Délibérations du comité sénatorial permanent
des
affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 23 - Témoignages - Séance de la soirée
ST. JOHN'S, le mardi 9 juillet 1996
Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 19 h pour poursuivre son étude de la résolution modifiant la Constitution du Canada, clause 17 des Conditions de l'Union de Terre-Neuve avec le Canada.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Bonsoir et encore une fois bienvenue. À l'intention du groupe un peu spécial de témoins que nous avons invités à comparaître devant nous ce soir, j'aimerais fournir une brève explication. C'est d'abord le sénateur Pearson qui a eu la merveilleuse idée de recueillir le point de vue des jeunes, et soyez assurés que c'est avec l'encouragement et l'appui de la présidence que le comité a décidé d'y donner suite.
Pour vous situer un peu, je vous signale que l'expérience du sénateur Pearson auprès des jeunes est celle de toute une vie. Personnellement, j'ai passé vingt ans de ma vie à enseigner à des élèves du secondaire. Nous avons pensé qu'il serait utile d'entendre ce que les jeunes ont à dire de leur système. Certains d'entre eux ont obtenu leur diplôme récemment et fréquentent maintenant l'université; ils sont encore assez jeunes pour se rappeler de ce qu'ils ont vécu en milieu scolaire et pour avoir une bonne idée du système qu'ils souhaitent léguer à leurs enfants, si jamais ils en ont un jour.
Notre règle de fonctionnement ne permet pas la participation directe de l'auditoire. Nous considérons que les audiences que nous tenons lors de voyages comme celui-ci à St. John's constituent un prolongement des travaux du Sénat.
Si j'ai bien compris, certains d'entre vous se contenteront de se présenter avant le début de la discussion; d'autres auront un bref exposé oral à nous faire. Nous vous saurions gré de faire vos exposés le plus rapidement possible.
M. Dwayne Pilgrim, président du conseil des élèves, École pentecôtiste de Deer Lake: Honorables sénateurs, je suis le président du conseil des élèves de l'École pentecôtiste de Deer Lake. Dans mon bref exposé, je traiterai de deux aspects principaux. Je vous ferai d'abord l'historique de notre école et je vous dirai ensuite un mot des actions que les élèves ont menées pour que leur école demeure uniconfessionnelle.
Pour les membres de l'Église de la Pentecôte de Deer Lake, cette école est la réalisation d'un rêve. Jusqu'en 1986, les Pentecôtistes fréquentaient des écoles qui faisaient partie du système unifié, au sein duquel ils formaient environ 25 p. 100 de la population scolaire. Toutefois, aucun des enseignants n'était de confession pentecôtiste. Après maintes vaines tentatives en vue de persuader le conseil scolaire d'engager des enseignants compétents membres de l'Église de la Pentecôte, un groupe de parents a entrepris de mettre sur pied une école pentecôtiste. Ils ont fait des démarches auprès du conseil scolaire pentecôtiste pour constater qu'il n'y avait pas de fonds disponibles pour une nouvelle école pentecôtiste. Les parents ont alors décidé de la construire eux-mêmes.
La congrégation de l'Église pentecôtiste Emmanuel leur a consenti un prêt de 700 000 $. Des bénévoles ont défriché le terrain. Un certain nombre d'entreprises locales ont fourni des matériaux. Quelques entrepreneurs membres de l'Église de la Pentecôte ont construit l'immeuble. Il en est résulté une école moderne dont nous sommes extrêmement fiers.
La première année, l'école comptait dix enseignants et quelque 200 élèves de la maternelle à la neuvième année. Aujourd'hui, elle a 21 employés et 320 élèves de la maternelle à la douzième année. L'école a depuis été considérablement agrandie à trois reprises, et on a approuvé les plans en vue de la construction d'une rallonge de 2,7 millions de dollars, dernier élément du complexe église-école.
Depuis 1986, les parents de nos élèves ont versé 14 000 $ par mois, sans compter les taxes scolaires, pour maintenir notre école et rembourser notre dette. C'est ainsi que la dette initiale d'au-delà d'un million de dollars, en incluant les intérêts, a pu être remboursée intégralement au cours de la dernière année.
En plus de ces paiements, notre Église nous alloue chaque année un montant pour le fonctionnement de l'école. Elle nous aide également à combler certains besoins particuliers. Par exemple, elle a fourni tous les instruments pour le programme de formation musicale. Elle assume les coûts de réparation et d'entretien d'un autobus de 24 passagers pour les équipes sportives et les sorties de groupe, sans qu'il en coûte un sou à l'école. Au cours de la dernière année, les pentecôtistes ont prêté un local de leur Église en guise de contribution au financement et au lancement d'un programme de garderie qui s'est révélé un impressionnant succès.
En plus de l'aide de l'Église, l'école bénéficie régulièrement de l'appui de 16 entreprises et de nombreux parents. Plus de trois cents parents ont assisté à la première réunion de l'association parents-enseignants. Depuis lors, la participation a diminué, mais le soutien des parents n'en demeure pas moins important.
L'an dernier, on a jugé qu'il fallait un nouveau laboratoire d'informatique pour le niveau primaire. On s'est adressé aux parents et aux gens d'affaires, et on a pu doter l'école d'une installation d'une valeur de 70 000 $. À lui seul, le groupe d'experts-conseils EDM a fourni 10 ordinateurs, un écran géant de télévision et de nombreux logiciels.
Ce ne sont pas seulement les parents qui ont leur école à coeur, mais aussi les élèves. Pour vous montrer combien nous aimons notre école, permettez-moi de vous énumérer quelques activités que nous avons menées.
D'abord, une ancienne élève, Judy Lush, a témoigné devant la commission royale Williams à titre de représentante des élèves de notre école. Elle y a présenté un mémoire en faveur des écoles uniconfessionnelles. Après la publication des conclusions de la Commission, deux élèves de notre école ont participé à une tribune téléphonique sur les ondes de la station de radio de Radio-Canada, où ils ont plaidé la cause des écoles confessionnelles.
En 1994, le conseil des élèves a fait circuler une pétition qui a été présentée à la Chambre des communes en notre nom par l'honorable Rick Woodford. M. Woodford a également visité notre école et participé à une réunion au cours de laquelle il a répondu à nos questions à propos de la situation qui nous préoccupe.
Nous avons envoyé des délégations rencontrer le ministre de l'Éducation, Chris Decker. Une fois, ne pouvant obtenir de rendez-vous avec lui, un groupe d'environ 300 personnes est allé l'accueillir à l'aéroport.
Durant le dernier congé de Pâques, dans le cadre d'une campagne de télémarketing, des élèves ont assuré la permanence de sept lignes téléphoniques. L'idée de cette opération était venue d'un parent. Nous avons établi quelque 2 000 contacts par téléphone un peu partout au Canada pour demander aux gens de téléphoner ou d'écrire à leur député pour exprimer leurs inquiétudes. Les étudiants désireux d'offrir leurs services bénévolement étaient si nombreux que nous avons dû refuser l'aide d'un grand nombre d'entre eux.
Deux élèves de onzième année ont lancé une pétition qui a été envoyée à toutes les écoles pentecôtistes de Terre-Neuve. Cette pétition a ensuite été transmise au conseil scolaire pentecôtiste.
Enfin, le printemps dernier, il y a eu une élection partielle dans Humber--St. Barbe--Baie Verte pour combler la vacance créée par le départ de Brian Tobin. J'ai moi-même fait partie d'une délégation qui est allée voir Gerry Byrne, au moment où on célébrait sa victoire, pour lui faire part de nos inquiétudes et l'inviter à notre école. Je me suis en outre entretenu avec le sénateur Rompkey, il y a quelques mois, lors du Forum pour jeunes Canadiens.
Ce ne sont là que quelques-unes des activités qui ont été menées par les élèves.
M. Jonathan Curlette, école des adventistes du septième jour: Madame la présidente, je représente ici les écoles des Adventistes du septième jour et, plus particulièrement, les élèves. Je souhaite la bienvenue aux sénateurs à St. John's.
Je tiens à vous dire que j'attache énormément d'importance à tout le débat entourant la clause 17. Je viens de terminer ma deuxième année, et j'entrerai en troisième l'an prochain. Je serai bientôt diplômé de cette école, du moins je l'espère. Toutefois, pour les élèves qui viendront après nous, cette proposition représente un important changement. Le principal objectif de notre école est de fournir aux élèves un milieu où l'on enseigne les valeurs chrétiennes. Nous avons un ratio élèves-enseignant très bas, d'environ 8:1. Les enseignants peuvent consacrer beaucoup de temps à leurs élèves.
Comme on vous l'a indiqué ce matin, aux épreuves CTBS et aux examens du gouvernement, notre école obtient toujours des résultats supérieurs aux moyennes nationales et provinciales.
Les enseignants ne se contentent pas d'enseigner; ils sont nos amis. Ils sont tous prêts à accueillir nos confidences. L'atmosphère est merveilleuse. Les élèves sont toujours détendus. Nous avons peu de problèmes de discipline.
Si elles sont adoptées, les modifications qu'on propose d'apporter à la clause 17 auront pour conséquence de faire disparaître notre petite école de quelque 75 élèves. De nombreux élèves seront forcés de retourner dans les grandes écoles qu'ils ont quittées parce qu'ils n'aimaient pas les enseignants et l'atmosphère, et parce qu'ils y avaient des frictions avec les autres élèves.
Au nom des écoles des adventistes du septième jour, je vous prie de voter contre cet amendement. Merci.
Mme Deirdre Cooper, représentante des écoles catholiques: Madame la présidente, j'ai récemment obtenu mon diplôme de l'école secondaire Gonzaga, ici même à St. John's. J'étais présidente du conseil des élèves. J'étais également représentante des élèves auprès du Keith Gonzaga Jesuit Committee. Récemment, je me suis rendue à Ottawa avec un groupe de parents inquiets pour exercer des pressions sur le gouvernement et l'inciter à s'opposer à la modification de la clause 17.
Je tiens à remercier les sénateurs d'être venus ici à Terre-Neuve pour y tenir ces audiences. Je les remercie particulièrement d'avoir organisé ce groupe de discussion.
Comme élèves, nous sommes au coeur du système scolaire ici à Terre-Neuve. Je n'étonnerai personne en disant que nous sommes la voix de l'avenir. Nous sommes les futurs politiciens, les futurs enseignants et, surtout, les futurs parents. J'ai beaucoup d'autres idées, mais je vais les garder pour plus tard.
M. Brad Hodder, représentant des écoles unifiées: Madame la présidente, j'ai obtenu récemment mon diplôme du Collège Bishops à St. John's. Je vous remercie de nous avoir invités à vous livrer nos témoignages.
Je représente le Conseil de l'enseignement unifié et, de ce fait, les écoles unifiées de la province. Le point qui nous inquiète le plus dans la nouvelle clause 17 proposée est l'absence de garanties concernant le maintien des programmes d'enseignement religieux. À cet égard, le nouveau libellé de la clause 17 ne garantit absolument rien, pas plus d'ailleurs que les promesses écrites données par l'ancien premier ministre Clyde Wells, qu'elles aient été faites ou non de bonne foi et avec de bonnes intentions.
Ce qui nous inquiète, c'est que le nouveau libellé de la clause 17, dans toutes ses subtilités juridiques, ne garantit pas vraiment que les programmes d'enseignement religieux seront maintenus.
Nous estimons que l'enseignement religieux occupe une place extrêmement importante dans le système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador. Nous ne voulons pas que notre système devienne public; nous ne voulons pas non plus d'un système scolaire confessionnel. À notre avis, il n'y a qu'un système qui vaille, c'est le système interconfessionnel. Pour nous, l'instauration d'un tel système revêt une grande importance.
Nous voulons un système où l'enseignement religieux ou les cours de religion ont leur place, un système où l'on respecte les fêtes et les observances religieuses sans pour autant que celles-ci soient imposées à l'ensemble des élèves ou qu'il en soit question dans toutes les matières. Nous estimons que chaque élève devrait être libre de participer ou non aux cours de religion. Voilà pourquoi nous sommes inquiets des modifications qu'on veut apporter à la clause 17.
[Texte]
Mme Jeannine Benoît, Franco-jeunes de Terre-Neuve et du Labrador: Je suis la présidente des Franco-jeunes de Terre-Neuve et du Labrador. Je représente la collectivité francophone de Terre-Neuve et du Labrador. Je remercie les sénateurs d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
M. Marc Hulett, Student Education Alliance: Madame la présidente, je représente ici un groupe d'élèves qui ne s'est probablement pas encore fait entendre à propos des questions soulevées récemment à l'occasion du projet de modification de la clause 17.
Notre groupe représente des milliers et des milliers d'élèves. Il a été formé récemment par des élèves de diverses localités de la région d'Avalon. Le problème, c'est que notre groupe est constitué d'élèves provenant d'un grand nombre de confessions religieuses différentes. Je ne parlerai pas en leur nom, car leurs opinions sont trop diversifiées. C'est pourquoi je ne peux pas les représenter tous ici aujourd'hui.
Je vais parler au nom des élèves qui croient que les modifications qu'on propose d'apporter à la clause 17, quoiqu'un peu vagues à certains égards, sont nécessaires. Si tout va bien, si ces modifications sont appliquées judicieusement et si nous pouvons demeurer en bonne communication avec le gouvernement comme cela s'est fait depuis quelques mois et au cours de la campagne référendaire, notre système d'éducation devrait s'en trouver considérablement amélioré. Normalement, de nombreux avantages devraient découler d'une plus grande efficacité de notre système d'éducation.
Nous sommes en faveur de cette modification de la clause 17 si tout se déroule normalement. Nous avons le sentiment que c'est là la meilleure option, et nous l'appuyons.
M. Robert Mendoza, président, conseil de l'union des étudiants, Université Memorial: Madame la présidente, j'ai obtenu mon diplôme du Collège Bishops en 1992, puis, je me suis inscrit à l'Université Memorial. Je suis actuellement en troisième année à Memorial, et je suis président du conseil étudiant de mon université. Le point de vue que je vous apporte est quelque peu différent de celui des autres, puisque j'ai terminé mes études secondaires il y a quatre ans. Je n'en viens pas moins du même système scolaire, auquel il est nécessaire d'apporter des changements.
Je suis dans une position semblable à celle de Mark Hulett, en ce sens que je représente 14 000 étudiants qui appartiennent à différentes confessions religieuses et dont les origines et les cheminements sont fort diversifiés. Beaucoup d'entre eux viennent de pays étrangers ou d'autres régions du Canada. Je ne parle qu'au nom des étudiants qui partagent mon point de vue.
La nouvelle clause 17 est un pas dans la bonne direction, en ce sens que, même si elle est vague et qu'il serait possible d'y apporter des améliorations mineures, c'est ce que nous avons de mieux pour l'instant. D'ailleurs, une proposition qui a été précédée d'autant de consultations, qui a été élaborée en collaboration avec les parties intéressées, qui a été soumise au verdict référendaire, qui a fait l'objet de consultations dans les réseaux scolaires confessionnels, auprès des Églises et des élèves, doit sûrement mériter qu'on la prenne au sérieux et qu'on l'applique. Il restera à en définir les modalités en collaboration avec le gouvernement provincial, une fois que celui-ci aura été habilité à apporter les changements qu'il aimerait apporter.
C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. Je remercie les sénateurs de m'avoir invité à apporter un point de vue quelque peu différent de celui des élèves du secondaire. Bienvenue à St. John's.
[Texte]
Mme Benoît: J'aimerais prononcer un court discours. La clientèle que nous desservons est celle qui fréquente les établissements scolaires de cette province. La réforme scolaire et les modifications constitutionnelles sont pour nous de première importance parce que la loi scolaire actuelle n'est pas conforme à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et des libertés qui accorde aux francophones le droit de gérer leurs écoles.
Ici, il faut souligner les retombées de cette gestion sur la communauté francophone ayant les caractéristiques linguistiques suivantes: une personne sur 10 utilise habituellement le français à la maison; le taux de continuité ethnoculturel est de 7, 9 p. 100; le taux de continuité linguistique est de 47 p. 100. Nous sommes un organisme jeunesse avec la mission suivante: maximiser chez les jeunes les expériences de langage, c'est-à-dire les expériences vécues en français. Dans le présent contexte, c'est un grand défi.
Pour nous, l'éducation est un dossier proéminent car notre clientèle est la jeunesse qui fréquente ces établissements scolaires. A notre avis, une réforme scolaire qui ne tient pas compte des besoins des deux communautés des deux langues officielles du pays est aberrante. Il faut nécessairement inclure dans la loi scolaire des articles pour une commission scolaire provinciale francophone qui tiendra compte de la réalité franco-terre-neuvienne et acadienne. Après avoir modifié la loi scolaire dans ce sens, le gouvernement provincial négociera avec le gouvernement fédéral les fonds nécessaires pour mettre en oeuvre cette commission scolaire provinciale francophone. A ce moment-là, il faudra prévoir également le financement de programmes qui permettront aux organismes communautaires comme les nôtres de réparer les torts occasionnés par des décennies d'injustice dans le système scolaire, des injustices qui ont empêché nos parents, nos grands-parents et nous-mêmes de nous épanouir dans notre langue. Les programmes d'animation culturels et sportifs sont les véhicules d'une telle réparation.
[Traduction]
Le sénateur Pearson: Je suis ravi de vous voir tous ici. Pour ceux d'entre nous qui ont observé cette situation de l'extérieur ou qui viennent de loin -- je crois que c'est l'expression juste -- et qui ne comprennent pas vraiment le système terre-neuvien, nous avons jugé qu'il serait important d'entendre votre point de vue de même que celui de vos parents et d'autres personnes.
Je suis ravi que vous ayez pu venir. Je sais que votre contribution nous aidera à mieux comprendre la situation.
L'exposé de Dwayne m'a fort impressionné, car il illustre éloquemment que lorsque des parents et une collectivité veulent vraiment quelque chose, ils peuvent s'unir et l'obtenir. Voilà qui est très encourageant.
D'un autre côté, je sais que dans les collectivités terre-neuviennes il ne se trouve probablement pas toujours des gens en mesure de faire profiter leurs communautés de telles réalisations.
Un des intervenants de cet après-midi, un non-chrétien, nous a fait part des difficultés qu'il avait eues à obtenir que le système tienne compte de ses besoins et respecte ses droits. De toute évidence, il y a un impressionnant continuum au sein de la population terre-neuvienne.
J'aimerais vous entendre tous. Mark et Robert, il nous serait utile de savoir quels avantages vous tireriez de l'adoption des modifications à la clause 17, si vagues soient-elles. Quelles seraient les conséquences négatives de leur rejet?
M. Hulett: Nous sommes à même de constater qu'il y a de la mauvaise gestion, pas toujours, mais parfois, un peu partout dans la province. Il y a des collectivités où les élèves doivent voyager pour se rendre à l'école, et des écoles qui manquent d'élèves. Si les écoles en question pouvaient être unifiées, ces élèves pourraient alors fréquenter leurs écoles de quartier, ce qui, à notre avis, rendrait le système plus efficace.
Nous devons regrouper nos ressources. Nous constatons actuellement que chaque confession apporte une précieuse contribution. Si nous parvenions, de concert avec le gouvernement et tous les intéressés -- administrateurs, élèves, parents, et cetera -- à regrouper ces ressources inestimables, nous noterions dès le départ une réduction des coûts et une plus grande efficacité générale du système. Les sommes ainsi économisées pourraient alors être utilement réinvesties dans le réseau scolaire public.
Si nous parvenons à faire adopter la nouvelle clause 17 et si les choses se déroulent comme prévu -- et je ne veux pas dire que tout va se passer sans heurts --, le système d'éducation s'en trouvera, espérons-le, plus efficace et mieux administré, et il disposera de moyens accrus du fait que les ressources auront été regroupées.
Nous devons continuer d'offrir des cours de religion. Il est irréaliste de penser que l'enseignement de la religion pourrait disparaître complètement du paysage. Il faut faire preuve de réalisme dans l'examen de cette question. Il faudrait faire en sorte que les divers groupes religieux aient voix au chapitre, notamment en ce qui concerne l'enseignement religieux. Comme M. Hodder l'a signalé, il faudrait prévoir des dispositions qui permettent l'observance de fêtes religieuses, dont les dates ne coïncident pas toujours d'une confession à l'autre. Quoi qu'il en soit, si nous pouvons réunir les divers groupes, nous aurons un système plus efficace et moins coûteux, ce dont les élèves ne pourront que profiter.
Voilà ce que j'aimerais retrouver dans un futur système d'éducation non confessionnel, où des dispositions seraient prises pour tenir compte des besoins particuliers des différents groupes.
Mme Cooper: Madame la présidente, ceux qui croient que les gens du secteur scolaire catholique ne sont pas favorables à la création d'écoles publiques se trompent grandement, car nous le sommes.
Comme le disait M. Hulett, pour économiser et faciliter la vie des élèves, les écoles devraient, dans certains cas, fusionner leurs services. C'est une excellente idée. Nous devrions avoir le droit d'avoir des écoles catholiques ou des écoles adventistes, et cetera, là où le nombre le justifie. Les activités religieuses seraient encore possibles dans de telles écoles. Toutefois, si nous mettons tous les groupes ensemble, ce ne sera pas le cas, car, techniquement, il s'agira d'écoles publiques, ce qui portera atteinte aux droits des gens.
Les élèves qui fréquentent les écoles catholiques, dont la nôtre, ne sont pas tous catholiques. Les gens pensent parfois que nous n'admettons que les catholiques dans nos écoles, mais ce n'est pas le cas. À mon école, il y a des hindous, des sikhs et des adeptes de bien d'autres religions. S'ils veulent participer à nos activités religieuses, à nos cérémonies, par exemple, nous les accueillons à bras ouverts. S'ils ne veulent pas y participer, ils n'ont pas à le faire.
Chez nous, comme ailleurs dans nos écoles, nous nous efforçons vraiment de promouvoir et d'accepter les autres religions. Nous ne sommes pas la seule religion.
Au dernier semestre, je me suis inscrite à un cours sur les religions dans le monde. L'objectif premier de mon enseignant était de rompre avec les perceptions stéréotypées qu'on a des autres religions. Nous avons eu la chance de visiter la mosquée islamique, le temple hindou et la synagogue juive. Bien qu'il se soit agi d'un cours de religion et qu'on n'ait pas l'habitude d'entendre ce genre de commentaire à propos des cours de religion, je vous assure que ce fut nettement l'un des cours les plus intéressants qu'il m'ait été donné de suivre. Il m'a donné le goût d'en apprendre davantage sur les religions.
Voici ce dont je tente de vous convaincre. Nous ne refusons personne. Nous aimons accueillir les autres. Nous tenons seulement à garder nos valeurs et à maintenir notre enseignement traditionnel. Cela est important pour nous et pour les parents qui veulent que les choses demeurent ainsi.
M. Mendoza: Vous avez signalé qu'il serait souhaitable d'éliminer notamment le double emploi dans les petites collectivités. Ce n'est toutefois pas possible à l'heure actuelle. Nous avons des écoles où le ratio élèves-enseignant est de 8:1.
Mme Cooper: Que faites-vous de la possibilité qu'ont les écoles de fusionner certains de leurs services? Certaines ont déjà établi de tels liens entre elles, n'est-ce pas?
M. Mendoza: Nous avons des écoles où le ratio élèves-enseignant de 8:1 et d'autres où ce ratio est de 40:1.
Vous avez mentionné le cours sur les religions dans le monde. Ayant été élevé dans la religion juive, je peux avoir, je crois, une tout autre perception de cette réalité. J'ai regardé en quoi consistait ce cours sur les religions dans le monde et j'ai trouvé vraiment intéressante la comparaison du judaïsme et aussi de l'hindouisme, de l'islam ou de la religion des sikhs avec le christianisme. Il n'était toutefois pas question de comparer l'islam et le judaïsme, ce qui aurait pu être utile. Voilà qui illustre bien, je crois, le type d'enseignement qu'on donne dans le système scolaire confessionnel actuel. Ce genre de discussion n'y a pas sa place. On ne compare les religions que par rapport au christianisme.
Chaque année, de ma troisième à ma neuvième année, il m'a fallu présenter une lettre de mes parents pour être exempté de l'enseignement religieux. Je me suis joint à la classe de religion seulement quand on y a abordé le judaïsme. J'aurais pu profiter de l'étude d'une religion différente.
J'aimerais formuler un commentaire à propos d'une observation du sénateur Pearson. En réalité, la clause 17 proposée permet l'existence d'écoles confessionnelles ou uniconfessionnelles. Si les parents et les élèves veulent de telles écoles, ils pourront en obtenir. Ils n'en seront pas vraiment empêchés par cette clause.
M. Pilgrim: Mme Cooper a parlé de la viabilité de certaines écoles et elle s'est demandé s'il y aurait suffisamment d'élèves pour que ces écoles demeurent uniconfessionnelles. En tant que Pentecôtiste, nous souhaiterions qu'il y ait des écoles uniconfessionnelles, mais la réglementation est vague à cet égard. D'après le plus récent règlement en vigueur, une seule école serait viable entre Deer Lake et St. Anthony, une distance d'environ 500 kilomètres. C'est ridicule. Si tel était le cas, il faudrait transporter les élèves par avion plutôt que par autobus.
Avant l'ouverture de l'école pentecôtiste à Deer Lake, il y avait une école catholique et trois écoles unifiées, une grande école secondaire et deux petites. En ouvrant l'école pentecôtiste, on a fermé deux des vieilles petites écoles. Il y a deux ou trois ans, en raison de la diminution de la clientèle, les écoles unifiées et catholiques ont décidé de fusionner. Il ne reste plus que deux écoles maintenant. Nous partageons tout: les autobus scolaires, les locaux et le matériel.
Nous croyons qu'avec un peu de collaboration, nous pourrions accroître l'efficacité de notre système sans modifier la clause 17, car cette clause nous permet d'avoir des écoles bien à nous pourvu qu'elles soient viables.
M. Hodder: Je crois que du seul fait que Terre-Neuve et le Labrador soient si étendus, c'est un système interconfessionnel ou uniconfessionnel qui y serait le plus approprié. Là où le nombre le justifie, il y aurait des écoles confessionnelles. Nous croyons qu'à bien des endroits, le nombre ne le justifiant pas, il serait à propos de réunir dans une même école différentes cultures et religions et d'y offrir l'enseignement religieux.
M. Mendoza a parlé des divers cours qui sont offerts et il a dit qu'il y a de nombreux élèves auxquels certains cours ne conviennent pas. Le conseil de l'enseignement unifié offre un cours de morale où l'accent est mis sur les choix éthiques et moraux que nous devons tous faire, jeunes et vieux, partout dans le monde. Ce cours n'est pas fondé sur une vision chrétienne des choses. Il englobe toutes les religions et n'en favorise aucune.
Nous sommes d'avis que de tels cours peuvent être utiles aux élèves de toutes les confessions religieuses et qu'ils ne sont discriminatoires envers personne, ce qui, à notre avis, est très important.
Le sénateur Ottenheimer: Si je ne m'abuse, quatre de nos intervenants sont contre la clause 17 proposée; trois pour des raisons fort semblables, voire identiques. Dans un cas, ce rejet repose sur un motif un peu différent, car cette personne veut qu'il y soit question d'enseignement religieux. Deux des participants sont favorables à la clause 17 modifiée.
Les deux groupes défendent leurs points de vue avec logique, conviction et sincérité. Bien sûr, il faudra tôt ou tard adopter ou rejeter cette proposition.
C'est toute la question de l'amélioration ou de la réforme du système d'éducation qui est en jeu ici. Je ne connais personne qui ne souhaite pas qu'on améliore notre système d'éducation.
La question du respect des droits des minorités pose manifestement problème. Les pentecôtistes représentent 7 p. 100 de la population scolaire, les catholiques, 37 p. 100, et les adventistes du septième jour, 0,5 p. 100. Ce sont des minorités d'inégale importance, mais elles ont toutes des droits. Ces droits n'ont été établis ni par le gouvernement ni par l'Assemblée législative de Terre-Neuve. Ils ont été accordés aux catholiques et aux adventistes du septième jour aux termes des Conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada en 1949. Bien que les pentecôtistes de Terre-Neuve jouissent eux aussi des mêmes droits depuis les années 50, leurs droits n'ont été inscrits dans la Constitution qu'en 1987. Sauf erreur, cela ne leur a rien donné de plus sur le plan du financement, mais comme il aurait antérieurement toujours été loisible à l'Assemblée législative de Terre-Neuve de changer d'avis n'importe quand, l'inscription de leurs droits dans la Constitution leur a fourni, bien sûr, une protection supplémentaire.
Si nous avons été saisis de cette question, c'est que, la clause 17 étant inscrite dans la Constitution canadienne, l'Assemblée législative de Terre-Neuve n'est pas habilitée à la modifier sans l'assentiment du Parlement du Canada.
À quelle importance, à quel caractère sacré, à quelle protection, à quel sentiment de confiance et d'assurance et à quelle continuité les minorités devraient-elles estimer avoir droit? Même si certains d'entre nous n'approuvent pas la façon dont certaines minorités exercent leurs droits, elles n'en possèdent pas moins ces droits; par ailleurs, d'autres minorités qui en théorie ont de tels droits peuvent préférer ne pas les exercer, ou ne pas les exercer tous, ou encore les exercer différemment. Il me semble évident que les minorités qui souhaitent exercer ces droits doivent respecter le droit de celles qui ne souhaitent pas les exercer, de même que celles qui ne souhaitent pas exercer leurs droits devraient respecter le droit de celles qui désirent les exercer, bien qu'elles ne partagent pas leur avis.
La présidente: Certains d'entre vous, mes amis, ont vécu des expériences fort intéressantes. Par exemple, Robert, vous avez dit que vous étiez juif, mais que vous aviez fréquenté une école qui n'était pas juive, où vos droits de minoritaire n'étaient vraisemblablement pas protégés, parce qu'ils n'étaient pas prévus dans la Constitution. Dwayne a d'abord fréquenté une école d'une autre confession religieuse que la sienne, pour passer ensuite à une autre qui était affiliée à sa formation religieuse.
Peut-être pourrions-nous commencer par vous deux, puis recueillir divers points de vue.
M. Mendoza: J'affirme sans ambages avoir été brimé dans mes droits de membre d'une minorité. Je n'aime pas utiliser ce mot, mais il reste que j'ai dû me faire exempter du cours de religion pendant huit ans, jusqu'à ce que j'atteigne le secondaire, où j'ai pu remplacer ce cours par un autre. Tout au long de mon cheminement scolaire, j'ai été forcé de remplacer le cours de religion par des périodes d'études personnelles, des visites à la bibliothèque ou par un autre cours.
Au deuxième cycle du secondaire, j'ai trouvé profitable de suivre le cours de religion, mais je dirais qu'au Collège Bishops, près de 80 p. 100 des élèves préféraient le remplacer par autre cours.
Tout au long des années que j'ai passées au primaire, à l'élémentaire et au premier cycle du secondaire, on m'a brimé dans mes droits. Je ne voyais pas ce que pouvait m'apporter le cours de religion. Ce cours ne me permettait pas de parfaire mes connaissances sur ma propre religion. Un de mes enseignants qui était très souple m'a proposé un projet de recherche d'une durée d'un an à propos de ma propre religion et m'a offert d'en faire part à la classe. J'ai adoré cette expérience, mais, malheureusement, tous mes enseignants n'étaient pas aussi universels.
C'était difficile pour moi, car je ne profitais pas pleinement du système d'éducation. Le régime d'écoles confessionnelles rendait l'enseignement de la religion obligatoire, mais seules les religions chrétiennes étaient enseignées dans les écoles. Ça vous donne une idée du respect qu'on avait des droits.
Je respecte mes pairs qui avaient droit à cet enseignement religieux. Ils me posaient souvent des questions auxquelles j'étais heureux de répondre, car ils étaient intéressés à connaître le judaïsme, mais il ne leur était pas enseigné. En principe, c'était un échange de bons procédés, mais, malheureusement, j'avais tendance à donner plus qu'à recevoir. Ils me posaient des questions, mais aucune tribune ne m'était offerte pour leur poser moi-même des questions. Rien n'était prévu pour me permettre de me renseigner sur les diverses religions ou croyances.
M. Pilgrim: En tant que pentecôtiste, je souhaite vraiment, comme tous les pentecôtistes, j'en suis sûr, que nous ayons un système plus efficace. Nous voulons éliminer les chevauchements, en maintenant toutefois l'enseignement confessionnel là où c'est possible. À mon école, bon nombre d'élèves ne sont pas Pentecôtistes. Nous avons des cours de religion, mais ils ne sont pas obligatoires. Ils peuvent être remplacés par d'autres cours.
Nous avons un enseignant dont les parents sont juifs. Il s'est converti au pentecôtisme. C'est lui qui nous donne le cours sur les religions dans le monde. Il consacre une partie de son cours à l'enseignement de la foi judaïque, et il nous y entretient de sa culture. Cette année, nous avons eu un stagiaire japonais qui nous a parlé du bouddhisme.
En tant que pentecôtiste, je trouve important d'être éduqué dans une école pentecôtiste avec des gens qui ont les mêmes croyances que moi. À l'heure actuelle, toutes les écoles sont en principe religieuses ou confessionnelles. Nous n'avons pas d'objection à ce que le nouveau système prévoie des écoles publiques, mais nous voulons, dans la mesure du possible, conserver nos écoles pentecôtistes.
Certains de mes amis ont eu beaucoup de mal à s'adapter aux écoles catholiques ou aux écoles d'autres religions après avoir été éduqués dans la croyance pentecôtiste à la maison. Nous voulons avoir droit à nos propres écoles.
Mme Cooper: Je souscris aux remarques du sénateur. Je respecte les droits des autres. Je crois que ce n'est pas du tout une mauvaise idée que d'avoir des écoles publiques. Vous avez utilisé le mot «brimé». Si des parents veulent envoyer leurs enfants dans une école où il n'y a pas d'enseignement religieux, libre à eux. J'aimerais bien cependant qu'on respecte nos droits. Nous voulons des écoles catholiques, tout comme d'autres veulent des écoles adventistes, pentecôtistes, et cetera. Nous voudrions avoir des écoles catholiques là où le nombre le justifie.
Nous allons respecter vos droits si vous respectez les nôtres. Nous sommes partisans du respect mutuel.
M. Hodder: Je crois que la plupart d'entre nous s'accordent à dire que l'école doit offrir un enseignement religieux, tout en laissant aux élèves la liberté de ne pas suivre les cours de religion. Nous craignons que ce droit à l'enseignement religieux nous soit retiré.
Dans la modification proposée à la clause 17, il n'y a pas de garantie que cette possibilité sera toujours maintenue si on implante un système scolaire public. La clause 17 proposée mentionne que l'enseignement religieux continuera d'être offert, mais elle ne précise pas pendant combien de temps.
Les mots «conserve le droit d'assurer» seront-ils reconnus par les tribunaux comme ayant une valeur exécutoire? Les promesses écrites ne suffisent pas. La pérennité de ce droit doit être explicitement reconnue dans la Constitution. On devrait y lire «continue toujours d'assurer», car l'expression «conserve le droit d'assurer» ne suffit pas. Un juge pourrait estimer que, ce droit à l'enseignement religieux ayant été maintenu, disons pendant six mois, la Constitution a été respectée, et décider de le supprimer sous prétexte qu'il n'a plus sa raison d'être. Rien ne nous garantit qu'il sera maintenu.
Dans une lettre que l'ancien premier ministre Clyde Wells avait envoyée aux chefs spirituels des Églises ayant des écoles dans le système unifié, le gouvernement reconnaissait que le système était fondamentalement confessionnel et exprimait son intention de veiller à ce que l'enseignement religieux soit maintenu dans les écoles. Il disait que le gouvernement entendait exiger que la loi soit libellée de façon à assurer que tout programme d'enseignement religieux ou d'activités religieuses actuellement offert dans les écoles puisse être maintenu dans toutes les écoles uniconfessionnelles ou interconfessionnelles. Ces engagements figurent dans une lettre, mais si on ne les inscrit pas dans la Constitution, nous doutons fort qu'ils soient valables en justice.
M. Curlette: Je ne suis pas un Adventiste du septième jour, mais à l'école adventiste que je fréquentais quand j'étais en septième, huitième et neuvième années, il m'a fallu présenter une note de mes parents informant la direction de l'école qu'ils ne voulaient pas que je suive le cours de religion. Le principal de l'école a dit: «C'est bon. Vous pouvez organiser votre propre cours.» Nous avons apporté notre propre matériel religieux et nous étudié notre religion à nous.
Rendu au secondaire, j'ai pu remplacer le cours de religion par un autre cours. Au premier cycle du secondaire, nous étions 75 élèves dans l'école. Je me demande pourquoi une école de 500 ou 600 élèves, qui a encore plus de facilité à établir son programme, ne pourrait pas offrir aux intéressés un autre cours à la place de l'enseignement religieux.
[Texte]
Le sénateur Kinsella: Je veux poser une question à Mme Benoît. Vous avez cinq écoles francophones à Terre-Neuve?
Mme Benoît: Oui, c'est exact, on veut en augmenter le nombre et renforcer notre réseau francophone de jeunes, avec quatre écoles. Nous avons deux communautés très rapprochées et pour suivre les cours, nous voulons que les jeunes de Cap-St-Georges voyagent à la Grand'Terre pour recevoir leur éducation à une école homogène.
Le sénateur Kinsella: Quels sont les plus gros problèmes de la communauté francophone?
Mme Benoît: C'est l'assimilation. Il y a 5 000 francophones à Terre-Neuve. Il est très difficile d'intéresser les jeunes à la langue française. Il est important que les jeunes aient accès à des écoles, à du matériel et à des outils français.
Le sénateur Kinsella: Les jeunes qui terminent leur secondaire et qui veulent fréquenter l'université connaissent-ils des problèmes au niveau de l'admission à l'université?
Mme Benoît: Je viens de terminer ma douzième année à l'école Ste-Anne. C'est un événement important pour la francophonie. C'est la première école homogène de la province. Je poursuis mes études en français à l'Université de Moncton au Nouveau-Brunswick à l'automne. Au début, il était clair que je faisais partie du réseau francophone. Mais ce ne sont pas tous les jeunes qui sont convaincus de cela.
Le sénateur Kinsella: Pensez-vous que votre préparation en éducation à l'école Ste-Anne a été suffisante comparée à celle des étudiants de Moncton?
Mme Benoît: Le programme en français à Moncton est très exigeant. Ils ont des programmes en place pour aider les francophones qui ont besoin d'améliorer leur français écrit ou parlé. Si un jeune ne se sent pas confortable avec ce qu'il sait, il peut s'améliorer. Mon cours de français m'a appris beaucoup. J'ai appris les règles de grammaire et autres choses, j'ai beaucoup appris lors de mes 12 années d'école. Mon professeur de français, au cours des trois dernières années, était l'un des meilleurs professeurs. Tous ceux qui ont suivi ses cours disent la même chose. Il est le meilleur professeur de notre réseau.
M. Hulett: Pour nous, ce changement à la clause 17 est un parfait exemple du fait que l'on peut soutenir une école là où le nombre le justifie pour faire une exception. Il y a cinq écoles francophones dans la province. On ne voit aucune raison pour que ces écoles ne puissent continuer, après les réformes. C'est un parfait exemple où l'on peut continuer cette éducation dans un environnement francophone. Pour nous qui appuyons les réformes, il y a des exceptions, des cas où lorsque le nombre le justifie, il y a assez de personnes pour soutenir le droit à une école pour les minorités. C'est un petit commentaire. Il n'y a pas de raison pour ne pas soutenir ces écoles.
Mme Benoît: Je voudrais clarifier ceci. Il y a un problème. On a seulement une école homogène francophone. Toutes les autres sont mixtes, ce qui veut dire que le taux d'assimilation est très élevé. On a des difficultés. Il est important que nos jeunes sachent d'où ils viennent et où ils vont. On veut créer des activités et des réseaux par et pour les jeunes afin qu'ils soient confortables et qu'ils ne se sentent pas les seuls au monde qui parlent le français.
[Traduction]
Le sénateur Kinsella: Cela m'intéresse, parce que j'ai entendu des témoins affirmer qu'aux yeux de certains Terre-Neuviens, notre système d'éducation ne prépare pas très bien nos élèves aux études postsecondaires. Cela ne correspond pas à ce que j'ai connu, mais nous avons entendu des témoignages de ce genre.
J'aimerais demander aux universitaires parmi vous s'ils ont le sentiment que l'enseignement qui leur a été donné au secondaire les a bien préparés à entrer à l'université.
Monsieur Mendoza, si j'ai bien compris, vous étudiez à Memorial.
M. Mendoza: C'est juste.
Le sénateur Kinsella: Ceux d'entre vous qui ont l'intention de fréquenter l'université ont-ils le sentiment qu'ils pourraient être admis dans n'importe quelle université canadienne avec comme antécédent l'enseignement secondaire que vous avez reçu ici?
M. Mendoza: Quand je suis entré à l'université, je ne me sentais pas convenablement préparé. J'avais très peur, parce que j'avais entendu des histoires d'horreur selon lesquelles en mettant quarante heures d'études par semaine on n'y réussissait pas nécessairement. Je me suis rendu compte qu'il me faudrait changer de mentalité. J'étais bien préparé sur le plan scolaire, mais je n'avais pas l'état d'esprit qu'il fallait. On ne nous avait pas amenés à développer la bonne mentalité. Il n'en avait même jamais été question. En entrant à l'université, l'étudiant doit modifier radicalement sa façon de penser, d'étudier et de gérer ses activités quotidiennes.
Les exercices de rédaction anglaise ne sauraient mieux l'illustrer. Au secondaire, on insistait beaucoup sur la quantité. Au début, il me suffisait d'une page pour traiter d'un sujet. Pendant presque tout mon secondaire j'ai obtenu de maigres B-. Rendu en douzième année, je m'étais amélioré; j'écrivais trois ou quatre pages.
Arrivé à l'université, mon professeur d'anglais m'a donné 55 pour une composition, et il a écrit sur mon texte la remarque suivante: «Pourquoi tout ce charabia? Soyez concis.» Cela illustre parfaitement ce qu'on ne nous apprend pas au secondaire. J'ignore s'il en est autrement dans les autres écoles du pays, mais dans le système scolaire que j'ai connu, ce n'est certes pas ce qu'on nous inculquait.
Au secondaire, j'ai suivi trois cours avancés. Les cours avancés visent à préparer l'élève à des examens normalisés à l'échelle internationale. En mathématiques, j'ai assimilé en onzième année toute la matière des onzième et douzième années et j'ai suivi le cours avancé en douzième année.
C'est notre système d'éducation lui-même qui est interpellé lorsque des élèves ont besoin de faire des choses comme celle-là pour trouver des défis, de la motivation, de l'encouragement et pour atteindre le niveau de valorisation et d'agrément dont ils ont besoin en dehors de l'école. Cette situation illustre on ne peut plus éloquemment la nécessité de réformer le système de fond en comble.
Quand on constate qu'il y a des classes de 30 élèves qui suivent des cours avancés, il y a certes quelque chose de fondamental qui ne tourne pas rond dans notre système d'éducation. Je crois que cela suffit amplement à illustrer la nécessité de réformes.
La clause 17 proposée est un bon pas dans le sens des réformes qu'il faut apporter si nous voulons éviter de traîner derrière le reste du pays.
M. Curlette: Il a dit que le programme ne lui posait pas vraiment de défis et que son professeur de langue lui parlait toujours de quantité ou de longueur. Pourtant, on m'a toujours enseigné que le contenu d'un essai était plus important que sa longueur. J'ai le sentiment que c'est non pas le cours, mais l'enseignant qui posait problème.
De même, il affirme que le programme scolaire de son école n'était pas stimulant. À ce que je sache, cependant, les programmes ne relèvent pas nécessairement de l'école, mais bien davantage du gouvernement. Les écoles n'y peuvent pas grand-chose. D'ailleurs, peut-être est-il un élève exceptionnellement brillant.
Le sénateur Doody: J'ai une question pour M. Pilgrim. J'ai été fasciné par votre description de la façon dont l'école de Deer Lake avait été financée. Deer Lake est une coquette petite localité située à environ 30 milles à l'est de Corner Brook, pour ceux qui ne sont que de passage.
Si je vous ai bien compris, ce sont les gens du milieu qui ont construit cette école eux-mêmes, sans aucune aide gouvernementale. Le gouvernement provincial n'aurait-il pas versé une certaine contribution financière?
M. Pilgrim: Le gouvernement provincial a fourni 400 000 $ pour la construction de notre école, et il nous alloue, par l'intermédiaire du conseil scolaire, un certain montant pour les dépenses de fonctionnement de l'école et les salaires des enseignants. Toutefois, en plus de ce à quoi notre école a droit au même titre que les autres écoles, notre Église, à laquelle nous sommes étroitement liés, nous donne également de l'argent, des milliers de dollars chaque année. Elle prévoit un montant pour nous. Lorsque, par exemple, nous avons besoin rapidement d'une avance, nous pouvons l'obtenir de l'Église.
Le sénateur Doody: Il s'est agi avant tout d'une initiative de l'Assemblée des pentecôtistes, et le gros des fonds nécessaires ont été recueillis auprès de votre collectivité, n'est-ce pas?
M. Pilgrim: C'est juste. Tous les quatre dimanches, à l'église, nous faisons ce que nous appelons une quête pour la construction de l'école. Tout l'argent recueilli des 500 à 600 fidèles qui assistent au service religieux va à l'école. Il n'y a pas qu'à Deer Lake qu'on fait une telle quête. Récemment, à Windsor, on en a organisé une pour financer un complexe école-église. Cette quête a rapporté 1,7 million de dollars pour l'école et 1,9 million pour l'église. Roddickton a financé ainsi la construction d'une école pentecôtiste. Springdale s'est dotée d'un complexe école-église. L'Église de cette localité fournit de l'argent à l'école qui, en retour, lui permet d'utiliser ses installations. Cela joue dans les deux sens. À notre école, c'est l'Église qui a fourni l'équipement musical, mais elle l'utilise au besoin le dimanche. Nous nous entraidons.
Le sénateur Doody: Généralement parlant, l'implantation de ces écoles pentecôtistes ne coûte pas très cher au Trésor de la province.
M. Pilgrim: Lorsque les congrégations pentecôtistes des différentes localités estiment qu'on a vraiment besoin d'une école quelque part, il arrive souvent qu'on organise, à défaut d'autres moyens de financement, une levée de fonds pour réaliser le projet. L'expression «lorsque le nombre le justifie» nous inquiète, car parfois, il n'y a pas que le nombre qui doit entrer en ligne de compte. Notre école n'est pas très grande. Elle ne compte que 300 élèves du niveau secondaire. Selon les premières lignes directrices établies par le gouvernement, nous n'avions pas suffisamment d'élèves. Toutefois, parce que notre école a reçu des fonds supplémentaires, elle parvient très bien à se tirer d'affaire.
Nous partageons en outre les circuits d'autobus. Cependant, la question du nombre suffisant nous cause vraiment du souci. Nous craignons que le gouvernement décide un jour de changer le nombre minimal exigé, ce qui pourrait compromettre le maintien de nos écoles.
Le sénateur Doody: Dans certaines parties de la province, comme à Lewisporte, peut-être, ou à Grand Falls et à Windsor, il n'y aurait pas grand risque que l'Assemblée des pentecôtistes ne puisse répondre au critère du nombre.
M. Pilgrim: Cela vaut également dans une certaine mesure à Deer Lake, mais, sous d'autres aspects, le cas de Deer Lake est quelque peu différent. Nous y avons déjà fusionné la plupart de nos services.
Le sénateur Doody: J'ai aussi une question pour Mme Cooper. Je crois que nous nous sommes rencontrés à Ottawa. Vous faisiez partie de la délégation qui est venue nous visiter et qui m'a motivé. Vous m'avez parlé des programmes offerts à l'école Gonzaga. Vous occupiez alors un poste au sein du conseil des élèves, n'est-ce pas?
Mme Cooper: L'an dernier, j'étais présidente du conseil des élèves.
Le sénateur Doody: Vous aviez parlé des programmes et du niveau de satisfaction des élèves. Pourriez-vous nous résumer ce que vous aviez alors dit?
Mme Cooper: Avec plaisir. Je suis très fière de mon école. Je crois que c'est probablement l'une des meilleures écoles de la province, mais je pense qu'un bon nombre d'écoles catholiques et d'autres écoles ont également beaucoup à offrir. Nous sommes privilégiés, car notre école est dirigée par les Jésuites. Nous recevons d'eux beaucoup d'argent en plus de ce que nous verse le gouvernement.
À vrai dire, les Jésuites font pour notre école ce qu'aucun gouvernement ne saurait faire. Nous avons des rencontres de réflexion auxquelles les élèves peuvent participer lors des congés pédagogiques. Nous avons une équipe de pastorale, des stages dans les médias et diverses activités sportives. Dans le cadre de notre programme de musique, nous avons quatre groupes musicaux et une chorale.
La présidente: Et que dire des programmes d'études?
Mme Cooper: L'école offre deux cours avancés. J'ai été étonnée d'entendre M. Mendoza dire qu'une forte participation aux cours avancés dénoterait un problème. N'est-il pas merveilleux que tant d'élèves terre-neuviens en profitent? J'ai suivi les deux cours et les ai trouvés stimulants. L'expérience était fantastique. Le nombre d'élèves qui les ont suivis n'était pas tellement élevé.
Voilà, en gros, ce que mon école offre, mais nous avons beaucoup plus encore, comme les stages dans les médias. Ce programme s'est révélé excellent. Je crois qu'on vous a remis une copie d'une vidéocassette portant sur la fonction publique. Mme Henley-Andrews vous l'a fait parvenir. J'espère que vous allez l'aimer.
Le sénateur Doody: Vous estimez-vous raisonnablement satisfaite du niveau de préparation que vous avez reçu au secondaire?
Mme Cooper: Absolument. De la façon dont le gouvernement décrit la situation, on serait porté à croire que nous serions incapables de réussir où que ce soit dans le monde, ce qui est proprement absurde. Peut-être fut-il un temps où de nombreux changements s'imposaient dans le système scolaire terre-neuvien, et c'est encore le cas, mais je ne crois pas que les élèves qui sortent de nos écoles soient si minables. Regardez-nous. Nous trouvez-vous «stupides»? Et n'allez pas croire que nous sommes actuellement les seuls à Terre-Neuve à n'être pas stupides.
Je trouve que c'est un prétexte boiteux que de se servir du cas des élèves qui ne réussissent pas bien à l'école pour chambarder tout notre système d'éducation et s'attaquer au système scolaire confessionnel.
Nous avons fait un bon bout de chemin, et je crois que nous pouvons aller beaucoup plus loin encore. Mes parents m'ont toujours incitée à travailler fort à l'école. Rendue à l'université, je serai capable de trimer dur. J'ai d'excellents enseignants à mon école. Les élèves qui font les efforts voulus seront certes prêts pour l'université.
Le sénateur Doody: J'aimerais poser une question à M. Mendoza. Sa description de l'école Bishops m'a intrigué. À un certain moment, j'ai cru vous entendre dire que vous aviez été forcé de suivre un cours de religion. Ce n'est pas le cas, n'est-ce pas? Vous ai-je mal compris?
M. Mendoza: Dans notre système scolaire, l'enseignement religieux est obligatoire. Je n'ai pas vraiment été forcé de suivre les cours de religion, parce que mes parents ont demandé par écrit que j'en sois exempté. Toutefois, ce programme est en principe obligatoire.
Le sénateur Doody: Les élèves de ma classe avaient tendance à envier leurs compagnons qui n'étaient pas catholiques. Il nous fallait subir ce programme d'enseignement religieux. Quoi qu'il en soit, vous êtes à même de voir ce que je suis devenu.
La question que j'allais vous poser est plus sérieuse. À votre avis, l'abolition des systèmes scolaires adventistes, pentecôtistes et catholiques aiderait-elle à résoudre le problème des cours de religion dans les écoles unifiées du genre de celle que vous avez fréquentée? Ces deux systèmes ne peuvent-ils pas coexister?
Je retiens des témoignages que j'ai entendus jusqu'à maintenant que les pentecôtistes, les adventistes du septième jour et les catholiques ne se soucient guère de ce que les autres font. Quelles que soient les étiquettes qu'on emploie pour désigner les divers systèmes scolaires -- confessionnel, neutre, multiconfessionnel, non confessionnel, et cetera --, ce que chacun de ces groupes veut, c'est un système scolaire distinct. Je ne crois pas que les catholiques, les pentecôtistes ou les adventistes du septième jour se préoccupent tellement de ce que les autres font, du moins à ce que j'ai entendu. Quoi qu'il en soit, c'est la perception que j'en ai. Ils veulent simplement conserver leur propre système sans qu'on s'ingère dans leurs affaires, quoi qu'en pensent ceux qui ne sont pas de leur avis.
Ces deux systèmes ne pourraient-ils pas coexister? C'est le cas en Ontario et dans d'autres parties du pays. Pourquoi faudrait-il qu'à Terre-Neuve ce soit tout ou rien?
M. Mendoza: Si nous disposions de 100 millions de dollars de plus, ce serait possible, mais nous ne les avons pas.
Le sénateur Doody: Dites-moi comment ces 100 millions seraient dépensés? La population scolaire serait la même. Ces élèves fréquenteraient l'école quelque part. Les sommes disponibles seraient les mêmes. Si l'on veut bannir la religion des écoles, on peut toujours le faire, mais cela n'aura aucune incidence sur ce qu'il en coûte pour éduquer les enfants.
Un autre mythe, une autre idée farfelue qui a cours, c'est celle-ci: «Si nous ne nous débarrassons pas de l'enseignement confessionnel, nous nous acheminons vers la banqueroute.»
M. Mendoza: Il ne s'agit pas de se débarrasser de l'enseignement confessionnel, mais de supprimer au moins en partie les doubles emplois que nous pouvons observer actuellement dans le système. Si le besoin, la volonté, l'énergie, la souplesse et l'initiative voulus se manifestaient chez les collectivités, les parents et les élèves, alors là, oui, ces systèmes pourraient coexister. Tant que nous n'aurons pas trouvé un mode approprié de cohabitation au sein d'une même structure et que nous ne nous serons pas assurés de la faisabilité du projet, nous ne pourrons pas envisager cette possibilité.
Il y a beaucoup trop de doubles emplois. Par exemple, là où nous avons deux écoles côte à côte, qui paient chacune leurs administrateurs et financent leur propre structure administrative, ne serait-il pas préférable de n'avoir qu'une école avec une seule administration? Même en gardant au même niveau le nombre d'enseignants et le nombre d'élèves par classe, on économiserait encore au poste des salaires du personnel administratif. Il y a là des économies à réaliser tout en maintenant le niveau et la qualité des services. En outre, on diminuerait le double emploi en faisant passer le nombre de conseils scolaires de 27 à 10. Nous n'aurions plus à payer pour faire fonctionner 17 conseils scolaires de trop.
Le sénateur Doody: Cela se fera de toute façon. Tous sont d'accord pour que le nombre de conseils scolaires passe de 27 à 10. Du temps où j'étais écolier, il y avait des conseils scolaires à tous les coins de rue.
M. Mendoza: Actuellement, nous n'avons pas la latitude voulue pour poursuivre la réforme. Voilà le problème auquel nous faisons face actuellement et que la modification de la clause 17 vise à résoudre. La nouvelle clause 17 donnera au gouvernement les pouvoirs dont il a besoin pour poursuivre ces réformes en consultation et de concert avec les représentants du système scolaire confessionnel.
Le sénateur Doody: Je comprends votre point de vue. Quant à moi, j'estime que les objectifs fort valables que défend M. Mendoza peuvent être atteints sans supprimer la protection constitutionnelle actuelle. Le système comporte de graves lacunes, comme le sénateur MacDonald l'a fait ressortir à plusieurs occasions. Il faudra y remédier. Toutefois, si l'on compare la présente situation avec celle d'il y a 20 ans, des progrès incroyables ont été réalisés. Je suis conscient de ce que vous avez pu vivre et je sais de quoi vous parlez, mais je crois que le remède est beaucoup trop radical pour une solution à long terme. Une fois la protection constitutionnelle supprimée, il n'y en aura plus.
M. Pilgrim: Nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de nous retirer nos droits constitutionnels ou de les modifier simplement pour permettre des petits arrangements entre des écoles. À Deer Lake, on a décidé de fusionner les deux écoles parce qu'elles n'étaient pas très éloignées l'une de l'autre. Du fait même, on a pu réduire les coûts d'administration. Nous croyons que le cas de Deer Lake pourrait servir de modèle à bon nombre de collectivités terre-neuviennes. Nous avons éliminé largement le double emploi dans les services, ce qui nous a donné à Deer Lake trois écoles plus performantes qu'auparavant.
[Texte]
Le sénateur Beaudoin: Qu'est-ce qu'une école homogène française à Terre-Neuve?
Mme Benoît: Une école homogène est une école où la langue primordiale parlée et enseignée est le français. Il y en a une qui existe présentement. Les jeunes adorent aller à cette école. On commence à avoir plus de facilités. On a un professeur de musique francophone que l'on partage avec une autre école, le professeur d'éducation physique est francophone aussi. Tous les deux sont très bien reçus à notre école. Tout le monde les adore. Ils ont un rapport très amical avec les étudiants de ces écoles. Par contre, il nous manque des orienteurs.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que votre école francophone a une affiliation religieuse, est-ce qu'elle est catholique ou neutre?
Mme Benoît: L'école est neutre. On y enseigne le français. Maintenant, il est requis dans notre école que l'enseignement de la religion se fasse, oui.
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que l'enseignement religieux se fait en français?
Mme Benoît: Oui, tous nos cours se donnent en français.
Le sénateur Beaudoin: L'école peut recevoir n'importe qui en autant que cet étudiant parle le français.
Mme Benoît: Il faut qu'il soit francophone. C'est une école francophone homogène.
[Traduction]
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais poser une autre question à Mme Cooper. Vous avez dit des choses très intéressantes à propos de votre école. Il est clair que vous vous y plaisez. J'ai eu l'impression qu'il s'agissait d'une école confessionnelle, mais qu'elle était ouverte à tous.
Mme Cooper: C'est une école catholique, mais on y trouve aussi des élèves qui ne sont pas catholiques. Nous les acceptons même s'ils ne sont pas catholiques. Ils sont les bienvenus à notre école. Ils ne sont pas obligés de suivre les cours de religion, pas plus qu'ils sont obligés de participer à des cérémonies liturgiques ou de faire partie de l'équipe de pastorale s'ils ne le désirent pas. Il y a des élèves non catholiques qui font partie de l'équipe de pastorale, même s'il s'agit d'un groupe religieux.
Le sénateur Beaudoin: Ça semble un peu contradictoire. S'il s'agit d'une école confessionnelle catholique, je suppose que c'est parce que tout y est catholique.
Mme Cooper: C'est une question de valeurs. Notre école est confessionnelle. En principe, c'est une école catholique, parce qu'on y enseigne les valeurs catholiques. Notre école est dirigée par des prêtres catholiques qui enseignent la doctrine catholique. Ils y donnent les cours de morale. Ils nous apprennent un mode de pensée qui nous permet de viser l'excellence. La devise des Jésuites est «Hommes et femmes au service des autres». Telles sont les valeurs qu'on enseigne à notre école. Les adeptes des autres religions sont les bienvenus chez nous. Quoi qu'il en soit, notre école est une école catholique, où l'on enseigne des préceptes catholiques. C'est cela que nous voulons garder.
Le sénateur Beaudoin: Les conseils scolaires sont-ils eux aussi administrés par des catholiques, ou est-ce seulement votre école qui l'est?
Mme Cooper: Les écoles catholiques sont administrées par un conseil scolaire catholique.
Le sénateur Beaudoin: Y a-t-il aussi un conseil scolaire catholique?
Mme Cooper: Le principal changement proposé, comme on l'a déjà mentionné, concerne la réduction du nombre de conseils scolaires, qui passera à 10.
Le sénateur Beaudoin: Quand vous parlez d'un élève non catholique qui fréquente votre école, est-ce purement accidentel, ou est-ce une situation qui se présente occasionnellement?
Mme Cooper: Me demandez-vous si ce sont les élèves qui demandent à fréquenter cette école, ou s'il est rare que des élèves non catholiques demandent à s'y inscrire? Voulez-vous savoir s'il y a des gens qui ne sont pas catholiques et qui la fréquentent volontairement?
Le sénateur Beaudoin: Ils peuvent vouloir la fréquenter pour différentes raisons, à cause des enseignants, peut-être. Une situation de ce genre est-elle exceptionnelle ou très fréquente?
Mme Cooper: Je ne sais pas si elle se produit souvent ou non. Je ne fais pas partie du personnel administratif, mais je suis constamment en contact avec les élèves. J'ai moi-même deux très bonnes amies qui ne sont pas catholiques. L'une d'elles fréquente notre école depuis seulement quelques années, et elle n'a eu aucun problème à s'y inscrire. C'est à cette école que ses parents voulaient l'envoyer. En réalité, je ne sais pas dans quelle mesure ce genre de cas est fréquent. Je suppose que si d'autres étudiants veulent se joindre à nous, cela ne pose pas problème.
[Texte]
Le sénateur Beaudoin: Est-ce que vous êtes nombreux à cette école française?
Mme Benoît: De la maternelle à la douzième année, on a 91 élèves.
Le sénateur Beaudoin: Ils parlent tous le français?
Mme Benoît: Oui, il y a des cours obligatoires en anglais, langue et littérature, mais à part de cela, tous les cours sont en français.
Le sénateur Beaudoin: Comme j'ai promis une petite question, je m'arrête là.
[Traduction]
Le sénateur Jessiman: Tous ceux avec qui nous nous sommes entretenus reconnaissent que des réformes sont nécessaires et que la clause 17 actuelle n'est pas satisfaisante. Tous semblent s'entendre à cet égard.
Étant donné qu'il s'agit en partie d'une question financière, tout le monde s'accorde à dire qu'il faut réduire les coûts. D'après ce que j'ai lu, cette mesure ferait économiser à la province entre 21 et 30 millions de dollars par année.
L'un des problèmes qu'on tient à régler, c'est celui du trop grand nombre de conseils scolaires, qui passerait, si je ne m'abuse, de 27 à 10.
On en a également contre le fait qu'actuellement, on peut aussi bien construire une nouvelle école sans se demander si les fonds ne devraient pas être utilisés pour une autre école dont les besoins seraient plus grands. Pour résoudre ce problème, on a convenu de créer un office provincial chargé de la construction des écoles.
Le premier ministre a écrit une lettre dans laquelle il énonce cinq points. Il y dit que les parties en sont venues à une entente concernant la réduction du nombre de conseils scolaires et la création d'un office de la construction des écoles. Il y ajoute qu'on ne s'est pas encore entendu sur la nature des paramètres qui devraient régir les fermetures d'écoles. Les catholiques et les pentecôtistes nous signalent qu'une telle entente a été conclue depuis.
Le sénateur Rompkey: Vraiment?
Le sénateur Jessiman: Exactement. Des ententes de regroupement entre pentecôtistes et catholiques ont été conclues.
D'après ce qu'ils nous ont dit, il y a deux points sur lesquels on ne s'est pas entendu. Je vais commencer par le dernier, qui concerne la manière de déterminer la préférence parentale relativement à la désignation des écoles.
Pourquoi est-ce si difficile? J'aurais cru que l'envoi d'un simple formulaire de consentement aurait été suffisant. Mais peut-être que c'est un peu plus compliqué que je ne le pense.
L'autre problème, c'est de décider si les écoles seront uniconfessionnelles ou interconfessionnelles.
Vous avez deux décisions à prendre. Ne pourriez-vous pas aller régler ces choses entre vous sept dans la pièce d'à côté et nous revenir ensuite pour nous dire ce que nous devrions faire? Nul doute que ce ne doit pas être si difficile. À ce qu'on nous a dit, c'est ce qui bloquerait le règlement de cette affaire. Peut-être que demain on nous dira autre chose.
Mme Cooper: Je ne connais pas très bien tous les détails de cette impasse, mais je crois que c'est surtout la question des inscriptions qui est en cause. D'après ce que j'ai retenu des discussions, il semblerait que cette mesure mènerait à une situation chaotique, puisqu'il suffirait qu'après avoir inscrit leur enfant à l'école catholique, 10 parents décident de le retirer sous prétexte qu'ils n'aiment plus l'idée de le voir fréquenter une école catholique pour que le statut de l'école soit remis en question. Chaque période d'inscription serait une occasion d'inquiétude. Étant donné que le statut de l'école n'est pas déterminé une fois pour toutes, on n'en finira plus avec les problèmes. Nous avons besoin de règles plus précises pour régir le processus d'inscription. C'est là le problème.
Le sénateur Jessiman: Ne pensez-vous pas qu'une fois la décision prise par les parents, ces derniers seraient tenus de respecter leur engagement pendant une période donnée, une année scolaire par exemple? Ne serait-ce pas là une partie de la solution? Il me semble que vous allez diviser toute la province en cherchant à combler les désirs de tous les parents. C'est tout ce qu'on essaie d'établir -- ce que veulent les parents. Les parents devraient être obligés de respecter leur engagement durant une période donnée.
Mme Cooper: J'en conviens.
Le sénateur Jessiman: Je ne suis pas très sûr de comprendre comment les écoles sont désignées uniconfessionnelles ou interconfessionnelles. Ce ne devrait certes pas être trop difficile à établir. Je vous laisse le soin de me dire comment on s'y prend.
M. Pilgrim: La question du nombre d'élèves est au coeur de nos préoccupations. Le gouvernement a déjà émis par deux fois des lignes directrices différentes et il en émettra probablement encore de nouvelles. Ces lignes directrices peuvent changer n'importe quand, ce qui nous laisse dans l'incertitude. Notre école pourrait être uniconfessionnelle, par exemple être pentecôtiste l'an prochain, ou pour les trois prochaines années. L'année suivante, elle pourrait ne plus répondre aux normes et changer encore une fois de statut. C'est un problème épineux. Nous voulons des lignes directrices mieux adaptées à la réalité et qui nous laissent une certaine latitude.
Comme je le disais tout à l'heure, on pourrait faire preuve de souplesse lorsque, même si le nombre n'est pas suffisant, l'école donne de bons résultats et la collectivité locale est en faveur de son maintien.
Le sénateur Doody: Madame la présidente, puis-je intervenir pour le bénéfice du compte rendu? Je suis sûr que le sénateur Jessiman ne voulait pas dire cela, mais il a affirmé que tous les témoins que nous avons entendus jusqu'à maintenant avaient reconnu que l'actuelle clause 17 n'était pas satisfaisante.
Le sénateur Jessiman: Je m'excuse si j'ai dit cela. Ce n'est pas ce que je voulais dire.
Le sénateur Doody: Ce n'est pas tout à fait juste, bien que, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, il y ait de nombreux Terre-Neuviens qui estiment que l'actuelle clause 17 est absolument inadéquate.
La présidente: Je ne pense pas que ce soit ce que le sénateur Jessiman a voulu dire.
Le sénateur Jessiman: Ce que j'ai voulu dire, c'est que tous les témoins ont reconnu qu'il serait possible, sans modifier l'actuelle clause 17, d'apporter au système scolaire existant les réformes qui, de l'avis de tous, s'imposent.
Le sénateur Cogger: Que dit le dicton anglais? «N'allons pas réparer ce qui n'est pas cassé».
Je suis étonné, madame la présidente, de la qualité des interventions ce soir. Si c'est là le produit du système d'éducation terre-neuvien, je vous assure qu'il n'est pas en aussi mauvais état qu'on nous l'avait laissé croire. Il n'est peut-être même pas mal du tout.
Nous sommes mardi. Dans une semaine -- car c'est ainsi que se déroule la vie parlementaire --, nous aurons déposé au Sénat un rapport dans lequel nous communiquerons à nos collègues et par conséquent à la population canadienne le résultat de notre réflexion collective. Nos choix, dont vous êtes conscients j'en suis sûr, consisteront soit à appuyer la clause 17, soit à recommander de la modifier. En m'entendant dire «n'allons pas réparer ce qui n'est pas cassé», vous avez une petite idée du genre de solution que je privilégierai. Il se peut que nous soyons à la recherche d'ajustements au système, mais certains voudraient qu'on le rebâtisse de fond en comble.
Vous n'êtes pas sans savoir, j'en suis sûr, que le Sénat n'a pas très bonne presse et que d'aucuns ont l'impression qu'il ne fait pas grand-chose.
Le sénateur Ottenheimer: Où avez-vous entendu cela?
Le sénateur Cogger: Je vous enverrai les coupures de presse.
S'il est un volet de la vie canadienne auquel le Sénat devrait être particulièrement sensible et où il devrait jouer un rôle de premier plan, c'est bien celui des droits des minorités. À qui d'autre que le Sénat les Canadiens qui pensent avoir été brimés dans leurs droits vont-ils pouvoir s'adresser? Naturellement, ils pourraient porter leur cause devant les tribunaux, mais nous savons tous que c'est une option qui exige beaucoup de temps et d'argent. Malheureusement, les événements récents nous ont prouvé qu'il ne sert pas à grand-chose de s'adresser à la Chambre des communes. Je pense que nous avons passé plus de temps à siéger dans cette province aujourd'hui seulement que la Chambre des communes n'en a mis au total à débattre de cette question, et nous serons encore ici demain et jeudi.
Dans notre recherche d'ajustements et d'améliorations modestes, s'il est possible d'en trouver, ou de moyens d'aider votre province, nous devons aussi y aller très prudemment. Mme Jeannine Benoît sera sans doute très sensible à cet aspect. Je ne pense pas qu'il y ait un francophone au Canada ou en Amérique du Nord qui ne dresse l'oreille lorsqu'il est question des droits des minorités. En abordant cette question, je vous invite à vous demander s'il est possible d'apporter des ajustements ou des améliorations sans aller piétiner, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, les droits acquis ou les droits garantis par la Constitution de ceux qui, à juste titre, ne voient pas du tout ces changements d'un bon oeil.
M. Hulett: D'abord, je pense que vous avez gentiment surestimé la valeur du système d'éducation de la province de Terre-Neuve et du Labrador. Aucun des changements proposés ne vise, à mon avis, à n'apporter que de simples ajustements. Ce que vous voyez ici montre peut-être ce que le système peut produire, mais je ne dirais pas que nous sommes représentatifs de la majorité.
Notre système d'éducation se classe malheureusement bon dernier au Canada, comme l'illustrent au fil des ans les résultats des épreuves nationales. Je ne saurais donc dire que nous avons l'un des meilleurs systèmes d'éducation du Canada. Je pense que le gouvernement cherche à l'améliorer, comme l'indiquent les nombreux rapports qui ont été rédigés à ce sujet. Je tiens à signaler à cet égard le rapport Williams sur l'éducation, qui contient des propositions intéressantes.
Nous ne sommes peut-être pas tous d'accord sur la façon de réformer notre système d'éducation pour offrir une meilleure formation à nos étudiants, mais nous reconnaissons tous qu'il doit être réformé. Je pense que nous tous ici et tous les Terre-Neuviens sommes convaincus qu'il est possible d'améliorer ce système. Peut-on le faire en ayant un système confessionnel, ou en gardant notre système tel quel, voilà sur quoi porte le débat.
Je ne crois toutefois pas qu'il y ait lieu de se dire ici qu'on n'a pas à «réparer ce qui n'est pas cassé». Ce qu'il faut, à mon avis, c'est essayer d'améliorer notre système scolaire. Certains plaideront en faveur d'un système confessionnel, tout en affirmant qu'ils aimeraient bien éliminer le double emploi, regrouper les ressources et affecter les sommes ainsi économisées à l'amélioration de l'enseignement. D'autres diront que les dispositions qui régissent notre système confessionnel permettent déjà d'apporter des améliorations au système. C'est là que nos idées s'entrechoquent. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que le système n'est pas cassé.
Quant à vos remarques à propos des droits des minorités, je pense qu'il faut s'arrêter quelque part dans cette voie. On ne peut plaire à tout le monde. On ne peut tenir compte que d'un certain nombre de groupes. Nous avions déjà les écoles pentecôtistes, les écoles catholiques et les écoles unifiées. Aujourd'hui, nous avons vu surgir les Franco-jeunes de Terre-Neuve et du Labrador. Qui sait si les athées ou les Hindous de la province ne se regrouperont pas eux aussi pour réclamer voix au chapitre.
Le sénateur Rompkey: Ou les autochtones.
M. Hulett: Ou les Inuit, ou les Innus du Labrador. Nous aimerions bien reconnaître des droits à toutes les minorités.
S'il fallait par exemple reconnaître des droits à la minorité du Québec qui a voté en faveur de la séparation -- et heureusement que nous l'avons emporté par une faible majorité -- jusqu'où pourrions-nous aller en ce sens? Après tout, c'est la majorité qui l'emporte en démocratie. C'est la règle des cinquante pour cent plus un qui a préséance.
Refuser de reconnaître les droits de certains groupes lorsque leur nombre le justifie est une question épineuse aussi. Comment établir, pour déterminer si un groupe doit avoir sa propre école, combien de personnes doit compter ce groupe et quel pourcentage de la population locale il doit constituer? Nous n'avons pas à garantir des droits au moindre groupe minoritaire de la province. Nous devons nous arrêter quelque part. Il y a une limite aux dépenses qu'un gouvernement peut faire pour satisfaire de telles revendications. Un jour ou l'autre, il faudra bien établir un seuil à partir duquel un groupe a droit à une école et admettre qu'en deçà de ce seuil, c'est la règle de la majorité qui s'applique.
Le sénateur MacDonald: Vous partez de là.
M. Hulett: Vous devez admettre que...
Le sénateur MacDonald: Vous vous arrêtez là.
Le sénateur Cogger: Si un jour je deviens minoritaire au Québec parce que je suis fédéraliste, allez-vous me dire d'oublier mes droits? Si je suis en minorité, allez-vous me dire que mes droits en tant que Canadien n'existent plus?
M. Hulett: Non, vos droits en tant que Canadien tiennent toujours, mais, malheureusement, nous vivons dans un pays démocratique où c'est la règle de la majorité qui l'emporte, la règle des 50 p. 100 plus 1.
Nous pourrions en débattre longuement plus tard. Je serais ravi de le faire.
La présidente: C'est dans un véritable guêpier que vous nous emmenez en soulevant cette question.
J'ai sur ma liste un certain nombre de participants qui ont demandé la parole. Nous devons entendre ce qu'ils ont à dire. Nous pourrons toujours discuter de ces questions entre nous.
M. Pilgrim: Comme Mark l'a signalé en parlant des résultats des Terre-Neuviens aux examens scolaires, le programme d'études est établi par le gouvernement et non par les conseils scolaires. Le montant par élève que Terre-Neuve consacre au financement de son système d'éducation est inférieur d'environ 1 000 $ à la moyenne nationale, ce qui est beaucoup quand on y pense. Le gouvernement s'y prend mal. C'est une question délicate, mais si on ne cesse de répéter à quelqu'un qu'il est stupide, il n'ira pas loin. Chaque fois que quelque chose va mal, par exemple lorsque nous avons de moins bons résultats que le reste du Canada dans telle ou telle matière ou que nos résultats dans l'ensemble sont médiocres, on s'en prend à l'école confessionnelle, qui sert alors de bouc émissaire, alors qu'en réalité, c'est le gouvernement qui dicte toutes les règles régissant la matière à enseigner.
[Texte]
Mme Benoît: Je voudrais mentionner que nous ne somme pas seulement un groupe minoritaire, mais aussi un groupe minoritaire linguistique. Il y a une différence. Les commentaires de M. Mendoza sont délicats pour les francophones. Cela fait des années que les francophones terre-neuviens se battent pour l'épanouissement de la langue et de la culture française à Terre-Neuve. De nous dire que nous ne sommes qu'un groupe minoritaire, ce n'est pas justifiable.
[Traduction]
M. Hulett: Je n'ai rien à retirer de ce que j'ai dit.
Le sénateur Beaudoin: Non, mais pourriez-vous au moins vous expliquer?
M. Hulett: Un jour ou l'autre, il faudra bien nous fixer des limites. Nous pourrions faire des exceptions, par exemple pour les droits linguistiques. Nous pourrions peut-être faire aussi un cas à part des autochtones de Terre-Neuve, mais il reste qu'il doit y avoir une limite quelque part. Qu'est-ce qui justifie que chaque groupe ait sa propre école? On ne saurait dire, par exemple, d'une poignée de six personnes de l'Antarctique que ces gens sont si exceptionnels qu'ils constituent un groupe en soi, que ce groupe n'a pas son pareil dans toute la province et que, partant, il mérite d'avoir son propre système d'éducation.
Le sénateur Doody: Les pentecôtistes, les catholiques et les adventistes du septième jour forment ensemble 45 p. 100 de la population de Terre-Neuve. Il ne s'agit pas de groupes de six ou de trois personnes.
La présidente: Naturellement, les minorités linguistiques ont des droits garantis par la Constitution. Ce sont des droits distincts des droits confessionnels, qui sont aussi garantis. Au Canada, les minorités linguistiques ont des droits qui leur sont propres. Mme Benoît a tout à fait raison. Les droits dont elle parle entrent dans une catégorie très spéciale.
Mme Cooper: Je reconnais que le système d'éducation de Terre-Neuve a besoin de réforme. Peut-être que nos élèves n'ont pas d'aussi bons résultats que ceux du reste du Canada, mais nous nous améliorons. Les statistiques le montrent. Les résultats des épreuves nationales sont là pour attester des progrès des étudiants terre-neuviens. Nous ne sommes peut-être pas au-dessus de la moyenne, mais nous nous en approchons.
Je pense que nous, les pentecôtistes, les adventistes du septième jour et les catholiques, sommes différents des autres, car nous avons déjà des droits qui nous sont propres. Ce serait autre chose si nous n'avions pas déjà des droits, mais nous en avons. Il est angoissant de constater qu'à l'heure où la tendance est plutôt à la reconnaissance des droits, on nous retire en partie les nôtres.
Le sénateur MacDonald: Quand je suis entré dans la salle ce soir, j'ai entendu Mark dire qu'il fallait modifier la clause 17. Il a dit que les changements proposés allaient dans la bonne direction, qu'il restait à en préciser les modalités. J'ai entendu les mots «mauvaise gestion». Puis, en parlant de l'unification des écoles, vous avez utilisé des expressions comme «réduction des coûts» et «plus grande efficacité». Ces affirmations vous semblent-elles raisonnablement exactes?
M. Hulett: Oui.
Le sénateur MacDonald: À ce moment-là, le sénateur Ottenheimer a soulevé une question de fond. Il n'a pas dit pourquoi la nouvelle clause 17 était nécessaire, mais oublions cela. Il vous a demandé si vous estimiez important d'accorder des droits aux minorités.
Vous préoccupez-vous parfois d'autre chose que de vos études? Élevez-vous votre pensée au point de réfléchir à la question des droits garantis par la Constitution? Autrement dit, y a-t-il des circonstances où vous estimez qu'un gouvernement est justifié de supprimer les droits constitutionnels d'une minorité sans le consentement de cette minorité? Si vous pouvez m'en donner un exemple, je n'aurai pas d'autre question à vous poser.
M. Hulett: Si je vous ai bien compris, sénateur MacDonald, vous me demandez si le gouvernement devrait avoir le droit d'enlever à une minorité des droits garantis par la Constitution, sans que cette minorité soit d'accord?
Le sénateur MacDonald: Non, je vous ai demandé s'il y avait des circonstances où un gouvernement était justifié d'enlever à une minorité des droits garantis par la Constitution sans le consentement de cette minorité.
M. Hulett: Non, il ne devrait pas y en avoir. Si l'on demande aux parents de se prononcer par vote, plusieurs écoles seront déclarées uniconfessionnelles parce qu'il y aura suffisamment de parents qui demanderont que leurs enfants fréquentent une école pentecôtiste ou une école catholique. Vous verrez que c'est ce qui arrivera.
Je pense personnellement, et vous pouvez vous aussi en être passablement assuré, que si l'amendement est adopté, l'école que fréquente Mme Cooper demeurera sous la direction des Jésuites. Pourquoi? Parce que les parents auront clairement indiqué qu'ils veulent qu'elle le demeure. Là où le nombre le justifiera, ce sera possible. C'est ce que prévoit l'amendement.
Le sénateur MacDonald: Cet amendement ne dit pas cela du tout. Nous ne serions pas ici s'il en était ainsi. Il se peut que vous ayez raison, que les choses se passent comme vous le prévoyez. Il n'y aura peut-être pas de modification constitutionnelle, et toutes les parties parviendront peut-être à s'entendre sur le genre d'éducation qui doit être donnée à leurs enfants. Nous sommes tous d'accord pour dire que tout système d'éducation peut être amélioré.
M. Mendoza: J'ai une question brève pour le sénateur. Une minorité devrait-elle être favorisée au détriment d'autres minorités en ayant des droits que ces autres minorités n'ont pas?
Le sénateur MacDonald: C'est une très bonne question, car je me la pose moi aussi. Si vous pouvez me démontrer comment une minorité peut faire échouer toute cette entente, vous aurez répondu à ma question. Ce n'est qu'une autre façon de formuler la même question.
Quand le sénateur Ottenheimer vous a posé la question, vous ne lui avez pas répondu. Vous avez réussi à me convaincre que vous êtes un étudiant extrêmement brillant dont l'avenir est on ne peut plus prometteur. On vous retrouvera peut-être un jour comme associé d'une célèbre étude légale de New York, et vous serez alors fier de dire que vous avez fait vos études à St. John's, Terre-Neuve. Vous vous tirez bien d'affaire lorsqu'il s'agit d'éviter de répondre aux questions qu'on vous pose. Vous nous avez parlé des problèmes que vous avez dû surmonter pour vous instruire. Vous avez parlé de vos difficultés de transition du secondaire à l'université. Bon Dieu! J'ai passé deux des plus belles années de ma vie en onzième année au Cap-Breton. N'allez pas me parler de vos problèmes de transition. Vous avez fort bien survécu à toutes ces difficultés. Vous êtes même parvenu à vous faire élire président.
Êtes-vous diplômé ou finissant actuellement?
M. Mendoza: Je suis finissant.
Le sénateur MacDonald: Vous m'avez l'air de bien vous tirer d'affaire, et je pense que vos compagnons de classe n'auront pas à organiser une collecte pour vous venir en aide.
M. Mendoza: Pardon?
La présidente: Ils n'auront pas à solliciter des dons pour vous.
Le sénateur MacDonald: C'est exact. Personne n'est inquiet de votre avenir. Mais vous n'avez pas pour autant répondu à la question du sénateur.
M. Mendoza: J'ai donné l'exemple d'une minorité. Je dois me contenter de vous parler de mes propres expériences.
Le sénateur MacDonald: Cela ne répond absolument pas à la question qu'il vous a posée. Il ne vous a pas demandé de lui parler de vos problèmes. Il a demandé si vous vous préoccupiez des problèmes des autres.
M. Mendoza: Il m'a demandé de lui parler de mes expériences, et c'est ce que j'ai fait. Si vous voulez bien reformuler votre question, je vais essayer d'y répondre sans esquiver la question, comme vous dites.
Le sénateur MacDonald: Ma question était la suivante: y a-t-il à votre avis des circonstances où un gouvernement serait justifié de supprimer des droits garantis à une minorité par la Constitution sans avoir d'abord obtenu le consentement explicite de cette minorité?
M. Mendoza: Non, mais il n'y a pas non plus de situation justifiant un gouvernement d'accorder des droits à une minorité au détriment d'autres minorités, comme c'est le cas dans le moment.
Le sénateur Beaudoin: Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
Le sénateur MacDonald: Je ne saisis pas.
Le sénateur Beaudoin: Vos propos ont attiré mon attention. Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit, s'il vous plaît?
[Texte]
M. Mendoza: Il y a une minorité qui bénéficie de droits au détriment des autres minorités, c'est ce que j'ai dit.
[Traduction]
Le sénateur Beaudoin: Voulez-vous dire qu'on ne peut accorder de droit à une minorité sans causer préjudice à d'autres minorités? Le mot «minorité» est défini ça et là dans la Constitution canadienne. Cela répond peut-être à la question de Mme Benoît.
Le français et l'anglais sont les deux langues officielles au Canada. Elles sont sur un pied d'égalité. En ce sens, on ne peut parler de minorité. Évidemment, les francophones ne sont pas aussi nombreux que les anglophones dans l'ensemble du pays, mais les deux langues sont indépendantes l'une de l'autre, selon la Constitution du Canada et l'article 16 de la Charte des droits. Le mot «minorité» y est défini chaque fois qu'il en est question.
Un problème se pose dans ce cas-ci. Je préfère utiliser l'expression «droits confessionnels», car c'est un cas unique dans la Constitution. Ce sont des droits collectifs, comme les droits autochtones et tous les autres droits.
Les minorités sont autre chose. Elles sont définies en fonction des circonstances. Toutefois, ce n'est pas parce qu'une minorité se prévaut de ses droits qu'elle porte atteinte aux droits d'une autre. Je ne vois pas comment.
La présidente: Sauf le grand respect que je vous dois, sénateur Beaudoin, je pense que ce que M. Mendoza a dit dans son témoignage, c'est que, en tant que membre d'une minorité, en tant qu'adepte de la religion juive, il a été brimé dans ses droits du fait que d'autres minorités ont des droits religieux qu'il n'a pas.
Le sénateur Beaudoin: Ça, c'est une autre histoire.
La président: Je pense que c'est le point qu'il a essayé de faire valoir.
Le sénateur Beaudoin: On retrouve ici les mêmes éléments que dans la célèbre affaire Hirsch qui remonte à 1927. J'invoque toujours cette cause.
Les droits des catholiques et des protestants sont protégés en vertu de l'article 93 de la Constitution. Les juifs et les membres des autres confessions religieuses prétendent qu'ils ne sont pas traités également. Bien sûr qu'ils ont raison puisque les seuls groupes dont les droits confessionnels sont reconnus sont les catholiques et les protestants, car c'est ainsi qu'on a rédigé la Constitution.
Le sénateur Rompkey: Ça ne vaut pas ici, cependant.
Le sénateur Beaudoin: J'ai suffisamment de problèmes dans ma propre province.
Le sénateur Rompkey: Je veux bien, mais nous discutons ici des problèmes de Terre-Neuve.
Le sénateur Beaudoin: Dans ce cas-ci, les droits des membres des confessions religieuses mentionnées dans l'actuelle clause 17 sont tous protégés par la Constitution.
Le sénateur Rompkey: Non, ce n'est pas le cas -- seuls les droits des membres de sept religions de foi chrétienne sont reconnus.
M. Mendoza: Il n'y en a que sept.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez raison, mais rien ne dit qu'on ne peut pas en ajouter d'autres.
M. Mendoza: Nous avons des droits en tant que minorités, sénateur.
Le sénateur Beaudoin: Si vous dites que certaines minorités ne sont pas protégées en vertu de l'actuelle clause 17, je suis d'accord avec vous. Toutefois, il faut y aller cas par cas.
Le sénateur Rompkey: J'hésitais à intervenir dans ce débat, étant donné ce que Robert a dit au sujet de l'enseignement de l'anglais au Collège Bishops. J'y ai moi-même enseigné l'anglais. C'était en 1960. Les choses ont manifestement bien changé depuis lors.
Je tiens à donner à Robert la chance d'expliciter son point de vue sur cette question, car je pense que c'est un aspect important. Certaines minorités de Terre-Neuve, sept en fait, sont de foi chrétienne. Leurs droits sont protégés par la Constitution.
Le sénateur Beaudoin: C'est exact.
Le sénateur Rompkey: Il ne s'agit pas seulement du droit d'avoir des écoles, mais aussi du droit au financement de ces écoles par l'État en proportion du nombre d'élèves.
Profitons-en pour rectifier le compte rendu. Terre-Neuve, j'en conviens, dépense 1 000 $ de moins par élève que les autres provinces, mais elle consacre au financement de l'éducation davantage par habitant que n'importe quelle autre province canadienne.
Le sénateur MacDonald: Comment peut-on expliquer cela?
Le sénateur Rompkey: J'ai bien dit par habitant.
Le sénateur MacDonald: Serait-ce en raison d'énormes coûts administratifs? Où avez-vous obtenu ces chiffres?
Le sénateur Rompkey: Je dis simplement que pour l'éducation, Terre-Neuve dépense plus par habitant que n'importe quelle autre province.
La présidente: Elle consacre à l'éducation une plus grande part de son budget que n'importe quelle autre province. Sauf erreur, environ 21 p. 100 du budget provincial va à l'éducation, selon les plus récentes statistiques.
Le sénateur Rompkey: J'aimerais donner à Robert la chance de s'exprimer sur la question que j'ai soulevée. Sept confessions chrétiennes ont des droits inscrits dans la Constitution. D'autres Églises d'obédience chrétienne, dont certaines comptent même un plus grand nombre d'adeptes, n'ont pas droit au financement à même les deniers publics. À part les confessions chrétiennes, il y a à Terre-Neuve d'autres Églises qui n'ont aucun droit, qui n'ont jamais eu droit à des écoles. Ce que je me demande, c'est si elles seraient mieux placées pour faire reconnaître leurs droits avec la nouvelle clause 17.
Robert a parlé de ses droits. Il a eu le droit d'aller au Collège Bishops. Il a eu le droit de se faire exempter des cours de religion, tout comme le sénateur Doody.
Le sénateur Doody: Mon droit m'a été enlevé.
Le sénateur Rompkey: Le sénateur Doody a utilisé le mot «subir». Je tiens à ce que vous sachiez que vous n'êtes pas le seul dans cette situation. Les anglicans ont eux aussi eu à subir les cours de religion. On a laissé les gens sous l'impression que les anglicans, les adeptes de l'Église unie et ceux de l'Armée du Salut avaient droit à un traitement spécial. Nous avons un système confessionnel à Terre-Neuve, et il sera maintenu. On continuera d'y enseigner la religion dans les écoles. Je pense que ceux qui fréquentent les écoles unifiées ne seront pas plus athées que ceux qui fréquentent les écoles confessionnelles.
Le point que je tiens surtout à soulever concerne la protection des droits des minorités, car je le crois important. Robert a eu le droit de fréquenter une école sans être tenu d'y subir les cours de religion, mais j'aimerais lui demander ce qu'il en a été de son père. Quels droits avait son père?
Un témoin nous a mentionné aujourd'hui que, même s'il versait des impôts à la province, il n'avait le droit ni de siéger à un conseil scolaire, ni de participer aux prises de décisions de quelque autre façon. Si je me souviens bien, les parents des élèves de religion juive qui fréquentaient la même école que moi n'avaient pas le droit eux non plus de siéger au conseil scolaire. Je parie qu'il en est encore ainsi. Est-ce le cas?
M. Mendoza: En réalité, mon père a siégé au conseil scolaire d'Avalon jusqu'à ce qu'on en modifie la structure. Tous les membres du conseil scolaire, sauf un, devaient être de foi chrétienne. Un siège était réservé d'office à un non-chrétien, mais tous les autres étaient attribués à des gens de foi chrétienne.
Le sénateur Rompkey: Est-ce le cas ailleurs à Terre-Neuve?
M. Mendoza: J'ignore ce qu'il en est dans le reste de la province.
Le sénateur Rompkey: Qu'en serait-il aux termes de la clause 17 modifiée?
M. Mendoza: Vous avez autant de chances que moi de connaître la réponse.
Le sénateur Rompkey: Les deux tiers des membres devront provenir des religions désignées et l'autre tiers, des écoles interconfessionnelles. C'est, je crois, l'expression qu'on utilise ici; il n'est question ni d'écoles neutres ni d'autres types d'écoles, mais seulement d'écoles interconfessionnelles et d'écoles uniconfessionnelles. Tel est le libellé de la loi.
En vertu de la nouvelle clause 17, le tiers des membres des conseils scolaires devront être élus par l'ensemble de la population et les deux tiers seront choisis par les Églises désignées. Cette disposition va-t-elle avoir quelque incidence sur les droits des minorités dans la province?
M. Mendoza: Elle va changer, je crois, la structure des conseils scolaires. Quant à savoir si elle aura une incidence sur les droits des minorités, je ne saurais le dire. Elle précise la composition des conseils de la façon mentionnée, mais dans le cas des conseils interconfessionnels, il y a lieu de se demander pourquoi l'admissibilité des représentants de chaque confession religieuse au sein du conseil scolaire est soumise à de telles limites. Si ces conseils sont censés être interconfessionnels, pourquoi leur représentation ne devrait-elle pas l'être aussi?
Le Parlement canadien n'est pas un bon exemple, car, même si certaines contraintes doivent être respectées concernant la représentation régionale, les élus viennent de tous les coins du Canada. Ne pourrait-on pas alors faire en sorte que toutes les religions pratiquées dans la province soient représentées au sein d'un conseil scolaire? Pourquoi devrait-on réserver les deux tiers de la représentation à des confessions particulières? Cette structure ne devrait-elle pas être ouverte à toutes les confessions? Tant mieux pour les chrétiens, les juifs ou les hindous s'ils réussissent à y faire élire 100 p. 100 des représentants! Pourquoi devrait-il y avoir une restriction dans la composition des conseils scolaires interconfessionnels?
Le sénateur Lewis: Vous avez décrit une école modèle dont vous êtes un produit exemplaire. On nous a dit que la nouvelle clause 17 supprimerait certains droits. Tout le monde parle de ces droits, mais rares sont ceux qui prennent soin de préciser en quoi ils consistent.
Si on adopte la nouvelle clause 17, quelles en seront les conséquences, selon vous, une fois l'orage passé? Quel effet aura-t-elle sur votre école? Votre école demeurera-t-elle ce qu'elle est aujourd'hui?
Mme Cooper: Je ne suis vraiment pas sûre de ce qui arrivera. Je pense que c'est ce qui nous inquiète le plus. Il y a beaucoup de confusion, car nous ignorons ce qui va se passer.
Ce qui m'inquiète le plus dans la nouvelle clause 17, c'est qu'on y mentionne «sous réserve du droit provincial d'application générale». Il se peut que le gouvernement actuel permette l'établissement d'un certain nombre d'écoles uniconfessionnelles dans la province, mais qu'arrivera-t-il si le gouvernement suivant décide qu'il n'y en aura aucune? C'est une hypothèse plausible. Nous voulons certaines garanties. Ainsi formulée, la future clause 17 ne nous offre aucune garantie, à cause de ces quelques mots.
Je ne sais pas ce qui va arriver. Si les écoles catholiques sont abolies à Terre-Neuve, les Jésuites s'en iront. Ils ne reviendront pas, parce qu'on a désespérément besoin d'eux ailleurs dans le monde. Nous sommes chanceux d'en avoir quelques-uns chez nous, à Terre-Neuve. Pour le bien de mon école, pour le bien des élèves qui la fréquentent et pour le bien de tous les élèves de la province qui ont la chance de fréquenter des écoles catholiques, j'espère que le libellé de l'actuelle clause 17 va être maintenu ou que le nouveau texte sera modifié, parce qu'à mon sens, le libellé actuel est irréprochable.
Le sénateur Lewis: Il y a quelque chose de troublant, notamment votre incertitude. Cela m'inquiète. Vous avez parlé du présent gouvernement et de ceux qui lui succéderont, et vous avez soulevé la question de l'assujettissement de cette clause aux lois provinciales. Cette question est liée à vos appréhensions concernant l'avenir. Cela m'inquiète, car vos craintes révèlent votre manque de confiance dans notre système démocratique -- autrement dit, vous craignez qu'éventuellement, un gouvernement se permette d'agir inconsidérément. À la limite, une telle hypothèse pourrait s'appliquer à n'importe quoi, mais les gouvernements doivent être prudents dans ce qu'ils font. Nous parlons des gouvernements, mais ce sont plutôt les assemblées législatives qui sont en cause. L'assemblée législative est constituée de représentants élus par le peuple, et le peuple peut interpeller le gouvernement par l'intermédiaire de son assemblée législative.
Nous devons garder à l'esprit que, dans le cas qui nous occupe, les minorités en cause représentent respectivement environ 37 p. 100 de la population dans le cas des catholiques, 7 p. 100 chez les pentecôtistes et 0,5 p. 100 chez les adventistes du septième jour. Il s'agit au total d'une minorité très importante, de 44,5 p. 100 de la population. Il est évident que tout gouvernement subirait des pressions s'il s'avisait de ne pas tenir compte d'un aussi fort pourcentage de la population. N'importe quel gouvernement se verrait menacé dans de telles circonstances. C'est ainsi que fonctionne la démocratie, fondée qu'elle est sur l'équilibre des pouvoirs.
Ne croyez-vous pas, à la réflexion, que vos inquiétudes sont un peu exagérées? C'est l'inconnu qui vous fait peur, je suppose.
Mme Cooper: C'est l'inconnu, en effet.
Le sénateur Lewis: C'est le changement. Personne n'aime le changement.
Mme Cooper: Je pense qu'il est bon d'évoluer, mais tout dépend dans quel sens. Dans notre cas, nous estimons qu'il ne s'agit pas d'un changement positif, car il nous privera de nos droits.
Le sénateur Lewis: Nous voilà revenus à la question des droits.
Mme Cooper: Parce qu'il s'agit de droits, il se peut que nous perdions nos écoles.
Le sénateur Lewis: Pensez-vous vraiment que vous risquez de ne plus avoir droit à vos écoles?
Mme Cooper: Je suis convaincue qu'il se peut que nous perdions nos écoles catholiques.
Le sénateur Lewis: Tout peut arriver dans n'importe quel régime, mais dans notre système les gouvernements ne peuvent certes pas faire n'importe quoi impunément.
Mme Cooper: Je l'espère.
Le sénateur Lewis: Je tenais à souligner cet aspect.
M. Pilgrim: Le sénateur Rompkey a dit que 21 p. 100 du PIB de Terre-Neuve était consacré au financement de l'éducation.
La présidente: Vingt et un pour cent du budget provincial.
M. Pilgrim: Ce chiffre a l'air impressionnant, mais à Terre-Neuve, nous n'avons pas beaucoup d'argent. C'est la même chose que dans les autres provinces.
Il a parlé des droits des minorités. Pour résumer partiellement notre argumentation, signalons que nous ne tenons pas à imposer nos croyances à personne, mais nous voulons avoir nos propres écoles. Nous ne voulons pas forcer Robert, s'il est juif, à fréquenter notre école. S'il y a un système public et si les nouvelles écoles publiques sont non confessionnelles ou multi-confessionnelles, il sera libre d'aller à ces écoles, si tel est son désir. Même chose s'il veut fréquenter une école pentecôtiste ou une école catholique. C'est ce que nous préconisons.
M. Mendoza: C'est bien d'avoir deux écoles côte à côte, car on peut choisir celle qu'on veut fréquenter. Néanmoins, si le conseil scolaire décide de prolonger le calendrier scolaire d'une journée, il doit faire entériner sa décision par les autorités religieuses. Cela ne pose-t-il pas problème à l'heure actuelle? Une des modifications proposées donnerait cette latitude au conseil scolaire, car elle lui permettrait de prolonger le calendrier scolaire d'une journée, de deux semaines ou d'une période quelconque sans avoir à faire approuver sa décision par les Églises.
En ce qui concerne les remarques du sénateur Lewis à propos du processus démocratique, je vous rappelle qu'un tel processus existe dans notre province, et que nous sommes 55 p. 100 à avoir voté en faveur du oui lors du référendum. À mon avis, cela en dit long sur notre processus démocratique. Si nous respectons les principes de la démocratie, nous devrions nous rendre au voeu des 55 p. 100 qui se sont prononcés en faveur du changement.
D'ailleurs, aucun groupe n'est justifié d'appréhender la perte de ses écoles quand, dans le moment, le gouvernement n'est même pas habilité à changer les règles du jeu. Je pense que nous devrions d'abord donner au gouvernement cette latitude, puis lui faire part de notre volonté de conclure une entente à la satisfaction de tous. Le gouvernement n'a pas encore discuté avec nous de ces questions parce qu'il n'a pas le pouvoir d'apporter des changements. Pourquoi l'aurait-il fait, s'il n'a pas les pouvoirs voulus pour satisfaire les attentes? Il ira d'abord chercher les habilitations nécessaires et nous invitera ensuite à discuter des changements qu'il conviendrait d'apporter. Il lui sera toujours loisible de maintenir le statu quo si telle est sa décision, mais si, après avoir discuté de ces questions avec les intéressés, il préfère modifier le système, il aura les pouvoirs voulus pour le faire.
La présidente: Merci, mesdemoiselles et messieurs les panélistes. Je tiens à vous dire combien nous avons été ravis d'entendre vos points de vue ce soir. C'est le sénateur Pearson et moi-même qui avons eu l'idée de réunir cette table ronde, et nous avons été bien inspirés, je crois. Indéniablement, vous avez exprimé avec beaucoup d'enthousiasme et d'une manière bien réfléchie vos idées à propos du système d'éducation de Terre-Neuve et du Labrador. J'aurais été fière d'enseigner à n'importe lequel d'entre vous et de vous avoir comme finissants dans ma classe.
J'aurais une question précise à vous poser. Elle me vient d'un sujet que Robert a abordé et dont Deirdre a parlé elle aussi. Elle concerne toute la question des programmes de classement avancé. Des cours de ce genre ont d'abord été donnés quelque part aux États-Unis au début des années 60, pour ensuite être offerts un peu partout dans ce pays, puis, graduellement, ailleurs dans le monde. Un certain nombre d'écoles canadiennes donnent des cours avancés, et d'autres vont encore plus loin et offrent cet autre programme qu'on appelle le baccalauréat international. Je serais curieuse de savoir si vos écoles ont toutes des cours avancés et si certaines offrent même le programme de baccalauréat international.
M. Pilgrim: Il se donne des cours de classement avancé à mon école. Ils ne font pas officiellement l'objet d'un programme complet intégré, parce que ce genre de programme n'est pas suffisamment en demande. Je pense qu'un seul élève a suivi un tel programme cette année et qu'il y en a eu quelques autres auparavant. Quiconque veut suivre ce programme peut le faire, et on lui fournit l'aide appropriée. En plus des cours réguliers, on lui alloue du temps ou une aide supplémentaire. Dans notre classe de mathématiques, il n'y a que neuf élèves qui prennent le cours avancé. Les élèves qui suivent le cours régulier ont été placés dans la même classe que ceux qui prennent le cours avancé, parce qu'ils n'étaient que six. Étant donné le petit nombre d'élèves dans la classe, 15 en tout, les élèves inscrits au cours avancé ont pu facilement recevoir, au besoin, une aide supplémentaire des enseignants.
M. Curlette: Je ne pense pas que nous ayons ce genre de cours à notre école. Elle est tellement petite qu'on n'y offre qu'un programme limité. Elle ne peut avoir, à cet égard, la même souplesse que les grosses écoles. Je vois d'ailleurs mal comment ces cours pourraient cadrer dans le programme régulier. J'imagine qu'on pourrait faire exception pour un élève ou deux, mais aucun n'en a encore fait la demande.
Mme Cooper: Il y a deux élèves d'inscrits à des cours avancés à mon école, mais je sais que d'autres écoles catholiques en ont aussi. Je pense que l'école Holy Heart en compte un bon nombre. Sauf erreur, la plupart des écoles en ont au moins un.
M. Hodder: Au Collège Bishops, tout le temps où j'y étais, il y avait un programme de classement avancé en mathématiques. Dans les autres matières, des cours avancés n'étaient offerts que si le nombre de demandes le justifiait.
J'ai suivi au complet le cours d'immersion en français et je me suis présenté à l'examen du cours avancé, mais le cours d'immersion n'était pas vraiment un cours avancé.
En littérature, nous étions neuf. Notre école n'offrait pas l'examen de classement avancé, mais tous les neuf nous nous sommes quand même arrangés pour le passer ailleurs. On peut se présenter à n'importe quel examen de ce genre, et l'école offre les cours avancés lorsque la demande le justifie.
M. Hulett: Mon école nous offre l'accès à trois cours avancés, mais il y a, à mon avis, beaucoup de disparité entre les écoles en ce qui concerne le nombre et le genre de cours avancés offerts, et certaines écoles n'en offrent aucun. Il en va sensiblement de même, je crois, pour la plupart des aspects de notre système d'éducation. Les services varient énormément d'une école à l'autre. Nous pouvons suivre deux cours à l'école même et un autre à l'école d'en face, si nous le désirons.
M. Mendoza: J'ai un éclairage intéressant à apporter. Il y a quelques années, j'ai fait partie d'un groupe de travail chargé d'étudier les programmes de classement avancé, et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un certain nombre d'enseignants des quatre coins de la province à propos de l'implantation de ce genre de programme. J'ai constaté que les écoles adoptaient différentes méthodes pour mettre en place leurs programmes de classement avancé. Certaines comprimaient trois années du programme actuel en deux et implantaient le cours avancé la troisième année; d'autres favorisaient l'autoformation et d'autres encore organisaient pour une quarantaine d'élèves un programme complet depuis la septième année en montant. Certaines écoles offraient un tel programme à compter de la huitième ou neuvième année. Je sais que ces programmes ne sont pas offerts dans toutes les écoles de la province, quoique, si un élève se donne la peine d'aller consulter un conseiller d'orientation et de présenter une demande écrite aux responsables de l'implantation de ce genre de programme, il y ait fort à parier que l'école en offrira un.
Je sais, par ailleurs, que ce ne sont pas toutes les écoles qui incluent systématiquement des cours avancés dans leurs programmes scolaires réguliers ou enrichis.
La présidente: Jeannine, je me suis méprise. À ce que je comprends, il y a cinq écoles en tout, mais il n'y en a qu'une qui est, comme on dit dans ma province, «française», où l'enseignement se donne uniquement en français. Les autres seraient des écoles d'immersion.
Mme Benoît: Nous avons une école complètement francophone dans notre province. Ailleurs, ce sont des classes françaises. L'enseignement s'y donne entièrement en français, tout comme dans notre école francophone, mais ces classes font partie d'écoles anglaises ou d'écoles d'immersion. Le taux d'assimilation dans ces classes est naturellement plus élevé que dans une école totalement francophone.
Il y a inévitablement plus d'assimilation dans ces écoles, où les élèves côtoient des anglophones ou des francophones dont les parents sont déjà assimilés.
La présidente: Il n'y a qu'une école en milieu francophone?
Mme Benoît: Oui. Idéalement, on éliminerait toute possibilité d'assimilation, mais cela n'arrivera pas. Nous aimerions avoir au moins les outils pour en réduire le taux.
La présidente: Comme il n'y a pas de conseil scolaire francophone, de quel conseil scolaire ces écoles relèvent-elles?
Mme Benoît: Il y a deux conseils scolaires sur la côte ouest. Je ne suis pas certaine de quel conseil scolaire relève l'école St. Patrick.
M. Hulett: C'est une école catholique.
Mme Benoît: Il y a aussi le conseil scolaire catholique du Labrador.
La présidente: Encore une fois, merci beaucoup à vous tous. Nous avons passé une soirée fort agréable.
Le sénateur MacDonald: Madame la présidente, avec la permission du comité, puis-je vous demander de poursuivre la séance à huis clos durant cinq minutes?
La présidente: Sûrement.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.