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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 24 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 15 avril 1997

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a été saisi du projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, se réunit aujourd'hui à 9 h 38 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Mabel M. DeWare (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous avons pu inviter aujourd'hui deux témoins qui vont nous parler du projet de loi S-11. Je les remercie beaucoup d'avoir accepté de comparaître ici même s'ils n'ont reçu pratiquement aucun préavis.

Nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez la parole.

M. David Hunt, coordonnateur, Don't Tax Reading Coalition: Madame la présidente, je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser au comité. Nous sommes heureux de venir à Ottawa même sans presque aucun préavis, parce que nous craignions de ne pas avoir l'occasion de comparaître devant le comité.

Je m'appelle David Hunt. Je coordonne à partir de Toronto la Don't Tax Reading Coalition, une coalition nationale représentant des groupes et des associations qui représentent eux-mêmes des libraires détaillants, des écrivains, des enseignants, des bibliothécaires, des administrateurs du secteur public, des étudiants, des imprimeurs et des éditeurs.

Le nombre de Canadiens que représentent ces groupes dépasse les 600 000 au sein de la coalition. Le nombre de Canadiens qui se sont engagés d'une façon ou d'une autre dans cette campagne dépasse de beaucoup le million, comme nous l'a signalé, entre autres, le personnel de la salle du courrier de la Chambre des communes.

Le Sénat connaît bien notre coalition. Des sénateurs des deux partis et sans affiliation politique se sont tout d'abord opposés avec vigueur et éloquence à l'imposition de la TPS aux imprimés, puis ont essayé de la faire supprimer. Des sénateurs des deux partis ont déclaré l'année dernière que cette question transcende la politique partisane, qu'appliquer la TPS aux imprimés n'est pas une bonne stratégie à long terme et que la supprimer serait une bonne chose pour le pays.

La TPS est la première taxe fédérale sur les imprimés dans l'histoire du Canada. C'est la toute première fois au Canada que les imprimés sont taxés en temps de paix par le gouvernement fédéral. Aucun autre pays du G-7 n'impose une taxe aussi élevée sur les imprimés. C'est l'une des taxes sur les imprimés les plus élevées imposées par les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques.

La TPS frappant les imprimés a provoqué une baisse importante et durable des ventes, notamment des livres et des abonnements aux magazines, dans notre pays, ce qui a causé de sérieux problèmes aux éditeurs et aux écrivains. Nous croyons que c'est là un funeste présage pour le pays. Si nous créons un pays qui lit moins, nous créons un pays qui sera moins productif et moins compétitif.

Selon nous, les Canadiens ont contribué d'une façon extraordinaire à réduire le déficit en payant la taxe sur les imprimés. On prétendait à l'époque qu'il fallait taxer tout ce qu'il était possible de taxer en vue de réduire le déficit. Nous disons que cela est fait, et que, en fait, nous avons atteint et dépassé nos objectifs. Les Canadiens méritent maintenant d'en toucher les dividendes. La suppression de la taxe sur les imprimés en est un que les Canadiens ont réclamé haut et fort et qui serait un investissement important dans l'avenir du Canada.

Un certain nombre de pays auxquels nous aimerions nous comparer ont essayé de taxer les imprimés par le passé, mais ont fini par supprimer leur taxe. L'exemple le plus éloquent est celui de la République d'Irlande, qui a appliqué sa taxe sur la valeur ajoutée aux imprimés quand elle l'a introduite. Elle l'a supprimée six mois plus tard après s'être rendu compte qu'elle avait provoqué une baisse des ventes, et cette baisse des ventes d'imprimés n'était pas aussi marquée que celle que connaît le Canada. La République d'Irlande ne taxe plus les imprimés. De fait, le gouvernement s'est engagé à ne plus jamais essayer de taxer les imprimés, parce qu'il les considère comme très importants.

Si vous connaissez le destin économique de ce pays, le revirement économique de l'Irlande est dépeint comme l'un des miracles de la nouvelle Europe. Le fait est que l'Irlande connaît la plus forte croissance économique en Europe et est l'une des économies qui s'adaptent le mieux à la nouvelle économie informationnelle et aux nouvelles réalités de l'industrie. Le gouvernement irlandais explique ce succès par le fait que le pays a décidé d'être un pays qui lit. Pour l'aider dans son effort, le gouvernement a supprimé la taxe sur les imprimés quand il s'est rendu compte qu'elle en faisait baisser les ventes.

Le Parti libéral a promis à maintes reprises avant les élections de 1993 de supprimer la taxe sur les imprimés. Une résolution formelle déclarant qu'un gouvernement libéral supprimerait la TPS frappant les livres et autres imprimés a été adoptée au congrès d'orientation libéral de 1992 et réaffirmée à un congrès d'orientation libéral tenu après les élections. J'ai une copie de cette résolution.

L'actuel premier ministre, M. Jean Chrétien, a cité cette résolution dans une lettre qu'il nous a fait parvenir avant les élections de 1993. Il y déclarait que le Parti libéral avait adopté une résolution en vue de supprimer la TPS frappant les livres et autres imprimés et qu'il adhérait à cette politique.

Nous approchons de la fin du premier mandat libéral, et cette taxe est toujours en vigueur. Le gouvernement a pris plusieurs mesures pour réduire l'impact de la taxe sur les imprimés, et nous lui en savons gré et l'approuvons, comme nous l'avions fait à l'époque. Les remboursements de taxe ont été haussés à 100 p. 100 pour les municipalités, les établissements d'enseignement, les écoles et les organismes d'alphabétisation y ayant droit. Le sénateur Joyce Fairbairn a participé activement à cette décision, que nous avons fort bien accueillie.

La suppression de la taxe sur les imprimés vendus aux consommateurs est la dernière grande promesse visant la TPS que nous connaissions. C'est le seul produit que le gouvernement actuel ait jamais promis de soustraire à la TPS.

Nous savons que le gouvernement est conscient du fait que les mesures qu'il a prises ne vont pas assez loin. Elles ne respectent pas son engagement électoral de supprimer la taxe sur les ventes d'imprimés au public. Le ministre des Finances l'a reconnu dans une lettre qu'il nous a envoyée en février, où il déclare qu'il faut évidemment faire davantage, et précise que souvent les progrès réels et durables au gouvernement se font à pas mesurés.

Nous disons que le temps est venu de faire un autre petit pas qui, selon nous, devrait permettre de soustraire à la TPS les imprimés, ou au moins les livres et les abonnements aux magazines vendus aux Canadiens.

À l'heure actuelle, tout Canadien qui désire acheter un imprimé paie la taxe. Les remboursements de TPS annoncés en octobre ne s'appliquent qu'aux institutions. Cela signifie que les étudiants du niveau postsecondaire qui, pour la plupart, achètent leurs manuels, les analphabètes apprenants, dont la majorité achètent leurs bouquins, les Canadiens qui achètent des livres pour en faire cadeau, et ceux qui en achètent pour s'instruire ou se cultiver, ou tout simplement pour le plaisir de lire, payent toujours la taxe intégralement.

En 1996, Statistique Canada a mené une vaste enquête sur le taux d'analphabétisme des adultes qui a confirmé encore une fois ce que toutes les autres études semblables avaient démontré: les adultes qui savent lire sont d'abord ceux qui ont grandi dans un foyer où il y avait des livres et autres imprimés.

On nous a dit que les meilleurs moyens de s'attaquer au problème de l'analphabétisme, ce sont les remboursements de taxe visant les programmes officiels d'alphabétisation qui ont été annoncés en octobre. Toutefois, nous voyons cela essentiellement comme une mesure corrective. S'il veut vraiment développer les capacités de lecture et d'écriture des Canadiens, le gouvernement doit se préoccuper de ce qui se passe dans les foyers et reconnaître que la TPS a frappé durement les ventes d'imprimés aux Canadiens, notamment aux Canadiens à faible revenu.

Soustraire à la TPS les imprimés, ou même, si vous décidez d'y aller à petits pas, les livres et les abonnements aux magazines cette fois-ci, ne coûterait pas cher. Les objectifs de réduction du déficit ont été dépassés. Les hausses de la taxe sur le tabac rapportent des recettes inattendues, non prévues au budget. Il y a assez d'argent dans le système pour compenser le manque à gagner qui résulterait de la suppression de la taxe sur les imprimés.

Nous vous avons remis un document où nous avons calculé les recettes annuelles de la TPS découlant des ventes de publications au Canada. Cela représente effectivement une rentrée d'argent pour le gouvernement, qui ne peut plus compter sur d'autres sources de recettes dans ce domaine.

Nous avons examiné ces chiffres avec des fonctionnaires du ministère des Finances, qui n'en ont contesté aucun. Le seul chiffre qu'ils ont mis en doute, c'est le montant de la TPS qui était perçu avant octobre sur les ventes aux organismes du secteur public, c'est-à-dire le montant de la TPS qui était perçu, mais non engagé. Maintenant, que ces remboursements de taxe aient été haussés à 100 p. 100, c'est discutable. Essentiellement, ce sont des chiffres sur lesquels la coalition, l'industrie, les Canadiens et le ministère des Finances s'entendent. Il s'agit là des recettes nettes de la TPS tirées des ventes de ces produits.

Nous avons fait des calculs dans l'industrie et examiné des modèles économiques théoriques faits en Grande-Bretagne quand le chancelier de l'Échiquier envisageait de taxer les imprimés. Nous avons conclu que si ces articles étaient soustraits à la taxe, plus de 25 p. 100 de ces recettes reviendraient dans les coffres du gouvernement grâce à une hausse compensatoire, entre autres, des rentrées d'impôt sur le revenu des éditeurs et des employés de l'industrie de l'édition, si vous voulez, et des auteurs, des rédacteurs, des dessinateurs, des imprimeurs et du personnel des librairies.

Les imprimeurs et les éditeurs emploient beaucoup de main-d'oeuvre. Cette industrie est le deuxième grand employeur au Canada, selon l'Association des banquiers canadiens, et le rapport employé-vente est plus élevé que dans tout autre secteur industriel. Cela signifie que si la taxe est supprimée et que les ventes grimpent, ce que nous prévoyons bien sûr, l'industrie n'aura d'autre choix que d'embaucher davantage de personnel. Ces gens paieraient de l'impôt, de même que les éditeurs, les imprimeurs, et cetera, qui, eux, en paieraient davantage.

Un modèle que nous avons examiné conclut que, selon l'estimation la plus prudente, 25 p. 100 de ces recettes fiscales reviendraient dans les coffres du gouvernement à la suite de la suppression de la taxe sur les imprimés. Selon une estimation moins prudente, ce chiffre pourrait même monter jusqu'à 40 p. 100. Mais si l'on s'en tient aux 25 p. 100, on parle d'environ 60 millions de dollars investis annuellement dans le développement de la capacité de lecture des Canadiens.

Il faut rappeler encore qu'il ne s'agit pas d'un programme de dépenses gouvernementales. Nous parlons de supprimer une taxe qui -- et tout le monde semble s'entendre là-dessus -- n'aurait jamais dû être imposée premièrement, sauf comme mesure de réduction du déficit ou comme moyen de mettre la TPS en marche. Un certain nombre de sénateurs ont déclaré à l'époque qu'ils appuyaient absolument l'idée de soustraire les imprimés à la TPS, mais qu'ils voteraient contre parce que, selon eux, la TPS était une taxe qui arrivait à point nommé. C'est certainement là l'opinion des Canadiens. Mais même parmi les Canadiens qui appuient la TPS, 75 p. 100 disent qu'elle ne devrait pas s'appliquer aux imprimés.

On a tendance à écarter les magazines du débat sur la TPS. La taxe canadienne de 7 p. 100 sur les magazines était déjà la plus élevée parmi tous les pays du G-7. En haussant le taux à 15 p. 100 par suite de l'harmonisation de la taxe dans les provinces atlantiques et au Québec, on obtient une taxe qui est plus de deux fois supérieure à celle qu'imposent nos concurrents les plus sérieux. La majorité des pays de l'OCDE et du G-7 ont des taux avantageux pour les livres et les magazines, et dans la plupart des cas ce taux est de 0 p. 100.

Les magazines conçus et publiés au Canada dépendent particulièrement des ventes d'abonnements. Les magazines canadiens dominent dans le secteur des ventes d'abonnements dans notre pays, bien qu'il ne s'agisse pas de ventes en kiosque, et c'est là l'élément vital des éditeurs de périodiques canadiens. Le secteur des abonnements s'est révélé le secteur le plus sensible aux prix de toute l'industrie de l'édition. Statistiquement, la chute des ventes d'abonnements a été bien plus prononcée que la chute des ventes de livres ou des ventes de magazines en kiosque.

La présidente: Avez-vous ces chiffres?

M. Hunt: Je ne les ai pas avec moi, mais je pourrais vous les faire parvenir cet après-midi.

En frappant les abonnements aux magazines, la TPS donne un avantage injuste aux périodiques étrangers. La majorité des éditeurs de magazines américains ne prélèvent toujours pas la TPS sur les abonnements, et Revenu Canada a dû renoncer à les convaincre de le faire parce qu'il n'y a aucun mécanisme de perception.

Je veux souligner que je dis «la majorité des publications», et non pas l'ensemble des magazines importés ici, parce que les plus importants de ces magazines se sont en fait inscrits et perçoivent la taxe. Toutefois, il y a littéralement des milliers de magazines spécialisés publiés en Amérique du Nord à l'intention de clientèles bien précises, comme les amateurs de chevaux, les mordus des chiens, les joueurs d'échecs, les amants de la littérature, et cetera. Ce sont ces petits magazines spécialisés qui ne perçoivent pas la TPS et jouissent par conséquent d'un avantage par rapport à leurs concurrents canadiens, précisément ces magazines canadiens qui peuvent le moins s'exposer à des règles du jeu inégales parce qu'ils sont spécialisés et, de par leur nature, ont une clientèle plus restreinte.

Pendant six ans, nous avons essayé de bonne foi d'aider Revenu Canada à percevoir cette taxe. Nous avions dit, même avant son adoption, que nous nous opposerions vigoureusement à ce que la TPS s'applique aux imprimés, mais qu'en même temps nous nous assurerions scrupuleusement que, si elle s'appliquait aux imprimés, les règles du jeu seraient équitables et que la taxe frapperait les abonnements aux périodiques importés. Ce qui n'a pas été le cas. Il n'y a aucun mécanisme.

Le seul mécanisme que Revenu Canada peut proposer, c'est que, en théorie, la Société canadienne des postes a le pouvoir de vérifier si tel ou tel exemplaire d'un magazine porte un numéro d'inscription aux fins de la TPS; si ce n'est pas le cas, la Société peut retenir ce magazine et expédier à l'abonné une carte lui demandant de se présenter au bureau de poste pour y payer la TPS, plus des frais de manutention de 5 $. À ma connaissance, cela ne s'est jamais produit depuis l'adoption de la taxe. Par contre, on ne peut pas en dire autant pour les livres, parce que les livres sont des objets plus gros et plus lourds, et la TPS est calculée en conséquence, mais la Société des postes n'a pas le personnel voulu pour feuilleter les magazines à la recherche du numéro d'inscription aux fins de la TPS, et tout le monde sait cela. Toutefois, Revenu Canada continue à présenter cela comme la solution au problème de l'inégalité des règles du jeu.

Essentiellement, Revenu Canada a admis que ces règles du jeu inégales nuisent aux éditeurs canadiens, et notamment aux éditeurs de magazines spécialisés, qui sont plus vulnérables, mais ils s'en lavent les mains parce qu'il n'y a aucun moyen logique de percevoir la taxe, ce qui est vrai. C'est la conclusion à laquelle en sont arrivés tous les pays multilingues qui perçoivent une taxe sur la valeur ajoutée.

Les seuls pays au monde qui essayent de taxer les abonnements sont les pays unilingues. Il y a une statistique qui peut vous intéresser. Les éditeurs de magazines américains ne perçoivent pas la taxe de vente sur les abonnements pour d'autres États. Les États qui ont essayé d'appliquer leur taxe de vente aux abonnements y ont renoncé. Les exemples les plus récents et les plus connus, sont ceux de la Californie et de la Floride qui ont essayé d'imposer une taxe sur les abonnements aux magazines, mais y ont renoncé parce qu'ils se sont rendu compte que les éditeurs américains dans les autres États refusaient de la percevoir. Il n'y avait aucun mécanisme pouvant les obliger à le faire. Cette mesure désavantageait leurs propres éditeurs sur le plan de la concurrence.

J'aimerais réitérer nos grands thèmes. On a tort de taxer les livres. Cela nuit au pays. Si quelqu'un en a jamais douté, ce doute a maintenant été dissipé. Les statistiques sont disponibles.

Nous avons fait l'expérience. Il est maintenant temps d'y mettre fin et de suivre l'exemple de tous les autres pays qui sont passés par là: nous devons cesser de taxer les imprimés.

La suppression de la taxe sur les imprimés est une promesse du gouvernement précise, répétée, écrite et en béton armé. Le gouvernement a fait cette promesse avant, pendant et après la campagne électorale de 1993. Il s'est engagé spécifiquement, au cours de son premier mandat, à soustraire à la TPS les livres et les autres imprimés. Nous disons qu'il est maintenant temps de passer à l'action. Cela ne coûtera pas cher. Le pays peut se le permettre. Nous ne sommes plus dans une position où il nous faut prendre cette mesure extraordinaire qui consiste à taxer les imprimés pour réduire le déficit parce que nous avons respecté et dépassé ces objectifs. Les Canadiens méritent maintenant qu'on remplisse cette promesse.

M. Roy MacSkimming, conseiller, Association of Canadian Publishers: Madame la présidente, j'ai écrit cinq livres.

Le sénateur Bonnell: Êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit M. Hunt?

M. MacSkimming: Oui, tout à fait. Il a énoncé les problèmes clairement et de façon éloquente.

Le sénateur Bonnell: Comme une taxe de vente harmonisée existe dans trois des provinces de l'Atlantique, l'adoption de ce projet de loi aura-t-elle un effet sur cette taxe? Aura-t-elle un effet sur les revenus des provinces? La mesure sera-t-elle acceptée par les provinces?

M. Hunt: Nous croyons qu'elle serait acceptée par les provinces. Elle n'aurait aucun effet sur leurs revenus en ce qui concerne les livres. Je dis cela parce que les provinces ont indiqué que la taxe de vente ne serait pas appliquée aux livres. Elles ont volontairement renoncé à appliquer la partie provinciale de la taxe sur les livres. Elles ont reconnu que cela n'affecterait en rien leur paiement de péréquation du gouvernement fédéral. Elles ont accepté de renoncer à ce revenu sans compensation.

Les provinces ont demandé que tous les imprimés soient exclus de l'assiette de la taxe de vente harmonisée. C'est essentiellement le gouvernement fédéral qui a négocié le compromis voulant que les livres et certains abonnements aux magazines soient exclus de l'élément provincial de la taxe.

Le précédent existe. Les provinces ont pris l'initiative. Nous avons l'impression qu'elles seraient soulagées si le gouvernement fédéral tenait sa promesse. Cela n'aurait aucun effet sur la compensation.

Sur le plan monétaire, les abonnements aux magazines représentent moins du tiers du volume de ventes des livres. Cette proportion vaut pour les provinces de l'Atlantique également. Elles ont déjà renoncé au gros de ce revenu sur la partie provinciale de la taxe harmonisée.

Le sénateur Bonnell: Je suis d'accord avec vous pour ce qui est des livres. Cependant, je me demande ce qui se passerait avec les hebdomadaires et les quotidiens, de même qu'avec les magazines vendus à l'unité. Obtiennent-elles leur part de la taxe de ces imprimés également?

M. Hunt: Elles ont accepté, quoique à contrecoeur, d'inclure ces articles dans la taxe de vente harmonisée. Les provinces ont détaxé tous ces articles, sauf les ventes de magazines à l'unité, soit les ventes en kiosque. Autrement, les provinces ont détaxé tous ces articles que vous avez mentionnés aux termes de la taxe de vente provinciale. Elles ont demandé que ce modèle soit adopté pour la taxe de vente harmonisée. Leur demande a été rejetée.

Je ne peux manifestement pas parler pour les provinces. Ni d'ailleurs des détails techniques de la compensation qui figure dans la taxe de vente harmonisée. J'ai l'impression que les provinces l'ont déjà demandé. Donc, elles seraient disposées à renoncer à ce revenu.

Le sénateur Bonnell: C'est votre impression. Pour vous, ce n'est qu'une impression, mais c'est une autre chose, pour les provinces, que de signer une entente. Savez-vous combien de millions de dollars chaque province perdra si nous adoptons ce projet de loi?

M. MacSkimming: Nous avions une estimation qui, à notre avis, est élevée.

Le sénateur Bonnell: De qui l'avez-vous obtenue?

M. Hunt: Du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Celui-ci a estimé que détaxer les abonnements aux magazines aux termes de la taxe de vente coûterait environ 600 000 $ à la province.

Le sénateur Bonnell: Pourquoi ne pas dire tout simplement que vous ne savez pas?

M. Hunt: Je ne sais pas. Je vous l'ai dit, monsieur, je vous ai dit que je ne travaille pas pour les provinces et que vous devrez vérifier auprès d'elles.

Honnêtement, j'ignore quel effet cela aurait sur les paiements de compensation, si c'est là votre question.

La présidente: Le 13 septembre 1996, les ministres des Finances du Canada atlantique ont demandé au ministre fédéral des Finances s'il retirerait la taxe sur les livres. J'ai sous les yeux un article du Globe and Mail, où il est dit dans la première phrase que l'honorable J. William Gillis, ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, a déclaré que le ministre fédéral n'a pas dit qu'il ne le ferait pas. Elles doivent penser que ce n'est pas désavantageux pour elles si elles demandent au gouvernement de le faire.

M. Hunt: Il n'en a pas été fait mention dans les journaux à l'époque, mais la demande officielle incluait également les abonnements aux magazines.

La présidente: Il est dit dans l'article «les imprimés».

Le sénateur Bonnell: Madame la présidente, j'appuierais le projet de loi sans amendements. Cependant, avant de donner mon appui à une telle motion, j'aimerais que quelqu'un du ministère des Finances comparaisse devant nous pour nous exposer les faits réels et non pas ce qui est écrit dans le journal.

La présidente: Le ministère des Finances a semblé dire que ce serait fastidieux et il pourrait y avoir d'autres raisons pour lesquelles M. Martin pourrait hésiter à soustraire les livres à cette taxe. Premièrement, cela compliquerait davantage les taxes, qui constituent déjà un mal de tête coûteux pour ceux qui l'administrent et pour les entreprises qui la perçoivent. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Que veulent-ils dire par là?

M. Hunt: En fait, cela simplifierait l'administration de cette taxe pour les entreprises qui la perçoivent. Je dirais en outre que les entreprises qui la perçoivent demandent depuis sept ans de ne pas l'appliquer aux imprimés et demandent depuis six ans qu'on la supprime. Ce sont les libraires et les éditeurs qui vendent directement au public qui doivent administrer cette taxe et ils disent: «Nous nous chargerions avec plaisir de la tâche qui consiste à séparer les sources de revenus tirés de l'administration de cette taxe si seulement vous faisiez ce qui doit être fait et supprimiez la taxe, comme vous aviez promis de le faire».

Le ministère des Finances nous a donné des exemples de détaillants qui seraient désavantagés si les imprimés étaient soustraits à la TPS; ils ont parlé des propriétaires d'épiceries, de pharmacies et de centres de jardinage. Ces trois détaillants ont déjà en magasin des articles détaxés en plus d'articles pleinement taxables. Ils n'auront pas à ajouter un autre système. Pour les livres, ils n'auront qu'à recourir au même système qu'ils utilisent actuellement pour la nourriture ou les médicaments d'ordonnance ou les semences, qui sont détaxés à titre de produits alimentaires. Le ministre le sait. Il sait que les entreprises qui perçoivent les taxes sont celles qui réclament la détaxation.

La présidente: Le sénateur Bonnell préside un comité sur l'éducation postsecondaire qui procède à une étude pancanadienne depuis Noël. Les étudiants se sont dit très préoccupés du fait que bien que les universités et d'autres établissements soient exemptés, ils ne le soient pas quand ils achètent des livres. Nous devons également en tenir compte.

Le sénateur Forest: Vous faites certainement valoir des arguments très convaincants. Comme je lis énormément et que je m'intéresse depuis longtemps à l'éducation, cela me paraît sensé. Cependant, nous n'avons entendu aucun argument contraire. Quels arguments pourrait-on y opposer, à part l'argent? Est-ce le principal? Ce n'est peut-être pas à vous que je devrais poser la question, mais vous avez dû entendre les arguments.

M. Hunt: Nous ferons de notre mieux. Nous vous dirons en quoi consistent les arguments, même si nous ne sommes pas d'accord avec eux. Cela fait partie du débat public.

M. MacSkimming: On a mentionné les plus évidents. Depuis déjà 1990, le ministère des Finances dit que si nous supprimons un produit comme les imprimés de l'assiette fiscale pour la TPS, cela coûtera de l'argent au Trésor fédéral et créera un précédent qui conduira à des demandes d'exemption d'autres produits. De même, il y a la question que madame la présidente a mentionnée concernant la complication du processus de perception de la taxe.

De toute évidence, nous proposons de simplifier le problème pour les détaillants. S'ils n'étaient tout simplement pas tenus de taxer les imprimés, ils s'éviteraient bien du travail du côté de la paperasserie et de l'administration.

Le sénateur Forest: Puisqu'ils ne les ont pas supprimés de la liste, quel ordre de priorité accorderiez-vous aux problèmes qui restent?

M. Hunt: Les deux grandes priorités, si on ne les supprimait pas de la liste, seraient les abonnements aux magazines et les livres.

J'aimerais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. MacSkimming. Dans le cadre de l'harmonisation de la taxe dans les provinces de l'Atlantique, comme les provinces ont refusé de taxer les livres pour leur partie de la taxe provinciale, il devra y avoir une sorte de système de remboursement direct à la caisse pour les consommateurs. Ce système nécessitera beaucoup de paperasserie pour éviter de percevoir la taxe. C'est la Commission du revenu du Canada, qui est financée par le gouvernement fédéral, qui devra payer tous ces coûts. Le fait que les provinces ont refusé de taxer les livres en vertu de l'élément provincial de la taxe accroît les coûts d'administration de cette taxe pour le gouvernement fédéral, coûts qui pourraient être éliminés si les livres étaient détaxés.

M. MacSkimming: Nous devrions ajouter, madame la présidente, qu'en plus de l'élimination de la taxe sur les livres dans le cadre de la taxe de vente harmonisée dans la région atlantique, même avant cela, la province de Québec avait éliminé sa taxe sur les livres. Si on veut parler de précédents, plusieurs provinces, dont le Québec, ont reconnu qu'au moins les livres ne devraient pas être assujettis à la taxe.

La présidente: Messieurs, nous devons en tenir compte. Je sais que le leader du gouvernement au Sénat est en faveur d'une suppression de la taxe sur les livres. Elle l'a dit à plusieurs reprises. Elle a dit espérer que le Sénat ait le courage de faire les premiers pas et d'enfoncer la porte, et de le faire maintenant. À tous égards, je ne pense pas que quiconque soit en désaccord avec elle. J'imagine que c'est à cause des recettes qu'il existe une taxe sur les livres à ce moment-ci.

Je vous remercie d'être venus comparaître ce matin. Nous étudierons attentivement cette question et ferons rapport à nos caucus respectifs. Vous avez certainement planté le décor de notre réflexion sur cette question particulière.

Le sénateur Losier-Cool: J'ai une courte question au sujet des priorités avant que nos témoins nous quittent. Quand vous dites que le Québec a éliminé toutes les taxes sur les livres, voulez-vous dire tous les livres ou seulement les livres dans les établissements d'enseignement? Est-ce tous les livres dans les librairies du Québec?

M. Hunt: Il s'agit de tous les livres en librairie ou par correspondance. C'est une élimination de l'élément provincial de la taxe.

Le sénateur Losier-Cool: Et la France?

M. Hunt: La France ne perçoit aucune taxe à la valeur ajoutée sur les livres ou sur d'autres imprimés.

La présidente: Merci. Je vous remercie d'être venus ce matin.

Sénateurs, comme vous le verrez sur votre ordre du jour, nous avons d'autres travaux concernant le projet de loi C-300, Loi régissant la création d'une médaille et d'une agrafe du Service volontaire canadien de maintien de la paix des Nations Unies. J'aimerais que quelqu'un propose que l'étude du projet de loi C-300 soit confiée au sous-comité des affaires des anciens combattants.

Le sénateur Cools: Je fais la proposition.

Le sénateur Bonnell: Je l'appuie.

La présidente: Senateur Losier-Cool, je crois comprendre que le comité aimerait que vous siégiez à ce comité.

Le sénateur Bonnell: Je fais la proposition.

La présidente: Nous sommes d'accord là-dessus aussi et je vous remercie.

La séance est levée.


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