Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 12 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 16 mai 2000
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour examiner l'état actuel et l'avenir de l'agriculture au Canada et prendre en considération les questions relatives au revenu agricole.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Lyle Vanclief, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Il ne restera pas longtemps avec nous, mais les fonctionnaires de son ministère seront heureux de répondre à nos questions. Le sujet à l'étude aujourd'hui est l'état actuel et l'avenir de l'agriculture au Canada et l'examen des questions relatives au revenu agricole.
Comme en ont témoigné plusieurs groupes d'agriculteurs, en particulier au cours des délibérations d'hier, l'agriculture traverse actuellement une crise. Nous avons vraiment hâte d'entendre le ministre nous faire part de l'orientation que le gouvernement a l'intention de prendre et, espérons-le, nous annoncer les solutions à court et à long terme qui seront adoptées pour résoudre cette crise.
Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre.
L'honorable Lyle Vanclief, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire: Monsieur le président, honorables sénateurs, mesdames les sénatrices. Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui. M. Samy Watson, sous-ministre, a été retenu, mais il se joindra à nous bientôt. M. Doug Hedley, de la Direction générale des politiques, est à ma gauche, et il restera ici en compagnie des autres fonctionnaires pour répondre à vos questions.
La question du revenu agricole au Canada est l'une de mes grandes priorités depuis plusieurs mois. Comme vous l'avez appris au cours des discussions que j'ai eues avec beaucoup d'entre vous, cette question accapare une grande partie de notre temps. Je travaille en étroite collaboration avec mes collègues du Cabinet, mes homologues provinciaux et les agriculteurs pour trouver des solutions qui aideront à augmenter la stabilité des revenus des producteurs. Je sais que vous vous intéressez de près à cette question et que vous connaissez les pressions que subissent certains de nos agriculteurs.
Face à ces pressions, notre gouvernement a débloqué une somme de 2,3 milliards de dollars d'argent frais pour venir en aide aux agriculteurs canadiens. Cette aide comporte trois volets. Premièrement, le gouvernement fédéral s'est engagé à verser une somme de 1,07 milliard de dollars comme aide en cas de sinistre pour les exercices 1998 et 1999. Deuxièmement, en janvier, nous avons annoncé qu'un autre montant de un milliard de dollars serait versé au cours des exercices 2000 et 2001 comme revenu de subsistance en cas de désastre, notamment des avances sans intérêts pour aider les agriculteurs à faire leurs semences ce printemps. Au 1er mai -- et je pense pouvoir affirmer que le nombre est plus élevé aujourd'hui -- plus de 81 millions de dollars ont été avancés à quelque 9 000 producteurs de toutes les régions du pays dans le cadre du Programme d'avance de crédit printanière. Les demandes à cet égard continuent d'arriver.
Troisièmement, pour soulager les producteurs de céréales de la Saskatchewan et du Manitoba qui traversent une période très difficile, une entente a été conclue en vue d'une injection ponctuelle et supplémentaire de 240 millions de dollars par le gouvernement fédéral. Il s'agit d'une entente 60/40, ce qui explique que les gouvernements provinciaux ont versé une contribution de 160 millions de dollars. Les provinces distribuent elles-mêmes les chèques aux producteurs.
Nous avons en outre modifié le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole (ACRA) pour 1999 afin de l'adapter aux besoins des producteurs. Comme vous le savez, toute l'aide à court terme s'ajoute au financement annuel consenti par le gouvernement fédéral au titre des programmes de sécurité du revenu pour les agriculteurs. À cet égard, j'ai travaillé avec mes homologues provinciaux et l'industrie, au sein du comité consultatif national sur la protection du revenu, pour établir un cadre régissant ces programmes. Les efforts déployés à ce titre se poursuivent depuis plusieurs années. Comme vous le savez, et je suis très heureux de l'annoncer, en mars, ce dur labeur a porté fruit pour les agriculteurs lorsque nous avons conclu avec les dix provinces un accord de principe visant la sécurité du revenu. Il s'agit là d'une réalisation importante dont tous les producteurs bénéficieront. L'entente devra être ratifiée par tous les gouvernements, mais elle doit s'étendre sur trois ans.
Nous travaillons actuellement avec les provinces pour régler les derniers détails de l'entente, et il semble que nous pourrons la ratifier en juillet, au cours de la rencontre annuelle des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de l'Agriculture, ce qui donnera une plus grande sécurité aux agriculteurs de toutes les régions du pays, sécurité dont ils ont certainement besoin pour poursuivre leurs activités. L'entente de principe prévoit un financement fédéral annuel de 665 millions de dollars pour les programmes de base de sécurité du revenu, soit l'assurance- récolte, le Compte de stabilisation du revenu net et les programmes complémentaires. En outre, un montant de 435 millions de dollars est réservé à titre d'aide en cas de sinistre pour les trois prochaines années. Ce financement par le gouvernement fédéral est assujetti à l'entente fédérale-provinciale habituelle relative aux frais partagés dans une proportion de 60/40.
La contribution de chaque province au programme de base de sécurité du revenu sera établie en fonction de la taille de l'industrie agricole sur son territoire. Ce mode de répartition est aussi une nouveauté par rapport à ce qui se faisait auparavant. De plus, je demanderai au Cabinet d'approuver des crédits supplémentaires de quelque 40 millions de dollars afin qu'aucune province ne reçoive un montant inférieur à celui qu'elle reçoit actuellement au titre de la sécurité du revenu de base.
Grâce au volet du programme visant l'aide en cas de désastre, si les risques sont plus élevés que ce que peut absorber une province en matière de sécurité du revenu de base, les producteurs seront admissibles à une aide en cas de désastre. Je demanderai également au Cabinet d'approuver le financement pour une troisième année au titre de l'aide en cas de désastre. Le Budget de février 2000 prévoyait le versement d'aide pendant deux ans; toutefois, je demanderai l'approbation du financement de l'aide en cas de désastre pour la troisième année, ce qui portera l'engagement du gouvernement fédéral en matière de financement de sécurité du revenu à plus de 3,3 milliards de dollars pour les trois prochaines années.
Nous avons également convenu, au cours de la réunion fédérale-provinciale des ministres tenue en mars, qu'un nouveau programme d'aide en cas de désastre et que le Compte de stabilisation du revenu net (CSRN) seront mieux intégrés afin d'offrir une plus grande stabilité du revenu agricole. Cela signifie que le CSRN sera le principal moyen utilisé pour contrer les fluctuations normales du revenu agricole et que l'on aura recours au programme d'aide en cas de désastre lorsque le revenu diminuera considérablement.
Néanmoins, il nous reste beaucoup à faire. Il a fallu de grands efforts de la part des gouvernements fédéral et provinciaux pour en arriver à cette entente. Je suis sûr que nous continuerons de travailler en collaboration et ce, au mieux des intérêts des agriculteurs canadiens.
Le gouvernement fédéral poursuivra ces efforts à de multiples égards: en donnant au secteur les moyens de l'aider à s'adapter et à devenir plus concurrentiel dans l'économie mondiale, en restructurant notre système de transport des céréales et en jouant un rôle plus actif sur la scène internationale. Ces efforts contribueront à faire en sorte que nos producteurs soient en mesure de concurrencer à armes égales avec leurs homologues du reste du monde. Ainsi, nous contribuons à la force et à la vitalité des industries agricole et agroalimentaire canadiennes.
Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.
Le sénateur Wiebe: Monsieur le ministre, je vous remercie d'être là aujourd'hui.
Depuis que j'ai le privilège tout récent de faire partie de ce comité, nous avons entendu de nombreux témoins décrire les problèmes auxquels le secteur agricole fait face, non seulement dans ma province, la Saskatchewan, mais dans toutes les régions du pays. On nous a également parlé des moyens qu'utilisent les gouvernements pour tenter de régler ces problèmes. J'ai été heureux d'apprendre que le programme ACRA se poursuivra en 2000. Ce programme est, essentiellement, mis en place pour étudier ou résoudre un problème existant. Ma question devrait peut-être s'adresser plus à vos fonctionnaires qu'à vous, mais comme vous le savez, le comité est chargé d'étudier les programmes de sécurité du revenu à long terme pour le secteur agricole. Les producteurs demandent des programmes prévisibles et à long terme qu'ils peuvent prendre en compte dans leurs plans de gestion.
L'un des témoins nous a dit qu'il y a quelques années, les agriculteurs avaient fait une proposition relativement à un programme de sécurité du revenu à laquelle ils avaient consacré beaucoup de temps. Je lui ai demandé ceci: «Si le programme avait été adopté, aurait-il réglé les problèmes actuels?» Il m'a répondu qu'il faudrait y apporter de nombreuses modifications. Il sera donc très difficile d'élaborer un programme prévisible et à long terme sur lequel les agriculteurs et les autres intervenants du secteur agricole pourront compter. Croyez-vous qu'il est possible de mettre en place un programme qui prenne toutes ces questions en compte, à long terme, et qui soit suffisamment souple pour s'adapter à tous les changements qui peuvent se produire sur le marché?
M. Vanclief: Sénateur Wiebe, je vous remercie de vos commentaires. Ma réponse à votre question pourrait se limiter à un seul mot, mais je présume qu'aucun politicien ne donne une telle réponse. Comme vous le savez tous, j'ai exploité une ferme pendant 25 ans et pendant cette période, des programmes ont été créés et abolis. Aucun de ces programmes n'a été appliqué exactement de la façon dont il avait été conçu, parce que tous ceux qui oeuvrent dans le secteur agricole, et non seulement ceux qui exploitent une ferme ou qui font de l'agriculture primaire, savent que tout change constamment.
Je vais prendre le plus récent exemple de la mise en oeuvre du Compte de stabilisation du revenu net. Au début, tout le monde était content et tous pensaient que nous avions trouvé la solution. Lorsque l'assurance-récolte a été mise en place, nous avons encore une fois pensé avoir trouvé la réponse. Néanmoins, ces programmes doivent constamment être modifiés.
Pouvons-nous concevoir, en 2000, un ensemble de programmes qui s'appliqueront pendant les 10, 12 ou 14 prochaines années? La réponse est non. C'est un travail qui est et qui restera toujours à revoir. Par exemple, même si le programme ACRA a été mis en place relativement rapidement en 1998, nous y avons constamment apporté des modifications pour le rendre plus efficace. Nous l'avons modifié de nouveau en 1999 pour le rendre encore plus efficace. En 1998 et 1999, nous avons apporté des modifications au programme du CSRN. J'ai demandé au comité consultatif du CSRN d'étudier la possibilité d'y apporter de nouvelles modifications pour en accroître l'efficacité à mesure que nous progressons. Les programmes et les politiques de sécurité du revenu pour l'industrie agricole seront toujours en évolution.
Il y aura aussi toujours d'incontournables limites quant aux sommes disponibles. Au cours des derniers mois, des particuliers nous ont présenté des propositions de programmes -- pas uniquement à moi, mais aussi à des fonctionnaires du comité consultatif sur la sécurité du revenu. L'une des ces propositions, dont je me souviens particulièrement, coûterait à une seule province, chaque année, de quatre à cinq milliards de dollars. Pour autant que je sache, nous ne disposons pas de telles sommes. À vue de nez, je pense pouvoir affirmer que cette proposition coûterait au moins 10 milliards de dollars par année, uniquement pour les céréales et les oléagineux.
Comme nous le savons, les gouvernements ont beaucoup de priorités et reçoivent beaucoup de demandes de financement. Nous devons cibler les programmes existants le mieux possible. À mon avis, les agriculteurs font un bon travail -- de fait, ils font un meilleur travail -- en utilisant les outils de gestion du risque à leur disposition, qu'ils s'agisse de diversification, de contrats de vente à terme ou d'autres moyens. Par exemple, en Ontario, le maïs et le soya ont atteint un prix raisonnable au cours des deux ou trois dernières semaines -- pas le niveau de prix que nous souhaitons, mais plus élevé que l'année dernière -- à cause des craintes suscitées par les conditions météorologiques. J'espère que les producteurs ont vendu au moins une partie de leur récolte, parce que les prix ont baissé cette semaine. Il existe beaucoup de méthodes de gestion du risque.
Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent travailler ensemble. Je pense que le gouvernement fédéral a clairement démontré sa souplesse et qu'il est en mesure de modifier les programmes aussi rapidement que nous le pouvons, compte tenu des sommes disponibles.
Le sénateur Wiebe: L'un des grands problèmes auxquels l'agriculture fait face aujourd'hui est l'imposant capital requis pour exploiter les fermes. Dans ma province, la tendance est à des fermes de plus en plus grandes, et je crois que cette tendance se manifeste aussi dans les deux autres provinces des Prairies. Plus la ferme est grande, plus grandes sont les économies d'échelle dans l'investissement.
J'ai été fort intéressé d'apprendre de l'un de nos témoins la semaine dernière que sa ferme couvre 5 100 acres. Ils sont trois -- lui, son frère et son père -- à vivre de l'exploitation de cette ferme. Cela revient à quelque 1 700 acres par famille. On trouve en Saskatchewan beaucoup de fermes de cette taille, et d'autres plus petites, qui ne peuvent pas s'adapter aussi rapidement que les fermes plus importantes aux changements de prix sur la scène internationale.
Votre ministère a-t-il envisagé des moyens d'inciter les agriculteurs dont les fermes sont adjacentes à partager leurs ressources? Par exemple, avez-vous étudié la possibilité d'une forme de société, ou de coopération constituée en vertu de la Loi sur les associations coopératives du Canada, pour permettre l'achat d'une pièce d'équipement de 300 000 dollars qui pourrait être utilisée par trois agriculteurs? Ainsi, les trois familles pourraient continuer à exploiter leur ferme et rester dans les régions rurales du pays plutôt que d'être obligées de vendre leur terre.
M. Vanclief: Je ne dirais pas que nous avons des programmes pour encourager ce type de partage, parce que je pense qu'il s'agit là de décisions d'affaires qui doivent être prises par chacun. Si quelqu'un souhaite s'associer à un voisin, à un frère, à une soeur ou à un autre membre de la famille pour acheter une pièce d'équipement, je crois que la Société du crédit agricole offre toujours ce qu'elle appelle des «prêts consortiaux». Je ne sais pas s'il y a dans la salle un représentant de la Société du crédit agricole, mais je crois que c'est là l'objectif de la Société.
M. Hedley affirme que c'est toujours le cas. Par conséquent, si un groupe d'agriculteurs souhaite acheter de l'équipement qui sera utilisé par tous, il est certain qu'il y a des gens en mesure de préparer des plans d'affaires. Par contre, je ne considère pas que c'est là le rôle du gouvernement. Je crois que le rôle du gouvernement est, par exemple, d'offrir de l'information sur la façon de former des associations coopératives. Il est certain que nous avons, au ministère, des fonctionnaires qui peuvent expliquer ce qu'implique la mise sur pied d'une coopérative, et ainsi de suite.
Il ne fait aucun doute que les fermes sont de plus en plus grandes. Pour vous donner un autre exemple personnel, j'ai fait mes dernières semences en 1987. Aujourd'hui, quand je vois tout ce que mon fils peut semer en une seule journée, j'ai l'impression de m'être vraiment traîné les pieds. L'équipement et les méthodes de gestion d'une ferme diffèrent, tout comme la taille et l'échelle de l'exploitation. L'équipement peut bien coûter plus cher aussi, mais il couvre beaucoup plus de terrain en un seul jour.
Il y a eu une semaine samedi dernier, j'ai discuté avec un agriculteur qui a ensemencé 415 acres de maïs en une journée. J'en connais beaucoup dans l'ouest du Canada qui ensemencent des superficies encore plus grandes. Je ne dis pas qu'une plus grande ferme est toujours la meilleure solution. Il faut s'asseoir, réfléchir et préparer son plan d'affaires. Le fait est que les marges bénéficiaires ne sont pas très importantes et cette situation n'est pas exclusive au Canada. Les prix mondiaux des denrées de base ne sont pas, et de loin, aussi élevés que nous le souhaitons, et ce fait influe sur nombre des décisions qu'il faut prendre. Comme je l'ai déjà dit, je considère tout ce que vous venez de mentionner -- constitution d'associations coopératives et achats consortiaux -- comme étant des facteurs touchant les décisions ayant trait à la gestion du risque que les particuliers prennent et doivent prendre.
Le sénateur Oliver: Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Je regrette que vous ne puissiez rester plus longtemps. Peut-être pourrez-vous revenir une autre fois, parce que beaucoup de sénateurs ont de nombreuses questions à vous poser.
La somme de 3,3 milliards de dollars annoncée pour les trois prochaines années est une somme fort importante, mais elle ira à des programmes comme l'assurance-récolte, le programme d'aide en cas de désastre, le Compte de stabilisation du revenu net, et le reste. Nombre des témoins qui ont comparu devant le comité au cours des derniers mois ont affirmé que ces programmes ne règlent pas véritablement les besoins à long terme de l'agriculture au pays. Ils nous ont dit que c'est magnifique d'avoir une assurance-récolte, mais ils semblent tout à fait dépourvus face à l'augmentation des coûts des intrants, aux changements dans les modes de transport et à d'autres facteurs. Quelle est votre vision à long terme pour l'agriculture au Canada, pour donner aux agriculteurs le pouvoir de faire face en particulier à l'augmentation du coût des intrants et aux autres facteurs qui ne sont pas visés par ces programmes?
M. Vanclief: Il est difficile, sénateur Oliver, de donner aux producteurs primaires de n'importe quel secteur de notre économie le contrôle sur le produit jusqu'à ce qu'à ce qu'il atteigne le consommateur. Toutefois, comme je le mentionnais à votre collègue il y a quelques instants, les exemples sont de plus en nombreux, -- notamment au Québec -- du recours à des associations coopératives. Les agriculteurs sont alors plus impliqués dans ce qui arrive au produit après qu'il quitte la ferme et dans les traitements qu'il subit. Il ne fait pas de doute que si cela est possible, il est préférable de mettre en marché un produit fini plutôt qu'une denrée. Je ne veux pas dire qu'il faut avoir son propre moulin à farine pour mettre son blé en marché, mais qu'il se fait de plus en plus de choses, et qu'il existe une demande pour des variétés précises.
Le sénateur Oliver: Des produits à valeur ajoutée?
M. Vanclief: Oui. Pour des produits à valeur ajoutée ainsi que pour des variétés spécifiques de blé et de maïs, ou pour des fèves de soya comestibles plutôt que fourragères. Il y a un prix à payer, car la ségrégation est nécessaire -- cela est certain -- mais je ne doute pas un instant que la possibilité est là.
Il n'y a pas de doute non plus que les agriculteurs peuvent compter sur moins de fournisseurs et moins d'acheteurs qu'auparavant. Néanmoins, je ne crois pas que cela signifie qu'il y a moins de concurrence entre ceux qui souhaitent fournir des intrants aux producteurs, qu'il s'agisse des fournisseurs d'engrais, d'aliments ou d'autres produits nécessaires, quels qu'ils soient.
Heureusement, nous vivons dans un pays où la loi peut intervenir dans toute situation où il est possible de prouver qu'il n'y a pas de concurrence. Je ne m'en fais pas nécessairement le défenseur, mais la réalité actuelle est que tout prend de l'expansion et qu'il y a peut-être moins de personnes impliquées, mais cette situation est le résultat de la concurrence. Je pense que cette situation est surtout favorable aux acheteurs, parce que les entreprises ont besoin d'eux et qu'aujourd'hui, un agriculteur n'achète plus dix tonnes d'engrais, comme c'était le cas auparavant, mais dans bien des cas, dix fois cette quantité. La clientèle des agriculteurs est importante pour les fournisseurs, et ils feront tout ce qu'ils peuvent pour l'obtenir.
Le sénateur Oliver: Pouvez-vous me dire si les fonctionnaires de votre ministère examinent les 3,3 milliards de dollars consacrés aux programmes afin de voir s'il est possible de faire montre de plus de souplesse à l'égard du coût des intrants ou des coûts de production que doivent assumer les agriculteurs, pour que ces derniers puissent retirer des bénéfices là où ils en ont vraiment besoin?
M. Vanclief: Les programmes actuels ne constituent pas une aide pour le coût des intrants. L'expression «assurance-récolte» exprime bien la réalité -- c'est un programme d'assurance. Le Compte de stabilisation du revenu net et le programme d'aide en cas de désastre visent l'ensemble des fermes, non des produits spécifiques, et ils portent sur la marge bénéficiaire brute des agriculteurs. Je serai franc. Nous avons vu des cas, l'année dernière, de particuliers qui se sont adressés à nous, et je suis sûr qu'ils se sont aussi présentés ici. Ces gens étaient peut-être en affaires depuis un, deux, trois, quatre ou cinq ans, mais le programme ACRA vise trois années de référence. Si la marge bénéficiaire brute de ces gens, pour les trois années de référence, était de zéro, je peux vous affirmer que tout pourcentage de zéro est zéro. C'est là que se trouve le noeud gordien. Si les gens n'ont pas fait d'argent pendant un certain nombre d'années, que ce soit dans l'agriculture ou dans un autre domaine, devons-nous, comme gouvernement ou comme société, leur garantir un rendement sur leur investissement et un certain niveau de vie? Devons-nous dire que nous garantirons un rendement sur l'investissement jusqu'à un certain niveau, qu'ils exploitent une ferme, un magasin de vêtements ou une autre entreprise? Ce serait là une décision politique majeure pour tout gouvernement. Le choix que nous avons fait -- et je crois que tel a été le cas pour nombre d'années -- est que les sommes dont nous disposons ciblent l'ensemble d'une ferme, la marge bénéficiaire brute sur le revenu étant fonction des résultats antérieurs de l'entreprise.
Le président: Il semble y avoir pas mal de confusion. Vous affirmez qu'il y a 3,3 milliards de dollars. Mais moi, sur ma ferme, je ne peux pas savoir si je recevrai quoi que soit.
M. Vanclief: Vous ne le saurez pas tant que vous n'aurez pas rempli le formulaire de demande.
Le président: Lorsque je téléphone à votre ministère pour faire une demande, je parle à quelqu'un qui ne semble pas comprendre le programme non plus.
M. Vanclief: Avez-vous présenté une demande pour le programme ACRA de 1999?
Le président: Pas encore. Je vais faire une demande, mais j'en ai fait une pour 1998 et je n'ai rien reçu. Ma ferme n'a rien reçu. Je sais que nous sommes censés recevoir un montant maximum de 7 500 dollars du programme de la Saskatchewan. On m'a dit, à un moment donné, que nous recevrions environ 11 000 dollars ou 12 000 dollars. En réalité, c'est 7 500 dollars, et cette somme ne couvrira même pas l'augmentation annoncée du prix du carburant. On nous annonce des programmes de millions de dollars, et pourtant mes voisins me disent qu'ils n'en reçoivent pas un sou.
M. Vanclief: Assurons-nous de comparer des pommes à des pommes. Le gouvernement de la Saskatchewan a décidé de la façon dont il verserait sa part des 240 millions de dollars du gouvernement fédéral et le montant additionnel de 160 millions de dollars accordé en février de cette année à deux provinces. Ces montants devaient être partagés. Des 400 millions de dollars, 300 millions de dollars étaient destinés à la Saskatchewan et 100 millions au Manitoba. Vous faites référence à la décision de la province quant à la façon de verser les 300 millions de dollars.
Maintenant, si vous faites référence à votre demande en vertu du programme d'aide en cas de désastre pour l'année 1998, et si votre marge bénéficiaire brute était inférieure à 70 p. 100 de ce qu'elle était pour les trois années de référence précédentes, vous auriez eu droit à un paiement. Si vous n'avez rien reçu, alors votre marge bénéficiaire brute de 1998 n'était pas inférieure à 70 p. 100 de la marge des trois année de référence, soit 1997, 1996 et 1995.
Le président: Je tiens à vous souligner que la mienne était plus élevée parce que j'avais diversifié mes cultures et semé du canola, alors nous avons fait un peu d'argent. J'ai deux voisins qui possèdent des puits de pétrole, mais ils continuent de cultiver du blé parce qu'ils disent: «Pourquoi payer de l'impôt quand nous avons tous ces recettes pétrolières?» L'un d'eux a reçu un chèque de 40 000 dollars, l'autre un chèque de 75 000 dollars. Il n'y a pas d'équité, pas de mesures incitatives. Le programme ACRA est un échec.
M. Vanclief: Dans le programme ACRA, nous ne prenons pas en compte les revenus autres que les recettes de l'agriculture et si j'étais vous, monsieur le président, je me dirais: «Je suis content que ma marge bénéficiaire brute n'ait pas été inférieure à 70 p. 100 de ce qu'elle était.» Je pense que vous n'êtes pas en affaires pour perdre de l'argent.
Le président: Je pense que le programme doit être juste et équitable.
M. Vanclief: Il est équitable. Quiconque dont la marge bénéficiaire brute était inférieure à 70 p. 100 de ce qu'elle était a reçu un paiement.
Le président: Le problème que nous avons éprouvé avec le fait que les trois années antérieures étaient prises en compte, c'est que les récoltes ont été détruites par la grêle une année. Que faites-vous de l'agriculteur qui n'a pas eu de récolte au cours des quatre années précédentes, à cause de la sécheresse, et qui, l'année au cours de laquelle il fait une demande, a une bonne récolte même si les prix des denrées sont à la baisse? Comme son revenu était plus élevé, il n'a rien reçu. Il y a une multitude de cas de ce genre, monsieur le ministre, n'est-ce pas?
M. Vanclief: Je ne sais pas. Je sais par contre qu'il n'y a pas deux exploitations agricoles semblables. Des agriculteurs se sont adressés à moi l'année dernière et m'ont dit qu'ils avaient perdu de l'argent. J'ai demandé à beaucoup d'entre eux s'ils avaient une assurance-récolte. Ils m'ont répondu non. Je leur ai demandé pourquoi ils n'y avaient pas souscrit, et certains m'ont répondu que le gouvernement leur avait toujours expédié un chèque lorsque l'année avait été mauvaise. Il y avait toujours un programme en place.
À vrai dire, l'assurance-récolte existe pour une bonne raison. Est-ce juste pour la personne qui a souscrit une assurance-récolte? Si votre récolte a été détruite par la grêle une année et que vous n'aviez pas d'assurance contre la grêle, alors tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il existe un moyen de gestion du risque. Vous avez pris une décision d'ordre opérationnel de ne pas acheter d'assurance contre la grêle.
Le président: J'ai une assurance-récolte pour ma ferme, et mon voisin avait aussi une assurance-récolte pour la sienne. Je suis couvert à raison de 30 dollars l'acre. Mon voisin, dont la récolte a été détruite par la grêle, a reçu 150 dollars l'acre. C'est une comparaison des deux régimes. Notre assurance-récolte n'est pas adéquate.
M. Vanclief: Les critères qui régissent l'assurance-récolte sont définis par les provinces, alors adressez-vous à votre gouvernement provincial.
Le président: Certainement, mais je pense que le gouvernement fédéral doit considérer dans son ensemble la crise que traverse actuellement l'agriculture. Comme le dit le sénateur Sparrow: «Dites-le-nous, et nous démissionnerons dans la dignité.» Nous faisons face à une crise grave. À mon avis, cette somme de 2 milliards de dollars répond vraiment au besoin de dire à la population canadienne que nous faisons quelque chose. Pourtant, fondamentalement, nous ne faisons rien.
M. Vanclief: Quand je suis devenu ministre, en juin 1997, l'enveloppe consacrée à la sécurité du revenu était de 600 millions de dollars par année; elle est maintenant de 1,1 milliard de dollars. En 1997, l'industrie et les ministres provinciaux me disaient que l'enveloppe du gouvernement fédéral pour la sécurité du revenu devait être de 850 millions de dollars par année. Elle est aujourd'hui de 1,1 milliard de dollars. J'aimerais qu'elle soit plus élevée, mais alors, comme Canadiens, nous devrons modifier nos exigences envers le système des soins de santé, les infrastructures, les soins à l'enfance, l'innovation, la formation -- et je pourrais mentionner beaucoup d'autres domaines. Nous devons établir des priorités. Nous avons presque doublé le montant en deux ans et demi. J'aimerais que nous ayons plus d'argent pour l'enveloppe de la sécurité du revenu.
[Français]
Le sénateur Gill: Nous avons entendu les témoignages de témoins qui venaient d'un peu partout au Canada et plusieurs mentionnaient qu'il y avait des problèmes dans différents secteurs de l'agriculture. Je suis un profane dans ce domaine. J'écoute les nouvelles de Radio-Canada et d'autres médias d'information, et je me fais une opinion à partir des informations que je reçois. Par contre, je ne suis pas agriculteur mais contribuable et j'aime bien savoir de temps en temps où vont les fonds.
Dans le domaine de l'agriculture, comme dans le domaine de l'industrie laitière et de la transformation, existent-il certaines statistiques qui nous soient fournies, comme par exemple dans le domaine manufacturier ou dans la foresterie, et cetera, où l'on sait le montant des sommes requises pour créer ou maintenir un emploi?
Savez-vous le montant des sommes dépensées dans le domaine de l'agriculture, par exemple, pour le nombre d'agriculteurs qu'il y a?
On parlait de fermes de 5 000 hectares, la semaine dernière ou il y a deux semaines, et qu'une ferme comme celle-là employait quatre ou cinq personnes. Est-ce qu'on a des statistiques dans le domaine de l'agriculture? J'ai un beau-frère végétarien et il me disait que l'on pourrait produire beaucoup plus de céréales si on avait moins d'animaux à nourrir; que l'on pourrait nourrir plus d'êtres humains.
Je reçois ce genre d'arguments. Avez-vous des statistiques qui nous démontrent que l'agriculture doit se poursuivre? La technologie est là. Est-ce qu'on peut savoir le montant d'argent nécessaire pour créer ou maintenir un emploi dans l'agriculture?
[Traduction]
M. Vanclief: Je dois partir dans quelques instants, mais M. Headly souhaitera sans doute faire des commentaires. La question est vraiment intéressante. Je pense que nous pourrions obtenir des chiffres. Toutefois, comme je l'ai déjà dit, dans une industrie axée sur les ressources, comme c'est le cas pour l'agriculture, je dirais qu'il est très difficile d'arriver à des chiffres précis, et de dire, par exemple, que si on dépense tant d'argent, on crée tant d'emplois.
Je sais qu'il y a approximativement 275 000 fermes au Canada. Nous pouvons sûrement établir le nombre de personnes qui exploitent des fermes, et le nombre de personnes qui travaillent sur des fermes. Ces statistiques existent.
Par contre, je ne suis pas statisticien, mais je pense qu'il serait difficile de déterminer si un investissement d'un montant X créerait un nombre X d'emplois. Je ne pense pas qu'il s'agit d'une science exacte. Je dirais que c'est une science encore moins exacte dans les industries d'exploitation des ressources telles la foresterie, la pêche, les mines ou le tourisme. Vous pourriez engager une personne pour travailler dans votre établissement touristique, ou dans un autre établissement dans lequel vous avez investi, mais cela ne signifie pas que vous auriez créé des emplois.
[Français]
Le sénateur Gill: Est-ce qu'il y a des moyens pour établir le succès ou l'insuccès d'une entreprise? En fait, ce que l'on entend toujours, c'est que les agriculteurs sont en faillite. Ils sont en faillite et on en fait de mauvaises nouvelles: il n'y a pas suffisamment d'argent, et que la famille a dû vendre la ferme à d'autres, et ainsi de suite. J'essaye de savoir si les nouvelles sont bonnes ou mauvaises, ou si la vérité se situe entre les deux.
[Traduction]
M. Vanclief: Je vais demander à M. Headly de préciser, après mon départ, si ces données sont disponibles.
Mais avant, je tiens à souligner bien clairement qu'il ne fait aucun doute que certains agriculteurs éprouvent des difficultés financières et en subissent du stress. Chers collègues, il ne faut pas non plus sous-estimer ceux qui tirent bien leur épingle du jeu. La semaine dernière, j'ai rencontré les membres du comité d'agriculture de toutes les grandes banques canadiennes. Ils m'ont affirmé, ainsi que la Société du crédit agricole, qui a investi 6 milliards de dollars dans l'agriculture, qu'ils prêtaient de l'argent tous les jours pour des projets d'expansion dans ce domaine. Leurs comptes agricoles sont en meilleure posture qu'ils ne l'étaient l'an dernier, et encore meilleure qu'au cours de la dernière crise des années 80.
Le sénateur Oliver: Dans des secteurs en particulier?
M. Vanclief: Dans l'ensemble.
Le sénateur Oliver: Dans le secteur des céréales, du blé, du canola?
M. Vanclief: Oui. Cela ne veut pas dire cependant qu'il n'y a pas de différences entre les secteurs. Je sais que la presse est ici, mais je vais vous laisser avec cette question. La semaine dernière, j'ai reçu une lettre d'un exploitant du secteur céréalier, je ne vous en dévoile pas plus. Cette personne n'était plus capable d'exploiter sa ferme, qui existait depuis quatre générations. Je me suis adonné à l'agriculture pendant 25 ans, et mon père avant moi. Ma femme et moi avons pris une décision d'affaires et je ne fais plus d'agriculture. Qu'est-ce que nous, en tant que gouvernement, en tant que société, disons à une personne qui exploite une ferme qui existe depuis quatre générations mais qui, dans sa lettre, me dit être obligée de vendre? Je respecte sa décision.
Je pose à nouveau la question: est-ce que notre société va dire à un agriculteur de la quatrième génération: «Non, vous ne devriez pas avoir à vendre, alors nous allons tout faire pour que vous continuiez de l'exploiter»? Je n'ai pas la réponse à cette question.
Je resterais bien avec vous parce que j'aimerais participer à cette discussion. Quelle est la réponse à cette question? Garantir à tous les exploitants un certain niveau de revenu par boisseau, par animal, par unité, par acre, par ferme ou par pièce d'équipement afin que les gens n'aient pas à quitter leur exploitation agricole après quatre générations? Aidez-moi à trouver la réponse, sénateurs.
Le président: Je remercie le ministre d'être venu nous voir. Ma réponse à cette question, c'est que le gouvernement doit se rendre compte que l'agriculture est importante pour le Canada. Nous contribuons quelque 6 milliards de dollars au produit national brut. Parmi les secteurs qui injectent de l'argent dans l'économie, nous nous classons au deuxième rang, et je crois que notre industrie mérite d'être appuyée dans les périodes difficiles.
M. Vanclief: Il n'y en a pas de plus importante. L'agriculture a été ma passion toute ma vie, et continuera de l'être. Cependant, j'ai besoin de vos suggestions, et nous avons besoin des ressources pour aider les agriculteurs.
Le président: Merci beaucoup. Je tiens à affirmer que notre comité vous appuiera pour surmonter la crise à laquelle nous faisons face, et j'espère que la situation de l'agriculture s'améliorera.
Le sénateur Ferretti Barth: J'aimerais poser une question, si vous le permettez, monsieur le président.
[Français]
Si vous me permettez, je vais m'exprimer en français. Dans tous les rapports que j'ai lus et aussi les témoignages que j'ai entendus, ils nous annoncent que les frais de transport sont trop élevés et que c'était le facteur le plus important pour les agriculteurs aujourd'hui.
Votre ministère ne pourrait-il pas garder les transports de grain parmi la Société des transports pour peut-être leur permettre de retourner sur le marché de la concurrence? C'est toujours le problème qu'on soulève, à savoir que les coûts de transport empêchent la concurrence avec les autres nations ou les autres pays.
[Traduction]
M. Doug Hedley, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire Canada: Sénateur, d'abord, le 10 mai dernier, on a annoncé des changements au système de transport et de manutention du grain dans l'Ouest du Canada, notamment qu'il y aurait un plafond aux recettes des chemins de fer pour le transport du grain basé sur 30 millions de tonnes par année. Cette mesure abaisse les coûts de transport globaux pour les agriculteurs de l'Ouest du Canada de quelque 178 millions de dollars par année. C'est une forte somme qui laisse plus d'argent dans les poches des agriculteurs et les aide à rationaliser le système, à le rendre plus efficace.
Auparavant, une subvention substantielle était accordée au transport du grain par chemin de fer de l'ouest du Canada vers Thunder Bay, Vancouver et les ports de l'Ouest. La subvention pour le transport du grain de l'Ouest a été supprimée en 1995 et elle était évaluée à quelque 560 millions de dollars par année. Avec le nouveau plafond et les changements apportés au système, nous croyons avoir un système qui est de plus en plus efficace pour le transport du grain.
Le sénateur Ferretti Barth: J'aimerais poser une autre question.
[Français]
Le ministre a dit que si le revenu des fermiers n'était pas au-dessus de 7 p. 100 du revenu des années précédentes, ils étaient éligible pour les subventions du gouvernement.
Maintenez-vous ce barème encore aujourd'hui? Allez-vous aider les fermiers à faible revenus ou votre programme s'adresse-t-il à tous les fermiers? Si c'est le cas, je dirais que ce n'est pas correct. Je pense qu'on devrait avoir un barème de sorte que les fermiers qui ont un faible revenu puissent recevoir l'aide nécessaire pour rester sur le marché. Les fermiers ayant des revenus au cours des années précédentes de 4 p. 100 ou 5 p. 100 devraient être un second groupe à être mentionnés.
[Traduction]
M. Hedley: Permettez-moi d'abord de corriger vos chiffres. Selon le ministre, nous comparons les marges brutes dans le programme de revenu de subsistance en cas de désastre, c'est-à-dire ce qui reste à l'agriculteur après avoir déduit les coûts pour cette année-là en comparaison des trois années précédentes.
Si la différence est inférieure à 70 p. 100, nous compensons alors cette différence grâce au programme de revenu de subsistance en cas de désastre. Autrement dit, le programme vise les fermes individuelles.
Comme l'a dit le ministre, si un agriculteur ne fait pas d'argent au cours d'une longue période, déterminer si on le subventionne ou non et si on lui offre un revenu parce qu'il est un agriculteur est une question de politique. C'est la question clé du problème des faibles revenus en agriculture.
Contrairement aux États-Unis, nous avons ciblé notre aide sur les agriculteurs qui connaissent des écarts considérables de revenu au cours d'une année. Nous avons des programmes d'assurance-récolte pour pallier aux conditions atmosphériques qui les menacent chaque année. Nous avons le CSRN qui permet à tous les agriculteurs d'épargner de l'argent les bonnes années et de s'en servir pour les mauvaises. C'est la responsabilité de l'agriculteur que de participer au programme, et de décider lui-même quand il doit épargner cet argent ou l'utiliser.
Le sénateur Fairbairn: Monsieur Hedley, est-il exact de dire que vous étiez le coprésident du comité consultatif national sur la protection du revenu en collaboration avec M. Friesen?
M. Hedley: Oui, et M. Wilkinson avant.
Le sénateur Fairbairn: Ma question concerne particulièrement la région du pays que je représente, l'Alberta -- ainsi que la Saskatchewan -- et porte sur l'accord de principe que le ministre a soulevé tout à l'heure. Ce plan répond-il aux besoins de tous les secteurs de l'industrie agricole de la région?
Je veux surtout savoir si oui ou non ce programme élargi s'appliquera aux déshydrateurs de foin de l'ouest du Canada, qui sont dans une position inconfortable et se retrouvent en quelque sorte entre deux chaises. C'est pour nous un problème récurrent et majeur dans la région. Quand il évalue les agriculteurs et leurs produits, le gouvernement fédéral essaie-t-il maintenant de voir s'il y aurait une façon d'offrir une aide transitoire afin de garder ces entreprises ouvertes?
Comme vous le savez, une usine importante a fermé ses portes en Saskatchewan, d'autres l'ont imitée en Alberta. Certaines usines sont dans l'incertitude. Cela ne représente peut-être pas un problème majeur dans l'ensemble, mais c'est un secteur viable et productif dans notre région. J'aimerais bien que vous me disiez si vous pouvez inclure ce problème dans vos discussions ou s'il y a une autre façon d'aider cette industrie?
M. Hedley: Permettez-moi de répondre à vos deux questions. La première est: est-ce que nos programmes de protection du revenu pourvoient aux exigences de toutes les régions et de tous les secteurs?
Je vais d'abord vous expliquer que nos programmes de protection du revenu portent sur les denrées qui ne font pas partie du système de la gestion de l'offre. Environ 30 p. 100 de notre industrie est assujettie à ce système, et cette partie n'a pas droit aux programmes de sécurité du revenu tels que nous les connaissons aujourd'hui. Ces gens ont leurs propres mécanismes pour l'établissement de leurs prix et ne sont donc pas admissibles à ce programme gouvernemental.
Cependant, je me souviens que le comité consultatif national sur la protection du revenu a mentionné la création de quatre programmes. Ce sont les programmes que nous avons maintenant: le programme d'aide en cas de sinistre, le CSRN, l'assurance-récolte et les programmes complémentaires. Depuis deux ans que je copréside ce comité, ces programmes ont beaucoup aidé ces entreprises.
Deuxièmement, ces programmes appuient les mécanismes de répartition qui ont fait l'objet d'une entente de principe avec les provinces à la fin de mars. J'en conclus donc que le comité répond aux besoins de tous les secteurs et de toutes les régions.
Je m'empresse d'ajouter, tout comme l'a fait mon coprésident lorsqu'il a comparu devant votre comité, que nous avions demandé beaucoup plus d'argent que ce que le gouvernement fédéral a mis sur la table. Plus précisément, le comité consultatif national sur la protection du revenu a demandé 1,45 milliard de dollars sur une base annuelle, soit 1,4 milliard de dollars pour les programmes de sécurité du revenu directs et 50 millions de dollars pour la recherche additionnelle.
Nous examinons actuellement le secteur de la déshydratation ou de la compression du foin. Permettez-moi de vous décrire brièvement le problème tel que nous le voyons. Nos programmes de sécurité du revenu sont conçus pour aider les agriculteurs exclusivement. Selon la règle que nous avons établie, vous pouvez avoir 10 multiples dans une société au maximum. Autrement dit, vous devez posséder plus de 10 p. 100 des actions dans cette entreprise pour être admissible -- 10 multiples dans le CSRN et cinq multiples dans les programmes d'aide en cas de sinistre.
L'un des problèmes qui nous a empêchés d'intégrer le secteur de la déshydratation à notre cadre de programmes de sécurité du revenu, c'est qu'il s'agit de coopératives, et que le produit n'appartient pas, dans la plupart des cas, à l'agriculteur comme tel. Il est fabriqué sous contrat, ou il devient la propriété de la coopérative.
Nous avons de la difficulté à traiter avec les coopératives parce que nos programmes de sécurité du revenu sont destinés aux agriculteurs. Notre programme vise à partager les risques avec les agriculteurs, pas avec les coopératives. Actuellement, nous cherchons la manière de traiter avec les communes, les coopératives, les partenariats et les sociétés pour tenter d'établir une base plus équitable à l'appui de ces décisions.
En bout de ligne, il faut que quelqu'un assume certains risques. Sinon, ni le gouvernement fédéral ni les provinces ont intérêt à injecter de l'argent dans ces entreprises.
Nous allons soumettre à nouveau la question au CSRN et au comité consultatif national sur la protection du revenu afin qu'ils l'examinent plus en détail.
Le sénateur Fairbairn: Puis-je interpréter cela comme un vague signe d'optimisme?
M. Hedley: Sénateur, nos décisions concernant les programmes de sécurité du revenu, nous les prenons conjointement avec les provinces et les producteurs par l'entremise du comité consultatif national sur la protection du revenu. C'est un processus qui est lent et difficile, mais le résultat est remarquable.
Le sénateur Fairbairn: Je vais m'accrocher à cela, monsieur Hedley.
Le sénateur Robichaud: Monsieur Hedley, vous êtes le coprésident du comité, et vous avez parlé d'un plafond ou d'un plancher, selon l'endroit où on se place en attendant l'aide, pour les gens dans le besoin. Comment allez-vous déterminer ce plafond ou ce plancher? Est-ce une décision collective? Est-ce qu'habituellement, les gens s'entendent sur ce que devrait être la limite? Certains croient que 70 p. 100 est un niveau un peu trop élevé, et probablement que certains pensent que c'est trop bas. Comment ces décisions sont-elles prises?
M. Hedley: Sénateur, permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer les origines de ce programme.
Quand nous avons commencé à échafauder le programme de revenu de subsistance en cas de désastre avec les provinces et les producteurs, tous croyaient fermement que nous devions créer un programme vert dans le cadre de l'OMC. Par «vert», j'entends un programme qui ne déclencherait pas l'adoption de mesures compensatoires de la part d'autres pays, surtout des États-Unis en ce qui nous concerne. Il y a vraiment un paragraphe dans le texte, le paragraphe 7, qui est crucial pour le programme. Ce paragraphe établit une limite de 70 p. 100 des revenus nets ou des revenus ou une certaine mesure du revenu qui ne peut être dépassée ou encore on prévoit couvrir 70 p. 100 des pertes de l'agriculteur. Nous avons donc dû adopter ce plafond de 70 p. 100 pour que le programme respecte les normes de l'OMC et éviter des mesures compensatoires de la part d'autres pays. Si nous dépassions ce plafond, nous contreviendrions au règlement et ferions l'objet de mesures compensatoires. Nous croyons que les États-Unis ne tarderaient pas à réagir.
Le sénateur Robichaud: Ce qui serait désavantageux pour notre industrie, n'est-ce pas?
M. Hedley: D'après notre expérience, si l'on essaie d'aider l'industrie et que cette aide fait en retour l'objet de mesures compensatoires, l'avantage est nul. C'est essentiellement le Trésor des États-Unis qui en bénéficie.
Le sénateur Robichaud: Certains voudraient que ces programmes soient plus souples. Je suppose que ce terme a une connotation différente pour différentes personnes, parce que nous avons eu un exemple où la souplesse a créé des problèmes pour un ministre. Je parle ici du DRHC, et je ne dis pas que le programme n'était pas bon. À votre avis, croyez-vous que les programmes devraient être plus souples et que l'on devrait faire davantage? Vous risqueriez de subir les foudres de l'opposition, mais cela serait utile.
M. Hedley: Sénateur, au départ, le programme de revenu de subsistance en cas de désastre s'inspirait de l'expérience de deux provinces qui avaient conçu des programmes semblables au cours des années précédentes, soit l'Alberta et l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons conçu notre propre programme national en collaboration avec les provinces pour 1998. Le ministre a également accepté un assez bon nombre de changements pour l'assouplir, l'élargir et l'amplifier, et pour l'étendre à plus d'agriculteurs, surtout ceux qui ont des marges bénéficiaires négatives. Je peux cependant vous assurer qu'en dépit de nombreuses critiques envers ce programme, nous ne ferons pas de chèque à un seul agriculteur tant que nous n'aurons pas reçu une demande et que nous ne l'aurons pas examinée attentivement.
Le sénateur Robichaud: Je ne doute pas un instant que les choses devraient en être ainsi, mais la définition d'un programme «souple» dépend parfois de la personne qui l'examine et de son point de vue.
Je vous remercie de vos réponses. Vous m'avez donné l'information que je cherchais.
Le président: J'aimerais poser une questions supplémentaire.
J'exploite ma ferme à 20 milles de la frontière américaine et la majeure partie du canola que nous produisons est expédiée de l'autre côté de la frontière au Dakota du Nord, ce qui m'amène à avoir des conversations avec des agriculteurs américains à l'occasion. Leurs programmes semblent être très simples, ils n'ont pas à remplir des tonnes de formulaires. En fait, je suis allé à Crosby lorsque les agriculteurs ont reçu leurs premiers chèques et j'ai demandé à un agriculteur du Montana ce qu'il avait fait pour recevoir ce chèque. Il m'a répondu qu'il n'avait rien fait, que le gouvernement avait tous leurs numéros depuis les 20 dernières années et que les chèques leur ont été envoyés par la poste. Pourquoi faut-il que nos programmes soient si compliqués que les agriculteurs ne les comprennent même pas? Dans les années 80, nous avions de simples paiements à l'acre. On nous réplique toujours: «Eh bien, cela ne respecte pas les règles de l'Organisation mondiale du commerce.» Est-ce que les Américains respectent ces règles ou ont-ils des règles différentes?
M. Hedley: D'abord, je ne crois pas qu'on puisse qualifier de simple le système américain.
Le président: Je ne fais que répéter ce que les agriculteurs m'ont dit.
M. Hedley: La méthode de base conçue dans les années 70, appliquée depuis lors aux États-Unis, consiste à survoler 3 000 ou 3 200 comtés chaque année et à photographier les terres. Les agriculteurs doivent se rendre à un bureau régional et indiquer les récoltes qu'ils entendent faire et combien ils entendent cultiver d'acres de terre. Ces données sont informatisées et elles sont saisies dans les ordinateurs de Kansas City, dans des fichiers indiquant la production exacte de chaque agriculteur. À partir de là, le gouvernement peut faire des chèques directement aux agriculteurs par l'entremise du bureau de Kansas City. Ce n'est pas un système simple ou peu coûteux.
Aussi, nous avons conçu nos programmes sur l'établissement de cibles, tandis que les programmes américains accordent des subventions à tous les agriculteurs pour leurs récoltes. Leur industrie du porc, du boeuf et de nombreuses autres industries ne reçoivent donc pas tellement. Les subventions sont limitées aux récoltes.
Le sénateur Robichaud: La décision d'utiliser un système différent n'a pas été prise indépendamment des organisations agricoles et des gens de l'industrie, n'est-ce pas?
M. Hedley: Non, nos programmes de sécurité du revenu actuels ont été élaborés conjointement avec le comité consultatif national sur la protection du revenu et les provinces.
Le sénateur Robichaud: Donc, notre système est mieux adapté à nos besoins, quoique certaines personnes de l'industrie prétendent que le système américain est beaucoup plus simple et répond mieux aux besoins. Vous n'êtes pas d'accord?
M. Hedley: Non.
Le sénateur Wiebe: Notre discussion aujourd'hui s'explique en grande partie par ce que nous croyons être une guerre de subventions entre l'Europe et les États-Unis. Est-ce que cela explique les faibles prix ou y a-t-il un surplus à l'échelle mondiale dans le domaine des céréales et des oléagineux?
M. Hedley: D'abord, si je regarde les statistiques sur la production mondiale, je constate qu'il y a eu quatre années difficiles de suite, la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. Je n'ai pas vérifié pour les années précédentes. Nous produisons actuellement à l'échelle mondiale quelque 1,9 milliard de tonnes de céréales par année. De légères fluctuations en Amérique du Nord n'auront pas de répercussions sur le prix. Il faut qu'il y ait des fluctuations considérablement importantes pour faire varier les prix.
La technologie de production céréalière s'améliore de jour en jour dans le monde. Cela veut dire que les prix réels du grain diminuent constamment. Autrement dit, le prix réel du blé diminue depuis au moins 100 à 150 ans, ce qui se produit actuellement pour le canola et pour toutes les récoltes. Le mouvement va se poursuivre pendant un certain temps à l'échelle mondiale. Je ne prévois donc pas de croissance importante des prix pour un bon bout de temps. Actuellement, étant donné les capacités de la production mondiale, nos prix se rapprochent des prix réels, ou normaux.
Le sénateur Wiebe: Ça ne serait donc pas une guerre de subventions. Vous dites que les produits agricoles atteindront leurs propres niveaux, et que l'Europe, les États-Unis, et le Canada avec le programme ACRA, ont décidé de subventionner l'industrie agricole pour qu'elle continue de fonctionner. Ai-je raison?
M. Hedley: Sénateur, je ne peux vous dire comment les États-Unis abordent le problème. Au Canada, si une exploitation agricole a soudainement de la difficulté pendant un ou deux ans et ce, pour une raison ou une autre -- la grêle, la sécheresse, peu importe -- nous savons que sans les programmes de sécurité du revenu, cette entreprise éprouve de graves problèmes, elle doit s'ajuster et elle ne pourra sans doute pas prendre l'expansion qu'elle aurait pu envisager. Ainsi, nos programmes de sécurité du revenu minimisent les ajustements à court terme. Lorsqu'ils sont brusquement confrontés à des coups durs, les agriculteurs ne sont pas acculés à la faillite en un an grâce aux programmes de sécurité du revenu. Il ne s'agit pas d'une subvention à long terme pour chaque agriculteur au Canada, mais bien plutôt de crédits qui sont ciblés vers ceux qui ont besoin de l'argent lorsqu'ils éprouvent des difficultés.
Par contre, les États-Unis subventionnent les agriculteurs, qu'ils en aient besoin ou non. Il s'agit d'une prime à toute l'industrie, modèle que n'a pas suivi notre pays. Nous essayons de minimiser les coûts d'adaptation, et d'aider ainsi l'agriculteur à continuer d'améliorer son exploitation agricole et à pouvoir fabriquer des produits destinés aux marchés internes et à nos marchés d'exportation.
Le sénateur Wiebe: J'aimerais pousser un peu plus loin en disant que tous les jours, les agriculteurs, les organisations agricoles et les politiciens proposent que le Canada s'efforce davantage d'inciter les autres pays à restreindre leurs programmes de subventions. Affirmez-vous que si nous demandions aux Américains et aux Européens de réduire leurs subventions, cela n'augmenterait pas nécessairement et automatiquement le prix mondial des céréales et des oléagineux?
M. Hedley: Il faudrait que je regarde les modèles mondiaux et leurs résultats, mais j'ai l'impression qu'en supprimant toutes les subventions sur une période, à partir de maintenant, par exemple, ou dans quelques années, cela ne changerait pas considérablement l'approvisionnement mondial en céréales et en oléagineux.
Le sénateur Wiebe: Beaucoup de pays aujourd'hui pourraient utiliser nos céréales. Si nous ne pouvons les vendre, c'est en partie parce qu'il y a des pays du tiers monde qui ne peuvent se permettre de payer même le faible prix. Il faudrait produire encore davantage. Nous devons d'une façon ou d'une autre trouver les moyens d'offrir ces produits aux pays du tiers monde. Devrions-nous envisager de mettre nos excédents de céréales à la disposition de certains de ces pays, peut-être en liant les surplus au programme de sécurité du revenu?
M. Hedley: Je vais faire la distinction entre deux choses. D'abord, l'aide humanitaire, ensuite l'impact de cette aide sur le prix des denrées. Du point de vue du marché, donner de larges parts de notre produit et payer nos agriculteurs pour ce don ne changerait pas sensiblement le prix des denrées sur le marché mondial. Le Canada est trop petit sur l'échiquier, en ce qui concerne la production générale, pour pouvoir le faire. Nous produisons quelque 55 millions de tonnes de céréales et d'oléagineux par année, mais 1,9 milliard de tonnes -- de céréales seulement -- sont produites dans le monde entier. Nous ne pouvons avoir d'influence sur une aussi grande quantité. En ce qui concerne le côté humanitaire, c'est là une question complètement différente -- une question de politique -- confiée à d'autres organismes gouvernementaux. Je ne vais pas m'embarquer là-dedans avec vous.
Le sénateur Wiebe: Vous m'avez donné les réponses que je voulais. Merci.
Le président: À ce sujet, cependant, n'est-il pas vrai que c'est exactement ce que font les Américains? Il serait plus politiquement acceptable pour eux de vendre leurs céréales à bas prix à des pays défavorisés, et probablement à juste titre d'ailleurs, et de subventionner leurs agriculteurs, que de donner de l'argent. Je pense que c'est exactement ce qu'ils font.
M. Hedley: D'abord, cela n'influe pas sur le prix que les agriculteurs des États-Unis reçoivent. Mais je ne peux spéculer sur les motifs qui les incitent à agir ainsi.
Le président: C'est bien.
Le sénateur Fairbairn: Juste une question au sujet de Seattle et de la rupture des pourparlers. Les discussions sur l'agriculture, peut-être plus que toutes les autres, allaient bien et, en fait, la délégation canadienne y a joué un rôle de premier plan. Pourriez-vous faire le point là-dessus? Je sais que quand tout s'est effondré, il y a eu une déclaration indiquant que les discussions sur l'agriculture, parce qu'elles avaient été entreprises lors d'une ronde précédente, pourraient se poursuivre. Pouvez-vous nous dire comment les choses évoluent? Est-ce que l'on prend des mesures concrètes pour intéresser les organisations et les groupes agricoles qui ont été si actifs pour appuyer le Canada avant les pourparlers de l'OMC à Seattle?
M. Hedley: Vous avez tout à fait raison de dire que le programme en matière d'agriculture est prévu à l'OMC. Les discussions ont commencé avant la fin de 1999, comme l'exigeait l'entente de Seattle. Nous avons poursuivi les négociations à Genève. Depuis, nous avons établi un plan de travail et les besoins en matière de communication de l'information entre les pays, afin de poursuivre les négociations sur l'agriculture cette année et l'an prochain. Les discussions se poursuivent pour savoir si oui ou non la négociation sera élargie à l'OMC et au-delà de l'ordre du jour déjà prévu sur l'agriculture et quelques autres articles.
Nous continuons de travailler avec notre industrie. Nous continuons de rencontrer les Groupes de consultation sectorielle sur le commerce extérieur (GCSCE), comme nous l'avons fait la semaine dernière, pour orienter la négociation sur l'agriculture. Nous n'allons pas permettre que l'absence de décisions à Seattle empêche la poursuite des négociations sur l'agriculture.
Le sénateur Fairbairn: Des témoins ont fait des commentaires à diverses reprises indiquant que quelle que soit la conclusion à laquelle on en arrivera, cela prendra de nombreuses années encore, ce qui est assez juste. Cependant, je pense qu'il est important de savoir que le Canada prend tous les moyens possibles pour que les discussions se poursuivent sans se préoccuper d'élections nationales ailleurs ou d'autres difficultés au sein de l'OMC. Le secteur de l'agriculture s'en est bien tiré à Seattle.
Le président: J'aimerais poser une question sur les aliments génétiquement modifiés. Le comité s'est rendu en Europe et l'une des premières questions qu'on nous a posées concernait le canola génétiquement modifié. On nous a sérieusement prévenus qu'on n'allait pas acheter de canola canadien. En tant que producteur de canola, j'ai vu le prix de cette denrée baisser pour passer de neuf, dix dollars, à cinq dollars à peu près. Et le Japon rouspète également.
Est-ce que le ministère s'est penché sur cette question et sur l'attitude du consommateur au sujet d'un problème très grave auquel fait face l'agriculture actuellement?
M. Hedley: La seule chose que je puisse dire, c'est que nous continuons d'examiner soigneusement la question. Nous essayons toujours de convaincre les Européens d'accepter le canola génétiquement modifié, surtout la France. Nous continuons d'explorer les marchés pour notre canola génétiquement modifié en Asie. Nous continuons d'examiner les besoins et les exigences des consommateurs canadiens et de l'étranger. Je ne crois pas pouvoir en dire plus pour le moment.
Le président: La Commission canadienne du blé a examiné la situation, s'est penchée sur les variétés de blé, mais ne semble pas avoir pris de décision. Elle examine la situation. Je crois que c'est un grave problème pour nos agriculteurs parce que si le consommateur n'achète pas le produit, ce n'est pas la peine de le fabriquer. Par contre, c'est très bien de voir ces beaux champs de canola sans une seule brindille de mauvaise herbe, et tous les agriculteurs y voient là un avantage énorme.
Le problème, c'est le contrôle à l'autre bout de la ligne. Est-ce que vous perdez contrôle de votre ferme aux mains d'une grande entreprise multinationale? Je dirais qu'en tant qu'agriculteur, et d'après ce que nous entendons au comité, nous devons surveiller ce problème de très près.
M. Hedley: C'est ce que nous faisons.
Le président: Une dernière question. Êtes-vous vraiment convaincu que les changements que vous avez apportés au programme ACRA de 1999 favoriseront plus les agriculteurs que le programme de 1998? Parce que franchement, ça n'a pas fonctionné.
M. Hedley: Nous avons amélioré considérablement le programme ACRA pour permettre notamment qu'un plus grand nombre d'agriculteurs y soient admissibles, particulièrement nous avons modifié l'évaluation de l'inventaire. Nous avons inclus des marges négatives pour l'année 1999 afin de nous assurer que les agriculteurs les plus durement touchés soient indemnisés. Comme je ne connais pas votre définition du terme «juste», j'hésite à dire que cela serait juste aux yeux de tout le monde. Nous croyons que le volet fédéral du programme sera administré de façon équitable pour tous les agriculteurs du Canada.
Le président: Il semble que ceux qui ont été le plus durement touchés n'ont pas reçu l'argent, dans bien des cas. C'est ce que nous avons constaté chez les agriculteurs. Ceux qui n'avaient pas une moyenne élevée n'ont pas reçu d'argent. C'est malheureux. Croyez-vous que les choses ont changé avec le programme de 1999?
M. Hedley: La seule chose que nous avons faite pour aider les gens dans cette situation, c'est d'accepter non seulement les trois années précédentes comme période de référence moyenne, mais également la moyenne olympique. La moyenne olympique retient trois des cinq dernières années excluant la plus rémunératrice et la moins payante.
Je vous renvoie à nouveau au paragraphe 7 de l'annexe à l'entente agricole de l'OMC. Il y est clairement précisé que la période de référence doit être l'alternative suivante -- soit les trois années précédentes, soit trois des cinq années précédentes en excluant la plus rentable et la moins rentable. Cela donnera aux agriculteurs une plus grande souplesse pour présenter leur demande et obtenir les paiements dans le cadre du programme.
Le président: Mais encore, l'agriculteur qui a eu cinq mauvaises années ne reçoit pas d'aide.
M. Hedley: Non, sénateur, il n'en recevrait pas.
Le président: Je remercie les fonctionnaires et le ministre d'être venus comparaître devant notre comité. Nous comprenons que les temps sont difficiles pour les agriculteurs et nous vous souhaitons le meilleur des succès pour veiller aux intérêts de notre pays.
M. Hedley: Merci.
La séance est levée.