Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 17 - Témoignages du 21 juin 2000
OTTAWA, le mercredi 21 juin 2000
Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel on a renvoyé le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999, se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Aujourd'hui, nous nous réunissons pour étudier le projet de loi C-25. Nos premiers témoins sont des représentants de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada. Je crois que M. Colby a comparu récemment devant nous. De fait, tous ces témoins ont déjà comparu. Vous avez la parole.
M. Everett Colby, Colby & Associates and North American Forensic Accountants, Association des comptables généraux accrédités du Canada: Monsieur le président, je suis un expert breveté en matière de fraude et comptable général accrédité. Je pratique la comptabilité ordinaire et la comptabilité judiciaire à Toronto. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Mark Boudreau et de Mme Dawn McGeachy. Je tiens à vous remercier de nous avoir permis de comparaître devant le comité aujourd'hui.
Avant de vous faire part de nos préoccupations, permettez-moi de vous présenter dans la perspective voulue les activités et les intérêts de CGA-Canada. L'Association des comptables généraux accrédités du Canada est un organisme professionnel éminemment respecté au Canada et c'est un organisme autoréglementé. Nous assurons la formation, l'accréditation et le perfectionnement professionnel de plus de 60 000 comptables généraux accrédités et étudiants dans l'ensemble du pays. Beaucoup de nos membres offrent des services comptables et fiscaux aux particuliers et aux entreprises de toutes tailles, notamment aux petites et moyennes entreprises. D'autres ont des responsabilités financières, administratives ou décisionnelles au sein de gouvernements, d'établissements financiers et d'organismes caritatifs.
CGA-Canada veille à ce que ses membres se conforment à des normes professionnelles et déontologiques très élevées. Comme vous le savez, nous prenons régulièrement la parole devant des comités parlementaires pour servir les intérêts du public en donnant notre avis sur des questions économiques et commerciales qui préoccupent nos membres et nous faisons profiter les décideurs de notre expertise quand cela convient.
Nos commentaires d'aujourd'hui concernent uniquement les dispositions du projet de loi C-25 relatives aux amendes administratives. Ces nouvelles amendes s'appliqueraient à une personne qui, sciemment, ou dans des circonstances qui équivalent à une conduite coupable, a participé d'une façon quelconque à un énoncé faux ou à une omission. Mais d'abord je voudrais préciser que nos membres approuvent les efforts que le gouvernement déploie pour éradiquer la fraude et l'évasion fiscales. Les experts en fiscalité qui savent pertinemment que l'information fournie par un contribuable est trompeuse doivent assumer les conséquences de leur comportement. Ce qui nous préoccupe toutefois, c'est la façon dont le processus est appliqué et administré ainsi que l'incidence qu'il pourrait avoir sur une personne dont l'intention n'était pas de participer à une déclaration trompeuse.
Dans l'exercice de sa profession, un expert-comptable, comme un CGA, se trouve souvent en présence d'une déclaration erronée commise par un client. Les CGA assurent également la production des déclarations fiscales dans les délais prévus, tout en donnant à leurs clients des conseils conformes à l'éthique quant à la façon de produire ces déclarations. Toutefois, les pratiques professionnelles généralement reconnues n'exigent pas qu'ils vérifient si l'information obtenue d'un client dans le cadre d'une mission de fiscalité est correcte et complète.
Au Canada, les conseillers fiscaux peuvent déjà faire l'objet de poursuites au criminel si, sciemment, ils aident leurs clients à faire des énoncés faux ou trompeurs dans les documents destinés à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, ou s'ils les conseillent dans ce sens. Il est donc logique de se demander pourquoi le gouvernement juge inappropriées les sanctions visant actuellement la prestation de conseils fautifs. Nous nous demandons aussi pourquoi une personne qui peut se voir imposer une nouvelle amende administrative peut quand même faire l'objet d'accusations au criminel pour le même acte. Ces amendes viennent s'ajouter aux mesures disciplinaires imposées par l'organisme professionnel.
Nous reconnaissons que les fonctionnaires ont remplacé l'expression «faute lourde» par l'expression «conduite coupable» et que le critère de la conduite coupable est plus raisonnable, mais ce changement suscite de nouvelles préoccupations. Le terme «indifférence», qui figure dans la définition de l'expression «conduite coupable», est trop vague et mériterait qu'on le définisse afin d'éviter toute subjectivité dans son interprétation. Si des professionnels peuvent être accusés d'indifférence, ils devraient au moins savoir ce que ce terme signifie dans le contexte législatif.
Le comité permanent des Finances de la Chambre des communes a, par ailleurs, apporté des modifications fixant un plafond de 100 000 $ pour la pénalité et excluant les employés d'une société. Certes, nous apprécions ces modifications, mais nous pensons que le plafond de la pénalité, qui est fixé à 100 000 $, est excessif. Il est bien plus élevé que celui qui est appliqué dans d'autres pays, notamment la Grande-Bretagne, l'Australie et les États-Unis.
Les représentants du ministère ont précisé que l'intention des dispositions à l'étude est de régler les cas extrêmes où il y a déclaration fiscale fallacieuse. Bien que les CGA approuvent cet objectif, ils sont d'avis qu'il faudrait protéger le droit du contribuable d'obtenir des avis indépendants dans le but de réduire légalement ses impôts au minimum et craignent que l'application de la mesure ne puisse mener à des abus, au détriment des relations professionnelles. Nous craignons donc que la peur des pénalités actuellement à l'étude ne rende difficiles les relations professionnelles qui lient le client et son expert-comptable, ce dernier étant contraint de soumettre le premier à un interrogatoire en règle pour s'assurer de l'exactitude de l'information qu'il en a reçue. Autrement dit, nous craignons que les experts-comptables ne deviennent, en réalité, les «hommes de main» du fisc.
Cela a des incidences importantes. Si les experts-comptables étaient contraints, de par les règlements, d'examiner et de vérifier toute l'information qui leur est fournie et toutes les déclarations qui leur sont faites, c'est-à-dire d'exercer un surcroît de diligence, avant de compiler l'information financière, le coût du surplus de travail que cela impliquerait serait, pour nos clients -- vos contribuables -- absolument prohibitif. La plupart des Canadiens devraient ainsi payer beaucoup plus cher pour la préparation de leur déclaration de revenus.
Nos membres nous disent régulièrement que les risques de pénalités qu'implique le présent projet de loi pourraient dissuader beaucoup d'experts en fiscalité de continuer à offrir ce type de services à leurs clients. Ces derniers seraient alors contraints de préparer eux-mêmes leur déclaration fiscale, souvent fort complexe, ou de faire davantage appel à des préparateurs non professionnels, parfois dénués de scrupules. Il en résulterait un nombre accru de déclarations de revenus erronées, ce qui provoquerait, pour les gouvernements, une escalade des coûts du traitement de l'impôt et une réduction des recettes fiscales.
Nous sommes au courant des déclarations qu'a faites, sur la question, le ministre du Revenu national, M. Martin Cauchon, en septembre 1999. Selon le ministre, une pénalité ne serait imposée à un fiscaliste qu'au terme d'un examen effectué par le comité de surveillance du bureau principal. D'après la proposition envisagée, ce comité serait constitué de personnes venant du ministère de la Justice, du ministère des Finances, et de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Pour l'instant, il n'est pas prévu que le comité consulte des experts de l'extérieur de la fonction publique avant de porter une accusation. Avec tout le respect que nous vous devons, nous aimerions suggérer que ce comité compte également un représentant de chacun des organismes professionnels de comptables canadiens, ainsi qu'un représentant du milieu juridique. À notre avis, la présence de ces représentants contribuerait à créer un équilibre précieux au sein du comité et le ferait bénéficier d'une perspective plus large ainsi que de leurs connaissances et de leur expérience.
Nous demandons donc que la constitution du comité de surveillance soit enchâssée dans la loi et que l'on modifie l'article 163.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu et l'article 285.1 de la Loi sur la taxe d'accise pour les formuler ainsi:
Le ministre établit un comité de surveillance composé, en parts égales:
a) de représentants du ministère de la Justice, de l'Agence des douanes et du revenu du Canada et du ministère des Finances;
b) de représentants choisis par les organismes nationaux de professionnels de la comptabilité et du droit, notamment l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, l'Institut canadien des comptables agréés, CMA Canada et l'Association du Barreau canadien.
Une pénalité ne peut être imposée en vertu des paragraphes (2) et (4) du présent article que si le comité de surveillance a examiné toutes les circonstances ayant donné lieu à l'imposition de ladite pénalité et a déterminé que les dispositions visant cette pénalité s'appliquent.
Nous craignons fort que sans cette représentation au sein du comité de surveillance, les conseillers fiscaux et d'autres à qui l'on pourrait imposer de telles pénalités n'aient aucune véritable protection juridique contre un comportement qui pourrait être inapproprié de la part d'employés de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Il existe toujours le risque qu'un vérificateur trop zélé du fisc utilise l'article 163 comme instrument de négociation au moment de l'établissement de la nouvelle cotisation d'un client. Il est déjà arrivé qu'un vérificateur essaie de convaincre le fiscaliste d'accepter la nouvelle cotisation sans que ce dernier puisse s'y opposer ou avoir recours à un appel, et le menacer d'amendes administratives s'il la réfute, ce qui n'est nullement l'intention ou l'objectif de cet article. À l'heure actuelle, il n'existe aucune disposition prévoyant une «police des polices» pour empêcher que des abus se produisent.
Nous voudrions aussi voir incluse dans le projet de loi une disposition de recours afin de protéger ceux qui ont réussi à prouver au tribunal qu'on leur avait imposé une amende administrative injustifiée. Le simple fait d'accuser quelqu'un de conduite coupable ou de négligence donnera lieu à des frais juridiques considérables et à des pertes de temps en discussions et en procès, sans compter la débâcle professionnelle que pourra subir l'expert-comptable, et ce, que l'accusation soit fondée ou non. C'est parce que, une fois la cotisation émise, le seul recours pour le professionnel est d'interjeter appel, ce qui entraîne des procédures publiques. Étant donné que les pénalités nuiront à la réputation de ce professionnel, ce dernier devrait pouvoir profiter de toutes les occasions possibles de laver sa réputation avant d'être forcé de se défendre dans une tribune publique.
Nous devrions peut-être penser à la façon dont un professionnel pourra recouvrer tous les frais engagés en raison des procédures judiciaires ou recevoir une indemnisation monétaire pour les dommages subis, s'il arrive à prouver son innocence au tribunal. Il faudrait prévoir la possibilité de faire payer aux employés trop zélés les frais et les pénalités imposés, afin de les décourager d'entreprendre des poursuites injustifiées.
Le projet de loi ne prévoit aucune protection juridique contre des abus qui pourraient être commis par des employés de l'agence. Appliquera-t-on cette mesure à des cas relativement mineurs? En dépit du fait qu'on nous assure que là n'est pas l'intention visée, de tels pouvoirs existent nettement dans cette mesure législative. Qui sait comment évoluera la politique? Il faut remédier à cette lacune.
Un autre aspect de la législation qui nous préoccupe est la formulation du paragraphe 163.2(10). Il ne faudrait pas y faire référence à un pourcentage fixé par règlement; il faudrait plutôt stipuler un pourcentage précis. C'est au législateur de déterminer en quoi consiste une conduite inappropriée passible de pénalités. Si le ministère des Finances et l'Agence des douanes et du revenu du Canada craignent qu'une évaluation ne s'écarte de normes acceptables, c'est à eux de définir les normes et d'être prêts à justifier leur décision.
Enfin, permettez-moi de vous rappeler qu'au Canada le système fiscal est basé sur l'observation volontaire. Ce système fonctionne bien. Revenu Canada a démontré dans son rapport de 1997, intitulé «Observation: de la vision à la stratégie», que l'observation volontaire était passée de 85 p. 100 en 1985 à 97 p. 100 en 1995. De fait, une étude de l'observation effectuée par Revenu Canada en 1994 à Toronto et à Ottawa montrait que seulement 40 spécialistes en déclaration et moins de 12 000 contribuables avaient été identifiés comme ayant fait des énoncés faux dans leur déclaration. Cela représente moins de 1 p. 100 des déclarations de revenus remplies dans ces deux villes, qui comptent un pourcentage assez élevé de la population dans cette province seulement. N'y a-t-il pas lieu de penser qu'on exagère un peu dans les moyens proposés dans cette mesure?
L'application de ces dispositions ne risque-t-elle pas de nuire à la façon positive dont les Canadiens voient leurs rapports avec le gouvernement? Cela sert-il l'intérêt public? En d'autres termes, nos concitoyens seront-ils mieux servis si les contribuables évitent de confier leur planification ou déclaration fiscale à un spécialiste pour la simple raison qu'ils ne peuvent pas en assumer le coût? Au fil des ans, des liens d'étroite collaboration se sont également établis entre le fisc et les spécialistes en finances du secteur privé. Nous espérons que cette nouvelle mesure n'altérera pas ces rapports.
CGA Canada convient que les personnes qui, sciemment, participent à la préparation de déclarations fiscales frauduleuses doivent être pénalisées. Mais nous pensons qu'il convient d'apporter des améliorations au texte de loi à l'étude avant de l'adopter. Les CGA sont du reste prêts à travailler avec la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada pour faire en sorte que la mise en oeuvre de cette mesure législative et l'élaboration des lignes directrices régissant l'administration des peines prévues n'empêchent pas les conseillers, tels les avocats et les comptables, de s'acquitter de leur devoir professionnel, qui consiste à agir dans le meilleur intérêt de leurs clients, tout en respectant la loi et les normes de conduite professionnelle.
Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne le pourcentage fixé par règlement, à quel pourcentage pensez-vous? Vous dites qu'il devrait être fixé ou mentionné dans l'alinéa 163.2(10). Quel pourcentage devrait-on fixer, selon vous?
M. Colby: Comme je ne suis pas évaluateur d'entreprise, je dirais qu'il faudrait consulter les spécialistes dans ce domaine, afin de déterminer le mieux possible le pourcentage approprié. Nous disons simplement qu'il faudrait mentionner un pourcentage précis afin que les gens connaissent les limites qu'ils doivent respecter.
Le sénateur Tkachuk: Pouvez-vous me donner un exemple de cas où un comptable général accrédité pourrait être trouvé coupable civilement et juridiquement? Essentiellement, vous dites qu'il y a déjà des peines prévues au criminel pour ceux qui conseillent à leurs clients de frauder l'impôt.
M. Colby: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Au cours de vos réunions avec des représentants du ministère des Finances, pourquoi ont-ils dit qu'il était nécessaire de prévoir aussi des amendes administratives pour des infractions déjà passibles de peines au criminel? Est-ce exactement la même chose, ou s'agit-il de cas où le crime est moins grave?
M. Colby: Ce n'est pas seulement avec des représentants du ministère des Finances que j'ai eu des conversations, mais aussi avec d'autres personnes que j'ai rencontrées et qui y travaillent. C'est une procédure qui coûte moins cher et qui est plus facile à poursuivre. Cela se fait comme un simple avis de cotisation. Lorsque vous avez envoyé votre déclaration de revenus, on vous fait parvenir un avis de cotisation. Cela se fera de la même façon.
Dans le cas de poursuites au criminel, il faut recueillir les éléments de preuve et bâtir tout un dossier juridique pour porter des accusations. Il faut alors réunir tous les renseignements nécessaires. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit simplement de percevoir une cotisation. C'est donc plus facile et probablement plus rentable pour le gouvernement, puisqu'on n'a pas à se préoccuper de réunir tous les renseignements qui seraient nécessaires afin de pouvoir porter une telle accusation contre quelqu'un.
Le sénateur Tkachuk: Comment les choses se passeront-elles pour le client? À l'heure actuelle, je signe un formulaire d'impôt déclarant que ce que je dis est vrai et je l'envoie. Ensuite, le ministère du Revenu prend l'argent que j'envoie, s'il est d'accord, ou me fait parvenir un nouvel avis de cotisation s'il n'est pas d'accord. Je suis tenu responsable. Si j'ai une entreprise et que le comptable prépare ma déclaration de revenus ainsi que mes états financiers annuels, je signe un document disant qu'il a préparé cet état financier ainsi que cette déclaration de revenus à partir des informations que je lui ai données, et c'est fini. N'est-ce pas?
Comment contournerez-vous ce léger problème? Je ne comprends pas. On dit que vous serez coupable même si vous affirmez que ce sont tous les renseignements qu'on vous a donnés.
M. Colby: La loi prévoit un argument de défense selon lequel on se fie à la bonne foi du client. C'est habituellement l'énoncé qu'on voit à la fin d'une déclaration de revenus préparée par un professionnel. En outre, le professionnel qui a préparé une déclaration de revenus inscrit son nom au verso, mais il ne signe rien. Personnellement, je ne suis pas préoccupé par la possibilité qu'on revienne contre moi parce que quelqu'un a oublié d'ajouter un renseignement figurant sur un feuillet T4 ou T5.
Cette disposition concerne plus que la simple préparation de déclarations de revenus. Dans ma pratique, je donne des conseils fiscaux. Vous savez certainement que les dispositions législatives ne donnent pas toutes lieu à une interprétation absolument catégorique; il y a parfois des zones grises et il n'y a pas toujours de précédents juridiques. Si je choisis une interprétation à partir de laquelle je donne un conseil à un client, qui se fie à ce conseil, et si par la suite l'Agence des douanes et du revenu du Canada n'est pas du même avis que moi, il ne s'agira plus d'une simple divergence de vues. On pourra m'imposer ces amendes parce que, en vertu de la disposition dans laquelle on utilise le mot «indifférence», on pourra dire que j'ai fait preuve d'indifférence en ne m'assurant pas que la loi était respectée ou non.
Je peux vous donner un exemple plus simple du cas réel d'un spécialiste en déclaration qui avait le même client depuis cinq ans dans le nord de l'Ontario. Chaque année, ce client recevait de son entreprise un feuillet T4 qui incluait généralement un avantage imposable pour sa voiture. Mais une certaine année, 1998, l'entreprise a commis l'erreur de ne pas inclure ce montant sur le feuillet T4. Le vérificateur a alors dit au comptable professionnel: «Vous êtes chanceux que ces dispositions ne figurent pas encore dans la loi, car je vous aurais imposé cette amende, parce que vous auriez dû savoir que cet avantage imposable aurait dû figurer sur le feuillet, et, peu importe que ce soit l'entreprise qui ait commis l'erreur de ne pas l'inclure, vous auriez dû le savoir. Par conséquent, vous êtes responsable.» Cet homme avait fait payer des honoraires à son client pour préparer la déclaration de revenus, mais cette personne faisait face à une peine minimale de 1 000 $, en dépit du montant demandé comme honoraires.
La notion de conduite a été évoquée à différents séminaires qui se sont tenus après cette proposition. Évidemment, tous les organismes professionnels se sont mobilisés. Un appareil est censé enregistrer le kilométrage effectué. Je ne vous donne pas de conseils, mais je serais étonné que chacun d'entre nous tienne un registre détaillé, et non pas quelques notes indiquant le kilométrage parcouru dans l'agenda personnel. En théorie, d'après ce que propose la loi, si je permets à un client de déclarer des frais d'automobile sans avoir vérifié l'existence de l'appareil d'enregistrement, je m'expose à une pénalité. C'est même un exemple qu'on a donné à l'un des séminaires.
Le sénateur Tkachuk: Comment savoir où est la vérité? Le client vous dit: «Voilà le kilométrage que j'ai parcouru.» Vous dites: «Je ne peux pas l'inscrire.» Comment trancher? On doit faire confiance à son client, mais on n'est pas responsable de ce qu'il dit.
M. Colby: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Pensez-vous qu'on se retrouve dans une impasse parce que le comptable va dire: «Excusez-moi...»?
M. Colby: C'est fort possible. C'est ce que j'ai signalé à propos des contribuables qui ne peuvent pas se permettre de confier leurs déclarations de revenus à un professionnel. Comme dans toute entreprise en coparticipation, il y a un risque. Si je m'expose à une pénalité de 1 000 $, est-ce que je vais facturer 30 $ pour couvrir ce risque? Je vais vraisemblablement augmenter mes honoraires parce que j'aurai du travail supplémentaire à faire pour vérifier cette information. Le contribuable risque de trouver la facture trop élevée pour un travail qu'il me demande de faire à sa place.
Le sénateur Tkachuk: C'est presque une vérification.
M. Colby: Pour vous parler franchement, sénateur, j'ai l'impression de devenir un vérificateur de Revenu Canada, mais un vérificateur non rémunéré et non syndiqué.
En tant que professionnels, nous avons notre propre code de déontologie que nous tenons en grande estime. Nous sommes déjà assujettis à des sanctions par nos organismes professionnels lorsque nous commettons des fautes, notamment à propos de déclarations trompeuses, et cetera. Je suis prêt à affirmer que la grande majorité des spécialistes en déclarations de revenus ne font pas de fausses déclarations. Ils peuvent faire des erreurs de bonne foi, évidemment, mais l'étude a bien montré la réalité. Nous atteignons un taux de conformité de 97 p. 100. On a trouvé, entre Toronto et Ottawa, 40 professionnels qui ont présenté de fausses déclarations. Pourquoi éprouve-t-on soudain le besoin de proposer cette mesure législative, qui était censée s'en prendre aux promoteurs d'abris fiscaux? Sa formulation est si vague qu'elle vise tout le monde. Il faudrait en rétrécir la portée et ne l'appliquer qu'à ceux à qui elle est censée s'appliquer.
En ce qui concerne la fraude, les déclarations trompeuses et l'évasion fiscale, leurs auteurs devraient être punis sans délai. Il y a déjà des dispositions législatives à cet effet.
Le sénateur Poulin: Monsieur Colby, comme vous le savez sans doute, j'ai parrainé ce projet de loi. J'ai été heureuse de vous entendre dire dans votre déclaration d'ouverture que vous approuviez ce projet de loi dans ses objectifs. Pourtant, je vois que certains points vous préoccupent. Je comprends ce qui vous inquiète. Votre exemple est intéressant, encore qu'à mon avis il ne relève pas de l'esprit de ce projet de loi.
Vous avez dit dans votre exposé que d'après certains fonctionnaires ces dispositions visent des situations extrêmes de déclarations fiscales frauduleuses. C'est bien ce que je crois. Pensez-vous que vos craintes pourraient être apaisées par un règlement? Comme nous le savons, l'intention du projet de loi va se concrétiser dans des règlements.
M. Colby: C'est notamment pour cela que nous voulons qu'on mette en place un comité de surveillance. Douanes et Revenu Canada devient une agence indépendante. Vous avez un pouvoir de contrôle sur la loi qui habilite cette agence, mais non pas sur les règlements, qui seront pris par l'agence. Ces employés ont intérêt à utiliser ce pouvoir à leur avantage. Du point de vue du Parlement, vous n'aurez aucun contrôle sur la réglementation, et c'est pourquoi nous estimons qu'il faudrait insérer dans la loi une disposition concernant ce comité de surveillance, qui garantirait à tout le moins un certain équilibre et une certaine objectivité.
Le sénateur Wiebe: De quel intérêt parlez-vous?
M. Colby: Revenu Canada est là pour percevoir un maximum de recettes fiscales. On a toujours estimé que le contribuable a le droit d'organiser légalement ses affaires de façon à payer le moins d'impôt possible. Ce sont donc deux attitudes antagonistes. Généralement, on trouve un terrain d'entente. Dans les limites de la loi, le contribuable s'efforce de ne payer que le minimum d'impôt. Dans les mêmes limites, les autorités fiscales perçoivent des recettes. Je redoute que les vérificateurs et les employés de Douanes et Revenu Canada n'outrepassent les pouvoirs qui leur sont conférés, et qui répondent à une intention précise. D'après la formulation du projet de loi, je ne pense pas qu'à long terme ils se borneront à n'exercer que les pouvoirs que vous pensez leur conférer en proposant ce projet de loi. Une mesure législative qui vise à lutter contre la fraude et l'évasion fiscale ne nous pose aucun problème. C'est au contraire une bonne chose. Cependant, je crains que ce projet de loi, tel qu'il est formulé, n'accorde à l'agence des pouvoirs excessifs et incontrôlés.
Le sénateur Hervieux-Payette: Pourriez-vous nous donner le numéro de l'article qui précise que les règlements ne seront pas soumis au contrôle de notre comité parlementaire? Ce que vous dites est peut-être vrai, mais dans ce cas cela devrait figurer en toutes lettres dans le projet de loi. Je n'ai pas en mémoire toutes les dispositions qu'il contient. Comment pouvez-vous dire que les règlements de l'agence échapperont à notre contrôle?
M. Colby: Je me trompe peut-être, mais j'ai cru comprendre que, comme Revenu Canada devient une agence indépendante dotée d'un conseil d'administration...
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est une question de sémantique. Il faudrait que ce soit précisé dans le projet de loi. Comme le ministre conserve certains pouvoirs, la nouvelle agence n'est pas totalement indépendante. Il arrive que des sociétés qui ont des activités commerciales ne soumettent pas leurs règlements au comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Il s'agit d'une agence de perception qui reste très proche du gouvernement. Elle n'est pas indépendante.
Je voudrais m'assurer que nous avons tous la bonne information. Je suppose que nous serons habilités à examiner les règlements. Dans la négative, monsieur le président, il faudra revendiquer le pouvoir de les examiner.
Le président: Tous les membres du comité sont d'accord pour dire que nous n'approuvons pas les mesures dont les dispositions sont en partie d'ordre législatif et en partie d'ordre réglementaire. Nous n'acceptons pas cela. Il existe un comité parlementaire qui examine la réglementation. Qui en est le président?
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est moi, monsieur le président.
Le président: Nous pensons que le comité n'est pas suffisant, car les gens qui étudient les règlements n'ont pas nécessairement étudié le projet de loi. Évidemment, ils le consultent, mais ils ne l'étudient pas comme nous le faisons. Nous demandons maintenant au ministre responsable de présenter une fois par an à ce comité les règlements promulgués en cours d'année. Nous ne les étudierons pas nécessairement en séance, mais notre personnel les étudiera pour vérifier s'ils sont conformes à la loi.
Le sénateur Kroft: Monsieur le président, vous venez de mentionner une chose dont j'aimerais être parfaitement sûr. Vous dites qu'il faudrait régler ce problème immédiatement parce que c'est pour nous la dernière occasion de le faire. Par la suite, les règlements relèveront d'une autorité qui n'est pas responsable devant le Parlement. Si tel est le cas, j'estime que la question est très grave. Avant d'aller plus loin dans cette discussion, je pense que tous les membres du comité aimeraient savoir à quoi s'en tenir. Je crois que c'est également ce qu'a dit ma collègue, le sénateur Hervieux-Payette. Je suis certain que nous sommes unanimes pour trouver ce concept totalement inacceptable.
Si par hasard vous vous trompez et que nous ayons toujours la possibilité d'examiner les règlements, et même de perfectionner notre contrôle, vos craintes s'en trouveront-elles apaisées? Vous semblez insister sur l'urgence de la situation, car ce serait actuellement notre dernière chance pour régler ce problème.
Le président: Il ne peut pas en être ainsi. Je considère que le gouvernement a donné la perception des impôts en sous-traitance. Mais d'un point de vue technique, c'est toujours le ministre qui fixe les politiques et détermine la loi applicable. N'est-ce pas?
Le sénateur Tkachuk: Voilà un problème. Je suis intervenu sur le projet de loi portant création de l'agence. Je ne sais pas ce qu'il en est des règlements, mais le ministre a pratiquement perdu le contrôle des activités quotidiennes de l'agence. C'est un conseil d'administration qui les gère. Le ministre ne peut que s'enquérir des problèmes. Il ne peut pas les régler.
Nous nous inquiétons depuis un certain temps de la création de ces agences et de ces organismes privatisés qui appartiennent au gouvernement et qui échappent à la responsabilité ministérielle. On est fondé de craindre que cette agence ne se tienne désormais à distance du ministre. Il sera difficile de rattraper la situation après coup.
Le président: Je parlais l'autre jour au ministre. Il m'affirme que son autorité reste absolue.
Le sénateur Tkachuk: Je lui souhaite bonne chance.
M. Mark Boudreau, vice-président, Relations publiques et gouvernementales, Association des comptables généraux accrédités du Canada: Sénateur, je pense que mon collègue voulait dire que les règlements ne seront pas renvoyés au Parlement pour examen. Rien n'indique que le ministère doive faire examiner les règlements par ce comité ou par un autre.
Le sénateur Kroft: À moins que nous ne l'exigions.
Le président: Il existe déjà un comité qui examine la réglementation. Même si nous n'avons pas à intervenir, les règlements seront soumis à un comité parlementaire. Mais nous voulons faire un pas de plus.
M. Boudreau: Ce que nous disons, c'est que ce comité de surveillance, composé de fonctionnaires et de représentants des professions juridique et comptable, serait en mesure d'apaiser les craintes et d'éviter que la situation n'échappe à tout contrôle, en ce sens que nous voulons véritablement nous en prendre, comme vous l'avez dit, sénateur, aux cas de fraude massive. Nous avons entendu parler de vérificateurs qui menaçaient nos membres pour des peccadilles.
Le président: Il arrive que des fonctionnaires passent les bornes.
M. Boudreau: Ce sont des cas qui nous inquiètent. Si le comité de surveillance n'est pas défini dans la loi, il risque de disparaître un jour. Et, en définitive, tout le monde sera à la merci du vérificateur.
Notre pays profite d'une merveilleuse coopération entre les contribuables et le ministère. Il ne faut pas y renoncer, et c'est pourtant le risque que nous courons.
Si on se retrouve à la merci des vérificateurs dans les régions, ils risquent fort d'exercer leur pouvoir à des fins autres que celles prévues par le législateur. Voilà ce que nous craignons.
M. Colby: Permettez-moi d'ajouter que l'Agence des douanes et du revenu du Canada ressemble à un corps de police, comme toutes les autres autorités fiscales. C'est la police du revenu. La plupart des autres organismes chargés de l'application de la loi qui sont investis de pouvoirs semblables à ceux de l'agence ont des commissions distinctes formées de représentants des citoyens qui sont chargées de veiller à ce que l'organisme ne commette pas d'abus de pouvoir.
On nous a dit que la mise en place de ce comité de surveillance était prévue, mais sa constitution et la durée de son mandat sont à la discrétion exclusive de l'agence. Nous demandons que ce comité soit défini dans la loi, de façon qu'il jouisse d'une certaine permanence, et que les représentants des organismes professionnels -- on peut miser sur une attitude très positive de leur part -- soient consultés avant qu'une pénalité soit imposée. Si les pénalités ne visent que les situations extrêmes, leur contrôle ne constituera pas un fardeau écrasant pour ce comité.
Le sénateur Poulin: Monsieur le président, comme nous allons entendre le témoignage de M. Roy Cullen, qui est secrétaire parlementaire du ministre des Finances, nous pourrons peut-être lui poser la question des règlements.
Le président: Pas peut-être, mais absolument. Vous avez parrainé le projet de loi; vous lui poserez la question.
Le sénateur Poulin: Je crois que nous sommes en train de confondre les règlements et les lignes directrices. Nous pourrons tirer l'affaire au clair.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous ne confondons rien du tout. C'est lui qui l'a dit. Je voulais savoir si c'était vrai. Il s'agit d'une modification d'une loi existante. Je ne vois pas pourquoi il faudrait modifier tout le régime, étant donné que les règlements ont toujours été pris en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et ont toujours fait l'objet d'un examen du Parlement. Si nous voulons être précis, que faut-il demander? Que nous l'examinions ou non, le contrôle est important.
M. Colby: Je n'ai peut-être pas utilisé le bon terme quand j'ai parlé d'un règlement, mais c'est quand même un problème, et j'espère que vous allez le résoudre. On nous a dit que ce comité de surveillance serait mis en place. Mais tout dépendra du bon vouloir du ministère. Il peut le constituer, le maintenir pendant deux ans, puis s'en débarrasser. Apparemment, personne ne peut rien y faire.
Nous exigeons une certaine objectivité, car la loi risque de faire l'objet d'abus. Nous espérons qu'il n'y aura pas d'abus. Tout le monde sera satisfait s'il n'y en a pas. Cependant, le risque existe, et ce comité serait une solution très simple pour l'éviter.
Le président: Presque toutes les lois peuvent donner lieu à des abus. En particulier lorsqu'il s'agit de percevoir des impôts, il semble y avoir un antagonisme fondamental entre le gouvernement et le contribuable. Nous devons essayer d'éviter cet antagonisme, sans pour autant empêcher l'administration fiscale de faire son travail.
Le sénateur Kelleher: Si j'ai bien compris, votre organisme et l'Institut canadien des comptables agréés s'inquiètent du montant des pénalités auxquelles vos membres s'exposent.
M. Colby: Je ne peux pas parler au nom de l'Institut canadien des comptables agréés, qui doit intervenir après nous. Cependant, d'après ce que j'ai lu et d'après ce qu'il a déjà dit, je crois qu'il est tout à fait d'accord avec nous. Les pénalités monétaires semblent tout à fait hors de proportion avec les avantages qu'a pu percevoir celui auquel elles sont appliquées.
Le sénateur Kelleher: Vous craignez aussi que ces pénalités ne soient beaucoup plus élevées que celles qui s'appliquent, par exemple, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie, n'est-ce pas?
M. Colby: Les pénalités canadiennes sont plus lourdes. D'après le projet de loi, nos pénalités, qui peuvent atteindre 100 000 $, seraient beaucoup plus élevées qu'à l'étranger. Au Royaume-Uni, par exemple, la pénalité maximale est d'environ 3 000 livres, ce qui donne, selon le taux de change, de 6 500 $ à 7 000 $ canadiens. En Australie, le maximum est de 3 000 $ australiens, ce qui correspond à peu près à 2 900 $ canadiens. Aux États-Unis, le maximum est de 1 000 $, alors que chez nous, c'est le minimum.
Le sénateur Kelleher: Avez-vous porté cette disparité qui vous inquiète à l'attention du ministère? Dans l'affirmative, comment l'a-t-on justifiée?
M. Colby: Nous en avons parlé à la séance du comité de la Chambre des communes, et d'autres organismes professionnels en ont parlé également. C'est à la suite de cette séance qu'un amendement a fixé le maximum à 100 000 $. Avant cela, il n'y avait pas de maximum.
Le sénateur Kelleher: Il est maintenant de 100 000 $.
M. Colby: La pénalité a été plafonnée à ce niveau, mais nous estimons qu'elle est beaucoup trop élevée.
Le sénateur Kelleher: Est-ce que le ministère a justifié ce montant?
M. Colby: Non, pas à ma connaissance. Du moins, il ne nous a rien dit.
Le président: Merci d'avoir été des nôtres. Je vous souhaite bonne chance.
Le groupe de témoins suivant représente l'Institut canadien des comptables agréés. Vous avez la parole.
M. Roger Ashton, membre, comité sur la fiscalité de l'ICCA, Institut canadien des comptables agréés: Au nom de l'Institut canadien des comptables agréés, j'aimerais vous remercier de nous permettre de vous exposer notre position sur le projet de loi C-25. Je suis membre du comité sur la fiscalité de l'ICCA. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Simon Chester, conseiller juridique de l'ICCA.
J'aimerais d'abord vous dire quelques mots au sujet de notre association. L'ICCA, de concert avec les instituts provinciaux et territoriaux des comptables agréés, compte parmi ses membres plus de 65 000 comptables professionnels. Nos membres travaillent dans des cabinets de comptables agréés de toutes tailles, dans l'industrie et au gouvernement. Certains d'entre eux exercent aussi la profession à titre individuel. Nos membres sont actifs dans tous les secteurs de la profession: à titre d'exemple, ils agissent comme vérificateurs, comptables fiscalistes, évaluateurs commerciaux, fiscalistes-conseils, consultants en gestion et planificateurs stratégiques.
Je vous entretiendrai surtout aujourd'hui des dispositions du projet de loi C-25 qui prévoient des pénalités administratives qui s'appliqueraient aux tierces parties comme les comptables agréés qui transmettraient une information trompeuse sur les questions fiscales. Ces dispositions ont d'abord été proposées par le gouvernement dans le budget fédéral de 1999. Dès le départ, elles ont suscité une vive réaction de la part des membres de notre profession. Alarmés par la portée de ces propositions, nous nous sommes empressés de faire part de nos préoccupations aux représentants du ministère des Finances.
Nous avons fait valoir d'entrée de jeu que nous ne pensions pas qu'il était nécessaire de prévoir des pénalités administratives dont pourraient faire l'objet les spécialistes des déclarations de revenus ou les fiscalistes-conseils. Bien que nous soyons favorables à l'imposition de pénalités aux fiscalistes-conseils qui participent délibérément à des activités frauduleuses, à l'exception du domaine des abris fiscaux aucune preuve n'indique que ces dispositions soient nécessaires. Nous continuons de craindre quels pourraient être les résultats potentiels de ces dispositions, et notamment qu'elles ne se traduisent par une augmentation des coûts pour l'ensemble des Canadiens et n'exposent nos membres à des risques inutiles, étant donné qu'elles reposent sur des critères subjectifs comme l'indifférence.
Malgré les préoccupations sérieuses que nous lui avons exposées, nous nous sommes rendus à l'évidence que le gouvernement, s'appuyant sur les conclusions du comité Mintz et du vérificateur général, entendait prévoir des pénalités administratives dans la loi qui s'appliqueraient dans d'autres domaines que celui des abris fiscaux. Nous savions cependant que ces dispositions inquiétaient de plus en plus les membres de notre profession. Après les avoir examinées, notre conseiller juridique a jugé qu'elles étaient vagues et mal rédigées. Nous nous interrogeons beaucoup sur la pertinence d'une pénalité qui repose sur le concept de «l'information qu'on aurait dû connaître» ou celui de la négligence flagrante. Pour que ce concept ait un sens, il aurait fallu exiger que les spécialistes en déclarations de revenus et les fiscalistes-conseils se conforment tous aux mêmes normes, ce qui aurait constitué une entreprise monumentale. Lorsque le critère pour établir la responsabilité d'une personne est la négligence, la question qu'on doit trancher n'est pas de savoir si cette personne comptait enfreindre la loi, mais si elle a fait preuve de diligence raisonnable. On aurait cependant ainsi placé les comptables dans une situation de conflit d'intérêts, puisqu'ils auraient eu un devoir de diligence raisonnable non pas envers leurs clients ou leur profession, mais envers Revenu Canada. Nous avons dit clairement que nous n'accepterions pas que l'Agence des douanes et du revenu du Canada s'attende à ce que ce soit nous, et non pas elle, qui appliquions la loi. À notre avis, cette proposition va trop loin et vise en fait presque toutes les activités légitimes des fiscalistes. Nous avons demandé que ces propositions soient modifiées de manière à ce que les pénalités ne s'appliquent que dans les cas où des fiscalistes-conseils auraient délibérément enfreint la loi.
Étant donné que le gouvernement tenait à prévoir des pénalités administratives dans la loi, nous avons décidé de réclamer des modifications à ces dispositions pour faire en sorte qu'elles soient aussi précises que possible. Nous avons mis l'accent sur la façon dont les dispositions devraient cibler certains actes délibérés pour lesquels il serait possible de prouver une intention coupable. La Cour suprême du Canada a en effet noté qu'il existait une différence fondamentale entre des actes posés délibérément et la négligence. Nous voulions que les propositions en tiennent compte.
À l'issue de ces discussions, le critère de la négligence flagrante a été remplacé par le critère de la conduite coupable. Bien que ce critère ne nous satisfasse pas complètement, nous pensons qu'il permettra de faire en sorte que les pénalités ne s'appliquent qu'aux actes coupables commis délibérément, et non pas au non-respect accidentel d'une norme professionnelle.
Nous avons aussi travaillé d'arrache-pied à obtenir que nos membres puissent invoquer la bonne foi, puisqu'il importe que les spécialistes des questions fiscales puissent se fier à l'information qui leur est fournie par leurs clients. Nous ne vérifions pas cette information et on ne peut pas s'attendre à ce que nous le faisons, compte tenu de la complexité de cette tâche. La règle de la bonne foi s'applique maintenant à toutes les activités qui ne sont pas exclues, c'est-à-dire aux activités liées aux abris fiscaux. La règle confirme que le contribuable est tenu de fournir de l'information financière véridique.
Enfin, nous avons travaillé d'arrache-pied à obtenir la mise sur pied d'un comité d'examen. Nous ne sommes pas prêts à accepter que des pénalités puissent être imposées ou envisagées par des vérificateurs locaux. À cet égard, nous notons que le gouvernement a annoncé qu'aucune pénalité ne serait imposée sans d'abord avoir fait l'objet d'un examen par un comité central. Nous serions beaucoup plus rassurés si l'existence de ce comité était reconnue dans la loi elle-même.
Nous pensons aussi qu'il est impossible de prévoir une loi qui, à elle seule, répondra aux préoccupations des contribuables, des fiscalistes et du gouvernement. Nous sommes reconnaissants aux fonctionnaires du ministère des Finances d'avoir modifié les propositions initiales à l'issue des discussions que nous avons eues avec eux, mais tout revient à la façon dont la loi sera interprétée et mise en oeuvre. Le moment est maintenant venu de porter notre attention sur la façon de faire pour que les pénalités ne s'appliquent que dans les cas où elles sont vraiment justifiées. L'imposition de pénalités administratives est une question cruciale, et nous voulons en savoir davantage sur les directives en matière de mise en oeuvre de la loi et sur le rôle du comité d'examen central, qui revêtent une très grande importance pour le bon fonctionnement de ce système.
Le gouvernement s'est engagé à consulter les membres de notre profession sur l'élaboration de ces lignes directrices. Nous espérons que ces consultations débuteront bientôt. Nous nous efforcerons d'obtenir que ces lignes directrices soient aussi précises que possible. Les attentes du gouvernement doivent être clairement exprimées, et nous consulterons nos instituts provinciaux sur toute ébauche de lignes directrices. Nous avons également pressé le gouvernement de mener des consultations dans l'ensemble du pays sur l'élaboration de ces lignes directrices. Les membres de notre profession qui viennent de l'Ouest ont une position plus catégorique que celle que je vous exprime aujourd'hui au sujet de cette question.
La question de la communication revêt beaucoup d'importance en ce qui touche ces lignes directrices. Elles doivent être rendues publiques pour que tous sachent comment les pénalités administratives seront appliquées. Il importe que ces lignes directrices soient élaborées et publiées avant la mise en oeuvre de la loi. Nous avons demandé au gouvernement de veiller à ce que la publication des lignes directrices finales précèdent la mise en oeuvre des dispositions portant sur les pénalités administratives.
Comme je l'ai mentionné, nous tenons aussi beaucoup à connaître le mode de fonctionnement et la composition du comité d'examen central. Nous souhaitons que ce comité se compose de hauts fonctionnaires expérimentés en fonction à Ottawa. Étant donné l'importance de ce comité, nous aimerions savoir comment il fonctionnera et nous voulons être consultés sur sa création et ses règles de fonctionnement. Nous réclamerons également que ce comité compte des représentants non gouvernementaux. Nous estimons qu'il importe que le comité compte des représentants non gouvernementaux pour que ses membres soient en mesure de comprendre tous les aspects d'une question. Bien qu'il convienne d'assurer la confidentialité de l'information en matière fiscale, ce genre d'approche est largement utilisée dans d'autres secteurs fiscaux.
Nous continuons d'avoir des préoccupations au sujet de l'importance des pénalités administratives qui seront imposées même si un amendement apporté au projet de loi C-25 plafonne la pénalité pouvant être imposée à un spécialiste des déclarations. Le plafond de 100 000 $, auquel s'ajoutent les versements bruts, n'a aucun rapport avec les honoraires demandés pour les services professionnels rendus. La pénalité imposée aux contribuables en vertu du nouvel article 163.2, pénalité qui leur est imposée s'ils cherchent à se soustraire à l'impôt, est fonction de leur gain possible, c'est-à-dire de l'impôt économisé. Or, le gain du spécialiste fiscal ne sera jamais supérieur à ses honoraires professionnels. Le plafond fixé est tellement élevé, et a si peu de rapport avec les honoraires demandés, qu'il ne répond pas à nos préoccupations. Nous demandons que les pénalités prévues soient moins élevées, puisqu'il n'y a pas de rapport entre le gain possible pour le spécialiste fiscal et les pénalités dont il peut faire l'objet.
Pour ce qui est des pénalités prévues en vertu du paragraphe (4), nous estimons qu'elles devraient être plafonnées à 5 000 $. Il s'agirait d'une pénalité importante, puisqu'il en coûte moins de 1 000 $ à la majorité des contribuables pour faire préparer leurs déclarations de revenus par un comptable. Cette pénalité se comparerait à ce qu'elle est en Grande-Bretagne, en Australie et aux États-Unis, comme vous l'a dit un témoin précédent. Nous ne pensons pas que la conduite des fiscalistes-conseils laisse tellement à désirer par rapport à celle de leurs collègues étrangers qu'il soit nécessaire de prévoir à leur endroit des sanctions plus sévères.
On nous a dit que le gouvernement ne s'attendait pas à ce que plus d'une dizaine de comptables par année fassent l'objet de ces pénalités. Malgré cette assurance, les membres de notre profession craignent vraiment que ce ne soit pas le cas. Si elles sont mal appliquées, les pénalités pourraient amener les membres de notre profession à changer la façon dont ils offrent leurs services, ce qui pourrait se traduire par une augmentation des coûts de nos clients, c'est-à-dire de l'ensemble des Canadiens.
Ces nouvelles pénalités administratives doivent être utilisées prudemment et de façon judicieuse. Le gouvernement a dit qu'il ne comptait appliquer ces pénalités que dans les cas les plus graves. Si ce ne devait pas être le cas et si on se servait de ces pénalités comme d'une menace, nous ferons clairement connaître notre mécontentement. Nous ne pensons pas qu'il soit dans l'intérêt de qui que ce soit d'exiger que notre profession adopte de nouvelles procédures coûteuses qui auraient une incidence sur nos activités ainsi que sur celles de nos clients quand le gouvernement a déjà dit que les cas où des pénalités administratives seraient imposées seraient très rares.
Le sénateur Tkachuk: Permettez-moi de vous poser la question que j'ai posée au groupe de témoins précédent. Le particulier ou l'administrateur d'une société qui soumet une déclaration de revenus est tenu responsable pour son contenu. C'est lui qui y a apposé sa signature. Si la déclaration comporte des erreurs, on s'adresse à la personne qui y a apposé sa signature. Que se passe-t-il lorsqu'on vous demande votre avis sur une déduction et que vous dites à cet égard que la loi n'est pas claire? Recommandez-vous à votre client de voir ce que Revenu Canada en pensera, ce qui me paraîtrait un conseil légitime?
M. Ashton: Il nous arrive fréquemment de nous retrouver dans la situation que vous décrivez. Il arrive souvent que la loi n'est pas très précise en ce qui touche une dépense ou une transaction donnée. Pour que nous permettions une déduction ou que nous permettions qu'un revenu ne soit pas inclus dans le calcul du revenu total, nous devons avoir des raisons raisonnables de croire que la loi peut être interprétée de cette façon. Ce n'est que dans ce cas que notre code de conduite nous permet d'agir de la sorte. Nous indiquerons à notre client que la loi n'est pas claire à ce sujet et nous lui laissons le choix de décider s'il veut ou non adopter une position prudente ou tenter sa chance. Nous nous conformons à sa décision, puisqu'il s'agit de la déclaration du client et que c'est lui qui appose sa signature. Nous préparons la déclaration de la façon dont il nous demande de le faire, pourvu que nous sachions qu'il ne nous donne pas de renseignements trompeurs et pourvu que nous ayons des raisons raisonnables de lui recommander une certaine façon de procéder.
Le sénateur Furey: Si l'indifférence n'était pas comprise dans la définition de conduite coupable, cela réglerait-il le problème? Si oui, comment définiriez-vous l'indifférence?
M. Ashton: Il s'agit d'un critère très vague et très mal défini. Nous n'essayerions pas de le définir. Dans la lettre que nous avons fait parvenir au président en prévision de notre comparution, nous avons recommandé de supprimer cette notion du projet de loi. Les critères de l'insouciance téméraire et de la mens rea suffisent pour permettre à l'Agence des douanes et du revenu du Canada et au ministère des Finances d'atteindre leurs objectifs. Nous proposons d'éliminer le critère de l'indifférence au lieu d'essayer de le définir.
Le président: La mens rea est l'intention criminelle.
M. Ashton: Étant simple comptable, je ne devrais peut-être pas utiliser des termes juridiques en la présence d'avocats, mais cela signifie une intention coupable.
Le président: Cela signifie une intention criminelle.
Le sénateur Furey: Vous préféreriez que ce critère soit supprimé au lieu d'essayer de le définir.
M. Ashton: Oui. C'est ce que nous recommandons.
M. Simon Chester, conseiller juridique, Institut canadien des comptables agréés: Nous sommes d'avis que les mots associés à la conduite coupable signifient qu'une personne est sûre ou presque sûre que l'information fournie est trompeuse, alors que le mot «indifférence» appartient à une catégorie différente. Ce qui peut être considéré comme étant de l'indifférence peut varier selon les circonstances. Dans l'exemple qu'a donné le sénateur Tkachuk, je dirais que le fiscaliste-conseil a fait preuve d'indifférence parce qu'il n'a pas donné le bénéfice du doute à l'Agence des douanes et du revenu du Canada dans l'interprétation d'une position ambiguë. Dans ce cas, il vaut mieux éliminer ce critère, parce qu'il ne cadre pas avec les autres.
Le président: La stupidité n'est pas un crime.
M. Chester: Pas encore.
Le sénateur Wiebe: Dans un cas comme celui que vous donnez, le comptable ne pourrait-il pas demander par écrit l'interprétation du ministère avant de donner un conseil à son client?
M. Ashton: Il peut le faire. On peut obtenir une interprétation technique du ministère en ce qui touche l'application d'une disposition donnée de la loi. La position du ministère tend à favoriser la Couronne. Il faut cependant attendre plusieurs semaines, sinon plusieurs mois, avant d'obtenir une réponse par écrit. Nous ne pouvons pas attendre vraiment aussi longtemps lorsqu'un client vient nous voir et nous demande de préparer sa déclaration de revenus quatre ou cinq semaines seulement avant la date limite pour l'envoi de celle-ci.
Lorsque nous donnons un conseil à un client, nous étudions évidemment les décisions qui ont déjà été rendues par l'Agence des douanes et du revenu du Canada ainsi que par les tribunaux. Malgré cela, il arrive souvent qu'une question ne soit pas claire.
Le sénateur Wiebe: Vous avez dit que le plafond de 100 000 $ est trop élevé, mais les pénalités qui seront imposées ne seront pas toutes nécessairement de 100 000 $. La pénalité sera fonction de la gravité de l'infraction commise. Un comptable pourrait fournir des conseils en faisant preuve de toute la diligence voulue et commettre tout de même une erreur parce qu'il ne saurait pas quelle serait la décision rendue au sujet d'un point litigieux. Cela n'aura-t-il pas une influence sur l'importance de la pénalité imposée? S'il avait commis une erreur, la pénalité ne serait pas nécessairement de 100 000 $. Elle pourrait être simplement de 1 000 $. On semble craindre que la pénalité ne soit dans tous les cas de 100 000 $ et que vous devrez nécessairement transmettre une partie de cette pénalité à vos clients.
M. Chester: Le problème qui se pose, c'est que le plafond n'est pas établi par un juge qui évalue la gravité de l'infraction. Le paragraphe 50(1) du projet de loi est assez complexe, mais la disposition pertinente est le paragraphe 5 du nouvel article 163.2 proposé qui a été amendé par le comité permanent des finances de la Chambre des communes. Cette disposition énonce que la pénalité correspond au montant le moins élevé des montants suivants: la pénalité du contribuable et la somme de 100 000 $ et de la rétribution brute du contribuable.
Dans les cas où le contribuable essaie peut-être d'économiser plus de 100 000 $, cela signifie que la pénalité correspondra nécessairement au montant correspondant au montant le moins élevé des montants suivants: la somme que devrait verser le contribuable et 100 000 $ et la rétribution brute du contribuable. Si la somme à verser par le contribuable est plus élevée, la pénalité de 100 000 $ s'appliquera automatiquement. Comme c'est le montant le moins élevé qui s'applique, si le contribuable devait verser en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, ce qui représente 50 p. 100 de la somme due, une somme inférieure à 100 000 $, il s'ensuivrait logiquement que la pénalité serait inférieure.
La pénalité dans ce cas-ci n'est pas appliquée comme s'il s'agissait d'une pénalité criminelle, en tenant compte des circonstances entourant le cas, mais elle est appliquée comme une pénalité administrative. Le fiscaliste-conseil recevra une évaluation qui sera calculée de façon mathématique. La formule est prévue dans la loi. Le fait de prévoir un plafond de 100 000 $, compte tenu des honoraires professionnels habituellement demandés pour préparer une déclaration de revenus, nous semble exagéré. Cette somme est exagérée. Cette somme est exagérée, compte tenu également de la pénalité prévue dans des cas semblables dans d'autres pays.
Le sénateur Wiebe: Ce genre de cas serait-il couvert par l'assurance-responsabilités professionnelle?
M. Ashton: Cette question a été examinée, et nos assureurs nous ont dit que non. Quelqu'un qui a eu une conduite coupable a normalement fait quelque chose qui va au-delà de ses responsabilités normales, et il ne s'agit donc pas d'une erreur ou d'une omission qui est couverte par une assurance. Il y a peut-être des cas où ce n'est pas tout à fait sûr, mais nous partons de l'hypothèse que la conduite coupable ne pourrait pas être assurée comme les erreurs et les omissions. N'est-ce pas votre avis, monsieur Chester?
M. Chester: Oui.
Le président: Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association canadienne d'études fiscales. Je vous prie de bien vouloir commencer.
M. Robin J. MacKnight, directeur, Association canadienne d'études fiscales: Monsieur le président. je suis accompagné aujourd'hui de M. Brian Carr. Il est l'un des nouveaux administrateurs de notre association. L'Association canadienne d'études fiscales représente tous les fiscalistes du pays, qu'ils soient comptables, comptables agréés, comptables généraux licenciés, comptables en management accrédités, avocats, économistes, universitaires ou fonctionnaires gouvernementaux.
Pour faire exception à la règle cet après-midi, tant M. Carr que moi-même sommes des avocats fiscalistes. Nous exerçons tous les deux le droit depuis plus de 20 ans. Nous abordons donc la question sous un angle un peu différent.
L'Association canadienne d'études fiscales n'est pas un groupe de lobbying. Il s'agit d'une organisation de recherche dans le domaine de la politique fiscale et publique qui est impartiale et financée par ses membres. Notre objectif est de créer et de mettre en oeuvre le meilleur régime fiscal possible au Canada: un régime juste, transparent, efficace et stable. Nous sommes convaincus de la nécessité de maintenir l'intégrité du régime fiscal canadien. Nous sommes d'avis que les dispositions prévoyant des pénalités administratives ne répondent à aucun de ces objectifs. Nous sommes donc d'avis qu'elles compromettent l'intégrité du régime fiscal.
Permettez-moi de vous donner quatre exemples. Premièrement, ces propositions créent un délit de type criminel en prétextant créer des pénalités administratives sans pourtant protéger l'accusé, le fiscaliste-conseil, contre l'auto-incrimination. Ce n'est pas juste. Deuxièmement, ces propositions mettent les fiscalistes-conseils et leurs clients en situation de conflit d'intérêts, ce qui ne peut qu'accroître le fardeau d'observation de la loi et les coûts. Cela n'est pas efficace. Troisièmement, ces pénalités pourraient s'appliquer dans des cas où il n'y a pas eu abus du régime fiscal ou dans des cas où l'on n'y a pas porté préjudice. Cela va à l'encontre de l'objectif de la stabilité. Quatrièmement, ces propositions créent une infraction de type criminel sans l'accord du Parlement: il s'agit des règles sur l'évaluation dont on a parlé plus tôt. Cela va à l'encontre de l'objectif de la transparence.
Nous sommes d'accord avec les vues qui vous ont été exposées par d'autres témoins cet après-midi. Nous avons remis au greffier un exemplaire du mémoire que nous avons envoyé au ministre. En fait, tous les points que nous soulevons dans ce mémoire ont déjà été abordés. Au lieu de vous répéter ce que vous avez déjà entendu, nous insisterons sur quatre points et nous répondrons ensuite volontiers à vos questions. Comme je l'ai fait remarquer, M. Carr et moi-même abordons ces questions sous un angle quelque peu différent, et nous pourrons peut-être vous faire part chacun de notre point de vue.
Voici nos quatre recommandations: premièrement, prévoir dans la loi la création d'un comité d'examen. Chacun des témoins que vous avez entendus a d'ailleurs fait la même recommandation. Deuxièmement, supprimer le paragraphe sur l'indifférence qui figure dans la définition de conduite coupable. C'est ce que vient de réclamer M. Ashton. Troisièmement, faire en sorte que la pénalité ne s'applique que lorsque les conseils fiscaux donnés ont donné lieu à un abus du régime fiscal. Enfin, empêcher la délégation du pouvoir de définir ce que constitue une évaluation frauduleuse. Si vous comptez créer une infraction criminelle, seul le Parlement peut le faire, et non pas les fonctionnaires par voie réglementaire. Cette question doit être débattue à la Chambre des communes.
L'Association canadienne d'études fiscales travaille depuis 55 ans en coopération avec le ministère des Finances et Revenu Canada, qui est maintenant devenu l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Nous nous ferons un plaisir de poursuivre cette coopération en participant à la conception et au fonctionnement du comité d'examen et en prenant toute autre mesure que nous pourrons pour nous assurer que notre système fiscal est équitable, transparent, efficace et sûr.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous dites que vous préféreriez que la définition soit prévue par la loi plutôt que par le règlement. Pouvez-vous m'indiquer où elle se trouve dans la loi?
M. MacKnight: Il s'agit du paragraphe (10), je crois, concernant le pourcentage prescrit de l'évaluation.
Le sénateur Hervieux-Payette: Si vous voulez bien me laisser un instant, pendant que j'essaie de trouver l'article en question.
M. MacKnight: Cela est prévu au paragraphe 163.2(10).
Le sénateur Hervieux-Payette: Pouvez-vous m'indiquer la page du projet de loi?
M. MacKnight: J'utilise une version différente de la vôtre. J'utilise le rapport spécial de la CCH. Cela se trouve à la page 207.
Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai la version du projet de loi adopté par la Chambre des communes.
M. MacKnight: Si cela peut vous être utile, cela se trouve à l'article 70 du projet de loi.
Le sénateur Tkachuk: Que voulez-vous savoir, sénateur?
Le sénateur Hervieux-Payette: La définition qu'il aimerait voir dans le projet de loi. Vous dites qu'il s'agit de l'article 70 du projet de loi concernant le nouvel article proposé 285.1?
M. MacKnight: L'article 70 du projet de loi. Le pourcentage prescrit s'applique aux alinéas a) et b) du paragraphe (10). Il traite de l'énoncé de la valeur. Nous estimons que si le gouvernement craint que les évaluations ne soient excessivement élevées ou indûment faibles, il devrait indiquer le pourcentage, parce que si on s'écarte de l'évaluation, cela donnera lieu à des sanctions quasi criminelles. La seule instance autorisée à créer des infractions quasi criminelles, c'est le Parlement.
Le sénateur Hervieux-Payette: En principe, je suis d'accord avec vous. Je veux savoir comment cela est appliqué ici. Quoi qu'il en soit, l'article serait nul, et nous devrions le corriger par la suite. C'est pourquoi je veux avoir certains éclaircissements.
Pour l'information de mes collègues, dans notre projet de loi cet article se trouve à la page 103.
Qui habituellement évalue le bien ou le service? Je veux savoir comment cela s'applique en réalité. S'il s'agit d'une oeuvre d'art, vous allez consulter des gens spécialisés qui disent: «Cette peinture vaut 100 000 $.»
M. MacKnight: Vous consultez des experts. En fonction du bien dont il s'agit, vous pourriez consulter n'importe qui. S'il s'agissait d'une oeuvre d'art, vous pourriez consulter deux ou trois marchands d'oeuvres d'art et vous pourriez leur demander leur opinion et faire la moyenne des trois. S'il s'agissait d'immobilier, vous pourriez consulter un agent immobilier ou un évaluateur de biens immobiliers. S'il s'agissait d'un commerce, vous consulteriez un expert en évaluation d'entreprises. Selon les fonds dont vous disposez pour procéder à l'évaluation, vous pourriez consulter différents spécialistes.
Le sénateur Hervieux-Payette: Quel est le rôle du comptable en ce qui concerne la «valeur attribuée»? Est-ce que le client dit: «Voici mon évaluation de la valeur attribuée»? Quelle question le comptable pose-t-il au client? Lui demande-t-il le certificat ou l'évaluation de l'expert faite sur papier par des personnes compétentes pour la faire? Quelle est la façon normale de procéder?
M. MacKnight: Cela varierait. J'ignore s'il existe une façon normale de procéder, parce que les situations où cette disposition pourrait s'appliquer sont très nombreuses. Cela ne se limite pas aux comptables. Cela ne se limite pas aux experts en évaluation d'entreprises. N'importe qui pourrait fournir une opinion.
Laissez-moi vous donner un exemple simple. À l'âge de 55 ans, le propriétaire d'une petite entreprise veut prendre sa retraite et procéder à un gel successoral. Dans le cadre du gel successoral, nous devrions déterminer la valeur de l'entreprise de manière à pouvoir établir la taille appropriée des parts qui feraient l'objet du gel et émettre de nouvelles parts aux membres de la famille et aux employés. Nous consulterions normalement un expert en évaluation d'entreprises et lui demanderions de déterminer la valeur de cette entreprise. Si nous agissions au nom d'une grande entreprise, cela ne poserait pas de problème, puisqu'il y aurait des fonds disponibles à cette fin. Si nous représentions la quincaillerie du coin à Brampton, elle n'aurait peut-être pas les fonds nécessaires pour retenir les services d'un expert en évaluation d'entreprises; donc elle consulterait peut-être plutôt son comptable local, qui pourrait être un comptable agréé, un comptable général licencié, un comptable en management accrédité, ou il pourrait tout simplement s'agir de quelqu'un qui s'est occupé traditionnellement de la tenue de ses livres. Elle pourrait consulter un agent immobilier, parce que certains agents immobiliers croient pouvoir évaluer des entreprises. Le propriétaire de la petite entreprise déterminerait une valeur qu'il nous indiquerait. Nous préparerions alors les documents juridiques nécessaires pour procéder au gel successoral.
Pourquoi Revenu Canada devrait-il se soucier de cela? Si nous avions indiqué que la valeur de l'entreprise n'était que de 60 000 $ alors qu'en fait elle était de 150 000 $, et si nous émettions des actions ordinaires aux enfants, nous nous trouverions à conférer un avantage économique aux enfants. Cela devrait être reflété dans le système fiscal. Ce n'est pas une ligne de conduite appropriée.
Si nous faisions affaire avec une banque qui procédait à la forclusion d'un immeuble, nous pourrions sous-évaluer la valeur de l'immeuble pour une raison particulière, parce que nous avions des pertes fiscales.
Cela dépendrait d'une variété infinie de circonstances présentes au moment des évaluations. C'est pourquoi il n'existe pas de circonstance normale et de personnel normal qui pourrait faire l'évaluation.
Si on craint que les évaluations ne soient beaucoup faussées, à la hausse ou à la baisse, qu'on choisisse un chiffre et que les spécialistes s'en accommodent. Mais il ne faut pas que ce chiffre soit variable sans qu'on tienne un débat ouvert. Il ne faut pas permettre à certaines personnes -- des employés anonymes du ministère -- de recommander un règlement susceptible de modifier soudainement ce chiffre sans que la Chambre des communes en débatte, car nous avons affaire ici à des dispositions législatives quasi criminelles.
Le sénateur Furey: Si vous dites que l'on peut améliorer cet article en établissant un chiffre, comment pouvez-vous dire que c'est anticonstitutionnel parce que c'est quasi criminel? C'est soit constitutionnel, soit anticonstitutionnel.
M. MacKnight: Je n'ai pas dit que c'était constitutionnel ou anticonstitutionnel. Ce que je suis en train de dire, c'est que si vous devez créer des dispositions législatives quasi criminelles, l'instance appropriée pour les définir, c'est la Chambre des communes.
Le sénateur Furey: Vous ne pouvez pas y remédier en établissant simplement le pourcentage dans cet article, n'est-ce pas?
M. MacKnight: Oui, vous le pouvez. En vertu du paragraphe (10), si vous vous écartez de la fourchette prévue, que la valeur attribuée soit inférieure ou supérieure, selon les circonstances, on présume qu'il s'agit de votre part d'une conduite coupable. Si vous vous écartez de la fourchette prévue, cela crée la conduite coupable qui donne lieu aux pénalités.
Le sénateur Hervieux-Payette: Auriez-vous une proposition plus précise à nous faire? Avez-vous des amendements à nous proposer? Je comprends que vous n'êtes pas satisfaits du libellé. Vous dites qu'il est trop général et peut donner lieu à beaucoup d'abus. Comment seriez-vous plus précis? Avez-vous des recommandations à formuler au comité?
M. MacKnight: J'ai une opinion personnelle, mais l'instance appropriée avec qui communiquer serait l'Institut canadien des experts en évaluation d'entreprises.
Je considère qu'il ne faut pas que la fourchette soit trop étroite, parce que l'évaluation est un art. Vous pouvez avoir deux personnes qui examinent le même bien et qui ont des opinions radicalement différentes. Vous voulez avoir une fourchette assez large, peut-être 25 p. 100, plus ou moins.
Le sénateur Oliver: Quelles étaient vos attentes en comparaissant devant ce comité aujourd'hui à l'égard de ce texte de loi? En êtes-vous satisfaits? Dans la négative, êtes-vous ici pour proposer un amendement? Qu'êtes-vous en train de dire?
M. MacKnight: Non et oui. Non, nous ne sommes pas satisfaits de ce projet de loi. Oui, nous avons des amendements à proposer. Celui-ci en serait un.
Vous avez également entendu le témoignage d'autres organisations à propos des trois autres amendements, afin d'inscrire le comité d'examen dans le projet de loi. M. Colby a proposé un libellé à cet égard. Parmi les organismes professionnels, j'ajouterais simplement l'Association canadienne d'études fiscales.
Le sénateur Oliver: Lorsque vous avez comparu devant la Chambre des communes, avez-vous formulé les mêmes propositions? La lettre que vous nous avez envoyée était adressée à l'honorable Paul Martin en février de cette année, et maintenant nous sommes en juin. Qu'est-il arrivé à cette lettre?
M. MacKnight: Nous avons reçu une réponse de l'Agence des douanes et du revenu du Canada qui nous a indiqué qu'elle n'était absolument pas intéressée par notre proposition concernant la constitution d'un comité d'examen indépendant. Malheureusement, nous n'avons pas pu comparaître devant le comité de la Chambre des communes parce que nous avions d'autres engagements dans l'Ouest du Canada. C'est donc la première fois que nous avons publiquement l'occasion d'exprimer notre point de vue sur ce projet de loi.
Le sénateur Oliver: Vous savez que la Chambre des communes a ajourné pour l'été et que les travaux du Sénat tirent à leur fin?
M. MacKnight: Oui.
Le sénateur Oliver: Je veux simplement vous situer le contexte.
M. MacKnight: Je comprends.
Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas notre opinion. C'est plutôt une préoccupation de ce côté-là de la table. Il nous est tout à fait égal que cela attende jusqu'à l'automne, afin que vous sachiez sur qui rejeter la responsabilité.
M. MacKnight: Nous comprenons, mais nous sommes tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. Ashton. Nous avons entendu les garanties fournies par les représentants de l'Agence du revenu et nous allons surveiller la situation. Nous avons déjà entendu dire que les directives et les garanties émanant de l'Agence du revenu n'ont pas été respectées. Nous avons déjà entendu les vérificateurs sur le terrain dire que, si cette disposition avait été en vigueur, ils l'auraient appliquée. Nous allons suivre cette situation de près et si nous entendons des histoires d'horreur, l'Agence des douanes et du revenu du Canada en entendra parler.
M. Brian R. Carr, Association canadienne d'études fiscales: C'est l'un des aspects qui préoccupent le plus les avocats. Supposons qu'un de leurs clients fait l'objet d'une nouvelle évaluation et que le conseiller représente aussi le client lors de l'appel de l'impôt. Le vérificateur dit alors: «Eh bien, je pense que dans ce cas la conduite du conseiller est coupable». Immédiatement, il y a un conflit entre le conseiller et le client, de sorte que le conseiller ne peut plus intervenir. Le barreau craint réellement que l'agence s'en serve comme monnaie d'échange afin de pouvoir dire: «Si, effectivement, vous n'acceptez pas notre proposition de règlement, nous allons vous réévaluer, vous, le conseiller fiscal». C'est l'une des réelles préoccupations du Barreau.
Le sénateur Tkachuk: Ils le feront. Pourquoi pas? C'est leur travail.
M. Carr: Vous pouvez reconnaître la difficulté que cela représente pour les membres du Barreau.
M. MacKnight: L'autre préoccupation, c'est qu'une fois que cette menace est proférée, cela compromet la réputation du conseiller. Comme l'a signalé l'un des témoins précédents, une fois que cette menace est proférée, la réputation de ce professionnel a été compromise de façon irréparable.
Je trouve intéressant que l'on propose de rehausser les normes de conduite des fiscalistes, mais qu'on ne fasse aucune proposition comparable pour rehausser les normes de conduite ou l'obligation de rendre compte des représentants de l'Agence du revenu. Une telle obligation de rendre compte existe dans d'autres pays.
Le sénateur Oliver: Êtes-vous en train de parler des États-Unis?
M. MacKnight: Non, je parle de l'Irlande.
M. Carr: Ce qui nous préoccupe aussi, c'est que cette loi est quasi criminelle sans prévoir de protections criminelles. Si ces procédures étaient utilisées, l'agence émettrait simplement une évaluation contre un conseiller et entamerait des poursuites. Le conseiller devrait comparaître à un interrogatoire préalable où il devrait répondre à toutes les questions pertinentes concernant la question. Il ne serait pas en mesure de refuser de répondre aux questions, il ne serait pas en mesure de simplement se taire. S'il y avait ensuite procès, le conseiller devrait comparaître le premier et présenter tous les faits se rapportant au cas. Par contraste, dans une procédure criminelle, le conseiller ne ferait pas l'objet d'un interrogatoire préalable et ne serait pas obligé de divulguer des renseignements et n'aurait pas à témoigner devant les tribunaux.
Pour l'agence, il s'agit d'une procédure très simple: à savoir, utiliser une loi quasi criminelle pour poursuivre des conseillers lorsque ces conseillers ne bénéficient pas de la protection du droit criminel.
Le président: Vous avez dit qu'il n'existe pas d'obligation comparable de la part des percepteurs des impôts d'adhérer à certaines normes. Est-ce bien ce que vous avez dit?
M. MacKnight: C'est exact.
Le président: L'année dernière, le Congrès américain a discuté passionnément de cette question et cela ne semble rien avoir donné. À votre avis, comment devrait-on s'y prendre?
M. MacKnight: Je n'en suis pas sûr. Je pense que nous devrions examiner l'expérience dans d'autres pays. En fait, je vais faire un peu de réclame ici. Il s'agit d'un des grands sujets dont nous discuterons à notre conférence annuelle en septembre. Des membres du ministère des Finances et de l'Agence du revenu prendront la parole sur cette question.
Le président: Voulez-vous dire en rapport avec ce projet de loi ou avec ce problème en général?
M. MacKnight: Nous allons traiter d'un certain nombre de questions, mais cette disposition particulière concernant les amendes administratives fera l'objet de discussions approfondies.
Le président: Cela fait-il vraiment partie d'un problème plus général, à savoir la tendance de la part des percepteurs des impôts à harceler les contribuables?
M. MacKnight: Ce que j'ai entendu à ce sujet est anecdotique. J'ignore dans quelle mesure on peut y ajouter foi. Il y a bien entendu des histoires qui circulent parmi certains groupes; je ne sais pas comment les décrire. Le mouvement contre les impôts, par exemple, fait circuler des histoires à propos de harcèlement de la part des percepteurs des impôts. Je ne sais pas dans quelle mesure certaines de ces histoires sont crédibles, mais il y a probablement de bons exemples d'histoires d'horreur.
Le sénateur Oliver: En entendez-vous parler dans l'exercice de votre profession?
M. MacKnight: Oui, j'en fais l'expérience à l'occasion, mais heureusement très rarement. En cas de manquement flagrant de la part d'un responsable de l'Agence du revenu, il existe des procédures au sein de l'administration de l'Agence des douanes et du revenu du Canada pour déposer des plaintes et obtenir réparation, mais tout cela est très informel.
Le sénateur Tkachuk: J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on a besoin de ce texte de loi.
M. MacKnight: Nous aussi.
M. Carr: Nous sommes d'accord avec vous. C'est ce que nous faisons valoir depuis huit mois.
Le sénateur Tkachuk: Je voudrais obtenir des éclaircissements en prévision des arguments que je présenterai plus tard. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet. Que se passe-t-il si un client est mal conseillé par un comptable ou un avocat qui lui propose de contourner un règlement? Il pourrait dire: «Cela est contraire à la loi, mais nous allons quand même le faire». Ou peut-être que le client ne sait même pas que c'est contraire à la loi, mais le conseiller veut faire bonne impression auprès du client important. La fausse déclaration de revenu est donc produite. Que se passe-t-il alors? Tout d'abord, le client va en prison ou se voit infliger une lourde amende. Le client ne peut-il pas aussi poursuivre le conseiller pour les mauvais conseils qu'il lui a donnés?
M. MacKnight: Oui. Tout à fait.
Le sénateur Tkachuk: Le client peut obtenir réparation et rapporter le conseiller à l'association professionnelle. Le conseiller se verra peut-être retirer sa licence. Il y a tant de pénalités prévues pour ce genre d'agissements. On peut vous imposer une amende de 100 000 $.
M. Carr: Laissez-moi vous donner un exemple moins flagrant. La Cour suprême du Canada a récemment été saisie d'un cas de ce genre. La Cour canadienne de l'impôt avait donné raison au contribuable. La Division d'appel de la Cour fédérale a renversé cette décision et a accueilli l'appel du ministère. Supposons que nous nous arrêtions à cette étape-là. Les notes préparées par le ministère des Finances indiquent que si vous deviez donner à quelqu'un des conseils qui vont à l'encontre d'une décision prise dans une cause relative à l'impôt, vous seriez accusé de conduite coupable pour avoir fourni des conseils incompatibles avec une décision rendue par un tribunal. Si on s'arrêtait à cette étape-ci, si le ministère allait devant les tribunaux, il pourrait soutenir que votre conduite était coupable. La Cour suprême du Canada a donné raison au contribuable et de toute évidence la conduite du conseiller n'était pas coupable.
Il y a donc des distinctions très subtiles et parfois les décisions ne sont pas basées sur des conseils manifestement erronés. Les tribunaux ont indiqué que nous avons affaire à des zones grises. Pourtant, le ministère des Finances dirait, si vous deviez expliquer à un client que la position de l'agence, suite peut-être à une décision de la Cour canadienne de l'impôt, était incorrecte et serait rejetée par la Cour d'appel, le ministère dirait que vous n'aviez pas le droit de fournir ces conseils et que le fait d'agir ainsi équivaut à une conduite coupable.
M. MacKnight: Sans compter que l'Agence du revenu a déjà interprété et appliqué la Loi de l'impôt sur le revenu sans tenir compte des décisions des tribunaux.
M. Carr: Sur les 20 dernières causes qui sont allées en appel devant la Cour suprême du Canada, les contribuables en ont gagné 19 et l'Agence n'a donc pas toujours raison. En fait, elle a enregistré un taux de succès très faible devant la Cour suprême.
M. MacKnight: Dans d'autres pays, notamment les États-Unis, des pénalités sont prévues pour les conseils fiscaux qui dépassent la mesure -- disons qu'ils vont beaucoup trop loin -- mais sans parler de conduite coupable ou de fausse déclaration. On parle d'inexactitude et les peines ne sont pas très lourdes.
Le président: Ce n'est pas une simple question de sémantique?
M. MacKnight: Non, il y a une différence, car aux États-Unis, les dispositions à cet égard exigent que le conseiller ait effectué une analyse de la situation et se soit servi de son jugement professionnel pour déterminer qu'il pouvait raisonnablement formuler la déclaration d'une certaine façon. Lorsqu'il fait une déclaration contraire aux règles énoncées par l'IRS ou aux conclusions d'un jugement, il doit l'indiquer sur la déclaration de revenu. Une fois que c'est précisé sur la déclaration, sa responsabilité et celle de son client sont dégagées. On considère qu'il y a eu une divulgation pleine et entière aux autorités fiscales. Nous n'avons rien de comparable chez nous.
Il arrive souvent qu'une distinction soit faite entre plusieurs cas parce que les circonstances n'étaient pas les mêmes, surtout dans des domaines comme l'immobilier, les abris fiscaux ou l'espoir raisonnable de tirer un profit. Vous pourrez trouver un tas de cas qui auront été tranchés différemment. Notre rôle consiste à exercer notre jugement professionnel pour voir si, dans tels cas, l'interprétation des règles a de bonnes chances d'être faite en faveur de notre client. Étant donné que la ligne de démarcation est très floue, la notion de conduite coupable est problématique en ce sens que la zone grise étant très large, nous risquons de tomber en plein dedans la moitié du temps. Et nous craignons alors que nous soyons jugés fautifs.
Le sénateur Poulin: Monsieur MacKnight, vous représentez 8 000 professionnels qui préparent des déclarations de revenu, n'est-ce pas?
M. MacKnight: C'est exact.
Le sénateur Poulin: Lorsque j'ai étudié ce projet de loi, je n'ai pas eu l'impression qu'il se rapportait aux cas dont vous parlez. Vous mentionnez la terminologie américaine qui fait mention d'inexactitude alors que tout ce projet de loi s'applique aux cas extrêmes et qu'il s'agit alors de fixer des limites. La limite est située très haut, mais nous voulons nous attaquer aux cas extrêmes de façon à ce que la responsabilité soit partagée.
M. MacKnight: Mais partagée par qui?
Le sénateur Poulin: Par le professionnel et son client.
M. MacKnight: Je ne crois pas que c'est ce que fait cette loi. Je ne vois pas d'objection à ce que vous dites, mais je ne pense pas que ce soit le résultat de cette mesure. La loi est très générale et couvre de nombreuses circonstances où une erreur de jugement a pu être commise. Nous commettons tous ce genre d'erreur et nous ne devrions pas être pénalisés pour une simple erreur de jugement, commise en toute bonne foi.
Pour en revenir à ce qu'a dit le sénateur Tkachuk, si vous conseillez à quelqu'un de faire une fausse déclaration, vous devriez être passible de sanctions. Mais prenez la situation où un client va vous demander: «Devrais-je déduire cette dépense qui se rapporte à ma ferme d'agrément?» Les fermes d'agrément sont nombreuses -- c'est une zone très grise -- et nous pourrions porter un jugement qui tomberait en plein milieu de cette zone grise. C'est pour cela que les fiscalistes sont payés. Il n'y a toutefois pas eu d'intention coupable. Nous pourrions nous tromper. Un tribunal pourrait juger que nous étions dans le tort.
N'oublions pas que, dans le premier cas, c'est un vérificateur du revenu qui détermine si quelqu'un s'est rendu coupable d'une certaine conduite après quoi l'affaire va devant les tribunaux et devient alors publique. Il y a eu le cas récent de Mme Gernhart concernant l'accès à l'information où la Cour d'appel fédérale a annulé certaines dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu en affirmant que les litiges fiscaux étaient publics. Il est impossible de garder ces questions confidentielles. Vous ne pouvez pas cacher le fait que l'Agence du revenu a accusé un fiscaliste d'avoir enfreint délibérément les règles. Et si les tribunaux donnent finalement raison au fiscaliste, il n'a aucun recours. Il ne peut pas regagner la réputation qu'il a perdue. Il ne peut pas poursuivre l'Agence du revenu pour la perte de sa clientèle et de son gagne-pain.
Le sénateur Poulin: Par conséquent, vous vous inquiétez surtout de l'application de la loi et du processus?
M. MacKnight: Absolument. Comme les autres groupes qui nous ont précédés, nous nous résignons au fait que l'on s'oriente dans cette voie. Nous voulons simplement avoir notre mot à dire.
Le président: Très bien. Merci, messieurs.
Honorables sénateurs, nous recevons maintenant M. Roy Cullen, député et secrétaire parlementaire du ministre des Finances.
Allez-y, monsieur Cullen.
M. Roy Cullen, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Monsieur le président, à l'exception de trois mesures, toutes les dispositions de ce projet de loi ont été annoncées dans le budget de 1999. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que les mesures d'allégement fiscal annoncées dans le budget de 2000, en février, feront l'objet d'une loi distincte. C'est du budget de 1999 qu'il est question aujourd'hui.
[Français]
Conformément à l'engagement qu'a pris le gouvernement d'accorder un allégement fiscal continu, -- en commençant par les Canadiens qui en ont le plus besoin -- ce projet de loi renferme trois mesures générales d'allégement fiscal. Sous réserve de la promulgation de ce projet de loi, elles sont toutes entrées en vigueur le 1er juillet 1999.
[Traduction]
Premièrement, le projet de loi augmente le montant de revenu que les Canadiens peuvent recevoir sans payer d'impôt. Le budget de 2000 augmente encore ce montant exempt d'impôt mais, comme je viens de le dire, cette mesure fera partie d'un autre projet de loi. Deuxièmement, le montant de revenu exempt d'impôt accordé aux contribuables à faible revenu, qui avait été majoré dans le budget de 1998, est accordé à tous les contribuables et augmenté encore de 175 $. Troisièmement, la surtaxe générale de 3 p. 100 est abolie pour tous les contribuables.
Un certain nombre de mesures améliorent l'équité et l'application du régime fiscal. Permettez-moi de les résumer brièvement. Pour tenir compte des situations où un contribuable à revenu élevé fractionne son revenu avec un contribuable à revenu plus bas, généralement un membre de sa famille, pour réduire ses impôts, le projet de loi C-25 met en place un impôt spécial qui vise les arrangements visant à fractionner le revenu avec des mineurs. Cet impôt s'appliquera à certaines sources de revenu de personnes âgées de 17 ans et moins.
[Français]
Les paiements forfaitaires rétroactifs sont actuellement imposés dans l'année où ils sont reçus même s'ils peuvent porter en bonne partie sur des années antérieures. Le montant d'impôt dont un contribuable est redevable à l'égard de ces paiements peut être plus élevé que si le paiement en question avait été effectué et imposé chaque année. Il y aura maintenant un allégement spécial aux fins du calcul de l'impôt sur les paiements forfaitaires rétroactifs admissibles totalisant au moins 3 000 dollars au cours d'une année donnée.
[Traduction]
Afin d'alléger le fardeau fiscal des colonies huttérites, il sera possible de distribuer le revenu entre les deux conjoints.
Deux nouvelles pénalités administratives peuvent être imposées aux tiers qui font de faux énoncés aux fins de l'impôt. L'une concerne les abris fiscaux et autres dispositions de planification financière. La deuxième s'applique aux personnes qui aident à faire une fausse déclaration de revenu. Je sais que les membres du comité se sont intéressés à ce sujet. Je vais faire quelques brèves observations sur cette question.
Premièrement, lorsqu'un tiers est impliqué dans un dossier, la décision d'imposer des pénalités ne peut pas être prise par le bureau de l'impôt régional. Elle devra être examinée par la direction de l'Agence. En fait, l'Agence du revenu a émis des éclaircissements à ce sujet, le 19 octobre 1999. C'est un assez long document. Peut-être pourrais-je le remettre au greffier afin qu'il soit intégré au compte rendu. On y rappelle au personnel de l'Agence qu'il ne doit en aucun cas supposer que la pénalité s'appliquera avant que la loi ne soit promulguée et que les lignes directrices du Parlement ne soient mises en place. On y ajoute qu'une fois que le ministère des Finances aura terminé la préparation du projet de loi, les consultations débuteront. On s'est engagé à ce que les lignes directrices assurent l'administration équitable des dispositions s'appliquant aux tiers. Aucune mesure ne doit être prise par les agents locaux de l'impôt.
Il y a aussi une autre question qui a été soulevée par certains témoins: on s'est demandé si quelqu'un n'appartenant pas à l'Agence du revenu pourrait faire partie du groupe consultatif. Nous nous sommes longuement penchés sur la question, car cela posait un ou deux problèmes à notre avis. D'abord, le comité est censé se pencher sur des déclarations de revenu spécifiques, ce qui pose des questions de protection des renseignements personnels. Dans ce cas, comment songer à s'adjoindre des conseillers de l'extérieur? En second lieu, aucun comité tel que celui qui est prévu au sein de l'Agence du revenu n'a jamais encore fait appel à des conseillers externes dans le cadre d'une démarche de ce genre. Cela dit, les lignes directrices seront élaborées à la suite de consultations auprès d'experts de divers barreaux, de l'ICCA et d'autres groupes de professionnels et d'intéressés, en vue de faire en sorte qu'elles soient justes et raisonnables.
Lorsque quelqu'un décède et laisse ses REER et ses FERR non pas à un conjoint survivant mais à des enfants à charge, ce sont ceux-ci et non pas la succession du décédé qui devront se charger de toute inclusion de revenu découlant de la succession. Il s'agit d'une mesure d'assouplissement tenant compte des faibles taux d'imposition s'appliquant aux personnes à faible revenu.
Le crédit d'impôt pour les dépenses médicales est élargi et s'appliquera désormais à ceux qui souffrent de handicaps graves et qui vivent dans des foyers collectifs, aux soins thérapeutiques dispensés à ceux qui souffrent d'incapacités graves et au tutorat dispensé à ceux qui ont des difficultés d'apprentissage. De plus, les manuels sonores destinés à ceux qui ont des troubles de perception et qui fréquentent des établissements d'enseignement seront désormais considérés comme de l'équipement admissible à des crédits d'impôt destinés aux personnes vivant avec des handicaps.
Les crédits d'impôt à la fabrication et sur les bénéfices de transformation s'appliqueront désormais aux sociétés produisant de l'énergie électrique destinée à la vente ou produisant de la vapeur destinée à la production d'électricité.
[Français]
Aux prises avec de nouvelles cotisations simultanées couvrant plusieurs années d'imposition, certaines sociétés font souvent face à des situations où l'intérêt sur les remboursements est imposable, alors que l'intérêt sur les arriérés n'est pas déductible. Il y aura désormais un mécanisme d'allégement en vertu duquel une société pourra obtenir la compensation de ces montants aux fins du calcul de l'intérêt.
[Traduction]
En outre, on encouragera les SCRT à investir encore plus dans la petite entreprise. La surtaxe qui s'applique aux grandes institutions de dépôt est prolongée jusqu'au 31 octobre 2000, et une nouvelle règle fera en sorte que le recrutement d'une entreprise canadienne dans le but de fournir certains services d'investissement à un non-résident ne signifie pas pour autant que le non-résident exploite une entreprise au Canada.
[Français]
Ensuite, ce projet de loi renferme trois mesures non budgétaires.
Premièrement, les arrangements sur le partage des impôts entre le gouvernement fédéral et les Premières nations autonomes du Yukon entreront en vigueur une fois que ce projet de loi aura été adopté. Le gouvernement fédéral se retirera alors de 75 p. 100 de son espace fiscal sur le territoire visé par le règlement, au profit des gouvernements des Premières nations du Yukon.
Deuxièmement, le revenu de la fiducie mise sur pied par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour dédommager les victimes de l'hépatite C sera exonéré d'impôt sur le revenu.
Troisièmement, le produit en espèces reçu à la suite de la démutualisation d'une société d'assurance-vie sera assimilé à des dividendes, au taux d'imposition réduit applicable à ces derniers.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je vous ai résumé brièvement les mesures du projet de loi C-25 qui visent à rendre encore plus équitables les dispositions fiscales de même que le régime fiscal.
[Français]
Les fonctionnaires ici présents et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk: J'ai plusieurs questions à poser moi-même. Quelles étaient les trois mesures qui n'ont pas été annoncées dans le budget de 1999?
M. Brian J. Ernewein, directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Parlez-vous des autres mesures annoncées dans le communiqué de presse?
Le sénateur Tkachuk: M. Cullen a affirmé qu'à l'exception des trois mesures, toutes les composantes de ce projet de loi-ci avaient été annoncées dans le budget de 1999. Quelles étaient donc les trois mesures qui n'étaient pas annoncées dans le budget de 1999?
M. Cullen: Il s'agit des mesures de démutualisation, de la fiducie relative à l'hépatite C et des dispositions fiscales à l'endroit des Premières nations.
Le sénateur Tkachuk: Les dispositions prévues au paragraphe 163.2 ont-elles été annoncées dans le budget?
M. Ernewein: Oui. C'était annoncé dans les documents du budget de 1999.
Le sénateur Tkachuk: Comment est-ce que cela a été annoncé? S'agit-il de ces documents-ci, ou s'agit-il plutôt d'une note explicative?
M. Ernewein: Je n'arrive pas à voir la page liminaire de votre document.
Le sénateur Tkachuk: Il s'agit du document intitulé «Propositions législatives -- Notes explicatives sur l'impôt sur le revenu» qui accompagne le projet de loi.
M. Ernewein: Cela avait été annoncé au départ dans le budget de février 1999, et cela s'est retrouvé dans le plan budgétaire de 1999. Les mesures législatives destinées à mettre en oeuvre le budget ont été publiées sous forme d'ébauche en septembre de 1999. Mais les mesures ont également été incluses au projet de loi déposé à la Chambre des communes en décembre 1999.
Le sénateur Tkachuk: Nous avons reçu beaucoup de témoins, et j'imagine que vous étiez tous présents au moment de leurs témoignages.
M. Cullen: Je n'y étais pas, mais les autres si, je crois.
Le sénateur Tkachuk: Nous avons reçu les représentations des comptables agréés de même qu'un mémoire de l'Association canadienne des municipalités. En fait, beaucoup de gens s'intéressaient au paragraphe 163.2.
Pourquoi, au départ, a-t-on voulu l'insérer au projet de loi, étant donné que les sanctions au criminel existent déjà? De plus, les associations professionnelles elles-mêmes imposent des sanctions. Les coupables peuvent donc être poursuivis s'ils fournissent de l'information fausse ou erronée à un contribuable. Par conséquent, quel est l'objet de cet article-là?
M. Cullen: Par rapport à ce qui existait auparavant?
Le sénateur Tkachuk: Oui.
M. Ernewein: La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit toute une gamme de sanctions qui s'appliquent dans les cas où les contribuables ou d'autres personnes envoient de faux énoncés ou font de faux énoncés fiscaux. Quant aux contribuables eux-mêmes, des sanctions peuvent s'appliquer au pénal et au civil. On peut choisir l'un ou l'autre, en fonction de la gravité de l'infraction et des circonstances.
Quant à ceux qui conseillent les contribuables ou travaillent pour eux ou leur fournissent de l'information non pas sur leurs propres impôts mais sur l'impôt d'un autre contribuable, il est déjà prévu que des sanctions s'appliquent au criminel. Toutefois, il n'existe pas de sanctions correspondantes au civil qui s'appliquent aux contribuables. C'est cette lacune qui a déjà été signalée à plusieurs reprises, et par le vérificateur général en particulier. Le comité des comptes publics l'a d'ailleurs signalé dans l'un de ses rapports. Cela a été signalé aussi par le comité technique sur le régime fiscal des entreprises. Tous ont donc recommandé de combler cette lacune.
Le sénateur Tkachuk: Les poursuites au civil qui peuvent être entreprises viennent-elles s'ajouter aux poursuites au criminel?
M. Ernewein: C'est l'un ou l'autre.
Le sénateur Tkachuk: Je vois. Qui décide?
M. Ernewein: C'est l'Agence du revenu, pour ce qui est d'évaluer la sanction en première instance. Pour ce qui est de la décision ultime, ce peut être un tribunal, si le contribuable décide de contester le premier jugement.
Le sénateur Tkachuk: Je me trompe peut-être, mais est-ce que ceux qui s'inquiétaient de cette lacune n'étaient pas plus préoccupés par les abris fiscaux que du fait qu'un contribuable remplit correctement ou pas les formulaires afférents à ses dépenses de transport ou à la dépréciation de sa voiture? N'est-ce pas ce qui vous préoccupait au départ? Cela n'explique-t-il pas pourquoi tous ces autres gens dont vous avez parlé, notamment le vérificateur général, ont suggéré de l'inscrire dans ce projet de loi-ci?
M. Ernewein: Oui, c'était sans doute là une des raisons, et cela s'appliquait peut-être dans certains cas. Je n'ai pas un souvenir suffisamment précis des divers rapports individuels pour pouvoir me prononcer sur le fait que les abris fiscaux étaient la seule raison ou la raison principale pour laquelle ces recommandations avaient été faites dans les divers rapports. Toutefois, de notre point de vue à nous, dès lors que nous avons décidé de combler cette lacune, nous ne voyions pas pourquoi il ne serait pas possible de prévoir l'application de sanctions au civil même dans les cas où il ne s'agit pas d'un abri fiscal. Ainsi, à partir du moment où quelqu'un fait des faux énoncés au nom d'un client, même si cet énoncé ne relève pas de la rubrique des abris fiscaux, cela soulève tout de même les mêmes préoccupations au sujet du régime fiscal. Voilà pourquoi nous avons jugé que cela pouvait être approprié.
Le sénateur Tkachuk: Mais qui ferait ces faux énoncés? Un tiers?
M. Ernewein: Le conseiller fiscal, ou peut-être aussi le spécialiste en déclarations.
Le sénateur Tkachuk: Mais ce tiers ne pourrait-il pas ainsi être passible d'autres mesures, comme des poursuites en vertu du Code criminel, des poursuites intentées par le contribuable, ou ne pourrait-il pas aussi perdre son droit de pratiquer la comptabilité ou perdre son titre de comptable général licencié? Le tiers ne pourrait-il pas être frappé de ces sanctions si on le trouvait coupable d'avoir menti sur une déclaration d'impôt?
M. Ernewein: Il est possible, en effet, que son geste ait d'autres conséquences, mais ce ne serait pas nécessairement le cas.
Le sénateur Tkachuk: Je serais fort surpris que cela ne soit pas nécessairement le cas.
M. Ernewein: Mais les sanctions ne s'appliqueraient pas nécessairement au spécialiste en déclarations n'appartenant à aucun ordre professionnel. Il peut y avoir des circonstances où le contribuable se trouverait dans l'impossibilité d'intenter des poursuites parce qu'il était en quelque sorte complice.
Le sénateur Tkachuk: Mais le contribuable ne serait-il pas passible de sanctions?
M. Ernewein: C'est possible.
Le sénateur Tkachuk: C'est oui ou c'est non? Je vous pose la question.
M. Cullen: Il faut faire une distinction ici: il s'agit d'un recours à une tierce partie, prévu dans le droit civil, qui pourrait mettre en cause H&R Block, par exemple, et tous ces spécialistes en déclarations. Cela pourrait mettre en cause quiconque aiderait à préparer une déclaration de revenu. Même si, au départ, la discussion tourne autour des abris fiscaux, il saute aux yeux que ce genre d'activité ne peut se limiter aux mesures qui sont du type des abris fiscaux. Cela peut couvrir toute une gamme d'activités survenues au cours de la préparation ou de la planification fiscale, notamment.
Le sénateur Tkachuk: Êtes-vous jamais allé chez H&R Block? Avez-vous déjà eu recours à ses services?
M. Cullen: Je suis comptable moi-même, et je remplis d'habitude ma déclaration à l'ordinateur.
Le sénateur Tkachuk: Il faut se rendre avec tous vos papiers chez H&R Block: au bout de 15 minutes, tout est terminé. Contre 30 $, par exemple, on s'occupe de vous. On a souvent affaire à des personnes formées en la matière qui, temporairement, aident les contribuables à remplir leur déclaration et à comprendre tout ce qu'il faut annexer à ladite déclaration. On ne peut tout de même pas reprocher à l'expert qui rencontre le contribuable pour la première fois d'agir de façon criminelle: cela ne justifierait pas de lui envoyer vos agents!
M. Cullen: C'est ce qui explique notamment la clause d'indifférence. Cette clause joue un rôle important dans la définition de la conduite coupable. Si l'information inscrite sur la déclaration d'impôt est frauduleuse -- et j'utilise à dessein ce terme -- et si celui qui aide le contribuable à préparer sa déclaration d'impôt s'en aperçoit, ce spécialiste en déclarations ne peut en vertu de ces dispositions rester complètement indifférent et laisser passer, comme si de rien n'était.
Le sénateur Tkachuk: Pensez-vous vraiment que H&R Block risquerait toute sa réputation en faisant des choses comme cela?
M. Cullen: J'ai donné l'exemple de H&R Block. Mais cela pourrait s'appliquer à quiconque conseille le contribuable ou l'aide à préparer sa déclaration de revenu.
Le sénateur Tkachuk: D'abord, cela ne vous inquiète-t-il pas en tant que parlementaire que les mesures contenues dans le projet de loi soient à ce point draconiennes, et en second lieu, ne pensez-vous pas que les parlementaires ont la responsabilité de protéger les citoyens contre les bureaucrates, plutôt que de donner encore plus de pouvoir à ceux-ci?
M. Cullen: Sénateur, la conduite coupable comprend trois éléments. D'abord, il faut qu'il y ait conduite intentionnelle, autrement dit, que quelqu'un aidant un contribuable remplisse délibérément une déclaration de revenu frauduleuse. Je n'ai aucune sympathie à l'égard de ces gens-là. Le deuxième élément, c'est l'indifférence. Autrement dit, même si le contribuable avoue au spécialiste que ses reçus sont tous faux, celui-ci les accepte néanmoins et remplit la déclaration en conséquence. Celui-là ne me pose pas de problème. En troisième lieu, il y a celui qui agit avec un mépris intentionnel, téméraire et total de la loi. Celui-là ne me pose pas de problème.
Le sénateur Tkachuk: Mais qui décide duquel des trois éléments il s'agit?
M. Cullen: Les lignes directrices seront élaborées par des professionnels du domaine et comme pour la plupart des choses, elles évolueront avec le temps en fonction de la jurisprudence et de la façon dont l'Agence du revenu les applique.
Le sénateur Tkachuk: Mais tout ce dont vous avez parlé se retrouve déjà dans le Code criminel sous un aspect ou un autre et est déjà couvert par les codes de déontologie des professions. Il me semble évident que si un comptable ou un comptable général licencié était coupable d'une de ces trois conduites et que son ordre professionnel le découvrait -- puisque c'est ainsi que les gens de l'impôt le découvrent -- il serait radié de sa profession.
M. Robert D. Brown, économiste invité de Clifford Clark, ministère des Finances: Vous avez raison de dire que quiconque est trouvé coupable d'une de ces conduites peu fort bien faire l'objet de sanctions imposées par d'autres instances. Mais il faut d'abord comprendre que ces conseillers ne font pas nécessairement partie d'un ordre professionnel. Il se peut qu'ils fassent cavalier seul, et c'est souvent le cas. En second lieu, la seule accusation qui peut être portée pour l'instant contre un conseiller, c'est une accusation au criminel en vertu des articles pénaux de la loi, et il faut pour cela établir des preuves incontestables; de plus, ces accusations ne sont portées que dans les cas les plus graves et les plus difficiles. Comme le recommandaient le vérificateur général, le comité des comptes publics et le Groupe d'étude sur le régime fiscal des entreprises dans son rapport, on a jugé nécessaire d'élargir la loi pour introduire une amende administrative à l'égard de ceux qui aident les contribuables à agir de façon coupable dans leurs déclarations de revenu.
Le sénateur Furey: Tous ceux que nous avons entendus aujourd'hui, les comptables et les avocats, estiment que le fait d'inclure l'indifférence dans la définition rend celle-ci trop générale. Qu'en pensez-vous?
M. Cullen: Comme je l'ai déjà dit, je pense que le critère de l'indifférence est vraiment un élément essentiel. Chacun des trois critères traduit un aspect différent du genre de comportement qui a donné lieu à l'imposition d'amendes administratives à des contribuables, et nous pourrions citer ici certaines causes types comme Venne et Mallick. Le critère d'indifférence intervient lorsque quelqu'un, en ne faisant rien, permet que la législation fiscale ne soit pas respectée. En d'autres termes, le conseiller fiscal ne se soucie pas du fait que son client lui fait une fausse déclaration alors qu'il l'aide à remplir sa déclaration d'impôt. Par comparaison, le critère de l'acte délibéré ou de la négligence vaut surtout dans le cas d'une personne qui agit sans tenir compte de la loi. En d'autres termes, le conseiller connaît la loi et décide de préparer un faux énoncé que son client utilisera dans sa déclaration d'impôt. À notre avis, le critère de l'indifférence et celui de l'acte délibéré sont complémentaires étant donné qu'ils visent l'un la culpabilité passive et l'autre la culpabilité active.
Je vous avais donné un exemple: vous aidez quelqu'un à remplir une déclaration d'impôt et ce quelqu'un vous dit très clairement que cette déclaration est frauduleuse ou alors vous en dit suffisamment pour que vous puissiez arriver à la même conclusion. Cette attitude n'est-elle pas aussi condamnable que le fait de participer personnellement à la préparation d'une déclaration d'impôt frauduleuse? Quelle est la différence, sénateur?
Le sénateur Oliver: Plusieurs témoins nous ont dit qu'ils devaient faire appel à leur propre jugement, professionnel par exemple, pour pouvoir agir au nom du contribuable. C'est précisément dans ces cas-là qu'ils ne veulent pas se trouver en faute.
M. Cullen: Lorsqu'on prépare une déclaration d'impôt, lorsqu'on fait de la planification fiscale, il faut souvent faire appel à son jugement.
Le sénateur Oliver: Lorsqu'il s'agit d'évaluer un élément d'actif, par exemple.
M. Cullen: En effet. Avec ce critère, une conduite coupable représenterait beaucoup plus qu'une simple erreur de jugement. Il s'agirait d'une évaluation délibérément fausse d'un élément d'actif, ou encore d'une évaluation telle que, étant donné les informations disponibles, une personne raisonnable saurait tout de suite qu'elle est inexacte.
Je ne puis vous garantir que tous ces éléments vont devenir absolument limpides une fois que la loi aura été adoptée -- ce n'est pas le cas, et vous le savez comme moi -- mais je peux néanmoins vous dire en toute certitude que notre intention n'est pas d'aller débusquer des gens qui prennent une décision raisonnable en fonction des renseignements dont ils disposent. Cela est tout à fait normal lorsqu'on fait des déclarations de revenu et de la planification fiscale.
M. Brown: Une évaluation est toujours une question d'opinion, mais la loi prévoit néanmoins que lorsque quelqu'un a la possibilité de prouver que sa déclaration a été faite de bonne foi et est raisonnable, il ne sera ni jugé coupable, ni soumis à une amende.
Le sénateur Tkachuk: Ma question complémentaire fait suite à une réponse que vous avez donnée au sujet du budget de 1999, lorsque vous avez dit que la loi en question faisait partie du budget. Si vous vous reportez au plan budgétaire de 1999, à la page 219, là où il est question de la loi en question, on peut lire ceci:
Cette pénalité s'appliquera à une personne qui fait, sciemment ou dans des circonstances équivalentes à une faute lourde, une fausse déclaration ou une omission pouvant être utilisée à des fins fiscales par un contribuable, ou pour son compte, dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un relevé ou une réponse produit ou établi par celui-ci ou pour son compte, ou participe à cette activité.
Ce qui est intéressant ici, c'est que le texte dit également que «la pénalité correspondra au plus élevé des deux montants suivants: 1 000 $, et 50 p. 100 du montant d'impôt que le contribuable cherche à éviter de payer ou à se faire rembourser». Le second volet de cela est que Revenu Canada aura le fardeau de la preuve en ce sens que l'Agence devra monter le dossier nécessaire pour pouvoir imposer les amendes administratives. Pourriez-vous être plus précis à ce sujet et faire le lien avec le texte du projet de loi?
M. Cullen: Pour ce qui est de la faute lourde, la définition de la conduite coupable a remplacé le critère initial de la faute lourde qui avait été proposé dans le plan budgétaire de 1999, et cela sur les instances et avec l'accord du comité conjoint sur la fiscalité de l'Institut canadien des comptables agréés et de l'Association du Barreau canadien. Ces deux organismes voulaient faire disparaître le terme «faute» qu'on retrouvait dans l'expression «faute lourde». L'utilisation de l'expression «conduite coupable» a été le résultat des consultations post-budgétaires.
Pour ce qui est du fardeau de la preuve et des pénalités, M. Ernewein pourra peut-être vous répondre.
M. Ernewein: Tout d'abord, s'agissant du fardeau de la preuve, le critère général voulant que le fardeau de la preuve incombe à Revenu Canada demeure entier. C'est ce qui existe déjà dans la législation actuelle et le critère s'applique également dans le cas de cette pénalité a posteriori. Pour ce qui est des pénalités proprement dites, je ne sais pas si j'ai tout à fait bien compris la question.
Le sénateur Tkachuk: La pénalité sera le plus élevé des deux montants, 1 000 $ ou 50 p. 100 du montant de l'impôt que le contribuable cherche à éviter ou demande à se faire rembourser, ce qui est quand même autre chose que 100 000 $.
M. Ernewein: En effet, je vous remercie.
Le sénateur Tkachuk: Mais pourquoi donc?
M. Ernewein: C'est le résultat des instances qui nous été soumises depuis la sortie du budget en 1999.
Le sénateur Tkachuk: Qui donc aurait pu avancer qu'il faudrait porter cela à 100 000 $ et oublier le reste?
M. Ernewein: Ce n'est pas simplement relever le montant, c'est le plafonner. Admettons qu'il y ait un contentieux portant sur 1 million de dollars d'impôt; la version initiale du budget vous rendait passible d'une amende jusqu'à concurrence de 50 p. 100 de cette somme, c'est-à-dire 500 000 $. La nouvelle proposition porte à 100 000 $ le montant maximum de l'amende, plus vos honoraires. En fait, c'est plutôt une mesure de mitigation.
Le sénateur Hervieux-Payette: En ce premier anniversaire d'une question à laquelle il n'a jamais été répondu, je voudrais une nouvelle fois tenter de sensibiliser le ministère des Finances à l'incidence de la démutualisation. Dans votre exposé, vous avez déclaré que vous étiez très généreux. Dès lors que ces revenus sont considérés comme des dividendes, tout le monde y gagne. Je voudrais vous donner à nouveau l'exemple que j'avais soumis à votre ministère et sur lequel je suis toujours en pourparlers avec lui.
Admettons que vous soyez une personne âgée touchant intégralement la pension du Canada et intégralement le supplément, votre revenu annuel serait de l'ordre de 10 000 $. Vous avez donc plus de 70 ans, vous recevez une lettre de votre compagnie d'assurance qui vous dit que vous êtes l'heureux gagnant de la police que vous avez payée alors que vous travailliez il y a 20 ans de cela. Vous avez payé, de sorte que lorsque vous décédez, quelqu'un pourra acquitter les frais de vos funérailles. Mais, par la grâce du gouvernement, vous recevez maintenant 2 000 $. L'année suivante, ces 2 000 $ sont déduits de votre revenu. Vous êtes donc riche pendant un an, votre revenu passant de 10 000 $ à 12 000 $ cette année-là. Mais l'année suivante, vous passez de 12 000 $ à 8 000 $ parce que tout le montant va être déduit. J'utilise ici des chiffres approximatifs parce que ce n'est pas exactement de cette façon-là que les choses se passent, mais vous pouvez avoir la certitude que de nombreuses personnes âgées vont avoir des crises d'anxiété, connaître des difficultés financières et devoir vivre bien en deçà du seuil de la pauvreté.
J'ai fait valoir cela à votre ministère et j'en ai discuté avec le ministère du Développement des ressources humaines qui administre le Régime de pension. Je vous demande maintenant à vous d'essayer de comprendre qu'il faut considérer cela comme l'indemnisation donnée aux victimes de l'hépatite C. Il s'agit d'un versement unique qui n'impose aucune responsabilité au bénéficiaire. Celui-ci reçoit un chèque qui, à supposer qu'il l'encaisse et qu'il le dépense, le contraindra à vivre véritablement dans la pauvreté l'année suivante. Il me semble que personne n'avait pensé à cela.
D'après ce que je sais, 200 000 personnes âgées sont touchées, quoique les montants ne soient pas les mêmes dans tous les cas. Je vous demande maintenant pourquoi cela n'a pas été pris en compte par le ministère. En fait, vous taxez une somme sur laquelle le bénéficiaire a déjà payé des impôts. Pour tous les bénéficiaires de la démutualisation, vous taxez le moindre dollar qu'ils vont toucher et sur lequel ils ont déjà payé de l'impôt. Pour l'homme de la rue, c'est déjà de l'escroquerie, mais dans ce cas-ci c'est pire encore parce que vous taxez des gens qui n'en ont pas les moyens. Nous parlons d'éliminer 3 p. 100 d'impôt chez des gens qui gagnent bien leur vie. Moi je vous parle ici des petites gens qui ne travaillent pas pour le ministère des Finances.
M. Cullen: Sénateur, le programme relatif à l'hépatite C est essentiellement destiné à indemniser les victimes de circonstances exceptionnelles qu'elles ont subies afin d'essayer de les soulager un peu. À mon sens, ce n'est pas du tout la même chose que le fait de toucher un dividende de la démutualisation, ce qui est en quelque sorte un gain inespéré.
Le sénateur Hervieux-Payette: Pour quelqu'un qui gagne 10 000 $ par an, vous appelez cela un gain inespéré?
M. Cullen: C'est un revenu. Je comprends bien ce que vous voulez me faire comprendre, mais c'est néanmoins un revenu inespéré que vous n'auriez autrement pas pu toucher.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mais ce n'est pas leur libre arbitre. C'est quelque chose qu'on leur impose. Lorsque je regarde ici la définition dans l'article correspondant, je lis ceci:
139.1(5) [...] lorsqu'une compagnie d'assurance annonce publiquement son intention de faire approuver sa démutualisation, la juste valeur marchande des droits de propriété dans la compagnie est réputée être nulle tout au long de la période qui:
a) commence au moment de l'annonce;
b) se termine soit au moment de la démutualisation [...]
La compagnie elle-même n'est pas taxée. En revanche, au bout du compte, c'est le particulier, qui ne comprendra jamais ce texte de loi, qui sera pénalisé. Je parle ici de gens qui n'ont pas voix au chapitre et qui n'ont pas de groupes de pression à Ottawa. Cela fait 12 mois que j'essaie de faire comprendre à quelqu'un qu'il s'agit d'un paiement qui ne surviendra qu'une fois. Ces gens n'ont rien à voir avec la démutualisation. Au contraire, ils n'en profitent pas du tout parce que la seule chose qui se produira, c'est que lorsqu'ils auront plus de 70 ans, ils encaisseront leur chèque et, comme ils n'ont pas beaucoup d'instruction, ils vont en subir les conséquences. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est virer ce montant à leur compte en banque et attendre à l'an prochain pour voir s'ils vont encore pouvoir payer leur loyer et leur alimentation. C'est le strict minimum pour vivre. Pourquoi personne ne s'intéresse-t-il à cela?
M. Cullen: Si vous avez écrit au ministère ou au ministre, nous pourrions le vérifier.
Le sénateur Hervieux-Payette: Les réponses qu'on m'a données n'étaient pas satisfaisantes. Le ministère y travaille toujours.
M. Cullen: Vous savez aussi que le détenteur d'une police peut recevoir ses parts et n'en rien faire?
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous connaissez beaucoup de gens qui reçoivent des actions à l'âge de 75 ans? Vous connaissez beaucoup de gens qui vivent dans la pauvreté, avec 10 000 $ seulement par an, et qui ne feraient rien de ces actions? La plupart de ces gens touchent le supplément de revenu garanti. Nous ne parlons pas ici de grosses sommes. Ce que j'avais proposé -- et le président le sait d'ailleurs fort bien -- c'est d'exonérer une tranche de 2 000 $ pour quiconque vit au seuil de la pauvreté.
Le président: Je comprends parfaitement votre sentiment d'impuissance. Il est difficile d'obtenir des réponses, mais en quoi cela s'applique-t-il au projet de loi?
Le sénateur Hervieux-Payette: À la page 47 du projet de loi, on peut lire ceci:
(10) L'intéressé qui reçoit un avantage de transformation imposable (sauf un avantage déterminé) à l'occasion de la démutualisation d'une compagnie d'assurance est réputé avoir acquis l'avantage à un coût égal à sa valeur.
M. Cullen: Étant donné que c'est là quelque chose qu'ils n'auraient de toute façon pas eu, ils pourraient fort bien prendre ces parts et les encaisser à un moment où leur revenu serait moins élevé. Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire.
Le président: Combien d'argent faut-il gagner au Canada pour ne pas devoir payer d'impôt sur le revenu? Je pensais que quelqu'un qui gagnait 10 000 $ ou 12 000 $ ne payait pas d'impôt.
Le sénateur Tkachuk: Un peu plus de 7 000 $.
M. Cullen: Il s'agit de l'exemption personnelle de base.
M. Brown: Pour les personnes âgées, ce chiffre serait supérieur à 12 000 $.
Le président: Vous voulez donc dire que, dans ce cas-là, il n'y aurait pas d'impôt à payer?
M. Brown: C'est cela, s'il s'agit d'un revenu de 12 000 $. Le problème se pose en fait parce que le supplément de revenu garanti est fonction du revenu. Si vous touchez un revenu la première année, votre SRG diminue l'année suivante étant donné que c'est toujours fonction du revenu gagné l'année précédente. Je sais que c'est un gros problème mais, au sens étroit du terme, ce n'est pas un problème d'impôt sur le revenu, c'est un problème qui ne concerne que le supplément de revenu garanti.
M. Ernewein: Dans la même veine, je ne pense pas qu'il s'agisse ici d'un problème qui concerne exclusivement un avantage lié à la démutualisation. Admettons que quelqu'un touche un avantage de 10 000 $ relié à la démutualisation, comparé à quelqu'un qui gagnerait 10 000 $ en occupant un emploi à mi-temps après sa retraite, les 10 000 $ gagnés en raison d'un emploi ont effectivement l'incidence que vous décrivez dans le cas du SRG et, peut-être aussi, d'autres programmes qui sont fonction du revenu.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mais c'est tout à fait la même chose. Je parle ici d'un projet de loi qui touche 200 000 personnes. C'est une clientèle qui n'est pas nécessairement très au courant de la législation fiscale. Même dans le cas du SRG, ces gens font leur demande une seule fois et ils pensent que cet argent va leur revenir jusqu'à la fin des temps. Peut-être vivent-ils dans un foyer pour personnes âgées et peut-être ne leur reste-t-il chaque mois que 100 $ d'argent de poche après avoir payé leur pension. Cela représente 1 200 $. Ces gens-là touchent 1 200 $, et avec ce que vous proposez ici, l'année suivante ils n'auront plus un sou pour s'acheter des mouchoirs en papier ou des vêtements.
J'ai soumis la question à votre ministère des Finances, je l'ai également soumise au ministère du Développement des ressources humaines. Ce dernier a déclaré que cet argent serait considéré comme un dividende de sorte que le bénéficiaire ne perdra pas plus qu'il n'aura touché. J'ai dit: «Alléluia, ils ne perdront pas 2 500 $ s'il n'en ont touché que 2 000 $». Je vous demande donc de reconsidérer tout cela de sorte que, lorsque nous apporterons la prochaine série de changements à ce texte, cette disposition ne sera pas promulguée étant donné qu'elle n'a absolument aucun sens.
Quant à moi, j'estime que nous sommes ici pour protéger les petites gens. Il est bien beau de comparer une mesure qui ne surviendra qu'une fois dans la vie à quoi que ce soit d'autre, mais lorsque vous héritez de quelque chose, c'est à titre individuel et non pas dans le cadre d'une politique de l'État comme celle-là. Cela ne touche pas des centaines de milliers de gens en même temps. Il s'agit là d'une disposition d'ordre public et, me semble-t-il, la clientèle en question n'a personne pour la défendre. Ces gens-là ne sont pas représentés par l'Association canadienne d'études fiscales, de sorte que c'est un problème dont vous devez vous saisir.
La Chambre des communes n'y a vu que du feu. J'en ai discuté avec certains députés et tous sont d'accord avec moi. J'en ai parlé à deux ministères et je continue toujours à correspondre avec le vôtre. Mon dernier courrier date de cette semaine. Je fais appel à votre compassion car il est totalement illogique de pénaliser tant de gens par une mesure qui, finalement, ne profite qu'à ceux qui ont de l'argent.
M. Cullen: Je vous ai parfaitement comprise et vous défendez ces gens avec beaucoup d'éloquence. Je m'engage à donner suite à ce que vous avez fait valoir au sein du ministère et auprès du ministre, et je me remettrai en rapport avec vous par l'entremise du président pour voir s'il y a quoi que ce soit de constructif que nous puissions faire en réponse à vos préoccupations.
Le sénateur Poulin: Je voudrais aller dans le même sens que les sénateurs Oliver et Tkachuk en vous parlant, monsieur Cullen, des problèmes qui ont été évoqués devant nous par les professionnels que nous avons entendus comme témoins.
On s'entend pour dire que les diverses modifications apportées par le projet de loi C-25 rendent notre fiscalité globale plus équitable, ce qui est une bonne nouvelle. Par ailleurs, les professionnels qui sont des fournisseurs de service pour les déclarations d'impôt s'inquiètent actuellement en raison des décisions que pourra prendre Revenu Canada en matière de partage des responsabilités. D'après ce que disent les professionnels, cela va influer sur l'exercice de la profession en tant que telle et, en raison des obligations accrues, il pourrait s'ensuivre une augmentation des honoraires perçus auprès des clients. Je sais que vous agissez à deux titres, monsieur Cullen. Vous êtes à la fois député et secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Vous êtes également un professionnel du régime fiscal. Vous pourriez nous dire ce que vous pensez des inquiétudes qu'éprouvent vos collègues de la profession.
M. Cullen: Oui. L'Agence du revenu devra appliquer ces règles de façon très minutieuse et judicieuse. Nous n'attendons rien de plus des professionnels que ce que leurs associations professionnelles attendent d'eux. J'ai examiné attentivement la définition de la conduite coupable. En tant que professionnel, elle me paraît tout à fait acceptable; en fait, j'aurais l'impression de manquer à mon devoir si je ne me conformais pas à la règle concernant la conduite coupable.
Je sais qu'il y a des petits problèmes et que ces mesures vont changer dans une certaine mesure la façon dont les conseillers fiscaux font leur travail, mais c'est peut-être mieux. Là encore, nous parlons d'un petit groupe de personnes qui seront un jour parties à ce genre de transactions. Le conseiller fiscal honnête et sérieux n'aura aucune raison de s'inquiéter de cette disposition, à mon avis. Je pense que cela ne pourra qu'améliorer la profession. Si cela inculque un sens des responsabilités plus profond à certains d'entre eux, ce sera une bonne chose.
Le projet de loi va changer les choses, mais en les améliorant, à mon avis.
Le sénateur Poulin: On semble s'inquiéter du niveau du pouvoir décisionnaire du ministre. En réponse à une question de mon collègue le sénateur Tkachuk, vous avez dit que l'Agence des douanes et du revenu prendra les décisions. Pourriez-vous être plus précis?
M. Cullen: Si quelqu'un dans un bureau régional de l'Agence du Revenu a des raisons de croire qu'une personne a enfreint l'une des dispositions de ce projet de loi, en vertu du critère de la conduite coupable, il faudra le signaler à Ottawa. Un groupe consultatif de hauts fonctionnaires examinera les circonstances par rapport à une série de directives, qui seront élaborées en consultation avec des conseillers fiscaux et d'autres groupes d'intervenants clés. On examinera chaque cas particulier en fonction de ces directives. Quelqu'un à l'administration centrale à Ottawa décidera de prendre des mesures conformément au projet de loi uniquement s'il semble y avoir eu un écart de conduite par rapport à ces directives.
Le sénateur Poulin: Comment les choses se passeront-elles, puisqu'on a exprimé des inquiétudes au sujet du «processus»?
M. Cullen: Je vais demander à quelqu'un d'autre de répondre, mais je sais que l'on a demandé instamment au gouvernement, devant le comité de la Chambre des communes, également, de mettre sur pied un groupe consultatif comprenant des experts de l'extérieur. Nous nous sommes à nouveau penchés très sérieusement sur la question, au ministère. Cela pose un problème dans la mesure où pour les contribuables qui font l'objet d'un examen, il se pose de graves problèmes de protection des renseignements personnels si des gens de l'extérieur font partie du groupe. En outre, étant donné la façon dont Revenu Canada a fonctionné par le passé, ce serait tout à fait nouveau de faire appel à des gens de l'extérieur pour trancher des questions précises concernant les contribuables.
Un contribuable accusé aux termes de l'une de ces dispositions aura tous les moyens de recours qui existent normalement en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, et il pourra faire appel aux divers mécanismes déjà existants.
Le sénateur Poulin: Certaines personnes ont exprimé des inquiétudes en disant que, une fois que les gens seront accusés et que la question sera du domaine public, même s'il s'agit d'une poursuite au civil, ces personnes risquent de voir leur réputation professionnelle ternie de façon irrémédiable, même si elles sont déclarées non coupable par la suite. Qu'en pensez-vous?
M. Cullen: C'est pourquoi il importe que l'on suive les choses de très près et que l'on intente des poursuites uniquement s'il y a clairement infraction aux critères de la conduite coupable, en fonction de directives auxquelles auront accès tous les professionnels de l'impôt.
M. Brown: Il existe en fait trois mécanismes d'appel internes. Voici comment fonctionne le processus: Le contribuable ou le conseiller tiers peut communiquer avec le chef de section dans le domaine pour présenter des instances. Le chef de section estime qu'il doit appuyer le répartiteur et le dossier est donc transmis au bureau principal. Le conseiller a alors la possibilité de présenter des arguments au comité consultatif, au bureau principal. Si l'affaire va de l'avant à cette étape, en fait, il est possible d'interjeter appel auprès des tribunaux. Le dossier passe alors automatiquement au contentieux. La partie lésée peut consulter ce service avant que le tribunal ne soit saisi de l'affaire et que celle-ci devienne du domaine public.
Je dois dire que j'exerce depuis plus de 40 ans la profession. Lorsqu'elles ont été proposées, ces dispositions m'ont préoccupé. Certains changements ont été apportés l'an dernier, en consultation avec de nombreuses personnes, et on a ensuite proposé les méthodes qui ont été décrites pour s'assurer que les procédures que nous mettons en place respectent les droits des conseillers.
Le président: Pouvez-vous vous engager, monsieur Cullen, à me faire parvenir une lettre disant que, une fois par an, les règlements découlant de ce projet de loi seront déposés auprès de notre comité?
M. Cullen: C'est exact. Oui, je le ferai.
Le président: Les membres du comité sont-ils d'accord pour passer à l'étude article par article du projet de loi C-25?
Le sénateur Poulin: Je propose que nous terminions l'étude article par article du projet de loi C-25.
Le sénateur Tkachuk: Est-il possible de discuter de l'article 163, qui semble poser des problèmes, non seulement de notre côté mais également parmi nos collègues du gouvernement, d'après ce que j'ai déduit des questions qui ont été posées. Nous pourrions peut-être en discuter pour voir ce qu'il convient de faire à l'égard de cette disposition précise ou de ce que nous voudrons indiquer dans notre rapport.
Le sénateur Oliver: Vous parlez de l'article relatif aux pénalités administratives?
Le sénateur Tkachuk: Oui, l'article 163.
Le sénateur Poulin: Les réponses fournies par M. Cullen ne vous suffisent pas?
Le sénateur Tkachuk: Non.
Le sénateur Poulin: Voulez-vous parler de ce que nous a dit M. Cullen au sujet des inquiétudes soulevées par certains témoins quant à la question de l'indifférence?
Le sénateur Tkachuk: Oui, au paragraphe 163(2).
Le sénateur Poulin: Vous parlez du passage où il est dit: «...montre une indifférence quant à l'observation de la présente loi...», n'est-ce pas?
Le sénateur Tkachuk: Oui.
Le sénateur Poulin: La réponse de M. Cullen m'a satisfaite.
M. Cullen: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose. Le projet de loi va changer la façon dont les conseillers fiscaux travaillent. Si nous n'incluons pas cette disposition concernant l'indifférence ou l'attitude passive, nous constaterons que la situation ne fera que s'aggraver. Les gens qui sont enclins à agir de cette façon feront preuve d'une plus grande passivité à l'égard de leurs conseillers fiscaux. Ils essayeront alors de ne pas inciter leur conseiller fiscal à agir de façon dynamique mais plutôt approuveront l'acceptation passive de divers renseignements. Cela créerait une échappatoire que certains risqueraient d'exploiter, à mon avis.
Le sénateur Tkachuk: À l'heure actuelle, la législation de l'impôt sur le revenu est appliquée sans ce projet de loi. D'après ce que nous avons entendu dire, par vous ou par quelqu'un d'autre, ou lu dans les journaux, il ne semble pas qu'il existe énormément d'évasion fiscale avec la complicité des conseillers, qui sont des gens de votre profession, monsieur, ainsi que des experts comptables ou des juristes. Rien ne nous permet de dire que cela représente un problème énorme que l'on ne pourrait pas régler grâce aux autres lois déjà en vigueur.
Nous avons des lois qui s'appliquent au genre de comportement dont il est question au paragraphe 163(2). Il y a des lois pénales; les clients peuvent aussi intenter des poursuites au civil; on peut aussi interdire aux professionnels d'exercer leur métier, et ainsi de suite. Les dispositions du projet de loi ne sont pas nécessaires.
M. Cullen: Sénateur, nous réagissons en partie à la critique émise par le vérificateur général, certes au départ au sujet des abris fiscaux, mais également aux observations du comité des comptes publics et d'autres groupes qui ont signalé que non seulement des fiscalistes, mais également des spécialistes en déclarations agissent à l'occasion d'une façon qui n'est pas conforme au critère de la conduite coupable. Par conséquent, en tant que contribuables, nous finissons tous par payer plus d'impôt, pour compenser ceux qui ne paient pas leur juste part d'impôt.
Le sénateur Tkachuk: Je ne veux pas prolonger la séance, mais, pour justifier le maintien de cette disposition sous sa forme actuelle, vous avez dit qu'il serait impossible de résoudre ce genre de problème. J'ai peut-être été élevé dans une petite ville de la Saskatchewan, mais je crois que si le fisc est au courant d'un problème, c'est grâce à la déclaration d'impôt qu'il reçoit. Lorsqu'on reçoit une déclaration d'impôt en particulier, on sait que la personne qui l'a envoyée a un problème et on sait également si le spécialiste en déclarations s'est rendu coupable d'une infraction, à laquelle on peut très bien remédier grâce aux lois actuellement en vigueur. Quel rapport y a-t-il?
M. Cullen: Sénateur, convenez-vous qu'il existe une économie clandestine importante? D'après des estimations, celle-ci représente dans les 6 p. 100. Il a souvent été discuté de l'économie clandestine dans le contexte de la TPS, mais il va sans dire que si l'on ne paie pas de TPS, on ne paie pas non plus d'impôt sur le revenu. Les sommes en jeu sont assez considérables.
Le sénateur Tkachuk: Nous sommes prêts à commencer l'étude article par article, monsieur le président.
Le sénateur Poulin: J'ai quelques questions à poser. Sénateur Tkachuk, vous avez signalé que nous avons des inquiétudes. J'ai estimé de la plus haute importance d'exposer à M. Cullen les préoccupations dont nous ont fait part les professionnels, qui nous ont présenté d'excellents témoignages. Nous avons entendu le témoignage de divers fiscalistes.
J'aimerais poursuivre dans la même veine, au sujet du paragraphe 163(2), si vous le voulez bien.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit que vous n'aviez aucune préoccupation, et nous sommes donc prêts à passer à l'étude article par article, monsieur le président. Je ne comprends pas où est le problème. C'est vous qui avez proposé cela, en disant que vous n'aviez plus de problèmes.
Nous sommes prêts, monsieur le président.
Le sénateur Poulin: J'aimerais vraiment savoir...
Le sénateur Tkachuk: Le vote.
Le sénateur Poulin: C'est à vous de décider, monsieur le président, mais j'aimerais entendre la réponse de M. Cullen.
Le président: De toute évidence, ils ont fait venir d'autres sénateurs, partant du principe que cela allait barder. Je ne peux rien faire. Entendu, passons à l'étude article par article. J'ai le droit de voter.
Le comité est saisi d'une motion visant à terminer l'étude article par article. Tous ceux qui sont pour?
Le sénateur Poulin: D'accord.
Le sénateur Tkachuk: Voulez-vous faire tout le projet de loi, monsieur le président?
Le président: Cela dépend de vous.
Le sénateur Tkachuk: Cela dépend de vous, vous êtes le président.
Le président: C'est vous qui posez les questions.
Le sénateur DeWare: Vous voulez faire cela en une seule fois ou séparément?
Le sénateur Tkachuk: Peu importe.
Le sénateur DeWare: Tout est indiqué sur ce document, monsieur le président. Vous posez la question: «Le titre est-il adopté? L'article 1 est-il adopté?»
Le président: Nous pouvons procéder de deux façons différentes.
Le sénateur DeWare: J'ai suivi un soir, à la Chaîne parlementaire, les délibérations du comité des banques, qui a simplement accepté le projet de loi tel quel.
Le sénateur Wiebe: D'après mes renseignements, nous pouvons examiner ce projet de loi article par article, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
Le sénateur Wiebe: J'espère en tout cas que c'est le cas car j'aimerais poser trois ou quatre questions sur chaque article du projet de loi. J'espère que les témoins pourront rester pour répondre à mes questions.
Le sénateur DeWare: Vous ne pouvez pas faire cela lors de l'étude article par article.
Le sénateur Wiebe: J'espère qu'on pourra nous expliquer chaque article du projet de loi au fur et à mesure et que, si des amendements y sont proposés, il sera possible de discuter de l'article visé.
Le sénateur Tkachuk: Cela a été fait. Ou on met la question aux voix ou...
Le sénateur DeWare: Les témoins ne peuvent pas participer à l'étude article par article.
Le sénateur Tkachuk: Nous sommes prêts à poursuivre. Voulez-vous mettre le titre aux voix? C'est votre projet de loi.
Le président: Très bien. Il s'agit du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999. Le titre est-il réservé?
Le sénateur DeWare: Oui.
Le président: Les articles 2 à 69 de la Loi de l'impôt sur le revenu sont-ils adoptés?
Le sénateur Poulin: D'accord.
Le président: Les articles 70 à 72 de la Loi sur la taxe d'accise sont-ils adoptés?
Le sénateur Tkachuk: Non.
Le sénateur Poulin: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Non.
Le président: Nous disons oui, et c'est donc cinq voix contre cinq.
Le sénateur Tkachuk: Le projet de loi est rejeté.
Le président: Très bien.
Le sénateur Wiebe: Le déjeuner dans la salle d'à côté est-il offert à tous? Allons manger un morceau.
Le président: Attendez. Il faut continuer.
C'est la dernière fois que vous me ferez ce genre de chose, ne l'oubliez pas.
Le sénateur Tkachuk: Je n'ai rien fait.
Le président: Oh que si! Vous nous avez tendu une embuscade et cela ne se reproduira jamais.
Le sénateur Tkachuk: Je ne vous ai pas tendu d'embuscade.
Le président: Vous vous croyez intelligent, mais jamais plus vous ne pourrez me faire un coup pareil.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, c'est...
Le président: N'attendez pas de moi la moindre once de collaboration...
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, il s'agit d'un processus démocratique.
Le président: Je sais.
Le sénateur Tkachuk: Vous aviez quatre sénateurs de votre parti. J'ai compté. C'est à votre whip de faire en sorte que vous soyez assez nombreux. Ce n'est ni à vous ni à moi de nous en occuper. Ce projet de loi est très important pour le gouvernement, d'après ce que j'ai cru comprendre. Ce projet de loi soulève à notre avis certains problèmes dont j'ai parlé. Le gouvernement a décidé qu'il ne voulait pas se pencher sur ces problèmes. C'est pourquoi nous le faisons, et nous en avons d'ailleurs parfaitement le droit. Nous avons le droit d'agir ainsi.
Le président: Si nous sommes dans l'impasse, que se passe-t-il? Je n'en sais rien.
Le sénateur Tkachuk: Le projet de loi est rejeté.
Le président: Il n'est pas rejeté.
M. Gary Levy, greffier du comité: C'est le statu quo.
Le président: C'est le statu quo. La mesure devrait être à nouveau mise à l'étude.
Le sénateur Tkachuk: Vous devez faire rapport du projet de loi rejeté.
Le président: Non. Il n'est pas rejeté. Nous sommes dans l'impasse. Il y a égalité des voix.
Le sénateur Tkachuk: Pas lorsqu'il y a égalité.
Le président: Pourquoi?
Le sénateur Tkachuk: En cas d'égalité des voix, le projet de loi est rejeté.
Le président: Où est-ce écrit?
Le sénateur Tkachuk: Dans le Règlement.
Le président: Quel règlement?
Le sénateur Tkachuk: C'est dans le Règlement du Sénat. Un projet de loi n'est pas adopté s'il y a égalité des voix. Vous le savez, Jack.
Le président: Il va falloir faire une pause et vérifier auprès du légiste.
Le sénateur Tkachuk: Eh bien...
Le président: J'ai le droit de demander un avis juridique, non?
Le sénateur Tkachuk: Allez-vous lever la séance? Est-ce fini pour la soirée?
Le président: Nous faisons une pause de 10 minutes pour voir s'il est possible de communiquer avec notre greffier légiste et trouver une solution. Vous ne pourrez pas m'empêcher d'obtenir un avis juridique. Je ne connais pas la réponse.
Le sénateur Tkachuk: Le greffier devrait la connaître.
Le président: Il n'en sait rien.
Le sénateur Tkachuk: Si, il le sait.
M. Levy: Je dois vérifier. Je pense que c'est le statu quo.
Le président: Il m'a dit que, en cas d'égalité, c'est le statu quo.
M. Levy: C'est effectivement le cas lorsque le vote se passe au Sénat proprement dit.
Le président: Nous allons suspendre la séance pendant une demi-heure pour vérifier cette question.
Le sénateur DeWare: Cela se trouve dans le Règlement, monsieur le président. Avez-vous un exemplaire du Règlement? Vérifiez-le.
Le Règlement précise, au paragraphe 96(1), qu'en cas d'égalité des voix en comité, le résultat est négatif.
Le sénateur Tkachuk: S'il y a égalité des voix, le résultat est négatif. Vous devez faire rapport du projet de loi, monsieur le président. Si vous voulez lever la séance, nous sommes prêts à rentrer à la maison.
Le sénateur DeWare: Le paragraphe 96(1) du Règlement est le suivant:
Toute question dont est saisi un comité particulier se décide à la majorité des voix, y compris celle du président. S'il y a égalité des voix, le résultat est négatif.
Cela se trouve à la page 102, monsieur le greffier.
Le sénateur Poulin: Le Règlement s'applique-t-il au Sénat au complet?
Le sénateur Tkachuk: En comité.
Le sénateur DeWare: En comité.
Le sénateur Tkachuk: Il n'y a plus matière à discussion.
Le sénateur DeWare: On parle de «Toute question dont est saisi un comité particulier» et nous sommes un comité particulier, n'est-ce pas?
M. Levy: Accordez-nous quelques minutes.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur, cela se trouve dans le Règlement.
Le sénateur Furey: Qu'est-ce qui nous empêche de suspendre la séance pendant 10 minutes afin de vérifier la question auprès du conseiller juridique? En quoi cela pose-t-il problème?
Le sénateur Tkachuk: Cela ne pose aucun problème. Je sais quel est le Règlement.
Le sénateur Poulin: Si on allait tous prendre un café.
Le sénateur DeWare: Il s'agit du paragraphe 96(1) du Règlement, à la page 102.
Le sénateur Poulin: Donnez-lui le temps de vérifier.
Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qui a été décidé?
Le président: Nous allons suspendre nos travaux pour une demi-heure.
Le sénateur Tkachuk: Une demi-heure?
Le président: Oui.
Le sénateur Tkachuk: En ce qui me concerne, c'est terminé.
Le sénateur DeWare: Le Règlement est on ne peut plus clair.
Le sénateur Tkachuk: Le Règlement est très clair, messieurs, très clair.
Le président: Eh bien, il faudra recommencer la bataille demain.
La séance est levée.