Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Transports et des communications
Fascicule 11 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 11 mars 1997
Le comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 09 pour examiner le projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion (politique canadienne de radiodiffusion).
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Honorables sénateurs, avant de donner la parole à nos témoins, j'aimerais dire quelques mots.
Le projet de loi C-216 a été renvoyé au comité par un ordre de renvoi du Sénat, daté du 3 décembre 1996. Outre les témoins d'aujourd'hui, le comité a entendu M. Roger Gallaway, Mme Martha Jackman et l'Association des consommateurs du Canada. L'Association canadienne des radiodiffuseurs et la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada doivent comparaître le 8 avril 1997, après le congé de Pâques.
Comme le savent les honorables sénateurs, le comité n'a pas chômé. Le sous-comité des communications a tenu des audiences dans le cadre de son étude sur la position concurrentielle du Canada dans le domaine des communications. Il s'est rendu à Boston pour une série de réunions, et a visité le Media lab du MIT.
Le sous-comité de la sécurité des transports a lui aussi tenu des audiences publiques à Ottawa, Yellowknife, Edmonton, Vancouver et Montréal. Il se rendra bientôt à Halifax, où il siégera pendant trois jours.
Le comité plénier a tenu une réunion sur le projet de loi C-57.
Le comité s'efforce d'examiner de façon approfondie tous les projets de loi qui lui sont soumis. Il sait aussi que cet examen doit se faire dans les meilleurs délais. Voici donc ce que propose le comité de direction pour le projet de loi C-216.
Nous allons immédiatement communiquer avec tous les témoins éventuels qui n'ont pas encore comparu devant le comité pour les inviter à nous faire parvenir un mémoire d'ici le 8 avril 1997. Tous les autres témoins seront entendus ce jour-là. Nous tiendrons, si nécessaire, une séance-marathon. Une fois les audiences terminées, le comité procédera à un examen article par article du projet de loi, après quoi il en fera rapport au Sénat.
Si les membres du comité sont d'accord avec la démarche proposée, nous devrions pouvoir faire rapport du projet de loi C-216 le jeudi 10 avril.
Est-ce que les honorables sénateurs sont d'accord?
Des voix: Oui.
La présidente: Nous accueillons aujourd'hui des représentants du Centre pour la promotion de l'intérêt public.
Veuillez faire votre déclaration, après quoi nous vous poserons des questions.
M. Michael Janigan, directeur exécutif et avocat-général, Centre pour la promotion de l'intérêt public: Je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de comparaître devant lui pour discuter du projet de loi C-216. Nous avons également comparu devant le comité du patrimoine de la Chambre des communes, en juin 1996, lorsqu'il s'est penché sur cette question.
Nous avons fourni au greffier un document qui s'inspire des notes d'information qu'a préparées le conseiller du comité, et dont les questions semblaient s'adresser au parrain du projet de loi, le député M. Gallaway. Nous avons trouvé ces questions intéressantes et soumis des réponses écrites à celles-ci. Elles pourraient s'avérer utiles au comité dans son étude.
Le Centre pour la promotion de l'intérêt public s'intéresse depuis plus de 20 ans aux questions liées aux télécommunications et à la radiodiffusion. Il défend les intérêts des consommateurs en général, mais surtout des consommateurs vulnérables. Nous fournissons des services juridiques et de recherche à l'Organisation nationale anti-pauvreté, à l'Association des consommateurs du Canada et à d'autres groupes qui interviennent devant le CRTC et la Commission de l'énergie de l'Ontario notamment, mais aussi devant des organismes de réglementation comme l'Office national des transports du Canada.
Nous aimerions d'abord parler du bien-fondé du projet de loi et du problème qu'il vise à régler. Certains ont laissé sous-entendre, et j'ai trouvé cela inquiétant, que les pratiques que vise à interdire ce projet de loi constituent un irritant pour les consommateurs canadiens, un irritant qu'ils assimilent à un message publicitaire offensant.
L'élimination de l'abonnement par défaut ne vise tout simplement, d'après certains, qu'à apaiser les téléspectateurs canadiens qui sont excédés par les tactiques de l'industrie de câblodistribution.
Il n'est pas étonnant que les détracteurs du projet de loi C-216 invoquent des raisons d'ordre moral pour justifier leur position. Nous discuterons plus tard du bien-fondé des arguments qu'ils utilisent pour dénoncer l'impact du projet de loi sur les services de radiodiffusion. J'aimerais d'abord vous parler de la raison d'être du projet de loi lui-même.
Les contrats commerciaux, que ce soit pour l'achat de matériaux de construction, de services ou même de friandises, reposent depuis des siècles sur le consentement d'un acheteur et d'un vendeur sérieux à une transaction. Au fil des ans, les tribunaux et les textes législatifs se sont prononcés en faveur de l'acheteur ou du vendeur chaque fois que la conduite de l'une ou l'autre partie portait atteinte aux conditions d'un contrat commercial. Par exemple, en vertu de la plupart des lois sur la vente d'objets ou la protection du consommateur, les parties à une transaction ne peuvent représenter faussement la nature et la qualité des biens vendus. De par la loi, un vendeur ne peut offrir des biens non sollicités et espérer être payé pour ceux-ci. Un vendeur ne peut non plus recourir à la publicité d'appât pour augmenter ses ventes.
Dans chacun de ces exemples, la pratique qui est interdite ou qui donne lieu à des dommages-intérêts porte atteinte au consentement éclairé de l'une des parties à la transaction, principe sur lequel reposent le droit commercial et les contrats eux-mêmes.
L'abonnement par défaut est une méthode de commercialisation très efficace car elle contourne la règle fondamentale du droit commercial, soit le fait d'avoir un acheteur averti. Dans ce cas-ci, l'acheteur paie pour les services qu'il reçoit, en toute connaissance de cause ou non, ou qu'il souhaite recevoir, sauf s'il s'y oppose.
La légalité de cette pratique et, notamment, sa vulnérabilité à toute contestation par le biais d'un recours collectif au nom de consommateurs non méfiants, ont souvent fait l'objet de discussions.
Que le projet de loi soit adopté ou non, il n'est pas certain que les câblodistributeurs qui ont recours à cette méthode de facturation parviendraient à se défendre avec succès contre une action en dédommagement en arguant qu'ils jugeaient cette pratique acceptable en se fondant sur leur expérience du passé.
Il est clair que cette pratique va à l'encontre des principes associés au droit contractuel et au droit commercial qui sont appliqués depuis de nombreux siècles.
Cette méthode de commercialisation s'avère très efficace, si l'on se fie aux résultats d'un sondage mené en 1993 par le groupe Friends of Canadian Broadcasting. Ce sondage indique que, bien que 92 p. 100 des Canadiens soient abonnés au service de base élargi, 66 p. 100 croient qu'il s'agit là du service de base. Ces chiffres attestent de l'efficacité de la technique de l'abonnement par défaut appliquée au service de base élargi par les câblodistributeurs, en 1990.
Avant de parler de la menace que pourrait présenter ce projet de loi pour l'ensemble des services de radiodiffusion, ou certains d'entre eux, nous tenons à souligner que, ce dont il est question ici, mis à part les bénéfices accessoires que procure cette méthode, c'est l'abandon pur et simple d'une pratique malhonnête, mais lucrative. Ce ne sont pas les partisans du projet de loi qui devraient chercher à apaiser les craintes entourant l'impact que pourrait avoir cette mesure législative, mais plutôt les entreprises qui ont recours à cette pratique qui devraient en justifier l'utilisation.
Nous aimerions également savoir quels sont les bénéfices accessoires qui, à ce que l'on prétend, seraient perdus si ce projet de loi était adopté.
M. Reddick va maintenant vous parler du service de base et des autres services de programmation qui sont réglementés par le CRTC.
M. Andrew Reddick, directeur de la recherche, Centre pour la promotion de l'intérêt public: J'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-216 et du service de base. Le projet de loi s'attaque de façon précise aux services de programmation de télévision payante et aux services spécialisés non obligatoires. Il ne s'applique pas aux services distribués en bloc; il aura toutefois un impact sur les services qui seront offerts à l'avenir.
Le service de base est offert à tous les abonnés qui sont desservis par un câblodistributeur. Il comprend un certain nombre de services obligatoires ou prioritaires, comme les émissions diffusées par les réseaux anglais et français de télévision de la Société Radio-Canada, les émissions diffusées par les stations locales et régionales, les services éducatifs provinciaux et une chaîne communautaire. Il comprend également des services facultatifs, lesquels englobent des services spécialisés canadiens et des réseaux américains.
Les services spécialisés lancés avant 1994 jouissent d'un double statut sur le plan de la distribution. Autrement dit, ils sont distribués soit à titre obligatoire, soit à titre facultatif.
La plupart des services spécialisés lancés après 1994 jouissent d'un double statut modifié. Autrement dit, ils sont distribués sur une base facultative, sauf si le distributeur et l'entreprise de programmation acceptent de les distribuer sur un volet de services de base. On s'attend à ce que de nouveaux services soient offerts dans les années à titre facultatif, et non pas au service de base, sauf si une entente est conclue entre l'entreprise de programmation et le câblodistributeur ou si le CRTC décide que ces services doivent faire partie du service de base.
Le consommateur ne participe aucunement à ces décisions. À l'heure actuelle, ce sont les câblodistributeurs et les entreprises de programmation qui décident quels services seront fournis aux consommateurs, et à quel prix. Le projet de loi C-216 permet aux consommateurs canadiens de participer, à juste titre, à ce processus décisionnel.
Le marché de la radiodiffusion est un marché dynamique qui évolue constamment, tout comme les besoins des consommateurs. Les changements technologiques favoriseront la mise au point de nouvelles techniques, comme la technique audionumérique, qui permettront aux consommateurs de choisir les services qui les intéressent. Dans ce contexte, nous croyons que le projet de loi C-216 est suffisamment souple pour tenir compte de ces changements. Par exemple, il permettra au consommateur de substituer, dans le service de base, un service spécialisé à un service obligatoire. Ces substitutions se feront en fonction des besoins des consommateurs ou du marché lui-même.
Qu'en est-il du service de programmation, même nouveau, qui est jugé essentiel pour certains Canadiens ou pour l'ensemble des Canadiens? Il peut s'agir d'un service qui intéresse les consommateurs de langue anglaise ou de langue française de différentes régions du Canada et qui est jugé essentiel du point de vue de son contenu, de la langue ou autre. Ce ne sont pas tous les services de programmation qui sont susceptibles d'être jugés essentiels, mais un certain nombre d'entre eux le seront. Si un service est jugé essentiel ou obligatoire pour tous les Canadiens ou certains d'entre eux, il peut être déclaré comme tel par le CRTC ou à la suite de l'intervention de divers particuliers, groupes ou entreprises auprès du CRTC.
Voici trois exemples. Dans l'avis public CRTC 1996-69, le CRTC a déclaré, à la page 15, qu'il avait l'intention d'obliger tous les câblodistributeurs de la classe 1 et de la classe 2 à distribuer la chaîne parlementaire ou une émission d'affaires publiques similaire parce qu'elle sert l'intérêt public. Après la tenue d'audiences publiques, le CRTC a décidé de ne pas inclure ce service dans le service obligatoire, en se fondant sur les mémoires reçus. Dans l'avis public CRTC 1996-104, Expressvu Canada a demandé au CRTC de modifier la licence de la compagnie pour qu'elle puisse changer les services qui sont offerts comme service de base. Tous les intéressés au Canada ont pu commenter la proposition et faire d'autres recommandations. Dans l'avis public CRTC 97-69, qui visait à répondre à cette demande, le service de base a été élargi de manière à inclure jusqu'à cinq chaînes américaines. Le Conseil a également rejeté la demande d'Expressvu de supprimer CTV du service de base de langue française.
En ce qui concerne les services spécialisés de langue française, par exemple, le CRTC a déterminé que RDI serait distribué par tous les câblodistributeurs sur le service de base, sauf si le titulaire du service spécialisé accepte qu'il soit distribué à titre facultatif. De plus, à partir de septembre 1997, les entreprises canadiennes de distribution par SRD, c'est-à-dire les câblodistributeurs qui comptent plus de 6 000 abonnés, et les grandes entreprises de distribution sans fil dans le marché francophone offriront de nouveaux services spécialisés de langue française soit comme service de base, soit comme service facultatif. Il s'agit du Canal Vie, Musique Max, Teletune et Le Canal Nouvelle. S'il existe des services précis qui sont jugés essentiels pour des raisons culturelles, linguistiques, sociales ou d'ordre public, le CRTC pourra exiger qu'ils soient distribués comme services de base, et non pas comme services spécialisés ou facultatifs. Le projet de loi C-216 permet de tels changements, sans pénaliser les consommateurs.
Il convient de souligner que l'arrivée de la distribution par SRD permettra aux consommateurs d'exercer un plus grand contrôle sur les émissions qu'ils souhaitent acheter. Un dispositif adressable sera installé chez l'abonné, de sorte qu'il pourra choisir le service qui répond le mieux à ses besoins. Par exemple, la décision CRTC 97-16 rendue cette année autorise Canal Vie a être distribué par toutes les entreprises de distribution par SRD au Canada. Les décisions 97-17 et 18 abondent dans le même sens en ce qui concerne le Canal Famille et Super Écran.
Nous croyons que le projet de loi C-216 est bon pour les consommateurs. Il leur permet de participer aux décisions concernant les services qu'ils reçoivent et pour lesquels ils sont facturés. Il assure également le maintien des services de base et essentiels, et protège les consommateurs contre l'imposition de services facultatifs non sollicités.
M. Janigan: Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions du comité.
La présidente: À votre avis, est-ce que le projet de loi C-216 risque de modifier les rapports qui existent entre les consommateurs et les câblodistributeurs? Est-ce qu'il protège les intérêts économiques et culturels des consommateurs canadiens?
M. Janigan: Le projet de loi prévoit des mesures qui permettent au CRTC d'exiger que les services qui visent à protéger le caractère linguistique et culturel du pays soient inclus dans le service de base.
Pour ce qui est de l'impact qu'aura le projet de loi sur les câblodistributeurs et les consommateurs, il est difficile de se prononcer là-dessus. Des sondages effectués par divers groupes, y compris les câblodistributeurs, indiquent que les gestes posés en 1995 ont grandement changé la perception qu'a le public des câblodistributeurs. D'après certains sondages, quatre fois plus de consommateurs préféreraient que ces services soient distribués par les compagnies de téléphone plutôt que par les câblodistributeurs.
Je ne sais pas si ce projet de loi permettra de corriger la perception qu'a le public des câblodistributeurs, mais je sais que les entreprises qui ont toujours été très franches avec le consommateur jouiront d'une meilleure réputation auprès du public. Le projet de loi va empêcher les câblodistributeurs de recourir à des pratiques qui, dans le passé, ont été contestées.
Le sénateur Adams: Ma question porte sur la programmation et le choix des consommateurs. Est-ce que je peux choisir le nombre de chaînes que je veux? Est-ce que je peux, en tant que consommateur, choisir de payer moins et de recevoir moins d'émissions?
M. Reddick: En ce qui concerne les services, nous traversons une période de transition plutôt étrange. Pour l'instant, rien n'est changé. Il y a un bloc d'émissions qui est offert. Vous devez payer pour le service de base, auquel viennent s'ajouter certains volets.
Au cours des deux à cinq prochaines années, nous allons avoir accès au système numérique. Les consommateurs continueront probablement d'avoir accès à un service de base essentiel, pour lequel ils devront payer un certain tarif. Nous espérons qu'ils pourront, grâce à la concurrence, avoir accès à un plus grand choix en ce qui concerne les ensembles de services ou les chaînes qu'ils veulent recevoir, et qu'ils pourront acheter une chaîne particulière ou s'abonner à différents services. Nous sommes les premiers à dire qu'il devrait y avoir un service de base moyennant un tarif précis. Cela fait partie de notre culture canadienne. Nous ne pouvons pas nous écarter de ce principe. Il s'agit là d'un facteur important. Toutefois, les gens estiment que, en dehors de ce service de base, ils devraient pouvoir choisir les services qui les intéressent et ceux qu'ils désirent abandonner, de même que le distributeur qui les desservira.
Le sénateur Adams: De nombreuses personnes continuent d'acheter de petites antennes paraboliques de 18 pouces et de recevoir des émissions des États-Unis. Est-ce que le projet de loi C-216 aura un impact sur ce service, ou ces personnes pourront-elles continuer de recevoir les émissions qu'elles désirent?
M. Reddick: S'ils utilisent les signaux américains, ils n'obtiendront pas beaucoup d'émissions canadiennes. Ils pourraient obtenir quelques canaux canadiens déjà télédistribués par les entreprises ou les satellites américains. Les satellites canadiens de radiodiffusion directe au foyer sont obligés de transmettre une prépondérance de contenu canadien en plus d'un petit service de base. Je suppose qu'ils auront beaucoup plus de choix grâce au SRD mais je n'en suis pas sûr car ils n'ont pas encore commencé à offrir ce service. Il est probable qu'avec le temps, ils auront plus de choix que les gens qui utilisent un câble de distribution par fil métallique parce qu'il s'agit d'un système numérique. S'ils utilisent des dispositifs adressables, je suppose qu'ils auront un plus grand choix de canaux ou de services mais nous attendons de le voir pour le croire.
Lorsque nous avons entendu parler la première fois de la concurrence entre la câblodistribution et le SRD, tout le monde est parti du principe que les prix diminueraient. D'après les premières indications, les frais mensuels pour le SRD seront probablement équivalents à ceux des services de base du câble. Je ne suis donc pas vraiment sûr à quel niveau s'exercera leur concurrence.
Le sénateur Adams: Vous avez mentionné la concurrence. Est-ce que n'importe qui peut demander une licence de radiodiffusion une fois le projet de loi C-216 adopté?
M. Reddick: Je ne crois pas que le projet de loi C-216 aura des incidences à cet égard. Il porte sur d'autres aspects. Par exemple, l'été ou l'automne dernier, le CRTC a tenu la dernière audience importante pour étudier les demandes d'entreprises canadiennes désireuses d'offrir de services sur toute une série de nouveaux canaux. Je crois qu'il en a approuvé 23. Récemment, il a diffusé un avis public à l'intention des promoteurs canadiens d'émissions étrangères de sorte que les câblodistributeurs et d'autres entreprises font maintenant la promotion de canaux américains qu'ils ajouteront à l'avenir aux services canadiens.
Je ne crois pas que le projet de loi C-216 influera sur les décisions du CRTC d'accepter des demandes de nouveaux canaux spécialisés ou de licences de radiodiffusion. C'est un aspect bien distinct. Un problème plus important, c'est que tant que le système ne sera pas entièrement numérique, il ne possédera pas la capacité de recevoir les 23 nouveaux canaux canadiens et encore moins 20 ou 30 canaux américains supplémentaires. Là où il y aura un impact, c'est si on accorde des licences à de nouveaux services. Si on ne juge pas obligatoire ou nécessaire de les inclure dans le service de base, ils devront alors être facultatifs et il faudra obtenir le consentement du consommateur. Il s'agit toutefois d'un service facultatif.
Je crois qu'à l'heure actuelle le service de base offre beaucoup de choses intéressantes. Cependant, je suis loin de croire que certaines programmations proposées pour un grand nombre de nouveaux canaux, comme le réseau des jeux de hasard et le réseau des jeux, doivent faire partie du service de base. Pourquoi devrais-je payer pour subventionner quelqu'un qui veut participer à des jeux en direct? Il devrait s'agir d'un service facultatif. Cela dépend de ce que l'on considère un service important de base.
Le sénateur Adams: Si nous commençons en Ontario et voulons diffuser au Manitoba, en Alberta, en Saskatchewan ou en Colombie-Britannique, quelles en seront les conséquences? Pouvez-vous diffuser d'un bout à l'autre du Canada si vous le voulez?
M. Reddick: Les satellites de radiodiffusion directe au foyer le permettent. Un radiodiffuseur local ou régional doit demander une licence pour étendre la portée de ses services à l'ensemble de la province. Cependant, le titulaire d'une licence nationale, comme dans le cas d'un satellite de radiodiffusion directe au foyer, aurait un signal national. Cela dépend des modalités de la licence.
Le sénateur Adams: Le nombre d'abonnés a-t-il de l'importance? Peut-on avoir jusqu'à 200 000 ou 300 000 abonnés?
M. Reddick: Cela dépend de la conception de votre plan d'entreprise et du marché que vous visez.
L'année dernière, certains des canaux spécialisés ont demandé des licences régionales parce qu'ils voulaient uniquement diffuser dans l'Ouest, dans l'Est ou dans le Centre du Canada. D'autres ont demandé une licence de programmation nationale. Cela dépend du marché visé par chaque entreprise, mais ce sont elles qui prennent la décision.
La présidente: Sur le plan juridique, on considère que la protection du consommateur est une responsabilité qui relève des provinces. En fait, le Québec, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse ont adopté des lois dans ce domaine. Le projet de loi fédéral pourrait-il faire l'objet d'une contestation judiciaire en raison de son caractère ultra vires?
M. Janigan: Comme vous le savez sans doute, en matière constitutionnelle au Canada, la majorité des contestations judiciaires portent sur la compétence exclusive des provinces ou du gouvernement fédéral de s'occuper d'une question en particulier. Nous avons examiné cela la première fois lorsque nous avons demandé que le gouvernement interdise la commercialisation selon la formule de l'abonnement par défaut. Nous sommes convaincus que les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de radiodiffusion lui donnent la compétence pour interdire certaines pratiques commerciales d'un titulaire d'une licence de câblodistribution.
La question accessoire consiste à déterminer si les pouvoirs des gouvernements provinciaux en matière de protection du consommateur et les dispositions de la Constitution relatives aux droits de propriété et aux droits civils leur donnent la compétence voulue pour interdire de telles pratiques dans le cas d'une entreprise de câblodistribution. Cela est relativement peu clair. Au mieux, les gouvernements provinciaux peuvent posséder des compétences simultanées pour s'occuper de cet aspect et la loi fédérale aurait probablement primauté en cas de conflit.
Il est sans doute préférable de partir du principe qu'il s'agit d'un aspect qui relève de la compétence fédérale parce qu'il concerne la réglementation d'entreprises de câblodistribution, qui est du ressort du gouvernement fédéral en matière de radiodiffusion.
Il est intéressant de constater qu'en 1995, lorsque nous avons demandé la première fois au ministre de Patrimoine Canada d'examiner cette question, il avait d'abord indiqué qu'il estimait qu'il s'agissait d'une question de compétence provinciale. Après réflexion, le ministère est maintenant arrivé à la conclusion qu'il s'agit d'une question de compétence fédérale.
Lorsque la Chambre des communes a été saisie de cette question, un porte-parole du Bloc québécois a indiqué que le Bloc s'y opposait parce que cela empiétait sur le droit du Québec de réglementer cette question en tant que question intéressant la protection du consommateur et que cette pratique avait été interdite par le Québec en vertu de l'article 230 de la Loi sur la protection du consommateur. Lorsque l'affaire a été mise aux voix, cette position a été renversée. Cette pratique n'a pas été interdite au Québec et la question était d'interdire la pratique.
Il s'agit d'une affaire assez complexe en raison du nombre d'opinions différentes exprimées mais nous sommes du même avis que le professeur Jackman, à savoir qu'il s'agit d'une question qui relève de la compétence fédérale et d'une pratique qui peut être interdite par cette loi.
La présidente: Le CRTC a beaucoup hésité à énoncer les conditions régissant la commercialisation de nouveaux services spécialisés. Il semble posséder les pouvoirs de réglementation pour le faire. Ne vaudrait-il pas mieux adopter un règlement plutôt qu'une loi pour régler cette question?
M. Janigan: Vous avez tout à fait raison. On a demandé à plusieurs reprises au CRTC d'utiliser ses pouvoirs pour interdire cette pratique. Il est possible qu'il exerce ses pouvoirs en imposant des conditions dans le cadre d'une licence accordée à une entreprise de câblodistribution. Il peut avoir le pouvoir de diffuser des règlements.
Le problème, c'est que la compétence du CRTC en vertu de la Loi sur la radiodiffusion est assez différente de la compétence qu'il exerce en vertu de la Loi sur les télécommunications. Il est très difficile de trouver dans la Loi sur la radiodiffusion une disposition axée sur le consommateur. Cette loi est principalement axée sur l'industrie et vise à appuyer l'industrie et la culture canadienne. Les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion se prêtent très difficilement à l'établissement d'un règlement sur la protection du consommateur. L'établissement d'un tel règlement risque de ne pas cadrer avec les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Il serait préférable que la protection du consommateur fasse partie des conditions d'octroi d'une licence. C'est ce que nous avons préconisé auprès du CRTC sans grand succès.
Si les instances parlementaires dont il relève et qui sont saisies de ce projet de loi décident de ne pas l'adopter, je crois qu'il hésiterait beaucoup à relever le défi et à prendre l'initiative d'émettre un règlement.
Le sénateur Poulin: J'ai une question concernant les canaux spécialisés canadiens.
Vous vous souviendrez qu'en 1987, lorsque Newsworld a obtenu sa licence, ce réseau faisait partie du service de base offert dans la plupart des provinces. Lorsque le réseau RDI a obtenu une licence un an plus tard, il faisait lui aussi partie du service de base offert principalement au Québec et dans certaines régions de l'Ontario. En 1997, la popularité de ces réseaux d'information a dépassé toutes les attentes prévues sur le plan des recettes. Par conséquent, croyez-vous que les dispositions du projet de loi C-216 donneront encore aux Canadiens l'occasion de choisir judicieusement les canaux spécialisés canadiens?
M. Reddick: Je ne vois pas de problème, et ce, pour deux raisons. D'une part, j'estime que la plupart des canaux importants sont déjà en place et font partie du service de base ou du service de base élargi. Je parle de Newsworld, de RDI et des autres services. Les derniers mois pendant lesquels je me suis occupé de ce dossier, nous avons examiné les nouvelles demandes de canaux spécialisés. En examinant les canaux proposés, comme entre autres le pony network, je ne cessais de me demander ce qui nous manquait. Nous avons le réseau à vocation historique et divers autres réseaux qui répondent aux besoins historiques, politiques et sociaux des Canadiens. Je n'arrive pas à songer à un nouveau canal qui pourrait être offert qui ne fait pas partie du volet supérieur. Si à l'avenir on propose un nouveau service qui devrait faire partie du service de base, on pourrait alors procéder à une substitution.
Je ne crois pas que ce projet de loi modifie les services de base actuels. Le projet de loi aura une incidence sur les services futurs. C'est un point important.
En ce qui concerne l'arrivée de nouveaux canaux, l'aspect qui me préoccupe le plus c'est, par exemple, qu'Ottawa avait accès au canal de télé éducative de l'Université Carleton dans le volet inférieur. Il s'agit d'une station analogique. Or, à partir de cette année, ce canal ne fera plus partie du volet inférieur mais du volet de services offerts à des canaux supérieurs numériques. C'est un problème plus grave car nous risquons de perdre un canal parce que le câblodistributeur veut modifier sa stratégie commerciale. C'est un aspect qui risque d'influer davantage sur le choix offert aux consommateurs que le projet de loi C-216. Il s'agit d'une toute autre série de problèmes. Je considère que le projet de loi influera sur les services à venir et non sur les services actuels.
Le sénateur Poulin: Au fil des ans, les Canadiens n'ont pas eu suffisamment l'occasion de tirer vraiment fierté de leurs propres produits. Nous y arrivons mais nous avons encore du chemin à faire. En raison de la grande qualité des émissions américaines, nous devons encourager doublement nos canaux canadiens qui sont également d'une très grande qualité mais qui ne sont pas encore perçus comme tels.
En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité de nous assurer que le milieu offre à tous les Canadiens d'un océan à l'autre la possibilité d'avoir accès à des produits canadiens de bonne qualité. Je suis sûre qu'en tant que protecteurs des consommateurs, vous partagez ce point de vue.
M. Reddick: Avant de m'occuper de la protection des consommateurs, j'ai été producteur de films et d'émissions télévisées. Je conviens avec vous que nous produisons des émissions de bonne qualité et que nous avons besoin de ce soutien.
La présidente: Merci beaucoup.
M. Reddick: Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.
[Français]
La présidente: Nous avons maintenant la Fondation des normes de télévision par câble, M. Gérald Lavallée, président et chef de direction.
[Traduction]
M. Gérald Lavallée, président et chef de direction, Fondation des normes de télévision par câble: Madame la présidente, j'aimerais tout d'abord préciser que je ne comparais pas devant vous à titre de spécialiste de ce projet de loi, ni pour défendre ou critiquer certaines pratiques commerciales. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous expliquer où en sont les normes de service à la clientèle établies par l'industrie de la câblodistribution et de vous présenter un rapport factuel sur le lancement des services spécialisés en janvier 1995.
[Français]
Mme la présidente, j'aimerais vous indiquer ce que nous sommes et ce que nous faisons. La Fondation a été établie par l'industrie du câble en 1988, en tant qu'organisation autorégulatrice, afin de gérer les normes de l'industrie.
De toutes les entreprise de câbles canadiennes, 96 p. 100 sont membres volontaires de la Fondation. Ensemble, elles opèrent 1 338 systèmes d'un océan à l'autre. Les détenteurs de licence de services spécialisés, de télévision payante et de télé à la carte appartiennent aussi à la fondation à titre de membres associés.
[Traduction]
La fondation a également nommé en 1988 un conseil indépendant chargé de recevoir et d'examiner les plaintes des clients sur tous les aspects des services fournis par nos membres et de répondre à leurs plaintes. Le conseil se compose de trois personnes ... un président indépendant, un représentant des consommateurs et un représentant de l'industrie de la câblodistribution. Notre rôle est analogue à celui d'un ombudsman. Je fais office de secrétaire général du conseil.
Notre service de plaintes est offert à 7,2 millions d'abonnés au câble partout au Canada. Nous recevons les plaintes par téléphone grâce à une ligne 1-800, par écrit et par l'intermédiaire du CRTC qui nous achemine certaines plaintes.
En 1990, l'industrie de la télévision par câble, ainsi que le CRTC, ont mis sur pied un processus de consultation publique pour élaborer des normes à l'intention des consommateurs et pour instaurer un mécanisme leur permettant d'exprimer leurs préoccupations à propos du service offert. Le conseil est chargé d'administrer ces normes, qui comprennent des normes de service à la clientèle, des normes de canaux communautaires ainsi que des normes de commercialisation et de publicité.
Comme je l'ai mentionné au début de ma présentation, je suis ici aujourd'hui pour vous donner un aperçu des plaintes que nous avons traitées relativement au lancement des services spécialisés en janvier 1995. Vous en trouverez les détails dans notre rapport annuel de 1994-1995 et dans l'examen triennal que j'ai déposé auprès du comité.
Au cours des premiers mois de 1995, nous avons reçu plus de 2 300 plaintes portant uniquement sur le lancement des services. Voici les principales préoccupations exprimées par les abonnés à la télévision par câble. Environ 33 p. 100 des clients n'étaient pas satisfaits du nouvel agencement des services. Environ 25 p. 100 des clients ont indiqué vouloir plus de choix dans la sélection des émissions qu'ils veulent regarder et payer. Les préoccupations concernant la facturation selon la formule de l'abonnement par défaut arrivent en troisième place, avec 17 p. 100 des clients qui s'opposent à cette pratique. Par ailleurs, 13 p. 100 des plaintes reçues portaient sur le coût des nouveaux services. Enfin, 12 p. 100 des plaintes portaient sur le réalignement des canaux et le retrait de certains services pour faire de la place aux nouveaux.
[Français]
À l'exception du Québec, dans toutes les régions canadiennes, l'analyse des plaintes a pratiquement été la même. Toutefois au Québec, le lancement des services a pris une forme différente que dans le reste du Canada. Par exemple, Vidéotron a fourni les services spécialisés en tant que partie intégrante du service de base alors que les clients de COGECO et de C.F. Câble ont eu pour la première fois le choix de refuser les services.
[Traduction]
Sur le marché québécois, la principale préoccupation était le coût des services et représentait 27 p. 100 des plaintes reçues. Environ 22 p. 100 des clients se sont dit intéressés par une sélection à la carte des services tandis que 20 p. 100 s'opposaient à la façon dont les services avaient été agencés.
Le taux d'objection à la formule de l'abonnement par défaut était le même au Québec que dans le reste du Canada, à savoir qu'elle a fait l'objet de 17 p. 100 des plaintes reçues.
Enfin, 14 p. 100 des plaintes portaient sur le réalignement des canaux, l'élimination de services et comportaient des commentaires généraux sur les nouveaux services.
[Français]
Et cela représente ce que les clients nous ont dit concernant le lancement des services spécialisés en 1995. Les statistiques que je vous ai tout juste citées sont publiées et, comme je l'ai dit plus tôt sont inscrites dans notre rapport annuel 1994-1995 qui a été déposé auprès de l'industrie de la télévision par câble et ainsi qu'au CRTC. Je vous remercie de votre écoute et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente: Je vous remercie, Monsieur Lavallée.
[Traduction]
Le sénateur Atkins: Je suis légèrement étonné de constater qu'en ce qui concerne les plaintes, le coût arrive en troisième place. J'aurais cru que cela aurait été la première préoccupation.
M. Lavallée: C'est le nombre de plaintes que nous avons enregistrées. C'est l'agencement des services qui a fait l'objet du plus grand nombre de plaintes. Les clients ont ensuite réclamé la possibilité de décider de leur propre menu de services. Le coût, généralement un ajout de 3 $ à la facture pour tous les services sur le marché anglophone, n'a pas semblé déranger les clients autant qu'on aurait pu le croire.
Le sénateur Atkins: Lorsque vous parlez d'«agencement», s'agit-il des services de base?
M. Lavallée: Non, je parle du niveau de services facultatifs qu'ils pouvaient refuser en l'indiquant selon la formule de l'abonnement par défaut. Les clients voulaient savoir pourquoi on ne leur proposait pas un autre choix de services.
Les gens ont des goûts différents et préféreraient pouvoir choisir des services différents. C'est la principale préoccupation qui nous a été communiquée.
Le sénateur Adams: Vous desservez principalement la région du Nord du Québec, n'est-ce pas?
M. Lavallée: Nous recevons des plaintes de partout au Canada grâce à un numéro 1-800, y compris de nos clients au Québec.
Le sénateur Adams: J'ignore quels sont les services offerts aux Québécois qui parlent surtout français. Comment décrivez-vous vos services à vos clients? Par exemple, certaines pourraient dire: «J'aimerais recevoir beaucoup de canaux mais je ne parle pas anglais.» Ont-ils le choix de différents types d'émissions?
M. Lavallée: Au Québec, Vidéotron a offert de nouveaux services dans le cadre du service de base. Les services facultatifs offerts par Vidéotron sont surtout des services de télévision payante. COGECO Câble, qui dessert Trois-Rivières et les plus petites localités du Québec, ainsi que CF Câble, qui dessert une bonne partie du marché montréalais, offrent un service de base. Ils offrent également un volet facultatif qui comprend des services spécialisés que les clients peuvent refuser. C'est la façon dont les services sont offerts sur le marché québécois.
Je ne sais pas si j'ai bien compris votre question. J'espère que j'y ai répondu.
Le sénateur Adams: Ce qui m'inquiète, c'est qu'il peut être nécessaire de traduire certains films en français. Pourquoi cela se traduit-il par des coûts plus élevés pour les consommateurs anglophones? Ce qui me préoccupe, c'est la concurrence avec le reste du Canada. Comment les câblodistributeurs exercent-ils une concurrence sur le marché de la radiodiffusion?
M. Lavallée: Les témoins qui comparaîtront après moi seront probablement mieux en mesure de répondre à cette question. D'après ce que je crois comprendre, les services de SRD ont reçu une licence du CRTC. Ils offriront certains services en français également. Les clients du Québec pourront choisir de qui ils veulent recevoir leur service, c'est-à-dire d'un fournisseur de SRD ou d'un câblodistributeur.(null)
[Français]
Le sénateur Poulin: Monsieur Lavallée, je vous remercie de l'excellente présentation. Est-ce que vous pouvez nous dire finalement si votre financement vient des membres?
M. Lavallée: Le financement vient du financement des câblodistributeurs membres. C'est volontaire et bénévole. Ils le sont à 96 p. 100 de tous les câblodistributeurs à travers le pays. Il y a une cotisation à toutes les années qui est déclarée par notre conseil d'administration qui détermine les coûts des opérations. Ensuite, on facture nos membres pour le montant d'argent dont on a besoin. Notre financement vient entièrement des câblodistributeurs.
Le sénateur Poulin: Étant donné que votre organisation est quand même assez jeune et que vous êtes dans une période de sensibilisation de votre existence auprès des Canadiens et Canadiennes, est-ce que vous pensez que les plaintes que vous recevez sont représentatives des grandes questions de l'heure que les Canadiens et les Canadiennes ont avec la câblodiffusion?
M. Lavallée: Je crois que oui, mais vous avez tout à fait raison lorsque vous dites qu'on est en train de se faire connaître. On a commencé réellement en 1988, mais on a ouvert les postes pour offrir le service de plaintes seulement en 1992, lorsque j'ai été nommé président de la Fondation. Cela a été un cheminement à se faire mieux connaître. Notre niveau de plaintes augmente à toutes les années; on sait qu'on se fait connaître de plus en plus. Lorsque les gens appellent, pour se plaindre d'une chose ou d'une autre, le CRTC fait un bon travail à dire aux clients que nous existons et nous avons fait des démarches afin de rencontrer les groupes de consommateurs à travers le pays. Si on se fait connaître du groupe de consommateurs, quand un client de la câblodistribution les appelle pour un problème, ils vont le référer chez nous. Pour faciliter cette connaissance, on opère une ligne 1-800 et on enregistre les plaintes au téléphone. On n'a pas besoin de nous écrire la plainte et on l'enregistre au téléphone, et, par la suite, on envoie une transcription au client. On rend donc la tâche facile.
En 1994-1995, nous avons sûrement reçu 4 000 plaintes et nous avons 7,6 millions d'abonnés. On a du chemin à faire pour se faire connaître. On est en train de le faire.
Le sénateur Poulin: Quel est votre lien, monsieur Lavallée, avec le CRTC, parce qu'il y a des plaintes qui doivent être revues et étudiées par le CRTC? Quel est votre lien tant légal qu'opérationnel?
M. Lavallée: On a un lien direct avec le CRTC. Le but principal des rapports annuels est que l'on doit faire un rapport au CRTC à toutes les années en lui disant les plaintes reçues pour chaque des régions, la nature de toute ces plaintes et comment nous avons disposé des plaintes. Le CRTC nous envoie aussi les plaintes qu'il reçoit. Si je retourne un peu en arrière, l'industrie du câble a établi des normes pour le Service aux abonnés en collaboration avec le CRTC. Le CRTC a dû entériner ces normes. Ce n'est pas que l'industrie a fait des normes elle-même. Cela a été fait avec l'appui du CRTC et entériné par le CRTC C'est nous qui administrons ces normes. Le CRTC va nous envoyer ces plaintes lorsqu'il y a une norme administrée qu'ils ont entérinée, mais l'obligation est de se rapporter au CRTC une fois par année avec un rapport comme vous le voyez.
Le sénateur Poulin: Votre association s'est-elle déjà retrouvée dans une position délicate? Je vous donne un exemple: une plainte contre un membre qui est quand même un des contributeurs financiers et une plainte qu'il vous faut rapporter au CRTC, parce que vous savez que cette plainte identifie le fait que tel câblodiffuseur ne respecte pas les conditions de sa licence?
M. Lavallée: Cela existe et c'est la raison pour laquelle il y a un Conseil des normes indépendant et neutre. Le Conseil des normes est composé d'un président qui n'a aucune affiliation, qui est neutre, indépendant et qui a une expérience judiciaire. L'autre représentant, Mme Cram, est représentante des consommateurs. Il y a également un représentant des câblodistributeurs. Ces trois personnes forment le Tribunal qui reçoit la plainte et l'analyse en fonction des normes; s'il y a eu bris de norme, la décision est rendue et elle est finale.
Le câblodistributeur ne peut pas faire appel d'une décision du Conseil au CRTC. Le client, s'il n'est pas content d'une décision du Conseil, peut faire appel au CRTC, tandis que le câblodistributeur ne peut pas et la décision est finale.
Le sénateur Poulin: Cela m'éclaire beaucoup.
Le sénateur Bacon: La grand majorité des entreprises canadiennes de câblodistribution ont indiqué n'avoir nullement l'intention de recourir à l'abonnement par défaut, dans l'avenir. Cela ne vous convainc-t-il pas que le recours à cette technique de commercialisation est chose du passé? Et si c'est chose du passé, pourquoi doit-on modifier la Loi sur la radiodiffusion pour interdire une pratique qui n'existe plus?
M. Lavallée: Comme je l'ai dit au début de mon intervention, je ne suis pas un expert dans la loi. C'est à un tribunal de juger des cas. Nous ne pouvons pas nous prononcer en faveur, ni critiquer ce qui pourrait être une pratique de marketing. Nous ne sommes pas en position de vous offrir d'aide de ce côté.
Le sénateur Bacon: Vis-à-vis des câblodistributeurs, quelle est la réaction? Ce sont quand même vos clients.
M Lavallée: Oui. Il n'y a pas nécessairement eu de réaction des câblodistributeurs d'une façon ou de l'autre. C'est sûr qu'ils vont respecter la loi si elle est adoptée. Quant à nous, nous continuons toujours à administrer d'une façon très neutre les normes qu'ils nous envoient. Cette pratique de marketing est permise et il y a des normes; s'il y a une plainte nous allons la juger selon les normes. Si une loi était votée, à ce moment-là la loi viendrait remplacer la norme et on jugerait la plainte en conséquence. Je ne peux pas vous donner une réaction des câblodistributeurs: je ne la connais pas.
Le sénateur Bacon: Je reviens sur votre 33 p. 100 de clients insatisfaits du réassemblage des services. Pensez-vous avoir les mêmes plaintes quant un nouveau...
M. Lavallée: Quand les nouveaux services vont être lancés...
Le sénateur Bacon: Quand les nouveaux services seront introduits. Est-ce que les compagnies de câblodistribution sont en train de planifier pour que cela cause le moins de problèmes possibles?
M Lavallée: À chaque fois qu'il y a un lancement, nous avons toujours des plaintes, mais nous ne faisons pas toujours les mêmes erreurs. C'est sûr que lorsque l'on fournit des services dans un assemblage, l'on va plaire à des gens et d'autres gens ne seront pas contents; à ce niveau, je crois que nous allons recevoir le même genre de plaintes lorsque les services spécialisés seront lancés en 1997. Des gens qui viendront dire que nous aurions pu peut-être mettre tel service avec tel service plutôt que l'autre.
Quant à l'option négative, l'industrie du câble a bien indiqué qu'ils n'allaient pas offrir les services de cette façon cette année. À chaque fois que les câblodistributeurs mettent en marché de nouveaux services, ils sont obligés de réaménager les canaux de place et les gens n'aiment pas cela et se plaignent. La programmation que l'on aime bien et que l'on bouge à un autre canal, les gens s'en plaignent. Alors, nous allons avoir des plaintes, c'est sûr.
Ce ne sera pas le même genre de plaintes que nous avons eues en 95, mais les gens vont s'exprimer sur leur choix et sur ce qu'ils aiment voir.
Le sénateur Bacon: Il se fait quand même une planification au niveau des câblodistributeurs, pour amoindrir les chocs lorsqu'il y aura ces nouveaux canaux?
M Lavallée: Oui, toujours. Évidemment, ce n'est pas dans l'intérêt du câblodistributeur de bloquer les lignes avec des plaintes de clients. Il veut que les clients acceptent les nouveaux services et que cela se fasse dans l'ordre. Beaucoup d'efforts sont faits par les câblodistributeurs pour pouvoir mettre en marché ces services d'une façon acceptable par leurs clients.
Le sénateur Bacon: Merci beaucoup, monsieur Lavallée.
La séance est levée.