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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 23 - Témoignages - Séance de l'après-midi


ST. JOHN'S, le mardi 9 juillet 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 14 heures pour poursuivre l'étude de la résolution de modification de la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bon après-midi. Avant que nous ne commencions, le sénateur MacDonald voudrait faire un rappel au Règlement.

Le sénateur MacDonald: Mesdames et messieurs, pendant la pause du déjeuner, je me suis entretenu avec quelques personnes qui ne savaient pas trop à quoi s'en tenir, au sujet de mes questions de ce matin. Je dois faire une mise au point. Nous avons au Sénat une étrange habitude: les conservateurs siègent d'un côté et les libéraux de l'autre. Je suis conservateur, mais il n'y avait pas assez de place pour que je siège de l'autre côté. Je me retrouve donc avec les libéraux. D'ailleurs, je voulais m'asseoir près de Bill Rompkey.

La présidente: Nous souhaitons la bienvenue à tous les témoins du réseau scolaire catholique de Terre-Neuve. Allez-y, je vous en prie.

Le très révérend James H. MacDonald, archevêque de St. John's et président du Catholic Education Council of Newfoundland and Labrador: Je représente le Catholic Education Council, que je préside. Au nom de la communauté catholique de Terre-Neuve et du Labrador, je vous remercie de nous avoir permis de comparaître.

De nombreux autres représentants de la communauté catholique ont demandé à comparaître devant le comité. Il n'a pas été possible, semble-t-il, d'accéder à leur requête. Je songe aux Chevaliers de Colomb, à la Catholic Women's League et aux conseils scolaires. Tous ont des représentants ici aujourd'hui ou pendant toute la durée des audiences. Nous saluons la présence et le soutien de beaucoup d'autres personnes, dont certaines se prévaudront certainement de la possibilité d'intervenir comme témoins non prévus.

Nous soutenons que les écoles catholiques ont une philosophie spéciale qui leur est propre. Elles s'efforcent en effet d'assurer la meilleure formation scolaire qui soit, mais, en même temps, de veiller aussi à tous les aspects de la croissance et du développement des élèves. L'éducation s'adresse à toute la personne, dont elle doit assurer la formation sur tous les plans: spiritualité et morale, intelligence et créativité, développement physique et social. Nous refusons de dissocier la croissance spirituelle du développement intellectuel, la foi de la vie, les valeurs des connaissances. Aucun de ces éléments ne se développe isolément des autres.

L'école catholique, animée par ses enseignants, forme un partenariat avec le foyer et la paroisse. Ces trois composantes forment la base de l'expérience de la communauté chrétienne dans la vie de nos jeunes.

La communauté chrétienne n'est pas isolée; elle s'intègre dans l'ensemble de la société. Les élèves catholiques prennent leur place auprès des autres citoyens pour contribuer au bien-être général du monde. Ils le font en transmettant la sollicitude de Jésus-Christ à leurs frères humains et à la Terre elle-même.

Les catholiques tiennent profondément à assurer une éducation de qualité dans le sens le plus complet du terme. Les résultats de nos écoles catholiques sont la preuve que l'insistance sur la formation spirituelle et morale n'enlève rien aux autres activités: travail scolaire, sports, musique ou arts, préoccupations sociales et engagement dans le milieu.

Si on ne donne pas aux jeunes les moyens de développer leur plein potentiel d'êtres humains, ou s'ils n'ont pas les connaissances, les compétences, les attitudes et les valeurs nécessaires pour bien fonctionner et être heureux dans un monde en évolution, tous les Terre-Neuviens, tous les Canadiens ont lieu de s'inquiéter.

C'est précisément pour cette raison que l'Église catholique s'occupe d'éducation. Les catholiques croient en effet qu'ils peuvent inculquer aux jeunes les valeurs et les attitudes qui les aideront à vivre à fond et à construire une société meilleure, plus juste, pacifique et compatissante.

M. Gerald P. Fallon, directeur général, Catholic Education Council of Newfoundland and Labrador: Honorables sénateurs, après avoir assisté à l'ensemble des témoignages des Assemblées pentecôtistes, ce matin, je dois dire que nous appuyons sans réserve la thèse qu'elles ont soutenue. Vous constaterez que certains chapitres de notre mémoire sont en grande partie semblables à ce que les pentecôtistes ont dit, étant donné que nous avons établi de concert nos positions sur un certain nombre de sujets.

Dans notre présentation, nous exposerons la démarche, entachée de nombreuses lacunes, dans laquelle la province s'est engagée au cours des six dernières années dans le domaine de l'éducation en insistant plus particulièrement sur les conséquences pour les catholiques. Dans les efforts de réforme de l'éducation, il n'a pas été tenu compte de la volonté exprimée à maintes reprises par la minorité catholique, entre autres, qui tient à conserver ses droits constitutionnels actuels.

En ce qui concerne la commission royale, la participation à l'effort de restructuration du système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador a été une expérience vraiment exaspérante pour les partisans de l'éducation catholique.

Au départ, nous avons fait preuve d'ouverture et de bonne volonté pour, avec le gouvernement de Terre-Neuve, réformer notre système d'éducation. Voici ce que nous avons dit le 30 avril 1991 à la Commission royale Williams, dont les études sont la source de toutes les initiatives qui ont suivi, dans la réforme du système d'éducation:

Le Conseil reconnaît [...] que, dans le cadre de ces garanties constitutionnelles, nous avons la responsabilité très grave d'oeuvrer à l'amélioration constante de l'éducation dans la province et de collaborer avec les autres instances dans l'intérêt de la formation de nos jeunes. [...] nous tenons à assurer une éducation de qualité dans le sens le plus complet du terme, et notre bilan en matière de coopération, chaque fois que cela est dans l'intérêt bien compris des jeunes dont nous nous occupons, est suffisamment éloquent.

Honorables sénateurs, cet engagement est toujours le nôtre. En mars 1992, la Commission royale a publié un rapport assorti de 211 recommandations. Nous avons immédiatement appuyé la vaste majorité de ces recommandations parce qu'elles peuvent être utiles aux élèves, au niveau même de l'enseignement.

Nous avons cependant remarqué que maintenant, quatre ans plus tard, un très petit nombre des recommandations qui portent sur l'enseignement ont été mises en oeuvre, même si elles sont entièrement du ressort du gouvernement.

Malheureusement, nous n'avons pas pu appuyer toutes les recommandations du rapport de la commission parce qu'environ 16 d'entre elles, et 25 autres qui y sont reliées, portent atteinte aux droits en matière d'éducation que possèdent les catholiques, à titre de catégorie de personnes prévue par la clause 17.

L'effet net de ces recommandations est double: suppression de tous les droits et privilèges que possèdent les catholiques et d'autres groupes, et mise en place d'un réseau scolaire public non confessionnel.

Pendant l'année entière qu'ont duré ses audiences, la commission royale a reçu quelque 1 041 mémoires et présentations orales de la part de 3 600 particuliers et 384 groupes de 173 localités de tous les coins de la province.

Selon la commission, ces mémoires:

[...] traduisent l'opinion de nombreux éléments de la société, dont les parents, les enseignants, les conseils scolaires, l'entreprise et l'industrie, les Églises, les associations des secteurs de l'éducation et de la santé, et des groupes populaires.

Dans l'ensemble de ces témoignages, 76 p. 100 des interventions étaient favorables au système actuel tandis que seulement 9 p. 100 s'opposaient au système confessionnel.

Le plus important, c'est que les interventions des particuliers, groupes et collectivités catholiques étaient massivement favorables aux écoles catholiques. M. Williams et les autres commissaires ont néanmoins décidé de ne pas tenir compte de l'opinion de ceux qui s'étaient prononcés en faveur de l'école confessionnelle. Ils ont préféré fonder leurs recommandations sur quelques réponses très sélectives à des questions posées dans un sondage réalisé auprès d'un millier de personnes en septembre 1991.

Quelle a été la conclusion de la commission? Tout comme elle l'a fait pour les mémoires et les témoignages personnels des partisans de l'école confessionnelle, la commission a conclu que ceux qui préféraient l'école confessionnelle ne faisaient ce choix que pour la forme. En réalité, la commission royale n'a guère manifesté de respect ni de compréhension pour les catégories de personnes qui croient qu'il convient d'éduquer ses enfants selon ses propres traditions religieuses.

Honorables sénateurs, c'est ainsi que, dès le départ, on a écarté les opinions des catholiques de la province sur la réforme de l'éducation. La même chose s'est répétée à maintes reprises au cours des quatre dernières années. Aujourd'hui, nos fidèles se demandent si, une fois encore, on fera fi de leur volonté de conserver leurs droits constitutionnels à l'éducation catholique.

Je voudrais attirer votre attention, honorables sénateurs, sur le chapitre de notre mémoire qui porte sur les coûts et les chevauchements. J'espère que, pendant la période de questions, nous aurons l'occasion de traiter de cet élément plus en détail.

Je vais maintenant parler du processus politique. Cela se trouve à la page 14 de notre mémoire.

La publication du rapport de la commission royale a mis en marche le processus politique de mise en oeuvre de ses recommandations. Le gouvernement a répété sans cesse qu'il voulait collaborer avec les Églises pour mettre en oeuvre ces recommandations, mais les faits sont clairs: c'est au gouvernement et au non aux Églises, comme on le croit généralement, qu'il faut imputer l'échec du processus.

Avec le recul, on peut dire que l'ancien premier ministre Clyde Wells n'est jamais revenu sur l'opinion qu'il avait exprimée comme député à l'Assemblée législative le 15 avril 1969, réclamant l'abolition de l'éducation confessionnelle et préconisant la tenue d'un référendum dans la province pour conférer une légitimité à cette position.

Par exemple, lorsque les dirigeants des Églises ont présenté leur modèle de districts scolaires conjoints et coopératifs et une structure provinciale permettant la réforme, en novembre 1993, le gouvernement a immédiatement rejeté la proposition.

À peine trois jours plus tard, le 25 novembre 1993, le gouvernement présentait son propre modèle de réforme de l'éducation, «Adjusting the Course», qui révélait de manière évidente les intentions du gouvernement.

Le document «Adjusting the Course» proposait l'abolition du système confessionnel tel qu'on le connaissait et son remplacement par un système public et laïc.

Après la présentation du document, des entretiens ont eu lieu de façon sporadique entre le gouvernement et les groupes confessionnels. De novembre 1993 à juin 1995, il y a eu deux périodes, l'une de six mois et l'autre de neuf, au cours desquelles il n'y a eu aucune discussion. Les entretiens ont été limités, en somme, à un échange de correspondance et à quelques rencontres entre le premier ministre et les dirigeants des Églises. Ces brèves rencontres ont néanmoins abouti à une entente importante sur la réduction du nombre de conseils scolaires, la mise en place d'un seul système de transport scolaire, l'adoption de lignes directrices provinciales sur la viabilité des écoles et l'établissement d'une commission unique chargée d'administrer les immobilisations pour le financement des travaux de rénovation et de construction des écoles.

Malgré un important accord sur ces points, le premier ministre Wells a rejeté la position catholique parce que, selon lui, les éléments sur lesquels il y avait entente n'étaient pas assez substantiels. Tout d'abord, il a essayé de forcer les catholiques à accepter des réformes qui vont à l'encontre de leurs droits constitutionnels en les menaçant de légiférer puis, ce stratagème ayant échoué, en menaçant de modifier la Constitution. Nous ne pouvions pas accepter cette proposition.

La réaction du premier ministre Wells à notre position a été l'annonce d'un référendum qui conférerait une légitimité politique à la suppression de droits garantis par la Constitution.

Voyons le référendum proprement dit. Dès le début, honorables sénateurs, les catholiques se sont opposés au référendum, y voyant une démarche peu appropriée, car c'était nettement un moyen, pour le gouvernement, de permettre à la majorité de se prononcer sur les droits des minorités.

La question référendaire a été habilement formulée, par le gouvernement seul, de manière à favoriser une réponse positive. Qui peut s'opposer à la réforme d'un système d'éducation, quel qu'il soit, ou de bien d'autres institutions publiques? La question laissait clairement entendre que le seul moyen de réformer le système en profondeur était de modifier la clause 17.

Tout au long de la campagne référendaire, le gouvernement a donné l'assurance, dans une brochure distribuée dans tous les foyers, que la nouvelle clause 17 permettrait d'avoir des écoles pour chaque groupe confessionnel là où le nombre le justifie.

La présidente: Nous avons un exemplaire de la brochure, et je vais faire distribuer le texte à tous les sénateurs.

M. Fallon: Le référendum a eu lieu le 5 septembre 1995. Nous en connaissons tous les résultats. Le taux de participation a été de 52 p. 100, et environ 55 p. 100 de ceux qui se sont prononcés ont voté «oui», et 45 p. 100 «non». Par conséquent, seulement 28 p. 100 de ceux qui pouvaient voter ont appuyé la position du gouvernement.

Il n'y a dans l'histoire du Canada aucun précédent où les droits constitutionnels d'une minorité ont été abolis en vertu d'une décision fondée sur un vote de tous les électeurs, sans le consentement de la minorité visée.

Les catholiques de Terre-Neuve et du Labrador forment une minorité qui représente environ 37 p. 100 de la population. On a entrepris de modifier la Constitution sans leur accord, et malgré la déclaration que le premier ministre Wells a faite à l'Assemblée législative le 12 mars 1993 avant le déclenchement des élections provinciales:

Monsieur le Président, compte tenu des inquiétudes des chefs religieux qui craignent que la mise en oeuvre de certaines recommandations de la commission royale ne compromette leurs droits, le gouvernement a donné à ces dirigeants l'assurance qu'il ne chercherait pas à apporter à la Constitution des modifications qui aboliraient les droits garantis expressément aux catégories de personnes visées.

Honorables sénateurs, le débat politique est descendu bien bas, avant et pendant la campagne référendaire, lorsque le gouvernement -- surtout le premier ministre Wells et son ministre de l'Éducation, Chris Decker -- a dénigré les résultats scolaires des élèves. Inlassablement, on insistait sur les aspects négatifs. Plus d'une fois, on a même dit que nos élèves étaient ceux qui avaient les plus mauvais résultats au Canada.

Selon eux, ces piètres résultats étaient attribuables au système confessionnel. En réalité, le gouvernement contrôle tous les domaines de l'éducation qui ont un lien avec le rendement des élèves: formation des maîtres, exigences de diplômation, programme d'études en dehors de l'instruction religieuse, évaluation des élèves, durée de la journée d'école et de l'année scolaire, ressources.

Ce qui est particulièrement déconcertant, comme vous l'avez entendu dans les témoignages ce matin, c'est que MM. Wells et Decker étaient dans l'erreur au sujet des résultats des élèves.

Dans notre mémoire, madame la présidente, nous donnons un aperçu des divers points qui ont été soulignés par les pentecôtistes et que nous tenions à reprendre dans notre exposé. Nous vous laissons le soin de les lire.

Au sujet du rendement des élèves, on relève une affirmation dans le livre rouge intitulé «Ready For A Better Tomorrow». Ce document expose le programme proposé par le parti libéral provincial avant les dernières élections qui ont eu lieu à Terre-Neuve. Il y est dit notamment que, depuis la Confédération, nous avons fait d'énormes progrès en éducation, que les habitants de Terre-Neuve et du Labrador se sont donné un système d'éducation dont nous pouvons tous être fiers.

Honorables sénateurs, les preuves ne manquent pas, dans les documents du gouvernement, dans une analyse approfondie des examens normalisés et du système d'éducation de la province -- qui a fait des progrès extraordinaires en vue d'assurer une éducation de qualité aux élèves de Terre-Neuve et du Labrador -- pour confirmer nos appréhensions au sujet des distorsions dont l'ancien gouvernement Wells s'est rendu coupable pendant la campagne référendaire, et qui ont été reprises à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et encore récemment, au cours du débat qui a eu lieu aux Communes au sujet de la résolution portant modification de la clause 17.

En ce qui concerne l'accord-cadre, permettez-moi de dire une chose: les catholiques de la province appuient l'accord conclu entre le gouvernement et les conseils scolaires en mars 1996. Faute de temps, je ne vais pas entrer dans les détails, qui ont d'ailleurs été donnés ce matin par les Assemblées pentecôtistes.

Qu'il me suffise de dire que le conseil catholique maintient son appui à l'accord-cadre et est disposé à poursuivre les discussions pour résoudre tous les problèmes qui subsistent.

Dans mes dernières observations, je voudrais dénoncer le manque de réceptivité et de soutien de la part des instances fédérales et provinciales. Comme représentants des catholiques, nous nous opposons vigoureusement à la manière dont le Parlement a étudié la modification de la clause 17. La démarche suivie jusqu'à maintenant a été trop rapide -- 12 heures de débat aux Communes -- pour que la résolution soit considérée avec tout le soin que mérite une modification de la Constitution du Canada et que les catholiques puissent défendre adéquatement leur position.

Dans notre mémoire, nous faisons remarquer que le premier ministre du Canada, le ministre de la Justice et le premier ministre Tobin ont refusé de répondre aux lettres que leur a fait régulièrement parvenir l'archevêque James MacDonald de St. John's. Nous le signalons aux pages 28 et 29 de notre mémoire.

Nous sommes reconnaissants au Sénat des audiences publiques qui se déroulent en ce moment au sujet de la réforme de l'éducation à Terre-Neuve. Pour la première fois, dans tout ce processus, nous avons l'occasion de nous faire entendre.

L'archevêque MacDonald: Le Catholic Education Council est un organisme établi en vertu de l'article 15 de la Department of Education Act de 1990. Il est formé de représentants de l'ensemble de la communauté catholique et compte aussi des représentants des quatre diocèses catholiques de Terre-Neuve et du Labrador. Nous sommes le porte-parole officiel des catholiques de la province en matière d'éducation.

Nous comparaissons devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles parce que les droits et les privilèges que les catholiques possèdent en vertu de la clause 17 des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada sont abolis.

Nos conseillers juridiques vous expliqueront les fines nuances juridiques qui se rapportent aux droits constitutionnels, bien que ce ne soit pas ici notre principale préoccupation. Nous sommes ici parce que nous tenons avec passion à l'éducation catholique et réprouvons intensément ceux qui veulent nous priver du droit à la pleine protection constitutionnelle d'un conseil scolaire qui est fidèle aux croyances et pratiques religieuses des catholiques.

Le pape Jean Paul II a parlé avec éloquence des droits des parents lorsqu'il s'est adressé aux catholiques à St. John's, le 12 septembre 1984:

Tous les hommes et femmes, ainsi que les enfants, ont droit à l'éducation. Est étroitement lié au droit à l'éducation le droit des parents et des familles de choisir conformément à leurs convictions le type d'éducation et le modèle scolaire qu'ils préfèrent pour leurs enfants (Déclaration universelle des droits de l'homme, article 26). Le droit tout aussi sacré à la liberté de religion est lui aussi lié à ces autres droits.

Dans une société comme celle du Canada, la liberté d'association, la liberté d'adhérer à certains groupes ou initiatives institutionnelles afin de satisfaire leurs aspirations conformément à leurs propres valeurs est un droit démocratique fondamental. Ce droit suppose que les parents ont vraiment la possibilité de choisir, sans qu'il leur soit imposé des charges financières indues, les écoles et systèmes d'enseignement qui conviennent à leurs enfants.

Malheureusement, dans le mouvement de réforme de l'éducation des six dernières années, on n'a pas tenu compte de la volonté maintes fois exprimée par la minorité catholique de conserver les droits que la Constitution lui garantit actuellement.

Mme Alice Prim-Furlong, vice-présidente, Association of Roman Catholic School Boards of Newfoundland and Labrador: Je suis un parent catholique et un commissaire élu. Au nom de l'association dont je suis vice-présidente, je tiens à féliciter le Sénat du Canada d'avoir décidé d'offrir cette possibilité d'audiences publiques au sujet de la modification qu'on propose d'apporter à la clause 17. Nous sommes heureux que vous ayez pu entendre les représentants des conseils scolaires élus, qui sont reconnus par la loi comme représentants des catholiques en matière d'éducation. J'ajoute que c'est la première fois, au cours de toute cette démarche, que nous avons une occasion semblable de discuter avec nos législateurs.

Nous voudrions en profiter pour présenter notre position sur les questions suivantes: le contrôle de l'éducation catholique; la modification proposée à la clause 17; le maintien et l'exercice des droits des catholiques grâce aux écoles catholiques et aux moyens appropriés pour les diriger; l'évolution de notre système d'enseignement, qui montre que nous reconnaissons la nécessité d'une réforme de l'éducation et tenons à la faire.

L'Association of Roman Catholic School Boards of Newfoundland and Labrador regroupe neuf conseils scolaires catholiques. Chacun d'eux est représenté ici aujourd'hui, avec certains de leurs élèves, enseignants et parents. Ces neuf conseils scolaires ont la charge de l'éducation d'environ 44 000 élèves de la maternelle à la 12e année. La majorité de ces élèves fréquentent des écoles catholiques, mais certains d'entre eux vont dans des écoles à services communs. La répartition de cette population fait ressortir une concentration de 62 p. 100 d'entre eux dans la péninsule d'Avalon. Les 38 p. 100 qui restent sont éparpillés dans tout le reste de l'île et au Labrador.

Les deux tiers des membres de nos conseils électifs sont élus et les autres sont nommés. Nous tenons à affirmer très clairement que nous nous sommes prononcés publiquement pour des conseils scolaires dont tous les membres seraient élus.

Une question importante se pose, lorsqu'on dit que l'Église contrôle l'éducation catholique: qu'est-ce que l'Église? Contrairement à une opinion publique qui a son origine chez des personnes qui devraient être plus avisées et qui, il n'est probablement pas injuste de le dire, ont recours à cette désinformation pour renforcer leur position sur la suppression de nos droits constitutionnels, l'Église institutionnelle ne contrôle ni les conseils scolaires ni la gestion courante de nos écoles.

Nos conseils agissent en autonomie, pour exercer les droits des personnes qui leur ont confié cette tâche. Vous pourriez constater, d'après le compte rendu des réunions de nos conseils scolaires, que le débat et les décisions ne sont pas influencés par les prétendues machinations de l'Église institutionnelle.

Nous disons aussi qu'il est absurde de penser qu'une foule de clercs seraient portés à s'ingérer dans la gestion courante de nos écoles et à la contrôler ou auraient l'occasion de le faire. À notre époque, ni les commissaires ni les parents ne le toléreraient. Les laïcs forment l'écrasante majorité de nos commissaires, occupent la quasi-totalité des postes d'enseignants et d'administrateurs et tous les postes à l'intérieur des conseils scolaires.

Lorsque nous parlons de nos droits constitutionnalisés, il ne s'agit pas des droits de l'Église institutionnelle ou de la hiérarchie, mais de ceux d'un groupe de personnes qui, en l'occurrence, sont des catholiques. Sans l'ombre d'un doute, nous avons de graves inquiétudes au sujet de la modification proposée à la clause 17, car elle compromet ou élimine les droits de la catégorie de personnes que constituent les catholiques à l'égard de l'éducation de leurs enfants. En outre, elle assujettit les droits restants aux caprices de l'Assemblée législative provinciale.

Si cette modification est apportée, tous les droits restants pourraient changer avec chaque gouvernement et même à l'intérieur d'un mandat d'un seul gouvernement. L'exercice de nos droits relèverait entièrement de la politique, ce qui nous semble totalement inacceptable.

Le conseil scolaire catholique et nos conseillers juridiques ont expliqué clairement les détails de nos préoccupations.

Nous affirmons sans la moindre hésitation que nous appuyons les parents et autres personnes qui tiennent à choisir pour leurs enfants des écoles qui sont fidèles à leur philosophie personnelle. Jamais nous n'avons dit que le seul réseau d'éducation dans la province devait être confessionnel ni proposé qu'il le soit. Fidèles à notre position au sujet du droit des parents de choisir l'éducation qu'ils veulent pour leurs enfants, nous soutenons que les autres ont également ce droit de choisir.

Notre position au sujet de la modification proposée est qu'il faut soit la rejeter, soit l'amender de manière à préserver notre droit constitutionnalisé de mettre des écoles catholiques à la disposition de nos enfants lorsque les parents font ce choix et lorsque le nombre le justifie, et d'assurer des moyens appropriés et efficaces de gestion pour que nos gens puissent exercer ces droits. Nous reconnaissons que la gestion peut se situer à un niveau plus ou moins élevé, lorsque le nombre ne justifie pas le niveau le plus haut de gestion, comme la création d'un conseil scolaire catholique ou la désignation d'écoles uniconfessionnelles.

Nous soutenons que l'éducation catholique ne se résume pas à une période de 40 minutes d'instruction religieuse, un certain nombre de fois par cycle scolaire. Dans la décision rendue dans l'affaire Mahé, en 1990, la Cour suprême du Canada a affirmé que la minorité linguistique possédait non seulement des droits linguistiques, mais aussi le droit de préserver et de promouvoir sa culture. Les catholiques soutiennent également que leurs valeurs fondamentales ne s'expriment pas seulement dans des cours de religion, mais aussi dans l'esprit et l'ambiance des écoles où ils veulent vivre leur foi. Nos écoles sont indispensables à l'exercice approprié de nos droits.

La décision de la Cour suprême, dans l'affaire Caldwell c. Stewart, en 1984, dit que les écoles catholiques se distinguent de manière significative des autres écoles, surtout à cause de leur fondement doctrinal. Nos écoles ont ou devraient avoir comme objectif la formation complète de l'élève, y compris son éducation dans la foi catholique.

Dans l'école catholique, l'enseignant est considéré comme un élément indispensable à la création de la communauté de l'école. La décision Caldwell c. Stewart dit encore que, dans une école catholique, la religion ou l'aspect doctrinal de l'école touche l'essentiel de toutes les activités et de tous les programmes et les colore. Le rôle de l'enseignant, à cet égard, est fondamental pour l'effort global de l'école, sur le plan spirituel aussi bien que scolaire.

La culture qui gravite autour des droits religieux est aussi importante pour nous que celle qui se greffe aux droits linguistiques.

Dans l'affaire Mahé toujours, les tribunaux ont fait remarquer que, en matière linguistique, le droit général exercé «lorsque le nombre le justifie» s'applique selon une échelle mobile d'exigences institutionnelles. L'idée d'échelle mobile décrite dans cette décision garantit des droits et des niveaux de service aux détenteurs des droits. Nous estimons qu'il y a corrélation avec nos droits en matière d'éducation.

Cette approche reflète le degré de gestion nécessaire dans des circonstances diverses, dépendant du nombre d'élèves à servir. Le nombre peut justifier un conseil indépendant ou une école uniconfessionnelle. Lorsque le nombre est faible, il peut y avoir lieu de garantir au sein des conseils locaux une représentation proportionnelle au nombre d'élèves minoritaires dont le conseil a la charge.

Les exigences dépendent avant tout de ce que le nombre justifie. L'expression «lorsque le nombre le justifie» a été interprétée comme désignant le nombre de personnes qui se prévaudront du programme ou utiliseront l'installation en cause. Il faut également tenir compte des services d'éducation appropriés qui sont nécessaires et du coût de la prestation de ces services.

Le gouvernement a souligné que le coût de notre système d'éducation était un facteur de premier ordre dans la suppression de nos droits confessionnels. Pourtant, dans le cas des droits linguistiques des minorités, il ne semble pas que les coûts aient été le facteur déterminant.

L'Association of Roman Catholic School Boards a toujours appuyé la cause de la réforme de l'éducation. Cet effort n'a rien de nouveau pour nous. Nous nous sommes efforcés d'atteindre l'excellence et nous avons toujours essayé, souvent malgré diverses contraintes, notamment d'ordre financier, d'assurer la meilleure éducation possible à nos enfants.

Nous admettons que la diminution de la clientèle scolaire remet en cause la viabilité de beaucoup de nos écoles. C'est pourquoi les conseils ont constamment fermé ou regroupé des écoles. Au cours des 27 dernières années, le nombre de conseils est passé de 270 à 27. Le nombre d'écoles a aussi beaucoup diminué, passant de 1 046 en 1967 à 492 en 1994, puis à 470 en 1995. En 1994, seulement 293 de nos 469 localités avaient des écoles.

Toutes ces circonstances nous paraissent évidentes. Nos représentants confessionnels ont admis tous ces faits. Ils ont même accepté le rapport de 1993 qui proposait le réaménagement des districts scolaires en dix régions. Au cours de la même année, il y a eu une entente de base entre le Catholic Education Council prévoyant la mise sur pied d'une commission chargée des constructions.

Dans chaque cas, il y a eu accord mutuel pour réaliser des économies. L'accord-cadre a également été approuvé pour des raisons similaires. Tous les conseils scolaires catholiques ont accepté cet accord et, je me permets de l'ajouter, ont maintenu leur acceptation jusqu'à ce qu'ils apprennent qu'il ne tenait plus. Il s'agissait selon nous d'un compromis permettant de briser l'impasse.

Ces accords, sans oublier le droit que possède le gouvernement de créer un réseau non confessionnel dans la province pour ceux qui le souhaitent, enlèvent toute utilité à cette modification constitutionnelle.

Notre système d'éducation évolue, car des modifications ont été apportées aux services au fil des ans en raison de la diminution de la population et des réalités géographiques et économiques.

Les conseils scolaires catholiques, intégrés ou pentecôtistes se sont entendus pour ouvrir des écoles communes afin de maintenir une éducation de qualité dans les régions où leurs clientèles respectives ne suffisent pas pour maintenir des écoles capables d'offrir une éducation de première qualité.

Cette détermination des groupes confessionnels à réaliser des économies et à offrir des services d'éducation efficaces a été remarquée par M. George Furey, conseiller juridique de la Commission royale Williams en 1992. Il a déclaré en effet que l'un des principes fondamentaux qui sous-tendent les recommandations de la commission est que, à l'avenir, la planification doit se faire sur des bases interconfessionnelles. Cela peut sembler être une différence notable par rapport au système actuel, à bien des égards, mais c'est tout simplement l'expression de ce qui se passe aujourd'hui dans les zones rurales de Terre-Neuve. De nombreuses modifications sont apportées par consensus entre les divers groupes confessionnels dans beaucoup de régions. Grâce à ces accords, il n'y a en fait qu'un seul réseau scolaire dans 89 p. 100 des localités de Terre-Neuve et du Labrador.

Malheureusement, il semble que l'évolution naturelle de notre système, reposant sur le bon sens de notre population, dans un esprit de collaboration et de respect pour les droits constitutionnalisés et dans le souci du bien de nos enfants, n'a pas été jugée satisfaisante par le gouvernement Wells. Il est tragique que le gouvernement croie que le seul moyen à sa disposition pour apporter des changements est la massue, le marteau. Cela fait penser au vieil adage: quand le seul outil qu'on a est un marteau, tout finit par ressembler à un clou.

Nos droits à l'éducation confessionnelle ont été considérés comme l'un des piliers des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, en 1949. La minorité catholique ne renonce pas de plein gré à ses droits, qui sont maintenant foulés au pied. Ces droits nous sont enlevés au nom de la volonté de 28 p. 100 des Terre-Neuviens habilités à voter.

Selon nous, c'est faire fi de nos droits démocratiques, et cela ne fait que mettre davantage en évidence la nécessité d'une protection constitutionnelle des droits des minorités.

Dans tout ce débat, on a fait valoir un lien qui n'est pas établi entre le système confessionnel et une éducation médiocre. Ce lien n'a jamais été établi et, selon nous, il n'existe pas. Même le recours à cet argument, par le gouvernement, a fait long feu, comme il est dit dans la citation que M. Fallon a faite. Les résultats des examens normalisés varient dans le temps, d'examen en examen et d'une école à l'autre, comme ils peuvent varier d'une région de la province à l'autre. Les fluctuations de notre rendement sont à l'image de fluctuations semblables dans le reste du Canada.

Le débat sur toute cette question et les tactiques brutales n'ont servi à rien sinon à créer un climat sectaire qui met l'accent sur les différences. L'argent consacré à ce débat constitutionnel et au référendum aurait trouvé un meilleur usage dans les écoles et dans la mise en oeuvre de changements cruciaux sur lesquels tous les protagonistes du secteur de l'éducation se sont mis d'accord.

Quelle est la raison d'être des garanties constitutionnelles? La modification proposée par Terre-Neuve révélera-t-elle que ces garanties n'étaient que des promesses vaines, dénuées de toute substance?

Nous demandons au Sénat de protéger nos droits et de nous permettre de conserver nos droits en matière d'éducation et de les exercer de la même manière, ni plus ni moins, que les autres catholiques d'autres régions, qui possédaient ces droits au moment de la Confédération.

Mme Janet Henley-Andrews, Alliance for Choice in Education: Au nom de l'Alliance for Choice in Education, je remercie le Sénat d'avoir bien voulu tenir ces audiences. Depuis trois ans, c'est-à-dire depuis la formation de notre groupe, en 1993, nous avons essayé de faire valoir notre point de vue dans ce débat. Il a déjà été bien difficile aux membres des conseils scolaires et du Catholic Education Council ainsi qu'aux Églises de faire connaître leurs vues aux gouvernements provincial et fédéral, mais cela a été à peu près impossible pour les parents. Personne ne se souciait de notre opinion et de nos aspirations. Pourtant, ce sont nos enfants qui sont touchés et ce sont nos droits qui sont sacrifiés.

Nous avons rédigé un mémoire en deux versions, et j'en ai remis trois exemplaires à Mme Lank. La première version est un volumineux document qui comprend le texte du mémoire et les annexes.

Étant donné les difficultés que nous avons éprouvées ces dernières années pour faire connaître la vérité sur les doubles emplois, le rendement et d'autres questions, j'ai joint à plusieurs exemplaires du mémoire des données statistiques produites par le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador ainsi que des exemplaires de divers documents cités et les déclarations qui ont été faites.

Je crois comprendre qu'il a été question de rendement ce matin. J'ai fourni des extraits des publications du gouvernement de Terre-Neuve au sujet des résultats obtenus au Canadian Test of Basic Skills, aux examens SAIP et d'après d'autres indicateurs de rendement.

En outre, nous avons fourni une bande vidéo avec l'un des exemplaires. Il porte sur plusieurs programmes offerts dans des écoles locales. Ce vidéo a été produit à la dernière minute. L'école est terminée et nous n'avons pas pu réunir autant d'information que nous l'aurions souhaité. Mais, si une image vaut mille mots, peut-être que si vous écoutez la performance de deux de nos orchestres scolaires et regardez les annonces de service public produites aux cours sur les médias de l'école secondaire Gonzaga, vous pourrez avoir la certitude que nos écoles sont modernes et que la qualité de l'éducation qui y est dispensée est largement satisfaisante.

Vous pouvez voir également, sur le mur le plus éloigné, une carte de Terre-Neuve parsemée de points de couleur. Les points rouges correspondent aux écoles du réseau intégré, les verts aux écoles catholiques et les jaunes et les bleus aux écoles pentecôtistes. De plus, les écoles avec services communs sont marquées par un lien entre des points et sont spécialement marquées «services communs».

Je suis consciente qu'il est difficile de visualiser la situation, et je tiens à remercier celui qui m'a appelée pour me dire qu'il avait fait ce travail à partir d'une liste des écoles existantes obtenue du ministère de l'Éducation. Si vous examinez la carte de près, vous constaterez qu'il est faux de dire qu'un grand nombre d'écoles coexistent dans les mêmes localités.

Tout d'abord, vous pouvez voir qu'à Terre-Neuve, la population est en grande partie regroupée selon les confessions religieuses, sauf à St. John's et dans la péninsule d'Avalon, dans le coin supérieur gauche du plan. Vous pouvez remarquer des sections vertes et des sections rouges. Cette carte devrait aider à visualiser la situation et les problèmes de double emploi.

L'Alliance for Choice in Education a vu le jour en décembre 1993, et sa mission est de donner une voix aux membres du grand public, surtout les catholiques, qui s'opposent à la recommandation de la Commission Williams préconisant un système non confessionnel à Terre-Neuve. L'association souhaite obtenir une réforme de l'éducation qui entraînera une amélioration réelle de la qualité de l'éducation à Terre-Neuve tout en laissant aux parents le droit de choisir, lorsque le nombre permet l'exercice de ce choix.

Nous nous opposons à la modification de la clause 17 qui est proposée. Son libellé laisse à désirer, elle porte à confusion, et elle ne contient pas de dispositions qui garantissent ce qu'on nous a promis pendant la campagne référendaire.

L'Alliance for Choice défend le droit des parents de choisir le type d'éducation que recevront leurs enfants. Dans les régions les plus populeuses, cela suppose le droit, lorsque le nombre le justifie, à des écoles séparées, confessionnelles, interconfessionnelles et publiques pleinement financées par l'État. Là où n'existent ou ne peuvent exister que des écoles communes ou interconfessionnelles, les parents devraient conserver leur droit actuel, lorsque le nombre le justifie, à des programmes d'instruction religieuse et de vie familiale financés par l'État ainsi qu'à des arrangements permettant des activités et pratiques religieuses.

Les premiers droits des minorités qui ont été protégés au Canada ont été les droits à l'éducation religieuse. Dès le départ, la Constitution canadienne a été conçue de manière que la majorité de chaque province ne puisse brimer les droits de la minorité en matière d'éducation, c'est-à-dire ceux des catholiques en Ontario et ceux des protestants au Québec.

D'aucuns ont soutenu que ni les Communes, ni le Sénat ne devraient s'inquiéter des droits des minorités ou des précédents, puisque la modification proposée ne concerne que les Terre-Neuviens et leur province. Est-ce que, pour une raison quelconque, les minorités religieuses de Terre-Neuve ne mériteraient pas la même protection que celles des autres provinces? Dans ce cas, pourquoi? Ce n'est pas parce que Terre-Neuve est la province la plus pauvre du Canada que ses habitants ont droit à une protection constitutionnelle moindre.

Le gouvernement de Terre-Neuve soutient aussi que cette modification ne crée aucun précédent. Nous ne sommes pas stupides. Nous espérons que vous ne l'êtes pas non plus.

Le sénateur Rompkey: C'est espérer beaucoup.

Mme Henley-Andrews: Que se passera-t-il dans deux ans si la majorité n'aime pas le nouveau système? Y aura-t-il un autre référendum? Comment Ottawa pourrait-elle refuser des demandes ultérieures visant à éliminer tous les droits à l'éducation confessionnelle à Terre-Neuve, si elle accède à cette requête-ci? Par ailleurs, comment Ottawa pourrait-elle rejeter une demande semblable formulée par l'Ontario, le Québec ou le Manitoba?

Toutes les provinces du Canada font face à des contraintes économiques, de nos jours. Quels sont les droits des minorités qui échapperont à ce genre de raisonnement? Nous sommes des Canadiens. Les catholiques de Terre-Neuve, et les autres aussi, ont droit à la protection de leurs droits constitutionnels. Les Terre-Neuviens ne sont pas des citoyens de second rang.

Le gouvernement de Terre-Neuve a prétendu que le référendum était valable parce que 96 p. 100 des électeurs qui ont des droits protégés en matière d'éducation se sont prononcés sur les changements. Cet argument est fallacieux, car aucune catégorie ne comprend ces 96 p. 100. Ce sont les diverses catégories des huit groupes confessionnels qui détiennent les droits, non les Églises. Les membres des Églises, la base de ces organisations, ont droit à l'éducation confessionnelle. Seulement des groupes de personnes pourraient voter pour modifier leurs propres droits.

Pour ma part, je suis parent et je suis catholique. J'ai étudié dans une école catholique. Cela ne m'a pas nui. Si cela a eu effet, c'est que cela m'a beaucoup aidée dans ma vie quotidienne. J'ai trois enfants dont le plus jeune a quatre ans. Je dois donc faire appel au système d'éducation de Terre-Neuve au cours des 14 ou 15 prochaines années. Bien des personnes ici présentes nous auront quittés d'ici à ce que mon plus jeune enfant arrive à l'école secondaire. Je vous prie de faire en sorte que ses droits et les droits de sa famille soient protégés pour qu'il ait les mêmes possibilités auxquelles ont eu droit son frère et sa soeur.

Nous croyons qu'une importante majorité de catholiques a voté «non». Environ 47 p. 100 -- ou 46 p. 100, selon les résultats qu'on utilise -- ont voté «non». Cela représente environ 91 000 Terre-Neuviens. Une analyse du vote par district montre que les secteurs catholiques et pentecôtistes ont voté très majoritairement «non». Si vous lisez la version la plus longue du mémoire, vous constaterez que j'ai mis en évidence l'annexe qui porte expressément sur certains de ces secteurs.

Dans une circonscription de St. John's, par exemple, qui est très pluraliste, le taux de participation a été de 71 p. 100. Dans d'autres régions, il a été de 50 p. 100, de 47 p. 100 et même moins. Or, certaines de ces régions sont très uniconfessionnelles.

La question référendaire faisait également problème. Pendant la campagne, on entendait dire: «Nous ne comprenons pas la question. Nous ne saisissons pas le problème. Nous ne savons pas qui croire.» Beaucoup ont dit qu'ils allaient s'abstenir. Au mieux, la question demandait en somme aux électeurs s'ils souhaitaient éliminer les écoles catholiques et pentecôtistes.

Les groupes confessionnels qui composent 55 p. 100 de la population de Terre-Neuve ont déjà un réseau commun, des écoles et des conseils scolaires interconfessionnels.

Le gouvernement de Terre-Neuve a également soutenu qu'il ne pouvait plus amender la clause 17 proposée, puisque la proposition à l'étude a été approuvée par référendum. Si on examine de plus près la modification, on s'aperçoit qu'il ne s'agit pas de la proposition soumise aux électeurs par référendum. Plusieurs changements y ont été apportés, certains à l'instigation du gouvernement et les autres, je crois comprendre, à la demande des Églises qui participent au réseau intégré. Il n'y a pas de raison pour qu'on ne puisse pas apporter d'autres amendements au libellé pour tenir compte des objections raisonnables élevées par les catholiques et d'autres groupes.

Depuis cinq ans, nos politiques ont montré à maintes reprises qu'ils se préoccupent avant tout de la majorité qui les réélira, majorité qui a déjà un réseau intégré.

Le mémoire traite des machinations des politiques pendant tout ce débat. M. Fallon a déjà abordé la question. Je ne vais donc pas revenir là-dessus. Permettez-moi de dire tout de même que les droits religieux et les droits à l'éducation ne devraient pas être des enjeux de la politique sectaire.

Selon certains, deux élections ont raffermi les opinions de la population. M. Wells a déclenché les élections de 1993 en promettant qu'aucune modification constitutionnelle ne serait apportée sans le consentement des Églises. Au moment du déclenchement, en janvier 1996, nous étions dans une situation intenable: aucun parti, aucun chef de parti n'appuyait la protection de nos droits. Pour les minorités, les élections ne sont guère favorables pour livrer leurs combats.

Nous avons dit que nous étions disposés à améliorer l'efficacité. En avril 1996, des représentants des conseils scolaires catholiques, pentecôtistes et intégrés se sont mis d'accord avec le gouvernement de Terre-Neuve pour simplifier le système d'enseignement, réduire le nombre de conseils scolaires et réformer le système. Depuis lors, les dirigeants de l'Église unie et de l'Église anglicane ont essayé de se dissocier de cet accord à cause des pressions exercées par leurs fidèles. Le gouvernement dit maintenant que l'accord ne tient plus. La Constitution n'exige pas que toutes les catégories de personnes ayant des droits donnent leur accord.

L'objet de la clause 17, dans son état actuel, est la protection des diverses catégories de personnes contre des actions unilatérales de la province. Ce qu'il y a de fallacieux, c'est qu'on soutient qu'il faut modifier la clause 17 pour toucher tous les groupes confessionnels. Si des groupes sont disposés à accepter qu'on réduise leurs droits, on peut modifier la clause pour supprimer leurs droits.

Nous voulons avoir la possibilité de choisir. Une grande partie de notre mémoire porte sur le choix. Aux pages 12 et 13, on trouvera des observations sur les déclarations que le gouvernement a faites à la population pendant la campagne référendaire.

Les choix des autres ne nous posent aucun problème, qu'ils optent pour les écoles publiques ou les écoles interconfessionnelles. Nous tenons à réaffirmer que les Églises ne dirigent pas les écoles et les conseils scolaires à Terre-Neuve. Nous, les parents, nous en chargeons.

Où que ce soit, la gestion est une question importante. Pour avoir un choix réel, il faut avoir un degré de contrôle raisonnable sur l'école confessionnelle et son évolution. Pour avoir des programmes d'instruction religieuse et des activités religieuses véritables dans les écoles interconfessionnelles, il faut posséder une autorité réelle relativement à ces droits. Ceux-ci ont été garantis aux francophones au moyen de l'expression «lorsque le nombre le justifie» Cette expression a une signification généralement acceptée au Canada. Nous sommes convaincus qu'elle nous garantirait une gestion et une protection adéquates.

On a soutenu également que la modification proposée permettra au système d'éducation de Terre-Neuve de rattraper celui du reste du Canada. Si tel est l'objectif visé, qu'on abroge la clause 17 et qu'on nous laisse les droits prévus dans toutes les autres provinces par l'article 93.

Nous avons entendu à Terre-Neuve un argument proprement incroyable: il faut adopter cette mesure parce qu'on a déjà commencé à lui donner suite. Autant dire à votre patron que vous devez absolument avoir une augmentation parce que vous avez déjà dépensé l'argent. Tout ce qui a été fait peut se défaire. En outre, le gouvernement peut réduire considérablement le nombre de conseils confessionnels en portant de 2 000 à 6 000 personnes la clientèle minimum.

Une chose qui m'excède, et qui exaspère beaucoup de parents, c'est le très mauvais service que notre gouvernement et des députés aux Communes fort mal informés ont rendu à nos élèves en parlant comme ils l'ont fait de rendement scolaire. Nos enfants tentent d'entrer dans les universités du reste du Canada. Comme il manque d'emplois à Terre-Neuve, ils cherchent aussi à décrocher des emplois ailleurs au Canada. Il est criminel d'avoir rabaissé nos enfants et leurs résultats scolaires à maintes reprises pour réaliser des gains politiques.

Lisez le chapitre de notre mémoire sur les résultats scolaires. Vous verrez que, depuis 1991, les résultats des élèves terre-neuviens aux examens nationaux comme le Canadian Test of Basic Skills et le Standard Achievement Indicators Program se sont améliorés de manière frappante. Ce n'est pas parfait. Nous sommes une petite province où, à cause du mode de vie traditionnel de certaines régions, on n'insiste pas beaucoup sur l'importance de l'éducation. Cela est en train de changer.

En 1991, nos élèves de sixième année se sont classés au 37e percentile au CTBS. En 1992, nos élèves de huitième année se sont situés au 40e percentile. En 1993, nos élèves de 4e année se classaient au 43e percentile. En 1994, les jeunes Terre-Neuviens de 13 et de 16 ans ont obtenu la moyenne nationale ou des résultats supérieurs à cette moyenne à divers sous-examens de lecture et d'écriture du National School Achievement Indicators Program.

On nous rappelle sans cesse le taux d'analphabétisme de Terre-Neuve. Permettez-moi de citer le document national où on analyse les résultats de Terre-Neuve à cet examen. Dans l'évaluation de la lecture, les résultats des élèves terre-neuviens de tous les niveaux sont pour l'essentiel identiques aux résultats de tous les élèves canadiens. À Terre-Neuve, la plupart des élèves lisent bien. Autrement dit, ils peuvent interpréter, évaluer et examiner des textes complexes et sont capables d'une compréhension et d'une évaluation personnelles.

Nos programmes de musique et autres n'ont rien à envier aux autres programmes. En ce moment même, le choeur de chambre de Holy Heart of Mary est l'un des deux finalistes à un concours international qui a lieu en Allemagne. Nous n'avons pas de raison d'avoir honte. Mais certains devraient rougir de honte après ce qu'ils ont dit à la presse nationale, à des tribunes nationales, au sujet des résultats de nos enfants.

La question du double emploi est dans une grande mesure une diversion. Il suffit de regarder les extraits du rapport de la Commission Williams que j'ai cités dans le mémoire pour constater que 84 p. 100 des économies proviennent de l'élimination de postes dans l'enseignement et l'administration, le nombre de conseils scolaires passant de 32 alors à 27 maintenant, puis à 9. La carte, je le répète, illustre bien que, au niveau des écoles, les doubles emplois sont limités.

Pour conclure, je dirai que la modification proposée à la clause 17 est une question qui met en cause les droits des minorités. Les groupes religieux ont eu au Canada des droits comme minorités bien avant que l'idée ne soit à la mode. Il semble qu'ils seront les premiers à les perdre.

Le gouvernement de Terre-Neuve soutient qu'il faudrait approuver automatiquement la modification parce que lui, le gouvernement, et une mince majorité de la population le souhaitent. Si tel était l'esprit de la Constitution et des Conditions de l'union de Terre-Neuve au Canada, on n'aurait pas besoin de consulter les Communes et le Sénat. La raison d'être du Sénat est de faire un second examen pondéré et de protéger les droits de la minorité. Si les droits de la minorité dépendent du caprice de la majorité dans la province, quel droit est sacré?

Merci beaucoup, madame la présidente.

Le sénateur MacDonald: Madame la présidente, je vous informe que je voudrais poser la même question à tous les témoins. Si Monseigneur, M. Fallon ou quelqu'un d'autre veut bien me répondre, je leur serai profondément reconnaissant.

Il existe une grande similitude entre votre mémoire et celui qui nous a été présenté ce matin. Je lis ceci à la page 26 de votre mémoire:

Le 18 avril 1996, le ministre de l'Éducation a annoncé publiquement que le gouvernement avait conclu un accord-cadre avec les autres parties intéressées dans le domaine de l'éducation, accord prévoyant la mise en oeuvre de la réforme de l'éducation dans les domaines clés de la gestion notés plus haut, au sujet du regroupement des écoles et des dépenses de construction d'écoles.

Le 24 avril 1996, le ministre de l'Éducation a donné aux Terre-Neuviens d'autres détails au sujet de l'accord-cadre et dit: «Ces changements sont une première étape importante dans la mise en oeuvre des modifications recommandées par la Commission royale... Au cours des prochains mois, il sera donné suite à d'autres recommandations dans des délais raisonnables.

Du 18 avril au 5 juin, il n'y a que neuf semaines -- moins encore si on part du 24 avril. Nous avons reçu du leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Joyce Fairbairn, une copie d'une lettre que lui a fait parvenir M. Grimes. La lettre commence ainsi:

Vous avez demandé un rapport sur l'état de l'accord...

Vous avez demandé un rapport. Nous avons reçu cette réponse au Sénat un ou deux jours plus tard.

Vous dites que vous avez été étonné d'apprendre que, dans une lettre adressée à Joyce Fairbairn, le ministre de l'Éducation avait informé le Sénat que l'accord-cadre ne portait que sur deux points. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais vous dites que ce n'est clairement pas le cas, en ce qui concerne les deux derniers accords. Il y avait un engagement à poursuivre les discussions sur les questions en suspens, comme le ministre le dit dans son communiqué du 18 avril 1996.

Dans la même lettre, le ministre de l'Éducation écrit aussi que les dirigeants de plusieurs des Églises faisant partie du réseau intégré ont retiré leur appui à l'accord-cadre. Vous dites que, si c'est le cas, la question n'a pas été discutée avec votre conseil.

Vous ajoutez dans votre mémoire:

Le Catholic Education Council continue d'appuyer l'accord-cadre et est prêt à tenir d'autres discussions afin de trouver une solution à toutes les questions en suspens.

M. Grimes termine sa lettre par ces propos:

Mais près de trois ans de discussions intenses entre les représentants du gouvernement et les groupes confessionnels se sont avérés inutiles.

C'était au moment où il y avait un engagement à poursuivre les discussions sur les questions en suspens.

Vous avez parlé de vérité. J'ai vraiment du mal à donner de ces faits une interprétation charitable. Vous avez plus de pouvoir que nous n'en avons. Tout ce que ce comité peut faire, pour peu que le comité prenne une décision en ce sens, c'est d'opposer à cette mesure un veto suspensif de six mois. C'est tout ce que nous pouvons faire.

Le sénateur Jessiman: Le temps file; il ne reste plus que quatre mois.

Le sénateur MacDonald: C'est vous qui avez le pouvoir. Pouvez-vous remettre les discussions sur les rails pendant ce laps de temps pour éliminer la nécessité d'une modification constitutionnelle odieuse? Si oui, quels sont les obstacles à surmonter? Y avez-vous réfléchi? Que ferez-vous?

M. Fallon: Tout d'abord, sénateur MacDonald, pendant ces quelques années de tractations avec le gouvernement provincial, nous avons toujours dit que la réforme de l'éducation pouvait se faire par la négociation d'un système acceptable pour les élèves de la province. Nous avons toujours soutenu que la méthode la plus appropriée était la négociation. C'est toujours notre position aujourd'hui.

Dans la lettre qu'il a adressée à M. Tobin après la campagne électorale, l'archevêque MacDonald dit au gouvernement: «Reprenons les entretiens. Poursuivons les discussions pour régler ce problème dans la province de manière qu'il soit inutile de modifier la Constitution.» Soit dit en passant, nous n'avons toujours pas reçu de réponse à cette lettre.

À notre avis, l'accord-cadre était une réponse que le gouvernement a faite de bonne foi à cette requête. Pendant la campagne électorale, la question n'a pas été un enjeu, car nous avions convenu avec M. Tobin que nous n'en ferions pas un enjeu électoral et que, après les élections, il y aurait possibilité de discuter de toute la question pour parvenir à une entente. Cela figurait même dans le livre rouge des libéraux provinciaux dont j'ai parlé tout à l'heure. Il devait y avoir des entretiens avec toutes les parties, toutes les clientèles, une fois les élections passées. L'accord-cadre était une réponse de bonne foi à la requête que nous avions faite pendant la campagne électorale et aussitôt après.

Vous avez demandé ce matin, sénateur MacDonald, ce qui n'avait pas tourné rond pendant ces neuf semaines. Ce qui s'est passé, croyons-nous, c'est qu'un mouvement d'opposition a pris de l'ampleur dans les groupes confessionnels qui font partie du réseau intégré. Ils se sont opposés à l'accord-cadre. Par leur activité politique, ils ont amené le gouvernement à prendre ses distances par rapport à cet accord.

Nous avons dit dans notre document, et nous le répétons aujourd'hui, que les catholiques sont toujours en faveur de l'accord-cadre. En réalité, M. Grimes ne nous a jamais dit que l'accord-cadre ne tenait plus. Nous n'avons reçu aucune lettre, aucun avis officiel disant qu'il ne tient plus. Nous avons été aussi étonnés que vous de voir la lettre qui a été envoyée au sénateur Fairbairn. Il y a à peine une quinzaine de jours, nous ne l'avions pas encore vue.

Nous estimons que l'accord-cadre est un moyen d'arriver à un compromis et de réformer le système d'éducation de la province.

Pouvons-nous reprendre les discussions? Cela dépend du gouvernement provincial.

Le sénateur MacDonald: Une bonne partie de ce que vous avez dit est du passé, mais une petite chose ne l'est pas. Avez-vous pris des initiatives? Qu'entendez-vous lorsque vous dites que cela dépend du gouvernement?

M. Fallon: Que nous avons continué à dire au gouvernement que nous étions disposés à négocier. Nous l'avons dit après les élections, dans nos discussions sur l'accord-cadre, et nous le répétons encore aujourd'hui. Nous voulons poursuivre les négociations.

Le sénateur MacDonald: Le gouvernement prétend que trois ans d'intenses discussions entre les représentants du gouvernement et des groupes confessionnels n'ont rien donné.

M. Fallon: Comment le gouvernement peut-il faire des affirmations semblables alors que nous avons conclu cet accord-cadre?

Le sénateur MacDonald: À vous de me le dire. C'est pourquoi je pose la question.

M. Fallon: Je l'ignore. Vous devriez poser cette question au gouvernement.

Le sénateur MacDonald: Comment allez-vous réamorcer les discussions? Connaissez-vous des représentants des Églises qui font partie du réseau intégré?

Le sénateur Rompkey: Certains d'entre eux sont catholiques.

Le sénateur MacDonald: J'ai dit ce matin: «Est-ce que ce ne serait pas épatant si nous faisions rapport en disant que nous avons entendu beaucoup de bons arguments et que nous sommes arrivés à la conclusion que les Terre-Neuviens n'arrivent pas à s'entendre? Ils ne peuvent pas mettre sur pied pour leurs enfants un système qui répond à toutes leurs normes et permet d'éviter une modification de la Constitution?» Le ciel nous préserve de cela.

Mme Henley-Andrews: Sénateur, vous avez dit que le Sénat pouvait suspendre la résolution pendant quatre mois de plus, avant qu'elle ne soit renvoyée aux Communes. Nous nous faisons une idée différente du rôle du Sénat. Le Sénat a la possibilité de recommander des amendements. Les conseillers juridiques des catholiques et des pentecôtistes ont discuté de moyens d'amender cette modification constitutionnelle. Je dois avouer que je ne suis pas très bien renseignée sur la question, mais l'un des moyens serait de remplacer par l'expression «lorsque le nombre le justifie» la disposition concernant l'application du droit provincial relativement aux écoles uniconfessionnelles.

Les parents catholiques voudraient poursuivre le dialogue avec le gouvernement. Nous voudrions conclure une entente. Nous sommes dans l'incertitude depuis des années. Chaque année, les parents et les enfants se demandent: «Est-ce que les élèves vont encore aller à cette école l'an prochain?» C'est à cause de toutes ces discussions sur le chambardement du système, des réinscriptions exigées et de tout le reste. Nous devons avoir une position de repli. Nous avons essayé de négocier, et nous croyions avoir conclu un accord.

Ce qui importe maintenant, c'est que le Sénat et nous fassions de notre mieux pour prendre des mesures raisonnables afin de clarifier le libellé de la modification à la clause 17 pour nous éviter de dépenser une fortune, en temps et en énergie, en recours judiciaires pour faire préciser nos droits. C'est un élément important.

Le délai de quatre mois dont vous avez parlé est peut-être ce dont nous avons besoin pour reprendre les négociations et négocier de bonne foi. Mais soyons réalistes: tant que le gouvernement soutiendra qu'il lui faut l'accord de toutes les Églises, et compte tenu de l'activité politique des deux derniers mois, dans certaines régions, il pourrait être difficile de parvenir à un accord avec toutes les Églises.

Le sénateur MacDonald: Je suis plus exaspéré que vous, je le crains.

Mme Henley-Andrews: Je suis fatiguée.

Le sénateur MacDonald: Je vais m'arrêter ici. Merci beaucoup.

La présidente: Permettez-moi d'expliquer brièvement aux personnes présentes qui ne sont pas nécessairement au courant du rôle du Sénat en matière constitutionnelle que le Sénat a un simple veto suspensif à l'égard de toute modification constitutionnelle. Cela veut dire que, à compter du jour où nous sommes saisis de la modification, soit le 3 juin dans ce cas-ci, nous n'avons que six mois pour y donner suite. Nous pouvons, comme vous l'avez dit, recommander des amendements. Nous pouvons aussi recommander le rejet ou l'adoption de la modification. Tout cela, nous pouvons le faire, mais si, à la fin des six mois, les Communes votent de nouveau, le Sénat ne peut plus rien faire.

Le sénateur Jessiman: Mes préoccupations sont les mêmes que celles du sénateur MacDonald. Toutefois, d'après ce que vous et d'autres avez dit plus tôt, je ne pense pas que vous devez faire des démarches auprès du gouvernement, mais auprès des responsables du réseau intégré.

Y a-t-il eu des communications entre vous et les responsables des écoles intégrées? D'après ce que je crois comprendre, ce sont eux qui se sont retirés de l'accord. Plus tôt aujourd'hui, je ne comprenais pas le problème, mais je viens de saisir.

M. Fallon: Nous n'avons pas communiqué avec les représentants du réseau intégré depuis la publication de leur communiqué, à la fin de mai, dans lequel ils préconisent l'abolition des écoles uniconfessionnelles catholiques dans la province.

Le sénateur Jessiman: C'est là que nous en sommes, sans doute. Il est certain que vous êtes une minorité et que vous aviez un accord, si j'ai bien compris, avec le gouvernement et les écoles intégrées. Je crois comprendre maintenant que ce n'est pas tout d'abord le gouvernement qui s'est retiré de l'accord, mais les représentants des écoles intégrées. Ai-je raison?

M. Fallon: Tout à fait. Le gouvernement, le Catholic Education Council, le Pentecostal Education Council et le Integrated Education Council avaient tous accepté cet accord-cadre. Nous croyons que le Integrated Education Council, représentant les Églises du réseau intégré, a retiré son appui. Nous n'en avons toutefois pas été informés officiellement. Nous croyons qu'il est revenu sur sa décision.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit aujourd'hui que c'est en raison de certaines pressions.

M. Fallon: Le conseil a publié un communiqué à la fin de mai, et je peux en remettre le texte aux membres du comité. Il y dit qu'il préconise un réseau scolaire unique pour toute la province, qu'il ne doit pas y avoir d'écoles uniconfessionnelles dans la province, qu'il va exercer des pressions auprès du gouvernement pour qu'il s'engage dans cette voie.

Le sénateur Jessiman: Jusqu'à maintenant, c'est un succès.

M. Fallon: Effectivement.

Le sénateur Kinsella: Monseigneur, je n'ai pas pu m'empêcher de réfléchir à l'expérience que j'ai accumulée ces 32 dernières années comme professeur dans une université de la région de l'Atlantique -- il s'agit de l'université où vous et moi avons fait partie du même corps professoral, il y a quelques années. D'après mon expérience, les étudiants provenant des écoles secondaires de Terre-Neuve qui étaient inscrits à notre université étaient exceptionnellement bien préparés. Je dirais même que, si je me fie à mon expérience personnelle, je ne peux pas comprendre cet argument au sujet de la qualité de l'éducation. Lorsque ce débat a débuté au Sénat, je me suis dit, à la lumière de mon expérience, que c'était là un mythe. Néanmoins, le leader du gouvernement au Sénat a dit que quelque chose n'allait pas dans la qualité de l'éducation à Terre-Neuve. Le sénateur Doody et moi nous sommes élevés contre cette assertion. Elle est pourtant revenue plusieurs fois aujourd'hui.

S'agit-il d'une tactique purement politique du gouvernement pour dénigrer son propre système d'éducation, financé par l'argent de ses contribuables? Ou bien y a-t-il un élément de vérité dans ces affirmations, qui contredisent mon expérience et celle de bien d'autres personnes?

Mme Prim-Furlong: Il est certain que ces accusations ont consterné les conseils scolaires catholiques. Comme il est dit dans notre mémoire, les résultats scolaires varient d'une école à l'autre et d'un district à l'autre. Ce facteur mis à part, le temps que les conseils scolaires ont consacré à cette question et la tristesse provoquée par la modification constitutionnelle proposée nous ont détournés de ce qui est notre travail véritable, soit l'éducation de nos enfants.

Tout au long de cette discussion, et malgré les tensions, malgré la peine que cette affaire a faite aux parents et aux conseils scolaires, nous nous sommes constamment efforcés d'améliorer les résultats scolaires de nos enfants. C'est pourquoi nous sommes consternés. Nous avons fini par conclure que ce n'était rien d'autre qu'un stratagème purement politique.

M. Fallon: D'une part, des représentants du gouvernement de Terre-Neuve ont dénigré le système -- pour des raisons politiques, selon moi -- afin de convaincre les Terre-Neuviens que le système confessionnel était inférieur et devait donc être modifié. D'autre part, d'autres personnes ont fait des affirmations comme celles qu'on trouve dans le communiqué du 4 mars dernier. Il s'agit d'un communiqué du ministre de l'Éducation, l'honorable Chris Decker.

Vous avez parlé de la performance des étudiants de Terre-Neuve au niveau postsecondaire. Le communiqué s'intitule: «Major Gains Announced in Newfoundland's Post-Secondary Education Levels». Il y est dit expressément que les jeunes adultes de la province ont considérablement amélioré le niveau de leur formation; les progrès sur le plan de la participation des 18 à 24 ans aux études supérieures ont été presque deux fois plus importants que ceux du Canada dans son ensemble. Selon le communiqué, le ministre de l'Éducation et de la Formation, l'honorable Chris Decker, estime que l'écart entre notre province et le reste du Canada, en matière d'éducation supérieure, est en train de devenir un mythe. Le niveau général d'éducation des 18 à 24 ans est maintenant à peu près égal à la moyenne nationale. Si la tendance se maintient, Terre-Neuve et le Labrador auront bientôt un niveau d'éducation égal à ce qu'il y a de mieux dans l'ensemble du pays.

Les informations sont contradictoires. D'une part, M. Decker et le premier ministre dénigrent le système pendant la campagne électorale. D'autre part, comme il est dit dans notre mémoire, des communiqués du ministère de l'Éducation affirment que nous pouvons tous être fiers de notre système.

Où est la vraie réponse? Nous croyons que notre système s'améliore à un rythme phénoménal et que nos étudiants peuvent concurrencer tous les autres au Canada.

Le sénateur Kinsella: Ce que vous nous dites, en somme, c'est que, si nous décidons de ne pas adopter cette résolution et de recommander au gouvernement de ne pas la présenter de nouveau aux Communes, les diplômés des écoles secondaires actuelles ne seront pas gravement désavantagés, tant que le problème n'aura pas été résolu d'une manière acceptable pour toutes les parties, du point de vue de la qualité de l'éducation?

M. Fallon: Tout à fait. J'ai dit au cours de mon exposé que nos étudiants pouvaient affronter la concurrence des meilleurs éléments au Canada.

Sénateur, j'ai assisté aux 12 heures de débat sur cette question aux Communes. J'ai trouvé navrant le type de discours que nous avons entendu au sujet de notre système d'éducation. Et ces discours ont été tenus non seulement par des députés des autres provinces, mais aussi par des députés terre-neuviens qui s'appuyaient sur des données erronées et avaient des renseignements inexacts. Nos élèves peuvent tenir leur bout face à tous les autres élèves au Canada.

Le sénateur Kinsella: Permettez-moi de revenir aux pages 28 et 29 de votre mémoire. Monseigneur, si saint Paul avait eu le même succès que vous avec ses épîtres, il n'aurait pas échoué seulement dans l'île de Malte.

Selon vous, pourquoi le premier ministre du Canada et d'autres personnes à qui vous avez écrit à quelques reprises n'ont-ils pas répondu? Est-ce que des parlementaires d'ici n'ont pas pu intervenir? Je suis étonné, franchement, car, normalement, il y a de meilleures communications que ce qu'on décrit dans votre mémoire. Y a-t-il quelque chose derrière tout cela? Pourquoi nous parlez-vous de ces problèmes?

L'archevêque MacDonald: C'est probablement, entre autres raisons, pour vous faire comprendre notre exaspération, pour vous montrer tous les efforts que nous avons faits pour faire entendre notre point de vue. Nous voulons vous montrer que tous nos appels sont tombés dans des oreilles de sourds. Je ne veux pas faire de procès d'intention, mais je ne suis pas incapable d'avoir quelques soupçons.

Mme Henley-Andrews: Je suis prête à faire des procès d'intention, si je puis me permettre. L'annonce a coïncidé avec le départ de M. Wells. Je crois que nos droits constitutionnels ont été pour lui un cadeau d'adieu.

Le sénateur Kinsella: Il a été question du témoignage de l'honorable ministre de la Justice, M. Rock, qui a comparu devant le comité. Je crois que vous avez lu son témoignage. Que dites-vous de son interprétation de la clause 17 qui est proposée et de sa conclusion selon laquelle les écoles confessionnelles subsisteront? Y a-t-il un problème de terminologie qui se pose? Y a-t-il lieu de faire une distinction entre l'usage de l'expression «écoles confessionnelles» dans ce contexte, et son usage dans le contexte actuel?

M. Fallon: La clause 17 modifiée fait dépendre les écoles confessionnelles de lois provinciales. Elles ne jouissent donc pas d'une protection constitutionnelle. Elles n'existeront que si des lois provinciales les autorisent. Cela vaut pour toutes les écoles.

Permettez-moi de vous donner un exemple de loi provinciale au sujet de cette question. Je songe à un projet de loi qui a été rendu public en janvier dernier par le gouvernement Wells. Voyons ce que cette mesure dit des écoles uniconfessionnelles.

Dans le cas des localités ayant une seule école et où cette école est catholique, la nouvelle loi dispose que ces écoles catholiques pourront subsister seulement si 90 p. 100 des élèves qui les fréquentent sont catholiques. Voilà ce qu'on entend, en disant que les écoles dépendront des lois provinciales. Il est vrai que le gouvernement Tobin a retiré ce projet de loi, mais nous n'avons pas encore vu celui que ce gouvernement entend proposer. La question a été soulevée ce matin, et nous avons demandé à voir ce projet de loi. Nous voulons voir le texte. Qu'on nous montre de quoi sera fait le nouveau système. Nous n'avons pas le texte.

Un deuxième point, à propos des écoles uniconfessionnelles et des lois provinciales, à propos de tout ce qu'on nous dit. Il s'agit d'un communiqué publié par M. Grimes le 24 avril dernier. Il y est dit que toutes les nouvelles écoles et les écoles qui se regrouperont seront désignées comme interconfessionnelles. Ce qu'il dit en fait, c'est qu'on ne pourra jamais plus ouvrir de nouvelles écoles catholiques à Terre-Neuve et au Labrador.

Le sénateur Kinsella: Est-ce que nous avons ce communiqué?

M. Fallon: Nous pouvons vous en procurer une copie, sénateur.

J'essaie de montrer que, puisque les écoles seront créées sous réserve du droit provincial, l'Assemblée législative pourra adopter des lois qui empêcheront d'ouvrir et de conserver des écoles catholiques dans la province. C'est le noeud du problème, dans cette nouvelle clause 17. C'est pourquoi nous demandons la suppression du passage «sous réserve du droit provincial d'application générale» et son remplacement par l'expression «lorsque le nombre le justifie». Cela nous garantirait la protection constitutionnelle que nous souhaitons.

La présidente: Vous avez mentionné trois documents qui pourraient nous être très utiles, je crois. Le premier est le communiqué des écoles interconfessionnelles, publié après l'échec de l'accord-cadre. Pouvez-vous nous en donner une copie, en plus des deux communiqués plus récents dont vous avez parlé?

M. Fallon: Le projet de loi modifiant le Schools Act a été déposé en janvier.

Le sénateur Kinsella: Quel numéro portait-il?

Mme Henley-Andrews: Madame la présidente, ce projet de loi est joint à l'annexe 7 de notre mémoire.

Le sénateur MacDonald: Je voudrais raconter une anecdote que j'ai entendue il y a deux ans. Le premier ministre Smallwood, qui faisait campagne dans un secteur catholique, avait besoin d'appuis et avait demandé un beau jour à son grand ami, le père Donahue, de l'accompagner à la foire de l'église. Des épreuves de tir étaient en cours. Un paroissien passablement ivre se promenait avec son fusil. M. Smallwood et le père Donahue ont dû le lui enlever. Le vieil homme est venu vers eux à la fin du pique-nique. Il était vraiment en colère. Chaque année, il avait hâte à cette fête: «Vous m'avez brisé le coeur, monsieur Smallwood et père Donahue. Je démissionne dès maintenant de l'Église catholique.» Puis, il a ajouté: «Monsieur Smallwood, je songe très sérieusement à quitter le Parti libéral.»

La présidente: Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, la présidence accorde certains passe-droits au sénateur MacDonald. Je l'ai connu toute ma vie. Il était adulte alors que je n'étais encore qu'une enfant.

Le sénateur Doody: L'une des questions soulevées tout d'abord par le ministre Rock dans un échange avec moi, aux audiences qui ont eu lieu à Ottawa, et ensuite par d'autres personnes, consistait à savoir qui est le porte-parole des minorités. C'est ce qui est ressorti ce matin de manière frappante, à cause des chiffres que les pentecôtistes ont cités, comme 85 p. 100, et cetera Les adventistes du septième jour sont un très petit groupe religieux, mais qui mérite tout de même d'être protégé, peut-être même plus que les autres justement parce qu'il est petit et encore plus vulnérable.

Mmes Henley-Andrews et Prim-Furlong pourraient peut-être nous dire combien de personnes font partie de leurs organisations, quand ces organisations ont été mises sur pied et dans quelles régions de la province elles sont actives, que ce soit seulement à St. John's ou ailleurs dans la province.

Je m'intéresse à la participation des parents et non seulement à celle des élèves. J'ai été particulièrement impressionné par une jeune femme de Gonzaga, qui est venue à Ottawa avec votre délégation.

Mme Henley-Andrews: L'alliance n'a jamais tenté de dresser une liste de membres, à proprement parler. Lorsque le débat a débuté, il a dans une très grande mesure été présenté comme un débat opposant l'État aux Églises. On parlait sans cesse des Églises. Chaque fois que M. Fallon ou l'archevêque prenaient la parole, ou encore n'importe quel membre d'un conseil scolaire catholique, on les accusait de se soucier uniquement de protéger leur position et de ne pas parler au nom de la base. C'est pourquoi un groupe a décidé qu'il était important de présenter les opinions de la base.

L'alliance n'était au départ qu'un groupe de parents assez petit avec quelques enseignants et d'autres personnes du grand public. Nous avons lancé un appel aux bénévoles. On nous a fait cadeau d'un bureau pour une très brève période, et 3 000 personnes ont proposé leur aide. Elles n'ont pas simplement donné leur appui, mais aussi leur aide comme bénévoles.

Nous avons orchestré une campagne d'envoi de cartes postales au gouvernement provincial au début de 1994. Plus de 7 000 cartes ont été envoyées au gouvernement, signées au nom de l'alliance.

Depuis, nous avons été invités à prendre la parole partout dans la province, devant des groupes du milieu scolaire et des groupes de parents et d'enseignants. L'alliance compte au sein de son conseil d'administration des représentants de diverses écoles et associations de parents et d'enseignants.

Nous avons également encouragé les écoles à écrire à Ottawa, à écrire au premier ministre Tobin, à faire des sondages dans leur clientèle pour savoir combien de parents voulaient que les écoles restent des écoles catholiques, par exemple. Toutes les organisations de parents et d'enseignants n'ont pas décidé de faire ce genre de recherche dans leurs écoles, mais les 10 ou 12 de la région de St. John's qui l'ont fait ont relevé un appui de plus de 90 p. 100 pour que les écoles restent catholiques. Dans toutes ces écoles, le taux de réponse a été élevé.

Mme Prim-Furlong: Sénateur, comme je l'ai dit dans mon exposé, notre réseau compte 44 000 élèves, et nous croyons représenter les parents en matière d'éducation. Nos convictions à cet égard sont très fermes, car, depuis quatre ans, nous avons tenu d'innombrables réunions avec des parents, et des parents représentés par des associations parents-enseignants. Nous nous sommes adressés aux parents dans les écoles et nous avons recueilli leur point de vue. Nous sommes conscients que tous les parents tiennent à conserver le système tel qu'il existe. Nous croyons néanmoins que, pour l'essentiel, nous représentons les parents qui appuient le système actuel.

Ensuite, le point de vue des parents est transmis aux conseils, puis au Catholic Education Council. C'est ainsi que nous répondons aux voeux des parents. Je peux donc dire sans réserve aucune que nous croyons avoir entendu le point de vue des parents.

À titre d'illustration, disons qu'à seulement un ou deux jours d'avis, 400 parents des quatre coins de la province se sont réunis ici pour accueillir les sénateurs à leur arrivée, hier, et leur dire quel système ils appuient. Aucun effort n'a été nécessaire.

Le sénateur Doody: Voudriez-vous ajouter quelque chose, monseigneur?

L'archevêque MacDonald: Un sondage d'opinion réalisé en 1989 a montré que 65 p. 100 des catholiques appuyaient le système d'éducation confessionnel. Un important sondage fait en 1990 dans les milieux catholiques de l'éducation, «Catholic Education in Newfoundland and Labrador», sondage conçu et réalisé pour le Catholic Educational Council par M. Robert Crawford, de l'Université Memorial University, a révélé chez les catholiques un appui très ferme pour les écoles catholiques.

Alors que l'appui que donnent les catholiques à l'éducation confessionnelle est resté constant, à 65 p. 100, si on fait la comparaison avec les résultats du sondage de 1978, 71 p. 100 des parents catholiques se sont dits d'accord avec l'affirmation selon laquelle les écoles catholiques sont les établissements qui conviennent le mieux pour éduquer les enfants catholiques. Environ 85 p. 100 des parents catholiques ont également dit que les écoles avaient une responsabilité de première importance dans l'éducation catholique des enfants. Selon environ 88 p. 100 d'entre eux, il n'est pas possible d'avoir des écoles vraiment catholiques sans la participation active des familles, de la paroisse et de l'école. Interrogés au sujet de leur engagement global à l'égard de l'éducation catholique, 79 p. 100 des parents catholiques ont dit que cet engagement était ferme.

Selon la même étude, les enseignants appuient aussi très vigoureusement le système catholique. Environ 80 p. 100 des enseignants ont dit qu'ils étaient fermement engagés à l'égard de l'éducation catholique, 92 p. 100 qu'il n'est pas possible d'avoir des écoles vraiment catholiques s'il n'y a pas une participation active des familles, de la paroisse et de l'école, et 87 p. 100 ont décrit le partenariat réunissant la famille, l'Église et l'État comme un bon moyen d'éduquer les enfants.

Il est significatif qu'une campagne de signature de pétitions en faveur de l'éducation catholique d'un seul week-end, en mars 1993, ait permis de recueillir 55 000 noms.

Le sénateur Doody: Merci beaucoup. Votre intervention a été très utile.

Monsieur Fallon, tout à l'heure, vous avez décrit le mécanisme qui était prévu dans le projet de loi initial. Si un groupe confessionnel représente 11 p. 100 de la population dans une localité, l'école catholique existante pourrait devenir interconfessionnelle ou non confessionnelle, selon la terminologie qu'on veut employer.

Il me vient à l'esprit qu'un autre mythe veut que toutes ces écoles aient été construites avec l'argent des contribuables, et seulement avec l'argent des contribuables. Je suis allé à l'école ici, à St. John's, et je sais que les communautés religieuses ont consacré beaucoup d'argent aux écoles. Dans bien des cas, c'est l'Église qui a donné le terrain.

A-t-il été question d'indemnisation, au cas où le pire scénario se concrétisait? A-t-on donné des indications en ce sens? S'agit-il simplement de transformer une école catholique en école interconfessionnelle sans indemniser les propriétaires initiaux? Je ne parle pas d'indemnisation spirituelle, mais simplement de gros sous.

M. Fallon: Sénateur, nous avons vu pour la première fois la modification proposée le 3 janvier. Ce document porte sur les propriétés de l'Église ou sur les terrains où les écoles ont été construites. Il n'y a eu aucune discussion entre le gouvernement provincial et les groupes confessionnels intéressés au sujet des terrains des Églises.

Le Catholic Education Council a fait en 1991 une évaluation des terrains sur lesquels ont été construits les écoles et les bureaux des conseils scolaires catholiques. Leur valeur est de 22 millions de dollars, et l'apport des Églises a été de 17,2 millions de dollars, soit 78 p. 100 du total. Il s'agit ici des terrains seulement, et non des bâtiments.

Il n'y a eu aucune discussion entre l'archevêque, le Catholic Education Council et le gouvernement au sujet des terrains. Ce document explique cependant comment les écoles catholiques seront transformées en écoles interconfessionnelles, sans qu'il soit le moindrement question d'indemnisation.

Le sénateur Doody: Même lorsque les écoles ont été construites avec d'importants capitaux de la paroisse?

M. Fallon: Même dans ce cas-là. Mme Andrews a fait allusion à l'école Holy Heart of Mary, la plus grande école de la province. Elle a été construite il y a 35 ans, et elle sert encore à l'éducation des jeunes Terre-Neuviens. Elle a coûté 7,5 millions de dollars, il y a 35 ans, et 86 p. 100 des capitaux ont été fournis par les deux communautés religieuses qui ont dirigé l'école au moment de sa fondation.

De plus, une partie appréciable de l'infrastructure de la province a été financée par les paroisses et sert toujours à l'éducation des élèves. Mais le gouvernement provincial n'a même pas eu la courtoisie de discuter de la question avec nous.

Le sénateur Beaudoin: L'histoire montre que, après les articles 91 et 92 de la Constitution, c'est l'article 93, ou son équivalent, c'est-à-dire la clause 17 dans ce cas-ci, qui est sans doute la disposition la plus importante de la Constitution.

Je suis d'accord pour dire qu'on ne peut pas isoler la question de Terre-Neuve de celle du Québec et de l'Ontario. Il est certain que ce qui se passera ici aura des conséquences politiques, mais pas nécessairement juridiques, au Québec et en Ontario.

Ma question concerne la disposition «sous réserve du droit provincial». J'ai exactement les mêmes préoccupations que vous. Lorsque je l'ai lue, j'ai eu l'impression que certains pouvoirs passaient des groupes confessionnels ou catégories de personnes à l'État. Plus je lis ce paragraphe b), «sous réserve du droit provincial», plus je constate qu'elle est uniformément applicable à toutes les écoles, et il s'agit des écoles confessionnelles.

La disposition est très ambiguë. Je voudrais que vous précisiez vos inquiétudes au sujet de cette disposition. Tout article d'une Constitution portant sur l'éducation est nécessairement très important. On peut en dire autant des articles qui portent sur les droits et libertés, et les droits à l'éducation confessionnelle se situent peut-être dans une catégorie encore plus élevée de droits et libertés.

Je signale au passage que la Charte des droits ne s'applique pas aux droits à l'éducation confessionnelle. L'article 29 est très explicite. Ces droits forment une catégorie à part.

Les tribunaux devront proposer des interprétations, sans nul doute, comme ce fut le cas au Québec, en Ontario et au Manitoba et ailleurs au Canada, et le débat continuera. Le débat qui se déroule aujourd'hui a eu lieu aussi, dans une certaine mesure, au Manitoba -- de même qu'au Québec, avant la Confédération.

Pourquoi fait-on intervenir cette question de «droit provincial»? Je répète ma question. Cela veut-il dire que, en ce qui concerne les lois en ce domaine, l'Assemblée législative est au-dessus de la Constitution de notre pays ou de votre province?

Mme Henley-Andrews: C'est là une de nos préoccupations. Cette disposition, «sous réserve du droit provincial», est très inquiétante. Vous me pardonnerez mon cynisme, mais ce qui s'est passé ces quatre dernières années me donne beaucoup de raisons d'être cynique.

Le gouvernement provincial pourrait mettre en place des lignes directrices d'application générale sur la viabilité, comme celles proposées en janvier. Disons qu'il fixe une taille minimum pour les écoles, comme il l'a d'ailleurs fait dans le règlement proposé en janvier dernier, et qu'il place la barre si haut que la très grande majorité des écoles catholiques et toutes les écoles pentecôtistes seraient éliminées. En même temps, il se trouverait à éliminer beaucoup d'écoles intégrées, car aucun groupe confessionnel ne contrôle les petites écoles, qui sont dispersées dans toute la province. Le problème, c'est que, si le gouvernement faisait cela pour un an et était prêt à affronter l'indignation de la population, les écoles s'en trouveraient changées. Les élèves se retrouveraient dans des écoles différentes. L'année suivante, il pourrait abaisser le seuil pour rouvrir quelques écoles qui ont été fermées, mais, entre-temps, les écoles confessionnelles auraient disparu.

Le sénateur Beaudoin: Comme un juge en chef américain célèbre l'a dit, la Constitution, c'est ce que les juges disent qu'elle est. Lorsque les tribunaux interprètent les articles 91 et 92, ils définissent le droit pénal et le droit civil. Ils interprètent la notion d'éducation à l'article 93, définissent la présomption d'innocence, et les droits à l'éducation confessionnelle. Ils ont le dernier mot. Bien sûr, nous pouvons apporter des modifications après coup, mais, étant donné nos succès en matière de modifications constitutionnelles, c'est la Cour suprême du Canada qui va continuer de régner. Elle sera invitée à le faire.

Le sénateur Doody: Elle n'aura pas le dernier mot dans ce cas-ci.

Le sénateur Beaudoin: Elle devra interpréter les dispositions.

Selon moi, s'il y a lieu d'amender ces dispositions, il faut le faire ici. Il est très étrange de dire que les droits à l'éducation confessionnelle protégés par une partie de la Constitution sont assujettis à la législation provinciale.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Fallon: J'en reviens au projet de loi qui a été présenté en janvier dernier pour modifier le Schools Act. Je vais en lire seulement deux articles qui montrent quels effets la législation provinciale peut avoir. J'ai déjà cité plus tôt ce document au sujet des localités à école unique. Il y a deux autres domaines où, je vais l'expliquer, les mots «sous réserve du droit provincial» peuvent nuire aux écoles uniconfessionnelles. Il y a par exemple le paragraphe 79(2), dont voici le texte:

Un conseil peut, sur demande écrite présentée par dix parents d'élèves, procéder à un enregistrement aux fins d'établir ou de modifier la désignation d'une école comme un établissement uniconfessionnel.

À tout moment, une dizaine de parents peuvent dire: «Nous voudrions modifier le caractère de cette école uniconfessionnelle», et exiger la tenue d'un vote. On ne dit pas que ces dix parents peuvent demander de modifier la désignation d'une école dite interconfessionnelle. Vous pouvez constater comment cette loi est conçue de manière à jouer au détriment du maintien des écoles uniconfessionnelles.

Mon deuxième point concerne le paragraphe 111(1), sur la réglementation:

Le lieutenant-gouverneur en conseil peut prendre des règlements...

rr) au sujet de la désignation et de l'enregistrement des écoles comme uniconfessionnelles, francophones et autochtones;

Ce que je veux souligner, c'est que les écoles uniconfessionnelles dépendent complètement des lois provinciales. Elles ne sont aucunement protégées par la modification proposée.

Le sénateur Beaudoin: La Cour suprême a toujours donné une interprétation généreuse des droits et libertés ainsi que des droits à l'éducation confessionnelle. Par conséquent, elle pourrait donner le bénéfice du doute à ceux qui ont des droits à l'éducation confessionnelle. Mais nous n'en sommes pas encore là. Nous en sommes à l'étape de l'adoption de la loi et même d'une modification de la Constitution. On ne peut se situer à un niveau plus élevé.

Le sénateur Rompkey: Deux choses. Tout d'abord, une question de chiffres. Monsieur Fallon, quelle clientèle faut-il pour établir une école uniconfessionnelle? Quel pourcentage faut-il, selon vous?

M. Fallon: Dans les discussions avec le gouvernement, nous sommes partis de ce qui existe maintenant, ce qui me paraît être dans l'ordre des choses. Dans les localités à école unique, il faudrait maintenir l'école uniconfessionnelle là où 50 p. 100 des personnes desservies plus une le souhaitent.

Le sénateur Rompkey: Voulez-vous dire 51 p. 100 de la population locale?

M. Fallon: Nous sommes prêts à accepter que ce soit la clientèle desservie par l'école ou bien l'ensemble de la population, mais les gens qui sont desservis par l'école, les parents des élèves inscrits à l'école.

Le sénateur Rompkey: Comment le gouvernement ferait-il cette analyse?

M. Fallon: Si on procédait de cette manière, il faudrait que le conseil scolaire et le gouvernement s'entendent.

Le sénateur Rompkey: Je voudrais aussi aborder la question des autobus et du transport.

Mme Prim-Furlong: Pour ajouter à ce que M. Fallon a dit, le gouvernement a aussi établi des seuils de viabilité pour les écoles. Nous avons donné notre accord aux chiffres proposés. Cela est plus considérable que l'appui des seuls parents qui conserver l'école catholique.

M. Fallon: Oui. Nous avons toujours soutenu que les écoles doivent être viables. Nous ne voulons pas continuer à faire fonctionner des écoles non viables à Terre-Neuve. Nous voulons des écoles là où le nombre le justifie et là où les gens souhaitent en avoir.

Le sénateur Rompkey: Il est question dans le mémoire d'excès présumés dans le domaine du transport. Cela veut-il dire que, selon vous, les coûts du transport ne sont pas excessifs à Terre-Neuve?

M. Fallon: Tout à fait. Aucune étude, que nous sachions, n'a permis d'établir de manière décisive que les économies seront à la mesure de ce que le gouvernement envisage et qu'elles seront attribuables au caractère non confessionnel du système.

Une étude a été publiée le 30 août 1995, quelques heures avant le vote par anticipation, au référendum. Cette étude était incomplète. Elle portait sur des frais de transport qui n'ont absolument rien à voir avec le caractère confessionnel du système. Les économies dont il est fait état dans cette étude seraient attribuables aux doubles circuits, à la diminution du nombre d'arrêts, au fait qu'il y aura moins d'élèves à transporter et à d'autres éléments semblables, qui n'ont rien à voir avec le caractère confessionnel du système. Même dans un système public, il faut transporter les élèves.

Le sénateur Rompkey: Vous avez beaucoup critiqué la Commission Williams. Selon votre mémoire, elle aurait fait état d'économies de 134 000 $ dans le transport scolaire. Vous ne croyez pas qu'elle ait fait des recherches adéquates et vous contestez ses conclusions.

M. Fallon: C'est exact. Nous ne croyons pas qu'elle ait fait des recherches adéquates là-dessus non plus. Je pense que M. Williams l'a avoué dans son témoignage à Ottawa. J'étais présent à ces audiences. Le compte rendu montrera qu'il n'a pas eu la possibilité d'étudier à fond le transport scolaire dans la province.

Mme Henley-Andrews: J'ai sous les yeux un exemplaire de l'étude sur le transport publié à la veille du référendum et qui était censée être une étude concluante sur les économies à réaliser dans le transport. Si vous en prenez connaissance, vous constaterez qu'elle a été faite en fonction des districts provinciaux.

Dans la région de Mobile-Trepassey, il n'y a que des écoles catholiques, il n'y a pas de circuits en sens inverse, mais les auteurs estiment qu'il y aura des économies de 280 000 $.

Dans le district de Stephenville-Port au Port, ils estiment que les économies seront de 227 100 $, mais seulement 23 700 $ de ces économies viennent de la suppression de circuits en sens inverse. Ils ont examiné toutes les localités, toutes les écoles, et identifié les écoles pour lesquelles des élèves sont transportés d'une localité à l'autre, puis ils ont calculé les coûts.

Le problème que pose l'utilisation du montant brut de 8 à 10 millions de dollars, montant qui est approximatif, c'est que l'étude ne porte pas expressément sur les dédoublements des services attribuables à la confessionnalité du système. L'analyse porte sur les moyens de réaliser des économies, point à la ligne. Un très faible pourcentage, 10 p. 100 peut-être, provient de l'élimination de circuits en sens inverse, mais une grande partie des économies en immobilisations viennent du fait qu'il y aura un autobus au lieu de trois, et que cet autobus fera trois tournées. Les élèves de la maternelle à la quatrième année seraient transportés à 7 heures du matin, ceux de la cinquième à la huitième à 8 heures et enfin ceux de neuvième à la douzième à 9 heures. Les horaires seraient également décalés en fin de journée pour qu'il y ait un seul autobus. Un tollé a accueilli cette proposition.

Mme Prim-Furlong: L'une des plus grandes protestations qui se sont fait entendre dans tout ce débat a été celle des parents au sujet de ce rapport sur le transport. Ils n'arrivaient pas à croire les recommandations de ce rapport. Ils ont été si mécontents des contraintes qu'on leur imposait, ainsi qu'à leurs enfants, qu'ils ont forcé le gouvernement à faire marche arrière. Il a retiré la proposition.

Le sénateur Rompkey: Vous dites qu'il n'y a pas assez de preuves empiriques. Nous avons depuis longtemps des cas ponctuels de circuits en sens inverse. L'exemple classique est celui de Harbour Grace et de Bay Roberts, où les autobus se croisent sur la colline. J'ignore comment la situation se présente à Carbonear, mais c'est d'habitude la région de Conception Bay qu'on utilise comme exemple pour montrer comment on pourrait réaliser de grandes économies.

En l'absence de preuves empiriques solides, êtes-vous d'avis qu'il n'y a pas vraiment d'économies à réaliser dans le transport par autobus?

Mme Henley-Andrews: Comprenez-moi bien. Il y a peut-être des économies à faire. L'estimation de 134 000 $ avancée par la Commission Williams est beaucoup plus près de la réalité, en ce qui concerne les dédoublements attribuables à la confessionnalité du système. Il y a d'autres économies possibles dans le transport scolaire qui n'ont rien à voir avec la confessionnalité, mais elles occasionneraient des inconvénients aux parents.

En ce qui concerne les cas isolés, vous avez tout à fait raison: on fait souvent mention des régions de Carbonear, de Harbour Grace et de Bay Roberts. Cependant, un grand nombre de ces élèves doivent tout de même être transportés par autobus, qu'on les transporte de Carbonear à Harbour Grace ou de Bay Roberts à Harbour Grace. Si on habite à plus de 1,6 kilomètre de l'école, on a droit au transport scolaire.

Le sénateur Rompkey: Mais le transport se ferait à l'intérieur des localités plutôt que d'une localité à l'autre.

Mme Henley-Andrews: Le transport ne se ferait pas sur d'aussi longues distances. Il faudrait néanmoins continuer à assumer certains coûts, car il faut quand même fournir des autobus. Il n'y aurait d'économies que sur la distance et la durée du transport.

Le sénateur Rompkey: Ce serait autant de gagné pour les élèves aussi. Ce serait une amélioration au niveau de l'éducation, n'est-ce pas?

Mme Henley-Andrews: Dépendant de la distance du transport des élèves, effectivement.

Le sénateur Rompkey: Ils pourraient passer plus de temps en classe, au gymnase, aux cours de musique, à jouer dans l'orchestre ou à chanter dans le choeur.

Mme Henley-Andrews: C'est là qu'intervient la question de choix.

Le sénateur Doody: Vous n'avez pas d'objection à ce qu'on améliore le système. Ce n'est pas là qu'est le problème.

Le sénateur Rompkey: Vous semblez dire que, si le transport se fait à l'intérieur de la localité plutôt qu'entre des localités différentes, des économies seront possibles. Je crois comprendre que les élèves sont transportés d'une localité à l'autre pour pouvoir fréquenter l'école de leur groupe confessionnel.

Mme Henley-Andrews: À un moment donné, le premier ministre Wells lui-même a décidé d'envoyer ses enfants dans des écoles catholiques. L'un d'eux est allé à Gonzaga et un autre à Holy Heart. On ne les a pas refusés parce qu'ils étaient catholiques. Des parents des zones rurales comme des villes décident d'envoyer leurs enfants à l'école la plus proche, et ils y seront acceptés tant qu'il y aura de la place. Dans certaines régions, il y a un problème de surpeuplement dans les écoles.

Pour en revenir à des faits ponctuels, l'un des exemples que M. Decker donne constamment, à propos de transport scolaire, est celui de Goulds, en banlieue de St. John's, où on trouve une école catholique qui donne les cours depuis la maternelle jusqu'à la 12e année, et une école du réseau intégré qui les donne de la maternelle jusqu'à la 6e année. Les autres élèves de la commission des écoles intégrées, dans la région d'Avalon, sont transportés par autobus au centre de St. John's pour les cours de niveau secondaire.

Le problème, c'est qu'il n'y a pas assez de place dans les écoles de Goulds pour accueillir tous ces enfants, de toute manière. Si on décidait d'éliminer le transport scolaire vers St. John's et d'envoyer tous ces enfants à l'école à Goulds, il faudrait soit construire une nouvelle école pour les élèves de la 7e à la 12e année, soit agrandir considérablement l'une des écoles existantes, et cela coûte cher.

Voilà un des problèmes, dans toute cette question de transport scolaire. Il est facile de parler d'éliminer le transport scolaire, mais les écoles ont été construites pour accueillir un certain nombre d'élèves. Il faut se garder, lorsqu'on parle d'exemples isolés, de laisser l'émotion prendre le pas sur la raison.

M. Fallon: Nous avons également dit au gouvernement que nous étions disposés à discuter du problème des circuits de transport scolaire qui se croisent. Nous n'avons pas eu l'occasion de le faire. Nous avons proposé de discuter de problèmes comme celui-là pour essayer de trouver une solution. Le gouvernement a un contrôle absolu sur le transport scolaire.

Le sénateur Rompkey: Est-ce que c'est tout à fait vrai? Les conseils scolaires accordent les contrats, n'est-ce pas?

Mme Henley-Andrews: Non.

Le sénateur Rompkey: Ils le faisaient à mon époque.

M. Fallon: Il faut que le gouvernement approuve ces contrats.

Le sénateur Rompkey: Lorsque j'étais surintendant, je lançais des appels d'offres pour le transport scolaire.

M. Fallon: Voici un exemple de l'an dernier. En 1995, le ministre de l'Éducation a déclaré que, pour tous les circuits de transport scolaire, il fallait demander de nouvelles offres pour réduire les coûts immédiatement. C'est ce qui a été fait, bien entendu. Résultat: une augmentation de 685 000 $, pour les mêmes circuits, par rapport à l'année précédente.

C'est donc le gouvernement qui contrôle le processus des appels d'offres. Nous savons aussi que, l'an dernier, il y a eu une augmentation globale de 2,2 millions de dollars des coûts du transport. C'est le gouvernement qui contrôle le budget de transport dans la province, pas les groupes confessionnels, et c'est le gouvernement qui peut décider combien d'argent il va consacrer au transport scolaire.

Le sénateur Rompkey: Le problème, c'est que le gouvernement ne peut pas décider où les écoles seront situées et quels élèves fréquenteront telle ou telle école.

Mme Henley-Andrews: C'est exact. On ne peut avoir un système confessionnel si le gouvernement a droit de regard sur toutes ces questions. On ne peut avoir une école uniconfessionnelle si le gouvernement contrôle complètement les écoles.

Le sénateur Rompkey: C'est l'un des grands problèmes avec lesquels nous sommes aux prises.

Le sénateur Pearson: Je viens de l'Ontario, où il existe un réseau catholique. Ce n'est donc pas un problème pour moi.

Je voudrais revenir sur la réponse que j'ai reçue ce matin des pentecôtistes au sujet de la liberté d'admission, car chaque droit coexiste avec d'autres droits, et cela vaut pour les droits des enfants et leurs droits à l'éducation.

Lorsque j'ai lu la résolution et que j'ai essayé de comprendre la nouvelle clause, j'ai remarqué qu'il y était question, au paragraphe c), de la politique d'admission des étudiants. Je ne suis pas sûre de comprendre parfaitement la réponse des pentecôtistes. Ils ont dit, je crois, qu'il doit y avoir une politique d'admission ouverte. Est-ce juste?

Mme Henley-Andrews: C'est juste dans le cas des élèves qui ne font pas partie de l'un des groupes confessionnels existants. Pour les élèves sikhs, par exemple, il n'y a en ce moment aucune école prévue expressément pour leur religion. Il faut donc leur faire place dans une école existante, qu'il y ait de la place ou non.

Le sénateur Pearson: Les parents choisiraient l'école où ils veulent envoyer leur enfant.

Mme Henley-Andrews: Exact. À l'école que fréquentent mes enfants, il se trouve des élèves pour qui il n'y a pas d'école spécifiquement prévue.

Le sénateur Pearson: Le réseau des écoles catholiques aurait-il le droit de refuser un élève pentecôtiste?

Mme Henley-Andrews: Seulement s'il existe une école pentecôtiste dans la région.

M. Fallon: Mais nous ne refusons pas d'enfants d'autres religions, si nous avons de la place. Nous les acceptons tous.

Le sénateur Pearson: C'est une précision utile. Ce n'était pas une critique, mais une simple question.

Au même paragraphe, il est question des activités académiques. Il y a celles qui touchent les croyances religieuses et le programme général. Comment se fait la distinction? Le ministère de l'Éducation est non confessionnel?

Mme Henley-Andrews: C'est exact.

Le sénateur Pearson: Est-ce qu'il établit le programme d'études général pour l'ensemble de la province?

Mme Henley-Andrews: Oui.

Le sénateur Pearson: Et, à l'intérieur de ce cadre, les écoles confessionnelles peuvent apporter des rajustements?

Mme Henley-Andrews: Oui.

Le sénateur Pearson: Dans quelle mesure?

Mme Henley-Andrews: Elles peuvent adapter tout ce qui concerne les croyances religieuses.

Mme Prim-Furlong: Les conseils catholiques n'adaptent pas le programme scolaire proprement dit. Les rajustements concernent plutôt l'éducation religieuse. Je puis vous donner un exemple tiré d'une expérience passée.

Il a été recommandé que nous accordions plus de temps aux cours de religion. Les conseils n'ont pas estimé que cela était possible, car leur préoccupation première était la partie académique du programme. Nous avons dû tenir compte des deux éléments.

Aucune adaptation n'est apportée au programme établi par le ministère de l'Éducation.

Le sénateur Pearson: Le ministère de l'Éducation s'est-il efforcé d'exclure du programme des éléments qui risquent de porter à controverse? Je crois comprendre que certains groupes confessionnels n'acceptent pas nécessairement certaines choses.

M. Fallon: Oui, le ministère nous donne la possibilité d'examiner le programme avant d'y ajouter des éléments nouveaux. Si certains d'entre eux peuvent être contraires à nos croyances et à nos pratiques, nous pouvons faire valoir notre point de vue. Nous n'avons pas eu beaucoup de difficultés avec le ministère de l'Éducation à ce sujet. Les fonctionnaires ont été très compréhensifs.

Le sénateur Pearson: Un grand nombre de mes questions ne portent pas sur la confessionnalité. Je me préoccupe des enfants à risque. Y a-t-il coopération entre les diverses parties au sujet des enfants qui peuvent avoir des difficultés d'apprentissage ou d'autres handicaps?

Mme Prim-Furlong: Je puis répondre oui sans la moindre hésitation. À St. John's, nous avons une excellente coopération entre les conseils catholiques, intégrés et pentecôtistes pour répondre aux besoins de ces enfants.

Le sénateur Pearson: Pourriez-vous, par exemple, partager les services d'un même orthophoniste?

M. Fallon: Madame le sénateur, les différents conseils confessionnels se partagent les services des psychologues scolaires et des enseignants itinérants qui s'occupent des enfants souffrant d'un handicap auditif ou visuel. Ces personnes sont affectées à une certaine région. À Corner Brook, le conseil catholique s'occupe des élèves qui ont des besoins particuliers dans les petites classes, tandis que le conseil intégré prend en charge les élèves plus âgés. Il y a coopération à cet égard dans l'ensemble de la province.

Mme Prim-Furlong: Nous finissons tout juste d'essayer de trouver des moyens de répondre aux besoins des élèves doués, dans cette région, et tout s'est fait grâce à la conjugaison des efforts, à la coopération entre les conseils scolaires.

Le sénateur Ottenheimer: Toute cette démarche qui dure depuis deux ou trois ans doit nécessairement aboutir, d'une manière ou d'une autre. Je ne distingue que deux possibilités.

L'une d'elles, c'est qu'on dégage un consensus, qu'on trouve un compromis -- qui ne conviendra peut-être pas parfaitement aux parties, mais qui sera acceptable pour tous et permettra de parvenir à une entente sans que la Constitution soit modifiée -- ou encore une modification constitutionnelle convenue entre les parties et qui devrait comporter l'expression «lorsque le nombre le justifie» à propos des écoles uniconfessionnelles.

L'autre possibilité, c'est d'adopter une mesure qui modifiera sans leur consentement les droits que la Constitution garantit aux 37 p. 100 de catholiques, aux 7 p. 100 de pentecôtistes et au 0,1 p. 100 d'adventistes du septième jour.

Pour dégager un consensus, comme monseigneur l'archevêque et d'autres l'ont dit, on pourrait entamer des négociations, ce qui semble être la seule solution. Pour d'autres différends ou divergences d'opinion, on peut envisager la conciliation et la médiation, mais ces recours ne semblent guère convenir dans les circonstances. Ils pourraient peut-être être envisagés. J'ignore si on a songé à recourir à la médiation, à la conciliation ou à une sorte de quasi-arbitrage. Il reste que les négociations semblent être la solution à privilégier.

Loin de moi l'idée de dicter sa conduite à l'une ou l'autre des parties. Vous êtes beaucoup plus directement concernés et vous êtes beaucoup plus au courant que moi. Si les négociations sont le seul recours et si les autres parties ne font rien pour les amorcer, les parents catholiques pourraient peut-être prendre l'initiative et voir s'il n'est pas possible de sauver l'un des accords cadres.

La réduction du nombre de conseils scolaires et le financement de la construction des écoles en fonction des besoins, cela, je le comprends bien. Il est peut-être possible d'arriver à un compromis qui ne sera la solution parfaite pour personne. Ce n'est peut-être pas bien sur le plan des principes, mais, en politique du moins, le mieux est parfois l'ennemi du bien. On pourrait peut-être trouver une solution qui soit tolérable pour tous. C'est une question que je pose.

D'un autre côté, si on opte définitivement pour une solution qui nie les droits des minorités, a-t-on accordé assez d'attention non seulement à la dimension théorique ou à la notion de droits des minorités, mais aussi au fait que la Constitution sera modifiée sans le consentement des minorités? Et quelles seront les conséquences pour la coexistence des membres de notre société, pour l'espoir que nous pouvons avoir que nos droits seront reconnus et que ceux des autres seront respectés? Quelles seront les répercussions sur l'ensemble de la vie sociopolitique dans la province?

On pourrait soutenir la thèse suivante: «Vous n'êtes pas nécessairement d'accord sur la manière dont nous exerçons nos droits. Vous ne voulez peut-être pas exercer vos droits, mais nous tenons à le faire. Assurément, nous devons nous respecter mutuellement. Nous respectons votre droit de ne pas exercer vos droits ou d'y renoncer. Vous pouvez certainement reconnaître notre droit à exercer nos droits, même si vous n'êtes pas d'accord. En tout cas, vous pouvez accepter une solution qui ne provoquera pas une gêne durable dans nos relations politiques, sociales, fraternelles à Terre-Neuve, dans les relations entre Églises.»

Je ne suis pas sûr que mes questions soient claires.

Mme Henley-Andrews: Sénateur Ottenheimer, je comprends votre sentiment. Je crois que le référendum a fait beaucoup de mal à notre province pour un certain nombre de raisons. L'une d'elles est qu'il est devenu clair, pendant les discussions qui ont suivi l'accord-cadre, en avril, que presque tous ceux qui ont voté avaient une interprétation différente de ce qu'ils appuyaient ou rejetaient. Certains pensaient voter contre la suppression de toutes les écoles confessionnelles. D'autres croyaient voter pour les écoles interconfessionnelles. D'autres encore pensaient ainsi obtenir des écoles uniconfessionnelles là où le nombre le justifie. Conséquence, les attentes étaient très variables, dans la population, quant aux résultats concrets, même dans le contexte de la clause 17 dont vous êtes maintenant saisis.

L'archevéque MacDonald: Pendant la période assez longue qu'ont duré nos entretiens avec le gouvernement Wells, je n'ai jamais eu l'impression que nous étions à la recherche d'un consensus. À tort ou à raison, j'ai eu l'impression que le gouvernement cherchait à imposer son plan. C'est l'impression très nette que j'ai eue.

À propos de négociations, il me semble que nous avions négocié, avec l'accord-cadre, une entente selon laquelle les trois parties renonçaient à l'exercice de certains de leurs droits -- par exemple celui d'avoir des conseils scolaires confessionnels. Nous avons proposé des conseils interconfessionnels. Je pense que les deux autres conseils ont fait la même chose. Ce que nous n'avons pu obtenir en trois ans avec l'ancien gouvernement, nous l'avons eu en quelques semaines grâce aux négociations sur l'accord-cadre.

J'ignore ce que les catholiques peuvent faire pour amorcer les négociations, mais vous pouvez comprendre notre exaspération: les conseils confessionnels, organismes prévus par la loi et représentants les groupes confessionnels au niveau provincial, arrivent à une entente, et nous apprenons soudain que cette entente ne tient plus.

M. Fallon: Je voudrais dire un mot au sujet de votre deuxième point, sénateur Ottenheimer.

Nous avons dit au premier ministre Wells, lorsque le référendum a été tenu, que celui-ci sèmerait de profondes divisions dans la province, et le temps nous a donné raison, comme le montre l'acrimonie qui s'est fait sentir ces derniers mois. Nous le déplorons, d'autant plus qu'on nous prive de nos droits. Certains habitants de la province estiment que la modification proposée ne va pas assez loin.

Nous ne demandons pas aux habitants de la province d'être d'accord avec nous, mais simplement de respecter notre position au sujet de l'éducation de nos enfants dans la foi et notre conception de l'éducation de nos enfants.

Quant à l'établissement d'écoles non confessionnelles, rien ne l'empêche, dans le texte actuel de la clause 17; rien n'empêche non plus le financement intégral de ces écoles; et rien non plus n'oblige le gouvernement à financer les écoles plus généreusement qu'il ne le fait en ce moment. C'est simplement que le budget d'éducation sera partagé entre tous les types d'écoles. Tout ce que nous demandons aux habitants de la province, c'est de bien vouloir respecter nos aspirations. Nous respectons votre droit au type de réseau d'éducation que vous souhaitez pour vos enfants. Veuillez nous laisser continuer à faire la même chose pour nos enfants.

Mme Prim-Furlong: Dans l'optique d'un conseil scolaire, cette démarche a provoqué beaucoup de dissensions et a accentué nos différences. Les faits sont éloquents; au cours des trois dernières années, les conseils scolaires se sont efforcés de collaborer et de répondre aux besoins des enfants. Or, les initiatives de coopération ont été mises en veilleuse. Il nous a été impossible d'y donner suite à cause de la situation horrible dans laquelle ce débat nous a plongés.

Le sénateur Anderson: J'ai trouvé les échanges de ce matin et de cet après-midi passionnants, et c'est peu dire. Comme je n'ai fréquenté que des écoles publiques, et même l'école à salle de cours unique jusqu'en neuvième année, et comme j'ai survécu à une fusion entre un collège laïc et une université confessionnelle, j'ai une certaine expérience de toute cette question. Je me suis occupée d'éducation tout au long de ma vie professionnelle.

Mme Prim-Furlong et Mme Henley-Andrews ont parlé d'écoles ayant des services communs, à Terre-Neuve. Pourriez-vous expliquer dans quelle mesure ces initiatives ont été fructueuses? Combien existe-t-il d'écoles de ce type? Depuis combien de temps existent-elles? Quel succès ont-elles obtenu?

Mme Henley-Andrews: Il y a actuellement 35 écoles avec services communs réparties entre 25 localités. Un grand nombre d'entre elles sont des initiatives communes des conseils scolaires catholiques et intégrés. D'autres ont été mis en place par les réseaux pentecôtiste et intégré. Dix ou douze autres ententes sur des services communs sont en veilleuse depuis quatre ou cinq ans parce que le gouvernement n'a pas fourni le financement qui permettrait de faire des agrandissements mineurs.

Cette année, une école, à Pasadena, je crois, est devenue un établissement à services communs. Je pense qu'il suffisait d'ajouter une salle de classe, mais la réalisation du projet a été beaucoup retardée parce que le gouvernement provincial ne débloquait pas les ressources pour construire cette salle de classe. C'est maintenant chose faite.

Il y a de nouvelles écoles à services communs à Gander. Les services communs sont la règle dans tout Gander depuis septembre 1995, c'est-à-dire depuis le début de la dernière année scolaire. Les arrangements varient entre les divers conseils. Il s'agit tantôt d'ententes officielles, tantôt d'ententes officieuses. Le succès n'est pas partout égal, en matière d'éducation religieuse, par exemple, mais, dans l'ensemble, ces initiatives ont été très fructueuses. C'est du moins ce que je crois savoir.

Pour répondre à votre question, je crois que la première école à services communs, dans la province, remonte à la fin des années 60, et elle se trouvait à l'île Fogo, au Labrador. Mais comme la population et les localités rurales diminuent, il devient plus nécessaire de conclure des ententes de coopération.

M. Fallon: Cette année, le gouvernement a débloqué des fonds pour plusieurs initiatives de services communs. Je m'en réjouis. Pour plusieurs autres, on attend encore le financement, et, en septembre, quatre nouvelles écoles à services communs ouvriront leurs portes. Il y en aura d'autres. C'est dans ce sens que le système va évoluer dans les zones rurales, même si la clause 17 n'est pas modifiée. Nous n'avons pas besoin de cette clause pour suivre cette orientation.

Mme Prim-Furlong: Cela ne se produit pas que dans les campagnes. Nous envisageons le même type de disposition à proximité des villes.

Le sénateur Lewis: Je voudrais un éclaircissement. Je présume que plusieurs membres de la Commission royale Williams ont été mêlés à cette question.

M. Fallon: Oui, c'est exact. Trois membres de cette commission.

Le sénateur Lewis: Ces membres ont-ils exprimé une dissidence au sujet du rapport?

M. Fallon: Non.

Le sénateur Lewis: Ce matin, avec les Assemblées pentecôtistes, et encore cet après-midi, on a parlé de la possibilité d'amender la nouvelle clause 17, en ce qui concerne les écoles confessionnelles. Il a été question de l'expression «lorsque le nombre le justifie». Que pensez-vous de cette expression? Cela rendrait-il la proposition plus acceptable?

M. Fallon: Oui, mais il y a aussi autre chose. Si cette expression était employée à la place de «sous réserve du droit provincial», la résolution serait acceptable, jusqu'à un certain point. Si on ajoutait les termes «déterminer» et «diriger», à propos des politiques d'administration, de l'éducation religieuse et des politiques d'admission, cela ferait beaucoup pour répondre à nos besoins sur ce plan.

Le sénateur Lewis: Ce qui a semblé être la position adoptée par les Assemblées pentecôtistes ce matin.

M. Fallon: Effectivement.

Le sénateur Lewis: La plupart des provinces semblent avoir un système différent. Je crois que le sénateur Pearson a parlé de l'Ontario. Je ne connais pas très bien la situation ontarienne. Je crois que la province a un double réseau, l'un public, et l'autre confessionnel.

M. Fallon: C'est juste. La province a un réseau non confessionnel et ce qu'on appelle un réseau séparé, mais il s'agit principalement d'écoles catholiques. En Ontario, les écoles religieuses d'autres confessions ne sont pas financées.

Le sénateur Lewis: À votre avis, un système semblable serait-il possible et acceptable ici?

Mme Prim-Furlong: Oui.

M. Fallon: Lorsque le nombre le justifie, je crois que les parents devraient avoir la possibilité d'avoir dans les écoles un esprit non religieux, un esprit laïc, si c'est ce qu'ils souhaitent. Je crois que c'est possible. Des catholiques qui ne veulent pas que leurs enfants étudient dans des écoles catholiques ou les membres du groupe intégré pourraient opter pour les mêmes établissements. La possibilité devrait leur être offerte, surtout dans les grands centres urbains.

Le sénateur Lewis: Comment ces écoles seraient-elles financées?

M. Fallon: Par le Trésor public. Le montant total du financement actuel serait réparti proportionnellement dans le nouveau système. Pourvu qu'il n'y ait aucune discrimination contre les écoles confessionnelles, on peut rajuster le financement. Si on implante un nouveau réseau public, les élèves qui le souhaitent pourront quitter le système actuel pour s'y joindre. Des enseignants et la masse salariale correspondante les suivraient. Les effectifs et les subventions seraient réaménagés. Il y aurait même des écoles qui changeraient de mains. Nous avons dit au gouvernement que nous étions disposés à céder les bâtiments que nous avons en ce moment. Si des parents veulent avoir un système laïc, le gouvernement n'a pas à bâtir de nouvelles écoles. Nous procéderions à un regroupement et nous donnerions au nouveau réseau les immeubles dont il a besoin pour ses activités.

La même chose s'est produite en Ontario lorsque les écoles séparées ont obtenu le plein financement. Il s'est produit un mouvement de masse du système public vers le système séparé. Le réseau public a cédé des immeubles aux écoles séparées. Nous serions disposés à faire la même chose pour rendre service à ceux qui veulent avoir des écoles non confessionnelles. Il n'y a là aucune difficulté. Nous l'avons dit au premier ministre Wells au cours de nos discussions avec lui.

Le sénateur Lewis: En Ontario, ce système dépend-il de la législation provinciale?

Mme Henley-Andrews: Non.

M. Fallon: La Constitution protège les minorités en Ontario. En Ontario, ce sont les écoles catholiques qui jouissent de cette protection, et au Québec, ce sont les minorités protestantes, bien entendu.

Le sénateur Lewis: Cette protection est accordée par l'article 93, n'est-ce pas?

Mme Henley-Andrews: C'est exact.

La présidente: Ce matin, les adventistes du septième jour ont exprimé des inquiétudes au sujet de l'expression «lorsque le nombre le justifie», car leurs écoles ne satisferaient probablement pas à ce critère. Ils ont proposé à la place des subventions de fonctionnement par élève. Est-ce une solution que vous avez envisagée, à la place du critère du nombre suffisant, ou est-ce un compromis inacceptable?

M. Fallon: L'Église adventiste du septième jour a effectivement fait cette proposition au cours des discussions avec le gouvernement. J'étais présent à la réunion. Nous appuyons cette position des adventistes.

Ce n'est pas notre position, et elle ne serait pas acceptable pour nous. Étant donné que les catholiques paient des impôts dans cette province, nous croyons avoir droit au financement intégral de notre système d'éducation.

Le sénateur Rompkey: On nous a dit, je crois, que le gouvernement n'avait pas consulté les adventistes du septième jour.

La présidente: Ils n'ont pas été partie à l'accord-cadre.

M. Fallon: C'est exact.

Mme Henley-Andrews: Mais ils ont assisté à certaines rencontres du gouvernement avec les Églises.

M. Fallon: Le ministre de l'Éducation a dit qu'il consulterait les adventistes du septième jour séparément. Trois groupes confessionnels ont participé aux discussions sur l'accord-cadre. Il était très conscient de la nécessité de consulter séparément les adventistes du septième jour.

La présidente: Je ne voulais pas ouvrir un panier de crabes.

Le sénateur Doody: Il y a un bon moment qu'il a été ouvert. Il vaudrait mieux que les crabes restent dans le panier.

Pour répondre à la question du sénateur Lewis au sujet de l'ajout de l'expression «lorsque le nombre le justifie» et des mots «déterminer» et «diriger», faut-il également rayer les mots «sous réserve du droit provincial d'application générale»?

M. Fallon: Oui, il faut rayer ces mots et les remplacer par «lorsque le nombre le justifie». Selon nous, cela garantirait aux écoles uniconfessionnelles une protection constitutionnelle.

La présidente: Merci à tous les membres du Forum des catholiques de Terre-Neuve et du Labrador.

Nous passons maintenant à de brefs exposés de témoins imprévus. La durée maximum des interventions est de cinq minutes.

Allez-y, je vous en prie.

M. Lawrence Jardine: Merci, sénateurs, d'être venus à St. John's pour nous rencontrer et écouter nos préoccupations.

J'ai la chance d'être père de huit enfants, qui ont tous fréquenté les écoles catholiques de Terre-Neuve. Nous sommes fiers de ce qu'ils ont réussi à accomplir. Nous avons également vécu en Ontario et au Manitoba et, heureusement, mes enfants ont pu y fréquenter des écoles catholiques.

Je suis curieux de savoir pourquoi ces droits aux écoles catholiques, à l'éducation confessionnelle, existent dans d'autres provinces. J'espère que le Sénat fera tout en son pouvoir pour que mes enfants puissent continuer, dans un avenir prévisible, à profiter ces écoles. Mon enfant le plus jeune a deux ans. Je vais donc continuer à m'intéresser à l'éducation pendant un certain nombre d'années.

Sans vouloir manquer de respect envers le sénateur Ottenheimer, j'ai la profonde conviction que le choix du type d'éducation que reçoivent mes enfants est un droit fondamental. Je ne veux pas qu'il soit sacrifié dans des négociations ni qu'il soit dilué pour faciliter un consensus politique. C'est un droit qu'il faut protéger. Il est prévu par la Constitution. C'est un droit qui a permis à Terre-Neuve de se joindre au reste du Canada il y a près de 50 ans.

Mme Dorice Marcil: Madame la présidente et honorables sénateurs, je viens de Labrador City, au Labrador. On m'a demandé de prendre la parole au nom de la Catholic Women's League, qui compte environ 1 400 membres dans notre province et 110 000 dans l'ensemble du Canada. La plupart de nos membres sont des mères ou des grands-mères convaincues de la valeur de l'éducation catholique pour leurs enfants.

Nous avons demandé à nos évêques et à d'autres personnes de prendre la parole en notre nom. Nous sommes d'accord sur ce qu'ils ont dit. Nous voulons conserver nos droits; nous refusons de les perdre. Nous voulons les exercer là où le nombre le justifie. Nous sommes disposées à encourager toute réforme susceptible d'améliorer l'éducation de nos enfants. Nous voulons qu'ils s'instruisent dans un climat de sollicitude et d'affection dans lequel c'est toute la personne qui est éduquée pour devenir ce que Dieu veut qu'elle devienne.

Je préside également le conseil scolaire catholique du Labrador, dont le territoire est de 176 000 kilomètres carrés, soit deux fois et demie la superficie de l'île de Terre-Neuve.

Je voudrais ajouter quelques éléments que je n'ai pas encore entendus aujourd'hui. Je signale par exemple qu'aucun commissaire n'est payé, à Terre-Neuve. À la différence de ce qui se passe en Ontario et dans quelques autres provinces, aucune rémunération n'est attachée à ce poste. Nous travaillons comme bénévoles parce que la question nous intéresse. Nous essayons de faire de notre mieux pour nos enfants.

On a dit bien des choses de notre système d'éducation. Je voudrais les réfuter en m'appuyant sur ce qui se passe dans mon seul district, que je connais à fond. Au niveau national, la moyenne des élèves du secondaire qui poursuivent des études supérieures se situe entre 44 et 46 p. 100. Dans notre district, où nous avons des écoles innues, francophones, anglophones et avec immersion en français, 86 p. 100 vont à l'université ou font d'autres études supérieures et réussissent bien. Nous sommes heureux d'avoir un page à la Chambre des communes cette année. Elle est inscrite à l'Université Carleton, et elle a obtenu 100 p. 100 à son examen final de mathématiques. Venez ensuite me dire que notre système d'éducation n'est pas aussi bon que les autres!

À Terre-Neuve, nous dépensons environ 1 000 $ par élève de moins, par année, que la moyenne nationale. Nous obtenons pourtant de bons résultats. Nous faisons encore de notre mieux pour nos enfants.

En 1990, le gouvernement a fait une enquête sur le décrochage scolaire. Apparemment, au niveau national, 35 p. 100 des élèves décrochent avant d'avoir obtenu leur diplôme. On a voulu tenir compte dans cette étude du J. R. Smallwood Collegiate de Wasbush, au Labrador, mais cela a été impossible, car il n'y avait aucun décrocheur. Essayez de trouver mieux!

Nous voudrions avoir un cadre religieux. Nous ne prisons pas le secret qui a entouré la mesure proposée. On nous a enseigné à ne pas faire confiance, mais à vérifier nous-mêmes les faits. Nous vous implorons de nous laisser nos droits, des droits qui sont garantis par la Constitution au lieu de dépendre du droit provincial.

M. William McKim: Je tiens moi aussi à féliciter le comité sénatorial, pas nécessairement pour sa présence ici, mais pour sa capacité à fixer toute son attention, semble-t-il, sur un même sujet pendant une longue période. La journée a été fort longue.

Depuis des années, je participe au débat sur l'éducation confessionnelle à Terre-Neuve. Je puis garantir au Sénat que ce qu'il entend n'a rien de nouveau. Cette question nous torture depuis longtemps, c'est-à-dire depuis que ce système a été mis en place, il y a environ 150 ans.

Il a récemment pris une autre tournure. On invoque maintenant la notion de «droits des minorités». Pendant des années, on m'a dit, sur un ton un peu condescendant, qu'il ne fallait pas modifier notre système confessionnel parce que c'est le système que souhaitent la majorité des Terre-Neuviens. Or, chose étrange, lorsque les Églises constatent qu'elles sont minoritaires, elles oublient commodément cet argument et soutiennent que les minorités ont des droits dont il ne faut pas les priver. Cela semble être un revirement bien pratique.

Je ne suis pas complètement convaincu par la sincérité de cet argument, mais prenons-le au sérieux un instant, car on semble revenir inlassablement là-dessus pour nous faire croire que ces droits ne peuvent et ne doivent être modifiés, peu importe les circonstances, et qu'on ne peut même pas envisager de les modifier. C'est de cette thèse que je voudrais parler.

D'où viennent les droits des minorités? Après avoir écouté les exposés d'aujourd'hui, on pourrait croire qu'ils viennent directement de Dieu. Il n'en est rien. Ils ont été consentis aux minorités par les majorités, dans leur sagesse collective. Dans le cas du système scolaire de Terre-Neuve, permettez-moi un bref rappel historique. Je vous recommande de revenir sur le passé et de lire le plus possible sur l'histoire de ce système. Je peux même vous conseiller un bon livre, si vous le voulez.

Ce qui s'est passé dans les années 1840, malheureusement, c'est que l'Assemblée législative de Terre-Neuve a décidé d'implanter un réseau scolaire financé par l'État. Elle a décidé que ce serait un réseau laïc et non confessionnel. L'Église catholique était d'accord, à l'époque.

Le réseau a été mis en place, mais, hélas, les anglicans en ont pris le contrôle et ont commencé à forcer les catholiques à suivre leur programme d'études, qui comprenait la lecture de la Bible. Les catholiques ont protesté auprès du gouvernement et de l'Assemblée législative, et ils ont obtenu leur propre réseau. Autrement dit, la majorité a constaté qu'il fallait accorder une protection et elle a donné des droits à ce qui était à l'époque une minorité opprimée.

Cent cinquante ans ont passé. Le monde actuel est complètement différent. Les catholiques ont-ils besoin de protection contre des protestants extrémistes? Je ne le crois pas. D'autres groupes minoritaires ont-ils besoin de protection, comme les catholiques il y a 150 ans? Je ne le pense pas. Il n'est pas déraisonnable, après 150 ans, que nous réexaminions la question, bien que je puisse voir pourquoi cette perspective effraie des Églises comme l'Église catholique. Il leur est très difficile de justifier ces droits, dont sont privés d'autres groupes comme les juifs, les musulmans et les hindous, à Terre-Neuve, et d'autres religions dans le reste du Canada.

Je voudrais faire remarquer une chose. À entendre un grand nombre des arguments exposés aujourd'hui, on dirait que toute religion disparaîtra des écoles de Terre-Neuve si la clause 17 est adoptée. Ce n'est pas vrai. Je l'ai dit, les Terre-Neuviens discutent de cette question depuis longtemps et, dans leur sagesse collective qui s'exprime à l'Assemblée législative, ils ont opté pour le maintien de la religion à l'école. Mais ils ne veulent plus que les Églises soient les propriétaires du système. C'est de cela que nous devrions parler. Il ne s'agit pas d'écarter la religion, mais de mettre fin à ce régime de propriété. Ne vous laissez pas distraire par cette question particulière.

En guise de conclusion, permettez-moi de signaler que, si la clause 17 est adoptée dans sa forme actuelle, toutes les Églises de Terre-Neuve auront des droits d'accès aux écoles plus importants que partout ailleurs au Canada, exception faite peut-être de ceux de l'Église catholique dans quelques provinces comme l'Ontario. Les changements proposés à la clause 17 ne font pas disparaître les droits de tous les groupes confessionnels. En fait, ils les accordent à toutes sortes de groupes confessionnels et d'écoles. C'est probablement le type de réforme qu'aurait approuvé l'Assemblée législative de Terre-Neuve qui a accordé un droit à la minorité catholique il y a 150 ans.

M. Azmy Aboulazm: Je suis ici cet après-midi pour parler d'une minorité différente des autres. Je ne suis pas chrétien. J'habite à Terre-Neuve depuis une vingtaine d'années.

Je prends la parole parce que j'ai trois enfants qui vont à l'école. Je n'ai aucun contrôle, aucune participation, aucun droit, comme en ont tous les autres. Je paie des impôts, moi aussi. Je finance le système scolaire. Il faut comprendre que c'est l'État qui finance le système scolaire. L'argent de mes impôts sert à payer le système scolaire, et l'argent de tous les contribuables canadiens aussi, à cause des paiements de transfert. Des milliers d'entre eux ne sont pas chrétiens.

Mes questions sont les suivantes: une minorité doit-elle avoir plus de droits qu'une autre? Comment définissez-vous le terme «minorité»? Est-ce une question de nombre? Quel pouvoir, quels droits les non-chrétiens doivent-ils avoir? Devraient-ils avoir ces droits?

Nous n'avons aucun droit, que je sache. Nous n'existons pas. Le système ne reconnaît pas les non-chrétiens. Devrions-nous avoir des droits égaux? Je ne veux rien enlever aux autres, mais je réclame les mêmes droits que tous les autres.

M. Riley Fitzgerald: Honorables sénateurs, je suis un produit des écoles catholiques. J'ai deux enfants qui fréquentent l'école catholique. Je suis président de la Home School Association of St. Edwards, à Brigus. Je suis vraiment convaincu que la majorité des Terre-Neuviens ont voté, au référendum de l'an dernier, pour réformer le système d'éducation. Je ne pense pas qu'ils aient voté en faveur de l'abolition des droits que la Constitution confère à une minorité. Je crois que la majorité de ceux qui ont voté ont eu l'impression qu'un groupe religieux dont l'opposition aux changements libéraux est notoire était déterminé à empêcher tout progrès dans le système d'éducation. Cette perception était erronée.

Les dirigeants catholiques sont prêts à apporter un certain nombre de changements fondamentaux dans les modalités des services d'éducation. Nous sommes disposés à changer, car le changement est la seule constante dans notre monde. Par contre, nous ne sommes pas prêts à renoncer aux droits qui nous ont été consentis comme condition à l'entrée de Terre-Neuve dans l'union canadienne.

La clause 17 a peut-être servi en 1949 à rallier les catholiques indécis. Maintenant que notre appartenance au Canada est bien ancrée dans nos esprits et nos âmes, la majorité des électeurs, une mince majorité, a décidé d'abolir ce droit. Pensez-y. Comme défenseurs des minorités et gardiens de la Constitution, songez au précédent que vous créerez si vous laissez une majorité porter atteinte aux droits constitutionnels d'une minorité.

La question québécoise est l'exemple qui a été le plus fréquemment cité. Si, comme le gouvernement le soutient, la décision n'établit pas un précédent dans cette situation, elle en créera un malgré tout. Les droits constitutionnels de toute minorité seront menacés si des pressions efficaces contre eux peuvent être faites auprès de la majorité.

La décision que vous allez prendre déterminera si nous, chrétiens catholiques et pentecôtistes, serons nos propres maîtres, en matière d'éducation, ou si nous serons des marionnettes qui non seulement devront se conformer aux conditions exigées par le gouvernement actuel, qui nous assure que tout se passera bien, mais aussi aux moindres caprices de tout gouvernement ultérieur, qui aura le pouvoir constitutionnel de décider de quels changements nous avons besoin. Un droit que nous avons maintenant s'effritera. La majorité continuera de déterminer notre sort, en éducation, à chaque élection, et nos enfants et nos petits-enfants considéreront l'expression «droits des minorités» comme une contradiction dans les termes.

Sénateurs, vous êtes les défenseurs de la Constitution. N'abolissez pas ces droits. Renvoyez les deux parties à la table des négociations. On a enseigné aux catholiques que le sacrifice était bon pour l'âme, et aussi que certaines choses valaient qu'on se laisse martyriser pour elles. Une solution est possible à condition qu'on fasse un petit sacrifice. Ne tolérez pas qu'on nous brûle au poteau, comme 28 p. 100 de la population le souhaiteraient. Si cette démarche établit un précédent, que ce soit un précédent qui confirme les droits des minorités.

Je vous implore de prendre la bonne décision. Dieu vous bénisse.

Mme Suzanne Careen: Honorables sénateurs, merci beaucoup d'être venus à Terre-Neuve pour prendre connaissance de nos préoccupations. Je suis une élève de deuxième année du secondaire au Laval High School de Placentia. Nous, les élèves, sommes prêts à accepter une réforme et le regroupement des écoles dans notre région, mais, si la modification est adoptée, nous ne voulons pas que la religion catholique disparaisse de nos écoles.

Je pense que la matière la plus importante enseignée dans toutes les écoles de la province est la religion. Au fil des ans, nous avons tous pris part, activement et avec enthousiasme, à nos classes de religion, et nous avons appris que la religion était un élément important de nos vies. Aujourd'hui, nous devons montrer que nous tenons à continuer, comme par le passé, à étudier et à approfondir la religion chrétienne.

Je crois que, dans bien des cas, la majorité des enseignements sur le Christ se sont faits dans les salles de classe. Si des sujets comme la religion sont retirés du programme d'études, la morale que nous inculquent nos enseignants et peut-être même beaucoup de nos directeurs subira probablement une érosion.

La santé physique, mentale et spirituelle est d'une importance critique pour le développement global de la personne. Notre santé mentale est assurée par l'éducation faite au moyen des manuels scolaires, et notre santé physique par les activités parascolaires, mais qu'adviendra-t-il de notre santé spirituelle si notre religion nous est enlevée?

Vous pensez peut-être que la religion ne vient que de nos manuels de religion, mais c'est faux. Elle nous est aussi transmise par l'esprit qui règne dans la communauté scolaire. Il y a par exemple les rassemblements pour célébrer les fêtes religieuses -- Noël, par exemple -- et honorer nos dirigeants et notre foi catholiques. Ces célébrations, que la modification risque de faire disparaître, font de nous une famille, ce qui me semble important pour des jeunes adultes, pour nos écoles et nos communautés. Nous ne voulons pas perdre ces possibilités et ces événements importants dans nos vies.

Comme le nombre de personnes présentes aujourd'hui le montre, les jeunes ont une opinion très nette sur cette question. Dans nos écoles, tous les élèves se font enseigner les mêmes valeurs et vivent le même type de vie familiale. Si nos écoles deviennent des établissements publics, pouvez-vous garantir que les valeurs de la religion catholique ne seront pas influencées par les valeurs diverses qui sont présentes dans les écoles publiques? Par exemple, beaucoup d'élèves essaient de savoir si les relations sexuelles protégées et l'avortement sont bien ou mal. Si le message n'est pas très fort, il y aura beaucoup d'adolescents qui ne sauront pas à quoi s'en tenir, et les grossesses et les avortements seront beaucoup plus nombreux que maintenant. De plus, l'éducation catholique est excellente. Pourquoi changer quelque chose qui va bien? Le reste du Canada se bat pour récupérer les droits que nous sommes sur le point de perdre.

Mme Barbara Bartlett: Honorables sénateurs, l'un des rôles du gouvernement du Canada est de protéger les droits des minorités. J'estime que ce qu'on a tenté de faire dans la province, c'est de réduire et d'éliminer ces droits des minorités.

Nous qui formons une minorité dans cette province comptons sur vous pour veiller à ce que ces droits restent garantis par la Constitution. Un référendum dans lequel la majorité vote sur les droits de la minorité est tout simplement inacceptable.

Les changements que le gouvernement tient à apporter -- et qui doivent se faire, nous le reconnaissons -- peuvent se faire sans qu'on touche aux droits fondamentaux maintenant garantis par la Constitution du Canada. S'il a été possible de conclure un accord-cadre en fort peu de temps, depuis l'installation du gouvernement Tobin, on pourrait sûrement, avec un peu plus de temps, résoudre les problèmes qui restent en suspens.

Je voudrais dire un mot des changements apportés au système d'éducation. Je suis administratrice d'une école catholique de la province. Je suis un bon exemple des changements qui ont eu lieu dans notre région. Notre groupe vient de Brigus, Bay Roberts, Harbour Grace et Carbonear. Le transport scolaire est une question qui nous préoccupe constamment. Comme administratrice, j'ai passé de longues heures cette année à établir les circuits des autobus et à recevoir des appels le matin, au bureau, me disant par exemple: «Barbara, pouvez-vous me procurer un autobus dans une heure?» Je me dis: «Une heure?» Et l'interlocuteur continue: «En fait, j'en avais besoin ce matin, avant une heure, mais si vous pouviez me le procurer en moins d'une heure, je vous serais très reconnaissant.» Cela est arrivé au moins cinq fois cette année.

Le gouvernement est venu voir combien d'élèves nous avions, quels circuits de transport ils utilisaient et où se trouvaient les arrêts d'autobus. Je puis vous garantir que, dans les régions rurales de Terre-Neuve, il est loin d'être facile de déterminer les arrêts. Les élèves eux-mêmes ne savent pas où ils doivent monter à bord, car nous n'avons à peu près pas d'abribus. On dit: «Près du jardin d'oncle Paddy», «Près de chez moi» ou «Plus loin sur la route, à deux maisons». C'est cela, notre réalité.

Mais nous sommes un bon exemple de changement, et notre système de transport scolaire va changer en septembre prochain. Nous avons en ce moment neuf autobus pour assurer le transport des élèves. Leur nombre sera ramené à quatre. Nous aurons avec deux autres écoles de la région des autobus qui feront deux circuits. Ces changements-là n'ont pas exigé de modification constitutionnelle. De plus, on prévoit fermer l'école où je travaille. C'est une des cent écoles de Terre-Neuve où des changements s'imposent, dit-on. Ce changement, c'est la fermeture.

Nous avons une population de 275 élèves, mais le bâtiment est vieux. Au nom de l'efficacité, l'école sera fermée et les élèves seront transportés sur une plus longue distance, vers un autre secteur scolaire. Des fonds ont déjà été débloqués pour cet autre secteur, et la construction des locaux pour accueillir nos élèves a débuté. Aucun de ces changements n'a exigé de réforme constitutionnelle.

Les écoles catholiques n'existent pas que pour enseigner la doctrine. C'est un réseau qui fait aussi la promotion de la culture. Il s'agit du patrimoine irlandais que partagent la plupart sinon tous les catholiques de la province. Les catholiques irlandais constituent une collectivité qui s'identifie à l'Église à l'école. La suppression des droits des catholiques de Terre-Neuve détruit non seulement un système d'éducation, mais aussi une culture. Je vous demande d'examiner cette question sérieusement et de préserver les droits que la Constitution garantit aux minorités. Le changement est possible sans que la Constitution soit modifiée.

Mme Lisa Murphy: Madame la présidente et honorables sénateurs, je viens d'obtenir mon diplôme du St. Stephens High School, à Stephenville. On a beaucoup parlé aujourd'hui du droit des parents de choisir les écoles qui conviennent pour leurs enfants, mais que dire des élèves eux-mêmes et de leurs choix?

Beaucoup d'élèves de toute la province aiment le système que nous avons maintenant. Il insiste davantage sur la spiritualité que n'importe quel autre, et il forme des personnes équilibrées. Au cours de mes études secondaires, j'ai pris part à une retraite qui m'a changée pour le mieux, je l'espère. Je suis plus engagée dans mon milieu et mon Église. Je suis beaucoup plus heureuse qu'avant. Si ce n'était des écoles que nous avons aujourd'hui, moi et bien d'autres n'aurions pas eu cette chance.

J'espère vraiment que notre système scolaire va rester tel quel, pour que des élèves comme moi puissent recevoir en matière de religion des conseils qui ne leur sont probablement pas donnés à la maison. Ils en deviendront meilleurs.

M. Mark Graesser, professeur de sciences politiques, Université Memorial: J'enseigne les sciences politiques à la Memorial University. Je crois savoir que, ce matin, le sénateur Rompkey a présenté un article que j'ai écrit récemment sur cette question. Je voudrais ajouter un complément d'information qui vient de l'enquête qui a servi de base à l'article. Je suis spécialisé dans l'analyse de l'opinion publique. Depuis une vingtaine d'années, j'étudie cette question de l'enseignement confessionnel au moyen de sondages. J'ai été conseiller auprès de la Commission Williams pour ses sondages d'opinion.

Je suis porté à contester l'affirmation qui a été faite dans le mémoire des Assemblées pentecôtistes présenté ce matin, selon laquelle les recommandations de la Commission Williams ne reposent sur aucune preuve. En plus de nombreux mémoires qu'elle a reçus de particuliers, elle a mené un vaste sondage très scientifique qui montre que quelque 60 p. 100 des Terre-Neuviens sont en faveur d'un système non confessionnel, le contraire de l'actuel système confessionnel, y compris une quasi-majorité des catholiques et des protestants, et non des pentecôtistes.

Pour en venir au sondage effectué à St. John's -- et seulement à St. John's, je dois le souligner -- après le référendum de septembre, sondage dont il est fait état dans l'article que le sénateur Rompkey a déposé, nous avons demandé aux répondants comment ils avaient voté, s'ils avaient voté. Les résultats nous ont permis de faire une certaine analyse de la composition des votes positifs et négatifs, notamment en fonction de la religion. Globalement, 65 p. 100 ont dit qu'ils avaient voté «oui», ce qui est légèrement supérieur au résultat réel obtenu à St. John's, qui se situait entre 58 et 60 p. 100. C'est un écart à prendre en considération. Chez les catholiques, 48 p. 100 ont dit avoir voté «oui» et 52 p. 100 «non». Chez les protestants, les pourcentages ont été de 81 et de 19 p. 100. Cela ne tient pas compte des pentecôtistes, qui sont très peu nombreux à St. John's. Nous ne les avons donc pas isolés pour les traiter comme une entité statistique.

À ceux qui n'avaient pas voté, soit près de 50 p. 100, nous avons demandé comment ils auraient voté. Parmi eux, 59 p. 100 des catholiques ont dit qu'ils auraient voté «oui» et 41 p. 100 «non», pour ce que cela peut valoir.

Je soulève ce point non pas pour insister sur l'absolue véracité de ces chiffres, mais pour souligner la complexité du problème. Comme Janet Henley-Andrews l'a dit tout à l'heure, la question a été interprétée de bien des manières pendant la campagne référendaire. Mais ce qui importe, à propos de l'affirmation des droits des minorités, c'est d'arriver à définir quel groupe ou collectivité réclame ces droits. Lorsqu'on subdivise la société entre majorités et minorités ou en catégories et en classes, on a tendance à supposer une certaine homogénéité dans ces groupes. Chose certaine, les porte-parole de ces groupes ont tendance à le faire. L'essentiel, ici, c'est que, dans ce sondage et tous les autres que j'ai faits, je n'ai jamais observé quoi que ce soit qui ressemble, même de loin, à l'unanimité chez les catholiques ou les protestants. Là où on s'est rapproché le plus de l'unanimité, c'est à propos de la question de savoir si les conseils scolaires devraient avoir le pouvoir de congédier ou d'engager les enseignants en fonction de la religion. Là-dessus, près de 90 p. 100 de toute la population terre-neuvienne, catholiques compris, sont opposés. C'est, bien sûr, l'un des enjeux ici.

Vous ne devez pas perdre de vue que toute la gamme des opinions sur ces questions se retrouve parmi les catholiques et les pentecôtistes, ainsi que dans les groupes du réseau intégré qui témoigneront demain.

La présidente: Merci, monsieur Graesser. Peut-être pourriez-vous remettre au comité le texte de votre étude. Nous le distribuerons aux sénateurs.

M. Geoff Aylward: Depuis le début de ce débat, je suis un solide partisan des écoles catholiques. Je suis un parent catholique, et j'estime que les gouvernements de Terre-Neuve et du Canada n'ont pas vraiment pris conscience de ce qu'ils faisaient ni du précédent qu'ils créaient. Le Canada n'a jamais été dirigé au gré des caprices de la majorité. Jusqu'à maintenant, nous avons essayé autant que possible d'obtenir le consentement des parties et de nous appuyer sur des consensus.

J'ai eu l'honneur de rencontrer très récemment quelques députés réformistes. Ils ne tiennent vraiment pas à faire quoi que ce soit pour aider les catholiques de Terre-Neuve après le précédent référendaire. L'un d'eux, celui qui est chargé de la question des référendums, dans le programme réformiste, a dit que, si on faisait quelque chose pour nous, ce serait créer un précédent qui risque d'être dangereux lorsque la question des droits des autochtones sera soulevée.

Au Canada, nous sommes passés d'une démarche empreinte de respect pour les droits des minorités, l'appréciation et le respect de la différence plutôt que sa réprobation, à une situation dans laquelle la majorité, avec 50 p. 100 des voix plus une, peut faire à peu près tout ce qu'elle veut. Pour obtenir ces 50 p. 100 des voix plus une, tous les moyens sont bons. Je n'insisterai pas là-dessus, sinon pour dire que, dans ce dossier, le gouvernement de Terre-Neuve ne s'est pas comporté de manière équitable et honorable. Je suis persuadé que vous avez entendu beaucoup de témoignages et reçu beaucoup de mémoires où cette question a été abordée.

Je voudrais demander quatre choses aux membres du comité. J'ai présenté un mémoire assez fouillé qui fait 11 pages. Des pages 7 à 11, plus particulièrement, je traite de quelques questions dans une optique juridique qui me semblent revêtir la plus grande importance dans ce débat. Je vous demanderais, si vos activités vous en laissent le loisir, pendant votre séjour ici ou lorsque vous rentrerez à Ottawa, de prendre connaissance de ce passage de mon mémoire. Je vous en serais extrêmement reconnaissant.

Au sujet du libellé de la clause 17, je demanderais trois choses au comité. J'ai tiré mes conclusions et je me suis fait mon opinion sans discuter avec d'autres juristes qui ont été mêlés à ce processus. Toutefois, à titre de parent catholique et de juriste qui a une certaine expérience et quelques connaissances en matière constitutionnelle, je vous demande, comme le Forum des catholiques, d'envisager de supprimer les mots «sous réserve du droit provincial d'application générale» et de les remplacer par les mots «lorsque le nombre le justifie». Deuxièmement, je demanderais que le paragraphe 17 b) soit amendé de manière que les conseils scolaires catholiques financés par l'État aient les pouvoirs voulus pour régir les éléments confessionnels des activités scolaires

Troisièmement, dans le cas des écoles interconfessionnelles, vous remarquerez, si vous étudiez avec soin la nouvelle clause 17, qu'on y dit que les membres des groupes confessionnels ont le droit d'assurer l'enseignement religieux, l'exercice d'activités religieuses et la pratique de la religion. Ce qui me préoccupe, je l'ai dit à maintes reprises, c'est que les contraintes qui pèseront sur l'exercice de ce droit lui enlèveront toute signification. Je suis passablement convaincu que, lorsque le nombre le justifie, et surtout dans les écoles interconfessionnelles, l'État doit financer l'enseignement religieux, les activités religieuses et la pratique de la religion.

M. Mike Tobin: Madame la présidente, honorables sénateurs, je suis député d'état des Chevaliers de Colomb de Terre-Neuve et du Labrador. Cela équivaut au rang de président provincial.

J'ai déjà présenté un mémoire, et je me fais aujourd'hui le porte-parole des Chevaliers de Colomb de l'ensemble de Terre-Neuve et du Labrador, de plus de 50 conseils actifs et d'au-delà de 50 localités de tout le Labrador et de l'île de Terre-Neuve.

Depuis la création du mouvement des Chevaliers de Colomb à Terre-Neuve et au Labrador, en 1909, nos ordres ont toujours visé à protéger et à préserver la sainte religion catholique. Je tiens à le confirmer et à le réaffirmer aujourd'hui.

Honorables sénateurs, merci de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.

Mme Catherine Shiwak-Snow: Honorables sénateurs, je suis née et j'ai grandi au Labrador, et j'ai reçu mon éducation dans un réseau intégré tolérant, qui savait comprendre mon éducation pentecôtiste. Je me rappelle fort bien les visites du ministre moravien, de mon pasteur pentecôtiste et d'autres membres du clergé qui ont contribué à mon éducation religieuse.

Comme mon père est autochtone, je ne sais que trop bien ce que c'est que d'être minoritaire. Je puis témoigner du sentiment d'impuissance qu'on peut éprouver, de la lutte constante qu'il faut mener pour faire ses preuves et défendre ses droits malgré la stigmatisation raciale. Aujourd'hui, c'est une bataille que je dois livrer, cette fois pour le droit de faire éduquer mes enfants dans une école chrétienne. Cela me motive comme aucun autre combat ne saurait le faire.

Des critiques prétendent que les écoles chrétiennes ont tendance à être isolées, à cacher le monde réel aux enfants. Notre famille ne connaît que trop bien le monde réel. Dans notre localité en assistant à divers événements, en écoutant les informations en soirée, en lisant les journaux locaux, en bavardant avec des voisins et des amis, nous sommes parfaitement au courant de toutes les choses pénibles qui peuvent se passer dans la vie des gens. De plus, la télévision réussit fort bien à nous présenter la culture et les valeurs sociales de notre temps. L'école chrétienne est un refuge dans ce monde réel marqué par les bouleversements sociaux et moraux, un lieu où mon fils et ma fille sont stimulés sur le plan intellectuel, soutenus sur le plan émotif et nourris par une espérance spirituelle.

Pour gagner une course à relais, il faut passer le témoin. J'ai l'impression que, aujourd'hui, je risque de ne pas arriver à passer le témoin à mes enfants. Ce témoin, c'est l'ensemble des droits à une éducation chrétienne.

La liberté de religion est devenue la liberté de ne pas avoir de religion, ce qui, je puis vous l'assurer, a des conséquences dévastatrices. Dans une société où des pressions de plus en plus fortes se font sentir sur la famille, l'école chrétienne est peut-être pour certains le dernier espoir.

Sénateurs, mon fils et ma fille ne sont pas ici aujourd'hui, mais je les représente devant vous. Je puis vous l'assurer, vous et moi allons sentir plus tard les effets de leurs systèmes de croyances et de leur idéologie. Je tiens à ce que cette idéologie soit bien ancrée. Ne nous abandonnez pas, dans votre examen pondéré de cette question.

La présidente: Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre participation.

La séance est levée.


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