Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 11 mai 2000

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 heures afin d'examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles au Canada (Sécurité des réacteurs nucléaires).

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Bienvenue, monsieur Hammond et monsieur Murphy. Nous examinons les questions se rapportant à la sûreté nucléaire au Canada. Nous sommes intéressés de connaître votre point de vue, car la question de l'assurance a été soulevée lors d'audiences antérieures.

Veuillez faire votre présentation.

M. Dermot Murphy, gestionnaire, Association canadienne d'assurance nucléaire: Honorables sénateurs, l'Association canadienne d'assurance nucléaire (aussi appelée la NIAC) est heureuse de s'adresser au comité aujourd'hui. Notre association est un consortium d'assureurs.

M. Steve Hammond, qui est le président de notre association depuis 1996, m'accompagne aujourd'hui.

Nous aimerions commencer notre présentation en affirmant que la NIAC est le seul assureur agréé aux fins de l'application de la Loi sur la responsabilité nucléaire (LRN), et elle offre cette protection depuis juin 1958.

Parmi nos membres se trouvent les principaux assureurs de biens et contre les risques divers ainsi que les principaux réassureurs au Canada, et nous veillons à offrir à l'industrie nucléaire une protection d'assurance contre les risques assurables exigée par la loi ou autrement.

À titre d'assureur prudent, la NIAC effectue des inspections indépendantes des installations nucléaires et fournit des services de gestion du risque, ce qui peut comprendre des recommandations d'amélioration. Ces inspections et ces services sont fournis à nos assureurs sur une base régulière, et nous entretenons des liens étroits avec les grandes installations à cet égard.

Selon nous, ces services représentent de multiples avantages, notamment pour le grand public, car nous agissons à titre de second chien de garde en s'assurant que les exploitants ont des installations sûres. Nous disons «second chien de garde», car c'est la Commission de contrôle de l'énergie atomique qui assume cette responsabilité; toutefois, notre mandat s'étend à la prévention des pertes physiques sur les lieux, en plus de la protection contre des pertes humaines et des biens publics.

Nous offrons des avantages aux organismes assurés en fournissant un examen indépendant de leurs installations et de leurs systèmes de sécurité, en vue d'apporter des améliorations et des avantages constants à nos membres. Nous estimons qu'un accident nucléaire pourrait être lié à des installations ou à des systèmes de sécurité inadéquats, ou pourrait en découler.

On nous a demandé de commenter les conséquences éventuelles d'une absence de mesures législatives sur la responsabilité nucléaire au Canada. Dans l'éventualité d'une telle situation, les Canadiens perdraient deux mesures essentielles de protection canalisée qui sont prévues dans la législation sur la responsabilité dans le monde. La principale mesure essentielle de protection qui serait perdue serait celle de la responsabilité absolue. Conformément à la jurisprudence traditionnelle, les parties prétendant avoir causé des dommages ou des blessures doivent être identifiées, et on doit prouver qu'elles ont été négligentes avant que le tribunal n'accorde des dommages-intérêts à la partie lésée.

Conformément à la LRN, la responsabilité est canalisée exclusivement vers l'exploitant d'une installation nucléaire. La responsabilité est absolue. Autrement dit, l'exploitant est tenu responsable sans égard à la faute, et une voie précise de dédommagement est offerte aux victimes. Dans l'éventualité peu probable d'un accident nucléaire, la responsabilité est établie sur-le-champ et le processus de dédommagement peut commencer immédiatement, sans qu'on ait recours aux tribunaux.

Deuxièmement, les exploitants perdraient une mesure essentielle de protection. Sans la disposition portant sur la protection canalisée, il se pourrait que les entrepreneurs et les fournisseurs refusent de travailler ou de fournir du matériel et des services à l'industrie s'ils ne pouvaient, comme c'est le cas actuellement, se protéger contre la canalisation de toute la responsabilité vers l'exploitant nucléaire.

En l'absence du concept de canalisation, les assureurs seraient réticents, sinon incapables, de fournir la protection nécessaire là où on en a le plus besoin. Les exploitants trouveraient difficile, sinon impossible, d'avoir recours à des entrepreneurs extérieurs afin d'exécuter des travaux à leurs installations s'ils n'étaient pas en mesure de fournir les assurances et les mécanismes de transfert de risque nécessaires, qui sont actuellement en place, pour permettre à ces personnes de fournir ces services.

Autrement dit, en raison de la disposition concernant la canalisation dans la loi actuelle, les exploitants offrent généralement des «clauses de non-responsabilité» dans leurs contrats, en ce qui concerne les risques liés à l'énergie nucléaire. Ces clauses transfèrent le risque à l'exploitation sur une base contractuelle, ainsi que conformément à la loi; par conséquent, les entrepreneurs sont libérés de cette responsabilité éventuelle et ils peuvent donc exécuter leurs travaux sans crainte de conséquences financières.

Toutefois, ce retrait de responsabilité n'exonère pas ces fournisseurs d'exécuter leurs travaux selon les meilleures pratiques. Au risque d'être considérés comme d'aveugles défenseurs de l'industrie nucléaire, nous aimerions énoncer quelques affirmations. Toutefois, nous aimerions souligner que notre vision de l'industrie nucléaire est impartiale et juste, et qu'elle tient compte de tous les risques et de toutes les possibilités qui en découlent.

Il serait dangereux et totalement irresponsable pour un gouvernement de considérer, ne serait-ce qu'un instant, d'abolir de telles mesures législatives, qui apportent une stabilité à des entreprises et de la sécurité au grand public. Certaines personnes peuvent voir la LRN comme un avantage injuste pour l'industrie nucléaire, mais à cela nous répondons qu'étant donné le besoin croissant d'électricité observé ces dernières années, le besoin de réduire les émissions de gaz carbonique conformément au Protocole de Kyoto, ainsi que l'absence d'une méthode de remplacement importante et viable pour produire les quantités d'électricité nécessaires, le gouvernement fédéral devrait reconnaître que le bien du grand public et de l'ensemble de la société canadienne doivent avoir préséance sur tous les autres facteurs ou arguments concernant le débat lié à la législation sur la responsabilité nucléaire. Faire moins que cela mettrait nos enfants, notre économie et notre crédibilité nationale en péril.

Nous visons une approche juste et équitable envers la protection des risques nucléaires au Canada -- une approche équitable pour les exploitants, en offrant le mécanisme nécessaire de transfert de risque pour couvrir leurs obligations financières dans le cadre de la législation sur la responsabilité nucléaire; une approche équitable pour les assureurs, en obtenant pour eux un rendement du capital investi et un coût d'opportunité accru pour soutenir le système de consortium; et équitable pour le grand public, en gardant un oeil vigilant sur les exploitants et en étant entièrement préparés à un accident nucléaire, qui, nous l'espérons, ne se produira jamais au pays.

Le sénateur Kenny: Bienvenue, monsieur, et merci de votre présence. Est-ce une bonne branche?

M. Murphy: Est-ce une bonne branche?

Le sénateur Kenny: Oui, êtes-vous dans une bonne branche?

M. Murphy: Je dirais que oui, sénateur.

Le sénateur Kenny: Rentable?

M. Murphy: Oui, sénateur.

Le sénateur Kenny: Avez-vous des problèmes à trouver des souscripteurs pour joindre votre association?

M. Murphy: Pour le moment, non, nous avons une capacité adéquate. Si, comme prévu, les limites de responsabilité, qui sont de 75 millions de dollars actuellement aux termes des dispositions de la LRN, sont augmentées, nous chercherons alors à augmenter notre capacité. Nous avons effectué quelques recherches préliminaires à ce sujet et, oui, nous aurons la capacité nécessaire. Le consortium canadien est associé au consortium britannique et au consortium américain d'assureurs nucléaires. Avec ces capacités combinées de ces trois consortiums, nous serons en mesure de fournir les limites de responsabilité requises.

Le sénateur Kenny: Ce montant s'élève-t-il à 75 millions de dollars?

M. Murphy: C'est exact.

Le sénateur Kenny: J'avais une assurance responsabilité d'un million de dollars pour ma voiture. Mon agent m'a alors dit qu'il pensait que j'étais sous-assuré étant donné la nature de la société d'aujourd'hui. Que pensez-vous au sujet du 75 millions de dollars?

M. Murphy: Je ferai référence au mémoire que je vous ai remis. À cet égard, je citerai une comparaison des limites dans d'autres États et démontrerai également que la limite canadienne actuelle doit être modifiée. Il est à noter que le tableau que j'ai inséré dans le mémoire établit des comparaisons des limites de responsabilité seulement en équivalents de dollars canadiens. Les montants du mémoire indiquent qu'au Royaume-Uni la limite est d'environ 300 millions de dollars et qu'aux États-Unis la première catégorie est d'environ 300 millions de dollars. Ils ont une deuxième catégorie beaucoup plus importante. Conformément à la Convention de Paris, la limite recommandée était environ de 600 millions de dollars.

Le sénateur Kenny: Pourquoi y a-t-il de tels écarts?

M. Murphy: Les limites de responsabilité n'ont pas changé depuis l'adoption de la loi en 1958. Je n'étais pas actif dans ce dossier à l'époque, mais il n'y avait pas de mesure pour tenir compte du facteur de l'inflation.

Le sénateur Kenny: Bien, cela n'a pas vraiment répondu à ma question.

M. Murphy: Pouvez-vous répéter la question, sénateur? Je ne l'ai pas saisie.

Le sénateur Kenny: Pourquoi accusons-nous un tel retard et pourquoi avons-nous une limite aussi faible? On peut dépenser 75 millions de dollars assez rapidement de nos jours. Pourquoi pensez-vous que le Canada a une limite aussi faible?

M. Murphy: Sénateur, je pense que la raison est qu'il n'y a pas eu de modifications aux dispositions de la Loi sur la responsabilité nucléaire.

Le sénateur Kenny: Je comprends cela, mais pourquoi pensez-vous qu'il n'y a pas eu de modifications?

M. Steven Hammond, président, Association canadienne d'assurance nucléaire: Sénateur, si je puis commenter, il s'agit vraiment d'une question présentée par le gouvernement. Je pense que nous pouvons répondre d'une autre façon: s'il est jugé qu'une limite plus élevée serait préférable, alors l'industrie de l'assurance, pour ce qui est des ententes de consortium, pourrait certes fournir une capacité supplémentaire.

Le sénateur Kenny: L'exemple que j'ai cité précédemment indiquait que mon agent, et non moi, a recommandé une assurance plus élevée sur ma voiture. Mon agent est venu à moi et m'a dit: «Je pense que vous avez besoin d'une plus grande protection d'assurance». Il considérait qu'il était de son devoir de veiller à ce que je puisse dormir tranquille. Que faites-vous pour nous aider à dormir tranquille?

M. Hammond: Je pense que mon directeur a soulevé la question en faisant des comparaisons avec d'autres pays dans le monde où des limites plus élevées sont prévues. C'est peut-être une mesure qu'il faudrait prendre en considération.

Le sénateur Kenny: Comment calculez-vous le risque?

La présidente: Oui, comment évaluez-vous le risque?

M. Murphy: Avant de répondre à cette question, sénateur, j'aimerais indiquer que nous avons présenté des recommandations à Ressources naturelles Canada, à Ottawa, pour que les limites soient haussées. Au cours des derniers 18 à 24 mois, Ressources naturelles Canada a entretenu un dialogue avec l'ensemble des intervenants, y compris notre association, et, selon moi, il y a de fortes chances que des recommandations soient présentées dans un avenir rapproché en vue d'accroître considérablement la limite de 75 millions de dollars.

Le sénateur Kenny: On attend de bonnes nouvelles bientôt. C'est ce que vous dites?

M. Murphy: Exactement. Dans notre mémoire, nous abordons l'évaluation des risques nucléaires. L'évaluation précise des risques nucléaires est de nature très théorique, en raison de la quasi-impossibilité d'établir des évaluations précises de la fréquence et de la gravité en l'absence de données statistiques ou d'expériences passées. En raison du manque d'analyse actuarielle pour ce type d'entreprise, pour fournir une base scientifique aux fins de l'évaluation des primes et des coûts contrôlés de dommages prévus, dans l'éventualité d'un accident nucléaire, les assureurs ont plutôt opté d'offrir la protection requise dans le cadre des ententes de consortium. Les facteurs pris en compte dans l'évaluation des risques nucléaires sont le type de réacteur, son utilisation, sa taille, son emplacement et le confinement disponible.

C'est un domaine très nébuleux. Il n'y a pas de données empiriques disponibles, contrairement aux domaines de l'assurance automobile, de l'assurance habitation ou de l'assurance-vie.

Le sénateur Kenny: Vous nous dites, si je reformule bien vos propos, qu'il s'agit d'une question trop complexe pour que nous comprenions dans l'heure qui suit?

M. Murphy: Je ne sais pas. Je ne suis pas un actuaire qui effectue des analyses d'assurance. Je ne suis pas sûr si j'ai la capacité d'expliquer cette question dans la période de temps qui nous est accordée, sénateur.

Le sénateur Kenny: Il me semble que la limite soit remarquablement faible et qu'elle devrait être beaucoup plus élevée. Vous, les gens du domaine de l'assurance, n'avez pas la capacité de prévoir les risques de quelque manière raisonnable que ce soit, contrairement aux autres domaines de l'assurance, où des sinistres se produisent régulièrement et, par conséquent, où vous pouvez mesurer la probabilité de leur occurrence dans l'avenir.

Or, il me semble que si nous étions aux prises avec un accident grave, nous pourrions devoir faire face à des dommages absolument terribles. Peut-être ne devrait-il pas y avoir de limite. Nous parlons d'adopter de nouvelles règles du jeu, avec lesquelles les assureurs pourraient ne pas se sentir à l'aise. À quel point commencez-vous à vous sentir mal à l'aise? Voyez-vous un inconvénient à ce qu'il n'y ait plus de limite? Cela vous conviendrait-il?

M. Murphy: Le fait de n'avoir absolument aucune limite de responsabilité pourrait éventuellement exercer des pressions financières considérables sur les sociétés d'assurance qui offrent la protection. Évidemment, ces sociétés doivent gérer leur exposition aux risques. En fait, elles le font comme le prescrivent les règlements dans le domaine financier. Par conséquent, on prévoit un mécanisme de consortiums d'assureurs qui répartissent les risques dans le monde; dans notre cas, le consortium est composé de 27 sociétés d'assurance. À mon avis, la responsabilité illimitée serait difficile à assumer dans le marché de l'assurance du monde entier.

Le sénateur Kenny: Pourtant, avec une limite très élevée, nous verrions les tarifs augmenter considérablement. En fin de compte, s'agit-il d'un risque pour la Couronne? Si nous envisageons des chiffres réalistes concernant les dommages en cause, au cas où un accident survient dans une installation, les chiffres ne seront-ils pas très au-delà de la capacité de l'industrie de l'assurance?

M. Murphy: Sur le plan théorique, c'est exact, sénateur.

Le sénateur Kenny: Par conséquent, ce serait une bonne idée de cesser de payer les primes maintenant et de demander au gouvernement de prendre la relève?

M. Murphy: Je ne dirais pas cela, sénateur, mais je prends note de votre commentaire.

M. Hammond: Si je puis commenter, il y a plusieurs façons d'aborder cette question. Certainement, le commentaire selon lequel nous serions aux prises avec un chiffre astronomique dans l'éventualité d'une catastrophe nucléaire est pertinent.

Manifestement, du point de vue de nos assureurs privés, nous avons besoin de limites établies selon le genre de responsabilité que nous assumons afin de fonctionner de manière responsable.

Si nous choisissions au Canada de mettre en vigueur une responsabilité illimitée, un certain nombre de questions seraient alors soulevées. Il est possible que la capacité d'assurance s'épuise. Il y aurait aussi des questions soulevées à l'extérieur du pays. Comme mon directeur l'a indiqué, une partie considérable de cette capacité représente une capacité extérieure assumée par quelques entreprises très connues dans le monde en entier.

L'autre commentaire que j'aimerais faire est qu'il s'agit probablement d'une position que l'industrie privée de l'assurance doit prendre pour offrir une protection raisonnable dans l'éventualité raisonnable d'un accident. Je veux parler ici d'un incident nucléaire de moindre importance, ou d'un événement pouvant survenir concernant le transport des matières, et cetera. Pour revenir au point que vous avez soulevé au sujet des analyses actuarielles et des questions du même genre, nous ne pouvons évidemment pas faire cela pour évaluer les risques nucléaires, mais nous pouvons demander à l'industrie privée de gérer certains risques définis. Peut-être la question devrait-elle être de faire en sorte que l'industrie privée assume les premiers 75 millions de dollars, ou les premiers 500 millions ou un autre montant, et que la Couronne assume les risques liés à une catastrophe extrêmement peu probable.

Le sénateur Christensen: Il ressort de votre présentation et de vos remarques que les centrales nucléaires dans d'autres parties du monde ont également une protection d'assurance. Est-ce exact? Cela s'applique-t-il aux réacteurs CANDU que nous avons exportés et vendus à d'autres pays? Sont-ils couverts par une assurance? L'assurance est-elle exigée pour toutes ces installations qui entrent dans la catégorie des centrales de production d'énergie nucléaire?

M. Murphy: Madame le sénateur, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une exigence, mais les bonnes pratiques d'affaires indiquent que ces centrales devraient être assurées, et elles le sont effectivement. La majorité des réacteurs dans le monde sont assurés d'une manière ou d'une autre, sauf dans le cas de certaines centrales situées dans l'ancien bloc de l'Europe de l'Est. Je ne suis pas sûr du nombre de centrales qui y sont assurées, mais je sais qu'effectivement plusieurs d'entre elles ne le sont pas. Je suis sûr de cela.

Le sénateur Christensen: Votre association assure-t-elle des installations nucléaires autres que des centrales de production d'énergie nucléaire?

M. Murphy: Oui, en effet. Nous assurons les activités de R-D liées aux installations hospitalières et ce genre de choses. Nous assurons l'expédition et le transport de matières nucléaires dangereuses, et cetera.

Le sénateur Christensen: Une compagnie expédiant des matières nucléaires, distincte de la compagnie exploitant une centrale, serait en mesure d'obtenir une assurance auprès de votre association.

M. Murphy: C'est exact, sénateur.

Le sénateur Finnerty: Vous avez parlé du transport des matières nucléaires. Si la Loi sur la responsabilité nucléaire n'existait pas, assureriez-vous toujours les centrales nucléaires?

M. Hammond: Permettez-moi de tenter de répondre à cette question comme suit: nous représentons l'association nucléaire. En raison de la nature même du risque, c'est très difficile. Une société d'assurance ne peut pas assumer toute la protection. Par conséquent, nous mettons nos ressources en commun. Les sociétés d'assurance, les souscripteurs d'assurance, dont je fais partie, examinent les risques pour s'assurer qu'il y a des règlements adéquats en vigueur pour fournir une véritable protection en cas d'accident, pour veiller à ce qu'il y ait une gestion appropriée, et cetera.

S'il n'y avait pas la Loi sur la responsabilité nucléaire au Canada, plusieurs facteurs devraient alors être pris en compte. Premièrement, nous regarderions quels règlements sont en vigueur. Mon directeur a soulevé la question concernant la manière dont la Loi régit la responsabilité, et dont elle en définit la portée de manière très précise. De plus, la Loi définit ce que serait notre responsabilité, et elle contrôle en fait notre énoncé de politique.

Je répondrais à la question en disant que, si la Loi sur la responsabilité nucléaire n'existait pas, alors il y aurait probablement une réduction de la capacité disponible, une réduction du nombre d'assureurs qui désireraient offrir cette protection.

M. Murphy: Pour étoffer la question, si vous me permettez, la police d'assurance habitation type ou la police d'assurance commerciale type comporte invariablement des exclusions concernant les risques nucléaires.

Le sénateur Taylor: Vous avez mentionné dans le mémoire que bon nombre d'autres États imposent des responsabilités très limitées aux exploitants. Vous avez également noté que la limite canadienne semble inadéquate comparativement à d'autres États. Quel est notre retard à ce chapitre?

M. Murphy: La limite actuelle prévue dans la LRN, la Loi sur la responsabilité nucléaire, est fixée à 75 millions de dollars. Comme je l'ai mentionné précédemment, un débat est en cours pour qu'on hausse cette limite. Les recommandations exactes n'ont pas encore été rendues publiques, mais il y aura certainement une hausse considérable, à mon avis.

Le sénateur Taylor: La protection est de l'ordre de 300 millions de dollars aux États-Unis et au Royaume-Uni, et de 600 millions de dollars en France. Allez-vous tenter d'atteindre une limite se situant entre 300 millions et 600 millions de dollars?

M. Murphy: Absolument. Je soupçonne que la limite sera fixée à un niveau raisonnable, puis que sur une certaine période elle sera graduellement haussée afin d'atteindre des niveaux considérablement supérieurs pour se conformer aux limites internationales.

Le sénateur Taylor: Mon autre question porte sur la protection canalisée. L'exploitant n'a généralement pas de recours contre quiconque. Je sais que vous avez un processus de canalisation pour les sociétés assurées. Autrement dit, affirmez-vous que l'exploitant ne peut pas poursuivre un employé ou une société?

M. Murphy: C'est exact.

Le sénateur Taylor: Les sociétés présumées fautives ne peuvent donc pas être poursuivies.

M. Murphy: C'est exact. Elles sont protégées aux termes de la LRN, ce qui permet à ces tierces parties de fournir des services ou du matériel pour participer aux travaux. Elles sont effectivement tenues non responsables. Si elles devaient assumer la responsabilité des risques nucléaires associés aux travaux qu'elles exécutent, ou aux services et produits qu'elles fournissent, elles auraient alors de la difficulté à souscrire une protection d'assurance pour ce faire.

Le sénateur Taylor: Il me semble qu'il devrait y avoir un juste milieu, si vos sous-traitants ne peuvent pas être poursuivis, ou s'ils ne sont pas responsables. Par exemple, dans le cas d'un foyer de maison, on peut poursuivre la société qui l'a mal installé. Toutefois, si une société exécute des travaux médiocres de maçonnerie autour d'un établissement nucléaire, elle est entièrement libre de tout blâme. N'êtes-vous pas en quelque sorte en train d'encourager le travail bâclé chez les sous-traitants? Devrait-on adopter une solution de compromis?

M. Murphy: Nous n'encourageons pas le travail ni la sous-traitance bâclés. En fait, comme je l'ai mentionné dans mes observations préliminaires, les sous-traitants ne sont pas libérés ou exonérés de la responsabilité de mener leurs affaires selon les meilleures pratiques. En général, cela est énoncé dans les ententes contractuelles conclues avec l'exploitant de la centrale nucléaire.

La question est que nous prenons la capacité disponible dans le cadre d'un système de consortium dans le monde, et que nous la canalisons dans un domaine de manière à ce que la capacité soit disponible en entier, et non pas épuisée par l'exigence selon laquelle les fournisseurs, soit les entrepreneurs tiers, pourraient avoir besoin de se protéger eux-mêmes si une telle protection était disponible. La capacité disponible est canalisée pour protéger l'exploitant et, par une approche de couverture élargie, si vous voulez, les sous-traitants, soit les personnes qui viennent sur place pour fournir des produits et services, sont en retour protégés.

Le sénateur Taylor: Je ne suis pas avocat, mais il me semble que vous placez la charrue devant les boeufs. Toute ma vie j'ai eu recours à la sous-traitance; si je n'avais pas pu poursuivre un sous-traitant pour un travail bâclé ou de l'équipement défectueux, j'aurais eu la vie très difficile. C'est sûrement particulièrement vrai en ce qui concerne les installations nucléaires. Il est vrai que j'étais davantage dans le domaine des travaux en mer, mais nous avons eu des accidents assez terribles. Par exemple, une plate-forme a chaviré au large de Terre-Neuve, et il y a eu quelques accidents de ce genre. Or, si vos sous-traitants sont tenus non responsables, comme vous avez beaucoup de sous-traitants, il me semble que vous augmentez les risques pour l'ensemble du projet, plutôt que de les éliminer.

Pourriez-vous désigner une limite selon laquelle ils pourraient être tenus responsables? Vous dites que vous canalisez toute la protection, mais qui contre-vérifie l'ensemble des travaux? Vous laissez le soin à l'entrepreneur principal de vérifier tout équipement imparfait, mal installé ou défectueux des sous-traitants, est-ce exact?

M. Hammond: Sénateur, ni mon directeur ni moi sommes nécessairement qualifiés pour commenter les procédures, et cetera, de l'industrie nucléaire. Il existe d'autres personnes chargées de la réglementation qui sont qualifiées pour commenter cette question. Peut-être pourrions-nous restreindre nos commentaires aux deux questions pour lesquelles nous possédons l'expérience à titre de fournisseurs d'assurance.

La première question est que nous traitons ici d'un risque sérieux et qu'il existe une capacité limitée d'assurance dans le monde. Si au Canada nous choisissions de revenir à un environnement de responsabilité délictuelle, alors cette capacité serait essentiellement répartie parmi un certain nombre de personnes. Alors, la capacité disponible de protection nécessaire dans l'éventualité d'un accident diminuerait. Le deuxième commentaire que je formulerais à titre d'assureur est que, dans l'éventualité d'un sinistre découlant d'une catastrophe, il semblerait être dans le meilleur intérêt du public d'avoir un dédommagement immédiat à la suite de ce sinistre sans qu'il y ait de poursuites ou de désignations de coupables à ce moment là. Comme assureur, la protection canalisée et la non-responsabilité, si je peux utiliser cette expression, est très attrayante en termes d'utilisation efficace de la capacité et de paiement rapide advenant un sinistre.

Il y a d'autres personnes qui peuvent expliquer les normes courantes de l'industrie nucléaire.

Le sénateur Taylor: Je suis heureux que vous utilisiez le terme «non-responsabilité», car j'étais sur le point de dire que ce système comporte tous les avantages et certains des inconvénients d'un système de non-responsabilité, ceux-ci n'étant pas toujours faciles à évaluer.

Mon autre question a trait aux primes d'assurance. Comme à l'échelle mondiale la fréquence des accidents nucléaires est tellement faible, autrement dit il y a tellement peu d'accidents, les primes devraient alors s'accumuler. Vous avez fait une affirmation qui me laisse perplexe: les primes générées par les exploitants nucléaires sont distribuées aux assureurs puis investies. Voulez-vous dire que ces personnes paient une prime? Leur redonnez-vous l'argent pour qu'ils l'investissent?

M. Murphy: Par l'entremise de notre association, nous percevons la prime pour les risques assumés par les exploitants d'installations nucléaires. Ces primes sont alors versées aux sociétés d'assurance qui participent et qui fournissent la capacité. Puis, comme le prévoient les règlements dans le domaine financier, les règlements adoptés par le surintendant des assurances, et ainsi de suite, ces sociétés investissent généralement les primes et elles produisent un revenu d'intérêt en prévision d'une éventualité peu probable que ces primes soient rappelées. Il s'agit d'une pratique normale dans le domaine de l'assurance.

Le sénateur Taylor: Je vois. J'avais mal lu le terme. Par «assureurs», on entend les sociétés d'assurance plutôt que les assurés. Cela m'amène plus loin.

Existe-il des règlements plus particuliers en raison de l'importance éventuelle d'un accident nucléaire et de la purge qui serait provoquée sur les fonds? Faites-vous quelque chose de différent auprès d'une société d'assurance afin de veiller à ce qu'elle ne fasse pas faillite par rapport à toute autre société d'assurance? Autrement dit, l'exigence d'un fonds de réserve est-elle la même que pour une société assumant une protection contre l'incendie, la grêle ou le vol?

M. Hammond: Je répondrais à ce commentaire du point de vue d'un souscripteur et d'une société d'assurance. Actuellement, en vertu de la loi canadienne, nous n'avons pas la capacité de constituer une réserve contre les risques d'accident nucléaire ou de participation éventuelle à même les primes que nous recevons chaque année, ni la capacité d'imputer cette réserve sur une période plus longue.

Il y a quelques années, le gouvernement du Canada a modifié les règlements qui régissent les séismes. Nous avons maintenant la capacité de prendre la prime que nous percevons d'une année quelconque et la mettre en réserve dans un fonds spécial pour les séismes.

Comme assureurs, nous examinons la période de rendement, qui est essentiellement lorsqu'un événement peut se produire et, manifestement, avec un événement comme un séisme ou un accident nucléaire, nous préférerions de beaucoup une situation où nous pouvons prendre l'argent à titre de souscripteurs et le mettre de côté dans un fonds où il ne serait pas imposé sur une base annuelle, étant donné, évidemment, que nous devons le mettre en réserve pendant une période plus longue.

Actuellement, au Canada, nous n'avons pas cette possibilité. Certes, au nom de l'industrie, nous accueillerions favorablement toute mesure adoptée par le gouvernement du Canada afin de nous permettre de constituer des fonds à même ce genre de primes que nous percevons sur une période de 50 ou 100 ans, peu importe la période nécessaire, et nous diviserions ou répartirions ces fonds parmi nos sociétés d'assurance et les mettrions de côté de sorte qu'ils ne puissent être utilisés à d'autres fins.

Le sénateur Taylor: Madame la présidente, peut-être pourrions-nous obtenir une lettre en langage simple qui énoncerait un projet d'amendement. Il est important qu'un fonds de réserve soit constitué. Nous parlons de protection canalisée et disons que nous n'avons pas de fonds de réserve pour les séismes ou les accidents nucléaires.

Le sénateur Adams: Comme on m'a récemment fait visiter l'installation nucléaire de Pickering, je suis conscient qu'il faut environ dix ans pour que les cellules nucléaires refroidissent dans le système de bassins. Comment les assureurs traitent-ils les dangers liés aux structures physiques dans les situations où les cellules peuvent être en train de refroidir, comme dans une centrale nucléaire? Ces éléments, comme un incendie d'immeuble, sont-ils compris dans les 75 millions de dollars?

M. Murphy: Si je comprends bien la question, le montant de 75 millions de dollars est prévu pour assumer une responsabilité en ce qui concerne les dommages corporels et matériels. Il s'agit d'une protection de tierce partie; il ne s'agit pas d'une protection contre des dommages matériels.

Le sénateur Adams: Avez-vous une autre protection pour ces dommages?

M. Murphy: La protection contre des dommages matériels est disponible. Toutefois, elle n'est pas obligatoire. Certains des exploitants au Canada ont une protection contre les dommages matériels, alors que d'autres n'en ont pas. Cette protection peut être très coûteuse étant donné les risques inhérents.

Le sénateur Adams: Je suis intéressé par les domaines de la responsabilité concernant l'industrie nucléaire. Aussitôt que les cellules nucléaires sortent du système de chaudières, est-ce l'exploitant qui est responsable, ou est-ce la compagnie qui l'est?

M. Murphy: Lorsque les grappes de combustible sont consommées, ou lorsqu'elles doivent être entreposées sur place ou à l'extérieur, l'exploitant est généralement responsable.

Le sénateur Christensen: Nous parlons d'une protection de tierce partie. Connaissez-vous le type d'assurance que les installations nucléaires contractent elles-mêmes pour la responsabilité, les dommages, les bris d'équipement ou tout autre chose?

M. Murphy: Je ne suis pas au fait des assurances particulières que les exploitants nucléaires contractent, mais les types de protection offerts comprennent les bris d'équipement causant des pertes d'exploitation. Si une centrale est mise hors service en raison de la défectuosité d'une pièce d'équipement essentielle et qu'elle est incapable de produire de l'énergie, elle perd de l'argent. Cette protection est ce qu'on appelle une assurance contre des pertes d'exploitation. Encore une fois, elle n'est pas obligatoire. Par conséquent, je possède des connaissances limitées sur ses particularités.

La présidente: J'aimerais comprendre plus clairement ce que comporte votre protection. Si je vous ai bien compris, en réponse au sénateur Kenny, vous avez dit que vous offriez une protection contre les accidents de gravité moindre. Vous avez reconnu qu'en cas d'accident catastrophique touchant six millions de personnes et engageant une responsabilité internationale, vous ne seriez pas en mesure de faire quoi que ce soit et que, vous l'espériez, il s'agirait alors d'une responsabilité gouvernementale. Est-ce exact?

M. Murphy: Oui, c'est exact.

La présidente: Il s'est produit des incidents mineurs au Canada. Avez-vous octroyé des dédommagements pour un quelconque de ces incidents?

M. Murphy: Pas sur une base de responsabilité de tierce partie, non.

La présidente: Bien que vous ayez perçu les primes, et qu'il y ait eu une responsabilité d'établie, vous n'avez jamais payé quoi que ce soit pour un quelconque incident.

M. Murphy: À ma connaissance, il ne s'est produit aucun événement catastrophique qui ait provoqué cela.

La présidente: Vendez-vous des parts dans votre compagnie?

M. Murphy: Nous sommes une association, pas une société à but lucratif.

La présidente: Je comprends. Je plaisantais.

Vous avez par ailleurs affirmé que vous n'offriez pas de protection contre les déchets dangereux.

M. Murphy: C'est exact.

La présidente: Par conséquent, vous n'offriez pas de protection pour l'hélicoptère qui a survolé le Canada et qui transportait du combustible MOX?

M. Murphy: Nous n'assurions pas l'hélicoptère, parce qu'il s'agit d'un risque matériel. Cette protection doit être assumée dans le cadre du programme aéronautique. Oui, nous avons participé à la protection d'assurance responsabilité associée au transfert.

La présidente: C'est intéressant. On s'approche du coeur de la question visée; c'est-à-dire, l'évaluation du risque. Il serait intéressant de connaître la manière dont vous avez évalué le risque encouru au cours de ce déplacement en hélicoptère.

J'ai regardé la documentation et j'ai vu qu'il y avait des données sur les risques. Cependant, je suis très perplexe concernant le fait que vous percevez de l'argent pour offrir une assurance responsabilité, bien que vous n'ayez pas d'assise scientifique pour évaluer le risque. De plus, vous prétendez être un second chien de garde. C'est Alice au pays des merveilles. Vous parlez d'une situation théorique. Quelle est la situation réelle?

M. Murphy: L'évaluation du risque est une entreprise difficile en raison du faible nombre d'installations nucléaires existantes et du manque d'incidents passés. Il n'y a pas eu de prolifération de catastrophes nucléaires. Pour établir les primes, nous nous fondons en quelque sorte sur l'expérience des autres experts faisant partie du consortium. Ils peuvent avoir une certaine expérience et nous partons de là.

En ce qui concerne le fait d'être un second chien de garde, nous avons des experts en génie qui sont en mesure d'examiner les installations physiques et de s'assurer que les mécanismes des procédures de sécurité fonctionnement bien. Nous croyons qu'il y a une possibilité qu'un incident nucléaire se produise en raison du risque de défectuosité physique. C'est là que nous jouons un rôle de second chien de garde.

La Commission de contrôle de l'énergie atomique (CCEA) est le principal chien de garde. Toutefois, nous avons des experts en génie qui visitent les centrales et examinent physiquement les mécanismes des chaudières. En fait, nous avons recours à certains des experts les plus qualifiés au monde pour faire cette tâche afin de réduire la possibilité qu'un événement se produise en raison d'une défectuosité, de processus défaillants ou d'un non-respect des procédures de sécurité.

La présidente: Je doit rectifier votre affirmation selon laquelle il ne s'est pas produit d'accidents graves, ou très peu. Il y a eu Tchernobyl, Three Mile Island, ainsi qu'un accident au Japon, et je pense que le ratio de risque est d'un en 10 000 ans, ou quelque chose du genre.

Vous ne regardez que les incidents mineurs. Peut-être pourriez-vous nous fournir un peu de documentation à ce sujet, parce que j'ai une certaine difficulté à comprendre cette question. Comment feriez-vous pour évaluer les dommages découlant des accidents de Tchernobyl ou de Three Mile Island? Bien sûr, nous espérons que cela ne se reproduira jamais, mais si un accident survenait à Pickering, il serait comparable en termes de densité de population. Des années après l'accident de Tchernobyl, nous observons encore des cas de cancer chez les enfants et d'autres conséquences.

M. Hammond: Madame la présidente, lorsque M. Murphy parlait de la fréquence des risques, il parlait du Canada. Nous sommes bien conscients de Tchernobyl.

La présidente: Mais vous mettez en commun des ressources mondiales.

M. Hammond: Oui, mais notre association au Canada n'offre d'assurance responsabilité qu'aux entreprises du Canada. Nous n'assurons pas d'entreprises à l'étranger.

Manifestement, l'évaluation du risque dans cette catégorie d'assurance est extrêmement difficile. M. Murphy a déjà évoqué la manière dont nous utilisons notre expertise passée, que ce soit l'expertise en mécanismes de chaudières, en protection des incendies, peu importe, afin d'examiner les installations physiques et d'utiliser l'expertise que nous avons dans d'autres domaines pour déterminer ce qui constitue un bon risque et ce qui représente un risque plus élevé.

Nous avons appris de l'accident de Tchernobyl et des autres accidents survenus à l'étranger. Le processus du réacteur de Tchernobyl était fondamentalement différent de celui du réacteur CANDU. Lorsque M. Murphy parlait de la mise en commun de ressources mondiales, il faisait référence au fait que nos ingénieurs proviennent de plusieurs pays et que nous examinons les leçons apprises à la suite des événements survenus à l'étranger. Lorsque nous faisons nos évaluations des installations physiques, nous prenons ces événements en considération.

Comme nous n'assurons que les risques au Canada, nos connaissances se limitent au type de réacteurs nucléaires que nous y possédons ici. Cependant, nous allons vers le plus grand consortium, soit le consortium britannique. La majeure partie du volume assuré dans le consortium britannique est en fait composé de contrats conclus à l'échelle mondiale. Je conviens qu'il est très difficile de définir le risque dans cette catégorie.

Nos personnes-ressources utilisent leur expérience et les leçons qu'ils ont apprises ailleurs pour nous fournir des conseils dans nos rapports d'inspection. Il est donc clair que les niveaux des primes varient en fonction des types de réacteurs dans le monde ainsi qu'en fonction de certains accidents qui se sont produits -- qu'ils aient été graves, comme ceux que vous avez mentionnés, ou de moindre importance, dont certains ne sont pas déclarés.

La présidente: Pensez-vous qu'il y aura une quelconque différence si les centrales nucléaires sont privatisées, comme certains l'envisagent? Avez-vous un rôle à jouer auprès de la CCEA concernant la fermeture de centrales nucléaires? Aviez-vous des préoccupations dans ce cas, ou auriez-vous des préoccupations quelconques au sujet de la privatisation de centrales?

M. Murphy: Nous n'avons pas participé aux discussions entourant la fermeture de quelque station que ce soit. S'il y a un changement de propriété vers le secteur privé, évidemment, les dispositions de la LRN auront préséance et, par conséquent, nous serons là pour fournir une protection à ces exploitants.

La présidente: Voyez-vous une différence concernant les risques?

M. Murphy: Pas à cette étape-ci. Nous aurions encore recours à nos ingénieurs pour faire les visites de routine. Nous travaillons à l'élaboration de normes nucléaires internationales en termes de fréquence et de portée de ces inspections, et cetera.

La présidente: La raison pour laquelle je vous ai demandé si vous y avez participé est que vous êtes ici comme un second chien de garde, examinant les tarifications. Je présume que l'une des raisons expliquant la fermeture de la centrale de Pickering avait trait à une forme de défaillance, je ne me rappelle plus le terme exact. On doit être prudent quant à l'utilisation des termes pour effectuer la tarification, mais il s'agissait bien en partie, tel que je le comprends, d'un fonctionnement inadéquat. Par conséquent, je me demande si au moment de faire vos inspections -- et, comme vous dites, vous êtes un second chien de garde -- vous aviez des rapports avec les responsables de la CCEA?

M. Murphy: Oui, c'était le cas.

La présidente: Émettriez-vous une opinion, ou toute chose du genre?

M. Murphy: Ils sont, de loin, le principal chien de garde, en quelque sorte. Nous nous définissons comme second chien de garde de façon familière et non pas selon une description de politique officielle. Nous collaborons effectivement avec la CCEA. Ils sont conscients de notre existence et nous savons qu'ils existent. Nous suivons les directives qu'ils proposent dans les circonstances appropriées.

La présidente: Pourriez-vous commenter un peu plus à fond le transfert du MOX par hélicoptère et nous donner quelque indication de la manière -- et je pense que cela sera intéressant pour le public -- dont vous avez évalué le risque dans ce cas et la façon dont vous y avez participé? Pouvez-vous nous fournir d'autres explications?

M. Murphy: En établissant la prime pour ce risque particulier, nous avons beaucoup compté sur le consortium américain, soit l'Association of Nuclear Insurance ou l'ANI. Il a eu des transferts de matières nucléaires dangereuses aux États-Unis et nous avons misé sur leur expertise.

La présidente: Toutefois, ils ne permettent pas le transport aérien. Leurs lois l'interdisent. Pourquoi?

M. Murphy: Bien, il se peut qu'il y ait aux États-Unis certaines circonstances uniques dans lesquelles le transport de ces matières peut être permis dans un aéronef prescrit, et cetera. Évidemment, si, pour quelque raison que ce soit, l'aéronef avait une défectuosité mécanique et s'écrasait dans une zone habitée, cela comporterait un risque extrême.

La présidente: C'est un témoignage intéressant, parce qu'on nous a dit que les matières dangereuses étaient dans un conteneur de céramique qui était aussi sécuritaire que possible. Vous nous dites maintenant que vous deviez participer à la protection parce que, si l'aéronef s'était écrasé, il y aurait eu un risque.

M. Murphy: J'affirmerais qu'il y a toujours un risque. Je ne crois pas qu'il y ait de situation à risque nul.

La présidente: Je me demande comment fonctionne cette entente de consortium. Prenons Pickering comme exemple. Ils paient une prime d'assurance, peu importe le montant, par année. Est-ce exact?

M. Murphy: C'est exact.

La présidente: L'assureur prend alors la prime et la divise parmi les compagnies faisant partie du consortium? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Murphy: Vous avez tout à fait raison. C'est un mécanisme de mise en commun. Aucune compagnie unique parmi nos 27 compagnies membres ne serait en position, ni n'aurait la volonté d'être en position, de fournir toute la limite -- 75 millions de dollars. Conséquemment, la prime est divisée en fonction du montant proportionnel de la limite de responsabilité que chaque compagnie d'assurance assume individuellement. Si une compagnie assume 10 p. 100 de la limite de responsabilité, elle recevra 10 p. 100 de la prime. Nous avons des membres qui assument une part aussi élevée que 40 p. 100 ou même près de 50 p. 100, alors que des compagnies plus petites assument de 3 à 5 p. 100 de la limite.

La présidente: Par conséquent, la mise en commun est établie en fonction de la part du risque que chaque compagnie est prête à assumer.

M. Murphy: C'est exact.

La présidente: Cela n'inclut pas l'entreposage des déchets.

M. Murphy: C'est exact.

La présidente: Merci. Je n'ai plus de questions.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Murphy, combien de personnes travaillent pour votre association d'assurance nucléaire?

M. Murphy: Il y a trois personnes: le directeur, soit mon poste, le directeur adjoint, qui est un souscripteur, et une personne qui fournit un soutien administratif.

Le sénateur Cochrane: Assurez-vous la coordination de l'association?

M. Murphy: C'est exact.

Le sénateur Cochrane: D'où provient votre financement?

M. Murphy: Nous prélevons des frais de gestion pour les services que nous fournissons.

Le sénateur Cochrane: Ces frais sont-ils prélevés auprès de l'ensemble des 27 compagnies formant le consortium?

M. Murphy: Oui, c'est un montant forfaitaire qui est établi en fonction de notre état des résultats à un taux convenu et négocié chaque année.

La présidente: Je suis curieuse au sujet d'une chose: le montant de 75 millions de dollars représente-t-il la limite totale pour toutes les installations nucléaires au Canada, ou s'agit-il de 75 millions de dollars par installation? Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce par accident?

Le sénateur Taylor: J'ai interprété cela comme étant par accident. C'est pourquoi j'estimais que 75 millions de dollars était une somme inadéquate par rapport aux autres États qui ont des limites de 300 millions à 600 millions de dollars.

M. Murphy: Oui, honorables sénateurs, c'est une limite par accident.

La présidente: Il pourrait y avoir trois accident, chacun coûtant 75 millions de dollars, au cours d'une seule année, par exemple, Dieu nous en protège.

Le sénateur Taylor: C'est pourquoi j'ai proposé la lettre en vue de demander de constituer une réserve plus importante.

La présidente: Maintenant je comprends. Est-ce exact, monsieur Murphy?

M. Murphy: Oui.

La présidente: Merci, messieurs. J'espère que vous serez patients avec nous si nous vous demandons d'autres documents sur certaines questions que nous souhaitons formuler. C'est certainement un sujet avec lequel je ne suis pas familière. Nous pourrions désirer quelques éclaircissements.

M. Murphy: Je le ferai avec plaisir.

La présidente: Et vous répondrez à la demande du sénateur Taylor?

M. Murphy: Oui, nous le ferons certainement.

La présidente: Merci. Cela nous sera très utile pour nos travaux.

La séance du comité est levée.


Haut de page