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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 22 - Témoignages du 6 mars


HALIFAX (Nouvelle-Écosse), le jeudi 6 mars 1997

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 13 heures pour étudier le projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Comme vous le savez, nous continuons nos audiences sur le projet de loi C-70, projet de loi qui, pour l'essentiel, permet l'application de la taxe de vente harmonisée, ou TVH.

Notre premier témoin d'aujourd'hui est l'honorable William Gillis, ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse et député du comté d'Antigonish depuis le 13 octobre 1970. Je me souviens avoir participé très activement à la campagne du ministre il y a 27 ans.

Il est accompagné de Robert Moody, sous-ministre, et de Bruce Hennebury, directeur de la Division de la politique financière.

M. William Gillis, ministre des Finances, gouvernement de la Nouvelle-Écosse: Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, bonjour. Permettez-moi de souhaiter la bienvenue dans notre province aux membres du comité des banques du Sénat. Je remercie le comité de me donner cette occasion de présenter le point de vue du gouvernement de la Nouvelle-Écosse sur le régime d'harmonisation des taxes de vente.

Monsieur le président, la Nouvelle-Écosse avait une bonne raison d'emboîter le pas au mouvement de l'harmonisation. Nous avons été de chauds partisans du plan visant à créer un régime fiscal unique, simple et équitable. Nous continuons d'appuyer ce plan. Pour dire les choses simplement, l'harmonisation est une bonne chose pour la Nouvelle-Écosse.

L'harmonisation est un élément de la nouvelle orientation adoptée à l'égard de l'économie de notre province. La TVH est un élément essentiel du train de mesures fiscales présentées le printemps dernier par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Ce plan permettra aux Néo-Écossais de profiter de leurs impôts. Le plan aidera également les personnes à faible revenu de notre province. Ce plan établira une solide assise financière.

Comme le comité le sait peut-être, notre gouvernement a pris des décisions difficiles. Nous pensons que les Néo-Écossais doivent avoir le contrôle de leur avenir financier. Nous avons décidé de mettre fin au déficit dans notre province. En avril 1996, mon prédécesseur, l'honorable Bernie Boudreau, a déposé un budget équilibré. C'était la première fois qu'un tel budget était présenté depuis 25 ans. À la fin du mois, nous aurons atteint cet objectif.

Nous voulons bâtir notre économie et la TVH est l'un des éléments clés qui nous permettra d'atteindre ce but. Nous avons déjà mis au point un régime fiscal adapté aux besoins de la Nouvelle-Écosse. Les citoyens de notre province verront leur impôt diminuer. Cette année, pour la première fois dans l'histoire de notre province, le gouvernement réduit le taux d'imposition des particuliers. À partir de juillet, chaque Néo-Écossais verra son impôt provincial allégé de 3,4 p. 100. Nous croyons que le régime fiscal devrait favoriser le citoyen moyen, les familles et les gens qui travaillent à améliorer leur sort.

J'ai discuté de la taxe de vente harmonisée avec bien des gens. Mais on ne parle pas beaucoup de ce grand avantage. En réduisant l'impôt des particuliers, le gouvernement rend aux Néo-Écossais 32 millions de dollars. Certains l'oublient. Mais nous avons toujours visé à mettre en place un régime fiscal qui profite à tous nos citoyens.

Nous avons également doublé les sommes destinées aux personnes à faible revenu qui travaillent avec acharnement pour joindre les deux bouts. Il y a deux ans, nous avons mis sur pied un programme de réduction des impôts de 12 millions de dollars à l'intention des personnes à faible revenu. Dans le budget d'avril 1996, nous avons accru cette réduction de 12 p. 100. Il s'agit d'un programme de 24 millions de dollars destiné aux Néo-Écossais à faible revenu. Ces gens sont surtout des personnes âgées qui gagnent moins de 15 000 $ par année et dont les revenus sont fixes. Grâce au nouveau régime, certaines de ces personnes ne paieront plus d'impôt provincial et nombreux sont ceux qui en paieront moins. Le gouvernement a augmenté les économies ainsi réalisées de 200 $ à 300 $ par personne. Selon nos calculs, environ 18 000 personnes âgées profiteront de ce programme.

De plus, huit millions de dollars sont réservés aux Néo-Écossais à faible revenu dans le cadre du Programme d'aide directe. Ce programme est conçu pour les personnes à faible revenu qui, pour une raison quelconque, ne peuvent se prévaloir des autres allégements fiscaux. Nous croyons que ce programme profitera à environ 77 000 Néo-Écossais. De ce nombre, environ 20 000 sont des personnes âgées qui recevront soit 90 $ par personne, soit 125 $ par famille.

Nous conservons également notre programme d'aide aux personnes handicapées. Nous savons que tous les citoyens veulent contribuer pleinement à la société. Nous avons réservé 215 000 $ pour aider les personnes qui doivent apporter des adaptations à leur véhicule ou qui ont besoin d'un ordinateur pour communiquer. En outre, nous paierons la part imputable à la province des changements fiscaux annoncés dans le récent budget fédéral.

Nous avons également mis en place des remboursements spéciaux afin d'aider le secteur du logement, les services de pompiers et l'industrie du tourisme. Nous essayons de mettre sur pied des mécanismes de compensation pour aider les municipalités.

Enfin, nous avons un impôt sur le capital, dont le taux est parmi les plus faibles au Canada. Ce nouvel impôt nous permettra de recueillir environ 40 millions de dollars par année. Cette somme supplémentaire aidera à payer les frais de nos réductions fiscales et ceux des remboursements consentis aux différents secteurs.

Nous avons conçu tout un train de modifications fiscales dont la TVH n'est qu'un des éléments. Ces modifications visent à aider davantage les travailleurs pauvres, à récompenser tous les Néo-Écossais, à stimuler les petites et moyennes entreprises, tout en veillant à ce que les grandes sociétés continuent à payer leur part.

L'harmonisation est une bonne chose pour la Nouvelle-Écosse. Nous ferons fonctionner cette économie; nous avons toute la force et la tradition nécessaires pour cela. L'harmonisation n'est qu'une arme de plus à notre arsenal, un outil de plus à notre panoplie. Mais comme les membres du comité le savent, notre avenir dépend de l'exportation. Notre province a toujours été une région commerçante qui vent des produits partout dans le monde. Nous voulons maintenant reconquérir cette partie de notre histoire et lui redonner son élan. Durant les quatre dernières années, nos exportations se sont accrues de 35 p. 100. Grâce à la TVH, ce chiffre augmentera encore. Pour nous, ce n'est qu'un début.

L'harmonisation donnera un nouveau souffle à nos secteurs stratégiques, dont ceux de la haute technologie et de la technologie de l'information. Grâce à la TVH, il sera plus profitable de mettre sur pied une société d'informatique ou de logiciels ici en Nouvelle-Écosse que dans les autres régions non harmonisées du Canada. C'est du moins ce que disent des sociétés comme Newbridge, Mentor and Keane.

Grâce à la TVH, il est plus profitable pour les entreprises de prendre de l'expansion dans notre province ou pour de nouvelles entreprises de s'y établir. La Nouvelle-Écosse est en train de devenir LA province du commerce. La TVH n'est peut-être pas la seule raison d'investir en Nouvelle-Écosse, mais c'est un avantage qui fait pencher la balance en notre faveur.

L'une de nos usines de papier, à Port Hawkesbury, est en pleine expansion. Nos entreprises du secteur des services augmentent cette année leurs investissements d'équipement de 45 p. 100. Notre secteur des télécommunications investit 10 p. 100 de plus cette année. De toute évidence, notre province est un bon endroit où investir. Pour ce qui est du taux de croissance des investissements faits par les entreprises cette année -- et c'est un point important --, on estime, d'après des données publiées récemment par Statistique Canada, que nos investissements de capitaux ont un taux de croissance de plus de 18 p. 100, ce qui, en pourcentage, est supérieur à toutes les autres provinces du Canada. Je trouve que c'est important. En outre, grâce à la TVH, chacun de ces investissements devient plus pratique et plus économique. La TVH améliorera notre situation et garantira l'avenir de notre économie moderne.

Nous savons que pour attirer de nouveaux investissements, il faut que les coûts d'affaires soient le plus bas possible. Grâce à l'harmonisation, le produit intérieur brut de la Nouvelle-Écosse devrait s'accroître d'au moins 0,8 p. 100. Si vous vous demandez pourquoi les trois gouvernements des provinces atlantiques ont entrepris la tâche souvent ingrate de réformer leur régime fiscal, voilà la réponse. Si nous le faisons, c'est qu'à long terme, c'est la bonne solution.

L'harmonisation permet de réduire le fardeau fiscal de la Nouvelle-Écosse. Elle ne représente pas une augmentation des impôts, mais plutôt un allégement fiscal. Cela signifie qu'environ 100 millions de dollars chaque année ne seront plus perçus. L'harmonisation est une bonne chose pour l'économie. En réduisant le fardeau fiscal, on réduit les coûts d'affaires et on rend l'économie plus concurrentielle. Grâce à un fardeau fiscal allégé, plus d'entreprises pourront prendre de l'expansion et embaucher des employés. Rendre le fardeau fiscal moins lourd permet de créer des emplois. C'est aussi simple que cela.

Monsieur le président, nous n'avons pas non plus oublié les consommateurs. Cette taxe réduira grandement les coûts d'exploitation de milliers de sociétés de la Nouvelle-Écosse. Elles n'auront plus à payer la taxe de vente provinciale de 11 p. 100. Prenez le cas d'un nouveau restaurant qui veut s'établir dans une ville comme celle où j'habite, Antigonish. Ce restaurant pourra maintenant économiser des milliers de dollars en taxes lorsqu'on construira la cuisine, qu'on installera l'équipement et qu'on achètera les assiettes, les verres, les couverts, les tables, et tout le reste. Ce restaurant économisera. Il pourra vendre ses repas moins cher. Et qui en profitera? Le consommateur.

D'autres sont aussi d'accord avec nous. Parmi ceux-là, il y a le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, le CEPA. Vous avez d'ailleurs entendu le CEPA au Nouveau-Brunswick. Le conseil dit que ces changements seront une chose très positive pour les entreprises et les consommateurs. La Chambre de commerce de la région métropolitaine d'Halifax et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante s'entendent pour dire que l'harmonisation est plus simple et plus équitable. Ces gens-là travaillent dans le secteur privé, où la concurrence est une chose bien concrète.

Nous croyons que la concurrence est bonne pour les entreprises de la Nouvelle-Écosse, que ce soit pour un exploitant de Café-couette du Cap-Breton qui essaye de l'emporter sur une auberge du Maine ou que ce soit pour une scierie d'Enfield qui fait face à une scierie du Québec. C'est une question de concurrence. Il faut donner à nos entreprises la possibilité d'exercer cette concurrence en évitant de leur imposer des règles fiscales qui leur nuisent.

Depuis six à huit mois, la question du prix taxes comprises fait l'objet de bien des discussions. Toutefois, les sondages de l'opinion publique montrent constamment que les consommateurs veulent voir la taxe incluse dans le prix. Même si nous avons adopté une démarche souple à cet égard, nous ne perdons pas de vue que l'inclusion de la taxe dans le prix est profitable pour les Néo-Écossais et pour les gens qui viennent visiter notre province. Ces prix sont plus simples et plus équitables pour tous les consommateurs. C'est ce que dit également l'Association canadienne des consommateurs.

Plus tard aujourd'hui et demain vous entendrez des entreprises et des organismes qui se diront favorables à l'inclusion de la taxe dans les prix. D'autres entreprises vous diront sans doute qu'elles s'y opposent. Dans l'ensemble, nous croyons que c'est une bonne chose parce que les consommateurs le souhaitent. Comme le dit le vieil adage, «le client a toujours raison». Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a toujours été un chef de file pour ce qui est d'inclure la taxe dans le prix. Pour nous, c'est une partie intégrante de l'harmonisation. Les prix taxes comprises sont un élément fondamental de ce nouveau régime fiscal simplifié.

Avant de conclure, laissez-moi vous dire que les Néo-Écossais sont des gens fiers. Nous voulons revenir à un mode de vie fondé sur l'autonomie, une attitude positive et la libre entreprise. Nous croyons que c'est possible. L'harmonisation de la taxe de vente fait partie de notre plan.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions pendant le reste du temps qui nous est alloué.

Le sénateur Angus: Monsieur le ministre, mes collègues de mon parti et moi-même, ainsi que mes autres collègues j'en suis sûr, sommes très heureux de venir en Nouvelle-Écosse. Nous avons eu toute une semaine d'audiences, pas seulement dans votre province, mais aussi dans les autres provinces de l'Atlantique, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve.

Vous savez sans doute également que nous, les sénateurs conservateurs, avons insisté pour que ces audiences aient lieu dans votre coin du pays, même si cela ne signifie pas que nous nous opposons à l'idée de votre réforme fiscale ou à celle d'une taxe de vente nationale harmonisée. Ce à quoi nous nous opposons, c'est plutôt à la mise en oeuvre maladroite du processus, comme on peut le constater non seulement dans l'application des prix taxes comprises, mais aussi dans la rapidité avec laquelle ces mesures sont imposées à votre population. Une foule de citoyens des provinces de l'Atlantique nous ont demandé de porter ce fait à votre attention. Nous ne nous opposons pas au principe de l'harmonisation, mais plutôt à l'inclusion de la taxe dans les prix et à tout le processus de mise en oeuvre.

Le sénateur Comeau: Monsieur le ministre, ma question porte sur l'inclusion de la taxe dans le prix. Depuis deux ou trois jours, à peu près tous les groupes qui ont comparu devant nous se sont opposés énergiquement à l'inclusion de la taxe dans le prix. Les deux seules personnes qui aient fait des observations positives à ce sujet étaient un avocat et un représentant de fabricants. Ni un ni l'autre n'étaient des détaillants. Ils étaient des exportateurs. J'ai donc hâte d'entendre le groupe d'entreprises qui, d'après vous, se diront en faveur de l'inclusion de la taxe dans le prix, et j'ai surtout hâte de voir si certaines d'entre elles sont des détaillants. D'une façon générale, les détaillants n'ont pas jusqu'à présent été favorables à cette mesure; au contraire, ils s'y opposent carrément.

Le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, M. Blanchard, a dit n'avoir aucune préférence quant à l'inclusion de la taxe dans le prix. Pour lui, ce n'est pas une préoccupation. À Ottawa, le ministre des Finances nous a dit que ce sont les provinces qui ont réclamé l'inclusion de la taxe dans le prix. M. Dicks, ministre des Finances de Terre-Neuve, a dit qu'il se fichait pas mal que la taxe soit incluse ou non dans le prix.

En fin de compte, monsieur, c'est la province de la Nouvelle-Écosse qui tient à ce que la taxe soit incluse. Outre les sondages d'opinion publique, dont tous semblent dire qu'ils sont à la base de cette question -- et c'est une curieuse façon de conduire les affaires publiques que de se fonder sur les sondages d'opinion --, pourriez-vous nous fournir une bonne raison pour laquelle il faudrait inclure la taxe dans le prix?

M. Gillis: À mon avis, la meilleure raison d'inclure la taxe dans le prix, c'est que de cette façon, le consommateur paye le montant qu'il voit. Il peut aller dans une boutique, prendre un article à 9,99 $, se rendre à la caisse, donner un billet de 10 $ et recevoir en retour 1 c., il paye le prix qu'il voit. Vous demandez si la mesure se fonde sur les sondages d'opinion publique? Pas du tout. Il faut se rendre compte de ce que veulent les consommateurs. L'Association des consommateurs du Canada nous a dit, lorsque l'on a fait les sondages d'opinion publique, que de toute évidence les consommateurs veulent connaître les prix.

Voilà ce que disent les gens, et je ne crois pas qu'il faille nier la valeur des sondages d'opinion publique parce que nous travaillons tous en politique d'une façon ou d'une autre et qu'un grand nombre d'entre nous ont été associés à des sondages de ce genre d'une façon ou d'une autre. Voilà ce que disent les consommateurs: on paye le prix que l'on voit. Je ne crois pas qu'il y ait d'injustice dans cela.

Le sénateur Comeau: Je crois savoir que la Nouvelle-Écosse est le dernier bastion de l'inclusion de la taxe dans le prix et que c'est à cette province de décider maintenant de cette mesure, puisque les autres partenaires à cet accord sont prêts à revenir sur leur position.

M. Gillis: Je ne puis parler ni au nom des deux autres provinces, ni au nom du gouvernement du Canada. Ce serait tout à fait déraisonnable. J'ai énoncé clairement notre position. Paul Martin a le droit d'exprimer son opinion, et vous ne voudriez certes pas qu'un simple ministre des Finances d'une province de l'Est exprime son opinion à sa place. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse savent quelle est leur position, et je suis certain qu'ils vous en ont fait part, tout comme M. Martin.

Le président: M. Martin n'a pas encore témoigné devant le comité. Nous l'entendrons lundi matin, et je suis certain que mes collègues du comité lui poseront la question.

Le sénateur Angus: Pour ce qui est de cette question du prix taxes comprises, nous avons reçu de très nombreux témoignages, surtout de détaillants et de personnes qui travaillent dans des entreprises nationales. Certains envisagent même de cesser de faire affaire en Nouvelle-Écosse s'ils doivent payer des coûts qui, d'après ce qu'ils nous disent, dépassent les avantages découlant de l'harmonisation de la taxe.

N'est-il pas exact que cette mesure d'inclusion de la taxe dans le prix pourrait facilement être retirée de ce projet de loi? Autrement dit, vous pourriez profiter de tous les avantages de la taxe de vente harmonisée, laisser tomber l'inclusion de la taxe dans le prix, sans nuire ou retarder de quelque façon que ce soit les avantages qui découlent du projet de loi.

M. Gillis: Nous croyons que les consommateurs doivent participer à ce train de mesures, car ils sont importants pour nous. N'oublions pas tous les changements qui ont été apportés depuis le début de cette proposition fiscale. Ne croyez pas que je sois obstiné, mais dans le projet initial, il ne s'agissait que d'inclure la taxe dans le prix. Tous les articles devaient porter une étiquette indiquant que la taxe était incluse dans le prix.

Après avoir rencontré à diverses reprises M. Martin, M. Dixon et M. Blanchard, nous avons élaboré un régime bien plus souple qui permet de réduire grandement le coût de l'inclusion de la taxe dans le prix. Il est possible d'appliquer un double régime à l'égard des prix. On peut avoir un prix de rayon, ce qui est très semblable à ce que l'on trouve aujourd'hui dans les magasins, par exemple chez Canadian Tire. Très peu d'articles portent une étiquette de prix. Les articles sont sur des tablettes ou accrochés à une tige et le prix se trouve sur ce support.

Il y a aussi le prix affiché, comme c'est le cas par exemple des cartes de souhaits et des magazines, pour éviter d'avoir à réétiqueter des centaines et des milliers de cartes et de magazines, ou d'autres articles, qui se vendent très rapidement. Le régime est donc très souple. Les premières estimations des coûts ont grandement diminué, même si certains citent des chiffres très élevés.

Je crois néanmoins que nous avons trouvé une solution pratique. Nous croyons tout comme vous que l'harmonisation offre des avantages, surtout pour ce qui est de créer des emplois, spécialement pour les jeunes de la Nouvelle-Écosse dont un trop grand nombre sont au chômage. Nous pensons que nous pouvons également protéger les consommateurs.

Le sénateur Angus: Mais si cet élément était abandonné, il me semble que tous ces avantages pourraient entrer en vigueur le 1er avril, comme nous le souhaitons tous ardemment, et que ce terrible problème pourrait être repris plus tard, une fois le reste rodé. Cette façon de procéder correspondrait à ce que vous avez dit, c'est-à-dire que vous avez travaillé avec ardeur et surmonté bien des problèmes. Il faut vous féliciter, à mon avis, de toute la souplesse dont vous avez fait preuve. Mais nous croyons toutefois que ce n'est pas assez et qu'il serait peut-être plus logique de laisser tomber pour l'instant la mesure portant sur l'inclusion de la taxe dans le prix.

M. Gillis: Il ne faut jamais répondre aux questions hypothétiques, et il reste à voir encore ce que fera votre comité. Le projet de loi comprend la mesure sur l'inclusion de la taxe dans le prix. Je ne vais pas envisager ce qui, de façon hypothétique, devrait être.

Nous croyons qu'il est important que les gens connaissent le prix qu'ils paient. Les changements proposés n'auront que très peu d'effet sur les tiroirs-caisses. À l'origine, on pensait que bien des tiroirs-caisses et des ordinateurs devraient être remplacés. Ce n'est plus le cas. Les coûts de la mesure ont grandement diminué. Nous croyons qu'elle est réalisable. C'est aussi l'avis des gens qui vendent au détail. Les consommateurs souhaitent qu'elle soit adoptée. Nous ne sommes pas prêts à y renoncer. Il faudra en définitive régler ce problème, mais seulement une fois le moment venu.

Le sénateur Angus: J'accepte votre réponse. Mais permettez-moi de vous dire, monsieur, que ce n'est pas une question hypothétique et qu'on peut y répondre par l'affirmative, puisque la mesure pourrait être retirée du projet de loi. Si cette mesure n'est pas retirée, le parti que je représente luttera avec ardeur pour que l'inclusion de la taxe dans le prix soit éliminée. Si le projet de loi C-70 n'était pas adopté dans sa version actuelle d'ici le 1er avril, quelles seraient les conséquences pour votre belle province de la Nouvelle-Écosse?

M. Gillis: Comme vous les savez, les parlementaires aguerris ne répondent pas aux questions hypothétiques. Toutefois, dans un tel cas, je consulterais mes collègues du Cabinet et le premier ministre Savage pour discuter des solutions possibles. Nous pouvons appliquer diverses dispositions du projet de loi. Nous savons ce que nous voulons, nous croyons que c'est dans l'intérêt de la Nouvelle-Écosse, voilà notre position. Mais vous devez poursuivre vos délibérations, tout comme nous avons poursuivi les nôtres. Nous attendrons de voir les résultats.

Le sénateur Angus: Préparez-vous à rencontrer vos collègues.

Le sénateur Rompkey: Pourriez-vous nous parler davantage de votre exemple du restaurant qui s'établit à Antigonish? Vous pouvez peut-être nous en donner le nom, si vous le voulez, afin que les sénateurs puissent en faire l'essai, s'ils le souhaitent. Si je vous pose cette question, c'est qu'elle permet d'aborder différents éléments. Votre exemple porte sur une petite entreprise qui doit acheter de l'équipement et dont la clientèle vient de l'industrie du tourisme, une industrie en pleine croissance dans votre province et à d'autres endroits du Canada de l'Atlantique. Il met également l'accent sur une différence entre la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, entre autres. On nous a dit que la TVH serait une bonne chose pour la Nouvelle-Écosse, mais une mauvaise pour l'Île-du-Prince-Édouard. On nous a également dit le contraire.

En quoi cette mesure sera-t-elle une bonne chose pour ce restaurant... pour les propriétaires, les employés, les clients et les touristes qui y vont? Pourquoi iraient-ils à ce restaurant plutôt que d'aller à l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Gillis: Eh bien, je vais répondre à votre question de mon mieux. Premièrement, il s'agit de théorie. Ce restaurant, c'est un peu comme Brigadoon, puisque Antigonish est le coin le plus typiquement écossais de la Nouvelle-Écosse.

Monsieur le président, le sénateur Angus semble vouloir confondre les notions, puisque j'essaie de répondre à une autre question, mais je reviendrai à la sienne par la suite.

Le président: Vous comprenez peut-être maintenant quelles difficultés ces troupes m'ont donné toute la semaine.

M. Gillis: J'en reviens au sénateur Rompkey. Comme je l'ai dit dans mes commentaires préliminaires, une fois l'harmonisation appliquée, il en coûtera moins cher pour mettre sur pied ce restaurant. Seront moins élevées toutes les taxes provinciales à payer sur les divers éléments nécessaires à la construction de la cuisine, à l'achat des éviers et des cuisinières, ainsi qu'à tout ce qui est nécessaire pour créer le restaurant. Il y a les crédits d'impôt sur les intrants. Les coûts d'établissement seront moins élevés. Tous les coûts d'exploitation du restaurant -- le téléphone, le télécopieur, les ordinateurs et tout ce sur quoi il y a des taxes -- passeront de près de 19 p. 100 au tarif fixé pour la taxe harmonisée. Pour certaines entreprises, ce sera encore moins, puisque tous les coûts peuvent être imputés au crédit d'impôt sur les intrants. À l'heure actuelle, la taxe provinciale est de 11 p. 100.

Même les repas, en Nouvelle-Écosse, seront taxés à un taux de 15 p. 100, plutôt qu'au taux d'avant l'harmonisation, soit de 19 p. 100. Un repas de 20 $ passera de 24 $ à 23 $. Si vous décidez de rester en Nouvelle-Écosse pour le festival d'Antigonish, au théâtre d'été local, votre chambre d'hôtel coûtera moins cher, parce que la taxe ne sera plus de 19 p. 100, mais de 15.

En outre, si vous venez des États-Unis -- et nous avons bien des parents et cousins des États-Unis et d'ailleurs qui viennent nous visiter --, l'argent que vous versez en taxes peut vous être remboursé si vous présentez vos factures. Toutes les taxes payées par les étrangers sont remboursables. Cela avantage grandement les provinces où la taxe est harmonisée par rapport à celles où elle ne l'est pas. De cette façon, le restaurant et le motel d'Antigonish auraient une longueur d'avance par rapport à des entreprises semblables situées en zone non harmonisée.

Le sénateur Rompkey: Nous avons entendu différents groupes, surtout des personnes âgées et des gens à revenu faible et fixe. Ils nous ont dit que la TVH profitera aux personnes à revenu élevé qui achètent des articles coûteux, comme par exemple des automobiles, mais qu'elle ne présentera aucun avantage aux personnes à revenu faible et fixe. Pourriez-vous nous dire quels effets cette mesure aura pour les personnes âgées et les citoyens à revenu faible et fixe?

M. Gillis: Il est vrai que certains articles coûteront plus cher aux personnes à revenu faible et fixe. Le prix d'environ 25, peut-être 30 p. 100 des articles augmentera, 40 p. 100 demeureront au même prix et 30 p. 100 connaîtront une diminution. Autrement dit, une grande majorité des articles demeureront au même prix ou coûteront moins cher. Un plus faible pourcentage des articles coûteront plus cher.

Je sais que parmi ces articles, certains sont assez importants, par exemple le mazout et l'électricité de la Nouvelle-Écosse, qui connaîtront une hausse de 4 p. 100. À l'heure actuelle, la taxe est de 3 p. 100. La nouvelle taxe s'appliquera en cascade. Il faut également tenir compte des personnes à revenu faible et fixe qui profiteront du programme fiscal destiné aux personnes à faible revenu, programme dans le cadre duquel 25 millions de dollars environ seront versés. De moins en moins de personnes à faible revenu paieront de l'impôt sur leur revenu. S'ils paient de l'impôt, cet impôt leur sera remboursé, et dans le cas des personnes dont les revenus sont vraiment très faibles, il existe un programme d'aide directe qui leur permettra de recevoir une fois l'an un chèque de 90 $ par personne ou de 125 $ par famille.

Je crois qu'il faut examiner le tout au lieu de s'attarder, par exemple, au cas du mazout et aux pires des scénarios possible. Les mesures proposées forment un tout, et nous sommes d'avis que nous nous en sortirons à peu près comme avant. S'il y a plus de gens qui travaillent, que l'économie croît et qu'il y a moins de chômeurs, nous serons tous dans une situation meilleure.

Le sénateur Rompkey: À part ce qui se fait au niveau fédéral, avez-vous prévu dans votre budget vous aussi des allégements pour les personnes à revenu faible et fixe?

M. Gillis: Oui. Nous avons apporté deux modifications visant à alléger le fardeau fiscal des personnes à faible revenu. Plus de 200 000 contribuables appartenant aux catégories de revenus inférieurs verront leurs impôts diminuer, et beaucoup d'entre eux, ceux qui sont dans la tranche du revenu le plus faible, ne paieront pas du tout d'impôt. Soyons francs toutefois; il s'agit d'un programme modeste. Huit millions de dollars sont prévus pour 1997.

Le sénateur Rompkey: Le logement est toujours un bon baromètre. Hier, nous avons entendu des témoins à Terre-Neuve nous parler des difficultés auxquelles se heurteront les acheteurs de nouveaux logements. Le ministre a répondu à cette question quand il a témoigné devant nous. Pourriez-vous nous préciser ce qu'il en est de l'industrie du logement dans cette province; quel sera l'effet sur ce secteur?

M. Gillis: Je ferai peut-être appel à un de mes collègues pour m'aider avec certains détails techniques. L'analyse devient parfois assez complexe, mais je peux vous dire qu'il y a en Nouvelle-Écosse une remise de 1,5 p. 100, qui équivaut je crois à 2 250 $, pour aider à compenser les changements attribuables à l'harmonisation.

Nous ne pensons pas que l'effet de l'harmonisation sera considérable à cause précisément de cette remise. Les mises en chantier en Nouvelle-Écosse ont été très vigoureuses en 1996, et c'est une tendance qui se poursuit jusqu'à maintenant en 1997. D'ailleurs, comme je l'ai dit dans mon exposé, d'après Statistique Canada, c'est la Nouvelle-Écosse qui, de toutes les provinces, connaîtra cette année le plus fort taux de croissance de ses investissements. Nous sommes très fiers de cela.

Nous croyons que l'industrie du logement se tirera bien d'affaire. Si nous augmentons notre PIB de 0,8 p. 100, comme nous espérons pouvoir le faire, et que nous créions jusqu'à 3 000 emplois sur deux ou trois ans, les gens chercheront à acheter des maisons, de sorte que l'industrie du logement aura davantage d'emplois à offrir.

Bob Moody voudra peut-être vous parler de la remise et vous expliquer que, contrairement à ce que prétendent certains, ce n'est pas du tout un mauvais programme.

M. Robert P. Moody, sous-ministre des Finances, gouvernement de la Nouvelle-Écosse: Monsieur le président, honorables sénateurs, le ministre a parfaitement raison. Nous avons conçu notre programme de remise en fonction des meilleures informations dont nous disposions. Nous estimons que l'effet net sera tel qu'après l'harmonisation, le coût des logements sera à peu près le même qu'avant.

Comme vous le savez, la remise au titre de la TPS sera reconduite, et nous mettrons sur pied un nouveau programme de remise qui équivaudra à environ 1,5 p. 100 de la valeur du logement, jusqu'à un maximum de 150 000 $. Pour les logements dont la valeur dépasse ce montant, la remise s'appliquera aussi, mais sera plafonnée à 1,5 p. 100 de 150 000 $. Nous croyons que l'effet net après l'harmonisation sera à peu près nul.

Le sénateur Rompkey: Je veux vous interroger au sujet de l'inclusion de la taxe dans le prix. J'ai remarqué tout à l'heure, par exemple, un stylo avec une étiquette qui comportait déjà les deux prix. Un stylo, c'est un article dont le prix est assez peu élevé. J'ai remarqué cela dans une pharmacie locale. Nous avons entendu des représentants d'autres chaînes nationales nous dire combien la taxe leur causerait des difficultés. Je voudrais que vous nous parliez des entreprises nationales par rapport aux entreprises locales en ce qui concerne l'inclusion de la taxe dans le prix. Y aura-t-il des répercussions pour les entreprises nationales qui n'existeront pas pour les entreprises locales? Est-ce là un sujet de préoccupation?

M. Gillis: Monsieur le président, étant donné la formule flexible sur laquelle les diverses parties se sont entendues en janvier, formule qui permet d'indiquer le plus bas prix ou d'indiquer le prix sur les rayons ou sur des affiches, je ne crois pas que les répercussions seront particulièrement onéreuses pour les entreprises nationales comparativement aux entreprises locales. Je crois que la chaîne Lawton, même si elle est sans doute plus présente dans la région de l'Atlantique qu'ailleurs, s'apparente à une entreprise nationale; si cette chaîne peut indiquer les deux prix, je ne vois pas pourquoi La Baie d'Hudson, Zellers, Wal-Mart ou quelque autre chaîne ne pourraient pas en faire autant. Nous sommes d'avis que la formule flexible peut certainement permettre de surmonter le problème.

Quand il était question de n'indiquer que le prix taxe incluse, nous aurions très bien pu avoir un problème, mais ce n'est pas là où nous en sommes aujourd'hui. Nous avons maintenant cette formule flexible. Je ne crois pas qu'il y ait quelque désavantage pour les entreprises nationales, et elles semblent faire de bonnes affaires. Je compatis à la situation de la compagnie Eaton; elle semble être dans une mauvaise passe, mais pour les autres, ça va. Quelqu'un a parlé de Greenbergs et je crois savoir que cette entreprise éprouve des difficultés. Ces difficultés n'ont toutefois rien à avoir avec l'harmonisation puisqu'elle n'est pas encore en vigueur.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Je vous remercie, monsieur le président. Tout d'abord j'aimerais soulever un point d'ordre, en toute honnêteté pour les minutes du comité. J'aimerais rappeler à mon collègue acadien, le sénateur Comeau, que lorsque Mme Anne Bertrand a comparu devant notre comité au Nouveau-Brunswick, elle représentait des membres du secteur économique et elle ne parlait pas en son nom personnel. Et je pense qu'en toute justice, en toute honnêteté, il faut que ce soit mentionné ainsi dans le rapport du comité.

[Traduction]

Vous avez ici des notes qui pourraient être très intéressantes pour vos consommateurs, notamment pour les aider à comprendre quelles seront les conséquences de la TVH pour eux, et le ministre Dicks nous a dit hier qu'il ferait en sorte que les gens soient renseignés. Les gens se sentent insécurisés quand il y a confusion, et leur sentiment d'insécurité ne fait qu'ajouter à la confusion. Il revient peut-être à votre ministère de leur faire savoir ce que les entreprises devront faire.

M. Gillis: Nous tentons de les éclairer de notre mieux. Nous avons produit au cours des quelques derniers mois une série de brochures concernant les produits d'épicerie, les rénovations domiciliaires, les produits de jardinage et tous les autres types de produits. Nous avons aussi rédigé une brochure à l'intention des personnes âgées. Nous en avons peut-être dix sur des sujets différents que nous avons diffusées largement par l'entremise des diverses organisations. Hier, nous avons fait passer la première d'une série d'annonces payées dans les journaux, et j'espère que nous pourrons aussi en faire passer sur les médias électroniques afin d'éclairer la population. Je crois que l'annonce qui est parue hier portait sur les produits d'épicerie et les médicaments.

C'est comme quand on va à l'épicerie: certains produits sont taxés, d'autres ne le sont pas. Les produits d'épicerie continueront à être exonérés de la taxe. La taxe sur tous les articles divers, comme le savon et le papier, baissera. Après l'entrée en vigueur de la taxe harmonisée le 1er avril, en supposant qu'aucun autre changement ne soit apporté, la facture d'épicerie sera moins élevée... pas de beaucoup, mais elle sera quand même moins élevée. Ça, c'est un fait. Nous essayons de diffuser l'information pour éliminer toute confusion dans l'esprit du consommateur.

Le sénateur Buchanan: Je vous souhaite la bienvenue à notre comité, monsieur le ministre. Permettez-moi de vous parler brièvement de l'inclusion de la taxe dans les prix, car je crois qu'il s'agit là d'un des éléments les plus importants du projet de loi qui est très mal compris. J'ai du respect pour les sondages. Je m'y intéresse depuis 30 ans. J'en suis arrivé à la conclusion suivante: on peut faire dire n'importe quoi aux sondages. En ce qui concerne le sondage sur l'inclusion de la taxe dans les prix dont vous avez parlé il y a quelques minutes, savez-vous que ce sondage comprenait une question visant à savoir dans quelle mesure les gens étaient renseignés sur la TVH et sur l'inclusion de la taxe dans les prix. Quarante-sept pour cent des répondants ne savaient rien ou à peu près rien à ce sujet et 43 p. 100 en savaient quelque chose; autrement dit, 90 p. 100 des répondants ne savaient rien ou à peu près rien au sujet de la taxe ou n'en avaient qu'une connaissance minime. Dix pour cent étaient bien renseignés. On ne peut guère se fonder sur des résultats comme ceux-là pour justifier d'inclure la taxe dans les prix. J'ai examiné tous les sondages qui ont été effectués. Dans aucun sondage, les répondants n'ont été informés du fait que l'inclusion de la taxe dans les prix ne se ferait pas à l'échelle du pays, ni du fait qu'elle pourrait se traduire par une hausse du coût des biens de consommation.

Cela dit, pratiquement toutes les entreprises faisant partie du Conseil canadien du commerce de détail de même que beaucoup de petits détaillants et de franchisés des trois provinces ont fait savoir -- et cette déclaration a été faite le 25 février -- que les coûts de transition seraient d'environ 100 millions de dollars. J'ai ici la répartition pour la seule entreprise Mark's Work Warehouse, qui le confirme. Bien entendu, dans le cas de 30 p. 100 des membres du Conseil canadien du commerce de détail, les coûts relatifs à l'inclusion de la taxe dans les prix devront être assumés par les détaillants ou encore se répercuter sur les prix à la consommation. On n'a rien dit à ce sujet aux répondants à ce sondage.

L'autre chose dont il faut tenir compte relativement à l'inclusion de la taxe dans les prix et à l'effet des coûts y afférents, c'est que beaucoup de commerces de détail -- c'est ce qu'on nous a dit -- sont déjà à la limite de la rentabilité. Cette mesure fera augmenter leurs coûts à tel point qu'ils pourraient être obligés de fermer leurs portes et que des emplois seraient ainsi perdus. Il se peut bien que la Nouvelle-Écosse bénéficie, comme le prévoit le gouvernement provincial, de 3 000 nouveaux emplois en raison de TVH, mais l'inclusion de la taxe dans les prix lui en ferait perdre plus de 6 000.

Que pouvez-vous répondre à ces chiffres, étant donné les résultats du sondage et le fait que l'inclusion de la taxe dans les prix isolera nos provinces par rapport au reste du pays et qu'il pourrait en résulter des coûts de transition de 100 millions de dollars de même que des coûts allant de 80 à 90 millions de dollars par année? Les chiffres que je viens de citer proviennent du Conseil du commerce de détail.

M. Gillis: Je tâcherai autant que possible de répondre brièvement. Pour ce qui est des sondages qui ont été faits, je ne sais pas quels sont ceux que vous avez vus, mais vous avez sûrement vu au fil des ans des sondages que je n'ai pas vus moi-même, mais qui ne semblent guère vous avoir nui, puisque vous avez remporté quatre élections de suite.

Monsieur le président, nous avons déjà vu un sondage où l'on demandait aux répondants: «Préféreriez-vous que la taxe soit incluse dans les prix même si cela se traduisait par un coût plus élevé?» Le pourcentage n'était pas tout à fait aussi élevé, mais la question avait le mérite d'être directe. Le sondage en question avait été effectué pendant les années 70. Le pourcentage baissait légèrement, d'environ cinq points, si je me souviens bien, quand on demandait aux répondants: «Préféreriez-vous toujours cette formule s'il y avait des coûts qui s'y rattachaient?» Voilà dans quelle optique j'envisage la chose.

En ce qui a trait au coût de l'inclusion de la taxe dans les prix, j'ai déjà entendu ce chiffre de 100 millions de dollars, et j'en ai aussi entendu d'autres. Ces chiffres me rappellent ceux que nous avons entendus l'automne dernier avant que les dispositions relatives à l'inclusion de la taxe dans les prix ne soient modifiées pour permettre plus de souplesse, de sorte que j'ai du mal à croire qu'il en coûtera toujours 100 millions de dollars aux détaillants et des dizaines de millions de dollars chaque année une fois que l'inclusion de la taxe dans les prix entrera en vigueur, étant donné la souplesse accrue que nous avons prévue et qui permettrait d'indiquer les deux prix ou encore d'indiquer les prix sur les rayons, sur les caisses d'entreposage ou sur des affiches. Je ne crois tout simplement pas que le coût soit aussi élevé qu'on le prétende.

J'estime qu'une fois que le nouveau système sera en vigueur, les consommateurs y prendront goût et qu'ils consommeront. Les commerçants sont là pour vendre, et ils pourront vendre davantage, ce qui devrait leur réjouir le coeur et leur permettre d'accroître leurs bénéfices.

Le sénateur Buchanan: Les agences de voyage de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve paieront 8 p. 100 de plus, et ce coût additionnel devra être assumé par les consommateurs.

M. Gillis: Monsieur le président, le sénateur Buchanan a raison de parler de coûts additionnels, mais pensons un moment au tourisme, puisque les sénateurs ont soulevé cette question. Pensons à tous ceux qui prendront l'avion pour venir ici; il leur en coûtera moins cher et ils auront plus tendance à venir chez nous.

Le président: Le témoin suivant, honorables sénateurs, est M. John Hamm, chef du Parti progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse. Soyez le bienvenu, monsieur Hamm.

M. John Hamm, chef du Parti progressiste-conservateur, province de la Nouvelle-Écosse: Je vous souhaite la bienvenue en Nouvelle-Écosse. Je suis ravi de vous voir ici aujourd'hui. Je suis accompagné de Mme Moira McLeod, une de mes principales collaboratrices.

Je suis très heureux que le comité ait décidé de venir dans notre province et de permettre aussi bien à ceux qui s'opposent à cette taxe qu'à ceux qui l'appuient de pouvoir se faire entendre. J'ai pour ma part été déçu de ce que le comité des finances de la Chambre des communes n'ait pas fait preuve de la même courtoisie et du même bon sens quand il a décidé de ne tenir des audiences qu'à Ottawa. Ayant témoigné devant ce comité, j'ai été à même de constater que le consommateur y était vraiment sous-représenté.

Je crois malheureusement que, comme la nouvelle taxe est censée entrer en vigueur dans 26 jours environ, beaucoup de Néo-Écossais se sont simplement fait une raison. Très franchement, beaucoup estiment que ce serait une perte de temps et d'énergie que de venir ici aujourd'hui, parce qu'ils ne pensent pas que ni le gouvernement provincial ni le gouvernement fédéral n'écoutera ce qu'ils ont à dire.

À titre d'exemple, le comité, après avoir reçu plus de 80 propositions de notre comité des amendements législatifs, a aussitôt renvoyé le projet de loi à la Chambre sans que le gouvernement ait eu le temps d'évaluer les témoignages entendus au comité et de déterminer s'il y avait effectivement lieu d'apporter des modifications à la mesure proposée. Cette façon de faire a miné de façon fondamentale la crédibilité du processus.

Je vous exhorte, en votre qualité de membres de ce que l'on appelle souvent la chambre de réflexion, à bien réfléchir aux nombreuses préoccupations qui ont été exprimées jusqu'à maintenant et aux préoccupations qui vous seront répétées ici aujourd'hui et demain. Je vous exhorte à faire tout votre possible pour lutter vigoureusement afin que ces préoccupations ne soient pas encore une fois rejetées d'un revers de main. Je vous exhorte à faire tout votre possible pour montrer aux Néo-Écossais que la consultation que vous avez entreprise ne sera pas futile, mais que vous saurez tenir compte des véritables préoccupations des consommateurs, voire de nombreuses entreprises, de la Nouvelle-Écosse. Vous devez donner aux Néo-Écossais la preuve que les hommes et les femmes politiques croient vraiment en l'utilité du processus de consultation.

Qu'on ne se méprenne pas au sujet des conséquences de la TVH pour le consommateur. D'après les rapports que la province a elle-même produits, la TVH entraînera des dépenses d'au moins 84 millions de dollars en taxes à la consommation pour les Néo-Écossais. À vrai dire, je crois que le montant sera encore beaucoup plus élevé.

Je suis sûr que vous êtes tous au courant du document qui a été présenté à notre assemblée législative vers la fin de la session du printemps et qui s'intitulait «Nova Scotia Tax Reform Economic and Fiscal Analysis». Au tableau 6, à la page 23 de ce document, le gouvernement présente une colonne indiquant l'augmentation moyenne de la taxe de vente, et, pour toutes les tranches de revenus, la taxe de vente harmonisée ou TVH constitue un fardeau plus lourd. Tous les documents que nous avons pu consulter et tous les calculs que nous avons pu faire indiquent cependant que les augmentations seront encore plus importantes que celles qui figurent au tableau et qui ont servi de base pour établir le montant de 84 millions de dollars. Je crois donc que ce montant sera plus élevé que ce que l'information fournie par le gouvernement ne porte à croire.

L'avènement de la TVH fera en sorte que les Néo-Écossais paieront environ 15 millions de dollars de plus en taxe sur le mazout. Elle fera en sorte qu'ils paieront environ 15 millions de dollars de plus en taxe sur l'électricité et -- voici un montant qui surprendra par son ampleur -- les Néo-Écossais paieront 54 millions de dollars de plus en taxe sur l'essence et le carburant diesel à la pompe. Ces produits ne sont pas des produits de consommation discrétionnaires. Ce sont des produits que, bien souvent, nous n'avons pas le choix d'acheter, et ces trois produits à eux seuls représentent 84 millions de dollars de nouvelles taxes à la consommation.

Le gouvernement dit: «Voyez tous les articles sur lesquels la taxe sera ramenée de 18,8 p. 100 à 15 p. 100: les ampoules, les essuie-tout, la nourriture pour chiens, les voitures, les électroménagers, les boissons alcoolisées servies dans un établissement, et cetera.» Ils prétendent que, si on fait le calcul, en tenant compte du fait que cette réduction se répercuterait à 50 p. 100 sur les prix à la consommation, de la réduction de deux points de l'impôt sur le revenu des particuliers et du programme d'aide directe de 8 millions de dollars à l'intention des Néo-Écossais à faible revenu, tout le monde sort gagnant. C'est là une déclaration absurde. Tout d'abord, il est absolument faux de prétendre que la réduction de la taxe se répercutera en moyenne à 50 p. 100 sur les prix à la consommation. Si invraisemblable que cela puisse paraître, le gouvernement soutient que la réduction relative aux nouveaux logements sera transférée à 100 p. 100 aux acheteurs, ce qui est tout aussi absurde. Le ministre des Finances, qui a témoigné ici juste avant moi, a même commencé, après qu'on lui a indiqué que le transfert de la moitié de la réduction faisait partie de l'ensemble de mesures prévues, à se servir d'estimations moins élevées quant à la réduction qui se répercuterait sur les prix à la consommation. Personne ne croit vraiment qu'il atteindra 50 p. 100.

Les suppositions que fait le gouvernement à cet égard se fondent, non pas sur des preuves fiables ou solides, mais sur la nécessité de rendre les chiffres compatibles avec ses objectifs. Et quand l'hypothèse relative au montant qui serait transféré est éliminée de l'équation, tout le monde -- exception faite peut-être de ceux qui ont l'habitude de manger au restaurant, d'acheter des nouvelles voitures et des vêtements dispendieux, autrement dit les nantis -- sera perdant. Dans notre province, nous avons malheureusement plus de familles qui ont du mal à joindre les deux bouts que nous n'avons de familles aisées.

Essentiellement, les habitants de la Nouvelle-Écosse à revenu faible et moyen qui ont peu ou pas de revenus discrétionnaires seront égorgés par cette nouvelle taxe. Après avoir payé pour le chauffage, l'essence et les vêtements des enfants, il ne leur reste pas beaucoup d'argent pour sortir au restaurant ou dans les bars ou s'acheter une nouvelle voiture. Et ils en auront encore moins après le 1er avril si le Sénat ne bloque pas cette taxe harmonisée.

Les dirigeants gouvernementaux répètent sans relâche que pour stimuler l'économie, il faut réduire les impôts. Il faut laisser davantage de revenus disponibles au contribuable. Monsieur le président, je doute qu'un seul membre de votre comité conteste cet argument, car il est éminemment sensé. Plus le revenu disponible est élevé, plus on a de l'argent à dépenser. Et plus on en dépense, plus on stimule l'activité économique. Et plus l'activité économique est stimulée, plus il y a d'emplois. Plus il y a d'emplois, plus il y a de travailleurs qui contribuent au système. Et plus il y a de travailleurs qui contribuent au système, moins il y en a qui y puisent.

Je vous invite à répondre à deux questions fondamentales: Pensez-vous que la TVH, qui doublera la taxe sur un grand nombre de produits essentiels -- mazout, essence, vêtements de moins de 94 $, fournitures scolaires -- aura un effet négatif sur le revenu discrétionnaire de la plupart des habitants de la Nouvelle-Écosse? Deuxième question: Pensez-vous que si les habitants de la Nouvelle-Écosse perdent ne serait-ce qu'une petite partie de leur revenu discrétionnaire, cela aura sans doute un effet d'entraînement qui sera préjudiciable à notre économie déjà fragile? Si vous répondez oui à ces deux questions -- et comment répondre autrement --, alors, il s'ensuit que la TVH n'est pas bonne pour notre économie et qu'il faut en bloquer l'adoption.

Je sais que les entreprises bénéficieront d'une réduction de taxe à la suite de l'entrée en vigueur de la TVH, mais aucune entreprise ne peut survivre sans clientèle. J'ajouterai que la grande majorité des hommes et des femmes d'affaires auxquels j'ai parlé conviennent que si le consommateur souffre, les entreprises et l'économie souffriront également. Cela relève de la logique et du simple bon sens. Ce n'est pas une hypothèse nébuleuse fondée sur un modèle économique incompréhensible. On peut se demander si, en dépit des crédits pour intrants offerts aux entreprises, les milieux d'affaires seront gagnants ou perdants puisqu'on exige que la TVH soit incluse dans le prix.

Je vais vous raconter une petite anecdote. Il y a un peu plus d'une semaine, j'ai visité une usine de transformation du poisson comptant plus de 50 employés dans une petite ville de la Nouvelle-Écosse. Il s'agissait du principal employeur de la ville. Cette usine exporte ses produits à l'étranger et, au cours de mon entretien avec le propriétaire-directeur, je lui ai demandé: «La TVH va-t-elle aider votre compagnie?» Je m'attendais à ce qu'il réponde oui sans équivoque. Cependant, il m'a répondu ceci: «Oui, du fait qu'elle exporte, mon entreprise en tirera un léger avantage, mais à titre personnel, la taxe me nuit, et elle nuit à tous mes employés, à la cinquantaine de personnes qui travaillent pour moi.»

De toute évidence, quels que soient les crédits pour intrants que recevront les détaillants, ils devront servir à compenser les importants coûts de démarrage et de fonctionnement permanents associés à l'inclusion de la taxe dans le prix imposée à l'échelle régionale. Coûts d'étiquetage, coûts de publicité, coûts des systèmes d'information, coûts d'entreposage, et cetera. Les détaillants maintiennent leurs coûts d'affaires en incluant la taxe dans le prix. D'autres proposent de camoufler la taxe, convaincus qu'ils sont que les désavantages dépasseront largement les avantages liés au crédit pour intrants. Cela se traduira par des prix au détail plus élevés, et non plus bas. Les consommateurs seront donc doublement touchés. Non seulement ils ne verront pas les économies de 50 p. 100 que devraient leur refiler les entreprises, si l'on en croit les promesses du gouvernement, mais ils verront en fait augmenter le coût de nombreuses marchandises vendues au détail.

Il est indéniable que le secteur de la vente au détail est très fragile ici, en Nouvelle-Écosse. Ce secteur injecte chaque année un milliard de dollars dans notre économie, et 40 000 habitants de la Nouvelle-Écosse y travaillent dans la province. Cette industrie souffrira.

J'ai beaucoup de mal à comprendre pourquoi on insiste pour inclure la taxe dans le prix. Je ne pense pas que les consommateurs craignent tellement d'avoir un choc à la caisse qu'ils sont prêts à payer davantage. Je pense que si le gouvernement insiste pour que le prix inclue la taxe, c'est qu'il croit, à tort, et assez naïvement, qu'il respecte ainsi la promesse du livre rouge de supprimer la taxe. Évidemment, si la taxe est cachée, il sera beaucoup plus facile pour le gouvernement de l'augmenter périodiquement.

Les amendements apportés pour répondre aux préoccupations des détaillants concernant l'inclusion de la taxe dans le prix n'ont guère contribué à alléger les coûts et les problèmes liés à sa mise en oeuvre et ne feront qu'ajouter à la confusion du consommateur. L'idée d'avoir un prix de vente taxes comprises à l'échelle régionale était débile en partant; cela empire une idée déjà mauvaise au départ.

Permettez-nous d'aborder une autre grande lacune cruciale dans le raisonnement du gouvernement et la documentation publiée à l'appui de la TVH. Nulle part n'a-t-on calculé l'incidence que l'expansion de l'économie souterraine résultant de l'application de la TVH aura sur les entreprises légitimes ou sur les recettes du gouvernement. Le bon sens vous dira que l'économie souterraine ne manquera de croître à la suite de l'augmentation de la taxe sur les réparations et les rénovations domiciliaires, sur les services juridiques et autres services professionnels. Le bon sens vous dira qu'une bonne partie de la population qui a déjà du mal à joindre les deux bouts optera pour l'économie clandestine. Le bon sens vous dira également que dans tout calcul des avantages et des inconvénients d'une nouvelle taxe pondérée, on aurait dû tenir compte de l'incidence de la TVH sur l'économie clandestine, mais cela n'a pas été fait. Il s'agit là d'une omission ahurissante et inexcusable qui ne nous laisse guère d'autre choix que de contester la validité de toutes les conclusions ou projections du gouvernement quant à l'incidence de la taxe harmonisée.

Le gouvernement a également omis de tenir compte dans son raisonnement et dans son calcul de l'effet indirect de la taxe sur les loyers d'habitation. Les propriétaires devront payer davantage pour les réparations et les rénovations, la publicité et les services professionnels, le déneigement, la cueillette des ordures, le chauffage et l'électricité, ainsi que pour une multitude d'autres biens et services, et pourtant, on prétend que le prix des loyers d'appartement ne seront pas touchés. De façon incroyable, on conclut que les entreprises refileront aux consommateurs des économies de 50 p. 100 mais qu'ils ne leur refileront absolument pas l'augmentation de leurs coûts de revient. Il est beaucoup plus probable que l'on sera certainement plus prompt à refiler les augmentations de coûts que les économies. Encore là, le gouvernement ne semble pas tenir compte de ces facteurs. Il exagère les bons côtés et semble tout à fait disposé à passer sous silence les côtés négatifs.

Je veux attirer votre attention sur un certain nombre d'autres effets troublants de la TVH. Depuis trois ans, la Nouvelle-Écosse a perdu environ 90 médecins. Cette pénurie a atteint un point critique. Notre gouvernement dépense des centaines de milliers de dollars pour tenter de recruter de nouveaux médecins, sans succès jusqu'à maintenant. La TVH coûtera à chaque médecin environ 1 200 $ de plus par an, et plusieurs d'entre eux ont dit en public que c'était pour eux la goutte qui faisait déborder le vase. Leur départ laisse des milliers de Néo-Écossais sans médecin de famille.

Il est à espérer que ces personnes n'auront pas besoin de soins à domicile car ces derniers seront eux aussi taxés à 15 p. 100 après le 1er avril. Il en coûtera également davantage pour administrer les hôpitaux, les écoles et les universités. Il en coûtera aussi davantage pour les services administratifs locaux, soit de 10 à 12 millions de dollars de plus. D'où viendra cet argent? Soit on ira le chercher sous forme de taxes foncières plus élevées, soit on réduira les services locaux. Ici, en Nouvelle-Écosse, on envisage de donner aux municipalités le pouvoir de taxer la Nova Scotia Power, de sorte que les consommateurs pourraient voir leur facture d'électricité augmenter. De quelque façon qu'on regarde la situation, c'est le consommateur qui paiera la note.

Je tiens aussi à mentionner les préoccupations exprimées par la section de la Nouvelle-Écosse de l'Association du Barreau canadien. Selon ses représentants, à défaut de remise pour les services offerts dans certains domaines -- comme les questions criminelles et quasi criminelles, le droit de la famille et les questions d'emploi, les conflits entre propriétaires et locataires et les applications de la législation -- la taxe de vente harmonisée se traduira par un accès inégal au système de justice. Pour une mère seule qui essaie d'élever ses enfants, l'augmentation liée à la TVH se chiffrera de 240 à 800 $, un coût que bien des chefs de famille monoparentale trouveront prohibitif, surtout qu'ils devront payer beaucoup plus cher uniquement pour vêtir leurs enfants, les garder au chaud et leur procurer des fournitures scolaires.

En somme, la TVH entraînera des problèmes énormes pour les milliers de Néo-Écossais qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts, en particulier les personnes handicapées, les personnes âgées et à revenu fixe, les étudiants, les mères célibataires, les petits salariés et les travailleurs à revenu modeste. Les représentants du gouvernement l'ont même admis, la TVH est un risque et un pari.

Une petite anecdote, monsieur le président. Depuis trois ans, à la banque alimentaire d'Antigonish -- et Antigonish est une région très prospère de notre province --, on a enregistré une augmentation de 100 p. 100 du nombre de personnes requérant de l'aide. À Noël cette année, 1 600 habitants de la ville de plus que l'année précédente ont eu recours à la banque alimentaire.

Je vous pose la question: Pensez-vous que ce pari vaut la peine d'envoyer un nombre encore plus grand de Néo-Écossais à la banque alimentaire? Vaut-il la peine de les priver de services juridiques ou médicaux? Est-ce important au point de créer une économie clandestine florissante qui nuira aux entreprises légitimes et compromettra notre capacité de financer des programmes et des services à l'avenir? Je voudrais que vous vous demandiez si la perspective non corroborée d'une hausse de 0,8 p. 100 du PIB vaut que l'on paie ce prix et davantage.

Cet après-midi, je n'ai fait qu'effleurer certaines des préoccupations soulevées à maintes reprises par les habitants de la Nouvelle-Écosse. Le temps me manque pour les aborder toutes. Un grand nombre figurent dans les exposés présentés au comité des finances de la Chambre des communes et à notre propre comité sur les amendements législatifs. Je vous invite instamment à prendre connaissance de ces mémoires et à peser avec soin l'opinion des particuliers et des groupes qui ont pris la peine de comparaître.

Un grand nombre de raisons fondamentales justifient que l'on bloque cette taxe avant le 1er avril, avant qu'il devienne compliqué et coûteux de revenir en arrière. Cette taxe entraînera des souffrances insoutenables pour les familles de la Nouvelle-Écosse. En augmentant la taxe sur un grand nombre de produits essentiels, la TVH frappera le plus durement les plus vulnérables. Et comme nous l'avons vu dans le secteur de l'assurance, elle crée des conditions inégales pour les industries de services implantées dans la zone harmonisée, ce qui menace des emplois dans ce secteur.

Le prix de vente taxes comprises coûtera aux détaillants des milliers de dollars en coûts de démarrage et de fonctionnement courants, et ces coûts seront refilés aux consommateurs ou provoqueront des pertes d'emplois. En outre, cela crée dans les faits une entité distincte dans le pays pour ce qui est de la vente au détail, ce qui restreindra le choix des consommateurs et créera chez eux une confusion encore plus grande. La taxe menace également l'accès à des services cruciaux comme les services juridiques et médicaux. En cédant son pouvoir fiscal traditionnel à Ottawa, la Nouvelle-Écosse abandonne la maîtrise de son destin financier, ce qui ne sera pas sans avoir des répercussions sur la prestation future de programmes et de services.

J'espère que vous conviendrez avec moi qu'il faut empêcher l'adoption de la TVH maintenant. Je vous prie de donner aux Néo-Écossais le temps d'élaborer une réforme fiscale cohérente.

Le sénateur Rompkey: Monsieur le président, je souhaite la bienvenue à notre invité. Je voudrais l'interroger, d'entrée de jeu, au sujet des avantages nets pour les Néo-Écossais. Le ministre a fait remarquer que même si la taxe de vente allait augmenter sur certains articles de consommation, elle sera moindre sur d'autres, et que la réduction de l'impôt sur le revenu instituée par le gouvernement provincial se traduira par un avantage net pour le consommateur qui se retrouvera avec un revenu disponible plus considérable.

Le ministre des Finances de Terre-Neuve, M. Dicks, nous a dit hier que dans le cas de Terre-Neuve, le gouvernement se retrouvait avec 105 millions de dollars de moins. Selon lui, cet argent sera dépensé par les Terre-Neuviens qui, de nature, ont davantage tendance à dépenser plutôt qu'à économiser. Je ne sais pas si cela s'applique aux Néo-Écossais, mais les deux ministres -- si je ne m'abuse --, ont fait valoir que ce sont les consommateurs qui recueilleront un avantage net à la suite de l'application d'une taxe de vente plus élevée sur certains articles de consommation et d'un impôt sur le revenu plus bas. Vous ne semblez pas d'accord?

M. Hamm: Sénateur, je pourrais vous répondre bien des choses. Vous connaissez sans doute le document que j'ai mentionné tout à l'heure. Dans le tableau figurant à la page 23 se trouve une comparaison de six niveaux de revenu allant de 0 à 10 000 $, jusqu'à 80 000 $ et plus. Il s'agit d'une comparaison de la hausse moyenne de la taxe associée à la TVH par rapport à la baisse moyenne de l'impôt sur le revenu des particuliers. Ce n'est que lorsqu'une famille touche un revenu de 80 000 $ et plus que les économies relatives à l'impôt sur le revenu des particuliers équivalent à l'augmentation du coût de la taxe de vente harmonisée. Autrement dit, toutes les familles dont le revenu annuel est en deçà de 80 000 $, même si l'on tient compte des économies d'impôt qu'elles réalisent, se trouvent en fait à payer davantage de taxes. Je vous invite à consulter ce tableau plus tard.

Voilà en fait ce qu'il en est pour les avantages fiscaux. Je suis convaincu que les prévisions quant à l'effet qu'aura la TVH sur les divers niveaux d'imposition sont modérées. Elle s'accompagnera d'un niveau d'imposition plus élevé.

Le sénateur Rompkey: Évidemment, vous tenez également compte des programmes spéciaux, tant provinciaux que fédéraux, qui s'adressent aux gens à faible revenu. D'après ce que M. Martin a dit, les autorités provinciales ont prévu des programmes conçus pour aider les personnes à faible revenu. Je suppose qu'il faudrait tenir compte de cela dans l'équation, n'est-ce pas?

M. Hamm: Oui, vous avez raison, mais ces mesures d'aide sont disponibles pour l'ensemble des Canadiens. Or, ce ne sont pas tous les Canadiens qui sont frappés par la TVH.

Le sénateur Rompkey: À votre avis, il n'y aura donc aucun avantage net pour les consommateurs des trois provinces de l'Atlantique où la taxe de vente sera harmonisée?

M. Hamm: Absolument pas.

Le sénateur Rompkey: Vous avez mentionné que certains articles avaient fait l'objet d'une hausse de taxe. M. Dicks a convenu hier que c'était vrai dans le cas de l'essence. Il a aussi affirmé qu'il en résulterait un avantage net pour le consommateur. Il a signalé que la hausse de la taxe sur l'essence sera plus que compensée par la baisse du prix des voitures, par exemple, et il a fait remarquer que dans notre province, les gens achètent assez régulièrement un véhicule, à des intervalles de trois ou quatre ans. Vous avez dit que la taxe sur l'essence coûterait environ 54 millions de dollars aux Néo-Écossais, mais ne croyez-vous pas que cela sera plus que compensé par la baisse du coût des voitures?

M. Hamm: Tous les ans, nous achetons de l'essence pour 700 millions de dollars, et si l'on ajoute les 8 p. 100 à cela, il est facile d'arriver à ce chiffre. Il est indéniable que ceux qui ont la chance de pouvoir acheter une nouvelle voiture bénéficieront d'une économie. Cependant, je parle de la grande majorité des habitants de la Nouvelle-Écosse qui n'achètent pas de nouvelles voitures et qui, par conséquent, ne seront pas en mesure de tirer parti de cet avantage. C'est une bien mince consolation de dire que l'augmentation du coût de l'essence sera compensée à l'achat d'une nouvelle voiture. C'est peut-être logique pour certains, mais pour beaucoup d'autres, cela ne l'est pas.

Le sénateur Rompkey: On suppose que les propriétaires de véhicules, de motoneiges ou de bateaux achètent de l'essence. C'est facile à comprendre.

M. Hamm: Sénateur, nous faisiez-vous part d'information provenant de Terre-Neuve?

Le sénateur Rompkey: C'était le témoignage que nous a présenté le ministre hier.

M. Hamm: Puis-je signaler qu'à Terre-Neuve, les répercussions pour le consommateur sont beaucoup moindres car Terre-Neuve a une taxe de vente de 12 p. 100. Autrement dit, leur taux réel est d'environ 19,8 p. 100. Ici, en Nouvelle-Écosse, nous avons un taux réel de 18,77. Dans les deux cas, nous allons tomber à 15 p. 100. Cela signifie qu'à Terre-Neuve, le consommateur n'est pas aussi touché qu'il ne l'est ici en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Rompkey: Je rapportais simplement l'exemple qu'il a donné hier, selon lequel l'augmentation du coût de l'essence est plus que compensée par la baisse du coût d'un véhicule.

Je voudrais vous interroger au sujet du prix de vente taxes comprises. Il y a eu énormément de discussions à ce sujet, et nous entendrons aujourd'hui d'autres témoins, comme nous l'avons fait, qui nous diront que cela créera énormément de problèmes. En fait, juste avant la pause-repas, à Lawton's ici à Halifax, j'ai acheté la trousse Bic Classic de deux stylos à bille. Deux prix figurent sur ma facture: 1,29 $ et 1,48 $ TVH incluse. Croyez-vous que ce changement causera des inconvénients qui n'existent pas pour les entreprises locales, ou pensez-vous que l'inclusion de la taxe dans le prix de vente est un problème généralisé?

M. Hamm: Le fait d'inclure la taxe dans le prix sera un problème en raison de la nature régionale de la taxe. Je crois que les détaillants, tant à l'échelle régionale que nationale, affirmeront, dans des mémoires très fouillés, qu'il y aura une augmentation du coût de la vente au détail en Nouvelle-Écosse. Déjà que le secteur de la vente au détail n'est pas particulièrement prospère dans notre région du pays. Je crains qu'à la suite de toutes les pressions qui s'exerceront sur les entreprises de vente au détail, le prix de base des marchandises n'augmente. Les détaillants ont fait savoir sans ambages qu'ils ne sont pas en mesure d'absorber l'augmentation de coût, de telle sorte que cela retombera sur le consommateur. Le secteur de la vente au détail compte 40 000 employés. Combien d'emplois seront sacrifiés si cela incite les détaillants n'ayant pas une grosse part du marché, à partir?

Autrement dit, aucun détaillant ne roule sur l'or ici dans le Canada atlantique et nous risquons de décourager ceux qui restent avec cette approche en matière de fixation de prix. J'étais ravi que l'on ait communiqué aux membres du comité l'analyse des questions posées aux répondants du sondage car, manifestement, cette information n'était pas disponible au moment où il a été fait. La simple question «Êtes-vous en faveur d'un prix de vente taxes comprises?» devrait recevoir un appui considérable du consommateur, mais mis au fait des pertes d'emplois éventuelles et de l'augmentation des coûts, je pense que le consommateur y répondrait différemment.

Le sénateur Rompkey: En toute honnêteté, aux fins du compte rendu, je crois que cette question a été posée et que le pourcentage des répondants en faveur d'un prix de vente taxes comprises si cela se traduisait par une augmentation du coût a été beaucoup plus faible. Cela tournait autour des 52 p. 100, soit un peu plus de la moitié. C'était beaucoup moins que les 80 p. 100 qui s'étaient dit en faveur d'un prix de vente taxes comprises. On a donc répondu à cette question, et le pourcentage des répondants favorables a été moins élevé.

M. Hamm: Je pense qu'il s'agissait de 52 p. 100 des 70 p. 100 qui avaient répondu oui.

Le sénateur Rompkey: Nous pouvons nous chamailler sur les chiffres, mais je pense que c'est la réalité.

Le président: Je ne pense pas que c'était le cas. En fait, c'était 52 par rapport à 45.

Le sénateur Angus: Monsieur Hamm, je veux simplement vous féliciter pour cet excellent mémoire dans lequel vous démolissez le projet de loi proposé en en signalant toutes les lacunes. Je tiens à ce que vous sachiez, monsieur, que nous ne sommes pas sourds à votre appel aux armes. Nous allons assurément livrer bataille pour empêcher l'adoption de cette mesure législative pour qu'elle n'entre pas en vigueur le 1er avril.

M. Hamm: Je vous remercie de cet engagement, et j'espère qu'une majorité de vos collègues du comité partage votre opinion.

Le sénateur Buchanan: Monsieur, je suis très heureux de vous accueillir ici aujourd'hui, et je vous félicite de l'examen très exhaustif des problèmes et des préoccupations que vous et moi savons être celles des habitants de la Nouvelle-Écosse au sujet de la TVH.

J'ai été plutôt étonné d'entendre certains propos du sénateur Rompkey lorsqu'il vous a interrogé. Il est incroyable d'entendre quelqu'un dire qu'il pourrait y avoir un avantage net pour le consommateur à la suite de l'imposition de cette taxe. Comment peut-il y avoir un avantage net à moins que les gens n'achètent une voiture neuve tous les deux ans? Ils semblent penser que tout le monde achètera un congélateur et un réfrigérateur tous les deux ans, un stéréo, un manteau de fourrure tous les deux ans. Personnellement, j'ai un congélateur depuis 15 ans. Je ne compte pas en acheter un autre avant longtemps.

Cependant, comme vous l'avez noté dans votre mémoire, les gens doivent, beau temps mauvais temps, payer leurs factures d'électricité et de chauffage et, lorsqu'ils devront faire le plein, au lieu de payer 58 cents le litre, ils paieront environ 63 cents le litre. Imaginez.

Sénateur Rompkey, savez-vous à quel point cela est ridicule? Ils achèteront des timbres. Si vous vous rendez à l'Île-du-Prince-Édouard après le 1er avril, advenant que le projet de loi soit adopté, le coût d'un livret de timbres sera de 4,82 $. En Nouvelle-Écosse, toujours si le projet de loi est adopté, le même livret coûtera 5,20 $. Un de mes amis qui habite à Harryfield m'a dit: «Si le projet de loi est adopté, un ami de l'île-du-Prince-Édouard m'enverra 50 livrets de timbres à la fois.» Il utilise énormément de timbres et épargnera environ 36 $ sur chaque centaine de livrets. Allez-vous dire que c'est inexact?

Le sénateur Rompkey: Je répète uniquement ce qu'a dit le ministre aujourd'hui, ainsi que le ministre de Terre-Neuve.

Le sénateur Buchanan: Je sais, et je ne vous blâme pas, puisque c'est votre ministre. Je vous pose la question: Pensez-vous sérieusement que les consommateurs de la Nouvelle-Écosse tireront un avantage net à la suite de l'adoption de cette taxe, en particulier les personnes âgées, les travailleurs à faible et moyen revenu, les locataires?

M. Hamm: Absolument pas. Vous avez repris ce qu'a dit le sénateur Rompkey, soit qu'il y aurait des économies reliées à l'achat d'une voiture neuve. Les habitants de Terre-Neuve auxquels s'offrira cet avantage répondront: «Je ne peux tout simplement pas me permettre cette économie.»

La question des timbres est intéressante car, à mon avis, le comité sénatorial devrait partir d'ici avec une bonne vue d'ensemble de la situation. Je suis sûr qu'on vous a déjà dit qu'après le 1er avril, le Canada sera le seul pays au monde où il en coûtera plus cher d'envoyer une lettre dans une direction que dans l'autre.

Le sénateur Buchanan: Autre fait intéressant au sujet de la TVH: je pense que c'est la première fois qu'une province souveraine de notre pays -- je parle en l'occurrence de la Nouvelle-Écosse, même s'il y a trois provinces -- a cédé son droit constitutionnel de perception de taxes. Je n'ai jamais entendu dire que cela se soit produit auparavant. Nous l'avons cédé à Ottawa.

M. Hamm: Nous avons cédé la barre du gouvernail à Ottawa, et c'est indéniable en cédant les revenus de la taxe de vente provinciale pour les quatre prochaines années. Cela représente une bonne part du revenu de la Nouvelle-Écosse. Nous avons des dépenses annuelles de 4 milliards et nous recueillons environ 750 millions grâce à la taxe de vente provinciale. Essentiellement, nous avons perdu la maîtrise de ce pouvoir fiscal à la suite de l'entente que nous avons signée avec Ottawa.

Je trouve offensant au plus haut point que si, au cours des quatre prochaines années, nous voulions réduire notre taxe de vente, il nous faudrait l'assentiment des autres provinces. Et ce que je trouve pire encore, c'est que n'importe quand, au cours des quatre prochaines années, si Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick décident de hausser la taxe à 15,5 p. 100, ils peuvent s'adresser à Ottawa et, malgré nos protestations, malgré le fait que nous ne soyons pas d'accord, obtenir cette hausse de taxe. Voilà le genre d'entente que nous avons signée. C'est un cas flagrant d'imposition sans représentation.

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Robert Chisholm, le chef du Nouveau Parti démocratique de la Nouvelle-Écosse.

M. Robert Chisholm, député de l'Assemblée provinciale, chef du Nouveau Parti démocratique de la Nouvelle-Écosse: Permettez-moi de dire tout de suite que je vous exhorte à vous opposer à la TVH. J'espère d'ailleurs que vous pouvez avoir le même genre d'influence sur ce dossier, que de toute évidence vous avez réussi à avoir sur le temps: je dois dire que nous n'avons pas eu ce genre de temps épouvantable de tout l'hiver. J'espère que vous allez descendre dans l'arène, comme l'a dit le sénateur Angus tout à l'heure, pour relever le défi et repousser la TVH.

Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir poursuivre le combat contre cette TPS libérale, mieux connue dans la province par le sigle de TVH. Je le fais au nom du Nouveau Parti démocratique de la Nouvelle-Écosse, et de milliers de Néo-Écossais. Évidemment, ils ne pouvaient pas nous accompagner aujourd'hui, mais ils ont signé notre pétition anti-TVH, écrit ou téléphoné à notre bureau au cours des derniers mois pour exprimer leur opposition à cette mesure fiscale injuste et régressive. De fait, nous avons lancé la campagne de pétition au mois d'octobre dernier, et hier nous en avons encore reçu une. Elles continuent à nous parvenir au courrier. Nous venons juste d'en recevoir une de la vallée, c'est-à-dire de la région de Bridgetown, avec 16 noms. De toute évidence la TVH, et le mouvement d'opposition qu'elle suscite, inquiètent beaucoup de nombreux habitants de la province.

Normalement, au Nouveau Parti démocrate, nous n'avons pas véritablement d'affinités avec le Sénat, car nous préférons les assemblées élues au suffrage populaire. Certains d'entre vous ont d'ailleurs peut-être déjà entendu dire que les néo-démocrates sont favorables à l'abolition de la Chambre haute.

Cependant, et c'est une ironie de l'histoire, depuis quelques années certaines de nos assemblées élues au suffrage populaire se sont conduites d'une façon que l'on attendrait plutôt d'institutions qui n'ont pas été élues démocratiquement. Ainsi, nos élus, à Ottawa comme à Halifax, se sont comportés à l'égard du projet de loi C-70 et de son homologue de Nouvelle-Écosse, le Bill no 48, d'une façon qui illustre cette malheureuse tendance. C'est-à-dire qu'ils ont traité cette législation et l'ensemble de la question de la TVH d'une manière qui fait injure à la démocratie. Les membres de votre comité ont pu voir les pirouettes politiques dont le premier ministre, M. Chrétien, et sa vice-première ministre, Mme Copps, nous ont gratifiés pour pouvoir justifier cette TPS libérale, après qu'ils eurent fait campagne contre la TPS des Conservateurs.

Les libéraux de la Nouvelle-Écosse ont eux aussi trahi les électeurs sur cette question. Lorsque le gouvernement, sous la conduite du sénateur d'Halifax-Atlantique, a proposé l'harmonisation de la taxe de vente provinciale et de la TPS il y a quelques années, les Libéraux s'y étaient opposés. Pendant la campagne électorale de 1993 ils ont persévéré dans leur opposition. Ils ont déploré le caractère injuste et régressif de la taxe. Ils proposaient même de créer une commission de l'équité fiscale chargée d'étudier l'ensemble de la fiscalité provinciale. Mais que n'avons-nous pas vu ensuite: une fois au pouvoir, ils ont changé de discours. Subitement, l'harmonisation était une bonne idée. Au lieu de la commission qu'ils avaient promise, les Libéraux nous ont fait avaler la TVH. Au lieu de consultations auprès de la population de la Nouvelle-Écosse, on l'a assommée de propagande. Au lieu de présenter la TVH aux collectivités de Nouvelle-Écosse, les libéraux se barricadèrent dans l'Assemblée législative et imposèrent le projet de loi à coup de séances qui durèrent 16 heures.

Sénateurs, les Libéraux ont mené la population de Nouvelle-Écosse en bateau, ils l'ont trahie. Ajoutons qu'ils n'ont pas été mandatés pour imposer la TVH, et que les habitants de la province y sont opposés, car c'est de toute évidence une mauvaise mesure fiscale. Même ceux des économistes qui défendent cette taxe, reconnaissent que seuls les consommateurs les plus aisés et les entreprises qui peuvent pleinement profiter des crédits sur intrants, retireront quelques avantages de cette mesure.

Ceux des tranches de revenu situées entre 20 000 et 40 000 $ paieront plus d'impôt, avec cette TVH. C'est une taxe à l'inverse de ce que faisait Robin des Bois. C'est-à-dire que l'on impose les produits de première nécessité du pauvre -- le logement, le mazout pour se chauffer, l'électricité, les vêtements bon marché et les fournitures scolaires -- pour donner aux riches, en abaissant les taxes sur les articles de luxe, les voitures neuves, les costumes chers, les repas au restaurant, et cetera. On allège la facture fiscale des entreprises en Nouvelle-Écosse de 200 millions de dollars ou plus de taxes de vente, en en reportant le fardeau sur le consommateur de la Nouvelle-Écosse, et surtout le consommateur des tranches inférieures de revenu.

À tel point que ces consommateurs à faible revenu se demandent où ils vont trouver l'argent destiné à financer ces allégements fiscaux offerts aux grandes sociétés. J'ai reçu un coup de téléphone, pas plus tard qu'hier, d'un monsieur qui ne savait pas comment il allait payer sa facture de chauffage si la TVH était adoptée. Comme il me l'a dit, le prix du mazout de chauffage a augmenté brutalement l'an dernier. Il parlait de 8 cents le litre. Le 1er avril la TVH majorera de 114 p. 100 l'imposition de ces produits du pétrole dont le prix a déjà augmenté de façon considérable.

Que faire alors lorsque le gouvernement même refuse d'entendre le peuple et cherche absolument à imposer par tous les moyens un impôt inique et cruel? Faut-il attendre les prochaines élections, attendre que les électeurs nous débarrassent de ces coquins, pour ensuite défaire ce qui a été si mal fait? Le NPD se prépare. Dès le début du débat sur la TVH nous avons annoncé qu'après les prochaines élections, si nous en avons les moyens, nous dénoncerions ce contrat. Pendant les 18 mois du préavis prévu, nous constituerons cette commission pour la justice fiscale que les libéraux auraient déjà dû créer. Celle-ci envisagera les mesures à prendre pour rendre plus juste l'ensemble de la fiscalité et réduire la part de l'impôt indirect. Voilà donc une possibilité dont nous espérons qu'elle s'offrira à nous bientôt.

Mais dans l'immédiat, nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour faire obstacle à cette taxe, avant qu'elle n'entre en vigueur. Notre groupe parlementaire s'est battu longtemps à l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse pour essayer de faire obstacle à cette taxe. Nous avons également fait circuler notre pétition par le courrier, par télécopieur et de porte-à-porte. Nous avons comparu devant le comité des finances de la Chambre des communes. Les Libéraux d'Ottawa n'ont pas écouté. Votre comité est notre dernier espoir de faire obstacle à cette législation, et cela me ramène au pourquoi de ma présence ici aujourd'hui.

C'est par la coercition et la ruse que les dirigeants politiques libéraux ont cherché à imposer cette taxe, voilà pourquoi je m'adresse à vous, Sénat qui n'a pas été élu, pour vous dire que vous rendriez service à la démocratie en opposant votre veto. Je vous exhorte donc, sénateurs, vous et vos collègues, à retarder l'adoption de cette législation jusqu'après l'élection provinciale de la Nouvelle-Écosse, qui doit avoir lieu d'ici 14 mois.

En ce qui concerne cette mesure, rien ne presse. Les habitants de la Nouvelle-Écosse ont exprimé haut et fort leur opposition. Beaucoup d'entrepreneurs, et notamment de petits entrepreneurs, ont également déclaré qu'ils n'en voulaient pas. Même les grandes entreprises, et les organismes les représentant qui appuient la TPS, ont demandé un moratoire qui doit leur permettre de tirer au clair cette question de l'inclusion de la taxe dans le prix affiché. Les seuls qui semblent vouloir presser les choses sont les premiers ministres MM. Savage, McKenna, Tobin, avec leurs ministres des Finances.

J'exhorte donc votre comité à couler ce projet de loi C-70. Cela donnerait à la population de la Nouvelle-Écosse l'occasion de se prononcer sur la TVH par la voie qui convient, à savoir l'élection.

Le sénateur Oliver: D'après les témoins que nous avons entendus au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et je pense bientôt en Nouvelle-Écosse, le pire aspect de cette nouvelle mesure fiscale est l'inclusion de la taxe dans le prix affiché. Les détaillants, les propriétaires de commerce vont être obligés d'afficher un nouveau prix, et cela entraîne des frais plus élevés pour l'étiquetage, de la publicité, l'informatique et l'entreposage. Certains vont jusqu'à citer le chiffre de 30 000 $ par an, avec les conséquences que cela aura pour le résultat comptable. D'après ce que l'on nous a dit au Nouveau-Brunswick, cette question de l'inclusion de la taxe dans le prix peut être traitée à part. Le ministre des Finances de Terre-Neuve l'a également dit. Pourtant, lorsque la question a été posée au ministre de la Nouvelle-Écosse, il a refusé de reconnaître que c'était dissociable, et deuxièmement il refusait également de reconnaître que s'il en était ainsi, et si donc nous n'avions pas besoin d'inclure la taxe dans le prix affiché, cela aiderait beaucoup les plus pauvres, les personnes à revenu faible et fixe et les personnes âgées. Qu'en pensez-vous?

M. Chisholm: La province de la Nouvelle-Écosse semble très opposée à ce genre d'idée. Alors que nous débattions de la taxe à l'Assemblée législative provinciale, un comité de la Chambre de commerce régional a rencontré le ministre Martin, et son équipe pour discuter de toute cette question de l'inclusion de la taxe dans le prix; la réponse a été très claire: le ministre n'est pas prêt à s'engager sur cette voie.

Il semble que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse cherche à nous vendre cette taxe en usant de deux arguments: d'abord cela permettra de créer toutes sortes d'emplois -- nous n'arrivons pas à imaginer comment -- et deuxièmement, les consommateurs veulent que la taxe soit incluse dans le prix. Le gouvernement s'accroche à sa position, car s'il recule sur l'un ou l'autre de ces arguments, il ne sait plus comment justifier que l'on veuille à tout prix imposer cette mesure.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous que les personnes âgées, et les pauvres, aient intérêt à ce qu'on n'inclue pas la taxe dans le prix?

M. Chisholm: Je ne vois pas comment.

Le sénateur Oliver: Je vous ai parlé tout à l'heure des coûts supplémentaires pour les commerces de détail.

M. Chisholm: En effet. Si cette mesure entraîne des coûts supplémentaires, les personnes âgées et les habitants de la Nouvelle-Écosse des tranches inférieures de revenu devront payer les articles achetés plus cher. S'il est possible de réduire les coûts, c'est évidemment souhaitable. Mais cela n'entame en rien notre opposition à une taxe que nous estimons fondamentalement injuste.

Le sénateur Oliver: M. Gillis, le ministre, nous a parlé de toute une série de brochures destinées à informer la population de la Nouvelle-Écosse, et qui ont été distribuées auprès de diverses associations et dans divers secteurs de la population. Ces brochures expliquent les conséquences de la nouvelle taxe, et s'adressent notamment aux personnes âgées. J'ai lu la brochure qui leur est destinée et d'après laquelle les loyers ne vont pas augmenter. Avec l'harmonisation et l'inclusion de la taxe dans le prix, le propriétaire va payer une taxe sur les réparations et les rénovations, la publicité, les services professionnels, le déneigement, l'enlèvement des ordures, et cetera, ce qui entraînera probablement une augmentation du loyer. Qu'en pensez-vous?

M. Chisholm: Oui, nous avons d'ailleurs pris publiquement position sur cette brochure destinée aux personnes âgées.

Le sénateur Oliver: Pensez-vous que cette brochure disait vrai?

M. Chisholm: À notre avis cette brochure traduit un manque flagrant de rigueur, et induit en erreur d'une façon proche de la tromperie. Nous avons parlé aux personnes âgées, elles étaient d'accord avec nous.

Mais cela fait partie de l'ensemble du problème à résoudre. Un sénateur a déjà demandé au ministre pourquoi il ne faisait pas plus d'effort pour bien expliquer à la population les conséquences de cette mesure. Le gouvernement, dans sa hâte à vendre quelque chose qui n'est pas vendable, a tenu des discours aux gens qui ne se sont pas laissé abuser.

Le sénateur Oliver: Le rapport du CEPA publie une triple mise en garde. La troisième porte sur le fait que les entreprises vont être obligées d'emprunter pour financer cette taxe. Qu'en pensez-vous? Est-ce juste?

M. Chisholm: Absolument pas. Les frais d'exploitation vont augmenter, et c'est une charge supplémentaire que de nombreuses PME ne pourront pas supporter. Alors que le pays n'a pas encore digéré les effets de la TPS, la dernière chose dont on ait besoin c'est une augmentation des charges, même si l'on nous promet qu'au bout du compte cela nous permettra des économies.

Le sénateur Losier-Cool: Je dois dire que votre position sur cette institution canadienne connue sous le nom de Sénat me remonte le moral par un jour comme celui-ci. Je ne sais pas si je dois vous en remercier, mais il est clair que vous n'avez pas mâché vos mots.

J'aimerais donc connaître votre position sur la taxe de vente harmonisée par rapport à celle du Bloc québécois. D'après le Bloc, on cache en réalité cet impôt au consommateur, on ne dit pas la vérité aux gens, bien que de son côté le Québec ait lui aussi une taxe harmonisée.

M. Chisholm: Malheureusement, sénateur, je ne connais pas du tout la position du Bloc sur la TVH. Mais ça m'intéresserait certainement d'en savoir plus sur sa position.

Le sénateur Losier-Cool: Reportez-vous au Globe and Mail de ce matin, où l'on explique la position du Bloc.

En bas de la page 1 de votre mémoire vous parlez des tranches inférieures de revenu. Vous donnez une ventilation des économies annuelles moyennes par famille, pour la tranche de 20 000 à 40 000 $ de revenu. Avez-vous bien conscience de ce que cela représente pour ces familles? Statistique Canada a parlé de ces économies, et je sais que pour la tranche de 10 000 à 20 000 $, cela représente plus de 100 $ par an. Pour la tranche de 20 000 à 30 000 $, on peut également s'attendre à des économies.

M. Chisholm: Si j'ai pris l'exemple de la tranche de 20 000 à 40 000 $, ce n'est pas pour laisser entendre que ceux des tranches inférieures, au revenu disponible moins important, s'en tireront mieux, car ce n'est certainement pas le cas. Ces huit millions de dollars ne représenteront pour les personnes des tranches de revenu les plus basses qu'un dollar par semaine environ. Voilà donc des gens qui seront tout aussi pénalisés, sinon plus. Si j'ai parlé de cette tranche de 20 000 à 40 000 $, pour exemple, c'est qu'après la publication à la fin du mois de janvier du rapport final du CEPA, si ma mémoire est exacte, les manchettes de la presse locale annonçaient que globalement cette taxe profiterait à l'économie du Canada atlantique. Quelqu'un est alors allé parler au CEPA, aux économistes, et aussi à son comptable et d'autres personnes, et a présenté des chiffres concernant cette tranche de 20 000 à 40 000 $, montrant qu'en fin de compte, la note sera plus élevée. Il a donné des exemples précis. Et c'est ce que nous entendons dire de plus en plus, constatant que les personnes qui ont un revenu fixe, ou un revenu disponible faible, s'inquiètent. Elles connaissent leur budget au jour le jour, savent ce qu'elles ont à payer, et ne voient pas ce qu'elles vont en retirer, même si elles ont l'argent nécessaire à l'achat d'une nouvelle voiture, ou d'un manteau de fourrure.

D'après l'étude de CEPA, cette mesure va globalement profiter aux consommateurs. Cela revient à dire qu'il y aura des gagnants et des perdants. Dans ce cas, la combinaison de la TVH et de la réduction de l'impôt sur le revenu va profiter aux tranches supérieures de revenu de Nouvelle-Écosse, en désavantageant les plus défavorisés de la province.

Le sénateur Losier-Cool: Ce sont des faits et, des chiffres que nous avons à notre disposition, et que le comité peut consulter.

Pour faire suite au sénateur Oliver, et sa question sur l'inclusion de la taxe dans le prix, j'aimerais vous demander de préciser votre position. Vous êtes opposés à la TVH: voulez-vous tout simplement abolir cette taxe, ou revoir l'ensemble de la fiscalité? Quelle est la position de votre parti?

M. Chisholm: Nous sommes opposés à cette mesure, nous sommes opposés à l'harmonisation. Nous estimons déjà que la TPS a pour ainsi dire étouffé l'économie du Canada atlantique. Les preuves sont là, dans les études et analyses du CEPA et autres, à savoir qu'environ trois milliards de dollars supplémentaires ont été siphonnés du Canada atlantique après l'imposition de la TPS. Beaucoup d'entreprises ont été obligées de fermer, d'autres sont au bord du gouffre, et tout cela à cause de la TPS. Pour nous la TVH va d'abord aggraver la situation, et ensuite provoquer un déplacement du fardeau de l'impôt des grandes entreprises, d'un secteur bien particulier, à savoir l'exportation et la fabrication, vers le consommateur. À un moment où l'économie du Canada atlantique est fragilisée, cette nouvelle mesure n'est pas recommandée.

La dernière chose que je tiens à dire c'est que non seulement le consommateur va payer, mais aussi l'ensemble de la province de la Nouvelle-Écosse disposera de 100 millions de dollars en moins chaque année, en raison de l'imposition de la TVH. Rien au monde ne prouve que nous récupérerons cet argent, une fois que les 250 millions de dollars, que certains appellent un pot-de-vin, auront été versés.

Rien ne prouve en particulier qu'un regain d'activités économiques dû à l'imposition de la TVH permettra de récupérer ces 100 millions de dollars. Voilà donc que brutalement le gouvernement de Nouvelle-Écosse aura 100 millions de dollars en moins pour la santé, l'éducation, les routes et les services publics dont il a la responsabilité. D'après le CEPA lui-même, s'il y a création d'emplois à cause de la TVH, cela sera reporté dans un avenir lointain, et rien ne peut prouver que ces 3 000 emplois seront effectivement créés.

Le président: Chers sénateurs, nous allons maintenant entendre le groupe suivant de témoins, composé de cinq représentants d'entreprises diverses. De Sears Canada nous avons M. Al Schiappa, de Mark's Work Warehouse M. Jim Killin, de Saan's M. Daniel Langevin, de Canadian Tire Carol Weickert, et de l'Independent Television Industry of Atlantic Canada MM. Greg Mudry et Rick Friesen.

M. Daniel Langevin, vice-président, Marketing et communications, Saan Stores Ltd.: Saan Stores Ltd. est une filiale de Gendis Inc., société cotée en bourse. Saan Stores opère dans tout le Canada atlantique à l'enseigne de Saan and Red Apple. Par le passé il s'agissait des magasins Met, Met Mart, Metropolitan, Greenberg et Red Apple. Nous avons à l'heure actuelle 26 points de vente dans les provinces de l'Atlantique, 512 employés représentant une masse salariale de plus de 2,8 millions de dollars.

Vous pouvez imaginer que nous sommes les premiers concernés par les conséquences désastreuses possibles de ce programme fédéral d'harmonisation, pour notre compagnie et nos employés. Saan Stores estime que cette législation d'harmonisation fiscale aura des effets catastrophiques pour notre compagnie et les consommateurs que nous représentons.

Ce plan va ajouter 8 p. 100 supplémentaires de taxe sur les chaussures et l'habillement de moins de 100 $, deux catégories d'articles qui représentent plus de 60 p. 100 des ventes de Saan Stores. Nos magasins desservent une population des tranches inférieures et moyennes de revenu du Canada rural, et nous sommes l'un des derniers grands détaillants nationaux à desservir ce type de marché.

Il ne s'agit pas d'articles de luxe. Ces 8 p. 100 supplémentaires qui frappent des bien essentiels à prix modique, toucheront durement ceux des Canadiens qui peuvent le moins supporter ce genre de mesure. Ces articles, qu'il s'agisse de jeans, de pantalons ordinaires, d'anoraks, de chaussures de sport, de chaussures d'hiver, de chaussettes, de sous-vêtements, pyjamas et chemises de nuit, représentent une partie importante des dépenses pour lesquelles les familles calculent un budget.

Ces 8 p. 100 supplémentaires auront un effet négatif sur la demande. Les consommateurs vont donc moins acheter, ce qui réduira d'autant les ventes de nos chaînes de magasins, mais également celles des détaillants des magasins généraux, y compris les petits commerçants locaux. Les fabricants canadiens et les importateurs de ces articles, dont le secteur est vulnérable, se verront d'autant fragilisés. Autant dire que cette taxe va tuer l'emploi.

On tend à oublier qu'une augmentation du volume des ventes entraîne presque instantanément une création d'emplois, surtout dans le secteur de la vente au détail. La corrélation est identique entre le recul du volume des ventes et la perte d'emplois.

Le secteur canadien du détail est dans une position difficile. Il suffit de lire les manchettes de la presse, et d'entendre les déclarations des dirigeants des grandes sociétés; le secteur du détail connaît des difficultés graves. Or le gouvernement fédéral exige que cette hausse de la taxe soit cachée dans le prix de vente de tous les biens et services qui sont frappés par l'harmonisation, c'est ce qu'on appelle l'inclusion de la taxe dans le prix affiché, ce qui va se traduire par une escalade des coûts et se révéler une source de difficultés insurmontables.

Ni le gouvernement fédéral ni aucun gouvernement provincial à ce jour n'a pu faire la preuve des avantages économiques que retirerait le consommateur de cette nécessité d'inclure la taxe dans le prix de détail. Bien au contraire, on a prouvé très clairement à tous les gouvernements concernés que contraindre les détaillants à respecter cette réglementation alourdirait considérablement leurs coûts; et en dernière analyse ce seront les consommateurs du Canada atlantique qui en feront les frais.

Nous allons, dans nos exposés d'aujourd'hui, chercher vous à informer, afin que vous puissiez mieux comprendre pourquoi cette inclusion de la taxe à l'étiquetage va majorer les frais d'exploitation. Les coûts logistiques, les coûts plus élevés d'emballage, l'augmentation des coûts due au transfert interrégional, les coûts de publicité, le coût de la modification des logiciels et matériels aux points de vente, modification rendue nécessaire par cette politique de l'inclusion de la taxe dans le prix, l'adaptation de nos systèmes comptables et d'information de gestion, et cetera, la facture se monte à plus de deux millions de dollars pour notre société.

À une réunion qui s'est tenue ici, à Halifax, le 3 septembre 1996, des fonctionnaires du ministère des Finances de la Nouvelle-Écosse ont reconnu qu'ils ne pouvaient détecter aucun avantage économique direct au consommateur de cette réglementation imposant l'inclusion de la taxe dans le prix affiché au détail. À notre avis, le seul gagnant serait le gouvernement fédéral, s'il arrive à créer l'illusion qu'il a supprimé la TPS tant décriée, en contraignant les détaillants à inclure la TVH dans le prix indiqué sur l'étiquette que lit le consommateur. En fait, les consommateurs du Canada atlantique seront les perdants, puisque fatalement les prix vont augmenter.

Honorables sénateurs, vous comprenez qu'une telle augmentation des frais d'exploitation doit être transmise aux consommateurs par des détaillants qui voient déjà leurs chiffres de pertes augmenter. Cette inclusion de la taxe dans le prix se traduira par une augmentation du prix, une diminution des ventes en même temps que de la production industrielle, et finalement une perte d'emplois.

Notre devoir est de vous recommander de supprimer cette mesure exigeant que les détaillants affichent un prix incluant la taxe. L'harmonisation est un objectif louable, mais elle ne doit pas se faire en échange d'un recul de notre économie, ce que cette proposition ne manquerait pas de provoquer.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

M. Jim Killin, directeur général, Mark's Work Warehouse, Est du Canada: Monsieur le président, je vais être bref. Vous avez notre mémoire, et vous pouvez également y consulter les chiffres qui viennent étayer notre argumentation. Je vais en lire quelques extraits, en vous adressant un certain nombre de questions que vous pourrez nous reposer.

Ce qui caractérise le débat entourant le projet de loi C-70, qui traite de l'harmonisation de la taxe de vente, c'est le chaos, la confusion, le malentendu, la désinformation et les suppositions les moins fondées. Comme j'étais à Saint John j'ai pu entendre ce qui s'est passé à Terre-Neuve, et nous avons de notre côté suivi les travaux du comité sénatorial de très près.

Nous sommes une chaîne nationale de 143 magasins au Canada, dont 14 dans la région de l'Atlantique. Le coût global de cette harmonisation pour notre compagnie est estimé à 500 000 $ par an. Cela représente de 30 000 $ à 35 000 $ de coûts supplémentaires aux gérants de nos magasins en franchise et des points de vente de la société.

L'augmentation de nos coûts de façon générale, mais également pour ce qui concerne la publicité et les opérations de communication dans les médias, ajoutée à un recul de nos ventes, risque de menacer la rentabilité de notre présence dans le Canada atlantique. Lors des réunions à Terre-Neuve, et au Nouveau-Brunswick, curieusement, les ministres des finances se sont déclarés prêts à réviser cette question de l'inclusion de la taxe et de l'affichage, mais l'on se heurtait à un refus de la province de la Nouvelle-Écosse. En effet, toute modification doit être décidée par les trois provinces, mais la Nouvelle-Écosse renâcle.

Pour clarifier les choses rappelons que le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a parlé d'un effet bénéfique sur les ventes des détaillants. Lorsque le sénateur Oliver, au Nouveau-Brunswick, a posé la question au témoin, celui-ci a parlé d'une augmentation des ventes au détail dans les secteurs de luxe, automobiles, télévisions, magnétoscopes. Pressé par le sénateur, il a finalement déclaré que le secteur de l'habillement verrait sans doute une diminution de ses ventes de 4,2 millions de dollars, et encore un peu sollicité il a fini par avouer que le secteur de la chaussure verrait son chiffre baisser de deux à quatre millions de dollars. Je ne peux dire si cela fait un total de huit millions de dollars pour chaque secteur, ou huit millions de dollars toutes catégories confondues. Les chiffres que présentent le CEPA ne sont pas très clairs.

Au Nouveau-Brunswick, la Commission du développement économique prétendait que les détaillants pouvaient tout simplement utiliser, pour une campagne d'information et de communication, un ordinateur pour afficher un changement de prix sur un prospectus, ce qui ne coûterait pas cher. Je dois dire que la dernière fois que j'ai eu à organiser une campagne de publicité, ce que je continue de faire, j'ai vu les détaillants comme ceux qui sont ici à cette table, avoir recours à une presse rotative, qui peut sortir environ 1,5 million d'exemplaires en deux jours. Avec un tel système tout changement exige que l'on change les plaques, et notre mémoire vous chiffre le prix de ce remplacement. Pour ce genre d'impression, nous n'utilisons pas un ordinateur de bureau Canon Inkjet, nous nous servons d'une presse rotative.

D'autres questions se posent à propos de la publicité dans les médias. Les canaux thématiques que notre société utilise ne sont pas autorisés en vertu de la réglementation du CRTC à modifier leurs relais nationaux pour les régionaliser pour les provinces de l'Atlantique. En tant que société, nous aurons à payer 15 p. 100 de plus sur les achats nationaux pour modifier les relais de CTV et de CBC présentés dans ces provinces.

Il faudra utiliser des dépliants publicitaires différents pour tenir compte de la particularité de l'Île-du-Prince-Édouard. On bénéficiera certainement d'un avantage sur le plan de la fiscalité et du chiffre d'affaires.

Nous croyons savoir qu'on est en train de conclure des ententes spéciales avec Avon en raison de son numéro 1-800. Nous savons tous qu'Avon mise sur la vente de porte-à-porte. À ce que je sache, cette société a obtenu une exemption spéciale l'autorisant à ne pas inclure la taxe dans le prix.

Monsieur le président, la décision vous revient à vous et à votre comité. Nous avons montré, pour les sénateurs et la presse, comment l'inclusion de la taxe dans le prix sèmera la confusion chez les consommateurs.

Pour terminer, je dirai que je suis fier que deux de nos exploitants de franchise aient témoigné et je pense que vous en entendrez un autre plus tard dans la journée. Nous ne sommes pas des politiciens, nous sommes des détaillants qui avons la responsabilité d'enregistrer un profit raisonnable.

Pour avoir entendu divers comptes rendus qu'en a donné la télévision depuis quelques jours, je vous dirai que de nombreuses personnes qui ont participé à des tribunes libres, des gens ordinaires du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, ont dit que la présente étude n'était encore qu'une mise en scène, et quelqu'un à Saint John a dit que ce comité était:

[...] un spectacle de tournée de 200 000 $ pour calmer les gens, mais il ne changera rien à l'affaire.

Je dois dire que je ne fais pas partie des sceptiques. Je me suis entretenu avec la plupart d'entre vous. Je pense que nous avons un véritable problème dans ces trois provinces. Dans ce mémoire, je parle de «société distincte» et, à n'en pas douter, ces trois provinces sont isolées du reste du Canada en ce qui concerne cette question de l'inclusion de la taxe dans le prix ainsi que de la publicité. Le consommateur doit subir une nouvelle augmentation de 8 p. 100 sur le prix de services essentiels, ce qui réduira notre chiffre d'affaires pour la vente au détail.

Ce que je demande au Sénat, c'est qu'il examine, sinon la totalité du projet de loi, au moins la question de l'inclusion de la taxe dans le prix.

Le président: Nous accueillons maintenant M. Carlo Weickert, de l'Association des marchands Canadian Tire de la Nouvelle-Écosse.

M. Carlo Weickert, Association des marchands Canadian Tire: Monsieur le président, je vais tâcher d'être bref. Je ne sais pas combien d'entre vous savent à quoi ressemble effectivement le système de double prix. Je vous en ai apporté quelques exemples pour que vous en preniez connaissance. Voici une étiquette standard comme celle que nous plaçons en avant des crochets sur lesquels nous installons des produits que nous vendons, et ceci est une étiquette standard que nous installons sur nos étagères, elle glisse le long d'une rainure sur le devant de l'étagère. J'ai aussi apporté des modèles d'affiche, et je vais vous les distribuer pour que vous les regardiez. Ceci est une étiquette ordinaire que nous plaçons sur les articles vendus à rabais. Ces deux étiquettes sont ainsi placées: le prix régulier est placé en haut ici, et le nouveau prix, le prix suggéré est en bas ici; j'en ai aussi un ici avec les étiquettes, et je vais aussi vous le distribuer.

J'aimerais que vous regardiez bien ce qui se passe. Tout ça, c'est de la pollution. La cabine de douche porte un prix régulier, sans taxe, de 299 $, et le prix taxes comprises est de 344 $, mais on annonce que le consommateur peut économiser 50 $, alors qu'il s'agit en fait de 44 $. Si on prend le prix taxes comprises de 344 $, le prix régulier taxes comprises est de 402 $, ce qui représente une économie de 57 $. Le seul moyen d'obtenir le rabais de 50 $, est de prendre le prix hors taxe et le prix régulier hors taxe. On a donc six prix ici, et je vous demande d'essayer de vous y retrouver. Je vais vous distribuer tout cela, si vous voulez regarder ces étiquettes pendant que je continue.

Dans les provinces maritimes, nous représentons environ 10 p. 100 des ventes au détail effectuées au Canada. Le gouvernement nous demande de dépenser des fortunes pour 10 p. 100 des recettes disponibles chez nous. Dans notre seule entreprise, les logiciels nous coûteront 8,8 millions de dollars, et il faudra prévoir 56 années-personnes pour opérer les changements de logiciels requis dans tous nos systèmes.

Au niveau du magasin, le magasin moyen devra dépenser environ 20 000 $ pour apposer de nouvelles étiquettes pour tenir compte de la modification des prix. Puis, il y a toujours le coût inhérent à la modification du prix des marchandises qui arrivent, et tout le reste. C'est un coût énorme que les marchands Canadian Tire ne peuvent pas absorber.

La société Canadian Tire fixe les prix à Toronto. Nous, représentants locaux, ne pouvons pas augmenter nos prix pour tenir compte de la hausse des coûts pour nous, et comme l'a dit mon ami ici, le secteur de la vente au détail au Canada connaît une période de grande instabilité. On peut le constater chez Sears, chez Distribution aux consommateurs. Vous voyez quels sont les bénéfices nets de la plupart des entreprises de vente au détail. Vraiment, nous ne pouvons pas absorber ces coûts. Les sociétés qui peuvent refiler à d'autres ces dépenses vont le faire. Celles qui ne le peuvent pas, comme nous, doivent trouver des moyens d'absorber ces coûts.

Notre plus gros poste de dépense, c'est le personnel. S'il le faut, nous devrons réduire notre effectif, réduire la masse salariale, ce qui aura des répercussions sur le service à la clientèle et facilitera le vol à l'étalage. Pour nous, c'est un coût considérable. C'est un coût que nous ne pouvons pas absorber, que nous n'avons pas à subir, et, franchement, j'estime que ce n'est qu'une mise en scène par le gouvernement fédéral pour essayer de nous faire croire que la TPS disparaît du fait qu'on l'inclut dans le prix.

J'ai parlé à plusieurs de mes amis un peu partout au pays, et de façon générale ils pensent qu'aucune des autres provinces ne va opter pour cette solution. Nous serons à jamais laissés pour compte et aurons à supporter des coûts que nous ne pouvons pas nous permettre de payer.

M. Al Schiappa, directeur national, Analyse générale et fiscale, Sears Canada, Inc.: Dans le protocole d'entente on promettait un régime fiscal simplifié pour les consommateurs et le monde des affaires. En fait, après un an d'étude, nous constatons que le prix taxes comprises dans un système partiellement harmonisé aura un effet diamétralement opposé pour nous qui faisons de la vente au détail à l'échelle nationale, que les coûts augmenteront et que les systèmes seront plus compliqués.

À titre d'exemple, dans l'avant-projet de loi, il y avait une exemption concernant les catalogues nationaux. Or, Sears ne satisfait pas aux exigences et ne peut donc pas bénéficier de cette exemption. Sears distribuera 52 millions de catalogues cette année dans les 10 provinces et les deux territoires. Si nous ne sommes pas une société nationale de vente par catalogue, je me demande qui l'est. On voit bien ainsi que le gouvernement n'a pas consulté le secteur des affaires pour voir comment on aurait pu collaborer en matière d'harmonisation et de prix taxes comprises.

Il est un autre secteur dont le gouvernement n'a jamais tenu compte, et c'est la publicité nationale à la télévision, à la radio et dans les médias écrits. Il ne sera plus intéressant de mener des campagnes publicitaires où l'on fera mention des prix. Il faudra donc recourir à des campagnes de publicité régionales pour les provinces de l'Atlantique. C'est un coût supplémentaire.

Personne ne comprend le système informatisé de ventes au détail. Nous avons l'inventaire au point de vente, la facturation informatisée et des systèmes électroniques, qui forment un réseau complexe, et le fait d'en changer un élément a un effet domino qui se répercute jusqu'au terminal et à la caisse enregistreuse.

Un autre secteur que le gouvernement n'a jamais pris en compte sérieusement est l'étiquetage. Comment un produit donné est-il étiqueté et présenté au consommateur? C'est une chose courante pour les fournisseurs que d'étiqueter la marchandise à la source.

Le prix hors taxe nous permettait de recourir à cette pratique. Nous pouvions laisser au fournisseur le soin d'absorber ces coûts d'étiquetage à la source. Maintenant, nous allons devoir soit nous en occuper nous-mêmes moyennant des coûts additionnels, soit essayer de rallier les fournisseurs.

Il est courant pour la plupart des détaillants nationaux de transférer des marchandises d'une province à l'autre. Dans la région de l'Atlantique, si les étiquettes de prix incluent la taxe et que je veux redistribuer un article dans une autre province, je devrai dépenser de l'argent pour une nouvelle étiquette, pour le transport et pour une nouvelle campagne de publicité. La plupart de ces dépenses correspondront à des coûts de main-d'oeuvre.

Pour les détaillants nationaux, un régime entièrement harmonisé serait éminemment souhaitable, et nous, chez Sears, y voyons un objectif valable mais tant que vous ne vous mettrez pas d'accord avec les autres provinces, la confusion régnera en matière d'étiquetage, de publicité et de catalogue.

M. Greg Mudry, directeur général et vice-président de ATV/ASN et d'Independent Television Industry of Atlantic Canada: Je m'appelle Greg Mudry et je suis le vice-président et le directeur général du réseau de télévision ATV qui est affilié à CTV et qui couvre les Maritimes, ainsi que de l'Atlantic Satellite Network qui dessert toutes les provinces de l'Atlantique. Je suis accompagné par Rick Friesen, directeur général de MITV, qui fait partie de Canwest Global System, qui dessert aussi les provinces Maritimes, et juste derrière nous se trouvent Barry Saunders, directeur général des ventes de MITV, et notre vérificateur, Frank Mader.

Nous aimerions établir une chose bien clairement. À titre d'employeurs et de partenaires économiques de la Nouvelle-Écosse, nous sommes en faveur de la TVH. Nous croyons que son introduction va apporter de véritables avantages économiques aux provinces de l'Atlantique. Nous craignons cependant que notre secteur et nos fournisseurs souffriront sur le plan financier à cause des dispositions concernant la publicité taxes comprises que pourrait entraîner l'introduction de la TVH.

Nous recherchons, par ce dialogue, à collaborer avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu'avec le gouvernement fédéral et les gouvernements des autres provinces de l'Atlantique, pour trouver des solutions mutuellement acceptables afin de tirer le meilleur parti possible de la TVH et d'en réduire au minimum les inconvénients.

M. Rick Friesen, directeur général, MITV, Independent Television Industry of Atlantic Canada: Les radiodiffuseurs de cette région n'ont pas eu la vie facile depuis cinq ans. Les télédiffuseurs canadiens des provinces de l'Atlantique n'ont en effet accaparé que 4,3 p. 100 de la totalité des dépenses de publicité engagées au Canada. Au cours des cinq dernières années, le total des dépenses pour la publicité présentée par les stations de radio et de télévision des provinces de l'Atlantique a diminué de 11 millions de dollars, ce qui représente une baisse de 8 p. 100.

Les télédiffuseurs des provinces de l'Atlantique enregistrent les plus faibles profits au Canada. Les pertes avant taxe pour 1995 étaient de 3,2 p. 100 des ventes. On nous a dit que l'inclusion de la taxe dans le prix pourrait être obligatoire pour toute la publicité télévisuelle mentionnant le prix qui vise des habitants des provinces de l'Atlantique. Des annonceurs nationaux nous ont fait savoir qu'il n'est pas possible sur le plan économique de produire des publicités distinctes pour cette région.

Les chaînes thématiques comme Much Music ou TSN ne peuvent pas scinder leurs signaux par région et n'ont d'ailleurs pas le droit de le faire. Par conséquent, elles diffusent exactement la même chose dans tout le pays. La SRC et le réseau CTV diffusent aussi les mêmes messages à l'échelle nationale. Toutes ces publicités seront diffusées dans les provinces de l'Atlantique en indiquant un prix hors taxe.

Cette façon de faire mettra fin au traitement égalitaire actuellement accordé aux annonceurs locaux, régionaux et nationaux. Cette équité sur le plan de la concurrence doit être maintenue, afin que nos annonceurs locaux dans les provinces Maritimes puissent continuer de prospérer. Comme Rob Johnson de Wacky Wheatley's le dit:

[...] si l'on permet à des annonceurs nationaux -- comme Future Shop, La Baie, Sears, et d'autres -- de diffuser sur des chaînes nationales comme TSN et Much Music des annonces n'incluant pas la TVH, on aura l'impression que nos prix sont de 15 p. 100 supérieurs [...] ce qui serait un désastre pour nous parce que les prix pratiqués par nos concurrents «paraîtraient» terriblement avantageux [...]

Par conséquent, les annonceurs cesseront de recourir à la télévision pour faire des campagnes de publicité où l'on mentionne des prix. L'accès qu'ont les annonceurs à ce média pour cet élément important de la stratégie de mise en marché est donc réduit pour des raisons que les représentants des restaurants Wendy ont exposées de façon très claire dans une entrevue accordée au Telegram Journal du Nouveau-Brunswick:

Dans les faits, les dépenses additionnelles vont contraindre Wendy à réduire de près de moitié son budget de publicité, ce qui devrait entraîner une baisse de 10 p. 100 du chiffre d'affaires [...]

La télévision est le moyen de publicité le plus efficace pour la plupart des annonceurs des provinces Maritimes. Elle crée une demande, elle informe les consommateurs et les incite à dépenser. Il ne fait aucun doute que la diminution de la publicité va ralentir les affaires de façon générale. De 10 à 15 p. 100 des revenus d'ATV/ASN et de MITV proviennent de la publicité où l'on fait mention du prix. Ainsi donc de 4,5 à 7 millions de dollars en recettes sont en jeu. La SRC et les radiodiffuseurs de Terre-Neuve feraient grimper considérablement ce montant. Même si la perte potentielle ne se matérialise qu'à moitié, la perte de recettes sera suffisamment importante pour avoir des répercussions négatives sur l'économie, surtout en Nouvelle-Écosse.

M. Mudry: On a laissé entendre que les stations de télévision des provinces de l'Atlantique pourraient simplement modifier toutes les annonces nationales qui leur parviennent. C'est tout à fait irréalisable. Les agences nationales de publicité et leurs clients n'accepteraient jamais de nous autoriser à modifier unilatéralement leur création en lui ajoutant des étiquettes ou en masquant les mentions de prix. La quasi-totalité de la publicité faisant mention de prix est intégrée au produit de création. À notre niveau, il nous serait impossible d'apporter des modifications.

Si la publicité taxes comprises n'est pas obligatoire au niveau national, le plus simple serait que les agences achètent du temps d'antenne à la périphérie des stations locales des provinces de l'Atlantique et permettent que la publicité faisant mention du prix et provenant de diffuseurs nationaux, comme les réseaux TSN, Much Music et d'autres, soit présentée dans la région. On refuserait carrément de dépenser chez nous pour encourager la publicité faisant mention du prix.

La publicité mentionnant le prix net est la seule solution qui réponde aux besoins des radiodiffuseurs, des annonceurs et des consommateurs. On supprime du même coup la confusion que suscitent les messages qui débordent dans des provinces non participantes. Une mise en garde indiquant que la taxe n'est pas comprise pourrait être adoptée à l'échelle nationale pour toute la publicité mentionnant les prix. On s'assurerait ainsi que toute publicité présentée aux consommateurs des provinces de l'Atlantique, que ce soit par des réseaux, des chaînes thématiques ou des stations locales, indiquerait les même prix, le dénominateur commun étant le prix hors taxe.

Sur le plan de la concurrence, on continuerait de traiter équitablement les annonceurs régionaux des provinces de l'Atlantique et leurs concurrents du reste du pays. On pourrait raisonnablement comparer les prix. Nous appuyons la recommandation du comité permanent de la Chambre des communes concernant l'ajout dans toute publicité d'une mise en garde indiquant que le prix n'inclut pas la taxe.

Les radiodiffuseurs des provinces de l'Atlantique ont besoin de cette disposition législative pour conserver leurs recettes déjà chancelantes. Les annonceurs des provinces Maritimes ont besoin de cette disposition pour continuer d'être traités équitablement sur le plan de la concurrence et pour éviter de semer la confusion chez les consommateurs. La population a besoin de cette disposition pour savoir à quoi s'en tenir en ce qui concerne les prix et pour prendre des décisions avisées. Une publicité contenant une mise en garde indiquant qu'il est question du prix hors taxe ne plonge pas le consommateur dans la confusion. Elle ne l'incite pas à hésiter avant d'acheter au magasin.

Le sénateur Cochrane: D'abord, je dois me présenter. Je suis un sénateur de Terre-Neuve et du Labrador, et hier nous avons entendu les gens de là-bas, et je veux vous parler de certains d'entre eux. Nous avons entendu parler de l'hospitalité qui caractérise Terre-Neuve et le Labrador, nous avons entendu des représentants de la Chambre de commerce de St. John's, de la Craft Development Association, de la Builders Association, de la Real Estate Association, de la Chambre de commerce, et absolument tous ont dit la même chose que vous nous avez dite aujourd'hui. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, les provinces de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick ne peuvent toutes mentir.

Ma question s'adresse au représentant de Sears. Vous dites que le gouvernement ne vous a pas consultés avant d'envisager tout cela; n'est-ce pas?

M. Schiappa: C'est juste.

Le sénateur Cochrane: En Nouvelle-Écosse, quel genre de consultations y a-t-il eu auprès des entreprises et des consommateurs avant que cette entente ne soit conclue?

M. Killin: À notre connaissance, le Conseil de la vente au détail était représenté, mais il n'y a pas eu de participation directe de la Nouvelle-Écosse ni du Nouveau-Brunswick, pas plus que de consultation.

M. Langevin: Il y a eu consultation en notre nom. Le président de notre ancienne entreprise, MMG Group, avait rencontré le ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse. Le discours était bien clair: peu importe les chiffres qui lui étaient soumis, la TVH irait de l'avant, tout comme le prix taxes comprises. Le tout ferait l'objet de consultations, mais jusqu'à maintenant, manifestement, nous n'avons constaté la prise d'aucune mesure à ce sujet.

Le sénateur Cochrane: Il ne nous reste que quelques semaines. Cette taxe est censée entrer en vigueur le 1er avril.

M. Killin: Toutes les questions posées aux ministres, aux sous-ministres et aux députés sont restées lettre morte. Tout se passe en atelier fermé.

Le sénateur Cochrane: Fermé, vous voulez dire fermé dans ces trois provinces et à Ottawa?

M. Killin: C'est cela. On ne discute pas de la question.

M. Langevin: Quand les directeurs des grandes sociétés nationales de vente au détail ont rencontré l'honorable Paul Martin le 10 juillet, il a dit qu'ils donneraient suite à cette intention de procéder à l'harmonisation dans tout le pays. Il a aussi laissé entendre que le gouvernement créerait pas moins de quatre autres zones de prix parce qu'on ne peut pas avoir de taux d'imposition harmonisé dans tout le pays. Cette proposition entraînerait des coûts additionnels pour les détaillants. L'impression de catalogues pour des sociétés comme Sears et d'encarts publicitaires pour des sociétés comme Mark's Work Warehouse et Saan devrait se faire par zone. Nous devons déjà, en raison de la politique de bilinguisme, tenir compte des zones en ce qui a trait à la présentation des prix et à l'impression.

[Français]

Il faut toujours servir les Acadiens du Nouveau-Brunswick, et les Québécois en français, ceux qui parlent une autre langue dans notre pays.

[Traduction]

Pour ce faire, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick il faut imprimer non seulement des encarts en anglais mais en français aussi. Puis, il faut changer les prix sur les encarts français et sur les encarts anglais. Étant donné le très grand nombre de zones, il en résulte d'importants coûts additionnels, ce que les gens qui ne sont pas du métier ne semblent pas comprendre.

Le sénateur Cochrane: À Terre-Neuve, hier, nous avons entendu un représentant de l'Alliance, et permettez-moi de reformuler ses propos. Ils étaient en faveur de cette taxe de vente harmonisée, et il a dit en gros ceci: «Nous, les trois provinces de l'Atlantique, nous voulons servir d'exemple au reste du Canada. Nous pensons que ce sera bien. Nous allons indiquer la voie, et les autres provinces du Canada vont se rallier une fois qu'elles constateront les avantages que nous en tirons». Qu'en pensez-vous?

M. Killin: Je pense que vous verrez demain matin... et nous avons parlé avec des représentants de Stanfields et de Nova Scotia Textiles, qui sont les deux grands fournisseurs de Mark's Work Warehouse dans cette province. Ils présenteront au comité leurs opinions sur la TVH, et expliqueront quel est l'enjeu pour eux, pourquoi ils ne peuvent pas indiquer pour nous le prix des marchandises sans avoir à subir des coûts additionnels, et ils vous parleront des craintes qu'ils ont en tant que fabricants, à savoir que si nous finissons par avoir six ou sept zones au pays, sous prétexte d'harmonisation, une certaine partie de ces produits partiront pour l'étranger où des usines peuvent certainement indiquer les prix pour un coût minime.

Stanfields et Nova Scotia Textiles ne peuvent pas rompre la ligne de montage pour 14 magasins de quelque 143 et réétiqueter, sans que cela coûte 4 cents ou 5 cents par vêtement. Actuellement, on le fait en bout de ligne. Vous l'entendrez dire demain par des représentants de ces deux entreprises qui peuvent vous expliquer un peu mieux le point de vue des manufacturiers. Je pense, sénateurs, que si vous posez cette question aux deux représentants, ils seront tout à fait disposés à vous répondre.

M. Weickert: J'aimerais ajouter aussi que nous ne nous opposons pas à la TVH. Nous sommes contre l'inclusion de la taxe dans le prix pour l'application de la TVH. C'est surtout le prix taxes comprises qui nous mine.

Le sénateur Cochrane: Prévoyez-vous que des entreprises devront fermer leurs portes en raison de cette disposition?

M. Weickert: Oui, je le pense. Je le crains bien.

Le sénateur Cochrane: Vous le craignez, ici en Nouvelle-Écosse?

M. Weickert: Oui.

Le sénateur Oliver: L'inclusion de la taxe dans le prix est une question que l'on peut traiter à part, n'est-ce pas?

M. Weickert: Oui. Je n'ai pas, personnellement, pas plus que le reste de mon groupe, de problème en ce qui concerne le reste de la TVH. C'est le prix taxes comprises qui fait problème.

Le sénateur Oliver: Mais peut-on le considérer isolément?

M. Weickert: Oui.

Le sénateur Cochrane: On a entendu dire exactement la même chose à Terre-Neuve hier.

Le sénateur Rompkey: Pour être bien clair, vous quatre du secteur de la vente au détail appuyez essentiellement la TVH, mais vous êtes contre le prix taxes comprises?

M. Weickert: C'est cela.

Le sénateur Rompkey: Peut-on dire que c'est la seule partie de la loi à laquelle vous vous opposez?

M. Killin: Sénateur, dans mon mémoire, je vais un peu plus loin que la seule question du prix taxes comprises. C'est le minimum. Je pense que nous devons comprendre en tant que détaillants qu'il y a des avantages à adopter la TVH, comme d'autres aspects de celle-ci, mais je pense que le consommateur aura un réveil brutal face à cette augmentation de taxe de 8 p. 100 dans cette province et, dans le cas du Nouveau-Brunswick, en ce qui concerne les biens de plus de 100 $. Ils sont actuellement assujettis à un taux de TPS de 7 p. 100. À compter du 1er avril, une taxe additionnelle de 8 p. 100 sera perçue sur les vêtements et les produits de luxe, et dans bien des cas il en résultera une diminution des ventes.

Si l'inclusion de la taxe dans le prix est retirée du projet de loi, cela aura au moins l'avantage, de supprimer cette dépense. Il y aura néanmoins une diminution des ventes. Nous l'avons vu au Québec quand on a procédé à l'harmonisation. Le secteur du vêtement a enregistré, sur une période de deux ans, une diminution de 15 à 20 p. 100 des ventes au détail.

Le chiffre des ventes à prix ferme avait augmenté un peu, mais si l'on jette un coup d'oeil à la situation actuelle, on constate que c'est aussi la province où le nombre de faillites personnelles est le plus élevé. L'industrie de la vente au détail sera touchée d'une façon ou d'une autre, mais le comité peut à tout le moins supprimer du projet de loi l'obligation d'avoir un prix taxes comprises.

Le sénateur Rompkey: Vous pourriez accepter le projet de loi si l'inclusion de la taxe dans le prix n'en fait pas partie. Vous me dites qu'il y aura une baisse des ventes et une augmentation des taxes pour certains articles de consommation. Bien entendu, il pourrait aussi y avoir en contrepartie une augmentation des ventes et une réduction des taxes pour d'autres articles de consommation. Je comprends ce que vous dites.

Je veux être certain d'avoir bien compris. Vous quatre, mais peut-être avec certaines réserves dans le cas de Mark's Work Warehouse, appuyez la taxe de vente harmonisée, mais vous opposez à l'inclusion de la taxe dans le prix.

M. Langevin: Je pense que c'est effectivement le point de vue des quatre détaillants, avec quelques réserves dans le cas de Mark's Work Warehouse et des magasins Saan. Dans notre mémoire, nous mentionnons l'augmentation de 8 p. 100 de la taxe de vente et les effets que cela aura sur le consommateur, mais nous ne sommes pas seulement des détaillants à faire partie du groupe. David Emerode du Conseil économique des provinces de l'Atlantique a déclaré que, si l'on analyse les conséquences de la taxe de vente harmonisée, on constate facilement qu'elle aura des effets dévastateurs pour les consommateurs à faible revenu vu que bon nombre des hausses de prix touchent les nécessités de la vie. Ce n'est pas seulement notre groupe de détaillants qui est de cet avis.

M. Killin: J'ajoute, sénateur, que certains témoins nous ont dit la même chose l'autre jour.

M. Schiappa: Je voudrais ajouter quelques mots de la part de Sears Canada. Nous sommes bien d'accord que l'harmonisation totale fera réaliser des économies de coûts d'entreprise à la longue à cause du crédit d'impôt pour les intrants. C'est ce que révèlent les analyses économiques, mais une taxe partiellement harmonisée causera des problèmes sur le plan des systèmes, de la consommation et de l'étiquetage et cela ajoutera des coûts supplémentaires qui ne sont pas vraiment nécessaires. Ce n'est pas simplement à cause du prix comprenant la taxe, mais plutôt à cause de la façon morcelée dont vous voulez procéder.

Si vous finissez par avoir une taxe pleinement harmonisée dans tout le Canada et si vous pouvez promettre un seul taux pour les mêmes articles, on pourra certes réaliser des économies d'échelle. Sinon, il y aura cinq zones de prix et cinq taux d'imposition différents. Il faudra donc que j'aie cinq inventaires et cinq prix comprenant la taxe.

Le président: Puis-je demander une précision. À l'heure actuelle, il y a essentiellement dix régimes d'imposition vu que la TPS s'applique dans dix provinces et que neuf provinces, si l'on exclut l'Alberta, ont une taxe de vente provinciale. J'essaie de comprendre pourquoi le fait d'avoir une taxe harmonisée, si les taux dans trois provinces sont identiques, peut causer un problème. Je ne veux pas parler du prix taxes comprises. Je comprends votre point de vue, même si je compte vous poser des questions à ce sujet aussi parce que vos objections dans votre mémoire sont quelque peu ambiguës sur ce point et qu'il est difficile de voir si elles proviennent de l'inclusion de la taxe dans le prix. Je ne comprends pas pourquoi le simple fait d'avoir un taux d'imposition combiné identique dans trois provinces peut vous poser des problèmes puisque cela ferait passer le nombre de zones de 10 à 7.

M. Schiappa: À l'heure actuelle, nous n'avons qu'une seule zone parce que le prix ne comprend pas la taxe. Ce qu'il faut retenir, c'est que le prix ne comprend pas la taxe.

M. Killin: Nous avons un prix de vente national pour tout le pays.

M. Weickert: Sénateur, je pense que vous mêlez les zones de prix et les zones de taxe. Il y a toute une différence.

M. Langevin: Il n'y a pas eu de problème au Québec et la taxe est harmonisée depuis le début dans cette province.

Le président: Le problème vient donc de l'inclusion de la taxe dans le prix?

M. Langevin: C'est exact.

Le président: Je comprends exactement ce que veut dire M. Schiappa maintenant. Dans son exposé, il parlait toujours d'harmonisation, mais je pense qu'il était question dans le mémoire du prix taxes comprises. C'est tout ce que j'essayais de comprendre.

M. Weickert: Je voudrais parler un peu de ce qu'a dit l'autre sénateur. Dans mon entreprise, pour à peu près tous les produits durables que nous vendons, le consommateur paie environ 18,7 p. 100 si l'on additionne la TPS et la TVP, alors qu'il paiera dorénavant 15 p. 100. Le consommateur économisera donc pas mal de taxes de cette façon-là, mais nous ne pouvons pas absorber le coût supplémentaire de la publicité, le double étiquetage, et c'est ce qui nous inquiète beaucoup. C'est pour cela que nous sommes en faveur de la TVH.

Le sénateur Rompkey: De façon générale, le consommateur paiera moins dans votre magasin.

M. Weickert: Cela favorisera les consommateurs dans mon magasin. Je ne partage pas les mêmes inquiétudes que les autres ici, qui font partie de l'industrie des articles de consommation intermédiaire. Je fais partie de l'industrie des produits durables.

Le sénateur Rompkey: Je voudrais demander aux représentants de l'industrie de la télévision indépendante ce qu'ils pensent de l'amendement relatif à la publicité indiquant le prix net et la mise en garde. Cet amendement a déjà été présenté à la Chambre des communes. Est-ce exact?

M. Mudry: Nous croyons savoir que le comité permanent des finances de la Chambre des communes a inclus une recommandation à ce sujet dans son rapport sur le projet de loi.

Le sénateur Rompkey: Cela répondrait à vos préoccupations.

M. Mudry: Tout à fait. C'est ce que nous essayons d'obtenir, un seul régime pour l'indication du prix dans la publicité, et la seule chose qui peut fonctionner à l'échelle nationale est un prix qui ne comprend pas la taxe.

Le vice-président (le sénateur Angus occupe le fauteuil): Le groupe suivant de témoins comprend M. Rick Pratt, de Winsby's Shoes; Sharon Calder, vice-présidente de Charm Diamond Centres; Terry O'Leary de Salon Owners' Association, qui est accompagné de Ian Mark; et Jamie Hartling de Leather Smith Design.

M. Jamie Hartling, propriétaire-gérant, Leather Smith Design: Je suis venu témoigner au sujet de la concurrence déloyale de la mesure que le gouvernement veut faire adopter. Je veux parler de la nécessité d'avoir un chiffre d'affaires de 30 000 $ pour percevoir la taxe de vente pondérée. Je vous prie de rendre le projet de loi équitable en prévoyant un chiffre d'affaires minimum de zéro dollar pour percevoir la taxe de vente pondérée.

Je vends mes produits de cuir à des foires d'artisanat partout dans les provinces Maritimes. Comme c'est ainsi que je gagne ma vie, j'ai un chiffre d'affaires de plus de 30 000 $ et je dois donc percevoir la taxe de vente. La moitié probablement des artisans à ces foires sont dans la même situation que moi. Cependant, les autres ont un chiffre d'affaires de moins de 30 000 $ et ne sont pas obligés de percevoir la taxe de vente. Dans bien des cas, leur chiffre d'affaires est inférieur à 30 000 $ parce qu'ils ont un autre emploi à plein temps ou un revenu de pension et participent aux foires d'artisanat simplement pour gagner un peu d'argent ou parce que cela les intéresse.

Ce qui porte à confusion et crée une concurrence déloyale, c'est que les consommateurs comparent les prix de ceux qui doivent percevoir la taxe de vente supplémentaire et les prix de ceux qui ne sont pas obligés de la percevoir. Ces derniers peuvent toujours vendre moins cher que les autres. En plus des conséquences négatives pour les artisans à plein temps, cela nuit à la possibilité d'expansion des artisans à plein temps qui voudraient agrandir leur entreprise et créer plus d'emplois. Je vous prie de jeter un coup d'oeil au tableau à la page suivante pour constater la différence énorme entre les bénéfices des entreprises qui perçoivent la taxe et ceux des entreprises qui ne la perçoivent pas. Celles qui ne perçoivent pas la taxe peuvent toujours avoir des bénéfices supérieurs de 15 p. 100 à celles qui la perçoivent si les produits sont vendus pour le même montant total au consommateur; les entreprises qui ne perçoivent pas la taxe peuvent donc toujours vendre moins cher que les autres.

Si vous jetez un coup d'oeil à la page 2, vous verrez que je donne trois exemples au haut de la page d'entreprises individuelles qui ont des niveaux de dépenses différents. L'exemple 1C est l'entreprise la plus axée sur la main-d'oeuvre. Dans cette entreprise qui ne perçoit pas de taxe, le propriétaire réalisera des bénéfices de 14 250 $ pour son travail. Cependant, le même genre d'entreprise qui doit faire payer la taxe harmonisée à l'exemple 2C ne gagnerait que 12 391 $ pour le même travail.

Je vous prie de faire disparaître cette concurrence injuste créée par ce seuil de 30 000 $ pour le chiffre d'affaires des entreprises. Ne prévoyez pas un seuil de 30 000 $ pour ceux qui doivent percevoir la taxe de vente pondérée et ceux qui ne le feront pas. Rabaisser le seuil à zéro dollar pour que tous ceux qui vendent un produit perçoivent la taxe. Faites en sorte que toutes les entreprises auront les mêmes chances pour que l'économie des Maritimes puisse prendre de l'expansion et créer des emplois.

Je voudrais mettre en lumière quelques-uns des arguments invoqués à tort pour favoriser l'existence de ce seuil et les comparer à la réalité des conséquences de la suppression de ce seuil. On a prétendu à tort qu'il est plus avantageux de faire payer la TVH pour pouvoir obtenir un remboursement de la TVH pour ses dépenses et augmenter sa marge bénéficiaire. C'est vrai si vous êtes grossiste parce que le détaillant qui achète les produits voudra récupérer vos coûts de TVH. Ce n'est cependant pas le cas des entreprises de vente au détail, comme le montrent les chiffres précédents. L'entreprise qui vend sans faire payer de TVH peut toujours réaliser des bénéfices plus élevés parce qu'elle ne fait pas payer la taxe au consommateur.

Un autre argument erroné consiste à dire que le seuil constitue un avantage fiscal pour les petites entreprises et que cela leur permettra de prendre de l'expansion et de créer plus d'emplois. En réalité, bon nombre des petites entreprises aux foires d'artisanat appartiennent à des gens qui ont un autre emploi à plein temps ou un revenu de pension et qui veulent simplement un revenu supplémentaire. Ils ne donneront pas plus d'expansion à leur entreprise parce qu'ils ont déjà un bon revenu d'une autre source. Seuls les artisans à temps plein peuvent créer des emplois et la plupart d'entre eux se situent déjà au-dessus du seuil.

Un autre argument erroné consiste à dire que le seuil permet aux petites entreprises d'avoir un avantage fiscal au départ et que c'est une bonne chose pour l'économie. En fait, les entreprises qui se situent au-dessus du seuil et qui perçoivent déjà la taxe ne peuvent pas prospérer à cause des entreprises exonérées de la taxe qui peuvent réduire leurs prix. Le gouvernement perd donc la TVH que ne versent pas les entreprises exonérées et perd aussi la TVH sur les ventes que perdent les entreprises à plein temps par opposition aux entreprises à temps partiel qui se situent en dessous du seuil.

On prétend aussi à tort que le seuil de la TVH encourage les entreprises à se retirer de l'économie souterraine parce qu'il est plus avantageux de faire payer la TVH et de la récupérer sur ses dépenses. Le fait de réduire l'économie souterraine créera plus d'impôt sur le revenu pour le gouvernement. En réalité, le fait d'avoir ce seuil encourage l'économie souterraine. Les petites entreprises de vente au détail et de service qui se situent en-dessous peuvent être encore plus concurrentielles que les entreprises au-dessus du seuil qui doivent faire payer la TVH, comme le montrent mes exemples. Ce n'est pas à leur avantage de déclarer des ventes de moins de 30 000 $. Le seuil encourage donc l'économie souterraine et le gouvernement perd encore davantage d'impôt sur le revenu à cause de l'existence de l'économie souterraine et des ventes que perdent les entreprises légitimes qui se situent au-dessus du seuil.

Vous vous demanderez peut-être s'il est réaliste de demander aux entreprises à temps partiel de faire payer la TVH. La réponse est oui parce qu'elles sont toutes enregistrées auprès du gouvernement provincial et qu'elles paient la taxe provinciale de vente depuis des années. Si le gouvernement maintient ce seuil de 30 000 $ pour le chiffre d'affaires, cela voudra dire qu'il est préférable de créer des entreprises à plein temps parce que le gouvernement a fait le nécessaire pour que vous ne puissiez pas faire concurrence à ceux qui font exactement la même chose, mais à temps partiel.

Par ailleurs, la seule façon pour le gouvernement de favoriser la croissance économique et d'encourager le travail à son propre compte à plein temps consiste à adopter une loi qui favorise une juste concurrence et qui prévoit un seuil de vente de zéro dollar pour les entreprises qui doivent percevoir la TVP.

M. Rick Pratt, président, Winsby's Shoes: Winsby's Shoes existe depuis 35 ans. Nous avons 12 employés et nous nous considérons comme l'un des premiers magasins du pays. Winsby's est considéré comme un client de choix par plusieurs fournisseurs et a été proposé pour le prix Footwear Forum's Retailer of the Year en août dernier.

La composition de notre clientèle ressemble à celle de bien d'autres détaillants de la Nouvelle-Écosse. Le tourisme représente environ 25 p. 100 de nos ventes annuelles. Ce chiffre risque de baisser énormément à cause du prix taxes comprises. Les visiteurs dans la région ne penseront pas que le prix plus élevé comprend la taxe. La décision de faire un achat est prise lorsque le consommateur voit le prix et compare ce prix à la valeur perçue de l'article. Malheureusement, bon nombre des visiteurs en Nouvelle-Écosse considéreront que nos prix sont plus élevés qu'ils le sont chez eux et ne dépenseront pas leur argent dans la province. Les détaillants comme moi vendront moins et la province perdra des recettes fiscales.

Certains disent que les consommateurs veulent voir exactement combien ils vont payer. À mon avis, c'est beaucoup plus le cas pour les articles dispendieux que pour les achats quotidiens. Je n'ai jamais vu un client changer d'avis à la caisse parce que le montant de la taxe était trop élevé. J'ai cependant vu des gens remettre des produits sur l'étagère parce qu'ils avaient l'impression que nos prix étaient plus élevés que dans d'autres magasins.

Pourquoi? Parce que Winsby's était l'un des quelques détaillants à inclure la TPS dans ses prix. J'ai pris l'habitude de poser des questions aux clients qui remettaient des produits sur les étagères et j'ai constaté que, même si c'était indiqué partout dans le magasin et si les étiquettes de prix disaient clairement que la TPS était incluse, les consommateurs ne pouvaient pas faire de comparaison de prix facilement et préféraient se rendre aux magasins où les prix indiqués sur l'étiquette étaient les plus faibles.

À cause de ces réponses de consommateurs, j'ai retiré la TPS de nos prix et nos ventes ont tout de suite augmenté de 10 p. 100. La leçon que j'en ai tirée, c'est que les consommateurs hésitent à payer des prix qui semblent plus élevés que la normale. Si tous nos consommateurs venaient de la zone de la taxe de vente harmonisée, le prix taxes comprises leur semblerait normal. Cependant, les détaillants comptent aussi sur les visiteurs dans la région pour une partie de leurs recettes. Ces visiteurs ne comprendront pas pourquoi nos prix semblent plus élevés et ils dépenseront donc moins d'argent dans la région.

Je voudrais maintenant parler des prix critiques. La perception est une chose très importante pour les consommateurs. Par exemple, si je vends une paire de souliers 99 $, j'en vendrai de 12 p. 100 à 15 p. 100 de plus que si je les vendais 105 $. Les fabricants visent des prix critiques particuliers, et l'inclusion de la taxe dans le prix poussera constamment ces produits au-dessus de ces prix, ce qui fera perdre de l'argent aux détaillants et à la province.

Un article vendu au prix de 99 $ excluant la taxe produit 14,85 $ de taxe. Si le prix comprend la taxe, bon nombre de consommateurs chercheront encore des articles portant un prix de 99 $, mais ces articles vaudront en réalité 86,09 $ et comprendront une taxe de 12,91 $. En achetant cet article de 99 $ taxe incluse plutôt qu'un article de 99 $ taxe exclue, le consommateur fera perdre 12,91 $ au détaillant et 1,94 $ au fisc.

La plupart des consommateurs considèrent la taxe de vente comme un mal nécessaire qui vient s'ajouter à la caisse. Pour les achats autres que les articles dispendieux, la plupart des gens ne tiennent pas compte du montant de la taxe quand ils décident d'acheter. Si l'on inclut la taxe dans le prix, cela veut dire que le consommateur doit tenir compte d'un coût supplémentaire. Malheureusement, certains décideront que l'article coûte trop cher. Ou bien ils achèteront un article moins cher ou n'achèteront rien du tout. D'une façon ou d'une autre, les détaillants et le fisc y perdront.

L'industrie des ventes au détail de la Nouvelle-Écosse n'a pas connu la même reprise apparente que d'autres régions. Même si nous essayons de rester positifs, je dois vous dire que la situation a été extrêmement difficile dans la province. Les consommateurs craignent les congédiements et dépensent très prudemment. Le consommateur moyen a l'impression que la TVH lui fera économiser pour les articles dispendieux qu'il achète peu souvent, mais que les articles achetés tous les jours coûteront plus cher. Si l'on ajoute à cette perception des prix plus élevés sur les étiquettes, ce pourrait être catastrophique.

Quand il a été question de la TVH au départ, on dit que les prix baisseraient à cause du transfert de l'argent au niveau de la vente au détail. Le prix taxes comprises annulera tout avantage qui en aurait découlé parce que, que ce soit vrai ou non, le consommateur aura l'impression que les prix auront augmenté. Cela ne peut que ralentir les dépenses à la consommation. Il est vraiment curieux que ce qui aurait pu être à l'avantage des ventes au détail devient tout à coup quelque chose de défavorable simplement parce que le prix indiqué sur l'étiquette comprendra la taxe. Un vieux dicton de l'industrie des ventes au détail dit qu'il faut montrer au consommateur le prix le plus faible possible. Si le prix comprend la taxe, les détaillants ne pourront pas le faire.

La zone de la TVH représente moins de 1 p. 100 de l'Amérique du Nord. Ce que cela signifie pour les détaillants de la région, c'est que les consommateurs verront des prix affichés moins élevés pour les mêmes produits vendus dans les magasins des autres 99 p. 100 du pays.

On nous parle constamment de l'économie globale. Les consommateurs trouvent des renseignements sur les prix un peu partout, à partir d'Internet jusqu'à la télévision par satellite. Ce sont des choses que les législateurs ne peuvent pas contrôler, mais les consommateurs se font malgré tout influencer par la publicité qu'ils y voient. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de donner l'impression que nos produits coûtent plus cher que d'autres et croire pouvoir encore être compétitifs.

Sous bien des aspects, le Sénat est la conscience du Canada. Je vous prie de mettre de côté la politique sectaire et les intérêts personnels et de recommander le retrait de règlements qui obligeraient des détaillants comme moi à risquer notre moyen de subsistance et celui de nos employés pour une chose qui n'a pas sa raison d'être. Il faut savoir quand prendre l'initiative et quand suivre les autres. Dans ce cas-ci, il serait plus sage d'attendre que le reste du pays harmonise le régime fiscal et adopte le régime de l'inclusion de la taxe dans le prix. Le système métrique a été adopté simultanément dans tout le pays. On devrait faire la même chose pour le prix taxes comprises.

Mme Sharon Calder, vice-présidente, Charm Diamond Centres: Le mémoire que vous avez reçu prendrait plus de temps à lire que les cinq minutes dont je dispose. Ne vous faites pas de souci pour cela. Je voulais simplement vous donner plus de détails dans mon mémoire.

Ensemble, Charm Diamond Centres et Crescent Gold and Diamonds représentent une chaîne de 44 bijoutiers au détail qui a son siège social à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, et qui compte 350 employés dans la région de l'Atlantique et en Ontario. Même si nous appuyons l'harmonisation de la taxe de vente comme telle, nous nous opposons énergiquement à la disposition du projet de loi qui exigerait que le prix comprenne la taxe.

Nous avons envoyé des lettres au premier ministre Chrétien, à l'honorable Paul Martin, aux députés de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve et aux ministres provinciaux de ces trois provinces. Nous y expliquons de façon détaillée comment l'inclusion de la taxe dans le prix nous obligera à établir un deuxième jeu de systèmes et de procédures ou à modifier sensiblement bon nombre de nos systèmes et procédures actuels, notamment pour l'étiquetage, la gestion des stocks, l'expédition, la réception, la publicité et la comptabilité, ce qui entraînera des coûts énormes pour notre compagnie, des coûts qui dépasseront de beaucoup les avantages que nous pourrons obtenir en remise de taxe et qui rendront notre système moins efficace.

Ces honorables représentants du gouvernement nous ont garanti que l'inclusion de la taxe dans le prix sera très avantageuse pour les consommateurs tout en étant suffisamment souple pour satisfaire les détaillants. J'expliquerai tantôt pourquoi un tel régime ne sera ni à l'avantage des consommateurs ni suffisamment souple pour satisfaire les détaillants.

Dans mon exposé, je me concentre sur les problèmes qui touchent de façon particulière Charm Diamond Centres et Crescent Gold and Diamonds puisque nous connaissons notre propre entreprise mieux que les autres. Cependant, je suis convaincue que tous les autres détaillants dans les provinces où la taxe de vente sera harmonisée connaîtront les mêmes problèmes et les mêmes dépenses.

Publicité et commercialisation: certains des coûts les plus importants et probablement aussi des problèmes les plus graves causés par le prix taxes comprises ont trait à la publicité et à la commercialisation. Cela représente pour nous de 60 000 $ à 70 000 $ pour remplacer les affiches dans nos magasins et une augmentation annuelle de 25 p. 100 de notre budget pour la publicité. Il y a aussi le fait que nous ne pourrons fixer nos prix en fonction du marché pour inciter nos clients à acheter et que les clients auront du mal à comprendre la méthode de fixation de prix et les réductions de prix procentuelles.

Les logiciels et les problèmes d'étiquetage: pour appliquer le système de prix comprenant la taxe, il faudra modifier sensiblement nos systèmes de gestion des stocks et d'étiquetage. Nous serons obligés d'apporter des changements coûteux à nos systèmes actuels ou bien de reproduire plus de 7 000 articles afin d'avoir des étiquettes de prix comprenant la taxe dans les provinces où la taxe de vente sera harmonisée.

Au départ, nous devrons préparer 238 000 nouvelles étiquettes et payer d'énormes frais de main-d'oeuvre pour réétiqueter tous les articles dans les magasins où la taxe de vente sera harmonisée. Nous devrons aussi assumer en permanence les frais qu'entraîne l'obligation d'avoir des prix distincts pour chaque article que nous vendons.

L'entreposage et la distribution: à cause du système de prix taxes comprises, nous devrons doubler nos systèmes actuels d'expédition, d'entreposage et de réception. Nous aurons essentiellement besoin de deux entrepôts. Non seulement ce double système d'entreposage sera-t-il coûteux, mais il réduira aussi le contrôle que nous exerçons sur notre inventaire et réduira notre efficacité. Le prix taxes comprises rendra aussi la redistribution d'articles entre les magasins où la taxe est harmonisée et ceux où elle ne l'est pas, coûteux et compliqués. Autrement dit, tous les articles devront être renvoyés au centre de distribution principal pour être réétiquetés.

La perte de gammes de produits: les fabricants feront face à bon nombre des problèmes et des dépenses relatives à l'entreposage, à l'étiquetage et aux logiciels que je viens de décrire. Dans bien des cas, ces fabricants ne seront pas prêts à modifier ou à doubler leurs systèmes pour un marché aussi petit que le nôtre. Nous avons entendu des rumeurs à ce sujet dans l'industrie. À mon avis, ce problème ne touchera pas seulement notre industrie, mais les détaillants de toute la région assujettis à la TVH perdront bon nombre de gammes de produits populaires qui sont fabriqués dans le Centre et dans l'Ouest du Canada.

Les détaillants nationaux risquent de se retirer de la région. Nous avons entendu certaines rumeurs voulant que les détaillants nationaux comme la Bay, Canadian Tire et Shopper's Drug Mart fermeront leurs magasins dans les provinces où la taxe de vente est harmonisée plutôt que de subir les dépenses que représente le système de prix taxes comprises. De toute façon, ils fermeront probablement leurs magasins marginaux. Si les détaillants nationaux se retirent des provinces où la taxe de vente est harmonisée, les centres commerciaux de la région où la plupart des détaillants sont installés perdront leur magasin principal, ce qui réduira sensiblement la clientèle des centres commerciaux et créera un climat défavorable à la vente au détail. Les consommateurs perdront la gamme de produits, les services et les prix concurrentiels que leur offrent maintenant ces gros détaillants.

Les obstacles à l'expansion et à la croissance: une compagnie de vente au détail qui veut prospérer dans une province où la taxe de vente est harmonisée devra subir des dépenses considérables, créer des systèmes d'inventaire, d'étiquetage, de publicité et de comptabilité distincts si elle veut prendre de l'expansion à l'extérieur de la zone de taxe de vente harmonisée. Il ne sera pas rentable non plus pour les entreprises qui ne sont maintenant établies dans cette région de venir s'y installer. Autrement dit, les consommateurs perdront l'occasion d'acheter des produits de détaillants novateurs et concurrentiels établis dans d'autres régions du Canada.

Pour résumer, le fait qu'on exige un prix taxes comprises dans le cadre du nouveau système de vente harmonisée aura des conséquences désastreuses pour les détaillants de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve, où l'économie est déjà affaiblie, et ne sera d'aucun avantage pour les consommateurs. Qui plus est, cela ne sera d'aucun avantage pour les gouvernements fédéral ou provinciaux, sauf pour relever les impôts. La seule façon équitable et raisonnable d'appliquer une loi prévoyant un prix taxes comprises serait de l'appliquer à tout le pays.

M. Terry O'Leary, président, Totally Yours, Canadian Association of Salon Owners: À titre de propriétaire de salon de coiffure et au nom de la Canadian Association of Salon Owners, je tiens à vous remercier de bien vouloir écouter nos préoccupations au sujet du projet de loi et nous comptons bien que vous serez prêts à y apporter les changements nécessaires pour donner des chances égales et équitables à tout le monde.

Les propriétaires de salon de coiffure sont des détaillants dans des entreprises à fort coefficient de main-d'oeuvre. Mon exposé portera sur quatre sujets. D'abord, il y a les conséquences de la mesure pour la Canadian Association of Salon Owners. Nous venons tout juste de former l'association et je représente aujourd'hui 23 salons. Vous trouverez à l'annexe 1 les résultats que la TPS aura sur ces 23 salons de coiffure dans la région de l'Atlantique.

À l'annexe 1, vous trouverez aussi les chiffres d'affaires des 23 salons en 1996, qui représentent environ 12 millions de dollars au total. Sur ces 12 millions de dollars, nous avons perçu 791 000 $ en TPS et nous avons payé 435 000 $ en TPS. Quand la taxe sera harmonisée l'année prochaine, le montant de la taxe que nous payons passera à 819 000 $. Cela représente une hausse de prix réelle de 6 à 7 p. 100 pour les consommateurs.

Il importe que vous compreniez bien que notre marge bénéficiaire se situe maintenant aux environs de 7 à 10 p. 100. Si nous devons percevoir de 6 à 7 p. 100 de plus, nous ne pourrons vraiment pas relever nos prix et nous aurons bien du mal à rester en affaires et encore plus à continuer comme nous le faisons maintenant.

Parlons maintenant de la croissance de l'économie souterraine: nous en avons entendu parler aujourd'hui, sous divers angles. Je ne connais pas d'autres secteurs d'activité qui soient aussi concernés par l'économie clandestine que les salons de coiffure.

D'après les statistiques et études du secteur concernant le Canada atlantique et l'Ontario, nous pouvons estimer la moyenne du revenu annuel avant impôts d'un coiffeur de la Nouvelle-Écosse à 11 000 $. Bien sûr, il s'agit d'une moyenne et c'est ainsi qu'il faut le prendre. Avec le projet de loi, pour parvenir à ces 11 000 $ de revenu du coiffeur il faudra faire un chiffre d'affaires de 22 914 $, dont 3 400 $ en taxes, soit 15 p. 100.

À ce niveau de revenu, et dans un secteur d'activité où la trésorerie est alimentée en liquide au jour le jour, si l'on a le choix entre pouvoir nourrir sa famille et payer ses impôts, le choix sera vite fait et on travaillera au noir.

Dans la province de la Nouvelle-Écosse et dans tout le Canada, l'économie clandestine dans notre secteur est énorme. Nous estimons à 5 à 6 millions de dollars la TPS non perçue et non déclarée, et nous connaissons bien notre secteur. On peut dire, et c'est sans doute une estimation au-dessous de la vérité, que le gouvernement est privé de 5 à 6 millions de dollars de TPS, qui passent au noir, et cela risque de monter à 11 millions de dollars après que la TVH aura été adoptée.

Bien sûr, cela inquiète beaucoup les propriétaires de salon de coiffure qui travaillent dans la légalité. Nous ne prenons pas part à cette économie souterraine, dont notre secteur d'ailleurs ne manquera pas de continuer à souffrir beaucoup.

Le vice-président: Pouvez-vous développer un petit peu. Non pas que nous ayons un intérêt pervers pour l'économie clandestine, mais comment est-ce que ça fonctionne? S'agit-il de coiffeurs qui exercent leur métier chez eux?

M. O'Leary: Exactement. Je vais vous expliquer. Cela fait 15 ans que je travaille dans ce secteur, et certains de mes coiffeurs m'ont quitté parce qu'ils ne voulaient pas payer l'impôt sur le revenu personnel ni la TPS. Ils s'en vont, louent un fauteuil ailleurs, et gardent pour eux le prix d'une coupe sur deux. C'est sûr. Et c'est exactement ce qui échappe au fisc. Lorsque la TPS a été adoptée en 1992, l'économie clandestine s'est étendue, et lorsque la TVH entrera en vigueur, le mouvement ira croissant.

Nous, propriétaires de salon de coiffure, et quelqu'un d'autre en a déjà parlé, nous inquiétons de ce que l'État est en train de créer une situation qui désavantage celui qui respecte le règlement. Vous, c'est-à-dire l'État, avec cette exemption des 30 000 $, dites en quelque sorte aux coiffeurs de ne pas respecter la loi, et de se faire tout petits. De ce fait, vous allez perdre non seulement 11 millions de dollars, mais dans un an ce sera passé à 20 millions de dollars en Nouvelle-Écosse. Voilà ce que cette exemption des 30 000 $ aura sur notre secteur.

Nous, propriétaires qui travaillons dans la légalité, ne pouvons pas faire concurrence à ces gens. C'est aussi simple que cela. Moi je perds des employés. Ils s'en vont, et arrivent à convaincre l'administration et les vérificateurs qu'ils gagnent moins de 30 000 $ par an. De ce fait, ils n'ont même pas besoin de se faire inscrire aux fins de la TPS, ni de la percevoir et la remettre au fisc et je ne parle même pas ici de l'impôt sur le revenu.

Les annexes I, II et III apportent des éclaircissements à ce que j'ai évoqué devant vous. J'aimerais maintenant résumer et faire quelques recommandations. Les propriétaires de salon de coiffure voudraient supprimer l'exemption et élargir l'assiette fiscale. Nous voudrions que l'on supprime complètement le seuil des 30 000 $, et que l'on abaisse le taux d'imposition sur le travail de coiffure et les services connexes à 10 p. 100, pour rendre ce secteur plus attractif et plus rentable. Nous aimerions également que des mesures législatives soient prises pour forcer les coiffeurs à obtenir une licence, soit pour qu'ils soient inscrits avec un numéro en bonne et due forme qui leur serait donné par le centre de formation ou par un salon dûment enregistré dans lequel ils ont travaillé. Nous serions prêts à prévoir une période d'amnistie permettant à ceux qui travaillent dans l'illégalité de rentrer dans le rang sans pénalité. Finalement, il faudrait engager des poursuites et imposer de lourdes amendes à toute personne qui contourne la loi.

M. Ian Marc, Ian Marc's Hairstyling & Aesthetics: Je ne peux que confirmer, mot pour mot, tout ce que M. O'Leary a dit.

Le vice-président: Vous êtes propriétaire d'un salon de coiffure, si je ne me trompe?

M. Marc: Oui, et je travaille dans ce secteur depuis 22 ans. La législation, et la procédure d'enregistrement des salons créent un problème. J'ai dans mon salon des employés qui sont encore en formation, et qui sont bien au-dessous du seuil des 30 000 $ aux fins de la TPS, mais dans un salon comme le nôtre je suis bien obligé de reverser la TPS que nous percevons sur les clients de mes coiffeurs. Si je les faisais inscrire comme indépendants, le gouvernement ne toucherait aucune TPS sur le travail de mes employés. Cette façon de tourner la loi, et le désavantage compétitif créé par l'État du fait de cette exemption de 30 000 $ ont des conséquences graves qui n'iront qu'en empirant. Cela ne veut pas dire que nous soyons systématiquement opposés à tout impôt. Payer l'impôt est une bonne chose, mais il faut savoir aller un peu plus loin et voir comment c'est fait.

Le sénateur Losier-Cool: D'après ce que je vois, vous tous, aussi bien M. Hartling que les coiffeurs, vous retrouvez à peu près la même position que les artisans de Terre-Neuve que nous avons entendus hier.

J'aimerais maintenant adresser une question aux coiffeurs, pour précision. Vous faites partie d'une association canadienne de coiffeurs, mais également d'une association professionnelle de la Nouvelle-Écosse. Comment les prix sont-ils réglementés? Pourquoi est-ce que je paie par exemple deux fois plus à Ottawa qu'à Halifax, ou ailleurs au Nouveau-Brunswick?

M. O'Leary: C'est uniquement le jeu de l'offre et de la demande. Les prix ne sont pas réglementés.

Le sénateur Losier-Cool: Monsieur Pratt, j'ai été dans votre magasin. C'est d'ailleurs un très joli magasin, et j'y retournerai quoi qu'il advienne.

Le Conseil du commerce de détail répète que si les consommateurs voulaient véritablement l'inclusion de la taxe dans le prix affiché, les détaillants l'auraient déjà fait. Vous-mêmes avez déjà essayé de le faire, avec la TPS, et vous avez constaté que ce n'était pas à votre avantage puisque les autres ne le faisaient pas. Si la législation exigeait que tous les détaillants affichent un prix taxes comprises -- et souvenons-nous que d'après les études la majorité des clients le désirent -- et que nous modifions cela, est-ce que cela vous avantagerait d'une façon ou d'une autre, ou pensez-vous au contraire que ça n'intéresserait pas beaucoup les consommateurs puisqu'ils sauraient que c'est la même chose partout.

M. Pratt: Si le prix affiché était le même dans tout le pays, et il est peut-être temps de commencer à parler du Canada comme d'un pays, ça pourrait marcher. Malheureusement, mes clients viennent de Vancouver, Winnipeg, Calgary ou Ottawa, et ils ne comprendront pas ce que signifie ce prix, ils ne liront pas non plus les pancartes que nous affichons. J'ai déjà fait l'expérience avec la TPS. J'avais partout des avertissements. Mes étiquettes indiquaient «prix TPS incluse», et c'était très visible; pourtant le consommateur ne comprenait pas. Des gens qui viennent de Winnipeg, ou de Calgary, vont regarder l'article, et décider immédiatement qu'il est trop cher par rapport à ce qu'ils auraient à payer chez eux et n'achèteront pas. Voilà le problème.

Le sénateur Losier-Cool: Ce sont des gens qui viennent en Nouvelle-Écosse parce que les hôtels et les restaurants sont moins cher, ensuite ils vont dans vos magasins pour acheter des chaussures, exactement comme nous le faisons lorsque nous allons en Alberta, où il n'y a pas de taxe de vente provinciale.

M. Pratt: Cette année la situation était tout à fait unique. Peut-être qu'il a plus neigé à Ottawa que chez nous, mais disons en gros que c'est maintenant la première neige de l'hiver. Mes clients n'ont pas acheté de bottes d'hiver, et pourtant cela ne les a pas amenés à acheter plus de chaussures d'un autre type. Vous comprenez ce que je veux dire? Si quelqu'un paie moins pour sa chambre d'hôtel, cela ne veut pas dire qu'il va acheter des chaussures en échange. Il n'y a pas de rapport de cause à effet.

Le sénateur Losier-Cool: Ils achèteront vos chaussures parce qu'elles sont de bonne qualité.

Le sénateur Comeau: Je pense qu'il est parfois bon que les sénateurs qui passent trop de temps à Ottawa viennent dans notre région, et y rencontrent des gens du cru. Dans ce cas précis, nous voyons ce qui se passe lorsque nous n'avons pas suffisamment sondé les habitants de la région, avant de présenter ce projet de loi.

Cette nouvelle législation a suscité un certain nombre de débats. Il y a notamment les personnes âgées, les personnes à revenu fixe, celles des tranches moyennes et inférieures de revenu qui risquent d'être très touchées. Vous avez de votre côté parlé de l'économie souterraine, c'est également quelque chose de grave. Certains témoins ont également évoqué cette question du financement des intrants, je pense en particulier aux agriculteurs qui font certains achats en sachant qu'au bout du compte, ils récupéreront le crédit de taxe sur les intrants. En attendant, tant que vous êtes obligés de payer les 15 p. 100 immédiatement, même si quelques mois plus tard on vous le remboursera au titre du crédit de taxe sur les intrants, cela a des conséquences sur le coût de votre fonds de roulement. Le CEPA a fait remarquer que cette nouvelle mesure va coûter à la région Atlantique, quelques 130 millions de dollars. Voilà une question qui n'a pas été discutée en profondeur.

J'en parle, à cause de ce que le ministre des Finances de la province a déclaré ce matin. D'après lui, les restaurants de la région seront avantagés parce que les touristes y consommeront en ayant le sentiment qu'ils font une bonne affaire. Je dois dire que je n'ai pas tellement bien compris son raisonnement.

Cela mis à part, le ministre nous a surtout fait savoir que le gouvernement était omniscient, et qu'il réussirait à faire comprendre aux détaillants à quel point cette nouvelle mesure leur profiterait. Il suffit d'ailleurs pour cela de procéder à des sondages d'opinion, et d'imposer ensuite les mesures qui d'après ce sondage correspondent aux desiderata de la population.

De mon côté je n'ai jamais accepté l'idée de gouverner à coup de sondages. N'aurait-il d'ailleurs pas été préférable pour le gouvernement de vous rencontrer, au cours des mois qui viennent de s'écouler, et d'en discuter avec vous, plutôt que de vous dire de lui faire confiance, que tout allait marcher?

M. Marc: Effectivement, il n'y a pas eu de consultation.

Le sénateur Comeau: C'est effectivement l'impression que nous avons. Voilà aussi pourquoi j'ai ici sur ma liste certaines autres questions qui nous ont été soumises. Pour certaines raisons elles n'ont pas encore été évoquées aujourd'hui. Il a été surtout question du prix affiché toute taxes comprises.

M. O'Leary: Vous avez précisément la possibilité d'y mettre le holà.

Le sénateur Comeau: Oui, et je vois que mes collègues d'en face, commencent eux aussi à comprendre.

M. O'Leary: Est-ce que nous pouvons être certains que vous voterez contre ce projet de loi?

Le sénateur Comeau: Je crois que vous pouvez compter sur mon vote négatif, si on nous présente ce texte tel quel. Absolument, je voterai contre.

M. Pratt: Je me souviens d'avoir présenter des instances au ministre des Finances, à Ottawa, et également lors de réunions à Halifax. Tout le monde écoutait, écoutait, sans entendre. Voilà des gens qui ne voulaient pas entendre; leur opinion était déjà faite, ils fonçaient. Voilà une proposition qui n'a aucun bon sens. J'ai vu un Livre rouge circuler tout à l'heure, je crois effectivement que tout cela est en rapport avec le Livre rouge. C'est une véritable honte, c'est à vous d'y mettre fin.

Le sénateur Comeau: Depuis deux ou trois jours, nous semblons avoir des indications selon lesquelles le Nouveau-Brunswick serait disposé à ne pas exiger l'inclusion de la taxe dans le prix. À Terre-Neuve, de façon très claire, on ne voulait pas inclure la taxe dans le prix. Je ne peux pas parler au nom du ministre, M. Martin, mais il nous a donné l'impression, à Ottawa, que c'étaient les provinces qui réclamaient cette mesure. Au total il semble qu'il y ait encore une province qui insiste ou demande, que l'on inclue la taxe dans le prix, et c'est là que ça bloque. Quand allez-vous, de votre côté, sortir vos gros canons, et vous en prendre aussi aux responsables? Vous avez été beaucoup trop accommodants.

M. Pratt: Et comment est-ce qu'on s'y prend? Nous sommes des hommes d'affaires, et non pas des hommes politiques, nous ne le prétendons pas. Je suis d'accord avec vous, nous avons un premier ministre dans la province qui semble avoir des idées très arrêtées, -- un récalcitrant solitaire -- nous risquons tous d'avoir à en payer le prix.

Le sénateur Comeau: Mais cette province est la nôtre. Hier, à Terre-Neuve, nous avons demandé aux fabricants, par exemple, eux qui n'ont pas véritablement grand-chose à dire sur cette question du prix taxes comprises, pourquoi la région atlantique a accepté ce marché, alors qu'elle représente 7, 8 ou 9 p. 100 de la population canadienne. Pourquoi est-ce que l'Ontario ne s'est pas joint au mouvement? Pourquoi est-ce que le reste du pays reste à l'écart? Sont-ils plus intelligents, mieux équipés, ont-ils des économistes plus malins?

La réponse a été: «C'est sans doute que dans le Canada atlantique que nous sommes au contraire beaucoup plus malins». Nous sommes certainement intelligents, dans le Canada atlantique, mais je ne suis pas certain que nos économistes soient meilleurs qu'ailleurs lorsqu'ils veulent nous faire croire que 8 p. 100 de la population canadienne savent mieux que tout le reste ce qu'il faut faire, et maintenant il ne reste d'ailleurs plus que la Nouvelle-Écosse.

M. Marc: Dans notre salon, depuis quelques semaines, c'est-à-dire depuis que nous avons fondé notre association de propriétaires de salons de coiffure et commencé à discuter, nous avons posé la question à tout le monde, comme nous vous la posons ici. Nous représentons très bien l'opinion généralement répandue dans notre secteur en matière de TVH, et de ses conséquences pour les familles. J'aimerais certainement pouvoir penser que mon commerce, que je tiens depuis sept ans, au 1er avril, va enregistrer une augmentation de 15 p. 100 de ses bénéfices, au lieu de devoir faire payer les services du coiffeur 15 p. 100 plus cher aux consommateurs.

Les 23 propriétaires de salons de coiffure de notre association ont fait circuler une pétition auprès de leurs clients, et il ne fait aucun doute que cela donne une idée assez représentative de la façon dont la population réagit. Nous avons maintenant l'occasion, une occasion à ne pas rater, de réfléchir un peu aux raisons pour lesquelles le Canada atlantique a décidé de passer ce contrat, alors que le reste du Canada n'en fait pas partie. Je ne suis pas tout à fait certain des raisons qui ont pu nous y pousser, et on peut se demander si c'est le moment de se rebeller et d'en découdre. Je pense qu'effectivement il le faudrait, mais généralement nous sommes accommodants, et nous avons tendance à penser que nous devons suivre les chefs. Voilà pourquoi nous attendons de vous que vous nous indiquiez la voie, pour nous tirer de cette apathie qui prévaut.

Le sénateur Buchanan: J'aimerais d'abord dire qu'en qualité d'homme politique je ne suis pas radicalement opposé à cette harmonisation. Je pense au contraire que l'harmonisation, pour tout le pays, serait une bonne chose. Ce qui me gêne le plus en ce qui concerne le projet de loi lui-même, c'est la façon dont on a séparé 2 millions de Canadiens des 28 millions d'habitants de ce pays, pour soi-disant s'engager dans une harmonisation nationale de la taxe. Lorsqu'il n'y a que 8 p. 100 de la population en cause, comme l'a dit le sénateur Comeau, on ne peut parler de mesure nationale.

Deuxièmement, vous savez que cette question de l'inclusion de la taxe n'a rien à faire avec l'harmonisation. C'est venu s'ajouter ensuite. Bien que je sache pourquoi ça s'est fait, je n'en parlerai pas, j'imagine que vous en connaissez la raison. Cette mesure pourrait être retirée du reste du projet de loi. Je peux vous dire que de ce côté-ci, et non pas pour des raisons partisanes du tout, mais dans une perspective simplement rationnelle et raisonnable, les sénateurs estiment que cette inclusion de la taxe devrait être supprimée du projet de loi tout de suite, pour pouvoir traiter ensuite véritablement de l'harmonisation et de la TVH elle-même.

Je ne suis pas un spécialiste du comportement des consommateurs, mais je sais que si quelqu'un entre dans votre magasin, y voit une paire de chaussures à 56,50 $, après que sa soeur lui a dit qu'il pouvait les acheter à l'Île-du-Prince-Édouard pour 49 $, il ne va même pas en discuter avec vous, et va sortir immédiatement du magasin. C'est la même chose pour Charm Jewellers.

Vrai ou faux?

Mme Calder: Vous avez tout à fait raison.

M. Hartling: Vous n'étiez pas là lorsque nous avons parlé, dans notre exposé, du seuil de 30 000 $ qui s'appliquera à la TVH. Ma question au comité serait alors celle-ci: supposez que vous fassiez appel à des menuisiers pour faire construire une terrasse en bois à l'arrière de votre maison, et que l'un d'eux vous dise qu'il va vous facturer la TVH sur les matériaux, mais pas sur le travail, alors qu'une autre entreprise vous dit que vous êtes obligé de percevoir la taxe sur la main-d'oeuvre et sur les matériaux parce que son chiffre d'affaires dépasse 30 000 $, à qui ferez-vous appel?

M. O'Leary: J'aimerais poser une question. Combien y a-t-il de Libéraux et de Conservateurs au Sénat?

Le sénateur Oliver: Cinquante et un et 50.

M. O'Leary: Je gage donc que le projet de loi sera adopté?

Le sénateur Buchanan: Même en face certains sont encore assez raisonnables.

Le président: Chers sénateurs, nous allons maintenant entendre Graham Wells, le directeur de Blessings Christian Marketplace, et M. Gerald Rodgers, économiste et petit entrepreneur, avec Stephen Taylor, président de Enviro Waste.

M. Graham Wells, directeur, Blessings Christian Marketplace: Je comparais aujourd'hui au nom de Blessings Christian Marketplace, une petite chaîne de cinq magasins représentée dans tout le pays et dont le siège est en Alberta; nous avons des magasins en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Notre compagnie a un plan d'expansion dynamique, qui prévoit la création, d'ici un an et demi, de dix magasins supplémentaires disséminés dans tout le pays. Mon point de vue sera aujourd'hui celui d'une petite compagnie de magasins de détail à laquelle on veut imposer un nouveau régime fiscal conçu en fonction de considérations politiques préélectorales.

Nous nous opposons à la TVH pour trois raisons. D'abord, l'application de cette harmonisation à une zone aussi étroitement délimitée se transformera en véritable cauchemar. Les commerçants et entrepreneurs de cette région qui desservent seulement 7 p. 100 de la population canadienne vont être aux prises avec une avalanche de règlements exaspérants. Notons plus particulièrement que les fournisseurs à l'extérieur de la zone d'harmonisation sont dans un état d'impréparation total. Ainsi, dans le secteur des publications religieuses, plusieurs fournisseurs risquent de décider que leur volume de ventes dans la zone d'harmonisation ne compense pas ce que l'application de la TVH leur coûte, et ils abandonneront tout simplement cette petite part de leur marché. De ce fait, avec une offre amoindrie, les consommateurs qui devaient normalement être les premiers bénéficiaires de la TVH, auront moins de choix. Un marché non approvisionné en échange d'une réduction du taux d'imposition, ne semble pas être une solution très intéressante.

Si les fournisseurs canadiens se retirent de la zone d'application de la TVH, la même logique entraînera les fournisseurs américains à se désintéresser de ce marché, qui constitue au mieux moins de 1 p. 100 de leur volume de vente. La question ici est celle des entraves que l'on impose au commerce et qui dépassent largement les bénéfices que l'on en retirerait; c'est un exemple classique du monde à l'envers.

Voilà la deuxième raison: l'adaptation des systèmes d'exploitation rendue nécessaire par la TVH imposera des frais financiers et administratifs aux détaillants, en compliquant leur gestion puisqu'il faudra, avec les nouvelles mesures, deux systèmes. Pour tous les détaillants, petits et grands, l'application de la TVH à une partie limitée du pays augmentera leurs frais, exigera de leur personnel un travail supplémentaire, et les dissuadera de faire des affaires dans le Canada atlantique, où l'on sait déjà de façon générale que le commerce de détail y est difficile.

L'idée de supprimer la taxe occulte sur les ventes des fabricants était fondamentalement raisonnable. Que les Canadiens n'aient pas applaudi à la TPS, est dû en large part à sa visibilité. La visibilité, à notre avis, entraîne la transparence et l'obligation de rendre des comptes. Il est donc impératif que les consommateurs puissent savoir quel est le prix d'un article, et quelle est la part de l'impôt. La tentative d'inclure la taxe dans le prix sert en fait le législateur.

Adapter un seul commerce aux nouvelles mesures exigera une adaptation des systèmes d'exploitation qui coûtera des milliers de dollars. Ce coût supplémentaire pourra finalement être récupéré sous forme de crédit sur les intrants, ce qui est néanmoins une raison insuffisante pour justifier que l'on veuille contraindre le pays à fonctionner selon deux régimes d'impôt à la consommation. Notre message est donc celui-ci: si vous voulez adopter cette mesure, faites bien les choses, et appliquez-la à l'ensemble du pays.

Notre troisième sujet de mécontentement: pour une chaîne nationale de commerce de détail, l'aspect le plus choquant de cette nouvelle mesure tient à la façon dont elle va limiter notre effort de publicité et lui nuire. Je pense plus particulièrement à nos prospectus publicitaires. En ce moment nous organisons six campagnes par an auprès de nos clients. Pour nous, cette publicité sera à toutes fins utiles exclue, puisque la nouvelle législation nous imposerait, pour nos ventes dans la zone d'harmonisation, d'indiquer les prix taxes incluses, de ne pas offrir de rabais pour plus de 50 p. 100 des produits et articles, et de conserver les mêmes prix pendant plus de 60 jours.

De façon concrète, voilà une loi qui nous impose la façon dont nous organiserions notre publicité, en même temps que notre politique en matière de prix et de rabais. Il ne sera pas possible d'imprimer des prospectus distincts pour un seul magasin situé dans la zone d'harmonisation. Le coût de cette impression, déjà important, deviendrait prohibitif. Ainsi, et c'est malheureux, voilà une mesure qui contribuera presque à permettre que se développent des zones d'exclusion dans le domaine de la distribution, alors que, par ailleurs, l'exigence du maintien des prix pendant plus de 60 jours est un véritable arrêt de mort pour les ventes de promotion dont nous avons besoin.

Il est tout à fait déraisonnable, et c'est une ingérence, que nos gouvernements imposent ce genre de contrainte à la gestion, à des entreprises qui cherchent à garantir une rentabilité à long terme. Nous demandons solennellement à ce comité d'intervenir activement et rapidement, pour faire obstacle à cette mesure qui sera une source de déséquilibre national. S'il n'y avait qu'une chose que vous puissiez changer, faites en sorte que ce soit la mesure concernant la publicité, et plus particulièrement cette contrainte du maintien des prix pendant au moins 60 jours. Alors que nous comprenons que cette distinction doit effectivement forcer l'affichage du prix taxes incluses, nous la jugeons par ailleurs inacceptable. C'est une mesure qui nous laisse désarmés. Le problème pourrait être résolu en dispensant les petites chaînes de magasins au détail de cette restriction des 60 jours. C'est tout de même une petite concession, en échange de notre respect des autres dispositions, aussi détestables qu'elles puissent être.

Si cette contrainte n'était pas supprimée, un des éléments clés de notre avantage compétitif, à savoir nos ventes de promotion, nous serait retiré dans la zone d'harmonisation. La perte de cet avantage compétitif remettrait en question l'existence même de notre magasin, tout en nous interdisant toute expansion dans le Canada atlantique. Mesurez bien les conséquences éventuelles de cette nouvelle législation.

M. Gerald Rodgers, économiste, et petit entrepreneur: Je vous pose la question simplement: pourquoi cette harmonisation, et pourquoi maintenant? À quel sens perverti de la justice peut donc bien répondre cette fiscalité agressive, je parle de la TPS et de la taxe de vente provinciale et de tout impôt qui n'est pas un impôt sur le revenu. Il faut bien que ce soit une autre raison que la seule nécessité de tenir une promesse faite dans le feu d'une campagne électorale, qui justifie que l'on nous impose ce nouveau fléau. À quel objectif social de rang supérieur sacrifie-t-on, en livrant cette guerre sournoise à la petite entreprise, aux classes laborieuses et moyennes?

Il y a encore plus de 2 millions de Canadiens sans travail. La Nouvelle-Écosse connaît un chômage qui atteint jusqu'à 26 p. 100 de la population active. Ces chômeurs sont la conséquence directe des décisions politiques de l'État, et du désir de nos gouvernements de rester maîtres de l'économie canadienne.

Avec cette harmonisation, certains biens de première nécessité des familles qui jusqu'ici n'étaient pas taxés, vont l'être. On se demande à quelle politique sociale peut bien répondre une volonté de taxer les vêtements d'enfants, le matériel scolaire, le mazout pour le chauffage, l'électricité et l'essence pour la voiture? La TPS a été un désastre pour la petite entreprise, et celle-ci va continuer à être durement touchée par l'harmonisation. Il faut reconnaître tout de suite, que la fusion des taxes, à proprement parler, n'est pas quelque chose d'aussi négatif que l'élargissement de l'assiette fiscale.

Les gouvernements du Canada sont responsables de cette situation désespérée dans laquelle se trouve plus de la moitié de notre population. Il faut cesser de continuer à imposer les pauvres pour subventionner les riches. Nos gouvernements sont responsables de bien des suicides, de l'éclatement des familles, de la montée de la violence et de l'agitation sociale; je ne parle d'aucun gouvernement en particulier, mais de tous en général. La plupart des petites entreprises sont accablées par la réglementation et l'ingérence de tous les paliers de gouvernement. Le gouvernement fédéral a transféré ses responsabilités aux provinces, celles-ci les ont ensuite transférées aux municipalités qui se sont à leur tour rabattues sur leurs contribuables; pour aggraver leur cas, les municipalités ont augmenté la part de la petite entreprise dans la fiscalité locale en multipliant jusqu'à quatre la taxe d'habitation.

Ce ne sont pas simplement les taxes, mais toutes les formes de réglementation et de restrictions gouvernementales, alliées à l'expansion sauvage des grandes entreprises qui ont fait de la petite entreprise la bête noire, un gage de pauvreté et de dissension familiale. Le gouvernement a permis et encouragé la discrimination contre les petites entreprises dans tous les secteurs de notre économie.

Les pouvoirs publics ont ordonné aux petits chefs d'entreprises d'agir à titre de percepteurs d'impôts. Ils les ont aussi forcés à payer à l'avance les taxes qu'ils recueillent auprès de leur clientèle, les transformant ainsi en banquiers du gouvernement. En fait, ils contribuent ainsi à financer les largesses et les dépenses extravagantes du gouvernement au profit des causes qui lui sont chères.

Vous ne savez peut-être pas, mais vous avez déclenché une lutte de classes. Il ne faut pas s'y tromper, nous sommes en présence d'une guerre entre les travailleurs et le gouvernement. Encore une fois, je mets dans le même panier tous les gouvernements; je ne singularise pas le gouvernement fédéral par rapport à n'importe quel autre palier de gouvernement du pays. Ce fardeau fiscal sans précédent a transformé des milliers de Canadiens auparavant respectueux des lois en criminels. Une chose est claire: ils se comptent par milliers.

L'économie clandestine est l'issue logique et prévisible d'un fardeau fiscal excessif qui n'a pas été accepté par la population. C'est l'imposition de taxes correspondant à plus de 50 p. 100 du revenu qui a provoqué la chute de la Rome antique. Des impôts impopulaires ont aussi provoqué en Afghanistan une guerre civile sanglante. C'est aussi ce qui a déclenché la Guerre de l'indépendance américaine, la population ayant rejeté les impôts levés par la Grande-Bretagne. Vous pouvez être sûr que la TVH et la TPS ne sont pas encore acceptées par la majorité des Canadiens.

Le Québec veut se séparer, et je crois que cette volonté de séparation est autant motivée par une fiscalité excessive que par le nationalisme. C'est une expression de haine à l'endroit du gouvernement. Au Québec, cette haine est dirigée vers le gouvernement fédéral, mais le gouvernement fédéral n'est pas tant à blâmer que le gouvernement provincial.

J'invite les membres du comité à écouter attentivement cette mise en garde: si les travailleurs et les contribuables du Canada atlantique continuent d'être maltraités par leur gouvernement, on pourrait voir sous peu la création d'un autre mouvement séparatiste. Si l'on continue à dispenser ce genre de traitement, il se pourrait fort bien qu'un autre mouvement séparatiste voie le jour au Canada atlantique. À lui seul, le gouvernement a réuni près de 80 000 soldats dans les diverses divisions et bataillons de Revenu Canada. Cela représente un effectif plus nombreux que celui de l'armée, de la marine et de l'aviation réunis, à moins que mes chiffres soient erronés. Outre ces troupes fédérales, le gouvernement a recruté l'aide d'employés de la GRC, des ministères des Finances provinciaux, ainsi que des forces de police provinciale et municipale pour appliquer son programme contre les petites entreprises et les travailleurs canadiens.

À l'heure actuelle, Revenu Canada s'emploie à mettre sur pied un réseau de Canadiens disposés à espionner leurs concitoyens et à s'adonner à la délation. En ce moment, au Canada, les exploitants de petites entreprises sont obligés de tenir des dossiers sur tout et de présenter des rapports à-tire-larigot à un palier de gouvernement ou à un autre. Le chef de petite entreprise doit consacrer une bonne partie de son précieux temps à faire le travail du gouvernement sans rémunération. Ce temps perdu à satisfaire une bureaucratie gouvernementale hypertrophiée devrait au contraire servir à bâtir, fabriquer, vendre et fournir les produits et services dont le Canada a besoin pour survivre et non pas à faire le sale travail du gouvernement à l'oeil. Je suis désolé si mes propos vous paraissent durs.

Depuis toujours, les exploitants de petites entreprises n'avaient qu'à acheter leurs marchandises à bas prix et à les vendre plus cher et à empocher la différence. Depuis 6 000 ans qu'existe le secteur de la petite entreprise, ce plan a toujours bien fonctionné. Ce n'est que depuis une cinquantaine d'années que le gouvernement s'est mis en tête de contrôler la petite entreprise. Et c'est seulement depuis 20 ans environ que l'État cherche à contrôler tous les aspects de la gestion des petites entreprises. Le gouvernement veut-il des taxes ou des emplois de la petite entreprise? Il faut choisir. On ne peut pas demander à la petite entreprise de produire à la fois des taxes et des emplois. C'est impossible.

Nous, qui oeuvrons dans ce secteur, savons comment créer des emplois et, si on nous laisse en paix, nous pouvons très bien réussir. Les petites entreprises ne sont ni des sociétés de financement, ni des organismes de recouvrement. Nous ne sommes pas des banques et nous n'avons ni les compétences ni le capital voulu pour jouer le rôle de bailleur de fonds du gouvernement. Cette atteinte dictatoriale aux droits de la personne doit prendre fin et, en vérité, nous ne permettrons pas que cela continue.

Cette dictature qu'imposent aux Canadiens les gouvernements, dans leur seul intérêt, doit prendre fin. Que cette TVH soit la goutte d'eau qui fait déborder le vase, que cette taxe harmonisée ou pondérée délimite la position d'où nous, citoyens ordinaires de la Nouvelle-Écosse et du Canada ne bougeront pas. C'est la colline qu'il faut défendre au prix de sa vie. Et chaque jour où on doit lutter pour la défendre la démocratie et la liberté est un jour propice pour mourir. Ils ne passeront pas.

M. Stephen Taylor, président, Enviro Waste Limited: Je félicite les honorables sénateurs d'être venus dans l'Est. Une des raisons qui m'amènent ici aujourd'hui c'est qu'à mon grand étonnement et à ma grande tristesse, j'ai d'abord lu dans le journal que les audiences allaient se tenir à Ottawa. Comme de nombreux autres habitants de la Nouvelle-Écosse, j'ai été dégoûté.

Si je prends la parole aujourd'hui, c'est parce qu'un grand nombre de citoyens de la province et des entreprises que je représente ne sont pas ici aujourd'hui. Je ne parle pas uniquement en mon nom propre, je parle au nom des membres de ma famille et de mes enfants. Je parle au nom de mon avenir.

J'espère simplement que le Sénat tiendra compte de mes préoccupations et de celles des autres témoins au moment de faire ses recommandations. J'espère que les présentes audiences ne sont pas simplement une façon d'apaiser les contribuables car il ne sert à rien de nous permettre d'exprimer nos opinions si elles restent sans suite. On prévoit approximativement 144 changements à la TPS. Comment peut-on s'attendre à ce qu'un chef de petite entreprise comme moi puisse gérer son affaire sans avoir pu en comprendre toutes les répercussions?

L'échéance est dans 24 jours, ce qui ne favorise pas un climat commercial sain. Cette taxe est tellement mauvaise que notre propre gouvernement provincial a essayé de payer des gens pour qu'ils en disent du bien. C'est, entre autres, ce fait qui m'amène devant vous. Je ne connais personne qui en veuille. Reformuler la question que le sénateur a posée à un témoin plus tôt, à savoir pourquoi 50 p. 100 des répondants étaient favorables à un prix affiché taxes comprises, et je vous garantis que vous aurez une réponse différente.

L'une des raisons les plus alarmantes qui motive ma comparution aujourd'hui est la croissance de l'économie clandestine. Elle est devenue un concurrent important, mais comme cette question a déjà fait l'objet d'une discussion, je m'en tiendrai là. Fermer les yeux sur cet état de choses c'est abdiquer ses responsabilités.

Il n'est ni raisonnable ni équitable de demander aux petites entreprises de payer une taxe aussi considérable qu'elles n'ont d'ailleurs pas encore entièrement perçue. Cela ne fait qu'aggraver nos problèmes de trésorerie et augmente nos coûts d'emprunt. J'ai un comptable agréé, il m'a fallu trois mois pour le convaincre que j'ai raison et qu'il a tort.

Encore une fois, les petites entreprises sont défavorisées. Si nous employons 90 p. 100 de la population active, pourquoi nous mettre dans une position désavantageuse? Ne pas nous écouter et ne pas se rendre à nos voeux dans ce dossier c'est faire en sorte que le milieu des affaires, les gouvernements municipaux, les organismes sociaux et les particuliers se sentent impuissants, et c'est ainsi que nous nous sentons. Ces audiences sont notre dernière chance, et je vous remercie d'être venus ici pour peu que certains d'entre vous soyez prêts à écouter.

Le moment est venu pour les élus d'écouter, et de devenir les messagers de la population. Vous êtes payés pour être des messagers. C'est nous qui vous avons mis où vous êtes; faites ce que nous vous demandons de faire. Si vous voulez que nous fassions des sacrifices, soit. Il faut assumer nos responsabilités.

La TVH prive la Nouvelle-Écosse de son autonomie fiscale. Dans les quelques minutes dont je dispose, je n'ai pas suffisamment de temps pour en discuter en détail, mais si notre économie se raffermit et que nous avons une bonne représentation -- le gaz aide, évidemment -- nous pouvons réduire nos paiements de transfert. Si Terre-Neuve et Nouveau-Brunswick ne se tirent pas bien d'affaire, dois-je payer davantage d'impôts de toute façon? Je le suppose, monsieur.

Si vous voulez vraiment faire une différence vous devez écouter tous les intervenants et pas seulement ceux qui veulent enterrer la promesse de supprimer la TPS. Mesdames et messieurs, je vous mets au défi de ressusciter la confiance du public. Cette confiance perdue est au coeur même du problème, et je vous invite à voir dans cette affaire l'occasion de vraiment faire preuve d'initiative et de prouver aux Canadiens que le vent a tourné et que la population a repris en mains son avenir.

Je conclus à l'instant, monsieur le président, et je vous laisserai sur ceci: d'après tout ce que j'ai appris au sujet du système de gouvernement canadien, le rôle du Sénat est de veiller aux meilleurs intérêts des provinces. Par conséquent, il faut que vous décidiez si cette nouvelle taxe est ou non dans le meilleur intérêt des habitants de la Nouvelle-Écosse. Si elle est si avantageuse, pourquoi est-ce que je n'en veux pas? Combien d'autres citoyens de la Nouvelle-Écosse pensent comme moi? Je vous mets au défi de trouver 10 p. 100 de la population qui souhaite cette mesure législative.

Le sénateur Buchanan: Je veux parler à Graham Wells de ses magasins. Je connais votre boutique, puisque ma fille est l'une de vos clientes. Elle est étudiante en théologie.

Avez-vous dit que si le prix de vente taxes comprises est appliqué, cela vous empêchera de faire de la publicité dans la zone harmonisée? Le verbe «empêcher» n'est peut-être pas bien choisi, mais il sera très coûteux pour vous de distribuer des prospectus publicitaires et cetera.

M. Wells: D'après notre interprétation, la mesure, sous sa forme actuelle, exige des détaillants qu'ils annoncent dans leur publicité un prix de vente taxes comprises. Nous faisons le gros de notre publicité dans environ 6 dépliants par an. Après une décennie sur le marché, nous avons compris que c'est le meilleur véhicule d'investissement pour nous. Au terme de la mesure proposée, nous serions tenus de distribuer des prospectus publicitaires nationaux accompagnés de stipulations d'exonération. Nous serions en mesure de contourner l'obligation d'inclure la taxe dans notre prix en raison de la nature de nos dépliants publicitaires. Mais nous nous heurtons à un obstacle car du fait qu'elle nous exempte de l'obligation d'inclure la taxe dans notre prix étant donné notre participation à la distribution de prospectus publicitaire à l'échelle nationale, nous sommes tenus de maintenir ces prix pendant 60 jours. Or, si votre publicité est axée sur des ventes de promotion plus courtes, la mesure en réalité vous empêche de le faire.

Le sénateur Buchanan: Je suis en politique depuis de nombreuses années et il y a sept, huit ou neuf ans, j'ai participé aux premières discussions sur l'harmonisation de la taxe. Je ne suis pas contre l'harmonisation de la taxe. À mon avis, cela serait un meilleur système que celui que nous avons à l'heure actuelle, mais il faut que l'harmonisation se fasse à l'échelle nationale. Ce que je trouve incroyable au sujet de ce projet de loi, ce sont l'obligation d'inclure la taxe dans le prix, les restrictions en matière de publicité et toutes les autres lacunes relevées par nos témoins.

Monsieur le président, j'ai en main une lettre de la Norman Wade Company Limited. Il s'agit d'une entreprise qui de l'avis de bien des gens ne serait pas touchée par cette mesure. Cette lettre a été distribuée aux membres du comité. La Norman Wade Company Limited offre des services variés comme des fournitures de dessinateurs, du matériel et des logiciels informatiques, des services de levée de plans, y compris de reproductions, et cetera. Je n'aurais jamais cru que ses dirigeants se seraient opposés à cette mesure aussi farouchement. Son vice-président, M. King Flood, m'a dit quelque chose d'intéressant au sujet du sondage mené par le gouvernement. Soixante treize pour cent des gens interrogés dans ce sondage se sont dit en faveur d'un prix de vente taxes comprises et de toutes les restrictions que cela implique. M. Flood m'a dit qu'après avoir su de quoi il retournait exactement, tous les clients de la Norman Wade et tous les gens avec lesquels ils font affaires y étaient opposés. C'était une situation ridicule.

Si cette obligation d'inclure la taxe dans le prix de vente était levée, cela serait-il très avantageux pour votre magasin?

M. Wells: De toute évidence, le problème lié à l'inclusion de la taxe dans le prix de vente tient au fait qu'elle ne s'applique qu'à une région limitée du pays, ce qui fausse le marché national. C'est là notre principale objection. Si l'on s'était entendu pour que l'ensemble du pays applique ce concept, nous ne serions sans doute pas contre un prix de vente taxes comprises.

Au sujet des 73 ou 78 p. 100 de Canadiens qui sont en faveur d'un prix de vente taxes incluses, je pense que d'une certaine façon le fait que 25 millions de Canadiens ne soient pas en mesure de calculer en gros un cinquième qu'il faut ajouter au coût des marchandises qu'ils achètent, en dit long sur la qualité de notre système d'éducation national. Cela dit, le fait est que les gens veulent savoir ce qu'ils devront sortir de leurs poches, et c'est une préoccupation légitime. Le problème pourrait être facilement réglé si l'ensemble du pays adoptait cette proposition. Nous ne sommes pas opposés à ce que nos étiquettes en magasin affichent un double prix. En principe, nous pensons qu'il importe de faire la distinction entre le prix des marchandises et le montant des taxes qui est remis à Ottawa ou à Halifax.

Le sénateur Buchanan: Je suis heureux que vous ayez mentionné qu'il s'agit d'une petite région du pays représentant 8 p. 100 de la population, comme M. Rodgers l'a dit. Il est constamment question de séparation, et voilà qu'avec l'aide du gouvernement national, on se propose de dissocier, de séparer trois petites provinces du reste du pays.

Le sénateur Rompkey: Dans son exposé, monsieur Rodgers a établi un rapport entre le fardeau fiscal et le bouleversement social. Je lui signale qu'à Terre-Neuve, où les taxes sont les plus élevées, nous affichons les taux de suicide, de divorce, de criminalité les plus bas et les habitants de notre province donnent deux fois plus que la moyenne nationale aux oeuvres de bienfaisance. Donc, qu'on ne vienne pas me dire qu'il existe une corrélation entre le fardeau fiscal et les perturbations sociales.

Ma question s'adresse à M. Wells qui, au bas de la première page de son mémoire, au paragraphe 2 de la partie 2, parle de camoufler la taxe dans le prix de vente. Je crois savoir que l'on peut à la fois intégrer et dissocier la taxe du prix. La mesure préconise un prix de vente taxes comprises, mais si j'ai bien compris, cette taxe peut être indiquée séparément.

M. Wells: C'est sans doute en réponse à la réaction initiale à la mesure alors qu'il est apparu rapidement qu'il serait impossible de vendre l'idée d'un prix de vente taxes incluses comme seule option possible. Je crois que c'est sans doute une redéfinition de l'intention originale. Pour notre entreprise, le véritable problème concerne notre capacité de continuer à mettre en oeuvre les programmes de promotion que nous avons à l'heure actuelle.

M. Rodgers: J'aimerais relever le défi du sénateur Rompkey. Je suis à demi Terre-Neuvien, de telle sorte que je comprends votre raisonnement. Les Terre-Neuviens ne se suicident pas, ils montent dans leur voiture, se rendent au traversier et s'en vont dans une autre région du pays, comme ils le font depuis des années. Il est tout aussi malheureux de devoir se déraciner, d'abandonner sa famille, son village, son histoire pour se rendre dans une autre région du pays pour assurer sa subsistance parce qu'il n'est pas possible de le faire dans sa région d'origine.

Dans d'autres provinces, les gens sont payés pour rester sur place et vivre d'aide sociale, ce qui ne les empêche pas de se quereller à ce sujet et de devenir de plus en plus misérable. Au moins, un Terre-Neuvien a suffisamment de cran pour se prendre en main et tout faire pour trouver du travail, peu importe que ce soit à l'autre bout du pays. Je crains qu'un plus grand nombre de personnes ne choisissent de quitter la région à mesure que s'alourdira le fardeau fiscal.

Il existe une solution qui permettrait de résoudre certains des problèmes des petites entreprises, si vous voulez bien l'envisager. Nous percevons des taxes pour le gouvernement et, avec l'harmonisation, nous serons tenus de les payer à l'avance. En effet, nous devrons payer la taxe que nous sommes censés percevoir auprès de nos clients, dans bien des cas un mois ou deux auparavant, ce qui signifie que nous devrons accumuler un capital de roulement plus considérable et ce n'est pas tout, il y a aussi toutes les autres choses que nous devons faire. J'ai parlé tout à l'heure de la tenue de livres. Il n'y a pas de raison qu'une entreprise comptant un ou deux employés doive tenir des livres, si ce n'est pour le gouvernement. On veut que nous calculions l'impôt sur le revenu, l'indemnisation des accidents du travail, et tout cela nous force à faire de la comptabilité. Ne serait-il pas possible de nous traiter avec un peu de respect et de nous donner une certaine commission sur les taxes que nous percevons? Nous ne ferions pas votre lessive gratuitement et nous ne remorquerions pas non plus des véhicules gratuitement. Pourquoi devrions-nous percevoir des taxes gratuitement?

Le président: J'ai une dernière question pour M. Taylor. La taxe de vente harmonisée a-t-elle une incidence particulière sur une entreprise comme la vôtre, qui oeuvre dans le domaine environnemental? J'ai bien compris vos observations qui portaient de façon générale sur les problèmes des petites entreprises. Je suis curieux de savoir s'il y a des problèmes propres aux entreprises environnementales.

M. Taylor: On nous a laissé complètement à l'écart du projet. Lorsque le gouvernement a présenté cette mesure, il nous a totalement oubliés. Dans notre industrie, pour chaque dollar, 70 cents sont versés en taxes en raison de lois provinciales qui ont été adoptées dans la foulée du Plan vert du gouvernement fédéral. Cela a été un cauchemar pour notre secteur. D'ailleurs, il y a eu de nombreuses faillites dernièrement.

Pour résumer brièvement, ce qui se produit dans notre secteur sur le plan de l'offre est phénoménal. Nous sommes un secteur axé sur la demande et dans le cas de la location d'appartements, il est impossible de récupérer cet argent. Nous perdons 3 p. 100 de nos profits. Nous sommes donc touchés directement, et lorsque le ministre de la Couronne affirme que les propriétaires ne peuvent augmenter les loyers parce que les locataires ne seront pas en mesure d'absorber ce coût, c'est le propriétaire qui doit absorber cette dépense.

Ce qui nous touche directement, c'est qu'en raison de la loi fédérale, nous sommes maintenant tenus de taxer des taxes. Notre secteur verse quelque 18 millions de dollars de taxe au gouvernement municipal. À cause de cette taxe, nous devons exiger 15 p. 100 de plus, dont 7 p. 100 sont remis à Ottawa, et on ne nous facture pas cela. Des fonctionnaires du gouvernement fédéral ont vérifié mes livres. Ils sont remontés cinq ans en arrière, et ils n'ont pas trouvé la réponse. Pouvez-vous m'imaginer réclamant la TPS pour des services pour lesquels je n'ai pas de facture? Cela a été un coup direct pour nous. L'économie de la Nouvelle-Écosse perd des millions de dollars, même si rien n'a été produit et qu'il n'y a pas eu d'utilisation finale, et Ottawa récupère cela directement.

Oui, nous sommes taxés sur des taxes et c'est l'un des problèmes de notre secteur, qui nous mécontente sérieusement. Les propriétaires d'appartements à revenu locatif ne peuvent même pas récupérer cet argent.

M. Wells: J'aimerais faire un bref commentaire, si vous me le permettez, sénateur Kirby. L'aspect fondamental de ce dossier est la crédibilité. Les législateurs sont-ils à l'écoute? Il est manifeste, comme jamais auparavant, que nous avons besoin de nous livrer à une sage réflexion au sujet de cette mesure législative.

Le président: Sénateurs, nos premiers témoins sont Charles Burchell, de la Canadian Book Sellers Association, qui est aussi président de The Book Room, Liz Crocker, de Woozles Bookstore, à mon avis la meilleure librairie du pays pour les livres d'enfants, Reuben Cluett, du Betty's Card and Gift Shop et Susan Hanrahan, du Nova Scotia Designer Crafts Council. Je crois que Philip Doucette, le président du Crafts Council est également ici.

M. Reuben Cluett, propriétaire, Betty's Card and Gift Shop: Je ne parlerai pas de la taxe de vente harmonisée en général. Je suis ici pour vous faire part de mes observations sur le prix affiché taxes comprises.

Ma femme et moi sommes propriétaires du Betty's Card and Gift Shop Limited. Ma femme dirige l'entreprise. Nous avons commencé en 1989, et nous employons 14 personnes: 2 à temps plein et 12 à temps partiel. Nous avons deux magasins, l'un au Centre commercial Clayton Park et l'autre sur le chemin Spring Garden. Essentiellement, il s'agit d'une boutique de cadeaux et de cartes de souhaits. Nous recevons plus de 75 p. 100 de notre stock de l'extérieur de la zone harmonisée, et l'étiquetage est fait à la source. Comme c'est une entreprise à caractère saisonnier, nous recevons constamment de grandes quantités de marchandises. Nous recevons des milliers d'articles pré-étiquetés, particulièrement pendant le temps de Noël, à Pâques et le jour de la Saint-Valentin. Il y a environ 60 000 cartes de souhaits dans nos magasins tous les jours et avec le roulement du stock, il nous faudrait constamment étiqueter les cartes et les autres marchandises. Il nous en coûterait des milliers de dollars pour employer du personnel supplémentaire, acheter des fournitures et programmer les caisses enregistreuses.

Ce serait un travail à plein temps pour nos 14 employés de changer les prix. Nous ne pourrions absorber ce coût. On nous a suggéré d'afficher des panneaux indiquant les prix. Nous avons environ 50 prix différents pour les cartes de souhaits seulement et on ne peut faire en sorte d'installer des affiches au bout de chaque rangée.

On a souligné l'apport du secteur de la petite entreprise à la stabilité économique. Nous sommes propriétaires d'une petite entreprise familiale dans un marché très compétitif. À nos débuts, nous avons dû bâtir notre entreprise. Pour y arriver, nous avons engager suffisamment d'employés pour offrir un excellent service. Nous avons organisé des stages de formation variés pour notre personnel et nous avons offert à nos employés un salaire supérieur au salaire minimum. Nous n'avons pas demandé d'aide ou de subvention au gouvernement parce que nous n'en voulions pas.

Nous payons des droits annuels au registre des sociétés à responsabilité limitée: taxe d'affaires, taxe d'amélioration des affaires, impôt sur le revenu, indemnisation des accidentés du travail, taxe d'assurance-emploi. Les employés exonérés de la taxe sur l'assurance-emploi peuvent demander une remise, mais l'employeur, lui, ne peut pas. Nous contribuons au Régime de pensions du Canada et nous payons la taxe de vente provinciale et la TPS et, s'il le faut, nous percevrons la taxe de vente harmonisée pour les gouvernements fédéral et provinciaux. Tout ce que nous souhaitons, c'est qu'on nous permette de rester derrière notre caisse enregistreuse et de percevoir les taxes sans absorber des coûts énormes.

Nous, les propriétaires, sommes responsables des dépenses associées à l'entreprise. Cependant, je suis indigné que les gouvernements s'ingèrent dans les affaires des petites entreprises au point de leur ordonner non seulement de percevoir les taxes, mais de les percevoir en dépit des coûts considérables que cela implique. Nous n'avons ni les ressources ni le personnel voulu pour assumer cette responsabilité. Pour une petite entreprise comme la nôtre, respecter cette exigence nous amènerait à fermer nos portes. Et si nous ne la respectons pas, une amende de 5 000 $ ou une peine d'emprisonnement nous amènerait rapidement à la faillite. Dans de telles conditions, il n'est pas intéressant d'être propriétaire d'une petite entreprise.

Monsieur le président, pour être efficace, le prix affiché taxes comprises doit s'appliquer dans tout le Canada. Cette semaine, un article de journal relatait que 85 p. 100 du marché canadien afficherait un prix de vente taxes non comprises, ce qui rendrait les articles vendus au détail ici plus coûteux. Des taxes régionales différentes priveraient les détaillants canadiens de prix nationaux. Je recommande au comité que les provinces de l'Atlantique où s'appliquera la TVH soient soustraites à l'obligation d'inclure la taxe dans le prix affiché tant que l'ensemble du Canada n'adhérera pas à ce principe. D'ailleurs, à ce moment-là, on devrait avoir une meilleure idée de l'incidence de l'inclusion de la taxe dans le prix de vente.

Tout ce que je demande, c'est qu'on me laisse gérer mon commerce en paix, et nous percevrons les taxes et les remettrons aux divers paliers de gouvernement. Pour mieux comprendre la situation, je vous invite à visiter nos magasins afin de vous rendre compte par vous-mêmes des répercussions de cette mesure législative.

M. Charles Burchell, président et gérant, The Book Room et représentant de la Canadian Book Sellers Association: Sénateurs, je vous remercie d'être venus à Halifax. Je pense que c'était là une initiative très importante et je vous en suis sincèrement reconnaissant. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au nom de la Canadian Book Sellers Association.

Je travaille depuis 30 ans dans l'industrie du livre à titre de gérant de la librairie The Book Room. Je suis aussi directeur de la Canadian Book Sellers Association depuis 13 ans.

Tout d'abord, je remercie les pouvoirs publics compétents de ne pas avoir ajouté la taxe provinciale de vente de 8 p. 100 sur les livres dans le contexte de cette nouvelle taxe de vente harmonisée. Il est assurément crucial que les gouvernements comprennent à quel point les livres sont importants pour le bien-être des Canadiens vivant dans les trois provinces touchées. Cependant, ce n'est qu'un début. Nous espérons que dans un proche avenir il n'y aura pas de taxe sur les livres au Canada.

Permettez-moi de vous communiquer quelques faits au sujet de l'industrie du livre dans la perspective de la taxe de vente harmonisée proposée par le gouvernement. Les librairies sont des entreprises de vente au détail uniques. C'est l'éditeur qui fixe le prix de vente au détail de tous les livres, et non le libraire. L'éditeur annonce son prix de vente dans les magazines, les journaux, les revues spécialisées, ainsi qu'à la radio et à la télévision. Le prix de vente est le même à Toronto, Victoria, et Halifax et les clients qui viennent acheter le livre en connaissent le prix de détail. Je ne connais pas d'autre secteur où les choses se passent ainsi. Par conséquent, nous ne pouvons pas vendre plus cher, étant donné que la population sait quel devrait être le prix du livre. L'éditeur nous vend le livre au prix de détail, moins un rabais qui varie de 10 à 40 p. 100, selon la quantité que nous achetons, 40 p. 100 étant la moyenne.

La plupart des livres sont étiquetés à la source: «Canada 7 99 $», par exemple. Le fabricant appose souvent son étiquette sur la première de couverture, sur le dos et sur la quatrième de couverture. Nous ne pouvons pas la cacher, car nous retournons les livres invendus à l'éditeur, qui les revend à d'autres librairies ou le titre en question est en demande. Les étiquettes de prix doivent donc pouvoir être retirées sans que le livre soit endommagé.

Voilà la réalité telle que nous la vivons. Notre industrie s'oppose au prix affiché taxes comprises, notamment pour les raisons suivantes. Premièrement, le logiciel «Bookmanager» est un système d'inventaire et un programme de ventes conçu spécialement pour notre industrie et qui est utilisé par quelque 350 librairies au Canada. Reformuler le programme pour les quelques libraires dans nos trois provinces qui s'en servent, coûterait assez cher. Il faudrait qu'il soit fait sur mesure pour nous, qui sommes peu nombreux, et que nous en assumions le coût.

Deuxièmement, nous devrons réétiqueter tous les livres dans notre magasin, et nous en avons entre 25 000 et 30 000 environ. On nous a effectivement accordé quatre mois pour le faire, mais il s'agit là d'une tâche énorme pour une librairie où chaque article doit être étiqueté. Ce n'est pas comme dans un supermarché, dans un magasin de pièces automobiles ou dans un magasin d'entrepôt où il suffit d'indiquer le prix une seule fois sur le rayon pour une quantité d'articles pouvant aller de 1 à 50.

Troisièmement, pendant que nous réétiquetterons nos livres, les clients ne sauront plus quel est le prix du livre qu'ils prennent sur l'étagère. Oui, nous aurons des affiches pour essayer d'aider les clients à comprendre, mais je suis sûr qu'il y aura quand même beaucoup de confusion, et quand il y a confusion dans leur esprit, il arrive que les clients ne reviennent pas nous voir. Nous devrons par ailleurs consacrer des heures-personnes supplémentaires à ce réétiquetage, et c'est là une dépense qui ne produira pas de revenu.

Quatrièmement, il ne faut pas oublier que les livres sont étiquetés à la source et que la publicité des prix se fait à l'échelle nationale, de telle sorte que nous ne pouvons pas rajuster légèrement le prix à la hausse. Nous devrons assumer la totalité du coût supplémentaire. Mes bénéfices se trouveront ainsi réduits, et l'industrie du livre est parfois à la limite de la rentabilité si tant est qu'elle est rentable.

Cinquièmement, parmi tous les produits qui se trouvent sur le marché aujourd'hui, les livres comptent parmi ceux dont la vente est le plus sensible au prix. On peut vendre entre 28 et 30 p. 100 de plus quand on a un livre à 19,99 $ que quand on en a un à 21,34 $, taxes comprises. Cela vaut aussi pour les livres qui se vendent 9,95 $, 19,95 $, 24,95 $, 29,95 $. Depuis des siècles, les détaillants fixent ainsi les prix des produits qu'ils vendent, et le gouvernement vient maintenant nous demander d'éliminer ces prix arrondis et d'indiquer plutôt des prix étranges comme 10,68 $, 16,04 $, 21,38 $, 26,74 $ et 32,09 $. Il n'y a pas pire scénario dans le commerce de détail, et on ne sait pas non plus combien l'article coûte en fait. Nous semblerons peu compétitifs aux yeux de clients des autres provinces, de telle sorte que nous aurons du mal à vendre nos produits là-bas. Septièmement, la plupart de nos livres sont étiquetés à la source, comme vous le savez sûrement; le prix est imprimé clairement sur le livre et peut figurer à trois endroits différents: «Canada 7,99 $». Nous ne pouvons pas cacher ces prix, mais il nous faut apposer notre étiquette TVH et indiquer «8,54 $ avec TVH». Quelle impression en retirera le client ou le touriste qui vient chez nous? «Hé Jean, je croyais que la Nouvelle-Écosse faisait partie du Canada. Il semble bien que non, Hervé, puisque le prix qui y figure sur ce livre est plus élevé que le prix canadien imprimé sur le livre. Mais dans quel pays sommes-nous, Jean, si nous ne sommes pas au Canada?»

Honorables sénateurs, que dire alors de notre unité canadienne, de notre identité canadienne? Nous avons besoin de solutions. Premièrement, pourquoi ne pas laisser les libraires continuer à indiquer le prix sur le livre comme ils le font à l'heure actuelle, la taxe étant ajoutée à la caisse, et leur permettre d'afficher des tables de conversion à divers endroits dans leur librairie. Deuxièmement, il faudrait examiner la question de la taxe de 7 p. 100 sur les livres à l'échelle pancanadienne et encourager les éditeurs canadiens à incorporer cette taxe de 7 p. 100 au prix du livre à l'échelle canadienne. S'ils recevaient un encouragement en ce sens au moyen des subventions dont beaucoup d'entre eux bénéficient pour leur programme d'édition canadienne, vous seriez agréablement surpris de constater avec quelle rapidité ils réagiraient. Troisièmement, cette proposition nous épargnerait les dépenses considérables qu'il nous faudrait engager pour réétiqueter nos livres, elle permettrait aussi d'éviter la confusion dans l'esprit du public pendant les quatre mois où nous réétiquetterons nos livres et d'éviter aussi la confusion dans l'esprit des touristes du fait que nos prix seront plus élevés que le prix de vente au Canada qu'est imprimé sur le livre. Je le répète, les prix seraient ainsi les mêmes dans tout le Canada et seraient conformes au prix annoncé dans les tous les magazines, journaux, revues et émissions télévisées où on fait de la critique de livres. Quatrième solution, la meilleure de toutes, ramener le taux de taxe sur les livres à zéro pour le Canada tout entier. Si l'on croit vraiment à l'alphabétisme au Canada, on ne devrait imposer aucune taxe sur les livres.

Mme Liz Crocker, présidente, Woozles Bookstore: Comme l'ont fait ceux qui m'ont précédée, je tiens à remercier le comité d'être venu dans l'Est. Beaucoup d'entre nous avons été offusqués du fait que le comité de la Chambre des communes ne soit pas venu ici, et nous vous savons gré d'être venus.

J'imagine que vous avez entendu des gens maugréer contre cette taxe, mais j'espère qu'après avoir entendu Charles vous vous serez rendu compte que nous avons au moins le sens de l'humour et des propositions constructives à faire.

Je pourrais ne rien dire, car je suis d'accord avec les témoignages que j'ai entendus depuis le peu de temps où je suis dans cette salle. Puisque vous m'en donnez l'occasion, cependant, je vous adresserai la parole. Je veux soulever trois points importants. Je suppose qu'ils sont finalement tous liés à cette question du prix affiché taxes comprises.

Premièrement, l'application de cette taxe et l'obligation de l'inclure dans le prix crée à mon avis une nouvelle forme de différenciation entre les trois provinces en cause et le reste du Canada. Nous entendons beaucoup parler dans les médias d'unité nationale, et c'est là une question qui tient à coeur à beaucoup de Canadiens. Il me semble qu'on va vraiment à contre-courant en créant une forme de différenciation comme celle-là qui est attribuable à une taxe à ce moment précis de notre histoire.

Deuxièmement, toujours en ce qui concerne l'unité nationale, cette taxe et l'obligation de l'inclure dans le prix nous défavoriseront, tant comme consommateurs que comme détaillants. Pour se rendre compte du désavantage qui nous frappe en tant que consommateurs, il suffit de se reporter au prospectus publicitaire de deux pages incorporé dans le plus récent catalogue de Lee Valley Tools, et si vous n'avez pas eu l'occasion de le lire, je voudrais que vous le fassiez. Il contient une déclaration passionnée et éloquente, et l'entreprise Lee Valley dit essentiellement qu'elle ne vendra pas ses produits aux habitants des régions harmonieuses. J'ai un exemplaire ici que je serais heureuse de vous remettre.

Les détaillants parmi nous seront aussi désavantagés. Cela m'amène à mon deuxième point, celui de la compétitivité. Je crois que notre compétitivité comme détaillants sera réduite à cause de l'inclusion de la taxe dans le prix affiché. Je trouve curieux que deux politiques gouvernementales soient en contradiction totale. L'une impose cette taxe et précise qu'elle doit être incluse dans le prix. Cette politique va à l'encontre de celle qui encourage les Canadiens à tenter d'exporter leurs produits. Nous devrions essayer d'accroître nos échanges commerciaux et d'être compétitifs à l'échelle internationale.

Nos librairies vendent non seulement aux clients qui se présentent chez nous mais à des clients dans les différentes régions du pays. Nous en avons dans toute l'Amérique du Nord, et parce que nous avons des sites web, nous avons des clients dans le monde entier. Je croyais que c'est ce que nous devions faire afin de contribuer à bâtir une économie canadienne solide. Cette politique visant à inclure la taxe dans les prix fera en sorte que mes prix sembleront plus élevés que ceux que pratiquent mes homologues d'autres régions du pays. Je trouve cela injuste, et, comme je l'ai dit, on semble ainsi aller à contre-courant.

J'ai un catalogue. Je crois que c'est une bonne chose pour une entreprise de publier un catalogue, mais je suis maintenant tenue strictement d'inclure la taxe dans mes prix. Si mon catalogue était désigné comme catalogue national -- on me dit que ce n'est pas le cas parce que j'exerce mon activité uniquement en Nouvelle-Écosse -- mais s'il en était ainsi, je pourrais indiquer les prix sans la taxe à condition que, toutes les deux pages, je consacre 1/32 de l'espace à la mention «les prix indiqués n'incluent pas la taxe». Dans un catalogue de 32 pages, cela représente une demi-page. Je me demande vraiment si le gouvernement fédéral aimerait avoir à payer pour ce genre de publicité, car, pour moi en tant que détaillante, je trouve important de maximiser mon catalogue afin de vendre quelque chose ou de créer une ambiance. Or, créer une ambiance à propos de la taxe ne profitera guère à mon entreprise.

On me dit que les règlements qui s'appliqueront aux catalogues régionaux -- catégorie dans laquelle nous tombons, semble-t-il -- n'ont pas encore été établis, bien que nous soyons déjà au 6 mars et que le 1er avril arrive bientôt. J'ose espérer, du moins, que les règlements me permettront de continuer à imprimer mon catalogue sans inclure la taxe dans les prix et d'y insérer un encart d'une seule page indiquant les prix taxes comprises. Quand j'enverrai le catalogue à quelqu'un de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick ou de l'Île-du-Prince-Édouard, je me ferai volontiers un devoir d'insérer cette page.

Le troisième point est celui du coût de mise en oeuvre; Charles en a parlé, comme d'autres aussi. La mise en oeuvre de cette taxe nous occasionnera des dépenses de temps -- il s'agit d'une activité utilisatrice de main-d'oeuvre -- et d'argent, puisqu'il nous faudra de nouvelles étiquettes et peut-être de nouveaux logiciels. Nous perdrons sans doute du temps que nous aurions pu consacrer à l'entreprise, puisque nous serons tellement occupés à essayer de calculer ces prix bizarres dont Charles vous a parlé que nous n'aurons pas le temps de nous entretenir avec nos clients.

Nous perdrons aussi beaucoup de ventes à cause de cette mesure, qui nous rendra moins compétitifs. Je me désole du fait qu'on ne cherche même pas à nous compenser pour ces dépenses. On ne reconnaît pas que nous faisons en fait le travail de percepteur du gouvernement, et la pilule est d'autant plus difficile à avaler que nous perdrons la commission, si minime soit-elle, que nous recevons à l'heure actuelle du gouvernement provincial.

J'espère que vous poserez des questions qui me permettront de dire toutes les autres choses que je voudrais dire, mais je conclurai en revenant à une question que vous avez posée tout à l'heure à quelqu'un du milieu environnemental.

J'ai parlé plus tôt du fait que les politiques gouvernementales étaient contradictoires. Je sais que le Livre rouge du gouvernement déclare que les signaux économiques et environnementaux devraient être alignés les uns sur les autres si nous croyons vraiment au développement durable.

Je trouve intéressant que, d'un trait de stylo, on fera baisser le coût des voitures. Par ailleurs, le ministre Marchi lance à juste titre en Ontario un avertissement au sujet de la détérioration de l'atmosphère. Quelqu'un quelque part s'est-il demandé si cette taxe donne vraiment à l'action gouvernementale l'orientation que nous voulons lui donner?

M. Philip R. Doucette, président, Nova Scotia Designer Crafts Council: Je suis heureux d'être ici à la table avec trois représentants d'une industrie dont je suis moi-même, tout comme ma collègue, Susan Hanrahan, un consommateur avide. Je suis néanmoins ici aujourd'hui pour parler au nom de l'industrie des métiers d'art en Nouvelle-Écosse, et plus particulièrement des membres du Nova Scotia Craft Council, qui est le porte-parole officiel des artisans de la Nouvelle-Écosse.

Le NSDCC défend les intérêts des artisans auprès des autorités municipales, provinciales et fédérales, et il offre aussi des programmes et des services destinés à aider les artisans travaillant à tous les niveaux dans notre province... les amateurs, les artisans exécutants et les artisans qui produisent des objets variés et ceux qui fabriquent un produit unique.

Si l'on en juge par le volume des communications que nous avons reçues de nos membres à ce sujet, la question du seuil d'enregistrement de 30 000 $ semble être un des éléments les plus controversés de la mesure législative proposée relativement à la TVH, et la question préoccupe tout particulièrement les entreprises d'exécution de produits d'artisanat qui exercent leur activité à plein temps. Nos membres ont fait le calcul, et il semble, à l'heure actuelle, que même quand on tient compte des crédits de taxe pour intrants les entreprises qui n'ont pas à percevoir la TVH réaliseront un bénéfice qui sera près de 15 p. 100 plus élevé que celui d'une entreprise qui doit percevoir la taxe, en supposant que les biens soient vendus au consommateur au même prix.

Bon nombre de ces entreprises d'exécution ont à leur service, non seulement les personnes qui sont propriétaires de leur entreprise de conception de produits d'artisanat, mais aussi des travailleurs à temps partiel et à temps plein qui sont employés de façon saisonnière ou à longueur d'année, et elles craignent que le fait de devoir exiger et percevoir la taxe ne nuise à leur activité. Ces membres demandent que le seuil d'enregistrement soit fixé à 0 $.

Le NSDCC comprend leur point de vue, mais nous ne pouvons pas l'entériner complètement parce que nous représentons aussi des artisans qui tombent en deçà du seuil d'enregistrement de 30 000 $, qui ne veulent pas d'un seuil fixé à 0 $. Parmi ces membres, on trouve des amateurs qui s'adonnent à un métier d'art par plaisir et qui vendent peut-être à l'occasion, et de façon informelle, de leurs créations, de même que des petites entreprises d'artisanat, où c'est la même personne qui fait tout, et qui ne veulent pas être obligées de s'enregistrer pour la TVH tant qu'elles n'auront pas pris de l'expansion. Le NSDCC voudrait qu'on mette en place un mécanisme qui encouragerait la mise sur pied et la croissance de nouvelles entreprises d'artisanat et qui ne pénaliserait pas pour autant les entreprises existantes et florissantes.

Beaucoup de nos artisans membres qui produisent leurs objets d'artisanat en des exemplaires multiples vendent aussi leurs produits en gros, font des ventes par catalogue à leurs revendeurs ou exploitent une boutique où ils vendent leurs propres produits, de même que ceux de collègues. L'inclusion de la taxe dans les prix fera en sorte que les entreprises devront remplacer leurs stocks, refaire leurs annonces publicitaires en magasin et produire de nouveaux catalogues qu'elles devront ensuite distribuer à nouveau. Les dépenses supplémentaires liées à ces changements non seulement constitueront un fardeau additionnel pour les artisans touchés, mais pourraient aussi réduire leurs ventes directes au public en raison du choc que ressentira le public en voyant le prix sur l'étiquette.

L'inclusion de la taxe dans les prix occasionnera aussi un autre problème dont on a pu se rendre compte récemment. Ainsi, un important fournisseur de matériel de menuiserie a indiqué qu'il ne distribuerait pas son catalogue dans la région harmonisée et qu'il n'accepterait pas non plus de commandes par téléphone de cette région, puisqu'il lui en coûterait trop cher pour établir deux types de prix et pour assumer le fardeau administratif qui en résulterait. Nos artisans qui travaillent le bois auront donc beaucoup plus de mal à obtenir les outils et le matériel dont ils ont besoin pour exercer leurs activités.

Il y a aussi une entreprise de textile canadienne qui songe à ne pas servir de clients dans la région harmonisée parce qu'elle considère que le marché régional est trop petit pour compenser le fardeau administratif supplémentaire qu'occasionnerait la mise sur pied d'une deuxième politique de comptabilité pour tenir compte de la TVH. Ce sont là deux exemples qui vous permettent de voir comment beaucoup de nos artisans régionaux pourraient être coupés de leurs sources de matières brutes ou amenés à s'adresser à des fournisseurs américains en raison de la TVH.

Bon nombre de nos membres vendent leurs produits en gros à des commerces situés dans des provinces non participantes. À l'heure actuelle, le commerce qui reçoit les biens doit demander la remise de la part provinciale de la TVH. Si cette obligation devient encore plus onéreuse, elle pourrait avoir un effet de dissuasion sur beaucoup de détaillants pour qui la capacité d'autofinancement est toujours un problème. Ces détaillants pourraient très bien décider qu'ils peuvent obtenir un produit semblable d'une province non participante et s'épargner ainsi la paperasserie et le délai liés à l'obtention du remboursement de la part provinciale de la taxe.

Beaucoup d'entreprises d'artisanat, tant celles qui sont au-dessus que celles qui sont en deçà du seuil de 30 000 $, souffrent d'un manque chronique de liquidités. Sous le régime actuel, beaucoup des dépenses de fabrication que doivent engager ces entreprises ne comportent aucune TVP. Pour les petites entreprises qui n'ont pas à s'enregistrer pour la TVH, les dépenses d'entreprise augmenteront, puisque les fournitures et le matériel seront taxés à un taux plus élevé et qu'elles ne pourront pas demander le remboursement de ces dépenses accrues au moyen de crédits de taxe pour les intrants.

Pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires de plus de 30 000 $, le nouveau régime les obligera à débourser beaucoup plus d'argent au départ et à attendre ensuite un remboursement ou un crédit de taxe pour intrants. Non seulement leur capacité d'autofinancement en souffrira, mais elles auront un fardeau administratif plus lourd, qui pourrait annuler certains des avantages du crédit de taxe pour intrants.

Le NSDCC a un budget de fonctionnement annuel d'environ 230 000 $. À l'heure actuelle, nous recueillons 40 p. 100 de ce montant global grâce à un seul événement, notre foire d'artisanat de Noël. Le prix d'entrée que nous demandons pour cet événement comprend la TPS de 7 p. 100. En tant qu'organisation de charité sans but lucratif, nous demandons, et nous sommes autorisés, à ne pas percevoir la taxe provinciale d'amusement. Si, en vertu de la mesure législative proposée relativement à la TVH, nous devons inclure la TVH de 15 p. 100 dans le prix de nos billets, nous devrons augmenter nos prix d'entrée, ce qui pourrait se traduire par une baisse du nombre de personnes qui viendront à la foire et par une baisse de revenus pour nous. Si nous maintenons nos prix d'entrée au niveau actuel, nous devrons remettre une bonne part des revenus que nous en tirons au gouvernement, de sorte que, là aussi, nous subirons une baisse de notre revenu total.

Le secteur de l'artisanat de la Nouvelle-Écosse est tel qu'on y trouve une multitude d'entreprises d'artisanat de types différents. Les préoccupations que j'ai soulevées sont toutefois celles d'un grand nombre d'artisans de la Nouvelle-Écosse et des autres provinces faisant partie de la région harmonisée.

Les métiers d'art existent depuis longtemps dans notre province, mais ce n'est que dernièrement qu'ils ont commencé à recevoir l'attention qu'ils méritent, non seulement comme partie intégrante du patrimoine culturel de la Nouvelle-Écosse, mais comme élément important de son économie. Les entreprises d'artisanat de la Nouvelle-Écosse créent des emplois, attirent les touristes et génèrent chaque année des millions de dollars de ventes.

Nous vous invitons donc à tenir compte de nos préoccupations et de celles de nos membres, et nous vous demandons d'y accorder toute l'attention voulue quand vous aurez à examiner l'effet qu'aura au bout du compte le projet de loi sur la TVH sur la communauté des artisans de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool: Bonjour et bienvenue. Je suis une consommatrice de livres. J'achète beaucoup de livres. Et la majorité des livres que j'achète sont en français, alors je paie près du double. Vous savez que le projet de loi C-70 prévoit un remboursement de la TPS sur les livres qui seront achetés par des institutions comme les écoles, les universités, les collèges et les organismes de bienfaisance et aussi pour certaines revues et magazines. Cette initiative se traduira par une perte de 25 millions de dollars en remboursement de la TPS. Est-ce que vous croyez que les livres devraient être exemptés de la TPS? Il faudrait dire oui, parce qu'on aime les livres. Est-ce que les CD-Rom devraient être exemptés de la TPS? Oui, parce qu'ils sont éducatifs. Est-ce que les revues, les magazines et la télévision éducative devraient l'être? Il est difficile de savoir quoi exempter. Pourquoi? Qu'est-ce qui est le plus éducatif? Exempter une chose ou l'autre.

J'en arrive à mes deux petites questions. D'abord, M. Burchell dans le "Book Room" à la page 3, est-ce que vous avez discuté avec les autorités des quatre solutions que vous proposez? J'opterais pour la quatrième.

[Traduction]

M. Burchell: J'ai discuté de l'option 2 avec un des principaux conseillers en politique du ministère provincial des Finances. J'ai aussi parlé de l'option 3, et nous avons aussi dit à un moment donné que la solution 4 serait vraiment la solution de rêve. Nous avons discuté de façon détaillée de l'option 2.

Le sénateur Losier-Cool: Et quelle a été la réaction?

M. Burchell: On nous a dit qu'il faudrait qu'il y ait une recommandation de la part des provinces au ministre fédéral des Finances pour que la solution puisse être appliquée à l'échelle pancanadienne, car ce sont les subventions fédérales à l'édition qui serviraient d'incitatifs, et ces subventions relèvent des fonctionnaires fédéraux. On nous a dit que c'est là le point de départ qu'il nous faudrait prendre pour maximiser nos chances de succès.

Le sénateur Losier-Cool: En ce qui concerne les magazines et les cartes de souhaits, monsieur Cluett, le ministère des Finances a communiqué avec la Greeting Cards and Gifts Association of Canada, qui est prête à afficher des tables de conversion. Étiez-vous au courant de cela?

M. Cluett: Je savais qu'on en avait discuté. C'est une possibilité qui a été soulevée à maintes reprises. Je crois toutefois que malgré les audiences qui ont eu lieu en Nouvelle-Écosse, et malgré les audiences du comité des finances à Ottawa, le projet de loi a été présenté sans amendement. Je comprends ce que vous dites, mais comme je l'ai expliqué dans mon exposé, il n'est pas pratique d'avoir à afficher dans un magasin de 1 900 pieds carrés des pancartes où il faudrait indiquer 50 conversions différentes uniquement pour les cartes, sans parler des autres produits. Ce serait un obstacle et cela nuirait à ce que nous essayons de faire.

Le sénateur Losier-Cool: Des quatre solutions possibles, y en a-t-il une que vous préférez, une qui rendrait votre tâche plus facile?

M. Cluett: C'est un sujet dont nous discutons depuis tellement longtemps, et il y a toujours de nouvelles choses qui surviennent. Cette semaine, par exemple, je suis tombé sur cet article de journal que je vous ai montré à la toute fin. Je n'y avais pas pensé auparavant, mais c'est un élément d'information très important. Le Canada a plusieurs entreprises nationales qui produisent des biens qu'elles distribuent à l'échelle du pays, que ce soit par l'entremise de franchisés, ou peu importe, dont le prix est fixé à la source. D'après cet article, si par exemple la taxe est incluse dans les prix dans la région atlantique et que, dans les autres régions du pays, il y a trois ou quatre prix différents, ces entreprises nationales ne pourront tout simplement pas fixer les prix à l'échelle nationale.

Le sénateur Losier-Cool: Vous dites donc que vous n'obtiendriez pas ce service des entreprises nationales?

M. Cluett: Je dis qu'il serait impossible pour les entreprises nationales de fixer cinq prix différents pour cinq régions différentes. Je suis sûr qu'il y a un coût qui se rattache à cela dont il faudrait vraiment tenir compte.

Ce qui fait problème, c'est l'inclusion de la taxe dans les prix. D'après cet article, nous comptons pour 15 p. 100 par rapport à l'ensemble du pays. Pourquoi devrions-nous opter dès maintenant pour l'inclusion de la taxe dans les prix plutôt que d'attendre et de voir l'effet de l'inclusion de la taxe dans les prix à l'échelle du Canada tout entier? Si cette formule est adoptée et qu'on décide plus tard qu'elle ne convient pas, il faut retourner en arrière et tout changer. Cela coûte très cher.

Le sénateur Angus: Si je comprends bien, vous êtes deux représentants de l'industrie du livre, madame Crocker et monsieur Burchell. Faites-vous partie de la coalition qui ne veut pas de taxe sur les imprimés? Le premier témoin que nous avons entendu dans le cadre de nos audiences est venu témoigner devant nous à Ottawa le 25 février; il s'agissait de M. Roy McSkimming, de la Don't Tax Reading Coalition. Êtes-vous membres de cette coalition?

Mme Crocker: Nous nous y sommes intéressés dès l'introduction de la TPS, puisque c'était la première fois qu'une taxe était imposée sur les livres au Canada.

Le sénateur Angus: Cela s'applique-t-il également à vous, monsieur Burchell?

M. Burchell: En effet.

Le sénateur Angus: Mais n'êtes vous pas exemptés de cette taxe en vertu des lois du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et du Labrador et de la Nouvelle-Écosse? N'y a-t-il pas eu une entente de conclue?

Mme Crocker: Oui, mais sur la taxe provinciale seulement.

Le sénateur Angus: Si vous pouviez être exemptés de l'application de la portion fédérale de la taxe, cela ne résoudrait-il pas tous vos problèmes, étant donné que l'obligation d'inclure la taxe ne s'appliquerait pas à votre secteur?

M. Burchell: C'est exact.

Le sénateur Angus: Vous êtes tous deux d'accord là-dessus?

Mme Crocker: Cela réduirait mon problème pour ce qui est des livres que je vends, mais nous vendons également dans nos magasins bien d'autres choses, et la taxe s'appliquerait toujours à ces autres articles.

Le sénateur Angus: Notre président a mentionné les merveilleux livres d'enfants que vous vendez, et votre ancien premier ministre, monsieur Burchell, nous a parlé de vos superbes magasins; mais je voudrais bien comprendre ce qui se passerait dans le cas des livres. Si notre comité devait recommander de modifier la partie I du projet de loi C-70 et de rajuster la TPS -- comme a si bien tenté de le faire le parti représenté par les sénateurs Kirby, Rompkey et Losier-Cool en 1990, et tout comme le sénateur Di Nino, de mon propre parti, a tenté de le faire par le truchement du projet de loi S-11 -- cela vous satisferait-il, même si je ne puis vous promettre de résultats?

M. Burchell: Bien sûr, ce serait comme un cadeau de Noël.

Mme Crocker: Je crois en effet que tous ceux qui s'intéressent à l'alphabétisation, à l'éducation et à la bonne littérature feraient chorus d'un océan à l'autre.

Le sénateur Angus: Si, malheureusement, la majorité au Sénat était telle qu'il soit impossible de faire supprimer la portion fédérale de la taxe, et que nous ne puissions vous offrir de cadeau de Noël précoce, j'imagine que votre deuxième cheval de bataille en importance, ce serait le prix taxes comprises, n'est-ce pas? Si nous pouvions empêcher l'inclusion de la taxe et laisser au détaillant le soin de décider comment ils afficheront la taxe, soit en l'incluant, soit en l'excluant, cela vous satisferait-il?

M. Burchell: Ce serait un grand pas dans la bonne direction que de ne pas nous imposer l'inclusion de la taxe dans le prix et de laisser les choses telles quelles. Peut-être qu'en temps et lieu, à une bien plus vaste échelle, on pourrait souhaiter éliminer complètement la taxe, mais le simple fait de ne pas nous imposer l'inclusion de la taxe constituerait un pas dans la bonne direction pour bon nombre des habitants des trois provinces touchées.

Mme Crocker: J'en serais heureuse. J'aurais l'impression qu'on m'a écoutée et qu'on m'a respectée; j'aurais l'impression que les politiciens ont enfin compris les efforts que nous déployons en vue de relancer l'économie du Canada.

Le sénateur Angus: Nous avons parcouru les provinces de l'Atlantique au cours des dernières journées, et je dois dire que nous avons vu très peu de gens qui appuyaient l'inclusion de la taxe. Vous qui oeuvrez dans le secteur du livre et qui êtes du genre intellectuel, vous êtes-vous jamais demandé comment le gouvernement pouvait justifier sa tentative de vous imposer ce cauchemar administratif?

Mme Crocker: Je peux imaginer deux raisons. D'abord, je pense qu'il voudrait bien laisser croire que la TPS a disparu. Mais les Canadiens sont plus futés que cela. Ensuite, si j'ai bien compris, c'est que les sondages d'opinion laissent entendre, ce qui est assez surprenant, que la population veut savoir que le prix affiché est celui qu'elle devra payer.

Je ne conteste pas la façon dont les sondages d'opinion sont effectués, car les sondeurs sont des spécialistes. Toutefois, si l'on devait mettre en regard le désir des Canadiens qui veulent que la taxe soit incluse dans le prix et celui des gens de tous les autres secteurs -- particulièrement ceux qui, comme moi, ont à coeur la compétitivité nationale et internationale du Canada -- on constaterait peut-être que ces gens scient la branche sur laquelle ils sont assis. Autrement dit, ces gens qui ont répondu au sondage dans les régions participantes ne se rendent peut-être pas compte que pour obtenir ce qu'ils voulaient ils ont eu le contraire, c'est-à-dire un problème peut-être plus grave encore.

Comme je l'ai déjà dit au comité des modifications législatives de la province de la Nouvelle-Écosse, nous sommes très près de nos clients, et nous conversons beaucoup avec eux. Nous n'attendons pas passivement à la caisse que quelqu'un vienne s'ébahir devant nous du montant de la taxe. Très souvent, nos clients viennent nous demander combien tel article coûterait si on y ajoutait la taxe. Nous leur donnons une petite idée du montant, selon qu'il s'agisse d'une taxe ou de deux. Les gens ne sont pas si surpris que cela, vous savez. D'habitude, ils sont déjà bien au courant lorsqu'ils se présentent à la caisse. D'ailleurs, cela fait maintenant plusieurs années que les habitants de la province savent qu'il faut ajouter environ 19 p. 100 au prix de tous les articles. Voilà ce que je voulais expliquer.

Le sénateur Angus: Monsieur Burchell êtes-vous d'accord?

M. Burchell: Certainement.

Le sénateur Angus: Madame, je vous félicite de la franchise avec laquelle vous vous êtes exprimée, car l'un de mes collègues à ma droite m'a fait savoir que vous êtes l'une des libérales les plus avisés et les plus astucieuses de la province. Et pourtant, vous vous êtes exprimée devant nous en toute franchise. Je vous en remercie.

M. Burchell: Si le comité pouvait retourner à Ottawa avec une idée qui pourrait permettre de changer la situation, nous vous en serions reconnaissants. C'est merveilleux que vous soyez venus nous rencontrer, et si vous pouviez renverser la vapeur d'une façon quelconque, nous vous en serions très reconnaissants.

Le président: Nous accueillons maintenant le professeur Barry Gorman, président du Département de comptabilité à l'Université St. Mary's. Il comparaît aujourd'hui à titre de membre du comité national de la fiscalité de l'Institut des dirigeants financiers du Canada.

M. F. Barry Gorman, professeur agrégé, président, Département de comptabilité, Université St. Mary's, et membre, comité national de la fiscalité, Institut des dirigeants financiers du Canada: Monsieur le président, étant donné que le temps file, je préférerais résumer mes commentaires, ce qui me permettra peut-être de digresser par la même occasion.

L'Institut des dirigeants financiers du Canada appuie sans réserve l'idée d'harmoniser les taxes, et ce, depuis longtemps, même avant que l'on annonce l'harmonisation, il y a environ deux ans. L'harmonisation en soi est une bonne politique fiscale, et ses avantages dépassent de loin les problèmes qui pourraient survenir pour certains contribuables de certains secteurs de la collectivité.

Nous avons également appuyé publiquement et de façon active la mise en oeuvre de l'harmonisation de façon pragmatique d'une province à l'autre, et ce, dans tout le pays. Comme pour n'importe quel autre changement à notre régime fiscal, l'harmonisation ne se fera pas sans frais pour les entreprises. L'harmonisation aura son prix pour toutes les entreprises canadiennes, et pas seulement pour celles qui se trouveront dans la zone harmonisée. Toutefois, nous sommes convaincus que les coûts d'exécution sont raisonnables et que les consommateurs s'en satisferont en bout de piste.

Par ailleurs, et nous rejoignons en cela plusieurs autres témoins, l'Institut des dirigeants financiers du Canada s'inquiète beaucoup de l'inclusion de la taxe dans les prix.

Mesdames et messieurs, l'harmonisation pourrait se faire avec ou sans l'inclusion de la taxe dans les prix, et vice versa. Les deux questions s'excluent mutuellement. Il n'y a pas nécessairement de lien entre les deux. Les détaillants qui sont membres de notre institut ont conclu, après avoir fait certaines études, que la mise en oeuvre de l'inclusion de la taxe dans cette région-ci coûterait 45 millions de dollars, alors que si elle était mise en oeuvre à la grandeur du Canada, elle ne coûterait que 100 millions de dollars environ. Vous voyez que les consommateurs de cette région-ci, sans parler des entreprises, seront désavantagés par cette mesure et auront à assumer un fardeau beaucoup trop élevé proportionnellement parlant.

Laissons de côté un instant notre institut: nombre des entreprises et sociétés de cette province-ci sont très petites. Cette mesure pourrait donc leur coûter extrêmement cher. Je répète que nous avons évalué à 45 millions de dollars ce qu'il en coûtera à notre région d'appliquer la mesure d'inclusion de la taxe dans le prix. Or, comme on l'a déjà mentionné, nous ne représentons qu'un pourcentage relativement restreint de l'économie et de la population. Notre région devra donc assumer une part disproportionnée de ce montant.

Par conséquent, s'il nous faut vraiment accepter cette mesure d'inclusion de la taxe dans les prix, il faudrait la reporter jusqu'à ce que l'harmonisation soit mise à exécution dans tout le Canada; ainsi, le coût de l'harmonisation et de l'inclusion de la taxe pourrait être assumé de façon beaucoup plus rationnelle et efficace par l'ensemble de l'économie canadienne.

Nous ne sommes pas convaincus que les méthodes actuelles d'inclusion de la taxe répondent aux objectifs que s'est fixés le gouvernement. Nous sommes bien conscients du fait que les consommateurs veulent connaître le prix d'un article lorsqu'ils se rendent dans un commerce de détail. Toutefois, si vous regardez un instant les méthodes de mise en application qui sont proposées, vous constaterez qu'elles sèmeront la confusion chez le consommateur, qui sera plus médusé qu'il ne l'est aujourd'hui. De plus, cela finira par lui coûter plus cher. Autrement dit, ces coûts finiront par éliminer la plupart des avantages que représente l'harmonisation, en tout cas pour les entreprises de cette région-ci.

Nous sommes convaincus que les consommateurs seront encore plus confus une fois que la taxe sera incluse dans les prix, et que le choc qu'ont ressenti les Canadiens il y a maintenant plusieurs années sera remplacé par une confusion et une incrédulité généralisées. Les consommateurs auront l'impression qu'ils sauront exactement ce que coûte un article, mais les options qui sont actuellement présentées en vue de cette inclusion de la taxe dans le prix ne révèlent rien aux consommateurs. S'il faut installer dans tous les commerces de détail des tableaux de conversion sur les murs, cela n'aidera en rien les consommateurs canadiens.

En résumé, voici notre recommandation: avant d'imposer l'inclusion de la taxe dans les prix, attendez, de grâce, que l'harmonisation de la taxe soit mise en application à la grandeur du Canada.

Le sénateur Comeau: Au sujet de vos chiffres, j'aimerais savoir comment vous avez calculé ce qu'il en coûterait aux provinces soumises à l'harmonisation.

M. Gorman: L'institut représente des compagnies qui sont disséminées un peu partout sur le territoire canadien, et je siège au comité national de la fiscalité de l'institut. Les coûts qu'entraînera l'harmonisation devront être assumés par tous les contribuables et toutes les entreprises du Canada, dans l'éventualité où un détaillant albertain aura besoin de savoir d'où viennent les coûts, ou devra assumer les coûts des catalogues nationaux, et cetera. Le montant de 45 millions de dollars a été établi pour l'inclusion de la taxe dans les prix de nos trois provinces. Si vous comparez cette somme au montant que nous avons évalué à 100 millions de dollars pour l'inclusion de la taxe dans les prix à l'échelle du pays, la distorsion saute aux yeux.

Le sénateur Comeau: S'agit-il de 45 millions de dollars par année?

M. Gorman: Oui, puisque les catalogues et les dépliants doivent être reproduits tous les ans.

Le sénateur Comeau: D'après une étude du Conseil économique des provinces de l'Atlantique, l'un des irritants serait la nécessité d'augmenter le fonds de roulement pour les entreprises qui doivent acheter des intrants qui entrent dans la composition de leurs produits. Évidemment, les entreprises peuvent toujours recouvrer cette somme par le truchement du crédit de taxe sur les intrants. Toutefois, elles sont obligées de payer d'entrée de jeu 15 p. 100, ce qui représente des coûts de possession des articles en stock de 130 millions de dollars environ par année, toujours d'après l'étude du Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Avez-vous envisagé la question sous cet angle?

M. Gorman: Pas de façon spécifique. Nous sommes évidemment au courant de la situation, puisque chaque commerce devra assumer le coût initial de l'harmonisation, qui n'a rien à voir pour sa part avec l'inclusion de la taxe dans le prix de vente. Vous avez raison de dire que tous les commerces devront assumer initialement des coûts qui finiront bien par être recouvrés à la fin du cycle économique normal.

Le sénateur Comeau: C'est un élément qui a été établi, sans ordre de priorité, comme étant l'un des irritants de l'harmonisation. Une somme de 130 millions peut en effet être considérée comme un irritant pour les entreprises canadiennes de l'Atlantique, irritant auquel viennent s'ajouter tous les autres.

M. Gorman: Je ne connais pas les chiffres spécifiques. Mais on peut tout de même supposer que tous les intrants achetés pour la première fois représentent 15 p. 100, paiement qu'il faudra faire de façon isolée au départ.

Le sénateur Comeau: Puisque vous faites partie de l'Institut des dirigeants financiers, savez-vous s'il existe une étude approfondie qui ait tenu compte de tous les irritants et qui ait réussi à établir à combien on pourrait évaluer cette initiative d'inclusion de la taxe dans le prix.

M. Gorman: Pas que je sache. Je sais qu'il existe plusieurs études de cette nature, mais elles ont toutes été faites pour le compte de secteurs économiques spécifiques.

Le sénateur Comeau: Je ne crois pas que notre comité ait tenté de réunir tous les renseignements.

Le président: Nous accueillons maintenant Mme Jeanne Cruikshank, vice-présidente du Conseil canadien de la distribution alimentaire, région de l'Atlantique, qui est accompagnée de Glen Hynes, vice-président, Contrôle et Administration, chez Sobey's; de Michael Whittaker, président, Grinner's Good Systems Ltd., de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, région de l'Atlantique, lui-même accompagné de Luc Erjavecv, gérant des Affaires gouvernementales, Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, représentant de la région de l'Atlantique.

Mme Jeanne Cruikshank, vice-présidente, Conseil canadien de la distribution alimentaire, région de l'Atlantique: C'est avec plaisir que je comparais devant votre comité. Puisque le temps file, je vais aborder immédiatement les grands éléments de notre exposé, que vous retrouverez aux pages 4 et 5 de notre mémoire. Je suis ravie de comparaître devant le comité sénatorial des banques pour vous exposer ce que pensent les épiciers de l'Atlantique de la taxe de vente harmonisée.

Le Conseil canadien de la distribution alimentaire comprend Atlantic Wholesalers, Bolands IGA, Coop Atlantic, Sobey's, et Coleman's, de Terre-Neuve. Nos membres sont convaincus que la clé du succès en vue d'une taxe de vente nationale, c'est notamment une mise en oeuvre réussie dans les trois premières provinces, les nôtres.

Notre conseil a de longue main été un fervent défenseur de l'harmonisation des taxes de vente. Nous croyons que cela peut représenter d'importantes épargnes pour les entreprises et pour les consommateurs, puisque le régime fiscal sera plus efficace.

L'harmonisation de la taxe de vente provinciale et de la TPS est louable à plusieurs égards. Le régime actuel en vertu duquel sont imposées les taxes de vente aboutit à un chevauchement de l'effort de perception de cette taxe. La taxe de vente harmonisée provoquera beaucoup moins de confusion chez le consommateur et coûtera moins cher aux entreprises qui devront la percevoir. Actuellement, les entreprises doivent administrer séparément la taxe de vente de la province et celle du gouvernement fédéral. Les entreprises qui sont établies en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve bénéficieront de cette harmonisation, étant donné que chaque taxe de vente provinciale comporte actuellement ses propres exemptions, règles et autres particularités. L'harmonisation sera donc un obstacle de moins au commerce interprovincial dans notre région.

Nous, de l'industrie des supermarchés, sommes évidemment motivés à mettre en oeuvre comme il faut l'harmonisation de la taxe, parce que nous sommes aux premières lignes et devons faire face aux critiques, à la confusion des consommateurs et à leur ressentiment si les choses ne sont pas simples, ni logiques ni faciles à comprendre. Les consommateurs vont en moyenne deux fois par semaine au supermarché. En bref, nous appuyons l'harmonisation et les efforts déployés par les gouvernements intéressés pour faire en sorte que le consommateur ne soit pas lésé.

Nous appuyons également la notion de l'instauration d'un prix taxes comprises. Étant donné qu'environ 70 p. 100 des produits que nous vendons actuellement ne sont pas taxés, nous croyons que montrer un prix taxes comprises pourrait être profitable à nos clients, puisque le prix qu'ils verront affiché pour les 30 p. 100 d'autres articles que nous vendons sera le prix qu'ils auront à payer. Ce qui nous inquiète, pourtant, c'est la tentative de dilution que l'on semble voir poindre dans les propositions d'inclusion des taxes; en effet, la pratique de double prix, c'est-à-dire montrer un prix toutes taxes comprises et un autre prix non taxé, sèmera la confusion chez le consommateur, étant donné l'espace très limité réservé aux étiquettes affichant les prix sur les étagères et dans les bacs. Nous avons apporté quelques exemples d'étiquettes avec nous aujourd'hui.

Nous vous recommandons donc de reporter de quatre à cinq mois l'application de la politique d'affichage d'un prix toutes taxes comprises. La seule composante de l'harmonisation qui devrait être reportée, c'est l'affichage d'un prix toutes taxes comprises, étant donné que l'échéancier actuel du 7 avril ne conviendrait pas à notre industrie, puisque nous n'aurions pas le temps d'obtempérer, vu que les règlements établissant les critères ne sont pas encore publics.

En supposant que les règlements soient publiés en mars, une date de mise en oeuvre en août ou en septembre 1997 donnera aux entreprises le temps voulu pour rajuster leurs systèmes, pour conclure des ententes de pratiques de double prix avec les différents fournisseurs et pour mettre à l'essai des stratégies en vue de la publicité, de l'affichage en magasin et des changements de prix.

Dans un communiqué conjoint daté du 17 janvier, les gouvernements du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, et de Terre-Neuve et du Labrador ont laissé entendre que les dispositions d'inclusion de la taxe pourraient entrer en vigueur le 7 avril 1997, et que la vérification commencerait dès le 1er août. Nous croyons que cette date du 7 avril devrait être abandonnée, puisque trop prématurée, et que l'on devrait plutôt reporter de quatre ou cinq mois après la publication des règlements la date de mise en oeuvre. Cette date reportée devrait être ferme. Comme nous l'avons déjà dit, nous préférerions que vous mettiez en vigueur une politique d'inclusion de la taxe plus rigide que celle qui est proposée.

Je demanderais à mon collègue qui représente Sobey's de prendre maintenant la parole. Il vous montrera de plus certaines affiches et les produits dont il est question sur l'affiche.

M. R. Glen Hynes, vice-président, Contrôle et Administration, Sobey's: Je viens de faire circuler une étiquette de prix typique que vous pourriez trouver dans les magasins Sobey's, et même dans les magasins de nos concurrents. Elle démontre la confusion qui pourrait surgir dans l'esprit du consommateur lorsqu'il verra une étiquette affichant à la fois le prix toutes taxes incluses et le prix non taxé. Comme le produit dont il est question est vendu à prix spécial, vous trouvez également toute une autre série de chiffres sur l'étiquette. Or, le grand défi dans les épiceries, c'est d'utiliser le mieux possible un espace extrêmement réduit. Sans entrer dans les détails, je crois que vous pouvez constater vous-mêmes comme consommateurs que l'étiquette porte énormément à confusion.

De plus, les épiceries montrent également très souvent le prix à l'unité, comme par exemple le prix au kilo. Lorsque le produit est vendu à prix réduit, il arrive souvent qu'on le vende dans un contenant plus gros, ce qui rend le prix plus intéressant au kilo. Ici, les gens peuvent vouloir savoir quel est le prix à l'unité en métrique. Or, sur cette étiquette-ci, il est impossible d'inscrire les deux. En tout petit caractère, vous pouvez lire qu'il s'agit de 1,47 $ les 100 millilitres. Ce que vous proposez ne fera qu'ajouter à la confusion du consommateur.

Comme d'autres témoins l'ont mentionné, nous tenons à ce que l'harmonisation se fasse sans heurt, mais nous sommes convaincus qu'inscrire deux prix ne fera que semer la confusion. Nous préférerions que votre proposition d'inclusion de la taxe soit rigide plutôt que de permettre d'inscrire à la fois les deux prix, avec et sans taxe.

La confusion vous semblera peut-être tout aussi frappante dans les encarts publicitaires, mais nous allons faire ce qu'il faut pour que la situation soit aussi claire que possible pour nos clients. Car nous nous inquiétons sérieusement de l'effet que la proposition pourrait avoir sur eux.

M. Michael R. Whittaker, membre du conseil d'administration, président de Grinner's Food Systems, Ltd.: Je vous remercie de prendre aujourd'hui le temps de nous écouter vous exposer nos inquiétudes au sujet du projet de loi. Je suis moi-même président de Grinner's Food Systems Ltd., qui exploite 57 restaurants de Pizza Greco dans la région de l'Atlantique et qui emploie quelque 1 000 habitants de notre région. Ce sont des Canadiens de la région de l'Atlantique qui sont nos propriétaires et qui exploitent nos restaurants.

Je fais également partie du conseil d'administration de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Je suis accompagné de Luc Erjavecv, de l'association, qui est gérant des Affaires gouvernementales pour la région de l'Atlantique. Notre association a comparu à Ottawa, et je crois que vous avez en main son mémoire, qui décrit la position de l'association nationale. Je suis ici toutefois pour appuyer la position de notre association en tant qu'exploitant régional, et au nom des 1 000 membres de l'association provenant de la région de l'Atlantique.

J'ai sondé le terrain auprès de nombre de mes pairs dans la région, petits et grands exploitants, et je siège également au comité de la fiscalité de notre association. Enfin, j'ai discuté de cette question avec nombre de chaînes de restauration nationales et régionales.

Ce qui nous préoccupe dans le projet de loi, ce sont les dispositions touchant l'inclusion de la taxe dans le prix. Nous reconnaissons que ces dispositions se traduiront par une diminution nette pouvant aller jusqu'à 5 p. 100 de ce que nos clients doivent payer pour se nourrir chez nous. C'est très important pour notre région, et l'harmonisation de la taxe est donc un pas dans la bonne direction. Toutefois, nous croyons que les avantages importants de l'harmonisation sont sérieusement compromis par cette tentative musclée de forcer les entreprises à inclure la taxe dans le prix de leurs biens et de leurs services. Une intervention de cette ampleur sur le marché en vue de contrôler les prix pourrait avoir un effet dévastateur pour notre industrie.

J'aimerais tout particulièrement vous faire part des préoccupations suivantes: l'inclusion de la taxe dans les prix aura pour effet, premièrement, d'accroître les inégalités qui se trouvent déjà dans la TPS; en second lieu, de diminuer les sommes consacrées à la publicité dans notre région; en troisième lieu, de rendre nombre de campagnes de publicité nationales et régionales impossibles; et enfin, de semer une confusion inutile sur le marché, dont mes amis à gauche vous ont déjà parlé.

Ce qui nous inquiète également, c'est ce qui nous semble être une hésitation de la part des provinces de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse à expliquer comment elles ont l'intention de traiter l'harmonisation de la taxe sur les boissons et sur les produits alcoolisés. Pour avoir entendu le témoignage de notre association, vous êtes bien au fait de l'incidence dévastatrice qu'a eue la TPS sur notre industrie, une chute de 11 p. 100 de nos ventes. Mon expérience de première main me permet de vous signaler que la TPS a eu un effet dévastateur sur les restaurants de mon entreprise. Nous avons dû fermer certains de nos magasins, nos ventes en magasin ont chuté, et la croissance de mon entreprise a stagné.

Depuis 1991, nous devons faire face aux inégalités engendrées par cette taxe. Notre concurrent le plus proche prépare des repas qu'il peut vendre dans des dépanneurs, repas qui restent détaxés, alors que nos repas à nous sont taxés, ce qui a entraîné une érosion marquée de notre part du marché de laquelle nous ne nous sommes pas encore remis. Le client qui achète une pizza congelée à l'épicerie est celui-là même qui achète notre pizza.

En incluant la taxe dans les prix, les prix de nos compétiteurs resteraient les mêmes alors que les nôtres grimperaient de 15 p. 100 du jour au lendemain. Les épiceries seront bien évidemment d'accord avec l'inclusion de la taxe dans les prix, pour pouvoir accaparer une part supplémentaire du marché. Ce sont des gens d'affaires futés, et j'imagine que je ferais la même chose si j'étais à leur place.

Ce qui nous préoccupe le plus, c'est que l'inclusion de la taxe accentuera dans l'esprit du consommateur la différence entre les repas préparés qui sont détaxés et ceux que nous pouvons leur offrir. Les prix que nous annoncerons devront grimper de 15 p. 100, alors que le même repas vendu en épicerie restera au même prix.

Les prix ainsi que les prix arrondis sont la clé de notre industrie. L'établissement de prix équitables est la force motrice de nos ventes. Vous connaissez peut-être la publicité que nous faisons dans notre secteur autour de la bonne affaire à 3,99 $ pour le repas du midi et autour de la pizza vendu 9,99 $ à prix spécial. En forçant l'industrie à modifier ces prix arrondis parce qu'ils doivent désormais inclure la taxe, vous allez déstabiliser considérablement le marché, ajouter d'énormes coûts supplémentaires à nos efforts de commercialisation et rendre impossibles nombre de campagnes de publicité nationales et régionales. L'une des compagnies de notre secteur a estimé qu'elle sera obligée de réduire de 40 p. 100 ses budgets de publicité pour la région de l'Atlantique en raison des nouveaux coûts associés à la production d'une publicité distincte pour la région de l'Atlantique. Il est impérieux que vous compreniez que tout mon commerce repose sur la publicité à des prix arrondis. Or, c'est ce fondement même qui est à la veille de changer, et je dois dire que cela nous rend craintifs.

Votre comité devrait également savoir que l'inclusion de la taxe dans les prix aura un effet de distorsion sur le marché de la publicité. Nombre de chaînes de télévision spécialisées, notamment Newsworld, TSN, YTV et Discovery Channel, n'ont pas ce qu'il faut pour faire des pauses publicitaires pour la région de l'Atlantique. Certaines revues nationales et d'autres publications font face au même problème. Il se pourrait bien que nombre de nos grands annonceurs cessent tout bonnement de faire de la publicité dans ces médias s'ils sont obligés de signaler le prix incluant la taxe pour la région de l'Atlantique.

Au lieu de diluer les sommes qu'ils ont investies ailleurs au pays dans les prix arrondis, ces annonceurs vont tout simplement modifier leur stratégie à l'égard des médias et viser ceux qui peuvent segmenter la région de l'Atlantique.

Si vous pouviez voir le budget de publicité qu'a prévu ma compagnie pour cette année-ci, vous verriez que nous n'avons rien prévu pour la publicité télévisée à cause de ce qui se passe dans l'Île-du-Prince-Édouard. Pensez-vous que cela soit judicieux pour une entreprise de modifier du tout au tout sa stratégie dans les médias de cette façon? Cela a un énorme effet déstabilisateur dont nous ne connaissons pas encore les conséquences.

Ce ne seront pas uniquement les chaînes canadiennes qui seront touchées par l'inclusion de la taxe dans les prix. Heureusement, les exploitants locaux devront opter pour l'inclusion de la taxe, ce qui aura évidemment une incidence sur le marché local, à cause de la difficulté qu'il y aura particulièrement à mettre en vigueur le règlement. Nombre d'exploitants locaux et régionaux à qui j'ai parlé m'ont affirmé la même chose. Vous avez proposé une taxe bien intentionnée et bénéfique dont les retombées seront gravement compromises par son inclusion dans les prix de vente.

Pour plusieurs, le prix arrondi est un moyen essentiel pour attirer les clients, et même si, dans un marché local, un seul marchand continue de publier des prix n'incluant pas la taxe, cela pourrait avoir des effets très importants sur le marché. Dans un marché local où un concurrent n'appliquerait pas la mesure pendant une longue période, un restaurateur respectueux des lois serait obligé, bien malgré lui, de violer la loi pour demeurer compétitif, ou de fermer son entreprise. Et pourtant, le gouvernement n'a pas indiqué s'il entend fournir des ressources supplémentaires pour l'application des règles.

Voici un exemple de ce qui pourrait se produire. Tout le monde a vu dans les journaux des annonces de soldes «sans TPS ou sans TVP». Pourrons-nous encore offrir de tels soldes? Est-ce que cela créera de l'iniquité dans notre industrie? Si le gouvernement n'a pas dit qu'il entend accroître les ressources consacrées à l'application des règles, c'est sans doute pour une bonne raison; c'est que pour cela il faudra placer à chaque coin de rue des policiers de la publicité. C'est tout simplement infaisable.

Enfin, notre industrie s'inquiète du silence constant de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse quant à la façon dont ces provinces traiteront les prix des boissons et des alcools sous le régime de la TVH. Le Nouveau-Brunswick a déclaré son intention de faire profiter tant les consommateurs que les exploitants du taux réduit de la taxe. Les deux autres provinces n'ont pas encore indiqué leurs intentions, malgré les nombreuses démarches faites par notre industrie.

Pour conclure, monsieur le président, notre industrie est très préoccupée par les dispositions sur le prix incluant la taxe qui font partie de cette initiative gouvernementale en matière de TVH. Le taux général de taxe que les consommateurs devront payer dans ces provinces connaîtra une diminution très réelle, et c'est un grand progrès. Toutefois, le régime de prix incluant la taxe compromet gravement cette mesure législative, ainsi que les avantages économiques concrets de la TVH.

Il existe un compromis qui pourrait résoudre nos inquiétudes. Grâce à ce compromis, il serait possible de conserver des prix incluant la taxe à l'égard des ventes et de la publicité en magasin alors qu'en serait exemptée toute publicité à l'extérieur du magasin. Ce compromis, discuté initialement dans les délibérations du comité de l'autre endroit, a pour avantage de résoudre les problèmes de la publicité à l'échelle nationale tout en permettant d'appliquer des règles équitables à toute l'industrie dans les régions. Comme vous le savez, le comité de l'autre endroit a publié des recommandations dans lesquelles se trouvent ce compromis ainsi qu'une exhortation lancée aux gouvernements provinciaux de revoir la façon dont ils appliqueront l'harmonisation aux boissons et aux alcools.

Si vous me le permettez, j'aimerais que la citation suivante soit inscrite au compte rendu. Dans la recommandation 4b) sur les autres mesures à prendre, on dit que les gouvernements participants devraient tenir compte des propositions faites par les témoins sur la réforme du régime fiscal applicable aux boissons alcooliques et aux produits du tabac. À la section 5d), au sujet des compromis proposés, le comité indique qu'il serait possible d'afficher le prix sans la taxe assorti d'une indication appropriée dans toutes les publicités, y compris dans les catalogues, les brochures, les dépliants et les annonces faites par les médias. Nous appuyons entièrement ces recommandations.

Le président: Vous préconisez un régime rigide d'inclusion de la taxe pour éviter la confusion. Si ce régime était votre seule solution de rechange à un autre régime dans lequel la taxe ne serait jamais incluse, lequel des deux préféreriez-vous?

M. Hynes: Je vais essayer de répondre à cette question.

Dans notre industrie, nous croyons que l'inclusion de la taxe dans le prix est logique, s'il nous est possible d'appliquer un régime double de prix à court terme et de passer ensuite à des prix incluant la taxe. Il serait ambitieux de notre part d'espérer que s'applique à un moment donné un régime général et rigide de prix incluant la taxe. S'il était appliqué en avril ou en août, un régime de double prix éliminerait cette possibilité. Autrement dit, une fois mis en place un régime de double prix, cela ne changera plus, et nous préférerions peut-être que les choses restent ainsi pendant un certain temps.

Le président: Vous voudriez que la taxe ne soit pas incluse dans le prix?

M. Hynes: Autrement dit, que le prix ne comprenne pas la taxe. Une fois que tous les critères auront été satisfaits, quels qu'ils soient, nous pourrons peut-être passer à un régime général de prix incluant la taxe. Nous craignons qu'à court terme nos clients ne comprennent plus rien. En fait, ce sont peut-être les clients qui décideront de ce qui se passera. S'ils ne sont pas d'accord avec un régime de double prix, nous aurons deux solutions: un régime à taxe non incluse, ou un régime à taxe incluse. Ce qui nous inquiète, c'est qu'on choisira probablement un régime de prix sans la taxe. Dans nos entreprises, où 70 p. 100 des articles que nous vendons ne sont pas taxables de toute façon -- surtout des articles d'épicerie de base -- l'inclusion de la taxe dans le prix est logique. Si nous avions le choix, si nous étions sûrs de ce que, dans un avenir prévisible, on appliquera un régime rigide de prix incluant la taxe, nous préférerions probablement attendre. Je ne crois pas que notre organisme ait une position officielle à cet égard, mais je pense que c'est une observation assez exacte.

Mme Cruikshank: J'aimerais ajouter autre chose. J'aimerais insister sur le caractère rigide du régime. Quelles que soient les règles que vous déciderez d'appliquer aux épiciers, elles devront être les mêmes pour tous, parce que d'autres détaillants que les épiciers vendent des produits semblables. Le calendrier que nous proposons est également réaliste, car il permet et à l'industrie et au consommateur de l'accepter et laisse suffisamment de temps pour que soit faite une très importante campagne d'information des consommateurs, de sorte qu'ils sachent que le prix sur l'étiquette est bien le prix qu'ils paieront. Dans cet échéancier, l'information est un élément important, comme le sont aussi la préparation des entreprises et des règles équitables pour tous.

Le sénateur Oliver: Depuis quatre jours, nous avons entendu, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, des témoignages accablants contre le PIT. Les arguments invoqués sont si graves que nous avons à peu près décidé de ce que nous devons recommander, et il n'est donc plus nécessaire d'examiner cette question avec vous.

Toutefois, j'aimerais que l'on puisse trouver au compte rendu votre description des divers régimes de prix et de ce qui se produit dans ce domaine.

M. Hynes: L'étiquette de prix que nous avons déposée vient d'un gel hydratant pour le corps Oil of Olay. Le prix, taxe incluse, est de 5,16 $; le prix, sans la taxe, est de 4,49 $. Mais ce produit était en solde. Son prix habituel, taxe incluse, est de 7,07 $, et, en solde, le client réalisait une économie de 1,91 $ sur le prix incluant la taxe. Le prix régulier sans la taxe est de 6,15 $, et l'économie en solde est de 1,66 $, ce qui ramène à 4,49 $ le prix sans la taxe. Il faut également tenir compte des équivalents métriques; le prix unitaire par 100 millilitres est de 1,47 $.

Le sénateur Oliver: C'est incroyablement compliqué.

M. Hynes: Oui, surtout compte tenu de ce qu'une épicerie ordinaire vend de 30 000 à 40 000 articles; ce ne serait pas facile pour nos clients de s'y retrouver. Même s'ils sont compétents et intelligents, nous croyons que cela ne leur simplifierait pas la vie.

Le sénateur Losier-Cool: J'ai une question à poser à Mme Cruikshank quant à la recommandation que l'on trouve au bas de la page 4 du mémoire. Avez-vous reçu des réactions à cette recommandation, surtout sur la question du report, c'est-à-dire d'un échéancier prolongé? Avez-vous discuté de cette question avec d'autres autorités?

Mme Cruikshank: Le Conseil canadien de la distribution alimentaire est venu témoigner à Ottawa également, et nous avons discuté de cette question. Nous espérons que le conseil participera aux discussions et aux recommandations qui seront présentées. Nous n'avons pas encore reçu de réponse définitive à ce sujet. À notre avis, il est très important tant pour notre industrie que pour nos clients d'étendre l'échéancier. Nos clients, ce sont vos commettants.

M. Hynes: Le gros problème, c'est cette date du 7 avril. Si on a choisi cette date, c'est que c'est le lendemain du long congé de Pâques, ce qui laisse le temps aux magasins de se préparer, et si les règlements ne sont pas présentés le 6 mars, il faudrait annuler cette date et penser plutôt à ce qui se produira lorsque les règles devront être appliquées. Par exemple, les épiceries sont des entreprises très compétitives. Si, le premier jour où les règles sont appliquées, Sobey's distribue des dépliants indiquant les prix selon le régime de double prix conformément à la loi et que l'un de nos concurrents distribue un dépliant non conforme, il pourrait se produire un déplacement de la part de marché, ce qui nuirait grandement à notre entreprise.

Nous étudions ces questions sans égard à la concurrence, nous respecterons les dates, mais quelle que soit la date choisie, l'application doit être rigoureuse. Si on décide aujourd'hui que la date sera fixée au 7 avril, mais que l'on fermera les yeux sur les dérogations jusqu'au 1er août, cela nous pose un problème, parce que certaines entreprises ne respecteront pas les règles jusqu'au 1er août, peut-être jusqu'au 15 août ou jusqu'au 1er septembre.

Ce que nous recommandons, si le prix incluant la taxe est adopté, c'est que l'on choisisse une date et que l'application des mesures soit rigoureuse, de façon à ce que ce soit équitable pour tous.

Le sénateur Buchanan: Si la mesure de l'inclusion de la taxe dans le prix était retirée du projet de loi, seriez-vous satisfaits?

M. Hynes: Eh bien, notre industrie estime que le prix incluant la taxe est une bonne chose, mais seulement s'il y a un prix sur l'étiquette, un prix sur le dépliant et un prix à la caisse. Si nous avions le choix entre le statu quo et le régime de double prix proposé, qui peut porter à confusion, je crois que notre industrie préférerait éviter la confusion chez nos clients et laisser les choses telles quelles sont tant que n'est pas mise au point une solution plus rigide.

Le sénateur Buchanan: Ou alors tant que la mesure ne s'applique pas dans tout le Canada. J'ai étudié cette mesure et je ne vous demanderai pas de l'expliquer, car il est difficile de s'y retrouver. Cela serait suffisant pour que les gens prennent le pont et aillent faire leur magasinage à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Comeau: Attendez de voir ce que ce sera en version bilingue.

M. Whittaker: L'aspect linguistique est très intéressant. Dans le Nord du Nouveau-Brunswick, il y a des marchés unilingues français, d'autres bilingues, et nous faisons la majeure partie de notre publicité dans des dépliants et sur des coupons imprimés en tout petits caractères. Il nous est à peu près impossible d'y inscrire tous les renseignements et de bien montrer l'arrondissement des prix en français.

Le président: Sénateurs, notre témoin suivant est le Dr Cynthia Forbes, présidente de la Medical Society of Nova Scotia.

Dr Cynthia Forbes, présidente, Medical Society of Nova Scotia: J'ai préparé un mémoire et j'en ai apporté des exemplaires. Vous avez entendu l'Association médicale canadienne, ainsi que les associations du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve. Nos préoccupations à nous sont les mêmes. Je représente tous les médecins praticiens de la Nouvelle-Écosse.

Pour nous, la question de la TPS et de la TVH est une question d'équité. Cette taxe s'applique à notre groupe différemment des autres entreprises. Les médecins ne peuvent recouvrer le montant de la taxe au moyen de crédits de taxe sur les intrants, et, puisqu'il en coûte toujours plus cher d'exercer la médecine et que les fonds consacrés aux soins de santé et aux services médicaux diminuent, la taxe représente un fardeau supplémentaire pour les médecins de la province.

Mais il y a également un autre aspect à cette question, qui a, je crois, été abordé au Nouveau-Brunswick: comment recruter et retenir les médecins dans la province? En ajoutant aux coûts, la mesure nuira aux provinces de l'Atlantique, où l'on essaye de recruter des médecins dans diverses régions, dans des régions rurales et dans différents champs de spécialité. Ces provinces seront désavantagées du point de vue de la concurrence.

Notre ministre de la Santé a récemment communiqué avec nous et a également reconnu que c'est un traitement inéquitable pour les médecins. Le ministre a dit qu'il avait fait des démarches auprès du ministère des Finances de la province et qu'il en fera d'autres auprès de son homologue fédéral afin de faire revoir le traitement consenti aux médecins sous les régimes de la TPS et de la TVH.

Dans un document publié le 31 janvier par le ministère de la Santé, intitulé «Obtenir les services de médecins pour une bonne médecine en Nouvelle-Écosse», on peut lire:

[...] la TPS -- et la nouvelle TVH à compter d'avril -- a des effets particuliers pour les médecins, puisqu'ils forment le seul groupe professionnel qui ne peut être exempté de la taxe ou qui ne peut la faire payer par les clients.

Cela se trouve dans un document du travail intitulé «Pour créer un environnement compétitif et durable».

L'Association médicale canadienne et notre association ont proposé des solutions au problème. L'AMC a proposé à votre comité que cette taxe ne soit pas appliquée aux soins de santé. Lorsque j'ai témoigné devant le comité des modifications législatives de la province, en décembre dernier, et j'ai présenté une proposition de la Medical Society. Selon cette proposition, les médecins pourraient, sous le régime de la TVH, se faire rembourser la TVH qu'ils paient lorsqu'ils dispensent des soins médicaux.

Peu importe le mécanisme proposé, j'estime qu'il est urgent que des mesures soient prises pour corriger le traitement inéquitable des médecins sous le régime de la TPS et de la TVH. Nous ne demandons pas un traitement particulier, mais plutôt que nous soyons traités comme les autres petites entreprises, les travailleurs autonomes de la Nouvelle-Écosse et les autres organismes dispensateurs de soins de santé.

Je viens de terminer une série de rencontres avec les médecins de toute la province, et je puis vous assurer que c'est une question qui leur tient à coeur. En modifiant la loi qui régit la TVH, on contribuera à éliminer certaines des inégalités qui existent dans le régime fiscal actuel et à corriger les coûts que les médecins ont payés en TPS depuis 1991.

Je suis prête à répondre à vos questions.

Le sénateur Buchanan: Nous avons entendu des médecins, l'Association médicale canadienne, y compris ses sections de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick, et nous avons entendu votre prédécesseur, qui est maintenant président de l'AMC, le Dr Kazimirski, de Windsor. Le message est le même: les médecins n'ont pas été traités de façon équitable sous ce régime fiscal. L'un des arguments que l'on a fait valoir à Ottawa, c'est que les médecins peuvent déduire ces dépenses de leurs revenus aux fins de l'impôt. C'est vrai. Toutefois, toutes les entreprises, petites ou non, ont droit à la même déduction. Votre profession est la seule qui doit absorber la totalité des coûts de cette taxe, puisque vous ne pouvez la faire payer par vos clients.

Dr Forbes: Cela nous est tout à fait impossible.

Le sénateur Buchanan: La loi vous l'interdit. Ce sont ces mêmes gouvernements, conservateurs ou libéraux, qui vous empêchent de faire payer cette taxe par vos clients, eux qui essaient de faire adopter cette loi et qui en ont adopté d'autres auparavant?

Dr Forbes: C'est exact.

Le sénateur Buchanan: Ce n'est pas très juste, n'est-ce pas?

Dr Forbes: Non. Et cette question d'équité provoque des réactions viscérales chez les médecins. C'est une question qui nous tient à coeur, et tout ce que nous demandons, c'est d'être traités comme les autres petites entreprises.

Le sénateur Buchanan: Certains médecins que je connais depuis des années m'ont dit que cela ne les toucherait pas, mais d'autres médecins, surtout des médecins plus jeunes, pourraient trouver que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase et décider de s'en aller ailleurs.

Dr Forbes: L'un des spécialistes d'Halifax nous a déjà annoncé qu'il partait, et il est parti peu après l'annonce de la proposition. Bien d'autres médecins estiment que cette mesure leur posera des difficultés financières, mais ils sont également fâchés d'entendre que leurs préoccupations ne sont pas vraiment importantes. C'est l'un des principaux problèmes que nous pose cette taxe, à savoir que l'on dise que les préoccupations des médecins ne sont pas importantes.

Le sénateur Buchanan: À mon avis, votre demande est juste et raisonnable, et nous ferons ce que nous pouvons pour vous aider, car nous ne voulons pas que d'autres médecins quittent la Nouvelle-Écosse.

Mme Rhonda DeCoste, directrice principale, Ventes et Taxe locale, KPMG: Pour ce qui est du remboursement à 83 p. 100 auquel ont droit les hôpitaux de la Nouvelle-Écosse, puisqu'il s'agit d'établissements publics, la majeure partie de leurs produits et services sont exemptés de la taxe, peu importe à qui ils sont offerts. En effet, les médecins peuvent économiser en ayant des bureaux dans les hôpitaux, ce qui les amène à travailler en établissement et va directement à l'encontre des politiques actuelles de la plupart des provinces en matière de santé.

Il y a un autre problème d'équité dans les coûts des soins de santé sous le régime de la TVH, d'une province à l'autre. Les hôpitaux du Nouveau-Brunswick paient la taxe et se la font rembourser. Les hôpitaux de la Nouvelle-Écosse paient également la taxe, mais ne peuvent obtenir un remboursement que de 83 p. 100. Les hôpitaux de Terre-Neuve paient la taxe et n'obtiennent aucun remboursement. Non seulement cette proposition va à l'encontre de la politique des soins de santé et amène les médecins dans les hôpitaux, mais elle crée aussi des iniquités dans les coûts des soins de santé dans les provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Rompkey: Tout ce que je peux répondre, monsieur le président, c'est ce que j'ai dit précédemment, c'est-à-dire que si les médecins sont traités de façon inéquitable, c'est probablement depuis 1991, lorsque la TPS a été mise en place, et que vous n'avez reçu aucune exemption. Vous avez sans doute fait valoir les mêmes arguments en 1991 et vous avez sans doute eu l'occasion, tout comme vous l'avez maintenant, de faire apporter des changements à cette époque.

Le problème, bien sûr, c'est que tout cela a commencé en 1991. La taxe a été perçue depuis. Comment pourrait-on combler le manque à gagner si on consentait à vous exempter de la taxe, et dans quelle mesure en seriez-vous exemptés? Qu'est-ce qui en serait exempté?

Nous croyons que c'est une question à laquelle il faut répondre, mais les choses auraient été beaucoup plus simples si l'exemption avait été incluse dans la loi adoptée en 1991. Qu'en pensez-vous?

Dr Forbes: Je suis d'accord avec vous. L'Association médicale canadienne avait fait une vigoureuse campagne à ce sujet en 1991 et porté ce problème à l'attention du gouvernement fédéral. Mais aucune exemption n'a été accordée à cette époque. Si les soins de santé avaient été exemptés de la taxe, ou si on avait permis aux médecins de se prévaloir des crédits de taxe sur les intrants, le problème n'existerait pas maintenant. La TVH ne fait qu'ajouter à cette iniquité, une iniquité qui frappera davantage les provinces de l'Atlantique et posera probablement des problèmes de recrutement. Notre traitement était déjà inéquitable avec la TPS; il le sera deux fois plus avec la TVH.

M. Paul Childs, analyste principal, Medical Society of Nova Scotia: En 1991, nous demandions que les services médicaux et les services de soins de santé soient exemptés de la taxe. Dans notre profession, à cette époque, nous pensions que cette exemption nous serait consentie, que nous pourrions nous prévaloir d'un mécanisme de remboursement semblable à celui qui est applicable aux municipalités, aux universités, aux écoles et aux hôpitaux. Mais il en a été autrement. Nous essayons de corriger cette iniquité, de recouvrer certains des éléments de ce coût et d'éviter que la même chose ne se produise avec la TVH.

Le sénateur Oliver: Outre les médecins, y a-t-il d'autres gens du domaine des soins de santé qui devraient être inclus dans nos délibérations, relativement aux problèmes que vous avez mentionnés? Deuxièmement, puisque nous représentons le gouvernement fédéral, pourrions-nous régler votre problème en demandant au gouvernement de la province d'augmenter le barème des honoraires médicaux pour que vous récupériez cet argent? Cela résoudrait-il le problème?

Dr Forbes: Nous avons fait des démarches auprès du ministre des Finances, qui nous a proposé d'aborder cette question dans nos négociations avec le ministère de la Santé. Nous avons récemment reçu des lettres d'un fonctionnaire du ministère de la Santé, d'après qui c'est une question relevant du gouvernement fédéral. C'est assez frustrant, puisque tout le monde se renvoie la balle.

Mme DeCoste: Les maisons de soins de santé sont également désavantagées, puisqu'elles doivent payer la taxe, à moins d'être financées par le secteur public ou d'être reconnues comme organismes à but non lucratif, ce qui leur permet d'avoir droit à un remboursement de 50 p. 100. Autrement, elles n'ont droit à aucun remboursement. Compte tenu de la démographie, j'estime que cela place les personnes les plus vulnérables de notre société dans une situation inéquitable.

Le sénateur Angus: Docteur Forbes, il y a certaines divergences dans les chiffres dont nous disposons quant aux frais généraux moyens que coûte un bureau de médecin. On nous a parlé de 3 900 $ et, ce matin, de 1 200 $. Qu'en est-il en réalité?

Dr Forbes: Parlez-vous de l'augmentation des coûts?

Le sénateur Angus: Je suppose qu'il s'agit du coût accru que le médecin ne peut recouvrer.

Dr Forbes: Dans le cas de la TPS, nous estimons que ce montant est supérieur à 1 000 $ par médecin par année. Quant à la TVH, ce montant est d'environ 1 100 $, ce qui donne un total de 2 100 $ par médecin par année. Ces chiffres se fondent sur une étude réalisée par KPMG.

D'après d'autres estimations, les médecins de la Nouvelle-Écosse ont payé au moins 10 millions de dollars de plus depuis 1991 sous le régime de la TPS. D'après les estimations de l'AMC, ce montant serait de 360 millions de dollars pour l'ensemble du pays. C'est une somme énorme qu'ont payée les médecins canadiens depuis 1991, et la proposition ne ferait qu'accroître le problème.

Le sénateur Angus: Combien en coûterait-il par année au gouvernement pour rembourser la totalité de la taxe aux médecins?

Le sénateur Oliver: Un million six cent mille dollars par année.

Dr Forbes: C'est exact, 1,6 million de dollars par année.

Le sénateur Angus: C'est tout?

Mme DeCoste: Oui.

Le président: Sénateurs, les témoins suivants sont M. Owen Carrigan, premier vice-président de la Halifax Regional Homeowners Association; Ann Janega, directrice de la Nova Scotia Home Builders Association; Doug Dixon, directeur de la Nova Scotia Real Estate Association; et Gary Paul, membre du comité fiscal de la Manufacturers Housing Association.

M. Owen Carrigan, premier vice-président, Halifax Regional Homeowners Association: Monsieur le président, nous nous inquiétons surtout de ce que la taxe soit appliquée à tant d'articles de base. Au cours des derniers jours, vous avez entendu les témoignages d'un grand nombre de gens qui perçoivent ces taxes. Nous, nous représentons ceux qui les paient.

Permettez-moi d'abord de situer rapidement le problème dans son contexte. Au cours des dernières années, le prix des principaux articles de base qu'achètent les propriétaires de maisons et les consommateurs a augmenté à de nombreuses reprises. Bien des gens, entre autres les personnes âgées qui essaient de conserver leurs maisons, vivent sur des revenus fixes qui, bien sûr, ont énormément diminué, compte tenu de la baisse des taux d'intérêt depuis quelques années. Par contre, le coût de l'électricité a augmenté, de même que celui du câble, des taxes foncières et du mazout. C'est dans ce contexte que nous situons cette augmentation des taxes.

La taxe harmonisée représentera une autre augmentation, en sus des diverses augmentations du coût de la vie. Par exemple, pour le propriétaire moyen, l'application de la TVH au coût du mazout, à ce seul article, représentera une augmentation de 150 $ à 170 $ par année.

La municipalité connaîtra, dans le coût de ses produits et services, une augmentation que l'on estime à 5 ou 6 millions de dollars. Évidemment, ce sont les contribuables des municipalités qui en feront les frais. C'est une autre augmentation que nous devrons payer.

Les frais d'éclairage, d'électricité, de gaz, les vêtements des enfants, les coupes de cheveux, tout augmentera. Certains diront que le prix de certains articles diminuera, et nous ne disons pas le contraire. Cependant, je tiens à signaler que pour que le consommateur moyen puisse récupérer une partie du montant qu'il paiera en plus sur les produits de consommation à cause de cette taxe, il doit acheter pour 10 000 $ de produits de luxe.

Le sénateur Oliver: Comment avez-vous calculé cela?

M. Carrigan: La taxe harmonisée touchera moins les articles de luxe, entre autres les automobiles. Il faut acheter pour environ 10 000 $ de tels produits avant d'économiser suffisamment en taxes pour recouvrer les 300 $ qui seront ajoutés au coût des produits et services dans d'autres domaines.

Le comité sait bien que le citoyen moyen, au cours d'une année normale, ne va pas acheter pour 10 000 $ de produits de luxe. De nos jours, cela représenterait pour bien des gens plus de la moitié de leur salaire net annuel. Le fait d'appliquer ces taxes à des produits et des services qui en étaient auparavant exemptés a des conséquences importantes, et c'est cela qui nous inquiète surtout.

Notre organisation s'oppose fermement à l'extension de cette taxe harmonisée sur les services aux articles de première nécessité. Cela causera de véritables difficultés à bien des gens et cela équivaut, en réalité, à une ponction fiscale.

Enfin, notre propre gouvernement provincial s'est livré à toute une charade à ce sujet il n'y a pas longtemps. Il était tout à fait évident que nos préoccupations intéressaient fort peu les personnes présentes autour de la table, du moins du côté du gouvernement. J'ajouterai simplement que j'espère, au nom de ceux que nous représentons, que votre comité est venu dans un esprit ouvert et avec l'intention de prendre sincèrement au sérieux les problèmes que posera cette taxe au consommateur moyen.

Mme Ann Janega, cadre de direction, Nova Scotia Home Builders Association: Vous serez heureux d'apprendre que je ne parlerai pas cet après-midi de l'inclusion de la taxe dans les prix. Cette question peut nous préoccuper dans le secteur de la construction résidentielle, mais ce n'est pas le sujet de notre exposé aujourd'hui. Une conséquence heureuse de cette nouvelle taxe de vente harmonisée a été une poussée sans précédent d'activité dans la construction résidentielle en Nouvelle-Écosse. Tous nos constructeurs et rénovateurs sont très occupés, et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils ne m'accompagnent pas aujourd'hui. Je dois ajouter que cette activité est très artificielle et que nous ne savons pas ce qui se passera après le 1er avril.

Vous avez entendu des représentants de nos membres affiliés, soit les sections de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick de l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, et il est juste de dire, je pense, que nos exposés sont assez semblables, c'est-à-dire qu'ils sont fondés sur la même documentation. En plus de préparer un exposé commun, nous avons fait des recherches individuellement dans nos propres provinces, et toute la documentation disponible appuie nos affirmations selon lesquelles le coût des nouvelles habitations et des rénovations augmentera d'au moins 4,5 p. 100 le 1er avril.

Vous avez peut-être entendu parler du fameux remboursement de la partie provinciale de la taxe sur les habitations neuves en Nouvelle-Écosse. Je tiens à vous signaler que bien que notre industrie y voit un bon point de départ, ce n'est pas suffisant et cela ne compensera pas l'augmentation du coût des habitations neuves. Cela préoccupe gravement des milliers de gens qui oeuvrent dans ce secteur en Nouvelle-Écosse.

En outre, je tiens à vous parler aussi des problèmes très pratiques qu'entraînera cette augmentation pour les rénovateurs d'habitations. Il n'y a aucun remboursement pour les aider. Évidemment, les gens qui paieront ces coûts supplémentaires ne seront pas les rénovateurs; ce seront plutôt les propriétaires d'habitations et nous tous dans la province et dans cette partie du pays. Cela nous préoccupe vraiment. Les principaux arguments que je tiens à faire valoir aujourd'hui concernent une question soulevée au Nouveau-Brunswick, c'est-à-dire le seuil à partir duquel des entreprises peuvent éviter de payer la taxe de vente harmonisée. Nous y voyons une échappatoire sérieuse dans le projet de loi, et, d'après notre expérience de la TPS il y a quelques années, nous estimons que cette mesure encouragera l'économie souterraine. Il en résultera non seulement des maisons construites ou rénovées d'une manière dangereuse, mais aussi une diminution des niveaux d'emploi des entrepreneurs honnêtes et évidemment une diminution des taxes perçues par les gouvernements fédéral et provincial.

Nous sommes préoccupés également par les consultations effectuées au niveau fédéral. Nous voulons savoir ce qui se passera après le 1er avril, et même jusqu'à cette date, en particulier en ce qui concerne les questions de transition. Nos constructeurs ont été incapables d'obtenir des réponses à des questions importantes, et nous estimons qu'ils s'exposent à une certaine responsabilité juridique en signant maintenant des contrats, simplement parce qu'ils n'ont pas d'informations suffisantes pour répondre à leurs questions.

Enfin, je souligne un point évident, c'est-à-dire que le logement, qu'on loue, qu'on achète ou qu'on rénove, est un besoin humain fondamental. Ce n'est pas comme lorsqu'on augmente le coût d'un bon restaurant ou d'un tube de pâte dentifrice. Il s'agit de logement, et les gens ne peuvent pas éviter de payer ces coûts, qui sont substantiels. Les membres de la Nova Scotia Home Builders Association vous exhortent en tant que membres du comité à poursuivre vos recherches pour trouver une solution plus équitable.

M. Doug Dixon, cadre de direction, Nova Scotia Real Estate Association: La TVH touchera le secteur immobilier de plusieurs façons. Elle apportera certains avantages aux courtiers et aux entrepreneurs indépendants, sous la forme de crédits de taxe sur les intrants. Comme les courtiers en immeuble pourront indiquer la taxe séparément, tel que convenu dans le document technique, ils devraient être moins poussés à absorber la taxe dans leurs activités quotidiennes. Cependant, le coût de tous les achats et de toutes les ventes d'immeubles changera à cause de l'augmentation des taxes dans plusieurs secteurs, et notamment dans le cas de l'évaluation, de l'inspection des maisons, des commissions, de l'arpentage, des frais d'avocat.

Les augmentations les plus importantes se feront sentir dans le cas des nouvelles constructions, à moins que le remboursement pour habitation neuve, déjà prévu pour la TPS, ne soit augmenté pour inclure les 15 p. 100 de la TVH. Sans l'application du remboursement à la taxe totale, les acheteurs de nouvelles habitations pourraient payer en moyenne 3 374 $ de plus.

L'Association canadienne des constructeurs d'habitations et ses sections de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve ont étudié l'effet de la TVH sur la construction d'habitations neuves et ont constaté, d'après les statistiques communément disponibles, qu'elle fera augmenter les prix de 3,3 p. 100, après rajustement pour tenir compte des crédits de taxe sur les intrants. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a proposé un remboursement de 1,5 p. 100 de la taxe provinciale, mais il en restera quand même une augmentation nette de 1,8 p. 100.

La Nova Scotia Home Builders Association a examiné en détail plusieurs projets de construction récents et a constaté que l'augmentation nette sera peut-être plus près de 3 p. 100, soit près du double de notre chiffre. Les représentants de l'association ont fait part de ce renseignement au gouvernement provincial.

Le fait que la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve ont adopté des méthodes différentes pour traiter de la TVH applicable aux habitations neuves devrait préoccuper sérieusement le gouvernement fédéral. Il y aura des politiques différentes dans les différentes provinces et une taxe de vente harmonisée. Je ne comprends pas. Il y a lieu de se préoccuper encore davantage de l'effet que l'augmentation du coût des habitations neuves pourrait avoir sur l'économie canadienne.

J'aimerais vous lire un extrait d'un article paru dans la revue Maclean's et rédigé par un représentant de la Banque de Nouvelle-Écosse au sujet du rôle de la construction d'habitations neuves dans l'ensemble de l'économie. L'article a paru dans le numéro du 23 décembre de Maclean's.

La construction individuelle a contribué de façon significative à l'activité économique au Canada. La construction résidentielle a contribué à près de la moitié de la croissance du PIB réel depuis le début de l'année, bien qu'elle ne représente que 5 p. 100 environ de la production économique.

Le gouvernement fédéral devrait faire un effort pour s'assurer que la TVH s'applique de façon uniforme et devrait se fixer comme objectif de ne pas faire augmenter le prix du logement. Lorsque la TPS est entrée en vigueur il y a cinq ou six ans, l'objectif était de ne pas faire augmenter le prix du logement, et la TVH sera loin d'avoir cet effet. Je souligne encore une fois qu'en plus du fait que les prix ne resteront pas les mêmes, il y aura une politique différente selon la province dans laquelle on vit. Nous parlons d'une taxe de vente fédérale harmonisée. Notre économie sort à peine d'une période prolongée de ralentissement. L'augmentation du coût des habitations neuves menace de faire disparaître l'optimisme actuel et une reprise prometteuse.

En somme, monsieur le président, nous recommandons qu'on accorde un remboursement pour habitation neuve dans toutes les provinces qui ont accepté l'harmonisation, afin de faire en sorte qu'après le 1er avril 1997 le coût des habitations neuves n'augmente pas.

M. Gary Paul, membre du comité de la fiscalité, Manufacturers Housing Association: Le nouveau régime fiscal peut fort bien paraître ne pas augmenter les recettes lorsqu'on l'applique à des secteurs complets d'entreprises, mais on prévoit que certains secteurs profiteront d'une diminution des prix, tandis que la majorité verront leurs prix inchangés et que certains verront leurs prix augmenter. L'industrie du logement connaîtra une augmentation des prix.

Comme les associations dont les représentants viennent de parler, la Manufacturers Housing Association a retenu les services de Price Waterhouse pour préparer son document, et d'après les recherches effectuées les prix augmenteront de 4,5 p. 100. Le prix des habitations usinées augmentera de 3,2 p. 100, même après avoir tenu compte du remboursement proposé de 1,5 p. 100 et en supposant une attribution complète de la taxe de vente provinciale aux coûts directs. Il n'y a pas tellement de possibilités de faire de telles attributions dans la fabrication d'une maison. Nos fabricants, les trois usines de la région atlantique, ont déterminé que le coût serait un peu plus de 100 $ par maison et que pour les corps d'état du second oeuvre, qui s'occupent des fondations, de l'électricité, de la plomberie, et cetera, le coût serait d'environ 600 $ par maison.

L'achat d'une maison représente pour la plupart des contribuables l'acquisition la plus importante de leur vie. C'est pourquoi les gouvernements fédéral et provinciaux ont pour politique de préconiser dans leurs lois le concept d'un logement à prix abordable pour tous les Canadiens. L'industrie de l'habitation usinée est le plus grand fournisseur de maisons à prix abordable pour les Canadiens, en particulier des maisons préfabriquées mobiles, des maisons mobiles ordinaires et des maisons modulaires usinées.

On pourrait atténuer le fait que la nouvelle taxe fait changer les prix en nous permettant d'offrir le remboursement de 1,5 p. 100 de la TVH à titre de versement initial. C'est ce qu'on a fait dans le passé pour les remboursements de la taxe provinciale. Les taux d'intérêt sont très bas actuellement, ce qui pourrait constituer un grand avantage pour notre industrie. Cependant, les conditions d'emploi sont instables et les taux d'inflation négatifs. Ces conditions, combinées à une augmentation de prix et à l'absence d'un remboursement à titre de versement initial, nuiront à notre industrie. Le rêve de devenir propriétaire deviendra moins réalisable pour de nombreux Canadiens de la région atlantique.

Le sénateur Cochrane: Quel sera l'effet de la sous-traitance sur l'industrie de l'immobilier?

M. Dixon: Je ne suis pas certain de bien comprendre votre question.

Le sénateur Cochrane: Par exemple, quelqu'un accepte un contrat important, et, comme il ne peut pas faire tout le travail, il aura recours à la sous-traitance. Ne pourrait-il pas confier le travail à quelqu'un qui ne paie pas de TPS, à quelqu'un qui travaille dans l'économie souterraine? Avez-vous examiné cette situation?

Mme Janega: C'est plus ou moins ce qui se passe actuellement dans l'industrie. Presque tous les constructeurs de maisons utilisent les services de corps d'état du second oeuvre, et je pense qu'il est juste de dire que certains de ces sous-traitants fonctionnent au grand jour, tandis que certains, ou plusieurs, travaillent dans l'économie souterraine. L'avantage que présente la nouvelle taxe de vente harmonisée est que les crédits de taxe sur les intrants pourraient maintenant encourager ces entreprises à sortir de l'économie souterraine afin d'essayer d'obtenir le remboursement de certains de leurs coûts. Cependant, comme une grande partie de l'industrie de la construction est composée de main-d'oeuvre, et si j'ai bien compris, on ne peut pas obtenir le crédit de taxe sur les intrants dans le cas des frais de main-d'oeuvre. C'est pourquoi nous estimons que l'échappatoire de 30 000 $, ou le montant de seuil, comme on l'appelle, contribuera à l'essor de l'économie souterraine.

Le sénateur Cochrane: Nous avons entendu la même chose hier à Terre-Neuve, où l'on est sérieusement préoccupé par cette possibilité.

Avez-vous des chiffres quant aux pertes de recettes subies par la province en raison de cette économie souterraine? Combien la province perd-elle?

Mme Janega: Je n'ai pas ces chiffres, mais je sais que la question comporte deux aspects. Il y a l'aspect de l'impôt sur le revenu et celui de l'impôt sur les sociétés. Si quelqu'un pouvait chiffrer la valeur de l'économie souterraine, on nous accorderait probablement plus d'attention qu'on ne le fait maintenant.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous participé à des consultations avec votre gouvernement provincial? Par exemple, avez-vous pu faire part au ministre de vos préoccupations?

Mme Janega: La Home Builders Association a participé à des consultations avec le gouvernement provincial depuis le jour de l'annonce de l'accord. Nous avons montré nos livres et offert de travailler avec le gouvernement pour trouver une solution acceptable, parce que même au début nous avons prévu qu'il y aurait une augmentation considérable du coût du logement. Vendredi dernier, des représentants de notre association ont rencontré le ministre des Finances, le ministre du Logement et des Affaires municipales et d'autres également.

Le sénateur Cochrane: Quelle a été leur réaction?

Mme Janega: Eh bien, je suppose que nous avons encore du travail à faire.

Le sénateur Comeau: Laissez tomber les gants.

M. Paul: Nous avons également rencontré des représentants du ministère provincial des Finances. Nous avons jusqu'ici eu quatre réunions avec eux. J'ignore où se situe le problème, mais pour vous donner un exemple de ce qu'ils ont fait, le 3 mars, lundi dernier, j'ai reçu un message par télécopieur disant que si nous n'avions pas fait préalablement approuver pour nos clients l'utilisation de ce remboursement de 3 000 $ comme versement initial avant le 27 février à minuit, aucun des clients pour lesquels nous construisons des maisons actuellement n'aurait droit à ces 3 000 $ comme versement initial. J'ignore comment on peut envoyer quelque chose qui est rétroactif.

En plus de mes responsabilités au sein de l'association, je suis également un constructeur et j'ai actuellement trois maisons qui sont sur leurs fondations. La prise de possession se fera avant le 31 mars. Or, les clients découvrent soudain que leur hypothèque n'est pas approuvée parce qu'il leur manque 3 000 $ sur leur versement initial. C'est le genre de confusion dans laquelle se trouvent actuellement les constructeurs. Je vends maintenant des maisons qui seront livrées en avril. Mon fabricant ne peut pas livrer de maisons que je pourrais terminer avant le 31 mars. Je ne sais pas quelle méthode fiscale utiliser, comment calculer les taxes ou quels sont les remboursements, et je ne sais pas ce que je vends.

Le sénateur Rompkey: Je veux m'assurer de bien comprendre. Il n'y a pas de taxes inévitables sur la main-d'oeuvre, mais vous pouvez réclamer les autres taxes sur les coûts de construction d'une maison, n'est-ce pas?

Mme Janega: Sur les matériaux et les fournitures, c'est exact. Cependant, il n'y a pas de crédit de taxe sur les intrants correspondant pour le terrain, qui représente une part importante de toute nouvelle maison, et c'est l'une des raisons pour lesquelles les coûts augmenteront de 4,5 p. 100.

Le sénateur Rompkey: Les taxes inévitables ne représentent pas tellement par rapport au coût total de construction d'une maison?

Mme Janega: C'est exact. Les promoteurs craignent sérieusement de ne pouvoir recouvrer leurs coûts d'infrastructure -- l'installation des tuyaux d'égout, par exemple -- pour le terrain, c'est-à-dire sur les travaux qui ont déjà été faits. Ces terrains sont vendus par la suite, et il n'y a pas de mécanisme permettant de recouvrer ces coûts importants.

Le sénateur Rompkey: Comme vous l'avez déjà dit, vous estimez que le remboursement fédéral pour les maisons et celui qu'accorde la Nouvelle-Écosse ne suffiront pas pour compenser l'augmentation des coûts à laquelle vous ferez face?

Mme Janega: Nous sommes d'accord à ce sujet au sein de notre association.

M. Dixon: Nous avons fait part au gouvernement provincial d'une grande quantité de renseignements à ce sujet, et lorsqu'on parle aux fonctionnaires concernés ils sont essentiellement d'accord. Lorsque nous discutons avec eux, ils ne peuvent pas nier le fait que les coûts augmenteront comme nous l'avons dit.

Les constructeurs de maisons ont fait d'énormes efforts pour donner tous les renseignements possibles sur des projets de construction de l'été dernier, en incluant la totalité des coûts de construction, afin que personne ne puisse jouer avec les chiffres. Nous avons simplement dit: «Voici tous les reçus et voici tous les renseignements sur la façon dont nous avons réuni tous ces chiffres.» Officieusement, personne ne nie que les consommateurs verront leurs coûts augmenter entre 3 p. 100 et 5 p. 100. L'augmentation sera d'environ 1,5 p. 100 en Nouvelle-Écosse, de 0 p. 100 à Terre-Neuve et de 3,5 p. 100 au Nouveau-Brunswick.

Soyons pratiques. Il y a deux problèmes différents; il y a notamment les différences entre les provinces. En tant que représentants du gouvernement fédéral, j'ose penser que vous devez être fort préoccupés par le fait qu'il y a ici trois accords distincts. L'autre problème vient de la différence dans les remboursements. Certains pensent que si le prix d'une maison augmente seulement de 1 000 $, personne ne devrait trop s'énerver. Cependant, il ne s'agit pas de 1 000 $, mais plutôt de 2 500 $ à 4 000 $ d'augmentation en moyenne, après avoir tenu compte des intrants. Si vous vouliez qu'on laisse tomber les gants, eh bien, c'est fait.

Le sénateur Comeau: Je pense que nous vous comprenons.

Le sénateur Buchanan: Nous avons entendu des représentants d'associations de l'immeuble, d'associations de constructeurs de maisons, d'associations de fabricants d'habitations usinées, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve et maintenant ici. Vous dites essentiellement tous la même chose. Il est incroyable, quand on y pense bien, que trois associations aient essentiellement la même philosophie et le même objectif. Peut-on résoudre votre problème au moyen de remboursements, d'autres remboursements de pourcentages différents?

M. Paul: Je le crois. S'il s'agissait d'une véritable taxe de vente fusionnée, à mon avis, les 15 p. 100 apparaîtraient sur la dernière ligne des factures, et le remboursement serait d'un pourcentage de 15 p. 100. Quand il ne s'agit pas d'une véritable taxe de vente fusionnée, je dois encore calculer les 7 p. 100 à la dernière ligne de la facture et prendre 36 p. 100 de ce montant pour obtenir la portion de remboursement au titre de la TPS et je dois ensuite calculer à quel montant équivaut 1,5 p. 100 du prix d'achat, pour obtenir le remboursement au titre de la TVH.

J'ignore d'où viendront ces formules ou d'où viendront ces remboursements. J'ignore si on peut les considérer comme versement initial; j'ignore si le constructeur peut les utiliser pour réduire le prix d'achat. Nous sommes loin d'une véritable taxe de vente fusionnée.

Mme Janega: Mon autre argument concerne la question de l'égalité des chances et du concept de l'économie souterraine. Tant que le seuil de 30 000 $ existe, il est possible à des gens d'éviter légalement de payer toutes les taxes que paient les entrepreneurs professionnels, qui sont tout à fait prêts à les payer, pour autant qu'elles soient égales pour tous.

Le sénateur Buchanan: Nous avons entendu dire aujourd'hui, en particulier par le ministre, que la TVH n'augmentera pas les dépenses des consommateurs. Autrement dit, elle n'aura pas vraiment un si grand impact sur les consommateurs, parce que la réduction du prix de plusieurs produits compensera plus ou moins l'augmentation du prix d'autres produits. Quel sera l'impact sur les propriétaires de maisons ou les locataires?

M. Carrigan: Pour commencer, je ne pense pas que cette affirmation soit exacte.

Le sénateur Buchanan: Je mentionne en passant que ce n'est pas mon affirmation, c'est lui qui a fait cette affirmation.

M. Carrigan: Je le reconnais, mais j'en conteste l'exactitude, car je ne pense pas que cela ait quelque chose à voir avec le fait qu'on soit propriétaire ou locataire d'un logement. Il est vrai que les propriétaires doivent payer des factures très élevées, comme pour le mazout et l'électricité. Comme je l'ai signalé dans mes calculs, il faut comparer les biens dont le coût diminuera aux biens dont le coût augmentera. L'augmentation est répartie sur une grande variété de biens de première nécessité, ce qui représente un coût très élevé pour les consommateurs. Je pense que l'augmentation moyenne du prix payé pour ces produits par les consommateurs sera de l'ordre de 500 $ à 600 $ par année.

Pour compenser cela, le consommateur moyen doit acheter des produits de luxe, comme je l'ai signalé tantôt. Dans le cas de certains produits de première nécessité, l'économie de taxe sera de quelques cents, tandis que la taxe payée sur d'autres produits de première nécessité se chiffrera à des centaines de dollars. Il n'y a donc pas de compensation, et quiconque sait calculer sait qu'il est faux de dire que le résultat est neutre. Il n'est pas neutre.

Le président: Honorables sénateurs, nos deux derniers témoins non inscrits à l'ordre du jour sont la présidente et la directrice de la l'Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse, Jennifer Smiley et Colleen Cash.

Mme Jennifer Smiley, présidente, Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse: Monsieur le président, je suis étudiante en quatrième année à l'Université de King's College ici à Halifax. J'étudie l'histoire du Canada et les études contemporaines.

Nous sommes ici aujourd'hui parce que nous craignons, à titre d'étudiants en Nouvelle-Écosse, que la taxe de vente harmonisée n'ait des effets négatifs sur les étudiants à cause des choses que nous achetons. Nous aimerions vous faire quelques suggestions et nous serons heureuses de répondre à vos questions ou à vos commentaires.

Les produits dont le coût augmentera pour les étudiants après l'instauration de la taxe de vente harmonisée sont énumérés sur la première page: livres, fournitures scolaires, non pas les manuels, mais les fournitures scolaires, les vêtements de moins de 93 $, les photocopies, les services personnels, une augmentation de loyer éventuelle pour ceux dont le loyer inclut les services publics, l'électricité, l'essence pour les étudiants qui habitent en dehors de la ville, et pour les étudiants qui voyagent par autobus il y a une augmentation possible des tarifs parce que les municipalités s'ajusteront à la nouvelle taxe.

Les étudiants estiment qu'à cause de leur mode d'achat particulier la taxe leur sera préjudiciable.

J'ai oublié de signaler dans mon introduction que l'Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse est une fédération d'étudiants qui représente environ 20 000 étudiants de 11 universités de la province. Nous nous occupons de questions liées à l'accessibilité de l'enseignement depuis 1978.

Dans le document intitulé Nova Scotia Tax Reform and Economic and Fiscal Analysis, on dit que l'impact de la TVH sur les consommateurs dépendra de l'ensemble des produits et des services achetés avant l'harmonisation et de la façon dont les consommateurs adapteront leur façon de dépenser en raison de l'harmonisation. Les achats effectués actuellement par les étudiants montrent que nos coûts vont augmenter. À l'heure actuelle, la Nouvelle-Écosse a les frais de scolarité les plus élevés au Canada, et on estime le coût d'une année d'université pour les étudiants qui n'habitent pas chez leurs parents à environ 10 300 $.

Il y aura une augmentation des coûts dans deux secteurs importants. Il y a premièrement les fournitures scolaires, dont le coût augmentera de 8 p. 100. À l'heure actuelle, lorsque nous nous identifions comme étudiants au moment de payer, on enlève la taxe de vente provinciale de nos achats, et nous ne payons aucune taxe sur ces produits. Il y a aussi en Nouvelle-Écosse un programme qui permet aux étudiants achetant un ordinateur pendant qu'ils fréquentent l'université de recevoir le remboursement de la taxe payée. La TVH sera préjudiciable à ces deux programmes et entraînera une augmentation du coût de ces produits allant de 8 p. 100 à 11 p. 100.

Nous sommes préoccupés par le fait que 10 000 des 30 000 étudiants présentement en Nouvelle-Écosse viennent de l'extérieur de la province. On nous a offert comme solution de rechange d'augmenter de 700 $ la limite des prêts aux étudiants pour les livres et les fournitures, afin de tenir compte de l'augmentation des coûts. Nous craignons que les étudiants qui viennent ici d'autres provinces ne puissent pas profiter de cette augmentation des prêts et que la taxe leur soit donc préjudiciable.

De plus, nous faisons remarquer que le fait d'emprunter de l'argent ou d'augmenter l'endettement des étudiants n'est pas une bonne méthode pour compenser les effets divers de la taxe.

Nous estimons qu'il y a deux solutions qu'on devrait offrir aux étudiants pour compenser l'augmentation des coûts qui résultera de l'instauration de la taxe de vente harmonisée. L'une de ces solutions est d'offrir un remboursement de la taxe applicable aux articles comme les fournitures scolaires et les ordinateurs. À l'heure actuelle, nous ne payons pas de taxe sur ces produits, et un remboursement annulerait l'augmentation du coût de ces deux types de produits qui représenteront l'augmentation la plus perceptible.

En outre, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a un fonds de réserve de huit millions de dollars pour aider les personnes à faible revenu. À l'heure actuelle, les étudiants n'ont pas accès à ce fonds, et nous pensons qu'ils devraient y être admissibles, étant donné que le revenu fixé pour y avoir accès est de 9 500 $. Si le gouvernement estime que les personnes à faible revenu seront touchées, nous pensons que les étudiants appartiennent à cette tranche de revenu et seront donc touchés également. Nous encourageons les deux paliers de gouvernement à envisager l'idée d'accorder un allégement fiscal aux étudiants.

Nous aimerions conclure en demandant au Sénat de penser à retarder ou à rejeter la loi sur la TVH jusqu'à ce que le gouvernement puisse neutraliser les effets dommageables de la nouvelle taxe sur certains secteurs de la société.

Le sénateur Comeau: Le gouvernement a-t-il consulté votre association, qui me semble très active, je me permets de le remarquer. J'ai déjà rencontré votre représentante à Ottawa.

Mme Smiley: C'était effectivement moi, mais à l'époque mes cheveux avaient une autre couleur.

Le sénateur Comeau: Je le disais en toute sincérité. Votre groupe a été extrêmement actif, et je dirais que c'est un intervenant à ne pas négliger. Avez-vous rencontré les gens du ministère provincial des Finances?

Mme Smiley: Oui.

Le sénateur Comeau: Que vous ont-ils dit en substance?

Mme Smiley: Ce qu'ils nous ont dit à l'appui du fait que le fonds de secours ne s'appliquait pas à nous était que les prêts aux étudiants sont subventionnés par les contribuables de la Nouvelle-Écosse, de sorte que nous recevons déjà un concours financier du gouvernement. C'est la raison pour laquelle, nous ont-ils dit, nous n'avons pas pu profiter de ce fonds de 8 millions de dollars.

S'agissant d'une éventuelle modification du programme afin que les fournitures scolaires soient exonérées, la question n'a pas vraiment été abordée, mais je pense que le ministre Gillis et Bob Moody vont envisager un changement, et j'espère d'ailleurs qu'ils finiront par offrir un nouveau programme pour le rabais qui existe déjà dans le cas des ordinateurs.

Le sénateur Comeau: L'un des témoins que nous avons déjà entendus nous a laissé entendre que nous semblions être à la veille de voir les trois provinces agir indépendamment dans plusieurs dossiers. Je pense ainsi que le marché du logement va bénéficier de rabais à hauteur de certains pourcentages. Peut-être arriverons-nous ainsi à un système intégré, mais non harmonisé. Nous entendrons probablement demain des témoignages dans ce sens de la part des compagnies d'assurance-vie. Je sais qu'au Nouveau-Brunswick on se dirige vers un arrangement. Le secteur du logement doit faire l'objet d'une approche différente. Le cas des étudiants également doit être traité de façon indépendante.

L'harmonisation du système fiscal ne semble guère se faire dans l'harmonie. Vous qui êtes étudiants, pensez-vous que nous risquions d'en arriver à un système pire encore que ce qu'on pourrait imaginer? En d'autres termes, n'y aurait-il pas intérêt à fréquenter une autre université dans une autre province, selon ce que le gouvernement provincial décidera?

Mme Smiley: C'est en effet possible. L'un des secteurs de préoccupation des dirigeants étudiants en Nouvelle-Écosse est le fait que c'est dans notre province que les frais de scolarité sont les plus élevés alors que le salaire minimum y est le plus bas. Toute augmentation des frais d'études va immanquablement nuire aux étudiants de la Nouvelle-Écosse ainsi qu'à ceux des autres provinces qui voudraient venir faire leurs études chez nous.

Le sénateur Comeau: En fin de semaine, j'entendais à la radio qu'une usine de traitement de pommes de terre ou une filature de coton, je ne sais trop, était en projet pour l'Île-du-Prince-Édouard, mais comme la compagnie en question n'avait pas obtenu de prêts subventionnés du gouvernement, elle a décidé de s'implanter au Nouveau-Brunswick parce que cette province lui avait garanti un taux d'intérêt préférentiel sur les prêts.

Risquons-nous de voir les trois provinces de l'Atlantique s'entre-déchirer de cette façon?

Mme Smiley: À vous écouter, je me vois contrainte de vous dire oui. Malheureusement, je n'ai guère de renseignements pour corroborer ce que vous dites.

Mme Coleen Cash, directrice générale, Union des étudiants de la Nouvelle-Écosse: Pour ce qui est du secteur de l'éducation, il y a également le fait que certaines provinces envisagent d'imposer des frais de scolarité différentiels. En plus des taxes, nous risquons de voir les barèmes des frais de scolarité différer d'une province à l'autre dans tout le Canada. Et même si ce n'est pas là le principal facteur de dépenses des étudiants, c'est néanmoins une dépense supplémentaire. Lorsqu'on doit financer ses études en empruntant, il y a bien lieu de s'en inquiéter, d'autant plus qu'on a la possibilité de faire la navette.

Le sénateur Cochrane: Prévoyez-vous une augmentation des frais de scolarité par suite de l'harmonisation de la taxe de vente?

Mme Smiley: Les frais de scolarité ne seront pas directement touchés par la taxe de vente, pas plus d'ailleurs, du moins directement, que les frais de résidence. Je voudrais toutefois signaler que 20 p. 100 seulement des étudiants vivent en résidence.

Le sénateur Cochrane: On nous a dit hier à Terre-Neuve que les frais de scolarité allaient augmenter du fait que l'université allait perdre 750 000 $ à cause de l'augmentation des frais de chauffage. Et ce sera le cas chaque année. On prévoit que cela produira une diminution du nombre d'inscriptions, de sorte que les étudiants y perdront. Constatez-vous le même phénomène ici?

Mme Smiley: C'est quelque chose à quoi nous n'avons pas songé. D'après toutes les indications qui nous ont été données par le ministre Gillis, les universités ne devraient pas souffrir de l'harmonisation, et donc les étudiants non plus. Il n'y aura donc pas d'effet de rejaillissement, puisque les universités ne verront pas leurs frais généraux augmenter. Je voudrais également signaler que chaque année nos frais de scolarité augmentent d'environ 10 p. 100 sans qu'intervienne cette question de la taxe de vente. Nos frais de scolarité vont continuer à augmenter à hauteur de 6 à 12 p. 100 pendant les 5 à 10 prochaines années.

Le sénateur Cochrane: Chaque année?

Mme Smiley: Oui, avec en plus l'effet multiplicateur.

Le sénateur Cochrane: Et combien en coûtera-t-il à un étudiant pour boucler un cycle de quatre ans?

Mme Smiley: Un baccalauréat de quatre ans coûtera environ 40 000 $. La moyenne par étudiant sera d'environ 20 000 $.

Le sénateur Losier-Cool: Je dois reconnaître que vous vous épaulez bien. Je me souviens que, la dernière fois que j'ai entendu votre association parler des études postsecondaires, j'avais déjà été fort impressionnée par la qualité de votre mémoire.

Hier, les étudiants de Terre-Neuve ont également mentionné le fait que ceux qui vivent dans des régions éloignées bénéficient à leur entrée à l'université d'un genre de rabais. C'est la même chose en Nouvelle-Écosse?

Mme Cash: Je pense que le Programme de prêts aux étudiants prévoit en effet quelque chose pour les frais de déplacement. Mais voulez-vous parler du système fiscal?

Le sénateur Losier-Cool: Je pourrais vérifier, mais, dans un autre ordre d'idées, j'aimerais savoir ce que vous pensez du Programme d'aide aux étudiants dont vous parlez à la page 6 de votre mémoire et du Programme Jeunesse qui a été proposé par le ministre des Ressources humaines pour les stages et la formation à l'emploi. Quelle est la préférence de votre association: des emplois, quels qu'ils soient, ou de la formation à l'emploi? Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ce programme?

Mme Smiley: Toute formation à l'emploi ou toute expérience professionnelle qui peut être acquise pendant les années d'études supérieures ou immédiatement après est de toute évidence utile pour l'étudiant. Les cas d'études coopératives ou de stages et l'incidence de ces programmes sur les étudiants qui bénéficient d'un prêt posent certains problèmes. Ainsi, si vous travaillez pendant un certain temps, vous n'êtes plus admissible pour un prêt alors même que vous devez peut-être vous déplacer pour travailler, louer un logement à Halifax tout en continuant à payer au Cap-Breton. Ce genre de problème existe bel et bien. Je ne sais pas si j'ai vraiment répondu à votre question.

Le sénateur Losier-Cool: Vous avez dit que 20 p. 100 des étudiants loge à la cité universitaire?

Mme Smiley: Vingt pour cent environ, oui.

Le sénateur Losier-Cool: Y en a-t-il plus qui fréquenteraient la cantine?

Mme Smiley: Lorsqu'on est étudiant, on a la possibilité de s'abonner à la cantine de l'université. Je dirais qu'en moyenne -- c'est une observation générale -- la majorité des étudiants vont plutôt manger chez Harvey's, chez Second Cups ou chez Tim Horton's, qui ont des établissements dans la cité universitaire. C'est probablement là que les étudiants vont le plus souvent manger, ou alors malheureusement aussi dans les soupes populaires.

Le sénateur Losier-Cool: Voilà qui m'étonne.

Le président: Il nous reste six témoins spontanés à entendre.

Mme Evelyn Olsen, Garderie Woodlawn Enrichment: Je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous. Je suis la propriétaire de la Garderie Woodlawn Enrichment de Darmouth. J'ai le droit d'accueillir 99 enfants, et ma garderie tourne à environ 75 p. 100 de sa capacité en raison de l'instabilité du marché de l'emploi.

La taxe de vente harmonisée va avoir une incidence bien réelle sur mes frais généraux. Pour ce qui est des frais fixes, je vais payer environ 1 000 $ par mois sans aucune possibilité de recouvrer quoi que ce soit. Cela pourrait signifier pour moi devoir mettre la clé sous le paillasson, et je ne sais vraiment pas comment je vais pouvoir récupérer cette dépense supplémentaire.

Le président: Vous n'avez pas droit aux crédits de taxe sur intrants ni aux programmes de recouvrement des frais qui existent déjà?

Mme Olsen: Non. Je ne facture pas les taxes aux parents, puisque les services de garderie sont exonérés, et je ne puis donc bénéficier des mesures dont vous parlez.

M. Gary Greene: Je vous remercie de m'entendre. J'ai passé toute la journée assis ici, et si quelqu'un m'avait dit il y a un an que j'assisterais à des audiences du Sénat, je lui aurais dit qu'il était fou.

Toute la journée, j'ai entendu des groupes de détaillants et des groupes de consommateurs parler de l'impact de la TVH sur les gens qu'ils représentent. Eh bien, je suis l'une de ces personnes dont ils parlent. Je ne représente pas d'autres groupes; je ne suis ici qu'en mon nom personnel. Je sais directement comment cette taxe va m'affecter.

Permettez-moi de vous parler un peu de moi-même. Cela ne me gêne pas de vous dire que mon revenu est d'environ 45 000 $, ce qui est un revenu très raisonnable. J'ai trois enfants, deux à l'université, un à l'école secondaire. J'ai une maison chauffée à l'électricité, car on nous a dit que nous pourrions mieux vivre à l'électricité.

Je connais mon budget, et il est tout à fait ridicule de dire que cette taxe est sans effet sur le revenu. Cette taxe augmentera le prix que je dois payer pour l'électricité, l'essence, les vêtements de mes enfants, le stationnement au travail et portera un coup terrible à ce qui reste de mon budget. Les salaires dans les secteurs privé et public sont gelés depuis les cinq ou six dernières années. La plupart des Néo-Écossais et des Canadiens vivent d'un chèque de paie à l'autre. Il n'y a absolument pas de place pour cette taxe additionnelle.

Le ministre Gillis a dit que, pour la première fois au cours de l'histoire, il y a un allégement fiscal pour les Néo-Écossais, et il en parle souvent. Laissez-moi vous dire ce qu'est cet allégement fiscal. Je viens tout juste de remplir ma déclaration de revenus pour 1996. Il me reviendra 183 $ avec cet allégement fiscal, mais j'ai calculé que mes autres coûts augmenteront d'environ 700 $, en tenant compte des divers articles que nous devons acheter, comme le shampoing et le savon.

Je ne parle pas ici d'acheter une nouvelle voiture, un nouveau réfrigérateur ou une nouvelle cuisinière. Lorsqu'ils mettent tout cela ensemble, pour moi, ils comparent des pommes et des oranges. Les besoins fondamentaux pour vivre augmentent de 5 à 8 p. 100, et ils nous disent: «Oui, mais le prix d'une voiture diminue, et le prix de ceci diminue.» Il s'agit de deux questions tout à fait différentes.

Bien sûr, j'en profiterai peut-être dans quelques années si j'achète une nouvelle voiture ou un article coûteux; mais entre temps, qu'en est-il de mes liquidités? Je considère que l'administration de mon foyer est une petite entreprise d'une certaine façon. J'ai besoin de liquidités pour fonctionner, et cette taxe va porter un coup dur à mes liquidités.

Je ne me suis pas aligné sur un parti politique en particulier. En fait, j'ai l'intention de voter libéral tant au fédéral qu'au provincial, et cette taxe est une erreur. Cette taxe fera du tort au Néo-Écossais moyen. Je ne fais pas partie de ceux qui ont un faible revenu, de sorte que je ne bénéficierai pas de réductions fiscales spéciales. Je ne fais pas partie de ceux qui ont un revenu élevé, de sorte que je ne peux pas absorber ce coût additionnel.

C'est tout ce que j'ai à dire. Je ne peux que répéter que cette taxe est une erreur, et j'espère que vous l'examinerez de façon impartiale et que vous ferez quelque chose.

Mme Loretta J. Smith: Je vous remercie de prendre le temps d'écouter nos préoccupations, qui sont très réelles, les préoccupations de ceux qui seront les plus touchés par la mise en oeuvre de cette taxe injuste. Nos représentants élus, tant au fédéral qu'au provincial, ne tiennent absolument pas compte de nous. M. Chrétien n'est pas un néophyte politique. Cette taxe ne concerne pas les finances comme telles. Il s'agit tout simplement d'une manoeuvre politique pour alléger la pression sur le gouvernement fédéral visant à lui faire respecter sa promesse de se débarrasser de la TPS. Il est révélateur que seuls la Nouvelle- Écosse, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve, qui ont des gouvernements libéraux majoritaires, soient obligés d'adopter ce régime abominable. M. Chrétien n'est pas un néophyte politique et il connaissait, ou il aurait dû connaître, toutes les conséquences de l'élimination d'une taxe établie. Il a été ministre des Finances dans un gouvernement précédent.

Si cette promesse était en fait une erreur honnête, la solution honorable aurait été d'admettre cette erreur, et c'est tout. Plutôt que de faire cela, il a décidé avec les premiers ministres provinciaux et les ministres des Finances de ces trois provinces qui ont un gouvernement libéral majoritaire de montrer que leur parti était solidaire et de donner l'impression qu'il respecte la promesse qu'il a faite aux Canadiens.

Les divers ministres se sont levés et ont déclaré que les gens voulaient cette taxe, ce qui est un mensonge éhonté. Le déluge de protestations publiques le prouve: lettres aux rédacteurs de divers journaux, innombrables lettres aux membres de l'Assemblée législative et aux députés fédéraux -- dont on ne tient absolument pas compte -- et démarches auprès du comité des modifications législatives de la province de la Nouvelle-Écosse.

En me fondant sur mes dépenses précédentes pour l'essence, l'électricité et le combustible, je devrai dépenser 346,74 $ de plus. Cela ne comprend pas la taxe de 8 p. 100 supplémentaire sur divers autres articles sur lesquels on ne doit pas payer la taxe de vente provinciale à l'heure actuelle.

Le fardeau supplémentaire de cette taxe sera plus important pour les familles qui ont des enfants et qui ne paient à l'heure actuelle que la taxe de 7 p. 100 sur les vêtements et les chaussures, dont le prix est moins élevé. Le coût d'un timbre passera de 48 cents à 52 cents, mais seulement dans les provinces de l'Atlantique. Les dépenses funéraires augmenteront également de 8 p. 100. Nous ne connaissons pas encore tous les détails de cette taxe harmonisée, et en fait les membres de l'Assemblée législative qui l'ont signée ne les connaissent pas non plus.

Cette surtaxe déguisée diabolique a été tellement inventée à la hâte qu'ils n'ont même pas eu le temps d'en mettre au point les détails avant que l'accord ne soit signé avec les provinces. Cette taxe n'est pas juste ni équitable et elle n'est certainement pas démocratique. Elle affectera le plus gravement ceux qui sont les moins capables de la payer, c'est-à-dire les personnes âgées, les gens qui gagnent un salaire minimum et d'autres groupes désavantagés.

Entre-temps, les riches, ceux qui ont les moyens de se payer des articles de luxe comme de nouvelles voitures, des meubles, des repas au restaurant et diverses formes de divertissement, profiteront d'une diminution de 3,8 p. 100. Ce qui est tout aussi important, c'est le fait que nous, en Nouvelle-Écosse, renoncerons au droit dont nous jouissons depuis 1848 et qui consiste à déterminer nos propres politiques fiscales. Nous serons dorénavant à la merci non seulement du gouvernement fédéral, mais aussi des gouvernements des deux autres provinces signataires.

Laissez-moi vous dire qu'aucun gouvernement en dehors des pays fascistes, communistes et nazis n'a le droit de prendre une telle mesure sans le plein consentement de l'électorat. Le gouvernement n'a certainement pas ici le plein consentement de l'électorat.

Si, comme il l'a dit, M. Chrétien ne peut respecter sa promesse de remplacer la TPS, la seule solution sensée est de laisser les choses comme elles sont. Il ne sert à rien de rempirer une situation déjà mauvaise et d'infliger un fardeau plus lourd aux gens de la région.

Mme Sonja Meisner, Investment Property Owners Association of Nova Scotia: Honorables sénateurs, je veux vous remercier de cette occasion qui nous est donnée de venir présenter à votre comité notre point de vue concernant la taxe de vente harmonisée et ses conséquences pour notre secteur.

La Investment Property Owners Association of Nova Scotia est une organisation à but non lucratif créée en 1978 pour représenter les intérêts des propriétaires et des exploitants qui investissent dans le secteur du logement multiple. Nous avons des membres parmi les petits, moyens et grands propriétaires. Quatre-vingt-cinq p. 100 de nos membres sont de petits investisseurs dans la province.

Les locateurs d'immeubles résidentiels qui offrent des logements résidentiels à long terme aux gens de la Nouvelle-Écosse ne pourront récupérer la TVH qu'ils paient sur les dépenses d'affaires. L'augmentation de coûts qui en résultera est directement attribuable à la partie provinciale de la TVH. Pour compenser cette augmentation de coûts, les locateurs n'auront pas d'autre choix que de réduire leurs dépenses discrétionnaires pour des choses comme les réparations et l'entretien. Il en résultera une diminution de la qualité et des normes de logement pour les locataires.

La Investment Property Owners Association of Nova Scotia demande au gouvernement de la Nouvelle-Écosse d'envisager une remise provinciale pour les locateurs. Une telle remise compenserait l'augmentation de coûts attribuable à la TVH et permettrait aux locateurs de continuer à offrir la même qualité aux locataires sans en souffrir sur le plan financier. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'a cependant pas accédé à notre demande.

Nous sommes d'avis qu'en accordant aux locateurs une remise équivalant à un montant fixe pour chaque unité de location résidentielle une fois par an on résoudrait notre problème. Par exemple, un montant de 75 $ l'unité multiplié par 100 000, soit le nombre d'unités de location en Nouvelle-Écosse, serait un investissement équitable dans notre secteur pour compenser le fardeau financier imposé par la TVH. Une telle remise serait conforme à l'engagement du gouvernement de renforcer les petites entreprises. Le locateur d'un immeuble résidentiel doit déjà payer la TPS sur bon nombre des coûts pour faire des affaires. Avec l'harmonisation, la TVH de 15 p. 100 devra être versée sur la plupart de ces coûts d'affaires. Dans bien des cas, une augmentation du loyer pour compenser ce coût additionnel n'est pas pratique. Cela aura pour résultat une diminution des dépenses discrétionnaires et un niveau de vie moins élevé pour les locataires, qui paieront toujours le même montant pour leur logement.

Alors que les dépenses sur le marché locatif continuent à augmenter et qu'aucune augmentation de loyer n'est pratique sur ce marché, le rendement du capital investi des locateurs, qui est déjà peu élevé, sera encore moins élevé. Cela découragera les investisseurs éventuels dans le secteur du marché locatif et nuira à la construction de nouveaux logements de location.

Ce qui préoccupe les locateurs, c'est que l'augmentation de 8 p. 100 de la taxe sur des articles qui n'étaient pas auparavant visés par la taxe de vente provinciale est considérablement plus élevée que la diminution de 3,77 p. 100 sur d'autres articles auxquels les deux taxes s'appliquent à l'heure actuelle. C'est parce que des articles comme le mazout, l'électricité et les frais de gestion immobilière sont des éléments majeurs du coût d'exploitation d'un immeuble résidentiel, et le coût de ces articles augmentera de 8 p. 100 lorsque la TVH entrera en vigueur le mois prochain.

Par exemple, la perte nette pour le locateur en raison de l'harmonisation sera de 20 000 $ par an pour un immeuble de 200 unités, et vous retrouvez ces calculs dans un mémoire officiel que vous avez reçu, je crois. Les locateurs sont des gens d'affaires et ils doivent recouvrer leurs coûts en les transmettant à leurs clients, les locataires. Cependant, comme je l'ai souligné il y a quelques minutes, dans la plupart des cas une augmentation du loyer n'est tout simplement pas possible, étant donné le taux d'inoccupation et la concurrence. Cela veut dire que le locateur devra absorber le coût de l'augmentation de la taxe, ce qui pourra le mener à l'insolvabilité. Tout au moins, la TVH se traduira par un taux de rendement moins élevé des dollars investis.

Selon Statistique Canada, et l'information présentée dans l'enquête de 1995 sur le rendement financier des petites entreprises canadiennes, le rendement du capital employé dans le secteur des services du logement au Canada est 2,7 p. 100 moins élevé que le rendement qu'une personne pourrait obtenir en investissant le même montant dans un dépôt à terme. La TVH rend l'achat d'un immeuble résidentiel beaucoup moins attrayant comme investissement.

Pour un locateur qui envisage de vendre un immeuble, cela signifie qu'il obtiendra un prix encore moins élevé pour cet immeuble, un revenu net moins élevé causé par la TVH pour les raisons soulignées. Cette taxe nuira par ailleurs au montant de financement que pourra obtenir un locateur pour un immeuble spécifique et aura un effet négatif sur le refinancement des immeubles existants.

En outre, un rendement plus élevé du capital investi diminue l'évaluation foncière, ce qui à son tour diminue l'impôt perçu par le gouvernement. La TVH aura des conséquences très négatives pour les locataires ainsi que pour les locateurs. Dans les cas où les locateurs pourront augmenter le loyer, les locataires devront faire face à une augmentation de loyer. Les augmentations de loyer ont des conséquences sociales. Les locataires compensent en diminuant leurs dépenses dans d'autres domaines. Cela réduit la consommation et les dépenses discrétionnaires. Dans certains cas, cependant, les gens n'ont pas les moyens de payer les augmentations de coûts et seront obligés de louer des logements moins chers. Cela signifie qu'ils auront une qualité inférieure pour le même loyer qu'ils versent actuellement.

Il est malheureux qu'en raison de cette taxe le coût du logement, un des besoins fondamentaux, augmentera. Bon nombre de politiques appuient et encouragent les petites entreprises; pourtant l'harmonisation fera exactement le contraire dans le secteur du logement de location en ajoutant aux coûts et en nuisant aux locateurs, qui sont de petites entreprises et qui ne sont pas bien équipés pour supporter ces dépenses.

Nous aimerions que les gouvernements fédéral et provincial examinent sérieusement les mesures à prendre pour alléger les conséquences négatives qu'aura la TVH pour les locateurs et les locataires de la Nouvelle-Écosse, et nous avons fait une suggestion à cet égard.

J'aimerais ajouter quelque chose à la suite d'une observation qui a été faite précédemment par l'honorable sénateur Buchanan. Bien que notre groupe soit différent de celui des médecins, les principes s'appliquent toujours. Nous sommes un autre groupe qui ne peut pas transmettre l'augmentation. Nous sommes d'avis que les dépenses en question peuvent être recouvrées par une réduction de l'impôt sur le revenu, mais cela est différent. C'est la même chose que pour toute autre entreprise de la Nouvelle-Écosse, de sorte que sur le plan pratique ils ne peuvent tout simplement pas transmettre ce coût. Nous demandons l'équité. C'est tout ce que nous demandons, et j'espère que vous examinerez notre suggestion.

Mme Carol White: J'aimerais vous expliquer pourquoi j'ai voulu participer à cette séance. J'étais à l'église dimanche matin. J'ai entendu ma ministre prêcher, et elle disait désespérément que notre fonds bénévole est à sa limite, que depuis toutes les années où elle est ministre, les gens n'ont jamais eu autant besoin d'argent pour manger, se vêtir, elle n'a jamais vu autant de mères seules avoir besoin d'argent pour se chauffer et nourrir leurs bébés. Comme cette question me préoccupe, je suis allée voir le représentant de mon église après le service, et j'ai dit: «Saviez-vous que le Sénat vient ici pour tenir des audiences sur la taxe de vente harmonisée?» Je préférerais l'appeler la surtaxe de vente déguisée, mais de toute façon il a répondu: «Non, je n'en ai pas entendu parler.» J'ai mentionné que j'avais lu dans le Chronicle Herald d'Halifax que le Sénat viendrait ici en mars, et il a répondu qu'il aimerait certainement avoir toute l'information que je pourrais obtenir à ce sujet. Je lui ai donc dit que j'allais m'en occuper.

Le lundi, j'ai commencé à faire des téléphones, et j'ai lu dans le Chronicle Herald que le Sénat serait ici jeudi, ce qui était très malheureux, car, comme vous le savez, il est très difficile de réunir toutes les églises dans la région métropolitaine pour discuter d'une question et préparer un mémoire. Je veux vous raconter rapidement ce qui s'est passé. J'ai appelé le bureau de mon député fédéral et j'ai été très mal reçue, et, même si l'heure et l'endroit étaient mentionnés dans le journal, on m'a menti à ce sujet. J'ai téléphoné à mon député à l'Assemblée législative, qui n'avait pas d'information non plus. Finalement, j'ai appelé le numéro du Sénat 1-800 à Ottawa, et on m'a renvoyée à votre comité des banques. J'ai finalement reçu de l'information.

J'ai ensuite décidé de rappeler tous ceux à qui j'avais parlé, et ils ont tous dit: «Oh, merveilleux, dites-nous ce que vous avez appris, car nous n'en connaissons pas plus que vous.» J'ai également appelé le rédacteur en chef du Chronicle Herald, et il n'avait pas d'information. Il a dit: «Je peux envoyer un journaliste là-bas, mais je n'ai aucun renseignement au sujet de l'heure ou de l'endroit.» Je suis donc certaine que vous me pardonnerez si j'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'une attitude politique de votre part. J'espère que ce n'est pas le cas. J'espère que vous êtes préoccupés et intéressés par ce que nous avons à dire.

Je parle non seulement au nom des pauvres, mais en tant que citoyenne de cette province qui est extrêmement préoccupée et qui sera certainement touchée par cette taxe.

Ce transfert de taxe du gouvernement exerce des pressions sur toutes les agences de publicité à l'heure actuelle. Cette taxe va aggraver un problème qui est déjà désespéré en augmentant le coût des vêtements, du chauffage, de l'essence, de l'électricité et des services sociaux.

Je suis enseignante suppléante. Depuis que j'ai déménagé ici, je n'ai pas pu trouver d'emploi permanent. J'étais dans une école, l'autre jour, et l'un des enseignants a mentionné que le sociothérapeute disait que les gens se séparaient et qu'ils avaient besoin d'aide pour leurs enfants. Cette taxe aggravera cette situation. De l'aide. Cela est ridicule. Il n'y a pas suffisamment d'aide pour les enfants aujourd'hui dans le système scolaire, et nous ajoutons d'autres problèmes.

Le gouvernement dit que nous allons économiser: cela est ridicule. Ma laveuse et ma sécheuse ont été achetées en 1970. Elles fonctionnent toujours bien. J'espère qu'elles fonctionneront encore pendant 20 ans. Inutile de le dire: j'achète constamment des vêtements, et je chauffe ma maison à l'électricité, qui, comme vous le savez, est extrêmement coûteuse. J'ai besoin d'essence pour me rendre dans les écoles où j'enseigne, à la campagne ou ailleurs. Cela affectera certainement ma vie ainsi que la vie de toutes les autres personnes pauvres.

Autre chose: j'ai entendu la représentante du groupe du logement ce soir. Mon mari et moi aimons la Nouvelle-Écosse, nous adorons cette province, depuis que nous avons quitté Ottawa pour venir ici il y a trois ans, et nous pensons que nous aimerions nous installer ici. La semaine dernière, nous nous sommes renseignés sur l'achat d'un terrain et la construction d'une maison. On nous a dit qu'après le 1er avril le terrain nous coûtera 3 000 $ de plus, et le coût de construction de notre maison, 3 000 ou 4 000 $ de plus.

Je suis anciennement de l'Île-du-Prince-Édouard. Croyez-moi, comme l'a dit le monsieur tout à l'heure, ce pont semble de plus en plus invitant.

J'ai également parlé à une enseignante qui disait qu'elle était en train de se renseigner pour acheter un billet d'avion pour aller quelque part pendant le congé scolaire de mars. Elle a dit qu'il s'agissait d'un coût supplémentaire. Peut-être que les gens se rendront en voiture à l'Île-du-Prince-Édouard pour prendre leur vol à partir de Charlottetown. Cela fera certainement une terrible différence pour nous tous, et contrairement à bon nombre de gens ici qui ont laissé entendre qu'ils aimeraient avoir un changement, je ne veux pas de changement à cette taxe. Je ne veux pas de cette taxe, un point, c'est tout. Je veux l'éliminer.

Mme Linda Triff: Mon mari et moi nous sommes séparés en 1995. Au début, j'ai quitté la maison et je lui ai laissé mes enfants, car je ne voulais pas qu'ils vivent dans la pauvreté. Mes enfants me suppliaient de revenir à la maison, alors je suis revenue. J'ai trouvé un emploi à temps partiel chez Tim Horton's, et mon mari doit verser une pension alimentaire pour les enfants. J'ai calculé que même si nous serions peut-être obligés de renoncer à certains petits luxes, nous pourrions survivre. Je réussis à survivre depuis un an et demi.

Qu'est-ce que la TVH signifie pour moi? Cela signifie moins de revenus et plus de dépenses. Vous me demanderez peut-être pourquoi moins de revenus? Un café de taille moyenne chez Tim Horton's coûte maintenant 1,05 $. Certaines personnes nous donnent 1,25 $, soit 20 cents de pourboire. Une fois que la TVH sera en place, ce même café coûtera 1,13 $, et il ne nous restera que 12 cents de pourboire. À l'heure actuelle, une tasse de café de taille moyenne et un beigne coûtent 1,69 $. Certaines personnes nous donnent 2 $, et il nous reste 31 cents de pourboire. Lorsque la TVH sera en place, il en coûtera 1,82 $ pour le même café et un beigne, et il ne restera que 18 cents de pourboire. Mon revenu diminue donc automatiquement.

Par ailleurs, si les ventes de café diminuent en raison de l'augmentation du prix, il y aura moins d'heures de travail. Si c'est moins occupé, comme c'est le cas aujourd'hui parce qu'il fait une tempête, les travailleurs sont renvoyés à la maison plus tôt. J'ai perdu une heure et demie aujourd'hui à cause de la tempête. Je n'ai travaillé que quatre heures plutôt que cinq heures et demie. Cette taxe ne va pas augmenter les ventes, et par conséquent n'augmentera pas le nombre d'emplois chez Tim Horton's.

Il y aura plus de dépenses. J'ai deux garçons, âgés de 13 et 14 ans. Leurs chaussures et leurs vêtements coûteront davantage, mon mazout, mon essence et mon électricité coûteront davantage, les soins personnels coûteront davantage. Un repas dans un restaurant coûtera moins cher, mais je n'ai pas les moyens d'aller au restaurant. Mes enfants coûtent très cher, et je ne pourrai certainement pas les amener au restaurant.

Une nouvelle voiture coûtera moins cher, mais je ne vais pas acheter de nouvelle voiture non plus. J'ai un modèle 1985. Par ailleurs, je suis inquiète du fait que cette taxe ne s'applique que dans trois provinces. Attendons que tout le Canada soit d'accord. S'il en coûte plus cher aux sociétés nationales pour faire imprimer des catalogues pour notre région, qui va payer ce coût supplémentaire? Naturellement, le coût sera transmis au consommateur.

Je ne peux pas couper davantage. Je ne fume pas et je ne bois pas. J'ai deux garçons qui font du hockey, et je préfère les voir jouer au hockey plutôt que traîner dans les rues, et je ne voudrais pas qu'ils soient obligés de renoncer à ce sport. La seule chose que je pourrais peut-être couper est mon divertissement, qui consiste à faire du travail bénévole auprès de Blind Sport Nova Scotia, mais à qui est-ce que cela va faire mal?

Je vous demande de tenir compte de ce que seront les conséquences de cette taxe pour les gens dans ma situation. Je n'ai pas besoin du gouvernement pour m'appauvrir encore davantage. Par ailleurs, qu'en est-il des femmes qui sont dans des situations où il y a de la violence? Cela les découragera peut-être encore davantage de quitter leur foyer si le coût de leurs besoins fondamentaux augmente. Je vous demande de tenir compte de toutes les conséquences possibles de cette taxe avant de nous l'imposer.

Le président: Sénateurs, notre dernier témoin aujourd'hui est M. DiGiacinto.

M. Igino DiGiacinto: Monsieur le président, sénateurs, je m'appelle Igino DiGiacinto. J'aimerais commencer par une petite histoire et une excuse au regretté président Abraham Lincoln. Il y a trois ans, notre gouvernement fédéral a introduit une nouvelle taxe au pays, la TPS; conçue dans une dictature et selon le principe que tous les Canadiens devront payer, non pas selon leur volonté, mais selon la volonté des dictateurs.

Nous sommes maintenant engagés dans une autre confrontation, la TVH, pour voir si le gouvernement actuel ou tout gouvernement dévoué devrait supprimer la volonté des gens. On nous rencontre dans une partie du vaste territoire canadien. Vous êtes venus écouter ceux qui vous feront part de leur opinion majoritaire, c'est-à-dire que cette taxe sera abolie. Il est tout à fait normal que nous fassions cela.

En un sens, à l'heure actuelle, nous, habitants de la Nouvelle-Écosse, ne pouvons pas empêcher que la TVH devienne loi. Cependant, des gens comme vous peuvent empêcher une telle chose, ce qui est bien au-delà de nos pouvoirs. Les Canadiens ne prendront pas note et ne se souviendront pas longtemps de ce que nous disons ici, mais ils n'oublieront jamais ce que vous avez pu faire ici. Vous devez vous consacrer à cette tâche qu'ont entreprise les Canadiens. Vous devez vous consacrer à cette grande tâche; lors de vos audiences, vous devez vous consacrer davantage à cette cause des Canadiens, vous devez vous assurer en haut lieu que les souhaits des Canadiens ne seront pas en vain, que les Canadiens verront leurs souhaits exaucés et que le gouvernement des gens, par les gens, pour les gens, demeurera suprême. Est-ce que ce sera la démocratie ou, comme Duncan Fraser le dit, une dictature élue?

Peu importe comment on l'appelle, la TVH est toujours une TPS, une taxe sur les produits et services. Cette taxe est également connue comme une taxe sur la valeur ajoutée et une taxe de consommation. Or, en toute honnêteté, en tant que taxe à la consommation, la TPS est extrêmement efficace. Lors des élections fédérales de 1993, elle a effectivement consommé le gouvernement conservateur.

On nous dit que la TVH aidera l'économie souterraine. Cela est vrai. Je ne peux dire le contraire. La TVH profitera à l'économie, à l'économie souterraine. Avant 1991, je lisais souvent au sujet de l'économie souterraine, mais on parlait toujours de l'Europe et d'autres pays qui avaient une taxe semblable à la TPS. Naturellement, au Canada, il y avait et il y aura toujours une certaine évasion fiscale, mais depuis l'introduction de la TPS les Canadiens ont découvert un mode de vie qu'ils pratiquent dorénavant et qu'ils préféreraient pourtant éviter. Avec mes excuses pour la bière d'Alexander Keith, ceux qui aiment l'économie souterraine l'aiment beaucoup.

Je suis peut-être naïf. Il y a des années, lorsque j'ai entendu dire pour la première fois qu'une taxe serait appliquée aux aliments et aux services, je ne comprenais pas. Qui ferait une chose aussi stupide? Eh bien, en 1985, le gouvernement conservateur en Nouvelle-Écosse l'a fait en imposant une taxe sur les services -- vérifiez les dossiers du sénateur Buchanan -- et en 1991 le gouvernement conservateur fédéral l'a fait. Cela démontre peut-être qu'une taxe sur les aliments et les services est dans les gènes de tous les Conservateurs et que quelque part en cours de route les Libéraux ont été contaminés. Je ne sais vraiment pas.

Toutefois, je vois un signe de repentir chez un ancien ministre qui a fait partie du gouvernement de la Nouvelle-Écosse qui nous a imposé la TPS en 1985. Dans les dernières minutes du débat sur la TVH, ici au Parlement de la Nouvelle-Écosse, le député provincial d'Halifax Citadel, Terry Donahoe, a déclaré:

J'exige que le gouvernement corrige la plus grande sottise qu'il ait jamais faite.

Pendant des années, je me suis demandé: «Pourquoi les gens et les gouvernements ne cessent-ils de répéter les mêmes sottises?» Il y a pourtant des remèdes. Je refuse de croire pour ma part qu'il est impossible de mettre de l'avant une fiscalité plus équitable. Et puis, le 5 octobre 1996, après toutes ces années, j'ai trouvé la réponse à la question. On avait demandé au président de la République tchèque, Vaclav Havel, de dire ce qu'il craignait le plus. Sa réponse:

«Ce que je crains? Je crains la bêtise humaine, qui est indestructible.»

Je croyais que le fait d'offrir ou d'accepter des pots-de-vin était illégal, mais j'imagine que cette loi ne s'applique pas entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Les conditionneurs professionnels de l'opinion vous diront que l'accord sur la TVH est une transaction d'affaires normale. C'est étonnant tout ce qu'on peut faire pour son avancement politique. Je peux très bien m'imaginer le scénario suivant après que les trois sages de l'Est ont signé l'accord sur la TVH et ont reçu leur or, leur encens et leur myrrhe, des cadeaux totalisant un milliard de dollars:

Le ministre des Finances Paul Martin va voir le premier ministre Jean Chrétien. Ils se rencontrent dans le cabinet du premier ministre et échangent de grands sourires et des poignées de main. Le premier ministre Jean Chrétien dit: «Félicitations, Paul, tu as réussi!» Et le ministre des Finances Paul Martin répond: «Oui, Jean, et c'était très facile. Ce que P.T. Barnum disait au IXXe siècle s'applique au XXe siècle, les crédules sont légion.»

L'ancien ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, Bernie Boudreau, demande aux Néo-Écossais de juger par eux-mêmes la TVH selon ses mérites. Propos louables. Les Néo-Écossais ont répondu, et l'opinion majoritaire était défavorable à la TVH. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse le sait. D'ailleurs, notre actuel ministre des Finances, Bill Gillis, et son équipe de conditionneurs médiatiques se sont fait prendre la main dans le sac à propagande. De même, la Nouvelle-Écosse admet que nous, les Néo-Écossais, allons payer 83 millions de dollars de plus en impôts. Ça, c'est la réalité. La province nous dit que l'harmonisation va créer des emplois et abaisser le prix des biens parce qu'il en coûtera moins cher pour faire des affaires. Tout cela n'est que rêve et espoir. J'hésite à planifier mon avenir financier selon les rêves des politiciens, connaissant leurs états de service.

Toutefois, j'admire l'habileté avec laquelle on applique la TVH. Le prix de la plupart des choses va baisser. Il y aura moins de choses dont le prix va augmenter. Bon nombre des articles dont le prix va baisser sont ceux qu'on achète une fois tous les 20 ans, et ce prix va baisser de 3,77 p. 100. Mais les articles dont le prix va augmenter sont des nécessités, des choses qu'on achète tous les jours et dont le prix va augmenter de 8 p. 100. Cependant, pour une voiture, qui est un bien de luxe, la TVH sera de 15 p. 100, et la Nouvelle-Écosse ajoutera une surtaxe de 2 p. 100 en 1997, qui baissera à 1 p. 100 en 1998 et disparaîtra en 1999. Si vous achetez une voiture, je vous conseille de la laisser dans votre garage ou votre entrée. Car en achetant de l'essence pour rouler, vous finirez par payer plus de taxes que vous n'en aurez économisé. Si vous achetez une cuisinière, un réfrigérateur ou tout autre appareil électroménager, je vous conseille de ne rien brancher et de ne rien utiliser parce qu'en les utilisant vous finirez par payer plus de taxes.

Pour éviter ces taxes plus élevées, je vous propose les idées suivantes: premièrement, ne mourez pas; deuxièmement, cessez de vous faire couper les cheveux; troisièmement, bouchez les trous dans vos chaussures avec du bois; quatrièmement, évitez le nettoyeur à sec, et dites seulement aux gens que les vêtements tachés sont aujourd'hui à la mode; cinquièmement, ne téléphonez pas aux enfants; sixièmement, étudiez la comptabilité, le droit et tout autre service dont vous pourriez avoir besoin; septièmement, gelez pendant l'hiver; huitièmement, éclairez-vous à la chandelle et nourrissez-vous d'aliments en conserve; neuvièmement, achetez un vélo ou marchez; et dixièmement, cessez de vous laver les dents.

Sénateurs, j'essaie de vous montrer à quel point cette TPS est devenue une folie. Si vous le voulez bien, prenons maintenant quelques instants pour considérer les effets de la TPS sur la carrière et la réputation de politiciens. Prenez l'ancien premier ministre Brian Mulroney; la TPS a été la tare qui l'a obligé à démissionner et qui a sali sa réputation. Prenez les sénateurs de la TPS -- je pense qu'il y en a ici aujourd'hui --, ils devront vivre toute leur vie avec ce titre peu honorable. Prenez le solliciteur général Herb Gray; l'interprétation qu'il a donnée de l'élimination de la TPS faisait pitié à entendre de la part d'un homme d'État comme lui.

Prenez la vice-première ministre Sheila Copps; cette ancienne de la bande des quatre et météore de la politique canadienne n'est plus aujourd'hui qu'une sorcière malfaisante. Elle a perdu toute crédibilité dans les manipulations qui ont entouré sa démission. Prenez le ministre des Finances Paul Martin; il y a quelques semaines, lors d'une rencontre de gens d'affaires, il a plaisanté sur le fait qu'il avait fait des excuses pour ne pas avoir aboli la TPS. Ses propos pourraient le hanter un jour. Prenez le premier ministre Jean Chrétien; ce noble chevalier qui a mené la bataille pour abolir cette TPS injuste s'est avéré un triste sire. Il dit qu'il n'a jamais menti; mais nous, les citoyens, sommes confus, et c'est nous qu'on accuse de ne pas l'avoir compris. Peut-être que quelqu'un devrait lui offrir un nouveau dictionnaire français- anglais. Il a même eu l'audace de chercher subtilement à nous convaincre que la main de Dieu l'avait empêché d'abolir la TPS.

Prenez le député fédéral John Nunziata; un autre ancien de la bande des quatre, mais celui-là est devenu un martyr sur l'autel de l'honnêteté gouvernementale. Il incarne la personnalité politique exemplaire que les Canadiens recherchent. Sa carrière politique n'est pas encore terminée, mais son avenir politique est sans aucun doute compromis pour le moment.

Je n'ai pas fait d'exposé devant le comité des modifications législatives du Parlement de la Nouvelle-Écosse lorsque la TVH a été adoptée. Je jugeais inutile de m'adresser aux pantins; j'avais plutôt envie de parler aux ventriloques. J'espère les avoir trouvés aujourd'hui.

Sénateurs, lorsque vous prendrez votre décision, j'espère vivement que vous songerez à tous les effets qu'aura la TVH et aux aspirations des Néo-Écossais. Votre décision ne doit pas être inspirée par des considérations politiques. Il ne s'agit pas ici de promesse brisée, mais bien d'intégrité. Il ne s'agit pas de vos états de service, mais de la confiance que le public a en vous. Il ne s'agit pas d'accepter une nouvelle politique, mais bien de faire la volonté du peuple. Il ne s'agit pas de pardon, mais bien de justice. Il ne s'agit pas de châtier des politiciens, mais de dissuader ceux qui sont là et ceux qui s'en viennent.

Le Livre rouge du Parti libéral dit ceci:

Le Canada a besoin d'un changement d'orientation [...] les Canadiens en ont assez de la façon dont Ottawa gouverne.

Le président: Au nom du comité, je tiens à remercier vivement les nombreuses personnes qui ont été présentes tout au long de la séance. Ces sept heures ont été bien longues.

Chers collègues, nous allons ajourner jusqu'à demain matin 9 heures.

La séance est levée.


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