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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 13 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 22 avril 1997

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel est renvoyé le projet de loi C-38, Loi visant à faciliter la médiation entre les agriculteurs insolvables et leurs créanciers, modifiant la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire et abrogeant la Loi sur l'examen de l'endettement agricole; et le projet de loi C-34, Loi constituant des programmes de commercialisation des produits agricoles, abrogeant la Loi sur l'Office des produits agricoles, la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles, la Loi sur le paiement anticipé des récoltes et la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 15 h 43 pour faire l'examen de ces projets de loi.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, le sentiment semble être que nous devions étudier les projets de loi C-38 et C-34.

Des hauts fonctionnaires sont présents pour répondre à toutes les questions que pourraient avoir les membres du comité. Toutefois, je désirerais commencer par une brève observation sur le projet de loi C-38.

J'ai présidé le comité sur la sécheresse dans l'Ouest du Canada pendant les années où ce projet de loi a été présenté pour résoudre le problème des dettes, des faillites et de l'insolvabilité des agriculteurs. La météo ayant collaboré, les choses ont maintenant changé dans les Prairies. Si je comprends bien, ce projet de loi est destiné à expédier un peu les choses lorsqu'il faut étudier des cas d'insolvabilité ou procéder à des examens de situation. Il supprime également le Bureau d'examen de l'endettement agricole qui était constitué d'agriculteurs. Je me trompe peut-être à cet égard.

Y a-t-il des suggestions des membres du comité?

Le sénateur Hays: Monsieur le président, je pense que votre souvenir est très exact en ce qui concerne les origines du projet de loi. Lors du débat de deuxième lecture, nous avons eu une très bonne explication des sénateurs Taylor et Rossiter.

Des fonctionnaires sont présents pour nous préciser ce que nous aimerions savoir en ce qui concerne le projet de loi. Je pense que nous pourrions procéder immédiatement, monsieur le président.

Le sénateur Rossiter: J'ai deux points particuliers. L'un concerne les médiateurs. Il me semble que la médiation est un art que certaines personnes acquièrent. Certains peuvent être de bons médiateurs alors que d'autres ne devraient jamais essayer de faire de la médiation. Comment seront-ils choisis et quelles qualifications exigera-t-on d'eux?

L'autre point concerne le service de consultation agricole. Ce service est destiné aux agriculteurs en difficulté qui ne sont pas encore solvables et qui ne relèvent plus de l'ancienne situation, celle qui était couverte par le Bureau d'examen de l'endettement agricole. Quand ce service de consultation agricole sera-t-il en activité? Pourquoi le projet de loi n'en parle-t-il pas?

Le président: Si le comité le désire, nous pourrions appeler les fonctionnaires pour qu'ils témoignent au sujet de ce projet de loi. J'appelle donc Lois James et Diane Fillmore d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Peut-être pourront-elles répondre à nos questions.

Le sénateur Hays: Monsieur le président, avant que les témoins ne répondent aux questions du sénateur Rossiter, elles pourraient peut-être nous faire une brève introduction.

Le président: Voudriez-vous prendre la parole?

Mme Lois James, gestionnaire, Politique d'adaptation, Direction générale des politiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Monsieur le président, je n'ai pas entendu le sénateur Taylor faire sa présentation, mais je présume qu'il a donné un aperçu du projet de loi et que, par conséquent, il a expliqué ce qu'étaient les différences essentielles entre la Loi sur l'examen de l'endettement agricole et la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole.

La principale différence entre l'ancienne loi et la nouvelle, celle qui vous est soumise, c'est la rationalisation du processus. Surtout, la nouvelle loi prévoit des dispositions de médiation. C'est quelque chose qui était implicite dans la Loi sur l'examen de l'endettement agricole, même si c'était le principe sous-jacent de cette loi. Dans la nouvelle loi, on prévoit la nomination d'un tiers comme médiateur impartial.

Une autre différence importante, et je pense que le sénateur Rossiter y a fait allusion dans sa question, c'est que la nouvelle mesure législative vise les agriculteurs insolvables et non les agriculteurs en difficultés financières, contrairement à la loi actuelle. C'est un autre principe de base essentiel de la mesure législative.

Il donne la possibilité à un particulier de demander la suspension des recours pour la même durée qu'auparavant, soit 30 jours, renouvelables jusqu'à un maximum de 120 jours. À cet égard, les deux lois sont parallèles.

Le projet de loi prévoit également qu'un particulier peut retenir les services d'un expert financier ou d'un conseiller en matière financière. Agriculture et Agroalimentaire Canada paiera les services de cette personne. Il prévoit également qu'une personne indépendante peut faire un examen financier de façon à aider l'agriculteur à préparer un plan de remise sur pied.

Ce qu'il y a de nouveau dans le projet de loi c'est que l'agriculteur peut retenir les services du conseiller de son choix. S'il a un comptable qui travaille pour lui depuis quelque temps, quelqu'un qui connaît l'entreprise, il peut le prendre plutôt qu'une personne nommée par le Bureau d'examen comme c'est le cas actuellement.

La loi prévoit également un médiateur indépendant au lieu d'exiger, comme c'est actuellement le cas, que ce soit un membre du bureau et deux autres personnes formant un comité. Maintenant, le médiateur sera seul. Toutefois, lorsque la situation le justifie et que le ou les agriculteurs et les créanciers le demandent, on peut également retenir les services d'autres experts-conseils qui peuvent être des experts agricoles. Par exemple, un producteur laitier dans une zone principalement céréalière, peut retenir les services d'un autre producteur laitier ou d'un expert-conseil pour fournir des détails supplémentaires susceptibles d'aider les négociations.

L'autre aspect c'est qu'il existe dans cette nouvelle mesure un processus d'appel, quelque chose qui n'existe pas dans la loi actuelle. Cette disposition permettra à l'agriculteur ou au créancier de faire appel, pour obtenir une suspension des recours ou la fin ou l'extension de cette suspension.

Le service de consultation agricole, le programme qui sera offert, est un service gratuit accordé aux agriculteurs qui sont en difficultés financières, mais qui ne seront pas visés par la présente mesure législative. Ce service devrait entrer en activité lorsque la Loi concernant la médiation en matière d'endettement agricole sera proclamée. Les deux éléments sont complémentaires et seront administrés par les Bureaux d'examen de l'endettement agricole.

Peut-être que Mme Fillmore voudrait ajouter quelque chose, monsieur le président.

Mme Diane Fillmore, conseillère juridique, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Pas vraiment, monsieur le président. Du point de vue juridique, l'élément principal est la procédure d'appel, dont Mme James a déjà parlé.

Le président: En ce qui concerne le Bureau d'examen de l'endettement agricole, sa procédure était beaucoup plus longue. Y a-t-il une différence ici?

Mme James: Ce n'est pas nécessairement plus rapide, puisqu'il y a toujours la suspension des recours pour une période de 30 jours et que cette suspension peut être renouvelée jusqu'à un maximum de 120 jours. Mais, en vertu du processus actuel, on nomme parfois des gens qui ne le désirent pas et qui ne sont pas nécessairement de bons médiateurs.

Ce que nous aurons ici c'est un médiateur unique. Nous ferons des appels d'offres permanentes en vue d'accorder des contrats de médiation. Les personnes embauchées seront des médiateurs compétents ou des personnes que l'on formera comme médiateurs. Ils fourniront un service essentiel.

Il se peut que les médiateurs actuels ou ceux qui agissent comme médiateurs depuis un certain nombre d'années, restent si cela les intéresse. Toutefois, cette disposition permet d'en embaucher d'autres également.

Le sénateur Rossiter: Vous avez très bien répondu à ma question au sujet des compétences. Comme je l'ai dit, je pense que la médiation est un art.

Quel sera le statut du service de consultation agricole? Pourquoi ne figure-t-il pas dans la loi, tout comme les agriculteurs insolvables?

Mme James: Le mandat du gouvernement fédéral lui donne compétence en matière de faillite et d'insolvabilité. Les agriculteurs qui sont en difficultés financières ne relèvent pas de la mesure législative comme telle. Par contre, on peut leur proposer un programme et c'est ce que nous avons fait. Il n'est pas nécessaire que cela figure dans la mesure législative, puisqu'il n'y a pas de suspension des recours requise, et c'est cet aspect qui est juridique. C'est un service que l'on fournit pour aider les agriculteurs. C'est un service de consultation auquel ils pourront s'adresser et qui leur donnera accès à un expert-conseil en matière financière qui examinera leur exploitation, leurs états financiers et qui, peut-être, les dirigera vers d'autres experts financiers dont ils pourraient avoir besoin. On les aidera ainsi à préparer un plan de remise sur pied, un plan de fonctionnement sur trois ans.

Le sénateur Rossiter: Je ne pouvais pas voir de qui il allait relever, disons, je me demandais si cela allait être quelque chose d'entièrement indépendant. Donc, si je comprends bien, il va tout de même se rattacher à la Loi sur la médiation en matière d'endettement agricole, exact?

Mme James: Oui.

Le sénateur Rossiter: Le sénateur Taylor disait que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick seraient desservis par le bureau de Charlottetown à partir d'un numéro 1-800.

Le sénateur Taylor: Suis-je près de la réalité?

Le sénateur Rossiter: C'est ce que vous avez dit. Je l'ai lu. J'ai été heureuse de voir cela puisque je représente l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme James: Oui, vous êtes très près. Nous allons avoir un bureau à Charlottetown, ainsi qu'un à Moncton et un autre au Nouveau-Brunswick. Les deux provinces continueront d'être desservies par leur propre bureau.

Une partie de la raison pour laquelle le service de consultation agricole ne figure pas dans la mesure législative, c'est que nous avons constaté au cours des dernières années que pour un certain nombre d'agriculteurs, dans certaines régions, il est mal perçu de s'adresser au Bureau d'examen de l'endettement agricole. L'idée d'un service de consultation, c'est qu'il peut être plus proactif et qu'il peut aider les agriculteurs en difficultés financières avant qu'ils ne deviennent insolvables. En ne le faisant pas relever de la loi, nous espérons éviter que les agriculteurs hésitent à le consulter. On l'appellera service de consultation et les mots «dette» et «endettement» n'y seront pas directement associés.

Le président: Est-ce qu'il y aura des interactions avec les provinces?

Mme James: Je présume que vous pensez en particulier aux mesures législatives concernant l'endettement agricole qui existent dans les provinces de Saskatchewan et du Manitoba.

Le président: Oui.

Mme James: Nous avons eu des entretiens avec ces deux provinces au cours des derniers mois, afin de voir comment aligner plus étroitement leurs programmes et les nôtres. Je ne sais pas si, dans ces deux provinces, nous réussirons à n'avoir qu'un seul programme, mais nous avons eu des discussions pour essayer d'aligner les programmes.

En Saskatchewan, votre province, monsieur le président, nous travaillons en très étroite collaboration avec les fonctionnaires provinciaux. Nous partageons un certain nombre des mêmes experts-conseils financiers et un certain nombre des mêmes membres de comités. Nous nous adressons aux mêmes personnes de façon à ne pas nous faire de concurrence. Nous espérons pouvoir travailler encore plus étroitement en collaboration à l'avenir.

Le président: Je crois qu'en Saskatchewan un agriculteur qui fait l'objet d'une procédure de faillite, a le droit de louer sa terre pour une période de six ans. Est-ce que la mesure législative que nous avons ici pourra s'accorder avec cette mesure provinciale?

Mme James: En Saskatchewan, où existe ce programme de relocation à bail, il y a une mesure législative distincte prévoyant la possibilité de racheter la propriété à l'expiration du bail. Par conséquent, ce n'est pas nécessairement relié à notre mesure législative qui entre en vigueur lorsqu'une personne atteint le stade d'insolvabilité.

Lorsque cette mesure était en place, à la fin des années 80 et au début des années 90 alors que, comme vous le savez, la situation financière était assez grave, beaucoup d'agriculteurs se sont adressés aux Bureaux d'examen de l'endettement agricole. Une des concessions qu'ils ont négociées avec leurs créanciers, à cette époque, était la rétrocession à bail, par l'intermédiaire de la Société du crédit agricole ou autrement.

Le président: Merci, madame James et madame Fillmore d'être venues témoigner aujourd'hui.

Que désire faire le comité maintenant? Passons-nous au projet de loi C-34, pour revenir ensuite à ce projet de loi-ci?

Le sénateur Hays: Monsieur le président, je suppose que le comité décidera un peu plus tard si nous voulons expédier les deux projets de loi aujourd'hui. Toutefois, je pourrais dire que, si possible, nous devrions entendre les témoins au sujet du projet de loi C-34, élucider toutes questions ou inquiétudes et, si les membres du comité sont satisfaits, alors peut-être qu'à la conclusion de nos délibérations, nous pourrons décider si nous faisons un rapport ou non sur ces projets de loi?

Le président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant passer à l'étude du projet de loi C-34. Ce projet de loi concerne les avances en espèces.

J'ai reçu un certain nombre d'appels au sujet du projet de loi C-34, principalement de producteurs de maïs de l'Ontario et de sociétés céréalières, qui me disaient souhaiter que cette mesure législative soit adoptée. Je suppose qu'aucun agriculteur ne désire refuser de l'argent.

Je demande maintenant à David Cuthbertson, Bruce Riddell et Diane Fillmore de se présenter. Je voudrais vous remercier d'être ici aujourd'hui. Vous avez la parole.

M. Bruce Riddell, gestionnaire, Programme de commercialisation, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Monsieur le président, ce qu'il faut principalement savoir au sujet de cette mesure législative, c'est que d'importantes consultations ont eu lieu au cours de sa préparation. En fait, il y a eu trois rondes différentes de négociations avec plus de 160 organisations de producteurs de tout le Canada. La première ronde de négociations visait à obtenir le point de vue des producteurs et des autres intéressés sur les questions concernant les quatre mesures législatives qui sont amalgamées dans ce projet de loi, ce que leur avenir devait être et comment modifier la loi pour répondre aux besoins futurs des producteurs.

La deuxième ronde de négociations visait à soumettre aux producteurs les modifications que l'on se proposait de faire et d'obtenir leurs réactions à ces changements.

La troisième ronde de consultations portait sur le règlement qui accompagnera éventuellement cette mesure législative. Une des questions en suspens qui n'avait pas été résolue jusqu'à ce stade était de porter à 70 p. 100 l'avance versée en vertu du Programme des paiements anticipés.

En essence, le projet de loi sur les programmes de commercialisation agricole, qui amalgame quatre mesures législatives distinctes, visait à leur donner une base législative commune. Nous avions constaté que les producteurs trouvaient la situation confuse, étant donné que les quatre mesures avaient été créées à des moments différents et avec des objectifs particuliers. Vu que le gouvernement réduit ses dépenses et procède à d'autres modifications de programmes, les producteurs recherchaient de plus en plus à utiliser ces programmes comme base de certains de leurs programmes de commercialisation. L'approche législative commune permet d'éliminer un certain nombre d'inégalités et d'incohérences entre les quatre mesures législatives existantes.

Ces quatre lois étaient la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, essentiellement un programme de paiements anticipés pour les récoltes qui ne relèvent pas de la Commission canadienne du blé. La Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies qui, elle, est pour les récoltes relevant de la Commission canadienne du blé. La Loi sur la vente coopérative des produits agricoles, un programme qui garantit un prix minimum pour tous les produits vendus par l'intermédiaire de coopératives. La Loi sur l'Office des produits agricoles, une mesure législative qui permettait au gouvernement d'intervenir, principalement en cas de surplus commerciaux, lorsque le marché avait échoué, pour retirer une partie d'un produit du marché, le temps que celui-ci se stabilise, puis revendre ce produit plus tard dans ce marché ou dans un autre.

La raison essentielle de cette nouvelle mesure était de donner une base législative commune à tous ces programmes, de réduire les inégalités actuelles entre les différentes cultures et les différentes régions, de réduire les incohérences dans l'administration des programmes et de réduire les frais généraux.

Ceux qui verront le plus de changements sont les producteurs du Canada qui reçoivent des avances de la Commission canadienne du blé. Les producteurs que nous avons consultés estimaient que la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies était le modèle le mieux approprié pour un programme de paiements anticipés. Un des aspects dont on parlait beaucoup, non seulement dans l'Ouest du Canada, mais dans l'Est également, était le taux élevé de défaillances en vertu du programme de la Commission canadienne du blé.

Parmi les causes de ce taux élevé de défaillances on trouvait des choses comme le versement des avances aux détenteurs de carnets livraison plutôt qu'aux producteurs. Par suite, il n'y avait pas de lien direct avec l'exploitation agricole.

Toujours dans le domaine des défaillances, mais en vertu du Programme des paiements anticipés, les producteurs devaient payer le coût de recouvrement des impayés par les organisations de producteurs. Ce sera maintenant un élément du Programme de la Commission canadienne du blé. Les producteurs en défaut paient tous les intérêts. Une fois qu'un producteur est en défaut, il ne peut plus recevoir d'avances, tandis qu'en vertu du Programme de la Commission canadienne du blé, il pouvait. Il pouvait recevoir un carnet de livraison différent et ensuite demander une avance.

Nous avons également mis à jour la partie qui traite des infractions. Alors que nous examinions la mesure législative, nous avons constaté qu'un producteur avait 850 000 $ d'impayés, pour diverses raisons, et il nous est apparu qu'une amende de 3 000 $ dans un cas semblable n'était pas appropriée. Nous avons donc modifié la partie relative aux infractions pour que l'amende soit proportionnelle au crime, si je puis dire.

En vertu du Programme des paiements anticipés, chaque producteur qui recevait une avance payait sa part des frais d'administration de l'ensemble du programme, tandis qu'en vertu du Programme des paiements anticipés de la Commission canadienne du blé ils étaient pris sur les mises en commun. En vertu de la nouvelle mesure législative, la Commission canadienne du blé aura le pouvoir de facturer les frais d'administration aux seuls producteurs qui participent au programme.

En vertu du Programme des paiements anticipés, nous partagions les conséquences des défaillances avec les organisations. Nous payions 98 p. 100 et les organisations de producteurs, 2 p. 100. Dans le cas de la Commission canadienne du blé la garantie du gouvernement fédéral était de 100 p. 100.

En vertu du nouveau programme, la part de responsabilité à la charge des organisations, dont la Commission canadienne du blé, ira de 1 à 15 p. 100. Le pourcentage payé dépendra des antécédents en matière de défaillances. Si, traditionnellement, le taux de défaillances a été relativement élevé cela se reflétera dans le programme et deviendra leur responsabilité. Les organisations de producteurs auront donc tout intérêt à faire en sorte que le niveau de défaillances reste minimal.

En ce qui concerne les avances en cas d'urgence, en vertu de la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies, il y avait une disposition pour le grain non battu. S'il neigeait et si le grain restait dans les champs, les producteurs pouvaient obtenir une partie de la valeur à titre de paiement d'urgence et ensuite, lorsque la récolte était faite, ils pouvaient obtenir leur avance normale. La Loi sur le paiement anticipé des récoltes ne prévoyait pas cet aspect. Ce sera maintenant disponible pour tous les programmes de paiements anticipés si les conditions météorologiques ne permettent pas aux producteurs de faire leur récolte.

Lors de délibérations antérieures, on s'est inquiété des avances d'urgence, parce qu'une disposition prévoyait que les celles-ci n'étaient pas nécessairement sans frais, la décision était laissée à la discrétion du ministre. La raison de cette disposition c'est que la mesure législative avait un plafond sur le montant des intérêts qui pouvaient être payés dans une année donnée.

Nous estimions important d'avoir la possibilité d'autoriser des avances d'urgence avec ou sans intérêts, car ainsi, les années où nous approcherons de notre maximum budgétaire, nous pourrons tout de même faire des avances d'urgence aux producteurs en situation difficile, même s'ils doivent payer des intérêts. Nous estimions qu'il était préférable d'avoir une situation de ce genre plutôt que de devoir dire: «Non, nous ne pouvons pas nous permettre de programme d'avances d'urgence.»

De plus, en vertu de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, un producteur peut recevoir des avances pour les grains consommés à la ferme. Éventuellement, cette disposition sera étendue pour inclure le blé et l'orge qui relèvent de la Commission canadienne du blé.

C'est la première partie du programme.

La partie deux concerne le Programme de mise en commun des prix. En vertu de l'ancien programme, il fallait aller au Conseil du Trésor pour obtenir un décret de façon à créer de nouveaux programmes en vertu de la Loi sur la vente coopérative des produits agricoles. Cela imposait des délais irréalistes à l'implantation de ces programmes. De ce fait, la participation au programme baissait considérablement.

La présente mesure fixera un certain nombre de lignes directrices au ministère des Finances qui permettront l'administration du programme. Le ministre de l'Agriculture pourra alors conclure des ententes en vertu de chaque programme individuel, ce qui mettra les choses dans un cadre beaucoup plus semblable à celui d'une entreprise. De cette façon, nous pourrons conclure des ententes plus conformes aux besoins.

Le programme des achats gouvernementaux relevait de la Loi sur l'Office des produits agricoles. Le seul changement à cet égard concerne l'élimination du conseil d'administration, lequel avait été établi il y a un certain nombre d'années en vertu d'une politique gouvernementale. Nous maintenons les principes de base de la Loi sur l'Office des produits agricoles, mais nous éliminons le conseil.

Voilà donc en essence les changements contenus dans ce projet de loi, en ce qui concerne ces programmes.

Le président: Il semble que ce projet de loi soit nettement plus strict en ce qui concerne les défaillances. Combien d'argent reste impayé?

M. Riddell: Actuellement, la Commission canadienne du blé a environ 80 millions d'impayés. En vertu de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, il y a environ 5 millions d'impayés.

Le président: La plus grande partie concerne la région des Prairies pour la Commission canadienne du blé.

M. Riddell: De très loin, la très grande majorité des paiements anticipés sont faits dans le cadre de ce programme. Ce qui nous gênait beaucoup c'est qu'en vertu de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, les défaillances représentaient 0,5 p. 100 ou moins du montant total payé dans une année donnée.

Alors que nous procédions à l'examen de la mesure législative, la Commission canadienne du blé connaissait son maximum de difficultés avec les défaillances. Celles-ci atteignaient 11 p. 100, quelque 500 à 800 millions d'avances c'est une somme importante.

Ce que nous essayons de faire c'est de mettre les deux programmes sur le même plan. Si le niveau de défaillances pouvait être à un certain taux en vertu du Programme des paiements anticipés, il n'y a pas de raison pour que ce ne soit pas la même chose avec les autres programmes, mais pour cela il faut en modifier l'administration.

Le président: Vous avez indiqué qu'il y aurait un changement en vertu duquel il ne suffirait plus à un producteur de montrer son carnet de la Commission canadienne du blé pour recevoir une avance fonction de son nombre d'acres. Je connais bien ce système et je sais comment il fonctionne.

Quelle procédure y aura-t-il maintenant? Est-ce que les banquiers seront en cause? Est-ce qu'il faudra faire des déclarations financières détaillées à la Commission canadienne du blé?

M. Riddell: Une exploitation agricole pouvait avoir trois ou quatre carnets de livraison, pour une raison ou pour une autre. Si vous aviez assez de blé, alors vous pouviez avoir trois ou quatre paiements anticipés de 50 000 $, sans intérêts.

En vertu du nouveau programme, si votre exploitation est connue sous le nom de «Ferme des quatre vents», c'est elle qui recevra l'avance, le nombre de carnets de livraison sera sans importance. Ce que l'on prendra en considération c'est l'entité légale.

Le président: Donc, une société agricole à responsabilité limitée où il y a cinq actionnaires, obtiendrait le maximum de 250 000 $.

M. Riddell: C'est exact.

Le président: Par contre, un exploitant seul ne pourrait recevoir que 50 000 $, à moins qu'il ne fasse une demande de montant plus élevé.

M. Riddell: C'est exact. Chaque exploitation agricole obtient 50 000 $ sans intérêts si elle a suffisamment de grain et elle peut aller jusqu'à 250 000 $. Par contre, l'exploitation paie des intérêts sur le montant entre 50 000 $ et le montant fourni, lequel peut atteindre 250 000 $.

En raison de la façon dont ce programme est financé et parce que la Commission canadienne du blé ne fait que recouvrer ses coûts, le taux d'intérêt payé cette année est probablement le taux préférentiel moins trois quarts de point. C'est certainement un taux d'intérêt intéressant. Il n'y a pas de doute que pour le producteur c'est un taux plus intéressant que celui qu'il pourrait obtenir auprès d'un établissement de prêt.

Le président: Une des plaintes que nous avons entendues c'est qu'une personne pouvait se rendre à l'élévateur, obtenir une déclaration de son banquier et repartir le même jour avec l'argent. Une exploitation agricole à responsabilité limitée devait faire une demande à la Commission canadienne du blé à Winnipeg, attendre le retour de l'approbation, et cetera. C'était un peu plus compliqué. Est-ce que cette procédure a été modifiée ou est-ce qu'elle continuera inchangée?

M. Riddell: En vertu de la Loi sur le paiement anticipé des récoltes, vous ne pouvez pas obtenir un paiement en faisant la demande le matin et en faisant signer votre feuille pour encaisser l'argent le même jour. Les organisations de producteurs qui administrent le Programme des paiements anticipés font des recherches sur les privilèges éventuels ainsi que d'autres recherches et vérifications. Ils s'assurent aussi que le producteur a le grain. Une partie de la raison pour laquelle leur taux de défaillances est si bas c'est le nombre de vérifications qui sont faites par les organisations de producteurs.

Je ne devrais peut-être pas dire cela, mais je soupçonne que l'on verra le programme de la Commission canadienne du blé évoluer vers ce modèle, plutôt que les autres programmes évoluer vers le modèle de la commission.

Le président: Vous voulez dire qu'il y aura des inspecteurs qui viendront voir et diront: «Exact, vous avez 100 000 boisseaux de blé» ou toute autre quantité. Ce n'est pas ce qui se fait actuellement.

M. Riddell: Si. Actuellement nous avons un programme d'inspection. Nous considérons le rendement moyen dans certaines régions. Si des producteurs nous demandent des paiements qui se situent dans un voisinage raisonnable du rendement moyen, ils recevront leur paiement. S'ils dépassent cela, alors nous demanderons une inspection.

Au cours des années, nous avons mis sur pied un système qui est assez bon pour repérer les producteurs qui prennent des risques plus élevés que les autres. C'est la première année que nous appliquons de façon stricte la formule que l'on a pour identifier les producteurs à risque. Nous les inspectons pendant la saison. C'est la quatrième année que nous faisons des inspections sur le terrain.

La première année, les producteurs ne croyaient pas que nous enverrions quelqu'un de Winnipeg dans la région de la rivière de la Paix pour faire une inspection, mais nous l'avons fait. L'inspecteur se rendait à la ville la plus proche, appelait l'agriculteur et lui disait: «Je suis prêt à vous inspecter.» Le producteur disait: «Je ne pensais pas que vous viendriez, ce n'était pas la peine.»

Le taux de défaillances suite aux inspections était décourageant. Toutefois, l'an dernier il était descendu à environ 3 p. 100. Nous sommes donc passés d'un taux de défaillances de 45 à 50 p. 100, parfois jusqu'à 80 p. 100 dans une catégorie précise, à une moyenne de 3 p. 100.

Les producteurs sont maintenant conscients du fait que les défaillances sont inacceptables et que nous prenons des mesures appropriées pour y mettre fin. Lorsqu'un producteur est en défaut, il risque des pénalités suffisamment importantes pour être dissuasives. Il doit rembourser toute la partie sans intérêts, et cetera. En vertu de la nouvelle mesure législative, ce sera encore plus rigoureux que cela. Il faut un certain temps avant qu'un nombre aussi important de producteurs entendent parler de notre nouvelle politique et s'aperçoivent que nous sommes sérieux.

Le président: Les agriculteurs qui étaient en défaut, comment reviennent-ils à une situation normale?

M. Riddell: En vertu du nouveau programme, ils doivent rembourser le principal et tous les intérêts encourus pour cette avance, plus tous les frais de l'organisation de producteurs dépensés pour recouvrer le paiement. Une fois que les producteurs savent ce qui se produit, cela les dissuade de ne pas payer.

Le président: Leur est-il possible de rembourser puis de se refaire une cote de crédit auprès de la Commission canadienne du blé?

M. Riddell: Oui.

Si la situation échappe au contrôle du producteur, en ce sens qu'il n'a pas pu rembourser ses avances, nous avons ce que l'on appelle une suspension des recours pour le recouvrement des impayés, ce qui nous donne une certaine souplesse pour traiter avec le producteur en défaut. Une suspension des recours dit essentiellement qu'un producteur n'est pas en situation de défaut s'il rembourse d'une certaine façon.

Là où nous sommes très stricts, c'est lorsqu'un producteur a vendu son grain, a reçu l'argent, mais n'a pas remboursé son avance.

M. Dave Cuthbertson, gestionnaire, Programmes de commercialisation, Direction générale des services à l'industrie et au marché, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Monsieur le président, voici l'autre point qu'il faut mentionner à ce stade. Comme M. Riddell vient de l'expliquer, le passif de l'administrateur du programme en notre nom, monte et descend en fonction du taux de défaillances. On demandera donc à l'administrateur de fixer les procédures qu'il juge nécessaires pour maintenir l'équilibre du programme.

Par le passé, nous avions probablement plus de liberté en ce qui concerne les contrôles en place. À l'avenir, on s'attendra à ce que les organisations prennent plus de responsabilité dans la définition de leurs paramètres de fonctionnement.

En ce qui concerne la défaillance, nous avons prévu dans ce projet de loi l'option pour l'administrateur de fixer une période pendant laquelle le producteur qui a remboursé continuera à ne pas être admissible au programme. Cela s'applique au cas où, peut-être, un agriculteur est constamment en défaut à l'égard du programme.

M. Riddell: Nous avons procédé à des consultations dans l'Ouest du Canada. Les producteurs voulaient qu'un producteur en défaut une fois, pour une raison particulière, soit automatiquement exclu du programme pour une période de cinq ans après qu'il ait remboursé son avance et tous les autres montants dus. S'il devait se mettre en défaut une nouvelle fois, ils voulaient qu'il soit exclu du programme définitivement.

Nous pensons que c'est un peu trop sévère et c'est pourquoi nous avons proposé ce que M. Cuthbertson vient de mentionner, que nous pouvons mettre dans les ententes.

Le sénateur Rossiter: Qu'est qu'un carnet de livraison?

M. Riddell: Les carnets de livraison sont fournis aux producteurs par la Commission canadienne du blé. Le carnet décrit ce que vous cultivez, par exemple, 1 000 acres de blé. Comme la commission a besoin de grain, elle déclare aux producteurs que pour chaque acre de blé inscrit sur leur carnet, ils peuvent livrer trois boisseaux de blé, par exemple. Si vous avez 1 000 acres enregistrés dans votre carnet, vous pouvez livrer 3 000 boisseaux de blé à l'élévateur de votre choix. C'est ainsi que la Commission canadienne du blé prend livraison de la production pour faire ses ventes à l'exportation.

Le sénateur Rossiter: Est-ce que les agriculteurs ont un carnet de livraison pour chaque type de grain, y compris les différentes sortes de blé ou d'orge?

M. Riddell: Actuellement, le blé et l'orge sont les deux seules récoltes pour lesquelles il existe des carnets de livraison.

Le sénateur Rossiter: Si un agriculteur cultive différentes sortes de blé, est-ce que le carnet couvre tous les types?

M. Riddell: Là, vous entrez dans le système des contrats. Le carnet de livraison contient des contrats. Ces contrats précisent les qualités et les catégories. Le carnet de livraison d'un producteur décrit sa situation. Par conséquent, pour chacune des catégories et des qualités, il conclut un contrat avec la Commission canadienne du blé.

Le président: Il y a même plus que cela. Le carnet de livraison donne à la commission le monopole sur ces grains. Le producteur ne peut pas vendre son grain à qui que ce soit, à moins que ce soit pour la semence ou l'alimentation du bétail, autre que la commission. C'est contraire à la loi du pays. C'est de là que découle toute la controverse au sujet du transport du grain de l'autre côté de la frontière. C'est illégal à moins d'avoir un permis de la Commission canadienne du blé. Par conséquent, la commission a un monopole sur ces grains.

Le sénateur Taylor: Vu qu'il est impossible de vendre le grain, sauf par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé, et vu qu'il est commercialisé tel que la commission le veut, pourquoi imposons-nous des taux d'intérêt? Ce n'est pas comme une société de libre entreprise où vous possédez un produit et vous demandez une avance en espèce pour ce produit. Dans la situation actuelle, le producteur obtient une avance parce que le système de commercialisation auquel il appartient ne lui permet pas de commercialiser librement son produit.

Où est la logique d'imposer des intérêts à quelqu'un qui est contraint de conserver son produit? Il faut supposer que l'argent est nécessaire pour payer les factures, le loyer, et cetera. Ce n'est pas la même chose dans le secteur minier ou pétrolier. Si je demande une avance pour une certaine quantité de pétrole que je n'ai pas vendue, alors je dois payer des intérêts sur cet argent parce que je serai en mesure de le vendre éventuellement. Mais pourquoi devrais-je payer de l'intérêt sur une avance pour quelque chose que je ne peux pas commercialiser en raison des règlements du gouvernement?

Je sais que vous avez fait quelques compromis. Mais je voudrais bien entendre ce que vous avez à dire à ce sujet. Je pense que je connais les arguments des libéraux, mais je voudrais entendre le vôtre.

M. Riddell: La Commission canadienne du blé a été créée parce que les producteurs désiraient commercialiser leur blé ensemble. La meilleure façon d'y parvenir bien sûr était de faire en sorte que tous les producteurs commercialisent tout leur blé dans le cadre du même programme. Cela leur donnait une plus grande force. Nous n'aurions pas la même réputation dans le monde pour la qualité de notre blé si nous n'avions pas eu une situation de monopole au Canada.

Le sénateur Taylor: Je ne veux pas une justification de la Commission canadienne du blé. Je veux seulement une justification de l'imposition de taux d'intérêt, alors que le programme de commercialisation vous interdit de vendre votre blé ailleurs.

M. Riddell: Les premiers 50 000 $ sont sans intérêts.

Le sénateur Taylor: Ce n'est pas basé sur le montant de blé produit, ce sont simplement les premiers 50 000 $.

M. Riddell: C'est exact.

Le sénateur Taylor: Si vous produisez pour 50 000 $ de blé, vous avez par conséquent 100 p. 100 de votre récolte sans payer d'intérêts. Certains agriculteurs du sud de la Saskatchewan peuvent avoir 500 000 $ de blé en attente avec des frais de, peut-être, 200 000 $.

Le sénateur Hays: Personne ne vous oblige à produire du blé.

M. Riddell: Tout cela fait partie du système. L'autre point c'est que la Commission canadienne du blé permet aux producteurs de faire plus d'argent qu'ils n'en feraient par leurs propres moyens. C'est un avantage.

Le président: Est-ce que cette disposition s'applique à d'autres récoltes?

M. Riddell: Oui. Un producteur des Prairies qui cultive, par exemple du blé, de l'orge, du canola, du lin, de l'avoine, de l'orge, du miel et des pommes de terre a droit à 50 000 $ sans intérêts, jusqu'à un maximum de 250 000 $, pour chacune de ces cultures.

Le sénateur Taylor: Pourquoi avez-vous choisi un montant fixe de 50 000 $ sans intérêts plutôt que de prendre un pourcentage de la valeur de la récolte d'une personne?

M. Riddell: Il y a une limite au montant d'argent que nous pouvons dépenser en intérêts.

Le sénateur Taylor: Est-ce la véritable raison?

M. Riddell: C'est une des principales, oui.

Nous avons eu des instances de la part du secteur de l'horticulture, des producteurs de pommes de terre et des producteurs de tabac à ce sujet. Dans leur cas, deux acres peuvent les amener à la limite de 50 000 $. Leur argument était que, vu la grande valeur de leur récolte, ce devrait être plus de 50 000 $.

L'argument des producteurs de l'Ouest canadien était qu'ils ont des exploitations plus grandes et que par conséquent ils devraient avoir droit à plus de 50 000 $ sans intérêts. Les producteurs de grain de l'Ontario avaient leur propre argumentation. Tout le monde avait des arguments. Nous avons donc pris la décision de nous en tenir à un chiffre fixe de 50 000 $.

Tout le monde pense que son secteur particulier mérite un peu plus mais, en moyenne, tout le monde est heureux de ce montant de 50 000 $ sans intérêts.

Le président: Êtes-vous en train de nous dire qu'une culture qui n'était pas visée auparavant par les paiements anticipés sera maintenant visée? Par exemple, je crois savoir que le canola n'était pas couvert.

M. Riddell: Le canola était couvert par la Loi sur le paiement anticipé des récoltes. Le blé et l'orge sont couverts par la Loi sur les paiements anticipés pour le grain des Prairies. Nous avons maintenant mis tout cela ensemble. Même si c'était auparavant deux mesures législatives distinctes elles étaient liées. Si vous aviez un paiement anticipé sans intérêts de 50 000 $ versé par le Conseil des producteurs canadiens de canola et que vous demandiez un paiement anticipé pour votre blé, vous pouviez obtenir encore 50 000 $, mais pas sans intérêts. Vous étiez limités à 50 000 $ sans intérêts en tout et pour tout.

Le sénateur Rossiter: Le résumé législatif préparé par la Bibliothèque du Parlement dit que dans certains secteurs de l'agriculture, particulièrement l'horticulture, les critères applicables aux récoltes étaient très restrictifs. Le produit devait être récolté et stocké. Cependant il faut qu'il soit possible de stocker la récolte sous une forme non traitée. Le producteur doit conserver la propriété de récolte et être responsable de sa commercialisation.

Quels autres produits sont couverts par ces dispositions? Vous avez mentionné différentes sortes de grains ainsi que les pommes de terre.

M. Riddell: Toute culture agricole qui peut être stockée dans son état naturel est couverte.

Nous avons eu quelques difficultés entre le Programme des paiements anticipés et le Programme de mise en commun des prix. Certaines denrées ou certaines structures de commercialisation relevaient de la structure de mise en commun, mais le Programme des paiements anticipés était sans intérêt. En jouant un peu sur les mots et en étirant le sens de certains articles on a tout fait relever du Programme des paiements anticipés.

Au moment de la révision de la mesure législative, nous voulions établir une démarcation claire entre le Programme des paiements anticipés, conçu pour les producteurs qui sont propriétaires de leur récolte et qui la commercialisent eux-mêmes, et le Programme de mise en commun des prix. Un exemple de cela est le maïs qui est conservé dans des silos à la ferme même. Lorsque vous voulez le vendre, c'est votre affaire.

Pour ces producteurs, qui voulaient profiter de la mise en commun de leurs denrées, en embauchant une personne pour commercialiser en leur nom, de façon à réaliser des économies d'échelle, ils obtenaient les avantages de ce système particulier de commercialisation. Les avances n'étaient pas sans intérêts, mais nous leur garantissions un prix minimum en vertu de la mise en commun.

Agriculture Canada fait la promotion de la commercialisation en commun dans le secteur de l'horticulture, parce que dans ce secteur les exploitations ont tendance à être plus petites et la récolte exige beaucoup de traitement, de conditionnement et de catégorisation. La saison de commercialisation est également courte. Par conséquent nous les encourageons à mettre en commun. Toutefois, lors de la modification de la mesure législative, nous les avions exclus du Programme des paiements anticipés. Inutile de dire qu'ils nous l'ont fait savoir. Et nous avons fait des aménagements pour ces producteurs.

Nous ne voulions pas nous mêler du traitement. Nous ne voulions pas que les paiements anticipés s'appliquent aux pois congelés et au maïs congelé. Toutefois, les producteurs qui stockent des oignons ou des carottes ensemble, parce que ce sont des cultures coûteuses et sophistiquées, auront le droit de continuer à profiter du Programme des paiements anticipés.

Le sénateur Taylor: Est-ce que les betteraves à sucre sont couvertes?

M. Riddell: Elles devraient oui.

Le sénateur Taylor: Et le foin ou le fourrage?

M. Riddell: Oui. Vous pouvez administrer un programme pour les betteraves à sucre. Le foin serait un peu plus difficile.

Le sénateur Taylor: Je parle de l'admissibilité aux paiements anticipés.

M. Riddell: Oui.

Le sénateur Taylor: Que voulez-vous dire lorsque vous dites que le foin serait un peu plus difficile? Est-ce que cela n'existe pas pour le foin?

M. Riddell: Par le passé nous avons eu certains programmes de paiements anticipés pour le foin. Dans un cas, il s'agissait de foin à haute teneur en humidité que l'on mettait dans des sacs en plastique pour le vendre à des éleveurs de chevaux dans la région de Toronto et en Floride. C'était un foin de très haute qualité pour un marché spécialisé.

Les producteurs ont essayé de bénéficier du Programme des paiements anticipés pour des types de foin plus traditionnels, mais il était très difficile de suivre le produit. Par conséquent il est sorti du système assez rapidement. Après avoir essayé de faire fonctionner le système pendant un an ou deux on a décidé de ne pas le poursuivre.

Le sénateur Taylor: C'est regrettable. Dans le nord de l'Alberta nous aimons à penser que nous pouvons conserver notre foin jusqu'à ce que les gens du sud en aient désespérément besoin, au printemps. Nous pouvons le sécher et ensuite le vendre à des prix beaucoup plus élevés. Maintenant, il va nous falloir le vendre tout de suite.

M. Riddell: Il est regrettable que vous n'ayez pas pu amener une partie de ce foin dans la vallée de l'Outaouais cette année. Il y avait une pénurie. Vous auriez probablement payé le transport, parce que le foin était cher.

Le sénateur Hays: Je pense que les gens du nord de l'Alberta ont assez bien réussi cette année, sénateur.

Je ne sais pas si le président a déjà demandé si le bétail était couvert par le système des paiements anticipés. Y avez-vous pensé? Et si non pourquoi pas?

M. Riddell: Non, le bétail n'est pas couvert par le Programme des paiements anticipés. Toutefois, dans certaines situations nous pourrions l'inclure en vertu du Programme de mise en commun des prix. Nous avons eu de nombreuses discussions au cours des années avec la Canadian Cattlemen's Association et d'autres.

Le problème c'est que, tout d'abord, ce serait une addition extrêmement coûteuse au programme. Par contre, on peut obtenir une avance sans intérêts pour les grains de provende. L'argument c'est que les producteurs qui font pousser des grains peuvent les commercialiser lorsqu'ils vendent leur bétail ou par un système de commercialisation plus traditionnel. Par exemple, ils peuvent récolter leur maïs ou leur blé à l'automne, le vendre, puis le racheter plus tard s'ils constatent que le marché est favorable à une telle transaction. Autrement dit, ils pourraient perturber le marché. Par conséquent ils devraient avoir droit à une avance en vertu du Programme des paiements anticipés.

Le sénateur Hays: Je suppose que c'est seulement pour les agriculteurs qui cultivent leurs propres grains, pas ceux qui achètent des provendes pour répondre à leurs besoins. Les producteurs qui ont accès à ces programmes et reçoivent une avance sans intérêts ont un certain avantage, que ce soit un producteur de pommes de terre, comme ceux que mentionnait le sénateur Rossiter, ou un producteur d'une autre denrée visée. Ceux qui font pousser de l'herbe et qui achètent tous leurs grains de provende, n'ont pas cet avantage. Il y a peut-être une bonne réponse à ça, je n'en sais rien. Je vous soumets la question.

En tant qu'éleveur, je n'ai pas la possibilité d'obtenir 50 000 $ sans intérêt pour la période entre la création de quelque chose que je puisse vendre -- comme des porcs, des veaux ou des agneaux -- et le moment où je le commercialise et rembourse l'avance obtenue à partir du produit de la vente. Le producteur de bétail n'a pas les mêmes avantages que le producteur de céréales.

M. Riddell: Lorsqu'un producteur achète du bétail à engraisser, il est en production, il n'est pas en période de commercialisation. C'est la situation de l'agriculteur qui sème, engraisse et traite. Si l'éleveur devait conserver son bétail engraissé à l'étable ou le stocker quelque part, alors il serait admissible au paiement. Il aurait alors une denrée commercialisable, mais temporairement soustraite au marché, en attendant que le marché évolue et qu'il décide que c'est le moment approprié pour vendre.

Si nous donnions aux producteurs de bétail une avance au moment où ils achètent leurs animaux, alors nous devrions donner aux producteurs de céréales une avance au moment où ils sèment. C'est une des questions qui ont été soulevées pendant nos consultations. Les producteurs étaient opposés au programme d'avances printanières, ce qui est surprenant puisqu'ils avaient tout à gagner de cela. Je pense qu'ils étaient unanimes, à l'exception d'un ou deux, à ne pas vouloir de programme d'avances printanières.

Le sénateur Hays: Si les producteurs n'en veulent pas, il est certain que nous devons les écouter.

Sur ce point, la commercialisation d'une personne peut être la production d'une autre. Les veaux, les agneaux, les porcelets et autres existent et peuvent être commercialisés à ce stade ou plus tard. Je peux imaginer des façons de dire que c'est de la commercialisation et non de la production, particulièrement pour ceux qui sont intégrés. C'est un peu plus difficile pour quelqu'un qui est un acheteur de bétail au stade pré-commercialisation, lorsque le produit est fini.

M. Riddell: L'analogie c'est que si vous cultivez de l'orge, vous pouvez vendre la récolte sur pied. Vous pouvez aussi vendre du jeune bétail pour l'engraissement. On parle là de la production par opposition à la commercialisation.

Le sénateur Hays: Cela me rappelle la différence entre la spéculation et l'investissement. La spéculation c'est quand vous perdez de l'argent, l'investissement lorsque vous en faites.

Le président: En ce qui concerne le point du sénateur Hays, pendant les années de sécheresse, nous avons rencontré un certain nombre d'agriculteurs dont toute la terre était en pâturage. Je me souviens en particulier d'un agriculteur de Halbrite, en Saskatchewan, qui avait mis toutes ses terres céréalières en pâture. Il n'a pas reçu un sou de dédommagement. J'estime que c'était une sérieuse lacune du système. Il aurait dû recevoir quelque chose. Il avait dit alors: «J'ai fait tout ce qu'il fallait, j'ai même enlevé de la production des terres marginales. J'essaie d'élever du bétail. Il n'y a pas de foin sur mes terres, c'est la sécheresse et je ne peux pas avoir d'aide.» Les producteurs de grain reçoivent une aide en fonction de leur superficie. On peut certainement défendre l'extension au pâturage.

Le problème c'est comment traiter l'énorme superficie qui pourrait être considérée comme des prairies brutes, pour lesquelles certains pourraient réclamer des millions de dollars? Il n'y avait pas de réponse à cette question. Je suppose que vous connaissez mieux cela que n'importe qui d'autre.

M. Riddell: L'autre argument des producteurs de bétail c'est que du fait que les producteurs de grain reçoivent des avances pour leur orge, ils le soustraient au marché et attendent que les prix montent. Naturellement, c'est un inconvénient pour les éleveurs qui aimeraient bien acheter lorsque le marché est au plus bas, au lieu d'acheter lorsqu'il est au plus haut. De ce point de vue, le programme des paiements anticipés est presque contre-productif pour les éleveurs.

Le sénateur Anderson: Vous parliez d'un programme de paiements anticipés, mais vous avez également mentionné un programme de mise en commun des prix. Le dernier est le programme d'achats gouvernementaux, qui est similaire à la Loi sur l'Office des produits agricoles. Ce programme est censé permettre l'achat et la vente de denrées agricoles lorsque les marchés sont instables, de façon à stabiliser les conditions du marché intérieur et à permettre la vente de denrées agricoles aux gouvernements étrangers. Est-il exact que le projet de loi supprimerait le rôle de stabilisateur de l'Office des produits agricoles et le donnerait au ministre fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire?

M. Riddell: C'est exact.

Le sénateur Anderson: Pourquoi cela?

M. Riddell: La politique du gouvernement était d'éliminer tous les conseils dont les membres étaient nommés par le gouvernement. Cette modification a été apportée conformément à cette directive politique.

Le sénateur Anderson: Il n'y aura donc plus d'offices agricoles?

M. Riddell: Non, pas en vertu de cette mesure législative. D'ailleurs cela n'a jamais vraiment été un office, c'était plus un véhicule administratif. En ce qui concerne l'élimination des surplus du marché, l'avantage c'était la possibilité d'intervenir très rapidement en cas de défaillance du marché, si tout allait mal. Nous pouvions acheter la quantité nécessaire. Par exemple, en matière de production agricole, une augmentation de production de 5 p. 100 peut complètement détruire le marché.

Ce que nous essayions de faire, c'était de racheter ces 5 p. 100, de les retirer du marché, de le stocker quelque part et de laisser le marché évoluer. Cela dans l'espoir que l'année suivante ou l'année d'après il y aurait un manque de production de 5 p. 100 et nous pourrions nous débarrasser des stocks. L'autre possibilité c'était de sortir le produit du marché et de le confier à un programme de l'ACDI, pour distribution à des populations affamées.

Le sénateur Anderson: Vous pouvez faire cela avec le grain, mais pas avec les pommes de terre.

M. Riddell: C'est exact. En fait, au cours des 10 dernières années, nous nous sommes contentés de détruire les pommes de terre excédentaires. Nous les avons enterrées. Je me souviens avoir appelé des banques alimentaires à Montréal et à Toronto pour essayer de trouver quelqu'un qui les prenne, mais le coût de transport des pommes de terre rendait le programme extrêmement coûteux. La solution la plus économique était de creuser une fosse et de les enterrer, alors qu'il y avait des gens qui avaient faim à Montréal et à Toronto.

Le président: Je voudrais remercier les fonctionnaires qui sont venus nous voir, nous avons eu aujourd'hui une discussion franche et animée.

Le sénateur Taylor: Je propose que nous nous dispensions d'une étude article par article du projet de loi C-38.

Le président: Est-ce d'accord honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Taylor: Je propose que nous passions à l'étude du projet de loi C-34, monsieur le président.

Le président: Est-ce d'accord honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Le sénateur Hays: Je propose que nous nous dispensions de l'étude article par article en ce qui concerne le projet de loi C-34.

Le président: Est-ce d'accord honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Je propose que nous fassions rapport au Sénat sur le projet de loi C-34 sans proposition d'amendement.

Le président: Est-ce d'accord honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

La séance est levée.


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