Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 3 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 15 mars 2001
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-16, Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, se réunit aujourd'hui à 11 h 10 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous entendons aujourd'hui des témoignages sur le projet de loi S-16. Nos premiers témoins sont des Archives nationales du Canada.
M. Ian E. Wilson, archiviste national, Archives nationales du Canada: Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser au comité. Je voudrais traiter de l'alinéa 54e) du projet de loi S-16. Cet alinéa prévoit la destruction des documents préparés ou recueillis en vertu des pouvoirs d'enquête que confère le projet de loi. Cette mesure entre directement en conflit avec la Loi sur les archives qui exige, en vertu de l'article 5, que mon consentement soit donné pour que les documents soient détruits.
À l'origine, la modification à l'alinéa 54e) était précédée des mots «par dérogation à la Loi sur les archives nationales du Canada». Nous avons maintenant le temps d'examiner le projet de loi et d'essayer de trouver une solution législative qui réponde à la fois aux besoins du comité et des Canadiens d'une part, en exigeant la destruction de dossiers constitués en vertu d'une enquête, et en respectant, d'autre part, les exigences et le processus d'examen prévus par la Loi sur les archives pour s'assurer que les documents à détruire n'ont pas une signification historique permanente pour les pays.
Mon personnel et moi avons eu la possibilité d'examiner les documents qui ont été créés ou qui seront créés en vertu de ce type d'enquête. Nous nous sommes rendu compte que ces documents ne sont pas d'une importance permanente pour les annales historiques du Canada. Par conséquent, en vertu de l'article 5 de la Loi sur les archives, j'ai émis l'autorisation 2001/003, qui autorise la destruction de ces documents conformément à l'article 5 de la Loi sur les archives après les délais prévus dans le projet de loi S-16.
Nous proposons donc un libellé différent qui, selon moi et nos conseillers, répond à nos exigences tout en respectant la nécessité de détruire les documents. Plutôt que de déroger à la Loi sur les archives, comme l'aurait permis la modification originelle, nous proposons le libellé suivant: «en conformité avec l'autorisation de disposer des documents accordée... au titre de l'article 5 de la Loi sur les archives».
C'est l'amendement que nous proposons. Je crois qu'il vous a été distribué dans les deux langues. C'est une façon plus nette, plus simple, d'obtenir ce qu'il nous faut plutôt que de dire «nonobstant» ou «par dérogation à la Loi sur les archives».
Monsieur le président, je suis prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Furey: Monsieur Wilson, la directive que vous avez émise relativement à la destruction des documents peut-elle être révoquée?
M. Wilson: Le libellé de l'alinéa proposé montre bien qu'elle ne peut pas être révoquée. Il est très rare que les Archives nationales révoquent une mesure. Nous ne le faisons que dans certains cas bien précis, mais il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire. Mais en disant «compte non tenu de toute modification ou révocation éventuelle de l'autorisation», nous tâchons de nous assurer que ce soit inscrit dans la loi et ne puisse être révoqué ni pas moi ni par mes successeurs. C'est du moins notre intention et nos conseillers juridiques disent que cela permet d'atteindre l'objectif voulu.
Le président: Comme c'est la première fois que nous voyons cette proposition de modification, je ne sais pas s'il y a quelqu'un ici qui peut dire si cela répond à nos objections d'origine. Peut-être que oui, peut-être que non.
Toutefois, cette séance de comité sert surtout à entendre des témoignages et à poser des questions. Nous effectuerons une étude article par article mercredi. Je propose que nos conseillers juridiques, sous l'égide du sénateur Furey, qui parraine le projet de loi, étudient cet amendement pour pouvoir nous dire, avant l'étude article par article, si cela répond à nos objections.
Si le comité veut bien, je propose que le sénateur Furey nous indique si cette modification répond à nos objections et que, si elle n'y répond pas, nous l'autorisions, en notre nom, et sous réserve de notre approbation ultime, bien sûr, à travailler avec M. Wilson pour trouver une formulation qui réponde effectivement à nos objections.
Le sénateur Meighen: Quelle est l'objection?
Le sénateur Furey: Nous voulions simplement que les dossiers soient nettoyés et que les documents soient détruits après certains délais. M. Wilson estime que cela empiète sur son pouvoir en qualité d'archiviste.
Le président: Quelqu'un a donné l'exemple ce matin d'une personne qui gagne 10 001 $ au bingo, ce qui entraîne la création d'un fichier. Pourquoi ce fichier doit-il exister à jamais? Mettons les choses simplement, c'est ce genre de situation que nous voulons éviter. Certains d'entre nous trouvent que l'intervention du gouvernement dans la vie privée des gens va peut-être un peu trop loin. Je crois qu'il appartient au comité de mettre un frein à ce genre de chose.
Le sénateur Meighen: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, monsieur le président, et je crois que cela représente le consensus des membres du comité.
Monsieur Wilson, vous avez dit que votre consentement général ne peut pas être révoqué. Si je vous ai bien compris, cela se fonde sur l'hypothèse que les documents recueillis pour les fins de cette mesure législative n'auraient pas d'importance matérielle pour le Canada?
M. Wilson: J'ai dit qu'ils ne seraient pas d'une valeur historique permanente pour le Canada.
Le sénateur Meighen: Qu'arrive-t-il si, à un moment donné, on décide qu'un document a une valeur historique permanente?
M. Wilson: D'après notre étude, ces enquêtes pourraient toucher de très nombreux Canadiens, parce que le seuil est très bas. Nous pensons que, si des documents sont importants ou contestés, ils se retrouveront dans les dossiers du ministère public ou du tribunal et feront donc partie des archives judiciaires permanentes. L'autorisation que j'accorde permet simplement d'éliminer un dossier créé sur une personne qui a gagné un gros lot au bingo, en tenant compte de la protection des renseignements personnels et des autres exigences.
Il s'agit d'une activité tout à fait ordinaire pour les archives. Vu la quantité des dossiers gouvernementaux à l'ère moderne, nous ne gardons que 1 ou 2 p. 100 des dossiers administratifs créés quotidiennement par le gouvernement. En vertu de l'article 5 de la Loi sur les archives, nous avons le pouvoir d'examiner les dossiers administratifs et d'indiquer lesquels nous souhaitons voir transférer aux archives à titre permanent et lesquels peuvent être éliminés, une fois qu'on n'en a plus besoin à des fins juridiques ou financières ou pour vérification.
Nous tâchons de trouver un moyen qui réponde aux exigences et aux objectifs du comité tout en respectant la Loi sur les archives et en évitant de dire dans la loi «nonobstant» ou «par dérogation à la Loi sur les archives». Nous voulons donc, tout en nous conformant à la Loi sur les archives, répondre à vos intentions qui, si je comprends bien, sont de permettre l'élimination du dossier.
Le président: Ce qui vous inquiète, c'est que, si vous faites cela, tout le monde voudra en faire autant. Cela pourrait ouvrir une brèche dans vos fortifications.
M. Wilson: Nous craignons que ce soit un précédent. Vu la nature des documents, nous reconnaissons qu'il faudrait qu'on les élimine. Nous proposons une façon plus nette de faire les choses, plutôt que de laisser entendre qu'une autre loi est peut-être déficiente. Nous tâchons de trouver le libellé approprié. Que ce soit celui-ci ou un autre, nous sommes prêts à en discuter.
Le président: Nous vous savons gré de votre collaboration. Nous espérons que vous travaillerez avec le sénateur Furey.
M. Wilson: Absolument.
Le président: Il nous dira s'il est d'accord et, ensuite, nous verrons si nous sommes d'accord.
Le sénateur Finestone: J'écoutais avec grand intérêt cette discussion sur des choses auxquelles je ne connais rien. Toutefois, je sais un peu ce qu'est la protection des renseignements personnels et la Loi sur les archives nationales du Canada. Je ne sais pas au juste comment cela se juxtapose à ce dont vous parlez.
En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, aucune institution -- et vous êtes une institution gouvernementale -- ne peut recueillir des renseignements sur une personne à moins que cela soit lié directement au programme de fonctionnement de l'institution en question. Je ne vois pas en quoi votre institution pourrait être autorisée à obtenir ces renseignements. Si je gagne 10 000 $, il est déjà bien malheureux que quiconque veut de l'argent, pour des oeuvres de bienfaisance ou pour toute autre raison, sache que j'ai gagné. Pourquoi faudrait-il que vous conserviez cette information dans vos dossiers?
En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur les Archives nationales du Canada, pourquoi ces documents vous seraient-ils remis, et pourquoi en voudriez-vous?
M. Wilson: Nous disons au contraire que nous n'en voulons pas. Ils n'ont pas à figurer dans nos archives. Nous n'aurions pas assez de place pour tout garder.
Le président: Vous rencontrerez ou ne rencontrerez pas le sénateur Furey, selon ce qu'il décidera. D'accord?
M. Wilson: Oui.
Le président: Et maintenant, la parole est à M. Cullen.
M. Roy Cullen, secrétaire parlementaire auprès du ministre des Finances: Je suis heureux d'être ici pour parler du projet de loi S-16. En juin dernier, j'ai comparu devant votre comité afin de discuter du projet de loi C-22, qui énonçait la loi que nous souhaitons aujourd'hui modifier.
Je tiens à profiter de l'occasion pour remercier le comité de son examen minutieux du projet de loi C-22, en juin. La promulgation de cette mesure a constitué un jalon important du cadre législatif du Canada pour contrer le crime organisé et le blanchiment d'argent.
[Français]
L'adoption de cette loi en temps opportun a permis au Canada de disposer d'un régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité conforme aux normes internationales et de participer pleinement aux initiatives internationales de la lutte contre le blanchiment d'argent.
[Traduction]
À titre de membre du G-7 et du Groupe d'action financière, le Canada s'est engagé à améliorer son régime de lutte contre le blanchiment d'argent. Il était important que le Canada soit perçu par ses partenaires internationaux comme étant en progression à cet égard, particulièrement parce que le Groupe s'est engagé dans un processus visant à rendre publique une liste des pays ayant une déficience au chapitre du contrôle de blanchiment d'argent, et ce, au moment où le projet de loi a été adopté.
J'ai participé, l'été dernier, à des réunions de l'OCDE et de l'OSCE en Europe. J'ai eu le plaisir et la fierté d'y annoncer que le Canada avait adopté cette importante mesure législative et, une fois de plus, je vous en remercie.
Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité prévoyait la déclaration obligatoire de certaines opérations financières et des mouvements transfrontaliers de sommes importantes, qu'il s'agisse d'espèces ou d'instruments monétaires. La loi a également prévu la création du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qui a pour tâche d'analyser ces déclarations et de communiquer l'information pertinente aux services de police pour les aider à enquêter et à intenter des poursuites dans les cas d'infractions relatives au blanchiment d'argent.
Le fait que le Centre soit un organisme indépendant des organismes responsables de faire observer la loi constitue l'une des nombreuses mesures contenues dans la loi pour assurer la protection des renseignements personnels. Le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada a été officiellement instauré le 5 juillet 2000. Il se dote actuellement des capacités techniques et analytiques dont il a besoin pour s'acquitter de son mandat. Il commencera à recevoir des déclarations sur les opérations financières dès que la réglementation requise aux termes de la loi aura été mise en application.
Le projet de réglementation visant la tenue de registres et les exigences de déclaration d'opérations financières a fait l'objet, le 17 février 2001, d'une publication préalable dans La Gazette du Canada pour une période de 90 jours de consultation publique. Des consultations sont en cours afin d'élaborer la réglementation de mise en oeuvre des exigences de déclaration des mouvements transfrontaliers importants d'espèces et d'instruments monétaires. En outre, le Centre a élaboré une ébauche de lignes directrices visant à aider les institutions financières et les intermédiaires à se conformer à la loi et à la réglementation et a entrepris des consultations avec les intervenants.
[Français]
Passons maintenant au projet de loi S-16 qui est à l'étude aujourd'hui. Les quatre modifications contenues dans ce projet de loi donnent directement suite aux points soulevés par les sénateurs qui composent ce comité lors de l'étude du projet de loi C-22, en juin dernier.
[Traduction]
Ces modifications sont bien connues des membres du comité, puisqu'elles ont été exposées dans une lettre envoyée par le Secrétaire d'État, Jim Peterson, au président du comité et que cette lettre a été annexée au rapport du comité sur le projet de loi C-22.
En bref, les modifications proposées se rattachent à quatre points précis. La première a trait au processus entourant l'invocation du secret professionnel lors d'une vérification menée par le Centre. Comme vous le savez, le Centre peut mener des vérifications afin d'assurer le respect des exigences de la partie I de la loi -- notamment en ce qui a trait aux exigences de tenue de documents et de déclaration de certains types d'opérations financières.
La loi contient actuellement des dispositions applicables lorsque le Centre effectue une vérification de conformité dans un cabinet d'avocats. Le Centre est alors tenu de donner aux conseillers juridiques une occasion raisonnable de faire valoir le secret professionnel à l'égard de tout document en sa possession au moment de la vérification. La modification proposée dans le projet de loi S-16 vise les situations où les documents sont en la possession d'une personne qui n'est pas un conseiller juridique. En vertu de cette modification, il faut fournir à une telle personne une occasion raisonnable de communiquer avec un conseiller juridique afin que celui-ci puisse faire valoir le secret professionnel.
Les sénatreurs et les sénateurs se souviendront sûrement de cette question soulevée par des représentants de la profession comptable lors de leur comparution devant ce comité en juin 2000.
Une autre modification a pour objet de garantir qu'aucune disposition de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité n'empêche la Cour fédérale d'exercer le pouvoir qui lui est conféré en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels d'ordonner au directeur du Centre de divulguer certains renseignements prescrits par l'une ou l'autre de ces lois. Cette modification précise que le recours que peuvent exercer les particuliers à la Cour fédérale sera respecté. Cette mesure a toujours été dans l'esprit de la loi initiale et la modification permettra de garantir qu'il en sera ainsi.
La troisième modification définit plus précisément la nature des renseignements qui peuvent être divulgués aux policiers et à d'autres autorités.
[Français]
Elle clarifie le fait que les règlements énonçant ces renseignements ne visent que des renseignements d'identification analogues concernant les clients, l'institution et les opérations en cause. Cette mesure fait suite à une préoccupation du comité quant aux fait que le libellé actuel puisse accorder une plus grande latitude en vue d'ajouter, par règlement, des renseignements à la liste énoncée dans la loi.
[Traduction]
Enfin, le projet de loi S-16 modifie la loi de façon à garantir que tous les rapports et tous les renseignements dont dispose le Centre soient détruits après les périodes prescrites. La modification précise que l'information qui n'a pas été communiquée par le Centre aux policiers ou aux autres autorités doit être détruite après cinq ans, tandis que l'information communiquée doit être détruite après huit ans. L'archiviste a présenté une proposition qui, à première vue, semble satisfaire à nos besoins. Toutefois, si cela présente des difficultés, nous vous en parlerons avant le début de l'étude article par article. Nous pensons que cela satisfait à nos besoins et ce serait une bonne chose.
Le président: Pourriez-vous préciser cela, s'il vous plaît? Je crois, après la rencontre que nous avons eue avec les fonctionnaires ce matin, que si nous sommes satisfaits, vous l'êtes aussi. C'est bien cela?
M. Cullen: Les fonctionnaires sont satisfaits et, à première vue, je le suis aussi. Toutefois, je veux m'assurer que le gouvernement l'est aussi et je suis assez convaincu qu'il le sera. Nous prendrons immédiatement contact avec vous s'il y a un problème.
J'ose croire que les sénateurs et les sénateurs verront dans ces quatre modifications autant de moyens de donner suite de façon simple et efficace aux préoccupations exprimées par ce comité.
Avant de terminer, je tiens à indiquer que le gouvernement a examiné avec beaucoup de minutie le rapport de ce comité sur le projet de loi C-22, notamment en ce qui touche trois autres modifications proposées à la loi.
Le gouvernement a déposé rapidement les modifications que le secrétaire d'État s'était engagé à apporter et que je viens de décrire. Toutefois, le gouvernement a décidé de ne pas apporter d'autres changements à la loi pour le moment. Permettez-moi d'expliquer brièvement pourquoi.
D'accord, le comité a recommandé que le Centre soit tenu d'obtenir un consentement ou un mandat avant d'entrer dans un cabinet d'avocats pour procéder à une vérification d'observation de la loi, comme il faut le faire avant d'entrer dans une habitation privée.
Une modification comme celle que propose le comité traiterait un cabinet d'avocats comme une habitation privée, plutôt que comme toute autre place d'affaires. Le gouvernement croit qu'il serait inapproprié d'exiger un mandat pour procéder à une vérification dans n'importe quelle place d'affaires, y compris un cabinet d'avocats. Les dispositions de la loi actuelle sont conformes à celles de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui n'exigent pas de mandat, sauf pour accéder à une maison d'habitation.
Deuxièmement, les membres du comité ont demandé que la loi soit modifiée de manière à exiger que son application soit examinée par un comité parlementaire après trois ans, et tous les cinq ans par la suite. En ce moment, la loi exige un examen après cinq ans.
Un examen après cinq ans est préférable pour un certain nombre de motifs. Le plus important, c'est que l'expérience ou les données seront insuffisantes après trois ans pour établir une évaluation précise de l'efficacité de la loi ou des activités du Centre. Quoi qu'il en soit, les comités parlementaires sont habilité à procéder à un examen législatif en tout temps et pourraient choisir de le faire dans ce cas.
[Français]
Enfin, le rapport du comité recommandait que les règlements proposés en vertu de la loi soient déposés devant un comité dans les deux Chambres.
[Traduction]
La loi exige actuellement que les règlements fassent l'objet d'une publication préalable dans la Gazette du Canada, et que cette publication soit suivie d'une période de consultation d'au moins 90 jours. Une période d'avis additionnelle d'au moins 30 jours est requise si des changements importants sont apportés à la suite de ces consultations. Nous estimons que les comités parlementaires ont déjà amplement eu l'occasion, s'ils désiraient le faire, d'examiner la réglementation proposée par le gouvernement.
Le secrétaire d'État a envoyé au président du comité une copie des règlements proposés ayant fait l'objet d'une publication préalable dans la Gazette du Canada le 17 février.
[Français]
En conclusion, j'aimerais à nouveau vous remercier d'avoir examiné aussi soigneusement le projet de loi C-22 et d'avoir soulevé les questions que le gouvernement aborde dans le projet de loi S-16.
[Traduction]
Le gouvernement a consacré beaucoup d'énergie et de temps à l'élaboration des mesures législatives régissant le recyclage des produits de la criminalité dans le but de tenir compte à la fois des besoins en matière d'application de la loi et de la protection des renseignements personnels. Les modifications contenues dans le projet de loi à l'étude aujourd'hui sont le résultat de précieux commentaires formulés par le comité à ce sujet. Les fonctionnaires qui m'accompagnent et moi-même serons maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le président: Pourriez-vous préciser la différence entre «vérification de conformité» et «perquisition»? Toute la question du mandat repose sur cette distinction.
M. Cullen: En général, si un rapport est exigé en vertu de la loi, il s'agit d'une vérification de conformité.
M. Yvon Carrière, avocat-conseil, Division du droit fiscal, Direction juridique, ministère des Finances: Lorsque le Centre mène une vérification de conformité, il vérifie si, en fait, les rapports demandés ont bien été préparés. Il ne cherche pas à savoir s'il y a eu blanchiment d'argent ou autre activité criminelle. En fait, il ne serait pas autorisé à réunir ces éléments de preuve pour prouver un crime. Dans le cas d'une perquisition, on obtient un mandat et ceux qui effectuent la perquisition dans une affaire criminelle recherchent des éléments de preuve spécifiques liés à l'infraction criminelle en question.
Une vérification de conformité consiste simplement à vérifier que les rapports et dossiers qui doivent être tenus en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité le sont bien.
M. Cullen: Tout renseignement obtenu par le centre au cours d'une vérification de conformité ne peut être divulgué aux autorités policières aux termes des dispositions de l'article 55 de cette loi aux fins d'une enquête sur le recyclage des produits de la criminalité. S'ils l'étaient, ces renseignements seraient inadmissibles comme preuves.
Le sénateur Tkachuk: J'ai une question sur l'«habitation». Cela m'ennuie comme cela ennuyait M. Kelleher. Vous avez semblé dire, monsieur Cullen, que c'était différent d'une place d'affaires, ce que j'ignorais.
J'ai reçu un article de Peter Hogg, doyen de la faculté de droit d'Osgoode selon lequel dans la common law, un agent de police ou un fonctionnaire n'a pas l'autorisation d'entrer dans une propriété privée dans le contexte d'une perquisition ni de saisir une propriété privée pour l'utiliser comme élément de preuve, sauf si la loi le permet expressément. Toutefois, cela se fait de temps à autre, la common law s'applique toujours et nous pouvons parfois légiférer une exemption. Ce qui m'a dérangé c'est ce que vous disiez à propos d'«habitation». Le domicile est spécial et je crois que c'est ce qu'il nous faut protéger. Ai-je droit, à titre de citoyen, de refuser que des agents d'application de la loi viennent à mon domicile ou à mon lieu de travail s'ils n'ont pas de mandat ou dans n'importe quel lieu que je considère être ma propriété? Ces lieux ne devraient-ils pas être protégés? Il s'agit là d'une exemption qui ne s'applique qu'à la Loi de l'impôt sur le revenu. D'après ce que nous avons constaté, il n'y a pas d'autre exemption semblable.
Pourquoi auriez-vous besoin de ce pouvoir spécial? Très franchement, cela m'effraie. Si l'on accepte cette exemption, il y en aura d'autres. S'il n'y a pas de preuve, pourquoi est-il nécessaire d'aller perquisitionner dans une habitation?
M. Peter Sankoff, avocat, Section des droits de la personne, Portefeuille du droit public et des organismes centraux, Section des opérations juridiques, ministère de la Justice: Vous avez soulevé une question compliquée. Je vais essayer d'y répondre au mieux.
D'après ce que je connais de la jurisprudence, et surtout pour ce qui est de la Charte des droits et libertés, on fait une distinction importante pour l'habitation qui est considérée comme le lieu méritant le plus d'être protégé. À propos de cette loi, je ferais un certain nombre de distinctions. Cette loi ne vise pas normalement en effet à couvrir une habitation. Ce n'est pas un lieu où l'on se livrerait en général à des activités qui entraîneraient des rapports de transaction douteuse.
Par précaution, on a inclus un article qui traite des habitations au cas où une activité entraînerait ce genre de rapports. Comme il est peu probable que cela se produise, une disposition spéciale concernant les mandats a été prévue. C'est quelque chose d'assez courant. Un certain nombre de lois font des distinctions entre ce que l'on peut faire dans une habitation et ce que l'on peut faire ailleurs.
Je conviens avec vous qu'en règle générale, nous voulons qu'une autorisation judiciaire ait été donnée avant que l'on procède à une perquisition.
Néanmoins, la jurisprudence fait une distinction assez importante entre ce que l'on qualifierait d'activité réglementée et ce que l'on appellerait une perquisition dans le cas d'une affaire criminelle. Dans ce dernier cas, il est très clair que la question dont nous discutons porte sur une activité réglementée. Le centre n'est autorisé à entrer que dans les lieux où il surveille le respect de la loi.
Comme l'a signalé tout à l'heure M. Cullen, aucun de ces renseignements ne peut être utilisé. Le libellé de cette loi est très clair, tout renseignement obtenu en cours de vérification de conformité ne peut être utilisé ni dans une enquête criminelle ni par le centre pour déterminer s'il y a eu recyclage de produits de la criminalité. La seule utilisation que l'on peut en faire relève des vérifications de conformité. Le libellé actuel permet de garantir que cette distinction entre la conformité au règlement et une perquisition dans le contexte d'une affaire criminelle est bien maintenue. Ces distinctions font qu'il s'agit là d'une situation spéciale.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé de la Charte des droits et liberté. Tout d'abord, vous me dites que cette Charte donne moins de droits que la common law où il est question de propriété et pas seulement d'habitation. Deuxièmement, ce n'est pas le fait que l'on peut trouver des éléments de preuve d'autres infractions qui m'inquiète; c'est le fait que des agents de l'État puissent entrer dans ma propriété. Ce n'est pas le fait que vous puissiez trouver quelque chose, mais que vous n'avez pas le droit d'être là, sans une bonne raison, et avec suffisamment d'éléments de preuve pour obtenir un mandat de perquisition. Je ne veux pas que vous entriez. Ce n'est pas parce que je suis criminel, mais parce que je ne veux pas que vous entriez. Vous pouvez avoir toute autre sorte d'exemption, mais à titre de gouvernement et de législateur, nous devons empêcher l'État et la police d'entrer chez vous. C'est notre responsabilité, et c'est ce que j'essaie de faire ici.
M. Sankoff: Je comprends bien. Tout ce que je puis vous répondre c'est que je ne peux pas préciser pour le moment le nombre de situations où le gouvernement a le droit de s'introduire dans un lieu d'affaires, je n'aime pas le terme, mais disons d'entrer dans un lieu d'affaires ou dans une propriété sans mandat, aux fins de réglementation. Dans un certain nombre de domaines, la situation est urgente. Les justifications avancées semblent urgentes. Je ne pense pas que ce serait quelque chose de courant ou qu'ils entreraient n'importe quand. Cela pourrait se produire de temps à autre, uniquement pour assurer le respect de la loi. Je ne crois pas que ce soit tellement inhabituel. Dans énormément de secteurs, les agents de l'État sont autorisés à entrer uniquement pour vérifier que la loi est bien respectée ou que le processus extrêmement important en cours se déroule de la façon prévue.
Je comprends que vous vous inquiétiez au sujet de la protection de la vie privée. Néanmoins, les tribunaux ont généralement accepté le genre d'intrusion uniquement dans ce but. Ils ont généralement reconnu que le gouvernement devrait vérifier l'application de diverses lois et le but dans lequel il le fera ici est très important. Voilà la différence.
Le sénateur Meighen: Quelqu'un peut-il me rappeler ce qui déclenche l'initiative de vérification de la conformité? Qu'est-ce qui pousse le Centre à décider d'entreprendre une telle vérification?
Mme Patricia M. Smith, directrice adjointe, Politiques, liaison et conformité, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada): Monsieur le sénateur, plusieurs facteurs interviennent.
Tout d'abord, nous avons des agents de liaison sur le terrain. Ceux-ci vont communiquer avec les entités qui doivent faire rapport pour savoir si elles sont à l'aise avec la loi et la réglementation. Je tiens à souligner que le règlement prévoit la mise en place d'un régime de conformité aux dispositions de répression du recyclage financier. Les agents de liaison vont se rendre sur place et voir si les entités doivent disposer de plus de renseignements afin de mettre en place de tels régimes.
Dans le cadre du démarrage de notre organisation, nous tentons d'évaluer les besoins de formation des entités qui doivent faire rapport. Ainsi, nous devrons tenir compte d'un autre facteur: Quels sont les besoins de formation de toutes les entités qui doivent faire rapport?
Lorsque tout sera en place et que nous commencerons à recevoir des rapports de transaction, nous pourrons réunir des données statistiques sur la nature générale des rapports et de la conformité. Si 95 p. 100 de toutes les entités d'un secteur particulier font rapport, alors nous saurons qu'il y a des anomalies et nous retournerons les voir pour nous assurer que la réglementation et la loi sont bien comprises. Est-ce que ces entités négligent de faire quelque chose? Le problème en est-il un de rapidité? S'agit-il d'un problème d'impossibilité à communiquer avec notre mécanisme de rapport? Les rapports vont se transmettre essentiellement Internet ou par réseau à protocole SSL.
Nous disposons de plusieurs méthodes pour déterminer s'il y a des lacunes au niveau de la conformité. Si après avoir examiné les données et parlé avec les représentants de l'entité, nous constatons qu'il y a peut-être des lacunes plus graves, nous les informerons que nous allons procéder à une vérification de la conformité sur place et que nous ferons un suivi des résultats de cette vérification avec l'entité.
Le sénateur Meighen: Lorsque vous parlez d'entité de rapport, vous parlez de tout organisme qui doit faire rapport aux termes de la loi?
Mme Smith: Oui.
Le sénateur Meighen: Il pourrait s'agir d'un cabinet juridique.
Mme Smith: En effet.
M. Cullen: D'après ce que j'en sais, il pourrait arriver que d'après les renseignements, un intermédiaire quelconque doive faire rapport ou encore on a tout lieu de croire que cet intermédiaire devrait faire rapport, mais nous ne recevons pas les rapports. C'est alors que quelqu'un poserait des questions.
M. Richard Lalonde, chef, Crimes financiers, Division du secteur financier, Direction des politiques du secteur financier, ministère des Finances: Je peux peut-être vous donner un exemple qui démontre que ce ne sont pas toutes les entreprises qui doivent faire rapport. Le projet de loi précise très clairement que nous traitons essentiellement avec les grandes institutions financières qui sont énumérées à l'article 5 du projet de loi.
Le projet de loi prévoit également l'ajout, par règlement, d'entités supplémentaires de rapport et c'est ce que nous avons fait dans les règlements pré-publiés tout récemment dans la Gazette du Canada.
Comme M. Cullen et Mme Smith l'ont mentionné, il peut arriver qu'il y ait des lacunes dans les rapports de certains secteurs. À titre d'exemple, je peux vous citer les bureaux de change. Dans certains cas, il peut arriver que le Centre reçoive de nombreux rapports de bureaux de change dans une région du pays. Une autre région du Canada n'en produirait que très peu. Cela peut nous amener à nous demander pourquoi il en est ainsi et le Centre fera alors enquête sur ces entités dans la deuxième région.
Le sénateur Kroft: Je m'intéresse à cette idée de rapport qui devrait vous parvenir. J'ai l'impression que vous allez prendre des catégories d'institutions ou de bureaux ou d'entreprises et élaborer une sorte de base de données statistiques permettant de prévoir que, compte-tenu d'un certain volume dans un certain secteur, vous devriez recevoir tant de rapports par mois. Vous n'obtiendrez peut-être pas ce quota. Est-ce le genre d'analyse que vous ferez, ou faut-il un déclencheur plus précis fondé sur des faits?
L'exemple que vous avez donné était un peu flou. Cela ne m'était pas très clair. Avez-vous un exemple précis qui déclencherait la vérification ou est-ce sur une base statistique?
M. Lalonde: Le Centre possède le pouvoir d'effectuer des vérifications de conformité dans le cas de toutes les entités qui doivent faire rapport. En pratique, l'organisme ne disposera pas nécessairement de ressources lui permettant de faire régulièrement la tournée de toutes les entités et devra donc décider, en fonction des priorités, où effectuer des vérifications de conformité. Dans l'exemple que j'ai donné, ce serait peut-être l'un des critères qui serait utilisé.
De plus, la loi prévoit, et je le mentionne en passant, que le Centre a le pouvoir de conclure des ententes de collaboration avec d'autres organismes de réglementation et d'autres organismes d'auto-réglementation aux fins d'effectuer cette fonction particulière de vérification de la conformité.
Le sénateur Meighen: Bien que vous ayez répondu à la question, je ne comprends toujours pas clairement comment on n'atteint ce rang privilégié d'entité de rapport. Que faut-il pour être à ce niveau? Faut-il être RBC Dominion Securities? Faut-il être le cabinet juridique du sénateur Kelleher? Comment parvient-on à ce statut exalté?
M. Lalonde: Nous parlons de «entité de rapport» pour décrire toutes les entreprises énumérées à l'article 5 de la loi. Dans cette disposition, il est question des banques assujetties à la Loi sur les banques.
Le sénateur Meighen: C'est une disposition fourre-tout.
M. Lalonde: Il y a une autre disposition qui nous permet d'intervenir lorsque par exemple, à l'échelle internationale, il se crée de nouvelles industries ou de nouvelles façons de recycler l'argent. Cela nous permet de les ajouter à la liste des entités assujetties aux exigences par la réglementation.
Comme je l'ai dit précédemment, dans l'ébauche des règlements publiés le 17 février, nous avons inclus, à titre d'exemple, le secteur des virements télégraphiques -- les Western Unions de ce monde -- comme entreprises qui devraient être assujetties aux exigences de la loi. Ce secteur ne sera peut-être pas mentionné expressément dans la loi, mais il sera dans le règlement. Nous allons consulter ce secteur particulier sur cette question.
Le sénateur Meighen: Permettez-moi, si vous le voulez bien, de m'arrêter sur l'exemple précis d'un cabinet juridique. Comment un cabinet serait-il assujetti à la loi?
M. Lalonde: Exactement de la même façon que Western Union ou toute entreprise de transfert télégraphique, par réglementation.
Le président: Ça ne semble pas raisonnable.
Le sénateur Meighen: Mon cabinet juridique est-il assujetti à cette loi maintenant ou dois-je attendre que vous me le fassiez savoir par lettre?
M. Lalonde: depuis un an ou deux, nous avons eu des consultations intensives avec des représentants de l'Association du Barreau canadien, du Barreau du Québec et d'autres sur la Loi visant la répression du recyclage financier et la réglementation qui en découlerait. Au niveau de l'association, on est certainement au courant des intentions du gouvernement.
Le gouvernement a également prépublié les règlements et a annoncé ce fait publiquement.
Le sénateur Meighen: Je regrette, je ne comprends pas votre réponse à ma question.
Le président: Est-ce que l'on présume que tous les Canadiens lisent tous les règlements? Le sénateur Meighen suit une voie intéressante. Est-ce que le Centre va faire parvenir une lettre à tous les suspects éventuels? Évidemment, j'utilise l'expression entre guillemets. Vraiment, comment cela fonctionnera-t-il?
Mme Smith: Il y a plusieurs éléments. Nous procédons par étapes successives. Le résultat de consultations sur la réglementation a été prépublié; nous avons également entrepris des consultations sur les directives qui énonceront certaines des exigences de la loi.
Comme l'a dit M. Lalonde, la réglementation qui vise les avocats est très précise. Un avocat doit prendre certaines mesures avant de devoir devenir une entité de rapport. Il ou elle doit effectuer des transactions financières. Un avocat qui donne des avis juridiques ou criminels n'est pas visé. C'est seulement s'il effectue des transactions financières très précises. Le règlement prévoit que tous les conseillers juridiques sont assujettis à la partie 1 de la loi lorsqu'ils se livrent à certaines activités pour le compte d'une tierce partie, activités telles que la réception ou le paiement de fonds autres que ceux reçus ou versés au titre des honoraires professionnels.
Le sénateur Meighen: Permettez-moi de présenter une situation hypothétique. Je suis un client. Je veux investir dans l'immobilier à Ottawa, j'envoie 500 000 $ comptant à mon avocat à Ottawa, ou 20 000 $.
Mme Smith: Êtes-vous l'avocat ou le client?
Le sénateur Meighen: Je suis le client. Je veux acheter des propriétés immobilières à Ottawa. Je n'envoie pas ces sommes pour verser des honoraires.
Mme Smith: Votre avocat deviendrait probablement une entité de rapport.
Le sénateur Meighen: Justement. Vous aurez de nombreux avocats qui deviendront de telles entités parce que souvent, du moins jusqu'à présent, les clients donnent leur argent à l'avocat en fiducie à des fins précises futures.
Le président: En espèces ou par chèque?
Mme Smith: Ce n'est que s'il s'agit de transactions importantes au comptant.
Le sénateur Meighen: Mon collègue le sénateur Tkachuk vient de demander s'il s'agit d'un transfert électronique, est-ce considéré comme un paiement comptant ou par chèque?
Mme Smith: Si c'est du comptant, votre avocat, comme entité de rapport, doit faire rapport d'une grosse transaction en argent comptant, c'est-à-dire de plus de 10 000 $. Toutefois, si vous vous présentez avec une valise et que vous faites plusieurs petites transactions, cela pourrait donner lieu à des soupçons et alors être assujetti à la nécessité de faire rapport.
Le sénateur Meighen: Qu'en est-il d'un transfert électronique?
Mme Smith: À ma connaissance, les avocats ne sont pas en mesure de le faire. Mais c'est prévu, oui.
Le sénateur Meighen: C'est considéré comme du comptant?
Mme Smith: C'est la transaction dont il faut faire rapport.
Pour revenir à votre question sur la façon d'informer tous les intéressés, nous en avons discuté avec l'Association canadienne du Barreau.
Le président: Excusez-moi, mais il y a quelque chose qui ne va vraiment pas ici. Me dites-vous que chaque transfert électronique va être assujetti à une mesure quelconque? Mais il se fait chaque jour des milliers de transactions de ce genre.
Mme Smith: C'est à l'échelle internationale.
Le président: Oui, à l'échelle internationale.
Mme Smith: Le montant doit dépasser les 10 000 $.
Le président: C'est de la folie. C'est ainsi qu'on mène les affaires quotidiennement. À titre d'exemple, je viens tout juste de transférer électroniquement de l'argent à un de mes enfants. Est-ce un transfert louche?
Mme Smith: Non, monsieur.
Le président: Pourquoi pas? Cela répond à votre définition.
Mme Smith: Cela répond à la définition de transaction prescrite.
Le président: Quelqu'un va en faire rapport?
Mme Smith: Quelqu'un va en faire rapport.
Le président: C'est de la foutaise.
Le sénateur Tkachuk: Voilà ce que nous tentions de dire la première fois.
Le sénateur Meighen: Pour passer à autre chose, au coeur de tout ce système semble être la garantie que l'on va suivre les procédures de rapport approprié. Une fois que nous savons qu'on a suivi la procédure, tout le monde sera heureux.
Mme Smith: Oui.
Le sénateur Meighen: Je ne sais pas ce que ça nous donne. Je vais maintenant aborder la question sous un angle différent. Vous nous avez dit que tout ce que l'on découvrira au cours d'une enquête ne peut servir d'élément de preuve au cours de poursuites criminelles. Par conséquent, nous allons nous donner tout ce mal simplement pour nous assurer que nous avons un beau petit système complet de rapport qui ne donne rien sauf permettre à quelqu'un de cocher et de dire: «Oui, nous avons reçu le rapport en bonne et due forme.»
M. Cullen: La première étape, c'est celle du rapport. Une fois que ce sera mis en place, les dispositions verbales vont s'appliquer, j'en ai bien l'impression.
Le sénateur Meighen: Disons qu'au cours d'une vérification de conformité tout à fait normale, vous trouviez quelque chose qui éveille vos soupçons. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous n'en feriez rien, quelles que soient les circonstances. Est-ce exact?
M. Sankoff: Selon le libellé actuel, en effet.
Le sénateur Meighen: À quoi sert-il alors?
M. Sankoff: L'idée est que les personnes qui ne suivent pas les instructions feront l'objet de poursuites pour non-conformité. L'idée, si j'ai bien compris, n'est pas que les personnes assujetties à la loi vont régulièrement y contrevenir. Il y a des pénalités prévues pour la non-conformité. La loi impose certaines obligations et puisque la non-conformité est un problème, nous espérons qu'avec le temps, on se conformera à la loi.
Le sénateur Meighen: Si j'étais un gros méchant blanchisseur d'argent, je ne me préoccuperait pas parce que j'ai reçu une petite sanction administrative pour ne pas avoir rempli des formulaires; deuxièmement, je m'assurerais de remplir le formulaire avec une grande exactitude pour être certain que personne ne viendra voir immédiatement parce que j'ai mal rempli les formulaires, même si en théorie vous avez dit que vous ne le feriez pas. Cela porte vraiment à confusion.
M. Sankoff: Ce ne sera pas le blanchisseur qui va remplir les formulaires. Ce seront les autres entités.
Le sénateur Meighen: L'avocat du blanchisseur?
M. Sankoff: En théorie, les blanchisseurs pourraient participer à une fraude d'envergure mais dans tous les cas, ils seront assujettis à d'autres pénalités. Il y a d'autres façons de décourager ce genre d'activités.
La non-conformité est conçue uniquement pour traiter la non-conformité. C'est une fonction de réglementation. Les sénateurs ont exprimé de la difficulté à accepter les procédures qui nous permettent de nous présenter sans mandat pour vérifier s'il y a ou non non-conformité. Il y a une excellente raison qui justifie qu'on ne puisse se présenter sans mandat que dans les cas de non-conformité. Il est tout à fait raisonnable de supposer que dans ces circonstances, vous ne pourrez pas utiliser l'information au cours de poursuites.
La seule raison pour laquelle nous avons permis au Centre d'intervenir sans utiliser les mécanismes de protection dont les sénateurs ont parlé, c'est qu'il s'agit strictement de non-conformité. Si on nous permettait d'utiliser cette information, nous aurions peut-être un problème.
Le sénateur Furey: Le sénateur Meighen a essentiellement répété ce qui a déjà été dit en ce qui concerne les documents douteux trouvés au cours d'une vérification de la conformité. Vous êtes convaincu que l'article 55 empêche de les utiliser, n'est-ce pas?
M. Sankoff: Tel qu'il est formulé, oui.
Le sénateur Furey: Diriez-vous qu'ils peuvent être utilisés pour justifier une demande de mandat?
M. Sankoff: Tout d'abord, le Centre est assujetti à diverses dispositions de non-divulgation. Il y a plus que l'article 55. Il y a également les amendements proposés à l'article 54 qui empêchent le Centre d'utiliser cette information dans son analyse. Le Centre est très lié par les dispositions de non-divulgation. Il ne peut pas communiquer ces renseignements à qui que ce soit pour obtenir un mandat. Le Centre n'a pas la possibilité d'obtenir des mandats de son propre chef. Puisque le Centre ne peut rien dévoiler à la police -- ou à qui que ce soit d'autre d'ailleurs -- il n'est pas possible de justifier un mandat avec cette information. Je dirais donc que vous avez raison.
Le sénateur Furey: Si c'est le cas, les règles normales s'appliquent. Si l'agent enquêteur veut se présenter dans une entreprise, mais doit convaincre un juge de paix qu'il a des motifs raisonnables de croire que dans ce cas, il existe des dossiers pertinents. Cette information n'a rien à voir avec une vérification de conformité, n'est-ce pas?
M. Sankoff: En effet, sauf les renseignements qui pourraient être obtenus au cours d'une poursuite pour non-conformité, mais cela n'inclut pas les détails des dossiers. Lorsqu'il y a poursuite pour non-conformité, cela devient public.
Le sénateur Furey: Cela se ferait, je présume, à la suite d'une demande de mandat fondée sur des renseignements qui n'auraient pas été obtenus au cours de la vérification de conformité?
M. Sankoff: Ce n'est pas tout à fait le cas. On pourrait intenter des poursuites pour non-conformité contre quelqu'un. Le centre est en mesure de remettre des documents à la police uniquement pour non-conformité -- c'est-à-dire lorsqu'il est démontré qu'il y a non-conformité.
Le sénateur Furey: Un document trouvé au cours de la vérification qui révèle des activités criminelles -- je ne parlerai pas d'activités criminelles de non-conformité; nous allons parler pour l'instant d'activités quasi criminelles, simplement pour distinguer -- pourraient servir dans des poursuites pour non-conformité. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Sankoff: Ces renseignements n'auraient rien à voir avec la conformité et ne seraient donc pas utilisés pour les poursuites sur la conformité.
Le sénateur Furey: Mais on pourrait le faire?
M. Sankoff: J'ai de la difficulté à voir comment cela pourrait se produire. Si le document ne se rapporte pas à un cas de non-conformité, il ne pourrait pas être utilisé dans une poursuite pour non-conformité.
Le sénateur Furey: Mais il pourrait se rapporter à un cas de non-conformité.
M. Sankoff: S'il se rapporte strictement à un cas de non-conformité, il pourrait effectivement être utilisé dans une poursuite pour non-conformité. Vous avez raison.
Le président: Y a-t-il quelqu'un dans votre ministère qui a la moindre idée du nombre de virements télégraphiques de plus de 10 000 $ qui sont effectués chaque année? Des dizaines de milliers, je présume. Chaque fois que l'on achète des actions dont la valeur dépasse 10 000 $, il faut virer la somme en question au courtier ou à la personne qui s'est chargée de l'acquisition. Cela doit équivaloir à quelques dizaines de milliers de dollars.
Mme Smith: Nous sommes en pleine discussion avec l'industrie. Nous en sommes à l'étape de la consultation; nous essayons d'établir si les entités qui doivent faire les déclarations seront en mesure d'utiliser des transferts de dossiers en lots aux fins de déclaration. C'est l'un des éléments clés que nous étudions actuellement en vue notamment de déterminer combien de transferts électroniques le Centre recevra.
Le président: Vous aurez besoin de toute une armée d'agents de conformité pour surveiller tout cela.
Le sénateur Meighen: Voilà une raison de plus pour tout examiner après trois ans.
M. Cullen: C'est une entreprise nouvelle pour nous, en particulier, et pour le Canada, en général. Il faut s'assurer que le filet est suffisamment grand. Dès qu'il y a des exceptions, les blanchisseurs d'argent sauteront sur l'occasion. Lors d'une comparution antérieure devant ce même comité, nous avons dit que, compte tenu du régime réglementaire dont nous disposons, nous pouvons nous adapter pour satisfaire à de nouvelles exigences, le cas échéant, tout en faisant preuve de beaucoup plus de souplesse pour ce qui est de changer les lignes directrices régissant toute la question de la conformité. Dans un premier temps, nous voulons éviter de créer des brèches dont certains pourraient se servir.
L'expérience sera notre meilleur professeur. Je ne prétends pas que nous ayons une solution pour chaque type de transaction. C'est au fur et à mesure que nous élaborerons des règlements et des lignes directrices que nous progresserons.
Le sénateur Setlakwe: Pour revenir à la conformité, vous dites qu'il y a parfois des empêchements. Que faites-vous, le cas échéant? En faites-vous rapport à la police? Toujours dans l'examen de la conformité, vous découvrez quelque chose de troublant qui devrait être déclaré à la police, mais quelque chose vous empêche de le faire. Que faites-vous?
M. Sankoff: Si l'on découvre des documents prouvant qu'une personne ne s'est pas conformée à la loi, cela signifie que l'entité chargée de la réglementation peut entamer des poursuites pour non-conformité. Les autres éléments de preuve -- c'est-à-dire les documents qui pourraient éventuellement révéler d'autres crimes -- ne sont pas déclarés à la police, à moins qu'ils ne servent exclusivement à appuyer la poursuite pour non-conformité.
Le sénateur Tkachuk: Si vous découvrez de la cocaïne, qu'importe?
M. Sankoff: En common law, il existe une exception générale, celle des objets bien en vue. À titre d'exemple, si vous tombez sur quelqu'un en train de commettre un meurtre, rien ne vous empêche d'appeler la police pour l'en informer.
Le sénateur Tkachuk: Si la cocaïne se trouve sur un bureau plutôt que dans un tiroir, y a-t-il une différence?
M. Sankoff: Les limites de la doctrine n'ayant pas été explorées, je ne puis vous donner de réponse catégorique. En général, les tribunaux sont d'avis que les inspections de conformité n'ont pour but que d'assurer la conformité. Si le Centre devait dépasser les limites de son pouvoir, je n'aurais pas d'hésitation à vous dire que les tribunaux l'en empêcheraient. Dans votre exemple, vous évoquez une situation limite, celle de la cocaïne sur un bureau; le pouvoir ici vise la conformité. Si le Centre utilise ses pouvoirs abusivement, il appartiendra toujours aux tribunaux d'exercer un contrôle.
Le sénateur Setlakwe: Si vous découvriez un acte criminel, vous ne le déclareriez pas?
M. Sankoff: S'il n'y a pas de problème de conformité, ce n'est pas au Centre qu'il incombe de faire des déclarations sur d'autres activités. Le Centre n'est pas une agence d'enquête.
Le sénateur Tkachuk: Lors de votre dernière comparution le printemps dernier, vous ne nous avez pas réellement fourni une bonne définition de ce qui constitue une «transaction douteuse». Ce terme nous avait posé problème, vous vous en souviendrez. A-t-on fait quoi que ce soit à ce sujet depuis? Qu'est-ce qu'une «transaction douteuse»?
Mme Smith: Ce n'est pas une question facile. Nous avons rédigé une ébauche de ligne directrice, qui fait présentement l'objet de consultations. La définition d'une «transaction douteuse» varie selon le contexte. On a peu d'exemples de transactions douteuses individuelles, par contre, on en a dans un contexte où la transaction même est douteuse. Je m'explique:
Dans le cas des services bancaires aux particuliers, les indicateurs de transactions douteuses utilisés par la Toronto- Dominion, par exemple, seront très différents de ceux utilisés par une coopérative de crédit à Stewiacke.
Dans ces indicateurs, on tient compte de la connaissance qu'on a du client et de ce qui constitue des activités normales de la part de celui-ci. Si le client de la banque est une entreprise, et que cette entreprise fait des dépôts de 10 000 $ quatre fois par semaine, l'activité sera considérée comme normale. Par conséquent, un dépôt de 10 000 $ ne constituera pas une transaction douteuse. En revanche, si un jour la même entreprise devait soudainement déposer un million de dollars, une telle transaction pourrait être considérée comme douteuse ou non douteuse selon ce que la banque ou l'entité en question sait du client.
Le sénateur Tkachuk: En juin dernier, on avait très hâte d'adopter le projet de loi C-22, car le gouvernement avait besoin de mettre sur pied le centre et le rendre opérationnel. De combien d'employés disposez-vous au centre et quels seront, d'après vos projections, les coûts de fonctionnement annuels?
Mme Smith: À l'heure actuelle, nous avons atteint environ 70 p. 100 de notre objectif total de recrutement au centre. Nous comptons quelque 70 employés. Notre budget pour cette année est de 20 millions de dollars, si je ne m'abuse.
Le sénateur Tkachuk: L'année dernière, je crois que vous avez dit qu'il serait de 15 millions de dollars.
Mme Smith: Je n'ai pas les chiffres exacts sous les yeux.
Le sénateur Tkachuk: Vous escomptez embaucher 100 employés?
Mme Smith: Pour l'instant, nous avons les ressources nécessaires pour une centaine d'employés. Nous en avons déjà recrutés environ 70.
Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous m'envoyer une lettre dans laquelle vous me donnerez plus de précisions?
Je ne sais pas si ce qui m'est arrivé est le résultat d'une erreur de la part de Nesbitt Burns, mais, voyez-vous, j'avais ce qu'on appelle un régime de retraite immobilisé chez mon ancien employeur. À 55 ans, j'ai voulu convertir ce régime immobilisé en ce qu'on appelle un Fonds enregistré de revenu de retraite, dit FERR. Le courtier m'a demandé de lui fournir une carte d'identité avec photographie. Je connaissais ce courtier depuis une quinzaine d'années, et je lui ai donc demandé pourquoi une carte d'identité avec photo était nécessaire. Il m'a répondu qu'il devait se conformer aux dispositions de cette loi, ou de celle qui a été adoptée, et que cette mesure visait à prévenir le blanchiment d'argent. J'ai refusé de produire une carte d'identité, et il m'a informé que je devais signer un désistement. J'ai donc signé le désistement et je le lui ai envoyé. Je ne me rappelle pas de la teneur du désistement en question; c'était en petits caractères.
J'ai trouvé cette situation étrange, et c'est pourquoi je m'inquiète des implications de projets de loi comme celui-ci. Pourquoi de telles demandes? Y a-t-il un des représentants du ministère qui pourrait me dire ici, aujourd'hui, pourquoi une telle demande? Pourquoi faut-il produire une carte d'identité avec photo? Pourquoi me faire signer un désistement?
M. Lalonde: Le principe «apprenez à connaître vos clients» est à la base même des normes internationales de lutte contre le blanchiment d'argent. Il s'agit fondamentalement d'être en mesure d'identifier ses clients. En vertu des règlements actuels, qui sont en vigueur depuis 1993, les institutions financières régies par l'ancienne loi doivent confirmer l'identité de leurs clients en leur demandant de fournir une pièce d'identité, par exemple, un permis de conduire ou des papiers de ce genre.
En établissant des relations d'affaires avec un client, le courtier en valeurs mobilières ou une institution financière doit confirmer l'identité du client en lui demandant son permis de conduire, par exemple. De plus, le numéro de référence doit être consigné. Telle est l'exigence actuelle.
Le sénateur Tkachuk: Pour ouvrir un compte, il faut donc dévoiler toute sa vie, est-ce bien cela? Il faut remplir toute une liasse de formulaires. La situation que je vous ai décrite concernait l'ouverture d'un compte FERR. J'avais déjà rempli un formulaire pour l'ouverture d'un compte dans le cadre de mon régime de retraite immobilisé.
Que fait-on au juste de la carte d'identité avec photo? Le courtier pourra-t-il l'accrocher au mur dans son bureau pour s'amuser à jouer aux fléchettes, car je suis un sénateur? Si j'avais envoyé ma carte d'identité avec photo, que ce serait-il passé? Est-ce qu'on aurait envoyé ma carte d'identité au gouvernement ou est-ce que le courtier l'aurait gardée dans son bureau, classée dans un dossier?
M. Lalonde: Les courtiers en valeurs mobilières peuvent confirmer l'identité de leurs clients de plusieurs façons. S'agissant de la carte d'identité avec photo, les institutions financières exigent généralement que le client soit présent en personne pour fin d'identification. Elles ne sont pas tenues de garder une photocopie de la carte d'identité que le client leur fournit, pourvu que l'on consigne le numéro de référence. C'est tout simplement une mesure de précaution. C'est un moyen de prouver que l'institution a effectivement confirmé l'identité du client.
Le sénateur Tkachuk: J'ai quand même trouvé cela étrange.
Le sénateur Furey: Je voudrais revenir à la question de la divulgation du document dans le cadre d'une vérification de conformité.
Si j'ai compris votre propos, toute information obtenue dans le cadre d'une vérification de conformité ne pourrait être divulguée, selon l'article 55, entre autres articles, comme vous l'avez signalé. En fait, la divulgation d'une telle information rendrait les éléments de preuve irrecevables. Aujourd'hui, vous nous dites que si l'on découvrait les documents, ceux-ci pourraient être utilisés dans une poursuite pour non-conformité, ce qui les rendrait accessibles aux tribunaux. Est-ce bien cela?
M. Sankoff: C'est bien cela. Les documents ne peuvent être utilisés que pour prouver qu'il y a eu non-conformité. Il serait très difficile de prouver que les documents ne pourraient être utilisés ultérieurement dans le cadre d'une poursuite pour différents motifs, compte tenu de la manière dont ils ont été obtenus. La loi dispose clairement que les informations ne peuvent être obtenues que pour prouver qu'il y a eu non-conformité. De plus, il existe des garanties constitutionnelles qui renforcent cette prémisse fondamentale.
Le sénateur Meighen: Je comprends et j'appuie le principe de la protection des renseignements personnels. D'autre part, vous avez dit, monsieur Cullen, que ce projet de loi nous permettra de nous joindre à nos alliés internationaux dans la lutte contre le crime organisé, notamment le blanchiment d'argent. Si, comme vous le dites, le projet de loi -- qui s'intitule: «Loi modifiant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité» -- a pour seul but de faire en sorte que les particuliers se conforment à une exigence administrative et que toute information recueillie dans le cadre d'une vérification de conformité ne peut être utilisée qu'à des fins de poursuite pour non-conformité, en quoi cela nous aide-t-il dans notre guerre contre le blanchiment d'argent?
M. Cullen: Monsieur le sénateur, peut-être me suis-je mal fait comprendre? Si les gens ne se conforment pas à la loi et ne font pas de déclarations à la FinTRAC, tout ce train de mesures législatives ne fonctionnera pas. C'est évident. Si les gens ne font pas de déclarations, comme ils sont censés le faire, comment pourrons-nous alors nous attaquer au blanchiment d'argent? C'est pourquoi nous devons nous doter d'un mécanisme qui obligerait les gens, qui ne le font pas, à se conformer avec les exigences de déclaration énoncées dans la loi. Une fois que les gens se mettront à déclarer les transactions, les dispositions normales de la loi et l'ensemble des mesures législatives deviendront alors efficaces dans le cadre du FinTRAC.
Le sénateur a soulevé une question intéressante. Si quelqu'un refuse de se conformer à la loi, alors nous avons manifestement un problème, celui de concilier les choses: concilier la protection des renseignements personnels et le besoin de lutter contre le blanchiment d'argent. Si quelqu'un refuse systématiquement de se conformer aux exigences de déclaration, cela nous posera problème.
Mais il s'agit d'un pourcentage infime. Bien des organisations voudront se conformer à la loi ou s'y conformeront carrément. Elles ne sauront peut-être pas toujours qu'elles doivent se conformer aux exigences de déclaration ou elles ne sauront peut-être pas quelle procédure suivre exactement; mais nous verrons à ce qu'elles respectent les exigences de la loi, notamment en matière de déclaration.
Ceux qui refuseront de s'y conformer à cause de l'obligation parallèle de protéger la vie privée contesteront la loi. Je suis sûr que ce sera un défi.
Le sénateur Meighen: Je suppose que la loi proposée ne s'appliquera qu'aux résidents du Canada. Je vois quelqu'un derrière moi hocher de la tête. Je suppose aussi que, dans 99,99 p. 100 des cas, l'intention ne sera pas de faire du blanchiment d'argent. Les personnes en cause pourraient faire du blanchiment d'argent à leur insu, n'est-ce pas?
M. Cullen: Les cas de blanchiment d'argent sont peut-être plus fréquents que vous ne le pensez.
Le sénateur Meighen: C'est possible. Peu importe. J'ai toujours du mal à comprendre comment le fait de signaler les transactions permettra de voir qu'il y a une certaine tendance, qu'il s'agisse de négligence ou d'innocence ou encore de non-conformité systématique, auquel cas il y aurait lieu d'enquêter.
M. Cullen: Je vous donne un exemple. Supposons que quelqu'un ne fasse pas de déclaration de revenus, en contravention de la Loi de l'impôt sur le revenu; la personne se trouve en quelque sorte à faire de l'évasion fiscale. Il y a toutefois diverses formes d'évasion fiscale. Si la personne ne produit pas de déclaration aux fins de l'impôt sur le revenu, comment pourra-t-on déterminer s'il y a évasion fiscale? La première chose à faire est de s'assurer que tout le monde fait sa déclaration et se conforme aux dispositions de la loi exigeant que certaines transactions soient signalées. C'est seulement à partir de ce moment-là que la disposition s'applique, de sorte que les transactions sont analysées. S'il y a d'autres renseignements qui permettent de penser que les transactions sont suspectes, ces renseignements seraient alors transmis, sous le sceau du secret, à la GRC et à qui de droit. Mais il faut d'abord que les transactions soient signalées, sans quoi on ne peut pas faire grand-chose, il me semble.
Le sénateur Meighen: Très bien.
Le sénateur Furey: Revenons à la question des renseignements. Vous êtes toujours convaincu, je suppose, que le secret professionnel continue à être protégé, même quand il y a un audit de conformité relativement à quelque document que ce soit.
M. Sankoff: Tout à fait. Le secret professionnel est protégé quelles que soient les circonstances. À vrai dire, même si ce n'est pas précisé ici, le principe du secret professionnel est reconnu en common law. Les mesures de protection prévues sont bien précisées. Le secret professionnel aura toujours préséance dans les affaires de ce genre. S'il y a une raison valable de contester ce secret, il faudra s'en remettre à un juge.
Le sénateur Furey: Nous avons tous besoin d'un bon avocat, monsieur le président.
Le sénateur Wiebe: Ma question paraîtra peut-être un peu comique. Je ne suis pas avocat, et je ne comprends pas toujours les préoccupations des avocats.
Supposons que le projet de loi soit adopté et que je sois un trafiquant de drogue qui a eu une bonne semaine. J'ai donc un tas d'argent dont je ne sais que faire. Je ne peux pas le faire passer par le système habituel parce que vos gens, qui font un excellent travail, ne manqueront pas de le repérer. Le conducteur de pelle rétrocaveuse à qui je demanderais de l'enfouir pour moi serait-il soumis à la loi sur la conformité?
Le président: Le conducteur pourrait ne pas savoir ce qui se trouve dans le contenant.
M. Lalonde: En bref, la réponse est «non».
[Français]
Le sénateur Poulin: J'aimerais remercier M. Cullen et M. Peterson, car ils ont réagi rapidement aux questions soulevées lorsqu'on a discuté du projet de loi C-22. Les quatre changements proposés visent directement la loi d'encadrement du Centre. Mes questions vont dans le même sens que celles du sénateur Tkachuk. Si je comprends bien, le Centre est en développement. Il comprend 70 employés et à un budget de 20 millions de dollars par année approximativement. Quel est le statut du Centre comme agence gouvernementale en fonction du projet de loi C-22?
[Traduction]
Mme Smith: Aux termes de la loi, nous sommes un organisme distinct, entièrement indépendant des forces de l'ordre.
Le sénateur Poulin: Quelle relation avez-vous avec la GRC?
Mme Smith: Nous n'avons aucun lien de dépendance. La loi précise très clairement que nous n'avons aucun lien de dépendance à l'égard des forces de l'ordre, quelles qu'elles soient. Je pourrais vous donner des précisions pour vous aider à comprendre.
Le sénateur Poulin: Non, je comprends. Quelle est donc la relation qui existe entre l'agence et le ministère des Finances?
Mme Smith: Là, c'est un peu plus compliqué.
M. Lalonde: L'agence fait rapport au Parlement par l'entremise du ministre des Finances. Le ministre a donc un droit de regard sur les activités de l'agence. La loi précise la nature de ce droit de regard qu'a le ministre des Finances et des renseignements auxquels il a droit afin de s'acquitter de cette responsabilité. Il est très clair d'après la loi que le ministre n'a accès à aucun renseignement personnel identificateur.
[Français]
Le sénateur Poulin: Est-ce que l'agence va déposer un rapport annuel au Parlement?
M. Lalonde: Oui.
Le sénateur Poulin: Sur la question des informations privées, vous avez dit que toute transaction de plus de 10 000 dollars doit être rapportée et ce, même si je, par exemple, fais un don à ma fille qui vit à l'extérieur du pays?
M. Lalonde: Le projet de loi de règlement prévoit le rapport de toute transaction. Si une banque reçoit 10 000 dollars ou plus en espèces, elle devra automatiquement le rapporter à la nouvelle agence.
Le sénateur Poulin: Si je demande à ma banque canadienne de transférer à une banque américaine 15 000 $ pour ma fille qui demeure dans une autre ville, est-ce que la banque canadienne doit faire rapport de cette transaction?
M. Lalonde: Présentement, le projet de loi de règlement prévoit le rapport de tout transfert de 10 000 $.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk: Toujours sur ce point-là, je veux être sûr de bien comprendre cette question des transferts électroniques, car quand nous parlons de transactions illégales, c'est d'argent comptant qu'il s'agit, n'est-ce pas? On ne se sert généralement pas d'une carte de crédit quand on fait quelque chose d'illégal; les transactions illégales sont généralement faites avec de l'argent comptant. Je pourrais comprendre à la rigueur lorsqu'il s'agit d'un transfert d'argent international, des Bermudes aux États-Unis, ou vice-versa.
Pour clarifier la chose, supposons qu'il y ait une transaction entre deux comptes de banque canadiens. Mettons que le sénateur Kolber transfère 12 000 $ à mon compte à Saskatoon.
Le président: C'est quelque chose qui est très peu probable.
Le sénateur Tkachuk: Y a-t-il une disposition exigeant que la transaction soit signalée?
Mme Smith: Non, il n'y a pas de disposition en ce sens dans le règlement.
Le sénateur Tkachuk: Il n'y a donc pas d'obligation de ce genre pour les transactions intérieures.
Mme Smith: Non, l'obligation vaut pour les transactions internationales de plus de 10 000 $.
Le sénateur Setlakwe: Je voulais justement demander s'il s'agissait de transactions internationales ou intérieures.
Le président: Je croyais que l'obligation valait pour tous les transferts électroniques, mais Mme Smith vient d'expliquer qu'elle ne vise que les transactions internationales.
M. Lalonde: À l'heure actuelle, l'avant-projet de règlement ne vise que les transferts électroniques internationaux.
Le président: Cela n'avait pas été bien précisé.
Le comité sait bien que l'idée est de pincer «les méchants», sans faire souffrir «les bons» -- sans vouloir mettre cela en termes simplistes. Presque toutes les questions portaient sur la conformité. On ne nous a pas dit grand-chose, voire rien, au sujet de ce qu'il faudra faire de ces rapports volumineux. Nous sommes tous conscients du fait qu'on en est encore au stade préliminaire et qu'on essaie toujours de voir comment les choses pourraient se passer.
Le défi est énorme, et nous ne savons pas trop où cela va nous mener. J'aurais une suggestion à faire au comité, ce serait que nous demandions au Sénat de procéder à un examen dans un an. Ainsi, les responsables pourront faire le point sur l'application du règlement. J'incite fortement le comité à envisager d'inviter les témoins à revenir devant nous dans un an environ pour nous faire une mise à jour. D'ici là, il y aura peut-être, à défaut d'autres renseignements, des cas de personnes qui auront été lésées dont ils pourront nous parler. Les témoins pourront aussi nous dire s'il y a des «méchants» qu'on a réussi à pincer et si le système fonctionne.
Cela dit, je tiens à remercier tous les témoins qui ont participé à la séance d'aujourd'hui. Le comité fera de son mieux pour assurer le suivi de cette affaire.
La séance est levée.