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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 9 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 26 avril 2001

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner le projet de loi en question.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous nous réunissons pour discuter du projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières. Nous accueillons aujourd'hui le député Roy Cullen, qui est le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, et plusieurs représentants du ministère des Finances.

Monsieur Cullen, avez-vous un exposé liminaire à faire?

[Français]

M. Roy Cullen, député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui à propos du projet de loi C-8.Je suis conscient de l'ampleur de la tâche qui attend les membres du comité. Le projet de loi à examiner est volumineux et complexe. J'espère pouvoir vous être utile dans vos délibérations.

J'essaierai d'être bref pour vous laisser le plus de temps possible pour la période des questions.

[Traduction]

Monsieur le président, les objectifs à la base du projet de loi ont toujours été clairs. Tout simplement, le projet de loi C-8 a pour but de mettre en place un secteur des services financiers dynamique, fort et rentable, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Pour ce faire, l'accent est mis sur quatre grands objectifs. Le premier consiste à promouvoir l'efficience et la croissance des institutions financières canadiennes. Le deuxième est de stimuler la concurrence sur le marché intérieur. Le troisième est d'habiliter et de protéger les consommateurs des services financiers et le quatrième, d'améliorer le milieu de la réglementation.

Monsieur le président, toutes les mesures prévues dans le projet de loi contribueront à atteindre un ou plusieurs de ces quatre objectifs. Le projet de loi C-8 établit un juste milieu entre la défense des intérêts des institutions financières, qui jouent un rôle capital au sein de l'économie canadienne, et la protection des intérêts des consommateurs, qui ont besoin des services offerts et en dépendent.

En conséquence du projet de loi C-8, les banques et les compagnies d'assurances canadiennes bénéficieront d'un nouveau régime de propriété, qui facilitera la création de coentreprises et d'alliances stratégiques. Elles auront aussi à leur disposition un choix élargi de placements autorisés et une nouvelle structure de sociétés de portefeuille, qui leur apportera davantage de souplesse pour soutenir la concurrence des institutions non réglementées et des fournisseurs de services monogamme. En outre, elles bénéficieront d'un processus réglementaire d'approbation rationalisé.

Ainsi, le secteur sera doté d'un nombre accru d'instruments, et il disposera de la marge de manoeuvre voulue pour soutenir la concurrence et prospérer aussi bien au Canada qu'à l'étranger. Et cela, comme nous le savons tous, est essentiel, car les institutions financières contribuent dans une très large mesure, notamment à l'emploi, aux exportations et aux recettes fiscales.

[Français]

Le projet de loi prévoit aussi intensifier la concurrence sur le marché intérieur en favorisant l'arrivée de nouveaux participants. Pour ce faire, des dispositions prévoyant, notamment, le relâchement des exigences en matière de capital, l'accès amélioré au système de paiement, ainsi que des mesures visant à tenir compte des aspirations des coopératives de crédit et à promouvoir une présence accrue de banques étrangères au sein du projet de loi C-8. Il en résultera un éventail élargi de services de qualité pour le consommateur, au meilleur prix possible.

[Traduction]

Monsieur le président, j'aimerais aussi souligner que les dispositions relatives à la protection des consommateurs qui se retrouvent dans le projet de loi C-8 représentent un important pas en avant pour les consommateurs canadiens. Plus précisément, on retrouve dans le projet de loi C-8 plus de mesures pour protéger les droits des consommateurs que dans tout autre projet de loi déposé antérieurement au Parlement. Les Canadiens pourront s'adresser à la nouvelle Agence de la consommation en matière financière du Canada et à un ombudsman indépendant des services financiers canadiens, à des fins de surveillance et de recours. Ils pourront également bénéficier de mesures visant à améliorer l'accès aux services financiers, comme des exigences d'identification raisonnables pour ouvrir des comptes ou encaisser les chèques délivrés par le gouvernement fédéral, des comptes à coût modique et un processus régissant la fermeture des succursales.

De plus, plusieurs mesures touchant la transparence et la divulgation permettront de promouvoir de saines pratiques commerciales et la reddition des comptes. D'ailleurs, comme vous le savez peut-être, le gouvernement annonçait récemment qu'il avait conclu un processus de consultation visant à développer des documents types de divulgation de prêts en langage clair. Ceux-ci ont été élaborés en consultation avec les provinces, l'industrie et d'autres intervenants, et sont maintenant disponibles sur le site Web du ministère des Finances.

Je crois fermement que le projet de loi C-8 répond à ce à quoi il est censé répondre. Le texte de loi que vous êtes sur le point d'examiner est complet, équilibré et équitable.

Il compte plus de 900 pages et j'ai décidé de ne pas passer trop de temps à vous le décrire; je crois d'ailleurs que vous en connaissez assez bien le contenu. Je voudrais avoir plus de temps pour les questions, les commentaires et les réponses.

Ce projet de loi sera bon pour le Canada et les Canadiens, et pour le secteur des services financiers lui-même, ce qui explique l'appui provenant de la grande majorité des intervenants. Comme je l'ai dit, je suis conscient du temps et des efforts que les membres du comité consacreront à l'examen de ce projet de loi et je leur en suis reconnaissant. Je vous invite maintenant à poser des questions.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur Cullen, ma question concerne le mouvement coopératif. Le rapport du groupe de travail MacKay et les rapports du comité permanent des banques et du comité sénatorial des finances ont recommandé que les coopératives puissent établir une coopérative bancaire nationale. Le gouvernement a appuyé cette recommandation dans son Livre blanc. Le gouvernement a déclaré qu'il voulait continuer à prendre des mesures incitatives pour accroître la concurrence dans les services bancaires de détail. Pourquoi le projet de loi C-8 ne contient-il pas les dispositions nécessaires à cet effet?

M. Cullen: Merci, sénateur. Je répondrai d'abord à la question, puis les hauts fonctionnaires pourront donner de plus amples informations à ce sujet. Un document de discussion sur une coopérative bancaire paraîtra cette année. Les membres de notre caucus, de nombreux députés et sénateurs, souhaitent, j'en suis sûr, qu'un secteur fort des coopératives de crédit offre aux consommateurs des produits de remplacement et d'autres choix et, par conséquent, avive la concurrence. Nous avions élaboré un modèle de coopérative bancaire et un certain consensus semblait émerger à ce sujet. Ce consensus s'est malheureusement écroulé, si je puis m'exprimer ainsi. Nous sommes prêts à continuer, et le ministère rencontre régulièrement des représentants du secteur des coopératives de crédit. Nous essayons de les encourager à aller de l'avant. Le document de discussion qui doit paraître à la fin de l'année nous y aidera. Nous voulons que le secteur des coopératives de crédit soit plus fort, plus étendu et plus concurrentiel. Notre gouvernement est entièrement prêt à collaborer avec ces dernières pour atteindre cet objectif.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous nous dire quand le gouvernement compte présenter un projet de loi permettant la formation de coopératives bancaires nationales?

M. Frank Swedlove, directeur général, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances: Comme M. Cullen l'a signalé, nous publierons un document de discussion qui énumérera plusieurs options concernant la création d'une coopérative bancaire. Nous solliciterons ensuite l'avis des représentants des coopératives de crédit et des gouvernements provinciaux. Nous essaierons de réaliser un consensus qui nous permettra d'aller de l'avant. Nous n'avons pas de date précise en tête pour la présentation d'un projet de loi mais nous voudrions que ce soit le plus tôt possible.

Le sénateur Tkachuk: Cela me préoccupe parce que le groupe de travail MacKay a présenté son rapport en 1998 alors que nous sommes déjà en 2001. Le processus du Livre blanc permet d'examiner la question mais cela prend beaucoup de temps. Entre-temps, le projet de loi à l'étude permet les fusions bancaires et il permet à l'autre volet du secteur financier d'aller de l'avant. Cette situation fera peut-être prendre un peu de retard aux coopératives. C'est ce qui me préoccupe. Ne pourrait-on pas considérer cela comme une affaire urgente?

M. Cullen: Je partage vos préoccupations. Nous aimerions que le secteur des coopératives de crédit engendre une certaine concurrence. Ce projet de loi établit un processus transparent en matière de fusions bancaires. Un des critères qui sera appliqué par le biais du Bureau de la concurrence concerne le genre de concurrence en place pour les fusions et le genre d'alternatives pour les consommateurs. C'est un dilemme. Nous voudrions que les coopératives de crédit prennent de l'ampleur et prospèrent, et nous donnent ces alternatives. Il serait préférable que nous atteignions ce stade le plus vite possible.

En fait, le secrétaire d'État s'est engagé publiquement, lorsqu'il a témoigné devant le comité de la Chambre il y a quelque temps avec les représentants de la CS Coop, à réagir rapidement dès que l'on aura un consensus acceptable.

M. Swedlove: Le modèle de la coopérative bancaire a été élaboré par diverses coopératives de crédit. Comme l'a signalé M. Cullen, certaines d'entre elles ont décidé pendant les discussions qu'elles ne voulaient pas s'engager dans cette voie.

Cependant, la plupart des coopératives de crédit ont, avec l'aide de la Centrale des caisses de crédit du Canada, défendu le principe de la création d'une entité nationale de services, que nous avions adopté dans le cadre de la Loi sur les associations coopératives de crédit. Nous y avons apporté des modifications importantes pour accommoder les coopératives de crédit et leur permettre de faire une concurrence efficace aux autres institutions financières. Par exemple, en vertu de cette loi, les coopératives de crédit peuvent s'unir pour établir une association de services bancaires au détail, ce qui leur donnera des pouvoirs à peu près analogues à ceux des autres institutions financières et leur permettra d'offrir des services à l'échelle nationale.

Le sénateur Tkachuk: La position du parti conservateur est que nous considérons que les coopératives de crédit et autres types de coopératives deviendront des intervenants majeurs dans le secteur des services financiers. Elles sont puissantes en Saskatchewan, en Colombie-Britannique et au Québec. Elles seront en concurrence avec les banques.

M. Cullen a signalé qu'il existe déjà un processus pour les projets de fusion de banques. Si les banques veulent fusionner, elles devraient le faire si c'est avantageux pour elles. Voulez-vous dire que vous invoqueriez le prétexte que ce processus n'est pas encore en place pour empêcher les fusions, ou vous ai-je mal compris? C'est ce que vous avez laissé entendre.

Le sénateur Angus: C'est ce que j'ai compris aussi.

M. Cullen: Je ne voudrais pas juger ce processus d'avance. Ce que je veux dire, c'est qu'il exige l'intervention du Bureau de la concurrence. Il me semble que l'un des principaux critères est une certaine concurrence sur le marché et, par conséquent, il y veillera à coup sûr. En ce qui concerne les considérations liées à l'intérêt public, le processus exige un examen des incidences du projet à cet égard - ce qui se passe déjà au niveau des économies locales et des services et produits financiers locaux. Cela fera partie intégrante du processus. Je ne me permettrai pas de présumer d'avance de l'issue de ce processus. On peut dire que plus il y aura de concurrence sur le marché, quand les banques décideront de fusionner, et mieux ce sera pour elles.

Le président: Je prie mes collègues de ne pas prendre plus de dix minutes.

Le sénateur Kroft: Je suis enthousiasmé par la perspective d'une discussion longue et fructueuse sur cette question.

J'ajouterai quelques commentaires au sujet de la concurrence dans le système. Tout comme vous, j'estime qu'une concurrence efficace rendra l'opération plus acceptable pour tous, et principalement pour les grosses banques qui risquent de prendre une initiative, dans l'intérêt national et dans leur intérêt personnel, sans que tous les critères de concurrence soient réunis. Je prends note de cette observation; elle est pertinente.

Le sénateur Tkachuk a principalement parlé des coopératives. Je voudrais aborder deux autres sujets. Je reconnais que c'est seulement le début d'un processus et je n'essaie pas de tirer des conclusions finales mais plutôt d'aborder des sujets de réflexion importants pour nous.

Le premier sujet concerne les banques étrangères. Je suis membre de ce comité depuis trois ans et pendant tout ce temps-là, j'ai entendu parler des mêmes sujets toutes les semaines. Nous avons entendu dire que le gouvernement avait pris des initiatives pour apaiser diverses inquiétudes des banques étrangères et qu'il avait adopté le statu quo légal pour que ce soit plus attrayant pour elles de faire des affaires dans notre pays.

La volonté du gouvernement et, semble-t-il, celle des banques étrangères, a été de maintenir la concurrence à un niveau relativement limité au lieu de jouer un rôle vraiment efficace dans le système bancaire canadien. Je sais que les banques se feront un plaisir de se lancer dans les grosses transactions attrayantes, mais ce n'est pas cela qui permettra d'atteindre le niveau de concurrence que souhaitent les Canadiens lorsque des banques importantes font des projets de fusion.

Je signale que les banques étrangères ne jouent pas encore le rôle qu'elles pourraient et devraient jouer dans ce pays si nous voulons encourager la concurrence et devenir un intervenant encore plus important dans le contexte de la mondialisation.

Toujours à propos de la concurrence, je voudrais maintenant parler des compagnies d'assurances. La vision du rapport MacKay était que les compagnies d'assurances, du fait qu'elles représentent les plus grosses réserves de capitaux de placement du pays, se classent tout de suite après les banques. Si j'ai bonne mémoire, le rapport MacKay disait que ces compagnies avaient environ 35 milliards de dollars par année à investir d'une façon ou d'une autre dans le système. Des mesures pour les intégrer au système de paiement sont en place.

Dans ce secteur-là, nous nous sommes également heurtés à un manque d'intérêt. Voici le premier volet de ma question que je terminerai en parlant des banques étrangères. Les compagnies d'assurances croient que le système de paiement serait utile, d'après ce qu'elles ont déjà dit à diverses occasions. Cependant, elles ne semblent pas emballées par la perspective de devenir des entités semblables aux banques, comme le préconise le rapport MacKay.

Voici ma question, après ce long préambule. Pensez-vous que les banques étrangères ou les compagnies d'assurances puissent devenir un facteur plus important de concurrence dans la vaste gamme des services bancaires ou des services financiers qui sont offerts au Canada?

M. Cullen: Nous avons parlé quelques minutes des coopératives de crédit. Ce genre de concurrence leur donnera l'occasion d'offrir des produits et des services de remplacement. C'est une des initiatives prises dans le cadre de ce projet de loi, pour essayer d'encourager la concurrence en élargissant le système de paiement, en assouplissant les dispositions relatives aux banques étrangères et en adoptant de nouvelles règles en ce qui concerne la propriété. Si, à un moment ou à un autre, les banques envisagent de fusionner, ces divers facteurs devraient accroître la concurrence.

En ce qui concerne les banques étrangères, nous avons déjà pris diverses initiatives et M. Swedlove pourra peut-être en parler, bien que vous sembliez déjà les connaître. En fin de compte, le gouvernement peut offrir un cadre et des opportunités sur le plan législatif mais les banques étrangères estiment que les perspectives ne sont pas attrayantes en ce qui concerne les services de détail. L'opération ne semble pas aussi attrayante qu'elle pourrait l'être sur le plan commercial. C'est qu'il faut assurer une présence physique dans les collectivités locales.

Les opportunités peuvent être créées et les obstacles supprimés mais ce sont en définitive les considérations commerciales qui l'emportent sur le plan décisionnel. Les compagnies d'assurancess avec lesquelles j'ai eu des contacts sont enthousiasmées par la perspective d'un assouplissement du système de paiement. Je pense que le gouvernement est emballé par la perspective que les compagnies d'assurances et les courtiers en valeurs mobilières puissent se mettre à créer de nouveaux produits, de nouvelles opportunités et à offrir de nouveaux choix aux consommateurs.

Monsieur Swedlove, pourriez-vous nous donner de plus amples renseignements sur les possibilités que les compagnies d'assurances deviennent des banques?

M. Swedlove: Nous avons d'abord mis à jour le régime concernant les banques étrangères au cours des dernières années. Nous estimons que nous avons établi un régime libéral et souple, qui permet aux banques étrangères de participer. Nous sommes conscients des avantages concurrentiels qu'elles peuvent apporter sur le marché.

Une banque étrangère qui établit une filiale au Canada a exactement les mêmes droits et privilèges qu'une banque canadienne. Elle est traitée exactement de la même façon. En fait, ce sont les obligations que nous avons contractées en matière de commerce extérieur qui l'exigent.

Le sénateur Kroft: Est-ce que les banques étrangères réclament encore d'autres changements? Ont-elles besoin d'un changement important pour pouvoir devenir des concurrentes efficaces?

M. Swedlove: En 1999, nous avons permis aux banques étrangères d'établir des succursales au Canada. Autrement dit, elles peuvent établir une succursale de la maison mère sans devoir la constituer en société. Une banque étrangère peut aussi établir une entité constituée en société et avoir autant de succursales locales qu'elle le désire. Cependant, c'est seulement depuis 1999 qu'on les autorise à établir une «succursale directe» au Canada.

Nous ne permettons pas à ces succursales d'offrir des services de dépôt de détail. Cette décision a été prise parce qu'on savait que l'organisme de réglementation responsable ne pourrait pas surveiller une succursale d'entreprise étrangère de la même façon qu'une filiale constituée en société au Canada. Par conséquent, nous ne permettons pas aux succursales d'accepter des dépôts d'un montant inférieur à 150 000 $.

Le sénateur Kroft: Est-ce que la plupart des autres pays n'imposent pas d'une façon ou d'une autre leurs règlements intérieurs? Les banques étrangères n'essaient-elles pas de s'établir dans des pays plus hospitaliers à cet égard?

M. Swedlove: Les organismes de réglementation ont de plus en plus recours à des ententes pour s'assurer que les renseignements nécessaires sont fournis mais la capacité de surveillance n'est pas la même quand il s'agit d'une succursale que lorsqu'il s'agit d'une filiale constituée en société. C'est le cas aux États-Unis, où les succursales étrangères ne sont pas autorisées à accepter des dépôts. Je pense que c'est également le cas en Australie. Plusieurs pays ne permettent pas des transactions de détail. Cependant, plusieurs banques étrangères comme la HSBC et la ING ont décidé d'établir des entités constituées en société, ce qui n'est pas très coûteux. Elles ont des services bancaires de détail au Canada.

Le nombre de banques étrangères a augmenté. La plupart d'entre elles font activement concurrence aux banques canadiennes et je suis sûr que vous en connaissez beaucoup. La ING et la MBNA sont des banques étrangères qui font une concurrence active aux entreprises canadiennes. Nous avons essayé de veiller à ce que les règles du jeu soient égales pour toutes et à ce que les banques étrangères aient les mêmes opportunités que les banques canadiennes en matière de services.

Les compagnies d'assurances peuvent faire concurrence aux banques pour de nombreux produits assimilables aux produits bancaires. Elles peuvent également établir des filiales bancaires ou des filiales fiduciaires pour faire concurrence aux banques canadiennes. Cependant, l'objectif principal du projet de loi proposé est d'assouplir le système de paiement et de leur donner l'occasion d'offrir des services semblables aux services de dépôt à leurs clients actuels.

Le sénateur Poulin: Je voudrais que l'on précise la différence entre une banque canadienne et une banque étrangère. Vous dites qu'elles ont les mêmes droits, mais cela prête à confusion.

Les banques étrangères n'ont pas les mêmes droits en fait. Elles ne sont pas nécessairement couvertes par l'annexe 2. Elles doivent se faire enregistrer auprès des provinces. Les provinces veulent garder cette compétence, comme nous l'avons appris au cours des discussions antérieures.

J'aborde le sujet parce qu'elles n'ont en fait pas été mises sur le même pied que les banques canadiennes. Elles ont un statut spécial. Elles ont un rôle élargi dans notre système. Le problème que nous avons déjà soulevé n'a pas été réglé. En outre, les provinces semblent avoir de plus en plus tendance à intervenir dans ce secteur.

Je voudrais m'assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'onde à ce sujet. Lorsque vous déclarez qu'elles sont traitées de la même façon que les banques canadiennes, on a l'impression qu'elles sont couvertes et traitées exactement de la même façon. Ce n'est toutefois pas le cas en ce qui concerne leurs activités courantes.

M. Swedlove: Le sénateur fait allusion au fait que lorsqu'elles font une demande de permis d'établissement de succursale, plusieurs banques préféreraient avoir des activités qui, d'après les organismes provinciaux de réglementation du commerce des valeurs mobilières, concernent notamment leur secteur. Une exemption est accordée aux banques canadiennes et aux filiales étrangères établies au Canada. Cependant, ces organismes n'ont pas accordé l'exemption aux succursales de banques étrangères.

Ils ont signalé qu'ils examineraient les demandes individuellement en attendant d'avoir l'occasion d'instaurer une politique globale sur l'examen et l'acceptation de ce type de demandes.

Diverses succursales étrangères ont déjà obtenu des commissions des valeurs mobilières une approbation leur permettant de poursuivre les activités qui les intéressent. Par conséquent, le système est efficace mais le sénateur a raison en ce sens que cela a pris un certain temps. Les commissions des valeurs mobilières nous ont assuré qu'elles examineraient les demandes dans les plus brefs délais. À notre connaissance, l'acceptation des demandes ne pose actuellement aucun problème.

Le sénateur Oliver: J'ai déjà posé les deux questions suivantes dans le deuxième discours que j'ai prononcé au Sénat, il y a deux jours. Voici la première: quelle est la raison d'être de l'énoncé de politique gouvernementale sur les activités des banques dans le secteur des assurances? La politique permettant aux banques de posséder des compagnies d'assurance-vie n'a pas été modifiée. Cependant, une exception a été faite pour deux des plus grosses compagnies d'assurances converties qui ne peuvent pas faire partie d'un conglomérat bancaire.

La deuxième question porte sur le contrôle canadien et la règle des 20 p. 100. On nous a remis un livret d'information contenant des questions et des réponses au verso. Je voudrais vous poser une question au sujet de la réponse que vous donnez dans ce document, à propos de la règle des 20 p. 100. Voici de quoi il s'agit:

Q. L'augmentation du plafond à 20 p. 100, en ce qui concerne la propriété, aura-t-elle une incidence sur le contrôle canadien?

R. Non. Le gouvernement s'est engagé à maintenir des institutions vigoureuses, restant sous contrôle canadien. La Loi sur les banques empêchera encore quiconque, y compris des institutions étrangères, de prendre le contrôle de nos grosses institutions à capital largement réparti.

En outre, pour plus de certitude, le gouvernement élaborera, après avoir consulté les intervenants, une série de lignes directrices qui préciseront les critères factuels et les objectifs stratégiques à prendre en considération lorsqu'il s'agit d'évaluer le degré de contrôle.

Pourriez-vous nous dire où vous en êtes dans la rédaction de ces lignes directrices et comment elles garantiront le contrôle canadien de nos grandes institutions financières?

M. Cullen: Sénateur, c'est moi qui répondrai d'abord, puis M. Swedlove poursuivra.

Notre gouvernement s'est engagé à maintenir un contrôle canadien ferme sur les institutions financières. Nous estimons que le relèvement du plafond à 20 ou à 30 p. 100 ne déroge en rien à cet engagement. Les lignes directrices concernant la composition des conseils d'administration et d'autres considérations subtiles feront en sorte qu'il soit respecté. Tout propriétaire qui, après avoir atteint le seuil des 10 p. 100, fera une demande, devra se soumettre à un examen en bonne et due forme, portant notamment sur ces types de contrôles. Les demandes seront évaluées en fonction des lignes directrices concernant le contrôle.

M. Swedlove: Nous n'avons pas fini d'élaborer les lignes directrices et nous sommes déjà en train de définir les concepts. Je pourrais peut-être demander à M. Salembier de parler de notre façon de voir actuelle.

M. Gerry Salembier, directeur, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances: Nous avons eu une ou deux séries de discussions avec les institutions financières à ce sujet. Ces discussions étaient principalement axées sur les types de facteurs à inclure dans les lignes directrices concernant le contrôle.

Il s'agit pour la plupart de facteurs qui sont pris en considération dans d'autres types de politiques officielles où il est question de contrôle d'entreprises. C'est notamment le cas en ce qui concerne les télécommunications, la radiodiffusion et les transports.

Selon l'issue des consultations avec les représentants du secteur, nous y inclurons probablement la taille de la participation en capital, le pourcentage d'intérêt avec droit de vote, l'avoir, les restrictions éventuelles sur la vente d'actions, la représentation au conseil d'administration, les droits de nommer les membres de la direction associés à la possession d'actions et la représentation au sein des principaux comités du conseil d'administration.

Un autre facteur important est la portée de toute entente concernant l'impartition, passée entre le propriétaire de la part minoritaire et l'institution dans laquelle il a une participation, ou de toute alliance de marketing ou opérationnelle existante, dans la mesure où la possession de titres donne un veto sur les décisions courantes ou sur celles concernant les plans d'affaires organisationnels. Nous examinerons également la portée des éventuelles ententes de financement passées entre l'institution financière et l'intervenant. Quelques-uns des éléments pris en considération sont les marges de crédit importantes accordées à l'actionnaire, les restrictions sur l'utilisation de la raison sociale de l'institution financière par l'actionnaire et les déclarations publiques ou les déclarations faites à d'autres organismes de réglementation en ce qui concerne l'actionnaire. Ce sont là quelques-uns des points qui sont pris en considération dans d'autres contextes. Nous nous servirons probablement du même genre de liste d'indices de contrôle.

Le sénateur Oliver: La distinction que l'on fait entre le contrôle légal et le contrôle de fait est à la base de ces indices.

M. Salembier: Nous parlons de contrôle de fait. Le contrôle légal est d'un niveau supérieur mais nous parlons de situations qui constitueraient un contrôle de fait et d'indices qui seront pris en considération pour déterminer si c'est le cas.

Le sénateur Oliver: Lorsque ces dispositions auront été adoptées, que se passera-t-il si 20 entreprises américaines veulent un intérêt de 3 p. 100 dans une institution financière canadienne? Quelles sont vos lignes directrices? Avez-vous réfléchi à cette éventualité?

M. Salembier: La Loi sur les banques et le projet de loi à l'étude renfermeront une disposition qui permettra d'agir de concert. Par conséquent, si ces 20 propriétaires américains ayant une participation de 3 p. 100 coopèrent ou s'ils ont l'accord des actionnaires quant à l'exercice de l'intérêt avec droit de vote, ils seront traités comme s'il ne s'agissait que d'un seul actionnaire, aux termes de la loi.

Le sénateur Oliver: Je pars du principe que ces compagnies n'ont pas agi de concert et qu'elles n'ont pas réussi ce test. Ne serait-ce pas du contrôle étranger?

Le président: Ce le serait mais on ne pourrait rien y faire. Pourrait-on y remédier? C'est une très bonne question et je voudrais entendre la réponse.

M. Swedlove: Les dispositions actuelles de la loi et celles du projet de loi n'imposent aucune restriction sur le degré de propriété étrangère. Cependant, puisqu'aucun de ces actionnaires ne contrôlerait en fait l'institution, le contrôle étranger ne serait pas exercé. La majorité des actions seraient à l'étranger. Je pense qu'il n'y a plus aucune restriction sur la propriété étrangère d'actions dans nos lois depuis 1992. Je ne sais pas depuis quelle date exactement.

Le sénateur Oliver: Cela ne vous préoccupe-t-il pas?

M. Swedlove: L'essentiel pour nous est que l'institution reste sous contrôle canadien. La propriété étrangère ne s'est pas avérée un problème. Nous n'avons aucune raison de croire qu'elle sera une cause de problèmes à l'avenir.

Le sénateur Oliver: Monsieur Cullen, pouvez-vous répondre à ma première question sur les raisons pour lesquelles les compagnies d'assurances sont exclues?

M. Cullen: Quelques petites compagnies d'assurances de taille moyenne cesseront d'être sous la forme mutuelle en janvier 2002 et entreront dans la course; par conséquent, nous voulions nous assurer que les deux très grosses compagnies d'assurances maintiennent une certaine stabilité et une structure saine dans le secteur des assurances et qu'elles restent telles quelles. Nous voulons nous assurer qu'elles ne fusionnent pas avec de grosses banques canadiennes.

Le sénateur Oliver: Pour quelles raisons? Nous avons supprimé les obstacles. Quelles peuvent donc être les raisons pour exclure deux compagnies?

M. Cullen: Nous voulons nous assurer que le niveau de concurrence soit suffisant et que le système soit sain et sûr pour tous les Canadiens.

Le sénateur Oliver: Voulez-vous dire que si une banque achetait une de ces deux compagnies, ce ne serait pas sain ni sûr?

M. Cullen: C'est surtout pour éviter une concentration trop forte. C'est le risque que l'on court chaque fois qu'on limite le nombre d'intervenants. C'est également pour maintenir une certaine indépendance entre le secteur bancaire et celui des assurances. C'est important.

Le sénateur Oliver: Une compagnie d'assurances peut toutefois acheter une autre compagnie d'assurances. Dans ce cas, l'indépendance serait préservée. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi, et j'espérais que vous pourriez m'expliquer les raisons de cette décision.

M. Cullen: Je pensais vous avoir donné une ou deux raisons. M. Swedlove pourrait peut-être donner des précisions.

M. Swedlove: Le principal but est de s'assurer que le secteur des assurances reste vigoureux et indépendant. C'est ce que l'on fait en indiquant clairement que les deux plus grosses compagnies d'assurances retirées de la forme mutuelle ne pourront être la cible d'une prise de contrôle par le secteur bancaire.

Le président: Y a-t-il d'autres pays qui imposent ce genre de restriction?

M. Cullen: Pouvons-nous vous donner la réponse plus tard?

Le président: Nous vous en saurions gré.

Le sénateur Oliver: Beaucoup d'autres pays appuient la position que j'essaie de défendre.

Le sénateur Fitzpatrick: Je voudrais vous poser une question au sujet des banques de plus petite taille dont le nombre d'actionnaires est plus restreint et qui ont de moins grands besoins de capitaux. Elles semblaient faire partie intégrante du décor. Je me demande si leurs jours sont comptés.

Il me semble que la tendance est aux fusions et aux acquisitions, et à la formation de banques de plus grosse taille à plus forte capitalisation. Je pense que vous avez dit que ces banques pourraient être plus concurrentielles ou offrir un meilleur service. Je n'arrive pas à cette conclusion. Je me demande si nous ne créons pas un problème pour le secteur et pour les consommateurs qui dépendent de ces banques. Jusqu'à présent, le changement n'a pas donné des résultats spectaculaires.

Je voudrais savoir ce que vous avez fait en matière de modélisation et ce que vous avez fait pour instaurer un certain degré de confiance quant à la viabilité des petites banques, parce que je ne vois certainement pas les choses de la même façon.

M. Cullen: Il n'existe, à notre connaissance, aucune preuve de lien entre la taille de l'institution financière et les risques de faillite. Confederation Life et Central Guarantee Trust Company sont des exemples de grosses institutions qui ont fait faillite. Ce sont les problèmes immobiliers qui étaient probablement la principale cause de leurs déboires.

Le rapport de 1986 de la Commission d'enquête Estey sur la faillite de la CCB et de la Norbanque indique qu'un nombre insuffisant de cadres supérieurs compétents et un mauvais portefeuille de prêts étaient les principales causes de ces faillites. Aucune des deux banques n'a fait faillite à cause de sa taille. La conclusion du rapport est que les deux banques ont fait faillite à cause d'une stratégie de croissance trop agressive.

Dans les relations entre les organismes de réglementation et les petites banques, bien des dispositifs de contrôle automatique sont prévus. Je demanderai au représentant du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) ou à M. Swedlove de donner la suite de la réponse.

M. Swedlove: La commission MacKay signalait dans son rapport que très peu de banques canadiennes ont été créées au cours de la dernière décennie. Cette carence la préoccupait beaucoup car elle trouvait que cela compromettait la vigueur, l'ouverture et la compétitivité du marché. Toutes les nouvelles activités dans le secteur bancaire viennent d'institutions étrangères. Même si ce changement s'est avéré positif, nous estimions qu'il fallait également donner à des Canadiens l'occasion de créer des banques.

Plusieurs mesures prévues dans ce projet de loi ont pour but d'encourager l'établissement de nouvelles banques canadiennes tout en prévoyant la possibilité de banques communautaires.

La situation a beaucoup évolué depuis le milieu des années 80, époque où sont survenues les difficultés que vous mentionnez. En 1995, nous avons présenté un projet de loi qui a modifié le régime réglementaire en ce qui concerne les institutions financières en difficulté. Il a donné aux organismes de réglementation le pouvoir d'intervenir plus tôt et a instauré un processus plus efficace. Le BSIF et la SADC (Société d'assurance-dépôts du Canada) trouvent que le régime actuel est plus efficace pour aider les petites institutions qui seraient éventuellement aux prises avec des difficultés financières.

Le surintendant a déclaré que l'ouverture du marché à de nouvelles institutions comportait effectivement des risques supplémentaires mais qu'il dispose d'un nombre suffisant d'instruments pour faire face à la plupart de ces risques et à tout problème de contagion.

Le sénateur Fitzpatrick: J'ai un commentaire à faire. Quelques-unes des grosses banques sont parfois trop agressives et je dirais que leur gestion n'est pas toujours parfaite. Elles survivent peut-être parce qu'elles sont grosses et parce qu'elles ont une forte capitalisation.

C'est une proposition qui comporte des risques et je pense qu'il est très important de prévoir des règlements et des instruments de surveillance pour le surintendant. On pourrait causer de grosses difficultés à certaines collectivités en instaurant des banques communautaires à faible capitalisation. Nous savons tous que ce n'est pas un secteur de tout repos à l'heure actuelle.

M. Swedlove: Je demanderai à M. Bergevin de décrire les mesures qui ont été prises pour atténuer ces risques.

M. Normand Bergevin, directeur, Lois et règlements, ministère des Finances: Le BSIF est sensible aux problèmes que vous avez soulevés. C'est pourquoi le train de dispositions législatives que constitue le projet de loi C-8 lui donne des pouvoirs supplémentaires et davantage de latitude pour réagir aux problèmes, surtout en cas de création de toute une série de nouvelles banques et petites institutions.

Le projet de loi C-8 instaure un système de sanctions administratives permettant d'imposer des amendes aux personnes de ce secteur qui enfreignent les règles. Nous instaurons en outre le concept des ententes administratives exécutoires avec les institutions qui ont besoin de mettre de l'ordre dans leurs affaires, de sorte que le Bureau du surintendant aura l'assurance que certaines mesures seront prises par l'institution.

Ce n'est pas que nous ne possédions pas encore les pouvoirs nécessaires, mais nous essayons d'instaurer des pouvoirs intermédiaires. La prise de contrôle et la fermeture d'une institution font l'effet d'une bombe atomique. Nous tenons à prévoir des étapes intermédiaires qui soient moins radicales pour l'institution, tout en attirant son attention sur ces problèmes.

Nous avons également maintenant le pouvoir de mettre notre veto sur la nomination des membres du conseil d'administration et d'exiger le retrait de membres du conseil ou de cadres supérieurs. Ces pouvoirs ont tous pour but de rassurer le surintendant.

Comme l'a signalé M. Swedlove, le surintendant craint que si toute une série de nouvelles institutions apparaissent, cela alourdira la tâche de son bureau et engendrera, à coup sûr, des risques supplémentaires. Cependant, compte tenu de l'initiative prise par le gouvernement pour essayer d'accroître la concurrence, nous serions en mesure de nous acquitter de nos fonctions si nous avions les pouvoirs supplémentaires que nous réclamons.

Le sénateur Fitzpatrick: Le problème est de savoir ce qu'il faut faire en cas de série de prêts irrécouvrables, si l'on crée des banques communautaires. À ce stade-là, il est probablement trop tard pour intervenir de façon très efficace.

M. Bergevin: Cela fait partie de nos fonctions. Nous examinons les politiques des institutions en matière de prêts et de placements. Cela fait partie des tâches du surintendant. C'est parfois un casse-tête pour lui mais il est payé pour ça.

Le sénateur Meighen: Monsieur Cullen, vous devenez un habitué. Nous espérons qu'un jour vous viendrez avec votre ministre et que nous pourrons en discuter avec lui également. Nous vous remercions d'avoir accepté de venir. Vous pourriez peut-être lui en glisser un mot et lui faire savoir que nous voudrions le voir également.

Vous avez signalé que le projet de loi C-8 a pour but de faire en sorte que le secteur des services financiers soit dynamique, fort et rentable, dans l'intérêt de tous les Canadiens. C'est un objectif que nous n'avons aucun mal à approuver. Vous avez ensuite exposé les quatre objectifs du projet de loi.

La seule question qui me préoccupe encore un peu, et qui a été signalée hier par les sénateurs Oliver, Tkachuk et Angus, est l'étendue des pouvoirs accordés au ministre aux termes des dispositions de ce projet de loi. Mes inquiétudes ont été ravivées ce matin quand on a dit que l'on pouvait s'attendre à des lignes directrices plutôt qu'à des règlements; c'est du moins ce que j'ai compris.

Quand ces lignes directrices seront-elles en place? Y a-t-il une différence entre des lignes directrices et des règlements? Pourquoi pas plus de règlements et moins de lignes directrices, pour apporter plus de certitude? Le secteur financier déteste l'incertitude au plus haut point. Je suis sûr que si l'on a davantage de certitude, le secteur financier sera d'autant plus dynamique, rentable et vigoureux.

M. Cullen: Sénateur Meighen, ce train de dispositions législatives a généralement pour but d'établir un juste milieu. Comme l'a dit le sénateur Fitzpatrick, il faut reconnaître que la concurrence engendre parfois des risques supplémentaires. Il faut gérer ces risques mais nous devons faire des compromis et essayer de trouver un moyen terme.

Je passerai la parole à M. Swedlove dans quelques instants pour qu'il réponde à vos questions.

Je dirais que cet ensemble est composé de divers types de mesures, à savoir des mesures législatives, des mesures réglementaires, des régimes et des lignes directrices. En fait, pour donner au ministre et au gouvernement la latitude voulue pour s'adapter aux changements très rapides qui se produisent dans le secteur des services financiers, il était nécessaire de faire quelques compromis.

Le problème réside surtout dans les questions de détail. Jusqu'où faut-il aller pour leur assurer cette latitude? Nous estimons que ce train de dispositions constitue un juste milieu, mais M. Swedlove pourrait peut-être vous parler de quelques-uns des compromis qu'il a fallu faire et vous expliquer les raisons pour lesquelles nous avons opté tantôt pour les règlements, tantôt pour les lignes directrices. Peut-être pourriez-vous également expliquer la différence entre ces deux approches, monsieur Swedlove.

M. Swedlove: Sénateur, nous avons dit que nous continuerons à établir des lignes directrices dans quelques domaines, notamment en ce qui concerne le processus d'examen des projets de fusion. Ce processus détermine quand le ministre pourra reclassifier les banques qui font actuellement partie de l'annexe 1 et quels sont les champs de réglementation.

D'une façon générale, nous préférons les lignes directrices aux règlements lorsque nous voulons donner des instructions quant à l'orientation ou à l'interprétation mais que nous ne pensons pas qu'une règle stricte soit nécessaire. En d'autres termes, si nous estimons qu'une certaine latitude serait appropriée. Le processus d'examen des projets de fusion en est un exemple. S'il était intégré aux règlements, nous ne serions pas en mesure de le modifier au cas où une institution financière serait en sérieuse difficulté. Il faudrait appliquer rigoureusement le processus existant, même s'il n'était pas approprié dans ce cas-là.

On préfère généralement les lignes directrices aux règlements lorsque l'on prévoit qu'il faudra peut-être s'adapter aux circonstances.

Le sénateur Meighen: Est-ce qu'on a dit quand elles seraient prêtes?

M. Swedlove: Les lignes directrices de contrôle?

Le sénateur Meighen: Oui, et toutes les autres mesures dont vous voudrez bien parler.

M. Swedlove: Les lignes directrices relatives à l'examen des projets de fusion sont déjà parues, et celles sur la reclassification aussi. Comme l'a signalé M. Salembier, nous sommes en train de préparer les lignes directrices de contrôle et nous avons des discussions avec les intervenants à ce sujet. Une fois que le projet de loi aura été adopté, nous espérons terminer ce travail dans les plus brefs délais possible.

Le sénateur Meighen: Est-ce que la fin de l'année serait une échéance plausible?

M. Swedlove: Je pense que oui. Je regrette. Je ne précise pas de date parce que nous sommes en pleine discussion et que je suis tout simplement incapable de répondre avec certitude.

Le sénateur Meighen: C'est bien. Permettez-moi d'insister encore un peu: à supposer qu'une entité souhaite acquérir 20 p. 100 d'une banque, elle saurait d'avance qu'elle doit satisfaire à un critère d'aptitude. Est-ce bien cela?

Si je comprends bien - c'est peut-être écrit quelque part et vous pourriez peut-être m'aider à trouver où -, une participation de 20 p. 100 est censée favoriser une alliance et être une étape vers l'acquisition. Est-ce bien cela?

M. Swedlove: Oui.

Le sénateur Meighen: Comment le sait-on? Est-ce que le ministre l'a dit? Est-ce indiqué dans les lignes directrices ou dans les règlements?

M. Swedlove: S'il s'agit d'une banque ayant une capitalisation de plus de 5 milliards de dollars, le plafond est de 20 p. 100, sans contrôle. Cela ne peut pas être une étape vers l'acquisition. Le projet de loi ne le permet pas.

Le sénateur Meighen: Et s'il s'agissait d'un placement passif plutôt que d'une alliance? Est-ce que, par exemple, un fonds de retraite canadien ou n'importe quel fonds de retraite pourrait acheter jusqu'à 20 p. 100?

M. Swedlove: Ce serait possible. Un critère d'aptitude n'est qu'une évaluation permettant de déterminer si l'acheteur satisfait aux exigences. C'est le seul critère.

Le sénateur Meighen: Une entreprise manufacturière solide, dont la situation financière est saine, ne serait-elle donc pas exclue?

M. Swedlove: Non, on ne l'empêcherait pas de détenir ce placement passif.

Le sénateur Meighen: Si c'est exact, d'où vient que j'aie compris que l'on avait porté le plafond à 20 p. 100 pour aider nos institutions financières à conclure des alliances avec d'autres institutions financières et à renforcer leur position sur le marché?

M. Cullen: Les coentreprises, les alliances stratégiques et les échanges d'actions sont autant d'occasions de réaliser une transaction de ce genre.

Le sénateur Meighen: Je comprends cela, mais qu'est-ce qui incite une institution financière, comme une banque ou une compagnie d'assurances plutôt qu'un fonds de retraite, à prendre une telle initiative?

Le sénateur Oliver: Ou Nortel?

Le sénateur Meighen: Oui, ou IBM. Vous dites que vous voulez encourager d'autres institutions financières à conclure des alliances stratégiques avec une banque, par exemple. Quelles sont les dispositions de ce projet de loi qui encouragent la banque, plutôt qu'un fonds de retraite ou Nortel, à le faire?

M. Cullen: Comme je l'ai déjà dit, on crée un cadre et une opportunité qui donnent plus de latitude. Le gouvernement n'a pas pour mission de décider quels devraient être les actionnaires.

Le sénateur Meighen: C'est donc le marché qui doit produire le résultat que nous recherchons.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Étant donné la création d'autres organismes tels que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et celui de l'Ombudsman des services financiers, j'en arrive à la conclusion que l'industrie va financer ces deux organisations. L'industrie finance déjà le Bureau du surintendant des institutions financières. On a déjà un Office de protection des consommateurs à l'intérieur du ministère de l'Industrie.

Est-il rationnel de créer deux entités à partir de services financiers? Pourquoi n'a-t-on pas retenu l'Office de protection des consommateurs déjà existant et qui n'est pas financé par l'industrie, mais par les fonds publics canadiens? Pourquoi avoir choisi faire payer par l'industrie tous ces organismes?

J'aimerais aussi que le ministère nous présente le plan d'affaires, les coûts et les structures d'opération de ces deux organismes. Parce que si l'on additionne un à l'autre, je veux connaître les prévisions et les projections qui ont été faites, ainsi que le nombre de plaintes envisagées et quels services seront offerts. C'est important de savoir cela, parce que c'est le consommateur, en bout de piste, qui va payer la note.

Pourquoi avoir choisi, au niveau financier, que l'Agence de la consommation en matière financière soit traitée différemment des autres offices de protection des consommateurs, qui concernent toutes les autres industries au Canada?

M. Cullen: L'Agence de la consommation en matière financière du Canada est une consolidation des différents personnels existants dans le ministère de l'Industrie, le Bureau du surintendant des institutions financières, ainsi que le ministère des Finances. C'est une consolidation sans augmentation des coûts. Quant à l'ombudsman, l'appui du financement de l'industrie ne change pas et le budget sera à peu près du même ordre qu'auparavant.

Le sénateur Hervieux-Payette: À l'article 18, on dit:

Le commissaire impose à chaque institution financière une cotisation basée sur le montant total des dépenses de l'Agence, dans les limites prévues par le règlement.

Je m'excuse. Industrie Canada n'envoit pas de facture aux banques, à l'heure actuelle, pour le traitement des plaintes qui existent déjà. Je comprends que le Bureau du surintendant des institutions financières, déjà, envoit des cotisations, mais je n'ai jamais entendu que l'Office de protection des consommateurs envoyait des factures aux banques lorsqu'ils reçoivent des plaintes de ce secteur.

Je comprends que vous aurez des employés qui ont une compétence dans ce domaine, mais vous allez les placer dans une institution à part et c'est le secteur banquier qui couvrira les frais. Et ce partiellement, puisque de toute façon, dès qu'on aura d'autres institutions qui ne sont pas de juridiction fédérale, le consommateur n'aura pas de recours non plus. Ce sont donc seulement les banques. Et là, la facture sera refilée aux banques. Ce sont des entreprises et s'ils ont des coûts additionnels, ce sont les consommateurs qui vont payer les coûts additionnels. Pourquoi alors ne serait-ce pas aux fonds publics de payer les budgets de fonctionnement de l'Agence de consommation en matière financière?

[Traduction]

M. Swedlove: Le rôle principal de l'Agence de consommation en matière financière du Canada consistera à assumer la responsabilité des dispositions du projet de loi concernant les consommateurs. Jusqu'à présent, ce rôle était assuré par le Bureau du surintendant des institutions financières. Le surintendant a signalé qu'il était très préoccupé par les possibilités de conflits entre ses responsabilités et l'administration des dispositions législatives concernant les consommateurs.

Le gouvernement a décidé de créer un organisme distinct qui serait responsable des dispositions législatives concernant les consommateurs. La principale tâche de la nouvelle agence donc sera une tâche dont le surintendant assumait la responsabilité. En déclarant qu'il pensait que les frais ne seraient pas très différents, M. Cullen voulait dire que les deux organismes seront financés de façon analogue.

L'Agence de la consommation en matière financière du Canada communiquera en outre des renseignements aux consommateurs, en ce qui concerne l'usage avisé des instruments financiers, et il s'acquittera d'autres tâches analogues. Une partie de ce travail a été effectuée par le Bureau de la consommation d'Industrie Canada. Cependant, ce sont ses responsabilités comme organisme de réglementation qui constitueront la principale activité de l'agence, et la réglementation est toujours payée par les institutions financières, à ce que je sache.

Le sénateur Hervieux-Payette: Pourriez-vous me parler de la structure et du plan d'affaires? Lorsqu'on fait partie d'une certaine structure, c'est habituellement cette structure qui couvre tous les frais généraux. Des structures distinctes nécessitent une gestion distincte - le personnel et les finances, et cetera - pour chacune des différentes sections. Les frais généraux sont ensuite ajoutés aux services qui ont déjà été fournis, que ce soit à Industrie Canada ou au BSIF. Combien de personnes seront nécessaires et combien coûtera l'établissement du mécanisme? Quel sera le coût global pour le consommateur?

M. Swedlove: Nous prévoyons que l'agence comptera de 25 à 30 employés et coûtera environ 7 millions de dollars par an. Ce sont des chiffres approximatifs.

Le sénateur Hervieux-Payette: Qui préparera l'étude et comment cette décision a-t-elle été prise?

M. Swedlove: Nous nous sommes basés sur notre évaluation interne des activités à entreprendre et sur l'expérience du surintendant, qui assumera certaines de ces responsabilités.

Le sénateur Hervieux-Payette: Avez-vous un point de comparaison avec d'autres pays offrant des services analogues? Dans d'autres pays, il y aurait peut-être 500 employés pour un système de cette envergure. Je voudrais savoir ce qu'il en sera dans deux ou trois ans.

M. Swedlove: Il est difficile d'établir des comparaisons avec d'autres pays, parce que les lois sont différentes. Les États-Unis ont une loi appelée Community Reinvestment Act, administrée par des organismes de réglementation. Dans ce genre de cas, plusieurs centaines d'employés sont payés par l'industrie.

Nous pourrions faire une comparaison avec les frais associés aux dispositions du règlement américain concernant les consommateurs, mais elle ne permettrait pas de comprendre la situation canadienne parce que nous n'administrons pas une loi aussi complexe que cette loi américaine ni un système réglementaire aussi intrusif.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si vous demandiez aux six grosses banques de communiquer le nombre d'employés et le coût de leurs services de traitement des plaintes des consommateurs, elles diraient peut-être que le coût, que vous évaluez à 7 millions de dollars, devrait plutôt être de 50 millions de dollars et qu'au lieu de 50 employés, vous devriez en avoir 150, 200, voire 250.

Vous devez faire faire une évaluation réaliste par l'industrie, pour s'assurer que nos projets répondront aux besoins du secteur et que nous ne créons pas un monstre totalement inutile. Comme vous l'avez dit, le BSIF n'offrait qu'un service restreint, mais pourquoi ne pas passer par le Bureau de la consommation d'Industrie Canada et faire partager les frais par tous les contribuables au lieu de les faire payer entièrement par l'industrie? Un tel système crée une distorsion dans le secteur des services.

Le président: Quelqu'un pourrait-il nous confirmer que ce n'est pas le cas?

M. Cullen: J'ai été quelque peu déconcerté dans un sens. Vous suggérez de faire supporter ces coûts par les consommateurs. Je crois que cette agence ne coûtera pas les yeux de la tête. Il ne faut pas confondre l'observation des règlements avec les plaintes des consommateurs.

Cette agence se chargera de faire observer les règlements et l'ombudsman se chargera des plaintes qui ne peuvent pas être réglées par le système bancaire. Ce ne sera pas une opération coûteuse non plus.

L'incidence sur les consommateurs sera négligeable. Nous pourrions vous communiquer des chiffres plus tard.

Nous pensons que cet organisme sera en mesure d'atteindre les objectifs des règlements et de leur observation. Si vous tenez à établir une comparaison avec une banque qui a besoin d'un certain nombre de personnes pour traiter les plaintes des consommateurs, il faut y ajouter les activités de l'ombudsman. Il vaudrait peut-être mieux établir une comparaison avec le service des plaintes du bureau de l'ombudsman qui veille à ce que le système bancaire observe les lois et ses règlements internes.

Nous pourrons vous fournir une analyse plus tard, si vous le voulez.

Le sénateur Hervieux-Payette: À en juger d'après le rôle de ces deux organismes, je me demande auquel des deux les consommateurs devraient s'adresser en cas de mécontentement. Comment procédera-t-on? Devront-ils s'adresser aux deux organismes pour que ceux-ci déterminent s'ils ont été traités ou non de façon équitable? Comment fera-t-on? Si la moitié des demandes sont renvoyées à l'autre organisme, ce sera déjà du travail inutile.

Le président: Quelqu'un peut-il nous donner des renseignements à ce sujet?

M. Cullen: Nous pourrions essayer. Les consommateurs ayant à se plaindre d'une banque auraient recours aux voies normales. S'il s'agit d'une infraction à un règlement, et à supposer que le consommateur soit au courant de l'existence de cette agence, on pourrait utiliser les remèdes habituels. Cela dépendrait du genre de problème et du type de recours.

La plupart des personnes qui estiment que leur demande de prêt n'a pas été traitée de façon satisfaisante par la banque s'adressent à l'ombudsman. À moins qu'il n'y ait infraction à un règlement dont les intéressés ont connaissance, ce genre de plainte ne relèverait pas de la compétence de la nouvelle agence. Nous essaierons de vous donner des renseignements plus précis à ce sujet.

Le sénateur Angus: Monsieur Cullen, j'ai quelques questions à vous poser. L'une d'elles concerne la politique et vient se greffer aux questions du sénateur Oliver. J'ai aussi une question d'ordre technique qui s'adresse plutôt aux représentants du ministère.

Monsieur Cullen, tout le monde est au courant des critiques faites par les médias au sujet de ce projet de loi; ceux-ci lui reprochent de ne pas être synchronisé avec les mesures des autres pays avec lesquels nous faisons des affaires, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Allemagne et d'autres partenaires commerciaux importants, membres de l'OCDE.

Prenez le processus d'examen des projets de fusion, par exemple. Je me rends compte que ce projet de loi a été longtemps en gestation. On lui a consacré beaucoup de temps au cours des cinq dernières années, mais il semble que maintenant, tout le monde trouve que ce processus est lourd, que l'ingérence politique y est trop forte et que le Bureau de la concurrence le complique. On pense que ce projet de loi constituera plutôt un obstacle qu'un encouragement en ce qui concerne les fusions.

Pourriez-vous expliquer pourquoi? Sommes-nous vraiment en faveur des fusions? Les règles du jeu ont-elles changé suffisamment depuis que ce projet de loi a été préparé pour que vous, ou le gouvernement, soyez prêts à reconsidérer le processus pour le synchroniser davantage avec la réglementation en vigueur dans d'autres pays?

M. Cullen: Ce projet de loi n'a pas pour objectif de faire des conjectures en ce qui concerne les stratégies commerciales qui seraient appropriées pour les institutions financières. Notre objectif était de fournir un cadre à l'intention des banques qui pensent qu'une fusion serait avantageuse. Nous devions établir un processus transparent et garantir aux consommateurs canadiens une certaine concurrence et un système sûr et sain.

C'est l'intérêt public général qui est en jeu. Je ne tiens pas à entrer dans des considérations trop philosophiques mais il me semble que nous devons établir nos politiques de façon à ce qu'elles soient spécifiquement canadiennes. Notre pays est étendu alors que sa population est relativement restreinte. Il y a quelques secteurs à très forte densité de capital comme le secteur des banques, celui des assurances et le secteur pétrolier où le système se rapproche d'un oligopole. En raison des capitaux nécessaires sur un marché plus restreint, à moins de profiter des occasions d'exporter - ce que font beaucoup d'entreprises - la concentration est relativement forte dans plusieurs autres secteurs.

Le thème qui se dégage de ce projet de loi est que, si les banques pensent qu'une fusion est dans leur intérêt ou qu'elle s'inscrit dans leur stratégie commerciale, le gouvernement estime, quant à lui, qu'il doit encourager la concurrence au Canada. Nous avons déjà parlé de diverses mesures visant à encourager cette concurrence.

En fin de compte, tout projet de fusion devra être évalué en fonction de ses mérites et de l'intérêt public. Le gouvernement tient beaucoup à établir le cadre dans lequel se dérouleront les fusions.

La dernière fois qu'un projet de ce genre a été soumis, le degré de concentration dans les dépôts de détail aurait atteint environ 70 p. 100. Autrement dit, 70 p. 100 des dépôts de détail se seraient trouvés dans ces quatre banques qui n'en forment plus maintenant que deux. Je crois qu'il faut se demander si ce sera bon pour les consommateurs.

Le gouvernement s'efforce de rendre le système de paiement accessible aux compagnies d'assurances et aux sociétés de courtage en valeurs mobilières. Il veut encourager le démarrage de petites banques et encourager les coopératives de crédit à essayer de nouveaux produits. Nous voulons aussi laisser le plus de latitude possible aux banques étrangères.

Nous devons penser au Canada et établir nos politiques de sorte à ce qu'elles répondent à nos besoins très particuliers. Lorsque la question de la fusion des banques a été examinée en Australie, les deux secteurs qui posaient le plus de problèmes étaient les services de prêts aux petites entreprises et les services bancaires de détail.

D'après mes électeurs, ce sont les deux facteurs les plus importants. Nous devons nous organiser de façon à servir les intérêts des Canadiens et à nous assurer que les consommateurs n'aient pas moins de choix et qu'ils en aient peut-être même davantage. Nous ne voulons pas qu'ils soient soumis à une domination interne qui pourrait engendrer des politiques et des pratiques qui leur nuiraient.

En fait, l'Australie a imposé un moratoire sur les fusions à la suite de l'expérience qu'elle a faite. L'Australie ressemble au Canada par son étendue et sa population relativement restreinte; nous avons donc peut-être des leçons à tirer de son expérience. Nous essayons de concevoir des politiques répondant au caractère spécifique et aux besoins des Canadiens.

Le sénateur Angus: C'est une réponse intéressante. Je vous en remercie.

Vous dites donc que cette politique tient compte de notre situation très particulière et qu'elle est axée sur un système bancaire basé sur les paradigmes traditionnels.

On nous signale par ailleurs que ces paradigmes ont changé et que nos banques n'arriveront pas à survivre si on ne leur permet pas de prendre de l'expansion. La politique que vous avez élaborée en tient-elle compte? Nous sommes peut-être en train de nous tirer dans les pieds.

M. Cullen: Dans une certaine mesure, cela dépend de la nature des stratégies commerciales des banques. De nombreuses banques envisagent d'adopter la formule de la société de portefeuille, le régime de propriété et de prendre de l'expansion à l'étranger. Certaines banques prétendent que le marché intérieur est saturé et qu'elles sont battues en brèche par les fournisseurs de services monogamme. J'ignore si c'est tout à fait vrai.

La dernière fois qu'elles ont parlé à notre comité du caucus de la nécessité de fusionner, bien que ce soit en partie pour être plus compétitives à l'échelle internationale - pour soutenir nos entreprises multinationales et élargir la base des capitaux -, elles ont parlé d'une stratégie conçue pour renforcer leur assise sur le marché intérieur parce que celle-ci était érodée par ces fournisseurs de services monogamme.

S'il s'agit de renforcer leur position sur le marché intérieur, comme parlementaires, nous devons nous demander comment s'assurer que ce changement soit également avantageux pour les consommateurs. Nous devrions être fiers de la vigueur et de la renommée internationale de notre secteur bancaire. L'objectif final est de maintenir la vigueur du secteur, de lui permettre de croître et de prospérer, tout en protégeant les intérêts des consommateurs. C'est dans cette optique que le projet de loi a été préparé. Il n'est peut-être pas parfait mais c'est son objectif.

Le sénateur Angus: Le projet de loi reconnaît qu'une fusion est une décision commerciale légitime. Dans d'autres pays, les banques qui décident qu'elles ont intérêt à fusionner peuvent passer à l'action. Elles en avisent les autorités et le processus d'examen a lieu après la fusion.

Ici, par contre, si je comprends bien le système que vous proposez, nous demandons aux banques de divulguer d'abord tous leurs renseignements personnels, leurs bilans secrets et toutes sortes d'informations qui ne sont pas encore du domaine public. Nous leur demandons de fournir ces renseignements avant qu'elles ne sachent si la fusion aura lieu.

L'autre possibilité consiste à leur permettre de fusionner puis à leur demander de fournir les renseignements pertinents pour protéger l'intérêt public après la fusion. Cela semble être la principale objection que l'on ait au sujet du système que vous proposez; on estime qu'il sera un obstacle pour les banques. En fait, même si l'on accepte d'envisager des fusions, elles n'auront pas lieu.

M. Cullen: La décision d'appliquer le processus avant que les choses n'aillent trop loin semble assez logique. Dans la plupart des pays où l'on procède en sens inverse, comme aux États-Unis, où il y a plusieurs milliers de banques, divers remèdes ont été prévus; les banques sont obligées de se défaire de certains avoirs, par exemple.

Au Canada, le nombre de banques importantes est toutefois très restreint. Si elles se lient de façon trop intime, le gouvernement pourrait intervenir par le biais du Bureau de la concurrence s'il trouve que cela réduit considérablement la concurrence et que les remèdes ne sont pas très efficaces ni très nombreux ou que cela ne sert pas l'intérêt public. Les banques devraient alors renoncer à leur projet.

M. Swedlove: La façon de procéder en ce qui concerne les fusions varie d'un pays à l'autre. Par exemple, les États-Unis ont une loi qui impose des restrictions dans le cas des fusions qui auraient pour conséquence de concentrer plus de 10 p. 100 des dépôts de détail à l'échelle nationale dans une seule banque. Si l'on appliquait la même règle au Canada, toute fusion entre les cinq grosses banques serait impossible; une fusion serait automatiquement exclue. Nous avons adopté une approche différente parce que nous estimons que les décisions en matière de fusion doivent être prises en fonction des circonstances.

Tous les pays sont dotés d'un processus qui se déroule avant qu'une fusion soit approuvée, particulièrement dans le secteur bancaire, en raison de tous les problèmes délicats que cela peut engendrer, des mesures de précaution qu'il faut prendre et des risques que cela comporte en matière de concurrence. Les banques ne sont pas en mesure d'entamer un processus de fusion avant d'avoir reçu l'approbation finale. Nous avons constaté que cela prend généralement de cinq à six mois. C'est pourquoi nous avons ajouté notre processus d'examen des projets de fusion et nous pensons que cet examen s'effectuera dans un délai de cinq mois. Par conséquent, c'est un délai comparable à celui qui existe dans les autres pays.

Le président: Merci.

Vous avez sous les yeux un exemplaire du budget. Il s'agit en fait de deux budgets, un pour une étude spéciale et l'autre pour les projets de loi. Le sénateur Tkachuk, le sénateur Furey et moi-même les avons examinés hier. Si vous avez des questions à poser à ce sujet, je me ferai un plaisir d'y répondre. Sinon, est-ce que l'un ou l'une d'entre vous voudrait...

Le sénateur Hervieux-Payette: Voulez-vous que l'on discute des deux budgets?

Le président: Oui, bien sûr. Le budget pour l'étude spéciale est de 30 000 $. Celui pour les frais de déplacement et autres articles de dépenses est de 222 200 $. Avez-vous des questions?

Le sénateur Tkachuk: Devons-nous les adopter séparément? Lequel sommes-nous en train d'examiner?

Le président: Examinons d'abord le budget pour les études spéciales, celui de 30 000 $.

Le sénateur Tkachuk: Je propose que nous adoptions le budget pour qu'il soit sur la table; nous pourrons alors en discuter.

Le président: Nous avons besoin d'un second proposeur.

Pourrait-on présenter une motion pour celui de 222 200 $?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le président: Sommes-nous tous d'accord?

Le sénateur Angus: Puis-je poser une question?

Le sénateur Tkachuk: Oui, c'est c'est pour cela que j'ai présenté la motion.

Le sénateur Angus: Quel genre d'étude peut-on faire pour 30 000 $?

Le président: Il s'agit d'honoraires conditionnels.

Le sénateur Angus: Cette somme vient-elle s'ajouter aux autres fonds dont nous disposons? Elle ne concerne pas le projet de loi C-8, si je comprends bien.

Le sénateur Tkachuk: Non, ce projet de loi fait partie du budget de 222 200 $.

Le sénateur Angus: Il s'agit tout simplement d'une caisse pour les mauvais jours, est-ce bien cela?

Le président: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons signalé hier que si nous devions faire des déplacements pour une étude spéciale, nous adresserions une autre demande au Sénat parce que nous n'avons reçu aucun ordre de renvoi pour quelque étude que ce soit.

Le greffier du comité, M. Denis Robert: Nous en avons un pour une étude spéciale. C'est l'ordre de renvoi pour les dernières séances. Ce n'est qu'un budget provisoire, jusqu'à ce que le comité décide s'il veut faire des déplacements ou ce qu'il veut faire au juste. C'est un budget provisoire.

Le sénateur Oliver: Le sénateur Kroft pourrait-il dire si, au cas où nous déciderions de présenter une autre demande au Sénat plus tard, des fonds seraient disponibles?

Le sénateur Kroft: C'est le sénateur Furey qui est président du comité du budget.

Le sénateur Furey: Chaque budget est examiné individuellement. Pour le moment, les demandes représentent environ trois fois plus que ce qui est prévu au budget pour l'ensemble des comités.

Le sénateur Tkachuk: Il convient également de signaler que notre budget est moins élevé que l'année dernière.

Le sénateur Poulin: Moins élevé que le budget qui avait été approuvé ou que celui qui avait été demandé?

Le sénateur Tkachuk: Moins élevé que les sommes que nous avons dépensées.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Non? Nous poursuivrons alors la séance à huis clos. Les employés du comité peuvent rester.

La séance se poursuit à huis clos.


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