Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et 
des ressources naturelles

Fascicule 23 - Témoignages du 4 octobre 2000


OTTAWA, le mercredi 4 octobre 2000

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-27, Loi concernant les parcs nationaux du Canada, se réunit ce jour à 17 h 10 afin d'étudier le projet de loi.

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous entendons aujourd'hui les commissaires Pamela Wright et Stephanie Cairns de la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada. Vous pouvez faire votre exposé, après quoi nous aurons certainement des questions.

Mme Pamela A. Wright, vice-présidente, Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada: Madame la présidente, Mme Cairns et moi-même allons vous faire un résumé de notre mémoire aujourd'hui en soulignant les points importants. Nous vous remercions de cette occasion de vous parler d'un aspect essentiel de la mise en oeuvre du rapport de la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada, notamment, les modifications proposées à la Loi sur les parcs nationaux. Le projet de loi C-27 vise à assurer que nos parcs nationaux sont gérés «de façon à rester intacts pour la jouissance des générations futures.» C'est l'objectif précisé par le Parlement en 1930. Ces modifications découlent des travaux du groupe d'étude de la vallée de la Bow, commencés il y a six ans, ainsi que des efforts soutenus déployés par la Commission sur l'intégrité écologique conclus en mars.

La Commission sur l'intégrité écologique constate que nous nous trouvons à un carrefour pour ce qui est de l'avenir écologique de tout notre réseau de parcs nationaux. Nous nous sommes déclarés en faveur des conclusions du Rapport sur l'état des parcs publié en 1997 qui a signalé d'importants dangers pour presque tous les parcs nationaux du Canada. Sur les 38 parcs recensés à l'époque, tous sauf un faisaient état de pressions et d'une perte importante d'intégrité écologique.

La Commission sur l'intégrité écologique concluait que «chacun de nous a un rôle à jouer pour que nos parcs nationaux continuent à garder leurs places importantes dans notre paysage et dans nos coeurs.» Nous vous demandons, à vous le Sénat du Canada, de jouer un rôle véritable dans cet effort national en adoptant le projet de loi C-27.

À elle seule l'adoption du projet de loi C-27 ne permettra pas de protéger le réseau des parcs. Il nous faut aussi une réorientation de nombreuses pratiques de gestion des parcs, de nouvelles compétences scientifiques et connaissances permettant une meilleure gestion des parcs, de nouveaux partenariats avec les riverains dans les écosystèmes des parcs, et un budget suffisant pour mettre en oeuvre ces nouvelles orientations. Toutefois, nous estimons que le projet de loi C-27 expose la mission avec suffisamment de clarté dans un cadre général qui permet à ces réformes d'être couronnées de succès.

Parlons maintenant de façon plus détaillée du mandat de la Commission sur l'intégrité écologique, de certaines recommandations clés et de la façon dont le projet de loi C-27 y donne suite, ainsi que des ressources financières qui sont nécessaires pour la mise en oeuvre de notre rapport.

La ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps, a nommé la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada en novembre 1998. Elle était composée de 11 spécialistes en sciences sociales et des sciences humaines et experts en matière de politique. Nous avions pour mandat d'évaluer directement les problèmes des parcs nationaux et d'offrir des conseils au ministre du Patrimoine canadien sur les mesures nécessaires. Une commission distincte a étudié la question du logement commercial périphérique et le ski dans les parcs de montagne. Le groupe d'étude de la vallée de la Bow avait déjà en 1986 formulé des recommandations portant sur le corridor de la vallée de la Bow. Nous avions pour tâche d'examiner les problèmes essentiels des 39 parcs terrestres. Nous devions examiner les raisons fondamentales des pressions écologiques de plus en plus intenses constatées dans les rapports semestriels sur l'état des parcs.

Le rapport de la Commission publié en mars 2000 concluait presque tous nos parcs nationaux sont menacés. Si nous continuons dans cette voie, nous risquons de perdre à tout jamais ce qui constitue la spécificité de nos parcs nationaux -- la protection de la biodiversité et des processus écologique et biologique; leur rôle en tant que centres de recherche et d'éducation; la valeur économique qu'ils apportent à certaines localités; et les avantages qu'ils procurent sur les plans spirituel, culturel, historique, esthétique et récréatif qui nous sont chers.

Les recommandations de la Commission sur l'intégrité écologique se répartissent dans huit grandes catégories. D'abord, la protection de l'intégrité écologique doit être la priorité principale de tous les aspects de la gestion des parcs nationaux, le principe dont s'inspirent toutes les actions et décisions. Dans notre première recommandation, nous proposons que cette priorité soit énoncée clairement et sans ambiguïté dans les modifications à la Loi sur les parcs nationaux. Nous sommes tout à fait en faveur des modifications proposées à cet effet, y compris la définition de l'intégrité écologique au paragraphe 8(2) qui précise que «le ministre s'efforce avant tout de préserver l'intégrité écologique, et à cette fin, de protéger les ressources naturelles en tout ce qui concerne tous les aspects de la gestion des parcs». Grâce à cette modification primordiale, l'article relatif à l'intégrité écologique ne figure plus à l'article 11, celui qui porte sur le plan directeur, et devient la première priorité et responsabilité du ministre en ce qui concerne tous les aspects de la gestion des parcs. Le paragraphe 11(1) exige une vision écologique à long terme pour le parc, un ensemble d'objectifs et d'indicateurs de l'intégrité écologique et des dispositions concernant la restauration. Il précise les questions qui doivent être traitées dans les plans directeurs établis pour les parcs.

Deuxièmement, afin d'avoir les connaissances nécessaires pour gérer afin d'assurer l'intégrité écologique, Parcs Canada aura besoin d'augmenter sa capacité dans le domaine des sciences naturelles et sociales. La majeure partie de la hausse globale recommandée, au montant de 328 millions de dollars, doit servir à augmenter de façon importante cette capacité interne de recherche dans les sciences naturelles et sociales et aussi pour financer des programmes connexes comme un programme de surveillance destiné à faire le bilan des pressions auxquelles chaque parc individuel est exposé.

Le troisième domaine important de nos recommandations porte sur le maintien et, au besoin, la restauration des éléments et des processus écologiques. Les paragraphes 8(1) et 11(1) du projet de loi C-27 introduisent le concept fondamental de la restauration dans la Loi sur les parcs nationaux pour la première fois. Étant donné l'importance des activités humaines qui affectent nos parcs nationaux, il n'est peut-être pas suffisant de maintenir les écosystèmes dans leur état actuel. Il nous faut envisager la possibilité de réintroduire des espèces indigènes aussi bien que certains processus. La Commission a recommandé 37 millions de dollars en tout pour financer la restauration du milieu, notamment en cas de dégâts provoqués par des incendies.

Mme Stephanie Cairns, commissaire, Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada: Notre quatrième recommandation majeure concerne la nécessité de rétablir un rôle pour les peuples autochtones dans les parcs nationaux du Canada. C'est une question compliquée. À notre avis, Parcs Canada devrait amorcer ce processus en prenant une initiative destinée à permettre la réconciliation avec les peuples autochtones afin de créer un rapport fondé sur la compréhension, la confiance et le respect.

Cinquièmement, nous recommandons la création de partenariats stratégiques avec les riverains du parc afin de protéger les écosystèmes en dehors du parc. De nombreuses pressions auxquelles les parcs sont exposés proviennent de l'extérieur du parc. La Commission a recommandé que 85 millions de dollars soient consacrés à ce fonds de partenariats pour permettre à Parcs Canada de mieux travailler avec les riverains à des initiatives affectant l'écosystème commun.

Nous avons également conclu que l'utilisation du parc par les visiteurs doit reposer sur le principe d'une expérience responsable. Autrement dit, profitez du parc sans faire de dégâts. Les parcs nationaux ont été créés à l'origine à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances et nous estimons que ces parcs doivent continuer à rester des endroits que les gens visitent pour se renouveler. Toutefois, le défi auquel nous faisons face aujourd'hui, attribuable à l'accroissement du nombre d'utilisateurs des parcs et les différentes activités de loisirs, consiste à savoir comment remplir cette mission tout en gardant les parcs intacts pour la jouissance des générations futures.

Le projet de loi C-27 répond à ce défi de plusieurs façons précises, grâce notamment au pouvoir d'établir un plafond pour le développement des différentes collectivités établies dans les parcs conformément aux paragraphes 33(2) et 33(3). Ces pouvoirs découlent des résultats du groupe d'étude de la vallée Bow et de la Commission d'examen sur le logement commercial périphérique. De plus, le paragraphe 14(4) impose une nouvelle limite d'un an concernant la capacité du gouverneur en conseil de constituer une zone d'un parc en réserve intégrale. Cette limite avait été recommandée par la Commission sur l'intégrité écologique car jusqu'ici l'autorité de désigner une réserve intégrale en vertu du paragraphe 14(1) n'a jamais été exercée.

Nous recommandons aussi que Parcs Canada améliore ses communications à l'intention de tous les Canadiens pour leur enseigner ce que les parcs nationaux ont de précieux et comment les Canadiens partout au pays peuvent aider à protéger ces endroits spéciaux.

Enfin, nous avons expliqué comment financer toutes ces recommandations. Nous avons recommandé que le Parlement approuve d'importants nouveaux crédits, soit un total de 328 millions de dollars sur cinq ans, pour mettre en oeuvre nos recommandations, mais j'aimerais apporter des précisions à ce propos. Nous sommes unanimes à dire que l'argent, à lui seul, ne suffira pas. Tout d'abord, il nous faut un cadre de gestion plus coopératif pour transmettre le message des plus limpides que l'intégrité écologique est la priorité numéro un en matière de gestion des parcs. L'adoption du projet de loi C-27 constituera un élément clé de ce cadre.

Nous proposons huit autres mesures qui devraient être mises en vigueur avant l'affectation de toutes ressources additionnelles. Nous comprenons que l'Agence Parcs Canada a réalisé des progrès considérables pour répondre à ces exigences en matière de financement et le ministre a demandé aux PDG de l'Agence Parcs Canada de faire rapport de ces progrès plus tard cet automne. Encore une fois, le groupe croit que sans ces modifications initiales au texte de loi, à la structure de l'organisme, à la planification et en matière de reddition de comptes, tous nouveaux fonds accordés à l'Agence pour la protection de l'intégrité écologique courent le risque réel d'être réorientés vers d'autres programmes.

Nous notons que vous vous intéressez à la question de la création de nouveaux parcs. L'article 5 du projet de loi C-27 accélérera le processus et le rendra plus efficient, nous croyons qu'il s'agit d'une modification très utile. D'après vos entretiens avec des témoins précédents, nous constatons que vous vous intéressez aussi aux conséquences financières que pourrait avoir la création de nouveaux parcs. À l'heure actuelle, le financement des opérations de nouveaux parcs provient du budget actuel de l'Agence. En d'autres termes, chaque nouveau parc soutire de l'argent à l'exploitation des parcs actuels. Cela crée une situation où la création de nouveaux parcs risque de nuire à la possibilité qu'ont les parcs actuels de protéger leur intégrité écologique. La Commission recommande précisément que le financement pour la création de nouveaux parcs soit accompagné d'une augmentation de l'affectation de base pour les parcs futurs, pas seulement pour les frais d'établissement, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

En conclusion, nous vous encourageons fortement à adopter le projet de loi C-27. C'est le fleuron d'un ensemble de réformes qui doivent assurer l'intégrité écologique à long terme de nos parcs nationaux. Cela prouve aussi que le Parlement entérine cette nouvelle orientation de nos parcs. Tout retard à adopter le projet de loi compromettrait sérieusement la protection à long terme de nos parcs nationaux.

Le sénateur Taylor: Merci beaucoup pour cet excellent rapport, bref mais percutant. J'aimerais savoir ce que vous pensez du retour à l'état sauvage des parcs, surtout en Alberta. On nous a toujours enseigné que même si Dieu avait placé les parcs là où ils sont et choisi le gouvernement fédéral pour les exploiter, les Albertains pouvaient s'y divertir à loisir. Donc, de notre point de vue, la question de retour à l'état sauvage de diverses zones se pose. Dans la plupart des cas, c'est plutôt mineur et facile à faire, mais je crois que nous nous trouvons dans un piège face au ski. Avez-vous des recommandations à ce propos? Il me semble que vous avez «patiné» un peu autour de ce sujet. Recommandez-vous que l'on utilise des fonds pour racheter toutes ces installations de ski?

Mme Wright: Excellente question. Pour ce qui est précisément des zones de ski, en même temps que notre Commission poursuivait ses travaux, une deuxième étudiait la question des installations commerciales en périphérie et son mandat était de faire des recommandations précises à propos des zones de ski, et c'est pour cela que notre Commission n'a fait aucune recommandation précise à ce propos.

Cela dit, nous sommes d'avis en ce qui concerne les zones de ski, qu'il s'agit là de précédents historiques clairement établis dans les parcs. Les zones de ski qui existent dans nos parcs nationaux existent depuis longtemps déjà. Si c'était à refaire, on ne permettrait pas la création de zones de ski dans nos parcs nationaux à cause de leurs répercussions. Cependant, la Commission estime qu'on ne pourrait pas justifier la fermeture de ces installations de ski à l'heure actuelle pour des raisons économiques ou historiques, et nous avons donc formulé certaines propositions capitales nonobstant les recommandations très précises de la Commission sur les ICP à propos des zones de ski. Une de ces propositions porte que les stations de ski actuelles soient traitées comme activités non conformes et gérées comme telles. Cela a certaines conséquences.

Même si nous ne recommandons pas la fermeture de ces installations, nous recommandons de mettre fin à toute nouvelle expansion de ces zones. Nous recommandons aussi que les propriétaires de ces installations travaillent de concert avec Parcs Canada pour essayer de diminuer les activités qui pourraient nuire à l'intégrité écologique du parc ou qu'ils essayent d'en diminuer les effets ou de remettre en état certains des endroits auxquels peuvent nuire les zones de ski. Cependant, il faudrait voir les recommandations de la Commission sur les ICP pour avoir des recommandations plus précises à propos des zones de ski.

Le sénateur Taylor: Si vous essayez de mettre un terme à l'expansion du ski ou que vous essayez même d'en diminuer les aires, peut-être cela pourrait-il transformer en non rentable une industrie rentable. Est-ce que quelqu'un a pensé qu'il serait peut-être plus honnête de proposer que le gouvernement exproprie ces installations pour un montant juste et raisonnable afin de pouvoir s'en débarrasser? Votre recommandation actuelle impose à ces installations de ski des difficultés financières. À qui pourrait-on vendre ces entreprises? Ces exploitants se retrouvent en mauvaise posture. Que l'État exproprie les installations pour un montant juste, en ayant peut-être même recours à l'arbitrage, et que le gouvernement gère ensuite ces installations pour les fermer à plus ou moins long terme, à son gré. Avez-vous pensé à cette solution?

Mme Wright: Notre mandat était d'étudier le réseau des parcs, c'est-à-dire tous les parcs, et nous ne nous sommes donc pas arrêtés à étudier cette situation précise. C'est une idée intéressante que d'autres pourraient peut-être étudier, mais nous ne nous sommes pas intéressés à la stabilité financière ou à l'exploitation de ces zones de ski. Les membres de la Commission sur les ICP pourraient peut-être vous donner plus de détails là-dessus. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de vous aider.

La présidente: Cela m'amène à une question supplémentaire à deux volets. Tout d'abord, il me semble que beaucoup de nouvelles installations de ski apparaissent en Colombie-Britannique. J'ai entendu parler de quelques-unes. Avez-vous étudié l'offre par rapport à la demande? Banff offre un site qui n'est pas tout à fait aussi commercial, ce que les gens apprécient beaucoup. À votre connaissance, y a-t-il d'autres installations de ski offrant la même chose?

Avez-vous étudié toute cette question? Peut-être faudrait-il poser ces questions à d'autres que vous. C'est quelque chose de très particulier, parce que si l'on confisquait ou si l'on expropriait les installations de ski, beaucoup de Canadiens et bien des touristes ne pourraient pas profité de l'expérience. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui pourrait répondre à cette demande?

Mme Cairns: Vous avez raison de dire que ce n'est pas à nous qu'il faut poser la question. Nous ne l'avons pas étudiée.

En passant, on s'est beaucoup penché sur les problèmes de nos parcs installés en région montagneuse. Nous avons essayé d'étudier tous les parcs du réseau. Il y a 35 autres parcs qui subissent des pressions semblables. Nous ne voulons pas proposer une politique fondée sur les cas les plus difficiles; nous voulions plutôt faire une étude globale des questions qui se posent pour tout le réseau des parcs. Nous n'avons pas fait d'études précises sur les parcs en région montagneuse, mais nous savons que cette question a fait l'objet de beaucoup d'études dernièrement. Notre mandat était d'étudier tous les autres parcs qui ont été laissés pour compte pendant cette période.

La présidente: Nous garderons cette question en réserve pour un moment plus opportun.

Le sénateur Christensen: Votre étude a-t-elle porté sur la façon dont d'autres pays, et plus précisément les États-Unis où les conditions sont semblables aux nôtres, ont abordé cette question? Qu'en est-il de leur façon d'aborder l'intégrité écologique à l'extérieur des parcs? Pouvons-nous tirer des leçons de leur expérience?

Mme Wright: Excellente question. Quand la Commission a amorcé son étude, nous avons cru qu'il serait très important d'obtenir l'avis d'autres pays. Faisaient partie de notre groupe, deux membres ex officio. L'un était responsable de la science et du rôle de l'intégrité écologique au bureau de Washington de la US National Park Service. L'autre, un Canadien qui avait aussi travaillé pour Parcs Canada pendant bien des années, était un membre à la retraite de l'UICN, l'Union mondiale pour la nature.

Nous nous sommes efforcés d'étudier d'autres réseaux de parc. Quelques points importants ressortent de cette étude. Le Canada est un chef de file dans le domaine de l'écologie et de l'élaboration des politiques touchant la création de parcs. Le Canada innove aussi à l'heure actuelle en légiférant pour protéger les parcs. D'autres pays ont cependant mis en oeuvre des initiatives assez innovatrices pour protéger l'intégrité des parcs dont nous pouvons nous inspirer.

Le réseau des parcs américain, pour sa part, ne comporte pas d'aussi bons outils que le nôtre tant dans le domaine de l'élaboration des politiques que dans le domaine législatif pour assurer l'intégrité écologique, mais il repose sur des valeurs analogues. Des mesures interventionnistes assez importantes ont été prises pour favoriser la restauration ou la remise à l'état sauvage de certains parcs ayant subi des dommages importants. Comme nous, les États-Unis ont permis le développement dans leurs parcs de certaines villes et installations historiques, décision qu'ils regretteront peut-être d'avoir pris avec le recul. Des ressources importantes ont été investies dans le parc Yosemite pour éliminer une route importante qui causait des dommages irréparables au parc. On est aussi intervenu activement dans ce parc pour enlever des espèces exotiques de plantes et d'animaux qui envahissaient les parcs nationaux et perturbaient leur équilibre naturel. Nous avons essayé de nous inspirer de ces excellents exemples américains. M. John Dennis du U.S. National Park Service a participé à titre de membre à part entière aux travaux de la Commission qui s'est reportée à ces exemples au moment de l'élaboration des recommandations.

Le sénateur Christensen: Les programmes de remise à l'état sauvage ont-ils donné de bons résultats? Je songe en particulier à la réintroduction dans les parcs des loups et des lynx. Je sais que toutes les tentatives en ce sens n'ont pas été couronnées de succès.

Mme Wright: Vous avez raison. Certaines des initiatives de ce genre les plus connues n'ont pas donné de très bons résultats du point de vue des relations publiques, ce qui peut être sans doute attribué à la prédilection qu'ont les Américains pour les litiges. La décision finale au sujet du parc Yellowstone vient cependant d'être rendue et elle prévoit que les loups pourront demeurer dans le parc. La population de loups dans le parc a réussi à augmenter sans égard aux politiques et aux décisions législatives. Il est plus difficile de réintroduire les lynx, mais on y est parvenu à certains endroits. Le défi consiste cependant à faire comprendre au public pourquoi ces initiatives sont bonnes.

Le sénateur Adams: Ma question s'adresse à Mme Cairns. Vous avez mentionné la participation des Autochtones à l'étude des dossiers touchant les parcs canadiens. Songez-vous seulement aux parcs ou pensez-vous que les Autochtones devraient être consultés sur d'autres questions écologiques? On ne songe habituellement à consulter les Autochtones que si les parcs comportent des lieux de sépulture autochtone ou s'il y a exploitation des ressources forestières.

Mme Cairns: Lorsque nous nous sommes déplacés dans le pays, nous avons observé un contraste marqué entre les relations établies avec les Autochtones du sud du Canada au sujet des parcs plus anciens et les relations établies avec les Autochtones qui vivent dans le Nord canadien qui repose sur une approche plus moderne.

En bout de ligne, ce sont les tribunaux qui décideront dans le cas de bien des droits autochtones, et Parcs Canada devra se conformer à leur décision. Nous devons anticiper ces décisions et établir de meilleures relations fondées sur la confiance et la compréhension avec les Premières nations, en particulier les Premières nations du Sud. De nombreux parcs du Sud n'ont été créés que parce qu'on a expulsé de la région des communautés autochtones entières.

La Commission estime que des activités traditionnelles de collecte devraient être permises à l'intérieur des parcs, mais que ces activités doivent se dérouler dans le respect du principe de l'intégrité écologique sur lequel repose toute la gestion des parcs. Les discussions à cet égard avec les Autochtones sont susceptibles d'être difficiles et elles doivent être précédées d'initiatives en vue d'établir un rapprochement avec les communautés locales.

Nous avons rencontré des représentants de nombreuses Premières nations lorsque nous nous sommes déplacés dans le pays. L'un des membres de la Commission est également membre du conseil local d'Akwesasne. La façon traditionnelle d'aborder ces questions a évolué. La Commission compte faire participer davantage les Premières nations à la gestion des parcs.

Le sénateur Adams: Parcs Canada ne prévoyait pas au départ d'accorder un rôle très actif à cet égard aux Autochtones. Le projet de loi C-27 changera peut-être tout cela. Certains Autochtones doivent pouvoir chasser dans les parcs et en tirer leur subsistance. Le projet de loi C-27 exigera peut-être l'adoption d'un règlement qui les autorise à le faire. Va-t-on adopter une nouvelle politique ou de nouveaux règlements qui empêcheront les gens d'exploiter la terre à des fins de subsistance? Voilà ce qui me préoccupe. Permettra-t-on aux Autochtones d'utiliser librement les parcs?

Mme Wright: Sénateur Adams, nous sommes d'avis que le projet de loi C-27 permet beaucoup mieux que la loi actuelle de préserver les modes de vie traditionnels. Nous estimons qu'il permet mieux d'aider les gens à tirer leur subsistance de la terre. Cela étant dit, la Commission a aussi recommandé à Parcs Canada divers moyens opérationnels ainsi que diverses politiques qui permettraient de préserver ces modes de vie et l'organisme les met en oeuvre au cas par cas. Nous avons recommandé que la mise en oeuvre de ces mesures soit généralisée.

Le sénateur Adams: Je ne m'oppose pas à la réglementation de la chasse à l'intérieur des parcs puisque les territoires de chasse sont beaucoup plus étendus que les parcs.

Le sénateur Banks: Je vous remercie de votre exposé. Vous avez dit il y a quelques instants qu'il faudra attendre avant de connaître la politique que la Commission sur les ICP rende son rapport. Je pensais que le langage utilisé par le passé dans le rapport du comité laissait à désirer. Pourriez-vous nous expliquer brièvement quel est le rôle, à votre avis, du comité du ministre dans l'élaboration de la politique? Quel est le mandat du comité?

Mme Cairns: En fait, la Commission n'existe plus officiellement. Nous l'avons dissoute en mars au moment de la publication du rapport. On nous a confié une tâche qu'il aurait été difficile à des gens de l'intérieur d'accomplir. On nous a demandé de nous servir de notre longue expérience pour conseiller la ministre sur diverses questions.

Bien que nous ne nous n'y attendions pas, la ministre a appuyé sans réserve notre rapport au moment de sa publication en mars. Elle a clairement fait savoir qu'elle souhaitait que le rapport de la Commission soit mis en oeuvre intégralement. Si je ne m'abuse, Parcs Canada examine maintenant comment traduire les recommandations d'un groupe de l'extérieur dans ses politiques, ses cadres d'intervention et ses opérations quotidiennes. Voilà l'étape à laquelle nous en sommes.

Le sénateur Banks: Je voulais simplement m'assurer que l'élaboration des politiques relevait toujours du gouvernement.

Pour ce qui est de la remise à l'état sauvage des parcs, j'en déduis que vous ne comptez pas détruire les hôtels et les centres de ski qui existent dans certains parcs. Quelles mesures pourraient cependant être prises à l'égard des organisateurs de randonnées qui causent des dommages à l'environnement? Recommanderiez-vous la remise en état d'un parc où ce genre d'entreprise existe depuis longtemps?

Mme Wright: Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je prendrai en exemple le cas des entreprises de descente de rivière puisque je connais des entreprises de ce genre qui offrent leurs services dans le parc national Kluane au Yukon. Dans ce parc, on a estimé que les activités de ces entreprises compromettaient l'habitat des ours grizzli en nuisant à leur circulation et à leur accès à la nourriture et posaient également des risques pour la sécurité humaine. Il devient de plus en plus clair que les ours et les humains se trouvaient au mauvais endroit en même temps. Parcs Canada a mené des études pour établir les besoins des ours en ce qui touche les corridors de circulation, l'habitat et la nourriture. L'organisme a également mené une autre étude pour établir les mesures à prendre pour assurer la sécurité des gens et pour connaître leurs attentes.

À l'issue de ces études, on a recommandé que les gens établissent leur campement ailleurs sur la rivière Alsek et on a limité le nombre de nuits qu'ils pouvaient passer à chaque endroit. Dans ce cas-là, il n'a pas été nécessaire de réduire le nombre de visiteurs admis dans le parc ni de changer le moment où ils pouvaient descendre la rivière. On a plutôt changé la façon dont les excursions se déroulent, la taille des groupes et la fréquence des excursions afin de préserver l'habitat de l'ours grizzli tout en continuant de permettre les excursions dans le parc. La solution a donné d'excellents résultats. L'expérience des visiteurs a changé, mais Parcs Canada a pu recommander des changements positifs en s'efforçant de comprendre les besoins des ours grizzli ainsi que les besoins des visiteurs.

Nous devons par ailleurs poursuivre nos recherches et nos efforts portant sur la remise en état des parcs. Parcs Canada n'a pas les ressources scientifiques voulues pour mener ce genre d'étude ou pour mettre en oeuvre certaines initiatives de remise en état. À certains endroits, la restauration des parcs peut influer sur les activités de certaines entreprises, dans la mesure où celles-ci peuvent nuire à l'habitat des ours grizzli, par exemple. L'objectif visé est de préserver l'habitat en amenant l'entreprise à modifier certaines de ses activités.

Le sénateur Banks: Vous avez mentionné le fait que vous pourriez recommander la remise en état dans le cas où des espèces végétales et animales exotiques compromettraient l'équilibre naturel d'un parc. Ne s'agit-il cependant pas d'un processus naturel? Si nous intervenons, n'allons-nous tout simplement pas à l'encontre de l'objectif que nous nous sommes fixés?

Mme Wright: Vous posez une excellente question. Nous nous sommes reportés à l'expérience des parcs américains pour y retrouver réponse. Les États-Unis ont établi un protocole assez clair permettant de faire une distinction entre les espèces qui se propagent naturellement avec le temps et en fonction du climat et les espèces qui sont introduites artificiellement dans un habitat.

On peut donner en exemple le cas des ratons laveurs dans la réserve du parc national Gwaii Haanas. Ce parc ne compte pas de carnivores terrestres. Comme cela s'est produit en Nouvelle-Zélande, un certain nombre d'espèces intéressantes de la région ont disparu avec l'arrivée des ratons laveurs.

Il ne s'agit pas de lutter contre toutes les espèces exotiques. Il s'agit cependant d'établir si elles se propagent naturellement, si elles causent un tort irréparable ou si elles remplacent simplement des espèces disparues.

Le sénateur Banks: Devrait-on essayer d'empêcher la propagation naturelle du dendrochtone du pin?

Mme Wright: Lorsqu'une espèce naturelle fait partie des parasites naturels d'un parc, il ne serait pas nécessairement souhaitable de l'éliminer. Les parasites naturels contribuent à l'évolution et au fonctionnement d'un parc. Il faut cependant aussi parfois tenir compte des besoins des voisins des parcs. Le même problème se pose dans le cas des incendies de forêt. Il s'agit alors de savoir si l'on doit permettre la régénération naturelle des terres à l'extérieur du parc comme à l'intérieur de celui-ci. Il faut évidemment décider au cas par cas.

Le sénateur Taylor: Il existe en Angleterre une fiducie nationale à laquelle contribuent des gens, comme vous-même, et dont le but est de remettre à l'état sauvage certaines régions. Au Canada, le régime fiscal fédéral, et dans une moindre mesure le régime fiscal provincial, permet à un agriculteur ou à un propriétaire rural de léguer des terres qui pourront à l'avenir constituer un parc. Votre organisme a-t-il songé à créer une fiducie semblable pour recueillir des fonds afin d'acheter des terres qui pourront un jour constituer les parcs nationaux?

Mme Wright: Cela irait en partie au-delà de notre mandat. La Commission a clairement insisté sur le fait qu'on devait plus souvent remettre à l'état sauvage des terres situées à l'intérieur des parcs ainsi que des terres à l'extérieur de ceux-ci. Parcs Canada pourrait prendre des mesures en ce sens avec l'aide du gouvernement. Certains incitatifs fiscaux permettent aux agriculteurs et aux éleveurs de bétail de la région de Waterton en Alberta, par exemple, de conserver de grandes superficies, ce qui se prête mieux à la protection de l'habitat sauvage que le morcellement des terres. Certains éleveurs de bétail ont dû cesser leurs activités en raison du coût des terres. Il faudrait songer à adopter des réformes fiscales.

Nous recommandons la création d'un fonds de partenariat de 825 millions de dollars qui permettrait la mise en oeuvre d'initiatives créatrices en collaboration avec des organismes comme Rocky Mountain Elk Foundation ou Ducks Unlimited. Nous avons cependant décidé de ne pas créer nous-mêmes ce genre de fonds.

La présidente: Je croyais qu'on accordait un allégement fiscal dans le cas des terres utilisées pour l'élevage du bétail dans la région de Waterton. Ce comité, sous la présidence du sénateur Carney, a présenté certaines recommandations en ce sens. La Nature Conservancy ne peut pas non plus proposer la remise en état de terres à l'intérieur des parcs, n'est-ce pas? Les fondations privées ne jouissent pas non plus du même régime fiscal de sorte qu'elles sont défavorisées. Avez-vous formulé des recommandations dans ces domaines?

Mme Cairns: Notre rapport a été rédigé, mais non pas publié, avant le dernier budget fédéral. Nous nous étions prononcés fortement en faveur de stimulants fiscaux un peu plus généreux que ceux qui ont été prévus dans le budget pour les dons de terres écologiques. Des changements proposés dans le budget à cet égard constituaient un pas dans la bonne direction.

Je vous ai entendu dire que le fonds de partenariat ne représentait pas beaucoup d'argent. C'est vrai, mais Parcs Canada n'a pas d'argent à investir dans une initiative de partenariat. L'Agence n'a pas d'argent pour entreprendre des études afin d'établir quelles seraient les terres à protéger et encore moins d'argent pour acquérir des parcelles de terrain.

L'expansion des parcs soulève de nombreuses préoccupations. Nous avons estimé qu'il vaudrait mieux que des organismes non gouvernementaux comme Nature Conservancy ou la Rocky Mountain Elk Foundation près de Waterton, engagent le débat au sujet des dons de terre parce que ces organismes ont un rôle important à jouer dans ce domaine et ont établi des rapports avec les collectivités locales. Notre vision repose sur l'intégration des parcs. La question des terres à l'intérieur des parcs n'est pas une question sur laquelle nous nous sommes penchés. Je signale cependant que des organismes comme Nature Conservancy ont grandement contribué à la création de nouveaux parcs. À titre d'exemple, lors de la création du parc national Grasslands, Nature Conservancy a servi d'intermédiaire entre le secteur privé et le gouvernement pour ce qui est des dons de terre.

La présidente: J'ai une question à poser sur un sujet qui pourrait être abordé dans le rapport que nous allons présenter à la ministre. Pensez-vous qu'on devrait étudier les changements au régime fiscal qui favoriseraient la mise sur pied de fondations privées? Nous pourrions conseiller à la ministre d'étudier la question. Pourriez-vous nous donner quelques idées sur le sujet.

Mme Cairns: Nous appuierions toute recommandation visant à favoriser les dons de terre à des fins de conservation. Je connais la mesure législative à laquelle vous faites allusion au sujet des fondations privées. Il serait important de favoriser les dons de terre. Il faudrait faire valoir au gouvernement que ces terres sont si coûteuses qu'il ne peut pas se permettre de les acheter et qu'il doit accorder des dégrèvements fiscaux aux donateurs privés. Au moyen de ce dégrèvement fiscal, le gouvernement protégerait non seulement certaines terres, mais il se gagnerait l'appui des collectivités locales, ce qui en soi revêt une grande importance pour l'avenir des parcs.

La présidente: Votre témoignage nous a été utile.

Nous accueillons maintenant le représentant de Jasper Tourism and Commerce.

M. Roy C. Everest, vice-président, Jasper Tourism and Commerce: Jasper Tourism and Commerce représente environ 200 entreprises qui mènent des activités dans la ville de Jasper à l'intérieur du parc national de Jasper en Alberta. Comme il n'existe actuellement pas de gouvernement municipal officiel à Jasper, la promotion touristique, le développement économique et la commercialisation du parc relèvent de Jasper Tourism and Commerce.

Pour bien des gens, le mot «entreprise» évoque une société anonyme, de grande taille. Certaines grandes sociétés font effectivement partie de notre organisation. Cependant, la majorité de nos membres -- c'est-à-dire la majorité des entreprises de Jasper -- sont de petites entreprises familiales établies depuis de nombreuses années. La mienne existe depuis 1911 et ma famille l'exploite depuis 1956. On nous considère tout de même comme des gens établis à Jasper d'assez fraîche date. J'appartiens à la deuxième génération à oeuvrer dans notre entreprise familiale et, dans notre cas, la troisième génération se prépare déjà à prendre la relève.

Notre organisation est généralement favorable au projet de loi C-27. Nous estimons en effet qu'il faut protéger l'environnement et nous appuyons les efforts en ce sens. Nous nous considérons comme de bons gestionnaires du parc et de bons ambassadeurs auprès de nos visiteurs aussi bien canadiens qu'étrangers.

Le seul aspect qui nous préoccupe au sujet du projet de loi C-27 c'est que, par cette mesure, on est sur le point de fouler au pied les principes démocratiques que tous les Canadiens prennent pour acquis. En effet, dans sa formulation actuelle, le projet de loi C-27 nie aux 5 000 résidents de Jasper leurs droits démocratiques fondamentaux. Les articles 9 et 35 du projet de loi excluent toute possibilité de former un gouvernement municipal efficace et responsable à Jasper et retire à la municipalité de Jasper et à ceux qui seront les plus touchés par les décisions municipales le droit de participer à la prise de décisions, lesquelles sont maintenant prises à Ottawa.

Dans des versions antérieures de la Loi sur les parcs nationaux, on reconnaissait aux résidents de Jasper la capacité de former une municipalité à un moment donné dans l'avenir. Jasper négocie avec Parcs Canada depuis au moins 30 ans en vue d'obtenir une forme quelconque de gouvernement local autonome. Jusqu'à tout récemment, soit en 1996, il ressortait des documents de Parcs Canada que l'idée d'un gouvernement municipal local était bonne. Sa concrétisation ne semblait être qu'une question de temps et de règlement de certains détails. Cependant, peu après, avec l'arrivée d'un nouveau ministre, l'idée du gouvernement local n'était plus considérée comme valable.

Avant d'aller plus loin, je tiens à tirer au clair une certaine question. Certains témoins ont déclaré que, en 1986, Jasper avait voté contre le gouvernement local. Voilà qui n'est pas tout à fait vrai. La question référendaire était la suivante: souhaitez-vous que le comité municipal négocie ou continue de négocier en vue d'aboutir à une forme quelconque de gouvernement local? Or, en rétrospective, on constate que la question était mal formulée et que bon nombre de gens avaient l'impression que, s'ils votaient «oui», ils autorisaient des négociations secrètes. Ils avaient donc l'impression de renoncer à la possibilité de donner leur approbation à l'avenir à un modèle d'administration municipale démocratique conforme à leurs souhaits. En dépit de cela, la victoire du camp du Non a été assez mince.

Quelle est donc l'importance d'un gouvernement local a Jasper? Pour ma part, je suis né et j'ai grandi à Jasper. À ce titre, je dois dire que le travail de Parcs Canada en matière de gestion municipale laisse à désirer. Par ailleurs, Parcs Canada fait un excellent travail dans une perspective d'ensemble et il nous semble d'ailleurs que l'Agence mérite beaucoup plus de félicitations qu'elle n'en reçoit. En matière de gestion des 10,9 millions d'hectares du Parc national de Jasper, Parcs Canada fait un excellent travail, souvent en dépit de l'insuffisance des ressources. Cependant, les responsables de Parcs Canada reconnaissent eux-mêmes dans leur documentation qu'ils sont de piètres gestionnaires pour ce qui est des 130 hectares du village de Jasper. Or, le projet de loi C-27 viendra consacrer dans une loi ce système de gestion impraticable comme si c'était l'idéal pour Jasper.

La démocratie est bien grand mot qui n'a pas le même sens pour tout le monde. À Jasper, il ne s'agit pas d'une vague aspiration. Nous ne voulons pas la démocratie tout simplement parce que tout le monde ailleurs en bénéficie. Nous la voulons pour des raisons d'ordre pratique. La démocratie assure le bon fonctionnement d'une collectivité. Tant que nous n'en jouirons pas, nous ne serons pas en mesure de régler les vrais problèmes à l'échelle locale. Tant que nous n'en bénéficierons pas, notre tissu social sera en péril.

Parlons justement de considérations d'ordre pratique. Selon moi, l'un des principaux avantages de la démocratie a trait à la responsabilisation des décideurs. Or, l'obligation de rendre compte, c'est justement ce qui fait le plus défaut à Jasper. M. Ireland, du Comité municipal de Jasper a parlé plus tôt d'une décision prise à Ottawa concernant l'achat d'un nouveau véhicule prioritaire pour Jasper. Lorsque ce véhicule est arrivé, on a constaté qu'il ne pouvait être logé dans la caserne de pompiers parce que la personne qui l'avait commandé ne connaissait pas la réalité locale.

On voit cela constamment. Il y a deux semaines, des équipes de travailleurs s'affairaient à peindre des lignes d'arrêt et des passages pour piétons sur la chaussée, ce qui relève normalement d'une administration municipale. Or, il y a une semaine, on posait une nouvelle couche de macadam sur les surfaces qui venaient d'être peintes.

Et les exemples de ce genre de gaspillage et d'inefficacité abondent. Ceux qui prennent ce genre de décisions n'ont pas de compte à rendre. Or, le projet de loi C-27 fait non seulement de ce type de gouvernement un idéal pour les parcs nationaux, mais pousse encore plus loin la micro-gestion en matière de planification communautaire. Pour la toute première fois, on propose en effet de limiter arbitrairement la superficie maximale en pieds carrés à usage commercial. Pourquoi donc?

La superficie totale de Jasper est de 130 hectares. Ses frontières sont établies depuis les années 70. Au total, cinq espaces commerciaux peuvent être mis en valeur. Le gouvernement fédéral réglemente non seulement la quantité de terrain qui est disponible, mais également sur l'utilisation qui peut en être faite par voie de réglementation du zonage et de la construction. En limitant la superficie des surfaces à usage commercial ou va accroître encore davantage une bureaucratie déjà lourde et rendre encore plus confus le cadre juridique de mise en valeur du territoire. On supprime ainsi toute flexibilité.

À cause de cela, la situation va empirer. Selon le paragraphe 33(4), une fois que le plan communautaire est formulé, il est intégré à l'annexe 4 de la loi. L'annexe ne peut être modifiée sans que la loi le soit. Par conséquent, tout changement de zonage souhaité, prenons par exemple le projet d'une garderie ou d'une bibliothèque au centre-ville, nécessitera la modification de la Loi sur les parcs nationaux, ce qui risque de prendre une trentaine d'années. Voilà qui est loin d'être un bel exemple d'autonomie gouvernementale à l'échelle locale. Il y a moyen d'être prudent en matière d'aménagement du territoire sans couler les choses dans le béton.

Pourquoi apporte-t-on tels changements? Selon Parcs Canada, on vise ainsi à limiter un processus de développement anarchique. Balivernes. La question du développement n'a jamais posé problème à Jasper, étant donné que notre territoire est petit et qu'il est directement contrôlé par le gouvernement fédéral. Autrement dit, nous n'avons aucune possibilité de croissance. Il n'est pas du tout possible que nous devenions un géant au développement anarchique comme Banff. On nous enlève la possibilité d'avoir un gouvernement local pour des raisons strictement financières.

Dans l'accord constitutif de Banff, le gouvernement fédéral a renoncé à tout droit d'imposition directe ou indirecte en échange d'un versement annuel de 550 000 $ par Banff. Dans le cas de Jasper, en 1999, Parcs Canada a prélevé environ 5 millions de dollars en taxes municipales et a consacré 2,7 millions aux dépenses de fonctionnement, sans compter les recettes provenant de terrains de camping, des produits des entrées ou d'autres points de perception. Autrement dit, Parcs Canada a tiré plus de 2 millions de dollars de recettes nettes d'une municipalité deux fois moins peuplée et quatre fois moins grande que Banff. Autrement dit, notons que la capacité économique de Jasper est dix fois moins importante que celle de Banff. Or, les municipalités ne sont pas censées être des vaches à lait. On applique un taux d'imposition en millièmes dans pratiquement toutes les municipalités, mais nous nous versons un montant qui n'a rien à voir avec les frais de fonctionnement.

Il convient de pousser la réflexion un peu plus loin et de se demander pourquoi Parcs Canada a tant besoin d'argent. En 1994, Parcs Canada disposait d'un budget national d'environ 450 millions de dollars pour assurer le fonctionnement de tous les parcs nationaux et lieux historiques du pays. L'Agence recueillait environ 40 millions de dollars en recettes. Pour s'adapter aux compressions budgétaires qui étaient chose courante à l'époque, les responsables de Parcs Canada, animés des meilleures intentions ont négocié une entente selon laquelle Parcs Canada remettrait environ 120 millions de dollars au Conseil du Trésor et deviendrait, en échange, une agence indépendante du gouvernement qui pourrait conserver toutes ses recettes.

On estimait que l'Agence, en augmentant les droits, réussirait non seulement à égaler mais à surpasser le montant de 120 millions de dollars. Il doit y avoir eu un mauvais calcul, étant donné que Parcs Canada n'a jamais réussi à percevoir plus que 80 millions de dollars environ. Ainsi, en moyenne, l'Agence a connu un manque à gagner d'environ 50 millions de dollars par année depuis 1994.

Et comment comble-t-on ce manque à gagner? Si on limite l'analyse au seul parc national de Jasper, en 1986 Parcs Canada a dépensé environ 18 millions de dollars pour l'ensemble du parc, dont environ 6 millions de dollars pour l'infrastructure. En 1996, l'Agence a dépensé 11 millions de dollars environ pour le parc national de Jasper, y compris environ 2 millions pour l'infrastructure. On assure donc l'équilibre du budget en réduisant les services et en négligeant l'infrastructure.

Aux termes de la Loi sur l'Agence Parcs Canada, les ressources financières destinées aux niveaux parcs doivent provenir des parcs existants. Voilà pourquoi Parcs Canada a tant besoin d'argent. La population de Jasper est sacrifiée, asservie pour satisfaire à des besoins d'ordre purement économique. Si la mesure législative est adoptée sous sa forme actuelle, le gouvernement du Canada aura signifié aux résidents de Jasper qu'ils ne sont les égaux ni des résidents de Banff, ni de ceux du reste du Canada. Nous allons effectivement devenir les serfs du ministre du Patrimoine canadien. Ainsi, à une époque où on vante l'égalité de tous les citoyens du Canada devant la loi, cette mesure semble viser à créer un petit groupe de citoyens de deuxième classe.

Et que pouvons-nous faire devant une si triste situation, une fois que le projet de loi aura été adopté? Normalement, en démocratie, ceux qui sont insatisfaits peuvent présenter une pétition, faire des démarches ou s'efforcer, d'une manière ou d'une autre, d'obtenir des changements à l'échelle du gouvernement local. Si l'insatisfaction persiste, on peut faire d'autres démarches pour tenter d'obtenir des changements ou voter contre le gouvernement. Cependant, puisque notre gouvernement local prend la forme de la ministre du Patrimoine canadien, nous ne bénéficions pas des mêmes possibilités. Le seul arbitre auquel nous avons recours est un juge de la Cour fédérale. C'est la seule façon pour nous d'obtenir satisfaction. Cependant, il ne s'agit pas d'une façon efficace ou constructive de gouverner. Pour les entreprises, cela signifie qu'il faut évoluer dans un milieu où la crainte et l'incertitude sont la règle, ce qui coûte cher.

Heureusement, il existe une solution simple au problème. Nous vous demandons de maintenir l'article 8.2 de la loi actuelle, ce qui permettra de négocier une forme de gouvernement local à l'avenir. Ce changement peu compliqué permettra d'assurer l'exercice de la démocratie telle que la chose est prévue dans la Loi.

Honorables sénateurs, vous êtes notre dernier espoir. Jasper n'est qu'une voix parmi bien d'autres. Or, le Sénat s'est toujours porté à la défense des minorités. Nous vous prions donc de nous aider à garantir une saine démocratie à Jasper.

Le sénateur Taylor: Vous nous avez dit qu'un référendum avait été tenu, que le libellé de la question était contestable, et que ceux qui souhaitaient un gouvernement local ont perdu. Vous me faites un peu penser à Milosevic. Vous n'êtes pas satisfait des résultats d'un élection, mais vous voulez persévérer. La solution ne consisterait-elle pas à consulter à nouveau la population, tout en posant une question plus claire? Souhaitez-vous nous voir autoriser un gouvernement local sans un référendum?

M. Everest: Nous voulons certainement qu'une telle possibilité soit maintenue. Les modifications à la Loi sur les parcs nationaux qui ont rendu possible la négociation d'une forme quelconque de gouvernement local existent depuis fort longtemps, et les gens de Jasper négocient depuis fort longtemps également.

Le sénateur Taylor: La perspective d'une nouvelle consultation populaire ne vous plaît pas?

M. Everest: Nous serions très contents de soumettre la question à un référendum. Nous souhaitons que la possibilité d'envisager un gouvernement local continue d'exister. Nous souhaitons être en mesure de tenir un référendum sur le gouvernement local et de pouvoir envisager l'avenir dans cet optique.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (vice-président) occupe le fauteuil.

Le sénateur Banks: Par rapport au même sujet, pourriez-vous lire à nouveau la question référendaire s'il vous plaît?

M. Everest: Je n'ai pas ici le libellé complet.

Le sénateur Banks: Il me semble vous avoir entendu la lire il y a à peine un instant.

M. Everest: Il s'agit du premier scrutin auquel j'ai pu participer, et cela remonte à un certain nombre d'années. Je m'efforce de me rappeler le libellé. Il s'agissait à peu près du libellé suivant: souhaitez-vous que le Comité municipal de Jasper, notre comité élu qui donne des conseils à Parcs Canada, négocie ou continue de négocier en vue de la création d'une forme quelconque de gouvernement local?

Le sénateur Banks: Voilà qui me semble assez clair. Comment peut-on mal interpréter une telle question?

M. Everest: Selon l'interprétation donnée à l'époque, un vote affirmatif aurait autorisé le groupe des élus à mener des négociations en secret dont le résultat final n'aurait pas été soumis à l'approbation de la collectivité.

Le sénateur Banks: J'ai deux autres questions connexes, qui ont rapport à la question concernant le gouvernement local. Tout d'abord, les résidents de Jasper se sont vu proposer des coûts d'utilisation des terres applicables au secteur résidentiel comme au secteur commercial, d'environ 15 p. 100 inférieurs à ceux que doivent assumer les résidents du village de Banff. N'est-ce pas là une chose acceptable?

En deuxième lieu, le Comité d'améliorations locales, sous sa forme actuelle, s'intéresse aux activités sociales et récréatives. Si nous avons bien compris, les membres de ce comité sont à peu près d'accord pour dire que Parcs Canada doit continuer d'exercer un contrôle sur l'affectation du sol, les règlements de zonage et ainsi de suite. Selon ce que nous savons également, Parcs Canada a proposé que Jasper assume la prestation de services municipaux, comme par exemple l'achat d'autopompes et le fait de veiller à les garer dans un garage approprié, ainsi que le repavage de surfaces fraîchement peintes. Il s'agit donc là d'une forme de gouvernement local, bien qu'on ne puisse parler de gouvernement municipal selon l'acception normale du terme. La situation est compliquée du fait que la province de l'Alberta sera impliquée étant donné que la législation visant les municipalités relève des provinces. Toutefois, selon ce que j'ai pu comprendre, on étudie à l'heure actuelle une forme de gouvernement local.

Je me demande en quoi de telles offres posent problème, du fait que les coûts sont inférieurs de 15 p. 100 à ceux de Banff et que l'on prévoit la prestation de services municipaux par la collectivité locale, avec financement par Parcs Canada mais avec prise de décision à l'échelle locale?

M. Everest: En réponse à votre première question concernant la proposition, je dois dire que vous me prenez un peu au dépourvu. C'est seulement aujourd'hui que j'en ai entendu parler. Selon ce que j'ai compris, les coûts seront inférieurs de 15 p. 100, pour une collectivité qui compte deux fois moins d'habitants et quatre fois moins de superficie que celle à laquelle on la compare. Étant donné que je n'ai pas pris connaissance des détails du plan, il m'est très difficile de formuler un commentaire à ce sujet.

Le sénateur Banks: Parlons maintenant de votre entreprise. Votre famille exploite une entreprise. Si vous constatez que, pour la durée du reste de votre bail, une fois entré en vigueur le nouveau taux en 2002, les coûts d'utilisation du sol seront inférieurs de 15 p. 100 à ceux de Banff et que, par la suite, à compter de 2003, selon la proposition, l'augmentation sera fonction de l'indice des prix à la consommation et ne pourra le dépasser, ne s'agit-il pas d'une perspective acceptable? Je me borne ici aux intérêts de votre entreprise, plutôt qu'à ceux de Jasper.

M. Everest: De fait, même pour ce qui est de mon entreprise, nous avons toujours soutenu que la forme d'établissement des loyers du sol retenue par Parcs Canada est tout à fait erronée. Pratiquement partout ailleurs, on calcule les coûts de fonctionnement de la collectivité, on évalue la propriété foncière et on répartit la charge au millième, de manière à assurer des recettes correspondant aux coûts des biens et services collectifs. C'est ce qui se fait encore aujourd'hui à Banff, sauf que le versement forfaitaire au gouvernement fédéral sert de base de calcul.

Le sénateur Banks: Oui, mais il faut dire que les autres localités dont vous parlez ne sont pas situées dans des parcs nationaux. La comparaison, aussi injuste ou injustifiée qu'elle puisse paraître, est entre Jasper et Banff. Ma question est donc la suivante: ne convient-il pas de retenir comme point de départ le coût d'utilisation du sol -- inférieur de 15 p. 100 en moyenne au coût d'utilisation de la même superficie par une entreprise de Banff -- lorsque les nouveaux taux entreront en vigueur en 2002 et seront par la suite limités aux augmentations de l'indice des prix à la consommation? N'ai-je pas raison de croire que cela n'est pas exorbitant?

M. Everest: En fait, de nombreuses entreprises ont beaucoup de mal à absorber les coûts proposés pour l'an 2000. Bien des personnes à Jasper voient d'un très mauvais oeil ce prélèvement supplémentaire parce qu'il n'a aucun rapport avec les frais occasionnés par l'administration municipale et ne constitue même pas un paiement spécial pour le privilège d'habiter le parc.

La plupart des gens diraient qu'ils sont très encouragés par le fait que Parcs Canada fait cette proposition. Pour ma part, je me réjouis du fait que l'Agence établisse maintenant un lien avec autre chose que le parc national. Par exemple, c'est une excellente idée que de lier les hausses de loyer à l'IPC car la situation qui existe à Jasper est artificielle. En principe, le loyer foncier établi par le gouvernement fédéral est fondé sur un marché libre et ouvert, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. C'est le gouvernement fédéral qui contrôle toute l'offre en matière de terrain. La loi de l'offre et de la demande ne fait qu'exercer des pressions à la hausse sur le prix des terrains, même s'il arrive rarement qu'un terrain soit vendu car, comme je l'ai déjà expliqué, la plupart des exploitations sont de petites entreprises familiales. Si quelqu'un veut absolument s'établir dans le parc et est prêt à payer le tarif exigé, alors tout le monde en souffre et cette possibilité devient de plus en plus inaccessible. Nous estimons que notre localité devrait être traitée de la même façon que les autres.

Le sénateur Banks: La comparaison avec le paiement annuel de 550 000 $ par Banff pour l'utilisation du sol n'est pas juste car les propriétaires fonciers à Banff paient également la taxe municipale, et cetera. Je parle du fait que le propriétaire d'une maison ou d'une entreprise à Jasper paie en moyenne, si nos chiffres sont bons, 15 p. 100 de moins que quelqu'un dans la même situation à Banff. Cela vous paraît-il injuste?

M. Everest: J'ai mal compris la proposition. Je pensais que Jasper paierait 15 p. 100 de moins que Banff. Sans la possibilité d'examiner le document, je ne puis que faire des conjectures.

Le sénateur Banks: J'espère que j'ai raison et qu'effectivement le propriétaire d'une maison ou d'une entreprise à Jasper paiera 15 p. 100 de moins qu'à Banff. Je pense que cette interprétation est exacte.

Passons maintenant à la deuxième partie de la question concernant la prestation de services municipaux. Appelons le Comité d'amélioration locale le conseil municipal pour simplifier. Si je comprends bien, le Comité municipal de Jasper et le Comité d'amélioration locale sont composés des mêmes personnes, n'est-ce pas?

M. Everest: C'est exact.

Le sénateur Banks: Si le conseil municipal s'occupe de questions sociales et de loisirs et offre les services municipaux à Jasper, les décisions étant prises au niveau communautaire, de quoi les résidents de Jasper auraient-ils à se plaindre?

M. Everest: Vous aurez peut-être l'impression que ma réponse est détournée mais j'essaie d'être aussi direct que possible. Envisageons tout ce qui est offert par une municipalité comme un panier de services. Historiquement, l'Agence Parcs Canada essaie de garder ce pouvoir pour elle-même mais ne veut pas offrir les services nécessaires. Parcs Canada tient à assurer le contrôle mais ne veut pas prendre la responsabilité d'assurer ces services. Cela crée donc des situations bizarres car les municipalités s'occupent normalement de tout un éventail de tâches. De nombreux organismes municipaux sont prêts à prendre la relève devant ce refus de la part de Parcs Canada d'assumer certaines fonctions municipales.

Mon association, Jasper Tourism and Commerce, a davantage de responsabilités municipales que toute autre chambre de commerce en Alberta. C'est nous qui finançons et administrons le programme d'illuminations l'hiver, le centre d'information touristique, et c'est nous qui préparons les guides de la région et les cartes pour visiteurs. La plupart des municipalités prévoient un budget pour ces postes. Puisque Parcs Canada ne veut pas assumer ces responsabilités, d'autres groupes se présentent pour offrir des services de base.

Il en est de même pour le Comité d'amélioration locale. Le gouvernement provincial de l'Alberta est passé par diverses étapes de réorganisation de la prestation des services de santé. On a proposé récemment la fermeture de l'hôpital de Jasper et sa relocalisation à Hinton, une petite localité qui se trouve à une heure de route à l'est de Jasper. Normalement, le conseil municipal se chargerait de lutter contre l'opposition à ce genre d'initiative. Notre groupe a demandé à Parcs Canada si, en tant que gouvernement municipal de Jasper, il prévoyait un plan d'urgence pour prendre le relais de l'hôpital. L'Agence a répondu qu'elle ne s'occupe pas de ces questions-là.

Notre centre de la main-d'oeuvre a été relocalisé à 500 kilomètres au Nord à la suite d'une réorganisation interne du ministère. La population locale s'y est opposée. Nous avons dit à Parcs Canada que c'était sa responsabilité d'organiser un centre semblable mais, encore une fois, on nous a répondu que ce n'était pas la responsabilité de Parcs Canada. Parcs Canada cherche autant que possible à se dérober à ses responsabilités mais il ne veut pas mettre en place les outils nécessaires pour une administration efficace. Ce sont des questions qui surviennent tout le temps. On ne peut pas dire qu'on a tout réglé, il y a toujours quelque chose de nouveau qui surgit.

Le sénateur Banks: Les hôpitaux ne relèvent pas des gouvernements municipaux ni du gouvernement fédéral.

Le sénateur Adams: Vous dites que vous oeuvrez dans l'industrie touristique depuis un certain nombre d'années. Avez-vous des statistiques? Quel est le taux de fréquentation de cette région? Combien y a-t-il de skieurs et de randonneurs au cours d'un hiver? Combien de personnes visitent le parc national de Jasper annuellement? Le volume des affaires augmente-t-il ou diminue-t-il? Pensez-vous qu'il y aura une diminution importante du nombre de visiteurs après l'adoption de ce projet de loi? Si le projet de loi limite de façon draconienne la liberté des touristes, craignez-vous qu'ils décident d'aller ailleurs?

Nous avons visité les parcs il y a quatre ou cinq ans lorsque Pat Carney présidait le comité et nous avons parlé aux municipalités des environs. Les gens s'inquiétaient de l'accroissement de l'aménagement des surfaces. Le projet de loi C-27 va établir les limites et limiter davantage cet aménagement. Qu'en pensez-vous en tant qu'homme d'affaires? Vous attendez-vous à ce que vos affaires périclitent?

M. Everest: J'étais très inquiet lorsque j'ai entendu parler auparavant de la restauration des terres dans les parcs. Je ne sais pas pourquoi ce serait souhaitable ou dans l'intérêt national. Nos résidents offrent ce que j'appellerais un service national stratégique en permettant à Parcs Canada de remplir son mandat. Nous offrons les installations qui permettent aux touristes de venir voir les parcs et d'en profiter. Le mandat de Parcs Canada prévoit que ces parcs sont à la disposition de la population canadienne pour différents usages, y compris l'utilisation et la préservation et pour la jouissance des générations futures.

Le sénateur Banks: Ils resteront intacts.

M. Everest: Merci. Il n'existe pas de conflit entre l'utilisation et la jouissance, d'une part, et le fait que les parcs doivent rester intacts pour les générations futures, d'autre part, d'après nous. Dans le passé, notre association a cherché à s'allier avec Parcs Canada. Nos deux organismes ont tout à gagner et rien à perdre grâce à la collaboration. Nous sommes fiers du fait que, de concert avec Parcs Canada, nous avons été parmi les pionniers de la stratégie du tourisme axé sur le patrimoine. La ville ne veut pas empiéter sur des questions d'utilisation du sol et les questions reliées au développement et à l'environnement. Nous reconnaissons que ce sont des questions qui relèvent des parcs nationaux et que cela ne devrait pas changer. Cependant, les questions d'intérêt purement local devraient être réglées au niveau local. La collectivité devrait pouvoir s'occuper de ces affaires purement municipales car elle peut le faire de façon efficace, responsable et d'une façon connue de tous les Canadiens.

La raison de notre présence ici est de faire reconnaître que le gouvernement municipal n'est pas une mauvaise idée. Cela peut être une bonne chose, réalisable et raisonnable dans le contexte d'un parc national. Si ce projet de loi écarte complètement l'idée d'un gouvernement municipal, c'est mauvais pour le parc et pour Jasper. Je suis désolé, je pense que je me suis un peu égaré du sujet de votre question.

Le sénateur Adams: Nous avons entendu d'autres témoins qui étaient des élus municipaux, certains depuis de nombreuses années. Si le projet de loi est adopté, je me demande si ces personnes voudront toujours convoiter ce genre de postes. Elles vont peut-être abandonner parce que le conseil n'a pas vraiment de contrôle et parce que seule l'Agence Parcs Canada peut prendre des décisions. Certains estimeront peut-être qu'il ne sert à rien d'élire un conseiller municipal, car d'après moi, tout sera fait selon les règlements du parc. Quelle est votre position à cet égard?

M. Everest: Les membres du Conseil consultatif représentent le Comité d'amélioration locale, mais ils jouent aussi un rôle consultatif auprès de Parcs Canada. Même s'ils ont fait preuve de collaboration dans leurs rapports de travail avec Parcs Canada, ces rapports ont parfois été extrêmement difficiles. Sur des questions de nature purement locale, Parcs Canada a le loisir de faire abstraction de leurs conseils et même d'agir dans le sens contraire, à leur grand chagrin. Notre comité élu essaie de tenir compte des points de vue de la collectivité dans son ensemble. Il est extrêmement frustrant et pour la ville et pour la population, lorsque des questions qui sont clairement de nature locale et n'ont rien à voir avec l'intérêt national ne font pas l'objet d'interventions de la part de Parcs Canada.

Le vice-président: Le Parc national de Waterton n'est pas si différent de l'autre bout de la province -- peut-être que le climat est un peu plus doux, mais il s'agit quand même d'un parc national -- et les gens là-bas semblent assez satisfaits de ne pas avoir de gouvernement local. Voulez-vous m'expliquer cela? Est-ce que la démocratie est moins évoluée à Waterton ou est-ce que les problèmes sont différents?

M. Everest: Je m'excuse, sénateur Taylor, mais je n'ai pas saisi la première partie de votre question.

Le vice-président: Le Parc national des Lacs-Waterton ressemble au Parc national Jasper puisque les deux sont des parcs nationaux. Il est autant au sud de Banff que vous vous êtes au nord de Banff, mais les gens là-bas ne veulent pas d'un gouvernement local. Pouvez-vous m'expliquer cela?

M. Everest: Il y a plus de différences entre les deux parcs qu'il y a de ressemblances. Le Parc des Lacs-Waterton est une collectivité estivale, il fonctionne uniquement en été. La population qui y réside toute l'année n'est que de 20 ou 30 personnes. À Jasper, par contre, la population est de 4 600 toute l'année. Le seul parc qui soit le moindrement comparable à Jasper est celui de Banff. Nous sommes les seuls parcs à être traversés avec par des axes nationaux de transport et à offrir des services importants à ceux qui utilisent ces routes. Nous sommes les seuls parcs à avoir une collectivité importante toute l'année et cela depuis longtemps.

Le vice-président: Quel genre d'entreprise avez-vous, monsieur Everest?

M. Everest: Notre famille a une boutique de vêtements pour hommes et une boutique de ski. En été, nous répondons aux besoins des voyageurs estivaux, et en hiver, c'est le ski.

Le vice-président: Quelle saison rapporte le plus?

M. Everest: C'est l'été, sans aucun doute.

Le vice-président: Nous allons certainement tenir compte de votre exposé dans la rédaction de notre rapport.

Notre prochain témoin est Mme Christie Spence, de la Fédération canadienne de la nature. D'où venez-vous, madame Spence?

Mme Christie Spence, coordonnatrice, Milieux sauvages du Nord, Fédération canadienne de la nature: J'ai grandi à Ottawa, ensuite je me suis évadée pendant un certain temps, et après je suis revenue.

Le sénateur Banks: Vous vous êtes évadée vers le Grand Nord?

Mme Spence: Oui, je suis allée au Yukon, à la réserve à vocation de parc national Kluane.

Je dois peut-être expliquer ma présence ici plutôt que celle de M. McNamee, qui serait plus normale. Il va occuper un nouveau poste avec un autre organisme à la fin du mois, et nous avons jugé qu'il conviendrait mieux que l'exposé soit fait par quelqu'un qui va continuer à travailler pour la fédération. Je vous remercie de m'avoir accordé cette possibilité de vous parler.

Notre message principal c'est que la Fédération canadienne de la nature appuie entièrement le projet de loi C-27, et exhorte le Sénat du Canada à en accélérer l'adoption sans amendement. Comme certains d'entre vous le savent peut-être, la Fédération canadienne de la nature est un organisme national de protection de l'environnement qui compte plus de 40 000 membres et adeptes dans tout le Canada. Le 13 juillet 2000, nos membres ont adopté une résolution à l'unanimité lors de notre assemblée générale à Corner Brook, Terre-Neuve, qui demande au Sénat du Canada d'adopter le projet de loi C-27 pour garantir le maintien et la remise en état de l'intégrité écologique de tous les parcs.

Il y a plusieurs parties du projet de loi C-27 dont nous aimerions parler spécifiquement. L'un des aspects les plus importants de ce projet de loi, c'est qu'il offre enfin une protection légale officielle à six parcs et réserves nationaux qui échappent actuellement à la protection législative de la loi. Ces parcs -- le parc national Pacific Rim, le parc national du Gros Morne, le parc national des Prairies, le parc national Aulavik, le parc national Wapusk et le parc national de Sirmilik -- protègent d'impressionnants paysages de nature sauvage et l'habitat vital de la faune. Les terres et les eaux qui se trouvent dans ces six parcs représentent près de 20 p. 100 de toutes les aires préservées au Canada dans le réseau des parcs nationaux au Canada.

Nous espérons que votre comité se réjouit particulièrement du fait que le projet de loi C-27 protège enfin les Prairies qui deviennent le premier parc national des Prairies en Amérique du Nord. En fait, après avoir rencontré les résidents de Val Marie en Saskatchewan, votre comité a fait la recommandation suivante dans son rapport de 1996 «Protéger des milieux de vie»: «Le gouvernement fédéral devrait en priorité établir par voie législative les limites du parc national des Prairies». À la suite de sa visite au parc national des Prairies, votre comité a souligné que les résidents de Val Marie en Saskatchewan ont dit:

[...] le site devrait être officiellement déclaré parc national. Il faut que les gouvernements confirment leur engagement, afin que le développement économique lié au parc puisse aller de l'avant. Selon les gens, une fois que la zone aura été désignée comme parc, les milieux d'affaires seront davantage portés à investir dans leur région.

La Fédération canadienne de la nature appuie le nouveau processus simplifié d'établissement des parcs prévu dans le projet de loi C-27. En 1996, le vérificateur général du Canada a conclu que le processus pour ajouter de nouveaux parcs à la Loi sur les parcs nationaux était «lourd». Il a recommandé au Parlement de modifier la loi afin de permettre au gouvernement fédéral d'ajouter de nouveaux parcs nationaux ou d'agrandir les parcs existants grâce à un processus législatif simplifié, sans avoir à introduire un projet de loi au Parlement.

En ce qui concerne l'intégrité écologique, la Fédération canadienne de la nature appuie sans réserve le libellé actuel du projet de loi C-27 -- libellé qui a été adopté par le comité sénatorial permanent du patrimoine canadien et par la Chambre des communes. Le libellé actuel reflète les recommandations de la Commission fédérale sur l'intégrité écologique et de la Fédération canadienne de la nature lors de notre témoignage devant le comité de la Chambre qui s'est penché sur le projet de loi. Par ailleurs, ce libellé reflète enfin l'intention des versions de 1979 et de 1995 des documents de politique de parcs Canada dans lesquels, après une consultation auprès de la population, il est stipulé clairement que la protection de l'intégrité écologique est la principale préoccupation pour toutes les décisions prises au sujet de la gestion des parcs.

La Fédération canadienne de la nature se préoccupe particulièrement des questions de financement entourant le projet de loi à l'étude. Il faudra de l'argent frais pour respecter les engagements pris par le gouvernement d'établir de nouveaux parcs nationaux et de nouvelles aires marines de conservation, et de rétablir la santé écologique des 39 parcs nationaux du Canada. Nous exhortons votre comité à recommander que le prochain budget fédéral prévoie un financement stable et adéquat pour les nouveaux parcs nationaux et à donner suite aux recommandations de la Commission sur l'intégrité écologique.

La Fédération canadienne de la nature ainsi que toute une série de groupes environnementaux membres de la Green Budget Coalition, recommandent qu'au cours des cinq prochaines années, le gouvernement consacre 514 millions de dollars à la protection des parcs actuels et prévus. Plus précisément, nous recommandons qu'au cours des cinq prochaines années, un investissement de 186 millions de dollars pour négocier, créer et exploiter huit nouveaux parcs nationaux et trois nouvelles aires marines nationales de conservation; et 328 millions de dollars pour rétablir la santé déclinante des écosystèmes des parcs en donnant suite aux recommandations de la Commission sur l'intégrité écologique.

Parcs Canada négocie actuellement la création de nouveaux parcs sans avoir de source stable de nouveau financement pour financer ces nouvelles ententes. En fait, Parcs Canada a payé la création des quatre derniers parcs en puisant dans les budgets des parcs existants.

Pratiquement tous les rapports sur l'état des parcs révèlent que les parcs nationaux subissent un stress énorme qui ne cesse d'augmenter en raison des activités humaines tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des parcs nationaux. Pour faire face à ces menaces, le gouvernement a promis en mars 2000 de donner suite au rapport de la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada. La Commission a conclu, entre autres, qu'il fallait de l'argent frais -- 328 millions de dollars -- afin de restaurer la santé des parcs. Elle a par ailleurs conclu qu'il fallait cesser de siphonner les budgets des parcs existants au profit de nouveaux parcs. Cependant, il est important de souligner qu'elle n'a pas recommandé que la création des nouveaux parcs nationaux devrait cesser en raison du manque de financement et qu'elle n'a pas laissé entendre que le gouvernement devrait mettre l'accent sur les parcs existants et exclure la création de nouveaux parcs. La Commission a plutôt recommandé que le gouvernement fédéral complète le réseau de parcs nationaux et consacre de l'argent frais, en plus des 328 millions de dollars, au financement de la planification, de la négociation et de l'établissement de nouveaux parcs.

Lors de notre réunion annuelle générale cet été, nos membres ont adopté la résolution suivante:

IL EST DONC RÉSOLU que la Fédération canadienne de la nature en appelle au premier ministre, au ministre des Finances et au Conseil des ministres afin que soient alloués de nouveaux fonds dans le prochain budget fédéral aux fins de la négociation, de l'établissement et de la protection de parcs nationaux et pour mettre en oeuvre les recommandations de la Commission sur l'intégrité écologique.

En plus d'adopter le projet de loi C-27, nous invitons instamment les membres du comité à recommander publiquement que le gouvernement fédéral fournisse de nouveaux fonds pour l'établissement et la gestion des parcs actuels et proposés du Canada. Les deux sources de financement sont une nécessité absolue. Nous ne pouvons nous payer le luxe de perdre des zones non protégées qui pourraient bientôt faire partie de notre réseau de parcs nationaux, pas plus que nous pouvons nous payer le luxe de perdre les zones culturelles et écologiques de nos parcs actuels.

Nous appuyons totalement le projet de loi C-27 et nous encourageons le Sénat du Canada a accélérer l'adoption de la Loi concernant les parcs nationaux du Canada. Il est clair que le gouvernement fédéral et la plupart des partis à la Chambre des communes ont fait appel à leur sagesse collective et ont coopéré pour renforcer un projet de loi qui nous dote d'une excellente assise sur laquelle bâtir notre réseau de parcs nationaux en expansion. Nous vous encourageons à mettre cette assise en place.

En conclusion, la Fédération canadienne de la nature propose respectueusement que votre comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles adopte le projet de loi C-27 sans amendement et s'assure qu'il obtienne la sanction royale dès que possible avant que ne soient déclenchées les prochaines élections fédérales.

Le sénateur Prud'homme: Il va y avoir des élections?

Mme Spence: Un de ces jours. Nous ne prétendons pas savoir quand.

Deuxièmement, nous recommandons que le gouvernement fédéral annonce dans le budget fédéral qu'il consacrera des fonds à l'établissement de nouveaux parcs nationaux pour respecter l'engagement qu'il a pris de parachever le réseau de parcs nationaux et de veiller à son expansion, ainsi qu'à la mise en oeuvre complète des recommandations de la Commission sur l'intégrité écologique pour restaurer et maintenir la santé des parcs nationaux du Canada.

Enfin, à la lumière des récents événements, la Fédération canadienne de la nature croit qu'il est impératif de reconnaître l'humble et solide contribution de feu l'honorable Pierre Elliot Trudeau au réseau des parcs du Canada. Ses diverses administrations ont été à l'origine de plans qui ont servi à mettre sur pied au moins 15 de nos 39 parcs actuels. Le projet de loi C-27 assurera enfin l'avenir de parcs tels que le parc du Gros-Morne, de Pacific Rim et des Prairies qui feront ainsi partie du legs de M. Trudeau. Ses administrations et ses conseils des ministres ont approuvé les accords initiaux concernant ces parcs et assuré leur avenir. La création de notre prochain parc national est la conséquence d'un programme visant à créer de nouveaux parcs nationaux dans le nord du pays, lancé par le gouvernement de M. Trudeau en 1978. Les adeptes des parcs nationaux doivent une fière chandelle à M. Trudeau. Nous tenons à exprimer notre gratitude aujourd'hui.

Le sénateur Christensen: Que pense votre organisme des récoltes limitées dans certains parcs nationaux qui font partie de certains accords avec les Premières nations dans le cadre des revendications territoriales?

Mme Spence: Vous voulez dire la chasse?

Le sénateur Christensen: Des récoltes en général, qu'il s'agisse de la chasse ou de la cueillette de baies ou que sais-je encore.

Mme Spence: Nous appuyons la chasse autochtone traditionnelle en sus des activités soutenues pour les membres non autochtones qui font partie des collectivités qui pourraient être touchées, surtout pour ce qui est des nouveaux parcs nationaux. Nous accordons notre appui à ce genre de choses tout en n'oubliant pas que l'intégrité écologique est d'une importance primordiale à la fois pour les parcs et ces collectivités. À notre avis, les collectivités et surtout les collectivités septentrionales qui négocient la création de nouveaux parcs nationaux donnent pour principale raison de la création de ces parcs la protection de certaines de leurs ressources traditionnelles. Nous croyons que c'est compatible.

Le sénateur Adams: Vous demandez pas mal d'argent pour ces parcs -- plus de 300 millions de dollars. Ce ne sera que 150 millions de dollars si nous adoptons le présent projet de loi. Comment réussiraient-ils à obtenir 150 autres millions de dollars du gouvernement?

Mme Spence: La création de nouveaux parcs nationaux et le parachèvement de notre réseau de parcs nationaux, à savoir la présence d'un parc dans chacune des 39 régions naturelles du Canada, font partie d'un engagement pris à la fois par les gouvernements conservateurs et libéraux depuis la fin des années 80. Ça se trouvait dans le Plan vert et dans les engagements contenus dans le Livre rouge libéral. Nous comprenons qu'il s'agit d'une priorité pour le gouvernement et d'une priorité qui tient énormément à coeur aux Canadiens.

Ça semble être beaucoup d'argent. Que je sache, aucune ONG n'a jamais demandé 500 millions de dollars. En revanche, la somme est étalée sur cinq ans et appliquée à plusieurs initiatives. Pour nous, c'est un investissement à long terme dans la protection de la nature et d'espèces en péril. On ignore encore comment les espèces en péril pourraient être protégées sur les terres fédérales à l'extérieur des parcs nationaux. Cet argent est un investissement dans les collectivités autochtones, rurales et du Nord qui rapportera plusieurs fois sa valeur dans ces collectivités et pour l'État. Même si cela semble être beaucoup d'argent, c'est étalé sur cinq ans. Cela réglerait un ensemble de problèmes. Huit nouveaux parcs nationaux et trois nouvelles aires de conservation marine recevraient 186 millions de dollars sur cinq ans. Si l'on divise la somme, je crois que les 514 millions de dollars reviennent à environ 20 $ d'impôt des Canadiens ayant le droit de vote sur cinq ans.

Le sénateur Adams: C'est difficile pour moi parce que Parcs Canada imposait des limites aux gens et à leurs entreprises dans les parcs. Les gens ne peuvent pas planifier leurs activités futures. Pendant ce temps-là, vous voulez une superficie plus vaste d'environnements protégés. Certaines de ces entreprises existent depuis de nombreuses années, en particulier à Jasper et ailleurs. Il y a beaucoup d'argent qui circule autour de ça.

Vous demandez plus d'argent du Conseil du Trésor. Vous voulez que le ministre obtienne plus d'argent. Le gouvernement dit qu'il n'y en a plus à dépenser. Il dit qu'il ne veut pas plus de tourisme et veut plutôt protéger les parcs. Je ne sais pas d'où l'argent viendra. Comment obtenir plus d'argent?

Je suis allé à l'endroit où l'on ramasse la saponite depuis 10 ans. Je parlais à une compagnie minière qui se demande où il y aura un parc dans l'avenir.

Les gens de l'endroit ont un problème si le territoire est un parc ou est cédé à la compagnie minière dans l'avenir. C'est très difficile quand les gens disent qu'ils veulent plus d'argent et veulent aussi protéger les animaux.

Mme Spence: Je pense que l'argument des parcs des Rocheuses a été présenté plusieurs fois aujourd'hui. Ces parcs revêtent un caractère unique dans notre réseau. D'autres groupes, en particulier la Société pour la protection des parcs et des sites naturels du Canada, ont examiné ces questions, en particulier le tourisme, le lotissement urbain et les possibilités économiques dans les parcs nationaux. Je ne peux pas rajouter grand-chose sauf à dire qu'il s'agit à mon avis de cas particuliers.

Certains parcs ont été créés il y a plus de 100 ans, comme ceux de Jasper et de Banff. Je crois savoir que dans le cas de la baie Wager, la population locale est pas mal en faveur de la création de ce parc, qui est préconisée depuis 28 ans, je crois. J'espère que nous assisterons à sa création prochainement. Il y a eu des négociations pour permettre à la population locale de conserver son mode de vie traditionnel. Je crois aussi savoir que la création du parc n'empêcherait pas l'accès aux ressources minières de la baie Wager.

Le sénateur Adams: Je sais qu'ils y travaillent depuis 10 ans. Après que l'idée d'un parc à la baie Wager a été avancée, un autre gros gisement de nickel a été découvert. La compagnie voulait qu'une partie du parc soit réservée à l'exploitation minière, mais le gouvernement a refusé. Il y a 80 p. 100 de chômage dans certaines de ces localités. Le parc ne va créer que deux emplois mais si la mine est ouverte, c'est toute la collectivité qui aura des emplois.

Le sénateur Banks: J'aimerais vous demander votre réaction. Ma question se rapproche de celle du sénateur Adams, mais porte davantage sur les parcs des Rocheuses -- même question, contexte différent. Le Sénat étudie actuellement deux projets de loi. Le projet de loi C-5, constituant la Commission canadienne du tourisme, dont la vocation est de générer du tourisme plus efficacement en dépensant de l'argent plus efficacement que cela n'a été le cas par le passé. En tout cas, c'est l'intention. Il y a donc ce projet de loi. Puis, il y a le C-27. Certains partisans du projet de loi C-27 disent qu'il faut, en ce qui concerne le tourisme, «décommercialiser» certains secteurs très visités des parcs nationaux canadiens. Je trouve cela bizarre d'examiner les deux projets de loi en même temps. Qu'en pense votre association?

Mme Spence: Je ne voudrais pas que la position de notre organisme soit mal interprétée, que l'on pense que nous sommes contre le tourisme dans les parcs. Certes, l'une des raisons pour lesquelles on a créé des parcs, c'était pour que la population en profite. Nous encourageons certainement une utilisation appropriée des parcs. J'ai passé quelques années dans une localité près d'un parc national et je profitais tout le temps de ce parc.

On semble souvent négliger le fait qu'il existe des possibilités de tourisme dans les environs des parcs nationaux. Certains des nouveaux parcs n'ont pas d'agglomérations dans leurs limites et nous préférons que le développement se fasse dans les agglomérations qui servent de porte d'entrée aux parcs plutôt que dans le parc lui-même. Le parc national de l'Île-du-Prince-Édouard fait face à de dilemme. En tant que province maritime, l'Île-du-Prince-Édouard éprouve des difficultés économiques. Le tourisme constitue l'une des principales sources de revenu pour l'île, mais le parc se trouve dans une situation vulnérable. Il reçoit 30 000 visiteurs par kilomètre carré tous les ans, ce qui est de toute évidence un volume inapproprié et insoutenable.

Ce que nous encourageons, c'est une utilisation appropriée sans faire de dégât ou d'abus pour reprendre l'expression utilisée par la Commission sur l'intégrité écologique. Nous sommes certainement en faveur d'une expansion appropriée du tourisme dans les parcs nationaux, mais je ne suis pas convaincue que nous la préconisions à l'intérieur des parcs. Même s'il ne s'agit pas de décommercialiser les parcs, il faut faire comprendre aux visiteurs que les parcs sont des lieux spéciaux qui existent pour bien des raisons, y compris pour l'agrément des Canadiens et des autres, mais aussi pour la protection des espèces sauvages qui disparaissent partout ailleurs. Je suppose que les visiteurs dans les parcs nationaux recherchent un milieu sauvage et comprendraient que certaines limites sont nécessaires pour préserver ce milieu.

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente: À ce sujet, je voudrais vous poser une question concernant le sentier du parc Pacific Rim, un bien bel endroit. Les gens doivent réserver leur place. Je suppose que le système marche bien. Si les gens arrivaient en masse, ce serait la catastrophe. C'est un peu comme la situation de la morue. Il fallait pêcher la morue pour permettre aux gens de travailler, mais maintenant nous n'avons plus de morue ni d'emplois. Si nous n'avons pas de parcs, nous n'aurons pas les touristes. Pensez-vous que l'arrangement au parc Pacific Rim a donné de bons résultats?

Mme Spence: J'ai entendu dire qu'il y a tellement de personnes qui empruntent ce sentier de toute façon qu'elles sont loin de vivre l'expérience en milieu sauvage à laquelle elles s'attendaient. Je pense que l'intention est bonne. Le problème avec certains de ces très petits parcs, comme le parc Pacific Rim et le parc de l'Île-du-Prince-Édouard, c'est qu'ils attirent tellement de personnes. Dans le cas d'un certain nombre de parcs nationaux, il est possible d'atténuer les effets de la fréquentation humaine et d'en gérer l'usage. Nous pouvons désigner certaines parties pour une fréquentation beaucoup plus intense et en désigner d'autres comme réserves intégrales conformément à la Loi sur les parcs nationaux afin de donner davantage de protection à ces zones d'une grande importance écologique. J'espère que dans d'autres parcs il sera possible de satisfaire à une forte demande de la part des visiteurs tout en en atténuant les effets. Il y a d'autres endroits où il sera nécessaire de planifier de façon plus détaillée la fréquentation humaine.

La présidente: Pourquoi y a-t-il trop de visiteurs qui prennent le sentier Pacific Rim? Est-ce pour des raisons d'argent ou parce qu'on ne répartit pas bien les visiteurs? Quelle en est la raison, d'après vous?

Mme Spence: Chose curieuse, cela fait déjà plus de dix ans que la loi prévoit la protection de l'intégrité écologique, mais je crois que Parcs Canada est soumis à de fortes pressions en vue de générer des recettes, surtout à cause des compressions budgétaires. L'agence estime avoir un double mandat: elle doit promouvoir le tourisme, surtout dans les endroits où les parcs constituent une source importante de revenus, tout en veillant à la protection.

Le rapport sur l'intégrité écologique est très encourageant, tout comme le fait qu'il est appuyé par la ministre de Patrimoine Canada. Nous espérons que des fonds seront disponibles pour appuyer la recherche, les mesures d'atténuation et les partenariats. Il y aura peut-être même une source de financement pour contribuer au développement du tourisme dans les collectivités sises à l'entrée des parcs et à l'extérieur des parcs. Il y aurait donc moins de pression. Le financement aiderait beaucoup.

La présidente: Voilà une bonne raison d'augmenter le financement.

Le sénateur Taylor: J'ai deux brèves questions. Vous félicitez le gouvernement pour avoir créé le parc national des Prairies. Moi, je suis né et j'ai grandi dans les Prairies. J'ai une question technique. Si je ne m'abuse, il faut que des animaux soient mis en pâturage pour que les Prairies se développent. Jadis, il y avait le bison. Sans pâturage, il devient impossible de contrôler l'herbe qui pousse, les éclairs y mettent le feu, et on a des problèmes. Que fait-on pour s'assurer que le parc des Prairies soit vraiment un parc des Prairies?

Mme Spence: Je ne suis pas sûre. Je ne connais pas leurs pratiques de gestion. Une fois le parc assujetti à cette loi, le libellé actuel permettrait qu'on reproduise les processus naturels s'ils font défaut ou qu'on autorise les pâturages, soit par la réintroduction d'espèces indigènes ou le rétablissement des régimes d'inflammabilité, ce qui est très important. L'ajout de l'expression «la restauration de l'intégrité écologique» est très important dans ce projet de loi.

Le sénateur Taylor: Je ne m'attendais pas à ce que quelqu'un d'Ottawa s'y connaisse en matière de terres de pâturage.

Mme Spence: Je n'ai jamais été dans les Prairies, donc je ne peux pas vous aider beaucoup.

Le sénateur Taylor: Ça ne fait rien. Moi, je ne sais pas grand-chose au sujet des parcs d'Ottawa.

Ma deuxième question est plus précise. Vous dites que nous devrions dépenser de l'argent pour améliorer l'Agence des parcs. Dans vos calculs, avez-vous réservé des fonds pour remettre les aires dans leur état naturel ou acheter les entreprises présentes dans les parcs?

Mme Spence: Dans nos exposés devant le comité des finances et ce comité, et ailleurs, nous avons basé nos prévisions concernant tous les aspects reliés à l'intégrité écologique sur le rapport de la Commission sur l'intégrité écologique. Nous avons repris le tableau du rapport de la Commission. Certaines lignes dans le tableau se réfèrent justement aux mesures de rétablissement. Nous savons que les représentants de cette Commission ont comparu devant vous plus tôt, et ils n'ont certainement pas recommandé qu'on détruise des entreprises ou qu'on expulse des gens. Ils essaient de rétablir l'équilibre naturel dans les parcs par le biais de la recherche, des partenariats et de la collaboration. Nous appuyons cette démarche.

Le sénateur Taylor: Dans nos recommandations, nous pourrions proposer que le secteur privé -- qui est si bien représenté à Toronto, à Montréal et ici dans l'Est -- contribue certaines sommes pour rétablir la faune dans certaines de ces régions. Le gouvernement fédéral pourrait aussi verser un dollar pour chaque dollar investi par le secteur privé, ce qui nous permettrait de racheter ces régions. Il est très facile de recommander qu'on dépense des millions pour racheter ces terres, mais le secteur privé devrait étayer ses paroles avec une assistance concrète.

Mme Spence: Il y a plusieurs options. Des groupes comme «People for Parks» sont associés avec certains parcs, et font du très bon travail. Ce sont des groupes à but non lucratif, ou des groupes privés qui travaillent avec les parcs et contribuent à la collecte de fonds, à l'acquisition des terres avoisinantes, et à l'éducation.

Je ne l'ai pas mentionné, mais dans sa proposition au ministère des Finances, la Green Budget Coalition recommande que le gouvernement investisse 100 millions de dollars pour établir une fondation à Parcs Canada. Cette fondation serait un organisme autonome, qui pourrait obtenir un financement du secteur privé et d'autres groupes pour étudier les problèmes reliés aux périmètres des parcs nationaux, les enjeux juste à la périphérie des parcs nationaux, les programmes de recherche, les partenariats coopératifs, et les solutions à certains problèmes d'intégrité écologique ayant leur origine à l'extérieur des parcs. C'est un modèle que nous proposons, mais ce n'est certainement pas le seul.

La présidente: Merci d'avoir été des nôtres. Nous vous en sommes très reconnaissants.

La séance se poursuit à huis clos.


Haut de page