Aller au contenu

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 14 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 16 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-8, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bon après-midi, mesdames et messieurs. Nous sommes réunis une fois de plus pour entendre des témoignages sur le projet de loi C-8.

Notre premier groupe est de l'Association des banquiers canadiens, représentée par Mike Pedersen et ses collègues.

Vous avez la parole.

M. Mike Pedersen, président de l'Association des banquiers canadiens et premier vice-président à la direction, Opérations bancaires - Détail et PME, Banque Canadienne Impériale de Commerce: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire part de nos vues aujourd'hui. Nous vous avons remis copie de notre mémoire écrit et je ne le lirai donc pas.

Je voudrais réitérer notre conclusion, à savoir que nous appuyons l'adoption du projet de loi C-8 et nous espérons qu'il sera mis en vigueur dans les plus brefs délais. Nous croyons qu'il nous offre certains outils importants pour nous adapter aux changements qui ont lieu sur le marché et pour être compétitifs sur le marché des consommateurs alors que l'avenir du secteur financier prend forme. Le projet de loi représente une étape importante pour s'assurer que notre cadre de politique et de réglementation sera le plus à jour possible.

Je signale toutefois qu'en dernière analyse, le succès du nouveau cadre de politique reposera sur l'interprétation que donneront de la loi les autorités réglementaires de même que sur la capacité de nos décideurs politiques et de nos autorités réglementaires de veiller à ce que le cadre demeure à jour.

Nous sommes déterminés à travailler avec les parlementaires au cours des années à venir pour nous assurer que le cadre de politique des services financiers est à jour, souple et adapté au marché financier changeant. Dans ce but, le secteur financier du Canada soutiendra la concurrence des autres principaux pays et procurera aux consommateurs canadiens les avantages d'une concurrence accrue.

Toutefois, même si nous appuyons l'adoption du projet de loi C-8, il ne faut pas en déduire pour autant que nous sommes d'accord avec toutes ses dispositions. Comme n'importe quel autre projet de loi, le C-8 représente un compromis entre des intérêts concurrents. En outre, il reste des questions en suspens et nous voudrions que l'on s'y attaque après l'adoption du projet de loi. Dans notre mémoire, par exemple, nous faisons remarquer que l'on pourrait et que l'on devrait rendre plus souple le régime d'investissement permis, en autorisant les banques à aviser les autorités réglementaires après coup, lorsqu'elles ont fait des investissements qui sont autorisés par la loi, au lieu d'être obligées d'obtenir leur approbation au préalable.

De plus, dans l'intérêt d'un marché plus efficient et d'une meilleure protection du consommateur, nous croyons qu'il est important que le gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces intéressées et les intervenants des services financiers d'un bout à l'autre du pays unissent leurs efforts pour créer un seul et unique système réglementaire national des services financiers au Canada.

Nous avons toutefois conclu que le projet de loi introduit plusieurs mesures clés qui peuvent remanier notre secteur financier d'une manière avantageuse pour les consommateurs et créer des possibilités de succès pour les compagnies canadiennes. Grâce à cette loi, il sera plus facile pour les institutions financières canadiennes d'affronter les changements qui ne manqueront pas de se produire à l'avenir.

Si je devais vous laisser un seul message clé aujourd'hui, c'est que le secteur financier du Canada subit et continuera de subir énormément de changements et qu'il n'est vraiment pas question de revenir en arrière.

Une fois de plus, nous appuyons l'adoption de ce projet de loi et j'espère qu'il sera adopté très bientôt.

Le sénateur Tkachuk: Dans vos notes, au sujet des sociétés de portefeuille, vous dites qu'il y a possibilité d'alléger la réglementation. Pourriez-vous être plus précis? Qu'est-ce que le projet de loi vous empêche de faire et que vous aimeriez faire relativement aux sociétés de portefeuille?

M. Terry Campbell, vice-président, Politiques, Association des banquiers canadiens: La loi actuelle exige que presque toutes les activités qu'une banque doit accomplir soient réalisées à l'interne, comme les cartes de crédit, les prêts aux consommateurs, et cetera, ou bien par l'entremise de filiales directes de la banque. Tout cela est assujetti, de façon générale, au même régime réglementaire. Aux termes d'un régime de sociétés de portefeuille, beaucoup de ces activités pourraient être sorties de la banque et mises de côté pour être réalisées par des sociétés de portefeuille qui seraient des filiales. Bon nombre de ces entités ne prennent pas de dépôt au détail et n'auraient donc pas besoin du même degré ou de la même intensité de surveillance réglementaire que les banques, lesquelles acceptent des dépôts. Le BSIF serait en mesure d'exercer une surveillance, mais pas au même degré que les banques elles-mêmes, qui pourraient scruter leurs activités à la loupe et mettre en pratique des règles de prudence. Tel serait le but du régime de la société de portefeuille.

Le sénateur Tkachuk: Vous dites là-dedans que vous percevez encore certains problèmes en termes de surréglementation des sociétés de portefeuille ou de leurs filiales. Aurais-je mal lu?

M. Raymond J. Protti, président et chef de la direction, Association des banquiers canadiens: Vous avez bien lu, sénateur Tkachuk. Nous attirons l'attention sur la réalité, à savoir que nous devrons tous attendre pour voir comment le régime de la société de portefeuille fonctionnera en pratique. Nous avons une certaine expérience au Canada en matière de société de portefeuille dans d'autres secteurs de l'industrie des services financiers, mais c'est la première fois que nous pourrons voir un tel régime à l'oeuvre dans le secteur bancaire.

Il reste beaucoup de travail à faire et de détails à fignoler et cela se fera dans l'environnement réglementaire et ensuite dans le contexte de l'interprétation de ce cadre réglementaire. Par conséquent, il y a une certaine incertitude, en ce sens que nous ne savons pas exactement comment l'allégement de la réglementation fonctionnera en pratique.

Le sénateur Taylor: Pourriez-vous expliquer le lien entre le fait que les banques seront autorisées à posséder d'autres instruments et une plus grande souplesse dans les activités bancaires? Vous avez évoqué des activités connexes, notamment les services de commerce électronique, d'intéressantes possibilités pour les banques d'investir et d'être présentes dans les services d'information. Voyez-vous encore plus loin? Tenterez-vous de vous lancer dans l'assurance, que ce soit l'assurance risques divers ou l'assurance-vie?

M. Campbell: Actuellement, comme vous le savez, les banques sont autorisées à posséder des compagnies d'assurance-vie et d'assurance générale, mais le régime actuel sera reconduit par le projet de loi C-8. Les banques ne seront pas autorisées à se lancer directement dans la vente de produits d'assurance.

Quant à ce que les banques seraient autorisées à posséder, les dispositions actuelles leur permettant de posséder des compagnies de ce genre seraient reconduites.

Le sénateur Taylor: Les banques pourront donc posséder des compagnies d'assurances?

M. Campbell: C'est actuellement le cas.

Le sénateur Taylor: Je crois que les compagnies d'assurances peuvent appartenir à des entreprises non canadiennes, mais que les banques ne le peuvent pas. Y a-t-il un lien là quelque part? Si une banque possède une société de portefeuille qui s'appelle une compagnie d'assurances, cette compagnie pourrait être propriété d'une entreprise étrangère. Voyez-vous là un conflit potentiel ou croyez-vous que les banques puissent contourner les règles sur la propriété étrangère en faisant subir une prise de contrôle inversée à leurs compagnies d'assurances filiales?

M. Campbell: Je crois que les dispositions du projet de loi sur la propriété sont assez claires et explicites pour ce qui concerne le régime de propriété des banques. Il y a des règles assez détaillées sur la possibilité qu'une banque soit propriété d'une compagnie d'assurances ou d'autres entités. Pour ce qui est d'utiliser la loi pour contourner les règles sur la propriété, d'après notre interprétation, cela ne pourrait pas se faire.

Le sénateur Taylor: Si les banques possèdent des compagnies d'assurances, mais ne font pas de concurrence directe, y a-t-il dans le projet de loi une disposition quelconque qui empêcherait les compagnies d'assurances de se lancer pour leur part dans le secteur bancaire, autrement dit d'accepter des dépôts?

M. Protti: Il y a un certain nombre de compagnies d'assurances qui acceptent déjà des dépôts, mais ce projet de loi introduit en outre des changements au système de paiement qui permettront aux compagnies d'assurances et aux fonds communs de placement en instruments du marché monétaire de commencer à offrir des produits semblables à ceux d'une banque, comme les dépôts bancaires, sans être des banques pour autant.

Le sénateur Taylor: C'est justement là que je veux en venir. Les compagnies d'assurances n'ont pas de règles concernant leur propriété ou en ont moins que les banques, mais elles peuvent pourtant se lancer dans des activités bancaires. Il y a peut-être quelque chose qui cloche. Est-ce que nous défavorisons une partie au détriment de l'autre?

M. Protti: Les dispositions sur la propriété qui traitent des grandes institutions, celles dont l'avoir propre des actionnaires est supérieur à cinq milliards de dollars, sont les mêmes pour les compagnies d'assurancess démutualisées que pour les banques. La même série de règles s'applique aux deux.

Le sénateur Oliver: À l'instar du sénateur Tkachuk, je veux poser des questions sur les sociétés de portefeuille. L'une de mes préoccupations au sujet du projet de loi C-8 est qu'il comporte plusieurs dispositions qui donnent beaucoup de pouvoirs discrétionnaires au ministre. On y trouve en effet plusieurs dispositions qui s'en remettent énormément à un règlement qui n'a pas encore été rédigé. Je constate que dans votre documentation, vous exprimez de très sérieuses réserves au sujet des sociétés de portefeuille, plus précisément au sujet de certains problèmes auxquels pourrait donner lieu la réglementation.

Par exemple, vous dites que si une grande banque se convertit et cède certains actifs à une société de portefeuille, l'opération doit être fiscalement neutre. Il y a possibilité que cela suscite certains problèmes en matière d'impôt sur le revenu et de TPS, mais le tout sera tiré au clair ultérieurement par voie de règlement.

J'ai une question de portée plus générale: le BSIF est l'entité qui déterminera la portée et l'étendue de la réglementation régissant ces sociétés de portefeuille. Nous ne saurons que plus tard quels seront ces règles et règlements. Avez-vous déjà amorcé des négociations avec le BSIF et avez-vous une idée quelconque de l'étendue de la réglementation qui régira les sociétés de portefeuille?

Sinon, croyez-vous qu'il serait utile que les règlements envisagés soient examinés par un comité comme le nôtre ou bien le Comité des finances de l'autre endroit avant qu'il n'entre en vigueur, afin que vous puissiez les scruter à la loupe, pour que les institutions financières puissent faire preuve de créativité afin d'être compétitives sur le marché mondial?

M. Protti: Je vous remercie de poser cette question, sénateur Oliver. Il y a eu certaines discussions théoriques avec le ministère des Finances et le BSIF au sujet de la nature des règlements qui pourraient être pris relativement aux sociétés de portefeuille. Nous aurons tous l'occasion, peu après l'adoption du projet de loi, espérons-le, de prendre connaissance de ces règlements parce qu'ils seront publiés dans la Gazette du Canada. Nous aurons tous la possibilité de faire connaître officiellement notre point de vue sur le règlement qui sera mis en vigueur à ce moment-là.

Le sénateur Oliver: Vous pouvez faire connaître votre point de vue, mais vous sera-t-il possible de faire modifier le règlement?

M. Protti: Il y a une période de préavis de 30 jours ou de 60 jours pendant laquelle le gouvernement cherche activement à obtenir le point de vue de tous ceux qui pourraient subir les répercussions de ces règlements. Je suis confiant: je crois que si nous avons des arguments solides démontrant qu'un changement de règlement irait à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la loi, il est certain que le ministère des Finances et le BSIF y donneront suite.

Le sénateur Oliver: Ne croyez-vous pas que notre comité et le Comité des finances de la Chambre des communes seraient un lieu tout indiqué pour ce débat?

M. Protti: C'était la deuxième partie de votre question. Vous soulevez une importante question de procédure parlementaire mettant en cause les relations entre la Chambre des communes et le Sénat et le gouvernement en place, et tout cela dépasse de loin la question qui nous occupe. Il nous est difficile de nous prononcer sur le fond, sur l'opportunité d'un tel changement. C'est un changement important pour ce qui est du fonctionnement du Parlement.

Vous avez aussi évoqué l'importance d'avoir des règles de transition qui soient fiscalement neutres. Personne ne cherche à échapper à une responsabilité quelconque, mais je ne crois pas que nous devrions être pénalisés simplement parce que nous modifions la structure. C'est une question difficile et techniquement complexe. Nous n'avons pas de réponse satisfaisante pour le moment. Il faut résoudre ce problème, faute de quoi ce modèle ne sera utilisé par personne.

Le sénateur Oliver: J'ai de nombreuses préoccupations au sujet de la prétendue règle de «participation multiple». Je vous invite à vous reporter à votre rapport, plus précisément au premier paragraphe de la page 14 qui commence par «Une fois le projet de loi C-8 adopté». Auriez-vous l'obligeance de nous donner de plus amples explications au sujet de la réserve que vous exprimez dans ce paragraphe quant au fait qu'un investisseur ne peut détenir plus de 10 p. 100 de la banque et de la société de portefeuille en même temps? Vous mettez le doigt sur un problème très important de cette règle et j'aimerais bien vous entendre nous en parler davantage.

M. Campbell: Sénateur, la règle actuelle est qu'un investisseur ne peut posséder simultanément plus de 10 p. 100 d'une société mère et plus de 10 p. 100 d'une filiale bancaire.

Le sénateur Oliver: Donc, 10 plus 10 donne 20 p. 100 dans ce cas?

M. Campbell: Non, je pense qu'il s'agit plutôt de veiller à ce que la règle cumulative ne s'applique pas. Nous voulions voir s'il y avait possibilité d'explorer un assouplissement de cette règle, étant entendu qu'un investisseur qui possède 10 p. 100 d'une société mère n'exerce nullement le contrôle de cette société, et le contrôle ne pourrait donc pas s'exercer vers le bas, vers la filiale. Nous voulions explorer la possibilité d'instaurer une plus grande souplesse à l'avenir, une fois que les gens seront plus à l'aise et auront acquis plus d'expérience avec le nouveau régime de propriété et auront vu comment il fonctionne en pratique, mais c'est un débat que l'on pourra tenir à une date ultérieure.

Le sénateur Oliver: Voyez-vous dans le libellé actuel du projet de loi C-8 un indice qu'il serait possible d'inscrire cette souplesse dans la loi actuelle?

M. Campbell: Pour la loi actuelle, je pense que les règles de propriété sont assez claires et explicites, y compris la règle des 10 et 10 dont nous venons de discuter. Il faudra voir comment les règles fonctionnent en pratique. Tout cela est nouveau pour nous. Sous leur forme actuelle, je pense que ces règles sont assez complètes en elles-mêmes et pourront fonctionner telles quelles.

Le sénateur Oliver: Auriez-vous des inquiétudes si deux entreprises multinationales américaines devaient, chacune de leur côté, acheter de façon indépendante 20 p. 100 d'une institution financière canadienne? Trouveriez-vous inquiétant qu'elles possèdent ensemble 40 p. 100?

M. Protti: Comme mon collègue l'a dit, les règles qui ont été établies dans ce projet de loi relativement au changement du régime de propriété sont vraiment très claires. Le ministre des Finances a aussi indiqué fort clairement qu'il exercera son pouvoir discrétionnaire et usera de son jugement relativement à tout changement par rapport à la règle des 10 p. 100, pouvant atteindre jusqu'à 20 p. 100. Il a fait savoir qu'il réfléchira longuement aux répercussions d'un tel changement.

Il a aussi indiqué qu'à un moment donné, il publiera certainement des lignes directrices sur la question du contrôle et nous pourrons alors tous prendre connaissance de ces lignes directrices. Nous sommes d'avis qu'il a énoncé très clairement l'environnement dans lequel nous pourrons fonctionner à l'avenir. Nous sommes à l'aise avec cet environnement.

Le sénateur Furey: Ma question porte sur vos commentaires au sujet des questions relatives aux consommateurs; vous avez dit que le projet de loi C-8 envoie un signal ambigu. Je sais que vous avez dit qu'il y avait des préoccupations et que les banques semblaient prises pour cible. Vos préoccupations découlent-elles du fait qu'il y a dédoublement, ou bien trouvez-vous que la réglementation est trop lourde ou tout simplement que son application est injuste?

M. Protti: Sénateur Furey, la réponse est que c'est tout cela, en partie. Si nous examinons l'affaire du point de vue du consommateur, le signal est ambigu. Il y a là bon nombre d'initiatives qui visent à renforcer la protection du consommateur, mais le gouvernement aurait pu prendre aussi dans ce projet de loi des mesures sur la concurrence, ce qu'il a choisi de ne pas faire, alors qu'elles auraient clairement avantagé les consommateurs, de notre point de vue.

Nous pensons qu'il aurait été avantageux pour les consommateurs que l'on nous permette d'offrir de l'assurance au détail par l'entremise de notre réseau de succursales. En outre, nous étions très confiants de pouvoir offrir un meilleur marché aux 800 000 Canadiens qui louent leur voiture, si nous avions pu faire concurrence aux entreprises de crédit-bail de GM, de Ford et de Chrysler. C'est ce à quoi nous faisions allusion quand nous avons parlé d'un message ambigu. Nous croyons que l'on aurait pu prendre d'autres mesures qui auraient été encore plus avantageuses pour les consommateurs.

M. Pedersen: Il y a un sérieux problème de dédoublement et de chevauchement de la réglementation. Si j'ai bien compté, ma propre banque traite avec plus de 80 autorités réglementaires, si l'on additionne tous les organismes compétents d'un bout à l'autre du pays. Chaque fois que nous introduisons un nouveau produit ou un changement de politique, nous devons faire affaire avec tous ces gens-là. Il y a 54 ministères ou organismes dans le domaine du travail avec lesquels nous devons traiter d'un bout à l'autre du Canada. Il y a 14 ou 18 commissions des valeurs mobilières et commissions de fiducie. C'est très difficile. Il est évident que cela augmente les coûts. Il en résulte des processus très lourds et ce n'est pas bon pour le Canada.

Le sénateur Kelleher: Nous partageons les mêmes préoccupations quant aux besoins d'un organe national de réglementation du secteur financier. Vous n'êtes pas sans savoir, tout comme nous, que le problème réside dans le fait que ce domaine de compétence est en partie du ressort des provinces. D'où la difficulté de mettre sur pied une commission nationale. Compte tenu de cet état de choses, travaillez-vous avez les provinces et le gouvernement fédéral pour essayer d'obtenir une telle commission?

M. Protti: La réponse est oui. Je donnerai tout à l'heure une réponse plus précise, mais permettez-moi de revenir un instant sur les observations que vient de faire mon président.

Nous croyons vraiment qu'à l'avenir, une fois que le projet de loi aura été adopté et que le règlement sera en place, nous devrons commencer à réfléchir à la nature du processus réglementaire touchant l'ensemble du secteur des services financiers dans notre pays. Comme mon président vient de le dire, nous avons une pléthore d'organismes de réglementation d'un bout à l'autre du pays qui touchent l'industrie tout entière. Nous croyons que d'autres solutions possibles seraient préférables pour notre pays.

La solution ne réside pas dans une compétence fédérale exclusive ou une compétence provinciale exclusive. Il faudra plutôt mettre au point un modèle vraiment national. Les Suédois ont entrepris d'améliorer leur système réglementaire, de même que les Danois. Le Royaume-Uni a fait beaucoup de progrès dans ce domaine. L'Australie, où l'ordre constitutionnel est semblable au nôtre, s'est attaquée sérieusement à la définition des responsabilités fédérales et des États dans le domaine des services financiers. Nous commençons à bouger dans beaucoup de dossiers, et nous n'agissons pas seuls. Nous le faisons en concertation avec les autres intervenants de l'industrie des services financiers.

Monsieur le président, le Comité sénatorial des banques a joué historiquement un rôle important en faisant des analyses et de la recherche de fort calibre sur les éléments nécessaires pour avoir au Canada une industrie des services financiers qui soit viable.

Quand vous réfléchirez à votre programme pour les mois et les années à venir, je vous encourage à vous demander si vous ne pourriez pas jouer un rôle actif pour trouver une option viable pour notre pays. Chose certaine, nous nous féliciterions de votre participation et de votre intérêt dans ce domaine.

Le président: Nous avons été pressentis par l'Association des courtiers en valeurs mobilières qui nous demande précisément d'agir en ce sens. J'en ai discuté brièvement avec notre vice-président, le sénateur Tkachuk. Quand nous ferons relâche pour l'été, nous aurons le temps de réfléchir à tout cela et de nous demander s'il convient de nous lancer là-dedans.

Le sénateur Kelleher: Vous avez signalé dans votre mémoire la différence dans les pouvoirs apparemment conférés aux compagnies d'assurances, par rapport à ceux accordés aux banques. Elles peuvent faire leur entrée, mais pas vous. Je suis certain que vous avez porté cette question à l'attention du ministère des Finances dans vos discussions. J'aimerais savoir quelle a été sa réaction à cette préoccupation.

M. Protti: Comme mon président l'a dit dans son allocution d'ouverture, une mesure législative comme celle-ci est toujours un compromis entre des intérêts concurrents. Le gouvernement était d'avis qu'il avait établi un assez bon équilibre dans ce projet de loi. Nous voulions toutefois attirer votre attention sur le fait qu'il subsiste certaines asymétries dans les relations entre les intervenants de l'industrie des services financiers et que cette situation est assurément à l'ordre du jour pour la prochaine ronde de réforme, après l'adoption de ce projet de loi.

Le sénateur Kelleher: À ce sujet, je vous rappelle qu'il s'est écoulé 25 ans depuis la dernière ronde, alors bonne chance.

Le sénateur Oliver: Dans votre réponse au sénateur Kelleher, vous avez exprimé votre opinion catégorique au sujet du crédit-bail automobile et de la vente d'assurance dans vos succursales. Ce qui m'étonne, c'est que cette opinion est fortement ancrée chez vous et depuis longtemps.

Pourquoi n'avez-vous pas proposé un amendement à ce projet de loi afin d'y ajouter cet élément dont vous avez si grandement besoin et qui serait, d'après vous, dans l'intérêt public? Pourquoi ne demandez-vous pas que l'on apporte un amendement pour conférer ce droit aux institutions financières?

M. Protti: Nous avons plaidé notre cause avec toute l'éloquence dont nous étions capables à partir du début des années 90. Il faut se rappeler que le projet de loi à l'étude est la première mise à jour importante depuis 1992. Les réformes de 1997, comme vous le savez, sénateur Oliver, visaient strictement des points de forme. Nous avons plaidé notre cause devant le groupe de travail MacKay et lui avons fait part de notre analyse à l'appui de nos arguments. Nous avons fait des démarches insistantes auprès du gouvernement du Canada, mais en fin de compte, nous n'avons pas réussi.

Nous devons voir la réalité en face: ce processus a été excessivement long. Il s'est écoulé quatre ans et demi depuis que le gouvernement a annoncé son intention de créer la commission. Il est certain que nous aurions aimé obtenir ces changements. Nous sommes convaincus qu'ils sont extrêmement avantageux pour les consommateurs. Nous n'avons pas réussi à convaincre nos interlocuteurs de la justesse de notre point de vue, mais nous devons tourner la page. Dès que ce projet de loi aura été adopté, nous reviendrons à la charge.

Le sénateur Oliver: Vous reviendrez à la charge?

M. Protti: Nous ne renoncerons pas. À un moment donné, il deviendra évident qu'il serait avantageux pour le consommateur qu'on nous permette de faire de telles activités, et nous obtiendrons un changement.

M. Pedersen: Nous y travaillons sans relâche depuis cinq ans. Nous voulons réitérer qu'il y a dans ce projet de loi certains éléments que nous jugeons très bons, qui nous donneront davantage de souplesse et nous permettront d'être plus compétitifs. Nous croyons qu'il importe d'obtenir ces avantages et de ne pas retarder l'adoption du projet de loi à cause d'un débat sur l'assurance et le crédit-bail automobile. Toutefois, notre position sur ces questions est très claire. Nous croyons que les Canadiens seraient avantagés si l'on nous permettait de nous lancer dans ces secteurs et nous sommes convaincus qu'il serait dans l'intérêt public de le faire.

Le sénateur Kroft: Ma question porte sur un point très précis. La semaine dernière, nous avons entendu une présentation, comme nous en avions eu une aussi durant nos audiences sur le rapport MacKay, donnée par des représentants de compagnies dont le secteur d'activité est le paiement des factures et la gestion de la paye. Je veux revenir sur les questions qu'ils ont soulevées, parce que je n'ai pas tout à fait compris pourquoi l'on ne pouvait pas résoudre leurs problèmes.

Il me semble que ce problème, exprimé en termes profanes, se présente de la façon suivante: ils avancent leur argent et il y a un délai qui crée un risque de crédit qu'ils doivent couvrir en offrant une garantie ou en recourant à un autre mécanisme coûteux.

Certains de mes collègues et moi-même leur demandions pourquoi ils ne pouvaient pas établir un quelconque système de paiement. Je vais poser la même question aux représentants de l'Association canadienne des paiements quand ils témoigneront devant nous, mais je ne voulais pas rater l'occasion de vous la poser à vous aussi, parce que vous avez peut-être la solution au problème ou peut-être pourrez-vous m'aider à comprendre.

N'y aurait-il pas un moyen d'intégrer ce secteur à un système de paiement? Vous avez votre système de transfert des paiements de grande valeur et, bien que je ne prétende pas en connaître tous les détails techniques, il me semble, du moins en apparence, qu'il devrait pouvoir faire l'affaire. Les chiffres sont incompréhensibles pour le profane en termes de montants et de transactions.

À votre avis, y aurait-il une solution au problème de ce secteur qui ne nous est pas apparue jusqu'à maintenant?

M. Campbell: Nous sommes d'avis que le STPGV, c'est-à-dire le système de transfert des paiements de grande valeur auquel vous avez fait allusion, serait une solution de rechange possible. Ce système existe déjà. Il constituerait une solution offrant à la fois rapidité et paiements définitifs, ce qui est important pour ses participants. Le système est dirigé par l'Association canadienne des paiements et, comme vous l'avez signalé, il vaudrait la peine de poser la même question aux représentants de cette association.

À notre avis, ce serait une solution de rechange viable. Le système est disponible par l'entremise des compagnies individuelles que vous avez mentionnées. Ce sont des banquiers et nous les encouragerions à explorer cette possibilité comme solution à ce problème.

Le sénateur Kroft: Vous les encourageriez à le faire, mais avez-vous participé d'une façon ou d'une autre à des discussions quelconques avec cette industrie, pour tenter de résoudre ce problème? J'essaie de comprendre en quoi consiste l'obstacle auquel elle se bute; c'est ce que je trouve difficile à comprendre.

M. Protti: C'est l'Association canadienne des paiements qui devrait être le foyer de discussion dans ce domaine. Ses représentants témoigneront devant vous cet après-midi et je vous inviterais à en discuter avec eux.

Le sénateur Kroft: Merci beaucoup. Nous savons maintenant où réside la réponse.

Le président: Il y a deux ou trois semaines, le National Post a publié un article sur les banques canadiennes dans lequel on disait que les banquiers canadiens avaient raté leur coup. Par contre, la Banque de Hong Kong, la Banque de Shanghai et d'autres ont vu l'occasion et l'ont saisie et nous avons eu l'air de vrais amateurs à côté d'eux.

Vous pouvez être d'accord ou en désaccord avec cela, mais le fait est que nous n'avons pas étendu nos activités au-delà de nos frontières autant que certains d'entre nous croyons que nous aurions dû le faire. C'est probablement la seule occasion que nous avons de bâtir ce que certains d'entre nous appellent un champion national capable de nous rendre plus puissants et en mesure de suivre nos grands clients dans d'autres parties du monde. Enfin, vous connaissez la chanson.

Nous voulons savoir comment cette industrie perçoit son avenir, quelle est sa vision d'ensemble. Ce n'est pas à nous de présenter une vision. Une fois ce projet de loi adopté, quelles seront, à votre avis, les principales questions qui continueront de se poser dans le secteur des services financiers et que restera-t-il à faire?

M. Pedersen: Actuellement, 46 p. 100 des bénéfices des banques canadiennes viennent de l'étranger et il est donc évident que la plupart des banques canadiennes se sont solidement implantées sur les marchés étrangers, surtout depuis deux ans. Cette situation a donc beaucoup changé, bien que je sois d'accord avec la HSBC pour dire que cela a pris du temps, pour diverses raisons.

Si l'on se tourne vers l'avenir, ce projet de loi aura beaucoup d'avantages pour nous, comme je l'ai dit tout à l'heure, sur le plan des sociétés de portefeuille, de la souplesse et d'autres éléments encore. Nous devons toutefois réfléchir à deux ou trois éléments. L'un d'eux est clairement la question des activités de fusion et d'acquisition. Ce projet de loi n'en traite pas directement, mais chaque banque devra y réfléchir en vue d'atteindre une plus grande échelle. Il ne fait aucun doute que les économies d'échelle sont une question importante de nos jours, surtout dans les activités bancaires au détail. Il nous faudra continuer de trouver des façons d'étendre davantage nos activités à l'extérieur du Canada si nous voulons devenir, comme vous dites, des champions nationaux.

Le président: Vous dites que 46 p. 100 de vos bénéfices proviennent de l'étranger. Est-ce parce que vous avez une présence réelle dans d'autres pays, ou bien parce que vous utilisez beaucoup de mécanismes d'évitement fiscal faisant appel à l'étranger?

M. Pedersen: Nous avons une présence à l'étranger.

Le président: Mais vous n'avez pas acheté d'autres banques.

M. Pedersen: À l'heure actuelle, chaque banque a d'importantes activités à l'extérieur du Canada. Dans notre cas, une forte proportion de nos bénéfices provient de notre banque de gros aux États-Unis, et ces bénéfices sont bien supérieurs à ceux que nous faisons au Canada. Vous connaissez la situation de certaines autres banques. Des bénéfices importants sont réalisés à l'extérieur du Canada.

Ce qui est impressionnant dans tout cela, c'est que, bien que 46 p. 100 des bénéfices viennent de l'étranger, 98 p. 100 des emplois sont encore au Canada et 78 p. 100 des impôts sont payés au Canada.

Le président: Autrement dit, les banques sont en excellente posture et nous n'avons aucune raison de nous inquiéter?

Le sénateur Angus: Si vous voulez les garder au Canada, vous feriez mieux de vous inquiéter.

Le président: Merci beaucoup de nous avoir consacré de votre temps, messieurs.

Le groupe de témoins suivant représente la Centrale des caisses de crédit du Canada. Vous avez la parole.

M. Wayne Nygren, président et chef de la direction de la Centrale des caisses de crédit de la Colombie-Britannique: Nous voulons passer en revue certaines questions qui nous préoccupent, dans le réseau des coopératives de crédit partout au Canada. Je sais que certains d'entre vous connaissent bien le réseau des coopératives de crédit au Canada, en particulier ceux qui viennent des Prairies et aussi de la Colombie-Britannique. Permettez-moi de faire un bref survol du réseau des coopératives de crédit au Canada.

Environ 10 millions de Canadiens sont membres d'une coopérative de crédit d'un bout à l'autre du pays, et ce nombre comprend les membres du mouvement des caisses populaires au Québec. En Colombie-Britannique, nous avons 1,5 million de membres et un actif de 56 milliards de dollars.

Normalement, au moins un tiers de la population des provinces des Prairies fait partie des coopératives de crédit. En Colombie-Britannique, une hypothèque sur quatre est accordée par une coopérative de crédit et je crois que les pourcentages sont probablement encore plus élevés au Manitoba et en Saskatchewan.

Les coopératives de crédit sont de propriété communautaire. Nous fonctionnons de façon démocratique, c'est-à-dire que chaque membre dispose d'une voix. Les coopératives de crédit offrent toute une gamme des services financiers, y compris le courtage de fonds mutuels, l'assurance, tous les produits de gestion de la richesse, en somme tous les services qu'offrirait n'importe quelle autre organisation financière, y compris les services bancaires à domicile et la télébanque.

Dans l'ensemble du pays, il y a environ 900 localités où la seule institution financière est une coopérative de crédit. L'année dernière, nous avons acheté environ 70 succursales d'un certain nombre de banques qui s'étaient retirées de la localité. Notre objectif est de demeurer présents dans les collectivités rurales, là où nous répondons à un besoin. Dans bien des cas, ce n'est pas un bon investissement pour nous. Nous rentrons assurément dans nos frais, mais nous sommes là pour offrir un service à la collectivité. Nous avons l'intention de demeurer présents au Canada rural. Nous avons l'intention de demeurer présents dans les localités que d'autres institutions financières ont quittées. C'est pourquoi il est important que nous envisagions de restructurer nos activités d'un bout à l'autre du pays.

Nous avons modifié notre optique; au départ, nous étions essentiellement axés sur les localités rurales, mais nous pensons maintenant en termes d'activités provinciales, interprovinciales et maintenant nationales. En conséquence, les exigences législatives ne cessent de changer à mesure que notre croissance nous fait passer du monde rural à un environnement davantage planétaire. C'est pourquoi nous voulons vous parler aujourd'hui du projet de loi C-8 et de certaines de ses répercussions sur nos activités, et sur ce que nous voudrions faire à ce sujet.

Après cette brève introduction, je vais céder la parole à Bill Knight qui vous donnera de plus amples détails sur l'évolution que nous envisageons à cet égard.

M. Bill Knight, président et chef de la direction, Centrale des caisses de crédit du Canada: Je voudrais signaler un élément qui est bien connu des membres du comité et d'autres mais qu'il faut souvent réaffirmer. Nous sommes assujettis à la législation nationale sur les services financiers par l'intermédiaire de la Loi sur les associations coopératives de crédit, qui vise nos centrales, c'est-à-dire nos opérations bancaires de gros. Les modifications proposées dans le projet de loi C-8 à la Loi sur les services financiers nous donnent des assouplissements importants dans trois domaines.

Premièrement, la loi nous permet de constituer des associations fédérales de nos centrales et de nos coopératives de crédit au détail, ce qui nous donne une plus grande souplesse d'une province à l'autre et dans l'ensemble du pays. Comme M. Nygren l'a dit, cela renforce notre capacité au niveau national grâce à une association fédérale; cette décision sans précédent renforce notre capacité d'offrir des produits par l'intermédiaire de nos activités au niveau du détail.

Deuxièmement, cela renforce la capacité des centrales canadiennes d'appuyer et de soutenir nos coopératives de crédit pour leur permettre d'offrir tout l'éventail des services à nos membres.

Troisièmement, cela nous permet de nous lancer dans un remaniement majeur de notre système afin de réaliser des gains d'efficience, des économies d'échelle et d'être plus compétitifs.

Pour nous, le projet de loi C-8 est une mesure qui arrive à point nommé, du point de vue des affaires; elle nous apporte des gains importants qui nous permettront d'unir nos forces pour mieux servir les Canadiens.

Nous avons une réserve importante et nous devons faire le point sur cet aspect et ses répercussions. Nous vous avons déjà présenté nos arguments au sujet du paragraphe 390(4). Nous devons maintenant faire une mise à jour de notre argumentation à ce sujet.

Nous vous demanderons, à l'occasion de cette réforme législative, de surseoir à tout changement ou à toute modification relativement à nos besoins, car nous avons obtenu des gains importants depuis les audiences du comité de la Chambre. Nous avions des préoccupations au sujet du contrôle, car nous fonctionnons selon un modèle coopératif. L'actuelle Loi sur les associations coopératives de crédit autorise des investissements considérables dans l'association en l'absence de dispositions sur le contrôle du type 10/50.

La première version du projet de loi C-38 autorisait les coopératives de crédit à posséder des associations sans contrôle. À la suite d'une modification qui y a été apportée, le C-8 autorise maintenant les coopératives de crédit et les centrales provinciales à posséder une association sans contrôle, mais n'autorise pas une association membre de notre réseau à posséder une autre association en l'absence d'un mécanisme de contrôle.

Cette disposition peut avoir des conséquences pratiques d'une vaste portée. Par exemple, aujourd'hui, plusieurs centrales provinciales ont des investissements considérables dans la centrale canadienne en l'absence de contrôle. Si l'une de ces centrales décide d'utiliser les outils prévus dans le projet de loi pour se réorganiser en tant qu'association et continuer de posséder des investissements considérables dans la centrale canadienne, il faudra exercer un contrôle de la centrale canadienne. Le contrôle n'est pas obligatoire dans les coopératives financières. Dans une organisation financière coopérative, cela se fait au moyen d'une responsabilité proportionnelle partagée. Cela se fait souvent par entente contractuelle afin d'intégrer la responsabilité et un contrôle efficace. C'est une nuance intéressante.

Nous avons constaté, avec tous les gains que nous avons réalisés, que cela continue d'être un problème complexe pour tous les intervenants et les participants, que ce soient les finances, les comités de la Chambre, le Comité sénatorial des banques, et cetera, au niveau national. Étant donné les principes de la coopération, l'imposition d'un contrôle réel signifie souvent que les entités ne peuvent plus coopérer entre elles en termes de coopératives de crédit, mais doivent effectivement attribuer proportionnellement les responsabilités quand elles s'unissent pour constituer des associations, des centrales ou des sociétés exploitantes.

Nous avions de sérieuses réserves à ce sujet et en avons fait part au Comité des finances de la Chambre des communes. Le comité a toutefois apporté un amendement de fond qui établit une plus grande souplesse autour du changement réglementaire.

Ce processus nous a incités à croire qu'il y a possibilité pour nous de résoudre cette question à court terme. De notre point de vue, pour ce qui est de la loi, nous adoptons l'approche suivante. Nous avons trop à gagner pour que nous prenions le risque de proposer d'autres amendements de fond au projet de loi.

Pourquoi? Bien franchement, vous avez vu de temps à autre le réseau des coopératives de crédit réaliser des progrès pour ensuite piétiner pendant un certain temps en termes de création d'entités nationales, mais à court terme, plus précisément cette année, nous avons beaucoup à faire dans notre réseau. Cela comprend la possibilité de créer un service de trésorerie qui gérera plus de 60 p. 100 de nos actifs grâce à nos collègues de la Colombie-Britannique et de l'Ontario. Deuxièmement, un certain nombre de nos entités commerciales, en application de la nouvelle loi, nous permettront de rassembler nos ressources de façon très utile, en particulier dans le domaine de la gestion de la richesse.

Nous disons donc respectueusement aux membres du comité que nous avons beaucoup accompli ensemble. En fait, un certain nombre des changements tirent leur origine des travaux de votre comité il y a des années. Nous gagnons du terrain, dans cette loi, ce qui nous permettra d'apporter d'importants changements.

Nous croyons aussi que les changements considérables apportés au comité de la Chambre aux dispositions réglementaires de la loi qui nous touchent nous permettront de revenir à la charge sur cette question.

Enfin, je voudrais aborder la question du temps. Je trahis peut-être mon âge, mais j'étais au Parlement à l'époque des réformes Benson. Certains d'entre vous se demandent peut-être qui était Benson.

Le sénateur Oliver: C'était il y a longtemps.

M. Knight: J'étais là et j'ai étudié le dossier au comité de la Chambre. À cette époque, nous ne nous attendions pas à d'autres changements en profondeur avant peut-être 20 ans. Puis, j'ai travaillé avec bon nombre d'entre vous au début des années 90 et des changements ont été apportés. Je me rappelle que chacun croyait alors que les prochains changements n'auraient pas lieu avant 20 ans. En fait, de notre point de vue et d'après notre expérience, la législation évolue constamment. Nous n'aurons pas sitôt mis en place cette loi que les changements en profondeur qui vont s'opérer dans le marché nous forceront à revenir très rapidement à la charge pour en examiner l'incidence. À ce moment-là, nous reviendrons à la charge et nous proposerons un amendement à la loi dans le domaine des coopératives et des contrôles. Nous referons alors tout le cheminement. Pour l'instant, la loi proposée nous en donne suffisamment pour apporter d'importants changements et pour répondre à ce besoin de créer une concurrence plus solide à mon bon ami Ray Protti.

Le sénateur Tkachuk: Il est dans notre intérêt de renforcer les forces de la concurrence au Canada, à cause des rumeurs de méga-fusions, et cetera. Vous avez exprimé des réserves au sujet de la disposition sur le contrôle. Quelles en sont les conséquences pratiques sur le plan de la capacité des coopératives de crédit de mettre sur pied de nouvelles institutions bancaires ou de nouvelles succursales bancaires au Canada? Y a-t-il des conséquences d'ordre pratique? Vous parlez de produits, mais si le changement avait été fait de la manière dont vous l'envisagez pour l'avenir, qu'est-ce que cela aurait signifié en termes de croissance des coopératives de crédit au Canada? Pourriez-vous nous renseigner sur les conséquences pratiques de cela?

M. Knight: Ce changement nous aurait facilité la tâche, mais je vais laisser M. Nygren vous donner un exemple.

M. Nygren: Je vais d'abord établir le contexte. Dans cet environnement économique, je veux dire celui des services financiers, les coopératives de crédit sont réglementées par les autorités provinciales. Nous essayons de conserver cette valeur, cette culture, parce que cela nous a permis d'être forts.

Nous tentons maintenant de bâtir nos associations. Nous cherchons à conserver les valeurs des coopératives de crédit locales, tout en essayant de rassembler les fournisseurs de services, comme ceux de l'Ontario et nous-mêmes, sous l'égide d'une seule compagnie commerciale à laquelle nos coopératives de crédit pourraient acheter des services. Ces «compagnies commerciales» sont réglementées au niveau fédéral et nous devons donc établir des liens de confiance entre les deux provinces et entre les autorités provinciales et fédérales chargées de la réglementation.

Quand les coopératives de crédit de l'Ontario et de la Colombie-Britannique seront unies, nous serons une association aux termes de la loi fédérale. La seule autre association est la Centrale des caisses de crédit du Canada, qui est une association aux termes de la loi fédérale. Cela veut dire, aux termes de la règle des 10/50, que nous possédons 10 p. 100, ou bien moins de 10 p. 100, ou bien nous possédons la majorité de la centrale canadienne. D'un point de vue pratique, quiconque possède plus de 20 p. 100 de la centrale canadienne doit exercer le contrôle. Cela crée un problème d'ordre pratique pour nous.

Qu'en est-il des autres provinces? Si elles forment une association et obtiennent leur 20 p. 100 du système, elles se situent à plus de 10 p. 100 et doivent donc également exercer le contrôle. Comment est-il possible que tout le monde contrôle la même association?

Le sénateur Tkachuk: C'était une excellente réponse, monsieur Nygren.

M. Nygren: C'est la conséquence pratique de cette disposition sur la propriété d'association. Nous serons confrontés à ce problème avec le temps parce que nous essayons de bâtir des institutions financières provinciales et nationales à partir d'institutions locales. À mesure que nous progressons dans cette entreprise, tout en tentant de protéger nos principes coopératifs et démocratiques et de réaliser des gains d'efficacité, nous serons coincés. Nous faisons passer une structure coopérative dans un environnement commercial et il faut parfois apporter des rajustements. Nous disons que ce sont là certains rajustements qui s'imposent dans cet environnement.

Le sénateur Tkachuk: Même si vous appuyez le projet de loi C-8 et souhaitez qu'il soit adopté parce que, comme M. Knight l'a dit, vous avez déjà assez à faire, il y a quand même une certaine urgence et il faut commencer à travailler la question. Autrement dit, nous ne devrions pas attendre encore 20 ans, n'est-ce pas? Nous devrions nous mettre à la tâche immédiatement?

M. Nygren: Ce qui me préoccupe, personnellement, c'est que nous pouvons résoudre ce problème. Nous avons eu du gouvernement une réponse suffisamment positive et je suis confiant que nous pourrons résoudre le problème par voie de règlement. Je ne me sens toutefois pas à l'aise quand je vois le secteur coopératif entrer dans l'avenir, dans un environnement inconnu, dans un environnement plus planétaire, surtout les fournisseurs de services, alors qu'il faut constamment régler les problèmes à coups de règlements. C'est coûteux et cela prend du temps. Ce n'est pas la façon de procéder dans cet environnement. Si nous pouvons y parvenir cette fois-ci par voie de règlement, nous allons nous en accommoder. Mais, sur le plan des principes, je n'aime pas cette façon de procéder.

Le président: Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré, messieurs. Bonne chance.

Notre groupe suivant représente l'Association des courtiers d'assurances du Canada. Vous avez la parole.

Mme Francesca Iacurto, directrice, Affaires publiques, Association des courtiers d'assurances du Canada: Je vous remercie de nous donner cette occasion de faire connaître notre point de vue sur le projet de loi C-8, législation proposée par le gouvernement fédéral dans le domaine des services financiers.

[Français]

Je suis la directrice des affaires publiques de l'Association des courtiers d'assurances du Canada. M'accompagnent M. Jim Ball, président de notre conseil d'administration et Ginny Bannerman, présidente désignée. M. Ball et Mme Bannerman sont des courtiers d'assurances de dommage de la région de Vancouver et de Calgary respectivement.

L'ACAC est l'organisme professionnel national qui regroupe les 11 associations provinciales et régionales de courtiers en assurance de dommage au Canada.

Ces associations représentent environ 25 000 courtiers d'assurances à travers tout le pays. La majorité d'entre eux travaillant dans des petites et moyennes entreprises. Les courtiers d'assurances forment le réseau principal de distribution des compagnies d'assurances de dommage.

Principalement, l'assurance de dommage couvre les biens, les meubles et les automobiles, ainsi que les risques autres que ceux qui sont couverts par l'assurance-vie.

Les courtiers d'assurances de dommage offrent des conseils impartiaux à leurs clients en ce qui concerne leurs besoins en assurance, interprètent pour eux les documents juridiques complexes que sont les polices d'assurances, et les représentent auprès des compagnies d'assurances en cas de sinistre.

[Traduction]

Mme Ginny Bannerman, présidente désignée, Association des courtiers d'assurances du Canada: Comme le savent sans doute les membres du comité, bien que les courtiers d'assurance de biens et risques divers soient réglementés par les autorités provinciales, les réformes apportées par le gouvernement fédéral au secteur des services financiers nous touchent de près. Nous collaborons avec les compagnies d'assurances constituées en vertu d'une loi fédérale et nous en offrons les services aux consommateurs, mais nous sommes aussi en concurrence directe avec d'autres assureurs et institutions financières fournisseurs d'assurances réglementés par le gouvernement fédéral. Compte tenu de cette situation, l'Association des courtiers d'assurances du Canada a participé activement au long processus d'élaboration du projet de loi et nous avons fait des présentations chaque fois que l'occasion nous en a été donnée.

La position des courtiers d'assurances IARD sur la réforme du secteur des services financiers porte sur trois aspects. Premièrement, en tant que membres du groupe des PME et contribuables, nous nous intéressons au secteur des services financiers du Canada et à sa contribution à la croissance économique et à la productivité du pays. Deuxièmement, en tant que consommateurs de nombreux produits et services offerts par les institutions financières, nous surveillons les prix, l'accessibilité et les droits en matière de protection du consommateur, notamment en ce qui concerne la vente liée. Troisièmement, en tant que membres de la communauté des PME et en tant que principale voie d'accès aux compagnies d'assurances IARD, nous souhaitons des conditions de concurrence égales pour tous les intervenants du secteur des services financiers.

En bref, notre position sur le projet de loi C-8 est qu'il s'agit d'une mesure législative très équilibrée que nous appuyons sans réserve. Nous croyons que le projet de loi accomplit la tâche ardue d'établir un équilibre adéquat entre les intérêts différents et parfois opposés des divers intervenants du secteur des services financiers. Nous croyons aussi que ce projet de loi établit les mesures nécessaires pour renforcer la viabilité et la compétitivité du secteur des assurances incendie, accidents et risques divers. Par conséquent, notre recommandation clé au sujet de ce projet de loi est qu'il soit adopté le plus rapidement possible afin que les consommateurs et l'industrie puissent bénéficier dans les plus brefs délais de ses avantages considérables.

Je vais maintenant céder la parole à M. Ball qui vous touchera un mot du point de vue de l'association sur certaines questions qui nous intéressent particulièrement, mais je voudrais d'abord vous exprimer notre profonde reconnaissance pour la détermination avec laquelle le gouvernement et les parlementaires des deux chambres se sont attaqués au dossier des réformes contenues dans cette mesure législative. Nous remercions en particulier les nombreux sénateurs qui ont écouté les préoccupations formulées par les courtiers d'assurances et les ont fait valoir durant le long processus qui culmine avec l'étude du projet de loi.

M. Jim Ball, président, Association des courtiers d'assurances du Canada: Nous sommes très heureux de constater que le projet de loi met un terme aux préoccupations de longue date des courtiers d'assurances IARD dans deux domaines importants: la vente d'assurance par les banques, et la vente liée. Je vais aborder tour à tour chacune de ces deux questions.

Premièrement, nous croyons que les principales qualités du projet de loi C-8 résident dans ce qu'il ne fait pas. Il ne change pas les règles régissant la vente d'assurance IARD par les banques. En bref, notre argument à cet égard est que les règles actuelles dans ce domaine favorisent les consommateurs en leur offrant plus de choix et profitent à l'ensemble du secteur des assurances générales en maximisant la concurrence. Il apparaît donc indéniable que le projet de loi C-8 contribuera grandement à maintenir le dynamisme de notre secteur justement par ce qu'il ne permet pas, et c'est pourquoi il jouit de l'appui entier de l'association.

Deuxièmement, comme les membres du comité le savent sans doute, nous nous inquiétons depuis longtemps de la capacité des banques de lier la prestation de certains services, en particulier l'assurance incendie, accidents et risques divers, à l'octroi de crédits ou à la prestation d'autres produits ou services financiers. La vente liée est une pratique qui nuit à la concurrence, puisque les consommateurs ne fondent plus leur décision d'achat sur les facteurs de prix ou de qualité du produit. Cette situation peut résulter de mesures de coercition de la part du vendeur ou du fait que le consommateur estime pouvoir obtenir un traitement privilégié en acceptant volontairement un autre produit ou service du même fournisseur. Ni l'une ni l'autre de ces situations ne favorise le consommateur.

La modification apportée en 1998 à la Loi sur les banques dans le but d'interdire la vente liée avec coercition au regard de l'octroi de prêts a été une première étape louable. Toutefois, l'application de cette interdiction à tous les autres produits et services bancaires garantira des règles de concurrence uniformes entre les banques, les fournisseurs d'assurances et les autres institutions financières. C'est là un point important qu'il ne faut pas perdre de vue, l'instauration de règles uniformes pour tous. Les consommateurs profiteront également de l'exigence que leur soit communiquée une déclaration décrivant l'interdiction de vente liée avec coercition. Les dispositions du projet de loi C-8 concernant la vente liée sont solides et nous recommandons que le comité ne change rien à leur libellé.

Pour ce qui est d'un éventuel examen de l'interdiction de la vente d'assurance-risques divers par les banques, nous croyons que cet examen devrait avoir lieu après qu'on aura évalué de façon approfondie le régime de protection du consommateur proposé dans ce projet de loi.

L'adoption rapide du projet de loi C-8 donnera aux investisseurs une certitude relativement au marché et un cadre d'orientation stable leur permettant de prendre de bonnes décisions d'affaires. Elle permettra aussi à notre secteur de concentrer ses énergies pour répondre aux besoins changeants de la clientèle, améliorer le service de toutes les manières possibles et continuer de servir de modèle d'ouverture à la concurrence dans le secteur des services financiers. En fait, le secteur des assurances générales, avec ses centaines de compagnies d'assurances et ses milliers de courtiers, est un excellent exemple des avantages que les consommateurs canadiens et l'ensemble de l'économie peuvent tirer d'une concurrence équitable et abondante, d'un plus grand choix, d'un esprit d'innovation et d'un excellent service.

En conclusion, l'Association des courtiers d'assurances du Canada donne son appui entier au projet de loi C-8 et recommande que son étude soit prioritaire et qu'il soit adopté dans les plus brefs délais. En particulier, nous exhortons le comité à ne pas envisager d'y apporter tout amendement qui serait contraire à la politique déclarée du gouvernement fédéral ou incompatible avec cette politique dans le domaine de la vente d'assurance IARD par les banques et des ventes liées.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Kelleher: Je comprends bien pourquoi vous êtes contents du projet de loi dans sa forme actuelle. Je ne m'attarderai pas là-dessus. Je pense que vous l'avez expliqué on ne peut plus clairement. Vous êtes contents parce que le gouvernement n'a pas permis aux banques de vous faire concurrence dans le domaine de l'assurance. Pourtant, si vous avez à coeur l'intérêt supérieur du consommateur, pourquoi êtes-vous en faveur de cette interdiction? Ne serait-il pas avantageux pour les consommateurs d'avoir un marché plus compétitif?

Vous me reprendrez si je me trompe, mais je pense qu'aux États-Unis, les banques peuvent vendre de l'assurance et je pense que les banques peuvent également vendre de l'assurance au Royaume-Uni. Cela ne semble pas avoir nui aux compagnies d'assurances. Je n'ai pas entendu parler d'un effondrement de nombreuses compagnies d'assurances.

Franchement, je n'arrive pas à comprendre. Peut-être pourriez-vous m'expliquer pourquoi ce serait si mauvais pour les consommateurs que les banques soient autorisées à se lancer dans le domaine de l'assurance.

M. Ball: Je voudrais répondre à cette question. Voyons quelle est la situation dans les pays que vous avez nommés. Aux États-Unis, il y a probablement plus de 9 000 banques. Au Royaume-Uni, il y en a environ 600. En Allemagne, il y en a 3 600. En France, il y a plus de 600 banques. Au Canada, cinq banques possèdent 80 p. 100 du marché.

Nous sommes une industrie extrêmement compétitive. J'ai dit tout à l'heure qu'il y a plus de 230 compagnies d'assurances et des milliers de courtiers qui représentent leurs clients. C'est un peu particulier en ce sens que nous représentons le client et non pas la compagnie d'assurances. Quand nous prenons le compte d'un client et que nous proposons le contrat à différentes compagnies, comme nous le faisons chaque jour, des milliers de courtiers forcent les assureurs à être compétitifs.

Le rendement des capitaux propres dans l'industrie de l'assurance IARD durant l'année 2000 a probablement été de l'ordre de 5 à 7 p. 100. Le rendement des capitaux propres des grandes institutions financières est trois fois plus élevé. La Banque Royale du Canada a trois fois et demie l'actif de notre industrie entière.

C'est un point de vue relativement à la nature compétitive de notre industrie, par rapport à ce qui se passerait si les banques avaient la possibilité de se lancer dans ce secteur.

Soyons bien clairs sur un point. Permettre aux banques de vendre de l'assurance dans leurs succursales revient en fait à leur permettre d'utiliser les renseignements qu'elles ont recueillis dans leurs activités bancaires pour vendre de l'assurance. Cela défavorise le consommateur de deux manières. Je m'explique.

Supposez que vous avez contracté auprès d'une banque une hypothèque sur votre maison. Pour obtenir cette hypothèque, vous avez dû fournir à la banque copie de la police d'assurance. La banque possède donc dans son dossier copie de la police que je vous ai vendue, avec la date d'entrée en vigueur, la date d'échéance, les limites, les diverses couvertures et le prix. Cela donne à la banque un extraordinaire avantage si on lui permet de lier cette hypothèque à la vente d'assurance.

Par ailleurs, la banque a aussi dans ses dossiers des renseignements sur le crédit, la santé et d'autres renseignements que le consommateur a divulgués. Je ne possède pas ces renseignements dans mon dossier. La banque peut être plus sélective dans l'établissement du risque d'assurance et quand vient le temps de décider s'il y a lieu de vendre une police à une personne.

La raison d'être des changements qu'on apporte est de renforcer la concurrence. Notre secteur est probablement l'un de ceux où la concurrence est la plus acharnée dans l'industrie des services financiers au Canada. Nous croyons que les réformes opérées en 1992 ont établi et maintenu des règles du jeu uniformes. Nous aimerions que l'on maintienne ces règles uniformes pour tous. Les banques peuvent toutes vendre de l'assurance. Elles possèdent toutes des filiales qui vendent de l'assurance et qui nous font une concurrence féroce. À l'heure actuelle, nous possédons seulement quelque 75 p. 100 du marché. Les compagnies les plus actives pour ce qui est de nous enlever des parts du marché ont été les filiales à part entière des banques.

Le sénateur Kelleher: À mes yeux, le fait que vous avez 75 p. 100 du marché n'est pas révélateur d'une concurrence féroce mais, quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre explication.

Le président: Je vous remercie de votre présentation.

Nos témoins suivants représentent le Conseil canadien du commerce de détail.

M. Peter Woolford, vice-président, Analyse des politiques et relations gouvernementales, Conseil canadien du commerce de détail: Je vous remercie de nous donner l'occasion de participer à l'étude du projet de loi C-8. En guise de déclaration d'ouverture, je voudrais souscrire à ce que le dernier témoin a dit. Nous croyons que c'est un bon projet de loi. C'est une mesure essentielle, un pas dans la bonne direction. Nous l'appuyons sans réserve. Nous encourageons le comité à l'étudier rapidement et le gouvernement à l'adopter pour qu'il devienne loi.

Le projet de loi met en place une série de règles de base qui seront positives pour notre industrie et pour l'ensemble des Canadiens.

Les sénateurs qui siègent à ce comité ont reçu copie de notre mémoire qui leur a été envoyé électroniquement hier. Je vais faire un rapide survol des principales recommandations que nous avons formulées, après quoi je serai à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le premier point, c'est que dans le commerce du détail, l'immense majorité des commerces sont de petits magasins de détail exploités par leur propriétaire. Nous voulons en particulier nous assurer que le processus que l'on met en place aux termes de ce projet de loi pour les plaintes des consommateurs tiendra compte des préoccupations et des besoins des petites entreprises.

Bon nombre de sénateurs n'ignorent pas qu'il est difficile pour un petit détaillant d'établir une distinction claire et nette dans son esprit entre «gérer mon petit magasin» et «gérer ma vie personnelle». Les deux sont tellement intégrés. Les exploitants de petites entreprises ont des besoins et des préoccupations semblables. Ils ont des relations semblables avec une grande institution financière et si leurs problèmes pouvaient être réglés dans le cadre de la même procédure de grief, ce serait très positif.

Nous faisons un lien direct entre ce point et toute la question de l'accès des détaillants au capital de financement, aux fonds de roulement et aux investissements nécessaires à leur entreprise. Quand mon collègue Bill Yetman et moi-même avons rencontré pour la première fois l'un des nouveaux sénateurs l'automne dernier, nommément le sénateur Setlakwe de Montréal, la première question qu'il a abordée avec nous avait trait à l'accès au capital. Il voulait que nous, en tant qu'association corporative, nous explorions toute cette question qui préoccupe constamment nos membres.

Notre deuxième préoccupation concerne le système des paiements. Les détaillants sont la principale interface entre le consommateur et l'économie de production, et ils sont donc les éléments essentiels du système des paiements. Nous recevons chaque jour d'énormes flux de liquidités des Canadiens comme paiement des marchandises et services qu'ils achètent et, chaque jour, les détaillants font à leur tour des paiements considérables à leurs fournisseurs pour payer la marchandise et les services qu'ils ont mis sur leurs étagères.

Nous appuyons entièrement les dispositions du projet de loi qui donnent un rôle plus important aux intervenants du système canadien des paiements. Nous demandons simplement que le rôle clé du commerce de détail soit englobé dans ce système. Nous proposons que des représentants du secteur du détail siègent au conseil de l'Association canadienne des paiements. Nous demandons que les détaillants jouent un rôle également dans le conseil consultatif des intervenants. Nous avons aujourd'hui un siège au conseil dans sa version un peu moins officielle et nous espérons que nous pourrons continuer à participer au nouvel arrangement.

Nous sommes préoccupés par le fait que le libellé du projet de loi semble indiquer qu'un certain nombre d'autres fournisseurs ou compagnies liées aux institutions financières auraient aussi un rôle à jouer au Comité consultatif des intervenants. Nous exprimons une réserve, car le comité ne doit pas être établi de telle manière que les utilisateurs du système financier soient submergés ou dominés par des parties qui sont liées à leur institution financière par des liens de propriété ou autres.

Sur le troisième point, les ventes liées, nous appuyons entièrement les modifications proposées par le projet de loi dans ce domaine. Nous croyons que ce sont des changements valables. Un certain nombre de nos membres nous ont signalé des incidents où leurs clients qui paient à l'aide d'une carte de crédit se sont fait dire que pour être admissibles à un prêt de la banque, ils doivent renoncer à leurs cartes de crédit de détaillants. Nous estimons que cette pratique doit être explicitement interdite.

Le deuxième point au sujet des ventes liées est ce que l'on appelle la règle de l'ensemble des cartes qui existe dans beaucoup d'ententes conclues entre les marchands et les deux grandes compagnies de cartes de crédit. Nous suggérons que les détaillants de crédit soient autorisés à acheter les services de paiement qu'ils jugent bons pour leur commerce et qu'ils ne soient pas obligés par les deux très grands fournisseurs d'accepter globalement ce qu'on leur offre. Cela permet aux marchands de détail de choisir les services de paiement qui correspondent aux besoins de leurs clients et qui leur coûtent moins cher, à eux et à leurs clients. Cela leur permet d'avoir accès de façon compétitive à certains services d'affaires clés.

Dans notre mémoire, il y a une longue liste de plus de deux pages des diverses interactions en tête-à-tête entre les détaillants et leurs institutions financières locales. Je dois avouer que quand nous avons commencé à rédiger cette liste, je ne me rendais pas compte à quel point les relations entre un détaillant et sa succursale bancaire locale sont étendues et intensives. C'est un élément essentiel et vital de leurs activités commerciales, de façon quotidienne; c'est essentiel au succès d'un commerce.

Ce que nous voulons, c'est simplement nous assurer que lorsque les banques commencent à changer les services qu'elles offrent au niveau local, les intervenants auront la possibilité de se faire entendre. Nous appuyons certainement les changements qui exigent des consultations préalables à la fermeture d'une succursale. Nous proposons d'étendre cette exigence au cas où la succursale élimine ce que l'on appelle les «services aux entreprises». Ce sont les comptes commerciaux et beaucoup d'autres services qui sont énumérés dans cette liste de deux ou trois pages qui figure dans notre mémoire.

L'élément clé est que les institutions financières elles-mêmes exigent que le client commercial se présente en personne à la succursale pour obtenir ce service. Peu importe que l'on dirige un magasin d'une chaîne nationale ou que l'on possède un petit commerce dans sa localité, il faut se rendre en personne à la succursale pour exercer cette activité. Si la succursale n'existe plus ou ne se trouve plus dans votre quartier de la ville, ou même n'est plus dans votre ville du tout, cela peut avoir de lourdes répercussions sur votre capacité de gérer votre commerce. Vous devez fermer le magasin ou vous faire remplacer et vous déplacer sur une certaine distance pour aller faire les transactions nécessaires dans votre institution financière.

En ce qui concerne les lignes directrices sur l'examen des fusions, là encore, nous appuyons entièrement l'orientation adoptée. Nous estimons que c'est une mesure positive. Nous demandons qu'en plus des consultations sur les fusions, lorsqu'une série de recours sont négociés entre les parties à la fusion et le Bureau de la concurrence, cela soit inclus dans les consultations. Ainsi, les divers intervenants qui sont touchés par ces fusions auront leur mot à dire sur le résultat final.

Le sénateur Tkachuk: J'ai deux ou trois questions sur les ventes liées.

Je ne comprends pas la position des banques, mais je comprends tout à fait votre point de vue, quand vous dites que les banques demandent aux gens de fermer leurs comptes de cartes de crédit de détaillants plutôt que de les inviter à annuler leurs cartes VISA. Sur le deuxième point, je suis un peu embrouillé.

Les détaillants acceptent MasterCard et Visa. Donnez-moi un exemple de la situation que vous dénoncez.

M. Woolford: MasterCard et VISA offrent principalement des cartes de crédit comme moyen de paiement, mais offrent aussi d'autres cartes qui ne donnent pas accès à du crédit. Nous prévoyons qu'il y aura d'autres innovations à l'avenir. Dans l'ouest du Canada, je crois que MasterCard offre une forme de carte à valeur stockée. L'argent est emmagasiné sur la carte et est retiré au fur et à mesure des besoins du client; c'est une forme de carte. Nous avons aussi discuté avec MasterCard d'une carte qui semblerait permettre d'avoir accès au compte personnel d'un particulier. Il nous semble qu'il s'agit là d'une forme de carte de débit. Nous répétons que le marchand doit vraiment être en mesure d'identifier les formes de paiement qu'il veut offrir à ses clients, au lieu d'être obligé d'accepter toutes les formes de paiement sans distinction.

Le sénateur Tkachuk: Actuellement, ils vous disent que c'est tout ou rien?

M. Woolford: C'est exact. Je ne veux pas utiliser l'expression «vente liée», mais nous sommes obligés d'acheter un ensemble de services. Nous aimerions que le détaillant puisse magasiner et choisir les services de paiement à prix concurrentiels qui correspondent aux besoins de son commerce.

Le sénateur Furey: Ma question porte sur vos observations au sujet des dispositions contre la vente liée dont vous voulez étendre la portée pour qu'elles s'appliquent à la fermeture de comptes de crédit auprès des détaillants.

Quand j'ai lu cela, j'ai supposé, à tort ou à raison, que l'emprunt dont il était question n'était pas un emprunt contracté auprès d'une banque, mais qu'il s'agissait plutôt d'emprunts plus ciblés de la part de personnes qui cherchent à mettre de l'ordre dans leurs affaires financières. Affirmez-vous que c'est une pratique des banques qui s'applique à quiconque se présente dans une banque pour contracter un prêt pour quelque raison que ce soit?

M. Woolford: Nous ne connaissons évidemment pas la situation précise de chacun. Nous avons entendu parler par nos membres de cas qui leur ont été rapportés par leurs clients, lesquels affirment qu'ils sont forcés de renoncer à une carte de crédit de détaillant parce que la banque refuse de leur prêter de l'argent autrement.

Le sénateur Furey: Ce serait prudent pour la banque d'agir ainsi s'il s'agit de quelqu'un qui essaie de mettre de l'ordre dans ses affaires, n'est-ce pas? Je comprends votre argument s'il s'agit de quelqu'un qui se présente à une banque pour emprunter. Ce serait épouvantable que la banque impose une telle obligation, mais, dans certains cas, c'est simple prudence.

Le sénateur Tkachuk: On vous permet de garder la carte VISA, mais on vous dit, en passant, vous devez annuler la carte Eaton.

Le sénateur Oliver: Si une carte comporte un taux d'intérêt de 18 ou 28 p. 100, ce n'est pas un mauvais conseil financier que de demander de s'en débarrasser.

M. Woolford: Ce qui nous préoccupe, c'est qu'on oblige le client à le faire. Si la banque veut donner de bons conseils financiers, nous n'avons pas d'objection. Mais si elle dit: vous n'aurez pas de prêt à moins d'éliminer certaines cartes de crédit, nous avons des objections.

Il est certain que si un tel conseil émanait d'un bureau de crédit ou d'une tierce partie indépendante et s'adressait à une personne qui s'efforce de remettre de l'ordre dans ses finances, nous n'aurions aucune objection à cette façon de procéder. Par contre, cela nous préoccupe quand le conseil émane essentiellement d'une organisation concurrente qui offre des services de paiement.

Le président: Nos témoins suivants représentent l'Association canadienne des paiements, nommément Bob Hammond, directeur général, et Doug Kreviazuk, directeur des politiques et de la recherche. Je vous cède la parole pour faire votre déclaration d'ouverture.

M. Robert Hammond, directeur général, Association canadienne des paiements: Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de nos observations sur la Loi canadienne sur les paiements, c'est-à-dire la partie du projet de loi C-8 qui modifie la loi qui a créé l'Association canadienne des paiements en 1980. Nous prenons la parole aujourd'hui au nom de nos quelque 130 membres. Quarante pour cent de nos membres sont des banques et les autres sont des sociétés de fiducie, des coopératives de crédit, des caisses populaires et d'autres institutions de dépôt. Ces diverses institutions financières comprennent à la fois des institutions sous réglementation fédérale et des institutions sous réglementation provinciale.

De façon générale, l'ACP est très heureuse de la Loi canadienne sur les paiements qui est proposée et notamment du fait que celle-ci reprend bon nombre des suggestions et commentaires que nous avons formulés pendant le processus de consultation et d'élaboration de la loi. Nous espérons que la loi sera adoptée cet été et que nous pourrons mettre en vigueur la nouvelle loi régissant l'ACP.

En particulier, l'ACP appuie la politique gouvernementale visant à ouvrir le système des paiements aux compagnies d'assurance-vie, aux marchés monétaires, aux courtiers en fonds mutuels et en valeurs mobilières, et nous avons hâte d'accueillir de nouveaux membres.

Le projet de loi prévoit toutefois que des exigences plus détaillées sur l'adhésion de nouveaux membres seront établies par règlement. Étant donné que le texte de ce règlement n'est pas encore du domaine public, il est difficile pour les membres éventuels de prendre une décision à savoir s'ils vont se joindre ou non à l'ACP. Il est également difficile pour nous à l'ACP d'établir des procédures pour le traitement des demandes d'adhésion. En conséquence, nos employés, nos membres et nos membres potentiels ont très hâte de prendre connaissance du règlement.

Sur un autre sujet, nous sommes très heureux de voir que la loi consacrera l'existence de notre conseil consultatif des intervenants. Nous appuyons les objectifs qui sont proposés pour ce conseil. L'ACP a créé le conseil consultatif des intervenants en 1993 pour nous conseiller sur les questions relatives au système des paiements et sur le processus consultatif de l'ACP. Les membres du conseil comprennent actuellement 16 représentants des utilisateurs du système des paiements et des tierces parties qui sont des fournisseurs de services. Le conseil comprend également deux administrateurs de l'ACP, ce qui témoigne de l'engagement de l'ACP envers ce conseil consultatif et de son désir d'assurer un échange de communications entre le conseil d'administration et le conseil consultatif. Ce conseil a très bien fonctionné. Nous sommes fort heureux de l'évolution du dossier. En fait, de nombreux intervenants participent maintenant au groupe de travail et au comité de l'ACP.

Je passe maintenant au dossier de la régie d'entreprise. L'ACP se félicite de l'ajout de trois nouveaux membres du conseil d'administration qui ne doivent avoir aucune affiliation avec les membres de l'ACP et qui seront nommés par le ministre.

Nous nous félicitons également du fait que les nouveaux membres de l'ACP auront la possibilité d'élire les membres du conseil d'administration, au même titre que nos membres actuels. La répartition du nombre de postes d'administrateurs entre les diverses catégories de membres sera établie par règlement, et encore là, nos membres et les nouveaux membres potentiels ont hâte de pouvoir prendre connaissance du texte du règlement et d'avoir l'occasion d'en discuter.

Je passe maintenant à notre dernier point, à savoir la surveillance de l'ACP. Nous ne nous opposons pas aux deux nouveaux pouvoirs de surveillance qui sont accordés au ministre. Le premier est le pouvoir du ministre d'annuler toute nouvelle règle ou toute modification des règles. Le deuxième est le pouvoir d'ordonner à l'ACP de prendre, de modifier ou de révoquer un règlement administratif ou une règle, si le ministre estime qu'il est dans l'intérêt public de le faire.

Nous doutons que le ministre ait jamais besoin d'exercer ces pouvoirs, et ce, pour trois raisons. Premièrement, les membres du conseil consultatif des intervenants participent activement à la plupart des processus qui aboutissent aux décisions du conseil d'administration relativement aux règlements administratifs et aux règles. De plus, nous croyons que la large représentation des utilisateurs du système des paiements au conseil devrait garantir qu'il n'y aura aucun conflit entre les propositions de l'ACP et l'intérêt public.

Deuxièmement, la nouvelle loi impose à l'ACP le devoir de tenir compte, dans l'exercice de ses activités, des objectifs de politique publique spécifiques qui sont énoncés dans la loi. Autrement dit, l'ACP a l'obligation de respecter les nouveaux objectifs de politique publique qui sont établis dans la loi.

Troisièmement, le ministre est tenu par la loi de consulter le conseil d'administration de l'ACP avant de promulguer une directive.

Nous croyons que conjointement, ces trois éléments contribueront à faire en sorte que le ministre n'ait jamais besoin d'exercer ces pouvoirs. Nous aurions toutefois préféré que la loi stipule que le pouvoir du ministre d'annuler des règles doit être exercé dans l'intérêt public, tout comme elle le fait pour ce qui est du pouvoir du ministre de prendre des directives.

Par ailleurs, toujours au sujet du pouvoir de prendre des directives, nous aurions préféré que la loi permette la suspension d'une directive en attendant qu'une décision définitive soit rendue à la suite d'une demande de contrôle judiciaire.

En bref, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes généralement très contents du projet de loi et nous comptons avoir le plaisir d'accueillir de nouveaux membres et de mettre en oeuvre les autres dispositions de la loi. Toutefois, pour que la loi soit mise en oeuvre dans les plus brefs délais après avoir été adoptée, nous trouvons important que le texte du règlement proposé soit rendu public le plus tôt possible.

Le sénateur Oliver: Ma question porte sur le règlement. Vous n'êtes pas le premier témoin à venir dire à notre comité à quel point le règlement qui sera pris aux termes du projet de loi C-8 sera extrêmement important et influera puissamment sur les membres individuels des institutions de services financiers. Il me semble que l'on pourrait presque gouverner par règlements, puisqu'il y aura tellement de règlements et qu'ils auront une telle importance. Peut-être qu'il serait utile que des organisations comme la vôtre viennent témoigner devant un comité comme le nôtre ou encore le Comité des finances de la Chambre des communes une fois que le texte du règlement aura été rendu public, afin qu'on ait l'occasion d'en discuter dans les détails, au lieu de se contenter de les lire quand ils seront publiés dans la Gazette.

Avez-vous des commentaires à faire là-dessus? L'idée de revenir pour discuter du règlement dans tous les détails a-t-elle quelque mérite, compte tenu de son importance particulièrement grande dans ce projet de loi?

M. Hammond: Pour répondre à votre question, sénateur Oliver, je dois dire que nous avons de bonnes relations avec le ministère des Finances. Il y a eu des discussions préliminaires sur la teneur du règlement, mais le texte n'en est pas encore disponible et l'on ne peut pas le distribuer aux membres actuels ou potentiels.

Le sénateur Oliver: Voulez-vous dire que vous en avez vu une ébauche?

M. Hammond: Nous n'avons pas vu d'ébauche complète. Nous avons toutefois pris connaissance de certains documents et nous sommes confiants que les discussions se poursuivront à mesure que l'on continuera de travailler à ce règlement. Nous croyons important d'en arriver au point où nos membres et les membres potentiels et même le grand public auront l'occasion de commenter ce règlement. Nous disons cela parce que nous avons hâte de mettre en vigueur cette loi quand elle aura été adoptée. Nous avons hâte d'accueillir de nouveaux membres, et cetera, et il est difficile de le faire sans connaître les détails.

Si le Sénat tenait des audiences sur le règlement, nous serions ravis d'y participer. Je ne dis pas que nous trouvons que ce soit vraiment nécessaire pour le moment.

Le sénateur Oliver: Ce n'est peut-être pas nécessaire pour votre organisation.

M. Hammond: Non.

Le sénateur Oliver: Mais qu'en est-il des autres groupes et intervenants et particuliers qui seront directement touchés par ce règlement éventuel?

M. Hammond: Il est bien possible qu'ils soient contents d'avoir l'occasion d'en discuter. L'ébauche du règlement doit être publiée dans la Gazette du Canada, justement dans le but d'obtenir la réaction et les observations des gens. Chose certaine, nous serons contents de faire part de nos commentaires. Je suis optimiste et je crois que nous réussirons à aplanir tout obstacle éventuel, mais on ne sait jamais avant de lire le texte définitif.

Le sénateur Tkachuk: J'ai une question supplémentaire. Nous avons entendu cette observation très souvent de la part de témoins. Chacun parle du règlement et de sa grande importance pour l'application de ce projet de loi. Toutefois, la personne visée par le règlement n'est pas la seule qui soit touchée. Le règlement a des répercussions plus importantes sur le public. Autrement dit, le règlement peut être bon pour vous mais pas pour le pays. Ne croyez-vous pas qu'il serait préférable que le texte de ce règlement soit déposé et étudié par les comités parlementaires?

M. Hammond: Je comprends certainement cet argument, sénateur Tkachuk. Toutefois, les dispositions du règlement qui nous préoccupent sont celles qui portent sur l'adhésion des membres. Autrement dit, le projet de loi propose que les compagnies d'assurance-vie, le marché monétaire, les courtiers en fonds mutuels et en valeurs mobilières soient autorisés à devenir membres, mais sous réserve des exigences qui seront énoncées dans le règlement. Il est important de savoir quelles sont ces exigences et je pense que cela touchera davantage ces institutions. Je suppose que le grand public s'y intéressera aussi, mais tout dépendra de la teneur du règlement.

L'autre point que nous avons soulevé est la structure du conseil d'administration. Par exemple, aux termes de la loi en vigueur, les banques disposent de cinq sièges au conseil, les institutions autres que les banques ont également cinq sièges au conseil, et un représentant de la Banque du Canada occupe un siège et préside le conseil. Aux termes de la loi proposée, le conseil sera élargi, mais il reste à savoir comment les sièges seront répartis entre nos membres. C'est une question qui touchera surtout nos membres et non pas le grand public.

Le sénateur Kroft: Je voudrais soulever un point que j'ai abordé avec les représentants du secteur bancaire quand ils ont comparu tout à l'heure. Ma question découle du témoignage que nous avons entendu la semaine dernière de la part de représentants de compagnies dont le secteur d'activité est le paiement des factures et le paiement des salaires. Pendant leurs témoignages, ils ont décrit un problème qui avait trait au risque de découvert attribuable au délai entre la réception de l'argent et le paiement de l'argent. Ce délai leur est défavorable et il leur en coûte excessivement cher pour couvrir ce risque par des garanties ou d'autres mécanismes. J'ai posé cette question au représentant des banques et il ne voit aucune raison pour laquelle ce problème ne pourrait pas se régler par le système des paiements, surtout quand j'ai mentionné le système de transfert des paiements de grande valeur, et on m'a dit que je devrais vous poser la question. C'est ce que je fais maintenant. Les activités commerciales de ces gens-là consistent à payer d'énormes sommes d'argent chaque semaine en salaires. Pourquoi le système ne peut-il pas accommoder le risque associé à cette activité? Il semble que les pistes de solution convergent vers vous.

M. Hammond: Je vais répondre avec plaisir à cette question. En fait, les représentants des trois compagnies sont venus nous voir après avoir témoigné devant votre comité, de sorte que nous les connaissons bien. Nous en avons discuté avec eux.

Il est important de comprendre comment fonctionnent ces compagnies. Commençons par les compagnies de gestion de la paye. Elles inscrivent d'abord un débit dans notre système, en utilisant notre virement automatisé de fonds. Elles touchent l'argent des employeurs qui leur demandent de payer les salaires de leurs employés. En fait, l'ACP est un client de l'une de ces compagnies. Elles inscrivent un débit dans notre système. Grâce à ce débit, elles obtiennent les fonds qu'elles utilisent alors pour payer les employés de notre organisation et d'autres organisations. C'est notre système de virement automatisé de fonds. Ce système est conçu pour traiter de gros montants par l'entremise d'un arrangement de transmission des données.

Il y a deux éléments qui sont absents ici et qui sont habituellement présents dans d'autres systèmes de paiement. L'autorisation du détenteur du compte n'est pas vérifiée pour chaque transaction. L'argent est simplement retiré du compte. Par exemple, le compte de l'ACP serait débité, mais aucune vérification n'est faite pour s'assurer que nous avons autorisé ce débit.

On ne vérifie pas non plus s'il y a suffisamment de fonds. Le processus est automatique; c'est comme faire un chèque. Quand un chèque est présenté au système de compensation et de règlement, un crédit provisoire est accordé, mais si l'institution sur laquelle le chèque est tiré rejette celui-ci pour cause d'insuffisance de fonds, alors le chèque est renvoyé dans le système de compensation.

C'est la même chose pour le système de virement automatique. Si le débit arrive et qu'il n'y a pas suffisamment de fonds dans le compte, le débit est retourné, ce qui peut prendre plusieurs jours. Le débit chemine dans le système et arrive à l'institution financière d'où les fonds sont retirés. L'institution vérifie auprès de la succursale pour s'assurer qu'il y a des fonds. Nos règles stipulent qu'une fois que le débit arrive, l'institution a un jour ouvrable pour décider de renvoyer le débit dans la boucle de la compensation.

Le temps qu'il faut pour la compensation dépend du nombre d'institutions en cause. Un sous-adhérent qui passe par l'entremise d'un membre adhérent devrait retourner les débits dans les deux jours. Il peut falloir trois jours. Les organisations qui s'inquiètent de cela qualifient ce délai de risque de règlement. Ce n'est pas vraiment un risque de règlement. C'est un risque d'insuffisance de fonds. S'il n'y a pas de fonds, alors le débit est retourné par la compensation. C'est ce qui les inquiète.

Le président: Je ne vois pas la différence.

M. Hammond: Prenons l'exemple de la banque A et de la société de fiducie C qui sont membres adhérents du système de compensation et de règlement. Au bout du compte, si la banque A doit à la société de fiducie C une importante somme d'argent et est incapable de lui payer cet argent, nous disons qu'il y a risque de règlement. L'autre transaction dans le cas d'un éventuel chèque sans provisions ne s'appelle pas nécessairement risque de règlement. Nous disons qu'il y a risque d'insuffisance de fonds. Il est possible qu'il n'y ait pas assez de fonds dans le compte pour faire le paiement. C'est ainsi que le système fonctionne.

Comme le sénateur l'a dit, un système de transfert des paiements de grande valeur a été établi. Il est devenu opérationnel en 1999. C'est un système électronique doté d'un certain nombre de mécanismes de contrôle du risque et appuyé par des garanties. Ce système fait deux choses. Il garantit le règlement. Même si, par exemple, une banque ou une société de fiducie sur laquelle le paiement est tiré fait faillite, si le paiement en question est passé par l'épreuve du contrôle du risque, le règlement de ce paiement aura lieu. De plus, le paiement sera définitif. Autrement dit, il ne peut être révoqué pour aucune raison.

Le système fonctionne bien et donne d'excellents résultats. Nous traitons environ 120 milliards de dollars par jour dans nos systèmes de compensation et de règlement. Le système STPGV représente à lui seul 100 milliards de dollars par jour. Ce système est couronné de succès, mais il est très compliqué et complexe, à cause des contrôles du risque. Avant de faire le paiement, il faut obtenir confirmation de la présence de fonds suffisants et de la garantie du règlement.

Ce système protégé nous coûte de l'argent: environ 3 à 4 $ par paiement. Les participants au système doivent aussi affecter des biens en garantie pour avoir la certitude que le règlement aura lieu et que le paiement sera définitif. Les grandes entreprises veulent avoir cette certitude quant à la garantie du règlement et à l'aspect définitif du paiement, et elles sont disposées à en payer le prix.

Le sénateur Kroft: Monsieur Hammond, êtes-vous en train de dire que le système que vous décrivez pourrait se prêter à cette demande, mais qu'il y a un coût?

M. Hammond: Je vais vous expliquer. Il n'y a aucune raison qui empêche les compagnies Ceridian ou ADP, qui s'occupent de gestion de la paye, d'obtenir que leurs entreprises clientes envoient leurs paiements en passant par le STPGV. Si elles le font, les fonds qui sont déposés dans les comptes de Ceridian ou d'ADP sont définitifs et irrévocables.

L'un des avantages du STPGV est la rapidité d'accès aux fonds. Une fois que le paiement passe par le système électronique et est approuvé par le mécanisme de contrôle du risque, on peut obtenir les fonds sur demande, le même jour.

Le sénateur Kroft: Vous dites qu'ils sont allés vous voir après avoir témoigné devant nous. Après vous avoir rencontré, étaient-ils satisfaits? Ont-ils encore un problème? Ils ne sont pas encore revenus nous voir.

M. Hammond: Il y a une question de coût, comme vous dites.

Le sénateur Oliver: Qui paye, le client ou Ceridian?

M. Hammond: Je suis certain que ce seraient les deux. Si le client doit payer plus pour envoyer son argent à Ceridian à la satisfaction de Ceridian, alors il demandera peut-être à Ceridian de lui faire un prix plus bas.

Le sénateur Kroft: Il n'y a rien, dans le projet de loi ou dans la structure envisagée par le projet de loi qui, intrinsèquement, crée un obstacle empêchant de répondre aux besoins de cette industrie? Il s'agit simplement que vous vous entendiez, eux et vous, sur un prix qui leur paraît intéressant et qui correspond à vos besoins?

M. Hammond: Ce n'est pas nous qui fixons les prix.

Le sénateur Kroft: Il n'y a aucun obstacle législatif ou réglementaire qui vous empêche de mettre votre système à leur disposition?

M. Hammond: Non. Il existe actuellement un système qui répondrait aux besoins quant à l'irrévocabilité du paiement. Il permettrait à Ceridian et à ADP de savoir que les fonds reçus des employeurs sont à eux et qu'on ne peut plus les leur enlever.

Dans le cas du télépaiement, alors qu'on traite avec des particuliers, le coût du niveau de protection souhaité serait peut-être prohibitif du point de vue des consommateurs.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il un montant minimum exigé pour pouvoir utiliser le STPGV?

M. Hammond: Non, monsieur. N'importe qui peut s'en servir s'il est prêt à en payer le coût, mais son utilisation comporte un coût à cause du bien affecté en garantie.

Le sénateur Oliver: Si une compagnie a une masse salariale hebdomadaire de 20 000 $, vaudrait-il la peine d'utiliser le STPGV?

M. Hammond: Il en vaudrait certainement la peine pour Ceridian et ADP si ces deux compagnies s'inquiètent de ce que le système actuel de débit permet qu'un débit soit révoqué pour cause d'insuffisance de fonds dans le compte de l'employeur.

Le sénateur Kroft: Vos frais sont-ils calculés sur la base du recouvrement des coûts, ou bien cherchez-vous à faire des profits?

M. Hammond: Nous fonctionnons sur la base du recouvrement des coûts et nos membres payent des honoraires selon le nombre d'articles qu'ils font passer dans notre système de compensation et de règlement.

Le sénateur Kroft: Vous chercheriez à établir les frais que vous leur feriez payer en fonction du coût réel de la prestation du service?

M. Hammond: C'est lié au coût réel de notre service. Bien sûr, le coût que j'ai mentionné ne comprend pas le coût des services en amont, que doivent assumer les participants au système. Cela ne comprend pas le coût de la garantie qu'ils doivent donner à la Banque du Canada; c'est un coût d'option.

Le sénateur Oliver: Quel pourcentage est nécessaire en termes de garantie? Est-ce 100 p. 100?

M. Hammond: Non. Les mécanismes de contrôle du risque fonctionnent selon un système de compensation bilatéral et multilatéral. La garantie exigée est importante, mais elle n'atteint pas 100 p. 100. Les mécanismes de contrôle du risque sont tels que le paiement est définitif et que le règlement est certain.

Les sénateurs aimeraient peut-être recevoir des renseignements plus détaillés là-dessus. C'est un système très complexe et nous pourrions vous faire parvenir quelque chose par écrit. C'est trop compliqué pour l'expliquer oralement.

Le sénateur Angus: Monsieur Hammond, je vous souhaite la bienvenue au comité. J'ai bavardé avec vous l'autre soir à une réception. Il était évident que vous étiez très enthousiaste au sujet du nouveau règlement et du nouveau cadre qu'il offre à l'Association des paiements et j'ai beaucoup appris de notre bref entretien.

Si vous restez dans la salle après votre témoignage, vous entendrez les représentants de la Banque ING. Ils comparaîtront un peu plus tard. Vous ont-ils rencontré au sujet de ce projet de loi?

M. Hammond: Ils ne m'ont pas rencontré personnellement pour discuter du projet de loi. Je sais que la Banque ING est membre et nous avons eu des entretiens avec ses porte-parole. À un moment donné, ils avaient des préoccupations au sujet de certains aspects de nos règles, mais je pense que nous avons modifié ces règles à leur satisfaction.

Le sénateur Angus: Je crois savoir que l'un des éléments qui les tracassent, c'est qu'ils ne sont pas absolument certains qu'ils auront directement accès à la compensation indépendamment des grandes banques.

M. Hammond: Comme vous le savez, nous avons établi un système comportant des membres adhérents et des sous-adhérents. Il y a deux exigences pour être membre adhérent.

La première exigence est d'avoir un compte de règlement à la Banque du Canada. C'est la Banque du Canada qui en décide. Cela ne relève pas de nous et nous n'avons pas notre mot à dire là-dessus. Il incombe à la Banque du Canada de décider si elle est disposée à fournir un compte de règlement à une institution financière.

Pour ce qui est des exigences de nos règlements internes, ING avait des préoccupations au sujet d'une exigence quant au volume. La règle stipule que pour être membre adhérent, il faut représenter un demi pour cent du volume total des paiements qui passent par notre système de compensation et de règlement. Je pense que nous avons actuellement 13 ou 14 membres adhérents.

Il faut se rappeler que cette exigence a été établie il y a longtemps, en 1980, au moment de la création de l'ACP. À cette époque, notre système de compensation traitait presque exclusivement des effets papier. Aujourd'hui, 65 p. 100 des effets qui passent par la compensation et le règlement de l'ACP sont électroniques. Pour effectuer la compensation et le règlement d'effets papier, il faut toute une infrastructure. C'était aussi une règle d'ordre pratique, en un sens, parce que les machines à trier ne permettaient pas à cette époque d'accepter tout le monde comme membre adhérent doté d'un compte de règlement à la Banque du Canada.

Cette époque est révolue. La plupart de nos paiements sont maintenant électroniques et nous pensons donc que les raisons de ce critère de volume ont disparu. En fait, nous sommes en train de revoir nos règles internes et nous proposons de supprimer ce critère. Je pense que c'est surtout ce critère qui préoccupait la Banque ING.

En fait, ING a été invitée à participer aux discussions sur notre règlement administratif applicable à la compensation. Je pense qu'elle est au courant de ce qui se passe.

Le sénateur Angus: Si je comprends bien, l'un des buts visés par le gouvernement avec ce projet de loi consiste à renforcer la concurrence et à encourager de nouvelles entités à s'intégrer au système. La Banque ING et d'autres petites banques nous disent que l'accès restreint, si l'on peut dire, à votre association ou à la compensation directe est certainement un obstacle à son entrée.

Votre réponse me rassure passablement. Vous dites qu'à l'heure actuelle, il y a probablement une restriction, mais vous constatez que c'est peut-être un anachronisme et vous êtes en train d'éliminer cet obstacle à l'entrée de nouveaux arrivants. C'est bien ça?

M. Hammond: C'est tout à fait exact. Nous examinons toutes nos règles administratives dans le contexte de la nouvelle loi. Nous les avons passées en revue dans le détail et nous sommes en train de les réviser. Comme je l'ai dit, nous prévoyons supprimer la restriction concernant le volume.

Le sénateur Angus: N'êtes-vous pas au courant d'autres contraintes qui empêcheraient ces gens-là ou d'autres de devenir membres adhérents?

M. Hammond: Non.

Le président: Je vous remercie de nous avoir consacré de votre temps, messieurs.

Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Banque ING du Canada, soit M. Paul Bedbrook, président et chef de la direction, et M. Michael R. Bell, administrateur. Veuillez faire votre déclaration d'ouverture.

M. Paul Bedbrook, président et chef de la direction, Banque ING du Canada: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous donner l'occasion de témoigner devant le comité. Comme vous pouvez l'entendre, je ne suis pas né au Canada. En tant qu'étranger, je vous remercie de me donner cette occasion.

Le sénateur Angus: Vous n'êtes pas Hollandais non plus.

M. Bedbrook: Non, mais j'ai amené avec moi un Canadien, citoyen d'Ottawa et ex-diplomate, M. Michael Bell, de sorte que nous pourrons vous présenter tous les points de vue.

Vous avez notre mémoire et j'espère que vous pourrez le lire pendant que je vous parle, mais je veux quand même vous faire quelques observations liminaires.

Notre mémoire expose les principales questions qui nous préoccupent, mais je voudrais dire pour commencer, de crainte que notre mémoire ne donne l'impression contraire, que nous accueillons favorablement le projet de loi C-8 et que nous appuyons de façon générale les mesures qu'il tente d'implanter dans l'industrie canadienne des services financiers. Nous avons deux points sur lesquels je vais m'attarder, qui correspondent à nos yeux aux deux principaux problèmes.

Nous sommes une banque de détail relativement nouvelle au Canada. Nous faisons concurrence aux banques existantes dans toute la mesure de nos moyens et nous obtenons un certain succès pour ce qui est de proposer aux Canadiens une meilleure affaire dans le domaine de la banque de détail. Je pense toutefois qu'il est clair que le projet de loi aide franchement très peu ING Direct ou la Banque ING du Canada dans ses efforts en vue de faire bénéficier les Canadiens des avantages que nous avons à offrir.

Si l'on examine les mesures de base, visant à faciliter la croissance du secteur et à renforcer la concurrence au Canada, la plupart de ces mesures ne s'appliquent pas à ING, d'après ce que j'ai lu du sommaire du projet de loi. Elles visent plutôt les grandes institutions existantes et la restructuration de l'industrie actuelle plutôt que la promotion de nouveaux intervenants.

Le président: Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par «offrir des services de détail»?

M. Bedbrook: La Banque ING du Canada offre des services bancaires de détail au grand public canadien. Nous ne sommes pas une banque d'affaires. Nous prenons des dépôts, avons des comptes d'épargne et accordons des prêts aux particuliers.

Le président: Avez-vous des succursales?

M. Bedbrook: Nous n'avons pas de succursales, non. La Banque ING du Canada est connue sous la raison commerciale ING Direct. C'est une banque de détail. Elle n'a pas de succursales. Elle a des bureaux électroniques et traite ses affaires par Internet, par téléphone et au moyen des guichets automatiques. Nous sommes ce que l'on appelle une banque virtuelle ou une banque sans succursale. En fait, nous avons une succursale à nos bureaux de Toronto, et il y en a une autre à Vancouver. Cela sert en fait à donner aux clients le sentiment que nous sommes bien réels et que nous ne sommes pas purement virtuels.

Nous avons environ 400 000 clients. Notre croissance est rapide: nos dépôts augmentent de 100 millions de dollars par mois et nous avons chaque mois 10 000 nouveaux clients. On peut dire que nous sommes la nouvelle banque de détail qui remporte le plus grand succès dans l'environnement canadien. Je parle à titre de nouvel entrant, de banque de détail de l'annexe II qui tente de s'implanter sur le marché canadien et d'y réussir.

Mon premier argument est que, en lisant le projet de loi, on constate qu'il ne renferme pas grand-chose pour nous. C'est très bien. Nous ne sommes que l'une des entreprises du marché. La loi ne doit pas être établie seulement pour nous. Seulement, si vous essayez d'encourager l'entrée de nouveaux intervenants sur le marché, qu'y a-t-il pour eux dans ce texte de loi? Je reviendrai là-dessus tout à l'heure.

D'autre part, la Banque ING a son siège social aux Pays-Bas et réunit une très longue liste d'institutions financières, trois fois plus longue que n'importe quelle grande banque ici au Canada. Aux yeux des banquiers étrangers, et à mes yeux, à titre d'intervenant relativement nouveau au Canada, la loi ressemble plus à du rattrapage qu'à autre chose; elle ne fait pas du Canada un pays à la fine pointe des pays de l'OCDE en matière de législation sur les services financiers. Si nous essayons d'amener le Canada à l'avant-garde, je dis que le projet de loi ressemble plus à du rattrapage.

Je vais vous en donner brièvement deux exemples. Premièrement, je ne vois aucun régime national de réglementation. Quand on fait des fonds mutuels, il faut encore s'adresser aux provinces. On ne s'adresse pas à un organisme sous réglementation fédérale. Où se trouve donc le régime national de réglementation, qui, en toute modestie, existe actuellement dans mon pays d'origine, l'Australie, où les États, c'est-à-dire l'équivalent des provinces, sont des succursales des organes fédéraux de réglementation? On a donc affaire à une seule institution. Ici, c'est pour nous un labyrinthe.

Par ailleurs, où sont les directives explicites pour les nouveaux venus? Nous voulions obtenir les mêmes règles du jeu qui s'appliquent à nos principaux concurrents, mais beaucoup des critères que nous avons dû respecter ne nous ont pas été énoncés explicitement. Je reviendrai encore là-dessus dans un instant.

Avant d'aller plus loin, étant donné que je suis relativement nouveau au Canada, je vais poser quelques questions que j'ai posées la première fois que je suis venu ici. Premièrement, pourquoi nos consommateurs de services bancaires sont-ils si irrités, de façon générale, envers l'industrie? C'est un phénomène mondial et le Canada ne devrait donc pas trop s'en faire à ce sujet. C'est encore pire en Australie et les médias y sont encore plus critiques qu'ici à l'égard du secteur des services financiers. C'est un problème mondial que l'on ne pourra pas résoudre au moyen d'une seule mesure législative.

La raison, essentiellement, c'est qu'il est très difficile de changer une banque. Le service est relativement minime. Vous donnez votre argent à une institution et elle vous fait payer des frais. C'est évidemment un état d'esprit que les clients aiment. Nous avons des réactions positives à ce sujet.

Nous nous posons nous-mêmes la question: si nous essayons d'établir un cadre favorable aux affaires, pourquoi les clients sont-ils tellement irrités? La loi aide-t-elle à ce sujet? Et surtout, pourquoi n'y a-t-il pas plus de concurrents de ING Direct sur le marché?

Notre principal concurrent est la firme President's Choice Financial associée à CIBC. À part President's Choice Financial, il y a un très petit groupe d'intervenants qui essaient de faire concurrence et de lancer la nouvelle façon d'offrir des services bancaires ici au Canada. Je me demande quelle est la raison de cette situation.

Nous en avons en fait une assez bonne idée. Premièrement, il faut beaucoup d'argent et il faut donc être prêt à avancer l'argent. Cependant, il y a aussi le cadre et l'environnement dans lesquels nous fonctionnons et, à certains égards, il est flagrant que c'est un oligopole. Vous ignorez peut-être que les grandes banques prennent 85 p. 100 des dépôts au niveau du détail. Il y a 10 ou 15 ans, c'était moins de 60 p. 100. Il y avait un plus grand éventail de choix, d'institutions où les gens pouvaient déposer leur argent. Il semble que le régime ait fait marche arrière au cours de cette période, ce qui est d'ailleurs confirmé par la SADC.

En Australie, il y a plus d'entrepreneurs dans les créneaux spécialisés. Dans le domaine des hypothèques aux particuliers, des prêteurs particuliers et de petites entreprises se sont emparés de 5 à 10 p. 100 du marché aux dépens des grandes banques, en offrant de meilleurs taux et en se spécialisant dans ce domaine. Cela n'existe pas au même degré ici au Canada. Je n'en connais pas la raison et je ne suis pas sûr qu'une mesure législative soit la solution, mais si nous pouvons faciliter les affaires et réduire les coûts, on verra de nouveaux intervenants entrer sur le marché.

À notre avis, le principal problème ici au Canada, c'est que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous. Dans notre mémoire nous en donnons un exemple très simple. Le BSIF nous autorise, en tant que banque, un certain ratio d'actif par rapport au capital. Si nous avons 300 millions de dollars de capital, nous avons le droit de multiplier ce montant par 18. Les grandes banques peuvent le multiplier par 20. Quand nous avons commencé nos activités ici, le multiple était de 14,5 ou 15. Ensuite, il est passé à 16 et puis à 18. Plus le multiple est grand, moins il faut de capital par dollar d'actif et moins on paie d'impôt sur le capital par dollar d'actif par client. Et pour obtenir cela, il faut le mériter. On ne nous a jamais expliqué précisément ce que nous devons faire pour obtenir d'être à égalité avec les autres. Il y a un obstacle réglementaire qui fait qu'il est plus difficile pour nous de faire des affaires.

L'impôt sur le capital est évidemment un problème en ce sens que, globalement, l'impôt sur le capital n'est pas très répandu parmi les pays de l'OCDE. Notre société mère se demande pourquoi il en coûte plus cher de faire des affaires au Canada. C'est en partie à cause de l'impôt sur le capital et de nos primes d'assurance-dépôt. Ces deux postes représentent actuellement environ 20 p. 100 de nos dépenses de fonctionnement autres que le marketing. Ce n'est pas le cas des autres sociétés ING Direct. Nous sommes confrontés à un régime de coûts plus élevés.

C'est la même chose pour nos primes d'assurance à la SADC; nous devons sauter par-dessus certains obstacles. Il y a par exemple la règle de la rentabilité moyenne sur cinq ans. Nous sommes présents ici depuis seulement quatre ans, de sorte que nous ne pouvons pas respecter cette règle et certains critères font qu'il est très difficile pour nous de nous situer dans la catégorie supérieure, qui nous permettrait de payer des primes plus basses, faisant ainsi diminuer nos coûts de fonctionnement.

Le premier problème, c'est que les règles ne sont pas les mêmes pour tous. Nous devons surmonter toutes sortes d'obstacles pour y arriver et nous n'y sommes pas encore parvenus, bien que nous soyons présents ici depuis quatre ans. Nous appartenons à une compagnie qui est réglementée par la Banque centrale des Pays-Bas. Nous devons nous plier à ses règles et à celles de l'autorité réglementaire canadienne. Nous sommes donc assujettis à une double réglementation, mais on ne reconnaît pas ici au Canada la réglementation de la Hollande. Nous sommes une entité indépendante et nous sommes traités comme telle. Nous sommes un nouveau venu et nous devons gagner nos galons avec le temps. Pourtant, cela ne tient pas compte de notre capacité de payer ou de la sécurité de nos activités ni de notre capacité de répondre aux exigences des déposants.

L'autre obstacle, c'est le fardeau de la réglementation. Il y a dans le projet de loi une disposition qui tente d'améliorer l'environnement réglementaire et nous nous en félicitons, mais, vous l'ignorez peut-être, nous faisons 20 rapports par année au BSIF. Nous faisons d'innombrables rapports à la SADC, à l'ombudsman bancaire et au ministère des Finances du Canada. Nous avons du personnel occupé à plein temps à cette tâche. Nous ne sommes pas comme la Banque Royale et les autres grandes banques qui ont des services entiers consacrés à ces tâches. Tout cela ajoute à notre coût de revient. Au bas de la page 5 de notre mémoire se trouve un très bref résumé de la réglementation que nous devons respecter. Si le but visé est la sécurité d'abord et avant tout, c'est très bien. Toutefois, si vous voulez l'efficience dans les affaires, si vous voulez attirer de nouveaux intervenants, et si vous voulez que le client se fasse offrir des propositions plus intéressantes sur le marché, ce n'est pas la façon de s'y prendre parce que cela augmente le coût de base de l'exploitation d'une entreprise.

J'ai aussi fait des observations sur d'autres aspects. Le résumé précédent de l'ACP est exact en ce qui concerne notre position sur les paiements. Notre chef de l'exploitation est membre d'un comité qui se penche là-dessus. Auparavant, le problème pour nous était le volume imposé par l'Association des paiements. Il semble qu'à l'avenir, cet obstacle sera généralement aplani et que nous aurons le choix quant à ce que nous déciderons de faire.

L'argument que nous présentons dans ce document, c'est qu'il faut permettre l'entrée sur le marché de spécialistes de la compensation, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas du secteur bancaire et qui voudraient établir un service de compensation et réunir un grand nombre d'intervenants qui se regrouperaient pour faire concurrence aux intervenants actuels dans le système de compensation.

Monsieur le président, je suis prêt à répondre aux questions.

Le sénateur Angus: Je pense que certains de mes collègues sont d'accord avec moi pour dire qu'il fait du bien d'avoir une petite pause dans ce véritable marathon de l'amour auquel nous assistons ici.

L'un des sénateurs d'en face a dit que c'est peut-être vous qui avez écrit mon discours, ou vice versa. Vous exprimez exactement les réserves que j'ai au sujet de ce projet de loi. Tout le monde n'y voit que du bon, c'est le fruit d'un long et pénible processus qui s'est fait ici à Ottawa, et le mieux est de l'adopter au plus vite, quitte à tenter par la suite de l'améliorer.

Les arguments que vous soulevez, notre comité les a entendus durant nos audiences sur le rapport du groupe de travail MacKay et sur les fusions de banques proposées il y a plusieurs années. J'étais déçu que ce projet de loi ne propose pas de cadres que j'estimais nécessaires pour encourager de petites entreprises, comme celles que vous avez mentionnées, à venir s'établir au Canada pour renforcer la concurrence.

Quoi qu'il en soit, nous en sommes là aujourd'hui. Je pense que vous avez dit, et j'en ai pris note par écrit, «Bien que notre mémoire puisse donner l'impression contraire, nous estimons qu'il y a du bon». J'aurais souhaité que vous ne disiez pas cela.

M. Bedbrook: Un certain progrès, c'est mieux que le statu quo.

Le sénateur Angus: Je sais que vous êtes des gens pleins d'imagination. J'ai reçu de vous l'autre jour un publipostage direct, le meilleur que j'aie jamais vu. J'y reviendrai dans un instant.

À votre avis, serait-il possible d'apporter un amendement quelconque à ce projet de loi, sans le réduire à néant ni causer de longs retards, de manière à répondre à vos préoccupations?

M. Bedbrook: Il me faudrait revenir à la charge pour vous indiquer de façon détaillée un élément que nous souhaiterions obtenir. J'envisage plutôt l'affaire globalement.

Le sénateur Angus: Je m'en rends compte. C'est pourquoi j'ai posé la question en ces termes.

M. Bedbrook: Les questions précises de réglementation sont à certains égards à l'extérieur et en deçà du projet de loi puisque tout se fait par règlement, bien qu'il en soit question dans le projet de loi.

À la page 4, nous précisons exactement pourquoi il est plus difficile pour nous de faire des affaires dans ce marché. La première chose qui me vient à l'esprit, c'est que vous pourriez reconnaître le cadre réglementaire extérieur au Canada auquel nous sommes assujettis. Bien sûr, cette reconnaissance ne peut pas inclure tous les pays du monde. J'aurais toutefois pensé que les Pays-Bas et d'autres pays européens ou membres de l'OCDE avaient une réglementation légitime pouvant offrir un niveau de sécurité ou de garantie tel que leurs filiales seraient exemptées et n'auraient pas à surmonter les mêmes obstacles que doit affronter n'importe quelle compagnie indépendante ou nouvellement créée au Canada. Une chose est claire: les compagnies étrangères apportent des avantages. Tout n'est pas négatif. L'argent ne quitte pas le pays jusqu'au dernier sou. Jusqu'à maintenant, ING Direct n'a pas fait d'argent qu'il ait pu rapatrier. Jusqu'à maintenant, tout est à l'avantage du Canada.

Le sénateur Angus: Vous dites qu'il y a plusieurs années, les grandes banques à charte canadiennes occupaient seulement 60 p. 100 du secteur bancaire de détail. Aujourd'hui, c'est 85 p. 100. Faites-vous allusion au départ des banques de l'annexe B ou de l'annexe II comme la Lloyds?

M. Bedbrook: Il y a eu une rationalisation à la fin des années 80 et au début des années 90.

Le sénateur Angus: Pourquoi sont-elles parties, à votre avis?

M. Bedbrook: C'est en partie à cause d'une mauvaise gestion. Nous avons réagi trop fortement et avons surréglementé. Nous sommes devenus tellement conscients de la sécurité qu'il est difficile pour de nouveaux intervenants de venir s'établir. Si la nationalisation des coopératives de crédit se réalise à la suite de ce projet de loi, ce sera positif pour nous, en tant que concurrents. À l'heure actuelle, le mouvement des coopératives de crédit étant entièrement régional, elles sont minuscules par rapport au marché.

Le sénateur Angus: J'ai parlé tout à l'heur de ce publipostage direct. Savez-vous à quoi je fais allusion? On y trouve un graphique comparatif frappant faisant ressortir un énorme avantage, en pourcentage, par rapport aux banques actuelles. Qu'est-ce que c'est que cela?

M. Bedbrook: Je pense que vous faites allusion à un graphique à colonnes montrant tout l'argent que vous auriez empoché de plus, en intérêts, si vous aviez laissé votre argent à la ING Direct pendant une certaine période de temps, par opposition au même dépôt dans l'une des grandes banques.

Le sénateur Angus: Comment cela s'explique-t-il?

M. Bedbrook: La plus grande partie de l'argent au jour le jour dans les grandes banques rapporte moins de 1 p. 100 d'intérêt. C'est un élément très important de leur politique de dépôt. Cela leur donne une marge supérieure. Elles payent habituellement en quart de pour cent ou de demi pour cent. Nous, nous payons actuellement 4 p. 100 sur chaque dollar déposé chez nous. Il est évident que si vous avez de l'argent qui dort dans une grande banque et qui rapporte moins de 1 p. 100, c'est de l'argent qui ne sert à rien. Certains comptes en banque payent plus d'intérêt si l'on conserve un solde minimum de 5 000 $, par exemple. Avec 4 p. 100, nous offrons un service que vous ne pouvez obtenir nulle part ailleurs.

Nous offrons un avantage que les Canadiens ne pourraient pas obtenir autrement, si nous n'étions pas là. Je soutiens que d'autres entreprises étrangères pourraient en faire autant si elles voyaient des avantages à venir s'établir ici. Il est évident que nous y avons vu des avantages, puisque nous sommes venus. L'oligopole donne des possibilités à de nouveaux arrivants, parce que c'est tellement polarisé et peut-être que l'industrie ne sait pas comment réagir à l'arrivée de nouveaux concurrents. Il y avait là une occasion. Tout n'est pas négatif.

Le sénateur Angus: Au sujet du fardeau réglementaire, je vous suis reconnaissant d'avoir signalé ce point à notre attention. Toutefois, n'est-il pas vrai que même si ce projet de loi est adopté tel quel, il ne sera pas nécessaire de légiférer de nouveau pour modifier le fardeau réglementaire qui vous est imposé? La loi habilitante sera en vigueur et permettra au gouvernement d'alléger ce fardeau, si jamais notre gouvernement décide de le faire, par l'intermédiaire de nos autorités réglementaires? Est-ce que je me trompe?

M. Bedbrook: Il est évident que la réglementation est en grande partie fondée sur les recommandations formulées par les autorités réglementaires elles-mêmes, sur leurs propres travaux et leurs propres idées en la matière. D'autres peuvent avoir l'impression que la réglementation est plus lourde qu'elle ne devrait l'être normalement, mais les gens qui sont chargés de réglementer se considèrent comme les experts en la matière et agissent en conséquence. Il n'y a aucune raison de ne pas nous accorder le multiple maximum dès maintenant, mais il est évident que ces gens-là appliquent une liste de vérification.

Le sénateur Angus: Est-ce pour des raisons de prudence?

M. Bedbrook: Oui. Ils veulent avoir l'assurance que nous sommes engagés à rester présents sur le marché, que notre société mère y est engagée. Ils constatent que les capitaux et la rentabilité sont présents dans le modèle d'entreprise que nous appliquons, par exemple. Il est clair que c'est leur décision.

Le sénateur Angus: Est-ce déraisonnable, à votre avis?

M. Bedbrook: Oui, je crois que c'est déraisonnable. Nous leur avons montré un plan d'affaires. Nous avons scrupuleusement appliqué ce plan. Il est évident que nous avons une société mère qui est très responsable et qui est elle-même assujettie à un régime réglementaire très rigoureux. Notre capacité de payer et de respecter nos engagements n'a rien à voir avec les obstacles que nous devons surmonter. Il est clair que les autorités réglementaires doivent avoir confiance en nous et c'est pourquoi elles disent qu'il leur faut nous traiter comme une entreprise indépendante sans tenir compte de notre société mère.

Le sénateur Angus: J'ai été frappé par la façon dont on a aplani le problème de l'Association des paiements. Celle-ci vous a donné raison au sujet du volume. Elle reconnaît l'anachronisme et a offert de l'éliminer pour vous avoir comme client. Vous avez remarqué une certaine résistance dans la philosophie du ministère des Finances. Pourtant, les gens des Finances semblent vous donner en exemple d'une bonne compagnie qui est venue au Canada pour faire de l'argent. Avez-vous décelé au moins un certain réchauffement de ce côté?

M. Bedbrook: Je pense qu'il y a réchauffement. Plus l'Association apprend à nous connaître et plus nous sommes présents ici depuis longtemps, plus son attitude envers nous se réchauffe. Nous nous sommes présentés ici en novembre 1998. L'atmosphère était alors bien différente. Il y avait de la résistance et du scepticisme. Il est clair que les six grandes banques, puisqu'elles étaient six à l'époque, ne voulaient pas vraiment de nous ici. Le système des paiements était important pour nous. La Banque Royale est notre chambre de compensation. Elle a vu qu'il y avait une occasion d'affaires. Nous faisons des affaires avec elle et tout va bien en ce moment. Avec le BSIF et la SADC, oui, les relations sont de moins en moins tièdes avec le temps, mais nous avons dû nous débattre pendant quatre ans pour mériter nos galons.

Le sénateur Angus: Les arguments que vous présentez dans votre témoignage et dans votre mémoire ont-ils également été présentés au BSIF et à la SADC?

M. Bedbrook: Oui. Ils sont très au courant de ces arguments. Ils savent pertinemment que chaque année, ils recevront de nous à la première occasion des requêtes pour obtenir que nous soyons mis sur le même pied que les grandes banques.

Le sénateur Angus: Peut-être que quand vous serez sur le même pied, vous viendrez nous dire de ne rien changer, que vous ne voudrez pas que d'autres concurrents viennent s'installer. Mais j'ai pris bonne note de vos arguments et je suis très heureux que vous nous les ayez présentés.

M. Bedbrook: Tous les nouveaux intervenants provoquent la croissance du nouveau secteur. Tant et aussi longtemps que vous êtes un meneur dans le nouveau secteur, vous faites de bonnes affaires. C'est notre point de vue en tant que gens d'affaires.

Le sénateur Angus: Je vous souhaite bonne chance.

Le sénateur Kroft: Au sujet de la réglementation, je pense que nous avons tous de façon générale le sentiment que la réglementation est trop lourde. Nous avons vu des statistiques qui montrent, du moins à première vue, que les responsabilités sont très lourdes en matière de réglementation.

Je veux comparer le Canada à d'autres pays du monde sur la question de reconnaître la réglementation à laquelle vous êtes assujettis dans votre pays d'origine. Cela soulève la question des filiales ou des succursales. Comment comparez-vous le régime actuel au Canada, tel qu'envisagé en application de la nouvelle loi, avec ses exigences en matière d'approbation réglementaire, au régime des autres pays? Votre réglementation nationale est-elle plus acceptée ailleurs? Pouvez-vous nous donner des exemples à ce chapitre?

M. Bedbrook: Le Canada n'est pas un cas unique en matière de réglementation. Vous n'ignorez pas qu'en Europe, c'est passablement bureaucratique dans le monde des affaires. Je ne peux pas dire que la Hollande soit le pays le plus souple du monde en matière de réglementation. Elle a certainement des règles qu'il faut respecter. Je pense que vous constateriez qu'au Royaume-Uni, et à coup sûr en Australie et dans certains États des États-Unis, il existe des régimes plus progressistes.

Le problème réside en partie non pas dans les règles elles-mêmes, mais plutôt dans la rapidité avec laquelle on peut s'y confirmer et dans la mesure dans laquelle elles sont explicites. Vous savez précisément ce que vous devez faire pour passer du point A au point B. Ce n'est pas vague. Ici, c'est vague. Nous ne savons pas précisément ce que nous devons faire pour obtenir le multiple de 20, ce qui est généralement le multiple maximum autorisé pour le capital.

C'est en partie la faute des gens qui sont chargés de réglementer. Ont-ils de l'expérience dans le secteur? Connaissent-ils les questions pratiques associées à la direction d'une entreprise?

Je pense que l'on pourrait donner l'exemple des États-Unis, où les gens qui occupent ces postes comprennent généralement cela. En Australie, ils ont adopté une solution que l'on pourrait qualifier de «big bang» et ont tout mis en place. Je pense que c'est également le cas en Nouvelle-Zélande, et le Royaume-Uni est également plus progressiste. Ici, je dirais que la direction est la même, mais que le mouvement est plus lent. J'ignore si cette réponse vous est utile.

Le sénateur Kroft: Vous trouvez que c'est un peu flou. Je me demande si vous pourriez nous donner des exemples d'autres pays. Vous parlez de la mise en application des politiques elles-mêmes, du fait que vous satisfaites aux exigences de votre équivalent du BSIF et vous vous demandez si cela vous permet de surmonter un obstacle que vous avez ici. Y a-t-il des pays où il n'y a pas de tels obstacles, ou bien dites-vous que vous pouvez les surmonter plus facilement?

M. Bedbrook: On peut les surmonter plus facilement. Je pense qu'il serait très inhabituel pour un pays de reconnaître le régime auquel est assujettie la société mère. La plupart des pays essaient de s'en tenir aux règles locales. On dit à une banque: si vous voulez faire des affaires ici, voici comment il vous faut procéder. Si vous voulez être une succursale, c'est différent. Vous êtes alors une simple succursale de la société mère. Il faudrait que je fasse des recherches pour vous donner un exemple précis.

Le sénateur Kroft: Et la Communauté européenne? Est-ce que ces obstacles sont maintenant aplanis si vous avez des activités en France? Le phénomène de la communauté a-t-il facilité la tâche aux entreprises de ces pays qui veulent s'implanter sur le marché des autres pays de la communauté?

M. Bedbrook: Cela devient plus facile, mais c'est un processus très lent. Il n'y a pas eu de révolution instantanée, mais on voit clairement que ces pays s'orientent dans cette direction. Même s'ils ont adopté une devise unique et tout le reste, ING n'est pas très présente dans toute l'Europe. Elle est surtout présente au Bénélux. On pourrait s'attendre à ce qu'il y ait maintenant une interpénétration entre les pays d'Europe. Cela arrive effectivement, mais très lentement.

Le sénateur Taylor: Je veux revenir sur le traitement injuste qui vous est imposé parce que vous devez déposer de l'argent même si vous avez une société mère très riche. Vous dites que vous êtes traité comme un nouvel arrivant sur le marché.

Je sais qu'il faut peut-être traiter assez durement les nouvelles banques, parce que j'ai été mêlé à l'affaire de la Banque Commerciale du Canada et j'étais malheureusement du mauvais côté quand elle a fait faillite et je pense donc qu'il faut quand même exercer une certaine surveillance.

Dans votre cas, vous dites avoir une bonne société mère, mais je ne comprends pas vraiment. Essayez-vous de vous entendre avec le gouvernement fédéral parce que vous avez une bonne société mère? Est-ce que la société en question a signé une garantie inconditionnelle relativement à vos activités? Autrement dit, il y a une différence quand Petit Jean s'en va s'acheter une voiture avec dans sa poche un petit papier signé par son papa; ce n'est pas la même chose si Petit Jean se présente chez le concessionnaire sans aucune garantie de papa.

Autrement dit, avez-vous essayé d'obtenir d'être traité également en ayant la garantie de papa?

M. Bedbrook: Il est certain que nous avons une lettre de confort de notre société mère.

Le sénateur Taylor: Une lettre de confort d'une banque n'a rien de très réconfortant.

M. Bedbrook: Tout dépend de l'interprétation qu'en donne un avocat quant à la solidité de l'engagement et au caractère explicite de la garantie. C'est en tout cas mieux que rien et une puissante organisation comme ING a tout de même des antécédents solides. Vous pouvez examiner l'historique de cette organisation. Nous voulons nous reposer à la fois là-dessus et sur notre réussite ici. Il est clair que c'est une question de prudence et de notre capacité de respecter nos engagements. Tout est là. Il n'y a aucun doute qu'ING est une compagnie qui remplirait ses obligations ici, dans un pays comme le Canada. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Le sénateur Taylor: Est-ce par écrit? Voilà ce que j'essaie de savoir.

Le président: Puis-je vous interrompre? Il est évident que ce n'est pas par écrit, sénateur Taylor. Je pense que ce que vous essayez de dire, c'est qu'à cause de sa taille et de sa stature, une banque comme ING ne pourrait absolument pas se dérober à ses obligations, parce que cela ruinerait sa réputation dans le reste du monde.

M. Bedbrook: C'est exact. Les répercussions seraient négatives. Toutefois, il y a une lettre en place, mais quant à savoir si elle offre la garantie étanche que vous recherchez, sénateur Taylor, c'est une question d'interprétation.

Le sénateur Tkachuk: Vous êtes doublement frappés par les impôts sur le capital. Premièrement, vous devez avoir un multiple inférieur, soit 15 au lieu de 20 pour les banques, et ensuite vous devez payer de l'impôt sur le capital que vous devez avoir. Quel pourcentage payez-vous en impôt sur le capital?

M. Bedbrook: Le pourcentage est actuellement d'environ 14 p. 100 de notre coût de fonctionnement total, à l'exclusion du marketing.

Le sénateur Tkachuk: Dites-moi c'est combien. Combien d'argent?

M. Bedbrook: C'est actuellement autour de six millions et demi, sept millions, huit millions par année.

Le sénateur Tkachuk: Vous payez ce montant uniquement parce que c'est là.

M. Bedbrook: Uniquement parce que c'est là, en effet.

Le sénateur Tkachuk: Vous dites que cela n'existe pas dans beaucoup d'autres pays de l'OCDE. Savez-vous s'il y a un impôt sur le capital en Hollande?

M. Bedbrook: Pas en Hollande. Je ne connais pas la situation dans tous les pays de l'OCDE, mais je suppose que cela existe peut-être quelque part ailleurs. La plupart des pays n'en ont pas. Je pense pouvoir affirmer cela sans me tromper.

Le président: Pour récapituler, à la page 6, vous parlez des services financiers canadiens. Si j'ai bien lu votre déclaration, vous croyez que la tribune conjointe devrait être autorisée à faire des recommandations.

M. Bedbrook: C'est exact. Il y a actuellement un ombudsman bancaire. S'il doit y en avoir un pour le secteur des services financiers tout entier, il ne devrait y en avoir qu'un seul.

Le président: La plupart des lois semblent un peu floues.

M. Bedbrook: C'est vrai.

Le président: Il y a un groupe au travail, à ce qu'on me dit. Je pense qu'il s'est réuni seulement une fois, mais il existe un groupe qui s'efforce d'en arriver à des solutions. Je pense que vous laissez entendre - certains d'entre nous sont probablement d'accord avec vous, quoique je puisse seulement parler en mon propre nom - que ce groupe devrait être autorisé à formuler des recommandations.

M. Bedbrook: Oui.

Le président: Avant que le gouvernement fasse quoi que ce soit?

M. Bedbrook: Autrement, on pourrait se retrouver dans une situation qui ne sera pas claire, parce qu'il y aura ce nouvel ombudsman et aussi l'ombudsman bancaire existant. La situation ne sera pas claire.

Le président: Je vous remercie beaucoup de nous avoir consacré de votre temps.

Le dernier témoin, Maria Neil, représente le Conseil national des femmes du Canada. Veuillez faire votre déclaration d'ouverture.

Mme Maria Neil, responsable des questions économiques, Conseil national des femmes du Canada: Dans la mesure où le Conseil national des femmes du Canada est composé de consommatrices, je représente une autre voix qui vient troubler ce marathon d'amour dont vous avez parlé tout à l'heure. Nous sommes heureuses de vous faire part de nos observations sur le projet de loi C-8.

Nous avons été fondés en 1893. Le Conseil national des femmes du Canada est une organisation à but non lucratif formée de femmes qui représentent un grand nombre de citoyennes, et ce groupe est très diversifié du point de vue de la profession, de la langue, de l'origine et de la culture et représente donc un bon échantillon de l'opinion publique. Il est actuellement composé de 20 conseils locaux, de cinq conseils provinciaux, de deux groupes d'étude et de 27 sociétés organisées à l'échelle nationale.

La politique du conseil national est établie sur l'initiative des conseils locaux. Des ajouts et des changements à nos politiques sont proposés, distribués et soumis au vote de l'ensemble des membres. Les membres du conseil exposent publiquement seulement des politiques qui sont établies de cette manière. C'est ainsi qu'en formulant nos observations, nous parlons d'une seule voix au nom de tous les membres du Conseil national des femmes du Canada. Nous avons le statut de conseil consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations Unies. Le conseil national est membre du Conseil international des femmes, qui a été fondé en 1888.

Nous avons rédigé ce mémoire du point de vue des consommateurs. Nous ne prétendons pas être des expertes dans le domaine des banques ni même dans le domaine économique. De par sa constitution, le Conseil national des femmes est voué à l'amélioration de la condition des femmes et de leur famille et à l'amélioration générale de la situation sociétale. Nous croyons qu'un secteur bancaire et financier solide et crédible est essentiel à la prospérité du Canada et nous sommes en faveur d'une forte présence du gouvernement fédéral dans le domaine financier. Le conseil national appuie une répartition équitable des ressources financières.

Nos observations font suite à celles que nous avons présentées en octobre 1997 au groupe de travail sur l'avenir des services financiers canadiens et en octobre 1998 au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui étudiait le rapport du groupe de travail. Au sujet des propositions formulées dans le projet de loi C-8, nous réitérons bon nombre des observations que nous avons présentées devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-38, durant la 36e Législature. Nous signalons que l'on ne connaîtra pas les détails tant que le projet de loi n'aura pas été adopté et mis en vigueur et que le règlement n'aura pas été rédigé.

Le Conseil des femmes demande depuis longtemps la divulgation des profits et pertes des institutions financières pour savoir quel est le coût assumé par les banques et comment celles-ci calculent leurs frais. Par exemple, nous voudrions obtenir une analyse démographique, quartier par quartier, des demandes de prêt et de leur traitement, ainsi que du taux de défaut de paiement parmi les grands emprunteurs, étant donné que les petites entreprises, surtout celles dirigées par des femmes, trouvent tellement difficile d'obtenir des prêts.

Une loi sur le réinvestissement dans la collectivité, semblable à celle qui existe aux États-Unis, obligerait les banques à rendre des comptes en forçant la divulgation de ces renseignements. Nous signalons que l'on n'a pas donné suite à la recommandation du groupe de travail visant la création d'une telle loi. Dans le projet de loi C-8, nous avons seulement l'exigence de faire rapport au niveau national, c'est-à-dire que toute banque ayant des capitaux propres d'un milliard de dollars ou plus doit publier annuellement un énoncé décrivant la contribution de la banque et de ses filiales à l'économie et à la société canadiennes.

Nos membres reconnaissent que les institutions financières sont de propriété privée et que leurs actionnaires s'attendent à faire un profit. Pour être légitimes aux yeux du public, ces institutions doivent appliquer des pratiques conformes à l'éthique, être financièrement viables et se comporter en bons citoyens. Elles doivent gagner la confiance du public et la conserver pour garder leur clientèle et elles doivent contribuer au bien-être de la collectivité. Elles peuvent y parvenir en offrant des services bancaires accessibles et abordables et en consacrant du temps et des ressources à des projets dans leur collectivité locale. En investissant dans la collectivité, les institutions financières peuvent contribuer à une croissance plus équitable, aidant ainsi à réduire l'écart entre les riches et les pauvres.

Le Conseil national des femmes appuie le principe voulant que les prêts soient accordés en respectant des critères de rentabilité. Néanmoins, nous avons préconisé une politique équitable en matière de prêt qui soit à l'avantage des petits emprunteurs, notamment par la pratique du micro-crédit, et aussi à l'avantage des Canadiens à faible revenu, des femmes, des projets conçus pour avantager les collectivités locales et des gens qui ont des idées novatrices en matière de technologie.

Par conséquent, nous félicitons le ministre d'avoir proposé qu'aucun dépôt ou solde minimum ne soit exigé dans un compte en banque, qu'une personne puisse demander d'ouvrir un compte de dépôt de détail entraînant des frais minimes, et qu'une personne ne soit pas tenue d'être cliente d'une banque pour encaisser un chèque. Nous félicitons le ministre d'avoir prévu une protection contre les ventes liées coercitives et d'avoir exigé qu'une banque qui a l'intention de fermer une succursale en donne préavis et organise une réunion des personnes intéressées dans la localité. Nous signalons par contre que, dans certaines circonstances, ce préavis n'est absolument pas exigé, et nous en sommes mécontentes. De plus, le projet de loi C-8 ne renferme aucune exigence pour ce qui est de fournir de l'information sur les profits et pertes.

Le Conseil national des femmes félicite le ministre d'avoir proposé la création du poste et du bureau du commissaire. Dans l'intérêt de la politique nationale, il s'impose depuis longtemps de créer un organisme du gouvernement fédéral indépendant des institutions financières pour contrôler le respect de la réglementation par les institutions financières. Nous sommes donc heureuses d'accueillir les recommandations exigeant que le commissaire favorise la conscientisation du public aux obligations des institutions financières. Nous sommes également heureuses des recommandations visant une procédure de traitement des griefs contre une banque, voulant qu'une banque soit tenue de fournir des renseignements sur la façon de communiquer avec l'agence à toute personne qui a une plainte à formuler.

Nous approuvons la disposition portant que le commissaire rédigera un rapport sur le nombre et la nature des plaintes qui ont été reçues. Nous sommes heureuses de constater que le commissaire devra vérifier que les banques se conforment à leurs obligations en la matière, comme le prévoit la disposition suivante:

Afin de s'assurer que la société se conforme aux dispositions visant les consommateurs applicables, le commissaire, à l'occasion, mais au moins une fois par an, procède ou fait procéder à un examen et à une enquête dont il fait rapport au ministre.

Sur ce dernier point, nous recommandons fortement que ces rapports soient rendus publics et ne soient pas seulement remis au ministre.

Nous recommandons que des codes de conduite soient intégrés au projet de loi C-8. Il est proposé dans le projet de loi que l'agence contrôle la mise en oeuvre de codes de conduite adoptés volontairement par les institutions financières. Nous mettons en doute l'efficacité de codes volontaires pour protéger les intérêts des consommateurs.

Nous recommandons de préciser davantage et d'augmenter les amendes recommandées en cas de violation. Il nous apparaît que les amendes sont démesurément petites. Le projet de loi stipule: «La pénalité maximale pour une violation est de 50 000 $ si l'auteur est une personne physique, et de 100 000 $ si l'auteur est une institution financière.»

Le Conseil national des femmes recommande fortement la création par le gouvernement d'une organisation financée et dirigée par les consommateurs dans le domaine financier. Il n'est nullement fait mention dans le projet de loi C-8 de cette mesure importante qui était pourtant recommandée par le groupe de travail sur l'avenir du secteur canadien des services financiers, par votre propre Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et par le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Ce sont là des recommandations très fermes, messieurs.

La création d'une telle organisation, dont l'existence serait annoncée périodiquement par une feuille volante insérée dans les envois postaux des banques à leurs clients, donnerait aux consommateurs une voix indépendante du gouvernement pour la défense des intérêts du public.

Le conseil national recommande que la nouvelle loi définisse plus précisément l'expression «juste rendement». Compte tenu des gigantesques profits actuellement réalisés par les banques, qui ne font que diminuer davantage la confiance du public envers les banques, nous sommes préoccupées par le caractère vague du libellé suivant:

La banque est tenue de se conformer aux principes, normes et procédures que son conseil d'administration a le devoir d'établir sur le modèle de ceux qu'une personne prudente mettrait en oeuvre dans la gestion d'un portefeuille de placements et de prêts afin, d'une part, d'éviter des risques de perte indus et, d'autre part, d'assurer un juste rendement.

Nous voudrions que l'on définisse davantage ce «juste rendement».

Nous recommandons que les institutions financières soient tenues d'avoir des représentants des consommateurs à leur conseil d'administration. Les membres du Conseil national des femmes croient fermement qu'il est nécessaire d'obliger les institutions financières à rendre des comptes. Dans nos présentations antérieures, nous avons proposé que des consommateurs siègent au conseil d'administration des diverses institutions financières.

Nous recommandons que les institutions financières soient tenues de faire rapport des résultats d'une analyse sexospécifique des conséquences des politiques et stratégies de leurs services des ressources humaines. L'égalité des sexes est de première importance pour nos membres. Nous demeurons préoccupées par la sous-représentation des femmes parmi les cadres des institutions financières.

Nous recommandons que le gouvernement n'autorise aucune nouvelle fusion entre de grandes banques. Les membres du Conseil national des femmes s'inquiètent de la disposition sur les relations entre les banques canadiennes et étrangères et l'Organisation mondiale du commerce. Dans nos mémoires précédents, nous avons demandé un contrôle canadien plus serré de toutes les institutions financières et nous avons suggéré de renforcer la protection des Canadiens relativement aux transactions ou à la concurrence avec les banques étrangères. Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris des mesures additionnelles quant aux exigences sur la divulgation de l'information, en particulier par les banques étrangères qui ont des activités au Canada.

Par contre, nous trouvons que la réglementation sur les fusions de banques ne va toujours pas assez loin. Le ministre se réserve personnellement le pouvoir discrétionnaire d'accepter ou de refuser toute fusion proposée. De plus, nous signalons que nous avons trouvé de nombreux cas où le gouverneur en conseil a le droit de créer des exemptions. En bref, il subsiste une marge de manoeuvre considérable pour les entités financières qui voudraient faire l'acquisition d'institutions semblables, ou se faire absorber ou fusionner. Le public canadien a clairement indiqué qu'il répugne à de telles fusions ou acquisitions, connaissant les dangers qu'entraîneraient des difficultés financières qui ébranleraient des banques aussi imposantes. Comme le groupe de travail l'a signalé, le Canada possède déjà un secteur bancaire très concentré où les cinq principales banques possèdent 81 p. 100 des actifs. En l'an 2000, ce chiffre était de 75 p. 100 aux Pays-Bas, de 40 p. 100 au Royaume-Uni et de 19 p. 100 aux États-Unis.

Nous recommandons que le gouvernement maintienne la ligne de démarcation entre les banques et les compagnies qui vendent des valeurs mobilières et de l'assurance. Le Conseil national des femmes regrette que l'on ait assoupli durant les années 80 les règles visant à assurer la séparation entre les secteurs bancaires, du crédit-bail, des valeurs mobilières et de l'assurance. Nous constatons que l'on continue de permettre un léger flou des lignes de démarcation entre ces secteurs.

Nous recommandons que le gouvernement conserve la règle stipulant que nul ne peut posséder plus de 10 p. 100 de toute catégorie d'actions ou exercer un droit de vote à cet égard. Le conseil était d'accord avec le groupe de travail sur l'importance de conserver la règle voulant que nul ne puisse posséder plus de 10 p. 100 de toute catégorie d'actions dans une banque. Nous constatons pourtant que l'on propose dans le projet de loi C-8 de relever ce pourcentage à 20 pour l'exercice du droit de vote:

Lors d'une assemblée des actionnaires d'une banque dont les capitaux propres sont égaux ou supérieurs à cinq milliards de dollars, il est interdit à toute personne, ou à toute entité qu'elle contrôle, d'exprimer au total, sur une question particulière, dans le cadre d'un vote des actionnaires ou des détenteurs de catégories ou séries d'actions, un nombre de voix supérieur à 20 p. 100 des voix possibles sur la question.

C'est beaucoup trop élevé.

Nous recommandons que l'on définisse plus clairement les expressions «intérêt substantiel dans une catégorie d'actions» et «actionnaires importants». Ces expressions se retrouvent dans plusieurs articles du projet de loi C-8.

Nous constatons avec regret qu'aucune mesure n'a été prise pour contrer les taux d'intérêt excessifs des cartes de crédit. De plus, les caissiers des banques pourront encore rejeter arbitrairement la demande de certaines personnes désireuses d'ouvrir un compte.

Le président: Je vous remercie beaucoup de nous avoir consacré de votre temps. Je vous souhaite tout le succès voulu dans vos entreprises.

Le sénateur Taylor: Vous demandez que l'on publie des statistiques. Vous n'aimez pas l'idée d'une donnée générale sur le taux de défaut des prêts parce que c'est publié à l'échelle nationale. Vous voulez que ce soit circonscrit à des régions plus petites. Je me demande si vous pourriez être plus précise. Vous parlez d'une province ou de la moitié d'une province? Et si l'on publiait les données par province?

Mme Neil: Pour chaque banque locale, sénateur. Il n'y a aucune raison qui empêche les banques locales de publier leurs résultats démographiques, la population qu'elles servent ainsi que les prêts qu'elles ont accordés ou refusés et les motifs de leurs décisions.

Le sénateur Taylor: Vous voulez dire que dans une ville comme Edmonton ou Toronto, où il peut y avoir des dizaines de banques, chaque banque serait tenue de publier ces renseignements.

Mme Neil: Ces données existent déjà sur ordinateur. On peut les imprimer et les afficher dans les banques ou les rendre disponibles par courrier ou courriel. Cela ne devrait poser aucune difficulté.

Le sénateur Taylor: C'est une idée intéressante. J'ai travaillé pendant quelques années aux États-Unis dans une petite banque locale. Certaines banques là-bas sont assez petites pour pouvoir publier des données permettant de savoir ce qui se passe dans une région précise. Vous pouvez donc dire si l'argent est siphonné d'une région pour être investi dans une autre région. Je suppose que c'est ce que vous recherchez. Je voulais simplement le savoir.

Le président: Je ne comprends pas la réponse. Comment pouvez-vous dire qu'il y a des dizaines de banques à Edmonton? Voulez-vous dire que chaque succursale publierait ces données individuellement?

Mme Neil: Certainement.

Le président: Je vous remercie de votre temps. Votre intervention a été intéressante.

La séance est levée.


Haut de page