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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et 
des ressources naturelles

Fascicule 23 - Témoignages du 5 octobre 2000


OTTAWA, le jeudi 5 octobre 2000

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 12 pour examiner le projet de loi C-27, Loi concernant les parcs nationaux du Canada.

Le sénateur Mira Spivak (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous poursuivons nos discussions sur le projet de loi C-27, la Loi qui est proposée concernant les parcs nationaux du Canada. C'est avec grand plaisir que j'accueille aujourd'hui une délégation de l'Assemblée des premières nations.

Monsieur Ballantyne, veuillez prendre la parole.

M. Ron Ballantyne, chef, Grand Rapids First Nation, Assemblée des premières nations: Madame la présidente, honorables sénateurs, nous sommes heureux que vous ayez accepté de nous entendre exposer nos préoccupations sur cet important projet de loi. Nous répondrons avec plaisir à vos questions à la fin de notre présentation.

Nous nous excusons de ne pas avoir fait traduire notre mémoire avant de vous le présenter.

Je voudrais rappeler au comité que l'Assemblée des premières nations représente 633 collectivités des Premières nations de tout le Canada. Nous sommes l'un des trois groupes du Canada reconnu dans la Constitution, et nous sommes désignés dans ce document sous le terme d'«Indiens». Nous avons plus de 2 000 territoires de réserve partout au Canada. Cependant, nos territoires traditionnels sont disséminés dans toutes les provinces et tous les territoires. Nous avons des traités dans de nombreuses régions du pays. Ces traités ont été les instruments qui ont donné au Canada accès à nos territoires traditionnels. Dans certaines régions, comme dans l'Ouest et le Nord, des traités sont encore en voie de négociation. Je le souligne pour que l'on comprenne bien que dans de nombreuses régions du Canada, les enjeux et les droits liés aux territoires et aux ressources ne sont pas encore réglés et doivent être tenus en compte lorsqu'il est question de créer des parcs.

L'Assemblée des premières nations appuie en principe la loi qui est proposée; cependant, l'Assemblée oppose d'importantes objections au projet de loi, que je vais vous expliquer dans le cadre de ma présentation.

J'aimerais tout d'abord mettre l'accent sur les éléments positifs du projet de loi C-27 tel qu'il est actuellement.

Le plus important, c'est que nous appuyons les efforts de la loi proposée pour préserver l'intégrité écologique des parcs nationaux et lieux historiques nationaux existants et futurs du Canada. Depuis des temps immémoriaux, les Premières nations ont su protéger l'intégrité écologique de leurs territoires. Elles ont leurs coutumes, traditions et pratiques propres pour protéger les terres. De nombreux rapports reconnaissent l'importance du rôle des Premières nations dans la protection de l'habitat naturel au Canada.

Très récemment, le Rapport de la commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada a été diffusé. Le volume II de ce rapport est intitulé «Une nouvelle orientation pour les parcs nationaux du Canada». La commission a conclu ce qui suit:

Les connaissances traditionnelles, les us et coutumes, la culture et les valeurs des peuples autochtones étaient autrefois parties intégrantes des écosystèmes, au même titre que les cours d'eau, la végétation, le paysage et la faune. Jusqu'à récemment, le rôle de ces peuples dans le maintien des processus écologiques n'a pas été vraiment pris en considération lors de la création des parcs nationaux ni dans le développement des activités qui leur sont associées. Par conséquent, ces valeurs et connaissances sont en grande partie absentes des parcs nationaux. Cette lacune a contribué au déclin de l'intégrité écologique de nombreux parcs.

À leur arrivée en Amérique du Nord, les Européens ont trouvé un écosystème fabuleusement riche, épanoui dans sa biodiversité naturelle. Au fil du temps, les pratiques agricoles et industrielles européennes ont suscité des préoccupations chez les Premières nations qui voyaient s'amenuiser la riche biodiversité du pays, pour des considérations d'ordre économique. Le résultat en a été une érosion constante de l'habitat naturel.

La menace de dévastation de l'habitat naturel a été l'un des facteurs qui ont motivé la négociation de traités entre les Premières nations et l'État. Les Premières nations ont conclu ces traités avec l'État dans le but de pouvoir assurer la protection de leurs territoires et d'en conserver le contrôle pour les générations à venir. En tant que Premières nations, nous continuons de lutter pour préserver la biodiversité naturelle du Canada. Ceci se reflète dans le fait que certaines des régions où la biodiversité naturelle est la plus riche sont sous l'autorité des Premières nations. Par exemple, l'un des rares exemples de forêt carolinienne existant encore au Canada se trouve dans la réserve Six Nations en Ontario. Il convient de faire remarquer qu'environ 50 p. 100 des parcs du Canada ont, soit été créés à la demande des Premières nations, ou encore celles-ci ont participé dans une certaine mesure à leur création.

L'une des raisons à cela est qu'un bon nombre de Premières nations ont dépendu et dépendent encore des terres des parcs pour préserver les méthodes traditionnelles de récolte qui sont conformes à l'objectif d'intégrité écologique, et ce n'est qu'avec l'intervention d'étrangers que l'écosystème est mis en péril. Les Premières nations ont toujours fait leurs récoltes dans ces régions et elles continuent de le faire. C'est pourquoi les Premières nations sont dotées de connaissances approfondies sur la manière dont fonctionnent ces habitats, connaissances qui ne peuvent être acquises et accumulées que par l'expérience collective de plusieurs générations. C'est pour cette raison que les Premières nations sont les mieux placées pour parler tant de la nécessité de préserver ces régions que des méthodes applicables à la conservation des habitats. Ces terres sont notre foyer; elles sont notre vie; elles sont notre identité.

Il est absolument essentiel pour les Premières nations de pouvoir continuer d'appliquer leurs méthodes propres et durables de récolte. Est-ce que c'est contraire à l'objectif du projet de loi C-27 de préservation de l'intégrité écologique des régions protégées? Non, tout au contraire. Les Premières nations visent cet objectif depuis bien avant la Confédération.

C'est pourquoi nous soutenons que les Premières nations sont les mieux placées pour gérer ces ressources si on veut que les buts et objectifs du projet de loi C-27 puissent être atteints. L'Agence Parcs Canada a exprimé le voeu et la volonté qu'il en soit ainsi, et le projet de loi C-27 renferme des dispositions qui permettent une certaine dose de gestion conjointe. Les rédacteurs et les participants du projet de loi C-27 méritent d'être applaudis pour l'effort qu'ils ont fait pour appuyer les intérêts des Premières nations. De plus, le projet de loi C-27, tel qu'il est actuellement, a répondu à certaines autres préoccupations des Premières nations, ce qu'elles apprécient d'ailleurs. Cependant, le projet de loi renferme aussi certains éléments avec lesquels les Premières nations ne sont pas d'accord.

Nous avons exposé nos objections au projet de loi C-27 dans le mémoire que nous avons présenté le 17 mai 2000 au comité permanent de la Chambre des communes sur le patrimoine canadien. Nous reconnaissons que des efforts ont été faits pour répondre à certaines de nos objections, avec des modifications qui ont été faites récemment aux dispositions du projet de loi C-27. Malheureusement, ces révisions, selon nous, ne suffisent pas à régler nos problèmes.

Nos principales objections au processus législatif du projet de loi C-27 et au projet de loi lui-même peuvent être résumées comme suit: premièrement, nous avons recommandé qu'avant l'adoption de toute nouvelle loi ou politique, le comité permanent de la Chambre des communes prenne le temps de consulter les Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux et les lieux historiques nationaux. Le projet de loi C-27 a de profondes répercussions sur les droits ancestraux et les droits issus des traités, qui font que l'État doit absolument consulter les Premières nations et, dans certains cas, en obtenir le consentement.

Je vais donner quelques exemples des droits constitutionnels des Premières nations et des domaines qui sont touchés par le projet de loi C-27: les droits de récolte traditionnelle que peuvent exercer les membres des Premières nations dans les parcs; les problèmes de conservation et de gestion générale des parcs; les droits économiques devant être exercés dans les parcs; les droits spirituels devant être exercés et protégés dans les parcs; les possibilités de gestion coopérative, de formation et d'emploi; les ressources archéologiques, y compris les sites de culture matérielle et les cimetières; et le titre autochtone.

Nous avons fait cette recommandation à ce moment-là parce que nous n'avons ni le temps, ni les ressources pour consulter les collectivités des Premières nations, et aucune ressource ne leur a été attribuée pour leur permettre d'intervenir. Le gouvernement fédéral dispose de ces ressources et peut prendre ce temps.

Outre la consultation, il a été recommandé que la loi soit rédigée de manière à doter le ministre du Patrimoine canadien du mandat et de l'autorité suffisante pour concevoir et mettre en oeuvre, en collaboration avec les Premières nations, un large éventail de mesures visant à assurer le respect et la protection des droits ancestraux et des droits issus des traités dans les parcs nationaux et les lieux historiques nationaux.

Lors de notre présentation, nos conseillers juridiques ont relevé certaines des dispositions du projet de loi C-27 qui ne reflétaient pas l'état actuel de la situation relativement aux droits ancestraux et aux droits issus de traités. Ce volet de notre présentation visait à mettre en lumière la nécessité de consulter les Premières nations qui ont des droits ancestraux et des droits issus des traités dans les parcs et lieux historiques existants et futurs.

Nous souhaitons vous informer que le comité permanent de la Chambre des communes n'a pas donné suite à notre recommandation et qu'il n'y a donc pas eu de consultations utiles avec les Premières nations au sujet du projet de loi C-27.

La décision de ne pas consulter les Premières nations au sujet d'une loi nationale qui affecte aussi nettement nos droits issus de traités et nos droits ancestraux est inacceptable. Qui plus est, elle ne cadre pas avec les engagements pris par le gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations dans le document «Rassembler nos forces».

Le gouvernement fédéral parle de renouveler et d'intensifier ses rapports avec les peuples autochtones et d'asseoir ces rapports sur des principes de respect, de reconnaissance, de responsabilité et de partage réciproques. En décidant de ne pas tenir les consultations qui s'imposent au sujet du projet de loi C-27, il n'a pas respecté son engagement.

Si le Canada consulte les Premières nations, le projet de loi C-27 n'en sera que mieux assis. L'absence de consultations avec les Premières nations est, au bas mot, une occasion ratée pour Patrimoine Canada. Le ministère avait là la possibilité d'établir un véritable partenariat avec elles en vue d'élaborer une loi pour laquelle leur participation est essentielle.

Nous estimons aussi que l'évolution des arrêts rendus récemment par la Cour suprême du Canada exige maintenant la consultation et, parfois, le consentement des Premières nations pour l'élaboration des lois qui touchent leurs droits ancestraux et droits issus de traités. Vous allez entendre des représentants de la Première nation ojibway de Keeseekoowenin vous décrire leurs expériences avec Parcs Canada et avec l'ensemble de l'appareil fédéral, expériences qui illustrent bien l'importance de consulter les Premières nations au tout début du processus législatif.

On n'a également pas tout à fait donné suite à notre seconde recommandation. Bien qu'il existe d'autres exemples, nous allons nous concentrer sur les deux grandes préoccupations suscitées par le projet de loi C-27. Dans son libellé actuel, le projet de loi ne tient pas suffisamment compte de nos intérêts dans les titres autochtones pas plus que de nos droits ancestraux et issus de traités propres à des lieux particuliers.

Comme première recommandation, nous avons dit qu'il fallait réconcilier le droit de propriété autochtone et celui de l'État. Nous avons précisé que c'était une exigence posée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw. De plus, nous avons dit que le projet de loi C-27 ne cadrait pas avec la décision Delgamuukw à bien des égards. Nous avons expressément mentionné les paragraphes 6(2) et 4(2) du projet de loi C-27 comme preuve qu'on n'avait pas bien tenu compte du droit de propriété autochtone.

Nous avons précisé que le paragraphe 4(2) du projet de loi C-27 avait expressément pour effet de maintenir le statu quo dans la législation projetée. Il ne réglerait pas suffisamment les revendications territoriales des Autochtones. Qui plus est, aux termes du paragraphe 6(2), le règlement d'une revendication territoriale autochtone permettra au gouverneur en conseil de retrancher les réserves, le reste devenant un véritable parc. Toutefois, le projet de loi C-27 continue de prévoir que, pour qu'un parc en soit légalement un, Sa Majesté la Reine du droit du Canada doit en avoir le droit de propriété absolu. L'Assemblée des premières nations a fait savoir que l'extinction des droits n'était pas une option acceptable. Il fallait que l'État puisse réconcilier les titres ancestraux et son propre droit de propriété. Le statu quo n'était donc pas une option.

En réponse à nos préoccupations au sujet des titres ancestraux, on a simplement révisé le projet de loi C-27 de manière à en exclure toute mention de la Politique des revendications territoriales globales du gouvernement fédéral. Cette réponse est inacceptable aux Premières nations parce qu'elle mentionne et appuie une politique qui est elle-même imposée aux Premières nations et qui cherche encore à éteindre les droits des Premières nations et leurs droits fonciers en échange d'autres avantages.

Il importe de mentionner qu'en avril dernier, à New York, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a affirmé que l'extinction des droits ancestraux est incompatible avec le droit fondamental des peuples autochtones du Canada à disposer d'eux-mêmes, c'est-à-dire le droit à l'autodétermination.

L'extinction, doctrine et pratique rendant inexistants les droits des peuples autochtones à l'égard de leurs terres traditionnelles, contre leur gré, et coupant leurs liens avec ces terres, n'est plus légitime ou légale. Si jamais elle le fut, l'idéal qui consiste à créer et à protéger des refuges et un habitat durable pour la flore et la faune de la nature à l'état sauvage est noble. Toutefois, on ne peut et on ne doit pas le faire en violant les droits fondamentaux de qui que ce soit.

J'aimerais donner un exemple de droits de la personne sacrifiés au profit de parcs. Sur les rives du lac Huron, dans le sud-ouest de l'Ontario, il y a une très belle plage. Enterrés dans un parc à un endroit que notre peuple appelle «Aazh-oo-dena» -- l'infâme parc Ipperwash comme l'appellent les Canadiens et le reste du monde -- sont les restes de Anthony «Dudley» George qui est mort, comme vous le savez, sous une pluie de balles de policiers, le 6 septembre 1995.

Plus tôt au cours du siècle, les gouvernements avaient pris des mesures pour protéger un coin de cette terre de manière à permettre au grand public d'en admirer la beauté sauvage. Toutefois, ce faisant, ils ont volé les terres de leurs propriétaires légitimes, car elles faisaient partie du territoire de la Première nation et elles étaient incluses dans le traité de 1825.

Donc, quand il a créé un parc sur cette terre, l'État a passé au bulldozer un cimetière sacré des Autochtones. Enfin, en insistant également pour conserver cette terre illégalement quand son propriétaire légitime est venu réclamer ce qui restait des tombes des ancêtres, le gouvernement a repoussé les manifestants non violents, a tiré sur trois d'entre eux et a tué Dudley George.

C'était l'exemple ultime de l'extinction. Une vie s'est éteinte pour la «cause» du gouvernement qui souhaitait conserver illégitimement les terres confisquées. La vision et la raison d'être des parcs ne peuvent reposer sur de telles assises.

L'affaire Ipperwash est un exemple extrême. Toutefois, toutes les extinctions sont une violation des droits fondamentaux de la personne, et les droits éteints pour créer un parc ne font pas exception.

Il faut modifier le projet de loi C-27 afin de tenir compte des droits ancestraux détenus dans les parcs existants et dans les parcs futurs. L'affaire Delgamuukw devrait servir de cadre à toute nouvelle loi. Les rédacteurs n'ont fait aucun effort en vue de réconcilier les droits ancestraux avec les droits de l'État. L'arrêt Delgamuukw prévoit, comme seule restriction des droits ancestraux, que la terre ne soit pas utilisée à des fins qui ne cadrent pas avec le rapport qu'entretiennent les Autochtones avec la terre. L'extinction n'est manifestement pas une exigence générale. Dans son libellé actuel, le projet de loi C-27 oblige les Premières nations à protéger leurs droits ancestraux devant les tribunaux ou en s'appuyant sur les politiques fédérales actuelles.

Par ailleurs, nous avons recommandé des modifications au projet de loi C-27 en vue de respecter les droits ancestraux et issus de traités qui sont propres à des lieux particuliers. Nous avons fourni au comité permanent de la Chambre des communes qui examinait le projet de loi plusieurs exemples où le projet de loi C-27 ne respecte pas la loi en ce qui concerne les droits ancestraux et issus de traités propres à des lieux particuliers. Toutefois, rien n'a été fait pour dissiper nos inquiétudes.

Nous estimons que le projet de loi C-27, dans son libellé actuel, ne tient pas suffisamment compte des droits ancestraux et des droits issus de traités. Tant l'arrêt Sparrow que l'arrêt Delgamuukw prévoient que, si l'État empiétait sur des droits ancestraux ou des droits issus de traités, il était tenu de se justifier. Le processus de justification peut varier, du consentement à la simple consultation, selon le droit en jeu.

Nous avons fourni plusieurs exemples de la manière dont le projet de loi C-27 ne répond pas aux normes de justification imposées par la Cour suprême du Canada. Par exemple, si le droit ancestral existe, les Premières nations ne sont pas limitées aux droits ancestraux à des fins simplement traditionnelles. De plus, les droits issus de traités ne peuvent pas être limités à des fins traditionnelles.

Nous ne sommes pas persuadés que le projet de loi C-27 dans son libellé actuel va assez loin pour protéger les droits ancestraux et issus de traités. La certitude que nous avons, c'est que notre peuple devra aller plaider sa cause devant les tribunaux du Canada, qu'il devra continuer de lutter pour protéger des droits inscrits dans la Constitution, même si la plus haute cour du pays a laissé entendre que ces questions devraient être négociées entre les Premières nations et le Canada.

Les dispositions relatives aux infractions et aux peines ont été sensiblement renforcées dans le projet de loi C-27. Bon nombre de nos membres sont déjà pauvres. Nous serons incapables de payer pour faire défendre nos droits ancestraux et issus de traités. Au XXIe siècle, il ne devrait pas y avoir de loi qui favorise d'autres conflits et qui impose la pauvreté aux Premières nations. Nos droits sont inscrits dans la Loi constitutionnelle de 1982. Il faut les respecter.

Les lacunes de la loi repérées par l'Assemblée des premières nations dans le présent mémoire et dans le mémoire présenté au comité de la Chambre des communes ne sont que quelques-uns des problèmes du projet de loi C-27. Les Premières nations directement touchées sont celles qui sont le plus en mesure de repérer d'autres sources de problème et de proposer des solutions de manière que le projet de loi C-27 puisse résister à un examen de sa constitutionnalité.

En guise de conclusion, nous estimons qu'il est dans le meilleur intérêt de l'État d'élaborer une loi comme celle-là en partenariat avec les Premières nations. L'État en a l'obligation envers les Premières nations et les autres Canadiens. Sans changement, le projet de loi à l'étude pourrait avoir l'effet non voulu de donner naissance à une toute nouvelle série de revendications des Premières nations pour violation injustifiée des droits ancestraux et issus de traités. Le Canada a déjà un arriéré de 400 à 500 revendications particulières à régler. Le projet de loi actuel pourrait bien faire augmenter sensiblement le nombre de revendications et avoir pour effet d'accroître la responsabilité éventuelle du Canada. Nous ne croyons pas que c'était là l'intention du gouvernement ou des rédacteurs.

Tel qu'il a été mentionné au début de notre exposé, les Premières nations ont beaucoup à offrir aux Canadiens pour l'établissement et la préservation de parcs nationaux et de lieux historiques nationaux. Nous recommandons qu'on donne à l'avenir aux Premières nations la possibilité d'examiner le projet de loi à l'étude.

Sur une note plus personnelle, la Première nation que je représente a reçu récemment l'approbation de Parcs Canada en vue d'établir un parc dans la région visée par notre traité. À la rencontre, on nous a promis qu'un parc aiderait à protéger cette région. Je dois avouer que les membres de ma collectivité n'ont pas fait un accueil très favorable à l'exposé. Après avoir appris moi-même l'impact du projet de loi C-27, en tant que chef d'une Première nation qui vient d'avoir des transactions avec Patrimoine Canada, je crois que ma collectivité a de bonnes raisons de s'inquiéter.

Notre philosophie nous enseigne qu'on ne peut jamais vraiment profiter d'un geste bien intentionné, mais mal fait. Si l'État du Canada ou toute province ou territoire insiste pour que les parcs du Canada soient créés grâce à l'extinction de droits autochtones, à des violations des droits de la personne et à la pauvreté et à l'exclusion de nos peuples, alors la bonne action, soit la protection de la flore, de la faune et des terres, est annulée par la violation de nos droits ancestraux, issus de traités et autres.

S'il vous plaît, n'ignorez pas ce cri d'alarme.

Honorables sénateurs, nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos craintes face au projet de loi à l'étude.

La présidente: Je crois savoir, chef Blackbird, que vous avez vous aussi un exposé à faire. Si vous pouviez nous le résumer, nous pourrions passer aux questions, car nous avons d'autres témoins à entendre.

Chef Blackbird, vous avez la parole.

M. Dwayne Blackbird, chef, Première nation ojibwé de Keeseekoowenin: Merci de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui. Nous nous excusons de ne pas avoir eu les ressources et le temps de faire traduire notre exposé en français. Je remercie les interprètes et les traducteurs qui nous aideront à communiquer.

La nation ojibway de Keeseekoowenin est aussi connue sous l'appellation de bande du mont Riding. Mon arrière-arrière grand-père était Muckatapenace, frère de Mekis, celui-là même qui a signé le Traité no 2 entre notre peuple et la reine Victoria, le 21 août 1871, pour le compte de la bande du mont Riding.

Je suis accompagné aujourd'hui de James Plewak, arrière-arrière petit-fils du chef Keeseekoowenin, nom que porte maintenant notre Première nation. Le chef Keeseekoowenin était aussi demi-frère de Mekis. James Plewak est membre de notre bande et travaille comme technicien pour notre Première nation.

Le 22 avril 1998, les Keeseekoowenin ont comparu devant le comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-29, Loi établissant l'Agence Parcs Canada. À ce moment-là, nous avions parlé de l'aliénation des terres de réserve de la bande au lac Clear lorsque le parc national du mont Riding a été établi et des rapports tendus qu'avait notre peuple avec Parcs Canada depuis lors. Nous avons exprimé notre opinion, soit que nous ne sommes pas simplement un des nombreux intéressés dans le parc national, que le droit canadien nous confère un droit de propriété foncière reconnu par traité et que nos rapports avec le parc national vont beaucoup plus loin que celui du simple «intéressé». Nous avons parlé du besoin de créer une tribune où les Premières nations pourraient discuter des questions avec Parcs Canada de manière paisible, sans confrontation. Bien que notre témoignage devant le comité n'ait pas entraîné de modifications au projet de loi, il a tout de même ouvert la porte à la formation d'un groupe au sein duquel de hauts fonctionnaires de Parcs Canada et des membres de la bande se rencontrent périodiquement pour discuter de questions et de propositions. Lorsque le projet de loi C-27 a reçu la sanction royale en décembre 1998, ce groupe avait déjà été créée.

En avril dernier, James Plewak a comparu devant le comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes pour le compte de la Première nation ojibwé de Keeseekoowenin au sujet du projet de loi C-27. Il a refait l'historique de notre peuple et parlé de l'aliénation de nos terres de réserve au lac Clear, de notre lutte pour les ravoir. Il a mentionné le groupe de discussion que nous avions créé avec Parcs Canada et des relations moins tendues qui étaient en train de s'établir. Il a aussi prévenu le comité que ces relations étaient ténues et pouvaient se rompre à tout instant, puisque leur utilité exige un engagement moral de part et d'autre. Une application rigoureuse du mandat législatif de Parcs Canada ou de l'inflexibilité de la part des fonctionnaires pourrait rompre les relations instantanément.

Nous vous demandons de lire le texte de ces exposés.

Je précise à nouveau, cependant, que la modification législative demandée en vue de protéger nos intérêts n'a pas été adoptée.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de parler à nouveau du projet de loi à l'étude. Nous sommes ici aujourd'hui pour attirer votre attention sur plusieurs points, soit les expériences vécues par la bande en relation avec le fait d'avoir une réserve au sein d'un parc national, le groupe de discussion, sa raison d'être et un rapport provisoire à son sujet, le besoin d'établir une coalition durable des Premières nations ayant un intérêt dans les parcs nationaux, la disparité en ce qui concerne les consultations, la protection et l'exercice des droits ancestraux, les rôles de gestion de la Première nation dans les nouveaux parcs nationaux par rapport aux parcs plus anciens et, enfin, l'énorme potentiel des parcs nationaux de même que la nécessité de travailler plus étroitement avec les Premières nations pour le réaliser.

Avant d'aborder ces sujets, j'aimerais fournir au comité quelques données historiques sur notre peuple et sur notre relation avec la terre qu'on appelle actuellement le parc national du mont Riding.

Le parc national du mont Riding est situé sur les terres traditionnelles de la Première nation ojibwé de Keeseekoowenin, connue sous le nom de bande du mont Riding signataire du traité no 2. Une des réserves de la Première nation, la réserve indienne 61A du lac Clear, se trouve dans les limites du parc national, sur la rive du lac Clear. Le parc national a été établi durant les années 30, lorsque ce n'était pas à la mode d'inclure les Premières nations dans l'aménagement et l'exploitation du parc. Quand le parc national a été créé, la réserve du lac Clear y a été incluse par erreur. Plus tard, la réserve a été expropriée aux fins d'établissement d'un parc national et, en 1935, les gens qui y vivaient ont été réinstallés de force dans la réserve principale de la Première nation à Elphinstone.

En 1991, la Première nation ojibwé de Keeseekoowenin a regagné une partie de la réserve initiale du lac Clear grâce à une revendication territoriale particulière. Une deuxième partie de cette réserve, appelée les «terres de 1906», fait l'objet d'une revendication actuellement en négociation.

Avant la signature du traité no 2, en 1871, les membres de la bande du mont Riding habitaient sur le mont Riding que les premiers Européens appelaient mont Fort Dauphin. Nos gens, eux, l'appellent «la montagne où chasser le bison».

Les membres de la bande du mont Riding vivaient bien à cette époque. Durant l'hiver, ils s'établissaient sur les rives du lac Audy, à l'extrémité ouest de Wasagaming et au nord du terrain de golf actuel. À l'époque, ils avaient de quoi manger, de quoi se chauffer et de quoi s'abriter. La fourrure, l'orignal et le wapiti -- l'élan -- étaient abondants. Certains des camps d'hiver les plus populaires se trouvaient le long de la rive ouest de Wasagaming, près du cimetière indien. Un autre se trouvait juste au nord d'où se trouve actuellement le terrain de golf de Wasagaming. Le lac Audy et le lac Whitewater étaient également populaires et un autre emplacement préféré était celui de Kennis Creek, le long des vieilles plaines Gilbert ou du sentier Dauphin Trail. La pêche était bonne, et il y avait du gibier à plume.

Le lac Audy était connu pour son abondance d'oiseaux aquatiques à l'automne, lorsque les canards et les oies y faisaient escale, en route pour le Sud. Le lac Audy était appelé, dans notre langue, l'escale des oiseaux de l'été. Au printemps, certaines des familles se rendaient à l'est de la montagne, quelque part entre McCreary et Ochre River, près du village de Ochre River, pour faire du sucre et du sirop d'érable qui étaient conservés dans des contenants d'écorce de bouleau scellés avec de la résine d'épicéa.

L'été, notre peuple se rendait dans les plaines du côté sud-ouest de la montagne pour chasser le bison et faire sécher la viande qui était par la suite attendrie puis mélangée avec du suif et des fruits sauvages pour fabriquer le pemmican que l'on entreposait dans des sacs de peau ou dans de l'écorce de merisier. Les bisons migraient vers le mont Riding pendant l'hiver et revenaient brouter dans les plaines l'été.

En 1886, lorsque plusieurs colonies de l'Amérique du Nord britannique se sont regroupées pour constituer une colonie de plus large envergure, la région du mont Riding était un territoire de la nation ojibwa. Le Canada a acheté les droits de la compagnie de la baie d'Hudson, mais la Reine Victoria a insisté pour que les traités soient signés avec les Premières nations avant d'autoriser la colonisation.

Le traité connu sous le nom de traité no 2 a été signé le 21 août 1871 entre le représentant de Sa Majesté, Welmyss M. Simpson, et la tribu indienne Chippewa, qui habitait la région au nord et à l'ouest du secteur faisant l'objet du traité no 1 qui venait tout juste d'être conclu. Le traité visait à ouvrir «à la colonisation et à l'immigration» les territoires assujettis au traité et à instaurer «la paix et la bonne volonté entre eux et Sa Majesté.»

Le chef Keeseekoowenin était conscient du fait que le traité permettait deux modes de vie, le maintien d'un mode de vie traditionnel et l'adoption d'un mode de vie moderne ou agricole. Le chef Keeseekoowenin, après la mort de son demi-frère Mekis, a choisi une réserve dans la vallée de la rivière Little Saskatchewan parce qu'elle convenait à l'agriculture et parce que son père Okanase y avait été enterré. Les peuples qui ont décidé de conserver leur mode de vie traditionnel sont restés au mont Riding de même que sur les rives du lac Clear.

La bande indienne de mont Riding comprenait l'environnement de ces territoire et savait que, même si l'agriculture, l'élevage des chevaux et du bétail étaient possibles sur une courte distance au sud de la montagne, la montagne elle-même ne conviendrait jamais à une économie agricole -- autrement dit, personne ne s'y installerait ni y immigrerait jamais de sorte que les Premières nations pourraient toujours s'en servir à des fins traditionnelles.

Ce fait a été reconnu implicitement par le gouvernement fédéral en 1896 lorsqu'il a déclaré la majeure partie du mont Riding comme «réserve forestière», non pas un endroit où les arbres et la faune étaient protégés pour la postérité mais plutôt une région non colonisée où les colons pouvaient aller ramasser du bois de chauffage ou du bois en grume pour construire leurs propriétés familiales rurales.

La Première nation estime que l'établissement d'un parc national et la restriction de leurs droits aux ressources et à l'utilisation des terres ne servant pas à «la colonisation et à l'immigration» a été un geste surprise de la part du gouvernement fédéral, qui n'avait jamais été prévu au moment de la signature du traité et est donc contraire à lettre, à l'esprit et à l'intention du document.

J'ai joint en annexe deux documents de référence. Le premier est un résumé historique des revendications territoriales des Premières nations à l'égard de la réserve indienne du lac Clear 61 A; l'autre est une copie d'un protocole d'entente établissant le forum des cadres supérieurs entre la Première nation ojibwa de Keeseekoowenin et Parcs Canada. Je demande qu'on imprime ces documents dans le compte rendu des témoignages.

Je vais maintenant demander à James Plewak de vous adresser la parole. Il précisera certains des points que j'ai abordés. Lorsqu'il aura terminé, je ferai quelques remarques de clôture.

M. James Plewak, technicien, Première nation ojibwé de Keeseekoowenin: Comme l'a fait remarquer plus tôt le chef Blackbird, je suis un arrière-arrière-petit-fils du chef Keeseekoowenin à qui notre Première nation doit son nom. Je suis aussi membre de la bande de mont Riding où je travaille comme technicien.

Avant de commencer, laissez-moi vous dire que j'ai le privilège de parler au sujet de ce projet de loi devant le comité sénatorial. Je suis ici pour préciser certains des points qu'a abordé le chef Blackbird dans ses remarques préliminaires.

Premièrement, j'aimerais parler de l'expérience d'une Première nation ayant une réserve située dans un parc national. Lorsque les terres 61 A du lac Clear ont été remises aux Premières nations en 1994, le Canada a reconnu que ces terres étaient toujours une réserve indienne, en dépit de la création du parc national du mont Riding. Elle fait aussi partie du parc national et il en est ainsi depuis 1930. Avec la reconnaissance par le Canada que les terres de la réserve indienne du lac Clear sont et ont toujours été des terres de réserve, le dilemme demeure: elles étaient aussi des terres de réserve à vocation de parc national.

Avant le dépôt du projet de loi C-27, la réserve indienne 61A du lac Clear figurait toujours dans l'annexe sur les parcs nationaux. Depuis que les terres 61A du lac Clear ont été retournées en 1994, la Première nation ojibwa de Keeseekoowenin en est venue à la conclusion que les terres n'avaient pas besoin d'êtres retirées du parc national, à tout le moins jusqu'à ce qu'une étude ait été faite sur les avantages et les inconvénients de leur maintien ou non dans le parc national. Le fait que les terres soient à la fois une réserve indienne et un parc national pourraient être avantageux pour les deux parties. Nous voulons examiner cette question plus en profondeur, en comprendre les ramifications, avant qu'une décision concernant le maintien ou le retrait des terres comme parc national soit prise.

Lorsque le projet de loi C-27 a été déposé, on y a redéfini les frontières du parc national du mont Riding d'une façon que la réserve indienne du lac Clear est automatiquement retirée de l'annexe. Un tel retrait constitue une deuxième expulsion du parc.

On ne nous a pas demandé si nous voulions que notre réserve soit retirée. La Première nation en était arrivée à la conclusion que le fait d'avoir une réserve indienne à l'intérieur d'un parc national pourrait être avantageux non seulement pour elle, mais pour les deux parties. Nous voulons examiner cette question plus à fond et en comprendre les ramifications avant qu'une décision définitive ne soit prise.

L'un des problèmes c'est qu'elle a deux statuts légaux. Alors que nous soutenons que la réserve a eu en fait un double statut pendant une bonne partie du XXe siècle, un nouveau cadre devrait à tout le moins être examiné, à notre avis. En avril, lors de notre exposé devant le comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, nous avons demandé de maintenir le statu quo tant que la question ne pourra être examinée plus à fond.

Dans son rapport, le comité permanent de la Chambre incluait un amendement au projet de loi qui autorisait simplement un décret pour retrancher les terres de 1906 du Parc national du mont Riding pour le règlement de cette revendication plutôt qu'une modification à la loi, comme cela se fait normalement. Si le projet de loi C-27 ne devait pas être modifié à cet égard, les terres de 1906 continueront d'être une réserve indienne à l'intérieur d'un parc national tant qu'elles n'en sont pas retranchées par décret et les terres de 1896 devraient être une réserve indienne entourée par un parc national.

À notre avis, il n'est pas nécessaire que l'anomalie juridique selon laquelle une terre est à la fois un parc national et une réserve indienne constitue un obstacle mais qu'elle soit plutôt un avantage dont les deux parties devraient profiter. De toute manière, nous croyons que notre peuple devrait avoir l'occasion de prendre une décision informée à savoir si les terres 61A de la réserve indienne du lac Clear doivent être retranchées ou non du parc national.

J'aimerais maintenant parler plus longuement au comité de la relation unique que la Première nation ojibwé de Keeseekoowenin a entretenue avec Parcs Canada, une relation qui pourrait devenir un modèle pour élargir les relations entre les Premières nations et Parcs Canada.

Après notre comparution devant le comité permanent des communes en avril 1998, la Première nation ojibwé de Keeseekoowenin a négocié un protocole d'entente sur l'établissement d'un forum de cadres supérieurs entre la Première nation de Keeseekoowenin et Parcs Canada. La signature de ce protocole remonte au 8 novembre 1998.

Ce protocole est signé par le secrétaire d'État (Parcs) au nom de Parcs Canada et du gouvernement du Canada et par la Première nation ojibwé de Keeseekoowenin (la bande de mont Riding). Le protocole d'entente vise à créer un forum pour établir des relations de travail mutuellement favorables et positives. Les relations de travail et le forum devraient, au fur et à mesure, être connus et reconnus au Canada et à l'échelle mondiale pour leur grande qualité et l'utilité qu'ils apportent aux deux parties.

Avant la création du forum des cadres supérieurs, la seule tribune qui existait pour s'occuper de ces questions était la table ronde du parc national du mont Riding, une tribune réservée aux intervenants ou aux groupes d'intérêts spéciaux pour discuter du plan de gestion du parc. Il s'est avéré que, ce qu'on appelle la «table ronde», n'était pas l'endroit où régler des conflits ou solutionner des problèmes liés aux intérêts des Premières nations. En fait, en participant à la table ronde, nous étions simplement considérés comme un autre groupe d'intérêt spécial ce qui, selon nous était simplement une minorité. Qui plus est, notre participation en tant que simples intervenants amoindrissait notre statut comme Première nation et comme propriétaires historiques des terres et mettait sur la touche nos intérêts. De toute manière, il est apparu que la table ronde n'était pas l'endroit où régler les problèmes se rapportant aux intérêts des Premières nations ni celui où régler les problèmes relatifs aux droits et aux titres des Autochtones.

Le forum des cadres supérieurs promet de devenir un modèle de relations de travail constructives entre Parcs Canada et la Première nation de Keeseekoowenin, des relations fondées sur le respect mutuel et la promesse de régler les questions en suspens de façon positive et productive. Nous croyons qu'aucune autre relation de ce genre n'a été établie où que ce soit au Canada. Cependant, le forum des cadres supérieurs, tout aussi positif qu'il soit, est précaire et fragile et il pourrait arriver n'importe quand que les choses se détériorent. Le succès du forum exige de la part des deux parties un engagement moral pour en assurer la réussite. L'exercice strict du mandat législatif de Parcs Canada ou l'inflexibilité des cadres supérieurs pourraient mener instantanément à sa dissolution.

J'aimerais discuter de l'idée de la création d'une coalition des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux. Alors que le forum des cadres supérieurs ne regroupe qu'une Première nation et Parcs Canada, il n'existe pas de tribune semblable à l'échelle nationale pour régler les problèmes des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux. Nous croyons qu'il faut mettre sur pied et soutenir un organisme qui permettra l'établissement de relations de travail positives et productives entre Parcs Canada et les Premières nations ayant des intérêts dans l'utilisation de la ressource historique, des intérêts culturels et des intérêts cérémoniels dans des terres désignées comme parcs nationaux.

En outre, avec la création de l'Agence canadienne des parcs, nous croyons que les Premières nations ont besoin d'un organisme à l'échelle nationale, indépendant et solide, pour engager des discussions sur les questions intéressant les Premières nations et Parcs Canada. La Première nation ojibwé de Keeseekoowenin a d'abord proposé en 1998 l'idée d'une coalition des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux, qui ne s'occuperait que de cela. À notre avis, il faut créer un organisme de ce genre dont le mandat consisterait à s'attaquer aux problèmes d'envergure nationale communs aux Premières nations et à Parcs Canada. Elle fait espérer que l'organisme se penchera sur des questions qui intéressent les Premières nations, comme le titre autochtone dans les parcs nationaux par exemple, dans un climat de compréhension mutuelle.

La Première nation objibwé de Keeseekoowenin croit qu'une coalition des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux est une solution viable à la confrontation et à une mesure législative touchant les terres et l'utilisation des ressources dans les parcs nationaux. Elle permet d'offrir à la fois à l'État et aux Premières nations l'occasion d'établir une nouvelle relation de travail pour leur avantage mutuel. De telles solutions négociées pourraient faire en sorte que les Premières nations n'aient pas à recourir aux tribunaux pour résoudre les questions relatives aux titres autochtones de même qu'aux droits inhérents et issus de traités relatifs aux terres des réserves intégrées aux parcs. Le but d'un parc national et les objectifs des Premières nations pourraient fonctionner parallèlement, chacun renforçant l'autre.

La Première nation ojibwé de Keeseekoowenin ne dispose pas des ressources lui permettant d'établir et de soutenir seule une coalition. Nous avons soumis cette question à l'Assemblée des premières nations et nous sommes heureux de vous dire qu'une résolution à l'appui de l'idée a été adoptée, le 18 juin 1998, à l'Assemblée générale annuelle de l'Assemblée des premières nations.

Nous invitons le comité à approuver nos discussions avec Parcs Canada sur l'établissement de la Coalition des Premières nations ayant des intérêts dans les parcs nationaux.

Nous croyons que Parcs Canada a besoin d'un partenaire indépendant pour engager des discussions d'intérêt commun. Nous avons besoin de ressources modestes des parcs pour le démarrage de la coalition. Nous invitons le comité à examiner les relations que les Premières nations entretiennent avec Parcs Canada. Nous pensons que le comité serait d'accord avec ce qui s'est passé et que cet examen permettrait au comité de prendre les mesures qui restent à prendre.

Je veux maintenant vous parler de la disparité des intérêts des Autochtones et des parcs nationaux nouveaux et anciens, des parcs établis. À notre avis, le projet de loi C-27 ne fait rien pour s'attaquer à la disparité qui existe en ce qui a trait à la consultation des Premières nations, à la protection et à l'exercice des droits autochtones de même qu'aux rôles de gestion dans un nouveau parc national par rapport aux anciens parcs établis.

Lors de la création du Parc national du mont Riding en 1930, notre peuple n'a pas été consulté même si c'est lui qui a été le plus touché. Si le scénario juridique actuel auquel a donné lieu la décision récente de la Cour suprême avait été explicitement en place en 1930, il aurait été évident que la création du Parc national du mont Riding aurait donné lieu à des consultations poussées avec la bande de mont Riding avant que le parc soit créé. On se serait ainsi entendu sur l'exploitation et la gestion conjointes des ressources, y compris la faune, le bois, et cetera. On aurait pu entre autres s'entendre sur l'embauche de membres des Premières nations dans les parcs, une préférence en ce qui a trait aux activités économiques et une participation à la prise de décision.

En fait, c'est précisément ce qui se passe dans les territoires avec l'établissement de nouveaux parcs nationaux. Il est vrai qu'on se montre favorable à ce genre de relations et qu'une nouvelle atmosphère et de nouvelles attitudes se développent au sein de Parcs Canada. Néanmoins, il reste que ce ministère n'a pas vraiment d'autre choix que de respecter les impératifs liés au titre autochtone, ainsi qu'aux droits issus de traités. À ce jour, cependant, la même reconnaissance n'a pas été accordée au titre autochtone et aux droits issus de traités qui touchent des parcs nationaux créés antérieurement. Si la situation ne change pas, elle entraînera de nouvelles revendications, de nouvelles mesures législatives et des conflits sans fin.

Heureusement, on note au sein du gouvernement fédéral des signes d'assouplissement. Par exemple, la bande indienne de mont Riding fait régulièrement appel à un forum de hauts fonctionnaires pour l'étude et le règlement de diverses questions. Petit à petit, la confiance renaît. On a déjà obtenu certains résultats notables qui auraient été impensables il y a quatre ans.

Toutefois, comme je l'ai souligné précédemment, un forum de hauts fonctionnaires n'est rien de plus qu'un engagement d'honneur sans poids législatif. Une telle formule est bien fragile. Nous estimons qu'il faut une base plus solide. Nous demandons que, suite à la consultation des Premières nations visées, votre rapport recommande l'établissement d'un régime exigeant que les parcs nationaux créés antérieurement soient tenus de respecter les intérêts des Premières nations au même titre que les nouveaux parcs.

M. Blackbird: J'aimerais faire quelques commentaires pour terminer.

Nous croyons que les objectifs de Parcs Canada peuvent être atteints d'une façon conforme aux droits, titre et bien-être des Premières nations, des Métis et des peuples inuits. Nous désirons obtenir le soutien de tous les Canadiens qui aimeraient que Parcs Canada se montre progressiste et collabore avec nous pour établir cette relation mutuellement productive.

Je ne dis pas cela à la légère, car mon peuple a probablement souffert plus que d'autres à cause des parcs nationaux. Nous avons en effet connu la perte de territoires, l'expropriation illégale d'une réserve, l'anéantissement par le feu d'habitations, le refus d'accès à notre territoire traditionnel et à nos lieux de cérémonie et la perte d'accès à nos ressources économiques traditionnelles, en plus de l'humiliation de voir le lieu de repos de nos ancêtres et de nos parents devenir un attrait touristique. Il y a eu de nombreuses arrestations, des batailles juridiques, des affrontements et énormément de violence à cause des parcs nationaux. Néanmoins, nous tendons encore la main en signe d'amitié.

Nous estimons que les Premières nations et Parcs Canada peuvent mutuellement tirer profit d'une collaboration accrue en cherchant à atteindre le plein potentiel des parcs. Notre peuple ne part pas. Les parcs nationaux ne disparaissent pas. Il nous faut collaborer.

Nous invitons le présent comité à nous rendre visite n'importe quand s'il est de passage au Manitoba. Vous êtes toujours les bienvenus, c'est notre tradition et nos coutumes.

La présidente: Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Je les ai trouvés particulièrement intéressants, surtout que je connais la région, comme vous le savez.

Le sénateur Taylor: Vous avez parlé de consultations à plusieurs reprises. Cela soulève deux questions il me semble. Vous avez parlé de l'Assemblée des premières nations et d'une coalition des Premières nations qui collaborent avec les parcs. Comme l'APN regroupe près de 633 nations, je pense que ce serait trop compliqué. Est-ce que nous parlons d'une coalition des Premières nations indépendante de l'APN ou constituant simplement un sous-comité de l'APN? Autrement dit, si nous devons coordonner les activités, il serait plus facile de le faire avec une coalition plutôt qu'avec l'APN qui a 633 membres à satisfaire.

M. Plewak: Nous envisageons que cette coalition serait formée de toutes les Premières nations du pays intéressées aux parcs nationaux. Elle bénéficierait de l'aide de l'APN pour l'organisation, l'apport de ressources et la coordination. De cette façon, les Premières nations concernées pourraient se rencontrer pour élaborer des idées qui pourraient ensuite être soumises au nouvel organisme et au secrétariat autochtone.

Nous savons bien que ce ne sont pas toutes les Premières nations du pays qui s'intéressent de près à des parcs nationaux en particulier; c'est le cas de certaines d'entre elles, mais c'est en fait une question d'intérêt national. La Première nation de Keeseekoowenin ne peut pas à elle seule s'occuper d'une organisation nationale de cette envergure, avec ses propres ressources, mais nous croyons qu'il est nécessaire d'en avoir une.

Le sénateur Taylor: Vous semblez envisager un processus de coordination assez compliqué.

Nous pouvons peut-être poursuivre. Le projet de loi ne suscite pas, pour moi, les mêmes préoccupations que vous. À mon avis, votre situation sera bien pire si le projet de loi n'est pas adopté. Les articles 4 et 6 reconnaissent en particulier les droits conférés aux Premières nations par les traités et pour l'utilisation des ressources, autrement dit, c'est mieux que rien. Je ne dis pas que le projet de loi est parfait, mais ne trouvez-vous pas qu'il améliore votre situation actuelle?

Mme Dianne Corbiere, conseillère juridique, Assemblée des Premières nations: Nous estimons, et je pense que notre point de vue a été indiqué clairement, que c'est la première fois que la loi fédérale est révisée en profondeur. Plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada ont été rendues. Le gouvernement fédéral avait l'occasion de faire adopter une loi conforme aux décisions du plus haut tribunal et, selon nous, il n'a pas réussi à le faire. Par conséquent, le projet de loi va-t-il plus loin qu'avant? Je pense que nous trouvons que non.

À notre avis, il y a des infractions et des peines encore plus sévères, et beaucoup de nos membres devront aller défendre leurs droits ancestraux et issus de traités devant les tribunaux. Le projet de loi est de nature à intensifier les conflits politiques. On risque de connaître plus de situations comme celle de Burnt Church.

Le gouvernement fédéral a l'obligation de s'assurer que les lois sont conformes aux décisions de la Cour suprême du Canada et, comme je l'ai dit, ce n'est pas ce qu'il a fait.

La présidente: Il y a bien sûr une disposition de non-dérogation. J'imagine que cette disposition signifierait que, pour les tribunaux, le principe de l'article 35 s'appliquerait. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Corbiere: Cette question a été soulevée par les dirigeants des parcs. Nous avons indiqué que c'était un minimum au comité permanent de la Chambre des communes. Pour ce qui est de la disposition de non-dérogation, si le projet de loi contredit la façon dont une Première nation définit ses droits ancestraux et issus de traités, les Premières nations en restent au même point. Autrement dit, si cette disposition était prise au sérieux, le reste du projet de loi aurait dû y être conforme. Nous avons donné plusieurs exemples montrant comment le projet de loi est incompatible avec les décisions de la Cour suprême du Canada. La disposition de non-dérogation nous permet seulement de nous présenter devant les tribunaux pour contester certaines incohérences du projet de loi avec les décisions de la Cour suprême du Canada.

Il y a une disposition de la Constitution qui dit la même chose, mais il reste que nous devons toujours faire appel aux tribunaux pour affirmer nos droits ancestraux et issus de traités. Le gouvernement avait l'occasion de rendre la loi compatible, d'en faire une loi générale habilitante, d'examiner les droits ancestraux et issus de traités qui sont protégés par la Constitution. Comme nous l'avons indiqué dans notre exposé, nous pensons que le gouvernement n'a pas profité de l'occasion. En somme, il ne fait pas ce qui doit être fait.

Le sénateur Taylor: Je ne suis pas avocat, mais je ne suis pas vraiment d'accord avec votre interprétation. On dirait qu'on veut se servir de la loi sur les parcs pour négocier des traités. Quoiqu'il en soit, je vais aller plus loin, pour aborder un autre sujet.

Vous avez parlé de l'utilisation des ressources -- et c'est un problème. Il est certain qu'autrefois la terre pouvait répondre à cette utilisation des ressources, qu'il s'agisse de viande ou de fruits, parce qu'on employait des méthodes traditionnelles. Comme vous le savez, des gens disent que le bison a disparu parce que les Métis ont acquis la possibilité d'abattre beaucoup de bisons. Est-ce que vous vous en tiendriez à des méthodes traditionnelles? Avec des méthodes modernes, vous pourriez rapidement détruire l'intégrité écologique d'une région.

M. Blackbird: Je ne peux pas attribuer, comme vous le faites, la disparition du bison aux Métis. Je pense qu'il faut davantage en imputer la responsabilité à la colonisation.

Le sénateur Taylor: N'êtes-vous pas d'accord pour dire que les fusils ont fait plus de mal que les arcs et les flèches?

M. Blackbird: Non. Je soutiens que la colonisation a été la seule cause de la disparition du bison, et qu'elle n'est pas attribuable aux Métis.

Le sénateur Taylor: Où est le sénateur Chalifoux quand on a besoin d'elle?

M. Ballantyne: J'aimerais répondre à la dernière question. Je tiens à préciser que les droits ancestraux et issus de traités sont protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Le droit d'utiliser les ressources est un de ces droits. Les tribunaux ont affirmé qu'on ne pouvait pas porter atteinte à ces droits sans raison valable.

Le sénateur Taylor: On parle de l'utilisation des ressources par des moyens traditionnels, pas par des moyens modernes. Ne faites-vous pas une distinction entre les deux?

M. Richard Powless, président-directeur général intérimaire, Assemblée des Premières nations: Les tribunaux ont dit que le droit d'utiliser les ressources à des fins commerciales était également un droit ancestral issu de traité.

La présidente: C'est conditionnel à la préservation des ressources.

M. Powless: Oui, mais vous devez prouver que ce que vous faites en consultation avec les peuples autochtones, les Premières nations, respecte cela; vous ne pouvez pas agir de façon arbitraire.

Le sénateur Taylor: Je comprends ce que vous voulez dire.

Le sénateur Banks: Mes deux questions sont complémentaires à celle du sénateur Taylor. Il me semble que vous demandez que le projet de loi règle les revendications territoriales. Ce n'est pas l'objet du projet de loi. Le projet de loi tient compte de la clause dérogatoire selon laquelle les droits ancestraux ne seront pas enfreints. L'article 17 précise également que l'utilisation des ressources ne sera limitée que pour des fins de préservation.

Le projet de loi prévoit également que le ministre, pour ce qui est de l'établissement de nouveaux parcs et de règlements, est obligé de consulter les peuples autochtones, ce qui n'était pas le cas avant.

Je vais adresser ma question à M. Ballantyne, mais quelqu'un d'autre peut y répondre. Dans votre exposé, il est question d'une utilisation des ressources qui dépasse la conception habituelle de la plupart des gens à ce sujet, ce qui est pour moi l'utilisation de la flore et de la faune par des activités traditionnelles. Cependant, vous dites maintenant que les droits des Autochtones dans les parcs nationaux vont plus loin et pourraient comprendre l'utilisation des ressources à des fins commerciales. À la page 11 de l'exposé de M. Ballantyne, on dit que les droits d'utilisation ne sont pas limités aux droits ancestraux ou à des fins purement traditionnelles.

Auriez-vous l'obligeance de me dire, pour les fins du compte rendu, de quoi nous parlons au juste? J'aimerais savoir de quoi les parcs nationaux seraient privés.

M. Ballantyne: L'utilisation traditionnelle peut être définie de bien des façons. Il y a un élément commercial qui entre en ligne de compte. Prenons le cas de gens qui font de l'exploitation forestière. Il y a des moyens traditionnels de le faire pour gagner sa vie. Dans notre région, les gens parlent de ramasser les racines. Ils vont dans un secteur, ramassent les racines et les vendent. C'est une façon de faire vivre la famille. Je vais laisser Dianne poursuivre là-dessus. Elle connaît mieux le sujet que moi.

Mme Corbiere: Encore une fois, pour nous, il y avait une occasion à saisir, un défi à relever. La question ne touche pas seulement les Premières nations qui vivent près ou à l'intérieur d'un parc. Il y a d'autres Premières nations qui s'intéressent aux parcs. Nous avons déjà indiqué qu'à peu près la moitié des parcs du pays touchent les peuples autochtones.

Nous sommes peut-être plus visés que d'autres, mais le projet de loi pouvait créer des parcs en conformité avec les droits ancestraux et issus de traités, et cela pouvait tenir compte des activités commerciales, dans la mesure où les ressources sont préservées, comme la présidente l'a signalé.

En fait, nous ne pouvons pas vous donner de paramètres aujourd'hui parce que, selon nous, si les Premières nations, qui ont réfléchi sérieusement à ces questions, étaient consultées, beaucoup d'idées seraient exprimées sur ce que pourrait comprendre l'utilisation des ressources à des fins commerciales.

Nous sommes d'avis qu'il est possible d'exercer des activités commerciales dans les parcs parce que c'est ce que la Cour suprême du Canada a statué. Si nous réussissons à prouver qu'un titre autochtone existe, la Première nation peut toujours décider, si la loi le permettait, de travailler en collaboration avec le Canada et de créer un parc. Ce serait ma réponse, si cela suffit.

Le sénateur Banks: N'êtes-vous pas rassurés par le fait que le projet de loi oblige le ministre à vous consulter sur ces questions?

Mme Corbiere: Je pense que nous avons fait savoir au comité permanent de la Chambre des communes que nous considérons que le projet de loi interdit les activités commerciales; le libellé du projet de loi est clair à ce sujet, et nous avons indiqué de quelle façon. J'espère que vous aurez l'occasion de consulter nos mémoires pour voir où nous trouvons que le projet de loi interdit les activités commerciales. C'est clair.

Le sénateur Adams: Il est dommage que nous n'ayons pas plus de temps. Nous avons beaucoup de questions à vous poser. À mon avis, il est plus légitime pour les Premières nations de parler des parcs. L'an dernier et l'année d'avant, je me suis battu pour la création d'un parc dans certaines localités au nord du territoire. Le parc Tuktut Nogait a été créé il y a quelques années dans le territoire qui est aujourd'hui le Nunavut.

J'ai eu des problèmes particuliers avec le projet de loi C-38. J'ai fait de mon mieux, mais j'étais impuissant, même en tant que membre du Sénat. Même le comité des peuples autochtones n'a pas appuyé mon amendement.

Le projet de loi C-27 ne me satisfait pas. Je crois qu'il va compromettre l'avenir de notre culture et de certains membres de la réserve. On propose la création d'un nouveau parc au Nunavut. C'est une belle région pour la chasse et d'autres activités. Il y a beaucoup d'ours polaires, de poissons et de baleines. Les droits de chasse et de pêche seront abolis si le projet de loi est adopté. Les gens ne pourront plus aller là-bas.

Je suis inquiet de l'effet de certaines dispositions du projet de loi C-27 sur les peuples autochtones. On n'arrête pas de nous dire que les gens ne devraient plus utiliser les parcs, que les parcs devraient être réservés aux animaux. Nous vivons avec les animaux. Nous les chassons et les mangeons.

J'ai reçu un livre sur les espèces disparues. Au sud de l'île de Baffin où je vis, à une certaine époque, tout le caribou avait disparu. Ce n'est pas la chasse qui l'a fait disparaître, mais la nature. L'automne, tout gèle et le caribou est parti ailleurs. Il y a plus 30 ans, le gouvernement a introduit 40 caribous sur l'île. Maintenant, il y en a trop. Nous devons en tuer plus de 2 000 chaque année pour contenir le troupeau.

Le gouvernement du Canada a toujours créé des parcs sur des territoires qui ont déjà été des réserves indiennes. Ces territoires devraient rester des réserves indiennes, parce que nous étions là les premiers. Ils devraient être gérés pour la communauté.

Que pensez-vous du projet de loi? Devrions-nous l'adopter ou le réserver jusqu'à ce que des élections soient déclenchées dans l'espoir qu'il meurt au Feuilleton? Devrions-nous le réserver, le torpiller ou l'adopter?

M. Powless: La décision à ce sujet vous appartient. C'est la deuxième fois que nous faisons part de nos préoccupations à des comités parlementaires. Nous sommes revenus témoigner parce que nous craignons que nos premières interventions n'aient pas été prises en considération. Si le gouvernement déclenche des élections, c'est la décision du premier ministre, et advienne que pourra.

À notre avis, si le projet de loi est important, et nous pensons qu'il l'est, si c'est une priorité, le gouvernement va l'adopter. S'il n'est pas adopté au cours du présent mandat, si le gouvernement est réélu, ou quel que soit le gouvernement élu, nous travaillerons avec lui pour nous assurer que le projet de loi respecte nos intérêts.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Ballantyne, à la page 9 de votre mémoire, vous parlez du parc Ipperwash et des problèmes qu'il connaît. Madame la présidente, pouvons-nous préciser, pour les fins du compte rendu, qu'il s'agit d'un parc provincial de l'Ontario?

La présidente: Le gouvernement fédéral n'exerce aucune autorité sur les parcs provinciaux ou les droits issus de traités provinciaux.

M. Powless: Nous avons seulement cité l'exemple du parc Ipperwash pour démontrer ce qui arrive quand un parc n'est pas bien planifié ou est exploité de manière à porter atteinte aux droits de la personne. Le gouvernement a dit que les Premières nations n'avaient aucun droit, que le service des parcs de l'Ontario était chargé de garder le parc. Les Premières nations ont affirmé qu'il y avait un cimetière ancestral sur ce territoire, et le gouvernement a dit ne pas en avoir la preuve. Le gouvernement est intervenu et a déplacé les gens qui utilisaient et occupaient le parc.

Il y a une disposition semblable dans le projet de loi.

Après la mort de Dudley George, le gouvernement a découvert que les Premières nations avaient raison. On a trouvé des documents qui prouvaient l'existence d'un cimetière ancestral.

Nous faisons une mise en garde à ce sujet. C'est un exemple extrême mais, malheureusement, cela montre que les choses peuvent mal tourner.

La présidente: Merci de votre témoignage. Nous prenons bonne note de vos préoccupations.

M. Ballantyne: Quand pouvons-nous nous attendre à une réponse à notre témoignage d'aujourd'hui?

La présidente: Nous nous prononcerons après avoir entendu tous les témoins. Le comité devra en discuter avant de prendre une décision.

Nous accueillons maintenant un représentant de Sunshine Village, M. Ralph D. Scurfield, et un représentant de la National Park Ski Area Association, M. Crosbie Cotton. Nous vous souhaitons la bienvenue, messieurs.

M. Crosbie Cotton, directeur, National Park Ski Area Association: Nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant votre auguste comité. Je représente quatre stations de ski de renommée mondiale à Banff et à Jasper. Elles occupent deux millièmes du territoire du parc où elles se trouvent, ou moins d'un millième du territoire des parcs du Canada. Elles n'ont aucune intention de s'étendre au-delà de leurs limites officielles, et elles craignent beaucoup de ne plus exister dans quelques décennies si le projet de loi est adopté.

Dans ces zones historiquement sauvages, on souscrit entièrement au principe de l'intégrité écologique, mais on ne croit pas que l'utilisation par le public doive nécessairement être sacrifiée. M. Scurfield va donner des explications sur ce que nous faisons et la façon dont nous limitons l'utilisation des lieux par le public.

J'aimerais vous expliquer comment les quatre stations de ski veulent être des chefs de file mondiaux pour ce qui est de concilier l'excellence environnementale et les activités récréatives. Encore le mois dernier, la station de ski du lac Louise a ouvert un centre d'information sur l'environnement patrimonial, et elle a consacré 350 000 $ de plus à des programmes d'interprétation destinés à mieux faire connaître aux Canadiens ces parcs majestueux qui font partie de leur patrimoine.

Nous approuvons l'objectif général du projet de loi mais, conjugué aux activités de défense des droits et à d'autres plans du gouvernement fédéral, nous savons que, tôt ou tard, le projet de loi entraînera la fin de la pratique du ski dans nos parcs nationaux. Si cela arrivait, et plusieurs organismes ont dit publiquement que c'est ce qu'ils voulaient, l'impact économique sera supérieur à 500 millions de dollars par année, sans compter que cela diminuera de façon importante la qualité de vie du million de Canadiens qui viennent faire du ski dans nos parcs chaque année.

J'ai lu les témoignages que votre comité a entendus. J'aimerais préciser certaines choses. Premièrement, le parc national de Banff n'a jamais risqué de perdre son titre de site du patrimoine mondial. C'est complètement faux. Une personne, la même qui est à l'origine des protestations du Congrès mondial du pétrole, à Calgary cet été, a fait campagne pour faire retirer au parc son titre. Après examen, Ses plaintes ont été rejetées.

Deuxièmement, le nombre de visiteurs dans nos parcs nationaux, particulièrement dans le parc de Banff, accuse un net recul. Ce chiffre a baissé de 13 p. 100 depuis l'étude de la vallée de la Bow, et il semble qu'il baissera encore de 7 p. 100 cette année.

Troisièmement, les fonds consacrés à l'étude des impacts de l'utilisation par le public sont minimes et en fait inexistants. Nous ne savons pas qui sont ceux qui utilisent nos parcs, où ils vont et combien ils sont. Et pourtant, on fait beaucoup d'études écologiques, notamment une, cet été, et je peux vous la remettre, pour déterminer si les routes représentent un obstacle aux oiseaux qui les survolent.

Quatrièmement, des organismes représentant plus d'un million de Canadiens ont adopté des résolutions demandant au gouvernement fédéral d'annuler les lignes directrices proposées pour les stations de ski. Cela annule les projets existants et menace la viabilité économique à long terme des stations de ski déjà établies. Cette résolution se trouve probablement dans votre documentation.

Cinquièmement, les ministres provinciaux responsables du tourisme ont tous demandé, en mai, de reporter l'étude du projet de loi C-27 en attendant la tenue de consultations sérieuses, auxquelles participeraient les administrations provinciales et territoriales ainsi que l'industrie du tourisme et le grand public. Ils ont demandé instamment qu'on établisse une structure officielle et, tout en reconnaissant, comme les stations de ski, l'importance des sciences de l'environnement et de l'écologie dans le processus décisionnel, ils ont insisté pour qu'on tienne également compte de données sociales et économiques.

Sixièmement, même si les stations de ski sont des concessions légales, le Comité de l'intégrité écologique sur l'avenir de nos parcs nationaux recommande que les concessions soient désignées à usage dérogatoire. Le comité propose qu'elles soient autorisées à poursuivre leurs activités et qu'elles soient traitées de façon équitable. Cependant, il a fait observer que, si les installations à usage dérogatoire ne sont plus rentables, ni populaires, ou si elles venaient à nuire à l'intégrité écologique, Parcs Canada devrait prendre des mesures pour les éliminer de façon permanente des parcs.

Septièmement, Marmot Basin, une petite station de ski de Jasper, a essayé pendant quatre ans, et en dépensant plus de 250 000 $, d'installer un téléphérique. Ce projet fait partie de son plan à long terme. Or, à ce jour, le téléphérique n'a pas encore été construit.

Huitièmement, les stations de ski des parcs nationaux qui veulent installer un nouveau téléphérique à l'intérieur de leurs limites approuvées, et selon leurs plans à long terme, doivent se soumettre, aux termes de la LCEE, au même genre d'étude environnementale que les centrales nucléaires.

Neuvièmement, Sunshine Village -- et M. Scurfield va vous en parler -- a déployé des efforts héroïques pour essayer d'adopter un plan à long terme et, à chacune des étapes, ses efforts ont été contrecarrés. Il a dépensé un million de dollars en poursuites judiciaires, et il n'a toujours pas de plan à long terme.

Dixièmement, plusieurs grands groupes environnementaux qui influencent la politique de Parcs Canada et qui ont été invités à participer aux tables rondes ont déclaré publiquement qu'ils voulaient faire disparaître les stations de ski des parcs.

Onzièmement, les stations de ski des parcs ont la plus faible densité de skieurs, mais des limites ont été ou seront imposées aux stations de ski, de façon autocratique et incompréhensible. La station du lac Louise doit respecter la même limite de 6 000 skieurs que celle de Marmot Basin, qui est trois fois plus petite.

Douzièmement, de nouveaux règlements sur le milieu sauvage vont être adoptés. Sur au moins 97 p. 100 du territoire des parcs nationaux des Rocheuses, l'accès du public sera interdit ou réduit au minimum.

Vous connaissez les sondages d'opinion. Ils sont généralement mal interprétés. Ils ne sont pas nuancés: voulez-vous tout éliminer dans les parcs, ou voulez-vous en faire un Las Vegas? Ce n'est pas ce que nous proposons. Nous pensons qu'une utilisation par le public dans des zones surveillées respectant l'intégrité écologique est possible. Nous devrions avoir une approche nuancée, pas radicale.

Vous avez peut-être entendu dire, cette semaine, qu'Alpine Canada est sur le point de ne pas pouvoir accueillir les compétitions de la coupe mondiale au lac Louise, à cause d'un petit massif d'arbres qui se trouve au milieu de la descente des hommes. Il y a eu des progrès sur le plan de la vitesse, et la Fédération internationale du ski a demandé que ces arbres soient enlevés. Alpine Canada a promis, parmi les mesures de compensation, de planter 1 000 arbres dans les parcs, en faisant appel à tous les élèves de la région dans le cadre d'un programme d'écologie.

Je viens d'apprendre que ce sera peut-être accepté mais, en général, on ne voulait pas que nous enlevions ce petit massif d'arbres. Il compte moins de 100 arbres et nous en replanterions 1 000. Cela aura pour conséquence de faire perdre à l'équipe nationale de ski les profits annuels de 500 000 $ que cette compétition lui procurerait, et de réduire de 40 p. 100 les programmes qu'elle offre particulièrement aux jeunes du pays.

Dans ce contexte, nous sommes très préoccupés par la nouvelle définition de «l'intégrité écologique», définition qui ne permet pas l'utilisation de nos parcs par le public, sauf de façon très élémentaire, et nous sommes très préoccupés par la qualité de la science, les groupes de défense des droits et l'utilisation estivale.

Ensuite, le projet de loi précise maintenant que «la préservation de l'intégrité écologique» est la première priorité de Parcs Canada. Nous sommes très inquiets de l'emploi des mots «ou le rétablissement». Nous croyons que ces mots vont prêter à différentes interprétations. Ils vont entraîner des procédures de plusieurs milliards de dollars pour interdire l'accès et les activités du public. Cela va entraîner des conflits, des poursuites judiciaires, des expropriations.

Je vais vous donner rapidement un exemple. J'ai participé plus tôt cette année au forum de Parcs Canada sur la planification des transports de Banff, au cours duquel des groupes de défense des droits ont plaidé en faveur du retrait de la route transcanadienne de Banff. Quand leur demande a été rejetée, ils ont demandé qu'on la recouvre au coût de près de 2 milliards de dollars. Cela s'est passé au cours d'une réunion officielle de Parcs Canada. Parcs Canada a répondu que cela coûterait cher.

Enfin, les scientifiques qui dictent les décisions dans notre parc ont demandé que des feux de circulation soient installés sur la route transcanadienne, à intervalles réguliers, pour que les animaux finissent par apprendre à traverser la route, et je rapporte des faits. Cela s'est passé au cours de consultations publiques sérieuses.

Tout comme l'Association for Mountain Parks Protection and Enjoyment, l'AMPPE, qui a comparu devant votre comité, nous désirons éliminer ces dangereux changements dans le texte de loi. Nous croyons que les Canadiens devraient avoir la possibilité de discuter des impacts. Les conséquences à long terme seront graves, même si elles ne sont pas très bien comprises.

À cette étape avancée du processus, nous exhortons le comité à approuver la proposition suivante de l'AMPPE:

Le ministre doit tenir compte des avantages, des informations et des activités récréatives dont peuvent profiter les visiteurs du parc et il doit établir un secrétariat des visiteurs pour contribuer à la gestion du parc et assurer que, dans le cadre de la préservation ou du rétablissement de l'intégrité écologique, les parcs continuent de répondre aux besoins des visiteurs et que les services existants soient maintenus à des niveaux convenables.

De plus, la National Park Ski Association demanderait instamment à votre comité sénatorial d'enjoindre la ministre du Patrimoine et Parcs Canada à prendre les mesures suivantes. Premièrement, commencer tout de suite à consacrer des fonds pour acquérir des connaissances et des capacités dans le domaine des sciences sociales et économiques, pas seulement dans les sciences biologiques. Deuxièmement, analyser et considérer les impacts sociaux et économiques durant le processus décisionnel. Troisièmement, entreprendre et effectuer des recherches quantitatives et qualitatives sur l'utilisation par le public pour déterminer combien de visiteurs fréquentent nos parcs, où ils vont, et ce qu'ils font. Nous n'avons actuellement aucun renseignement à ce sujet, seulement des évaluations. Quatrièmement, intégrer officiellement les incidences de l'utilisation par le public dans le processus décisionnel de Parcs Canada, à tous les niveaux. Cinquièmement, travailler en collaboration avec les exploitants de station de ski pour faire de leurs concessions des exemples édifiants de l'utilisation par le public et de l'excellence environnementale, de manière à ce que les visiteurs puissent, toute l'année, en apprendre davantage sur la beauté, le patrimoine et les valeurs de nos parcs nationaux.

Les exploitants et le personnel de la National Park Ski Area Association sont de fervents écologistes. Nous souhaitons tous que l'intégrité écologique puisse être maintenue sans sacrifier la pratique encore non limitée d'activités récréatives, dans un très petit secteur de nos parcs nationaux des Rocheuses, qui occupe, comme je l'ai déjà dit, deux millièmes du territoire.

Nous voulons collaborer, mais nous continuons vivement de craindre que, dans quelques décennies, si le programme de rétablissement écologique est mis en oeuvre, nous ne serons plus là pour le faire. Les Canadiens auront perdu.

C'est ce qui fait la grandeur de notre pays et nous vous encourageons à prendre les mesures que nous avons recommandées aujourd'hui.

Je vais céder la parole à M. Scurfield. M. Scurfield a été désigné l'employeur de l'année au Canada pour ce qui est de l'embauche de jeunes. Il a créé presque 1 000 emplois par année pour permettre à de jeunes Canadiens d'apprendre et de travailler dans nos parcs.

M. Ralph D. Scurfield, président-directeur général, Sunshine Village: Madame la présidente, honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de m'adresser à votre comité au sujet du projet de loi C-27. Je suis déjà venu témoigner une fois, il y a environ 12 ans, au moment où la loi a été modifiée, en 1988. J'habite à Banff depuis longtemps, en fait, depuis presque vingt ans. À l'instar de la plupart des résidents du parc, je suis un écologiste convaincu.

Au cours des vingt dernières années, j'ai eu connaissance d'une attaque concertée des droits de bail et des droits contractuels accordés à notre entreprise par Sa Majesté du chef du Canada. Cette attaque s'est avérée constante de la part des gens désireux de limiter énormément, voire d'éliminer, toutes les activités humaines dans le parc. Cette attitude est contraire à la raison d'être même des parcs. En fait, les parcs ont été préservés et protégés pour que les générations actuelles et futures de Canadiens puissent les utiliser et en profiter.

La Loi sur les parcs nationaux dispose que:

Les parcs sont créés à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances; ils doivent être entretenus et utilisés [...] de façon à rester intacts pour les générations futures.

Comme il y a un équilibre entre l'utilisation actuelle et l'utilisation future des parcs, on a tendance à insister sur l'aspect protection, et c'est bien.

En 1988, une modification a été apportée et le concept d'intégrité écologique a été ajouté. La préservation de l'intégrité écologique devait être la priorité absolue dans un plan de gestion, pour ce qui est du zonage et de l'utilisation du parc par les visiteurs.

Depuis la modification de 1988, il y a eu de nombreuses études et mesures, dont l'étude de la vallée de la Bow, le programme de planification des quatre parcs des Rocheuses, le plan de gestion du parc national Banff et sa mise à jour de cinq ans, terminée en 1994. Il y a eu la commission sur l'intégrité écologique et un nombre incalculable d'études de sites réalisées en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Pendant cette période, il y a eu un resserrement constant des droits des citoyens de profiter et d'utiliser leurs parcs. Néanmoins, les parcs ont toujours eu pour vocation d'être à la fois une source d'agrément et un lieu de conservation.

Les quatre parcs contigus des Rocheuses, c'est-à-dire les parcs Banff, Jasper, Yoho et Kootenay, couvrent une superficie de plus de 20 000 milles carrés, qui chevauchent la frontière entre l'Alberta et la Colombie-Britannique. Ils s'étendent sur un territoire environ quatre fois plus grand que de l'Île-du-Prince-Édouard et à peu près deux fois plus petit que la Suisse. Les études précitées ont permis de faire le zonage de cette région. Le système de zonage ainsi établi prévoit différents niveaux de protection. Il existe une zone de conservation spéciale pour les secteurs à risques élevés où les installations et les ressources sont très particulières, comme dans le cas des schistes de Burgess, qui constituent un dépôt fossile archéologique extraordinaire.

La zone II, ou zone de l'état sauvage, représente 93 p. 100 des parcs, et uniquement les services les plus élémentaires, comme des sentiers et des abris rudimentaires, y sont permis. Cette zone est intégrée dans la loi.

La zone III est une zone tampon. Elle désigne un milieu naturel, sorte de transition entre la zone de l'état sauvage et la zone des stations de ski, plus précisément la zone IV, réservée aux activités récréatives de plein air. C'est là que nous en sommes.

La zone réservée aux activités récréatives de plein air représente moins de 1 p. 100 du parc. Elle comprend d'importantes emprises, notamment la route transcanadienne, la 93, les stations de ski et d'autres installations, comme au lac Minewanka. C'est ce qu'on appelle l'avant-pays, c'est-à-dire la très petite portion des parcs que la plupart des visiteurs fréquentent.

Enfin, il y a la zone V, qui comprend la municipalité de Banff, le village du lac Louise et la municipalité de Jasper, et qui constitue une autre zone de forte utilisation.

Permettez-moi de vous retracer un peu l'historique de Sunshine qui remonte relativement assez loin par rapport à ce que l'on voit habituellement dans l'Ouest canadien. C'est le Canadien Pacifique qui a créé Sunshine en 1928; c'était alors une maisonnette pour randonneurs. Des entrepreneurs locaux et des guides se sont rapidement rendu compte des possibilités qu'offrait la région en matière de loisirs et sports d'hiver. Les activités de ski qui ont commencé au début des années 30 sont à l'origine de la station de ski.

Aujourd'hui, les stations de ski sont considérées comme étant la pierre angulaire du tourisme d'hiver, d'après le plan de gestion d'avril 1997 du parc national de Banff. Le but de ce plan était d'avoir une stratégie pour l'utilisation des stations de ski l'été et l'hiver et cette stratégie devait appuyer la viabilité à long terme des pistes de ski tout en minimisant l'impact sur l'intégrité écologique.

Par conséquent, nous sommes une pierre angulaire du tourisme d'hiver et notre viabilité à long terme doit être appuyée. Le fait d'être une pierre angulaire du tourisme d'hiver a été confirmé par une étude récente de PriceWaterhouseCoopers, d'après laquelle l'activité économique générée par les stations de ski des montagnes Rocheuses de l'Alberta équivaut à 771 millions de dollars. Cela comprend toutes les retombées -- hôtellerie, restauration et autres activités. Les taxes dont bénéficie le gouvernement fédéral sont estimées à elles seules à plus de 81 millions de dollars.

Dans les trousses qui vous ont été remises se trouvent des photos de certaines installations qui permettent de démontrer et d'illustrer certains des problèmes auxquels nous avons été confrontés. J'ai inclus l'horrible photo d'une tente et d'une roulotte; ces deux installations nous permettent de fournir certains services d'accueil. Nous ne pouvons pas construire de bâtiment, ce qui pose un grave problème.

En ce qui concerne le Pavillon Goat's Eye, je dois dire qu'il a été initialement approuvé dans le cadre d'un plan à long terme datant de 1978. Il a de nouveau été approuvé par le directeur général des parcs en 1986 et approuvé avec quelques modifications en 1992 par le ministre de l'époque. Toutefois, diverses études ont eu pour effet le rejet des impacts ou des approbations.

J'aimerais m'attarder sur des approbations particulières qui ont découlé de tout ceci. En 1993, une décision relative à l'examen a été préparée par M. Charlie Zinkan, qui était alors directeur du parc, et par M. Bruce Lesson, agent environnemental en chef, à propos de Goat's Eye. Cette décision renfermait ce qui suit:

Les impacts environnementaux que l'on prévoit découler de l'aménagement proposé de Goat's Eye Mountain pour le ski à Sunshine sont insignifiants ou peuvent être atténués par des moyens technologiques connus [...]

La décision concluait qu'il serait bon d'approuver la proposition relative à Goat's Eye de Sunshine Village.

À cette époque, le projet comportait trois phases. Seule la première a été réalisée. Trois téléphériques et un pavillon étaient prévus. Toutefois, seule la première phase a été réalisée. Des installations temporaires ont été mises en place pour fournir des services d'accueil et nous n'avons jamais pu en faire plus à ce sujet à cause des diverses poursuites intentées par la CPAWS contre le gouvernement fédéral.

Un comité ACEE a été mis sur pied pour régler les poursuites intentées par les groupes environnementaux. Au bout de nombreuses années, le comité a été aboli puisqu'il était manifestement injuste. En effet, il était injuste de soumettre une zone approuvée, mise de côté par le gouvernement, prévue pour le ski, au même genre d'examen approfondi qu'un nouveau grand projet comme la mine de diamants des Territoires du Nord-Ouest.

Les exemples ne manquent pas et j'en ai versé dans votre trousse. La saga du pavillon a été très difficile à vivre. Ainsi, pas plus tard que l'année dernière, M. Tom Lee, PDG des parcs, m'a envoyé une lettre dans laquelle il déclare que le projet du pavillon peut être envisagé en vertu des règles transitoires et il me demande de travailler avec M. Zinkan. On nous avait dit que l'on pouvait présenter le projet du pavillon qui serait assujetti à un examen environnemental préalable -- ce, malgré le fait que quelques années plus tôt, M. Zinkan et M. Leeson avaient signé le projet en déclarant que les impacts environnementaux étaient insignifiants.

Nous avons fait un autre examen tout en observant les paramètres qui nous ont été fixés. Nous étions en plein dans ce processus lorsque, en mars dernier, nous avons reçu une lettre nous indiquant que plusieurs organisations avaient fait part de leurs inquiétudes à Parcs Canada au sujet de cette proposition. Le projet a donc été mis en suspens.

Plus tard dans l'année, nous avons reçu copie d'une lettre adressée par M. Leeson à l'ACEE indiquant qu'une erreur avait été commise, que le niveau d'examen n'était plus acceptable et qu'une étude plus complète s'imposait. Une étude complète a permis la construction d'un pipeline traversant trois provinces et plusieurs rivières dont je ne connais pas le nombre. Il s'agit du même M. Leeson qui, quelques années auparavant, avait approuvé le projet. Le processus n'est pas ouvert ni transparent et la confusion continue de régner.

Je peux vous donner un autre exemple typique de certains des problèmes à Sunshine. Je vous ai remis une carte. On ne peut accéder à Sunshine que par télécabine. À ma connaissance, Sunshine est la seule station de ski en Amérique du Nord qui dépende d'un seul téléphérique. Il est possible de faire du ski sur plusieurs montagnes à Sunshine, mais il n'y a qu'un seul moyen d'accéder à la station de ski à partir du terrain de stationnement. Le téléphérique est bon, fiable, lent et régulier. Le problème, c'est que tout le monde souhaite arriver entre 8 h 30 et 10 heures du matin. La capacité du téléphérique n'est pas suffisante et s'il y avait une panne, on ferait faillite.

Plus important encore, la télécabine vieillit, puisqu'elle a maintenant 20 ans. La situation n'est pas aussi grave que celle des hélicoptères Sea King, mais l'entretien à assurer est phénoménal. On ne peut pas simplement appeler l'usine et demander des pièces, tout doit être fait sur mesure. Je ne peux pas aller au magasin Canadian Tire me procurer telle ou telle pièce. Il faut se reporter aux bleus d'il y a 20 ans et demander aux fabricants de nous fabriquer les pièces voulues. Il est de plus en plus difficile d'assurer l'état de marche du téléphérique. Un téléphérique parallèle a toujours été prévu dans notre plan.

Par conséquent, d'un côté, le zonage prévu est celui d'une station de ski, le bail que nous avons est à long terme mais, de l'autre côté, nous sommes constamment attaqués par ceux qui sont contre l'usage humain du secteur ou peut-être veulent-ils s'en réserver l'usage exclusif.

Selon les termes de notre bail, si le service n'est pas satisfaisant, le gouvernement peut nous ordonner d'apporter des améliorations. Si nous ne le faisons pas, il peut accorder des permis ou des baux à d'autres qui seront alors chargés d'apporter ces améliorations. On peut donc se faire dire d'améliorer les choses. On nous demande d'offrir une station de ski de premier ordre, chose que nous ne pouvons pas faire. Nous sommes une pierre angulaire du tourisme d'hiver; nous faisons venir des visiteurs dans notre pays, pour qu'ils découvrent les emblèmes du Canada que sont nos parcs nationaux. Qu'ils viennent d'Europe, d'Amérique ou d'ailleurs, leur première impression du Canada -- et peut-être la seule -- c'est l'aéroport de Calgary et le parc national de Banff. Je ne crois pas que l'on veuille qu'ils repartent en pensant que le Canada ressemble à un pays du tiers monde avec des toilettes portatives. Nous voulons des installations de première classe qui soient représentatives des parcs nationaux.

J'aimerais soulever deux points particuliers du projet de loi au sujet desquels je demande respectueusement que vous envisagiez des amendements. Le comité des Communes a apporté un amendement à l'article relatif à l'intégrité écologique. Les mots «préservation ou rétablissement» ont été ajoutés. Cette disposition nous préoccupe beaucoup. Des avocats nous ont indiqué que chaque fois qu'un bail doit être renouvelé dans un parc national, les mots «ou rétablissement» vont donner lieu à des contestations judiciaires. Le mot «rétablissement» signifie en fait «suppression des installations.»

Les avocats nous ont dit que les organisations environnementales iront probablement en cour chaque fois qu'un bail sera renouvelé, prétendant que le ministère n'a pas envisagé la suppression de ces installations comme il l'aurait fallu. Par conséquent, ce libellé nous paraît très dangereux et nous en recommandons la suppression. La préservation de l'intégrité écologique ne pose aucun problème, contrairement au rétablissement.

Le second point que j'aimerais aborder est le suivant: dans la loi actuelle, à l'article 8.3 -- je crois qu'il s'agit de l'article 36 dans le projet de loi -- il est fait spécialement mention des stations de ski. Il ne peut pas y avoir de nouvelles stations de ski. Les quatre stations de ski qui existent sont autorisées et sont indiquées en annexe. Toutefois, à cause de l'incessante controverse au sujet de notre respect ou de notre non-respect -- et nous respectons le zonage, nous respectons notre bail, nous respectons la Loi sur les parcs nationaux -- nous proposons d'apporter l'amendement ci-dessous à l'article traitant des stations de ski:

Malgré toute loi du Parlement, l'utilisation des terres domaniales, désignées stations de ski commerciales et décrites à l'annexe 5, est autorisée et doit être considérée comme une utilisation autorisée dans le parc dans lequel elles sont situées. Elles ne doivent pas être déclarées comme constituant une réserve intégrale en tout ou en partie en vertu de la présente loi.

Il s'agit de très petites zones du parc qui ont été prévues pour l'usage humain, conformément à l'objectif premier de la Loi sur les parcs et nous aimerions que l'article relatif aux stations de ski soit renforcé pour reconnaître cet usage autorisé.

Le sénateur Kenny: Bienvenue, monsieur Cotton et monsieur Scurfield. Pourriez-vous me dire à combien de reprises au cours des 10 dernières années les règles ont été changées -- y compris ce projet de loi -- en ce qui concerne votre processus de planification?

M. Scurfield: Cela arrive régulièrement et je ne peux pas vous en dire le nombre. La correspondance sur le pavillon est un cas typique. Cela s'est produit à d'innombrables reprises, monsieur.

Le sénateur Kenny: Comment vous avertit-on de ces changements?

M. Scurfield: Parfois, nous recevons une lettre. Il arrive aussi que nous ne soyons même pas informés ou que nous l'apprenions par le journal; nous nous dépêchons alors de demander de comparaître devant un comité comme celui-ci. Le processus est très obscur, rien n'est clair ou transparent.

Le sénateur Kenny: Je ne suis pas sûr, après avoir entendu votre mémoire, monsieur Scurfield, si vous avez fait quoi que ce soit une fois que vous avez reçu l'approbation initiale donnée par M. Leeson et M. Zinkan. Vous avez simplement dit au comité que l'approbation avait été signée. Une fois l'approbation signée, avez-vous commencé à dépenser de l'argent ou à construire quelque chose?

M. Scurfield: Oui, une fois l'approbation reçue, nous avons dégagé des pistes de ski et procédé à la première phase, soit le télésiège de la piste Goat's Eye.

Le sénateur Kenny: Ce qui a été approuvé.

M. Scurfield: Oui. Il y a eu bien entendu des poursuites. Comme je l'ai dit, les groupes environnementaux ont essayé de nous en empêcher, mais au bout du compte la décision a été ratifiée à la Cour fédérale. Toutefois, à cause des retards que nous avons connus cette première année, nous n'avons pas pu construire de bâtiment permanent adéquat, si bien que nous avons utilisé une roulotte. On pensait que cet arrangement ne durerait qu'une année. Cinq ans plus tard, la roulotte est toujours là et on nous a permis d'ajouter une tente temporaire.

Le sénateur Kenny: Par conséquent, les gens montent jusqu'à mi-pente et tombent sur une roulotte et une tente.

M. Scurfield: Et des toilettes portatives, monsieur.

Le sénateur Kenny: Il me semble que vous parlez ici d'un plan qui se compose de trois phases.

M. Scurfield: Cela devait se faire en trois phases. Il s'agit simplement d'une petite partie des plans de la station de ski. Ces plans étaient censés être pluriannuels, car les baux couraient sur 42 ans.

Le sénateur Kenny: Vous avez obtenu l'approbation des trois phases.

M. Scurfield: Oui.

Le sénateur Kenny: Est-ce que la première dépendait des suivantes? Les phases sont-elles reliées les unes aux autres?

M. Scurfield: Les phases sont toutes reliées les unes aux autres, oui.

Le sénateur Kenny: Vous avez donc procédé à la première phase du plan et ensuite que vous a-t-on dit?

M. Scurfield: Nous avons procédé à la première phase du plan, puis on nous a dit que la deuxième phase ne pouvait pas se faire car d'autres études s'imposaient, même si l'approbation avait déjà été signée.

Le sénateur Kenny: Qu'est-il advenu de l'installation?

M. Scurfield: L'installation reste temporaire, non terminée. Comme je l'ai dit, le service à la clientèle n'est pas un service de qualité. Les installations sont encombrées et les gens doivent faire la queue pour des toilettes inadéquates. C'est embarrassant.

Le sénateur Kenny: Vous avez parlé de la télécabine. Si je comprends bien, la télécabine est essentiellement la seule voie d'accès à la station de ski.

M. Scurfield: Oui.

Le sénateur Kenny: Si on ne prend pas la télécabine, on n'a pas accès aux téléphériques.

M. Scurfield: C'est effectivement la seule voie d'accès aux téléphériques.

Le sénateur Kenny: Vous avez dit que la télécabine date de 20 ans et que vous voulez en avoir une autre, parallèle à la première. Allez-vous le faire à un endroit différent ou allez-vous suivre le même chemin?

M. Scurfield: La deuxième sera installée dans l'emprise actuelle. J'ai inclus ici une carte représentant notre zone de concession. C'est un terrain de forme amusante qui ressemble à un ballon au bout d'une ficelle. Il y a la voie d'accès et ensuite le terrain s'élargit pour constituer la station de ski. Ce que vous voyez au milieu, c'était la station Goat's Eye où trois téléphériques sont indiqués. Un seul a été construit.

Le sénateur Kenny: Les trois avaient été approuvés?

M. Scurfield: Oui. Cela faisait partie d'un document de Parcs Canada préparé dans le cadre du processus de planification de 1986 à 1990. On y trouve les téléphériques existants et approuvés ainsi qu'un téléphérique parallèle suivant le même chemin que la télécabine, dans la même emprise.

Le sénateur Kenny: En 1986, une deuxième télécabine avait donc été approuvée.

M. Scurfield: Oui.

Le sénateur Kenny: Quelle distance y aurait-il entre les deux télécabines? Je peux voir le tracé sur la carte, mais l'écartement est-il plus large que cette pièce?

M. Scurfield: Non. Une serait ici, l'autre serait à ce mur.

Le sénateur Kenny: Vous avez déjà un téléphérique le long de ce mur et vous en voulez un autre parallèle le long de celui-ci.

M. Scurfield: Dans la même emprise, effectivement.

Le sénateur Kenny: Quelle est la position de Parcs Canada à cet égard?

M. Scurfield: La position de Parcs Canada n'est pas claire. À l'heure actuelle, M. Leeson, de Patrimoine canadien, considère qu'un téléphérique parallèle ne peut pas être envisagé tant que nous n'avons pas un nouveau plan à long terme, mais là encore, c'est une situation sans issue: on ne peut pas avoir de nouveau plan à long terme, car il n'y a pas de directives sur la station de ski. Il ne semble pas y avoir de solution en vue. En fait, les approbations que nous avions obtenues dans le cadre de notre bail et par le gouvernement, par Sa Majesté la Reine, ont été annulées.

Le sénateur Taylor: Vous parlez d'un téléphérique parallèle. N'y a-t-il pas de route? Il y a toujours eu une route.

M. Scurfield: C'est une route praticable l'été seulement.

Le sénateur Taylor: La route n'est-elle pas utilisée l'hiver?

M. Scurfield: Non, c'est une piste de ski pendant l'hiver.

Le sénateur Kenny: Quelles sont les plaintes formulées par les groupes environnementaux au sujet de cette deuxième télécabine à cet endroit-là?

M. Scurfield: Les plaintes environnementales ne sont pas fondées scientifiquement. Il y a beaucoup de plaintes d'ordre philosophique, à propos de l'usage des parcs et des satisfactions qu'ils procurent.

Le sénateur Kenny: Monsieur Scurfield, si l'on partait de zéro et si l'on créait des parcs comme ceux que crée ce projet de loi, je ne pense pas que quiconque au comité serait en faveur de pistes de ski. Nous avons également vu l'étude sur Bow Valley qui souligne les pressions exercées sur le parc. D'après cette étude, d'ici 20 ans, le parc ne va plus être tel que nous le connaissons aujourd'hui et il faut donc prendre des mesures pour atténuer les pressions qui sont exercées sur le parc. Cela nous amène à nous demander pourquoi il faudrait avoir des pistes de ski à cet endroit-là. Ne vaudrait-il pas mieux arriver à une entente qui vous dédommagerait des investissements que vous avez effectués? La même chose s'appliquerait aux autres pistes de ski dont M. Cotton a parlé, ce qui nous permettrait de ramener cette zone à l'état sauvage. Qu'en pensez-vous?

M. Scurfield: D'abord, si l'on partait de zéro, la transcanadienne ne traverserait sans doute pas le parc. L'autoroute existerait, mais elle ne traverserait pas le parc. Les États-Unis, qu'on utilise parfois à titre de comparaison, appliquent un système différent pour catégoriser les terres. Leurs parcs nationaux sont considérés comme des «forêts nationales», une désignation qui leur permet d'en faire un usage différent. Au Canada, nous utilisons des plans de zonage dans les parcs. Au lieu de créer des terres de catégorie différente, nous aménageons des routes et des stations de ski dans la forêt naturelle.

Pourquoi avoir des pentes de ski dans ces parcs? Au Canada, c'est dans les Rocheuses qu'on trouve certaines des meilleures pentes de ski. Ce sont des endroits fantastiques. Sunshine reçoit plus de 30 pieds de neige par année. Pour ce qui est de l'impact sur l'environnement, les gens fréquentent la station Sunshine l'hiver, quand les animaux descendent dans la vallée. Ceux-ci n'hivernent pas sous 30 pieds de neige. Ils descendent dans la vallée, où ils peuvent s'approvisionner en eau et en nourriture. C'est là que vont les gibiers. Les carnivores, eux, hivernent ou descendent dans la vallée. Par conséquent, l'impact sur l'environnement n'est pas aussi important que le laissent entendre les détracteurs.

Pour répondre à votre question au sujet de l'expropriation ou du dédommagement, je trouverais raisonnable que le dédommagement soit fonction du principe de la continuité de l'exploitation, et non de la valeur comptable nette des installations, parce que celles-ci sont déjà en place. On ne peut pas les déplacer ou les démonter. Leur valeur de récupération diminuerait si on faisait cela.

Or, ce qui m'apparaît juste, à moi, peut représenter une perte énorme pour les Canadiens. Nous fournissons des activités récréatives. La société étant de plus en plus urbanisée, il est important que les gens puissent aller se promener dans la forêt et en jouir. Ce n'est pas tout le monde qui peut faire 20 mille dans l'arrière-pays -- certains n'ont pas le temps, d'autres en sont physiquement incapables ou ne connaissent pas bien la montagne. Nous offrons aux gens la possibilité de profiter de la beauté de nos parcs nationaux dans un milieu sûr, agréable et propre. Je suis peut-être d'accord avec le principe de l'expropriation et du dédommagement, mais je ne crois pas que cette approche soit juste vis-à-vis des Canadiens, qui perdraient une source d'activité récréative.

Le sénateur Kenny: Monsieur Scurfield, votre installation me semble plutôt complexe. D'après cette photo, elle n'a rien d'un site naturel. Si l'on tient compte du tracé du parc, vous devez soit trouver un moyen de vous débarrasser des bureaucrates afin de pouvoir transformer l'installation en station de premier ordre et permettre aux gens d'en jouir, soit quitter les lieux et ramener la zone à l'état sauvage. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

M. Scurfield: Vous avez tout à fait raison. Nous sommes devant un dilemme, et nous ne pouvons pas exploiter le parc comme nous le voulons. Ou vous nous permettez de le faire, et nous ferions quelque chose dont les Canadiens seraient fiers, ou vous nous dites de partir, que vous ne voulez pas de pentes de ski dans le parc.

Encore une fois, je suis d'accord avec le principe de l'expropriation, mais cela ne serait pas à l'avantage des Canadiens. Les Albertains seraient privés d'activités récréatives. Les Canadiens seraient privés d'emplois, de sources de revenu, de la possibilité de jouir des hautes montagnes et de vivre une expérience qui favorise le renouveau de l'âme et de l'esprit. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles les parcs nationaux ont été préservés.

M. Cotton: Si vous voulez ramener les parcs à l'état sauvage et empêcher les Canadiens d'en profiter, et je fais allusion ici aux parcs des Rocheuses, alors la meilleure façon d'y arriver, c'est d'interdire le ski. Le ski se pratique pendant les mois d'hiver, lorsque le nombre de visiteurs dans les parcs est à son plus bas. Les gens viennent surtout pour faire du ski, sauf que les parcs n'accueillent que 25 p. 100 environ de visiteurs l'hiver. Toutefois, ces visiteurs font tourner l'économie à l'année. Ils permettent aux fournisseurs de services de rester en activité toute l'année. Le fait d'interdire le ski permettrait, certes, de ramener les parcs à l'état sauvage, mais cela empêcherait les Canadiens de profiter de leur beauté. Mentionnons que 1 p. 100 seulement de la superficie des parcs est accessible au public.

La présidente: Est-ce que ce 1 p. 100 englobe les stations de ski qui existent dans les parcs?

M. Cotton: Les stations de ski occupent, dans les deux seuls parcs où elles existent, 2/1 000 de la superficie de ceux-ci.

La présidente: Je ne parle pas uniquement des parcs, mais de toutes les stations de ski qui se trouvent en Colombie-Britannique et en Alberta. Est-ce à cela que vous faites allusion? Je veux que les choses soient bien claires.

M. Cotton: Il y a des stations de ski dans deux parcs nationaux, soit Banff et Jasper. Elles occupent 2/1 000 de la superficie, en vertu du contrat de location légale.

La présidente: Vous faites uniquement allusion au parc national Banff?

M. Cotton: Je fais allusion et à Banff et à Jasper. Pour ce qui est des quatre parcs des Rocheuses, probablement moins de 1/1000 de la superficie est accessible aux visiteurs.

Le sénateur Christensen: J'aimerais clarifier deux choses. Quand vous avez entrepris ce projet, vous aviez un plan d'aménagement à long terme qui avait été approuvé par Parcs Canada.

M. Scurfield: Oui. Sunshine Village existe depuis longtemps, et il a fait l'objet de plusieurs contrats de location. Quand j'ai commencé à participer au projet, il y avait déjà un plan d'aménagement à long terme qui avait été approuvé par Parcs Canada. Or, ce plan a, petit à petit, perdu de sa validité en raison de l'introduction de diverses mesures législatives qui ont eu un impact indirect sur celui-ci. Voilà pourquoi je demande que le projet de loi soit clarifié. Autrement dit, si l'on veut préciser dans la loi qu'il n'y aura que quatre stations de ski et qu'aucune autre station ne sera créée, alors précisons également dans celle-ci que ces stations de ski feront l'objet d'une utilisation intensive qui aura différents impacts sur l'environnement.

Le sénateur Christensen: On a graduellement réduit la portée du plan à long terme qui a été approuvé à l'origine. Vous dites que vous ne pouvez plus aller de l'avant avec ce plan dans certains cas.

M. Scurfield: Oui. C'est une mort lente et agonisante.

Le sénateur Christensen: Vous avez dit que la télécabine est désuète et que vous voulez en installer une autre. Est-ce que vous comptez remplacer l'ancienne télécabine, ou en ajouter une deuxième?

M. Scurfield: Nous avions prévu installer deux télécabines pour plus de fiabilité, parce que même si vos appareils sont en bon état et bien entretenus, il y aura toujours des ratés. Nous sommes la seule station de ski en Amérique du Nord, si ce n'est dans le monde, à n'avoir qu'une seule télécabine.

Le sénateur Christensen: Cette télécabine vous permet d'avoir accès au parc. Si vous en aviez deux, est-ce que cela vous permettrait tout de même de respecter les objectifs du plan à long terme pour ce qui est du nombre de personnes qui auraient accès à la station?

M. Scurfield: Oui.

Le sénateur Adams: C'est un plaisir de vous revoir, monsieur Scurfield. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, c'était au lac Louise, il y a plus de dix ans de cela. À l'époque, il n'y avait qu'une seule façon d'avoir accès au terrain de stationnement, et c'était par autobus. Est-ce que c'est toujours le cas aujourd'hui?

M. Scurfield: Oui.

Le sénateur Adams: Vous m'aviez dit, la dernière fois qu'on s'est rencontrés, que vous aviez présenté une demande en vue d'obtenir l'autorisation de construire un terrain de stationnement. Vous faites la même demande depuis plus de 20 ans.

M. Scurfield: Sur ce point, nous avons fini par dire que nous souhaitions tout simplement avoir l'autorisation de construire ce qui avait déjà été approuvé.

Le sénateur Adams: D'après votre analyse, savez combien de personnes visitent le parc à des fins récréatives, sans y pratiquer le ski? Savez-vous combien de personnes visitent le parc dans le simple but de profiter du paysage, et pour y faire du ski? Que se passera-t-il si l'on ferme toutes les pentes de ski à Banff? Que feront les gens qui vivent dans la région si vous fermez les pentes de ski?

M. Scurfield: Le ski est l'activité qui attire le plus de visiteurs dans le parc, l'hiver. Autrement, il n'y aurait pas beaucoup de gens qui s'y rendraient. Plus important encore, presque tous les gens qui fréquentent le parc ne visitent que ce que nous appelons l'avant-pays. Il y en a très peu qui visitent l'arrière-pays. Or, à mon avis, si les stations de ski fermaient, les parcs ressembleraient, l'hiver, à des mausolées. Personne ne s'y rendrait. La transcanadienne y serait toujours, mais elle disparaîtrait s'il n'en tenait qu'aux écologistes extrémistes. Je ne vois pas ce que la fermeture de ces installations nous apporterait.

M. Cotton: Parcs Canada est incapable de nous dire combien de gens visitent les parcs, ce qu'ils font et l'impact qu'ont leurs activités sur les parcs. Très peu d'études ont été réalisées sur le sujet. À l'heure actuelle, deux fois par années, à Banff, on installe des dispositifs enregistreurs sur la route pour calculer le nombre de personnes qui visitent le parc pendant une période donnée. On utilise ensuite un modèle pour déterminer le nombre de personnes qui s'y rendraient sur une base annuelle. Comme vous le savez, cette route est la principale voie d'accès à la Colombie-Britannique. Ils n'ont aucune idée de ce que les gens font dans les parcs. Comme je l'ai mentionné, il faut encourager Parcs Canada à entreprendre des études sur l'impact qu'ont les activités des visiteurs sur les parcs. Il doit exister une foule de renseignements à ce sujet.

L'étude de Banff-Bow Valley, à laquelle vous avez fait allusion à plusieurs reprises, devait porter sur trois volets: les impacts sociaux, économiques et écologiques. Les impacts sociaux et économiques n'ont jamais été évalués, ce qui fait que l'étude est incomplète.

Le sénateur Adams: Je ne sais pas combien de skieurs fréquentent l'endroit. J'ai fait du ski deux fois au lac Louise, et j'en fait aussi à Whistler, en Colombie-Britannique. J'ai bien aimé l'expérience. J'avais l'habitude, l'hiver, de passer chaque fin de semaine au mont Tremblant, au Québec. À un moment donné, on a construit un nouvel hôtel au bas de la piste. Je n'étais pas bon skieur à l'époque et j'ai failli rentrer dedans. Il y a eu beaucoup de changements au cours des dernières années.

Est-ce que la politique d'aménagement est différente au Québec? J'imagine que vous connaissez bien le mont Tremblant. Au cours des dernières années, on y a construit beaucoup de condominiums, ainsi de suite. Est-ce que les choses sont restées les mêmes au lac Louise et à Banff au cours des dix dernières années?

M. Scurfield: Rien de majeur n'a été construit à Sunshine Village au cours des 20 dernières années. Bien sûr, on ne peut pas construire des condos dans les parcs nationaux. Nous sommes considérés, avant tout, comme un centre d'utilisation diurne, et les gens restent à Banff ou encore viennent de Calgary ou de Canmore pour y passer la journée. Ce genre de développement intensif ne nous intéresse pas. Nous voulons être en mesure de mettre en oeuvre le plan que nous avons établi, de fournir des installations de premier ordre qui feront la fierté des Canadiens et que les visiteurs internationaux qualifieront d'exceptionnelles. Nous ne voulons pas construire des condos ou entreprendre des projets de développement intensif.

Le sénateur Finnerty: Votre exposé était fort intéressant. Avez-vous eu l'occasion de faire affaire avec des gens sensés?

M. Scurfield: Non. Il y a des gens fort compétents qui travaillent pour Parcs Canada, mais ils évoluent dans une bureaucratie qui, parfois, les empêche de faire ce qu'ils veulent. Il y a des gens fort compétents. Charlie Zinkan est un excellent gestionnaire de parc, mais il trouve que Parcs Canada cherche toujours à satisfaire les groupes de pression, les extrémistes.

Le sénateur Banks: J'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer. Dans une lettre adressée au président de la Fédération internationale de ski, Sheila Copps déclare que, à la suite de la tenue d'une consultation publique de deux semaines, comme le prévoit la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, elle va accepter qu'on enlève les arbres qui obstruent la piste de course, dans l'intérêt de la sécurité des skieurs de compétition.

Monsieur Scurfield, nous avons entendu le témoignage de ceux que vous qualifiez de -- quelle était l'expression que vous avez utilisée?

M. Scurfield: «Écologistes extrémistes». Je pourrais utiliser des termes plus durs, mais je vais éviter de le faire.

Le sénateur Banks: Ces mots sont déjà assez durs. Nous sommes parfaitement conscients des différends qui existent entre ceux qui utilisent les parcs nationaux comme je le fais depuis 1940, et ceux qui, souvent à juste titre, nous disent, «Écoutez, ce sont des parcs nationaux et certains sont surexploités.»

Ils nous ont dit, en réponse aux questions que nous leur avons posées, surtout en ce qui concerne les pistes de ski, qu'ils n'avaient pas l'intention de demander la fermeture des stations de ski. En fait, ils ont dit reconnaître que les stations de ski existantes -- et ils ont bien dit «existantes» -- faisaient partie du système écologique des parcs des Rocheuses. Ils ont accepté le fait que ces stations de ski vont continuer d'exister. J'aimerais avoir votre avis là-dessus. Est-ce que cela vous rassure?

M. Scurfield: Dans une certaine mesure, oui. Je sais qu'il y a des modérés dans le groupe. J'ai utilisé le terme «extrémiste» parce que bon nombre des activistes qui souhaitent qu'on remette les parcs à l'état sauvage sont ceux-là mêmes qui ont participé aux manifestations organisées dans le cadre du Congrès mondial du pétrole, qui ont obligé Calgary à fermer la moitié des rues de la ville. Ce sont des activistes professionnels.

Je ne trouve pas vos propos très rassurants, car les téléphériques sont des pièces d'équipement, et ces pièces doivent être remplacées au fur et à mesure qu'elles vieillissent. Or, s'ils veulent que les choses restent telles quelles, cela veut dire que, dans 20 ans, ces pièces d'équipement seront tellement rouillées que personne ne pourra les utiliser. Par conséquent, il faut moderniser l'équipement.

M. Cotton: Au nom de Skiing Louise, je tiens à vous faire comprendre que nous sommes des environnementalistes. Toutefois, nous n'aimons pas les choses sans nuances. Il y a toujours une zone grise. Cet hiver, Skiing Louise exploitera deux de ses principaux téléphériques à mi-régime parce que Parcs Canada a jugé que la station avait atteint son quota pour ce qui est du nombre de skieurs qu'elle pouvait accueillir. C'est ce que nous allons faire.

Nous n'avons pas le droit de nous adapter à la nouvelle tendance qui se manifeste. La croissance qu'a connue l'industrie du ski au cours de la dernière décennie vient essentiellement des néviplanchistes. Des jeunes qui, autrement, resteraient là à ne rien faire, ont embrassé le sport et c'est par dizaine de milliers qu'ils pratiquent la planche à neige toutes les fins de semaine. Or, Skiing Louise n'a pas le droit d'adapter ces installations pour accueillir des néviplanchistes parce que Parcs Canada a déterminé qu'elle avait atteint son potentiel de développement pour les années à venir.

Nous sommes des environnementalistes, point à la ligne.

Le sénateur Taylor: Vous avez dit, à juste titre, qu'une région aussi grande que la Suisse devait avoir des zones destinées à l'usage du public.

Vous vous rappelez sans doute que j'ai fait du ski à cet endroit, il y a de nombreuses années de cela, quand vous avez pris en charge la station. J'ai fait du ski avec votre père. Il n'y avait à l'époque que trois ou quatre téléphériques. Je suis certain que vous et tous les autres propriétaires de stations de ski à Norquay et lac Louise avez exercé des pressions en vue d'obtenir la permission de développer vos installations. La population de Calgary est passée, durant cette période, de 150 000 à près d'un million d'habitants. Cette pression existe donc toujours.

Quand allez-vous cesser d'agrandir vos installations? Autrement dit, allez-vous construire un téléphérique après l'autre? Je pense que les Canadiens ont le droit de savoir. C'est comme les immeubles d'habitation. Est-ce que la tour va compter 20 étages ou 40? Cela peut s'échelonner sur une longue période. Avez-vous atteint ce stade? Je suis certain que vous êtes revenu à la charge de nombreuses fois. Quand j'ai visité la station de ski la première fois, elle venait tout juste d'ouvrir. À quand la fin? Si vous étiez en mesure de nous le dire, vous pourriez peut-être mieux défendre votre cause et le public cesserait de penser que vous allez revenir à la charge tous les deux ou trois ans pour en obtenir un peu plus.

M. Scurfield: Sénateur Taylor, la question n'est pas d'étendre les frontières légales du parc, mais de favoriser le développement à l'intérieur de celles-ci. Nous ne voulons pas prendre de l'expansion. Toutefois, il se peut qu'on veille remplacer un télésiège biplace par un télésiège quadruple. On devrait pouvoir construire les installations prévues dans le plan à long terme qui a été approuvé il y a une vingtaine d'années, parce qu'il s'agissait bien d'un plan pluriannuel. Les terrains ont été mis de côté et zonés.

Dans l'exemple que vous donnez, vous pouvez construire des installations qui ont été autorisées. Tout le monde sait que c'est ce qui va se passer. Nous ne voulons pas doubler la superficie de la station ou autre chose du genre, mais nous voulons construire ce qu'on nous a dit qu'on pouvait construire quand nous avons obtenu notre bail.

Le sénateur Taylor: Est-ce que les frontières à l'intérieur desquelles vous pouvez exercer vos activités ont été modifiées au cours des 30 dernières années?

M. Scurfield: Les frontières que vous voyez ici ont été établies en 1981 quand le dernier bail pour Sunshine Village a été accordé. Les baux pour les installations situées dans les parcs nationaux ne sont accordés que pour une période de 42 ans. Sunshine Village, avant qu'il n'obtienne un bail à long terme, opérait au moyen d'une série de permis d'occupation et autres titres. C'est la description légale qui figure dans le bail que nous avons reçu de Sa Majesté, et les modalités n'ont pas changé.

Pour ce qui de la protection de l'environnement, nous agissons avec beaucoup de prudence. Nous utilisons des hélicoptères pour installer les télésièges afin d'éviter de construire des routes dans la zone alpine. Nous déplaçons en fait des bandes de gazon et nous les replantons. Nous prenons garde de préserver les plantes rares et de protéger la faune et la flore, et nous sommes fiers de ce que nous accomplissons.

Le sénateur Banks: Monsieur Cotton, vous avez fait allusion aux limites imposées au nombre de skieurs. Est-ce que vous, ou monsieur Scurfield, croyez qu'on devrait imposer de telles limites? Ensuite, quelle garantie pouvez-vous donner à la personne qui trouverait normal qu'on impose des limites, que l'augmentation du trafic au bas de la piste -- la capacité des téléphériques serait doublée par l'ajout d'une nouvelle télécabine -- n'exercerait pas de pression additionnelle sur les téléphériques en amont, ce qui amènerait tout exploitant sensé à dire, «J'ai deux fois plus de skieurs là-haut, donc j'ai besoin de deux fois plus d'équipements. J'ai besoin de plus d'espace, de plus de téléphériques»? Sommes-nous en train d'assister à une sorte de course aux armements?

M. Cotton: Permettez-moi de vous parler des trois autres stations de ski. Toutes les stations fonctionnent selon le principe de l'absence d'impacts nets sur l'environnement. Nous acceptons tous qu'on nous impose des quotas, mais de grâce, faisons en sorte qu'ils soient raisonnables. Transformons-les en normes. Par ailleurs, il a déjà été décidé que les parcs de stationnement dans les stations de ski ne seront pas agrandis. Cela fait partie des nouvelles lignes directrices.

Nous pouvons faire preuve d'innovation, trouver des solutions respectueuses de l'environnement, avoir recours à des autobus. Nous pouvons prendre de nombreuses mesures, mais à la condition qu'elles soient raisonnables.

Les stations de ski sont délimitées par des lignes de démarcation juridique. Elles ne veulent pas étendre leurs activités au-delà de celles-ci. Elles ne sont pas en faveur de l'expansionnisme. Elles veulent tout simplement développer le territoire qu'elles possèdent. Il n'est pas question ici de course aux armements. Tout ce que nous voulons, c'est qu'on nous laisse utiliser ces terres, ces régions naturelles, sans condos ni logements, pour que les Canadiens et les visiteurs puissent, au sommet du lac Louise, admirer des milliers et des milliers de kilomètres carrés d'espaces naturels dans toute leur splendeur. Voilà ce que nous voulons.

M. Scurfield: J'aimerais revenir à la question de la télécabine et du téléphérique parallèle. Le fait est que les skieurs arrivent à une certaine heure, habituellement à 9 heures. Ils veulent tous se retrouver au sommet de la montagne à 10 heures. À l'heure actuelle, nous avons des délais d'attente qui sont inacceptables. Nous aimerions être en mesure de mieux servir les skieurs. Encore une fois, pour revenir à ce qu'a dit M. Cotton, nous ne voulons pas entreprendre des projets de développement, mais seulement construire les installations qui avaient été approuvées et offrir à nos clients des services de premier ordre -- et cela n'englobe pas le fait de faire la queue pendant une demi-heure.

La présidente: Je vous remercie tous les deux d'être venus. Nous allons maintenant nous réunir à huis clos pour discuter des témoignages que nous avons recueillis aujourd'hui, après quoi nous procéderons à l'examen article par article du projet de loi.

La séance se poursuit à huis clos.

La séance publique reprend.

La présidente: Nous reprenons la séance. Acceptez-vous, sénateurs, qu'on procède à un examen article par article du projet de loi?

Des voix: D'accord.

La présidente: L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

La présidente: L'étude de l'article 1 est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

La présidente: Les articles 2 à 12 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

La présidente: Les articles 13 à 31 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

La présidente: Les articles 32 à 42 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

La présidente: Les articles 43 à 70.1 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

La présidente: L'article 71 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Les annexes 1 à 5 sont-elles adoptées?

Des voix: D'accord.

La présidente: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le projet de loi est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Puis-je annexer au rapport les observations qui ont été formulées?

Des voix: D'accord.

La présidente: Puis-je faire rapport au Sénat, aujourd'hui, du projet de loi et des observations formulées?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Taylor: Est-ce qu'on doit également demander que le projet de loi franchisse l'étape de la troisième lecture aujourd'hui?

Le sénateur Banks: Je l'ai proposé.

La présidente: Merci à tous.

La séance est levée.


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