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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 11 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 13 juin 1996

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été confiée l'étude du projet de loi C-31, portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 6 mars 1996, se réunit aujourd'hui, à 11 heures, pour étudier ce projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Ceci est la troisième réunion que le comité consacre à l'étude du projet de loi C-31. Nous avons aujourd'hui des représentants de trois syndicats de la fonction publique: l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l'Association des employé(e)s de sciences sociales et l'Alliance de la Fonction publique du Canada.

Nos premiers témoins représentent l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada. Vous pouvez commencer.

M. Steve Hindle, président, Institut professionnel de la Fonction publique du Canada: Le 6 mai 1996, des représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada ont comparu devant le comité permanent des finances de la Chambre des communes qui étudiait le projet de loi C-31, la loi d'exécution du budget de 1996, qui touche en majeure partie la fonction publique, et nous avons été assez naïfs pour croire qu'au moins une partie des questions soulevées par les syndicats de la fonction publique et d'autres groupes d'intérêt seraient prises en compte dans les amendements proposées à cette mesure législative. Le rapport de la Chambre des communes ne contient aucun amendement et ne mentionne aucun des mémoires présentés. Seuls quelques amendements de forme sont proposés.

Le refus du Parlement de se pencher sur les problèmes soulignés par l'Institut et d'autres témoins nous inquiète. Nos mémoires traitent de problèmes de gestion des ressources humaines dans la fonction publique qui nuisent à la prestation des services à la population canadienne. Relativement au projet de loi C-31, il est difficile d'imaginer qu'aucune des questions soulevées ne justifiait un amendement. Nous nous présentons aujourd'hui devant vous afin d'énoncer de nouveau notre position sur le projet de loi C-31, dans l'espoir que vous y porterez une oreille plus attentive et nous redonnerez foi dans ce processus.

Notre mémoire souligne essentiellement la nécessité, pour le gouvernement, de retirer la suspension de l'arbitrage exécutoire du projet de loi C-31. Le retrait de ce mode d'arbitrage en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique entraînera une confrontation inutile et minera l'équilibre et l'équité du régime de négociation collective. L'arbitrage exécutoire est le moyen de résoudre une impasse à la table de négociation. Il permet à l'une ou l'autre des parties d'inscrire un différend sur une liste limitée de questions soumises à un conseil d'arbitrage composé de trois personnes qui rendent une décision qui lie les deux parties.

En mettant de côté l'option de confier à une tierce partie la résolution des impasses dans les négociations, le projet de loi force la gestion et les travailleurs à la confrontation. Ce qu'énonce le projet de loi, en fait, c'est qu'on ne peut compter sur le fait que le partenariat fonctionnera si les deux parties sont égales devant un tiers. Il laisse entendre qu'une négociation collective effectuée conformément à l'actuelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne peut coexister avec la responsabilité financière. Il affirme que le gouvernement ne croit dans les partenariats et les négociations collectives que dans la mesure où il peut s'assurer que les règles du jeu défavorisent son adversaire.

Si l'option de l'arbitrage exécutoire est retirée, tous les groupes de la fonction publique seront obligés de prendre la voie de la conciliation, donc de la grève, y compris les nombreux groupes qui ne l'ont jamais fait à ce jour. Traditionnellement, nombre de groupes de l'institut préfèrent l'arbitrage exécutoire comme mode de règlement des impasses à la table des négociations. À d'autres occasions, le gouvernement a eu recours au processus de désignation «dans l'intérêt de la sûreté et de la sécurité du public» en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique afin d'interdire à un grand nombre ou à tous les fonctionnaires membres d'un même groupe de prendre part à une grève. Dans ces cas-là, il est impossible d'organiser une grève avec succès.

L'institut est un chaud partisan du droit de grève en tant que moyen parmi d'autres de régler les différends, mais cette option n'est valable et acceptable que dans la mesure où elle permet d'espérer un équilibrage des forces en présence et un partage des risques. La présence simultanée de ces deux éléments oblige les deux parties à négocier sérieusement, afin d'éviter que les négociations échouent et qu'il y ait un arrêt de travail non souhaité. Étant donné la taille et les antécédents de certains groupes et en raison de la capacité de l'employeur d'annuler toute possibilité de grève efficace en recourant au processus de désignation, il n'y a aucun équilibre des forces en présence et aucun risque pour l'employeur. Les règles favorisent uniquement le gouvernement et lui permettront, s'il le veut, de déjouer le processus de négociation et d'imposer un règlement injuste.

L'arbitrage exécutoire est essentiel au maintien d'un équilibre dans le système et à une répartition équitable des risques entre les parties. Pour certains groupes, il représente la seule chance possible d'équité du processus de négociation. Le présent gouvernement veut empêcher les fonctionnaires de demander l'arbitrage exécutoire parce qu'il veut contrôler le résultat de la négociation et assurer la stricte conformité à ses politiques financières. Il veut projeter l'image d'un partisan de la libre négociation collective, d'une part, et il veut faire valoir ses intérêts propres, d'autre part.

Ce qui sert d'assise à cette approche, c'est la peur indue que les arbitres ne tiennent pas compte de l'incidence financière de leurs décisions quant à l'augmentation salariale qu'il convient d'accorder. Rien ne démontre, dans le dossier des sentences arbitrales au fédéral, que l'arbitrage soit un processus anarchique qui ne tient pas compte de la situation financière du gouvernement. En fait, les données sur la période qui s'est terminée juste avant l'imposition d'un nouveau gel des salaires montrent que les augmentations salariales ont toujours été moindres chez les groupes qui privilégient depuis toujours l'arbitrage plutôt que la conciliation.

Selon une étude universitaire récente des tendances en matière de règlement:

Les unités de négociation qui ont privilégié la conciliation entre 1985 et 1990 ont obtenu une augmentation annuelle des salaires de 3,88 p. 100, comparativement à 3,84 p. 100 pour celles qui ont choisi l'arbitrage.

Pour la majorité des groupes, les augmentations consenties par les tribunaux d'arbitrage sont à la remorque de l'inflation, des montants obtenus en dehors de la fonction publique et de la hausse de la moyenne des salaires hebdomadaires selon Statistique Canada. Selon la loi, les conseils d'arbitrage doivent tenir compte d'un ensemble de facteurs avant de prendre une décision et ils n'ont jamais hésité à donner du poids à la politique financière du gouvernement. Au moment où la coopération et le partenariat sont essentiels, cette proposition ne favorise pas le retour de relations de travail équitables et productives.

Ce ne sont pas les raisons qui manquent pour que l'institut se considère en droit de prétendre qu'il n'y a aucun objectif politique d'intérêt général à l'atteinte duquel pourrait contribuer l'élimination de l'arbitrage exécutoire en tant qu'option dans le domaine de la négociation collective au fédéral. Cette option continue d'être offerte dans d'autres fonctions publiques: c'est ainsi que la Public Service Employee Relations Act de l'Alberta, la Loi sur la fonction publique du Manitoba, la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest et la Civil Service Collective Bargaining Act de Nouvelle-Écosse autorisent toutes qu'une partie à un conflit demande un arbitrage exécutoire en cas d'impasse.

Si le gouvernement maintient sa décision de suspendre l'arbitrage exécutoire, d'autres options, sauf l'abandon, devraient être envisagées. Parmi ces options, soulignons l'ajout de la capacité de payer aux facteurs de décision des conseils d'arbitrage, ou encore l'adoption de la formule de l'arbitrage des propositions finales. Ces deux options sont expliquées aux pages 9 et 10 de notre mémoire et je ne vous les présenterai donc pas en détail maintenant.

Un autre point important dont il faut tenir compte est le fait que l'article 19 risque de pénaliser certaines unités de négociation plus que d'autres. En effet, selon la date à laquelle le programme de gel des salaires prendra fin et selon les développements à la table de négociation, les groupes auront, certains une seule, d'autres au moins deux rondes de négociations qui seront régies par les nouvelles règles en vertu desquelles ils ne peuvent demander l'arbitrage.

Ainsi, le groupe Droit de l'institut, qui reprend les négociations le 1er mars 1997, pourrait vivre au moins deux rondes de négociations avant que n'expire la suspension de l'arbitrage. Par contre, le groupe Examen des brevets, qui ne commencera les négociations qu'en mai 1998, n'aura probablement qu'une ronde de négociations durant laquelle l'arbitrage ne sera pas possible.

Le gouvernement avait peut-être l'intention de frapper tout le monde avec la même force en suspendant l'arbitrage pour une période de trois ans, mais, en fait, tout le monde n'est pas traité de la même façon. En effet, les résultats de la négociation ne pourront qu'être inégaux d'une unité de négociation à l'autre.

Il convient de souligner le sort des unités de négociation assujetties à la Loi sur les relations de travail au Parlement, parmi lesquelles deux groupes sont représentés par l'Institut professionnel. L'article 11 de la Loi d'exécution maintient l'arbitrage comme seul mode de règlement des différends auquel peuvent faire appel les employés du Sénat et de la Chambre des communes, mais stipule que

[...] la Commission ne peut, dans ses décisions arbitrales [...], accorder des augmentations de rémunération et d'avantages supérieures, dans l'ensemble, à celles qui sont obtenues après des négociations collectives ou d'une autre façon par une unité de négociation analogue dans la fonction publique [...]

Cette disposition est tout simplement irréaliste, pour ne pas dire irréalisable. Dans les deux unités de négociation représentées par l'institut, les personnes exécutent des tâches spécifiques au milieu législatif. Il n'existe aucune unité analogue dans la fonction publique.

Le mode actuel d'arbitrage en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement ne devrait pas changer.

Si le gouvernement devait aller de l'avant et supprimer l'arbitrage exécutoire, il devrait rendre plus équitable la voie de la conciliation en révisant le mode de désignation des services essentiels et en élargissant l'éventail des questions qui peuvent faire l'objet de négociations.

L'application du processus de désignation constitue l'une des principales causes d'inégalité entre ceux qui choisissent la voie de la conciliation. Par le passé, le gouvernement a réussi, en s'adressant aux tribunaux, à élargir grandement la portée de cette disposition, afin d'empêcher un nombre sans cesse croissant de fonctionnaires de prendre part à une grève légale. Comme nous l'avons déjà mentionné, dans certaines unités de négociation, la majorité ou l'ensemble des membres ont vu leurs postes désignés essentiels à la sécurité du public. Le processus de désignation a pour conséquence finale de bloquer la voie de la conciliation en lui enlevant toute utilité. En l'absence d'une façon plus juste de définir les services essentiels, le gouvernement a beau jeu face à la négociation collective dans un contexte de conciliation.

L'institut est déterminé à défendre le principe de garantie des services vraiment essentiels à la population. Comme le prévoit le Code canadien du travail, les parties devraient négocier sans contrainte un accord de maintien des services essentiels, qui stipulerait le nombre limité de postes qui sont essentiels à la sûreté et à la sécurité publique en cas d'urgence.

L'article 3 du projet de loi C-31 vise à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques afin de permettre au Conseil du Trésor de signer des contrats d'assurance collective et autres programmes d'avantages sociaux. Le motif évoqué au départ par le Conseil du Trésor pour justifier cette modification laissait entendre que c'était la seule façon de permettre au gouvernement d'inscrire les fonds nécessaires à la gestion d'un programme d'avantages sociaux dans un compte séparé du Trésor. Un examen plus attentif de la formulation de la proposition a cependant a amené les représentants syndicaux à se demander si l'article 7.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques n'allait pas plutôt donner plein pouvoir à l'employeur d'établir et de mettre en oeuvre des programmes d'avantages sociaux sans l'obligation de consulter les agents négociateurs, donc unilatéralement.

La réinstauration de l'arbitrage exécutoire et la révision du processus de désignation ne suffiront cependant pas à donner un nouveau souffle aux relations de travail dans la fonction publique. En fait, il faut une révision complète de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, comme nous l'indiquons dans notre mémoire. Nous demandons que le gouvernement entreprenne cette révision afin de créer des liens modernes et réels avec la fonction publique.

Merci de votre attention.

Le sénateur Bolduc: Je me suis un peu occupé autrefois de questions touchant les relations de travail dans la fonction publique. Depuis le début des années 1960, divers gouvernements et syndicats ont essayé de s'entendre sur le meilleur système possible. À cette époque, tout au moins dans notre province, les syndicats demandaient le droit de grève et il y avait des discussions assez animées à ce sujet. Je me rappelle que M. Marchand, qui était alors à la tête de la CCTC, comme on l'appelait...

Le sénateur De Bané: Il avait promis qu'il n'y aurait pas de grève s'il y avait des syndicats.

Le sénateur Bolduc: C'est ce qui s'est fait en 1964 et, en 1965, il y a eu une grève du personnel infirmier à l'hôpital Sainte-Justine de Montréal. L'année suivante, il y a eu une grève générale du personnel infirmier dans tout Montréal. J'en ai vu 8 000 dans le parc juste devant l'hôpital Notre-Dame.

Vous insistez maintenant pour avoir un système d'arbitrage exécutoire. C'est ce que nous proposions à l'époque.

M. Hindle: Nous avons un système d'arbitrage exécutoire.

Le sénateur Bolduc: Je ne comprends pas comment le système de valeurs a changé au cours des 30 dernières années.

M. Hindle: Sans vouloir vous offenser, sénateur, nous ne demandons pas un tel système; nous l'avons déjà. Il est prévu par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique depuis 1967.

Le sénateur Bolduc: Vous ne pouvez plus vous en prévaloir avec cette loi.

M. Hindle: Si le projet de loi C-31 est adopté sous sa forme actuelle, en effet, nous perdrons le bénéfice de ce système pendant trois ans. Au fil des ans il a constitué une solution de rechange par rapport à la conciliation et à l'exercice du droit de grève. Il y a un certain nombre d'employés de la fonction publique dont le rôle est important du point de vue de la sécurité et ils devraient continuer à travailler. Lorsqu'une partie importante de l'unité de négociation à laquelle ils appartiennent est désignée, ils ne peuvent pas entreprendre une grève en ayant le moindre espoir d'influencer réellement le déroulement des négociations. Ils ne peuvent pas se servir du moyen de pression normal qu'a une unité de négociation, le retrait de ses services.

Ce que nous cherchons à obtenir et que l'arbitrage fournit déjà est un moyen d'éviter toute confrontation en ayant accès à une tierce partie chargée de résoudre le conflit survenu à la table de négociation. Le conflit est soumis à une tierce partie qui évalue et examine les deux points de vue et a pour tâche d'essayer d'amener les deux parties à conclure une convention collective à laquelle elles puissent toutes deux souscrire volontairement.

Le sénateur Bolduc: L'autre argument que nous avons invoqué lorsque nous proposions l'arbitrage à cette époque était qu'il fallait imposer certains critères relatifs au respect des limites budgétaires du ministre des Finances. Sinon, la situation risquerait d'échapper à tout contrôle et personne ne pourrait établir de budget -- pas seulement le gouvernement, mais également les hôpitaux, les écoles et l'ensemble de la fonction publique.

Y a-t-il, dans ce projet de loi, des critères applicables à différentes questions, par exemple le fait que le règlement salarial devrait se situer à l'intérieur de certains paramètres?

M. Hindle: Cela figure à l'article 67 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les facteurs qui doivent être pris en considération par un conseil d'arbitrage ou dans une sentence arbitrale sont, notamment, les besoins de la fonction publique en personnel qualifié; les conditions d'emploi dans des postes analogues hors de la fonction publique, notamment les différences d'ordre géographique, industriel et autre qu'il peut juger pertinentes; la nécessité de maintenir des rapports convenables, quant aux conditions d'emploi, entre les divers échelons au sein d'une même profession et entre les diverses professions au sein de la fonction publique; la nécessité d'établir des conditions d'emploi justes et raisonnables, compte tenu des qualités requises, du travail accompli, de la responsabilité assumée et de la nature des services rendus; et tout autre facteur qui, à son avis, est pertinent.

L'expérience montre que, lors de l'arbitrage, on tient compte de la politique financière du gouvernement, sinon de sa capacité de paiement à proprement parler.

Le sénateur Bolduc: J'ai remarqué que vous citiez une étude universitaire récente des tendances en matière de règlement. Il n'est pas fait mention de la date et de la durée d'application de ces règlements, mais on y trouve l'indication suivante:

Les unités de négociation qui ont privilégié la conciliation entre 1985 et 1990 ont obtenu une augmentation annuelle des salaires de 3,88 p. 100, comparativement à 3,84 p. 100 pour celles qui ont choisi l'arbitrage.

Est-ce une tendance qui s'est manifestée des cours des 25, des 20 ou des 10 dernières années?

M. Hindle: Cela montre la situation telle qu'elle était pendant les cinq années en question. Il n'aurait pas servi à grand-chose d'aller jusqu'à 1991, quand la négociation collective elle-même a été suspendue par les conservateurs, décision ensuite prolongée par le gouvernement libéral. Nous citons cette étude à la page 8 de notre mémoire. Elle s'intitulait Dispute Resolution and Self-Selection: An Empirical Examination of the Federal Public Sector, 1971-1982 et ses auteurs étaient Gene Swimmer et Stanley L. Winer. Je pense que tous deux sont de l'Université Carleton. Cette étude a été publiée par un institut spécialisé de l'Université Queen's, l'Industrial Relations Centre, en 1995.

Le sénateur Bolduc: Les contrôleurs du trafic aérien font-ils partie de votre groupe?

M. Hindle: Non. Ils constituent une unité de négociation distincte représentée par l'Association canadienne des contrôleurs du trafic aérien.

Le sénateur Bolduc: Vous représentez ce que l'on appelait traditionnellement les professionnels?

M. Hindle: Nous représentons environ 30 000 employés dans la fonction publique fédérale: des ingénieurs, des avocats, des chercheurs scientifiques, des informaticiens, des vérificateurs et des agents commerciaux.

Le sénateur Bolduc: Ce n'est pas l'institut lui-même qui négocie, mais plutôt les avocats et les ingénieurs?

M. Hindle: L'institut agit au nom de ces unités de négociation. Il y en a 29. La négociation se déroule entre l'institut et l'employeur représenté par le Conseil du Trésor.

Le sénateur Bolduc: Le principal argument invoqué par le gouvernement pour éliminer le processus d'arbitrage est-il de nature financière?

M. Hindle: Pour paraphraser les déclarations relatives aux préoccupations budgétaires émanant de plusieurs personnes travaillant au Conseil du Trésor, le gouvernement ne veut pas d'une sentence arbitrale dépassant ses moyens. Il ne veut pas qu'un arbitre prévoie un rattrapage salarial reflétant les six années de contrôle des salaires imposées par la voie législative. Il reconnaît que ce qu'il fait depuis six ans a fait perdre du terrain aux fonctionnaires. Il veut éviter qu'un arbitre ne leur permette de regagner ce terrain perdu.

Le sénateur Bolduc: En ce qui concerne le libellé proposé pour l'article 7.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques, vous semblez penser qu'il accorde des pouvoirs plus étendus à l'employeur et lui permet de mettre quelque chose sur pied, mais peut-être est-ce ce qui se fait pour le personnel non syndiqué. Est-ce une possibilité?

M. Hindle: Cela s'applique à l'ensemble de la fonction publique.

Le sénateur Bolduc: Il n'y a pas de distinction entre les employés non syndiqués et les autres?

M. Hindle: Non, il n'y a pas de distinction. Les syndicats étaient d'accord pour que l'employeur soit habilité à mettre de l'argent de côté indépendamment du Trésor afin de pouvoir administrer les programmes en question. Nous ne nous attendions cependant pas à un projet de loi lui conférant des pouvoirs aussi étendus. Il peut maintenant modifier les programmes dont on a discuté et sur lesquels on s'est entendu au Conseil national mixte. Si ce projet de loi est adopté, le Conseil du Trésor pourra apporter des modifications sans consulter les syndicats et les agents négociateurs concernés ni négocier avec eux. C'est ce qui nous inquiète.

Le sénateur Bolduc: En fait, la seule option que vous avez est la grève.

M. Hindle: Nous ne pouvons pas faire grève à propos d'une question relevant du Conseil national mixte. À la page 20 de notre mémoire, nous avons proposé une disposition dont le libellé pourrait être:

Les paragraphes 7.1(1) et 7.2(2) n'autorisent pas le Conseil du Trésor à mettre en oeuvre un programme d'assurance collective ou d'avantages sociaux à l'intention des fonctionnaires représentés par un agent négociateur accrédité selon la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, à moins d'obtenir par écrit l'accord de l'agent négociateur.

C'est simplement un autre palier de contrôle en vertu duquel le gouvernement devra négocier ou s'entendre avec les gens qui représentent les employés concernés.

Le sénateur Stratton: Pourquoi le gouvernement agit-il ainsi?

M. Hindle: La question s'est posée de savoir si les fonds d'un programme pourraient être utilisés pour son administration, par exemple pour créer le centre chargé de traiter les réclamations et d'effectuer les paiements, c'est-à-dire pour couvrir les coûts liés au programme en veillant à ce que l'utilisation des fonds fasse l'objet d'un contrôle adéquat. La question s'est posée de savoir s'il était légal d'agir ainsi en l'absence de toute habilitation expresse à séparer cet argent du reste des deniers publics. Voilà la principale raison pour laquelle cela figure ici.

Le sénateur Stanbury: Vous avez commenté la raison pour laquelle l'arbitrage exécutoire serait éliminé et dit qu'un arbitre ne ramènerait pas tous les gens au niveau où ils auraient été sans le gel des salaires. Cela m'amène à me demander où ils en seraient tous maintenant. Les sénateurs n'ont pas reçu d'augmentation depuis environ huit ans. La plupart des gens du secteur privé s'en tirent beaucoup moins bien qu'autrefois. Je ne sais pas comment qui que ce soit pourrait déterminer ce que devrait être le niveau actuel. C'est le seul commentaire que je ferai. Avez-vous des critères vous permettant de déterminer ce niveau?

M. Hindle: C'est le conseil d'arbitrage qui devrait déterminer cela et je suis sûr que cette décision dépendrait de l'unité de négociation concernée. Nous représentons le groupe des avocats. Il y a, en dehors de la fonction publique, un groupe analogue de gens qui pratiquent le droit dans notre pays. Nous pourrions faire des comparaisons relativement à leur éventail de salaires et à son évolution dans le temps.

Dans d'autres domaines, cela serait un peu plus difficile, en particulier pour comparer, par exemple, les salaires des chercheurs scientifiques. Ceux de la fonction publique sont syndiqués, mais ceux de l'extérieur ne le sont pas. Il y aurait donc peut-être des problèmes à cet égard, mais c'est quelque chose dont le conseil d'arbitrage devrait discuter et à quoi il devrait réfléchir. Le Conseil du Trésor présenterait certainement une série de statistiques et nous en ferions autant. On finirait par trouver une solution de compromis.

Pour en revenir au commentaire antérieur, si l'honorable sénateur souhaite qu'une intervention...

Le sénateur Stanbury: Il y a une différence. Si vous faisiez grève, il y aurait probablement quelqu'un qui s'en rendrait compte.

Le sénateur Kelly: Cela me rend un peu perplexe. Vous avez reconnu qu'un arbitre serait tenu de prendre en considération les objectifs financiers du gouvernement dans sa décision. Dans le même souffle, il y a un instant, vous avez dit, et c'est très logique, que vous chercheriez à faire des comparaisons avec d'autres entreprises où travaillent des professionnels. Cela me paraît aller quelque peu au-delà de la position très logique du gouvernement qui doit gérer ses activités et régler ses problèmes. On constate actuellement, dans l'ensemble du secteur privé, que les entreprises qui obtiennent de bons résultats peuvent traiter leurs employés professionnels d'une certaine façon. Les entreprises qui ont de moins bons résultats ou des problèmes plus graves ne peuvent pas faire tout à fait la même chose.

J'essaie de voir comment votre système pourrait fonctionner en prenant en considération les problèmes que rencontre le gouvernement pour essayer d'améliorer les choses du point de vue financier. Je ne sais pas comment cela pourrait fonctionner.

Vous devez reconnaître que la position du gouvernement est, de son point de vue, très logique quand il essaie de maintenir un certain contrôle dans le cadre des activités dont il a la responsabilité.

M. Hindle: Certainement. Un conseil d'arbitrage devrait prendre cela en considération.

Le sénateur Kelly: Mais le ferait-il nécessairement?

M. Hindle: L'expérience montre que c'est apparemment le cas. On ne connaît aucun cas où un conseil d'arbitrage aurait fait fi des capacités de paiement ou de la politique financière du gouvernement. Les sentences arbitrales reflètent étroitement la politique financière gouvernementale telle qu'énoncée par le ministre des Finances et donc la capacité de paiement du gouvernement.

À notre avis, c'est simplement un autre facteur dont le conseil d'arbitrage doit tenir compte en rendant sa sentence, de la même façon qu'il doit prendre en considération le marché extérieur pour les gens possédant certaines compétences. Il doit prendre en considération la capacité du gouvernement à conserver ou à recruter les gens dont il requiert les services pour fournir des services à la population.

Le sénateur Kelly: Si l'arbitre commet une erreur, quelles en sont les conséquences? Je sais ce que vous voulez dire et je comprends votre point de vue, mais j'essaie de l'examiner dans l'optique particulière du secteur public.

D'abord, le gouvernement n'embauche pas grand monde par les temps qui courent.

M. Hindle: Dans certains secteurs, le gouvernement est à la recherche de personnel spécialisé, sénateur.

Le sénateur Kelly: Vu le gel des salaires et les conditions de travail qui les attendent, est-ce que les gens sont découragés et ne posent même pas leur candidature? Y a-t-il des gens qui postulent un emploi?

M. Hindle: Le gouvernement a quelques problèmes pour ce qui est de certaines professions et de certaines compétences extrêmement spécialisées. On considère de façon générale que la fonction publique n'est pas nécessairement un milieu de travail très attrayant. J'ai lu récemment, dans un journal, les résultats d'un sondage selon lequel la majorité des fonctionnaires n'opteraient pas pour la fonction publique s'ils devaient faire leur choix maintenant.

Le sénateur Kelly: En fait, les gens n'ont pas grand choix. Il n'y a guère d'emplois disponibles où que ce soit.

M. Hindle: Les temps sont difficiles, c'est vrai. Un arbitre ou un conseil d'arbitrage prendrait sans aucun doute cela en considération. L'employeur aborde également cette question comme s'il n'avait aucun recours face à une sentence arbitrale. On a déjà vu le Parlement annuler des sentences arbitrales, en suspendre l'application ou les modifier. Le gouvernement a un dernier recours si la sentence rendue par un conseil d'arbitrage est tout à fait irréaliste ou lui paraît irréaliste; il peut en référer au Parlement.

Le Parlement a déjà fait cela par le passé; la dernière fois, c'était en 1991, à propos d'une toute petite unité de négociation de la côte ouest, les chefs d'équipe de chantiers maritimes. Notre propre groupe d'avocats était là lorsque la sentence arbitrale a été rendue et ensuite annulée par une mesure législative en 1991. Le Parlement finit toujours par avoir le dernier mot.

Le sénateur Forest: Quand vous avez discuté avec le gouvernement de cette suspension de l'arbitrage pendant trois ans, comment a-t-il justifié sa décision?

M. Hindle: Il craignait qu'un conseil d'arbitrage n'accorde un rattrapage salarial; en fait, ses raisons se résumaient à cela.

Le président: La situation sera-t-elle pire dans trois ans?

M. Hindle: Selon la façon dont fonctionnera la négociation collective quand nous la pratiquerons à nouveau, cela pourrait être pire. Nous arriverons peut-être aussi à nous rapprocher du niveau qui nous paraît adéquat. Cela reste à voir.

Le sénateur Stratton: Si vous me le permettez, je vais vous donner quelques preuves par ouï-dire. Le Centre national de lutte contre la maladie est en cours d'installation à Winnipeg. Il y a des entreprises pharmaceutiques et d'autres établissements de recherche à Winnipeg qui emploient des chercheurs scientifiques du même genre que ceux de ce centre, mais dans le secteur privé.

Ce qui inquiète concrètement les entreprises de Winnipeg spécialisées dans la recherche est que les salaires risquent d'augmenter considérablement dans le secteur privé à cause du niveau des salaires de la fonction publique, c'est-à-dire ceux des chercheurs employés par ce centre. Cela reste une chance extraordinaire pour Winnipeg; ne vous méprenez pas sur le sens de mes propos. Néanmoins, c'est une préoccupation très concrète.

On nous parle de cette crainte de voir disparaître le recours à l'arbitrage. Le secteur privé pense, me semble-t-il, à tort ou à raison, que l'arbitrage est en fait plus favorable aux employés qu'à l'employeur. C'est peut-être simplement une impression mais les impressions reposent souvent sur des faits réels.

Voulez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Hindle: Je confirmerai, sénateur, que certains ont bien cette impression. Je vous indiquerai également que les entreprises pharmaceutiques de Winnipeg qui s'inquiètent ont des employés non syndiqués. Voilà un autre fait réel. Elles veulent que le gouvernement les aide à maintenir leur masse salariale à un bas niveau.

Le sénateur Stratton: C'est comme cela qu'elles restent concurrentielles; c'est particulièrement nécessaire face à la concurrence de pays comme la Chine. Elles essaient de créer au Canada un secteur spécialisé dans ce domaine tout en faisant face à la concurrence des salaires extrêmement bas versés aux employés en Chine. Peu importe que les employés soient syndiqués ou non; ce qui me préoccupe est la possibilité de survivre dans un secteur où la concurrence vient de pays comme la Chine.

M. Hindle: Notre pays pourrait fort bien rester concurrentiel en devenant lui-même un pays du tiers monde. Si c'est la voie que choisit le gouvernement, c'est dans cette situation que finira par se retrouver notre pays.

Le sénateur Stratton: Je ne crois pas un mot de cela. Il me semble que notre pays reste à l'avant-garde en mettant au point des technologies nouvelles dans le secteur de la recherche. D'autres pays nous rattrapent de ce côté-là. Néanmoins, la vente et la fabrication proprement dites d'un produit doivent rapporter un profit pour financer la recherche et le développement. Les entreprises veulent faire cela au Canada et l'argent qu'elles gagnent leur sert à financer la recherche et le développement pour maintenir leur avance sur le plan technologique.

Ces entreprises craignent pour le maintien de cet équilibre dans leurs efforts pour conserver leur avance sur les pays du tiers monde qui rattrapent rapidement leur retard dans les technologies de pointe. Ils ne sont pas aussi loin derrière nous que nous aimerions le croire et cela inquiète vivement nos entreprises.

M. Hindle: Je trouve étrange que des entreprises qui se disent guidées par le marché -- vous parlez du marché chinois et des possibilités là-bas -- ne considèrent pas le gouvernement fédéral comme faisant lui aussi partie de ce marché.

Nous avons constaté au fil des ans que les employeurs voudraient gagner sur les deux tableaux. Ils disent que le recours à la conciliation et à la grève est l'option normale pour régler les conflits concernant les gens travaillant à l'extérieur du gouvernement; les employés devraient tous se trouver dans cette situation et les syndicats veulent toujours le droit de grève alors, puisque les employés ont le droit de grève, les employeurs pensent qu'ils peuvent supprimer l'arbitrage.

Ils oublient toutefois de tenir compte de l'étape suivante. À l'extérieur de la fonction publique, la portée de la négociation est tout à fait différente. Toutes les questions peuvent être débattues âprement quand on entame la négociation d'une convention collective. À l'extérieur du gouvernement fédéral, on peut négocier les procédures de dotation et le classement des postes. On n'est pas limité par des lois comme la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui impose des limites très étroites et des règles très rigoureuses. Elle ne définit pas simplement des conditions générales. Elle fournit des réponses aux problèmes. Elle établit des règles très strictes relativement à ce que l'on peut ou ne peut pas faire.

Il en va de même avec la Loi sur la gestion des finances publiques. En tant qu'employeur, le gouvernement ne veut pas faire preuve de logique en passant à l'étape suivante, c'est-à-dire devenir un véritable employeur et affronter toutes les questions auxquelles un employeur doit faire face lors des négociations. En 1967, il a présenté la loi imposant les contraintes auxquelles il est maintenant assujetti. Il a présenté une loi prévoyant la possibilité de résoudre les différends par l'arbitrage. Maintenant, 30 ans plus tard, il essaie de supprimer cette possibilité.

Le sénateur De Bané: Il est indéniable qu'en valeur absolue, vos salaires ont été gelés, comme ceux des députés, depuis cinq ou six ans. La situation a donc empiré par rapport aux cinq ou six années précédentes.

Cela dit, il n'en reste pas moins que dans n'importe quelle ville de ce pays, le fait de travailler pour le gouvernement fédéral constitue un énorme privilège. Aujourd'hui, comme vous le savez, contrairement à la période où j'ai terminé mes études à l'université, la plupart des emplois sont temporaires. On parle de plus en plus d'une main-d'oeuvre occasionnelle. Je connais des avocats qui cherchent à travailler comme gardiens de sécurité pour le Sénat parce qu'ils ne peuvent pas trouver de travail. Voilà la situation.

Deuxièmement, comme vous le savez, au cours des 10 dernières années, le fardeau fiscal supporté par chaque contribuable de notre pays a fortement augmenté.

Troisièmement, les services gouvernementaux, les pensions, les prestations diverses diminuent.

Vu la gravité extrême de la situation, ne pensez-vous pas qu'il peut être justifié de dire qu'on ne peut pas recourir à l'arbitrage exécutoire pendant cette période parce qu'il présente un grave défaut, les considérations monétaires et financières seront évaluées par des gens qui n'ont aucun compte à rendre aux contribuables de notre pays? C'est le principal défaut de l'arbitrage exécutoire.

Je comprends tout ce que vous avez dit, mais je me permets de vous dire que travailler pour le gouvernement fédéral est aujourd'hui un énorme privilège. Nous savons tous que, étant donné les compressions pratiquées par le gouvernement, les chances de trouver un emploi dans la fonction publique sont inexistantes. Les gens sont mis à pied; le gouvernement n'embauche pas. C'est une tragédie. Que va-t-il advenir de nos jeunes diplômés universitaires?

Je voulais vous présenter l'autre vision des choses. Je sais que vos salaires sont gelés depuis plusieurs années. Je comprends tout cela, mais on réexamine maintenant ce à quoi ont droit beaucoup de gens.

M. Hindle: Comme vous l'avez dit, sénateur, de moins en moins de gens jouissent de ce privilège à cause des compressions gouvernementales. Tant qu'il en sera ainsi, il y aura de plus en plus de gens qui vont connaître de vives inquiétudes. Les employés de la fonction publique sont en proie à une terrible incertitude.

Vous avez parlé du fardeau fiscal de plus en plus lourd supporté par les Canadiens moyens. Les salaires de la fonction publique n'ont rien à voir avec ce problème; c'est dans les programmes gouvernementaux que les véritables dépenses se font. À mon avis, vous pourrez constater que les salaires des employés de la fonction publique représentent une part beaucoup plus petite du budget. Ils correspondent probablement à 10 ou 12 p. 100 du budget fédéral, compte tenu des Forces armées et de la GRC.

Oui, les services offerts aux Canadiennes et aux Canadiens diminuent. L'une des raisons en est la démoralisation de la fonction publique. C'est ce qui se passe chaque fois qu'on impose un contrôle des salaires à des gens, surtout un gel pendant cinq des six dernières années.

J'aimerais souligner que les raisons invoquées pour l'application du programme six et cinq au milieu des années 1980 était que l'inflation était incontrôlable, que les règlements salariaux étaient trop élevés, que le marché connaissait une surchauffe et que le gouvernement devait faire quelque chose pour rétablir la situation. Quel argument faut-il privilégier? Allez-vous imposer votre volonté au marché quand il surchauffe ou quand il est complètement éteint? Pourquoi vous mêlez-vous de ça de toute façon? Pourquoi essayez-vous de toucher à ce qui devrait être un processus libre et transparent de négociation collective entre un employeur et ses employés? Pourquoi faut-il imposer quoi que ce soit aux parties? Elles peuvent sûrement se rendre à la table de négociation, tenir compte des problèmes liés à la gestion de cette organisation, qu'ils soient de nature politique, administrative ou financière, et en arriver à une entente qui soit bonne pour les deux parties et dont elles puissent s'accommoder.

Nous sommes d'avis que les négociations ont un objectif, qui est de parvenir à s'entendre sur un contrat, une convention collective négociée entre les parties. Nous ne voulons pas nous adresser à une tierce partie. Nous ne voulons pas avoir recours à une tierce partie si ce n'est pas nécessaire. Il en va de même pour les gens qui optent pour la conciliation et la possibilité de faire grève; ils ne choisissent pas ce système parce qu'ils veulent faire grève.

Le sénateur Lavoie-Roux: À la page 7 de votre mémoire, vous exprimez votre inquiétude au sujet de la possibilité de voir le gouvernement élargir la portée de la notion de services essentiels. Pouvez-vous me dire ce qu'on entend actuellement par «services essentiels»?

M. Hindle: L'employeur doit désigner les postes qu'il considère essentiels à la sécurité de la population canadienne. Il rencontre l'agent négociateur qui représente ces employés pour discuter des postes en question. Le plus souvent, ils arrivent à s'entendre au moins partiellement sur les postes qui sont ou non essentiels.

Par exemple, en 1990, le Groupe de la gestion des systèmes d'ordinateurs avait choisi la conciliation avec possibilité de grève. Nous avons eu des discussions avec l'employeur au sujet des postes qui devaient continuer d'être occupés en cas d'arrêt de travail. En fin de compte, nous sommes arrivés à un accord sur la désignation d'environ 10 p. 100 de ces postes. Depuis le moment où nous avons pris les premières mesures de grève le 26 février 1991 jusqu'à celui où la grève a pris toute son ampleur en septembre, ces gens-là ont dû travailler même si leurs collègues du même édifice ou du même service étaient en grève. Ils devaient continuer à se présenter au travail.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pourquoi craignez-vous qu'on en élargisse l'application si l'arbitrage exécutoire est abandonné?

M. Hindle: Je vais vous donner un exemple qui concerne notre groupe des sciences infirmières. La dernière fois que ce groupe a choisi la conciliation/grève, 112 p. 100 de ses membres ont été désignés comme essentiels. L'employeur a pu en désigner plus de 100 p. 100 parce qu'il a déclaré qu'absolument tous les postes correspondants existants dans la fonction publique fédérale étaient essentiels, y compris des postes qui n'avaient pas été dotés, des postes vacants ou des postes qui n'étaient pas occupés par leurs titulaires parce qu'ils étaient en congé d'invalidité à long terme. L'employeur a dit que les postes non dotés ou dont les fonctions n'étaient remplies par personne étaient néanmoins essentiels. S'ils étaient si essentiels, pourquoi étaient-ils vacants? Bon nombre d'entre eux n'étaient pas vacants à court terme mais l'étaient depuis longtemps et n'avaient pas été dotés.

Si un groupe est désigné à 112 p. 100, ses membres ne peuvent pas mener une grève efficace. Ils ne peuvent pas retirer leurs services; ils doivent aller au travail. Comment régler un différend quand on a choisi la conciliation et la possibilité de grève si on n'a pas d'autre option et si on n'a pas légalement le droit de retirer ses services? Voilà la situation.

Les membres de notre groupe de la météorologie sont désignés comme essentiels dans une très large proportion dépassant probablement 80 p. 100. Les conditions météorologiques sont très importantes dans notre pays. Elles le sont pour les agriculteurs, les pêcheurs ou toute personne qui navigue sur les Grands Lacs.

Le problème avec les désignations est qu'il n'y a pas de mécanisme efficace. Le moyen de pression économique normal qui joue en faveur des employés lors des négociations est le retrait de leurs services. Ce système donne au gouvernement la possibilité de dire «non». Il en est ainsi à cause d'une décision prise au début des années 1980 au sujet de l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien, l'ACCTA. L'ACCTA avait demandé aux tribunaux de se prononcer sur les désignations. En fait, ils ont déclaré que c'est à l'employeur -- le gouvernement -- qu'il appartient de déterminer ce qui est essentiel à la sécurité du public.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est quelque chose que vous craignez, mais pas quelque chose qui va se produire. Chaque gouvernement provincial a des services essentiels.

Je pense que tous les membres du personnel infirmier, à part ceux qui ont un emploi administratif et répondent au téléphone, fournissent un service essentiel.

M. Hindle: L'entente sur les services essentiels conclue avec la province a été négociée entre l'employeur provincial et le syndicat. Ils se sont réunis et ont désigné ensemble les postes essentiels. Voilà ce que nous cherchons à obtenir.

Le sénateur Bolduc: Je suis encore perplexe devant une question qui se posait en termes identiques il y a 30 ans. Je deviens peut-être trop vieux. Vous nous dites fondamentalement que, dans la négociation, les deux parties sont sur un pied d'égalité. Nous savons que ce n'est pas vrai. Le gouvernement ne peut être sur un pied d'égalité avec personne. En fin de compte, il faut bien que quelqu'un gouverne le pays. Voilà pourquoi j'ai toujours été en faveur de l'arbitrage. J'ai toujours pensé que, dans la fonction publique, qui est un service spécial, il devrait y avoir l'arbitrage avec des lignes directrices et des paramètres définis par une loi.

L'une des difficultés posées par ces paramètres était la façon d'évaluer la sécurité d'emploi dans la fonction publique par rapport à la loi du marché, qui s'impose parfois de façon brutale dans le secteur privé. Nous le savons tous. Parfois, les gens perdent leur travail dans la fonction publique.

J'ai travaillé dans les deux secteurs, et il n'y a pas de comparaison. Il faut en tenir compte. Comment évaluez-vous la sécurité d'emploi? Vaut-elle 10 p. 100, 12 p. 100 ou 15 p. 100? Vaut-elle plus lorsque le taux de chômage atteint 10 p. 100 dans le pays? Vaut-elle moins quand il est de 5 p. 100?

Le sénateur De Bané: Elle est sans prix.

Le sénateur Bolduc: Cela rend la tâche des arbitres très difficile.

Le gouvernement du Québec a donné le droit de grève aux membres de la fonction publique de la province. Cela s'est fait parce qu'en 1964, un arbitre a décidé d'accorder aux employés d'un hôpital plus qu'ils n'avaient demandé. L'affaire était réglée; et ensuite, nous leur avons donné le droit de grève. À mon avis, c'était une mauvaise décision parce que nous avons eu tellement de grèves. De 1964 à 1972 ou 1973, nous avons eu un grand nombre de grèves. C'était une façon peu civilisée de travailler, en particulier dans les hôpitaux.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ils ne peuvent plus faire grève.

Le sénateur Bolduc: Je continue de penser que l'arbitrage est la meilleure façon de régler les situations de ce genre.

M. Hindle: Ce que le sénateur Bolduc vient de dire confirme mes propres idées. Je me serais attendu à ce que le gouvernement retire le droit de grève aux employés de la fonction publique au lieu de leur donner l'accès à l'arbitrage exécutoire.

Le président: Merci beaucoup, M. Hindle, M. McIntosh et Mme Lecours.

Les témoins suivants sont M. Bill Krause et Marvin Gandall. Vous pouvez commencer.

M. Bill Krause, président, Association des employé(e)s de sciences sociales: Au nom des membres de l'Association des employé(e)s de sciences sociales, je voudrais vous remercier de nous donner cette occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui.

Nous espérons que le comité se penchera avec beaucoup d'attention sur le projet de loi C-31, notamment dans les domaines où le gouvernement, en tant qu'employeur, essaie de s'accaparer certains pouvoirs relevant du Parlement tout en cherchant à restructurer la négociation collective pour encourager les confrontations inutiles aux dépens des employés gouvernementaux et du service à la population.

Ce projet de loi est manifestement un paradigme par lequel le gouvernement et ses hauts fonctionnaires essaient de réduire les avantages sociaux et les salaires dans la fonction publique. Il atteindra ses fins en prenant des décrets et en abolissant l'arbitrage par une tierce partie.

Nous ne nous faisons bien entendu aucune illusion au sujet des intentions du gouvernement. Toutefois, dans le passé, il avait des comptes précis à rendre au Parlement quand il cherchait à réduire nos avantages sociaux et à geler nos salaires. Nous avons toujours eu la possibilité de faire de même pour expliquer nos préoccupations devant ce comité. Or, ce projet de loi crée de nouveaux précédents en empêchant de fait le Parlement d'exercer, comme c'est son rôle, un contrôle sur les activités du gouvernement en tant qu'employeur. Il donnerait de fait au gouvernement le pouvoir de dicter les règlements salariaux et les conditions de travail de ses employés en suspendant le recours à l'arbitrage. À elle seule, cette mesure susciterait une confrontation inutile entre la direction et les syndicats, ce qui ne peut que nuire à la qualité du service fourni à la population, quelle que soit l'issue des négociations.

Je voudrais maintenant citer certaines dispositions de ce projet de loi qui confirment ce point de vue.

En premier lieu, il modifie l'article 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques de telle façon que le Conseil du Trésor peut, par un simple décret, modifier la directive sur le réaménagement des effectifs en ce qui concerne la diversification des modes d'exécution des services. Cette disposition vise à retirer les prestations relatives à l'ajustement de la main-d'oeuvre aux membres des syndicats qui ne sont pas prêts abandonner volontairement ces droits. Les paragraphes 6 et 7 sont destinés à permettre à l'employeur d'arracher des concessions aux agents négociateurs. Nos membres ont été menacés par des fonctionnaires du Conseil du Trésor et par son président parce que nous ne renoncions pas à nos droits à cet égard. Une telle conduite est en contravention avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ce qui est pire, on se sert du Parlement pour punir les employés qui ne sont pas prêts à renoncer volontairement à leurs droits et on applique une telle mesure par décret afin d'empêcher le Parlement d'exercer à l'avenir un contrôle sur les détails précis de la diversification des modes d'exécution des services.

Nous recommandons que ces deux paragraphes soient supprimés et que l'article soit rédigé différemment. Si l'employeur souhaite modifier la directive sur le réaménagement des effectifs, il devrait respecter la procédure à laquelle il a souscrit dans le cadre de la création du Conseil national mixte.

Deuxièmement, nous sommes préoccupés par la modification proposée au Code canadien du travail, plus précisément par le paragraphe 47.2. C'est une nouvelle disposition qui donne à l'employeur le pouvoir d'annuler par décret les droits du successeur lorsqu'il juge qu'une application de ces droits est contraire à l'intérêt public. Encore une fois, nous pensons qu'il est éminemment souhaitable que le Parlement puisse exercer un contrôle à cet égard. En outre, même si le Parlement souhaitait déléguer son autorité à des hauts fonctionnaires, il n'existe aucun critère objectif ni aucun mode de recours permettant aux employés de contester la décision de l'employeur.

Nous recommandons la suppression de ce nouvel article du Code canadien du travail afin que le gouvernement ait à traiter avec le Parlement quand il désire supprimer les droits du successeur. Si, par ailleurs, le Parlement souhaite accorder ce pouvoir à des hauts fonctionnaires, il faudrait prévoir des critères ou des lignes directrices explicites ainsi qu'une procédure de recours.

Troisièmement, notre principal sujet de préoccupation est le fait que le projet de loi C-31 suspend le recours à l'arbitrage. C'est l'élément le plus surprenant et le plus troublant de ce budget. En suspendant l'arbitrage, le gouvernement s'engage dans une confrontation inutile avec ses employés qui risque d'entraîner des arrêts de travail ou une grève massive semblable à celle qui s'est produite en 1991.

En disant qu'il ne peut pas courir le risque de laisser des arbitres indépendants accorder des augmentations de la rémunération incompatibles avec son cadre financier, le gouvernement fait tout à fait fausse route. Depuis près de deux décennies, les augmentations salariales accordées aux fonctionnaires sont en moyenne inférieures à celles de leurs homologues du secteur privé et à l'augmentation du coût de la vie. Les sentences arbitrales ont toujours été modestes et inférieures au taux d'inflation. Quand celui-ci dépasse de peu 1 p. 100, il est manifeste que l'augmentation de la rémunération des employés du gouvernement ne menace nullement le cadre financier du gouvernement.

De toute évidence, l'arbitrage présente des avantages aussi bien pour la direction que pour les employés. Les employés ont réellement peur qu'un arbitre ne leur retire certains avantages alors que la direction craint qu'un arbitre n'accorde un avantage dont elle n'est pas prête à s'accommoder. Grâce à cette crainte commune, les parties à la négociation restent calmes, raisonnables, évitent la confrontation et parviennent généralement plus rapidement à une entente au lieu qu'un règlement ne leur soit imposé. Tout ceci se déroule sans aucune perturbation des services publics.

Alors, pourquoi l'employeur cherche-t-il à suspendre l'arbitrage pour les trois prochaines années? Il sait fort bien que les arbitres, bien que peu enclins à des changements importants, sont généralement prêts à retirer des conventions collectives des dispositions figurant de longue date. En revenant tardivement à la négociation collective et en supprimant l'arbitrage, le gouvernement tente en fait de retirer des avantages acquis en cherchant la confrontation. Cela ne peut se traduire que par une agitation de la part des employés, des baisses de productivité et pourrait favoriser une nouvelle grève généralisée.

En conséquence, nous recommandons que soit retiré du projet de loi le nouvel article 62 qu'il est proposé d'ajouter à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Toutefois, s'il est nécessaire de limiter la portée de l'arbitrage, il serait certainement facile d'établir des lignes directrices relatives à la prise en considération de la rémunération dans le secteur privé ou du coût de la vie.

Quatrièmement, le paragraphe 7.1 proposé pour la Loi sur la gestion des finances publiques accorderait sans aucune restriction à l'employeur le droit de déterminer les termes et conditions de tous les programmes relatifs aux avantages sociaux, notamment en ce qui concerne les prestations, les primes, le mode de contribution et la gestion des programmes. À l'heure actuelle, nos avantages sociaux ne sont pas touchés lorsque l'employeur et les agents négociateurs se retrouvent dans une impasse relativement à une question relevant du Conseil national mixte. Cet amendement permettra à l'employeur de réduire unilatéralement n'importe quel programme d'assurance ou d'avantages sociaux. Cette mesure va de pair avec la suppression des avantages acquis et enlèverait toute utilité au Conseil national mixte.

Des représentants du Conseil du Trésor nous ont récemment fait savoir qu'ils n'avaient pas l'intention d'éliminer des avantages sociaux et de nuire au bon fonctionnement du Conseil national mixte. À les entendre, cet amendement était nécessaire pour que les dépenses d'administration et de gestion puissent être couvertes à même les différents programmes d'avantages sociaux sans passer par le Parlement. S'il en est ainsi, nous recommandons que l'alinéa 7.1(1) proposé soit amendé afin que le Conseil du Trésor ne puisse intervenir que sur recommandation du Conseil national mixte. Ceci préservera la collaboration entre les syndicats et le patronat relativement aux programmes d'avantages sociaux tout en accordant au Conseil du Trésor la souplesse qu'il désire au plan administratif.

Pour finir, le projet de loi C-31 ne suspend pas l'arbitrage pour les employés du Parlement. Toutefois, le gouvernement propose de modifier l'article 53 de la Loi sur les relations de travail au Parlement afin que les sentences arbitrales reflètent la rémunération et les avantages des unités analogues de la fonction publique. Ceci permet une extension du processus de suppression des droits acquis même en cas d'arbitrage. En conséquence, nous recommandons le retrait des amendements proposés à l'article 53 de la Loi sur les relations de travail au Parlement.

Il y a certains domaines dans lesquels nous ne sommes guère en désaccord avec la démarche suivie par le gouvernement dans ce projet de loi. Les modifications apportées aux pensions constituent par exemple une amélioration opportune. Il s'agit notamment de l'augmentation de la transférabilité, des changements apportés à la période d'acquisition des droits, de la nouvelle prestation constituant la valeur de transfert, de l'extension du champ d'application des régimes de pensions et de la disposition relative au taux d'intérêt calculé pour le remboursement des contributions. Toutes ces mesures sont les bienvenues.

Pour conclure, toutefois, même si nous sommes d'accord sur certains points, les éléments les plus fondamentaux et les plus essentiels de cet ensemble de mesures législatives nous inquiètent fortement. Le pouvoir dont jouit le gouvernement en tant qu'employeur devrait être assujetti à un examen plus approfondi de la part du Parlement pour ce qui est des détails précis de la diversification des modes d'exécution des services. Le recours à des décrets pour régler ce genre de questions établit un précédent dangereux en transférant des pouvoirs appartenant au Parlement et en permettant à l'employeur d'imposer des concessions contractuelles sous la menace de procéder par décret.

Le Parlement doit s'assurer que les employés du gouvernement sont traités de façon juste et raisonnable et avec respect et que la prestation de services de qualité au public ne sera pas perturbée. Cela veut dire qu'il faut éviter des confrontations et des arrêts de travail inutiles en ménageant la possibilité du recours à l'arbitrage exécutoire.

Le sénateur Stratton: Vous avez parlé de vos homologues du secteur privé; qui sont ces gens-là?

M. Krause: Premièrement, je parlais des employés du gouvernement fédéral que nous représentons, c'est-à-dire les économistes, les sociologues, les statisticiens, les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement et le groupe de soutien des sciences sociales. L'expérience que nous avons acquise en travaillant avec eux -- c'est-à-dire quand nous avons préparé nos mémoires dans le cadre d'une procédure d'arbitrage --, nous a montré que les taux de rémunération étaient plus élevés dans le secteur privé pour les groupes concernés que nous représentons.

Nous avons également examiné l'inflation. Pour vous donner un exemple, au cours des 15 dernières années, l'inflation a réduit, en moyenne, le pouvoir d'achat de nos membres de 35 p. 100. Voilà le retard que leurs salaires ont pris par rapport au taux d'inflation.

Le sénateur Stratton: Cela veut-il dire que leurs salaires sont maintenant inférieurs de 35 p. 100 à ceux du secteur privé?

M. Krause: Ils sont de 35 p. 100 inférieurs en valeur absolue à ce qu'ils étaient il y a 15 ans.

Le sénateur Stratton: J'ai compris. Je pense que tout le monde a été frappé de la même façon. Vous n'êtes pas les seuls dans ce cas.

Vos homologues du secteur privé sont-ils censés être tous syndiqués?

M. Krause: Pas nécessairement. Ce sont des économistes qui travaillent dans diverses institutions financières, qui ont des postes de responsabilité dans de grandes maisons de courtage, qui travaillent dans de grandes entreprises. Ils sont généralement salariés.

Le sénateur Stratton: Je suis d'accord, car le secteur privé a également tendance à manquer de personnes hautement qualifiées dans ces domaines.

Pourquoi l'amendement 7.1 que vous nous avez recommandé d'adopter ne l'a-t-il pas été à l'autre endroit? Vous en a-t-on donné les raisons?

M. Krause: Non. J'ai soulevé cette question lors d'une réunion que nous avons eue la semaine dernière avec des représentants du Conseil du Trésor. Lors des premières séances d'information sur ce projet de loi, on ne nous l'a jamais souligné. Franchement, c'est déjà une chose qui nous a beaucoup déplu. Toutefois, ils nous ont expliqué qu'il n'y avait rien là de secret et qu'ils avaient seulement l'intention de couvrir les frais d'administration et de gestion reliés aux différents programmes. Nous leur avons demandé pourquoi, si c'était cela qu'ils voulaient, le projet de loi allait si loin. Ils nous ont dit qu'ils n'en savaient rien et qu'il leur faudrait le demander à leurs avocats.

Toutefois, de la façon dont il est libellé, il accorde des pouvoirs extrêmement étendus à l'employeur et rend le Conseil national mixte inutile. Nous avons donc proposé que les pouvoirs du Conseil du Trésor à cet égard soient assujettis à une recommandation du Conseil national mixte quand la direction et les syndicats auront trouvé ensemble des solutions relativement à la façon de gérer ces programmes.

Le sénateur Stratton: Cela me rappelle le projet de loi C-7. En fait, le gouvernement vous dit: «Faites-nous confiance. Nous n'avons pas l'intention de nous en servir, mais il faut que vous nous fassiez confiance pour cela».

M. Krause: Les pouvoirs sont là. On le comprend facilement quand on le lit.

Le sénateur Lavoie-Roux: Au cours des 15 dernières années, combien de fois le gouvernement a-t-il dû faire appel à l'arbitrage exécutoire pour régler des négociations?

M. Krause: Je répondrai au nom de notre groupe. Mes souvenirs ne portent pas sur l'ensemble de ces 15 années, mais je me rappelle deux sentences arbitrales au cours des 10 dernières années. Depuis qu'elles ont été rendues, nous avons réussi chaque fois, d'une façon ou d'une autre, à trouver une solution à la table de négociation. Nous avons eu à peu près trois séries de négociations au cours desquelles nous sommes parvenus à un accord. Nous avions choisi l'arbitrage, mais la direction et le syndicat l'ont évité et ont trouvé des solutions à nos problèmes.

L'existence de l'arbitrage préoccupe les deux parties. Nous craignons toujours que l'arbitre ne nous retire certains avantages, de la même façon que la direction craint toujours que l'arbitre ne nous donne quelque chose qu'elle ne veut pas que nous obtenions. Les faits montrent que nous parvenons généralement à nous entendre beaucoup plus rapidement que d'autres groupes et nous sommes prêts à nous accommoder de ce que nous obtenons. Les choses se sont passées de façon raisonnable. Notre groupe n'a fait aucun arrêt de travail; nous choisissons l'arbitrage depuis 20 ans.

M. Marvin Gandall, directeur exécutif, Association des employé(e)s de sciences sociales: C'est globalement exact. Nous avons participé pour la dernière fois à un arbitrage en 1984.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis ici depuis cinq ou six ans, je ne connais donc pas tous les éléments. Lors de ces arbitrages exécutoires, vous rappelez-vous avoir entendu le gouvernement dire soudain: «Cela dépasse nos plans financiers de tant»?

M. Krause: Le gouvernement ne nous a jamais laissé entendre que les sentences arbitrales allaient au-delà de son cadre financier. Je pense que sa prise de conscience du cadre financier est un phénomène récent.

Le sénateur Lavoie-Roux: Si j'ai bien compris, le groupe qui vous précédait a dit que l'intention du gouvernement était d'abolir l'arbitrage exécutoire.

M. Krause: De nous retirer des avantages acquis.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le gouvernement craignait que le premier arbitrage exécutoire ne compense les pertes ou l'arriéré. Qu'est-ce que cela donnerait par rapport au secteur privé?

M. Krause: S'il craignait véritablement que la sentence arbitrale n'ordonne un rattrapage, il pourrait régler ce problème en assujettissant la décision à n'importe quel facteur financier ou économique de son choix. S'il disait par exemple qu'aucune sentence arbitrale accordée au cours d'une année quelconque ne devra dépasser le taux de l'inflation, nous saurions immédiatement que l'arbitre ne pourra pas nous accorder plus de 1,4 p. 100. L'affaire serait réglée. On peut conserver l'arbitrage tout en prenant des dispositions pour en limiter la portée.

Je pense que vous devez vous poser la question suivante: «S'il pouvait en limiter la portée et le faire dans des conditions raisonnables sans inquiéter personne, pourquoi a-t-il choisi cette voie?» La réponse est que les arbitres ne retirent pas des dispositions existant de longue date dans les conventions. Par exemple, l'employeur pourrait, un beau jour, vouloir restructurer la fonction publique de façon à ne plus avoir de postes de durée indéterminée. Les conventions collectives accordent généralement à nos membres le droit de recevoir une description de tâches exacte et complète. Je suis convaincu que la prochaine fois que je vais participer à des négociations dans les conditions actuelles, je constaterai que le gouvernement propose de modifier cette clause ou de la supprimer complètement. Je vais perdre ce droit.

Mes membres jouissent de certains autres droits à propos desquels l'employeur va dire: «Attendez un instant, les dispositions relatives à l'interdiction du harcèlement sur les lieux de travail me créent des difficultés. Je veux aussi rendre cette clause moins stricte pour que cela me coûte également moins cher.»

Je suis quelque peu préoccupé par l'article 7 qui concerne les programmes d'avantages sociaux. Je pense que, de façon générale, le gouvernement souhaite dépenser moins et va éliminer des avantages en matière d'assurance dentaire, d'assurance- médicaments et d'assurance-maladie.

Je pense qu'il veut se débarrasser de l'arbitrage dans le seul but de s'en prendre à d'autres éléments couverts par les négociations collectives qui sont importantes pour lui. Si, d'une façon ou d'une autre, il peut empêcher nos membres de déposer des griefs ou d'interjeter des appels, il pourra également réduire ses coûts et rendre ses décisions plus contraignantes. J'ai tendance à croire qu'il va chercher également à faire cela. La seule raison pour laquelle on veut se débarrasser d'un arbitre est parce qu'on veut pouvoir imposer ses conditions à la table de négociations.

Le sénateur Lavoie-Roux: La raison officielle n'est qu'une partie de la vérité.

M. Krause: On peut régler les questions économiques dans le cadre de l'arbitrage. Le gouvernement élimine l'arbitrage dans un autre but.

Le sénateur Stanbury: Monsieur le président, je me méfie toujours un peu des théories qui voient le diable partout. Je ne suis donc pas sûr d'accepter ce que déclare notre témoin.

J'ai toujours eu énormément de respect pour notre fonction publique. Je pense que nous avons beaucoup de chance. J'étais ravi quand elle a reçu ces droits en matière de négociation collective et, de façon générale, je pense qu'elle en a fait usage de façon très responsable au fil des ans. J'ai, en général, tendance à l'appuyer et j'aimerais pouvoir être utile.

Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème en disant que cela vient de la prise de conscience récente du cadre financier, mais cela va beaucoup plus loin que ce dont vous avez parlé. Le fait de limiter simplement les sentences au niveau de l'inflation ne tient pas compte de tous les gens qui ont dû abandonner des avantages sociaux importants au cours de ces quelques dernières années.

La question qui se pose est vraiment simple, c'est celle qu'a mentionnée tout à l'heure le sénateur De Bané, la sécurité de l'emploi dans la fonction publique. Il me semble que les circonstances sont très différentes de ce qu'elles étaient il y a cinq ou dix ans, tout au moins avant qu'on ne commence notamment à geler les salaires et le gouvernement doit prendre ce qui vous paraît des mesures extrêmes pour essayer de maîtriser le coût des activités gouvernementales.

M. Krause: Prenons les coûts reliés à l'emploi. Si ma mémoire est bonne, même avec les compressions, nos salaires, en incluant les avantages sociaux, se monteront à environ 10 milliards de dollars.

Si nous nous retrouvons avec une augmentation massive de 1 p. 100 des salaires, cela fera 100 millions de dollars. Le gouvernement doit dépenser environ 160 milliards de dollars par an. On peut économiser beaucoup plus que sur les salaires chaque fois qu'on fait baisser les taux d'intérêt de 1 p. 100; vu notre dette nationale, chaque point de pourcentage représente des économies de 2 milliards de dollars.

On discute de cela depuis toujours, mais il ne peut y avoir qu'une réponse. Les salaires que verse le gouvernement ne représentent pas une partie importante de ses dépenses. Ils correspondent approximativement à 10 milliards de dollars sur 160 milliards de dollars.

Le sénateur Stanbury: Mais cela établit de grandes orientations pour le pays, indépendamment de la fonction publique.

M. Krause: C'est une question économique d'une importance primordiale. Si vous voulez dire que la tâche principale du gouvernement est de sabrer les salaires et les avantages sociaux et de réduire le coût de la main-d'oeuvre pour que le secteur privé en fasse autant, je vois à cela deux conséquences logiques: une augmentation des profits des actionnaires et une récession débouchant probablement sur une sévère dépression.

La confiance des consommateurs fait cruellement défaut dans notre pays, elle est mise à l'épreuve par le fait que les salaires et les avantages sociaux des gens de la classe moyenne ne sont franchement pas très brillants dans la conjoncture actuelle.

Chaque fois que nous retirons plus d'argent à des gens qui, sinon, le dépenseraient, nous compromettons la création et les perspectives d'emploi. Cela dépend de savoir jusqu'où vous voulez que nous allions dans cette chute vertigineuse. À un moment donné, les gens vont finir par se réveiller. Le gouverneur de la Banque du Canada a lancé le premier avertissement il y a moins d'un mois en disant que nous courons le risque de nous laisser entraîner dans une dépression si nous appliquons une telle politique de restrictions. Il s'inquiétait également dans une certaine mesure du fait que la confiance des consommateurs, nécessaire pour édifier une économie saine et créer des emplois, fait défaut.

Retirer de l'argent aux gens qui travaillent durement n'est pas la bonne façon d'encourager la confiance des consommateurs et de créer une atmosphère telle que ces derniers dépensent leur argent sans inquiétude.

Le sénateur Stanbury: Cette disposition ne retire pas nécessairement de l'argent aux gens qui travaillent durement. Elle porte sur la procédure utilisée pour déterminer leur salaire et leurs avantages sociaux. Dans les circonstances, il est éminemment justifié de contrôler très étroitement ces choses-là.

M. Krause: Je soutiens que, par leur nature même, les circonstances imposent ce contrôle. L'inflation est très faible; la modération est à l'ordre du jour. Regardez les règlements obtenus par les travailleurs dans les négociations en cours; les augmentations annuelles sont inférieures à 1 p. 100 aussi bien du côté du gouvernement que du secteur privé.

Il n'y a pas grand souci à se faire au sujet de ce qui nous attend même sans l'arbitrage. Le gouvernement a la situation financière bien en main. À mon avis, il supprime l'arbitrage parce qu'il voudrait, à terme, restructurer la fonction publique; ce qui l'en empêche, ce sont les diverses clauses des conventions collectives. Il souhaite transformer la fonction publique.

J'ai discuté longuement avec la présidente de la Commission de la fonction publique. Pour elle, la fonction publique devrait être caractérisée par la compétence de ses membres; il y aurait peu de postes de durée indéterminée et le personnel, engagé à contrat et sans garantie d'emploi, se renouvellerait continuellement. Les seules personnes à avoir une telle garantie sont des gens comme elle qui ont des contrats de huit ou 10 ans.

Quoi qu'il en soit, voilà comment elle conçoit la fonction publique. De toute évidence, nos conventions collectives sont un obstacle à l'atteinte de cet objectif. Elles garantissent certaines procédures fondées sur la nature des postes et les descriptions de tâches. C'est quelque chose que ne peuvent pas accepter les dirigeants actuels de la fonction publique parce qu'ils ont maintenant en tête un modèle différent.

Au lieu de discuter ouvertement de ce modèle, ils mettent maintenant en place un ensemble d'éléments pour préparer ce dont ils auront besoin plus tard pour réaliser un modèle de ce genre. Cette démarche repose sur l'élimination de nombre des avantages sociaux que nous accordent nos conventions collectives, car ils contrecarreraient leur plan. Ils voudraient donc se débarrasser de l'arbitrage parce qu'aucun arbitre ne supprimera ces clauses.

Le président: Expliquez-moi ceci: vous avez dit quelque chose au sujet de la confiance des consommateurs et des salaires et vous avez parlé du fait que les augmentations de salaires rendront les consommateurs plus confiants, ce qui sera bon pour l'économie. Or, en simplifiant les choses à l'extrême, si on vous verse plus d'argent, cet argent est retiré de la poche de quelqu'un d'autre. Quelle différence y a-t-il entre le fait que cet argent reste entre les mains des contribuables qui peuvent le dépenser à leur guise ou le fait qu'il reste entre vos mains et que cela vous rapporte plus?

M. Krause: Ce n'est pas si simple. Il y a ce qu'on appelle les multiplicateurs. Parfois, quand les gens commencent à dépenser de l'argent, l'augmentation correspondante de la demande amène les entreprises à embaucher des gens qu'ils n'auraient pas embauchés autrement parce qu'ils doivent répondre à cette demande. C'est ce qu'on appelle un multiplicateur.

Le principal avantage en est que les gens ainsi embauchés cessent de toucher l'assurance-chômage ou l'assistance sociale et se mettent également à consommer. Ils commencent à dépenser un petit peu. Ils n'auraient pas pu dépenser plus si ces autres gens n'avaient pas eu un peu plus d'argent. Ces nouvelles dépenses auront à leur tour un effet et créeront un peu plus d'emploi. Voilà ce qui assure la croissance de l'économie nationale.

Le président: Quand un agriculteur achète un produit et sème du blé, il produit quelque chose qui n'existait pas auparavant. Il commercialise et dépense l'argent qu'il a gagné.

Quand on prend de l'argent aux contribuables, cela crée également des multiplicateurs. Moins ils paient d'impôt, plus ils ont foi dans le système. Ils produisent de la richesse au lieu de fournir un service comme des soins de santé. Quelle différence y a-t-il? L'effet de multiplication ne serait-il pas plus important si le gouvernement laissait l'argent dans les poches des contribuables au lieu de le prélever pour couvrir ses dépenses?

M. Krause: Ceux qui pourraient le mieux répondre à cette question sont les fonctionnaires des finances qui gèrent ce modèle fiscal et étudient ces questions. J'ai tendance à penser qu'il faudrait trouver un juste équilibre entre les intérêts des contribuables, ceux des travailleurs et ceux de la population dans son ensemble. C'est le travail des représentants politiques élus.

C'est une question complexe. Je ne veux nullement dire que les contribuables ne devraient pas en tirer d'avantages. Je pense que l'arbitrage ne représente aucun danger pour le cadre financier. Il y a toujours la possibilité de légiférer certaines limites pour garder le contrôle de la procédure d'arbitrage. Tant que cette procédure peut être maintenue et que la rémunération des employés de la fonction publique ne représente qu'une si faible partie des dépenses du gouvernement, ce projet de loi ne menace pas les contribuables ni ne compromet la bonne gestion des affaires financières.

Le sénateur Stratton: Cette disposition doit s'appliquer pendant trois ans. Nous nous sommes apparemment adonnés fortement à la boisson depuis le début des années 1970 jusqu'au milieu des années 1980 et nous avons commencé à faire abstinence à la fin des années 1980 et pendant les années 1990. Il nous faudra 15 ou 20 ans pour nous remettre de nos excès. Espérons que, d'ici la fin de cette période de trois ans, nous serons parvenus à équilibrer le budget ou que nous serons très près de le faire. C'est notre objectif.

On vous demande, comme à nous, de vous accommoder de cela pendant encore environ trois ans. À mon avis, ce n'est pas grand-chose. C'est une période brève. Je m'inquiéterais seulement si le gouvernement essayait d'en faire une situation permanente.

Je m'intéresse à l'amendement concernant le paragraphe 7.1 qu'il est proposé d'ajouter à la Loi sur la gestion des finances publiques. Je vous ai demandé pourquoi il n'avait pas été adopté à l'autre endroit. Avez-vous un exemplaire de cet amendement?

M. Krause: J'ai le projet de loi devant moi. Le paragraphe 7.1 se lit comme suit:

(1) Le Conseil du Trésor peut établir des programmes d'assurances collectives ou d'autres avantages pour les employés de l'administration publique fédérale, fixer les conditions et modalités qui leur sont applicables, notamment en ce qui concerne les primes et cotisations à verser, les prestations et les dépenses à effectuer sur celles-ci ainsi que la gestion, le contrôle et la vérification des programmes [...] et verser les primes et cotisations.

On donne ainsi toute latitude au Conseil du Trésor d'administrer ces programmes comme bon lui semble.

Le sénateur Stratton: Voulez-vous que cet article soit supprimé?

M. Krause: Si les gens du Conseil du Trésor sont sincères quand ils expliquent qu'ils ont besoin d'une certaine souplesse administrative pour couvrir les frais de choses comme la formation, l'administration et la gestion à même les programmes, sans avoir à passer devant le Parlement, je proposerais que l'on ajoute «sur recommandation du Conseil national mixte, le Conseil du Trésor peut [...]»

À l'heure actuelle, c'est ce qui se passe. Le Conseil national mixte, qui regroupe la direction et les syndicats, se réunit et s'entend sur certaines dispositions de ces programmes. Si nous nous trouvons dans une impasse et que nous n'arrivons pas à en sortir, le programme existant reste en vigueur et nous ne le modifions pas. Nous nous en accommodons. Les deux parties proposent des changements; quand nous tombons d'accord, nous les appliquons. C'est un système qui a bien fonctionné jusqu'à présent. Cet article donnerait apparemment des pouvoirs unilatéraux à un des partenaires. À mon avis, le Conseil national mixte, qui existe depuis 50 ans, ne servirait apparemment plus à rien.

Le sénateur Stratton: Je peux comprendre pourquoi vous voulez cet amendement. Vous avez dit, par exemple, au sujet des avantages sociaux que les prestations des régimes d'assurance dentaire et d'assurance-médicaments pourraient être diminuées.

M. Krause: C'est une possibilité.

Le sénateur Stratton: Les employés du gouvernement contribuent à ces programmes. Est-ce que la contribution du gouvernement est d'un montant égal?

M. Krause: Je ne pense pas que ces contributions soient toujours égales, non. Je ne pense pas qu'elles soient égales en ce qui concerne l'assurance-médicaments.

Le sénateur Stratton: Est-ce les contributions qui maintiennent ce plan dans le noir ou craint-on que, au fur et à mesure que nous vieillissons, la forte augmentation de la demande ne le mette dans le rouge? Est-ce peut-être la raison pour laquelle ils font cela?

M. Krause: Non. Je leur ai demandé pourquoi ils le faisaient. Ils m'ont dit: «Nous voulons couvrir toutes nos dépenses d'administration à même le budget de ces programmes sans avoir à nous adresser au Parlement chaque fois que nous avons des frais d'administration et de gestion.» Nous leur avons demandé s'il était légal de couvrir ces dépenses à partir de fonds extérieurs à ces programmes. Ils nous ont dit qu'ils prenaient cette mesure pour remédier à ce problème juridique. J'ai déclaré: «Vous vous êtes donné beaucoup plus que ça», ce à quoi ils ont répondu: «Oh». Ils n'ont pas été sincères, si telle était leur intention.

Le sénateur Stratton: Ont-ils été sincères au sujet de la question de l'assurance dentaire ou de l'assurance-médicaments?

M. Krause: Non, ils n'ont pas été sincères au sujet du libellé très général de cet article.

Le président: Merci, monsieur Krause et monsieur Gandall.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Alliance de la Fonction publique du Canada.

Vous pouvez commencer.

M. Daryl Bean, président national, Alliance de la Fonction publique du Canada: Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous avoir invités à participer à son étude du projet de loi C-31.

Comme les membres du comité le savent, l'AFPC a eu l'occasion de comparaître devant le comité des finances de l'autre endroit il y a un mois. À cette occasion, nous avons proposé 10 amendements au projet de loi C-31, qui avaient pour but de rendre équitables les aspects de la loi relatifs aux relations de travail et de corriger ce qui, selon nous, étaient des erreurs sérieuses inhérentes au projet de loi. Notre voix n'a pas été entendue, avec le résultat regrettable que votre comité n'a été saisi d'aucun de nos amendements. En fait, à une ou deux exceptions près, le gouvernement n'a même pas reconnu l'existence de nos recommandations.

Au lieu de reconnaître ou de débattre le caractère légitime de nos arguments, le gouvernement en a profité, pendant que le projet de loi C-31 est à l'étude à la Chambre et au Sénat, pour continuer à prendre à partir l'AFPC pour ne pas avoir volontairement agréé aux dispositions législatives du projet de loi. Il a profité de ce temps pour énoncer les pénalités qui seront imposées à l'alliance et à ses membres pour avoir eu le courage de dire non.

En janvier, nous avons dit non à un ensemble de changements apportés à la directive sur le réaménagement des effectifs, aux termes desquels plusieurs travailleurs du secteur public fédéral vont perdre leur droit à la sécurité d'emploi. Nous avons dit non à un ensemble de changements à la directive sur le réaménagement des effectifs, aux termes desquels plusieurs travailleurs du secteur public fédéral vont subir une réduction salariale allant jusqu'à 15 p. 100, ou perdre leur emploi sans compensation. Nous avons dit non à un ensemble de changements à cette directive, aux termes desquels les avantages, y compris les droits à la pension, peuvent être éliminés sans recours.

Bref, nous avons dit non à des changements qui sont nettement, et de façon non équivoque, préjudiciables à la sécurité d'emploi et à la sécurité économique de nos membres.

La réponse du gouvernement a été vive et précise. Le budget de février 1995 annonçait formellement son intention de donner suite par voie législative aux changements à la directive sur le réaménagement des effectifs, changements qui avaient été rejetés par l'AFPC.

Le budget de 1996, et l'introduction subséquente du projet de loi C-31, n'étaient rien de moins qu'insidieux. À notre avis, le projet de loi dont votre comité est saisi est un abus de pouvoir qu'on ne peut et qu'on ne doit pas laisser passer sans protester. Plus précisément, ce que le gouvernement fait par l'entremise du projet de loi C-31, c'est de rédiger à nouveau les dispositions de conventions collectives signées.

J'ajouterai, en passant, que le Sénat a certainement été quelque peu préoccupé par les événements entourant les accords sur l'aéroport Pearson, ce qui n'est pas très différent de ce qui se passe maintenant.

Le fait que le gouvernement actuel et que les gouvernements précédents ont agi ainsi auparavant n'arrange pas les choses. Bien plus, l'attitude du gouvernement actuel vis-à-vis les conventions collectives signées est déjà assez mauvaise en soi, mais l'abus de pouvoir ne s'arrête pas là.

Le gouvernement a bien fait comprendre que les syndicats fédéraux qui n'étaient pas d'accord avec ses projets d'amendement seraient pénalisés. Si je ne m'abuse, le projet de loi C-31 constitue la première fois qu'un gouvernement tente d'obtenir l'appui des syndicats affectés en faveur de ses mesures, et pénalise inconsciemment, délibérément et publiquement les syndicats qui ont refusé de coopérer avec lui.

Au début de cette semaine, j'ai fourni aux membres de votre comité une copie du mémoire sur le projet de loi C-31 que l'AFPC a présenté au comité permanent des finances de la Chambre des communes. Compte tenu des limites de temps, je n'ai pas l'intention d'aborder, dans le présent énoncé, toutes les questions que l'alliance a présentées au comité de la Chambre.

Ceci dit, je suis tout à fait disposé à répondre à vos questions au sujet des recommandations spécifiques que nous avons proposées et même du processus qui a abouti à l'introduction du budget et de la loi d'autorisation.

Le but de ma présence ici, aujourd'hui, est de bien faire comprendre que l'AFPC n'acquiescera pas. Malgré les tentatives du gouvernement pour nous gagner à sa cause et pénaliser nos membres, nous ne signerons pas le projet du gouvernement. Nous allons continuer à lui dire non. À la place, nous allons lutter pour veiller à ce que toutes les questions ayant trait à la sécurité d'emploi et à la sécurité du revenu des membres de l'AFPC soient abordées au cours de la prochaine ronde de négociations collectives.

Dans le temps qui reste à ma disposition, je vais exposer les dernières mesures du gouvernement, législatives et autres, qui ont trait à la sécurité d'emploi, et je vais préciser comment l'AFPC entend aborder la situation.

Comme je l'ai déjà dit à d'autres reprises devant ce comité, les membres du Sénat ont un rôle important à jouer dans les rapports entre le gouvernement et ses effectifs. Par le passé, vous avez exigé que le gouvernement rende compte de ses actions. Je vous exhorte à le faire de nouveau.

Les cinq dernières années ont été excessivement difficiles pour les travailleurs du secteur public fédéral. Nous avons amorcé la décennie en nous préparant pour la négociation collective et nous avions un mandat ferme de nos membres de tous les coins du pays. Les membres de l'AFPC ont fait front commun comme jamais auparavant et ils ont bien fait comprendre que les négociations de 1991 devraient aborder, de façon concrète, trois questions.

Tout d'abord, nos membres ont dit clairement au gouvernement que le processus de négociation devait régler le déclin en salaires réels qu'ils avaient subi au cours de la décennie précédente.

Deuxièmement, le gouvernement devait mettre fin à ses tactiques dilatoires et à ses mesures évasives en ce qui a trait au salaire égal pour des fonctions équivalentes et il fallait que l'équité salariale devienne une réalité dans la fonction publique fédérale.

Troisièmement, il fallait garantir la sécurité d'emploi. Comme l'histoire le démontrera, le gouvernement avait d'autres idées. Plutôt que de négocier, le gouvernement a annoncé un programme de contrôle salarial de trois ans qu'il fallait accepter ou qui, autrement, serait imposé par voie législative.

En outre, le gouvernement a refusé d'aborder l'équité salariale pendant la ronde de négociations de 1991. Bien qu'il ait consenti à discuter de la sécurité d'emploi, il a refusé de le faire dans le contexte du processus formel de la négociation collective. Au contraire, il a participé à de vastes discussions avec l'AFPC, qui ont donné lieu à l'intégration d'une directive révisée sur le réaménagement des effectifs dans les conventions collectives de l'AFPC, en décembre 1991.

Les révisions convenues à la directive sur le réaménagement des effectifs furent la seule amélioration tangible à la convention collective que l'AFPC ait pu obtenir au cours de la ronde de négociations de 1991. Malgré ce qui est rapidement devenu une grève générale des membres de l'AFPC, le gouvernement a refusé de négocier, et il a éventuellement mis fin à la grève au moyen d'une loi de retour au travail qui imposait une convention collective de deux ans.

Il faut souligner ici que le gouvernement avait accepté des changements à la directive sur le réaménagement des effectifs, qui comprenaient une offre d'emploi raisonnable qu'il tente actuellement de supprimer par l'entremise du projet de loi C-31. Dans des circonstances normales, les changements à la Directive sur le réaménagement des effectifs dont il avait été convenu et qui avaient été intégrés aux conventions collectives en 1991 auraient dû demeurer en vigueur jusqu'à la négociation de nouvelles conventions collectives ou jusqu'à ce que les changements aient été convenus mutuellement. Malgré ce fait, le projet de loi C-31 marque la seconde fois que le gouvernement a eu recours à son pouvoir législatif de façon importune pour éroder les droits des travailleurs fédéraux en vertu de la directive sur le réaménagement des effectifs de 1991.

De nombreux membres de mon syndicat sont encore bouleversés par l'assaut budgétaire de 1995 sur leur sécurité d'emploi. Aux termes du projet de loi C-76, les travailleurs du secteur public fédéral qui exercent dans les ministères soi-disant «les plus touchés» vont continuer à être menacés par la perte de leur sécurité d'emploi pendant les deux prochaines années. En vertu du projet de loi C-31, on ne sait combien d'autres travailleurs fédéraux vont perdre leur sécurité d'emploi également. La différence entre les deux amendements, c'est que celui de 1995 vise à éliminer près de 45 000 emplois au cours d'une période de trois ans, tandis que le budget de 1996 a pour but de faciliter ce qu'on appelle des modes différents de prestation des services.

Autrement dit, aux termes de l'amendement de 1995, les emplois devaient simplement disparaître, tandis qu'aux termes de l'amendement de 1996, les emplois vont être transférés à d'autres organismes du gouvernement ou au secteur privé.

Il faut que les membres du Sénat comprennent que, bien que le gouvernement ait discuté publiquement des modes différents de prestation des services pendant près de neuf mois, nous ne savons toujours pas qui sera directement touché. Le gouvernement a déclaré à l'AFPC et aux autres syndicats fédéraux qu'il songe à transférer entre 60 et 80 activités du gouvernement; cependant, quatre seulement ont été identifiées à ce jour. Trois de ces activités, notamment l'inspection des aliments, la perception des recettes et les parcs, ont été nommées dans le budget, tandis qu'on peut deviner la quatrième dans l'offre du 30 mai 1996 que le gouvernement a faite aux provinces en ce qui a trait à la formation de la main-d'oeuvre.

Et, même lorsque le gouvernement désigne effectivement un organisme ou une activité qu'il compte transférer, les détails qu'il fournit sont insuffisants. Ils sont insuffisants pour les travailleurs qui seront peut-être touchés, ils sont insuffisants pour permettre un débat parlementaire convenable, et ils sont insuffisants pour le grand public.

Il est instructif de remarquer également que, bien que le projet de loi C-31 accorde au gouvernement la capacité législative de transférer les travailleurs sans respecter les procédures et les processus établis dans les conventions collectives et dans la directive sur le réaménagement des effectifs, il passe sous silence les genres de dispositions de transfert auxquelles le gouvernement songe. En fait, le projet de loi donne au gouvernement le pouvoir de transférer les travailleurs dans n'importe quelle condition qu'il décide.

Nous croyions initialement que le gouvernement allait s'en tenir aux trois types de transferts qu'il a exposés au cours des rencontres avec l'AFPC avant le budget du 6 mars. C'est-à-dire, les transferts de type 1, qui maintiennent les soi-disant avantages principaux et la convention collective, et les transferts de type 2, qui sont semblables à ceux du type 1, sauf que le salaire moyen pourra être de près de 15 p. 100 de moins que la masse salariale avant le transfert. Les transferts de type 1 et de type 2 seront considérés comme une offre d'emploi raisonnable, forçant essentiellement les travailleurs à transférer ou à perdre leurs droits en vertu de la directive sur le réaménagement des effectifs.

Le troisième type de transfert, ou type 3, ne sera pas considéré comme une offre d'emploi raisonnable, mais les travailleurs qui transféreront recevront moins de 85 p. 100 de leur salaire actuel ainsi qu'un ensemble d'avantages réduits considérablement. Toutes ces mesures doivent être mises en place au moyen d'une série d'amendements à la Loi sur la gestion des finances publiques, à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et au Code canadien du travail, amendements qui sont contenus dans la partie 1 du projet de loi C-31.

Lorsqu'on songe aux diverses options, il est important, je crois, que les membres du comité comprennent que ces options sont permanentes, qu'elles sont reliées et destinées à faciliter une série non spécifiée de modes différents de prestation des services et de transfert.

[Français]

Madame Nycole Turmel, première vice-présidente de l'Alliance de la Fonction publique: Dans notre mémoire au comité de la Chambre, nous avons regroupé les amendements sous quatre rubriques: autorisation des licencier; modifications de la directive sur le réaménagement des effectifs; indemnité de départ; et, droits du successeur.

Compte tenu des limites de temps, je ne puis rendre justice aux questions en cause et je vais donc limiter mes remarques à une question, soit celle de la pénalité législative imposée aux membres de l'alliance et d'autres syndicats qui ont refusé d'accepter volontairement le programme du gouvernement au regard de la Directive sur le réaménagement des effectifs.

Une fois que le projet de loi C-31 sera adopté, la directive sur le réaménagement des effectifs sera définie comme ayant été acceptée par les parties ou imposée aux termes du projet de loi C-31 ou de toute autre loi. Ce changement va modifier fondamentalement la nature de la Direction de réaménagement des effectifs et accorder au Conseil du Trésor un pouvoir presque total en ce qui a trait aux changements subséquents.

Bref, la directive de réaménagement des effectifs peut être changée par accord entre le gouvernement et les syndicats représentant ces travailleurs, ou par décision arbitraire du gouvernement.

Plus précisément, l'article 5(4) du projet de loi C-31 propose de modifier l'article 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques afin de permettre au Conseil du Trésor de changer de façon arbitraire la directive de réaménagement des effectifs, lorsque le gouvernement ne peut obtenir un accord avec un ou plusieurs groupes de négociation. Cette disposition vise à exécuter la menace du gouvernement, pénaliser l'alliance pour ne pas avoir consenti aux transferts d'emplois du gouvernement dans le cadre des modes différents de prestation des services.

Bien que le gouvernement ait dit clairement dès le début qu'il avait l'intention de pénaliser l'alliance et d'autres syndicats fédéraux pour avoir refusé d'accepter volontairement ses changements à la directive sur le réaménagement des effectifs, il a attendu jusqu'à la fin de la journée avant de faire savoir au comité de la Chambre quelle allait être cette pénalité.

Lors de sa comparution devant le comité des finances de la Chambre des communes, le 14 mai 1996, Jean-Claude Bouchard, sous-secrétaire, Direction des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor, a déclaré que les membres de l'Alliance qui déclinent une offre d'emploi en vertu du type 1 et du type 2 des situations de modes différents de prestation des services recevront un préavis de trois mois au lieu des quatre mois qui seront accordés aux employés dont les syndicats ont accepté le programme de la Directive des réaménagement des effectifs.

En outre, le supplément salarial offert aux membres de l'Alliance qui sont transférés à un taux de rémunération inférieur en vertu des transferts de type 2 sera de douze mois au lieu des dix-huit mois qui seront versés aux autres travailleurs.

Il n'y a aucune façon charitable de décrire l'action du gouvernement à cet égard. Elle est, à n'en point douter, mesquine et vindicative. De plus, cela imposera un fardeau financier additionnel à certains travailleurs fédéraux, à un moment où ils sont le plus vulnérables.

Pour ces raisons seulement, le paragraphe 4 de l'article 5 du projet de loi C-31 devrait être retiré. Toutefois, les questions en cause sont plus fondamentales que l'attaque dont l'Alliance et nos membres font l'objet. Cette disposition législative déborde le cadre de ce qui devrait être considéré comme une action appropriée du gouvernement dans une société civilisée. À notre avis, c'est offensant à l'extrême.

Si votre comité et le Sénat permettent que le gouvernement adopte cette disposition, vous allez implicitement souscrire à une mesure qui vise à intimider l'Alliance et nos 150 000 membres. D'autres organisations et d'autres membres de la société trouveront la disposition alarmante également, parce qu'elle peut servir ailleurs pour intimider les gens et les forcer à accepter volontairement les initiatives gouvernementales qui sont contraires à leurs propres meilleurs intérêts.

Les membres de votre comité devraient comprendre également que le chantage se poursuit à ce jour. Le gouvernement a dit que les membres de l'alliance recevraient le préavis et les suppléments salariaux en vertu des situations de modes différents de prestation des services de type 2, si l'alliance acceptait le programme de la directive sur le réaménagement des effectifs avant l'adoption du projet de loi C-31.

Comme je l'ai déjà indiqué, l'alliance ne donnera pas son accord à ce programme. Nous allons toutefois prendre des moyens pour que la pénalité imposée à nos membres soit supprimée.

Plus tard cette année, les membres de l'alliance vont participer à des conférences sur la négociation, au cours desquelles ils vont établir les questions que nous allons poursuivre pendant la prochaine ronde de négociations collectives. Je puis assurer aux membres de votre comité que la sécurité d'emploi et la directive sur le réaménagement des effectifs seront des questions principales au cours des négociations, et qui doivent être abordées, si l'on veut qu'il y ait un semblant de paix syndicale.

Je puis vous assurer également que, même si je n'ai pas la prérogative de fixer les revendications particulières, je vais communiquer avec tous les groupes de négociation de l'alliance au cours des prochains mois et profiter de cette occasion pour parler en faveur d'une série de revendications visant à supprimer la pénalité relative au préavis et au supplément, qui doit être imposée aux membres de l'alliance transférés en vertu de modes différents de prestation des services de type 2.

Je m'attends tout à fait à ce que nos membres fassent de cette question une priorité au cours des négociations et je prédis que la victoire vindicative du gouvernement sera de courte durée.

Avant de terminer, j'aimerais dire quelques mots au sujet de quelques-unes des autres questions abordées dans la partie 1 du projet de loi C-31.

À chaque occasion depuis que le budget a été déposé, le 6 mars 1996, le gouvernement n'a rien ménagé pour se féliciter lui-même d'avoir annoncé que la Loi sur la rémunération du secteur public prendra fin tel que prévu lorsque les conventions collectives prolongées par voie législative viendront à expiration au cours de la prochaine année.

L'alliance se réjouit du retour de la négociation collective, mais nous ne sommes pas trop heureux de la façon dont le gouvernement procède. Bien que les problèmes face à l'approche du gouvernement soient nombreux, deux questions, qui montrent que le retour de la négociation collective est tout, sauf libre, ressortent et méritent une attention particulière.

Tout d'abord, le gouvernement n'a rien fait pour éliminer les restrictions de la Loi sur la rémunération du secteur public en ce qui a trait à la négociation de la sécurité d'emploi et des dispositions de réaménagement des effectifs.

Deuxièmement, le retour de la négociation collective est amoindri pour bien des travailleurs, parce que le gouvernement a l'intention de supprimer l'arbitrage comme méthode de règlement des différends offerte aux groupes de négociation.

Pour ce qui est de l'arbitrage, le gouvernement savait sûrement qu'il a traditionnellement désigné un nombre suffisant de certaines unités de négociation de façon à éliminer efficacement l'option de la conciliation assortie du droit de grève pour les membres de ces groupes de négociation.

Jean-Claude Bouchard a reconnu la logique de notre argument à cet égard lorsqu'il s'est présenté devant le comité de la Chambre, le 14 mai 1996. Pourtant, bien qu'il se soit dit d'accord avec notre affirmation, que des niveaux élevés de désignations donnent lieu à des grèves «qui ont peu d'effet», le seul engagement qu'il était disposé à faire au nom du gouvernement, c'était de «travailler avec les groupes les plus touchés pour déterminer la façon de procéder».

Suivant tout critère raisonnable, le gouvernement ne devrait pas être autorisé à avoir le drap et l'argent. Par conséquent, à notre avis, le gouvernement devrait uniquement limiter ou suspendre l'arbitrage s'il est disposé à limiter ou à suspendre simultanément le processus des désignations. Aucune autre solution de rechange n'est juste ou raisonnable pour les travailleurs dans les groupes de négociation qui vont vraisemblablement faire face à un niveau élevé de désignations.

Par conséquent, nous demandons à votre comité de prendre une position ferme sur ce point également.

Je vous remercie tous et toutes de votre patience, et je ferai bon accueil à toutes vos questions.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous avez fait allusion à la sécurité d'emploi. Je sais qu'elle a été, je ne sais pas si nous pouvons le dire, abolie mais...

Mme Turmel: ... elle a été suspendue.

Le sénateur Lavoie-Roux: Elle a était suspendue pour trois ans, l'an dernier, si je ne m'abuse. Le principe de la sécurité d'emploi, il y a juste les sénateurs qui l'ont, nous sommes un peu gênée d'en parler. Dans le monde réel, la sécurité d'emploi maintenant n'est plus un acquis ou, enfin, elle n'est plus une assurance qui est donnée pour n'importe quelle personne qui entre dans le secteur privé et même dans le secteur public, et je pense davantage au niveau provincial, dans le monde de l'éducation ou dans le monde de la santé. Les gens, avant même qu'ils aient une sécurité d'emploi, cela prend des années et des années, si jamais ils finissent par l'acquérir. Quelle est votre position vis-à-vis la fonction publique?

Mme Turmel: Comme je l'ai mentionné, ce sera sûrement l'une de nos priorités lors de la prochaine ronde de négociations. Si nous regardons de l'autre côté, il est vrai que le gouvernement l'a suspendue -- avec le nouveau programme qu'il a mis sur pied -- pour donner les services de façon différente, et cela va faire en sorte que la sécurité d'emploi n'existera pas, tout simplement.

Notre position est très claire, nous voulons retrouver le droit à une sécurité d'emploi et nous voulons être considérés dans le programme.

Le sénateur Lavoie-Roux : Tout le monde est pour la sécurité d'emploi. Nous ne nous chicanerons pas là-dessus. Dans le contexte actuel de l'emploi et des plus jeunes générations qui n'ont pas d'emploi, est-ce que l'on peut encore considérer aujourd'hui la sécurité d'emploi de la même façon qu'elle l'était alors que se bâtissait la fonction publique, que celle-ci soit de juridiction provinciale ou fédérale?

Mme Turmel: Premièrement, si nous regardons la taille de la fonction publique présentement, elle a déjà beaucoup diminué.

Deuxièmement, cela remet en question la façon de donner les services et le droit des Canadiens et des Canadiennes d'avoir un service uniforme et d'avoir des droits à tous les niveaux, qu'ils soient défavorisés ou d'un milieu plus avantagé, d'avoir des services comme prévu.

En changeant la direction que le gouvernement a prise pour donner ces services, il remet toute cette partie en cause, ce qui fait en sorte qu'il remet aussi en cause la sécurité d'emploi.

Avec la sécurité d'emploi, les Canadiens et les Canadiennes avaient une certaine possibilité, par le biais de transfert, de donner des avantages aux employés. Nous considérons encore aujourd'hui qu'il est possible d'assurer une sécurité d'emploi, d'assurer des services et de remettre sur pied un gouvernement et un service qui soient efficaces.

[Traduction]

M. Bean: Nous disons généralement que la directive sur le réaménagement des effectifs que nous avons négociée en 1991 concerne la sécurité d'emploi alors qu'il s'agit de la garantie d'emploi, ce qui est différent. J'en parlais avec le ministre du Conseil du Trésor la semaine dernière. Je ne sais pas si on a bien compris que nous ne disons pas que les gens devraient pouvoir conserver leur emploi jusqu'à la fin de leur vie. Cette directive prévoyait qu'on devait leur faire une offre d'emploi raisonnable, normalement à leur niveau de titularisation, mais éventuellement à un niveau inférieur sans diminuer leur salaire et que le gouvernement devrait alors s'efforcer de leur trouver un poste de leur niveau de titularisation.

Elle précisait également que les gens pouvaient avoir à déménager. Là encore, cela devait se faire dans des conditions raisonnables. Par exemple, comme nous en avions parlé lors des négociations de la directive sur le réaménagement des effectifs, il ne serait probablement pas raisonnable de demander à quelqu'un qui habite Saskatoon de déménager à Toronto, étant donné le prix des logements et le coût de vie dans cette ville. Toutefois, il est probablement raisonnable de demander à quelqu'un de Saskatoon de déménager à Regina. Nous en avons parlé et nous avons décidé de ne pas rédiger un texte détaillé à ce sujet, et ça a marché.

Il y a eu très peu de mises à pied. En toute sincérité, je crois que les sous-ministres n'ont jamais compris cette directive et que, dans de nombreux cas, ils n'ont pas essayé de faire en sorte qu'elle fonctionne.

Non, il n'était pas facile de mettre quelqu'un à pied, mais c'est normal pour un organisme de la taille du gouvernement. Néanmoins, des gens qui refusaient un transfert à un autre poste ont été mis à pied.

Ce n'est pas la même chose que le modèle initial de la Société canadienne des postes qui concernait, en fait, la sécurité d'emploi. Avec ce modèle, quand on occupait un poste, on allait le conserver jusqu'à la retraite. Le modèle dont nous parlons est différent.

Je désire souligner que cette directive a été négociée. Les deux parties en ont convenu. Elle n'a été imposée à personne. Si le gouvernement veut y apporter des modifications, il devrait négocier avec nous. Nous l'avons déjà modifiée en ce qui concerne le système de navigation aérienne. Nous avons reconnu que l'offre faite aux employés à cet égard était raisonnable. Nous aurions pu en fait dire que, d'après la directive sur le réaménagement des effectifs, puisque cet organisme était privatisé, ce qu'on proposait n'était pas conforme à la définition d'une offre d'emploi raisonnable dans la fonction publique. Cela ne nous a toutefois pas posé de problème. Nous avons négocié cette modification et nous l'avons acceptée; personne ne s'en est plaint.

Là encore, cette directive a fonctionné. Elle donnait de bons résultats avant 1991 et elle en aurait donné de meilleurs depuis. Tel a été le cas lorsqu'il y a eu une réduction touchant 45 000 membres du personnel.

Premièrement, toutes ces modifications n'étaient pas nécessaires. Deuxièmement, si le gouvernement veut faire ces modifications, il y a un endroit prévu pour cela, c'est la table de négociations.

Le sénateur Stratton: Pour reprendre la discussion au sujet de la réduction des effectifs, il y a eu récemment certains articles dans lesquels on disait qu'on aurait pu y parvenir sans mettre personne à pied. Est-ce votre avis?

M. Bean: Oui.

Le sénateur Stratton: Vous pensez que cela aurait pu se faire entièrement sans mises à pied?

M. Bean: Oui.

Le sénateur Stratton: Comment?

M. Bean: Lorsque M. Eggleton était le ministre chargé de cette question, nous lui avons proposé un système de remplacement qu'il a mis un an à accepter. Plusieurs obstacles ont été créés pour empêcher ce système de fonctionner. Malgré cela, il a marché pour les 18 000 premières personnes sur les 45 000.

Avec les mesures d'encouragement à la retraite anticipée et au départ anticipé et en autorisant les gens à échanger leur poste contre un autre situé à un niveau de classification semblable, nous avons pu jusqu'à présent nous occuper de près de 20 000 postes. Nous pensons que cela pourrait continuer à fonctionner.

Par exemple, en avril, l'appel que nous avions interjeté devant la commission des relations de travail a été couronné de succès et on nous a donné le nom, l'adresse et la classification des gens que nous représentons qui étaient touchés par ces mesures ou déclarés excédentaires ainsi que ceux des personnes que nous représentons et qui voulaient pratiquer un échange de poste avec elles.

Nous avons dû nous battre avec le gouvernement pour obtenir ce genre de renseignements afin de pouvoir représenter adéquatement nos membres. Maintenant que nous commençons à obtenir ces renseignements, je suis absolument convaincu que ce système de remplacement pourra encore mieux fonctionner.

Une des règles qui n'a aucun sens est celle selon laquelle, une fois qu'une personne a été officiellement déclarée excédentaire, après la période de six mois, elle ne peut plus participer à un échange de poste. Même si elle trouve quelqu'un qui serait prêt à accepter un départ ou une retraite prématurée, ce n'est pas possible. Cela n'a aucun sens. Si cette seule règle était modifiée, la procédure de remplacement nous poserait beaucoup moins de problème maintenant que nous recevons les renseignements dont nous avons besoin.

Le sénateur Stratton: Voulez-vous dire qu'aucun des 18 000 employés qui sont partis n'a été mis à pied?

M. Bean: À ma connaissance, il y a actuellement moins de 10 employés qui ont été déclarés excédentaires et reçoivent leur rémunération.

Le sénateur Stratton: La réduction des effectifs n'a entraîné pratiquement aucune mise à pied jusqu'à présent, à part ces dix-là.

M. Bean: C'est exact.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Serait-il possible d'avoir une copie de ce que vous avez présenté? Vous soulevez tout un problème avec lequel je n'étais pas familière, celui d'une sorte de pénalisation ou de pénitence de la part du gouvernement si vous ne concédiez pas telle ou telle clause ou n'en acceptiez pas immédiatement une autre. Il y a en qui sont punis et il y en a d'autres qui ne le sont pas.

Mme Turmel: On va vous le donner.

[Traduction]

M. Bean: Nous vous avons déjà fait parvenir le mémoire que nous avons présenté à la Chambre des communes. Nous pouvons faire en sorte de vous fournir des exemplaires de notre exposé d'aujourd'hui.

Mme Turmel: J'ai également des copies en français.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Si vous avez une copie française, c'est encore mieux.

Mme Turmel: Je vais vous la donner tout de suite.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous en avez d'autres dans l'ordinateur?

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bean.

Avons-nous d'autres points à régler?

Le sénateur Stanbury: Je propose qu'il soit fait rapport du projet de loi sans amendement.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Lavoie-Roux: Avec dissidence.

Le président: La motion est adoptée avec dissidence.

La séance est levée.


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