les entretiennent. En outre, la loi offre aux Canadiens le moyen de participer à la désignation et à la préservation des phares patrimoniaux.

Grâce à cette loi, le gouvernement du Canada a accordé aux phares une protection à quatre niveaux. Premièrement, la loi prévoyait un processus de sélection, c'est-à-dire une période pour présenter des pétitions publiques, afin de désigner les phares patrimoniaux. Le processus de nomination a pris fin le 29 mai 2015 et les résultats devraient être connus au cours des prochains mois.

Deuxièmement, la loi interdit la modification non autorisée ou l'aliénation de phares patrimoniaux désignés. Troisièmement, la loi prévoit un entretien suffisant. Enfin, quatrièmement, la loi facilite la vente ou le transfert des phares patrimoniaux pour servir à des fins publiques continues et elle prévoit une protection à long terme.

Selon le site web de Parcs Canada, des pétitions ont été présentées pour désigner 348 phares comme sites patrimoniaux, dont 92 en Nouvelle-Écosse seulement. Compte tenu de l'ampleur de la réponse, il est évident que les Canadiens tiennent à ce que ces monuments historiques soient entretenus. J'attends avec impatience les recommandations de Parcs Canada et j'implore l'agence de faire des choix justes et éclairés. Je pense que les Canadiens ne s'attendent à rien de moins.

Les sociétés de conservation s'affairent depuis des décennies à sauver certains des phares du Canada, affirmant que, à l'instar de gares ferroviaires et d'élévateurs à grain, ces structures revêtent une importance particulière pour les Canadiens et jouent un rôle important dans notre histoire.

Je m'en voudrais de ne pas féliciter la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society du travail exceptionnel qu'elle a abattu pour protéger les trésors côtiers de notre province. Grâce aux efforts qu'elle a déployés, nous pourrons veiller à ce que la valeur historique et sentimentale des phares de la Nouvelle-Écosse soit reconnue et éventuellement accorder à ces monuments la protection qu'ils méritent.

Ce mois-ci, en collaboration avec Fiducie nationale du Canada, la société a lancé une initiative appelée « Ce phare importe » qui encourage les Canadiens à contribuer personnellement au financement nécessaire au maintien de nos phares. Comme on peut le lire sur son site :

[...] les groupes communautaires sans but lucratif sont le plus aptes à préserver les phares, car ces groupes sont composés des descendants des gardiens de la lumière, des gens à qui ces phares tiennent particulièrement à cœur. Ils sont beaucoup plus susceptibles de développer ces sites de façon respectueuse et appropriée.

J'espère que le processus mis en branle par la Loi sur la protection des phares patrimoniaux permettra d'assurer la protection de nombre de ces structures historiques pour des générations à venir, et j'ai hâte de prendre connaissance de la décision finale de Parcs Canada au sujet de la désignation.

Le gouvernement du Canada fait également preuve d'initiative au chapitre du financement. Par exemple, le phare de l'île Sambro, près du port de Halifax, est le plus vieux phare en état d'opération en Amérique du Nord, mais il est en piteux état. C'est pourquoi il m'a fait plaisir d'entendre le gouvernement fédéral annoncer, pas plus tard que le mois dernier, un investissement de 1,5 million de dollars dans sa remise en état.

Bien que nous nous réjouissions de cette aide financière, il s'agit d'une réponse ponctuelle à des circonstances uniques, et il reste encore beaucoup d'importantes structures dont le sort dépend de l'aide du gouvernement. La Loi sur la protection des phares patrimoniaux représente simplement la première étape de ce qui sera, je l'espère, une approche globale à la gestion des phares patrimoniaux, car beaucoup de phares ont besoin d'une solution qui réponde à leurs circonstances particulières.

Je ne peux penser à un meilleur exemple que le phare que je connais le mieux, à savoir celui de Louisbourg, ma ville natale. La structure originale a été construite à Lighthouse Point en 1734 — le premier phare du Canada et le deuxième en Amérique du Nord — afin de garantir le passage sûr des navires de guerre et de ravitaillement entrant dans le port. Détruit par un incendie en 1736, le phare fut reconstruit et demeura en service jusqu'à ce qu'il se fasse raser par les batteries britanniques en 1758, durant le deuxième siège de Louisbourg.

Le troisième phare fut lui aussi détruit par un incendie en 1922.

Le phare actuel est constitué d'une saisissante tour en béton de forme octogonale. Il est entouré des fondations excavées de ses trois prédécesseurs. Cependant, alors que Lighthouse Point a été désigné lieu historique national, le phare actuel est géré par le ministère des Pêches et des Océans, et il a été déclaré excédentaire. Parcs Canada administre actuellement 11 phares, et aucun d'eux ne sera déclaré excédentaire. Le phare de Louisbourg pourrait facilement être entretenu de manière permanente par Parcs Canada, et j'encourage le gouvernement à envisager cette solution facile dans un proche avenir.

Le gouvernement a fait des premiers pas encourageants pour assurer l'avenir des phares patrimoniaux canadiens, mais ce n'est qu'un début et il reste beaucoup à faire. Les gouvernements, les intervenants, les sociétés et les collectivités doivent tous travailler en étroite collaboration au cours des mois et des années à venir pour veiller à ce que les décisions appropriées soient prises pour toutes les structures.

Le Canada célébrera son 150e anniversaire en 2017. Assurons- nous que, quand il célébrera son 250e anniversaire en 2117, nos descendants pourront remercier notre génération d'avoir agi de manière prévoyante, intelligente et responsable afin de préserver notre patrimoine pour les Canadiens du XXIIe siècle.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

La Prestation de soins aux personnes atteintes de démence

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Andreychuk, attirant l'attention du Sénat sur les défis auxquels doivent faire face un nombre important et grandissant de Canadiens qui fournissent des soins à des parents ou à des amis atteints de démence.

L'honorable Rose-May Poirier : J'ajourne le débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Poirier, le débat est ajourné.)

La vérification intégrée du vérificateur général

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 2 juin 2015 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur :

a) l'étude du vérificateur général du Canada effectuée en 1988 par le Comité sénatorial des finances nationales; le témoignage du 3 février du vérificateur général en exercice, Kenneth Dye, dans lequel il décrit le Parlement comme étant son « client », mais ajoute que son bureau se considère comme un « serviteur du Parlement »; son explication de vérification intégrée, le terme employé dans la motion gouvernementale du Sénat du 6 juin 2013 invitant le vérificateur général à procéder à une vérification des dépenses des sénateurs; le terme employé par le vérificateur général, soit « audit de performance », pour décrire cette même vérification des sénateurs;

b) les travaux d'érudition sur le rôle du vérificateur général et son intrusion dans les sphères de la politique et de l'élaboration des politiques; le témoignage de la professeure de l'Université Carleton Sharon Sutherland devant notre comité des finances nationales le 28 janvier 1988; l'abandon par les vérificateurs généraux de leur rôle traditionnel de vérification comptable quantitative; leur entrée dans les sphères des politiques et des conseils, conséquence inexorable de l'adoption en 1977 de la Loi sur le vérificateur général, aboutissement politique de la campagne médiatique fructueuse menée par le vérificateur général en exercice, James Macdonell;

c) le fait politique que cette loi a conféré au vérificateur général le nouveau pouvoir inédit de se prononcer sur l'« optimisation » des dépenses gouvernementales; ces interprétations qui, ne se prêtant pas aux mesures arithmétiques ni à la quantification, seront inévitablement imparfaites, puisque la nature humaine fait en sorte que de telles interprétations tendront à être d'ordre social, politique et qualitatif, et, étant tellement subjectives et sélectives, ne peuvent constituer des mesures fiables pour dégager de saines conclusions sur les dépenses gouvernementales;

d) le fait que de telles opinions de vérificateurs, politisées comme elles le sont, étant forcément devenues des opinions sur la politique publique, mineront la réalité constitutionnelle selon laquelle la politique publique est l'apanage des acteurs politiques, des gouvernements et des Parlements; l'alinéa 7(2)d) de la Loi sur le vérificateur général relative à l'« optimisation des ressources », ainsi libellé :

7. (2) Dans le rapport mentionné au paragraphe (1), le vérificateur général signale tout sujet qui, à son avis, est important et doit être porté à l'attention de la Chambre des communes, notamment les cas où il a constaté que : [...]

d) des sommes d'argent ont été dépensées sans égard à l'économie ou à l'efficience;

e) le fait que la Loi sur le vérificateur général de 1977 de M. Macdonell a transformé en profondeur la vérification des finances publiques; le virage de ce nouveau rôle de vérification vers la réglementation du gouvernement, et maintenant même des Chambres du Parlement, au détriment de la vérification des crédits, de telle sorte que, dans l'esprit du public, les vérificateurs généraux sont devenus un frein sur les acteurs politiques, les députés et les sénateurs; ce nouveau rôle de contrôle social et politique du vérificateur général et les résultats malheureux qui en découlent; la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, fondée, financée et dirigée par le bureau du vérificateur général Macdonell; son célèbre article, La vérification intégrée — Un aperçu général, qui dit en page 7 :

Même si la fonction première du vérificateur est d'assurer la crédibilité de l'information financière, des faits récents indiquent que l'on commence à percevoir le vérificateur dans une optique plus vaste comme un protecteur de l'ordre public [...]

— Honorables sénateurs, j'ai siégé de nombreuses années au Comité sénatorial permanent des finances nationales à l'époque où il s'appelait Comité des prévisions budgétaires. Ce comité a toujours un sénateur de l'opposition pour président et un sénateur du parti au pouvoir pour vice-président. Année après année, au fil du cycle budgétaire, j'ai parrainé le Budget principal des dépenses du gouvernement auprès du comité, de même que les projets de loi de crédits auprès du Sénat, puisque j'étais vice-présidente du comité. La Loi sur le vérificateur général ayant été adoptée en 1977, il y avait donc à peine sept ans qu'elle était en vigueur quand je suis arrivé au Sénat, en 1984. Il y avait bien des sénateurs qui n'avaient pas encore digéré les turbulences politiques occasionnées par les campagnes menées tambour battant par les vérificateurs généraux Henderson, Macdonell et Dye. Les alinéas 7(2) c) et 7(2)d) de la loi donnaient en effet le pouvoir au vérificateur de se prononcer sur différents aspects des dépenses du gouvernement, comme l'économie, l'efficience, l'efficacité et l'utilisation optimale des ressources. Or, les sénateurs savaient pertinemment que ces jugements qualitatifs et subjectifs étaient la prérogative des deux Chambres du Parlement et du gouvernement. N'étant pas de nature quantitative, il ne revient donc ni au vérificateur général ni aux comptables de les porter. Tout de suite, nous avions compris que les problèmes ne faisaient que commencer.

Honorables sénateurs, en 1985, devant la Cour fédérale du Canada, le vérificateur général Kenneth Dye a intenté une poursuite contre le gouvernement du premier ministre Mulroney. Dans l'affaire Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l'énergie, des mines et des ressources), le vérificateur général Dye a cherché à obtenir les documents confidentiels du Cabinet relatifs à l'achat de Petrofina par le gouvernement Trudeau. Le tribunal de première instance lui a donné raison, mais pas la Cour fédérale d'appel. Puis, la Cour suprême du Canada a confirmé la décision de la cour d'appel. Le 10 août 1989, la Cour suprême a rendu une décision lui interdisant l'accès aux documents du Cabinet.

En 1988, alors que le Comité sénatorial des finances nationales étudiait le Budget principal des dépenses, il s'est penché sur le rôle du vérificateur général dans le dossier des finances nationales. Nous avons alors entendu des témoins, y compris le vérificateur général Kenneth Dye et la professeure Sharon Sutherland, de l'école d'administration publique de l'Université Carleton.

Le vérificateur général Dye a eu de la difficulté à nous expliquer le sens du terme « vérification intégrée », qui n'est toujours pas clair et que l'on ne trouve pas dans la loi. Pourtant, la motion du gouvernement qui a été présentée le 6 juin 2013 par la leader gouvernement, la sénatrice LeBreton, et qui a amené le vérificateur général Ferguson à soumettre tous les sénateurs à une vérification lui demandait de « procéder à une vérification intégrée des dépenses du Sénat [...] ». Elle ne nous a pas expliqué cette expression rare et obscure. La foire aux questions sur l'audit du Sénat que l'on trouve dans le site web du vérificateur général contient la réponse suivante à une question sur le type d'audit :

L'audit du Sénat est un audit de performance.

(2050)

Le terme « vérification intégrée » est tombé en désuétude. Nous ne savions pas ce que pouvait être un « audit de performance », mais nous savions que la vérification du Sénat était un « audit juricomptable ».

Honorables sénateurs, le témoignage du 28 janvier 1988 de la professeure Sutherland fut remarquable. Le sénateur Fernand Leblanc, qui présidait le comité, parla à ce moment-là de l'article de la professeure paru en 1986 dans le numéro 1 du volume 29 de Canadian Public Administration. L'article s'intitulait « Politique et vérification : perspective comparative du Bureau du vérificateur général ». Le sénateur attira l'attention du Comité sur la conclusion de l'article, où il était question des conséquences politiques du nouveau rôle du vérificateur général. Ces conséquences sont nombreuses et importantes. Elles incluent l'affaiblissement, par le vérificateur, du Comité des comptes publics de la Chambre des communes, qui avait été jusque-là le moteur du contrôle des deniers publics par la Chambre des communes. Elle décrit avec assurance le problème, à la page 118 des délibérations du comité :

Dans mon article, je défends l'idée que, en étant désormais considéré comme apte à formuler des avis, plutôt que de s'en tenir au rôle traditionnel d'un vérificateur, le Bureau du vérificateur général devient une force agissant sur l'élaboration des politiques, ce qui est incompatible avec un système de gouvernement responsable et représentatif.

Elle termine en disant ceci :

[...] la loi de 1977 devrait être refondue pour que le Bureau du vérificateur général recommence à faire un travail fondamental de vérification financière objective et reproductible qui pourrait être aussi vaste qu'il le souhaite.

Honorables sénateurs, demandons-nous quel est le fondement du travail du vérificateur. Le Sénat doit sérieusement examiner le rôle du vérificateur général et son travail de vérification des comptes publics du Canada. Que fait son personnel dans la sphère de la politique et de l'élaboration des politiques publiques? Je vous lis un échange révélateur entre le vérificateur Dye et des sénateurs lors des travaux de notre comité, le 3 février 1988. Il était question des services de transport fédéraux, notamment de la traversée du détroit de Northumberland pour aller à l'Île-du-Prince-Édouard. Le sénateur John Stewart, de la Nouvelle-Écosse, posa une question sur les vérifications et les politiques gouvernementales. Je vous lis un extrait de la page 16 du fascicule no 22, où l'on trouve les délibérations de ce jour-là. Je veux que les sénateurs puissent comprendre un peu ce qui s'est dit lors de cette réunion du comité. Voici le passage en question :

Le sénateur Stewart (Antigonish-Guysborough) : [...] Nous savons que la Constitution prévoit que le gouvernement du Canada doit assurer un service fiable à longueur d'année dans le détroit de Northumberland jusqu'à l'Île-du-Prince- Édouard. Jusqu'à maintenant, le gouvernement a satisfait cette exigence en assurant un service de traversiers. Est-ce que la politique dans ce cas […] consiste à offrir obligatoirement un service fiable à longueur d'année ou à offrir obligatoirement le service au moyen de traversiers?

[...] j'aimerais savoir quelle est la politique dans ce cas-ci. Qu'un service doit être assuré ou est-ce la question du moyen?

M. Dye : Monsieur le président, si je comprends les ententes relatives à la traversée du détroit de Northumberland, le sénateur Stewart nous dit que la Constitution exige qu'on assure la liaison entre le continent et l'Île. Il est évident que notre bureau n'étudiera pas les questions prévues dans la Constitution. [...] Quant à l'autre question, il s'agit de savoir de quelle manière le gouvernement devrait-il assumer ses responsabilités? Il y a plusieurs années, le gouvernement a décidé de recourir à des traversiers. [...] Je ne vois absolument pas pour quelle raison mon bureau se mêlerait de cette question. Le service actuel n'est pas exploité par le gouvernement du Canada ni par une société d'État dont je suis le vérificateur. Je ne crois pas que nous devrions toucher à cela.

Le sénateur Stewart (Antigonish-Guysborough) : C'est le niveau de politique dont vous parlez.

M. Dye : À supposer que l'on modifie la façon de traverser le détroit et que l'on utilise un tunnel ou un pont. Le gouvernement […] recourt à un nouveau moyen pour respecter son engagement constitutionnel et décide de construire un tunnel. On demande au Parlement […] de débloquer des crédits pour construire une nouvelle installation qui permettra de se rendre dans l'Île et d'en revenir. Le Parlement affecte alors certaines sommes et entreprend la construction du tunnel. Je dirais que nous procéderions à une vérification du processus de construction — le projet d'investissement. Il s'agirait d'une dépense importante de fonds publics et nous vérifierions le processus. Dans le cadre de ce processus, nous examinerions toutes les solutions de rechange du moment.

Le sénateur Stewart (Antigonish-Guysborough) : Autrement dit, vous examineriez la possibilité de maintenir le service de traversier?

M. Dye : Nous déterminerions si les décisionnaires ont étudié des solutions de rechange. Mais je ne demanderais jamais quel est le bien-fondé de la politique. […]

Le sénateur Kelly : Avec tout le respect que je vous dois, vous l'avez dit. Si le gouvernement a décidé qu'il ferait construire un tunnel, après avoir étudié d'autres solutions, il lui incombe d'établir une politique. Si vous remontez au bien- fondé de cette décision, vous revenez alors à ce que vous aviez dit que vous ne feriez pas. Vous direz: « Allons! Messieurs du cabinet, c'est ce que vous avez décidé, mais nous voulons savoir qu'elles en étaient les raisons […] » Vous faites donc ce qui, à mon avis, n'est absolument pas de votre ressort. Vous allez donc reprendre les décisions politiques prises par le Cabinet. […]

M. Dye : [...] J'essaie de trouver un moyen de m'exprimer différemment pour que nous redevenions en bons termes. Je crois qu'il m'incombe d'informer le Parlement que le gouvernement du jour a dépensé des sommes à bon escient lorsqu'il s'agit d'un important projet d'immobilisations, j'essaie de trouver une manière différente de m'exprimer afin de rétablir les rapports si agréables que nous entretenions auparavant. Je crois qu'il est de mon devoir d'informer le Parlement que le gouvernement au pouvoir a tenu compte du contexte économique lorsqu'il a entrepris un grand projet d'immobilisation.

Le sénateur Kelly : Une fois que la décision a été prise? Autrement dit, il construira le tunnel le plus efficace et le plus économique. Il a décidé de construire un tunnel. Ce n'est pas ce que vous dites. Vous dites plutôt que vous irez plus loin et que vous saurez pourquoi il n'a pas pensé à un pont. Pourquoi n'a-t-il pas opté pour un pont aérien? Pourquoi n'a-t-il pas maintenu le service de traversier?

M. Dye : Monsieur le président, lorsque vous arrivez à ce niveau d'examen pour vérifier une politique ou la mise en œuvre d'une politique, c'est-à-dire mon travail, ce sera pour nous très évident après avoir consulté les archives que le Parlement a été informé dans le cadre des discussions que le gouvernement du jour avait bel et bien songé à recourir notamment à des hélicoptères et à d'autres solutions qui s'offraient à l'époque. […] Un pont, un tunnel ou un service permanent de traversiers sont les solutions de rechange évidentes. Toutefois, il peut construire un tramway aérien. Je ne connais pas les réponses. Mais je suppose que les solutions de rechange raisonnables seraient tellement connues que nous ne gaspillerions pas notre temps là-dessus.

Le sénateur Kelly : Vous ne le devriez pas non plus. Je crois que nous recommençons à nous comprendre.

M. Dye : C'est bien. C'est mon objectif.

Le sénateur Kelly : Une opposition sage […] et […] intelligente, comme celle qu'affronte assurément ce gouvernement, poserait toutes ces questions […]. Toutefois, nous avons convenu tous les deux à l'ouverture de cette séance que le vérificateur commence son travail une fois que la décision a été prise à l'égard de la politique. C'est son point de départ. Vous m'avez effrayé il y a quelques instants lorsque vous avez dit que vous voulez savoir si le Cabinet a étudié toutes les solutions. Je crois que vous dépasseriez ainsi les limites du mandat dont nous avions convenu ensemble pour vous.

M. Dye : Si l'on n'avait pas tenu compte d'une option évidente — il s'agit de simples spéculations — je me demande si l'on jugerait important de dire au Parlement que, malgré ses avantages évidents, une solution n'a pas fait l'objet d'une étude et de procéder ensuite à la vérification peu importe ce dont il s'agissait. Je ne suis pas sûr de ce que nous ferions à cet égard, mais il faudrait que cette option soit très évidente.

Le président : La ligne est très ténue.

Le sénateur Kelly : Oui, et M. Dye, de toute évidence, a les deux pieds bien posés de chaque côté de la ligne.

M. Dye : Je fais très attention de ne pas empiéter sur cette ligne.

Le président : Si la population, dans le cadre du référendum, avait demandé la construction d'un tunnel, alors on acquiescerait à sa demande. Le gouvernement prendrait les mesures nécessaires, que cette solution soit plus coûteuse ou non qu'une autre solution. Devrez-vous déterminer si la population a pris la bonne décision?

M. Dye : Non, dans ce cas je m'engagerais dans le processus politique et ce n'est pas mon intention.

Le sénateur Stewart (Antigonish-Guysborough) : À coup sûr, monsieur le président, si un gouvernement devait aller de l'avant avec […] un tunnel, il incomberait au vérificateur général, en vertu de la loi, de comparer le coût réel de cette construction avec le coût projeté du maintien du service actuel respectant la politique, laquelle figure dans un document constitutionnel. Il y aurait lieu de comparer l'option choisie au moyen utilisé pour assurer le service.

M. Dye : Le sénateur Stewart soulève une question intéressante. J'essaie de voir ce que je pourrais répondre. Si la loi ordonnait au gouvernement […] de construire un tunnel et qu'elle précisait que ce dernier doit offrir des services comparables, à un coût analogue par rapport aux moyens utilisés à l'heure actuelle, mais d'une façon plus moderne, je crois que nous serions tenus de revenir en arrière et d'établir cette comparaison étant donné que la loi prévoit qu'il faut déterminer lequel des deux moyens est préférable. Mais il est peu vraisemblable qu'une loi précise un jour quelque chose du genre. Je suppose que la loi dirait simplement: « Allez-y, construisez un tunnel; voici l'argent ». Nous vérifierions donc la construction d'un tunnel et ne chercherions pas à savoir s'il devrait s'agir d'un tunnel ou d'autre chose.

Le président : Et vous vérifieriez les appels d'offres.

M. Dye : En effet.

Le sénateur Stewart (Antigonish-Guysborough) : Mais il s'agit là de l'ancienne méthode de vérification; ce n'est pas très moderne.

Le sénateur Stewart avait tout dit.

Honorables sénateurs, M. Dye était mal à l'aise. Sa connaissance du Parlement et du vocabulaire relatif aux crédits était faible. Il a dit que le Parlement était son « client ». On peut lire, à la page 22:14 du compte rendu des délibérations du comité, qu'il a déclaré ce qui suit :

[...] notre bureau se considère comme le serviteur du Parlement.

Je lui ai demandé comment son maître, le Parlement, pouvait être le « client » de son serviteur, le vérificateur général. Il a poursuivi ainsi :

Maintenant, avec le nouveau mandat que s'est vu confier mon bureau en 1977, un troisième élément s'est greffé: la vérification de l'optimisation des ressources. [...]

Il a dit, comme le rapporte le compte rendu des délibérations du comité à la page 22:6 :

La vérification législative vise à aider les législateurs à exercer un contrôle sur l'utilisation des deniers publics.

(2100)

Voilà des propos bien étranges qui viennent du fonctionnaire qui a limité, voire annihilé, l'influence que le Comité des comptes publics pouvait avoir sur les finances nationales. À la lecture de ce qui s'est passé ce jour-là, j'ai appris bien peu de choses sur la vérification de l'optimisation des ressources ou sur les comptes publics, et je n'ai rien appris du tout sur la vérification des crédits. Le 13 juin dernier, l'Ottawa Citizen a publié un article de Lee Berthiaume intitulé « Faire la lumière sur les aspects les plus sombres de l'État », dans lequel il parle de la loi de 1977. Il cite également Mme Sharon Sutherland, qui a dit ce qui suit, en parlant du rôle du vérificateur général :

À la suite du virage fondamental qui a mené à la création du Bureau du vérificateur général tel qu'on le connaît aujourd'hui, cette organisation a commencé à bénéficier de fonds supplémentaires et elle est devenue omniprésente, mais ce n'est pas tout : il semble qu'elle soit aussi dotée d'un certain pouvoir politique [...]

Le Bureau du vérificateur général estime que, en tant qu'organisme de réglementation du gouvernement, il joue un rôle prépondérant à la Chambre des communes et que ce rôle supplante même celui des partis de l'opposition.

Il est pourtant clair, aux yeux de tous les sénateurs, que la vérification du Sénat effectuée par le vérificateur général a une valeur purement politique. La vérification, en soi, lui importait peu.

Honorables sénateurs, la Fondation canadienne pour la vérification intégrée a été fondée, financée et dirigée par le vérificateur général Macdonell. Quand il a pris sa retraite, en 1980, il est devenu président de l'organisation. Il a rédigé un article désormais célèbre, La vérification intégrée — Un aperçu général, qui porte sur ce nouveau rôle de vérificateur. Voici ce qu'il dit à la page 7 :

Même si la fonction première du vérificateur est d'assurer la crédibilité de l'information financière, des faits récents indiquent que l'on commence à percevoir le vérificateur dans une optique plus vaste comme un protecteur de l'ordre public [...]

Le rôle du « protecteur de l'ordre public » est clair. Ce rôle que le vérificateur s'est lui-même donné et qui vise à définir et à redéfinir les règles du Sénat est totalement absurde, tout comme le Rapport du vérificateur général du Canada au Sénat du Canada. Sa vérification du Sénat, tout comme ses vérifications des affaires du gouvernement, compromet gravement son indépendance. Les recommandations contenues dans ce rapport qui a coûté 24 millions de dollars sont éloquentes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice souhaite-t-elle qu'on lui accorde plus de temps?

La sénatrice Cools : Oui, je vous en saurais gré.

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cools : Lee Berthiaume avait prévu que le vérificateur général serait déçu de l'ampleur des « dépenses contestables » des sénateurs. Dans un article publié à la page A12 de l'Ottawa Citizen du 13 juin, intitulé « Selon un ancien vérificateur général, la vérification des dépenses des députés serait un véritable gaspillage », il écrit ce qui suit :

Ferguson a déclaré qu'il n'était « pas content » du coût de la vérification, étant donné qu'elle avait permis de trouver des dépenses contestables d'une valeur de seulement 1 million de dollars.

Je le répète : « Il n'était "pas content" du coût de la vérification, étant donné qu'elle avait permis de trouver des dépenses contestables d'une valeur de seulement 1 million de dollars. » Évidemment, il espérait trouver beaucoup plus de « dépenses contestables ». C'est lui qui a utilisé le mot « contestables »; il ne s'agit pas de faits éprouvés. Le mot « contestables » reflète son opinion subjective, qui découlait peut-être de sa volonté partiale de trouver plus de « dépenses contestables ». Il a infligé une douleur et une souffrance incalculables à d'excellents et remarquables sénateurs. Selon moi, sa volonté de trouver plus de « dépenses contestables » rend sa vérification concernant les sénateurs totalement douteuse.

Honorables sénateurs, les principes et les pratiques liés à la Loi sur le vérificateur général et au titulaire de cette charge doivent être passés en revue. Je pense que, lors de la prochaine session, nous devrions examiner très sérieusement ces questions.

Je remercie mes collègues de leur attention.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, au nom de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

Le rôle approprié du vérificateur général

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 3 juin 2015 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur :

a) le vérificateur général du Canada, titulaire d'une charge créée par une loi, et sur ses pouvoirs et fonctions prévus dans l'actuelle Loi sur le vérificateur général; et sur la loi de 1878, Acte pour pourvoir à la meilleure audition des comptes publics, qui a créé le nouveau vérificateur général en tant qu'agent indépendant, absolument et totalement distinct du gouvernement, à l'abri de l'influence, de la faveur et de la défaveur du gouvernement;

b) les pouvoirs du vérificateur général, conférés par le paragraphe 13(4) de la Loi sur le vérificateur général, par lesquels il peut exercer les pouvoirs conférés aux commissaires par la partie I de la Loi sur les enquêtes; et sur ses pouvoirs de contraindre à témoigner pour obtenir l'information dont il a besoin pour sa vérification, et sur le fait que ces pouvoirs ne s'appliquent pas aux sénateurs; et sur le paragraphe 13(4) qui prévoit ce qui suit :

Le vérificateur général peut interroger sous serment toute personne au sujet d'un compte soumis à sa vérification; à cette fin, il peut exercer les pouvoirs conférés aux commissaires par la partie I de la Loi sur les enquêtes;

c) le document de 9 pages du 16 février 2011 intitulé Obligation de rendre compte des hauts fonctionnaires du Parlement, et sa lettre d'accompagnement de 5 lignes, signée par sept titulaires, qui se décrivent comme des « agents du Parlement » plutôt que des « mandataires du Parlement », alors qu'en fait, ils ne sont ni l'un ni l'autre;

d) le Huitième Rapport du Comité sénatorial des finances nationales, paru en 1988, concernant l'examen du Budget principal des dépenses, ainsi que son étude sur le rôle du vérificateur général conformément à la toute nouvelle Loi sur le vérificateur général, à l'époque, en 1977; et ce rapport, qui conclut que le rôle du vérificateur général n'est pas de juger le bien-fondé des politiques publiques;

e) l'article de Sharon Sutherland, professeure à l'Université Carlton, intitulé The Office of the Auditor General of Canada : Watching the Watchdog, qui examine la vérification de l'optimisation des ressources par le vérificateur général, article qui forme le chapitre 6 du livre intitulé How Ottawa Spends Your Tax Dollars, paru en 1981 par Bruce Doern.

— Honorables sénateurs, la motion proposée par le leader du gouvernement au Sénat et présentée dans le cadre des affaires du gouvernement faisait de la vérification des dépenses du Sénat une initiative ministérielle. Adoptée à la suite d'un vote dicté par le parti au pouvoir, cette motion est devenue un ordre du Sénat. Cette initiative ministérielle visait à ordonner au vérificateur général de soumettre les sénateurs à une vérification, mais le vérificateur général du Canada ne devrait pas se mêler des affaires du gouvernement, tout particulièrement lorsqu'il est question de contraindre les sénateurs de se soumettre à une vérification. Le vérificateur général a effectué la vérification pour le compte du gouvernement. Contrairement au Sénat, le poste de vérificateur général n'a pas été créé par la Loi constitutionnelle de 1867. Il a été créé au moyen d'une simple loi adoptée par le Parlement en 1878, l'Acte pour pourvoir à la meilleure audition des comptes publics. Le vérificateur général est donc titulaire d'une charge créée par une loi, ce qui signifie que ses pouvoirs sont uniquement ceux précisés dans la loi. Ce nouveau poste était une création parlementaire plutôt qu'une création de la Couronne, un poste créé par celle-ci sans recours à une loi. La plupart des postes d'agent sont antérieurs à la loi de 1867. Les postes de receveur général, de procureur général, de solliciteur général, de juges et de nombreux autres postes ont tous été créés par la Couronne, contrairement au poste de vérificateur général.

Honorables sénateurs, le 4 avril 1878, lors du débat de la Chambre des communes sur le projet de loi visant à mieux vérifier les comptes publics, Charles Tupper, dans son échange avec le ministre des Finances Cartwright, a déclaré ce qui suit, à la page 1723 des Débats de la Chambre des communes :

[...] vous prétendez donner au public la garantie d'un officier du Parlement [...]

Charles Tupper a ajouté ce qui suit, à la page 1724 :

Il ne faut pas perdre de vue que nous nous occupons ici d'une question assez nouvelle. Nous nommons un officier parlementaire par opposition à un fonctionnaire administratif. Toute la portée de cette législation est de donner le contrôle au Parlement par opposition au gouvernement [...] afin que l'auditeur soit indépendant du gouvernement, et qu'il puisse agir sans être contrôlé par lui [...]

Les députés souhaitaient qu'un contrôle du nouveau poste de vérificateur général indépendant des comptes publics soit effectué par la Chambre des communes, et non par le gouvernement. Ils ne voulaient pas que ce vérificateur puisse faire l'objet d'un contrôle par le gouvernement. Voici ce qu'a dit Edward Blake, à la page 1724 :

[...] je voudrais avoir un fonctionnaire du Parlement qui, dans l'exercice de ses fonctions, serait jusqu'à un certain point libre du contrôle du gouvernement.

Ces hommes avaient prévu que le vérificateur général soit un fonctionnaire en vertu de la loi du Parlement, plutôt qu'un mandataire qui existe par prérogative de la Couronne. Ils étaient d'avis que procéder ainsi serait préférable aux fins du contrôle des deniers publics. Notre loi de 1878 est fondée sur une loi britannique de 1866, l'Exchequer and Audit Departments Act.

Honorables sénateurs, pendant des décennies, le Bureau du Conseil privé a décrit le vérificateur général comme étant un fonctionnaire parlementaire, tout comme l'avait fait Edward Blake. Le poste de directeur général des élections, lorsqu'il a été créé en 1920, au moyen d'une loi, a également été décrit ainsi. En passant, le directeur général des élections a remplacé le greffier de la Couronne en chancellerie, qui était responsable des élections à la Chambre des communes. Par la suite, le terme « fonctionnaire parlementaire » a été remplacé par « haut fonctionnaire du Parlement ». Ce terme est utilisé à mauvais escient pour environ 7 à 12 hauts fonctionnaires. Le terme « haut fonctionnaire du Parlement » est utilisé librement. Il n'a pas été défini légalement. Le terme « haut fonctionnaire du Parlement » ne figure pas dans les ouvrages de référence parlementaires. Les titres mentionnés renvoient à la Chambre à laquelle le fonctionnaire a été nommé, par exemple le greffier du Sénat. Le Parlement est composé du Sénat, de la Chambre des communes et du souverain. Les trois composantes du Parlement ne se réunissent qu'à certaines occasions, notamment pour les sanctions royales et les discours du Trône. Le Parlement ne compte aucun fonctionnaire. Ses trois composantes, distinctes, exercent leurs propres pouvoirs et comptent leurs propres fonctionnaires, par exemple le greffier de la Chambre des communes. Les hauts fonctionnaires des deux Chambres sont nommés séparément et affectés séparément à chacune des Chambres par des mandats du gouverneur général.

(2110)

Si vous examinez le mandat du greffier du Sénat, ou même celui du huissier du bâton noir, vous verrez que ces hauts fonctionnaires sont affectés au Sénat.

Le gouverneur général a, lui aussi, ses propres hauts fonctionnaires. Le greffier du Sénat porte le titre de greffier du Sénat et greffier des Parlements. Quand le gouverneur général et les deux Chambres sont assemblés en Parlement, le greffier du Sénat est le greffier de ce Parlement, comme on le désignait anciennement. Le greffier de la Chambre des communes est le sous-greffier des Parlements. Les mots du roi « Je vais convoquer un Parlement » étaient bien connus. Dirigé par un monarque, un Parlement est l'assemblée réunissant le souverain et les trois états. À la page 1298 du tome 2 de son Dictionary of English Law, Jowitt définit le Parlement comme une assemblée

[...] constituée du souverain et des trois états du royaume, c'est-à-dire les lords spirituels et temporels, qui forment la Chambre des lords [...], et les personnes élues par le peuple, qui forment la Chambre des communes.

Manifestement, ces personnes sont élues à la Chambre des communes par le peuple, selon le principe de la représentation selon la population découlant du cens électoral et du droit de suffrage conféré par Sa Majesté.

Honorables sénateurs, sept titulaires d'une charge créée par une loi ont récemment remplacé leur titre de « hauts fonctionnaires du Parlement » par celui d'« agents du Parlement ». Je rappelle la lettre de cinq lignes, datée du 16 février 2011, et le document de neuf pages portant sur l'obligation redditionnelle des agents du Parlement qui l'accompagnait, qu'ils ont adressés à quelques députés et au Président des Communes de l'époque, Peter Milliken, qui était également le président du Groupe consultatif sur le financement et la surveillance des hauts fonctionnaires du Parlement. Aucun sénateur n'était du nombre des destinataires. Cette courte lettre, sur du papier sans en-tête, a été signée par sept titulaires de charge publique qui se décrivaient comme des « agents du Parlement ». Les signataires étaient la vérificatrice générale, Sheila Fraser, le directeur général des élections et les commissaires au lobbying, à l'information, à la protection de la vie privée, aux langues officielles et à l'intégrité du secteur public. Voici le texte de leur lettre :

Nous, les agents du Parlement, nous sommes récemment réunis pour discuter des façons de mettre en évidence et d'améliorer notre reddition de comptes. Nous avons le plaisir de vous transmettre le document ci-joint, qui présente le résultat de nos discussions.

Nous aimerions vous rencontrer pour discuter du document et d'autres considérations que vous pourriez avoir au sujet de notre obligation redditionnelle. Nous communiquerons avec le personnel de vos bureaux pour trouver un moment où nous pourrons discuter en profondeur de ces questions.

Honorables sénateurs, voici ce qu'on peut lire à la page 1 de ce document. Écoutez attentivement :

Nous utilisons le terme « agents du Parlement » [...] qui est employé au gouvernement. Certains ont fait valoir que le terme « hauts fonctionnaires du Parlement » pouvait porter à confusion, puisqu'il désigne aussi d'autres personnes qui sont au service du Parlement, notamment le sergent d'armes, l'huissier du bâton noir et le bibliothécaire parlementaire.

En fait, l'huissier du bâton noir est le serviteur personnel de la reine au Sénat.

Ces sept personnes se disent agents du Parlement, bien que le Parlement ne leur confie aucun pouvoir. Le hic, c'est que le droit du mandat ne s'applique pas à eux et qu'ils ne sont pas des hauts fonctionnaires du Parlement, car le Parlement n'a pas de hauts fonctionnaires. Les deux Chambres et la reine en ont.

Honorables sénateurs, le vérificateur général du Canada n'est pas un haut fonctionnaire du Parlement parce que cette fonction n'existe pas. Le Comité sénatorial des finances nationales s'est penché, en 1988, sur le rôle du vérificateur général et sur la Loi sur le vérificateur général de 1977. Le comité a entendu le vérificateur général, le contrôleur général du Canada, l'Institut canadien des comptables agréés et la Fondation canadienne pour la vérification intégrée. Le dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales dit ceci, à la page 24:11 des délibérations :

Il n’est pas question dans cette loi du rôle du vérificateur général en matière de politique, mais il est clairement entendu que sa fonction n’est pas de juger du bien-fondé de la politique gouvernementale. M. Dye a été catégorique à ce sujet : la politique gouvernementale est la responsabilité et la prérogative exclusives du Parlement.

On dit également ceci, à la page 24:8 des délibérations du comité :

La troisième question générale concernait les limites des responsabilités du vérificateur général du Canada au chapitre de la vérification de l’optimisation des ressources. Bien que la Loi de 1977 sur le vérificateur général confère clairement à ce dernier la responsabilité de faire rapport de la vérification de l’optimisation des ressources à la Chambre des communes et qu’elle pourrait un jour s’appliquer à l’ensemble du Parlement, du moins il faut l’espérer, on s’entend généralement pour dire que cette responsabilité ne comprend pas une évaluation du bien-fondé des politiques adoptées. Il n’y a toutefois pas de consensus semblable quand on essaie de déterminer où prend fin l’établissement des politiques et où commence leur administration.

Honorables collègues, les sénateurs craignaient que le vérificateur s'immisce dans les politiques publiques. Le Comité des finances nationales a alors convenu que les vérifications du vérificateur général ne pouvaient pas et ne devaient pas porter sur les politiques gouvernementales.

Honorables sénateurs, le vérificateur général Macdonell a créé la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, qui était financée au moyen du budget qu'il recevait en tant que vérificateur général. Lorsqu'il a pris sa retraite, en 1980, M. Macdonell est devenu président de la fondation, fonction qu'il a occupée jusqu'à son décès, en 1983.

À l'instar de la professeure de l'Université Carleton, Sharon Sutherland, des représentants de cette fondation ont témoigné devant notre comité. Dans le livre de Bruce Doern intitulé How Ottawa Spends Your Tax Dollars, qui est paru en 1981, le chapitre 6, rédigé par Mme Sutherland s'intitule « The Office of the Auditor General of Canada : Watching the Watchdog ». Elle a écrit ceci, à la page 220 :

Au Bureau, il y a chez les défenseurs de la saine gestion des deniers publics une attitude révolutionnaire qui manque quelque peu de subtilité et qui les amène à croire qu'ils sont les seuls à être complètement indépendants du gouvernement, et qu'ils savent donc comment faire preuve d'objectivité. Ils ont trop souvent tendance à considérer comme une vérité absolue leur vision du monde, qui est pourtant tout aussi subjective et orientée par des valeurs que celle du commun des mortels, et à penser que leur travail consiste à faire en sorte que l'ensemble de la fonction publique et du gouvernement adhère aux valeurs qu'ils défendent [...]

Cette même conception du monde amène le Bureau à adopter deux approches différentes dans sa relation avec la Fondation canadienne pour la vérification intégrée, créée par M. Macdonell. D'une part, le personnel du Bureau établit les coûts de l'ensemble des biens et services fournis au siège social de la Fondation [...] D'autre part, le Bureau inclut 110 000 dollars dans son budget des dépenses de 1980-1981 et 290 000 dollars dans son budget des dépenses de 1981-1982 pour financer la Fondation [...]

Honorables sénateurs, les responsables du contrôle des finances publiques n'ont pas relevé le fait que des deniers publics étaient allés financer la fondation du vérificateur général comme s'il s'agissait d'un service public. Cette nouvelle entité de Macdonell montrait que le vérificateur avait le pouvoir de se servir de deniers publics pour financer sa nouvelle fondation. De toute évidence, le vérificateur général s'était beaucoup éloigné du concept établi en 1878 de vérificateur des comptes publics et des dépenses gouvernementales votées dans les lois de crédits et ventilées si soigneusement par vote dans les annexes. Les nouvelles vérifications exhaustives, ainsi que leurs ébats dans les politiques publiques, étaient plus faciles à effectuer que les ennuyeuses vérifications de crédits d'antan. Il s'agissait de la référence ultime : chaque crédit voté était assorti de son propre numéro et de son propre compte, le vote et son adoption figurant en annexe de la loi de crédits. Chaque compte de crédit voté faisait l'objet d'une vérification afin d'en déterminer l'objet. Aujourd'hui, les fonctions de vérification vont au-delà de la certification et de la vérification des comptes publics. Les vérifications s'ingèrent dans la politique. Lee Berthiaume parle de ce changement dans son article publié dans le numéro du 13 juin de l'Ottawa Citizen intitulé « Shining the spotlight into darker corners of state ». À la page A12, on peut lire ceci :

Il y ceux qui décrient le fait que certains vérificateurs généraux, investis d'un plus grand pouvoir et d'un plus grand rôle public, sont devenus des protagonistes politiques qui exercent même parfois d'office le rôle de chef de l'opposition. Les détracteurs affirment que cela risque d'entraîner une situation dans laquelle un fonctionnaire non élu est capable d'exercer une grande influence, voire une influence totale, sur les décisions du gouvernement élu.

L'auteur soulève un problème sur lequel le Sénat devrait se pencher de près.

Honorables sénateurs, je passe maintenant au pouvoir qu'a le vérificateur général d'obtenir des renseignements de l'entité vérifiée. Au départ, les sénateurs craignaient, à raison, que le vérificateur puisse invoquer le paragraphe 13(4) de la Loi sur le vérificateur général pour les contraindre à le faire. Le paragraphe dit ceci, et je cite :

13(4) Le vérificateur général peut interroger sous serment toute personne au sujet d'un compte soumis à sa vérification; à cette fin, il peut exercer les pouvoirs conférés aux commissaires par la partie I de la Loi sur les enquêtes.

Tout comme le reste de la loi, cet article ne s'applique pas aux sénateurs. La vérification du Sénat était complètement hors du cadre de la Loi sur le vérificateur général. Le vérificateur n'a pas le pouvoir de contraindre ou d'obliger les sénateurs à se soumettre à une vérification. De plus, l'article 18.2 de cette loi, qui figure sous la rubrique « Immunité » et qui empêche les personnes qui ont fait l'objet d'une vérification d'intenter des poursuites contre le vérificateur général, ne s'applique pas non plus aux sénateurs. Par conséquent, les sénateurs dont la réputation a été ternie, salie ou détruite par le vérificateur général peuvent intenter des poursuites judiciaires contre lui.

Honorables sénateurs, la partie la plus injuste du Rapport du vérificateur général du Canada au Sénat du Canada est l'annexe A, « Dossiers recommandés pour renvoi à d'autres autorités ». Le renvoi de dossiers à la police à des fins d'enquête criminelle n'a pas sa place dans un rapport ou dans des recommandations. Il s'agit d'un sinistre jugement prononcé contre des sénateurs, sans procédure équitable. L'annexe en question porte atteinte délibérément à d'excellents sénateurs et les condamne. Je pense notamment à la sénatrice Sharon Carstairs, qui a déjà occupé le poste de leader du gouvernement au Sénat et qui est une grande Canadienne. Son travail révolutionnaire dans le domaine des soins palliatifs ainsi que les efforts qu'elle a déployés pour tenter de libérer les parlementaires détenus partout dans le monde sont légendaires. Le fait que les dossiers de ces sénateurs ont été injustement soumis à une enquête policière, sans que ces derniers aient la chance de se faire entendre, de bénéficier d'une procédure équitable et sans égard aux principes de justice naturelle, nous dit tout ce que nous devons savoir. À la page 45 du rapport, au troisième paragraphe de la rubrique « Constatations — résidence », on peut lire ceci au sujet de la sénatrice Carstairs :

Nous avons constaté que la sénatrice avait passé des périodes prolongées à Ottawa. En conséquence, nous avons déterminé que sa résidence principale était située à Ottawa. Nous avons également constaté que lorsque la sénatrice se rendait à Winnipeg, elle louait régulièrement un véhicule, et ce, à ses frais.

(2120)

Cette affirmation n'est ni viable ni crédible. Comment peut-on tirer une conclusion avant qu'un sénateur ait été entendu au cours d'une procédure équitable? Je mets donc en doute la validité de ces conclusions. Aucune constatation n'est juste si le sénateur visé n'a pas eu la possibilité de se défendre et de répondre à des questions dans le cadre d'une procédure équitable. De plus, cette conclusion du vérificateur général n'est pas un fait. Il s'agit de son opinion personnelle à propos d'une question sur laquelle il n'a pas voix au chapitre. Ce n'est pas lui qui juge du lieu de résidence des sénateurs. Seul le Sénat peut déterminer quels sont la résidence principale et le lieu de résidence des sénateurs. Le vérificateur général n'a pas le pouvoir de se prononcer à ce sujet. La réponse digne et énergique de la sénatrice Carstairs lui ressemble bien.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Souhaitez-vous avoir cinq minutes de plus?

La sénatrice Cools : Oui, s'il vous plaît.

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cools : Comme je l'ai déjà dit, la sénatrice Carstairs est l'une des meilleures personnes qui existent au Canada. Dans la section « Commentaires de l'ancienne sénatrice » du rapport du vérificateur général, à la page 43, elle a répondu, en partie, ce qui suit :

Selon les conclusions de l'audit, Winnipeg ne serait pas le lieu de ma résidence principale. Or, tous mes documents indiquent le contraire. J'y possédais une maison jusqu'au 1er juin 2011 et une terre agricole jusqu'en 2012. Je votais au Manitoba lors des élections provinciales et fédérales. Ma carte d'assurance- maladie, mon permis de conduire, l'immatriculation de mon véhicule provenaient du Manitoba, où je tenais également mes comptes bancaires, et ce, en conformité avec les recommandations du légiste du Sénat.

Chers collègues, rappelez-vous que nous avons tous dû suivre ce processus et présenter des documents permettant de prouver l'adresse de notre résidence principale.

Honorables sénateurs, cette annexe douteuse est injuste et ne saurait être acceptée par les sénateurs. À mon avis, cette vérification et le rapport qui l'accompagne sont discutables. C'est avec tristesse que j'ai constaté que ce rapport est devenu un outil de calomnie dont se servent ceux qui cherchent à entacher la réputation des nombreuses personnes compétentes qui ont servi cette institution avec loyauté et représenté noblement la population pendant des années. Je le répète, le vérificateur général n'est pas censé acquitter ou accuser, et il n'est pas non plus censé conseiller ou corriger : il doit seulement vérifier et attester les comptes du Canada, dont ne font pas partie les comptes du Sénat.

Chers collègues, pour terminer, je dois dire que le rôle des vérificateurs généraux ainsi que les incursions qu'ils font dans les domaines de la politique et de l'opinion publique doivent faire l'objet d'une vérification approfondie. Il en va de même pour la vérification du Sénat, qui n'aurait jamais dû avoir lieu selon la Loi sur le vérificateur général.

Je remercie mes collègues de m'avoir écoutée.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, au nom de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

© Sénat du Canada

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