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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 17 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2000

Le comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 17 h 30, pour en faire l'examen.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Nos premiers témoins sont M. Bob Davis, président de First Air, et M. Daryl Smith, président de Pacific Coastal Airlines Ltd. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Daryl Smith, président-directeur général, Pacific Coastal Airlines Ltd.: Madame la présidente, je tiens à remercier le comité de m'avoir permis de comparaître devant lui pour traiter d'une question d'une importance vitale non seulement pour la compagnie que je représente, mais aussi pour le public voyageur, en particulier en Colombie-Britannique.

Je suis pilote et propriétaire de ligne aérienne depuis 36 ans. Trois de mes fils sont aussi très actifs dans la compagnie. Mon fils Quentin est président depuis deux ans.

Dans sa forme actuelle, Pacific Coastal Airlines Ltd. a été fondé en 1987 à la suite d'une fusion avec Powell Air Ltd. et la division de Port Hardy d'Air B.C. Ces deux sociétés ont desservi la Colombie-Britannique pendant plus de 40 ans. Actuellement, Pacific Coastal Airlines dessert 11 grandes villes de Colombie-Britannique au moyen de vols réguliers avec en plus de 40 à 50 points d'arrêt facultatifs. Nous exploitons 26 appareils et employons entre 270 et 300 personnes, selon la saison.

Aux termes d'une entente conclue avec Canadien International et entrée en vigueur le 1er novembre 1997, Pacific Coastal Airlines est devenu «Partenaire canadien» et assurait le service du transport du courrier, des voyageurs et du fret entre Nanaimo et Vancouver pour le compte de Canadien International. Plus tard, d'autres destinations ont été rajoutées, à savoir Comox et Campbell River. Nous avons acheté trois appareils Short 360 et avons embauché certains employés de Canadien International, et cet arrangement fonctionnait bien pour tout le monde. Nous avions le code CP et transportions des passagers en transit de même que des voyageurs se rendant entre deux points desservis par des vols réguliers. L'accord conclu devait porter sur une période d'un an à la fois et être renouvelé automatiquement à moins de préavis contraire de 120 jours avant la date de renouvellement, fixée au 31 octobre.

Or, le 4 février de cette année, Canadien International nous a écrit pour nous informer de la résiliation du contrat à partir du 2 avril. Il y a eu des négociations avec Canadien International et Air Canada, mais les gens de Canadien International nous ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire, et Air Canada nous a dit que cela ne les concernait pas vraiment. Nous leur avons fait valoir que les conditions du préavis n'avaient pas été respectées et qu'ils ne pouvaient pas résilier l'entente avant le 31 octobre, au plus tôt.

Il est clair, madame la présidente, qu'Air Canada a précipité une rupture de contrat et nous a laissés sans code CP et sans passagers en transit. Avant le 2 avril, deux lignes aériennes se livraient concurrence dans les réseaux de l'île Vancouver, et elles offraient toutes deux au public voyageur tous les avantages du partage des codes de vol.

Le 2 avril, Air Canada est devenu le seul transporteur assurant la liaison entre l'aérogare principale de l'aéroport de Vancouver et Comox, Campbell River et Nanaimo. Air Canada a fait mainmise sur Canadien International et forcé la rupture de contrat. Les passagers en transit qui avaient pris des billets sur Canadien International sont devenus des passagers d'Air Canada. Ils n'ont pas eu le choix. Air Canada a profité de sa nouvelle position monopolistique pour priver le public voyageur des avantages de la concurrence qui existait jusque là. Air Canada qui était auparavant un concurrent est devenu, le 2 avril, par un acte illégal, le seul transporteur dans les faits. Il n'y avait plus de concurrence.

Le projet de loi dont vous êtes saisis, soit le projet de loi C-26, vise à prévenir l'abus de monopole dans l'industrie du transport aérien. Je suis ici pour vous dire qu'il y a des abus. À moins qu'il n'y ait une volonté politique de faire respecter la loi, l'abus continuera. Nous nous retrouvons avec trois appareils -- que nous avons achetés pour les exploiter sur ces réseaux -- et des employés excédentaires. Lors d'une réunion, un porte-parole d'Air Canada nous a dit: «Je suppose que vous devrez vendre des appareils et si nous, Air Canada, avions tout le marché à nous seuls, nous pourrions très bien nous en tirer.» Je lui ai répondu que nous avions acheté les appareils pour exploiter ces liaisons aériennes et que nous continuerions de les y affecter, avec ou sans passagers en transit. Toutefois, 82 p. 100 de tous les passagers sont des voyageurs en transit. Cela signifie qu'ils prennent un autre vol à Vancouver et qu'ils poursuivent leur voyage à bord d'une ligne aérienne partageant les codes de vols. Les tarifs distincts pour aller de l'île à Vancouver sont tellement plus élevés que nous ne pouvons pas espérer livrer concurrence pour les 82 p. 100 de passagers en transit. Actuellement, nous offrons des vols secs à partir du petit terminal sud de l'aéroport international de Vancouver. Il faut transporter par autocar les passagers du terminal principal, à nos frais. En fait, on nous permet de livrer concurrence pour les 18 p. 100 du marché qui restent.

D'octobre 1999 jusqu'à aujourd'hui, le ministre des Transports a de nombreuses fois promis que le gouvernement ne tolérerait pas des agissements abusifs. Ce qui est arrivé à Pacific Coastal Airlines est la première preuve de pillage commercial anticoncurrentiel. Le ministre des Transports avait promis d'empêcher les abus de position monopolistique d'Air Canada qui ont eu lieu. Voici les déclarations qu'il a faites:

Le gouvernement a à coeur de favoriser la concurrence le plus possible dans l'industrie du transport aérien au Canada.

Bien qu'il convienne d'encourager une concurrence énergique, l'agissement abusif ne peut pas être toléré.

Le gouvernement veillera à ce que des mesures efficaces soient mises en place pour contrer l'agissement abusif au sein de l'industrie du transport aérien.

Peu importe comment les choses évolueront, toutefois, le gouvernement a l'intention de veiller à ce que l'intérêt public continue de primer et soit protégé.

Dans sa réponse au rapport du comité, le gouvernement a dit qu'il souscrivait en principe aux recommandations du Comité permanent de la Chambre des communes, lesquelles énoncent les préoccupations que nous partageons, et a signalé que la Loi sur la concurrence actuelle renfermait des dispositions permettant de contrer certains types d'agissements abusifs. Le gouvernement s'est d'ailleurs engagé dans cette réponse à renforcer la loi et le résultat, honorables sénateurs, est le projet de loi à l'étude.

Il est incontestable qu'Air Canada est coupable d'agissements abusifs et anticoncurrentiels à l'égard de Pacific Coastal. Ce qu'Air Canada a fait est un acte flagrant de défiance à l'égard de tout ce qu'on souhaitait prévenir et place la compagnie aérienne dans une position de confrontation vis-à-vis du comité permanent, de la Chambre des communes, du ministre des Transports et du gouvernement tout entier.

On a promis à la population canadienne de la protéger contre le monopole d'Air Canada et celle-ci s'attendait, bien sûr, qu'on prenne les mesures requises. De toute évidence, quelqu'un a oublié d'en toucher un mot à Robert Milton.

Les voyageurs canadiens sont en droit de savoir quelle est exactement la situation et à quoi ils doivent s'attendre. La restructuration de l'industrie du transport aérien, qui donne lieu à un seul code dominant au Canada et accorde le monopole à Air Canada, va à l'encontre de la Loi sur la concurrence. Il ne faut pas prendre à la légère la vulnérabilité d'autres transporteurs au pouvoir monopolistique d'Air Canada. Il est clair qu'Air Canada a dérogé à la Loi sur la concurrence, à la loi et aux intentions du gouvernement, ainsi qu'à l'esprit de la politique de restructuration. Un examen de la conduite d'Air Canada permet de constater que le transporteur agit au mépris des objectifs que vise le gouvernement avec son projet de loi C-26.

Vous êtes déjà bien au courant des détails et de l'incidence prévue de la modification visant à inclure, dans la définition de «agissement anticoncurrentiel», les agissements des transporteurs aériens. Essentiellement, le gouvernement projette de modifier la loi de manière à la rendre plus musclée, donnant ainsi au Bureau les moyens de faire son travail. Le public s'est fait dire qu'il pouvait faire confiance au Bureau de la concurrence, et le gouvernement compte sur le Bureau pour qu'il voie dans la mesure du possible à l'application de la Loi sur la concurrence.

Air Canada, ayant violé ou fait violer l'accord concernant les liaisons Vancouver-Comox et Nanaimo-Campbell River qu'assure Pacific Coastal et ayant assuré lui-même ces liaisons, fait preuve d'agissements anticoncurrentiels contraires à l'objet de la loi, avec ou sans les modifications apportées par le projet de loi C-26. Nous avons chargé notre avocat de rencontrer les représentants du Bureau de la concurrence afin de déterminer si ce dernier avait l'intention de réagir aux actes répréhensibles d'Air Canada. Ont assisté à la réunion, tenue le 17 mai 2000 dans les locaux du Bureau, M. David Humphreys, notre représentant en affaires publiques à Ottawa, MM. Richard Elliott et Richard Annan et notre avocat, M. Kenneth Regier. Ce dernier s'est vite aperçu que le Bureau ne manifestait aucune volonté d'agir. Les représentants du Bureau ont rejeté et contourné la question, ne voyant ni agissement anticoncurrentiel au sens de la loi, ni agissement abusif, tel qu'expliqué par le ministre des Transports et le Comité permanent des transports. Permettez-moi maintenant de vous citer des passages de l'éditorial paru dans l'édition du Financial Post du 17 mai 2000. On pouvait lire notamment:

Ce ne sont pas les lacunes de la Loi sur la concurrence qui expliquent le peu de mesures prises à l'égard des prix d'éviction. C'est plutôt le Bureau de la concurrence qui, depuis vingt ans, néglige de porter devant le Tribunal de la concurrence, en vertu de la loi existante, les causes d'agissements abusifs.

On ajoute plus loin:

En fait, les mesures prises contre les pratiques abusives sont rares non pas parce que la loi comporte des faiblesses, mais bien parce qu'elle n'est pas appliquée.

Ces commentaires décrivent de façon très juste le Bureau aujourd'hui. Lorsqu'il est devenu évident que le Bureau ne ferait rien, on a demandé à ses représentants si au moins ils appelleraient Air Canada ou lui écriraient, ce qui a aussi été rejeté.

Nous appuyons le projet de loi C-26, mais uniquement parce que nous estimons qu'il est important d'avoir une identité qui fera respecter l'intention de cette mesure législative une fois qu'elle aura force de loi. Je vous demanderais de prendre en considération, lors de vos délibérations, la façon pratique de mettre la loi à exécution. Peut-être qu'il existe un autre office ou agence qui pourrait faire le travail à la place du Bureau de la concurrence.

Je vous encourage à élargir la portée de votre étude et à vous pencher sur un cas d'agissement abusif et de pratique anticoncurrentielle. Essayez de savoir pourquoi Air Canada a forcé une rupture de contrat, obligé un transporteur à abandonner les routes qu'il desservait et enlevé tout choix aux voyageurs. Mieux encore, demandez au conseil d'Air Canada pourquoi les directeurs ont accepté qu'une telle chose se produise.

J'estime que les efforts du gouvernement pour protéger les consommateurs et les entreprises comme Pacific Coastal Airways font honneur au Canada. Nous espérons que ces nobles intentions se traduiront par des gestes concrets.

La présidente: Merci, monsieur Smith.

Monsieur Davis, voulez-vous présenter votre exposé?

M. Bob Davis, président, First Air: Je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter nos vues sur l'enjeu important que représente le projet de loi visant la restructuration du transport aérien. Appartenant entièrement aux Inuits du Nunavik, First Air est à la fois la plus grande des compagnies aériennes détenues par un groupe autochtone et le plus gros transporteur nordique. First Air emploie plus de 1 000 personnes, qui vivent et travaillent dans le Nord canadien, et fournit des services essentiels de transport aérien à 26 communautés éloignées, dont la plupart ne sont accessibles que par avion. Dans le Nord, le service aérien n'est pas un luxe, mais bien une nécessité.

Vu le territoire qu'exploite First Air, notre attention porte ici sur la protection des intérêts des transporteurs nordiques et de nos actionnaires dans ce processus de restructuration évidemment destiné au sud du pays.

Nous soutenons en effet que le projet de loi a été élaboré surtout pour protéger l'intérêt public de l'émergence d'un transporteur dominant par suite de la restructuration. L'intention était sans doute bien fondée, mais le projet de loi soulève des questions complexes et entraîne des impacts inutiles sur chacun des transporteurs aériens du Canada.

Nous ne nous opposons pas à la nouvelle loi, mais nous croyons toutefois que le Nord mérite une considération particulière vu la nature essentielle des services aériens dans toute cette région. Tout d'abord, la nouvelle loi doit assurer le maintien d'un niveau équitable de concurrence de sorte que le marché se règle sur la demande des consommateurs et la concurrence commerciale et non pas sur la législation.

Le temps ne nous permet pas de soulever ici tous les points dont nous aimerions traiter, mais les grandes questions suivantes ont retenu notre attention.

Mentionnons d'abord les prix excessifs, à l'article 66. Les modifications prévues pour l'examen des tarifs compliquent encore davantage un processus déjà subjectif et flou. First Air est l'une des rares compagnies aériennes du Canada ayant été assujettie à un examen par suite de la plainte d'un passager en vertu de la loi existante. La décision rendue nous a été favorable, mais l'expérience nous a clairement montré qu'en l'absence d'un processus bien défini, de règles sur le caractère confidentiel des renseignements et des critères objectifs de décisions, aucune des parties -- ni le plaignant, ni l'Office du transport du Canada, ni First Air -- n'était satisfaite du processus. Nous rappelons que cet exercice utile a été exécuté en vertu de la loi actuelle afin d'examiner un seul type de tarif passager.

On propose maintenant que l'Office réponde non seulement aux plaintes, mais entreprenne aussi ses propres enquêtes et examine tous les tarifs applicables aux passagers et au fret, cela sans définir le processus, ni même préciser la liste et le format des renseignements à fournir afin de mener un tel examen. Les transporteurs offrent maintes gammes de tarifs, de soldes et d'allocation de places qui fluctuent au gré du marché. Par conséquent, il faudra instaurer un processus bien plus complexe pour examiner les prix. Cette complexité accrue entraînera plus d'incertitudes pour ce qui concerne bien des exigences au regard de l'établissement des prix, du maintien et de la conservation des registres, et des réponses aux plaintes.

Il incombe à l'Office de fournir, avant l'adoption de la loi, des lignes directrices claires et concises sur la manière dont il entend, dans la pratique, exercer cette vaste gamme de nouveaux pouvoirs.

Nous recommandons que l'article 4, qui traite de l'article 66, soit modifié pour assurer que les critères d'examen demeurent restreints aux tarifs de base. L'Office doit fournir un processus d'examen clairement défini de même qu'une liste précise d'information pour toute enquête sur les tarifs de base. Les pouvoirs attribués à l'Office devraient se limiter à répondre aux plaintes.

Passons maintenant aux tarifs de fret. L'idée d'assujettir les tarifs de fret au processus d'examen, comme le veut l'article 66, est insoutenable. Comment le gouvernement peut-il même envisager que l'Office puisse mener un examen constant ou effectuer des comparaisons de nos tarifs de fret alors que 90 p. 100 du volume que nous transportons est unidirectionnel, c'est-à-dire, pleine cargaison en direction nord, et soutes vides en direction sud?

Nous exploitons quatre appareils combinés qu'on peut transformer en 38 configurations passagers/fret, sans compter qu'un aménagement donné peut être reconfiguré en transit sur une route à multiples arrêts.

Par ailleurs, rien ne prouve l'existence d'un monopole des marchés du fret au Canada, et la concurrence demeure farouche sur tous les marchés desservis par plus d'un transporteur. Nous recommandons que l'article 66 soit modifié et que tout renvoi à l'examen des tarifs de fret par l'Office soit rayé du projet de loi.

Passons maintenant à l'article 3, qui vise à modifier l'article 64 où il est question de la suppression de services. Nous appuyons en général la position présentée par les représentants de notre industrie, soit l'Association du transport aérien du Canada, mais à notre avis, le milieu nordique exige une considération particulière. La liberté de soutenir la concurrence et de cibler des routes précises, sur une base saisonnière ou autrement, est peut-être bien acceptable dans le sud du pays, où se trouve un marché considérable et où l'on peut stimuler le développement du trafic. À vrai dire, WestJet est passée maître dans l'application d'un tel concept et devrait avoir toute liberté en ce sens. Les marchés du Nord, cependant sont minces et éloignés. Pour y survivre, il faut trouver le juste équilibre entre la fréquence des vols, le mélange passagers/fret, le réseautage, ainsi de suite. Notre expérience nous enseigne que d'assujettir les petits marchés individuels aux quatre volontés de transporteurs qui n'entendent pas vraiment desservir la région ne stimule pas le développement du trafic, mais divise simplement les trafics existants et déstabilise les marchés, sans que le consommateur n'en tire de bénéfices à long terme.

En l'absence de dispositions solides sur la sortie d'un marché, le milieu nordique sera exposé à des niveaux de service peu fiables et incohérents.

Nous recommandons que l'article 64 soit modifié de manière à y inclure des conditions sévères sur la sortie de marché, ou à l'inverse, l'entrée sur un marché, conditions qui peuvent notamment s'appliquer par le biais d'engagements à terme, de tests de stabilité financière, ainsi de suite.

J'aimerais maintenant vous parler de la lettre d'engagement qui traite des services offerts aux petites communautés. Nous trouvons cette modification révoltante. Il ne fait aucun doute que le service aux petites communautés est celui qui souffrira le plus des impacts de la nouvelle législation.

First Air s'oppose fermement, parce qu'elle la considère discriminatoire, à la partie sous-titrée «services aux petites communautés» de la lettre d'engagement du 21 décembre 1999 que le gouvernement a approuvée et qui a été intégrée à la nouvelle loi.

Cet engagement nomme notre principal concurrent et lui confère la protection de la loi pendant trois ans sous prétexte de servir les petites communautés. Cette mention est inacceptable étant donné que First Air fournit présentement, comme elle le fait depuis 50 ans, des vols réguliers à l'année longue à ces petites communautés, avec la seule exception desservie par notre principal concurrent.

L'engagement relève davantage du soutien commercial consenti par Air Canada à nos concurrents que de la fourniture de service aux petites communautés.

On peut se demander pourquoi le gouvernement semble indifférent au sort des 26 petites communautés nordiques desservies par First Air et pourquoi il n'a pas envisagé que notre compagnie fasse partie de l'engagement en question, même si le gouvernement savait qu'une entente liait First Air et Air Canada à cet égard. La situation est trop inconcevable pour être honnête.

Nous sommes en activité dans un marché soumis à la concurrence. First Air n'est pas protégée par la loi et ne veut pas l'être non plus. Nous voulons par contre soutenir la concurrence sur un terrain égal; nos concurrents et leurs employés ne sauraient invoquer la loi et les transactions d'antichambre pendant que nous volons à nos propres risques vers les communautés éloignées et dispersées dans tout le Nord, comme nous l'avons fait depuis bien des années.

Et pourquoi nos employés, dont un grand nombre sont inuits, devraient-ils travailler sans la protection législative que le gouvernement est disposé à offrir à nos concurrents? Le concept est différent, mais la situation est similaire à celle décrite par M. Smith et même pire, étant donné que notre concurrent est nommé dans le projet de loi et protégé par celui-ci.

Nous recommandons que la lettre d'engagement soit modifiée, et le ministre peut la modifier, afin d'en retirer tous les transporteurs qui y sont nommés ou de ramener la durée de l'appui commercial consenti à une période plus raisonnable.

Je ne saurais trop insister sur l'importance que prennent des services de transport aérien efficaces et fiables dans le Nord canadien. Si cela vous intéresse, je vous invite à venir y visiter les communautés et à constater personnellement l'impact du transport aérien sur la vie quotidienne des gens. Il faut couvrir un vaste territoire pour servir un marché relativement petit.

J'espère que les honorables sénateurs retiendront les recommandations ici présentées, en particulier les commentaires sur les services aux petites communautés. Nous nous sommes engagés à servir ces communautés en développant notre entreprise dans le Nord canadien depuis 53 ans. Je m'en remets à vous pour assurer que la loi nous permette de poursuivre ce développement et de maintenir les emplois des Inuits dans tout le Nord du pays. Merci.

La présidente: Certains soutiennent que le gouvernement devrait augmenter les limites quant aux droits de propriété étrangers et les faire passer de 25 p. 100 à peut-être 49 p. 100 pour permettre aux petites compagnies aériennes d'avoir accès à plus de capital. Cela se ferait par voie de règlement. Il n'en est pas question dans le projet de loi lui-même. Que pensez-vous de cette suggestion?

M. Smith: Il faudrait augmenter le plafond, car 25 p. 100, ce n'est pas beaucoup. Nos marchés sont trop minces. Ce n'est pas tellement important pour les petits transporteurs, mais cette solution aurait pu aider Canadien International, et pourrait être utile à Canadien Régional qui, si j'ai bien compris, doit être vendue, sauf que personne ne connaît le prix demandé.

Nous ne pouvons pas poursuivre nos activités sans participation étrangère. Celle-ci nous permettra d'avoir accès au trafic d'apport transfrontalier grâce au partage de codes avec les transporteurs américains, par exemple. Sans ce partage de codes, les compagnies comme Canadien régional ne trouveront jamais preneur. Jamais. Vous devez être relié à AMR, United ou une autre entité. Nous devons avoir un accès au trafic d'apport.

Personne au Canada n'acceptera d'acheter cette compagnie aérienne si cet accès n'est pas assuré. Par contre, un acheteur étranger accepterait de le faire dans le but d'avoir accès au trafic d'apport d'un autre marché. Cette transaction lui ouvrirait des portes.

M. Davis: Ce qui nous intéresse surtout, ce n'est pas l'accès au capital, mais plutôt le capital que génèrent nos activités.

La plupart des compagnies de taille comparable à la nôtre ou plus petites auraient de la difficulté à attirer des capitaux étrangers parce que notre marché à créneaux est plus petit. Nous n'intéressons pas les investisseurs étrangers.

La situation est différente pour les transporteurs comme WestJet, qui a une bonne feuille de route, qui connaît une croissance importante et qui exploite de nouveaux marchés. Il serait peut-être préférable de poser ces questions à WestJet et à Canadien régional.

Je ne sais pas si cela serait aiderait vraiment les petits transporteurs. Nous aurions certainement plus de flexibilité, mais je pense que les transporteurs moyens comme WestJet et Canada 3000 en profiteraient plus.

Le sénateur Forrestall: Vous avez tous les deux attaqué le Bureau de la concurrence, ce que je trouve étonnant, car à long terme, vous allez constater qu'il figure parmi vos meilleurs alliés. Toutefois, loin de moi l'idée de défendre le projet de loi.

Le gouvernement peut adopter toutes les mesures législatives qu'il veut et essayer par tous les moyens possibles de protéger le public, mais cela ne donnera rien si le Bureau de la concurrence, dans sa forme actuelle, n'applique pas la loi.

Le projet de loi a ceci d'avantageux qu'il va donner au Bureau de la concurrence le pouvoir de porter des accusations criminelles. Je trouve ce régime d'immunité bizarre, et le Bureau de la concurrence devra se pencher là-dessus dès que le projet de loi sera adopté. Je sais toutefois que cela n'est pas cela que vous recherchez. Ces agissements abusifs sont regrettables, voire criminels.

Ce que je déplore, c'est que le Bureau n'a peut-être pas pu agir comme il le voulait parce que la loi, semble-t-il, ne lui permettait pas de faire ce qu'il devait faire.

Nous avons discuté récemment de l'arrivée de WestJet dans l'Est canadien, de son entrée, notamment, sur le marché de Moncton. Le vice-président du Bureau de la concurrence nous a dit que si le projet de loi dont nous sommes saisis avait été en vigueur, il aurait peut-être pu porter des accusations au criminel contre Air Canada qui, après avoir négligé ce marché pendant des années, s'est mise à faire de la survente et à vendre ses billets moins cher que WestJet, à Moncton. À son avis, Air Canada n'avait pas le droit d'agir de la sorte et je suis d'accord avec lui.

Le projet de loi accorde effectivement des pouvoirs plus vastes au Bureau. Monsieur Davis, je comprends la situation difficile dans laquelle vous vous trouvez, mais n'y a-t-il rien dans le projet de loi qui vous permette de renforcer votre position? De bénéficier d'une plus grande protection?

Desservir un marché depuis 53 ans, c'est long. J'ai moi-même tâté le terrain pendant quelques années, et j'ai constaté que c'était un vrai gouffre. Ç'en est un, sauf si vous pouvez, par certains moyens, tourner la situation à votre avantage.

Ne voyez-vous rien de positif dans le projet de loi et ne croyez-vous pas qu'il va donner au Bureau de la concurrence un mandat plus vaste, des pouvoirs législatifs plus solides? La question des amendes à imposer est discutable, et peut-être celles-ci ne sont-elles pas assez élevées compte tenu des agissements abusifs qui ont lieu.

M. Davis: Je ne crois pas avoir attaqué le Bureau de la concurrence. Il a adopté une attitude proactive tout au long du processus. Il a été ouvert et il nous a écoutés. Nous sommes d'accord avec le projet de loi dans l'ensemble. En fait, nous pourrions très bien nous y adapter, sauf pour ce qui est de la lettre d'engagement signée par deux de nos principaux concurrents derrière des portes closes. Je fais allusion à Transport Canada et Air Canada.

Nous avons conclu une entente commerciale avec Air Canada, qui en a conclu une avec Canadien International. Demain, si le projet de loi est adopté et qu'Air Canada rompt l'engagement conclu avec un concurrent, elle se verra infliger une peine d'emprisonnement et une amende de 5 millions de dollars. Si First Air rompt un engagement ou fait quoi que ce soit, l'affaire sera portée devant les tribunaux. Air Canada bénéficie d'une protection législative complète à l'égard de ses employés. Elle ne peut mettre à pied des employés qui travaillaient anciennement pour Canadien international. Tous ses employés sont protégés. Ils vivent tous dans le Sud. First Air emploie 450 personnes qui vivent dans le Nord, où il est difficile de trouver des emplois. Bon nombre sont Inuits. Est-ce que First Air peut soutenir la concurrence dans ces circonstances? La situation est la suivante: «Si vous ne respectez pas leurs règles, vous allez en prison. S'ils ne respectent pas nos règles, ils se verront imposer des sanctions de nature commerciale.» Nous savons comment les choses vont se passer.

M. Smith: Je ne suis pas venu ici pour attaquer le Bureau de la concurrence. Ce n'est pas ce que j'ai fait il y a quelques semaines quand j'ai soumis notre cas au Bureau de la concurrence. Toutefois, c'est son manque d'intérêt qui m'a amené à le critiquer.

Il a expliqué son inaction par le fait que la situation de Canadien International, qui risquait de faire faillite, était pire que la nôtre. Ce n'est pas ce que je veux entendre du Bureau de la concurrence.

Le sénateur Perrault: Bravo!

M. Smith: Ce genre de commentaire est déplacé. J'avais un contrat et il a été rompu par une tierce partie. Il s'agit là, monsieur, d'une infraction.

Je ne m'attends pas à ce que le comité se penche là-dessus. Nous nous occuperons de ce dossier nous-mêmes. Toutefois, les gens qui font la navette entre le continent et l'Île de Vancouver n'ont plus de choix. Non seulement Air Canada a-t-elle précipité la rupture du contrat, mais elle a doublé le nombre d'avions qui desservent ces routes. Il s'agit là d'agissements abusifs.

J'ai une autre brève question à poser, si je puis me permettre -- et je ne cherche pas à être ironique parce que je ne sais pas comment fonctionne le Bureau de la concurrence -- mais quelqu'un peut-il me dire si le Tribunal de la concurrence a déjà sévi contre quelqu'un?

Le sénateur Perrault: C'est une bonne question.

M. Smith: J'ai lu dans les journaux qu'en 20 ans, il n'a imposé aucune sanction.

Le président: Nous allons vérifier cela.

Le sénateur Forrestall: Je vais essayer de répondre à la question. Je ne crois pas qu'il ait imposé des sanctions, mais ce n'est pas par manque de volonté, mais parce qu'il n'avait pas de loi bien structurée sur laquelle s'appuyer.

Il n'a pas de cadre législatif sur lequel s'appuyer, de sorte qu'il est difficile pour lui de donner suite à un dossier. J'ai posé la question parce que ce projet de loi, si j'ai bien compris, lui donne certains pouvoirs. Si vous posiez la même question dans un an et que la réponse était non, alors je serais tout à fait d'accord avec vous. On pourrait l'accuser de ne pas intervenir alors qu'il a les outils pour le faire.

J'ai un certain respect pour le Bureau parce que j'estime qu'il sera en mesure d'intervenir dans un délai beaucoup plus raisonnable. Il pourra prendre les mesures qui s'imposent, y compris intenter des poursuites au criminel, émettre des ordonnances d'interdiction et en demander la modification. Il pourra menacer la compagnie de sanctions si elle ne se conforme pas à la nouvelle ordonnance en 24 heures. Le Bureau aura maintenant ce pouvoir. Le gouvernement, ainsi que ceux qui l'ont précédé, a été négligeant en ce sens qu'il n'a pas été en mesure de prévoir l'état dans lequel se trouverait le transport aérien au Canada aujourd'hui.

Nous sommes entrés dans un nouveau millénaire, et il nous faut de nouvelles règles. Celles-ci doivent protéger de façon efficace les travailleurs, les exploitants.

La présidente: Nous avons le projet de loi devant nous, et le règlement d'application sera déposé, bien que nous n'en ayons pas le texte encore.

Le sénateur Roberge: Avez-vous un exemplaire du règlement qui a été déposé hier par le Bureau de la concurrence?

M. Smith: Nous ne l'avons pas. Je n'ai que le projet de loi C-26.

La présidente: Nous pouvons vous en fournir un exemplaire.

M. Smith: C'est avec plaisir que j'apprends la teneur du projet de loi, et j'espère que la loi sera appliquée.

Le sénateur Roberge: Le règlement viendra renforcer la loi.

La présidente: Nous pouvons vous fournir à tous deux des exemplaires du règlement qui a été déposé hier. Le document fait partie du domaine public.

Le sénateur Kirby: Monsieur Smith, pourriez-vous demander à votre avocat d'examiner le projet de règlement et de nous faire savoir s'il règle certains des problèmes dont vous avez parlé? J'ai l'impression qu'il en règle effectivement, mais malheureusement, je ne suis pas avocat. Je me rends compte que vous ne pouvez pas me fournir la réponse tout de suite, mais nous vous saurions gré de l'envoyer par écrit plus tard.

M. Smith: Je le ferai volontiers.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Davis, j'ai deux questions. Vous avez mentionné que First Air dessert 26 régions éloignées. Elle fournit donc assurément un service très essentiel dans le Nord.

Pour combien de ces destinations y a-t-il de la concurrence?

M. Davis: Nous avons des concurrents presque partout où nous utilisons des jets, sauf à Resolute Bay où nous n'offrons que trois vols par semaine. Toutes les routes desservies par les jets sont concurrentielles à 100 p. 100. Quant aux destinations desservies par des avions à turbopropulseur, la concurrence se situe aux environs de 80 à 85 p. 100. Pour les 15 p. 100 qui restent et où il n'y a pas de vol régulier concurrentiel, la concurrence vient des vols nolisés. Ces marchés sont en grande partie concurrentiels.

Le sénateur Callbeck: Ces routes sont-elles rentables?

M. Davis: Non. Nous avons bâti notre entreprise en essayant d'offrir un réseau de routes étendu partout dans le Nord, car nous espérons nous imposer comme «la solution de transport à guichet unique». Un expéditeur ou un passager peut faire appel à nous pour se rendre à n'importe quelle destination dans le Nord. Les clients n'ont pas à faire appel à deux ou à trois transporteurs différents. Sur certaines routes, par contre, nos résultats ne sont pas très bons.

Le sénateur Callbeck: Dans votre mémoire, vous dites que les tarifs s'appliquant au fret ne devraient pas être inclus dans l'article 66 projeté. Êtes-vous en train de dire que, selon vous, il ne faudrait pas qu'ils soient soumis à un examen?

M. Davis: Non. Tout est concurrentiel. Je n'ai aucune idée du modèle de coût qui servirait à décider de ce qui est raisonnable comme tarif. Il incombe à l'Office de nous dire comment il décidera de ce qui est raisonnable comme prix, et nous nous en accommoderons. Toutefois, il n'y a pas moyen de concevoir un modèle de coût.

Le sénateur Callbeck: Si la route appartient à un monopole -- qu'il n'y a pas de concurrence --, il faut l'examiner, n'est-ce pas?

M. Davis: À quoi le comparerait-on? Faudrait-il l'examiner en fonction de ce que Air Canada exige pour assurer la liaison entre deux villes? A Resolute Bay, il n'y a pas de monopole. Nous sommes le seul transporteur aérien disposé à courir le risque commercial d'y assurer une liaison. Nul autre ne veut le faire.

M. Smith: Sénateur, nous sommes dans la même situation, mais à plus petite échelle. Nous assurons des liaisons avec de petites agglomérations qui ne sont pas vraiment viables, mais qui, conjuguées à d'autres, nous assurent une clientèle de passagers en transit sur nos propres routes. Cela nous aide et fait partie du service que nous offrons. Nous transportons le courrier, mais cela ne nous rapporte pas beaucoup. Il existe des concurrents. Comme M. Davis l'a dit, n'importe qui peut assurer le transport jusqu'à ces destinations et exiger ce qu'il veut comme tarif.

M. Davis: Pourquoi nous demande-t-on d'adopter cette loi? Elle vise à protéger l'intérêt public par rapport au transporteur dominant. Qui sera touché par cette loi? Elle ne touchera pas Air Canada, mais plutôt les transporteurs comme Pacific Coastal Airlines et First Air qui assurent des liaisons vers de petites agglomérations. Air Canada est raisonnablement concurrentielle partout ailleurs ou, du moins, on peut montrer qu'elle est concurrentielle par rapport aux moyens de transport de surface.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Davis, vous avez déjà connu un examen de plaintes concernant le tarif s'appliquant aux passagers. À quand cela remonte-t-il?

M. Davis: C'était il y a deux ans.

Le sénateur Callbeck: A-t-on apporté des correctifs depuis lors?

M. Davis: La loi n'a pas changé depuis lors. Le processus sera beaucoup plus complexe. Je précise à nouveau que tout cela visait à protéger l'intérêt public contre la nouvelle ligne aérienne dominante. Nous estimons qu'il y aura toutes sortes de plaintes dans le Nord, où le coût de transport est élevé.

Le sénateur Callbeck: Qu'est-ce qui, à cet égard, devrait figurer dans la loi mais n'y est pas?

M. Davis: Il faudrait laisser la loi telle quelle, c'est-à-dire faire l'examen des tarifs de base. Nous avons créé un nouveau processus, mais quels en sont les critères d'examen? Comment allons-nous objectivement décider de ce qui est raisonnable?

Le sénateur Callbeck: Monsieur Smith, aviez-vous déjà eu des relations avec le Bureau de la concurrence auparavant?

M. Smith: Non. Je n'avais pas de raison d'en avoir.

Le sénateur Callbeck: C'est la première fois que vous faites affaires avec le bureau.

M. Smith: Effectivement.

Le sénateur Spivak: J'aimerais avoir un éclaircissement, monsieur Davis. Vous dites que toutes vos destinations, exception faite de Resolute Bay, sont concurrentielles, qu'elles ne constituent pas un monopole. Est-ce juste?

M. Davis: C'est juste. J'aimerais aussi mentionner Nanisivik. Il existe aussi un réseau reliant Iqaluit, Nanisivik, Resolute Bay et Yellowknife. Aucune autre ligne aérienne ne dessert ce réseau actuellement. Nous y assurons deux vols en partance de l'Est par semaine à bord d'un avion à réaction et un, en partance de l'Ouest.

Le sénateur Spivak: Toutes ces autres destinations sont-elles également desservies par Air Canada?

M. Davis: Elles sont desservies par Canadian North.

Le sénateur Spivak: Qui appartient maintenant à Air Canada.

M. Davis: Effectivement. Voilà une propriété intéressante. Canadian North est une ligne aérienne virtuelle puisqu'il s'agit d'une société de commercialisation. L'appareil continue d'être exploité, entretenu et contrôlé par Canadien de sorte que, effectivement, c'est aux Lignes aériennes Canadien que nous livrons concurrence.

Le sénateur Spivak: Je vous remercie.

Le sénateur Finestone: Quand nous aurons terminé avec ce groupe de témoins, j'aimerais déposer une lettre, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

J'ai eu l'occasion de voler à bord de First Air très souvent. Vous offrez un excellent service. Ce que vous avez dit au sujet du manque de définition du processus m'a vivement intéressée. J'aimerais vous poser la même question qui a été posée à M. Smith.

Pourriez-vous examiner le nouveau règlement pour voir s'il renferme un processus qui définirait les points qui vous préoccupent? Vous avez dit, je crois, qu'il n'y a pas de processus défini, qu'il n'y a pas de règles au sujet de la confidentialité, qu'il n'y a pas de critères de décision objectifs, qu'aucune des parties -- la partie plaignante, l'Office des transports du Canada ou vous-même -- n'est satisfaite du processus. Vous estimez que cela revient à un exercice inutile effectué sous le régime de la loi actuelle et qu'il ne sert à examiner qu'un seul genre de tarifs applicables aux passagers. Si la situation persiste, selon vous, ce sera un cauchemar quand le mandat sera élargi.

Vous pourriez peut-être vérifier pour voir si ces définitions se trouvent dans le règlement. Cela vous serait peut-être utile et préciserait peut-être le processus pour tout le monde. Voulez-vous le faire?

M. Davis: Je n'ai jamais vu de document déposé par l'Office des transports du Canada qui décrit un nouveau processus.

Le sénateur Finestone: Le greffier va vous en remettre un exemplaire, je crois.

M. Davis: Cela vient-il du Bureau de la concurrence?

M. Smith: Non, de l'Office des transports du Canada.

Le sénateur Finestone: Comme vous assurez des liaisons dans de petites agglomérations, croyez-vous qu'il serait utile de prévoir quelque chose qui établirait une distinction entre les régions géographiques du Canada? Par là, j'entends en rapport avec la nature du secteur desservi. Notre pays est unique en ce sens qu'il comporte des disparités régionales. Comme vous le faites remarquer, la liaison dans des endroits comme le nord du Québec, le Labrador, le Nunavut ou le nord de la Colombie-Britannique est tout à fait différente de celle qui est assurée dans le Sud. Il y a peu de passagers à bord des appareils. Le potentiel de concurrence n'est pas le même partout. Avons-nous besoin de quelque chose qui définirait ce genre de service et établirait une distinction à cet égard, au Canada?

M. Smith: Non, on n'en a pas besoin sur la côte de la Colombie-Britannique. On en a peut-être besoin dans le Nord, mais, sur la côte Ouest, nous avons quelques routes et nous sommes le seul transporteur. De toute évidence, c'est parce que nul autre ne souhaite le faire. Plusieurs transporteurs ont essayé et ont abdiqué. Ces routes ne sont pas longues. Elles sont ouvertes, et quiconque le souhaite peut venir nous livrer concurrence. Nous n'avons rien contre la concurrence, parce qu'elle ne nous fait pas de mal. Ce n'est pas là notre problème. Le Nord a des problèmes différents.

M. Davis: First Air a réagi à cela dans son exposé. Nous n'avons pas besoin d'une protection législative et nous n'en voulons pas. Ce que nous voulons, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Toutefois, dans ce projet de loi, le gouvernement du Canada se trouve à dire, en fait: «First Air, vous êtes livré à vous-même. Nous protégerons Canadian North et d'autres petites entreprises. Aux termes de cette loi, il faut que nous en prenions soin. Vous, les entreprises plus importantes, pouvez vous débrouiller seules». Ce ne sont pas là des règles du jeu uniformes. Il faut soit retirer cette protection ou nous l'accorder à nous aussi. On ne peut pas tout avoir. C'est ridicule.

N'oubliez pas que cette mesure est déguisée sous la forme d'une lettre d'engagement faisant partie de la loi. J'ignore combien de personnes ont pris le temps de la lire, mais mes concurrents y sont nommés.

Le sénateur Forrestall: Pouvons-nous demander qu'elle soit déposée?

La présidente: Avez-vous votre exemplaire?

M. Davis: J'ai bien peur que non.

La présidente: Pourriez-vous nous l'envoyer?

M. Davis: Certes.

Nous pouvons composer avec tout le reste. Nous travaillerons de concert avec l'Office des transports du Canada, et le Bureau de la concurrence a fait un travail raisonnable jusqu'ici. Toutefois, cette lettre d'engagement est ridicule. Pourquoi nos employés ne jouiraient-ils pas eux aussi de la protection de la loi?

Le sénateur Finestone: Je vous serais reconnaissante de bien vouloir donner suite à la recommandation du sénateur Forrestall et de nous envoyer la lettre. Nous pourrons certainement en traiter lorsque nous examinerons nos recommandations.

La présidente: Sénatrice Finestone, vous avez déjà la lettre dans votre cahier. Elle a déjà été déposée par le ministre.

Le sénateur Finestone: Avons-nous l'intention d'en traiter?

La présidente: Pouvons-nous d'abord en finir avec ce que nous sommes en train de faire?

Le sénateur Finestone: Il serait utile de préciser au comité où trouver la lettre.

Entre temps, j'aimerais vous poser une question, monsieur Smith. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt, de même que ce qui a été envoyé par M. Kenneth Regier, et dois dire que j'éprouvais beaucoup de sympathie pour vous. J'estime que la situation est très injuste à votre égard. Il y a eu non seulement rupture de contrat et agissements anticoncurrentiels, mais on n'a certes pas agi dans l'intérêt des Canadiens ou du principe d'équité. Vous dites que vous ne savez pas si la nouvelle pratique prévue dans le règlement répondra à vos besoins. Je vous renvoie à ce que disait l'article du Financial Post, soit:

Le défaut, dans le passé, de réprimer les prix d'éviction n'est pas causé par une faiblesse de la Loi sur la concurrence comme telle. Il est plutôt attribuable au fait que le Bureau de la concurrence n'a pas réussi au cours des deux dernières décennies à porter devant le Tribunal de la concurrence des cas de prix d'éviction sous le régime de la loi actuelle.

On poursuit en suite en disant:

En fait, c'est le manque d'exécution plutôt que des lacunes de la loi qui empêche d'agir pour mettre fin aux pratiques d'éviction.

Quand je lis cela, j'ai l'impression que le Bureau de la concurrence a actuellement en main les outils qu'il lui faut pour répondre à votre préoccupation. Toutefois, il est clair pour vous qu'aucune mesure d'exécution n'a été même envisagée depuis plus de 20 ans. Vous croyez que la loi s'applique à tous et, bien sûr, il serait idéal que tous la respectent. Par conséquent, j'espère que, lorsque vous examinerez le règlement, vous constaterez que la loi est renforcée et que vous n'aurez plus jamais à vivre une pareille expérience.

Quelle est votre situation actuellement? Comment pouvez-vous concrètement faire respecter vos droits?

M. Smith: Nous essayons depuis plusieurs mois de négocier avec Air Canada, Canadien International et leurs filiales pour trouver une solution, que ce soit par un partage de liaisons ou de code. Comme je l'ai dit, le contrat que nous avons n'est plus légal, mais ce n'est pas de votre ressort. On se renvoie la balle et, essentiellement, personne ne fait rien. Il ne me restait plus qu'à m'adresser au Bureau de la concurrence, au ministre et à quiconque voudra bien me parler parce que, franchement, je veux mener la vie dure à Robert Milton. Il a rendu la mienne bien assez difficile.

Le sénateur Finestone: Je pense que vous n'êtes pas le seul.

Le sénateur Perry Poirier: Il faut se dépêcher à prendre un numéro.

M. Smith: Le problème, c'est que Robert Milton n'en a plus que pour quelques années avant de retourner aux États-Unis. Moi, j'ai l'intention de rester au Canada longtemps. Je suis né ici, trois de mes fils travaillent avec moi et nous n'allons pas plier bagage. Cependant, je n'ai pas envie de réinventer la roue. J'ai connu le régime très réglementé de la CCT, l'ancienne Commission canadienne des transports, si vous vous rappelez, quand il fallait compter un an seulement pour obtenir le droit de desservir une destination.

La déréglementation ne me pose pas beaucoup de problèmes. Je crois qu'elle est assez saine. Il y a eu des problèmes au début et beaucoup de gens peu sérieux ont essayé sans succès de se lancer en affaires. C'est du passé. Aujourd'hui, il y a un transporteur au Canada qui a un code qui veut dire quelque chose, le code AC. Le code CP existe toujours. Or, le code est absolument nécessaire pour alimenter les petits transporteurs, et même First Air qui n'est pas un petit transporteur. Tous les vols vont vers l'est et l'ouest au Canada, sauf dans notre cas et dans le cas de First Air. Nous circulons du nord au sud sur la côte et, en Colombie-Britannique, tous les avions passent par Vancouver. Peu importe la région de la Colombie-Britannique que vous desservez, il faut passer par Vancouver. Au nord, on passe en général par Yellowknife ou Edmonton.

Quoi qu'il en soit, nous nous rendons à l'aéroport principal. Dans le cas de l'île de Vancouver, qui me concerne plus particulièrement, les passagers pouvaient choisir entre Air Canada, CP et d'autres transporteurs. Cependant, 82 p. 100 des gens qui quittent l'île de Vancouver sont des passagers qui vont transiter par Vancouver, c'est-à-dire qu'ils ont acheté un billet Nanaimo-Ottawa pour 1 025 $. Le billet de Vancouver à Ottawa coûte 1 000 $. C'est donc dire qu'il n'en coûte que 25 $ de plus pour partir de Nanaimo. Air Canada veut l'apport de ces passagers pour ses grands trajets et il ajoute cette petite liaison pour alimenter les vols de sa compagnie.

Air Canada n'est pas satisfait. Il veut dominer tout le marché. Air B.C. m'a dit que la compagnie pouvait utiliser des avions pour effectuer les liaisons que nous effectuons. Elle a cinq vols directs pour chacun de ces marchés. Elle n'a jamais fait cela avant. Elle a doublé sa capacité sur ces parcours seulement parce que je lui ai dit que je resterais quoi qu'il arrive, même sans l'apport des passagers en transit. Je détiens 18 p. 100 du marché et j'ai essayé de stimuler le trafic entre les points que nous servons, mais je ne peux pas vendre de billets entre Nanaimo et Ottawa, Toronto, l'Angleterre ou ailleurs. Je dois alimenter un autre transporteur et offrir un tarif de secteur, ce qui est bien différent d'un billet unique. Les gros transporteurs aiment bien ce concept.

Le sénateur Finestone: Que faites-vous à ce sujet?

M. Smith: Nous avons effectué notre dernier vol le 1er avril pour Canadien International. Nous avons laissé les trois avions à l'aéroport que nous servions à ce moment-là et, le 2 avril, ils se sont rendus à Vancouver avec notre propre code. Nous avons établi des tarifs A et B de style WestJet pour essayer de réduire nos pertes. Nous avons les appareils, les pilotes et les employés. J'ai eu moins de 60 jours pour réagir à la situation. Il m'en coûte 300 000 $ par mois pour maintenir ces courtes liaisons, mais je ne céderai pas. Je vais rester.

Ce qui me dérange, c'est que nous avons créé les marchés, nous avons établi les liaisons, les choses allaient bien et une tierce partie se présente et nous arrache le code. Tous les passagers qui étaient des clients de Canadien International sont maintenant des passagers d'Air Canada. C'est là le problème. Le code est essentiel. Il accorde le monopole à Air Canada. Je crois que le ministre a déclaré -- ou peut-être que j'ai lu cela dans le rapport de Stan Keyes -- qu'on devrait prévoir un partage de code avec les plus petits transporteurs parce que c'est absolument essentiel à la croissance de l'industrie.

Le sénateur Finestone: Je trouve que c'est inquiétant. C'est très cupide de sa part. J'ai bien aimé lire les observations de Konrad von Finckenstein -- qui n'ont certes pas été mises en oeuvre -- et je souhaite qu'il répondra de façon raisonnable à votre longue lettre. J'espère que vous verrez des changements bientôt.

Madame la présidente, je trouve que cette attitude est contraire à tout ce que nous avons entendu au cours de notre première série d'audiences au sujet d'Air Canada. C'est ce que nous craignions et, malheureusement, il semble que c'est le comportement qui a été adopté.

Le sénateur Roberge: Il y a des recours juridiques que vous pouvez prendre au sujet du bris de contrat. Avez-vous fait des démarches à ce sujet?

M. Smith: Oui.

Le sénateur Roberge: Il y a eu une zone grise, j'imagine, entre le moment où Air Canada et Canadien ont fusionné et le dépôt du règlement et du projet de loi C-26. Dans le règlement, on constate que ce serait complètement illégal. C'est assurément un comportement abusif de la part d'Air Canada.

Le sénateur Spivak: Sénateur, pourriez-vous nous lire ce dont vous parlez?

Le sénateur Roberge: Je dois trouver où cela figure dans le règlement. On indique précisément que ce dont vous avez parlé est un comportement abusif. Cela devrait régler la situation. J'ai demandé au Bureau de la concurrence -- et malheureusement nous ne connaissions pas votre point de vue à ce moment-là -- ce qu'il pensait de la lettre du 18 mai qu'Air Canada a envoyée aux agences de voyage pour inciter tous les agents de voyage à faire affaire avec Air Canada aux États-Unis et à l'étranger. C'est un comportement abusif. À mon avis, c'est la même chose dans votre cas.

Je n'avais pas de question à poser, mais seulement un commentaire à faire. Voulez-vous réagir à cela?

M. Smith: Au début des négociations avec Air Canada, on a parlé d'agissements abusifs et de la situation avec les agents de voyage. On était inquiet de ce qui se passerait avec les agents de voyage. Je pense que le ministre a indiqué très clairement en octobre que ces agissements ne seraient pas tolérés. En fait, certaines contraintes ont été imposées à Air Canada au sujet de la fusion. Il y en a une sur le partage de code, une autre sur le comportement abusif, et beaucoup d'autres.

J'en ai discuté avec un des représentants d'Air Canada avec qui je négocie qui m'a dit qu'on ne les avait pas forcés à agir ainsi. J'aimerais savoir, monsieur, pourquoi cela a échappé aux mailles du filet. Le ministre l'avait demandé, le comité parlementaire aussi, comme Stan Keyes, mais cela ne s'est pas fait.

Et nous essayons de réparer les pots cassés. Le rapport de Stan Keyes signalait toutes les difficultés. C'est un des meilleurs documents que j'ai lus.

Le président: J'espère que vous avez aussi lu notre rapport.

M. Smith: C'est avec grand plaisir, madame la présidente, que j'ai lu le rapport de Stan Keyes. J'ai trouvé que c'était une bénédiction du ciel. C'est un très bon rapport. Malheureusement, beaucoup des recommandations du rapport n'ont pas eu de suite, et maintenant vous devez essayer de régler les problèmes.

Le sénateur Roberge: Et c'est ce que nous faisons. Je pense que la zone grise va s'éclairer.

Monsieur Davis, vous avez dit que vous vous opposiez à ce que votre concurrent, qui est une filiale canadienne, soit protégé par la loi. Je me demande si vous aimeriez avoir cette protection. Voulez-vous vraiment avoir entre autres à assurer la sécurité d'emploi?

M. Davis: J'ai dit dans mon mémoire que nous ne voulons pas la protection de la loi et que nous n'en avions pas besoin. Cependant, je refuse que vous l'offriez à mon concurrent.

Le sénateur Roberge: Vous avez une entente avec Air Canada et votre concurrent appartient à Air Canada. Si Air Canada fait le moindrement preuve de favoritisme à l'égard de cette compagnie, vous avez alors une raison de vous adresser au Bureau de la concurrence, n'est-ce pas?

M. Davis: C'est peu probable parce que la loi indique qu'Air Canada doit agir ainsi avec l'entreprise. Le gouvernement a autorisé cela. Vous demandez à Air Canada de s'occuper de Canadian North et de Calm Air, qui sont nos deux principaux concurrents. La loi se fiche de nous.

Le sénateur Roberge: Je ne comprends pas.

M. Davis: C'est ce que dit la lettre.

Le sénateur Roberge: Je n'ai jamais vu cette lettre.

M. Davis: On dit qu'Air Canada, en accord avec Sa Majesté la Reine, doit offrir durant la même période, c'est-à-dire pendant trois ans, des services de soutien comme ceux assurés à Calm Air International ou à l'une de ses filiales en propriété exclusive.

Le sénateur Roberge: Le gouvernement exige la cession des Lignes aériennes Canadien régional. On aurait pu vous demander la même chose. On aurait dû obliger la cession des autres concurrents du Nord pour que les règles du jeu soient équitables.

M. Davis: Bornez-vous à rendre les règles du jeu équitables. Nous ne voulons pas de loi.

Le sénateur Perrault: Madame la présidente, à mon avis, nous avons entendu deux exposés importants ce soir. Ces deux messieurs ont beaucoup d'expérience dans l'industrie et je pense qu'ils savent ce dont ils parlent. En Colombie-Britannique, Pacific Coastal Airlines est très respectée, avec ses 40 années d'expérience dans le domaine de l'aviation. Êtes-vous vous-même pilote?

M. Smith: Oui.

Le sénateur Perrault: Un de ces casse-cou du nord?

M. Smith: Je ne suis pas seul.

Le sénateur Perrault: Parlez-nous des conditions de travail au sein de votre compagnie.

M. Smith: Nous offrons un régime de participation aux bénéfices à tous nos employés. Nous avons des avantages pour les employés permanents, une protection en cas de maladie, d'accident, d'incapacité, une assurance pour les soins dentaires, les lunettes et les médicaments.

Le sénateur Perrault: C'est une entreprise éclairée.

M. Smith: J'aime à le penser. Nous n'avons pas de syndicat. Cependant, les capitaines de nos Shorts 360 ont un salaire annuel supérieur à celui des pilotes de Dash-8 de notre concurrent.

Le sénateur Perrault: Vous êtes un employeur juste, alors.

Je peux comprendre pourquoi vous ne voulez pas cesser vos activités. C'est inquiétant, par exemple, de lire ce passage de votre déclaration, que j'ai trouvé incroyable.

Or, le 4 février de cette année, Canadien International nous a écrit pour nous informer de la résiliation du contrat à partir du 2 avril, en précisant que nous pouvions demander une rencontre pour explorer d'autres possibilités. Il y a eu des négociations entre Canadien International et Air Canada, mais les gens de Canadien International nous ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire et Air Canada nous a dit que cela ne les concernait pas vraiment.

Mon Dieu, quelle attitude cavalière envers une entreprise indépendante qui veut poursuivre ses activités? Que s'est-il passé au cours de ces rencontres? Avez-vous pu discuter franchement?

M. Smith: Oui, et même plus franchement vers la fin.

Le sénateur Perrault: J'imagine.

M. Smith: Je n'ai jamais été timide. Nous avons essayé d'envisager des moyens de partager des marchés ou de trouver de nouvelles idées. La compagnie s'impose en maître. Nous lui avons demandé de nous montrer ce qu'elle pouvait nous offrir si elle voulait desservir ces liaisons.

Le sénateur Perrault: C'est une question légitime.

M. Smith: Elle ne nous a rien offert.

Le sénateur Perrault: C'est très inquiétant. Heureusement, le commissaire à la concurrence et ses employés ont promis d'être très sévères. Cependant, vous dites qu'ils n'ont pas la réputation d'être très tenaces.

M. Smith: Apparemment non. À ce que je sache, ils n'ont encore rien fait.

M. Davis: N'importe quel avocat vous dira qu'il est très difficile de prouver qu'il y a eu comportement abusif. L'établissement des prix de l'essence en est un très bon exemple. Quand les prix changent d'un côté de la rue, ils changent aussitôt de l'autre. Est-ce concurrentiel? Peut-être que oui, peut-être que non. C'est la même chose dans le cas des compagnies aériennes. Nous publions nos prix dans les systèmes de réservation, qui sont consultés dans le monde entier. Dès que nos concurrents voient nos prix, ils offrent le même. Je ne suis pas certain que ce soit abusif.

Le sénateur Perrault: Vous voulez que les règles du jeu soient équitables.

M. Davis: Vous parliez de l'établissement des prix. Les règles sont nouvelles. Il faut attendre pour savoir s'il y a comportement abusif et comment le Bureau de la concurrence va réagir. Au sujet des agissements abusifs, de la capacité, de la fréquence, des créneaux, et cetera, il reste à voir ce que le Bureau de la concurrence va faire.

Que pouvez-vous faire si une station service change le prix de l'essence cinq fois par jour? Je suis désolé pour WestJet à Moncton, mais c'est ainsi que les choses fonctionnent. Si on veut mettre un terme à cela, il faut aussi empêcher cette pratique dans le cas de l'essence. Il faut examiner la capacité, la fréquence et les créneaux.

Le sénateur Perrault: Vous demandez que les règles soient les mêmes pour tous.

M. Davis: C'est ce que le Bureau de la concurrence devrait viser. Peu de causes de comportement abusif ont été portées devant les tribunaux.

M. Smith: Je ne parle pas de prix abusifs. Je ne suis pas inquiet au sujet des prix. Les gens savent ce que vaut le produit. Beaucoup de compagnies aériennes vendent leurs billets moins cher que moi. Le service que j'assure entre Vancouver et Powell River est un marché particulier. Depuis 20 ans, 14 compagnies aériennes ont essayé de me battre sur mon propre terrain, mais je n'ai jamais eu à baisser mes prix. Je continue à offrir le même service, et elles finissent par laisser tomber. Je parle d'Air B.C., de PWA et de plusieurs autres. Je ne suis pas inquiet au sujet des prix. Le problème n'est pas là. C'est la question des passagers en transit qui inquiète la plupart des membres de l'industrie. Il n'y a qu'un seul code qui vaut quelque chose dans notre pays, et c'est celui d'Air Canada. Quand Air Canada se sert de ses filiales pour doubler sa capacité sur les mêmes liaisons que celles que je dessers, et qu'il n'y a qu'un seul code, c'est un comportement abusif. La dénomination CP existe toujours même si la compagnie résilie le contrat entre mon entreprise et Canadien International. Je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas pu continuer mes activités avec le code CP. Air Canada peut bien faire ce qu'elle veut. Ça m'est égal. Au moins, j'ai accès à des passagers en transit. Ça ne me dérange pas qu'Air Canada ait 25 vols par jour sur cette liaison si les règles du jeu sont équitables. Je n'ai pas peur de la concurrence.

Le sénateur Perrault: C'est une attitude raisonnable.

Le sénateur Adams: Je vous remercie d'être venu ici ce soir. Je voyage beaucoup par avion et je rentre chez moi avec First Air. Vous avez dit que vous ne voulez pas être assujetti à la réglementation. Air Canada, First Air et Canadian North sont toutes différentes. Lorsque je prends un avion d'air Canada, je ne rencontre pas d'amis, alors que lorsque je voyage avec First Air il m'arrive fréquemment de parler à des amis et de reconnaître des gens à bord de l'avion. Lorsque je prends un vol d'Air Canada à partir d'Ottawa, il peut m'arriver de voir un ou deux sénateurs. First Air exploite ses vols différemment dans le Nord. Dans les années 60 et 70 nous avons éprouvé beaucoup de problèmes avec les horaires des compagnies aériennes. Les résidents du sud ne sont pas aux prises avec le même genre de problèmes. C'est différent, comme vous le savez probablement. Vous vous inquiétez de vos comestibles qui vous sont livrés par avion. Lorsque le temps est maussade, il peut arriver que l'avion ne puisse atterrir et que vos comestibles aboutissent à Winnipeg.

Air Canada se rendait à Yellowknife, mais les résidents d'Iqaluit à Rankin Inlet devaient se rendre en traîneau à chien pour prendre un avion vers le Nord. Je comprends vos inquiétudes M. Davis au sujet du transport des marchandises et des passagers. On expédie tous les jours des motoneiges d'Ottawa à destination du Groenland. Tous les deux jours, on expédie parfois en avion, à partir de Winnipeg, des automobiles et des camions à destination du Nord. Je comprends vos préoccupations au sujet du projet de loi C-26 en général et de l'article 66 en particulier.

Air Canada se rend à Ottawa, mais n'y a pas de vol à destination d'Iqaluit et Rankin Inlet. Vous pouvez prendre un avion à partir de Winnipeg à destination de Rankin Inlet et à partir d'Edmonton à destination de Yellowknife jusqu'à Rankin Inlet pour descendre ensuite à Iqaluit. Il y a d'énormes différences entre vos trajets et ceux d'Air Canada dans le Nord. Je vous accorde mon appui tant que vous êtes assujetti à la réglementation de Transports Canada.

Vous redoutez davantage l'article 66. Dans quelles mesures vous touche-t-il?

M. Davis: Je n'ai pas à vous expliquer l'importance que revêt le service aérien dans le Nord. First Air transporte à peu près 95 p. 100 des comestibles consommés dans le Nord. Nous estimons que notre concurrent aura un grand avantage par rapport à nous en étant protégé par cette loi pour les trois prochaines années alors que nous essayons de soutenir la concurrence dans un marché ouvert où la concurrence n'existe pas. En ce qui concerne les autres questions que nous avons soulevé, par exemple, les examens par l'OTC portant sur les tarifs applicables aux passagers et aux frets de même sur la suppression des services, nous pouvons probablement nous accommoder de la situation actuelle. Le gros problème c'est la lettre d'engagement entre Transports Canada et Air Canada. Transports Canada est très au fait du problème. Ils ont écouté, à partir du directeur de la politique des services aériens en descendant. Ils compatissent, mais pour l'instant il ne semble pas que la situation va changer. On ne peut parler de niveau équitable de concurrence lorsque le gouvernement protège un transporteur en particulier. C'est ridicule. Les règles devraient viser k'intérêt général. Une entreprise ne devrait pas être privilégiée par rapport à une autre et c'est ce qui a été fait, selon nous

M. Smith: J'ai écouté le problème qu'a soulevé First Air. Je ne m'y connais pas beaucoup, mais il me semble que le gouvernement a essayé de protéger Canadian North et Calm Air contre Air Canada au moyen de cette mesure législative. Le problème c'est que cela va désavantager First Air et qu'on ne l'avait pas prévu. Je crois que c'est ce qui s'est passé.

Le sénateur Roberge: Une autre entreprise qui passe à travers les mailles du filet.

Le sénateur Adams: Calm Air dessert Rankin Inlet six ou sept fois par semaine. Quelle est la différence entre First Air et Air Canada? Il y avait une correspondance entre First Air et Canadian Airlines avant la fusion. Vous dites qu'à l'heure actuelle Calm Air est davantage est protégée que First Air?

M. Davis: C'est exact. Calm Air est une des entreprises nommément désignées dans la lettre d'engagement. Cette entreprise deviendra un partenaire d'Air Canada et nous fera concurrence. Nous ne comprenons pas pourquoi il en est ainsi. Cette entreprise devrait être sur un pied d'égalité avec nous.

Le sénateur Adams: Lorsque vous prenez l'avion pour le Nunavut, tout n'est même pas un élément de cette entreprise.

Je n'ai jamais vu Air Canada avoir même un agent local pour Calm Air dans le Nord même si la compagnie dessert cette région depuis plus de 30 ans. D'habitude on ne donnait aux passagers que des arachides, mais avec l'arrivée du concurrent First Air, les choses ont changé. Il semble qu'on ne souciait tout simplement pas des gens du Nord. La compagnie affirmait qu'elle n'avait pas de quoi nourrir les passagers, qu'on avait laissé les victuailles dans un entrepôt quelque part. Les problèmes revêtaient diverses formes avec Calm Air. À l'arrivée de First Air, la concurrence s'est installée et les choses ont changé.

M. Davis: Nous servons parfois du caribou à bord de nos avions, sénateurs.

Le président: Je vous remercie tous les deux d'avoir comparu. Nous vous ferons parvenir une copie de nos recommandations.

M. Davis: Merci. Nous lirons à coup sûr votre rapport.

Le président: Vous devriez probablement lire aussi notre dernier rapport.

Sénateur Finestone, je crois que vous avez dit que vous aviez une lettre à déposer.

Le sénateur Finestone: Oui, en effet. Cette lettre est de M. Bob Chanteloup, vice-président de l'Université du Nouveau-Brunswick. Il y est question des tentatives qu'il a faites pour se prévaloir du programme pour grands voyageurs d'Air Canada et de Canadian Airlines, des problèmes qu'il a éprouvés, de ce que ça lui a coûté, et cetera.

Le président: Nous en ferons faire des copies.

Le sénateur Finestone: Oui. Je pense que ce qui ressort encore une fois ici c'est le manque d'intégrité lorsqu'il s'agit de respecter des contrats et des engagements. J'espère que nous pouvons nous pencher sur cette question au cours de nos délibérations.

Le président: Merci.

Nos prochains témoins sont des représentants de l'Office des transports du Canada. Je vous souhaite la bienvenue.

Mme Marian Robson, présidente, Office des transports du Canada: Honorables sénateurs, nous sommes heureux d'être parmi vous ce soir pour vous parler un peu des nouvelles responsabilités que le projet de loi C-26 confère à l'Office des transports du Canada.

Comme le savent les honorables sénateurs, l'office se voit confier de nouvelles responsabilités importantes en vertu du projet de loi. Notre court exposé portera ce soir sur le nouveau rôle de l'office et sur notre plan d'action.

J'aimerais commencer par vous donner un bref aperçu de nos activités actuelles en ce qui concerne le traitement que nous réservons aux plaintes des consommateurs. Nous passons déjà beaucoup de temps aux questions relatives aux consommateurs, tant dans le cadre du processus de règlement des plaintes des consommateurs que par l'entremise de notre programme sur l'accessibilité des transports.

L'année dernière, par exemple, nous avons donné suite à 165 plaintes écrites de consommateurs de même que 49 autres plaintes se rapportant à des questions d'accessibilité. L'an dernier, nous avons reçu 1 046 appels de consommateurs sur notre ligne 1-800.

En ce qui concerne le programme relatif aux plaintes des consommateurs, la Loi canadienne sur les transports impose des limites à l'office. Par exemple, à l'heure actuelle, nous ne sommes autorisés qu'à donner suite aux plaintes concernant l'établissement des prix. Nous ne pouvons nous occuper de celles qui concernent les conditions inappropriées du transport aérien intérieur. Néanmoins, nous pouvons donner suite, et nous le faisons, à un large éventail de plaintes de consommateurs. Je crois que nous nous sommes bien acquittés de notre tâche par le passé lorsqu'il s'agissait d'aider les consommateurs à régler les problèmes auxquels ils faisaient face en matière de transport aérien.

Ces responsabilités nous ont permis d'établir d'importants contacts avec les transporteurs aériens, leurs associations de même qu'avec les groupes de défense des consommateurs, surtout ceux qui s'occupent des personnes ayant des handicaps et des personnes âgées. À cet égard, je crois que notre solide expérience nous permet d'assumer de plus grandes responsabilités en ce qui a trait à la protection des consommateurs.

En ce qui concerne le projet de loi C-26, nous avons préparé un document synoptique pour orienter la discussion. Vous en avez reçu des copies. Je vais maintenant passer la parole à M. Currie.

M. Gavin Currie, directeur général, Office canadien des transports: Honorables sénateurs, je fais état sur la troisième diapositive de six secteurs où de nouvelles responsabilités nous ont été confiées. J'aimerais les passer brièvement en revue en commençant par les fusions et les acquisitions.

L'office s'est vue confier la nouvelle tâche de déterminer si une fusion ou une acquisition proposée donnerait lieu à un transporteur aérien appartenant à des Canadiens et contrôlé par des Canadiens. Il s'agit d'un prolongement de la responsabilité actuelle de l'office de s'assurer que les transporteurs aériens canadiens satisfont aux exigences de propriété et de contrôle canadiens en tout temps.

[Français]

J'ajouterais quelques mots sur l'interruption ou la réduction de services, c'est-à-dire une réduction qui résulte au moins d'un vol hebdomadaire au point. Un transporteur doit donner un avis de 120 jours et consulter les représentants locaux s'il est le dernier ou l'avant-dernier transporteur à un point ou si l'interruption d'un service régulier sans escale offert à longueur d'année entraînerait une réduction d'au moins 50 p. 100 de la capacité hebdomadaire du transport de passagers sur un trajet. Cependant, un avis de 30 jours est suffisant si le service n'est offert que depuis moins d'un an. Évidemment, on ne veut pas décourager de nouveaux services.

L'Office a certains pouvoirs dans de telles situations. L'Office peut, sur demande, et après avoir considéré des facteurs pertinents, réduire le délai d'avis. Si l'avis exigé n'est pas donné, l'Office peut ordonner que le service soit rétabli pour une période allant jusqu'à 60 jours. Veuillez noter que l'Office ne veut pas empêcher une interruption de services. Cette section de la loi prévoit un avis seulement.

[Traduction]

Je vais maintenant vous entretenir des prix intérieurs. Le projet de loi propose un nouvel article 66 qui vient se substituer à l'ancien. Premièrement, les prix intérieurs ne s'appliquent qu'aux trajets au Canada desservis par un licencié et dans ce cas, un licencié inclut les licenciés d'un même groupe.

Par rapport à l'article 66 dans forme actuelle, l'article proposé s'applique à tous les prix sur de tels trajets. L'office peut déterminer qu'il y a un licencié sur un trajet s'il conclut que tous les autres services sont déraisonnables.

Si l'office conclut, à la suite d'une plainte ou de sa propre initiative, qu'un prix, un taux ou une augmentation sont excessifs il peut annuler le prix, le taux ou l'augmentation, ordonner une réduction ou, si c'est possible, ordonner un remboursement.

De plus, si l'office conclut que la gamme de prix ou de taux sur un trajet est insuffisante, il peut enjoindre un transporteur de publier et d'appliquer une gamme de prix ou de taux.

La mesure législative proposée guide grandement l'office lorsqu'il lui faut décider si les prix sont excessifs. Dans ce cas, il tiendra compte des données historiques, des prix et des taux sur des trajets concurrentiels similaires, de toute autre information fournie par les transporteurs et de l'information additionnelle demandée par l'office et qu'il juge pertinent.

[Français]

Quelques mots sur les tarifs intérieurs. Les transporteurs doivent avoir un tarif qui comprend tous les prix, les taux et les frais ainsi que les conditions de transport. Si les transporteurs ne respectent pas leur tarif, l'Office peut, par ordonnance, enjoindre un transporteur de le respecter ou ordonner une indemnisation pour les frais.

En ce qui concerne les conditions de transport intérieur, sous dépôt d'une plainte, si l'Office conclut que les conditions sont déraisonnables ou injustement discriminatoires, il peut les suspendre ou les annuler, ou leur en substituer de nouvelles.

[Traduction]

Pour terminer, je vais dire quelques mots au sujet du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien. Ce poste a été ajouté dans le cadre de l'examen du projet de loi effectué par le Comité permanent des transports à la Chambre des communes. Le commissaire aura le statut de membre temporaire de l'office. Pour l'essentiel, le commissaire offrira un recours dans les cas de plainte où aucun règlement n'est possible. Il est prévu que le commissaire emploiera les techniques de médiation et ne sera pas autorisé à trancher les différends.

Il est important de reconnaître que l'on doit d'abord donner au transporteur l'occasion de régler lui-même la plainte avant de faire intervenir le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien.

L'office doit remettre des rapports semestriels au ministre dans lesquels il est question de la nature et du nombre de plaintes déposées ainsi que de tout problème systémique qui aurait pu être relevé par le commissaire. Je vous signale que cette façon de faire est conçue sur le modèle du rapport annuel présenté par l'office et on s'attend certainement à ce que le ministre dépose ce rapport au Parlement.

L'objectif consiste à mettre un processus simple à la disposition des consommateurs. Dans la plupart des cas, les plaintes des consommateurs déposées auprès de l'office seront d'abord examinées par le commissaire, qui les traitera, dans la mesure du possible. Le cas échéant, toutefois, les plaintes seront transférées à l'office en vue de leur traitement selon le processus habituel. Par exemple, une plainte portant sur l'établissement des prix sur un trajet où il n'y a qu'un seul transporteur serait transférée à la section qui s'occupe des plaintes concernant l'établissement des prix.

Cela vous donne une idée du rôle du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien tel que nous le concevons. Je vais maintenant passer la parole à Mme Robson qui vous parlera de notre plan d'action.

Mme Robson: Honorables sénateurs, j'aimerais vous entretenir brièvement de notre plan d'action. Nous avons travaillé ferme pour préparer la proclamation de cette mesure législative.

Nous avons mis sur pied une équipe de projet, en utilisant nos ressources internes, pour gérer la transition vers le nouvel environnement de la réglementation. Nous planifions une campagne d'information pour sensibiliser les Canadiens quant à leurs droits de recours à l'office et quant au nouveau rôle de celui-ci.

La campagne comportera une conférence de presse, y compris bien sûr des rencontres régionales. Nous aurons des affiches et des dépliants destinés surtout à l'industrie touristique. Nous avons conçu un site Web pour les plaintes en ligne et nous avons aussi un nouveau numéro 1-800. Nous avons retenu au départ les services d'un centre d'appels qui traitera les plaintes téléphoniques au cours du premier mois parce que nous avions du mal à évaluer le volume futur.

Nous n'en sommes pas sûr pour l'instant, mais nous organiserons une campagne publicitaire, au besoin. Nous fournirons à tous les députés et à tous les sénateurs des trousses d'information. Nous espérons bien sûr que votre personnel acheminera à l'office toutes les demandes ou plaintes adressées à l'agence que vous recevrez.

Sur le plan des opérations, nous avons élargi notre service d'enquête sur les plaintes en vue de répondre à la demande accrue et de fournir du soutien au nouveau Commissaire aux plaintes. Nous sommes en train de créer une nouvelle unité d'enquête sur les prix, de peaufiner les techniques de surveillance et d'analyse des prix et de former le personnel pour qu'il puisse assumer ces nouvelles responsabilités.

Nous serons prêts à agir le jour où la loi sera proclamée. Notre réputation est déjà bien établie auprès des transporteurs et des consommateurs. Nous sommes convaincus de pouvoir assumer les nouveaux rôles que nous confèrent les dispositions du projet de loi relatives à la protection du consommateur.

[Français]

La présidente: J'aurais une question avant que nous commençions. Certaines personnes aimeraient voir la mise en place d'une charte des droits des passagers. À votre avis, est-ce que les pouvoirs actuels ou les pouvoirs accrus qui vous sont dévolus par la loi vous permettront de protéger efficacement les consommateurs, ou si nous avons vraiment besoin d'une charte des droits des passagers?

[Traduction]

Mme Robson: Le projet de loi offre ce genre de protection. Il est intéressant d'observer qu'Air Canada a annoncé la nomination d'un ombudsman. Nous croyons que cela sera très utile pour résoudre les problèmes et régler les plaintes. Nous croyons aussi savoir que le transporteur envisage peut-être d'adopter une forme quelconque de «normes de rendement», si on peut les appeler ainsi. Je ne crois pas qu'on parle d'une charte des droits comme telle, mais il y aura une série de normes relatives à la qualité du service auquel on peut raisonnablement s'attendre. Si c'est bel et bien le cas, elles nous seront très utiles pour nous prononcer au sujet de ce qui raisonnable ou de quelques-uns des concepts plus flous. Il sera intéressant de savoir ce qu'envisage Air Canada.

Toutefois, nous estimons que le projet de loi prévoit une protection générale.

La présidente: Vous estimez donc que les pouvoirs qui vous seront conférés suffiront pour protéger le consommateur?

Mme Robson: Nous espérons certes que ce sera le cas, effectivement.

Le sénateur Finestone: J'aimerais apporter un supplément d'information ou un éclaircissement. Il y a peut-être une erreur à la page 14 du mémoire. Vous avez dit, madame Robson, que le commissaire devra employer des techniques de médiation, qu'il ne sera pas autorisé à trancher les différends, et que l'on doit d'abord donner au transporteur l'occasion de régler lui-même la plainte.

Je ne comprends pas alors pourquoi il faut un centre téléphonique et tout le reste pour accueillir les plaintes si le commissaire ne peut pas trancher les différends. Quelque chose m'a-t-il échappé?

Mme Robson: Non, je ne le crois pas. Il y a deux genres de plaintes. C'est un peu compliqué.

La loi confère à l'Office des pouvoirs relatifs à certaines plaintes. Il peut en réalité prendre des mesures correctives. Il a compétence dans les questions liées, par exemple, aux tarifs.

L'autre genre de plaintes porte sur des questions plus «humaines», comme le service, y compris les longues files d'attente et le déplacement d'un passager dans un autre vol à cause de survente. Dans ce cas-là, le Commissaire aux plaintes relatives au transport aérien jouera un rôle de médiation, de résolution de problèmes.

On s'attend que, la plupart du temps, les plaintes reçues seront d'abord traitées par le commissaire. Il ou elle essaiera de les régler directement avec les transporteurs. C'est ce qu'on vise.

Le sénateur Forrestall: Vous avez éclairci un point. J'étais encore un peu perplexe tout à l'heure au sujet de la nature provisoire du poste de Commissaire aux plaintes. J'en déduis que le Commissaire aux plaintes devient un membre temporaire de l'Office des transports du Canada, oui?

Mme Robson: C'est juste.

Le sénateur Forrestall: À quoi cela sert-il? Pourquoi le commissaire serait-il un membre temporaire?

Mme Robson: La loi permet la nomination de sept membres de l'Office à temps plein, ce qui correspond à sa composition actuelle. Toutefois, la loi permet aussi au ministre de nommer des membres provisoires pour une période d'un an, avec possibilité de reconduire leur mandat pour une autre année. C'est cette disposition de la loi qui est utilisée.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous décidé des formalités que devra suivre ce receveur provisoire de plaintes? En d'autres mots, prévoyez-vous un processus? Verra-t-on un passager descendre à Gander, à Terre-Neuve, et affirmer qu'il a fait un voyage infernal depuis Toronto et qu'il souhaite porter plainte en composant le numéro 1-800? Son appel sera-t-il reçu par une machine ou une personne? Le répondeur lui demandera-t-il d'écrire une lettre parce toutes les lignes sont engagées?

Je puis admettre que ce fut une surprise. Il faudrait que je demande pourquoi ce fut une surprise, mais je ne le ferai pas car je crains la réponse que vous pourriez me donner. Avons-nous mis au point des processus à ce sujet?

Mme Robson: Oui, nous l'avons certes fait.

Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous nous mettre dans le secret?

Mme Robson: Nous prévoyons bien sûr qu'un commissaire aux plaintes soit nommé. Nous faisons des plans en conséquence. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, nous avons mis sur pied une équipe de transition. Nous avons affecté d'autres employés à la fonction «plaintes». Ils seront au service du commissaire aux plaintes ainsi que des autres membres de l'Office.

Le commissaire aux plaintes s'occupera strictement de plaintes relatives au transport aérien, alors que les autres membres de l'office s'occupent de tous les modes de transport. La personne nommée se consacrera à temps plein à ce processus et aura le soutien d'employés. Je demanderais à M. Currie de vous donner plus de détails au sujet de nos plans.

M. Currie: Nous avons commencé à faire une sérieuse réflexion à ce sujet. Pour ce qui est de votre exemple de la façon dont une personne peut communiquer avec l'Office pour se plaindre, nous avons déjà mis sur pied le centre téléphonique. L'appel sera pris par une personne. C'est ce qui est actuellement prévu. Bien que les plaintes, selon leur nature, puissent être acheminées vers des téléphonistes différents, il y aura quelqu'un au bout du fil. Le client ne sera pas accueilli par un message enregistré l'instruisant d'envoyer sa plainte par écrit.

Nous avons aussi prévu un site Web qui donnera toutes les précisions voulues sur la façon de porter plainte. Il y aura même un formulaire de plainte électronique qu'on pourra remplir.

Le centre téléphonique servira à expliquer comment porter plainte. Par contre, on ne prendra pas de plainte au téléphone. Il faut donner au transporteur la possibilité de prendre connaissance de la plainte et d'y réagir. Par conséquent, il faut que les renseignements soient clairs. Il faudra recevoir quelque chose par écrit -- une lettre, un fax ou une plainte électronique.

On prévoit que le commissaire communiquera alors avec le transporteur au sujet de la plainte. Il lui demandera de faire connaître ses observations, puis nous tenterons de résoudre la plainte à ce niveau. On peut raisonnablement s'attendre qu'un certain nombre...

Le sénateur Forrestall: Je vous en prie, parlez un peu moins vite pour que je puisse bien comprendre ce que vous dites. Le passager se trouver à Gander et compose le numéro 1-800. Il n'a pas à sa disposition un site Web, encore moins un ordinateur et il ne saurait même pas comment l'utiliser de toute façon. Quelqu'un lui dira: «Envoyez-nous une lettre».

Le sénateur Spivak: Le message qu'il entendra sera peut-être: «Nous sommes en train de servir d'autres clients. Gardez la ligne pour ne pas perdre la priorité de votre appel».

Le sénateur Forrestall: Quoi qu'il en soit, c'est très important. La majorité peut-être des personnes qui voyagent par avion sont plus instruites et savent comment s'y prendre. Toutefois, il importe que le premier contact ne soit pas la voix d'un étranger qui est simplement un autre allié d'un organisme gouvernemental. Il faudrait plutôt que ce soit quelqu'un qui se charge de la plainte -- réelle ou imaginaire. Si j'ai bien compris, vous ne recevrez pas de plainte au téléphone. Il faudrait donc que le passager vous envoie une lettre.

M. Currie: Oui.

Le sénateur Forrestall: À votre tour, vous transmettrez en temps et lieu la lettre à la ligne aérienne qui fait l'objet de la plainte. La plupart du temps, ce sera Air Canada.

M. Currie: Pas si je me fie aux plaintes que nous avons reçues jusqu'ici.

Le sénateur Forrestall: Elles ne concernant pas toujours Air Canada?

M. Currie: Ce n'est pas toujours Air Canada qui est en cause. Nous recevons également des plaintes au sujet de nombreuses autres lignes aériennes.

Le sénateur Forrestall: Je ne vous crois pas. J'ai reçu plus de 1 100 plaintes et elles portent toutes sur les interconnexions, le manque d'échanges intercompagnies ou les bagages. Ce sont de véritables histoires d'horreur, et je suis sûr que vous les connaissez, car il faut bien que quelqu'un les règle. Je suis désolé, mais le processus a une très grande importance. Transmettriez-vous alors la plainte à la ligne aérienne en cause?

M. Currie: Effectivement.

Le sénateur Forrestall: Qu'arrive-t-il si le transporteur en cause prétend être trop occupé? Quelle suite est donnée à la plainte?

M. Currie: Le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien a le pouvoir d'exiger du transporteur qu'il lui fournisse les renseignements concernant la plainte.

Le sénateur Forrestall: Qu'entendez-vous par «exiger»?

M. Currie: Dans le projet de loi, il est prévu que le commissaire aux plaintes relatives au transport aérien peut obliger le transporteur à produire des documents. L'article du projet de loi est très clair à cet égard.

Le sénateur Forrestall: Je vais vous croire sur parole.

M. Currie: Vous n'avez pas besoin de me croire sur parole, sénateur.

Le sénateur Forrestall: Je vais vous croire. Je ne souhaite pas que vous preniez le temps de lire la disposition. Je peux la trouver tout aussi facilement que vous, ou presque.

Qu'arrive-t-il alors?

M. Currie: On s'attend que le transporteur donnera sa version des faits et que le commissaire examinera ensuite les deux versions. Certaines plaintes sont certes fondées et d'autres, pas. Le commissaire devra décider si elle est fondée. Si elle l'est, il essaiera de recourir à la médiation pour régler la plainte.

Nous avons constaté à plusieurs reprises qu'une fois que la plainte est portée à l'attention du transporteur par l'Office, le transporteur la prend plus au sérieux, et très souvent la plainte est réglée. De nombreuses plaintes sont réglées de cette manière.

Le sénateur Forrestall: C'est ce qui cloche. Pourquoi faudrait-il qu'il prenne la plainte plus au sérieux simplement parce que l'Office a attiré son attention sur celle-ci?

M. Currie: Je ne puis l'expliquer. Il s'agit simplement d'obtenir que le transporteur examine la plainte à nouveau. Tout d'abord, avec le genre de publicité qu'il y a eu, Air Canada sera plus disposé à la prendre au sérieux, étant donné les déclarations publiques de ses dirigeants. Je soupçonne que c'est aussi le cas des autres transporteurs. Il n'y a pas de doute que le commissaire fera rapport publiquement à votre comité, entre autres, des plaintes reçues et de la suite qui leur a été donnée. Ce genre de publicité sera efficace.

Je ne peux pas garantir que ce sera le cas, mais c'est ce que je prévois. Certaines tendances se dégageront probablement des plaintes. Je suis sûr que, si vous avez reçu 1 100 plaintes, il doit s'en dégager certaines tendances -- certaines doléances plus fréquentes que d'autres. Par exemple, les longues files d'attente aux aéroports ou les longs temps d'attente au téléphone.

Le commissaire soulèverait ces questions systémiques auprès du transporteur en question et, probablement, laisserait entendre qu'il faut les régler. Je crois qu'en portant publiquement une question à l'attention du transporteur, on obtiendra très rapidement un règlement.

Préféreriez-vous l'autre solution? Préféreriez-vous que le gouvernement puisse dire au transporteur: «Il faut engager plus de téléphonistes. Le temps d'attente est trop long»? Agir ainsi revient pas mal à dicter à quelqu'un comment diriger son entreprise. Tout est question de savoir jusqu'où vous voulez aller.

La présidente a posé une question au sujet d'une charte des droits des passagers. Quand nous aurons fait l'expérience de ce genre d'approche de médiation -- une approche moins coercitive --, si elle ne fonctionne pas bien, il sera peut-être opportun d'adopter une charte des droits.

Je préfère nettement laisser d'abord les gens agir de leur propre gré, de ne pas recourir à la réglementation à moins qu'elle soit vraiment requise. Nous croyons pouvoir y arriver de cette façon.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous nous donner une échéance plausible concernant le processus de plainte -- l'arrivée de la plainte, sa documentation et sa transmission au transporteur pertinent, puis la réception de la réponse du transporteur par le plaignant, plutôt que par le commissaire aux plaintes?

M. Currie: Le transporteur enverrait sa réponse au commissaire aux plaintes et copie au plaignant.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous imaginer un délai pour cette opération?

M. Currie: Oui, je crois que les règles générales de l'Office peuvent nous servir de guide en ce qui concerne les délais. Habituellement, le transporteur auquel est signifiée une plainte dispose de 30 jours pour y répondre, et le plaignant dispose de 10 jours de plus pour réagir à cette réponse. Tout le processus prend de un à deux mois. Il faut prévoir aussi du temps supplémentaire pour que le commissaire règle véritablement la question. Cela peut se passer plus rapidement.

Le sénateur Forrestall: Cela éliminerait certainement la colère progressivement.

M. Curry: N'oubliez pas qu'il s'agit de plaintes qui n'ont pas été réglées par le transporteur. Le projet de loi stipule que la personne doit s'être plainte auprès du transporteur en premier lieu.

Le sénateur Forrestall: Pensez-vous qu'il soit possible qu'un commissaire aux plaintes, qui est un commissaire de l'Office des transports du Canada, ne sera plus nécessaire et que ce travail sera effectué par les lignes aériennes elles-mêmes?

M. Currie: Et bien, dans un sens, je l'espère. À mon avis, c'est utile pour les gens qui veulent se plaindre, car ils savent alors qu'ils disposent d'un recours. Si le processus réussit, le nombre de plaintes diminuera -- espérons-le grâce à un meilleur service et parce que les transporteurs traiteront plus efficacement des plaintes.

Air Canada m'a dit il y a quelques semaines qu'elle vise essentiellement à supprimer le poste du commissaire aux plaintes en matière de voyages aériens en améliorant le service qu'elle fournit et la façon dont elle traite des plaintes par l'entremise de son ombudsman.

Nous avons également parlé de la mise au point d'un code de conduite -- la «déclaration des droits des passagers», si vous voulez. Cela permettrait de fixer des critères; s'ils sont raisonnables et que le transporteur ne les a pas respectés, le transporteur dédommagera probablement le passager. S'ils ont été respectés, peut-être alors que la plainte n'est pas bien fondée. J'ose espérer que, malgré les problèmes évidents des derniers mois, les choses vont se calmer. Nous reviendrons à une situation où, en règle générale, les transporteurs de notre pays desservent très bien les passagers par comparaison à ce qui est censé se passer au sud de la frontière.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous calculé le coût?

M. Currie: Non, pas encore. Le ministre a déclaré qu'il faudra plus de ressources, mais nous n'avons pas encore obtenu l'approbation de ces ressources supplémentaires.

Le sénateur Forrestall: Je suis sceptique. Je ne crois pas que l'Office des transports du Canada devrait se mêler de cela. Je ne le pense vraiment pas.

Allons-nous dans la bonne direction? L'Office est-il satisfait? Nous avons entendu dire par le Bureau de la concurrence que l'Office est en général satisfait et considère que les mesures prises par le gouvernement sont bonnes. Il ne fait aucun doute que des changements devront intervenir et qu'il faudra faire preuve d'imagination. Êtes-vous raisonnablement satisfait de l'orientation prise et du rythme du changement?

Mme Robson: Pour répondre rapidement, oui.

Le sénateur Callbeck: Toujours dans le domaine des plaintes, vous avez dit qu'il y en a eu 165 l'année dernière. Votre année se termine-t-elle en décembre ou en mars?

M. Currie: Il s'agit de l'exercice du 1er avril au 31 mars.

Le sénateur Callbeck: Savez-vous combien de plaintes vous avez reçu depuis le mois de mars?

M. Currie: Désolé, je parlais de l'année civile, 1999.

Le sénateur Callbeck: Combien de plaintes avez-vous reçues au cours des six derniers mois?

M. Currie: Je ne peux pas répondre, mais je peux vous donner un chiffre pour la période de janvier à mars de cette année. Il y en a eu 76 au premier trimestre.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous des chiffres depuis mars?

M. Currie: Il y en a eu 38 en avril.

Mme Robson: Il s'agit de plaintes faites par écrit, mais nous recevons beaucoup de plaintes par téléphone. Il s'agit de plaintes officielles, écrites.

Le sénateur Callbeck: À l'heure actuelle, le public sait-il où il peut se plaindre? Vous parlez d'un numéro 1-800 et d'un site Web. Comment le public sait-il où se plaindre?

M. Currie: Nous n'avons pas lancé une campagne publicitaire d'envergure au sujet des pouvoirs de l'Office à cet égard. Nous prévoyons le faire en raison du rôle de protection du consommateur beaucoup plus vaste que nous allons maintenant jouer. Comment les gens le savent-ils? Nous avons certainement publié de l'information sur l'Office. Nous avons des brochures, et cetera. Nous parlons aux agents de voyage qui sont au courant de notre existence. Les transporteurs connaissent certainement notre existence. Nous avons déjà un numéro 1-800, mais nous sommes un petit office et nous n'avons certainement pas le même genre de profil que les grands ministères.

Nous ne sommes probablement pas bien connus. J'ai d'ailleurs vraiment l'impression ici que nous n'avons pas non plus suffisamment parlé de nous aux sénateurs.

Le sénateur Callbeck: Allez-vous mener une campagne agressive?

Mme Robson: Oui. Nous sommes très en vue auprès des handicapés, car nous jouons un rôle très précis à leur égard. Nous avons fait un énorme travail de communication dans ce domaine, car nous sommes chargés de supprimer les obstacles excessifs auxquels se heurtent les personnes handicapées. C'est un rôle étroit, étant donné que c'est le principal mandat qui nous est confié en vertu de notre loi. Je dirais que nous sommes actuellement moins bien connus de la population générale. Nous avons certainement l'intention de remédier à la situation en menant une campagne très agressive de communication dès que nous aurons nos nouveaux pouvoirs. C'est la clé. Nous aurons de nouvelles responsabilités. Nous aurons une campagne d'information d'envergure à ce moment-là.

Le sénateur Callbeck: Vous étiez probablement ici lorsque First Air a fait ses commentaires au sujet du processus d'examen des prix. Ses représentants ont indiqué qu'il n'y a pas de processus défini, pas de règles relatives à la confidentialité et aucun critère objectif de décision. Qu'avez-vous fait dans ce domaine?

M. Currie: Je n'ai pas entendu l'exposé de First Air, mais j'ai toutefois suivi une partie de la discussion. Je crois que l'article 66 donne suffisamment d'indications à l'Office sur la façon dont le processus se déroule. Au paragraphe 66(3), il est clair que lorsque l'Office vérifie si un prix ou un taux est raisonnable, il doit prendre en compte certains facteurs, comme les renseignements relatifs aux prix appliqués antérieurement, en ce qui concerne notamment les prix appliqués sur des routes comparables lorsque la concurrence existe; d'autres renseignements fournis par le transporteur et d'autres renseignements que l'Office juge pertinents.

L'approche fondamentale est axée sur la comparaison. Il ne s'agit pas d'avoir un organisme chargé de fixer les prix, ni d'évaluer de manière générale si les prix sont raisonnables. Autant que je sache, pour les routes desservies par un seul transporteur, il s'agit d'empêcher des augmentations disproportionnées de prix ou de taux. Ce faisant, je crois que l'Office, tel que guidé par le projet de loi, cherchera à faire des comparaisons. Dans le cas d'une route desservie par un seul transporteur, il faudra trouver une route dont le volume de trafic est quelque peu similaire, où le service offert est quelque peu similaire, de même que les augmentations de prix et la gamme des prix. C'est ainsi que nous voyons notre rôle. C'est essentiellement une question de comparaison. En d'autres termes, s'il y a concurrence, les prix seront raisonnables, pratiquement par définition, puisqu'il s'agit du principe sous-jacent de la concurrence. Cela ne veut pas dire que les prix seront jugés raisonnables par tout un chacun. J'ai entendu certains des débats du comité, lundi dernier. Certains ont demandé s'il est raisonnable de payer 1 100 $ pour un vol réservé 14 jours à l'avance et de payer deux fois ce prix si le vol est réservé 13 jours à l'avance. Il faut savoir qu'il est très complexe de fixer les prix.

La concurrence a donné lieu à une gamme de prix qui semble étrange, dans une certaine mesure. Il s'agit en fait de faire en sorte que lorsqu'une route est desservie par un seul transporteur, il n'y a pas d'augmentation disproportionnée des prix ni une gamme de prix considérablement différente de celle prévue pour les routes où il y a de la concurrence. Si je comprends bien, c'est le principe fondamental du projet de loi et il est exposé assez clairement.

Le sénateur Callbeck: Êtes-vous en train de dire que la loi actuelle n'est pas claire?

M. Currie: La loi actuelle est différente étant donné qu'elle ne traite que d'un prix unique, comme First Air l'a indiqué au cours du débat. Bien sûr, jusqu'à présent, il y a eu comparativement peu de routes de monopole où le volume de trafic était important. Dans le sud, Air Canada et Canadian ou leurs filiales se faisaient concurrence sur presque toutes les routes. Par conséquent, il était impossible de porter plainte.

Il s'agissait toujours de faire des comparaisons. Ce n'était pas indiqué aussi clairement, mais il fallait s'assurer que le prix de base et la façon dont il augmentait au fil du temps sur les routes de monopole n'était pas disproportionnée par rapport à l'augmentation des prix de base sur des routes comparables où il y avait de la concurrence. C'est de toute façon ainsi que nous le comprenons.

Le sénateur Callbeck: Nous avons reçu un mémoire du Centre pour la promotion de l'intérêt public. Ses représentants pensent qu'ils ne recevront pas suffisamment d'information, que les dispositions actuelles sont rédigées d'une façon telle qu'elles limitent la capacité de l'Office d'examiner des preuves pertinentes, y compris des études du gouvernement et d'universités sur le coût, les prix et la répartition des coûts dans l'industrie aéronautique. Une modification du gouvernement permettrait à l'Office d'examiner toute l'information pertinente et de déterminer si un prix est déraisonnable. Ne croyez-vous pas que vous devriez examiner tous les renseignements pertinents?

M. Currie: Bien sûr. La question qui se pose est la suivante: Qu'est-ce qui est pertinent? D'après ce que vous venez de lire, madame la sénatrice, il me semble que l'on pense à un exercice de fixation de taux plutôt qu'à une comparaison entre un prix appliqué sur une route de monopole et un prix appliqué sur une route comparable où il y a de la concurrence.

La quantité de renseignements requis est différente. Le paragraphe 66(3) énonce certains renseignements que l'Office doit prendre en compte pour décider si un prix est raisonnable ou non.

Le paragraphe 66(3), tel que nous l'interprétons, ne limite pas l'Office, mais le guide considérablement au sujet des points qu'il doit envisager. S'il y a des renseignements supplémentaires pertinents, l'Office a le pouvoir de les exiger. Je ne crois pas que cela le limite, mais il ne s'agit pas, de notre point de vue, d'un exercice de fixation de taux. Nous ne cherchons pas à savoir, de façon générale, si les prix sont raisonnables. Notre rôle est beaucoup plus limité.

Il s'agit de s'assurer qu'il n'y a pas d'augmentation de prix disproportionnée sur les routes où il n'y a pas de concurrence, par rapport aux routes où il y a de la concurrence. Ce rôle est beaucoup plus restreint qu'un processus général de fixation de taux ou une évaluation générale permettant de décider si les prix sont raisonnables, au sens large du terme.

Le sénateur Callbeck: En d'autres termes, il faut finalement justifier les dépenses?

M. Currie: Non; je ne crois pas qu'il s'agisse de justifier les dépenses. Les coûts peuvent intervenir à l'occasion, mais de notre point de vue, il ne s'agit pas de savoir si les prix appliqués se justifient en fonction des coûts. C'est quelque chose d'extrêmement complexe à faire. Nous n'envisageons pas de créer le genre de bureaucratie nécessaire pour ce faire. Si la concurrence se traduit par une certaine gamme de prix sur une route, nous nous attendons à ce que les prix évoluent de la même façon sur une route où le trafic est comparable et où il n'y a qu'un seul transporteur. Il s'agit d'une approche analytique beaucoup plus limitée qu'une évaluation générale de ce qui est raisonnable. Pour procéder autrement, il faudrait mettre sur pied une organisation beaucoup plus vaste. C'est une entreprise beaucoup plus complexe qui exigerait beaucoup plus de ressources.

Le sénateur Roberge: Toujours au sujet des questions que la sénatrice Callbeck a posées à propos de First Air et des prix, avez-vous des procédures et des critères écrits dans le cadre du système actuel?

M. Currie: Nous avons des procédures écrites. Il existe des règles générales qui indiquent comment l'Office doit remplir son rôle, que ce soit par écrit ou oralement. Nous avons des procédures bien établies au sujet du respect des règles de justice naturelle, d'équité, et cetera.

Les critères qui permettent d'établir si un tarif est raisonnable ou non n'ont pas été définis. Nous allons plutôt procéder par comparaison, comme je viens de vous l'expliquer.

Le sénateur Roberge: Vous vous exposez donc aux caprices de chaque inspecteur.

M. Currie: Je ne le crois pas, parce que c'est l'Office qui prend la décision, pas l'enquêteur.

Le sénateur Roberge: Qu'en savez-vous, si l'Office n'a pas de critères ou de procédure établie?

M. Currie: L'Office doit traiter chaque cas séparément. Cela ne veut pas dire que ses constatations manquent de cohérence. Bien au contraire. Je ne sais pas si le président souhaite ajouter quelque chose, mais c'est ainsi que je vois les choses. L'Office n'a pas à s'appuyer sur des lignes directrices précises chaque fois qu'il examine un cas. Toutefois, il doit être équitable et cohérent, et il l'a été.

Le sénateur Roberge: Le sénateur Callbeck a fait tout à l'heure un commentaire intéressant au sujet de First Air, dont l'expérience a fait ressortir «l'absence d'un processus bien défini, de règles sur le caractère confidentiel des renseignements et de critères objectifs de décision». J'espère que dans ce nouvel environnement dans lequel vous allez évoluer, vous allez disposer de procédures et de critères bien établis que nous pourrons examiner.

M. Currie: Vous pouvez certainement avoir des copies de nos règlements généraux, si vous voulez. Ils sont publiés.

L'Office examine chaque cas séparément. Il revient au transporteur, notamment, de faire en sorte que les tarifs sont raisonnables. Le projet de loi laisse entendre très clairement que l'examen se fera par voie de comparaison.

Le sénateur Roberge: Nous allons attendre de voir des plaintes.

Aux États-Unis, les données statistiques sur les bagages perdus, les retards, les problèmes, les surréservations, ainsi de suite, sont transparentes et publiques. Est-ce que l'Office a l'intention d'exiger la même chose?

M. Currie: Il faudrait, pour cela, adopter une loi et le gouvernement a choisi de ne pas imposer cette exigence. Aux États-Unis, les transporteurs sont tenus, en vertu de la loi, de fournir ces renseignements. Il n'existe pas, à mon avis, d'exigence comparable au Canada. Le commissaire publiera des données sur les plaintes reçues et les mesures prises pour les régler, mais pas sur la ponctualité des avions ou le nombre de bagages perdus. Il faudrait modifier la loi pour obliger les transporteurs à fournir ces renseignements. Le projet de loi ne fait aucune mention de cela.

Le sénateur Kirby: Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de modifier la loi. Le commissaire pourrait, dans le cadre de son mandat, établir des normes qui vous serviraient de guide pour déterminer si une plainte est fondée ou non. Or, la seule façon d'établir ces normes, c'est en recueillant les données qu'a mentionnées le sénateur Roberge. Je ne suis pas sûr que le commissaire ne puisse pas exiger ces renseignements. Il serait intéressant de voir si cela peut se faire sans modification législative. Je ne veux pas de réponse maintenant, mais il serait utile de le savoir.

M. Claude Jacques, directeur, Services juridiques, Office des transports du Canada: Je ne sais pas si j'ai bien saisi la question.

Le sénateur Kirby: Le sénateur Roberge veut savoir si l'on peut avoir accès, comme c'est le cas aux États-Unis, aux données sur la qualité du service offert, ou s'il faut pour cela modifier la loi, comme M. Currie l'a laissé entendre.

Comme nous avons maintenant un bureau qui s'occupe des plaintes, il faudrait que celui-ci puisse évaluer le bien-fondé d'une plainte en fonction d'une moyenne. Dans le cas de la ponctualité, la moyenne n'est pas de 100 p. 100. Vous voulez savoir si le fait qu'un vol arrive avec deux heures de retard est raisonnable ou non par rapport à la moyenne. Le nouveau commissaire pourrait exiger que les compagnies aériennes lui fournissent cette information pour être en mesure d'évaluer le bien-fondé de la plainte. Je contestais tout simplement ce que M. Currie a dit au sujet de la modification législative. Il se peut qu'une telle modification soit nécessaire. J'aimerais tout simplement connaître la réponse à cette question.

Vous avec parlé, dans votre exposé, des prix et des tarifs intérieurs. Vous avez indiqué que l'Office peut prendre des mesures s'il conclut, à la suite d'une plainte ou de sa propre initiative, qu'un prix intérieur est excessif. Dans le cas des tarifs intérieurs, l'Office peut intervenir uniquement sur «dépôt d'une plainte». Donc, pendant les deux premières années, vous aurez le pouvoir d'intervenir de votre propre initiative, c'est bien cela?

M. Currie: Non. Dans le cas des prix intérieurs, nous pouvons intervenir sur dépôt d'une plainte, mais également de notre propre initiative, et ce, pendant deux ans. Je n'ai pas fait cette distinction ici.

Le sénateur Kirby: Est-ce que ce délai peut être prolongé par voie de règlement?

M. Currie: Oui. Le projet de loi ne nous autorise pas entreprendre une enquête sur les conditions de transport de notre propre initiative.

Le sénateur Kirby: Seulement sur dépôt d'une plainte?

M. Currie: Oui, en ce qui concerne les conditions de transport intérieur.

Le sénateur Kirby: Pour ce qui est des tarifs, je présume qu'il existe des définitions juridiques des mots «déraisonnable» ou «injustement discriminatoire»? Si je pose cette question, c'est parce que si nous faisons un tour de table, nous pourrions avoir 12 définitions différentes de «déraisonnable». Je présume qu'il existe une définition juridique objective. Est-ce exact?

M. Currie: Je ne sais pas si ces termes sont définis, mais je suis certain qu'il existe des précédents jurisprudentiels en la matière.

Le sénateur Kirby: C'est vous qui prenez la décision. C'est tout ce que je dis.

M. Currie: Il existe des précédents jurisprudentiels. Je vais demander à M. Jacques d'en parler.

M. Jacques: Les termes injustement discriminatoire, déraisonnable ou autres ne sont pas définis dans la loi ou les règlements. Toutefois, l'Office et son prédécesseur, la Commission canadienne des transports de même que l'Office national des transports, ont établi un recueil de décisions sur lesquelles ils se fondent pour établir si une condition précise ou un tarif particulier est déraisonnable ou injustement discriminatoire.

Le sénateur Kirby: Vous dites qu'il y a un important élément de subjectivité qui découle, du moins en partie, des pratiques antérieures. Est-ce exact?

M. Jacques: Oui.

Le sénateur Kirby: Le comité s'est entendu pour dire, un peu plus tôt, que vous devriez avoir le pouvoir d'émettre des ordonnances d'interdiction. Ce pouvoir n'existe pas en vertu du projet de loi, est-ce exact?

M. Jacques: Nous n'avons pas le pouvoir d'émettre des ordonnances d'interdiction.

Le sénateur Kirby: Ainsi, pendant que vous menez votre enquête, vous pouvez au moins suspendre les conditions à l'origine de la plainte?

M. Jacques: Oui, et nous l'avons déjà fait dans le passé.

Le sénateur Kirby: Les sénateurs Forrestall, Roberge et moi-même, entre autres, sommes d'avis que les pouvoirs énumérés sous la rubrique «tarifs intérieurs» devraient être conférés non pas à l'Office, mais au Bureau de la concurrence, puisque la question des prix relève directement du domaine de la concurrence. Je ne vois pas comment vous pouvez dissocier les deux.

Compte tenu des pouvoirs élargis dont dispose le Bureau de la concurrence dans le domaine du transport aérien, comment pouvez-vous éviter de vous trouver dans une situation où, par exemple, vous menez enquête tous les deux sur le même dossier? On peut le définir différemment, mais le problème serait le même, surtout s'il s'agit de prix injustement discriminatoires.

M. Currie: En ce qui concerne les prix, notre tâche consiste à déterminer s'ils sont raisonnables, pas s'ils sont injustement discriminatoires.

Le sénateur Kirby: J'utilise les mots qui figurent à la diapositive 12.

M. Currie: Cette diapositive traite uniquement des conditions de transport intérieur, par exemple, des mesures que la compagnie aérienne doit prendre si elle perd vos bagages.

Le sénateur Kirby: Cela n'a rien à voir avec les tarifs?

M. Currie: Les tarifs englobent et les prix et les conditions de transport. La diapositive 12 traite uniquement des conditions de transport intérieur.

Les pouvoirs que nous exerçons en matière de prix intérieurs sont décrits dans le nouvel article 66. Le mot clé est «raisonnable». Le paragraphe 66(3) dispose que l'Office doit tenir compte de certains facteurs pour décider si un prix est excessif ou non sur un trajet desservi par un seul transporteur. On doit procéder par comparaison.

Donc, la question est de savoir si le prix appliqué à l'égard d'un trajet desservi par un seul transporteur est raisonnable par rapport à celui qui est appliqué à l'égard d'un trajet qui est desservi par plusieurs transporteurs.

Le sénateur Kirby: Que pouvez-vous nous dire au sujet des trajets qui sont desservis par plusieurs transporteurs?

M. Currie: Nous n'exerçons aucun pouvoir sur ceux-ci.

Le sénateur Kirby: Donc, pour ce qui est des prix, votre pouvoir ne s'applique qu'aux trajets desservis par un seul transporteur, ce qui n'a rien à voir avec la concurrence. Est-ce essentiellement cela qui va distinguer votre mandat de celui du Bureau de la concurrence?

M. Currie: En partie, oui.

Le sénateur Kirby: Que pouvez-vous nous dire des trajets qui sont desservis par plusieurs transporteurs et où la concurrence n'est pas axée sur les prix?

M. Currie: Nous n'exerçons aucun pouvoir sur les prix appliqués à l'égard de ces trajets.

Le sénateur Kirby: Il est bien question de dollars quand vous parlez de «prix»? La concurrence dans le secteur du transport aérien peut prendre diverses formes.

Les compagnies peuvent attirer les clients par d'autres moyens. Si le trajet est concurrentiel et que quelqu'un pense qu'Air Canada offre des incitatifs qui n'ont rien à voir avec les prix, qui est chargé de déterminer si cette pratique est discriminatoire et qu'elle devrait prendre fin? Est-ce vous ou le Bureau de la concurrence?

M. Currie: Le terme que vous cherchez est sans doute «abusif». Si la pratique est discriminatoire, il faudrait que quelqu'un dépose une plainte. Si quelqu'un souhaite se plaindre du fait que le prix qu'il paie pour se voir refuser l'embarquement est excessif ou discriminatoire, nous allons mener une enquête.

Le sénateur Kirby: Il y a des questions qui pourraient relever et de l'Office et du Bureau de la concurrence, n'est-ce pas?

M. Currie: Je présume que le Bureau de la concurrence va intervenir si quelqu'un estime que le transporteur principal agit de façon injuste. Autrement dit, s'il y a concurrence déloyale, pratique anticoncurrentielle ou agissements abusifs contre un autre transporteur. Nous sommes beaucoup plus susceptibles d'avoir des plaintes de consommateurs qui jugent que les conditions de transport intérieur ne sont pas raisonnables et qu'elles sont discriminatoires.

Nous sommes plus susceptibles d'avoir des plaintes de voyageurs, alors que le Bureau de la concurrence va sans doute recevoir des plaintes d'autres transporteurs qui vont dénoncer le comportement de tel transporteur, comme l'ont mentionné aujourd'hui les représentants de Pacific Coastal Airlines.

Le sénateur Kirby: Donc, la plupart des plaintes que vous allez recevoir vont venir des consommateurs. Le Bureau de la concurrence, lui, va surtout s'occuper des plaintes qui portent sur les différends entre transporteurs, n'est-ce pas?

M. Currie: Oui. Vous avez raison, il y a des questions qui pourraient relever de la compétence des deux entités. Mais c'est surtout là que se situe la différence.

Nous allons sans doute nous trouver dans des situations où nous pouvons intervenir tous les deux. Toutefois, c'est ce qui nous distingue essentiellement.

Le sénateur Perrault: De nombreux témoins ont laissé entendre que les députés, aussi bien au palier fédéral que provincial, exercent moins d'influence. Notre mandat, en temps que parlementaires, consiste à nous occuper des plaintes du public. Est-ce que nous sommes en train de décharger le député, qui est censé servir ses électeurs, de cette responsabilité pour la transférer à ce nouveau bureau?

Je me fais l'avocat du diable. Jusqu'où allons-nous aller? Nous avons reçu des centaines d'appels au cours du dernier mois au sujet de la baisse de qualité du service offert par les transporteurs aériens. Les appels sont nombreux.

Allons-nous confier ce fardeau aux fonctionnaires? Comment les députés vont-ils rester en contact avec leurs électeurs si on transfère cette responsabilité aux fonctionnaires?

Mme Robson: Les députés et les sénateurs se plaignent du fait qu'ils reçoivent un grand nombre de plaintes et qu'ils n'ont pas nécessairement le moyen de les résoudre.

Le sénateur Perrault: Allons-nous leur dire de composer le 1-800 au lieu de nous appeler?

Mme Robson: Vous avez l'option de prendre l'appel ou de le transférer.

Le sénateur Perrault: Nous espérons que cette nouvelle initiative va porter fruit. C'est formidable.

Ma question est la suivante: est-ce que ce nouveau bureau diminue la tâche du député à un moment où les gens essaient de toute façon de banaliser son rôle?

Mme Robson: Je ne le crois pas. Les députés pourront se servir de cet outil pour aider les gens à obtenir des ressources. À l'heure actuelle, ils n'ont personne à qui s'adresser quand ils veulent déposer une plainte. Ce serait pour vous un moyen d'aider vos électeurs.

Le sénateur Finestone: Les représentants de Pacific Coastal Airlines Limited, qui étaient ici plus tôt aujourd'hui, ont déposé une plainte au sujet du service préjudiciable, des problèmes liés à la concurrence et autres questions connexes. Doivent-ils s'adresser au Bureau de la concurrence ou à l'Office?

M. Currie: Je ne suis au courant d'aucune plainte formulée par Pacific Coastal à ce sujet. Il faudrait qu'ils la déposent auprès du Bureau de la concurrence.

Le sénateur Finestone: Comment faites-vous pour déterminer si une plainte au sujet du prix d'un billet est fondée ou non? Permettez-moi de vous donner un exemple. On a voulu réserver cinq places à bord d'un vol à destination de Terre-Neuve. Chaque billet coûtait environ 620 $. On a d'abord acheté deux billets. Ensuite, les parents ont décidé de ne pas laisser leurs trois enfants à la maison. Ils ont rappelé le jour suivant, soit le treizième jour avant le départ du vol. On leur a dit que le billet coûtait 1 100 $. Il s'agissait d'un vol Ottawa-St. John's.

Comment peut-on justifier la différence de prix de 620 $ à 1 100 $ le billet, pour cinq personnes, à bord du même avion, les réservations étant faites un jour plus tard, soit le treizième jour avant le départ du vol? Ne trouvez-vous pas cela exagéré? Sinon, je veux savoir quelle méthode de calcul vous utilisez.

M. Currie: Il est difficile de comprendre comment les compagnies aériennes fixent les prix. C'est quelque chose qui m'intrigue beaucoup.

Le sénateur Finestone: J'ai déjà composé le numéro 1-800. J'ai demandé au représentant de mon association de comté qui s'occupe des plaintes de vous téléphoner. Qu'allez-vous faire avec celle-ci?

M. Currie: D'abord, je comprends votre point de vue. L'environnement concurrentiel ici et ailleurs dans le monde a donné lieu à ce type de structure tarifaire.

Le sénateur Finestone: Pardon?

M. Currie: Il y a huit ou neuf ans, la compagnie American Airlines a adopté ce qu'on appelle une politique de prix raisonnable. Elle a modifié la structure tarifaire et introduit trois niveaux de tarifs différents: un tarif de classe économique et deux tarifs réduits. Cela a duré une semaine, car la concurrence livrée par les autres transporteurs était telle qu'elle perdait trop d'argent. Elle ne pouvait plus maintenir ces tarifs.

La concurrence a eu un impact étrange sur les tarifs du point de vue des consommateurs. Je constate la même chose. Je trouve bizarre qu'un billet pour Vancouver me coûte 3 000 $ si je quitte avant le samedi. Si je reste le samedi, il va me coûter 600 $. Je trouve cela très bizarre, mais c'est ce que donne la concurrence.

Pour ce qui est de vos électeurs, on ne peut pas faire grand chose s'il s'agit d'un trajet qui est desservi par plusieurs transporteurs. C'est la concurrence qui a donné naissance à ce genre de structure tarifaire. Dans le passé, il y avait plus d'un transporteur qui assurait la navette Ottawa-St. John's. Il se peut que la situation change un jour. Mais pour l'instant, je pense qu'il y en a plus d'un qui dessert cette route.

Le sénateur Finestone: Vous avez raison. On m'a dit que la concurrence, qui venait de la part de Canadien, n'existe plus. Air Canada et Canadien International avaient ajouté un vol supplémentaire au cours de l'été. Air Canada est maintenant le seul transporteur à assurer cette liaison, et il n'a ajouté que 36 sièges additionnels. Ce n'est pas beaucoup.

M. Currie: Supposons que le trajet n'est desservi que par un seul transporteur. Nous déposerions une plainte contre celui-ci. Nous lui demanderions de justifier les tarifs qu'il applique par rapport à ceux qui s'appliquent à l'égard d'un trajet desservi par plusieurs transporteurs. Il faudrait qu'il démontre que sa structure tarifaire pour ce trajet est la même. Il a probablement des prix différents -- il y en a peut-être un qui s'applique dix jours avant le départ.

Il y aura une série de structures de fixation des prix qui devraient être semblables à celles des trajets desservis par plusieurs transporteurs. Le cas échéant, la plainte serait rejetée. Dans la négative, nous irions plus loin et demanderions au transporteur d'expliquer pourquoi il applique un barème de prix déraisonnables sur ce trajet que ne lui dispute aucun autre transporteur, comparativement à ceux où il y a concurrence.

Le sénateur Finestone: Combien de temps cela prendra-t-il avant que vous arriviez à une conclusion?

M. Curry: Si nous jugeons les tarifs déraisonnables, certaines mesures peuvent être prises. Nous pourrions leur demander de baisser leurs prix et même, dans certaines circonstances, exiger un remboursement si c'est faisable. Nous pourrions leur demander de prévoir des tarifs additionnels. Il y a des moyens d'action, dans la loi de l'agence.

Le sénateur Finestone: Comment pouvez-vous justifier que le tarif régulier entre Toronto et Chicago, en semaine, est d'environ 850 $ alors que de Cleveland à Chicago, c'est environ 100 $? Comment s'explique cette différence? Sur le plan de la distance, l'écart est minime.

Qu'avez-vous à dire de cela? C'est la même ligne aérienne, mais un avion part de Cleveland et va à Chicago tandis que l'autre quitte Toronto pour se rendre à Chicago. L'écart de prix est prohibitif.

M. Currie: Je ne sais pas.

Le sénateur Finestone: J'aimerais savoir ce que vous feriez si je vous appelais pour vous en parler.

M. Currie: Je ne crois pas que nous puissions y faire grand-chose.

Mme Robson: Vous parlez d'un trajet où la concurrence est très forte. Nous n'avons absolument aucun pouvoir dans le domaine. L'on part de l'hypothèse que les gens ont une gamme de choix sur le marché. Nous n'avons aucun pouvoir.

Le sénateur Finestone: Il n'y a qu'à prendre la voiture pour aller à Cleveland plutôt que de prendre l'avion à Toronto, c'est cela? C'est difficile pour les gens d'affaires. Merci beaucoup.

Le sénateur Spivak: Je remarque une certaine contradiction ici. Tout d'abord, vous avez dit que vous feriez une comparaison avec un trajet desservi par plusieurs compétiteurs. Vous dites maintenant que vous ne pourriez pas faire de comparaison. Avez-vous un barème de prix par mille?

Prenons par exemple Terre-Neuve. Est-ce que vous feriez une comparaison avec un trajet desservi par plusieurs transporteurs, et tiendriez compte du coût par mille? La réponse de Mme Robson semble contradictoire.

Pourquoi ne serait-il pas possible de faire la même chose au sujet du trajet de Cleveland à Chicago, si c'est faisable pour celui d'Ottawa à Terre-Neuve?

M. Currie: Premièrement, il s'agit de prix intérieurs.

Le sénateur Spivak: Cleveland à Chicago, c'est dans le même pays.

M. Currie: Ce n'est pas au Canada.

Mme Robson: La différence dans les exemples est que nous partons de l'hypothèse que le trajet d'Ottawa à Terre-Neuve est sous monopole. Nous avons certains pouvoirs et certains recours en ce qui concerne les trajets desservis par un seul transporteur. Lorsque vous parlez de trajets internationaux et fortement disputés par les transporteurs, comme dans l'exemple de Cleveland, nous n'avons aucun pouvoir.

Le sénateur Spivak: Le trajet de Toronto à Chicago est concurrentiel. Le Bureau de la concurrence n'aurait-il aucun pouvoir là non plus?

M. Currie: Non.

Mme Robson: On parle du principe que c'est le marché qui règle cela.

La présidente: Je vous remercie.

Les témoins suivants viennent du Bureau du commissaire aux langues officielles.

[Français]

J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles, à M. Jean-Claude Le Banc, directeur des politiques et de la liaison, à M. Gilbert Langelier, directeur, Enquêtes spéciales, recours, CERP, méthodes alternatives et à Mme Johane Tremblay, avocate générale, directrice des Services juridiques.

Nous nous excusons de vous avoir fait attendre. Nous sommes très heureux de vous avoir avec nous et nous sommes prêts à vous entendre.

[Traduction]

Mme Dyane Adam, Commissaire aux langues officielles: Je vous remercie de me recevoir ce soir dans le cadre de votre étude du projet de loi C-26.

Dans le mémoire que j'avais présenté à votre comité le 8 novembre dernier, alors que vous vous penchiez sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada, j'avais recommandé au gouvernement de s'assurer que la Loi sur les langues officielles, dans son ensemble, continue de s'appliquer à Air Canada, quelle que soit sa nouvelle structure, ou à un éventuel «transporteur dominant». À l'époque, nous ne savions pas encore si Air Canada serait acheté par Onex ou s'il y aurait une nouvelle compagnie Air Canada.

J'avais insisté pour que les transporteurs régionaux et autres filiales liés à cette entité soient soumis à la Partie IV, Communication avec le public et prestation des services, à la Partie IX, Commissaire aux langues officielles, et à la Partie X, Recours judiciaire de la Loi. J'avais en outre noté qu'en raison de la conjoncture, le gouvernement fédéral avait une occasion unique de donner à la dualité linguistique la place qui lui revenait dans cet important secteur d'activité de la société canadienne.

[Français]

D'ailleurs, il va sans dire que cette démarche de ma part s'inscrivait dans un contexte historique de transformations importantes de l'appareil fédéral depuis plus d'une décennie. Celles-ci avaient contribué à ce que nous avions décrit comme «une érosion subtile mais cumulative des droits linguistiques» dans l'ensemble du pays.

En privatisant, transférant ou dévoluant ses activités et ses programmes, le gouvernement fédéral avait agit de façon pragmatique, en faisant du cas par cas. Il n'avait pas toujours respecté les droits acquis des communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire -- par exemple, dans le contexte de la Loi sur les contraventions --, ni ceux des employés fédéraux affectés dans le cas, par exemple, des ententes fédérales- provinciales, sur le développement du marché du travail, conclues en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.

Notre étude sur les effets des transformations du gouvernement fédéral sur les programmes des langues officielles a été publié en 1998. Nous avions alors étendu à l'ensemble des transformations gouvernementales les cinq principes directeurs qui devaient, selon nous, guider toute dévolution. Permettez-moi de vous rappeler l'essentiel de ces principes.

Toute institution fédérale qui signe une entente de délégation avec une province doit s'assurer, au minimum, que cet accord prévoit premièrement de garantir de façon claire au public concerné le droit aux services, conformément aux prescriptions de la Loi et du règlement sur les langues officielles. Deuxièmement, qu'elle prévoit un mécanisme adéquat de recours et, le cas échéant, le redressement de la situation. Troisièmement, qu'elle prévoit également de bons mécanismes de contrôle et de reddition de comptes. Quatrièmement, qu'elle prévoit un engagement à favoriser le développement des communautés minoritaires de langue officielle à consulter ses communautés quant à leurs besoins, et à prévoir des mesures concrètes à cet égard; et, enfin, la protection des droits linguistiques acquis des fonctionnaires.

[Traduction]

Ces principes ont été conçus pour éviter toute nouvelle érosion des droits linguistiques. Par ailleurs, le grand principe qui doit guider les actions du Parlement et du gouvernement du Canada va bien au-delà du maintien des acquis. Ce grand principe constitutionnel est celui de la progression vers l'égalité du français et de l'anglais et l'épanouissement des communautés de langue officielle, particulièrement celles qui vivent dans une situation minoritaire.

À ses débuts, le projet du ministère des Transports sur la restructuration de l'industrie aérienne canadienne semblait vouloir faire fi de ce principe. Nous nous devions donc d'intervenir immédiatement, ce que nous avons fait aux niveaux administratif et politique du gouvernement.

Votre comité a prêté une oreille attentive à notre intervention sur la place publique et a réaffirmé une fois de plus son rôle historique de protecteur des minorités. Il va sans dire que j'ai accueilli avec grande satisfaction votre recommandation concernant les services bilingues dans votre rapport de décembre dernier. Depuis ce temps, les choses ont évolué très rapidement.

En février dernier, nous avions pris connaissance avec plaisir de la décision du gouvernement fédéral de réaffirmer les obligations linguistiques d'Air Canada et de clarifier celles se rapportant à ses transporteurs aériens. En effet, le projet de loi déposé par le ministre des transports, M. Collenette, confirmait qu'Air Canada demeurait assujettie à l'ensemble de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Le projet de loi C-26 prévoit que les obligations linguistiques en matière de services au public s'appliquent non seulement aux filiales à 100 p. 100 d'Air Canada, mais également à toute filiale dont elle détient 50 p. 100 plus un des actions. Les Canadiens et les Canadiennes pourront aussi déposer des plaintes auprès du Commissariat aux langues officielles s'ils estiment qu'Air Canada et ses filiales ne respectent pas leurs obligations linguistiques. En légiférant ainsi, le Parlement se trouve à donner effet au principe de la progression vers l'égalité du français et de l'anglais inscrit à l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1982.

C'est également dans ce contexte qu'il faut maintenant aborder les inquiétudes bien réelles et légitimes qui ont été exprimées publiquement, notamment par l'Association des gens de l'air du Québec, et les nouvelles suggestions qui sont faites de bonifier davantage les dispositions linguistiques du projet de loi en incluant des modalités touchant l'utilisation du français et de l'anglais comme langues de travail, ainsi que la participation équitable des Canadiens d'expression française et anglaise.

Rappelons que dans l'appareil fédéral, le régime de la langue de travail s'applique dans la région de la capitale nationale et dans les régions dites bilingues désignées à cette fin, c'est-à-dire au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario. D'autre part, la Partie VI de la loi vise à assurer que les Canadiens d'expression française et anglaise ont des chances égales d'emploi et d'avancement, et que:

Les effectifs des institutions fédérales tendent à refléter la présence au Canada de deux collectivités de langue officielle, compte tenu de la nature de chacune d'elles et notamment de leur mandat, de leur public et de l'emplacement de leurs bureaux.

[Traduction]

Par ailleurs, il est un fait que, année après année, Air Canada affiche un piètre rendement par rapport à l'application de la Loi sur les langues officielles. Elle a souvent été à la tête du palmarès des plaintes au cours des 30 dernières années. Nous continuons encore d'enquêter sur de nombreuses questions de service au public ainsi que sur des plaintes au sujet de la langue de travail et la participation. Pour ce qui est de ses transporteurs régionaux et de ses filiales actuelles, nous disposons pour l'instant de très peu de renseignements sur la situation linguistique de leur personnel. Pour bien gérer, il est indispensable de pouvoir compter sur des données complètes et fiables, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Le régime d'application de la Loi sur les langues officielles dont s'est dotée Air Canada a sérieusement besoin d'être renforcé.

Un cadre particulier d'imputabilité pour Air Canada s'impose dans cette période de mise en oeuvre de la nouvelle structure chez Air Canada. Ce cadre touche l'ensemble de la loi. Pour ce qui est du service au public, je m'attends à des mesures concrètes pour assurer un service de qualité égale dans chacune des langues officielles du Canada dans les aéroports et sur les vols à demande importante. En ce qui concerne la langue de travail, je propose qu'il y ait un engagement visible de la part de la haute direction d'Air Canada en vue d'établir un environnement propice à l'utilisation des deux langues officielles dans les régions bilingues au sein de la nouvelle corporation. Enfin, en ce qui touche la participation équitable des deux groupes linguistiques, il est essentiel qu'Air Canada mette sur pied un meilleur système de cueillette de données de la langue officielle de ses employés et que le Secrétariat du Conseil du Trésor suive rigoureusement la situation.

Rien de cela n'est nouveau pour Air Canada. Un tel cadre devrait avoir été mis en place il y a belle lurette et devrait faire partie du plan d'affaires pour la transition. Il sera d'autant plus important de le mettre en oeuvre étant donné la nouvelle organisation à Air Canada. Je propose ce cadre comme paramètre d'évaluation pour les observateurs indépendants qui suivront entre autres la mise en oeuvre des obligations linguistiques d'Air Canada. Votre comité voudra peut-être faire des recommandations précises à cet égard.

[Français]

Notre experience avec Air Canada nous amène à conclure qu'une législation ne suffit pas à garantir que la compagnie respectera les droits linguistiques des Canadiens. Pour que la législation soit respectée, elle doit être accompagnée d'un cadre de gestion et d'imputabilité rigoureux en regard des obligations linguistiques.

La nouvelle compagnie Air Canada devra changer d'attitude et s'acquitter désormais de ses obligations linguistiques de façon proactive. La dualité linguistique devrait occuper une place importante dans sa structure organisationnelle. Cela sera d'autant plus important qu'en intégrant l'effectif de Canadien International, Air Canada devra relever le défi du plein respect de la loi avec un effectif comportant une capacité de bilinguisme proportionnellement plus faible et une proportion moins importante de francophones.

Je suis ravie, en terminant, que vous preniez le temps d'étudier ce projet de loi en profondeur. En tant que commissaire, je suis très préoccupée par l'héritage des transformations gouvernementales. Quant au respect des deux langues officielles du Canada et à la protection et l'épanouissement des minorités linguistiques canadiennes, votre vigilance est encore bien indispensable.

Dans la mesure où la Loi sur les langues officielles et les dispositions linguistiques de la Loi constitutionnelle de 1982 ne sont pas respectées par la nouvelle compagnie Air Canada, le ministre pourrait devoir revenir devant votre comité pour défendre de nouvelles propositions législatives visant à reserrer les obligations linguistiques d'Air Canada.

La présidente: Quels sont les instruments à votre disposition pour vous assurer qu'Air Canada respecte ses obligations? Expliquez-nous en détail le fonctionnement de la fameuse règle qui dit: «Là où il existe une demande [...]» , dans le contexte de la Loi sur les langues officielles? Si j'ai bien compris votre présentation, vous n'êtes pas tout à fait satisfaite des mesures comprises dans le projet de loi C-26 et vous proposez des recommandations au sujet d'une meilleure surveillance.

Mme Adam: La relation du Commissariat aux langues officielles avec Air Canada ressemble à un roman. Dès sa privatisation au cours des années 1980, Air Canada, bien qu'elle fût assujettie entièrement à la loi, a démontré, et nous l'avons reconnu au sein du commissariat, une attitude de non-collaboration dénoncée à plusieurs reprises dans les rapports des différents commissaires. Essentiellement, cette attitude s'est manifestée de diverses façons, allant d'un manque de collaboration dans les enquêtes suite au traitement de plaintes à un refus de reconnaître que les filiales dont elle était propriétaire à 100 p. 100 étaient assujetties à la loi.

Le commissariat continue même à ce jour de recevoir de la part d'Air Alliance, d'Air Nova et de toutes les filiales d'Air Canada une lettre type stipulant qu'elles ne sont pas assujetties à la Loi sur les langues officielles. Donc, le commissariat ne peut enquêter sur aucune des plaintes que le public canadien lui transmet.

De quel mécanisme disposons-nous pour amener Air Canada à respecter la loi? Nous réussissons tout de même à enquêter sur les plaintes déposées contre Air Canada en ce qui touche la société elle-même. Nous traitons les plaintes de la façon dont cela se fait habituellement pour toute plainte déposée contre les institutions fédérales, nous formulons des recommandations comme elles s'imposent. M. Langelier vous donnera les détails de la règle «Là où il existe une demande».

La présidente: Comment arrivez-vous au fonctionnement de cette règle?

M. Langelier: Ces règles sont définies dans un règlement adopté par le gouvernement, qui donnait suite à la Loi sur les langues officielles de 1988. Dans le règlement, nous définissons, pour les différents types d'institutions fédérales, «Là où il existe une demande importante». Nous considérons que la demande est importante, si nous tenons compte de l'exemple d'Air Canada, pour tous les grands aéroports du pays comme ceux de Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Calgary.

Une autre série de règles s'appliquent à bord des avions. Les vols à l'intérieur du Québec, les vols entre le Québec et le Nouveau-Brunswick, le Québec et l'Ontario, et certains vols en partance du Québec vers plusieurs grandes villes de l'Ouest ou de l'Est du pays sont considérés à demande importante. Ce sont les principes de la règle concernant «Là où il existe une demande importante».

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Je suis de ceux qui, autour de cette table, ont été quelque peu irrités d'entendre l'autre soir qu'on n'avait pas saisi une occasion de corriger une erreur grave. Le résultat en a été que les principes très concrets qui ont été débattus en long et en large dans ce pays, les principes qui ont été faits loi il y a quelques années, ont été accueillis comme un mal nécessaire. C'est pourquoi je suis heureux d'entendre la vigueur de vos propos ce soir. Si Air Canada n'en est pas gênée, la compagnie a intérêt à se trouver de nouveaux gestionnaires. Si vous m'aviez fait un sermon de ce genre, je me serais caché sous la table, la queue entre les jambes, et j'aurais convoqué une réunion dans l'immédiat. Dès 7 heures demain matin, les choses auraient changé.

Je suis heureux de vous avoir entendu. J'espère que vous suivrez de très près ce qu'ils feront. C'est très important. C'est important dans un contexte beaucoup plus vaste. Ici, au Parlement, nous sommes gravement coupables. Peut-être devriez-vous pointer le doigt sur nous. Nous évitons d'envoyer sur la route des comités formels qui veillent à l'observation des règles sur les langues officielles parce que c'est trop coûteux -- mais nous le faisons quand même. Je ne crois pas que l'information soit plus précieuse que le principe. Ceci dit, je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Callbeck: À propos de la Loi sur les langues officielles, vous avez dit qu'Air Canada a souvent été à la tête du palmarès des plaintes au cours des 30 dernières années. Lorsqu'il y a plainte, vous faite enquête. Avez-vous un mécanisme pour les contraindre à faire quelque chose pour remédier à la plainte?

Mme Adam: Pas vraiment, en ce sens que nous ne pouvons user de la coercition. Tout ce que nous pouvons faire, à part des recommandations, c'est soumettre le problème au Parlement, ce que nous faisons depuis de nombreuses années. Je dois dire que ce n'est pas seulement la faute d'Air Canada. Si on examine la mesure dans laquelle d'Air Canada s'acquitte de son obligation de veiller à ce qu'il y ait participation égale des deux groupes linguistiques dans la société, le Conseil du Trésor est chargé de concevoir le cadre d'imputabilité. De fait, le Conseil du Trésor a été assez laxiste là-dessus. Je n'ai pas demandé à Air Canada de soumettre des données sur la question. Actuellement, nous sommes dans une situation où diverses personnes lancent des chiffres sur la table, mais nous savons, et certains nous le confirment, que ces chiffres ne sont pas fiables. Air Canada est probablement seule à ne pas connaître la langue maternelle de ses employés. Bien qu'il lui faille se ressaisir, d'un autre côté, le gouvernement, par l'entremise du Conseil du Trésor, a aussi une responsabilité dont il ne s'est pas acquitté.

Le bureau du commissaire est très soucieux de voir le Conseil du Trésor prendre la responsabilité des futurs transferts de responsabilité. Au Conseil du Trésor, nous sommes en train d'élaborer un cadre pour cela. Ce cadre est encore très faible sur deux points: l'un est lié à la langue de travail et l'autre à la représentation équitable des deux groupes linguistiques et ce, au sein d'une institution fédérale. Il vous faudra faire preuve de la même vigilance que ce soir au sujet d'autres lois et d'autres mesures de cession et de transformation qui sont déjà en marche.

[Français]

Le sénateur Roberge: Lors de votre dernière visite, vos propositions nous ont énormément aidés à réaliser ensemble une partie des objectifs que nous nous étions fixés. Il reste encore quelques problèmes à régler, comme vous le dites si bien, et croyant que vous disposiez de pas mal plus de temps au sein du commissariat, je suis légèrement déçu de constater un manque de susbstance.

Nous avons discuté avec les Gens de l'air de la situation de Canadien International. Il existe actuellement une période grise pendant laquelle, tant et aussi longtemps que la fusion n'aura pas lieu et que Canadien International ne fera pas partie intégrante d'Air Canada -- sans écarter la possibilité qu'Air Canada décide de garder les deux entités séparées --, Canadien International n'est pas assujettie à la Loi sur les langues officielles.

Alors nous avons l'intention -- malheureusement il est un peu tard à ce stade de l'étude du projet de loi -- de contacter le ministre pour l'encourager à réaliser cet objectif le plus rapidement possible. Auriez-vous quelques commentaires à faire sur cela?

Mme Adam: J'ai peut-être mal compris votre intervention quand vous dites que Canadien International ne sera pas assujettie à la loi?

Le sénateur Roberge: Elle ne l'est pas présentement. Avec le nouveau projet de loi, il n'est pas garanti qu'Air Canada va fusionner Canadien International à son siège social. Il est possible qu'Air Canada gère les deux compagnies séparément, et si jamais cette gestion se prolonge sur une longue période, nous aurons un problème.

Mme Adam: Il y a des problèmes en rapport avec certaines parties de la loi, mais le projet de loi prévoit que Canadien International sera assujettie aux parties qui touchent les services au public et le recours au commissariat.

Le sénateur Roberge: Par contre, la compagnie ne serait pas assujettie par la partie de la loi concernant la représentation équitable?

Mme Adam: C'est cela. Vous avez mentionné le fait que le commissariat avait plus de pouvoir. Nous avons le pouvoir du recours judiciaire pour forcer Air Canada à respecter la loi. Nous avons actuellement trois recours actifs contre Air Canada.

Le sénateur Roberge: En réalité, depuis 1975, la performance d'Air Canada ne s'est pas améliorée, bien au contraire, malgré toutes les promesses faites à l'époque. Est-ce que le Bureau du Commissariat aux langues officielles a pris des recours contre Air Canada depuis les années 1980?

Mme Adam: Nous avons commencé à déposer des recours dans les années 1990, dont un renvoi, en 1997, concernant le refus d'Air Canada de reconnaître que l'ensemble des ses filiales étaient assujetties au régime linguistique et qu'elles avaient des obligations envers l'ensemble de la Loi sur la langues officielles. Ce recours est toujours devant les tribunaux.

Le sénateur Roberge: Vous n'avez eu aucun succès depuis ces trois interventions?

Mme Adam: Ce n'est pas réglé et c'est toujours devant les tribunaux. Toutes sortes de manoeuvres procédurales sont employées pour retarder le processus. Cela nous indique bien qu'Air Canada n'a pas une bonne fiche de route et n'est pas un bon citoyen corporatif quant à la dualité linguistique. Même si Air Canada dit aujourd'hui qu'il va se repentir, cela exige un acte de foi de notre part, si nous tenons compte de leur histoire relativement à la mise en <#0139>uvre de la Loi sur les langues officielles.

Le sénateur Roberge: Je voudrais simplement ajouter à la défense d'Air Canada, que lorsque M. Janniot était à la présidence, des progrès en ce sens avaient été réalisés. Malheureusement, la situation ne s'est que détériorée par la suite.

[Traduction]

Le sénateur Finestone: En 1987 ou 1988, le commissaire Goldbloom avait déjà porté à votre attention le problème d'inégalité de l'effectif d'Air Canada. Il y a eu une amélioration graduelle. Le Conseil du Trésor y a maintenant intégré un nouveau système. Il a deux nouveaux commissaires qui sont censés assurer une surveillance. Mme Robillard a indiqué qu'un mandat d'observateur attentif a été attribué dans tous les secteurs qui se rapportent à l'obligation de refléter le principe d'équité.

N'êtes-vous pas satisfaite des mesures nécessaires qui ont été prises et de la bonne volonté dont a fait preuve le Conseil du Trésor, par l'entremise de la ministre elle-même, des mesures qu'a mis en oeuvre Marcel Massé avant son départ, des deux études qui ont été effectuées, et du fait que des employés ont été embauchés et affectés à cette tâche? N'avez-vous pas le sentiment d'avoir progressé? Moi, j'ai nettement l'impression qu'il y a eu un changement important depuis l'entrée en vigueur de l'article 7.

Mme Adam: Il est vrai qu'il y a eu des changements. J'ai rencontré Mme Robillard depuis son entrée en scène. Il ne fait pas de doute qu'elle est déterminée à veiller à ce que des mesures de contrôle soient mises en place de manière à ce que toute cession ou transformation qui a lieu au sein du gouvernement soit assortie de mesures assurant le maintien des droits linguistiques existants. Cependant, le Conseil du Trésor est encore en train de concevoir le cadre d'imputabilité. Je dois rencontrer Mme Robillard demain pour discuter de différentes questions, dont celle-ci. J'ai l'intention de lui dire que, dans le cadre proposé, il y a des aspects qui ne sont pas assez rigoureux, en particulier sur les plans de la langue de travail et de la participation équitable. Ces lignes directrices seront diffusées dans tous les ministères pour les orienter dans leurs démarches futures de cession ou de transformation.

Alors oui, les diverses études ont révélé une conscience accrue du sujet. Nous avons les rapports qui le démontrent. Le Conseil du Trésor les a examinés et a lui-même publié différents rapports sur le sujet. Il est intervenu à divers niveaux dans les ministères, y compris à celui du sous-ministre.

Nous devons être vigilants. Le cadre proposé montre bien que des améliorations s'imposent.

Le sénateur Finestone: Est-ce que vous recommanderez à la ministre que cette loi qui est proposée soit modifiée?

Mme Adam: Je parlais de façon générale, et non pas nécessairement de cette loi.

Le sénateur Finestone: L'avez-vous examinée, cette loi?

Mme Adam: L'objet de mon intervention est que la loi proposée doit être accompagnée d'un cadre d'imputabilité rigoureux relativement à Air Canada.

Le sénateur Finestone: Dans les règlements?

[Français]

Mme Adam: Oui, dans les règlements, mais cela peut se faire aussi dans un cas d'imputabilité prévu par le ministre Collenette qui a déjà mis en place un système de surveillance par les deux observateurs. Si ces observateurs étaient munis d'un bon cadre de gestion et d'imputabilité qui spécifie clairement ce qu'ils doivent observer et recueillir, cela permettrait à votre comité et à notre commissariat d'établir au sein de cette nouvelle corporation, les mécanismes et mesures nécessaires permettant de vérifier ce qui se passe au sein d'Air Canada en matière du respect des langues officielles.

Pendant cette période de transition, si nous pouvions en arriver à incorporer un tel cadre, ceci pourrait d'une part favoriser la mise en application du régime linguistique, mais cela permettrait aussi d'identifier les lacunes au sein d'Air Canada. Et lorsque le ministre Collenette, qui pourrait être appelé à revenir ici dans un an ou deux, ainsi qu'à apporter des retouches ou des modifications au projet de loi, cela vous donnerait toute l'information nécessaire qui justifierait une modification du projet de loi.

Le sénateur Finestone: La raison pour laquelle je vous ai posé cette question, c'est que nous étudions présentement un projet de loi lui aussi rattaché aux règlements. Je n'ai ni vu ni entendu des recommandations pour qu'on fasse des ajouts aux règlements ou au projet de loi. Si je comprends bien, cela va prendre deux ans ou plus, et avec un peu de patience et la nouvelle volonté exprimée de la part des ministres, pour voir où on en est. C'est cela?

Mme Adam: Oui. J'aimerais ajouter que ce projet de loi n'est pas parfait. Cependant, lorsque nous examinons un cas tel qu'Air Canada ou ce genre de nouvelle entité qui se crée, il nous importe de vérifier les principes. Y a-t-il un recul dans les droits acquis au niveau linguistique? La réponse est qu'il n'y en a pas, le nouveau projet de loi maintient les droits acquis.

Le projet de loi respecte-t-il le grand principe dont j'ai parlé tout à l'heure, de progression vers l'égalité du statut des deux langues? Ce nouveau projet de loi -- si on examine le fait qu'Air Canada existait et qu'il amalgame des entités qui n'étaient pas soumises à aucune obligation linguistique -- les amalgame et les soumet à certaines des dispositions de la loi. C'est donc déjà un gain en matière de droits linguistiques au pays.

Le projet de loi apporte des gains et maintient les acquis, mais il n'est pas parfait et de cela, j'en conviens. Il n'a pas prévu que l'entièreté de la compagnie Air Canada serait assujettie à la loi et c'est ce qui amène les questions d'aujourd'hui et qui vous amènent, comme législateurs, à vous demander s'il faut exiger plus encore. Le commissariat considère que c'est tout de même un acquis au niveau des principes. On aimerait que tous les projets de loi puissent apporter des gains et maintiennent aussi les acquis, ce qui est loin d'être le cas.

Le sénateur Finestone: Je crois que le message est passé.

[Traduction]

La présidente: Madame la sénatrice, rien ne nous empêche de faire part de nos observations à la ministre lorsque nous ferons l'examen article par article du projet de loi.

Le sénateur Finestone: C'est ce que j'aimerais que nous fassions.

Le sénateur Joyal: J'aimerais rappeler à mes collègues qui n'ont peut-être pas participé au débat public de 1976 que lorsque le commissaire se présente devant nous pour nous dire que nous n'avons pas les moyens d'appliquer les objectifs de la Loi sur les langues officielles, que la loi, à l'origine, n'avait même pas force exécutoire. La première fois où son caractère exécutoire a été mis à l'épreuve a été dans le cas d'une plainte contre Air Canada, en 1976, que j'ai moi-même déposée.

Air Canada et le gouvernement canadien contestaient le caractère exécutoire de la loi. Ils pensaient que le commissaire n'était que quelqu'un qui exprimait des «voeux pieux».

Depuis 24 ans, il y a eu des présidents à Air Canada, dont M. Jeanniot, qui on réellement compris les avantages que présentait pour la compagnie le fait d'être sensible à ses responsabilités sociales. M. Jeanniot a pris d'importantes mesures en vue de corriger les perceptions que pouvaient avoir les Canadiens d'Air Canada.

Je dois aussi vous dire que, depuis lors, la situation s'est bien détériorée et est devenue tout à fait inacceptable. Il ne s'agit pas de productivité, ni même d'améliorer l'image de la compagnie. Nous parlons de deux principes fondamentaux qui sont enchâssés dans la Loi constitutionnelle du Canada.

Madame le commissaire, j'ai le sentiment que vous pariez sur l'avenir, dans l'espoir qu'un jour les choses iront mieux. Nous savons tous que ce ne sera pas le cas. Nous avons appris que les statistiques sur les pilotes d'Air Canada sont les mêmes en 2000 qu'en 1978. Nous avons effectué un retour vers le futur. Si nous ajoutons à cela les statistiques des Lignes aériennes Canadien International, elles sont semblables à celles de 1965.

Nous devons faire les choses sérieusement. Souhaitons-nous ou non respecter la loi? Est-ce que c'est un principe constitutionnel, ou non? Devons-nous attendre que les citoyens canadiens viennent se plaindre à nous et traîner Air Canada devant les tribunaux comme je l'ai fait?

Lorsque j'attendais des 12 pilotes qu'ils m'appuient dans mon procès contre Air Canada, ils sont venus me dire: «Monsieur Joyal, nous ne pouvons pas être pétitionnaires avec vous. Nous avons une hypothèque, des paiements sur la voiture et les cartes de crédit. Nous avons nos familles, et ce procès coûtera 150 000 $. Nous ne pouvons pas être pétitionnaires parce que cela nous coûtera 10 000 $ à 15 000 $ chacun».

Ils ont déclaré qu'à moins d'être soulagés de la responsabilité financière, ils ne seraient pas pétitionnaires. J'ai rédigé une formule légale pour déclarer que j'assumerais tous les frais juridiques. Je les ai soulagés de la responsabilité financière du procès. Je poursuivais Air Canada avec l'aide d'une sommité juridique de Montréal -- je ne citerai aucun nom maintenant.

On ne devrait pas avoir besoin de contraindre les citoyens canadiens à faire preuve d'héroïsme et à maintenir et observer le principe fondamental d'égalité linguistique qui est enchâssé dans la Loi constitutionnelle depuis 1980. Je ne suis pas d'accord avec cela.

Madame la présidente, j'ai lu cet exposé, et j'ai lu entre les lignes. Si nous voulons, en tant que groupe, que Chambre du Parlement, assumer la responsabilité de la protection des droits des minorités, nous devons agir à l'égard d'Air Canada avec beaucoup plus de rigueur. Nous ne devrions pas attendre des gens qui sont lésés, comme les pilotes et les techniciens, ceux qui travaillent aux guichets, aux comptoirs ou ailleurs, qu'ils se décident à jouer les héros et à s'attaquer à Air Canada.

[Français]

Ce serait une démission publique que de laisser la situation se prolonger sans amender la loi et sans obtenir des garanties beaucoup plus importantes que celles que nous avons eues. Les éléments nous démontrent que cela ne fonctionne pas.

Autant le problème des filiales que vous avez souligné est réglé par l'article 18.1, autant les autres restent béants. Sur le plan des services, le problème sera accentué du fait de l'augmentation de la masse critique d'unilingues à l'intérieur de l'entreprise. Il sera de plus en plus difficile d'offrir un service dans les deux langues. Je peux vous prédire l'avenir: le nombre de plaintes ne diminuera pas avec l'intégration des deux entités, au contraire, il augmentera parce qu'il n'existe pas actuellement une gestion administrative capable d'y faire face. Nous devons être très conscients de ce fait. Croyez-moi, j'ai déjà donné beaucoup à cette quête!

Les représentants de l'Association des Gens de l'air du Québec, lorsqu'ils ont comparu devant nous lundi dernier, nous ont demandé d'amender le projet de loi. J'ai réalisé qu'il s'agissait encore d'une situation où le gouvernement attendait que les citoyens canadiens se plaignent avant de faire observer la loi, et que s'il n'y avait pas de plaintes, il présumait que la situation était satisfaisante. Ce n'est sûrement pas la façon de construire l'unité du pays.

Comme vous l'avez dit, ce projet de loi extrêmement important est symbolique de ce qui se produit chaque année. C'est toujours la même histoire. Dans votre rapport, Air Canada compte toujours le plus grand nombre de plaintes. Ou nous sommes masochistes ou nous sommes irresponsables, mais la bonne volonté à elle seule ne suffit pas. D'après les observations faites par les sénateurs Bacon et Roberge plus tôt cette semaine, il est primordial qu'une surveillance sévère soit exercée, sinon Air Canada s'en fichera.

Je peux vous raconter un autre événement qui s'est produit en 1988, alors que j'étais à bord d'un vol Toronto-New York. En tournant le bouton pour écouter les nouvelles, j'ai constaté que celles-ci étaient en allemand et en anglais. Lorsque j'ai demandé à un membre du personnel de bord pourquoi c'était en allemand, on m'a répondu que c'était parce que la clientèle d'Air Canada était maintenant constituée d'un grand nombre d'Allemands, d'où l'offre du service en allemand. J'ai rétorqué que l'autre langue officielle était le français et non l'allemand. En guise d'explication, on m'a dit que c'était pour satisfaire le client. J'ai dû téléphoner au sous-ministre des Transports pour lui dire que s'il n'informait pas le président d'Air Canada -- M. Harris à l'époque, un Américain B sur le fait qu'il existe deux langues officielles au Canada, que ce n'était pas comme aux États-Unis, que je prendrais une action devant les tribunaux et que cela n'avantagerait pas leur image corporative. À mon avis, il faut éviter de pousser la situation à de tels affrontements qui ne servent pas l'unité du pays.

Madame la présidente, vous avez été témoin, en 1976, de l'impact de la crise suscitée par l'Association des Gens de l'air sous l'élection du gouvernement du Parti québécois. Nous le connaissons tous. Cela est très sérieux pour l'unité du pays.

La présidente: Nous savons que cela n'a pas aidé le Parti libéral.

Le sénateur Joyal: Cela n'a certainement pas aidé M. Bourassa. Madame le commissaire, je souhaiterais que d'ici l'étude article par article de ce projet de loi, vous demeuriez en contact avec la présidente et les membres de ce comité pour formuler des observations qui dépassent simplement l'expression de voeux pieux et de bonnes intentions. Nous savons qu'au royaume de ces prières, cela ne donne pas de résultats. S'il faut resserrer la loi, il convient d'exprimer exactement le problème potentiel créé par l'intégration de ces deux entreprises. Je vous le prédis, Air Canada aura plus de difficultés à améliorer une fiche qui est déjà, à mon avis, inacceptable.

Je sais à quel point cette question sera récurrente. C'est comme un mauvais mal de tête ou une allergie qui revient à tous les printemps.

La présidente: J'ai pu déceler dans la présentation du commissaire beaucoup de pistes d'observation. Madame Adam, si vous voulez en ajouter, vous pourrez communiquer avec nous.

Mme Adam: J'aimerais réagir à l'intervention du sénateur Joyal afin d'être bien comprise ici. Ce n'est pas un voeu pieux que je fais ce soir. Je vous dis qu'il y a des difficultés très sérieuses au sein d'Air Canada. Avant la nouvelle Air Canada, la législation était claire, pourtant, elle n'était pas respectée. Cela démontre qu'une simple législation n'est pas suffisante, qu'il doit y avoir un changement substantiel sur le plan administratif.

En tant que législateurs, vous avez en main tous les outils disponibles pour créer ce cadre d'imputabilité qui est quasi inexistant à l'heure actuelle. À ce sujet, vous pouvez compter sur l'entière collaboration des gens qui travaillent au Bureau du Commissariat aux langues officielles.

On me dit aussi que de la façon dont le projet de loi a été créé, il est déjà prévu qu'il y aura des amendements au cours des prochains mois. Pour faire un amendement, si ce cadre est bien surveillé, vous allez avoir tous les éléments qui nous manquent aujourd'hui pour faire des recommandations très précises.

Je pense -- et ce n'est pas un chèque en blanc que nous donnons à Air Canada -- qu'il faut absolument qu'il y ait, dans cette nouvelle réforme, un renforcement qui ne soit pas seulement législatif. Cela devrait suivre, mais il faut surtout que Air Canada développe une structure organisationnelle différente, qu'il prenne la loi sur les langues officielles au sérieux et qu'il mette tout en place dans son organisation pour recueillir les données nécessaires afin qu'on puisse veiller à ce qu'il la respecte. Ce qui n'est pas le cas présentement.

La présidente: Merci, madame Adam. Si nous avons besoin d'informations ou de conseils, nous ferons de nouveau appel à vous.

La séance est levée.


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