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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 21 juin 2000

Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi autorisant l'aliénation des biens de la Société de développement du Cap-Breton et permettant sa dissolution, modifiant la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui des représentants syndicaux. Je vous souhaite la bienvenue et je vous donne la parole.

M. Ricky Wiseman, président général, Association internationale des machinistes: Trois d'entre nous feront une brève déclaration; M. Drake aura un exposé plus détaillé.

M. Richard Carroll, président, Travailleurs et travailleuses canadiens(nes) de l'automobile: Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole ici aujourd'hui. Je veux revenir sur certains points que M. Shannon a soulevés hier soir. Il a déclaré qu'en 1995, l'année même où un document secret du Cabinet recommandait la fermeture de Devco, la société tentait de faire inscrire un plus grand nombre de gens au régime de pension de 5 p. 100. Il a mentionné la prestation de 1 500 $ par employé dans ce régime de 5 p. 100, en comparaison de 405 $ pour le régime non contributif. Quand cette question a été soulevée, l'argument du syndicat était: «S'ils s'intéressent vraiment au mieux-être de nos employés, alors qu'ils nous inscrivent au Régime de pensions de retraite de la fonction publique.» La grande différence entre les deux régimes, est l'option de rachat qui existe dans le régime de la fonction publique. En 1995, cette possibilité de rachat n'existait pas dans le régime à 5 p. 100, mais elle existait dans le régime de la fonction publique. Récemment, l'option de rachat a été ajoutée au régime à 5 p. 100, mais cela coûte tellement cher que cette option sera très peu ou même pas du tout utilisée. Je peux vous affirmer que personne ne pourrait toucher aujourd'hui une pension de 1 500 $ par mois après s'être joint au régime à 5 p. 100 en 1995.

De façon générale, Devco a tenu les employés syndiqués à l'écart du régime de la fonction publique. Seuls ceux qui occupent des postes classés confidentiels ou qui ne sont pas syndiqués peuvent actuellement adhérer au régime. J'aimerais vous raconter l'histoire de John Chadwick, notre ancien employé membre du Syndicat canadien de la fonction publique, qui travaillait à la mine Prince. John a travaillé à la Devco pendant 28 ans. Il était superviseur d'un atelier de mécanique à la mine Prince. En 1998, on lui a offert le poste de superviseur en chef des mécaniciens, et il a accepté ce poste classé confidentiel ou non syndiqué. Peu de temps après, John a adhéré au Régime de pensions de retraite de la fonction publique, ce qu'il ne pouvait pas faire à titre de syndiqué. Peu après, des gestionnaires ont été mis à pied et John a perdu son emploi. Toutefois, grâce à une disposition du contrat du Syndicat canadien de la fonction publique qui stipule que l'on peut réintégrer son poste s'il y a moins d'un an que l'on a quitté le syndicat, John est retourné travailler et est redevenu membre du syndicat. John est demeuré membre du régime de pension de la fonction publique, même s'il était redevenu membre du Syndicat canadien de la fonction publique. Peu de temps après que le ministre Goodale eut annoncé en janvier 1999 ses plans pour Devco, John est devenu admissible au régime d'encouragement à la retraite anticipée. Avant d'accepter l'offre, il a racheté la totalité de son temps dans le régime de pension de la fonction publique, ce qui représentait 28 ans. Grâce à cela, il touche maintenant une pension de 1 500 $ par mois. Environ 900 $ servent à payer son rachat et il touche le reste, soit 600 $. S'il lui arrive un malheur, sa femme touchera le plein montant de 1 500 $ par mois.

M. Shannon a dit que Devco a touché 1,7 milliard de dollars en fonds publics et a dépensé 1,4 milliard de dollars pour les pensions des employés. Il a donné l'impression que si ce n'était des pensions, nous aurions obtenu d'assez bons résultats. Le fait est que le régime non contributif est financé par la compagnie, qui verse dans le régime 1 p. 100 de la rémunération des employés. Je n'ai pas la moindre idée de l'ampleur que le déficit aurait atteint si la compagnie avait versé 5 p. 100 ou 7 p. 100 de la rémunération des employés, comme c'est nécessaire dans d'autres régimes de pension. Il aurait peut-être été moindre, parce que le régime de pension semble donner de bons résultats à la fois pour l'employé et l'employeur.

Notre régime à 5 p. 100 est à capitalisation entière et il a même un surplus de plus de 10 p. 100, ce qui a permis à Devco de cesser de verser sa cotisation au régime depuis deux ans. Une grande partie de notre passif au chapitre des pensions est attribuable à ceux qui étaient membres du régime quand Devco a repris la compagnie. J'ai un oncle qui avait 48 ans en 1968 quand Devco a racheté DOSCO. En 1969, on lui a offert une pension; il avait alors 49 ans. Pour avoir travaillé chez Devco pendant un an, il a reçu 16 ans de congé de retraite et depuis 15 ans, il touche les prestations du régime non contributif. Ainsi, après avoir travaillé pour l'État pendant un an, il a reçu presque 31 ans de pension. Par contre, avant notre décision en arbitrage, nous avions des gens qui travaillaient à la compagnie depuis 31 ans et auxquels on n'a même pas offert un an de salaire dans le cadre du PERA. Cela en dit long sur le changement et sur l'opinion que le gouvernement avait des mineurs au cours des 30 dernières années.

Je crois fermement que tous les employés de Devco qui ont été embauchés après que le gouvernement eut racheté la compagnie en 1968 auraient dû être inscrits au régime de pension de la fonction publique. Comme Mme Budden l'a dit hier soir, nous étions considérés comme des employés de l'État pendant la période des contrôles des prix et des salaires, alors pourquoi pas aux fins de la pension?

M. Leo Gracie, vice-président, Section locale 2046, Syndicat canadien de la fonction publique: Notre section représente des superviseurs, des infirmiers et infirmières, des répartiteurs ferroviaires et des agents de sécurité. Je veux d'abord remercier ce comité du Sénat de nous avoir donner le temps de formuler nos préoccupations relativement aux changements à apporter au projet de loi C-11. Vous entendrez d'autres intervenants faire des exposés sur ce projet de loi aujourd'hui, et je voudrais pour ma part m'attarder sur l'une de nos principales préoccupations.

Comme vous pouvez le voir, cette affiche nous invite à regarder au-delà de l'an 2000. Depuis au moins cinq ans, on nous dit et on nous fait croire que nous avons un avenir à la Société de développement du Cap-Breton bien au-delà de l'an 2000. Comme vous pouvez l'imaginer, nos membres ont fondé leur vie et leurs espoirs sur cette promesse d'un avenir au-delà de l'an 2000. Pendant 33 ans, le gouvernement fédéral, par l'entremise de la Société de développement du Cap-Breton, s'est engagé à donner du travail à des milliers de travailleurs jusqu'à leur retraite. Pourquoi ne tient-on pas cette promesse dans le cas des derniers employés de la Société de développement du Cap-Breton? Je demande au comité d'obliger le gouvernement actuel à remplir ses engagements dans le cadre du projet de loi C-11 et à offrir une retraite anticipée aux employés encore à Devco.

Vous n'ignorez pas que l'avenir des charbonnages sans Devco au Cap-Breton suscite de graves inquiétudes. Les représentants des employés de Devco n'ont toujours pas reçu le moindre renseignement sur le processus de vente, les acheteurs éventuels, et n'ont pas eu la moindre possibilité de discuter de ce processus de vente.

En terminant, je voudrais demander au comité de forcer le gouvernement fédéral à remplir ses engagements envers les travailleurs de Devco en révisant son programme et en offrant des incitatifs suffisants, dans le cadre du programme d'encouragement à la retraite anticipée, pour compenser toutes pertes d'emploi. Je demande aussi au comité de faire en sorte que le gouvernement fédéral, par l'entremise de la Société de développement du Cap-Breton, entame immédiatement des pourparlers avec les représentants syndicaux pour offrir un filet de sécurité aux employés qui restent sous le régime d'un éventuel acheteur. Cela ne devrait pas être trop difficile pour le gouvernement fédéral et Devco, compte tenu des déclarations qui ont été faites, nommément qu'il y a encore 519 emplois dans la nouvelle industrie. Si le Sénat et le gouvernement fédéral sont sincères quand ils se disent préoccupés par le sort des employés et de leurs familles, alors ils doivent s'engager à enrichir le programme d'encouragement à la retraite anticipée de manière à compenser toute perte d'emploi et à offrir un filet de sécurité aux employés qui resteront, afin qu'ils puissent travailler jusqu'à la retraite.

Je vous remercie une fois de plus de nous avoir donné l'occasion de formuler nos préoccupations. J'espère que vous étudierez sérieusement nos demandes.

M. Wiseman: Je représente l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. Je veux vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître. Je représente un groupe de conducteurs de locomotive, chefs de train, machinistes, soudeurs, tuyauteurs et chauffeurs. Nous avons un peu de tout parmi nos membres. Je serai bref et j'irai droit au but.

La question dont je vais traiter n'a pas de rapport direct avec le projet de loi C-11, mais il n'en demeure pas moins que ce projet de loi aura d'importantes conséquences pour les questions dont je veux vous parler. Je suis content de voir que le sénateur Boudreau est présent. Je ne suis pas certain s'il a remplacé le sénateur Graham à titre de membre suppléant du Conseil du Trésor, mais la question dont je vais vous entretenir a beaucoup à voir avec le Conseil du Trésor.

La majorité de nos membres et certains membres des autres syndicats des travailleurs de Devco sont visés par la Loi sur la pension de la fonction publique. Vous me reprendrez si je me trompe, mais je crois que la loi n'a pas été modifiée. Nous avons des employés qui ont en moyenne 25 ans d'ancienneté et qui comptent en moyenne 24 années de cotisation au régime. Avec le projet de loi tel qu'il est présenté, ils cesseront d'être des employés de l'État avant d'atteindre l'âge de 50 ans, ce qui entraînera une réduction de 50 p. 100 de leurs prestations, peu importe le nombre d'années pendant lesquelles ils ont cotisé au régime. Dans l'histoire de ce régime, quand le gouvernement faisait des compressions ou fermait des services, on réglait directement ce problème en mettant en place une dispense des réductions et en prévoyant une période pendant laquelle les gens pouvaient se trouver dans cette situation sans subir de réductions.

J'ai communiqué avec le chef du Conseil du Trésor, dont le nom m'échappe en ce moment, mais on nous a claqué la porte au nez quand nous avons demandé une telle dispense. D'après ce que j'ai vu au gouvernement fédéral depuis deux ans, à chaque fois qu'il y a eu des mises à pied ou fermetures d'un service dans le secteur public, le gouvernement s'est empressé d'accorder une dispense et de permettre aux gens qui ont cotisé à un régime d'en récolter tous les avantages sans pénalité. Le projet de loi C-11 permettra au gouvernement de se dérober à ses obligations légales.

Le régime lui-même enregistre un surplus. Je ne suis pas sûr du chiffre exact, mais c'est de l'ordre de 30 milliards de dollars. Le gouvernement a légiféré pour pouvoir empocher tout l'argent de ce fonds. S'il y a jamais eu une situation qui réclamait un traitement spécial ou une loi spéciale, pour permettre à ces gens-là de récolter les avantages auxquels ils ont vraiment droit, c'est bien le projet de loi C-11.

Dans l'éventualité où vous ne jugeriez pas bon de reconsidérer le projet de loi C-11 et ses répercussions sur les travailleurs de Devco, alors, moralement, le moins que vous puissiez faire, c'est de reconsidérer la Loi sur la pension de la fonction publique. Vous devez vous assurer que les employés qui ont cotisé à ce régime pendant des années et qui ont droit à tous les avantages prévus ne soient pas pénalisés. Ce n'est pas de leur faute s'ils cessent d'être des employés de l'État avant d'atteindre l'âge de 50 ans.

Envisageriez-vous au moins de réfléchir à cette possibilité? Sénateur Boudreau, ou bien vous, sénateur Graham, je sais que vous êtes membres suppléants du Conseil du Trésor. Auriez-vous l'obligeance d'attirer l'attention sur cette question?

Nous avons entendu le président Shannon et d'autres représentants de Devco et du gouvernement fédéral dire que nous ne cotisons pas à un régime et qu'en conséquence, nous n'avons pas droit à ce que d'autres gens reçoivent. Ces gens-là ont effectivement cotisé à un régime et ils devraient avoir droit aux prestations que les autres Canadiens ont obtenues au fil des années. Pour cela, il faut accorder une dispense des réductions prévues et créer un créneau permettant de répondre aux critères.

Le sénateur Graham: Combien y a-t-il d'argent dans le fonds?

M. Wiseman: Je n'en suis pas certain. Si je me rappelle bien, je crois que c'est autour de 30 milliards de dollars. Je crois que le gouvernement fédéral a adopté une loi spéciale lui permettant de s'emparer de ce surplus, mais je me trompe peut-être. Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de prendre la parole ici.

M. Steve Drake, président, United Mine Workers of America: Merci de nous donner ce temps de parole. Avant de commencer mon exposé, je voudrais apporter certaines précisions à l'intention du Sénat au sujet des déclarations trompeuses que M. Goodale a faites hier soir et aussi de certains propos trompeurs qui ont été tenus par M. Shannon. Je pense qu'il faut apporter une rectification à ce sujet. J'aimerais que MM. Goodale et Shannon soient présents aujourd'hui pour nous en parler.

M. Goodale a dit hier soir que les syndicats de Devco avaient donné leur accord pour créer un comité mixte de planification. C'est inexact. Nous n'avons pas accepté cela. Nous avons été forcés de le faire parce que le gouvernement fédéral, en janvier 1999, a décidé arbitrairement, pour la première fois en 32 ans, d'appliquer les critères relatifs à la retraite et à la fermeture aux syndicats et aux effectifs de la Société de développement du Cap-Breton.

Nous estimions que ce processus du comité mixte de planification serait un dernier recours, parce que si cela débouchait sur une impasse, il faudrait alors s'en remettre à l'arbitrage et ce serait comme un coup de dés. Ce n'est pas la meilleure façon de fermer une société d'État.

M. Goodale a dit que l'on mettrait en place des sauvegardes pour la vente des actifs de Devco. Il a dit que ces deux sauvegardes étaient l'approbation du conseil d'administration de Devco et l'approbation du gouvernement. Je vous renvoie à la page 12 du document que j'ai distribué. C'est le document sur la privatisation au moyen du projet de loi C-11. Au deuxième point, il est question de la situation au-delà de l'an 2000 et des lacunes irrémédiables du plan 1995-2000.

Le conseil d'administration de Devco a rencontré le Sénat à plusieurs reprises en 1996 et 1997. Ils ont dit publiquement qu'ils avaient un plan applicable au-delà de l'an 2000 et que ce plan était bien documenté. M. Shannon a déclaré au Sénat le 27 mai 1996:

Il fallait élaborer un plan pas trop osé et suffisamment crédible pour les gens d'Ottawa; il fallait qu'il soit réalisable et qu'il puisse recueillir des appuis, tout en étant assez ambitieux pour nous permettre de rester à flot dans le secteur des charbonnages.

C'est ce même conseil d'administration dont le gouvernement fédéral nous dit maintenant qu'il fait partie de leur plan de sauvegarde pour les 900 travailleurs qui restent dans cette industrie. J'espère que vous lirez ce document, qui renferme plein de renseignements. Il y a là-dedans des chiffres relativement aux provinces et aux engagements que Devco a pris au nom de l'industrie charbonnière envers le gouvernement fédéral et le Sénat en 1996 et 1997.

À la page 15 de mon document, il y a un sommaire des revenus. M. Shannon et M. Goodale avaient raison de dire que M. Hockin a déclaré en 1990 que la société avait le mandat d'atteindre l'autonomie et la rentabilité. Entre 1991 et 1995, donc avant la prise en charge de Devco par l'administration actuelle, le revenu moyen de la société se situait autour de 240 millions de dollars par année, le maximum, 266 millions de dollars, ayant été atteint en 1993. Après l'approbation du plan quinquennal en 1996 par le gouvernement fédéral, les revenus en 1996 ont baissé de façon spectaculaire à 188 millions de dollars, et en 1997 et 1998, ils ont continué à baisser pour atteindre 167 millions de dollars. En 1999, ils n'étaient plus que de 98 millions de dollars.

Au cours de l'an 2000, bien que le rapport annuel n'ait pas encore été publié, la société a produit tout juste un peu plus de 600 000 tonnes de charbon. Les revenus tirés de la production de charbon, en excluant les stocks extraits l'année précédente, pour l'an 2000 seront d'environ 42 millions de dollars. Tout cela d'après les renseignements qui nous ont été donnés il y a quatre ans dans le cadre du plan visant les années au-delà de 2000. La compagnie a vu ses bénéfices baisser de 157,6 millions de dollars par rapport à ce qu'on prévoyait au moment de l'élaboration de ce plan.

Ces prétendues garanties, l'approbation par le conseil d'administration et l'approbation par le gouvernement, ne sont certainement pas de nature à donner la moindre confiance aux employés que ce plan de privatisation donnera de meilleurs résultats que le récent plan quinquennal de la société. Nous craignons énormément de nous retrouver dans la même situation que Transports Canada. Le Sénat est notre dernier espoir, nous comptons sur vous pour faire des recommandations et modifier ce projet de loi, pour empêcher une autre situation comme celle de Transports Canada.

Cinq cent cinquante personnes, travailleurs de longue date de la Société de développement du Cap-Breton, ont fait la queue devant l'immeuble de la mine il y a deux semaines pour encaisser leur indemnité de départ. Ce sont pourtant ces travailleurs qui sont censés avoir des emplois, d'après le plan de la société. Ces mineurs savent à quoi devrait ressembler une industrie charbonnière durable. Ils n'ont absolument pas la moindre confiance et ne croient nullement que le plan actuel ou le projet de loi C-11 permettront au gouvernement fédéral de faire le moindre progrès.

Ils n'ont aucune confiance que ce plan puisse donner les résultats voulus. Ces gens craignent pour leur avenir. Ils nous ont dit qu'ils veulent travailler, mais ils ont terriblement peur de faire le saut, sans information et sans qu'on ait répondu à leurs questions au sujet du processus de privatisation.

Voilà maintenant 17 ou 18 mois que le processus a commencé et nous ne connaissons même pas le nom de la société. Hier, le ministre et M. Shannon, avec tout le respect que je leur dois, n'ont fait que tourner autour du pot et obscurcir la question. Je n'ai entendu aucune réponse relativement à ce qui arrivera au cours des 18 prochains mois.

M. Goodale a dit par ailleurs que Devco avait respecté les conventions collectives en 1999. C'est inexact. J'ai apporté un exemplaire de la décision arbitrale de M. Outhouse. À la page 25 de cette décision, au paragraphe 41, M. Goodale a déclaré que Devco avait respecté les conventions collectives en 1999 avec l'annonce arbitraire d'une réduction des effectifs le 28 janvier.

Ils n'ont pas respecté la convention collective. Ils n'ont pas respecté le Code canadien du travail et ils n'ont pas respecté la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton.

Au paragraphe 41, on peut lire: «Il faut souligner qu'en 1996 et en 1997, les PERA ont été mis en place à la suite des ententes conclues par le CMP.» Ce n'était pas le cas de l'annonce qui a été faite en 1999. C'était la première fois de toute l'histoire de Devco qu'il y a eu une réduction des effectifs sans négociation. On dit par ailleurs au paragraphe 41: «Le PERA de 1996 a fait partie par la suite des conventions collectives des Mineurs unis d'Amérique, du SCFP et des TCA, mais pas de celle de l'AIM.»

Aux fins du compte rendu, la convention énonce ce qui suit:

La Société convient que si d'autres réductions de main-d'oeuvre sont nécessaires au cours de la durée de la présente convention, elle offrira un programme d'encouragement à la retraite anticipée (PERA). Tous les critères négociés par le comité mixte de planification s'appliqueront à ce programme. L'objectif du programme est de permettre de procéder aux réductions des effectifs sur une base volontaire et d'éviter ainsi le plus possible le déplacement d'autres employés.

L'argument décisif se trouve au paragraphe 42 de la décision de M. Outhouse:

Il semble donc assez évident que les parties contractantes n'avaient pas l'intention d'inclure le critère d'admissibilité au PERA de 1996 pour la durée des conventions collectives des Mineurs unis d'Amérique, du SCFP et des TCA. L'absence d'une telle intention est peut-être la plus évidente dans l'entente de 1997 du comité mixte de planification qui contient des critères d'admissibilité légèrement différents de ceux que l'on retrouve dans l'entente du comité mixte de planification de 1996.

Les syndicats n'ont jamais donné leur accord à ce qu'a fait Devco en 1999. Le gouvernement fédéral a agi unilatéralement, et n'a pas respecté les conventions collectives.

M. Shannon a dit hier que Nova Scotia Power avait des tarifs très élevés pour le charbon et l'électricité. Les documents que j'ai ici proviennent de Devco. Il y en a un en particulier qui date de 1982. Il porte sur l'examen des activités et les prévisions et il est publié par la Société de développement du Cap-Breton. Ces quelques faits changeront peut-être ce que vous pensez de la Société de développement du Cap-Breton, et cela est très important. Dans ce texte, la société dit que cela a permis au Canada d'épargner plus 160 millions de dollars en 1981.

Je cite:

En 1981, Nova Scotia Power Corporation a payé 60 millions de dollars pour acheter du charbon du Cap-Breton qu'elle a utilisé pour produire de l'électricité. Ce charbon a en fait remplacer 6 millions de barils de pétrole qui auraient coûté à la Nova Scotia Power Corporation 120 millions de dollars. Par ailleurs, le gouvernement fédéral aurait dû verser 100 millions de dollars supplémentaires en paiements de péréquation pour le pétrole. Bref, en utilisant notre charbon au prix de 60 millions de dollars, notre pays a ainsi épargné plus de 160 millions de dollars. Cela ne représentait que la moitié de nos ventes de charbon pour 1981.

Il s'agit là d'un document public. Je ne sais pas exactement où M. Shannon voulait en venir lorsqu'il parlait de Nova Scotia Power et des contribuables. Nova Scotia Power est une société privée qui a réalisé environ 100 millions de dollars en profits l'an dernier. Elle n'a pas réduit ses tarifs d'électricité pour autant. Je ne sais vraiment pas de quoi il voulait parler.

Par ailleurs, dans le rapport annuel de Devco de 1995 qui est un document public, M. Shannon mentionne que le sénateur Buchanan a en quelque sorte limité l'efficacité des exportations aux quais internationaux pour le charbon, et quelques questions ont été posées à ce sujet. Il s'agit là d'une déclaration trompeuse. En 1992, le rapport annuel de Devco indique que 1,8 million de tonnes de charbon sont passées par les ports internationaux. Cela n'avait rien à voir avec les 4 000 tonnes de charbon qu'on a déversées. Nous avons une exploitation très efficace. Lorsque nous avons besoin de charbon pour un navire charbonnier, nos trains qui sont exploités par AIM viennent juste à coté du chevalet, déversent le charbon et il est chargé de façon efficace. En 1993, nous avons chargé 1,8 million de tonnes de charbon.

M. Shannon parlait des efficiences pour une installation d'importation. Ils veulent importer davantage de charbon américain au Canada. C'est ce dont M. Shannon parle -- plutôt que 4 000 tonnes de charbon, on parle de 800 000 ou de 600 000 tonnes de charbon. Par ailleurs, en 1992 ou en 1993 ou 1994 -- je n'ai pas la date exacte du document --, le gouvernement fédéral et le conseil d'administration de Devco ont approuvé une expansion du marché d'exportation pour la société. Ils ont fait cela car ils ne voulaient pas que Devco se limite à un seul client -- Nova Scotia Power -- car ce n'était pas bon pour les affaires.

Par conséquent, la société a dépensé 15 millions de dollars pour améliorer les installations d'exportation. Nous avons de toutes nouvelles installations d'exportation de technologie récente au Cap-Breton. Par cette expansion, on visait essentiellement à aller chercher d'autres clients.

Le plan des cinq dernières années se trouve dans les documents que le Sénat a obtenus lors de ses audiences -- et les sénateurs Buchanan et Murray connaissent bien ce plan. On en a parlé lors des audiences du Sénat de 1996 et de 1997, lorsque le conseil d'administration de Devco a approuvé un plan visant à sortir complètement du marché d'exportation. Ce plan représentait un revirement total par rapport à la méthode d'exploitation des 25 dernières années à la Société de développement du Cap-Breton. Ils nous ont dit qu'ils ne voulaient avoir qu'un seul client -- la Nova Scotia Power Corporation. Encore une fois, la question a été portée à l'attention du Sénat et personne ne trouvait cela logique. Devco a changé d'orientation encore une fois et a mis en oeuvre une proposition visant à exporter 700 000 tonnes de charbon par an. Ce n'est pas le cas aujourd'hui; nous n'avons pas de marché d'exportation. C'est un de nos problèmes.

Le régime de retraite contributif est une autre question qu'a soulevée M. Shannon hier, et je voudrais être bien clair à ce sujet. M. Shannon a dit que tout le monde aurait dû participer à ce régime contributif et que Devco l'encourageait. Nous n'en disconvenons pas. Cependant, en 1967, la politique gouvernementale a dicté que 6 500 personnes arriveraient de DOSCO -- un houiller privé qui fermait ses portes au Cap-Breton. Ces 6 500 employés étaient visés par une politique gouvernementale qui disait qu'il n'y aurait pas de régime contributif. Le gouvernement allait financer le régime à 100 p. 100, ce qu'il a fait. On n'a jamais demandé à ces 6 500 employés de participer au régime contributif. C'était la responsabilité du gouvernement fédéral.

Par ailleurs, en 1974, 3 500 de ces employés touchaient une prestation de retraite alors qu'ils comptaient moins de sept ans de service à la société. À l'époque, le gouvernement fédéral a lancé un régime de retraite contributif facultatif. Chaque syndicat devait obtenir l'accord de 25 p. 100 de ses membres pour participer à ce régime de retraite contributif facultatif en 1974. Des 4 000 employés qui travaillaient pour la société à l'époque, la grande majorité venaient de DOSCO et avaient vu 3 500 de leurs confrères quitter la société avec le régime de retraite garanti par le gouvernement -- un régime non contributif, selon la politique gouvernementale. Il a été pratiquement impossible de convaincre ces mêmes employés, qui avaient un salaire de mineur très peu élevé, de cotiser à ce régime de retraite, alors que le gouvernement avait déjà dit qu'il garantirait le régime de retraite.

En même temps, à la suite de la crise du pétrole, le gouvernement fédéral a augmenté la production et les effectifs à Devco. Le gouvernement fédéral et Devco ont négocié des conditions avec les syndicats. Il a fallu beaucoup de temps pour négocier cela. Cependant, en 1982, lorsque les effectifs de Devco augmentaient, le gouvernement fédéral a dit: «Nous allons rendre ce régime obligatoire dorénavant.» Par conséquent, ils sont allés voir les syndicats et la société et ont dit: «Qu'allons-nous faire?» Les syndicats ont encouragé le régime de pension contributif en 1982 pour toute personne qui était embauchée après cette date. Les syndicats l'ont inclus dans leur convention collective, de sorte que tout nouvel employé devait respecter la convention collective à cet égard. Un employé qui commençait à travailler pour Devco devait automatiquement cotiser au régime de pension. Par conséquent, le message de M. Shannon hier n'était pas exact. Tout cela est du domaine public.

M. Shannon a également dit quelque chose qui était très trompeur. Il a dit qu'une personne qui cotisait au régime de pension contributif recevrait 1 800 $ par mois à la retraite. Il a dit qu'une personne qui ne cotisait pas au régime de pension contributif ne recevrait que 405 $ par mois. Il a dit que cela n'a aucun sens, ajoutant: «Pourquoi ne participez-vous pas au plan contributif?» Il a dit également: «Nous avons encouragé la participation à ce régime.» Cependant, ils ont encouragé la participation au régime en 1997 et en 1998.

Regardons un peu la façon dont un régime de pension fonctionne. Si une personne participe pleinement pendant 30 ans au régime de pension contributif de 5 p. 100 de Devco, à l'âge de 60 ans il n'y a aucune réduction actuarielle. Cette personne reçoit alors une pension de 1 800 $ par mois. Il y a cependant une réduction actuarielle pour chaque année si une personne veut recevoir une pension de retraite avant l'âge de 60 ans. Il y a également une réduction actuarielle pour chaque année si vous avez participé au régime pendant moins de 30 ans.

M. Shannon a fait la promotion du régime contributif en 1997 et 1998, et nous avons une fermeture en l'an 2000. La plupart des travailleurs sont âgés de 45 et 46 ans. Ils n'y auraient contribué que pendant deux ans. Ils ont 15 ans de moins que la limite d'âge de 60 ans. Ce n'est pas 1 800 $ par mois qu'ils recevront, mais quelques sous. M. Shannon m'a contrarié hier lorsqu'il a dit cela, car cela est très trompeur, j'espère que le Sénat comprend ces faits -- tout cela se trouve dans le document de Devco sur le régime de pension et dans notre convention collective. Ce n'est pas aussi simpliste que M. Shannon le prétendait hier.

À la dernière page du document, à gauche, on voit les recettes de la Société de développement du Cap-Breton. De 1968 à 1998, les mineurs de Devco ont produit 4,08 milliards de dollars en recettes provenant des ventes de charbon. Ces recettes proviennent des ventes de charbon. Les mineurs ont travaillé sous terre, dans les wagons et on fait le travail de surface et tout le reste pour extraire suffisamment de charbon et aller chercher 4 milliards de dollars en recettes. Ces recettes ont payé pour le 1,4 milliard de dollars de pensions dont M. Shannon parlait hier. Ce sont les mineurs qui ont fait cet argent. Ce n'est pas un cadeau du gouvernement fédéral. Ce n'est pas un cadeau de Devco. Cet argent a été gagné par des gens qui sont descendus dans des mines tous les jours depuis 1968.

La politique de Devco était la politique gouvernementale. Les coûts de rationalisation provenaient d'une tonne de charbon. Ils les ont payés au fur et à mesure. Il n'y a jamais eu de véritable plan à Devco. En fait, en 1993 ou 1994, leur régime de pension non contributif qui devait être à capitalisation entière s'est retrouvé en déficit de 120 millions de dollars. En 1996 et 1997, le Sénat a recommandé que le gouvernement fédéral en assume la responsabilité, ce qu'il n'a pas fait, et savez-vous ce qui s'est produit? Les mineurs sont allés travailler sous terre afin d'extraire le charbon afin de produire les recettes pour rembourser cette dette de 30 ans de 120 millions de dollars. Je pense que les mineurs qui sont ici aujourd'hui ont fait leur part.

M. Shannon a mentionné que les employés de VIA Rail et du CN avaient des pensions. Oui, en effet, mais lorsque VIA Rail et Marine Atlantic ont mis sur pied leur régime de pension, il était obligatoire et c'était la politique. La politique de Devco était de ne pas avoir de régime de pension contributif obligatoire avant 1982. Les mineurs n'ont fait que suivre la politique gouvernementale.

À notre avis, les mineurs n'ont pas à s'excuser ni à avoir honte de ce qui s'est passé relativement aux régimes de pension et aux recettes. C'était pour le bien du Canada; c'était la politique gouvernementale. Ces autres sociétés avaient une politique relative à un régime de pension. Devco avait les articles 17 et 18 de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton à cet égard. Il n'y avait aucun régime de pension obligatoire.

Le sénateur Buchanan et moi-même pourrions parler de cette question pendant encore six mois. Il y a littéralement des volumes d'information sur la mine Donkin. Je suis mineur de troisième génération. Je travaille maintenant dans ce secteur depuis près de 24 ans. Je serais prêt à risquer ma réputation et celle de ma famille sur le fait que la mine Donkin pourrait être ouverte avec succès demain. S'il y avait la volonté politique pour lancer le processus. Au cours des cinq dernières années, il y a eu de nombreux obstacles au projet de mine Donkin.

Je n'entrerai pas dans les détails des documents techniques. Ces documents sont du domaine public. Donkin Resources Limited a attiré des actionnaires et des investisseurs éventuels, y compris les banques. Ils ont un document technique qui confirme que la mine Donkin pourrait être ouverte. C'est leur point de vue.

Mon point de vue est celui d'un mineur qui a 24 ans d'expérience et dont le père a travaillé pendant 40 ans dans les mines et le grand-père travaillait dans les mines en 1920. Mon point de vue en tant que mineur -- et ce point de vue devrait être un peu plus crédible que celui d'un camionneur -- est que la mine Donkin n'est pas différente des 110 autres mines que nous avons ouvertes au Cap-Breton depuis les 300 dernières années. Nous avons ouvert 110 mines de charbon dans le district houiller de Sydney et vendu du charbon pendant 300 ans. Donkin se trouve également dans le district houiller de Sydney. Je dis que nous pouvons ouvrir avec succès encore une autre mine qui sera la 111e.

Je lance un défi à quiconque de Devco ou de toute entreprise d'ingénierie de prouver que je me trompe. Nous avons proposé à M. Shannon un débat public sur la mine Donkin. Il s'est montré peu disposé à avoir un tel débat.

La situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui est que le gouvernement du Canada a suivi une certaine politique au cours des 33 dernières années. Permettez-moi de vous citer un énoncé de politique du premier ministre Lester B. Pearson relativement au charbon du Cap-Breton en date du 29 décembre 1966.

Le gouvernement fédéral se rend compte que le problème du charbon au Cap-Breton est essentiellement un problème social. C'est parce qu'il est conscient de ce problème et qu'il se préoccupe du bien-être des particuliers et de leurs communautés que le gouvernement fédéral est prêt à accorder une aide massive à la région, qui connaît un déclin au niveau de cette ressource naturelle, afin qu'elle puisse passer à une bonne base économique[...]

Fin de la station à la page 3 du même document:

La rationalisation des mines dépendra du succès à introduire de nouvelles industries. La société d'État devra tenir compte de la nécessité d'apporter des mesures d'adaptation méthodiques, notamment la mise en oeuvre d'un régime de retraite anticipée généreux pour les mineurs[...]

C'est ce que recommandait M. Donald. Qu'en est-il de ce régime d'adaptation méthodique et des nouvelles industries? Ce travail n'est pas encore terminé. Il y a encore 900 personnes qui ont droit au même type d'avantages dont on parle dans ce document.

En 1974, M. Tom Kent qui était alors le président de Devco, a publié un communiqué au nom de la Société de développement du Cap-Breton, le 20 février, lorsque Devco augmentait la production et le nombre d'effectifs à la suite de la crise du pétrole. Voici un extrait de ce communiqué:

La société et les syndicats ont convenu que dans l'éventualité peu probable où il y aurait à l'avenir de nouvelles circonstances exigeant à nouveau une réduction des effectifs, le congé de préretraite serait remis en place. Par ailleurs, des prestations en vertu d'un CPR[...]

Il s'agit du congé de préretraite.

[...] seront versées si, en raison de problèmes sociaux, des travailleurs devaient être mis à pied pour une période allant au-delà de la durée des prestations d'assurance-chômage et de la paye de vacances.

Même en 1974, le gouvernement et le conseil d'administration de Devco envisageaient des mesures à prendre en cas de réductions des effectifs.

En 1999, lorsque Devco a décidé de façon arbitraire de réduire les effectifs par la force, sans négociations, le conseil d'administration et le gouvernement fédéral ont abandonné toutes les mesures législatives humanitaires qu'ils respectaient depuis plus de 30 ans. Les syndicats s'y sont opposés en invoquant l'usage au sein de cette société depuis trente et un ans et demi.

En 1967, 6 500 travailleurs sont venus de DOSCO, une société privée. Ces 6 500 travailleurs n'avaient jamais travaillé pour Devco. Une promesse a été faite et une loi a été édictée le 6 juillet 1967. Certains de ces travailleurs -- l'oncle de Richard Carroll, par exemple, a travaillé pour Devco pendant un an et il a reçu une pension pendant 31 ans. Il reçoit toujours cette pension aujourd'hui.

La politique prévoyait aux termes des articles 17 et 18 de la loi que Devco verserait des pensions de retraite à 7 829 travailleurs, si mes calculs sont bons. Cette information se trouve en premier ou en deuxième annexe du document que je vous ai remis.

Après la page 24, il y a une lettre adressée au sénateur John Buchanan en date du 15 juin 2000. Il y a ensuite un document détaillé pour la période allant de 1968 à 2000 expliquant exactement ce que la société a fait. Elle a versé 7 829 prestations de retraite anticipée ou autre type de prestations de retraite aux employés de Devco.

En 1999, lorsque le gouvernement a décidé de façon arbitraire de ne pas négocier comme il l'avait toujours fait par le passé, les syndicats ont décidé de contester cette décision sur le plan juridique. La seule chose que nous pouvions faire, c'était d'aller en arbitrage.

Lorsque nous sommes allés en arbitrage, nous avons fait valoir que Devco, conformément à la politique, conformément à la loi, se comportait d'une certaine façon depuis 30 ans et ne pouvait pas changer d'orientation à mi-chemin et ne pas offrir les mêmes avantages aux derniers employés de Devco.

L'arbitre a décidé en faveur des syndicats. Il a rejeté la position de Devco et a accordé, conformément à la loi, 249 retraites anticipées de plus. Le nombre n'est pas 246, comme ils disent. Le problème, c'est que M. Outhouse a dit que même s'il estimait que ce type de programme était nécessaire, il ne pouvait justifier les 79 millions de dollars en prestations de retraite anticipée pour le reste des employés de Devco.

Sa décision finale était incompatible avec les principes sur lesquels il appuyait sa décision arbitrale. Si la politique était assez bonne pour empêcher Devco de faire une rationalisation arbitraire, et si l'usage justifiait de verser 249 pensions de plus, qu'en est-il des employés de Devco qui restent? Ne sont-ils pas visés par les mêmes lignes directrices législatives? Nous disons que oui, et c'est le problème que nous avons ici aujourd'hui.

Pour revenir à ce que je disais au sujet de la situation dans laquelle se trouvait le gouvernement fédéral en 1967, 6 500 mineurs allaient être mis à pied par une société privée et se retrouver dans la rue. Cette société était DOSCO. DOSCO a dit: «Nous ne serons pas responsables de ces droits à une pension de ces 6 500 travailleurs. Nous ne nous soucions guère de ce qui va arriver à ces 6 500 travailleurs. Nous allons simplement fermer notre industrie.» DOSCO a dit essentiellement: «Nous allons jeter ces gens à la rue.» La plupart de ces mineurs étaient âgés d'au moins 40 ans. Ils avaient au moins 20 ans de service. Ils allaient se retrouver devant un dilemme économique car l'économie du Cap-Breton était en crise.

Au cours des débats du Sénat sur le projet de loi C-11, l'honorable Jean-Luc Pépin était ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et il a parlé des recommandations de M. Donald dans le rapport Donald. Dans ses recommandations, M. Donald disait que l'ampleur du problème social était attribuable au chômage de quelque 6 500 personnes dans les mines de Sydney et à une réduction de la main-d'oeuvre à 3 000 travailleurs qui devaient assumer la production de 2,1 millions de tonnes par an. La mine recrutait alors 300 mineurs par année. Dans le cadre d'un programme de retrait progressif, aucun recrutement de jeunes mineurs ne serait nécessaire et un programme de retraite anticipée permettrait dans une grande mesure de régler le problème d'adaptation économique des mineurs. Le gouvernement du Canada a suivi ces recommandations. M. Donald recommandait l'adoption d'un régime de retraite anticipée amélioré comme moyen d'alléger les problèmes sociaux résultant de la fermeture des mines dans le cadre du programme de rationalisation du charbon.

Permettez-moi de citer ce qu'a déclaré le ministre Pépin le 15 juin 1967, aux pages 1552 et 1553 du hansard:

Évidemment, on ne saurait permettre que cette situation se prolonge. Nulle part ailleurs au Canada, cependant, trouvons-nous un problème social comparable à celui-ci. Nous sommes ici en présence -- et j'insiste beaucoup sur ce point, parce que c'est la justification de notre intervention -- nous sommes ici en présence d'une importante force ouvrière urbaine, nous sommes en présence de collectivités établies qui dépendent presque entièrement d'une grande industrie qui n'est plus rentable, qui ne peut subsister que pendant quelques années encore, grâce à d'importants subsides. Le problème est probablement le plus épineux du genre que le pays ait jamais eu à affronter.

Ce problème épineux n'est pas différent aujourd'hui pour ces 900 travailleurs qui restent à Devco. La plupart ont plus de 40 ans et plus de 20 années de service. Ils se retrouvent sans emploi dans une économie en crise. C'est le même problème. Le gouvernement fédéral n'a pas permis à une société privée de faire cela en 1966, mais le gouvernement du Canada demande au Sénat d'adopter ce projet de loi. Le Sénat a le pouvoir d'empêcher le gouvernement fédéral de faire cela à 900 travailleurs qui ont travaillé toute leur vie -- et non pas seulement une partie de leur vie --, pour une société privée avant de venir travailler à Devco. Tous ces gens ont toujours travaillé pour Devco depuis les 20 à 24 dernières années. Ils ont contribué à l'État. Ils ont aidé à faire du Canada un meilleur pays. C'est ce qu'on leur a demandé de faire en 1967; c'est ce qu'on leur a demandé de faire pendant la crise du pétrole; et c'est ce qu'on leur a demandé de faire au cours des 33 dernières années, et ils ont fait leur devoir.

Une dernière chose. Un peu plus tard, le 20 juin 1967, pendant l'étude article par article, lorsqu'il a été question du paragraphe 17(4) du projet de loi, une disposition essentielle que nous aimerions voir modifier par le Sénat, M. Pépin a déclaré:

Monsieur le président, je ne crois pas utile de répéter que cette mesure législative est à la fois sociale et humanitaire et qu'il y a un rapport entre l'établissement et l'élimination progressifs. Les principes sont très nets.

Il parle ensuite de toutes les mesures raisonnables pour réduire autant que possible le chômage et les difficultés économiques auxquels on doit s'attendre.

Devco s'est conformée à ce mandat pendant 33 ans, jusqu'au 28 janvier 1999. La loi figure toujours dans les recueils législatifs. D'après ce que j'ai entendu hier et d'après ce que j'ai appris depuis un an et demi que je m'occupe de la privatisation de Devco et du projet de loi C-11, les mineurs et leurs représentants syndicaux n'ont aucune information concernant ce qui va se passer après la cession de Devco. Toutes les questions sont restées sans réponse. Je suis resté ici hier soir jusqu'après 22 heures, et les questions étaient toujours sans réponse. Je ne pense pas que le Sénat en sache plus long que nous sur ce qui va se passer après l'adoption du projet de loi C-11. Le gouvernement demande au Sénat d'estampiller un document avant même d'avoir reçu des réponses sur le sort des 900 employés qui restent à Devco, et j'affirme que c'est inadmissible.

Le sénateur Murray a dit hier que dans notre système, le travailleur canadien ordinaire peut se présenter devant le Sénat ou devant un comité de la Chambre des communes pour plaider sa cause. Nous plaidons notre cause; nous le faisons maintenant depuis un an et demi. Nous insistons: si le projet de loi C-11 est adopté sans amendement, ce sera la fin de l'industrie houillère du Cap-Breton et plus de 900 employés de Devco vont se retrouver à la rue, avec un avenir plus qu'incertain. Nous affirmons qu'on ne peut pas permettre une telle chose.

J'ai ici quelques recommandations. Je ne sais pas quels sont les effectifs des trois autres syndicats, mais le nôtre compte actuellement 583 travailleurs qui ont plus de 20 années de service au sein de la société. M. Wiseman, M. Gracie et M. Carroll peuvent en attester. Ils ont eux-mêmes un grand nombre de travailleurs comptant plus 20 ans d'ancienneté.

Les recommandations que j'aimerais soumettre au Sénat figurent dans le document sur le projet de loi C-11 et la privatisation que j'ai distribué, et dont j'aimerais vous présenter le résumé.

Le syndicat United Mine Workers of America estime qu'à partir de ce qui précède, on peut formuler les hypothèses suivantes: d'abord, la loi sur Devco a clairement indiqué à la direction que la société avait pour mission de se conformer au mandat social définit dans la loi. Aux termes des articles 17 et 18, tous les employés, anciens présents et futurs, doivent être traités avec dignité et respect en cas de compression du personnel.

Hypothèse nunéro 2: Contrairement aux vagues déclarations de Devco, la convention collective ne comporte pas le même degré de garanties juridiques que le paragraphe 18(2) en ce qui concerne les pensions et les versements forfaitaires aux employés licenciés ou à ceux qui prennent une retraite anticipée. En réalité, la convention collective s'applique aux opérations courantes. Nous considérons que la fermeture ou la privatisation de l'entreprise relève des articles 17 et 18 de la loi.

Hypothèse numéro 3: En trente-trois ans de compression de personnel, la société a mis à la retraite plus de 7 829 employés, y compris ceux qui ont bénéficié d'une retraite anticipée conformément à la sentence arbitrale de M. Bruce Outhouse. On n'a fait aucune différence entre les employés recrutés par DOSCO avant 1968 et les employés recrutés par Devco après cette date. Indépendamment de la date d'embauche, les employés qui répondaient aux critères du jour obtenaient une retraite anticipée, parfois après seulement un an de service.

Hypothèse numéro 4: Une vente réussie -- nous ne savons pas selon quelle définition -- ne garantit pas nécessairement une exploitation viable du charbon à long terme. Dans l'immédiat, il reste trop de questions sans réponses.

Hypothèse numéro 5: L'acheteur éventuel deviendrait aujourd'hui propriétaire de deux mines de charbon inondées et d'une mine exploitable, la mine Prince, à laquelle il faut apporter des améliorations nécessitant un apport massif de capitaux.

Hypothèse numéro 6: L'âge moyen des travailleurs auxquels on réserve un emploi à la mine Prince est de 47,5 ans.

Hypothèse numéro 7: Comme en 1967, l'économie actuelle rend extrêmement difficile un éventuel recyclage pour ces mineurs.

Hypothèse numéro 8: Six cent soixante-neuf travailleurs syndiqués à l'UMWA n'ont pas le droit au PERA. Le nombre total des employés syndiqués et non syndiqués de Devco qui n'ont pas droit à une quelconque formule de retraite est de 904.

D'après le mandat assigné à Devco par la loi, elle devait assurer la sécurité d'emploi et la stabilité économique aux mineurs de charbon de l'île du Cap-Breton. Le travail n'est pas terminé. Une majorité écrasante des employés de Devco estiment que le manque de transparence et d'ouverture dans l'opération de privatisation montre que cette dernière risque de les priver de leur droit légal et conquis de haute lutte à travailler et à prendre leur retraite dans la dignité. On ne peut leur imposer un déni de justice.

Nos recommandations sont les suivantes: Les décisions qui sont à l'origine de la crise financière et fonctionnelle de la Société de développement du Cap-Breton ont dérogé aux principes reconnus dans l'exploitation minière au niveau international. L'UMWA et les syndicats de Devco estiment qu'en refusant de répondre aux préoccupations des employés, le gouvernement n'a pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire et a enfreint son obligation de diligence, causant un tort considérable aux membres de l'UMWA et aux employés de Devco.

Le projet de loi C-11 impose la privatisation et prive les employés de la protection des articles 17 et 18 de la loi. Les 904 employés restants relèvent de la même législation que leurs 7 829 confrères et consoeurs qui ont pris leur retraite en vertu des articles 17 et 18 de la loi, qui leur reconnaît le même droit à travailler et à prendre leur retraite dans la dignité.

United Mine Workers of America, le Syndicat canadien de la fonction publique, l'Association internationale des machinistes et les Travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile demandent instamment au Sénat du Canada de veiller à ce que les recommandations suivantes soient mises en oeuvre avant l'étape finale de l'adoption du projet de loi C-11. La première recommandation est de maintenir en vigueur l'alinéa 17(4)b) de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton; la deuxième recommandation est le maintien en vigueur du paragraphe 18(2) de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton.

La recommandation numéro 3, c'est un filet de sécurité garanti par le gouvernement pour tous les employés de Devco. Les formules de retraite anticipée doivent être conformes à la sentence arbitrale de M. Bruce Outhouse en date du 2 juin 2000. Elles doivent s'accompagner du transfert à la société privatisée des années de service ouvrant droit à pension chez Devco. À ce sujet, lorsqu'on est passé en 1967 de DOSCO à Devco, Devco a permis à 6 500 employés de la société privée de transférer toutes leurs années de service ouvrant droit à pension. Cette recommandation est liée à la situation de 1967, lors de la fermeture de DOSCO. Pour éviter le chaos économique et social au Cap-Breton, le gouvernement fédéral est intervenu. Les 6 500 employés ont été recueillis au sein d'une société d'État et on leur a permis de transférer toutes leurs années de travail ouvrant droit à pension de la société privée à la société Devco et de poursuivre leurs activités jusqu'à ce qu'ils puissent prendre leur retraite. Nous demandons au gouvernement fédéral d'accorder le même avantage aux 904 employés de Devco, dans l'éventualité où cette société serait privatisée.

La présidente: Est-ce que vous parlez des 30 millions de dollars?

M. Drake: Non. Il s'agit ici du transfert du temps de travail ouvrant droit à pension, dont le gouvernement fédéral devrait être responsable. L'opération ne serait pas à la charge d'un exploitant privé, qui n'en assumerait pas la responsabilité, contrairement à ce qui s'est passé en 1967. En effet, au lieu d'un passage du privé à une société d'État, on passe maintenant d'une société d'État au secteur privé.

Le sénateur Buchanan: Voulez-vous dire que ce n'est pas ce qui va se passer avec la nouvelle société?

M. Drake: Ce n'est pas ce qui va se passer avec la nouvelle société.

Nous considérons que les 900 employés de Devco qui ne relèvent pas des formules de pension prévues dans les sentences arbitrales du 28 janvier 1999 ou du 2 juin 2000 se retrouvent dans la même situation infernale que celle à laquelle le gouvernement fédéral libéral s'est senti tenu de remédier pour les 6 500 employés du secteur privé en 1967. Ces 900 employés de Devco sont en majorité dans la quarantaine et ont plus de 20 années de service au sein de la société d'État; ils vivent dans une des régions les plus déprimées au Canada. La seule différence, à mon avis, c'est que ces 900 personnes ont travaillé toute leur vie dans une société minière gérée par le gouvernement, alors que les 6 500 employés qui ont obtenu une retraite grâce à la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton avaient travaillé toute leur vie pour une industrie privée. Je demande au Sénat d'envisager très sérieusement nos recommandations concernant le projet de loi C-11 et le filet de sécurité garanti par le gouvernement.

En conclusion, je voudrais citer une expression que j'ai trouvée hier dans le Cape Breton Post. Il faut que quelqu'un surveille les sociétés d'État et en réalité, c'est le gouvernement fédéral qui est censé les surveiller. L'article citait l'expression latine suivante: «Ed quis custodiet ipsos custodes?» Ce qui signifie: qui surveille le surveillant? Je crois que le Sénat doit surveiller le surveillant et, dans le cas du projet de loi C-11, il doit le surveiller de très près.

La présidente Merci, monsieur Drake. Pour ma propre gouverne, qu'entendez-vous par le mot «matériel» à la dernière page, où sont présentés les revenus? Où sont les profits? Ils n'apparaissent pas ici.

M. Drake: Revenus, salaires, et matériel. Il s'agit d'achats de matériel.

La présidente De la société?

M. Drake: Oui, les achats de Devco, tout ce qu'elle achète pour assurer son fonctionnement.

La présidente Vous n'avez pas présenté les profits. Est-ce que vous les connaissez?

M. Drake: Non. Ils ne sont pas publiés. Juste avant l'administration actuelle, Devco réalisait des profits.

Le sénateur Buchanan: Je voudrais préciser les choses. Vous dites qu'il n'y aura pas transfert des crédits de pension de Devco à la nouvelle société, et que les employés du nouvel exploitant vont repartir à zéro. Est-ce bien cela?

M. Drake: Les employés qui doivent continuer à travailler avec le nouvel exploitant ont une certaine ancienneté dans toutes nos unités de négociation. Leur âge moyen se situe autour de 46 ans, avec 22 ou 23 années de service. Ils vont repartir à zéro au sein de la nouvelle société du point de vue de leur temps de travail ouvrant droit à pension, et comme la plupart d'entre eux relèvent du régime de pension non contributif, c'est tout ce à quoi ils auront droit quand ils atteindront 65 ans, à moins que la nouvelle société ne propose un régime de pension. On a donc des travailleurs de 46 ans qui vont repartir à zéro aux fins de leur retraite, ce qui est inacceptable.

Le sénateur Buchanan: Je suis d'accord avec vous.

M. Drake: Les droits de successeur s'appliquent, mais si le projet de loi C-11 est adopté -- et nous espérons qu'il sera adopté avec des amendements --, il semble qu'il y aura des droits du successeur, mais que le transfert du temps de travail ouvrant droit à pension ne fera pas partie de ces droits de successeur, si bien que les travailleurs ne seront pas crédités des années pendant lesquelles ils ont travaillé pour Devco.

Le sénateur Buchanan: Merci de cette précision, car une certaine confusion entourait le transfert des droits à pension. C'est une situation très injuste, à mon avis.

Le sénateur Finnerty: Est-ce que vous en êtes certain?

Le sénateur Christensen: Est-ce que cela a été négocié?

M. Wiseman: Il n'y a pas eu de négociation.

Le sénateur Finnerty: Dans ce cas, comment pouvez-vous l'affirmer? Avant les négociations, on ne peut pas savoir s'il y aura transfert ou non.

M. Drake: Puis-je répondre? Le problème, c'est qu'il n'y a plus de négociations depuis 17 mois. Devco et le gouvernement fédéral n'ont pas répondu à nos questions.

Les droits de successeur s'appliquent, mais ils ne s'accompagnent pas automatiquement de droits à pension. Si les droits à pension des 904 employés de Devco doivent être repris par la nouvelle société, c'est de demander à une société privée de respecter les droits à pension d'employés comptant entre 20 et 24 années de service et qui ont droit de toucher une pension après 25 ans, comme l'a confirmé la décision Outhouse. Cette société privée ne pourrait donc pas être rentable dès le départ parce qu'elle devra assumer une dette importante. Le gouvernement fédéral ne nous a donné aucune indication qu'il était prêt à aller au-delà -- et je n'ai pas entendu M. Goodale le dire non plus hier -- de ce qu'il a arbitrairement fixé le 28 janvier 1999.

Le gouvernement fédéral a été juridiquement contraint le 2 juin 2000 de relever cette offre. Il ne l'a pas fait de bonté de coeur. Il s'agissait d'une décision arbitrale exécutoire.

Nous ne pouvons que conclure que le gouvernement ne veut pas offrir aux 900 employés de Devco ce qu'il a offert aux 6 500 employés de DOSCO en 1967.

Si le gouvernement fédéral s'engageait cependant à le faire par écrit, et si cela faisait partie du processus de privatisation, les syndicats collaboreraient volontiers avec la société privée à faire en sorte qu'elle soit rentable. En ce qui me concerne, les mineurs du Cap-Breton sont les meilleurs au monde.

Nous nous sommes engagés à faire en sorte que l'industrie soit rentable si on nous donne l'occasion de négocier une entente décente qui garantira du travail aux 900 employés de Devco jusqu'à ce qu'ils prennent leur retraite.

Le sénateur Cochrane: Vous proposez des recommandations à la page 24 de votre mémoire. Vous recommandez le maintien de l'alinéa 17(4)b) et du paragraphe 18(2). Je connais mal ces dispositions. Visent-elles cette situation?

M. Drake: Oui.

Le sénateur Cochrane: Ces dispositions visent-elles à obliger une nouvelle société à tenir compte des années de service des employés?

M. Drake: Pas exactement. Les articles 17 et 18 prévoient cependant que toutes les mesures raisonnables doivent être prises. Au cours des 33 dernières années, «toutes les mesures raisonnables» se sont traduites par le départ à la retraite de 7 829 employés.

L'article 18 oblige la société à négocier une entente avec nous au sujet des pensions. En vertu de ces dispositions, la société a dû discuter régulièrement avec nous au cours des 33 dernières années de la question de la réduction des effectifs et a dû s'entendre avec nous sur les critères à appliquer lors des mises à pied d'employés de Devco en 1974, 1968, 1987 et 1991.

Les critères n'ont jamais été les mêmes parce qu'il fallait à certains moments que Devco réduise son effectif en mettant à la retraite 500, 700 ou 800 employés. Les critères établis ont toujours correspondu aux besoins du moment. Nous nous sommes reportés pour cela aux articles 17 et 18.

Si ces articles étaient maintenus et si nous pouvions obtenir la garantie d'un filet de sécurité permettant le transfert des droits de pension, nous serions tout à fait prêts à nous asseoir avec le nouvel employeur et à négocier une convention collective qui permettrait à l'industrie charbonnière du Cap-Breton d'être aussi rentable que possible.

Le sénateur Buchanan: Une certaine confusion demeure à ce sujet, mais peut-être que nous pourrons clarifier la situation un peu plus tard.

Vous étiez présents ici hier soir et vous avez entendu le très éloquent témoignage de Mme Budden qui nous a parlé du cas des mineurs de plus de 45 ans et qui nous a fait part des inquiétudes de sa propre famille et de celles d'autres mineurs. Que pensez-vous de son témoignage? Êtes-vous d'accord avec certaines parties de son témoignage et pas avec d'autres?

M. Drake: Nous sommes d'accord avec elle sur certaines choses, mais pas sur d'autres.

Nous avons appuyé les efforts déployés par Mmes Budden et Brown de United Families pour attirer l'attention sur le sort des familles des mineurs dans l'ensemble du Canada et en particulier à Ottawa. Nous nous réservons cependant le droit exclusif de discuter des questions qui relèvent de la convention collective. Nous suivons à cet égard les directives de nos membres.

En ce qui a trait à ce Mme Budden disait hier soir au sujet des travailleurs de 45 ans, la majorité de nos membres nous ont dit cette année de tenir compte de l'ancienneté dans les discussions portant sur les départs à la retraite. C'est un principe qui est reconnu dans d'autres dispositions de notre convention collective.

Malheureusement, Mme Budden faisait allusion à l'ancien système de points de Devco qui ne tenait pas compte de l'ancienneté au moment de la réduction des effectifs. Nous ne partageons pas ce point de vue.

Nos membres nous ont clairement dit que toute réduction d'effectifs future devait tenir compte du principe de l'ancienneté et M. Bruce Outhouse a confirmé ce principe dans sa décision arbitrale du 2 juin. Il n'a pas fixé un âge minimal pour la retraite, mais plutôt un nombre minimal d'années de service.

Si l'on conservait les 25 années de service et qu'on reportait les droits de pension, le gouvernement fédéral n'assumerait la responsabilité des 904 employés restants que pendant une brève période.

En bout de ligne, le gouvernement fédéral devrait souhaiter que la passation des pouvoirs à la société privée se fasse avec le même respect, la même dignité et le même humanitarisme que ce que prévoyait la loi initiale. Voilà comment je pense que le gouvernement fédéral devrait aujourd'hui se comporter.

Le sénateur Taylor: Puis-je poser une question supplémentaire? Mme Budden nous a cité le chiffre de 200 employés.

Le sénateur Buchanan: Quatre cent quatre-vingt-douze.

Le sénateur Taylor: Quatre cent quatre-vingt-douze par opposition à votre chiffre de 700 à 900. La différence est importante.

M. Drake: Elle a fait un sondage auprès d'une partie des travailleurs. Je ne voudrais pas offenser qui que ce soit ou donner l'impression d'être sur la défensive, mais je me permets de signaler qu'il faut être très prudent lorsqu'on parle de la situation de personnes qui risquent de perdre leur emploi et qui peuvent ou non obtenir une pension de retraite.

Les syndicats ont lutté très fort au cours des six dernières années pour essayer de faire en sorte que les dispositions visant la réduction d'effectifs ou les départs à la retraite visent l'ensemble des travailleurs de Devco, comme le prévoit la loi créant Devco. Mme Budden a dit hier que seulement 492 travailleurs devraient être visés par ces dispositions. Nous contestons ce chiffre.

Nous pensons que les 904 employés restants de Devco sont visés par la même loi et ont les mêmes droits que les 7 829 travailleurs qui ont déjà quitté la société. Mme Budden a dit que d'après ses calculs, il restait 916 employés. C'est à peu près juste. Nous pensons que le nombre s'élève à 904 parce qu'il y a eu quelques décès depuis le 28 janvier 1999. Tous les employés ont ressenti beaucoup de stress et se sont trouvés dans des situations parfois très mauvaises.

Devco ne compte plus que 904 employés. À notre avis, tous les employés devraient être visés par les mêmes dispositions. Nous espérons que le Sénat verra les choses comme les avait vues le gouvernement en 1967 et qu'il ne permettra pas que ce qu'on propose se fasse.

Le sénateur Taylor: Vous faites une distinction entre les travailleurs qui sont partis et ceux qui pourraient conserver leur emploi. Vous estimez qu'il s'agit de deux questions distinctes. Vous voulez maintenant vous occuper des 900 employés restants, peu importe ce qu'il leur arrive par la suite, n'est-ce pas?

M. Drake: Non. J'ai discuté de cette question avec le sénateur Buchanan hier soir. La mine Prince est la seule mine de charbon qui reste au Cap-Breton. La rentabilité à long terme de l'industrie repose sur l'exploitation de nouveaux gisements de charbon. À la mine Prince, nous exploitons maintenant une partie souterraine. Ce bloc de charbon s'appelle 1 Nord.

Il ne restera plus de charbon dans le filon 1-Nord d'ici six ou huit mois. Lorsque le filon sera épuisé, le bloc de charbon suivant ne sera pas prêt à être exploité pendant plusieurs mois. Il faudra peut-être attendre jusqu'à 12 mois avant que nous ne puissions exploiter le bloc 2 Nord.

Devco prépare actuellement l'exploitation d'un petit bloc de charbon appelé 10 Est. Un peu de temps s'écoulera entre l'épuisement du bloc 1 Nord et le début de l'exploitation du bloc 10 Est. Ce laps de temps est critique. Qu'adviendra-t-il aux employés d'une société privée lorsqu'il n'y aura plus de charbon à exploiter? Seront-ils mis à pied de façon permanente? La mine sera-t-elle fermée? La société continuera-t-elle à dépenser beaucoup d'argent à exploiter une mine qui ne produit plus de charbon ou va-t-elle simplement fermer la mine Price, mettre à pied les employés et importer le million de tonnes de charbon nécessaire pour respecter le contrat conclu avec Nova Scotia Power? Tout ce que nous pouvons actuellement produire en exploitant à plein la mine Price est de 1,1 million de tonnes de charbon.

L'avenir des 904 travailleurs de la mine est vraiment précaire. Il faut trouver des réponses à beaucoup de questions auxquelles on n'a pas encore répondu. Jusqu'ici, le gouvernement fédéral et le conseil d'administration de Devco ont refusé de répondre aux questions que nous leur avons posées au sujet de l'avenir des employés après la disparition de Devco. Je crois que vous comprenez pourquoi nous nous inquiétons du sort de ces 904 employés. Nous ne voulons pas que ce nombre soit réduit du quart ou de la moitié. Nous avons de graves préoccupations au sujet du sort de l'ensemble de ces 904 employés.

Le sénateur Buchanan: Certains membres du comité ne savent peut-être pas tout ce qui se passe là-bas. Ainsi, hier soir, il a été question du fait que le gouvernement provincial allait émettre une ordonnance ministérielle afin d'interdire la constitution de réserves. C'est inexact. Cela n'a rien à voir avec l'exploitation de charbon, mais plutôt avec l'importation et la constitution de réserves de charbon par la société Devco. Devco voulait s'assurer d'avoir beaucoup de charbon provenant des États-Unis sur les jetées de chargement du charbon à Sydney au cas où des problèmes se poseraient dans les mines. La société ne voulait pas ouvrir une nouvelle mine. Les gens de la jetée Whitney n'étaient pas très heureux de la situation. Je ne leur en ai pas voulu à ce moment-là et vous ne leur en voudriez pas non plus. Comme vous avez dit aujourd'hui, cela n'a rien à voir avec l'exportation du charbon. Les chemins de fer peuvent amener le charbon des mines vers les jetées de chargement du charbon de Sydney et l'exporter sans qu'on ait besoin de constituer des réserves.

Le témoin hier soir a dit: «Vous nous avez empêchés de constituer des réserves de charbon par décret ministériel.» Je n'ai pas signé ce décret bien que j'y aie donné mon accord. Le décret a été pris pour des raisons environnementales. Il visait non pas l'exportation de charbon, mais plutôt l'importation.

M. Drake: C'est juste.

Le sénateur Buchanan: Tout le problème tourne autour de l'incertitude dans laquelle vivent les 900 travailleurs et leurs familles. Ce que M. Drake vient de dire au sujet du charbonnage de Prince est vrai. Cette mine pourrait être fermée d'ici un an pendant plusieurs mois et tous les travailleurs se retrouveraient à la rue. La mine pourrait aussi fermer quatre ou cinq ans et tous les emplois seraient perdus.

Il a été beaucoup question autour de cette table et avant ces audiences de l'ouverture d'une nouvelle mine au Cap-Breton. Je ne suis pas ingénieur-minier, mais je réclame depuis de nombreuses années l'ouverture d'une nouvelle mine de charbon au Cap-Breton. Mon gouvernement a investi les premiers 5 millions de dollars en 1979 pour forer des trous dans la région de Donkin dans les gisements houillers de Sydney pour établir où se trouvaient les filons. Deux tunnels ont été forés.

On peut chercher tant qu'on veut à qui imputer le blâme, qu'il s'agisse de l'ancien gouvernement libéral ou de l'ancien gouvernement conservateur. Ce n'est pas important. Ce qui est important c'est qu'une mine a été ouverte. Deux tunnels ont été forés. Le charbon était de très haute qualité tant pour des fins thermiques que métallurgiques.

La présidente: Voulez-vous poser une question, sénateur Buchanan?

Le sénateur Buchanan: J'y arrive. Il faut d'abord situer le contexte avant de poser sa question.

Il devrait y exister une nouvelle mine de charbon au Cap-Breton. On a déjà investi 85 millions de dollars à cette fin. Les tunnels ont été inondés. Steve Farrell m'a dit ce matin que j'ai dit hier soir des choses qui ne faisaient aucun sens. Le fait est que ce groupe n'a pas soumis une proposition avec le groupe coopératif du Cap-Breton. Certains ont dit hier qu'ils ne disposaient pas des fonds voulus. Si c'est le cas, pourquoi les banques[...]

La présidente: Veuillez poser une question, sénateur Buchanan.

Le sénateur Taylor: Ils sont en train de parler des pensions du passé, pas de l'avenir.

Le sénateur Buchanan: Oh, ils pensent à l'avenir.

Votre groupe songe-t-il à l'avenir?

La présidente: Sénateur Buchanan, veuillez poser votre question.

Le sénateur Buchanan: Je viens de le faire.

M. Drake: Nous sommes en train de considérer la situation dans laquelle se trouvera cette industrie houillère après l'adoption du projet de loi C-11. Si le projet de loi C-11 est adopté sous sa forme actuelle, il n'y aura plus d'industrie houillère au Cap-Breton. Neuf cents personnes se retrouveront à la rue, de la même façon qu'on allait mettre à la rue 6 500 personnes en 1967. Par conséquent, nous pensons à l'avenir. Nous tâchons d'assurer cet avenir en demandant au Sénat de ne pas adopter ce projet de loi sous sa forme actuelle.

Avec tout le respect que je dois à tous les sénateurs, depuis six ans que je m'occupe de ces questions, je connais le processus. Nous venons ici et nous ouvrons nos coeurs. Tout ce que j'ai dit au cours des six années pendant lesquelles je suis venu ici est vrai. Il semble que quand le gouvernement veut faire quelque chose, il ne nous écoute pas. Nous sommes importants uniquement lorsque nous votons, et je trouve que c'est injuste. Je ne crois pas que le système fonctionne correctement.

Le Sénat a l'occasion d'intervenir de façon très positive pour le compte des 900 employés qui restent en disant au gouvernement fédéral qu'il veut des réponses avant d'entériner ce document, qu'il n'adoptera pas ce projet de loi jusqu'à ce que le gouvernement lui dise exactement ce qui arrivera à ces 900 employés et quelle sera la situation de l'industrie une fois qu'elle sera privatisée.

Si le Sénat n'obtient pas ces réponses, nous nous aventurerons dans ce meilleur des mondes les yeux bandés, et je ne crois pas que c'est ainsi que le système est censé fonctionner. Il n'est pas censé nuire aux Canadiens.

La présidente: Sénateur Graham, je vous prie.

Le sénateur Buchanan: Madame la présidente[...]

La présidente: Je suis désolée, sénateur Buchanan. Vous aurez une autre occasion de poser des questions au prochain tour.

Le sénateur Buchanan: Vous m'avez arrêté en plein milieu de ma question.

La présidente: Je pensais que c'était votre question.

Le sénateur Buchanan: Non, ce n'était pas ma question.

La présidente: Alors, posez-la.

Le sénateur Buchanan: Ce dont nous parlons ici autour de cette table, c'est d'une tragédie humaine. Certains d'entre vous ne semblent pas comprendre qu'il s'agit d'une tragédie humaine. Un mode de vie est en train de disparaître.

La présidente: Nous le comprenons très bien.

Le sénateur Buchanan: Certains disent qu'on a besoin de marchés pour la houille. Eh bien, ce marché existe. Il existe un marché de trois millions de tonnes ici même au Cap-Breton.

La présidente: Veuillez poser votre question.

Le sénateur Buchanan: Il y a des groupes qui envisagent d'ouvrir une nouvelle mine de charbon, pour calmer jusqu'à un certain point cette incertitude, si nous pouvons attendre d'avoir toutes les réponses avant de nous prononcer sur ce projet de loi.

Je pense que le gouvernement fédéral craint qu'on lui demande plus d'argent.

La présidente: Veuillez poser votre question.

Le sénateur Buchanan: Les groupes qui veulent ouvrir une nouvelle mine de charbon ont de l'expérience et sont très compétents. Ce sont des mineurs. Ils n'attendent pas une aide financière du gouvernement fédéral, n'est-ce pas?

M. Drake: D'après ce que nous croyons savoir, Donkin Resources Limited a des bailleurs de fonds pour ouvrir la mine Donkin. Si la volonté politique existe, je pense que Donkin Resources Limited prendra cette mesure. Cependant, une fois cela fait, qu'arrivera-t-il aux 904 employés? Je répète qu'il faut s'occuper de cette question avant l'adoption du projet de loi C-11, et qu'il faut donner des garanties. Il faut accorder à ces employés la même dignité que celle qui a été accordée aux 7 828 personnes qui sont parties avant eux. C'est absolument nécessaire. Je trouve inconcevable que quiconque puisse considérer qu'il est raisonnable et acceptable d'offrir moins que cela.

M. Wiseman: Le sénateur Buchanan a demandé si les années de service ouvrant droit à pension seraient transférées à la nouvelle société. Nous avons répondu que non. Cette réponse semble avoir légèrement inquiété le sénateur Finnerty.

En janvier, lorsque nous avons rencontré le ministre Goodale, il nous a assuré que tout filet de sécurité ou transfert d'années de service ferait partie des éléments à négocier. De toute évidence, il s'agit d'un grand sujet de préoccupation pour nous si nous passons à une nouvelle société.

Depuis que nous nous sommes réunis avec ce comité de planification mixte, nous avons exercé des pressions pour que ces éléments fassent l'objet de négociations. Il s'agit de 900 personnes qui n'ont aucune idée de ce qui les attend. Dans mon cas, j'ai 24 années de service dans cette société. Je n'ai pas droit à une retraite anticipée et ce n'est pas ce que je veux. Je veux travailler. Cependant, après 24 ans, le gouvernement ne peut pas dire qu'il a respecté ses obligations en m'obtenant un emploi au sein de la nouvelle société. La nouvelle société va, faute d'un meilleur terme, piller les actifs, faire de l'argent, puis filer sans satisfaire aux obligations morales ou sociales qui incombaient au gouvernement. Si elle décide de plier bagages après six mois, je n'aurai droit à rien. Je dois décider si je veux continuer de travailler ou accepter l'indemnité de départ que le gouvernement m'offre.

Comme l'a dit le sénateur Buchanan, il faudrait suspendre l'étude du projet de loi jusqu'à ce que tous les faits soient sur la table. Il est immoral et injuste de ne pas prévoir de filet de sécurité pour ceux qui ont donné leur temps à la société, et de les laisser devant un avenir incertain.

Le sénateur Graham: Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. M. Drake a cité Jean-Luc Pépin, un ancien ministre responsable des mines au Canada, par l'entremise duquel la Société de développement du Cap-Breton faisait rapport au Parlement. Vous avez parlé du projet de loi C-11. Je tiens à préciser qu'à l'époque il s'agissait du projet de loi C-135.

Monsieur Carroll, vous avez parlé d'un de vos oncles qui a travaillé un an pour Devco puis qui a obtenu une pension pour un certain nombre d'années de Devco. Pendant combien d'années a-t-il travaillé pour DOSCO?

M. Carroll: Il a commencé à travailler pour DOSCO lorsqu'il avait 15 ans et il avait 49 ans lorsqu'il a pris sa retraite. Il a travaillé 33 ans pour DOSCO et un an pour Devco.

Le sénateur Graham: Cotisait-il à un régime de retraite contributif à DOSCO?

M. Carroll: Je ne crois pas que DOSCO avait de régime de retraite contributif.

M. Drake: D'après les dossiers de l'Office fédéral du charbon, DOSCO n'avait pas de régime de retraite contributif.

Le sénateur Graham: Monsieur Drake, dans vos documents, vous dites qu'un nouvel acheteur assumerait la propriété des deux mines de charbon inondées. De quelles mines s'agit-il?

M. Drake: Nous croyons comprendre que pour une raison quelconque, on a remis la mine Donkin dans la liste des actifs. À l'heure actuelle, la mine Donkin est inondée, tout comme la houillère Phalen. Par conséquent, deux mines de charbon inondées font partie du dossier d'appel d'offres. La mine de charbon en exploitation serait la mine Prince.

Le sénateur Graham: J'aimerais parler du comité mixte de planification. Vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord avec la constitution de ce comité mixte de planification, qu'on vous l'a imposé.

Vous êtes-vous opposés à l'époque à la constitution d'un comité mixte de planification?

M. Drake: Une réponse simple à cette question ne conviendrait pas. Devco a négocié chaque programme de compression des effectifs avec les syndicats de 1968 à 1999. En 1999, le gouvernement l'a imposé de façon arbitraire aux syndicats. Les syndicats ont demandé à la société et au gouvernement fédéral, sur une période de plus d'un an, de renégocier une série de mesures, ce qui est la façon appropriée de procéder à une fermeture. C'est ainsi que l'on a procédé dans le cas de Marine Atlantique, NAV CANADA, le CN et ainsi de suite. Devco est le cas le plus comparable étant donné que cette société a plus de 30 années d'expérience dans ce domaine.

Le gouvernement fédéral et Devco n'ont cessé de rejeter les demandes de négociations. En janvier 2000, un grand nombre de mineurs ont pratiquement paralysé l'industrie houillère au Cap-Breton. Le gouvernement fédéral a alors accepté que soit constitué un comité mixte de planification. Nous avons à nouveau demandé au gouvernement fédéral de négocier, et le gouvernement a refusé. L'arbitrage s'est avéré notre dernier recours pour établir une stratégie quelconque de compression des effectifs, surtout dans le cas d'une fermeture.

Le sénateur Graham: Est-ce que vous vous êtes opposés, au départ, à ce comité mixte de planification?

M. Wiseman: Non.

M. Drake: On nous l'a refusé.

M. Wiseman: Nous l'avons demandé dès le départ. Lorsqu'on a su qu'il y aurait des licenciements, nous avons réclamé un comité mixte de planification. On nous a dit que c'est un comité mixte de planification antérieur qui avait établi les critères énoncés et que nous n'avions pas droit à un autre comité. Nous nous sommes plaints, nous avons discuté et protesté. Nous voulions former un comité mixte de planification. Nous ne sommes jamais opposés à ce processus. Nous n'avons pu en obtenir un que lorsque les mineurs ont occupé la mine et paralysé l'industrie minière. Le gouvernement s'est alors rendu compte que pour débloquer les choses, il devait établir un comité mixte de planification.

Le sénateur Graham: Le comité mixte a fini par être constitué?

M. Wiseman: Oui, au bout d'un an.

M. Drake: Comprenez bien que ce processus est régi par le Code canadien du travail. Nos conseillers juridiques nous ont montré des documents indiquant qu'avant que le comité mixte ne force Devco à aller en arbitrage sur une question importante, depuis que cette disposition existe dans le Code canadien du travail, il était arrivé seulement deux fois que les parties soient forcées d'aller en arbitrage.

Cela témoigne de la rigueur de la position adoptée par le gouvernement fédéral pour négocier une bonne stratégie de départ des travailleurs. Pour la troisième fois dans l'histoire de cet article du Code canadien du travail, l'affaire a été renvoyée à l'arbitrage, parce que le Comité mixte de planification n'a pas réussi à négocier une stratégie satisfaisante pour le licenciement des effectifs. Je dirais que c'est le pire échec qu'ait enregistré la Société de développement du Cap-Breton au cours de mes 24 ans de carrière.

Le sénateur Graham: Vous étiez-vous opposés à la mise sur pied du comité mixte de planification?

M. Drake: Nous ne nous y étions pas opposés.

Le sénateur Graham: Quelle était l'autre solution?

M. Wiseman: Lorsque Devco s'est vu finalement forcée de mettre sur pied un comité mixte de planification, nous avons protesté contre le fait que ses représentants n'étaient pas mandatés pour négocier avec nous. Les représentants de Devco ont commencé par dire qu'il n'y avait plus d'argent, que nous perdions notre temps et qu'ils iraient en arbitrage. En fait, il n'y a pas eu de négociation. C'était de la poudre aux yeux. Nous avons poursuivi nos efforts sans succès pendant un mois, après quoi nous sommes allés en arbitrage.

Le sénateur Graham: Pendant combien de jours le comité mixte de planification a-t-il siégé?

M. Wiseman: Il a peut-être siégé pendant deux semaines, mais nous n'avons obtenu aucun résultat.

M. Drake: Il n'y a eu aucun progrès, parce que la société n'était ni déterminée ni mandatée pour négocier une stratégie satisfaisante de licenciement des effectifs. Notre dernier recours était l'arbitrage. Lorsque vous allez en arbitrage, vous faites valoir vos arguments de votre mieux en espérant obtenir gain de cause. Ce n'est pas la bonne façon de quitter une société comme Devco qui a des obligations humanitaires et sociales. Elle ne peut pas se permettre de s'acharner sur ses employés en difficulté.

M. Wiseman: Si vous lisez le rapport de M. Outhouse, il dit clairement que la médiation n'était pas possible. En fait, lorsque nous avons fait venir M. Outhouse comme médiateur, nous l'avons rencontré pendant trois minutes environ. Il a dit: «Il n'y a là aucune marge de manoeuvre. Les choses ne peuvent pas progresser plus loin. Allons en arbitrage.»

Le sénateur Graham: Vous dites que si le projet de loi C-11 est adopté sans être modifié -- je crois que ce sont bien les paroles que vous avez prononcées -- ce sera la fin de l'industrie houillère au Cap-Breton. Pourtant, hier soir, le ministre et M. Shannon nous ont dit que le projet de loi était essentiel parce que le gouvernement fédéral a annoncé qu'il se retirait de l'industrie houillère. Ils ont dit que le projet de loi C-11 est essentiel pour procéder à la vente et permettre à l'industrie de poursuivre ses activités au Cap-Breton. Comment conciliez-vous ces deux points de vue?

M. Drake: Je me permettrais de vous faire remarquer que M. Goodale et M. Shannon nous ont dit que le dernier plan quinquennal fonctionnerait et que nous serions rentables cette année. C'est ce qu'ils avaient déclaré au Sénat et au gouvernement, mais le déficit pour cette année est d'environ 157 millions de dollars. Ils ont dit également au Sénat qu'ils mettraient en oeuvre l'étude Donkin qui a coûté 750 000 $, ce qu'ils n'ont pas fait.

Ils ont également dit au Sénat et au gouvernement fédéral qu'ils appliqueraient le procédé d'extraction à entrées multiples à la mine Prince, pour lequel ils avaient réservé de l'argent. Ils ne l'ont pas fait. Ils ont dit un tas de choses ces dernières années, mais rien ne s'est concrétisé. Je ne veux pas avoir l'air de trop critiquer, mais ce sont les faits. Vous ne pouvez pas contester les faits.

Pour ce qui est de votre question, sénateur, ces deux messieurs qui ont fait toutes ces déclarations nous disent maintenant que le projet de loi C-11 est essentiel pour assurer une bonne vente et la poursuite des opérations. Une bonne vente ne va pas correspondre nécessairement à la même chose du point de vue du gouvernement fédéral et de Devco et du point de vue des employés. Les employés et les contribuables canadiens ont le droit de s'attendre à ce qu'une bonne vente permette d'assurer une exploitation viable à long terme.

J'ai vu le ministre Goodale et M. Shannon tourner autour de ces questions pendant près de deux heures, hier soir. Ils n'ont pas pu répondre aux questions suivantes: Que deviendra Devco une fois vendue? Combien de temps l'entreprise restera-t-elle là? Combien de charbon va-t-elle produire? Combien d'employés va-t-elle garder après la vente? Ils n'ont répondu à aucune de ces questions. Sans pouvoir y répondre, ils affirment qu'il faut adopter le projet de loi C-11 parce que c'est essentiel. Le projet de loi C-11 est peut-être nécessaire pour privatiser Devco, mais s'il est adopté sous sa forme actuelle, si on l'adopte aveuglément, sans obtenir la réponse à ces questions, je crois que l'industrie houillère du Cap-Breton disparaîtra. Je crois que ces 904 employés se retrouveront à la rue.

Nous avons prédit -- et cela figure dans les Procès-verbaux de vos réunions, auxquelles vous assistiez, sénateur Graham -- que si le plan quinquennal proposé pour Devco en 1996 avait été approuvé par le conseil d'administration et par le gouvernement, nous ne serions pas dans cette situation aujourd'hui. Personne ne peut le nier. Nous prédisons la même chose aujourd'hui.

Je ne suis ni chauffeur de camion ni millionnaire. Je suis mineur. J'écoute ce que disent les mineurs. Les mineurs de charbon du Cap-Breton me disent que s'ils continuent ainsi dans la mine Prince, cette dernière va fermer ses portes. Je les crois. Je n'ai aucune raison de faire confiance au Conseil d'administration de Devco ou au gouvernement fédéral étant donné ce qu'ils ont fait depuis cinq ans quand ils nous disent maintenant que ce plan va tout régler. Ce plan ne donnera pas les résultats escomptés, car personne n'y a inclus les mesures de contrôle nécessaires. Vous avez tout cela dans votre bureau, sénateur Graham. C'est consigné dans les procès-verbaux.

Le sénateur Finnerty: Le ministre n'a-t-il pas déclaré hier soir qu'environ 500 emplois seraient garantis?

M. Drake: Non.

M. Wiseman: Il a garanti, en janvier, qu'il négocierait, mais il n'y a pas eu de négociations.

M. Drake: Ces emplois ne sont pas garantis. En fait, M. Outhouse a rendu sa décision finale le 2 juin. Le lendemain, le samedi 3 juin -- je ne l'ai pas entendu moi-même, mais M. Gracie peut vous en parler, car lui l'a entendu -- le ministre Goodale a déclaré à la radio qu'il ne pouvait pas garantir ces emplois. Le lundi matin, il y avait devant l'immeuble des mines 250 mineurs comptant beaucoup d'années d'ancienneté qui disaient: «Nous savons qu'il n'y a pas de garantie, mais le ministre a dit que nous ferions mieux d'inscrire notre nom sur la liste des retraites anticipées sans quoi nous perdrons cet avantage.» Le mardi matin, les gens qui n'étaient pas arrivés à temps, le lundi, pour s'inscrire sur la liste des mineurs comptant une vingtaine d'années d'expérience et d'ancienneté, des gens âgés de 40 ans, ont perdu leur dignité. Ils étaient assis sur des chaises de jardin, dans des sacs de couchage, à 11 heures du soir, en attendant de pouvoir entrer le lendemain matin, à 8 heures, dans l'immeuble des mines, pour renoncer à leur emploi.

Voilà ce qui s'est passé. Nous prenons cela personnellement et nous en avons parfaitement le droit. Cette situation cause du tort à 900 personnes au Cap-Breton. J'avoue que cela me bouleverse. Le gouvernement se moque des Canadiens en agissant comme il le fait. Notre dernière chance c'est que le Sénat arrête ce projet de loi et dise au gouvernement: «Vous n'allez pas faire ça à ces Canadiens. Nous, les sénateurs, allons vous en empêcher et vous répondrez à nos questions. Si nous n'obtenons pas de réponse satisfaisante, ce projet de loi restera là jusqu'en 2005.»

C'est le rôle du Sénat. Je ne suis pas expert en la matière, mais je crois que c'est le rôle du Sénat. Trop de questions sont restées sans réponse. Je ne sais pas exactement combien de sénateurs siègent du côté des libéraux et combien du côté du côté des conservateurs, mais je sais que les nombres ne sont pas égaux. Je sais que du point de vue numérique, les libéraux peuvent adopter ce projet de loi.

Je demande aujourd'hui au Sénat de prendre cette décision après avoir obtenu le maximum de renseignements. Il ne faudrait pas s'occuper des intérêts politiques, mais des intérêts des gens. Je vous demande de voter en votre âme et conscience et j'espère que vous en parlerez à vos collègues. Si vous le faites, ce projet de loi ne sera pas adopté.

Le sénateur Graham: Pour que ce soit plus clair pour nos collègues ici présents, vous avez dit que la Société avait enregistré un déficit de 157 millions de dollars. Voulez-vous parler de l'exercice qui vient de prendre fin, le 31 mars?

M. Drake: Oui. Je vous prie de vous reporter à la page 13 du document que j'ai fourni.

Le sénateur Graham: Si c'est pour l'exercice 1990-2000, reconnaissez-vous qu'une grande partie de cette perte de 157 millions de dollars ou de cet écart dans les prévisions, est attribuable à des problèmes géologiques imprévus survenus à la mine Phalen? Est-ce exact?

M. Drake: Je vais le préciser. Je l'ai déjà précisé en 1996 et nous l'avons encore précisé au Sénat en 1997. Cela fait trois ans que nous l'expliquons au gouvernement fédéral. Devco a fait des prévisions à partir de son plan quinquennal.

Le 27 mai 1996, M. Joe Shannon a dit: «Nous sommes ici ce soir parce que nous croyons que ce plan donnera de bons résultats. Nous croyons pouvoir mettre en place un système de gestion qui donnera suite à ce plan.» Le plan se fondait sur tous les renseignements disponibles au sujet de Devco. Selon ce plan, Devco devait enregistrer un profit d'environ 60 millions de dollars pour cet exercice, 1999-2000, je crois.

Devco possédait tous les renseignements voulus au sujet de la mine Phalen et de la mine Prince. Elle savait que nous avions des problèmes d'eau à Phalen. Elle savait que nous avions des dégagements de gaz qui faisaient éclater la roche à Phalen. Elle savait que nous avions de lourdes couches de grès qui posaient un problème de poids à la mine Phalen.

Les syndicats n'ont cessé de répéter à la direction, depuis cinq ans, que les mesures qu'elle essayait de mettre en oeuvre compromettraient la production au cours des cinq prochaines années. Devco a refusé d'écouter. Tout cela figure dans les archives publiques. Je pourrais le répéter ici, mais cela prendrait une heure ou deux. Tout cela est consigné.

Devco a refusé d'écouter les mineurs. Devco a agi en toute hâte et en a fait à sa tête. Aujourd'hui, même si tout ce qui s'est passé à la mine Phalen -- qui était censée avoir une grosse production -- était prévisible et donc évitable, la direction de Devco ou son service d'ingénierie n'ont rien fait.

Dans la dernière partie de votre question vous avez demandé si la perte de revenu est attribuable à des problèmes géologiques imprévus survenus à Phalen? Non. Tous ces problèmes avaient été prédits. Ils ont tous été prédits et le gouvernement fédéral et Devco étaient au courant. Ils n'ont absolument rien fait pour y remédier.

À mon avis, c'est de l'incompétence. Personne ne surveillait ce qui se faisait à Devco.

Le sénateur Graham: Je ne vois pas comment...

La présidente: Sénateur Graham, nous devons continuer. Tous veulent avoir l'occasion de poser des questions.

Le sénateur Graham: Je voudrais simplement savoir, pour préciser les choses, d'où vient ce chiffre de 157 millions de dollars que vous avez mentionné.

M. Drake: D'accord.

Le sénateur Graham: Vous dites que la Société est fautive, mais comment peut-on prévoir les dégagements de gaz qui ont fait éclater la roche et les problèmes géologiques?

M. Drake: Il y avait un plan minier à la houillère de Phalen; Devco n'en a pas tenu compte. Durant les travaux d'exploitation des parties supérieures de la houillère de Phalen, Devco est arrivée à la section 6 Est et elle a allongé le panneau mural. Lorsqu'on sait que les terrains houillers de Sydney sont traversés sur toute leur longueur, par une couche de grès, il faut en tenir compte à un moment donné dans les forages souterrains. Plus on creuse en profondeur, plus le poids s'accroît. Il faut prendre des mesures pour contrer cela. Et l'une des choses à éviter, dans de tels cas, c'est d'allonger le panneau mural. C'est pourtant ce qu'a fait Devco. Nous lui avons demandé de ne pas le faire et nous avons engagé des experts pour montrer ce qui se produirait. On a fait la sourde oreille.

Arrivés à la section 6 Est, il y a eu de premiers éboulements au niveau du toit. J'ai parlé au géologue de Devco, M. Steve Forgeron -- qui, je le signale, est l'une des personnes les plus honnêtes de la Société de développement du Cap-Breton; il ne ment jamais pour plaire à quiconque. Je vais utiliser des chiffres en gros. Les documents sont chez moi. Si les sénateurs le souhaitent, je vous les ferai parvenir.

J'ai dit à M. Forgeron que nous commencions à avoir des éboulements massifs du toit, une fois arrivés à la section 6 Est, à une certaine profondeur dans la houillère, et que les panneaux muraux étaient prolongés. Nous avons eu beaucoup d'éboulements. Une trentaine peut-être, je ne suis pas certain du nombre. Nous sommes ensuite arrivés au panneau 3 Centre, qui était situé un peu plus profondément dans la mine. Nous avons eu d'autres éboulements du toit -- en sus des 30 autres. Plus nous creusions, plus le nombre des éboulements augmentait, passant de 30 à 40 ou 45, dans le secteur 3 Centre. Devco a ordonné que le panneau mural soit prolongé, malgré l'opposition des syndicats qui représentent tous des mineurs de 25 à 30 ans d'expérience. La section 7 Est est située à une plus grande profondeur dans la mine. La couche de grés y est plus lourde. L'attraction terrestre naturelle y est plus grande. Il faut prendre des mesures différentes. Devco n'a rien changé à ses méthodes et il y a eu davantage d'éboulements du toit dans la section 7 Est.

Devco prédisait ces éboulements à partir de ses études géologiques. Steve Forgeron prédisait les éboulements. La pire section était la 8Est, celle sur laquelle Devco nous avait dit de nous concentrer.

Le sénateur Graham: Pour plus de précision, la section 8-Est est celle où il y a eu des problèmes l'an dernier, n'est-ce pas?

M. Drake: Sénateur, la section 8-Est est encore plus profonde que la 6 Est ne l'était il y a quatre ou cinq ans. Devco continue d'utiliser les mêmes panneaux latéraux qui n'ont rien donné de bon dans les sections 6 ou 7 Est.

M. Shannon nous compare volontiers à l'Australie et aux États-Unis. Mais aux États-Unis, lorsqu'on se trouve dans des conditions semblables, mais pas aussi graves que celles provoquées par l'eau et le poids du sol dans une mine sous-marine, la norme est d'appliquer deux solutions pour diminuer les risques d'occurrence d'incidents provoqués par le poids et les éboulements du toit. Premièrement, on réduit la taille des panneaux muraux en conséquence. Cela a déjà réussi. Si l'on ne réduit pas la taille des panneaux, on place dans la section les appareils de soutènement hydrauliques les plus forts possible. La norme est d'environ 980 tonnes. Devco a continué d'utiliser les mêmes appareils de soutènement du toit de 550 tonnes dans la section 6 Est, ce qui pour nous n'était pas logique. Ce faisant, elle mettait en danger la vie de ses employés.

M. Forgeron m'a dit que dans la section 8 Est, on avait prévu qu'il y aurait des problèmes avant même de commencer. Devco possédait les preuves géologiques et les renseignements venant de l'expérience des sections 6 Est, 7 Est et 3 Centre. On avait prévu de 80 à 90 éboulements du toit.

Comment peut-on les prédire? On savait déjà que cela se produirait. Cela fait 300 ans qu'on exploite les terrains houillers de Sydney. Si vous voulez en discuter, c'est peut-être à Steve Forgeron qu'il faudrait poser les questions.

Le sénateur Finnerty: Comme on l'a dit hier soir, je viens d'une localité minière et j'ai subi ça toute ma vie. Je connais votre situation. Mon père a pris sa retraite à 71 ans, sans pension de retraite. Il a travaillé toute sa vie dans la mine.

Il n'en reste pas moins que les contribuables canadiens doivent payer des milliards de dollars parce que des sociétés ont été négligentes envers leurs employés dans le passé. Vu que les contribuables canadiens ont déjà payé 1,7 milliard de dollars pour financer les travaux d'exploitation minière de Devco depuis sa création, pourquoi êtes-vous persuadé qu'il vaudrait mieux pour le pays que les houillères du Cap-Breton appartiennent à une société d'État plutôt qu'à une société privée?

M. Drake: Il y a deux réponses à cette question. Tout d'abord, le gouvernement a investi 1,7 milliard de dollars dans Devco dans le cadre de sa politique publique, de la même façon qu'il investit dans les soins de santé ou l'éducation. En 1967, c'était une question d'intérêt public.

Deuxièmement, d'après les dossiers de Devco, cet investissement de 1,7 milliard de dollars a rapporté quatre milliards de dollars en recettes directes. Cet argent a été dépensé au Canada. Il a permis à des milliers de mineurs et à leurs familles de travailler, d'envoyer leurs enfants à l'université, de dépenser dans la collectivité, de payer des impôts et de verser des cotisations au Régime de pensions du canada. Le rendement de cet investissement a été énorme. De 1968 à 1998, 2,2 milliards de dollars ont été versés en salaires. Dans une économie de la taille de celle de l'île du Cap-Breton, les retombées économiques d'une telle somme sont énormes.

C'était un bon investissement. Cet investissement a bien rapporté au gouvernement. Maintenant que le gouvernement veut se retirer de la SDCB, il déclare qu'il a eu la grande bonté d'investir 1,7 milliard de dollars dans ce gouffre. Le gouvernement a été bon, c'est vrai, mais les mineurs et l'industrie du charbon ont également été avantageux pour le Canada. Le Canada a économisé des milliards de dollars grâce à l'industrie houillère au Cap-Breton, ne serait-ce qu'en paiements de péréquation pour le pétrole. En 1974, lorsqu'on a décidé d'agrandir les mines, le gouvernement a invité 900 jeunes mineurs, ces mêmes mineurs qu'il jette aujourd'hui à la rue, à lutter contre la crise du pétrole. À l'époque, le gouvernement déclarait qu'il fallait sevrer la Nouvelle-Écosse du pétrole étranger parce qu'il versait à cette province de 80 millions de dollars à 100 millions de dollars par année en paiements de péréquation pour le pétrole. Tout cela se trouve dans le document.

En fin de compte, le gouvernement devrait être honnête, dire qu'il a fait un bon investissement, qu'il veut se retirer de cette exploitation dans des conditions raisonnables et qu'il faut s'occuper de ces 900 personnes.

Pour répondre à l'autre partie de votre question, il y a eu des problèmes de favoritisme politique, entre autres, à Devco depuis 30 ans. Tout cela est bien connu. C'est le mauvais côté de Devco.

Si le projet de loi est adopté, une société privée fera l'acquisition de l'exploitation. Je n'ai pas dit aujourd'hui qu'une société d'État vaut mieux qu'une société privée, non plus que le contraire.

Il semble toutefois que le gouvernement fédéral privatisera la société une fois le projet de loi adopté. C'est sûr à 99,98 p. 100. Nous nous sommes engagés à collaborer avec cette société privée et nous travaillerons de notre mieux pour extraire le charbon, parce que c'est notre métier. Mais ne jetez pas à la rue ces 904 personnes comme la DOSCO s'apprêtait à le faire en 1967 à 6 500 travailleurs. Nous travaillerons pour la société privée, alors laissez-nous au moins un peu de dignité.

Le sénateur Finnerty: À Kapuskasing, dans le nord de l'Ontario, on a vu des employés reprendre une usine qui devait fermer ses portes. Je ne sais pas si vous êtes au courant de ce cas.

M. Drake: Non.

Le sénateur Finnerty: Les raisons étaient semblables. Toutefois, ils ont réussi à faire prospérer l'usine.

M. Drake: De quelle sorte d'usine s'agissait-il?

Le sénateur Finnerty: C'était une usine de papier. Elle est exploitée avec brio par les syndicats et les employés. Est-ce une possibilité dans votre cas?

M. Drake: Nous avons envisagé cette possibilité. En général, les régimes de propriété par les employés ne donnent pas de bons résultats à long terme, même s'il existe de bons exemples de réussite. Dans le cas de Devco, toutefois, deux des mines de charbon sont inondées, celle de Donkin et de Phalen, et l'un de nos clients -- la Nova Scotia Power -- a déclaré fermement au cours des cinq dernières années qu'elle réduira arbitrairement et régulièrement les prix de notre charbon. Nous croyons également que la mine de Prince pourrait continuer d'être exploitée à long terme si Devco y investissait un peu d'argent. Je vais vous donner un exemple tiré de son dernier rapport annuel, pour l'année qui se terminait le 31 mars 1999. Les dépenses d'immobilisations pour 1994 s'élevaient à 38 millions de dollars. Pour 1995, ces dépenses ont été de 26 millions de dollars.

Lorsque M. Shannon a pris les rênes de la société et que le conseil d'administration actuel de la SDCB a mis en oeuvre ce plan quinquennal, en 1996, les dépenses d'immobilisations n'étaient que de 5,8 millions de dollars, ce qui est le seuil le plus bas de toute l'histoire de la société. En 1997, les dépenses d'immobilisations étaient de 8,1 millions de dollars. En 1998, elles étaient de 12,7 millions de dollars. Une partie de cet argent -- 11 millions de dollars -- a servi à des soutiens de toit que nous ne jugions pas nécessaires. Les dépenses d'immobilisations de 1999 se sont élevées à 7,9 millions de dollars.

Si je vous dis tout cela, c'est pour montrer que Devco a piloté le Titanic -- le bateau a frappé un iceberg et voilà que le capitaine jette maintenant les clés à l'équipage pour qu'il règle le problème. Je ne crois pas, après tout ce que Devco a fait, qu'un régime de propriété par les employés pourrait fonctionner. Le bateau a frappé l'iceberg et il coule. On s'attend maintenant à ce que les employés reprennent la barre et maintiennent le bateau à flot. Cela ne peut pas marcher et on ne devrait pas s'y attendre. Je soumets respectueusement qu'un régime de propriété par les employés peut fonctionner, mais ce doit être dans des circonstances idéales -- pas lorsqu'une société est en train de faire faillite et juge tout à coup que c'est la solution.

Le sénateur Finnerty: Mais voyez ce qui s'est produit à Kapuskasing. La situation était désespérée. Tous disaient que l'entreprise devait fermer parce qu'elle n'était pas rentable. Et pourtant, elle est maintenant très prospère.

M. Drake: J'ai bien examiné la situation de l'aciérie d'Algoma. C'est une réussite, mais bon nombre d'employés ont dû être mis à pied et l'entreprise a dû fermer sa propre mine au Canada. Elle importe maintenant son matériau des États-Unis.

Il est certain qu'il y a eu des réussites, mais aussi de nombreux échecs. Prenez le cas de Transport Route Canada. On avait demandé que soit présenté un projet de loi pour permettre aux employés de faire l'acquisition de l'entreprise. D'après ce que je sais, ce projet a échoué lamentablement et ce sont les employés qui ont dû payer les pots cassés.

Dans l'industrie houillère, on nous demande de reprendre un vieux rafiot.

Le sénateur Taylor: Je vous remercie de votre exposé intéressant. Vous défendez très bien votre cause.

Ce que disent les contribuables canadiens au gouvernement du Canada -- quel que soit le parti -- c'est qu'ils veulent que le gouvernement se retire d'Air Canada et du CN. Autrement dit, comme vous le dites, il y a peut-être de trop nombreux fronts qu'il faudrait limiter. La privatisation n'est pas toujours la solution, mais quelle qu'en soit la raison, il existe aujourd'hui une tendance dans ce sens. Les gens sont prêts à croire que le gouvernement ne peut pas exploiter les mines de charbon, les sociétés pétrolières, les chemins de fer ou les sociétés aériennes. Il y a probablement beaucoup de vrai là-dedans.

Vous avez parlé, entre autres choses, d'ingérence politique, mais nous avons un problème. On peut faire valoir que la diversification de Devco au Cap-Breton a pris vraiment beaucoup de temps à se faire. J'ignore si le secteur privé fait preuve d'imagination et d'innovation tout comme les bonnes gens du Cap-Breton.

Comme vous le savez, les mineurs sont de bons citoyens. Je viens de l'Alberta, où il y a des gens qui sont semblables aux Cap-Bretonnais, et ils constituent l'épine dorsale de la province dans les secteurs commerciaux.

M. Drake: Ramenez ces entreprises au Cap-Breton.

Le sénateur Taylor: On le fera probablement. Votre climat est meilleur.

M. Drake: J'espère que vous le ferez.

Le sénateur Taylor: Il n'en reste pas moins que, lors d'une telle transition, il faut être juste envers les employés et les autres personnes qui doivent subir ce changement, parce qu'on ne sait pas ce qui se passera. D'un autre côté, personne n'achètera une société criblée de dettes. Par conséquent, le gouvernement doit dire: «Si vous achetez cette entreprise, elle doit être libre de toutes dettes. Concluez votre propre entente avec les mineurs, réunissez vos propres capitaux, créez vos propres méthodes d'exploitation minière, et nous ne nous en mêlons plus.» Le gouvernement ne peut pas se soustraire au fait que jusqu'à 900 employés sont partis.

Vous faisiez partie de la Commission mixte de planification, et d'une certaine façon, vous nous demandez maintenant de ne pas tenir compte des conclusions de l'arbitre. Je suppose que Devco aurait pu également dire: «L'arbitrage a été trop généreux et nous voulons que vous ignoriez les résultats et adoptiez une autre solution.» Nous nous retrouvons donc pris dans un dilemme -- vous avez choisi l'arbitrage exécutoire; l'arbitre a décidé que c'était juste et que ces pensions sont acceptables.

Le ministre et d'autres témoins ont comparu devant nous et ont dit: «Nous avons 500 emplois.» Je suis d'accord avec vous pour dire que rien ne garantit l'existence de ces 500 emplois après demain ou dans cinq mois.

J'oeuvre dans le secteur de l'énergie et je crois que vous vous trouvez dans une courbe ascendante. Le prix du gaz naturel a doublé et les marchés s'accroîtront pour la houille. En d'autres termes, vous pourriez être à l'aube d'une nouvelle ère d'expansion. C'est le bon moment de nous retirer de cette entreprise et de laisser le secteur privé, les employés et les syndicats essayer de la faire fonctionner.

Vous nous demandez, en réalité, de rouvrir la décision arbitrale et de la déclarer injuste, n'est-ce pas? Ces paroles semblent plutôt fortes.

M. Drake: Non. Si vous regardez à la page 28 de la décision de M. Bruce Outhouse, à l'article 49, on peut lire:

Je suis également tout à fait conscient que le fait de ne pas accorder les avantages du régime d'encouragement à la retraite anticipée aux employés qui ont entre 20 et 25 ans de service, décevra grandement ces employés et leurs familles.

Il n'est pas dit qu'ils ne les méritent pas, ou que le projet de loi ne devrait pas les inclure.

Le coût supplémentaire de leur inclusion, fondé sur la proposition faite par les employés membres de la Commission mixte de la planification, serait d'environ 79 millions de dollars. Je ne suis pas convaincu qu'un tel coût puisse être justifié dans les circonstances et je ne crois pas que les membres de la Commission, s'ils agissent raisonnablement, seraient d'un avis contraire. Comme il n'est devenu que trop évident au cours de la dernière décennie au Canada, à tous les paliers de gouvernement, même les deniers publics sont limités. Il vaut aussi la peine de souligner dans ce contexte que la plupart des employés de ce groupe ne font pas face à la perspective de devenir chômeurs, du moins à court terme.

Essentiellement, il dit que le projet de loi prévoit des prestations pour les personnes qui ont 25 ans de service. C'est la première fois que nous obtenons l'assentiment de quelqu'un de la société ou du gouvernement du Canada à ce sujet. C'est une chose qui a été imposée par un arbitre. Il a dit que le projet de loi s'applique à ces employés.

S'il s'applique à ces employés en raison d'un arbitrage exécutoire, et s'il s'appliquait aux 7 500 employés avant eux, est-ce une question d'argent?

Est-ce à cela que nous en sommes rendus? N'est-ce pas là une question de justice, c'est-à-dire que les lois s'appliquent également à tous les Canadiens? Il y a encore 904 personnes à qui s'applique le même projet de loi. Tout ce que M. Outhouse a dit, c'est: «Je n'ai pas le courage de m'attaquer au gouvernement fédéral pour obtenir 79 millions de dollars en plus des 53 millions de dollars. Je ne pense pas pouvoir le justifier dans les circonstances.» Le gouvernement fédéral l'a justifié le 6 juillet 1967 lorsqu'il a adopté une loi lui permettant d'assumer ses responsabilités financières envers 6 500 personnes qui ne travaillaient même pas pour cette société, qui ne travaillaient pas pour le gouvernement. Maintenant, on dit: «C'est bien. Nous avons la décision de l'arbitre. Nous pouvons simplement laisser tomber ces 904 autres employés.» Je pense que le Sénat doit regarder cela et dire que c'est bien.

Dans la décision arbitrale on aurait pu accorder les avantages du Régime d'encouragement à la retraite anticipée à 249 employés de plus, mais on n'a absolument rien fait pour modifier la loi. Cette loi est encore dans les recueils de lois et le gouvernement fédéral demande au Sénat de la modifier. Si le Sénat modifie cette loi, il doit songer sérieusement à s'assurer que le gouvernement fédéral s'occupera des 904 autres employés comme il l'a fait pour les 7 829 avant eux. Je n'arrive pas à voir d'autre solution raisonnable ou logique que de s'occuper des 904 derniers employés. Cela dépasse mon entendement.

Le sénateur Buchanan: Il y a une conclusion intéressante à la page 28, que j'ai lue à plusieurs reprises. Elle concerne le caractère final de l'arbitrage. Que pensez-vous de cette dernière ligne?

Ils pourront, en fonction de leur ancienneté, obtenir des emplois à la mine Prince.

C'est son avis, mais le ministre a dit, hier soir, qu'il avait pour objectif d'obtenir jusqu'à 500 emplois, ce qui signifie qu'il pourrait y en avoir 100 ou 500.

M. Drake: C'est exact.

Le sénateur Graham: Il a dit hier soir qu'il espérait les obtenir.

Le sénateur Buchanan: «Espérer» est un mot merveilleux. Parfois, il ne signifie pas grand-chose.

M. Drake: Nous espérions un plan quinquennal.

Le sénateur Buchanan: Je trouve cependant la dernière ligne intéressante:

Si la mine Prince devait fermer ses portes ou réduire ses effectifs, il faudra alors offrir aux employés un nouveau programme d'adaptation.

M. Drake: Cela signifie qu'il y aura des obligations du successeur, parce qu'on déclarera qu'il s'agit de travaux publics dans l'intérêt général du Canada. Nous aurons des droits du successeur parce que le Code canadien du travail s'appliquera.

S'il doit se produire une réduction d'effectifs à la mine Prince, dans des circonstances prévues au Code canadien du travail, selon lequel si l'on réduit les effectifs de plus de 50 employés dans une période inférieure à 16 semaines, il faut constituer une commission mixte de planification, après quoi il faudra créer un autre programme d'adaptation. Cependant, si l'entreprise met à pied 49 personnes, elle n'a pas besoin de créer un programme d'adaptation. Si, 16 semaines plus tard, elle met à pied 49 autres personnes, elle n'a pas à le faire non plus. Si elle met à pied sur une base régulière 10 ou 12 personnes, elle n'a pas à offrir de programme d'adaptation. Si elle met à pied 300 personnes, elle doit créer un programme d'adaptation, mais les conditions que Devco était tenue de respecter avant la privatisation de l'entreprise ne s'appliqueraient pas en ce qui concerne les pensions.

Nous ne pouvons pas reporter nos années de service ouvrant droit à pension. Le gouvernement ne nous a pas donné ce document, contrairement à ce qui a été fait pour Marine Atlantic, VIA Rail et NAV CANADA, qui ont obtenu un tel document au moment de la privatisation. Ce document a été négocié. Nous n'avons pas eu la possibilité de négocier la même chose. Le gouvernement fédéral a dit qu'il ne négociera pas le report des années de service ouvrant droit à pension. Le Programme d'adaptation pourrait -- quel était le mot utilisé par la ministre, sénateur Graham?

Le sénateur Graham: Je l'espère.

M. Drake: ...j'espère qu'il sera mis en oeuvre. Encore là, il n'y a pas de garantie et l'on nous demande d'aller nous promener le long du rivage les yeux bandés.

Le sénateur Banks: Si quelqu'un a déjà répondu à cette question, je vous prie de me le dire. Comment M. Outhouse en est-il venu à être l'arbitre dans cette affaire?

M. Drake: Les syndicats ont recommandé un groupe d'arbitres, et la société a fait de même. La ministre Bradshaw a choisi M. Outhouse à partir de ces deux listes.

Le sénateur Banks: Avec votre approbation?

M. Drake: Oui. Nous pensons que M. Outhouse est un homme juste.

Le sénateur Taylor: Que pensez-vous de la déclaration de l'arbitre au paragraphe 48? Il dit:

Je comprends fort bien que le fait d'accorder les avantages du régime d'encouragement à la retraite anticipée aux employés de moins de 50 ans qui ont accumulé 25 ans de service, coûterait cher.

Il dit que le coût serait de 40 millions de dollars, mais si on ne le fait pas, on traitera ces employés très différemment des anciens employés de Marine Atlantic, du CN, et de VIA Rail, dans des situations semblables. Autrement dit, l'arbitre semble dire que les mineurs n'ont été traités ni mieux ni pire que les employés d'autres sociétés qui ont dû fermer leurs portes dans cette région. Qu'en pensez-vous?

M. Drake: Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas ce qu'il dit.

Le sénateur Taylor: C'est ce qu'il dit, si je comprends bien l'anglais.

M. Drake: Je peux donner ma propre interprétation de ce que je lis et vous pouvez donner la vôtre, mais je m'occupe de cette question depuis un an et demi.

Cependant, je suis convaincu que si l'on ne fait pas au moins cela, on ne tient pas suffisamment compte des longs états de service de ces employés et de l'avenir difficile qui les attend.

Les documents que nous vous avons remis montrent sans l'ombre d'un doute qu'il y a encore 904 employés qui ont de longs états de service et qui font encore face à un avenir difficile. Cependant, la position adoptée par le gouvernement fédéral le 28 janvier 1999 ne tient pas compte de ces longs états de service. M. Outhouse a estimé que pour accorder quelque chose qui se rapproche le moindrement des offres faites aux employés de Marine Atlantic, du CN et de VIA Rail, il devait accorder des pensions à ces 246 employés.

Si vous consultez le document de Pink, Breen et Larkin, que je vous ai remis, Marine Atlantic, le CN et VIA Rail proposaient soit 10 ans de continuation de service, d'emploi ou de salaire. Quand le CN a réduit ses effectifs, on a versé aux employés jusqu'à 90 p. 100 de leur salaire et on leur a permis de continuer d'accumuler des droits à pension jusqu'à ce qu'ils puissent prendre leur retraite avec une pleine pension. VIA Rail et Marine Atlantic ont offert des programmes semblables qui permettaient de continuer d'accumuler des droits à pension et de toucher un salaire. On a offert tout cela dans les cas de ces trois autres sociétés. Nous avons fondé notre proposition sur ces trois cas, en plus de faire une comparaison avec ce que Devco a fait au cours des 31 années et demie qui ont précédé janvier 1999.

M. Outhouse est allé aussi loin que son courage le lui permettait pour faire reconnaître les longs états de service de ces employés et l'avenir difficile qui les attend.

Si vous lisez le document que je vous ai remis, il comporte plusieurs pages fondées sur trois études spécialisées que nous avons commandées en 1999. L'une de ces études est l'oeuvre de M. Peter Warrian, spécialiste en matière de propositions faites dans les cas de compressions des effectifs. La deuxième est l'oeuvre d'un économiste, Michael Gardner de Halifax. La troisième est l'oeuvre du professeur James Bickerton, spécialiste du développement économique de St. Francis Xavier University. J'ai aussi remis ces documents à la Chambre des communes. Peter Warrian affirme catégoriquement que les mineurs qui sont dans la quarantaine et ont 20 ans de service auront beaucoup de difficulté à s'adapter. L'une des offres dont il parle concerne la situation survenue à Elliot Lake. L'adaptation y a été difficile.

Le sénateur Taylor: Vous avez présenté tous ces arguments à l'arbitre, n'est-ce pas?

M. Drake: Oui, en effet.

Le sénateur Taylor: Il les a entendus et il est arrivé à cette conclusion-là?

M. Drake: Oui.

Le sénateur Boudreau: Mes questions seront un peu plus circonscrites. J'en aurai une à l'intention de M. Drake et une autre pour M. Wiseman, et j'espère que leurs réponses feront un peu la lumière sur certains témoignages que nous avons déjà entendus.

Nous avons entendu parler de la mise en valeur de la mine Donkin et également de Donkin Resources. Certains noms ont été mentionnés, tout comme d'ailleurs une éventuelle prise de participation des employés. Je le sais parce que, ces derniers mois, on s'est mis en rapport avec moi. J'ai rencontré les intéressés qui m'ont dit ce qui serait nécessaire à leur avis.

Pour résumer ce qu'ils m'ont dit, il faudrait trois choses. D'abord, un contrat d'au moins un million de tonnes de houille par an avec la Nova Scotia Power Corporation, qui est maintenant une société privée.

Deuxièmement, ils devront emprunter entre 70 et 90 millions de dollars, vraisemblablement auprès d'une institution financière.

En troisième lieu, il faudrait faire disparaître les droits du syndicat successeur.

Le comité ne peut pas faire grand chose au sujet de la Nova Scotia Power Corporation. Nous n'avons aucun contrôle sur ses contrats.

À moins que le sénateur Taylor ne soit prêt à avancer de 70 à 90 millions de dollars, le comité n'a aucune influence non plus à ce sujet.

Le troisième point par contre pourrait faire l'objet d'une recommandation du comité, en l'occurrence en ce qui concerne la modification ou l'élimination des droits du syndicat successeur. J'imagine que vous ne verriez pas cela d'un bon oeil.

M. Drake: Seriez-vous favorable à cela, sénateur?

Le sénateur Boudreau: C'est moi qui vous pose la question.

M. Drake: Je vous la pose également.

Le sénateur Boudreau: Non.

M. Drake: Merci pour cette précision. Les droits du syndicat successeur sont très importants pour les employés de Devco sans quoi, une fois la vente conclue, ce serait un saut dans l'inconnu et, comme nous l'avons déjà dit, tout cela est très hypothétique. Les droits du syndicat successeur font partie intégrante du projet de loi, et c'est ce qui permettra aux employés ayant le plus d'ancienneté, du moins on peut l'espérer, de décrocher l'un de ces 500 emplois éventuels.

Le sénateur Boudreau: Je suis entièrement d'accord avec vous.

M. Drake: C'est nous qui avions demandé que ces droits soient confirmés par le projet de loi, et le ministre Goodale nous en avait donné la garantie.

Le sénateur Boudreau: Si je ne me suis pas trompé en exposant ces trois conditions telles que je me les rappelle, pensez-vous alors que la proposition de la Donkin Resources échouera?

M. Drake: Nous avons régulièrement rencontré Steve Farrell, 12 ou 15 fois peut-être, depuis deux ans et demi. Nous lui avons dit qu'à notre avis c'était lui et la Donkin Resources qui avaient les meilleures chances de réussir et qui seraient le mieux appuyés par les syndicats de Devco dans l'éventualité où la mine Donkin serait ouverte. Nous le lui avons bien fait comprendre, et nous avons répété la chose publiquement mais, quant à la question de savoir qui serait engagé, nous croyons qu'il faudrait procéder selon les conventions collectives en faisant respecter l'obligation du successeur, comme le prévoit le Code canadien du travail.

Il y a autre chose encore au sujet des questions de sécurité. Les normes du Code canadien du travail sont beaucoup plus rigoureuses que les normes provinciales. Tout le monde en est parfaitement conscient, nous ne sommes pas prêts à accepter un recul en ce qui concerne les normes de sécurité dans les houillères du Cap-Breton. C'est beaucoup trop important.

Le sénateur Boudreau: Je ne pense pas qu'il y ait quiconque ici qui ne soit pas d'accord avec vous.

M. Drake: Il faudrait donc que les droits du syndicat successeur ainsi que le Code canadien du travail continuent à s'appliquer.

Le sénateur Boudreau: Effectivement, mais je crois savoir que cela fait partie des modalités de la proposition, n'est-ce pas?

M. Drake: En effet.

Le sénateur Boudreau: Monsieur Wiseman, vous avez parlé des prestations de pension en donnant comme exemple votre cas personnel puisque vous comptez 23 ans de service.

M. Wiseman: En effet.

Le sénateur Boudreau: Vous avez donc 23 années de service ouvrant droit à pension qui sont dévolues, qui vous resteront acquises et qui seront garanties par le gouvernement fédéral. Est-ce ainsi que vous voyez les choses?

M. Wiseman: Oui.

Le sénateur Boudreau: Si vous touchiez demain matin votre indemnité de cessation de fonctions, et si vous alliez, mettons, accepter un emploi en Alberta, vous conserveriez cet acquis. Lorsque vous arriveriez à l'âge où, en vertu du régime, vous pouvez faire valoir vos droits à la retraite, vous toucheriez une pension calculée en fonction de ces 23 années de cotisation, n'est-ce pas?

M. Wiseman: C'est cela.

Le sénateur Boudreau: Cela n'était peut-être pas trop clair. Au cas où vous travailleriez pour une nouvelle compagnie, l'éventualité d'un cumul des deux régimes de pension vous poserait-elle problème?

M. Wiseman: Non.

Le sénateur Boudreau: Expliquez-moi donc ce que vous vouliez dire.

M. Wiseman: Les choses ont peut-être changé, mais, si c'est le cas, nos membres n'en ont pas été informés. En vertu de la Loi sur la pension de la fonction publique, peu importe le nombre d'années de service, à moins que le prestataire ait cotisé pendant la période maximum de 35 ans, le membre qui perd son emploi à la fonction publique fédérale avant d'avoir atteint 50 ans, touchera une pension réduite au moment où il pourra y avoir droit, soit entre 55 ans et 65 ans. Sa pension sera réduite de 50 p. 100 parce qu'au moment où il a eu 50 ans, il n'était plus à l'emploi du gouvernement.

Cette restriction doit être éliminée, étant donné que nos membres perdent leur emploi indépendamment de leur volonté.

Certains créneaux ont par ailleurs été créés lorsque la restriction a été ramenée à l'âge de 55 ans. Ainsi, un employé ayant 52 ans avait un créneau de trois ans pendant lequel il pouvait satisfaire aux critères et éviter ainsi une réduction de sa pension.

Le sénateur Boudreau: Je ne veux pas m'étendre indûment sur la question, mais, comme vous l'avez dit, le calcul des droits à pension a donné lieu à certains problèmes. En tout état de cause, votre pension, quelle qu'elle soit au titre du régime, est garantie et vous la toucherez à votre retraite, n'est-ce pas?

M. Wiseman: Oui, et je le comprends fort bien.

M. Drake: Puis-je apporter une précision pour mémoire?

Le sénateur Boudreau: Certainement.

M. Drake: Le cas de M. Wiseman diffère de celui de la majorité des employés de Devco. En effet, ceux-ci participent exclusivement à un régime de pension non contributif. Il s'agit d'une obligation qui continue d'être honorée par le gouvernement canadien jusqu'à ce que la pension soit liquidée au moment de la cessation des fonctions de l'employé. L'employé n'a droit à aucune prestation avant l'âge de 55 ans et, s'il fait valoir ses droits à 55 ans, il perd 60 p. 100 de sa pension. N'oublions pas qu'il s'agit d'une toute petite pension de 450 $ par mois à l'âge de 65 ans. À l'âge de 55 ans, cette pension est réduite de 60 p. 100. Ce n'est donc pas du tout le même genre de régime que celui auquel cotise M. Wiseman. Les prestations sont extrêmement modestes.

Le programme d'encouragement à la retraite anticipée dont nous parlons ici se termine à l'âge de 65 ans. Il ne s'agit pas d'une pension à vie. Les prestations arrêtent à l'âge de 65 ans. À ce moment-là, c'est le régime non contributif qui prend la suite et qui offre une pension à vie de 405 $ par mois. Le programme d'encouragement à la retraite anticipée n'est pas une véritable pension, c'est simplement une indemnité pour départ volontaire.

Le sénateur Boudreau: Pour résumer donc, quels que soient les droits à pension la veille de l'adoption éventuelle du projet de loi C-11, ces droits à pension ne seraient pas modifiés du jour au lendemain?

M. Drake: En effet, c'est ce que Joe Shannon a dit hier soir.

Le sénateur Murray: Monsieur Drake, le ministre nous a dit plusieurs fois hier soir qu'avant la signature d'une offre finale, il faudrait que l'acheteur négocie avec les syndicats.

Vous qui avez l'habitude des négociations, comment qualifieriez-vous votre poids à la table de négociations? Les parties sont quasiment arrivées à un accord, mais avant qu'il y ait signature, il faut que la compagnie négocie avec vous.

Où vous situez-vous? À votre avis où se situe votre syndicat par rapport à l'acheteur et par rapport au gouvernement, lequel doit au bout du compte ratifier la vente? Pensez-vous avoir un bon pouvoir de négociation?

M. Drake: En temps normal, lorsque nous commençons à négocier, nous essayons d'avoir une position forte. Nous pouvons par exemple utiliser l'argument de la grève.

C'est donc une excellente question, une question grave. À l'heure actuelle, étant donné notre position, je ne devrais pas vous révéler quoi que ce soit. Le gouvernement fédéral ne nous a pas permis de nous rencontrer. Nous avons rencontré une seule fois les représentants d'une compagnie, Oxbow, qui est peut-être cet acheteur éventuel, et qui étaient venus en quelque sorte tâter le terrain.

Par contre, nous n'avons absolument aucun indice qui nous permette de conclure que c'est effectivement la compagnie avec laquelle Devco est en négociation, de sorte que nous n'avons pas pu discuter sérieusement avec ses représentants de la composition éventuelle des effectifs ou de la teneur éventuelle d'une convention collective après ce rachat.

Nous nous lançons donc à l'aveuglette dans des négociations avec une compagnie américaine. Notre syndicat, United Mine Workers of America, traite depuis 111 ans avec les compagnies privées du secteur houiller aux États-Unis, et l'expérience n'a pas été très agréable. Pour reprendre les termes de notre président, ce sont des «coupe-jarrets» qui ne reculent devant rien -- j'imagine que c'est la règle dans le secteur privé -- pour contourner les conventions collectives et améliorer leurs bénéfices. Dans le cas de la mine Prince, je pense qu'ils n'auront cette fois-ci pas la vie facile.

Nous entamons donc les négociations en position de faiblesse, d'abord parce que nous le faisons à l'aveuglette, ensuite parce que le gouvernement fédéral refuse de nous dire quoi que ce soit et enfin parce que nous ignorons si cette compagnie a un plan d'activités à long terme. Si ce n'est pas le cas, notre position s'en trouve encore plus affaiblie. Ce n'est pas un bon climat de négociations.

Nous pensons qu'il devrait y avoir des sauvegardes. En ce qui nous concerne, vous êtes notre dernier recours à ce sujet pour ce qui est de notre troisième recommandation concernant le filet de sécurité. Si cette sauvegarde est absente de la loi, nous nous trouverons dans une situation très grave avec la possibilité de nouveaux licenciements. Nous ne pensons pas que les 500 emplois dont a parlé le ministre soient réalistes. Nous pensons plutôt qu'il s'agirait de 250 emplois environ comme le disait Edna Budden hier soir.

Le sénateur Murray: Je ne voudrais pas abuser du temps du comité puisque j'ai dû m'absenter brièvement au début de la réunion, et je vous demanderais simplement de dire à quelle page on parle du filet de sécurité.

M. Drake: À la page 24.

Le sénateur Murray: Très bien, je vais y jeter un coup d'oeil.

J'ai cru vous entendre également parler d'autre chose, et notamment du filet de sécurité qui devrait faire partie du contrat. Quel que soit le marché qui sera conclu, vous insistez pour qu'il y ait un filet de sécurité. Je vous ai également entendu parler de l'éventualité d'apporter des modifications au projet de loi puis, il me semble vous avoir entendu dire que nous devrions voter contre le projet de loi. Il me semble que vous nous donnez ici toute une série de conseils en sens divers.

Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne les chiffres, mais que se passerait-il si le projet de loi était rejeté? Qu'adviendrait-il alors de vous?

M. Drake: Si le projet de loi n'est pas adopté, il faudra que le gouvernement fédéral conserve la Société de développement du Cap-Breton. Pour nous, ce n'est pas la situation idéale. C'est comme cela que je vois les choses.

Le sénateur Banks: Ce n'est pas le cas.

M. Drake: Que ferait donc le gouvernement? Mettrait-il la clé sous la porte? En tout état de cause, quoi qu'il arrive, que le projet de loi soit adopté ou non, ces 904 travailleurs ainsi que toute l'industrie houillère sont en difficulté. Nous ne demandons pas au Sénat de voter contre le projet de loi. Si le projet de loi est modifié de manière à ce que les article 17 et 18 demeurent...

Le sénateur Murray: J'ai eu la même discussion avec Edna Budden hier soir. Admettons qu'on rétablisse les articles 17 et 18. J'imagine que c'est quelque chose qui pourrait être négocié. Ces articles ne vous donnent pourtant aucune garantie. Ce serait un pis aller.

M. Drake: Les articles 17 et 18, et en particulier le sous-alinéa 17(4)b), ont donné depuis 33 ans 7 829 indemnités pour départs volontaires. L'arbitre qui vient tout juste d'accorder 249 indemnités de ce genre s'est en partie appuyé sur l'article 17 de la Loi sur la Société de développement du Cap-Breton. Selon nous, cette disposition est extrêmement solide. Toute notre argumentation reposait sur cet article. En arbitrage, la décision finale n'a pas été favorable au gouvernement fédéral. Nous estimons que celui-ci a des obligations en vertu des articles 17 et 18. Pour nous, ces deux dispositions ont une très large portée et sont extrêmement convaincantes puisqu'elles parlent de «toutes mesures possibles.»

Le sénateur Graham: Le sénateur Murray a posé des questions au sujet de l'article 17 et sur l'importance que M. Drake accordait à cet article. Je me souviens que, au moment où la loi avait été adoptée en 1967-1968, la Devco avait une division de l'expansion industrielle. Il faut bien se souvenir du fait que l'article 17 pourrait avoir eu là aussi des incidences.

M. Drake: La société Devco s'est débarrassée de la division du développement industriel en 1988 ou 1989, comme on l'a dit hier soir. La division du développement industriel a le mandat de diversifier l'économie du Cap-Breton, non pas de s'occuper de...

Le sénateur Graham: C'est le gouvernement qui a fait cela.

M. Drake: Oui.

Le sénateur Graham: Le gouvernement de l'époque.

M. Drake: Je ne pense pas que le fait de s'être débarrassé de la division du développement industriel a le moindrement amoindri les responsabilités du gouvernement fédéral relativement aux compressions d'effectifs et aux pensions. C'est d'ailleurs confirmé par le fait qu'après 1989, il y a eu quatre compressions d'effectifs et le gouvernement a probablement accordé entre 1 200 et 1 400 pensions entre la date à laquelle la division du DI a été retranchée et la date de l'arbitrage final, soit le 2 juin. Plus de 1 000 pensions ont été accordées. Je pense que la division de DI, même si c'était un élément important, n'avait rien à voir avec la responsabilité assumée envers les employés aux termes de l'article 17.

Le sénateur Graham: Cela ne faisait-il pas partie intégrante du libellé du projet de loi?

M. Drake: Oui, mais cela ne change rien à la loi.

Le sénateur Boudreau: Le sénateur Murray a soulevé un point intéressant au sujet des articles 17 et 18. Quelle différence cela ferait-il si le projet de loi était modifié de manière à inclure les articles 17 et 18?

En fait, n'avez-vous pas vous-mêmes indiqué dans votre réponse que les articles 17 et 18, leur signification et leur application dans ces circonstances, étaient précisément l'objet de l'arbitrage obligatoire?

Le sénateur Taylor: Exactement.

Le sénateur Boudreau: N'est-ce pas exactement là-dessus que portait l'arbitrage, c'est-à-dire l'interprétation des articles 17 et 18?

M. Drake: Il me semble que ce que je perçois dans votre intervention -- excusez-moi si je suis quelque peu sur la défensive -- c'est que vous essayez de trouver dans cette décision rendue en arbitrage un élément qui supprimerait la responsabilité du gouvernement envers les 904 employés qui restent. La décision de l'arbitre était fondée sur l'octroi de 246 programmes supplémentaires d'encouragement à la retraite anticipée. Je ne pense pas que la décision de l'arbitre ait changé le mandat du gouvernement aux termes de la loi. Je pense que la loi continue de s'appliquer en l'occurrence. Je pense que les 904 employés qui restent conservent le droit d'obtenir les mêmes avantages qu'ont reçu antérieurement 7 829 employés. Je ne pense pas que la décision de l'arbitre ait changé quoi que ce soit à cet égard. Nous affirmons que le Sénat a la responsabilité de veiller à ce que ces 904 personnes soient traitées avec considération. Je suppose qu'en épluchant cette décision de l'arbitre, je pourrais trouver bien des éléments dont je pourrais me servir pour présenter un plaidoyer différent de celui que je plaide aujourd'hui. Mais mon plaidoyer d'aujourd'hui est fondé sur l'intention originale des législateurs qui ont adopté cette loi en 1967, loi qui est empreinte de compassion et de souci d'humanité. Nous demandons que l'on fasse preuve de la même compassion et du même souci envers ces Canadiens qui ont consacré leur vie à une industrie. Essentiellement, nous disons qu'il y a 904 personnes qui seront durement éprouvées si ce projet de loi est adopté sans que l'on fasse preuve de compassion et de considération.

Le sénateur Murray: Je ne veux pas discuter avec vous de vos objectifs; je les partage. Je ne suis toutefois pas d'accord avec vous quant aux moyens de les atteindre. Inscrire les articles 17 et 18 dans le projet de loi sur la Devco n'aurait aucun avantage pour les employés. Aux termes de ce projet de loi, la Devco ne sera plus qu'une coquille vide. C'est une compagnie qui n'existe plus que sur papier et qui sera dissoute. Elle n'existera plus que pour nous éviter d'avoir à payer les pompes funèbres. Les employés font maintenant partie d'une société privée. Ils ne sont plus visés par les articles 17 et 18. Réinscrire ces articles dans le projet de loi ne semble pas du tout résoudre votre problème.

M. Drake: Je ne suis pas d'accord. Nous avons embauché M. Ray Larkin pour s'occuper de l'arbitrage. Il s'occupe du dossier depuis un an et demi. Il est l'un des plus éminents spécialistes du droit du travail au Canada. Le conseil qu'il nous a donné, c'est que si l'article 17 est retiré de la loi, le gouvernement abdiquera alors toute responsabilité envers les employés qui restent à l'emploi de la société pour ce qui est des compressions d'effectifs et des pensions. Là-dessus, je m'en remets à l'avis de M. Larkin et je vais continuer d'insister pour avoir gain de cause.

À la page 19 du document que nous avons déposé, à la case au milieu de la page, on lit ceci:

Le 21 mars 1996, le sénateur Allan J. MacEachen a déclaré:

Je dois dire que si l'on ne prend pas en compte l'équation sociale dans l'examen du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton, on néglige un élément important du problème. Quand la Société de développement du Cap-Breton a été créée par une loi, le but était de passer du secteur privé à la propriété publique parce que le secteur privé était incapable d'affronter les problèmes communautaires et sociaux qu'entraînerait la cessation subite de la production de charbon.

Nous sommes aujourd'hui dans la même situation. Les propos que je viens de citer étaient ceux d'un visionnaire. Le sénateur MacEachen a toujours soutenu les mineurs de charbon, aussi loin que je me rappelle. C'est ce qu'il a dit en 1996. S'il était ici aujourd'hui, je crois qu'il dirait la même chose.

Le sénateur Cochrane: J'ai une question supplémentaire qui fait suite à la première question du sénateur Murray.

D'après ce que le ministre a dit hier soir -- je n'ai pas la transcription de ses propos sous les yeux -- mais il a dit que le syndicat aurait son mot à dire dans la vente de Devco. D'après vos commentaires au sénateur Murray, la participation du syndicat ne semble pas vous réjouir. Dites-vous que ce processus n'est pas démocratique?

M. Drake: Je dis que jusqu'à maintenant, le processus a été tenu secret. Je pense que le Sénat n'en sait pas plus que nous, et nous suivons ce processus de près depuis le 28 janvier 1999. Nous n'avons obtenu aucune réponse aux questions sérieuses que nous avons posées sur l'avenir à long terme de l'industrie charbonnière. Nous n'avons eu aucune réponse du gouvernement fédéral quant au nombre exact d'emplois qui seraient garantis dans le secteur privé. Tout le processus de la vente est quasiment un fait accompli maintenant. Nous n'avons toujours pas eu l'occasion de rencontrer les représentants de la compagnie.

Au bout du compte, les syndicats pourront négocier avec une compagnie constituée en bonne et due forme, tous les papiers étant signés. Aucun syndicat au Canada ne souhaite amorcer des négociations dans de telles circonstances. Aucun de nos quatre syndicats n'a hâte de se retrouver dans cette situation.

Nous pensons que dans tout le processus, depuis le premier jour, l'un des intervenants les plus importants n'a pas eu son mot à dire, nommément les employés de Devco. Dans pareilles circonstances, vous ne pouvez pas nous blâmer d'être méfiants et sceptiques quant au résultat. Comme je l'ai dit en réponse au sénateur Murray, nous allons entamer ces négociations en position de faiblesse, à cause du fait qu'il y a eu un manque total de transparence et d'information.

Le sénateur Cochrane: Combien de temps avez-vous pour avoir votre mot à dire sur ce projet de loi avant qu'il ne soit adopté?

M. Drake: Nous en sommes à la deuxième lecture, après quoi il y aura la troisième lecture et puis la Sanction royale. C'est donc notre dernière chance.

La présidente: Nous en sommes à l'étape du comité.

M. Drake: Oui, l'étude en comité, en deuxième lecture. Par conséquent, c'est notre dernière chance. Je vais toutefois vous téléphoner.

Le sénateur Cochrane: Je suis sympathique à votre cause.

M. Drake: Je vous en suis reconnaissant.

Le sénateur Cochrane: Je me fais du souci pour les gens du Cap-Breton. Vous parlez de 904 personnes, et c'est donc assez grave.

Vous savez que lorsque ce projet de loi a été rédigé, peut-être que des éléments ont été omis ou oubliés, ou peut-être qu'il y a eu des lacunes sur le plan de l'information. Je pourrais peut-être faire une recommandation. Il serait peut-être possible de rédiger un nouveau projet de loi aux termes des lignes directrices du Conseil du Trésor en vue d'accorder cette dispense aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique, de manière à donner à ces employés les avantages qui leur reviennent.

M. Drake: Cela s'appliquerait seulement à un petit nombre d'employés. La plupart de ces 904 personnes ne sont pas membres du Régime de la fonction publique. Ils sont membres du régime non cotisable de la Devco.

Le Sénat pourrait toutefois faire une recommandation au gouvernement du Canada, lui demandant de mettre en place un filet de sécurité qui permettrait à ces 904 employés de reporter et de valider leurs années de service ouvrant droit à pension. C'est exactement ce que Devco a accordé aux 6 500 employés de DOSCO et je crois que cela cadrerait avec le projet de loi. En pareil cas, peut-être que les propos du sénateur Murray correspondraient davantage à la réalité.

Les articles 17 et 18 ne sont peut-être pas nécessaires à ce stade-ci. D'après nous, et d'après notre conseiller juridique, à moins que nous obtenions du Canada la garantie d'un filet de sécurité, l'inscription des articles 17 et 18 dans le projet de loi demeurent notre seul espoir de justice pour les 904 employés qui restent. C'est notre seul recours, à moins que l'on fasse quelque chose d'autre qui serait mis par écrit.

Je pourrais vous parler longtemps des cas de VIA Rail, Marine Atlantic, le CN. Les employés de toutes ces compagnies avaient un filet de sécurité avant même de commencer à négocier avec la nouvelle compagnie. Le gouvernement a dit ce qu'il allait faire et ensuite les syndicats ont pu négocier une stratégie convenable pour la sortie et l'entrée. Dans toute négociation, il y a des pierres d'achoppement, mais tout s'est passé relativement harmonieusement. Les gens avaient l'impression d'avoir leur mot à dire sur leur avenir, ils n'étaient pas simplement mis à l'écart pendant que l'on s'affairait à signer tous les documents, pour être ensuite invités d'un geste désinvolte par quelqu'un qui leur aurait dit: «Vous pouvez venir maintenant, nous allons négocier avec vous.» Les choses ne se sont pas passées comme ça chez Devco pendant plus de 30 ans. Pourquoi faut-il que le dernier chapitre de l'histoire de Devco soit d'une telle mesquinerie? Je ne comprends pas. J'ai travaillé pour cette compagnie pendant toute ma vie et je n'ai jamais rien vu de pareil. Mon père a travaillé pour cette compagnie et il n'a jamais rien vu de pareil non plus.

Le sénateur Banks: Je comprends tout à fait vos préoccupations, que nous partageons tous, au sujet du bien-être de ces gens-là. Je pense que Mme Budden mérite une médaille pour sa ténacité.

Vous avez demandé il y a un instant de vous pardonner d'être sur la défensive, je vais maintenant vous demander de me pardonner mon antagonisme. Je viens d'une région industrielle du pays qui, en raison des aléas chronologiques, géographiques et historiques, est actuellement peu sympathique à votre cause.

Vous avez dit tout à l'heure que les employés de la Devco sont aujourd'hui dans la même situation qu'ils l'étaient en 1996, quand le sénateur MacEachen a évoqué les aspects sociaux et leurs conséquences. Je vous invite à remonter encore plus loin et à commenter la citation de M. Pearson, qui date de 1968 et que vous avez lue tout à l'heure. Vous pourriez dire que vous êtes aujourd'hui dans la même situation que vous l'étiez alors, pour ce qui est d'un sentiment de certitude dans une industrie qui existe depuis des siècles au Cap-Breton.

Les gens du secteur industriel d'où je viens, de la communauté à laquelle j'appartiens toujours, feraient observer qu'il semble y avoir eu un préavis d'au moins 30 ans dans cette affaire, c'est-à-dire que chacun savait pertinemment que, pour le meilleur ou pour le pire, et aussi triste que cela puisse être, cette industrie ne sera pas dans la même situation ni exploitée de la même manière par les mêmes gens avec la même certitude à l'avenir. La communauté dont je me considère membre est peu sympathique à votre cause, parce que les gens disent: «Oui, eh bien, faites quelque chose pour vous sortir du pétrin, comme nous l'avons fait et comme nous le faisons toujours.»

Je dis tout cela en guise d'explication, avant de poser ma question, pour vous faire comprendre ma position.

À vos yeux, justice est synonyme de garantie. À mon avis, la justice ce n'est pas une garantie. Dans mon milieu, il n'y a pas de garantie.

Quelqu'un a demandé tout à l'heure qui surveille le surveillant. L'un des surveillants que nous surveillons, c'est le type qui fait les chèques. Il n'arrête pas de faire des chèques depuis longtemps.

Ai-je bien compris qu'un nombre considérable des gens dont on parle ont depuis 1982 l'option de se joindre au régime de pension cotisable, qui est meilleur que le régime non cotisable, mais qu'ils ont choisi de ne pas le faire?

M. Drake: Nous comprenons que beaucoup de Canadiens ne sont pas très favorables à l'industrie canadienne du charbon. C'est à cause de ce qu'a fait Devco et de la façon dont le mandat a été déformé par bien des gens. Nous ne demandons pas de sympathie, nous cherchons la justice. Chez nous, la justice est chose acquise. Nous avons reçu des garanties de justice tant de par la loi que de par les pratiques suivies depuis 33 ans par la Société de développement du Cap-Breton lors de la compression des effectifs, c'est-à-dire l'assurance de la retraite anticipée et des conditions spéciales. Ces garanties sont là, elles sont gravées dans la pierre.

Le mandat de la Société de développement du Cap-Breton était unique. Je ne pense pas qu'il se trouve une autre région du Canada ni une autre société de la Couronne ou société privée ayant été régie par le même genre de législation sociale d'inspiration humanitaire que celle adoptée par le gouvernement de Lester B. Pearson en 1967. Cette loi n'existe pour personne d'autre que les mineurs de charbon.

Pour ce qui est du régime de retraite contributif, j'ai expliqué ce matin qu'en 1982 la Société a décidé d'établir un régime de retraite contributif obligatoire pour tout le monde. La convention collective et le contrat précisaient que tout employé engagé après 1982 devait cotiser à ce régime qui restait facultatif pour tous les autres.

Auparavant, les employés de la Société connaissaient la loi adoptée concernant les formules de retraite. Ils relevaient donc des dispositions de cette loi qui reflétaient la politique gouvernementale.

Le sénateur Banks: Si je comprends bien, la réponse c'est qu'au moins certaines de ces personnes avaient la possibilité à un moment ou à un autre d'adhérer au régime contributif mais ne l'ont pas fait, n'est-ce pas?

M. Drake: Tout le monde peut se prévaloir de cette option. Ils ont encore la possibilité d'adhérer au régime de pension contributif de la Société.

Le sénateur Banks: Ont-ils décidé de ne pas le faire?

M. Drake: C'est la décision qu'ils ont prise pour différentes raisons.

M. Carroll: De nombreux employés de la Société auraient adhéré à la LPFP s'ils en avaient eu la possibilité. À l'heure actuelle, aucun des employés syndiqués n'a le droit d'y adhérer, comme je l'ai déjà expliqué aujourd'hui. Si cette option nous avait été offerte, nous l'aurions acceptée. Steve et moi-même avons essayé d'obtenir cette possibilité pour les membres de notre syndicat et nous avons échoué.

Ce régime est préférable puisqu'il nous donne la possibilité de racheter nos cotisations. En 1995, nous n'avions pas la possibilité de faire un rachat au taux de 5 p. 100. À l'heure actuelle, le régime prévoit un rachat en fonction de l'âge. Ils veulent nos 5 p. 100 et nous devons aussi racheter les 5 p. 100 de la Société en plus de payer une pénalité selon le nombre d'années. Si l'employé a 48 ou 49 ans, il devrait peut-être verser 20 p. 100. C'est tout à fait détraqué et les gens n'en ont pas les moyens.

La Loi sur la pension de la fonction publique est tout à fait différente. Le rachat se fait en fonction de sa rémunération actuelle. L'un des membres du SCFP l'a fait mais il a dû se désaffilier avant d'y avoir droit. Pour lui cela représente une différence nette de 600 $ par mois. Lorsqu'il aura terminé le rachat, il va toucher 1 500 $ par mois. Ce régime pourrait très bien nous convenir.

Le fait que je sois exclu à titre de syndiqué est tout à fait injuste. Ils vont devoir me l'expliquer. Si le régime était offert aujourd'hui, beaucoup de nos gens sauteraient sur l'occasion.

Le sénateur Banks: Corrigez-moi si je me trompe mais je crois savoir que la plupart des 904 personnes dont vous parlez auraient déjà eu ou ont maintenant la possibilité d'adhérer au régime contributif de Devco.

M. Carroll: Oui.

M. Drake: Oui, c'est exact. Mais permettez-moi de vous donner une précision. On ne peut pas simplement faire la distinction entre ceux qui cotisent les 5 p. 100 et les autres. Excusez-moi si je parais hostile mais on ne peut pas simplifier en disant que ceux qui cotisent au régime ont raison et que les autres qui n'y adhèrent pas ont tort.

Jusqu'en 1982, le gouvernement avait pour politique d'offrir des pensions en vertu de la loi régissant Devco à tous les employés de la Société. Certaines personnes engagées en 1981 et qui ne cotisaient pas au régime contributif touchaient des pensions. Les personnes engagées après 1982 étaient obligées de cotiser au régime contributif conformément à la loi. Lorsque ces personnes ont pris leur retraite, elles ont eu droit à l'ensemble d'incitatifs à la retraite anticipée en plus de leur pension prévue par le régime cotisable. Ces personnes ont quand même profité du régime non cotisable et la politique du gouvernement concernant la retraite anticipée.

Les formules de retraite de Devco sont complexes. Ce n'est pas aussi simple que de dire que ceux qui cotisent au régime ont raison, et que ceux qui ne le font pas ont tort. C'est beaucoup plus complexe. Je sais que ceux qui ont décidé de ne pas y adhérer ont pris leurs propres décisions mais ces décisions étaient fondées sur de nombreux précédents en matière de politique gouvernementale.

La présidente: Je vous remercie. Nous avons eu un exposé complet et je vous remercie d'être venus.

La séance continue à huis clos.


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