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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 47 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 12 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 heures pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous sommes ici pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international, que l'on peut traduire librement par le terme Enronite.

M. David Smith, FCA, président-directeur général, Institut canadien des comptables agréés: Monsieur le président, honorables membres du Sénat, au nom des comptables agréés du Canada, je vous remercie vivement de nous avoir invités à vous rencontrer aujourd'hui. Je suis accompagné de MM. Gérard Caron, président-directeur général pour le Québec, et de Brian Hunt, président-directeur général pour l'Ontario.

L'Institut canadien des comptables agréés regroupe 68 000 comptables agréés. Nos membres exercent l'expertise comptable dans de grands et de petits cabinets ou, individuellement, dans l'industrie, dans la fonction publique ou dans l'enseignement. Ils occupent diverses fonctions: vérificateurs, directeurs financiers, conseillers fiscaux et conseillers en gestion. Nous sommes heureux de pouvoir être utiles au comité dans le cadre de son examen de la situation actuelle du régime financier canadien et international après l'affaire Enron.

Cette affaire a soulevé des questions fondamentales et montre de façon frappante ce qui peut se produire lorsque la gouvernance fait défaut. Elle a également amené à se poser des questions importantes sur la fiabilité de l'information financière, l'indépendance des vérificateurs, le rôle des autorités de réglementation, la gestion des entreprises, les conseils d'administration, les conflits d'intérêts, la fraude et l'éthique dans le domaine des affaires. Je crois que tous ces éléments ont contribué à amener la déconfiture d'Enron et l'augmentation de l'anxiété des investisseurs qui en a résulté.

La diminution de la confiance des investisseurs est un problème majeur pour ceux qui participent à la gouvernance des entreprises, y compris les membres de la profession de CA. Les comptables agréés jouent un rôle crucial dans le maintien de la confiance des investisseurs et de la réputation des marchés financiers.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités de réglementation fédérales et provinciales, les cabinets de comptables agréés et d'autres intervenants, pour renforcer le système d'information financière. Nous suivons en outre de près notre processus disciplinaire, le système d'inspection et les règles de déontologie de notre profession.

D'autres initiatives liées aux normes comptables, à l'indépendance des vérificateurs, à la surveillance de la vérification et à la discipline ont déjà été annoncées ou sont en voie de l'être. Nous ferons, d'ici la fin-juin, une annonce concernant la surveillance indépendante du processus de normalisation en vérification et certification. Nous ferons également, d'ici le milieu de l'été, une annonce sur l'amélioration des processus de surveillance et de contrôle de la qualité des cabinets qui vérifient les comptes des sociétés ouvertes.

Même si l'affaire Enron s'est produite dans un autre marché, elle donne à tous les intervenants clés au Canada l'occasion de collaborer et d'apporter des changements, avec un certain sentiment d'urgence. Lorsque nous aurons terminé, je suis persuadé que nous aurons une approche canadienne efficace.

Je vous décrirai d'abord brièvement comment les normes de comptabilité, de vérification et de certification sont établies au Canada et comment nous harmonisons et faisons respecter les normes de pratique. Je mettrai ensuite en lumière certains principes qui contribuent à la bonne gouvernance des entreprises. Je décrirai enfin les mesures que la profession de CA prend pour répondre aux inquiétudes suscitées par l'affaire Enron.

Pendant mon exposé, je vous parlerai de trois types de normes: les normes comptables, les normes de vérification et de certification et les normes de pratique.

Les normes comptables régissent la comptabilité générale et l'information financière. Elles sont la source première des principes comptables généralement reconnus, les PCGR. La Loi canadienne sur les sociétés par actions ainsi que la plupart des lois provinciales sur les sociétés et les valeurs mobilières exigent des sociétés qu'elles appliquent les PCGR dans la préparation de leurs états financiers destinés aux actionnaires.

Au Canada, les normes comptables sont établies par le Conseil des normes comptables. La surveillance, par le public, du Conseil des normes comptables est assurée par le Conseil de surveillance de la normalisation comptable. Les présidents de ces deux conseils se présenteront devant vous plus tard dans la journée.

Les normes de certification généralement reconnues, ou NCGR, régissent la conduite des vérifications indépendantes. Au Canada, ces normes sont établies par le Conseil des normes de certification.

Les normes de pratique constituent le troisième type de normes. Au Canada, la profession de comptable agréé a harmonisé à l'échelle nationale les règles de déontologie que les divers instituts provinciaux de comptables agréés adoptent et font respecter. La profession a également un programme d'inspection professionnelle obligatoire conçu, élaboré et appliqué par les ordres provinciaux. Dans chaque ordre provincial, un processus est en place pour faire enquête sur toutes les plaintes reçues au sujet des membres de l'ordre pouvant dénoter des manquements professionnels. Dans les cas où il est déterminé qu'un manquement professionnel a effectivement eu lieu, les sanctions peuvent aller de la réprimande à l'expulsion de la profession avec perte du droit d'exercer la profession, en passant par l'imposition de stages de perfectionnement, l'imposition d'amendes et la suspension temporaire. D'autres sanctions peuvent être imposées par l'intermédiaire du système judiciaire. Ce n'est qu'un très bref aperçu.

Avant de parler des initiatives de notre profession, j'aimerais vous faire part de ma pensée au sujet de la gouvernance d'entreprise et des principes sous-jacents. La gouvernance d'entreprise n'est pas juste un ensemble de précautions réglementaires ou structurelles. C'est avant tout une culture, une culture assurant une compréhension commune des rôles de la direction et du conseil d'administration. Une culture de dialogue et de communication ouverte et continue dans laquelle le conseil d'administration exerce un leadership fort. En fin de compte, la gouvernance d'entreprise est une question de personnes, de personnes qui font ce qu'il convient de faire, et non pas simplement ce que les règles leur disent de faire.

Cette philosophie de la gouvernance d'entreprise repose sur cinq principes qui ont été formulés dans un rapport récent de The Business Roundtable, un groupe américain.

Premier principe: la fonction première du conseil d'administration est de choisir le directeur général et de surveiller ce dernier et les autres cadres supérieurs pour s'assurer qu'ils gèrent l'entreprise de façon compétente et éthique.

Deuxième principe: la direction a la responsabilité de gérer l'entreprise de façon efficace et éthique en vue de créer de la valeur pour les actionnaires. Les intérêts de la direction ne devraient jamais avoir préséance sur les intérêts de l'entreprise ou être en conflit avec ces intérêts.

Troisième principe: la direction a la responsabilité, sous la surveillance du conseil d'administration et du comité de vérification de ce dernier, de produire des états financiers donnant une image fidèle de la situation financière de l'entreprise. Il incombe également à la direction de fournir en temps opportun les informations dont les investisseurs ont besoin pour évaluer la santé financière et commerciale de l'entreprise et les risques qu'elle court.

Quatrième principe: le conseil d'administration et son comité de vérification ont la responsabilité de retenir les services d'un cabinet comptable indépendant pour vérifier les états financiers préparés par la direction selon les PCGR.

Cinquième principe: le cabinet comptable indépendant a la responsabilité de s'assurer qu'il est effectivement indépendant et qu'il n'est pas en conflit d'intérêts. Il doit s'assurer qu'il emploie du personnel hautement compétent et qu'il effectue son travail conformément aux PCGR.

Le vérificateur a également la responsabilité d'informer le conseil, par l'intermédiaire du comité de vérification, de tout inquiétude qu'il pourrait avoir au sujet de la qualité ou du caractère approprié de traitements comptables significatifs ou d'opérations importantes ayant une incidence sur la présentation d'une image fidèle de la situation financière. Cela, le vérificateur doit le faire de façon claire et sans délai, même si la direction a déjà discuté des questions en cause avec le conseil ou le comité de vérification.

Avant d'en finir avec le sujet de la gouvernance, j'aimerais préciser que nous appuyons un grand nombre de recommandations du rapport du Comité mixte sur la gouvernance d'entreprise mis sur pied il y a deux ans par la Bourse de Toronto et l'ICCA. En particulier, nous sommes en faveur de la recommandation de scinder les fonctions de directeur général et de président du conseil. Nous sommes également pour un comité de vérification pleinement indépendant de la direction. De la même façon, nous approuvons la recommandation que le comité de vérification procède annuellement à une évaluation des vérifications externes faite par The Business Roundtable.

Passons maintenant à certaines initiatives de la profession de CA. Nous examinons nos normes d'information financière, parce que nous sommes conscients de l'incidence de l'affaire Enron sur la normalisation canadienne. Nous examinons nos normes d'information financière et avons entrepris d'éliminer les faiblesses mises à jour par cette affaire pour que notre système soit le plus efficace possible.

Les décisions prises par nos normalisateurs touchent des milliers d'entreprises et tous ceux qui y investissent. Nous voulons être sûrs que les états financiers reflètent fidèlement l'état de santé des entreprises et nous voulons rendre l'information financière plus compréhensible et plus transparente.

Notre processus de normalisation comptable comporte déjà un fort élément de surveillance publique, et nous avons pris des mesures pour renforcer ce dernier. Il y a deux ans, l'ICCA a créé un groupe indépendant appelé le Conseil de surveillance de la normalisation comptable (CSNC). Comme je l'ai mentionné précédemment, le Conseil des normes comptables est placé sous la surveillance du CSNC. Le CSNC est indépendant. Il est présidé par l'avocat Tom Allen. Son vice-président est le sénateur Michael Kirby. Il est composé de 20 autres membres. Il rend des comptes au public et celui-ci peut assister à ses réunions et lui faire part de ses préoccupations. Il publie un rapport au moins une fois par année.

Le CSNC a élaboré un plan d'action pour traiter des questions de comptabilité et de présentation de l'information financière soulevées par la déconfiture d'Enron et pour déterminer les actions que le Conseil des normes comptables devrait prendre. Ce plan a fait l'objet de discussions lors d'une réunion publique tenue au début de mai.

Un domaine clé à l'étude est le traitement des entités ad hoc. Enron est un exemple patent de l'abus que l'on peut faire de ces structures qui ne paraissent pas au bilan. Le Conseil des normes comptables étudie les moyens d'éliminer tout abus potentiel. Il revoit également les normes régissant les cautionnements et la comptabilité de couverture.

Même si le régime de surveillance publique du processus de normalisation au Canada est bon, nous croyons qu'il peut être amélioré. Le régime de surveillance publique du conseil responsable de l'établissement des normes comptables existe depuis deux ans. Nous croyons que le moment est venu d'établir un régime similaire pour le conseil qui produit les normes de vérification et de certification. Nous sommes en train de mettre sur pied un organisme de surveillance au sujet duquel nous ferons une annonce détaillée d'ici la fin de juin.

La communication de l'information financière n'est pas uniquement une question d'états financiers et de normes comptables. Un autre élément clé est le rapport de gestion. Un bon rapport de gestion fournit le contexte général qui aide les investisseurs à comprendre pleinement l'entreprise, ses résultats et ses perspectives d'avenir. De plus, nous croyons que l'amélioration de l'information fournie dans les rapports de gestion diminue le coût du capital, améliore les décisions concernant la répartition des ressources et renforce la gouvernance d'entreprise. Un bon rapport de gestion fournit le contexte supplémentaire qui permet de situer et d'approuver les états financiers établis selon les PCGR. Il peut également aider les membres du conseil d'administration à comprendre le fonctionnement de l'entreprise et à évaluer le caractère approprié des stratégies de la direction et de l'évaluation que cette dernière fait des risques.

Nous travaillons à améliorer le contenu des rapports de gestion. En décembre dernier, nous avons publié un projet de directives sur la préparation de ces rapports. Le genre de rapport de gestion que nous prônons aiderait les investisseurs et serait une source d'information précieuse pour les conseils d'administration et les comités de vérification. La période de consultation sur les directives proposées s'est terminée récemment et nous examinons actuellement les commentaires qui nous ont été transmis.

J'appuie en outre les efforts entrepris par les autorités en valeurs mobilières pour restreindre l'utilisation de l'information comptable non normée («pro forma accounting»). Comme vous le savez, certaines entreprises font part de leurs résultats financiers au moyen de communiqués de presse dans lesquels elles publient des chiffres non définis selon les normes. Ces chiffres diffèrent souvent sensiblement des résultats établis selon les PCGR et, n'étant pas normés, ils manquent de comparabilité.

Malgré ce que certains peuvent dire, nous croyons que les PCGR sont le meilleur cadre qui existe actuellement pour l'information financière. Les PCGR sont essentiels au fonctionnement efficace des marchés financiers. Ils assurent l'uniformité des pratiques, donc la comparabilité des résultats financiers, et font en sorte que les investisseurs obtiennent une image complète. Il est tout simplement illusoire de vouloir renforcer le système de présentation de l'information financière en se passant des PCGR.

Un autre point clé soulevé par l'affaire Enron est celui de l'indépendance des vérificateurs et, là encore, la profession a pris des mesures. La question qui se pose est de savoir si la vente de services de consultation à des sociétés ouvertes dont on est le vérificateur peut donner à ces sociétés la capacité de faire pression sur leur vérificateur. Il existe un fort consensus à l'effet que les vérificateurs ne devraient pas fournir certains services de consultation aux sociétés ouvertes qui sont leurs clientes, notamment les services comportant une participation importante à la conception des systèmes informatiques et à la vérification interne. Au Canada, les grands cabinets de CA entreprennent de se départir ou se sont déjà départis de leurs activités de consultation.

L'ICCA avait déjà entrepris d'élaborer des mesures pour renforcer l'indépendance des vérificateurs avant même l'affaire Enron. Une initiative importante déjà annoncée est une nouvelle norme de certification exigeant des vérificateurs qu'ils communiquent avec les comités de vérification au sujet des questions liées à l'indépendance et qu'ils fassent connaître leur niveau de facturation pour des services autres que la vérification. Cette nouvelle norme qui s'applique tant aux sociétés fermées qu'aux sociétés ouvertes a pour effet d'aligner le Canada sur la norme américaine et sur la norme internationale.

Notre Comité sur l'intérêt public et l'intégrité élabore actuellement des règles de déontologie abordant directement la question de l'indépendance du vérificateur. Selon les normes proposées, certains types d'activités, dont les services de consultation incompatibles avec la vérification, seraient prohibées. L'intention est de maintenir pleinement l'indépendance et l'objectivité des vérificateurs. Ce projet de règles sera diffusé pour permettre au public de faire des commentaires plus tard cet été. Une fois le texte approuvé, on s'attend à ce qu'il soit rapidement ratifié dans l'ensemble du pays.

J'aimerais inviter mon collègue, Gérard Caron, à vous parler de contrôle de la qualité, de surveillance et de discipline.

[Français]

M. Gérard Caron, FCA, président directeur-général et secrétaire général, Ordres des comptables agréés du Québec, Institut canadien des comptables agréés: Monsieur le président, j'apprécie grandement l'occasion qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui. Au Canada, les ordres provinciaux ont un système de contrôle de la qualité, de surveillance et de discipline qui est considéré par beaucoup comme supérieur au processus d'examen par les pairs en vigueur aux États- Unis jusqu'ici.

Puisque c'est ma responsabilité première, parlons un peu de ce qui se passe au Québec en matière de protection de l'intérêt du public. Au Québec, c'est la loi qui définit nos façons de faire en matière d'inspection et de discipline des membres. Cette loi fixe les encadrements, la reddition de comptes publics et a confié à un organisme gouvernemental, l'Office des professions, la supervision des ordres professionnels.

En matière d'inspection, sur un cycle de quatre ans, tous les membres en pratique sont inspectés et doivent démontrer, dans les faits, leurs compétences. Dans ce but, un examen des systèmes de contrôle de qualité est fait et des dossiers de vérification sont révisés. En cas de résultat négatif, le membre pourrait être interdit de pratique, devoir suivre un stage de perfectionnement et fera nécessairement l'objet d'un contrôle subséquent.

En matière de discipline, la loi a institué un tribunal administratif qu'on appelle «comité de discipline». Le président de ce comité est un avocat d'au moins une dizaine d'années d'expérience et nommé par le gouvernement. Le cheminement et les délais de traitement des plaintes du public sont fixés par cette loi qui a également prévu un mécanisme d'appel. Selon la gravité du cas, les sanctions vont de la réprimande à la radiation du membre, en passant par des amendes et des suspensions temporaires.

En matière d'enquête sur les cas d'inconduite professionnelle, certaines provinces ont maintenant en place des processus permettant de procéder aux enquêtes et aux auditions sans devoir attendre la fin des procédures engagées devant les tribunaux ou par les autorités de réglementation. C'est le cas, entre autres, en Ontario et au Québec.

De plus, les ordres de trois province: l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et l'Alberta, peuvent maintenant exercer leur pouvoir disciplinaire sur les cabinets et non sur les membres individuellement. D'autres ordre provinciaux ont entrepris d'obtenir les mêmes prérogatives.

Même si le système est fort, nous croyons qu'il peut être amélioré, particulièrement dans le cas des cabinets de comptables agréés qui assurent la vérification de sociétés ouvertes ou cotées en bourse.

Nous travaillons actuellement à des propositions précises dont nous prévoyons annoncer les détails vers le milieu de l'été. Je ne peux pas vous donner la primeur de cette annonce à ce moment-ci, mais je peux vous dire que le système renforcé que nous préparons est basé sur une surveillance publique et indépendante, une inspection professionnelle plus poussée et des mécanismes encore plus rigoureux de contrôle de la qualité. Ce système concrétisera la volonté de notre profession d'améliorer la qualité de la vérification des sociétés ouvertes et de rehausser la confiance du public envers le processus de vérification.

J'aimerais inviter mon collègue M. Brian Hunt à vous parler de certains changements apportés récemment au système disciplinaire en Ontario.

[Traduction]

M. Brian Hunt, FCA, président-directeur général, Institut des comptables agréés de l'Ontario: Le 23 mai, l'Institut des comptables agréés de l'Ontario a annoncé des réformes qui élargissent de façon substantielle la portée des règles de déontologie existantes de l'ICAO. Ces réformes mettent particulièrement en lumière la position de l'ICAO, selon laquelle on attend des comptables agréés, dans l'exercice de leurs responsabilités professionnelles, qu'ils s'abstiennent de s'appuyer sur une interprétation limite des PCGR et qu'ils déconseillent ce genre de pratique. Ces nouvelles règles s'appliqueront non seulement aux CA qui procèdent à la vérification des sociétés, mais à tout membre de la profession faisant partie d'une équipe de direction, d'un comité de vérification ou d'un conseil d'administration.

Pour renforcer la surveillance publique exercée actuellement sur son système disciplinaire, l'ICAO procède à la mise sur pied d'un comité de surveillance indépendant, le Discipline Oversight Board. Ce comité sera composé majoritairement de personnes qui ne sont pas membres de la profession de CA et l'ICAO a demandé au Procureur général de l'Ontario d'en nommer le président. L'ICAO met également sur pied un comité de révision indépendant qui viendra renforcer le processus actuel de traitement des plaintes. Ces modifications font suite à un examen indépendant du système disciplinaire de l'Institut de l'Ontario mené depuis deux ans par Tom Allen.

Même si cet examen a commencé bien avant que n'éclate l'affaire Enron, les modifications qui en ont découlé aideront à régler certains des points soulevés par ce scandale. Les réformes faites en Ontario viennent renforcer les valeurs fondamentales de la profession de CA que sont l'éthique, l'intégrité, l'indépendance et l'objectivité. Je suis heureux de vous informer que d'autres ordres provinciaux envisagent des modifications semblables. Même si nos règles ne peuvent viser que les CA de notre province, nous espérons qu'elles serviront de référence pour tous les membres des directions d'entreprise, des comités de vérification et des conseils d'administration.

M. Smith: Permettez-moi de faire une dernière réflexion: la force des systèmes et des règles réside dans la force des personnes qui les appliquent. Si les gens veulent trouver des échappatoires, ils en trouveront. En fin de compte, tout se résume à l'éthique, pas seulement la déontologie professionnelle mais les valeurs morales personnelles de chacun. C'est pourquoi l'intégrité du système de gouvernance d'entreprise est cruciale. Il doit constituer un mécanisme de sécurité qui détecte les transgressions avec la grande rigueur humainement possible.

Nous savons depuis un certain temps que la bonne gouvernance mène à la bonne performance. Dans la foulée de l'affaire Enron, nous voyons également que la bonne gouvernance est l'élément essentiel pour rétablir la confiance des investisseurs. Cette confiance est essentielle pour la santé économique de notre pays, voire pour maintenir le type de société dans lequel nous désirons vivre.

La profession de CA a un rôle important à jouer dans les réformes de notre système financier, particulièrement dans les domaines liés aux normes comptables, à l'indépendance du vérificateur, au contrôle de la qualité, à la surveillance et à la discipline. Travaillant de concert avec les leaders du domaine des affaires et avec les organismes de réglementation, nous sommes en bonne voie d'établir sans délai une approche canadienne significative et saine.

Un article paru dernièrement dans la revue Business Week posait la question suivante: «Peut-on encore faire confiance à qui que ce soit aujourd'hui?» Je suis ici pour vous dire que oui, on peut. Nous ferons, quant à nous, tout ce qui est nécessaire pour jouer notre rôle dans le système de gouvernance d'entreprise et nous continuerons à travailler pour maintenir la confiance du public, parce que mériter cette confiance et la pierre d'assise de la profession de CA.

Il nous faut instaurer des sauvegardes. Il nous faut une vigilance constante. Il nous faut prendre des mesures pour que nos mécanismes de surveillance, nos normes d'information financière et nos règles de déontologie soient conformes aux nouvelles réalités du monde des affaires. Nous prenons ces mesures et nous nous assurons que l'objectif des normes et des principes guidant notre profession demeure avant tout l'intérêt public.

Le sénateur Meighen: Je ne pense pas qu'il se trouve un comptable parmi les personnes assises de ce côté-ci de la table, mais peut-être de l'autre côté. Vous ne tarderez pas à le repérer.

Afin d'éviter les pièges d'une discussion d'ordre technique avec l'un de vous, je ferai des commentaires sur vos observations finales. Je les trouve rassurantes et encourageantes. C'est ce que souhaite entendre le citoyen moyen, qu'il soit investisseur ou non. Je vous félicite pour les mesures que vous prenez pour moderniser le système et faire en sorte que les comptables qui relèvent de votre sphère de compétence exercent leurs fonctions avec compétence et efficacité.

Pouvez-vous nous rassurer en disant que les probabilités d'une situation semblable à celle d'Enron sont moins grandes au Canada qu'aux États-Unis? Vous savez aussi bien que moi que l'on ne cesse de mentionner le système fondé sur des règles qui est supposément en place aux États-Unis en l'opposant au système canadien qui est fondé sur des principes. Comme vous l'avez mentionné, le nombre de règles que l'on établit a peu d'importance. Le Code criminel regorge de règles et pourtant, les criminels n'ont pas disparu. J'ignore si c'est parce que notre système est fondé sur des principes, mais de nombreux détracteurs prétendent que les règles sont beaucoup moins strictes au Canada dans ce domaine.

On vient de me remettre un exemple du rapport annuel de BCE pour 2000. En examinant le rapprochement des résultats déclarés selon les PCGR canadiens et selon les PCGR américains, on constate que selon les PCGR canadiens, le bénéfice net déclaré est de 7,43 $ alors qu'en vertu des PCGR américains, le bénéfice non dilué par action représente plutôt une perte de 53 ou de 55 cents, soit un écart d'au moins 8 $. C'est un écart très important. À quel chiffre doit prêter foi le pauvre investisseur pour décider s'il devrait acheter des actions de BCE? Il y a toute une marge entre une perte de 55 cents et un bénéfice de 7,43 $.

Le sénateur Kroft: Surtout lorsqu'on applique un multiple.

Le sénateur Meighen: Si j'approuve vos commentaires, je voudrais tout de même savoir comment peut procéder un investisseur moyen, étant donné la dichotomie manifeste entre ces deux méthodes.

M. Smith: C'est difficile à dire. Je ne peux pas faire d'analyse des états financiers puisque je ne les ai pas sous les yeux. Pour être franc, je ne suis pas expert en la matière.

Je reconnais que la lecture de ces états financiers doit prêter à confusion lorsqu'ils sont examinés par un lecteur non averti, qui n'est pas versé en comptabilité. L'opportunité de se servir des chiffres fondés sur les principes comptables américains fait actuellement l'objet de discussions. Vous accueillerez plus tard des normalisateurs qui répondront probablement de façon beaucoup plus précise à cette question que moi.

Il faut temporairement rendre les normes canadiennes compatibles avec les normes américaines. Les États-Unis sont notre principal concurrent et c'est là que sont nos marchés financiers. Ils sont également notre principal partenaire commercial. Les États-Unis, le Canada et d'autres normalisateurs importants ont fixé à 2005 l'échéance en ce qui concerne l'établissement de normes communes. À certains égards, l'affaire Enron nous aidera à atteindre cet objectif. Il est impossible de l'atteindre dans du jour au lendemain à cause du marché auquel nous avons affaire. C'est sur ce marché que nous obtenons la plupart des fonds et des capitaux nécessaires au financement de nos grandes entreprises. C'est certes une source de confusion pour l'investisseur non averti. Je vous le concède.

Je suis certain que les experts comptables se feront un plaisir de faire d'autres commentaires à ce sujet.

Le sénateur Meighen: Est-ce que la différence entre les PCGR canadiens et les PCGR américains vous étonne?

M. Smith: Non.

Le sénateur Meighen: Elle est pourtant considérable.

M. Smith: Cela ne m'étonne pas non plus.

Le sénateur Meighen: M. Al Rosen est venu témoigner. Il n'est pas un adepte fervent du système comptable canadien. Je suis certain que cela ne vous étonne pas. Il dit que le système comptable canadien est «laxiste» En tout cas, nous avons l'impression qu'il considère que notre système est nettement inférieur au système américain. Je ne partage pas nécessairement cette opinion, mais M. Rosen en est convaincu.

Il a attiré notre attention sur l'affaire Hercules Managements Ltd. v. Ernst & Young. À cette occasion, la Cour suprême a décrété que les investisseurs ne devaient pas se baser sur les états financiers pour prendre des décisions en matière d'investissement. J'ai été aussi étonné que lorsque j'ai appris que les vérificateurs ne sont pas censés dénoncer les personnes qui volent l'entreprise lors de la préparation des états financiers. C'est une simple remarque. Cela m'est arrivé lorsque j'étais jeune avocat. Le directeur de notre cabinet nous volait. On nous a dit que ce n'était pas le rôle du vérificateur de donner ce type d'information.

Pouvez-vous parler de l'opinion de l'ICCA au sujet de cette décision de la Cour suprême? L'Institut est-il intervenu? Avez-vous une opinion à ce sujet?

M. Smith: Je ne pense pas que nous soyons intervenus dans ce cas-là. Je suis disposé à vous en donner les motifs. C'est assez long.

Le sénateur Meighen: Que pensez-vous du jugement?

M. Smith: Je n'ai pas d'opinion sur ce jugement précis. Nous avons reçu une assignation nous sommant de fournir un document précis ou de l'information précise à ce sujet et nous nous sommes exécutés. Le jugement est ce qu'il est. Nous ne sommes pas intervenus dans ce jugement.

Le sénateur Meighen: D'après la cour supérieure du pays, je ne peux pas considérer les états financiers comme un guide pour les investissements. Cette décision me semble incroyable.

M. Smith: Pour investir, il ne faut pas se fier uniquement aux états financiers. Les investisseurs les consultent mais les rapports de gestion et divers autres documents contiennent aussi des renseignements sur l'entreprise et sur sa gestion.

Le sénateur Meighen: Les états financiers constituent-ils un outil? Convient-il de les examiner ou nous déconseille-t- on de le faire?

M. Smith: C'est une mauvaise interprétation que d'affirmer qu'il ne faut pas examiner les états financiers. C'est un des nombreux documents qu'il convient d'examiner. C'est malgré tout utile.

M. Rosen a fait de nombreux commentaires sur divers sujets. Son rôle au sein de la profession est de faire des examens. Nous voudrions rectifier un commentaire qu'il a fait à propos de son rôle de représentant des assureurs de la profession et de l'accès qu'il a à de nombreux dossiers dans le cadre de ces examens. Quel est le chiffre publié par l'assureur à ce sujet au cours des trois dernières années, monsieur Hunt?

M. Hunt: Depuis 1999 jusqu'à présent. Cette assurance couvre les petits cabinets et les indépendants. Une dizaine de milliers de comptables agréés sont couverts par cette police. Je crois que M. Rosen a dit qu'il était le principal participant aux examens concernant diverses questions d'assurance.

Si vous voulez vérifier avec la compagnie, M. Rosen est intervenu dans moins de 1 p. 100 des cas qui ont été portés à l'attention de ce groupe. Il a eu très peu de poids dans ces initiatives.

Le sénateur Meighen: Avez-vous bien dit que l'ICCA collabore avec ses homologues américains — toujours en raison de nos relations commerciales — pour tenter d'accroître l'interopérabilité et la compatibilité des PCGR des deux pays? Examinez-vous les normes de divers pays comme le Canada, les États-Unis et d'autres pays?

M. Smith: Des normes comptables communes à l'échelle mondiale seraient indéniablement la solution.

L'échéance pour l'implantation de normes comptables internationales substantielles a été fixée à 2005.

L'affaire Enron a probablement incité le partenaire qui était le plus susceptible de ralentir le processus à devenir un participant plus actif que jamais. La plupart des déclarations qui ont été faites au sujet du système américain qui est fondé sur des règles et de l'adoption d'un système axé davantage sur des principes ou du moins sur l'application de règles avec un certain jugement est la voie que nous semblons emprunter actuellement.

Je suis optimiste et j'espère que l'on atteindra cet objectif pour cette échéance. Je crois que c'eût été un cheminement difficile avant que n'éclate l'affaire Enron. S'agira-t-il d'un amalgame du système américain et du système international? Cela n'a pas d'importance, pourvu que l'on mette en place des normes communes. C'est important pour éviter toute confusion.

Même si nous suivons actuellement les traces des États-Unis en harmonisant autant que possible les systèmes, la législation canadienne et la façon dont on l'établit à l'échelle provinciale et à l'échelle fédérale sont différentes. On ne peut pas adopter le système américain et l'appliquer tel quel au Canada. Il faut le canadianiser un peu, sinon il ne sera pas efficace. Il nous reste cette question à régler avant même d'adopter des principes applicables à l'échelle mondiale. Tous les pays font face au même défi pour établir une norme commune.

Le sénateur Meighen: On dirait que les Américains trouvent que c'est un défi de taille.

M. Smith: Absolument. Il semble que ce soit la tendance actuelle. Nous trouvons cela encourageant.

Le sénateur Meighen: Faites-nous-le savoir dès qu'il y aura du nouveau. Merci beaucoup, messieurs.

Le sénateur Fitzpatrick: J'ai une question supplémentaire à poser sur le rapprochement des PCGR canadiens et des PCGR américains. Je me demande pourquoi un tel écart subsiste en ce qui concerne le bénéfice déclaré dans les états financiers de BCE. C'est un des outils que l'on utilise.

Ce qui me préoccupe, c'est la rigueur des états financiers. Vous mentionnez la possibilité de mettre des normes communes en application en 2005. Vous avez dit que nous devons trouver des fonds sur nos marchés financiers. Je crains qu'avec un tel écart, nos sources financières ne deviennent de plus en plus restreintes. Ce n'est pas uniquement à cause de la difficulté que les investisseurs ont à savoir dans quelle entreprise investir, encore faut-il savoir si nous disposerons sur le marché et sur les marchés boursiers canadiens des sources de capitaux nécessaires pour assurer le développement des entreprises. Nos entreprises déménageront-elles et se feront-elles inscrire à la bourse de New York? Je pense qu'il est essentiel d'agir dans ce domaine. Je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.

M. Smith: La vigueur des marchés de capitaux canadiens dépend de plusieurs facteurs, notamment de la confiance dans le gouvernement, de la gouvernance d'entreprise, de notre comportement et aussi de nos sources de capitaux. Les principes comptables doivent évidemment être compréhensibles.

L'harmonisation des principes comptables américains et des principes canadiens est importante en attendant d'avoir un point de repère international. Nous n'avons pas le choix. Les États-Unis sont notre partenaire commercial et c'est là que nous trouvons la plupart des capitaux nécessaires.

Je voudrais préciser un point en ce qui concerne l'affaire Hercules Managements Ltd. v. Ernst & Young. Je ne travaillais pas pour l'ICCA à ce moment-là et je voudrais donc préciser un point, si vous me le permettez.

La question qui se posait était celle de savoir si les actionnaires étaient dépendants des états financiers. La Cour suprême a déclaré que les vérificateurs ont un devoir à l'égard des investisseurs mais dans son jugement officiel, elle a décrété que les vérificateurs n'avaient pas une responsabilité pour une période de durée indéterminée envers un groupe d'intermédiaires non connus. Sa conclusion était que les actionnaires ont la possibilité d'intenter des poursuites aux vérificateurs. Il s'agit d'une affaire très restreinte et très spécifique.

Le sénateur Kroft: Je voudrais poursuivre la discussion sur les normes comptables et les PCGR canadiens et américains. Je suis convaincu que vous comprenez bien qu'il ne s'agit pas uniquement de déterminer lequel des deux systèmes est le meilleur. Si le système américain était parfait, l'affaire Enron n'aurait pas eu lieu, comme bien d'autres problèmes d'ailleurs.

La question fondamentale de la comparabilité est essentielle. C'est pourquoi nous sommes très heureux de savoir que vous approuvez les efforts déployés pour mettre en place une norme unique. Votre attention a été attirée sur les états financiers de BCE. Nous avons entendu d'autres témoignages concernant des valeurs hybrides qui sont considérées comme de l'actif dans un cas et comme du passif dans l'autre. C'est ce qui produit des écarts considérables.

Au cours des présentes audiences, on a tendance à utiliser un jargon très spécial que nous faisons semblant de comprendre ou dont nous n'approfondissons pas la signification. Pourriez-vous dire clairement, aux fins du compte rendu, comment nous devrions interpréter l'écart entre un système fondé sur les règles et un système fondé sur des principes.

M. Smith: Avec votre permission, je demanderais aux responsables de la normalisation de l'expliquer. Ce sont eux qui s'en chargent et ils pourraient vous l'expliquer de façon plus concise que moi.

Le sénateur Kroft: Je remets cette question à plus tard. Je voudrais passer à un sujet légèrement différent.

Vous avez mentionné les comités de vérification et, en haut de la page 5 de votre mémoire, vous dites: «Nous sommes également pour un comité de vérification pleinement indépendant de la direction.»

Nous sommes très préoccupés au sujet des comités de vérification et la plupart de ceux d'entre nous qui en ont déjà fait partie savent que ces préoccupations sont fondées.

Pour tenter d'atteindre le degré d'indépendance souhaitable, que pensez-vous du recours que les comités de vérification pourraient avoir à des services consultatifs indépendants? J'entends par là la possibilité qu'ils aient recours aux services d'experts indépendants de la direction et n'ayant pas de liens avec les vérificateurs de l'entreprise.

M. Smith: C'est une perspective très intéressante. Mon opinion personnelle, fondée sur la longue expérience que j'ai acquise au cours des nombreuses réunions de comités de vérification auxquelles j'ai assisté, est la suivante: le comité de vérification devrait être en mesure de consulter des experts indépendants sur toutes les questions au sujet desquelles il éprouve de la difficulté.

Le sénateur Kroft: Vous employez le terme«expert» dans un sens général.

M. Smith: Le comité de vérification devrait être en mesure de consulter des experts de manière générale sur toutes les questions au sujet desquelles il veut les consulter.

En ce qui me concerne, j'estime que les relations devraient être ce qu'elles ont toujours été censées être. C'est avec le comité de vérification que le vérificateur devrait avoir des relations, et pas avec la direction. C'est ce qu'elles devraient être, techniquement parlant; je crois que les vérificateurs font le nécessaire en ce moment et qu'ils veulent avoir des relations avec le comité de vérification parce qu'ils représentent les actionnaires. C'est un changement positif.

Faudrait-il consulter un autre cabinet de vérificateurs pour qu'il donne un avis sur la vérification? Le processus devient complexe. L'autre considération qui se greffe à cette question est qu'il faut suffisamment d'experts au sein du comité de vérification pour avoir une conversation intelligente avec les vérificateurs et que le comité devrait être indépendant de la direction.

Le sénateur Kroft: Je suis d'accord en ce qui concerne l'indépendance du comité de vérification et les experts qui doivent en faire partie. Le but de ma question n'était pas vraiment de savoir s'il convient d'obtenir un avis distinct et indépendant sur les états financiers de l'entreprise. Elle portait plutôt sur le comité de vérification qui examine les rapports trimestriels et sur le recours à des conseillers auxquels poser des questions pour s'assurer que l'on comprend tout.

Je ne préconise pas une double vérification. C'est une autre question et on nous a cité d'autres modèles de deuxième vérification et de changement de vérificateurs. Notre programme est très chargé et je voulais seulement me limiter à une partie du programme. Si vous me le permettez, je formulerai ma question comme suit: si vous étiez le vérificateur principal d'une entreprise, que penseriez-vous si le comité de vérification exprimait le désir d'avoir un expert sous la main pour le consulter?

M. Smith: Je pense qu'un comité de vérification peut demander aux vérificateurs d'examiner de plus près toute question qu'il souhaiterait faire examiner.

Le sénateur Kroft: Je parle d'un autre cabinet de vérificateurs.

M. Smith: Ce serait une tâche difficile pour un autre cabinet parce que ces vérificateurs ne seraient pas suffisamment au courant des affaires de l'entreprise pour conseiller le comité. Ce serait peut-être le problème.

Le président: Si eux ne sont pas suffisamment au courant, comment peut-on s'attendre à ce que les membres du conseil d'administration aient les connaissances voulues pour savoir quelles questions il faut poser?

M. Smith: Je parlais des systèmes et de savoir si l'on peut s'y fier.

Le sénateur Kroft: Je parle des questions que les membres du comité de vérification pourraient poser, même s'il s'agit de questions de nature macroéconomique. Je pense que ce pourrait être utile. Estimez-vous que ce serait en quelque sorte un obstacle à vos relations?

M. Smith: Je ne le pense pas. J'estime qu'il serait préférable de s'adresser aux vérificateurs en place et d'établir avant tout de meilleures relations avec le comité de vérification. Ce serait plus efficace et moins coûteux également.

Le sénateur Kroft: Je ne suggère ni l'un ni l'autre.

Le sénateur Fitzpatrick: J'aimerais connaître votre opinion au sujet d'un changement obligatoire de vérificateurs après plusieurs années. On a dit que c'est plus efficace lorsqu'on garde les mêmes vérificateurs à long terme, notamment parce qu'ils connaissent mieux l'entreprise et les procédures. Par contre, cette intimité pourrait compromettre l'objectivité d'une vérification. Est-ce qu'il faudrait, à votre avis, changer les membres du comité de vérification environ tous les trois ans?

Le président: Parlez-vous du comité de vérification ou des vérificateurs?

Le sénateur Fitzpatrick: Des vérificateurs.

M. Smith: J'estime que ce ne serait pas très efficace et que ce serait coûteux. L'Italie est le seul pays où c'est obligatoire. En Europe, où l'on essaie d'uniformiser les principes comptables, cette option semble avoir été écartée.

Le sénateur Mahovlich: L'Italie a ses raisons.

M. Smith: Si les relations avec le comité de vérification sont ce qu'elles devraient être, je crois que ça aide beaucoup, contrairement à des relations avec la direction principalement.

Le sénateur Fitzpatrick: En cas de changement d'associés, faudrait-il dresser une muraille de Chine entre eux pour que, lorsqu'on change d'associés ou de membres du cabinet de vérificateurs, les discussions ne se poursuivent plus entre les associés? Autrement dit, lorsque le nouvel associé ou la nouvelle équipe de vérification examine la situation financière, faudrait-il que ce soit en toute indépendance de l'équipe ou du partenaire précédent?

M. Smith: Je n'irais pas jusqu'à ériger une muraille de Chine parce qu'il y a en outre des deuxièmes partenaires et des partenaires de référence. J'estime qu'ils ne devraient plus être en charge de la vérification et assumer cette fonction. Le fait qu'un examen soit effectué par des deuxièmes vérificateurs et des vérificateurs de référence compense cela, en quelque sorte, parce que ce sont eux que le nouvel associé consulterait et à eux qu'il demanderait d'approuver la publication des états financiers.

Le sénateur Oliver: Il me semble que l'une des phrases les plus importantes de votre mémoire soit la phrase suivante, qui se trouve à la page 4:

Le vérificateur a également la responsabilité d'informer le conseil, par l'intermédiaire du comité de vérification, de toute inquiétude qu'il pourrait avoir au sujet de la qualité ou du caractère approprié de traitements comptables significatifs ou d'opérations importantes ayant une incidence sur la présentation d'une image fidèle de la situation financière de l'entreprise.

Dans un article paru hier dans le Globe and Mail, il était question de certains des principes envisagés par les Américains dans le cadre de la mise en place de nouveaux principes de gouvernance d'entreprise pour les comités de vérification. Cet article dit notamment:

Rendre le conseil d'administration et ses comités clés sur la vérification et sur la rémunération complètement indépendants et responsables à l'égard des propriétaires de l'entreprise plutôt que de la direction est un des changements essentiels que la bourse de New York prône d'apporter aux règles de gouvernance.

Plus loin dans cet article, on dit:

Selon les propositions de la bourse de New York, les membres des comités de vérification ne recevraient aucune autre forme de rémunération que leurs honoraires de membres du conseil d'administration et ils devraient travailler davantage pour gagner leurs appointements annuels, car ils devraient avoir deux réunions distinctes tous les trimestres, une avec la direction et l'autre avec les vérificateurs.

Que pensez-vous de cette proposition? Est-elle importante? Cela nous aiderait-il au Canada?

M. Smith: C'est la tendance que suivent les comités de vérification au Canada, sauf peut-être que la question de la composition n'a pas encore été réglée. Les comités de vérification devraient être indépendants et tenir des séances à huis clos. En fait, dans les milieux de la vérification, nous nous réjouissons des réunions avec les comités de vérification. C'est pourquoi nous sommes en mesure de vous proposer des solutions. Je pense que nous avons de bonnes solutions à proposer mais nous collaborons également avec les autorités de réglementation et les vérificateurs. Les solutions proposées sont nombreuses. Certaines des solutions suggérées par la bourse de New York conviendraient au Canada et je pense d'ailleurs que plusieurs d'entre elles sont en cours d'examen.

Il est important que la gouvernance, la direction, le conseil d'administration, le comité de vérification et les vérificateurs comprennent la nature de leurs relations. Nous avons exprimé nos opinions sur divers sujets comme les rapports de gestion, l'indépendance du comité de vérification et le bénéfice non normé. Même si ces facteurs ne sont pas entièrement contrôlables, c'est grâce à eux que l'on peut faire en sorte que les états financiers répondent au critère de la transparence de l'information financière. Ce sont des facteurs que notre profession ne peut pas contrôler. Nous devons examiner ce qui se passe du côté de la gouvernance et du côté du comité de vérification. Tous ces intervenants sont considérés comme nos alliés car ils contribuent à rendre le système plus transparent.

Le sénateur Oliver: À la dernière page de votre mémoire, vous avez mentionné un article de la revue Business Week et j'ai ici un article de cette même revue daté du 6 mai intitulé «How to Fix Corporate Governance» (comment régler les problèmes de la gouvernance d'entreprise). Je voudrais que vous fassiez des commentaires à son sujet et que vous disiez si ces observations seraient éventuellement applicables au Canada.

Malgré les réformes entreprises depuis une dizaine d'années, voire davantage en ce qui concerne les conseils d'administration, un grand nombre de leurs membres semblent être devenus des acteurs passifs ou en conflit d'intérêts dans cette question de moralité et ne pas être disposés à remettre en question ou à suivre les affaires les plus courantes. Si la gouvernance de l'entreprise moderne n'est pas complètement dysfonctionnelle, elle traverse du moins une crise de confiance aiguë.

Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet? Avez-vous constaté personnellement ce malaise au sein des entreprises canadiennes?

M. Smith: Certainement pas au Canada. Je pense que la déconfiture d'Enron est en quelque sorte le 11 septembre du monde financier en ce sens qu'elle a réveillé tout le monde. Cette débâcle ne s'est pas produite au Canada et pourtant, elle a incité les administrateurs d'entreprises, les comités de vérification, les responsables de la réglementation, vous- mêmes et divers autres intervenants à réfléchir et à se poser la question suivante: «Que peut-on faire pour améliorer la situation?». Il est inhabituel que toutes les parties en discutent en même temps. On a l'occasion d'améliorer l'environnement et de mettre en place un meilleur code d'éthique.

M. Hunt a mentionné la nouvelle norme ontarienne que l'on essaie d'établir en ce qui concerne les comptables agréés. Si elle devient le repère pour les membres de conseils d'administration, les membres des comités de vérification et la direction de l'entreprise, elle resserrera les exigences.

Au Canada, les relations et les règles de déontologie ne sont pas les mêmes qu'aux États-Unis. Par conséquent, je ne pense pas que cette observation soit aussi valable au Canada qu'aux États-Unis.

Le sénateur Oliver: Dans les articles généraux que je lis au sujet d'Enron, on ne cesse de mentionner qu'un des principaux problèmes en ce qui concerne les membres des comités de vérification et des conseils d'administration est qu'en raison des honoraires qu'ils touchent, des options qu'ils reçoivent et de divers autres facteurs qui risquent de les mettre en situation de conflit d'intérêts, ils hésitent à poser des questions délicates et importantes. On dirait que c'est particulièrement le cas en ce qui concerne les comités de vérification.

Notre comité ne peut pas changer le monde et ses possibilités sont restreintes en matière de recommandations et d'initiatives. Y a-t-il quoi que ce soit que nous puissions faire ou devrions-nous hurler à la lune?

M. Smith: Nous avons besoin de vos encouragements constants. Je ne pense pas que vous puissiez établir des règles pour nous permettre d'atteindre nos objectifs. Je pense que le monde a changé à cause de l'affaire Enron.

La situation restera-t-elle comme elle l'est? Nous espérons apporter suffisamment de changements pour que tous les intervenants suivent les mêmes règles du jeu. Nous réalisons des progrès. Depuis que j'assume mes nouvelles fonctions, je n'assiste plus à des réunions de comités de vérification mais, d'après les représentants de cabinets qui se chargent de la vérification de grandes entreprises, qui ont assisté à des réunions de comités de vérification, la situation a considérablement changé. Elle est en train de changer et c'est très bien ainsi.

Le sénateur Kelleher: Je voudrais connaître vos opinions au sujet de la différence entre le système comptable américain et le système comptable canadien. On m'a dit que les entreprises canadiennes peuvent émettre des valeurs hybrides qui sont considérées en partie comme du passif et en partie comme de l'actif. Si j'ai bien compris, on les considère uniquement comme du passif selon les règles comptables américaines. Est-ce bien cela?

M. Smith: Puis-je vous demander d'attendre, pour poser cette question, que témoignent les personnes qui comprennent bien ces normes et qui sont capables de vous dire quelle est la différence précise? Je n'essaie pas d'esquiver la question mais je sais que des experts en la matière témoigneront et qu'ils pourront répondre avec précision à votre question.

Le sénateur Kelleher: Est-ce que les entreprises canadiennes ignorent l'incidence des intérêts composés?

M. Smith: Je vous donne la même réponse à ce sujet.

Ce que nous essayons d'expliquer aujourd'hui est que nos normalisateurs et les personnes qui s'occupent de la comptabilité sont indépendants de nous. Par conséquent, étant donné nos fonctions distinctes, il ne serait pas honnête de notre part de tenter d'expliquer leurs fonctions. Nous avons une fonction globale au sein de la profession qui couvre toutes ces questions, mais nous avons décidé de séparer la normalisation en matière de comptabilité de l'ICCA. C'est pourquoi ces personnes viennent témoigner aujourd'hui. Si elles ne vous donnent pas une réponse, vous pourrez toujours me la poser à nouveau.

Le sénateur Kelleher: J'obtiendrai encore la même réponse.

M. Smith: Je me renseignerai.

Le sénateur Kelleher: Pouvez-vous parler du traitement comptable différent en ce qui concerne les régimes d'options d'achat d'actions et dire s'ils doivent être traités comme une dépense?

M. Smith: J'ai une opinion à ce sujet, mais je ne peux pas dire quelle est la norme comptable en la matière.

Le sénateur Kelleher: Nous connaissons l'opinion de George Bush. Je pense que certains de ses amis l'ont peut-être contacté, mais je sais que vous n'êtes pas compromis de la sorte. Pourrions-nous connaître votre opinion?

M. Smith: Cette question fait l'objet d'un débat très animé. Je suis certain que vous pourriez siéger encore deux ans et avoir une opinion différente chaque fois qu'un témoin propose une solution. Mon opinion est qu'il faut régler cette question d'une façon ou d'une autre parce qu'il s'agit en fait d'une dépense pour l'entreprise. C'est toutefois une tâche compliquée. Même si vous trouvez une solution, il reste que la norme américaine est différente de la nôtre. Un mouvement a été amorcé pour les comptabiliser dans les dépenses. Comme vous pouvez le constater, il s'agit d'un choix entre deux possibilités. M. Cherry et M. Allen auront probablement beaucoup de commentaires à faire à ce sujet quand ils prendront la parole.

Ce n'est pas une simple question de décider de le faire au Canada. Je crois que cela aurait une incidence sur notre capital, sur notre interprétation de nos états financiers et que cela créerait d'autres différences analogues à celles que vous avez mentionnées entre les deux systèmes.

Le sénateur Kelleher: Une telle décision n'aurait-elle pas des répercussions considérables sur les états financiers de certaines entreprises?

M. Smith: Oui, surtout si on ne le faisait pas aux États-Unis.

Le sénateur Biron: Aux États-Unis, Alan Greenspan a appuyé un projet de loi qui obligerait les entreprises à faire comptabiliser comme charges les options d'achat d'actions qu'elles accordent à leurs employés, leurs dirigeants et leurs administrateurs.

Le traitement comptable canadien des options d'achat d'actions diffère-t-il du traitement américain? Les options devraient-elles être traitées comme une dépense dans les états financiers lorsqu'elles sont accordées aux employés, aux dirigeants et aux administrateurs?

Outre la déclaration du bénéfice par action, quels sont les coûts des options pour les actionnaires et les entreprises?

M. Smith: Le traitement des options d'achat d'actions est une question qui fait l'objet de discussions au Canada. Le facteur primordial est qu'il est très difficile de provoquer sur le marché un changement qui désavantagerait les entreprises canadiennes si l'on n'apporte pas le même changement aux États-Unis. Jusqu'à présent, notre tactique a consisté à tenter de convaincre nos voisins du Sud à examiner la question et à la régler.

Je suis certain que M. Cherry aura d'autres commentaires à faire à ce sujet. Il écoute et, par conséquent, il sera prêt à répondre à cette question également.

Il faut toujours tenir compte de la différence entre le système d'information financière canadien et le système américain pour éviter que nos entreprises soient désavantagées.

Le président: Je voudrais que la question soit réexaminée sous l'angle macroéconomique plutôt que sous l'angle microéconomique. L'objectif fondamental de ces audiences est de déterminer s'il est possible de protéger davantage l'investisseur canadien. C'est notre objectif.

M. Smith: Je vous en félicite.

Le président: Nous voudrions transmettre le message suivant: le gouvernement du Canada estime que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce est probablement le comité le plus apte à examiner la question, même si nos attentes sont restreintes dans le cadre des présentes audiences.

Un journaliste a écrit dernièrement que, malgré toutes les lois et règlements en place, si 25 escrocs veulent enfreindre la loi, on est totalement impuissant.

Monsieur Smith, vous avez déclaré que les états financiers ne sont pas nécessairement le meilleur outil d'information pour l'investisseur. Vous avez parlé de gouvernance d'entreprise. Pourriez-vous m'expliquer la différence entre la responsabilité du comptable et celle des membres du conseil d'administration?

Je suis dans une position unique: j'ai probablement accumulé 110 années d'expérience dans les conseils d'administration. Cela semble un nombre d'années important, mais c'est un fait. Au cours des nombreuses années pendant lesquelles j'ai été membre de divers conseils d'administration, je me suis senti presque totalement impuissant. La situation a évolué. Il y a une quarantaine d'années, lorsque j'ai fait partie de mon premier conseil d'administration, il n'y avait pas autant de comités que de nos jours: des comités de mise en nomination, des comités de vérification, des comités de la rémunération et des comités des ressources humaines. Tous ces changements ont été mis en place au fil des années.

Je suis fermement convaincu que la somme d'information qu'un membre de conseil d'administration devrait assimiler pour s'acquitter de ses fonctions comme vous l'entendez n'a aucun sens.

M. Smith: C'est énorme.

Le président: Faudrait-il qu'un tiers du conseil d'administration soit composé de professionnels ou de personnes ayant une formation? Je n'en ai pas la moindre idée. Nous espérons trouver des réponses.

Pourriez-vous m'expliquer pourquoi l'investisseur ne devrait pas se fier aux états financiers? Ce que font les administrateurs n'a pas beaucoup d'importance étant donné qu'ils ne sont pas des comptables. Pourquoi les états financiers ne devraient-ils pas être la bible de l'investisseur?

M. Smith: Les états financiers ne sont pas la seule source d'information à laquelle les investisseurs devraient se fier.

Le président: À quelle source devraient-ils se fier?

M. Smith: Le rapport de gestion contient des renseignements très précis.

Le président: Qui le prépare?

M. Smith: Il est préparé par les dirigeants de l'entreprise et déposé au conseil d'administration.

L'ICCA a publié un document cadre de 70 pages dans lequel il explique comment les rapports de gestion devraient être établis. Il évalue les risques et les activités de l'entreprise et les situent dans leur contexte. Il s'agit d'un document très important. Un investisseur se base sur la façon dont les résultats trimestriels sont publiés, l'image que la direction d'entreprise projette d'elle-même dans les médias et la diffusion de l'information financière autre que celle que contiennent les états financiers pour prendre des décisions.

Les vérificateurs sont responsables des états financiers publiés dans le rapport annuel.

Le président: Vous dites qu'ils sont uniquement responsables des états financiers.

M. Smith: L'avis qu'ils donnent concerne les états financiers.

Le président: Vous certifiez que vous avez vérifié les chiffres qu'ils contiennent.

M. Smith: C'est bien cela.

Le président: Ce sont donc les chiffres exacts.

M. Smith: Nous préparons un rapport de vérification. Je ne pense pas que nous employons le terme «exacts». Un rapport de vérification donne un avis sur les états financiers. Il ne donne pas un avis sur le rapport de gestion ni sur les résultats trimestriels.

Le président: Je comprends cela. Parlons des états financiers vérifiés. Je ne sais pas très bien ce que vous voulez dire. Voulez-vous dire que les vérificateurs sont de simples comptables méticuleux, qu'ils reçoivent les chiffres et les transcrivent en se disant qu'ils sont peut-être exacts ou qu'ils sont peut-être faux?

M. Smith: Non, je dis que c'est la direction de l'entreprise qui prépare les états financiers et que les vérificateurs achèvent le travail.

Le président: Qu'entendez-vous par là?

M. Smith: Ils font une vérification complète des comptes de l'entreprise.

Le président: Pourriez-vous dire ce que cela implique, aux fins du compte rendu?

M. Smith: Le vérificateur vérifie, en se basant sur les normes de vérification et de certification généralement reconnues qui sont utilisées par tous les vérificateurs dans le cadre de l'examen des états financiers. Les vérificateurs appliquent ces critères et décident alors s'ils peuvent donner leur avis sur ces états financiers. Il est parfois nécessaire d'y apporter une correction et la direction l'apportera si les vérificateurs découvrent une erreur. Somme toute, les états financiers sont préparés et signés par le conseil d'administration et ils sont vérifiés par le vérificateur.

Le président: Vous dites qu'ils sont signés par le conseil d'administration. Comment celui-ci sait-il que les chiffres sont exacts?

M. Smith: Les membres ont assisté aux diverses réunions du conseil.

Le président: Je n'argumente pas. Tout ce que je veux dire, c'est que je suis complètement déconcerté. J'ai été membre de conseils d'administration pendant des années et je n'arrive pas à dire si les chiffres sont exacts. Ce n'est pas mon rôle de dire que les chiffres sont exacts.

M. Smith: C'est exact. C'est la direction qui prépare les états financiers. Les vérificateurs les vérifient. Le conseil d'administration pose des questions à la direction et au vérificateur pour s'assurer de l'exactitude des chiffres.

Le président: Je pense que les membres du conseil d'administration n'ont pas les connaissances voulues pour poser des questions pertinentes. Lorsqu'il a témoigné devant le Congrès il y a environ deux mois, Alan Greenspan a déclaré que lorsqu'il exerçait sa profession dans le secteur privé, il a fait partie de plusieurs comités de vérification et n'avait pas la moindre idée des questions qu'il fallait poser. C'est pourtant un homme assez intelligent. Comment expliquez- vous cela? Je ne conteste pas ce que vous dites. Nous sommes ici pour tenter de résoudre le problème.

M. Smith: Les membres du conseil d'administration et du comité de vérification doivent être mieux informés sur les activités de l'entreprise.

Le président: Comment atteindre cet objectif?

M. Smith: Par la formation. Divers organismes donnent des cours aux personnes qui veulent devenir membres d'un conseil d'administration ou d'un comité de vérification. Le cours explique les responsabilités associées à ces fonctions et les questions pertinentes à poser. Un conseil d'administration devrait se faire conseiller s'il n'est pas en mesure de répondre à une question ou d'obtenir une réponse à une question. Un conseil d'administration doit être suffisamment indépendant pour prendre cette initiative. La réponse n'est pas simple, mais l'éducation est toujours un bon point de départ.

Le président: Je ne veux pas une réponse simple. Je tente de comprendre ce que vous en pensez. On a l'impression que vous déclinez vos responsabilités.

M. Smith: Pas du tout.

Le président: C'est l'impression que j'ai.

M. Smith: J'aimerais tenter de l'expliquer. Ce n'est pas notre opinion. C'est pourquoi nous précisons ce que devrait être un rapport de gestion, ce qu'il faudrait examiner quelle devrait être sa présentation.

Nous encourageons les chefs d'entreprise à élaborer un programme ayant pour but d'aider les membres du conseil d'administration par l'éducation. Cette approche aiderait beaucoup à résoudre le problème.

Le président: Êtes-vous comptable?

M. Smith: Oui, mais je ne pratique plus depuis un certain temps.

Le président: Je faisais partie du comité de vérification de Dupont il y a une quinzaine d'années. Le chiffre d'affaires brut de cette entreprise était de 40 milliards de dollars. Elle était présente dans 80 ou 100 pays et les employés de Price Waterhouse venaient avec des piles de documents. Par où commencer? Comment savoir les questions qu'il faudrait poser? Se fait-on voler? Quel type de question faudrait-il poser? Je plaisante, mais c'était presque risible.

M. Smith: La meilleure chose qu'un comité de vérification puisse demander à un vérificateur c'est d'avoir l'occasion de discuter avec lui en dehors de la présence de membres de la direction.

Le président: Nous le faisions.

M. Smith: Il faut disposer de beaucoup de temps. Il faut répondre aux questions. Le conseil d'administration doit les poser. Il faut donner des réponses satisfaisantes aux membres de ce conseil. C'est un point de départ.

Le président: Un des problèmes dans toutes ces discussions c'est que nous faisons tous de pieuses déclarations d'intention. Elles sont réconfortantes et elles nous font du bien mais je me demande si elles sont efficaces.

La plupart des membres de ce comité pensent que la majorité des entreprises sont honnêtes, franches et assez bien gérées.

M. Smith: Absolument.

Le président: Nous examinons le problème des escrocs invétérés. Nous examinons celui des écarts importants qui existent dans les pratiques comptables ou PCGR. C'est notre tâche de régler ce problème. Je n'ai pas la moindre idée de ce que vous comptez faire à ce sujet.

Le sénateur Kroft: Chaque fois que c'est possible, j'aime chercher des solutions simples à des problèmes complexes. Je crois que la communication est le plus souvent meilleure à ce niveau.

Nous avons soupé un soir en compagnie du p.-d.g. d'une grande entreprise canadienne et lui avons demandé comment il s'assurait que les déclarations de ses vérificateurs étaient satisfaisantes. Nous lui avons demandé de nous dresser une liste des questions clés qui lui permettaient d'obtenir les réponses qu'il cherchait.

La question la plus significative pour lui est: «J'ai tous ces chiffres sous les yeux. Comment puis-je m'assurer que c'est une image assez fidèle de l'état de santé de notre entreprise»? C'est une question très générale.

Est-ce une discussion utile? Si l'on vous pose cette question, pouvez-vous la traiter de façon pertinente à un tel niveau? Si un vérificateur peut répondre avec exactitude à cette question en regardant le p.-d.g. dans les yeux, cela signifie que toutes les autres informations sont bonnes.

M. Smith: Je voudrais qu'un plus grand nombre de p.-d.g. posent cette question. Ce type de dialogue entre la direction, les vérificateurs et les membres du conseil d'administration est nécessaire. La conversation doit également porter sur les questions d'éthique et de confiance.

On ne peut pas établir des règles par préclusion. La plupart des organisations financières canadiennes font honnêtement du mieux qu'elles peuvent. Lorsqu'une organisation ne le fait pas, c'est une question d'évaluation.

Quand on a affaire à un conseil d'administration solide, à une direction incompétente et à de bons vérificateurs, cela fonctionne malgré tout s'il y a dialogue. Quand on a affaire à un mauvais conseil d'administration, à une direction incompétente et à de mauvais vérificateurs, la situation est vraiment problématique.

Le dialogue est plus important que tout. Des séances à huis clos avec les vérificateurs sont un aspect très important de ce dialogue, au même titre que la franchise du conseil d'administration avec le p.-d.g. Si vous n'appréciez pas la réponse, démissionnez du conseil d'administration. C'est ainsi que je réglerais le problème si j'étais membre d'un conseil d'administration.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien de temps pensez-vous qu'un comité de vérification d'une entreprise de taille moyenne à grande devrait consacrer à l'examen des états financiers? Combien de temps à l'avance faudrait-il recevoir ces états financiers? Si l'on a recours aux services d'un conseiller indépendant, quand faut-il tenir la réunion officielle du comité de vérification pour examiner les problèmes avec l'aide d'un expert?

Je voudrais que vous fassiez des commentaires sur le problème des membres de conseil d'administration qui reçoivent les états financiers deux jours avant la réunion du comité de vérification. Ils lisent généralement les états financiers dans l'avion, la veille de la réunion. Ils n'y comprennent rien. Ils ignorent quelles questions il faut poser et n'ont pas le temps de consulter un expert indépendant.

M. Smith: Ce n'est pas de la très bonne gouvernance et c'est une mauvaise politique. C'est cependant une situation réelle et je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Fitzpatrick: C'est assez courant.

M. Smith: Les comités de vérification exercent actuellement des pressions et réclament les états financiers une semaine d'avance. Ils veulent un plus long délai. On ne peut pas légiférer à ce sujet. Le comité de vérification doit avoir suffisamment d'assurance pour insister pour obtenir les documents bien avant la date de la réunion.

Nous sommes toujours en train de discuter de la question de la consultation d'experts indépendants. Ce n'est pas nécessaire s'il n'y a aucun problème grave. Cependant, je ne vois pas très bien la nécessité de passer un autre test pour rencontrer le comité de vérification. Le comité de vérification doit changer de façon à avoir un bagage de connaissances suffisant pour faire ces appels.

Le sénateur Fitzpatrick: Le comité de vérification devrait-il se réunir avant de rencontrer les vérificateurs? Le comité de vérification devrait-il tenir une réunion informelle et examiner les états financiers pour déterminer les questions qu'il désire approfondir puis inviter un conseiller indépendant pour lui poser des questions.

M. Hunt: Oui.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien de temps faudrait-il à un comité de vérification pour examiner les états financiers?

M. Hunt: Un comité de vérification fonctionnel pourrait souhaiter se réunir avant la fin de l'exercice pour discuter de l'approche qui sera adoptée en matière de vérification, examiner les risques et étudier les diverses transactions importantes qui ont été effectuées au cours de l'exercice précédent. Les membres du comité pourraient en discuter avec le vérificateur, avant la vérification proprement dite.

Je vous rappelle qu'au Canada, une société ouverte a un délai de six mois après la fin de l'exercice pour tenir une assemblée annuelle. On impose donc un délai à ces sociétés. Même les plus grandes entreprises canadiennes sont en mesure de clore les comptes et de faire faire la vérification en deux ou trois mois. Il leur reste trois mois pour tenir l'assemblée annuelle. La législation actuelle laisse un délai assez long pour s'assurer que le processus se déroule de façon logique.

Les comités de vérification doivent revoir leurs activités. Un grand nombre de comités de vérification se réunissent une fois par an et font exactement comme vous le mentionnez. Il faut examiner le rôle du comité de vérification.

Devait-il se réunir avant la vérification? Oui. Les membres du comité devraient parler aux vérificateurs pour savoir comment ceux-ci prévoient faire la vérification. Les vérificateurs peuvent leur dire que les états financiers donnent une image assez fidèle de la situation financière de l'entreprise. On a probablement une période de six à huit mois sur l'année pour le faire.

Comme l'a mentionné M. Smith, il est nécessaire de faire un effort en matière d'éducation. Cette éducation consiste notamment à permettre aux membres du comité de vérification d'exiger qu'on ne leur remette pas les états financiers d'une entreprise comme Dupont ou CIBC deux jours avant la réunion. Si le processus est bien géré, on est en mesure de poser les questions pertinentes et d'établir un plan très détaillé des responsabilités du comité de vérification.

Le sénateur Fitzpatrick: La société dont j'avais la responsabilité tenait généralement une réunion avec les vérificateurs avant la vérification. Je trouve que c'est une excellente pratique.

Si un comité de vérification a suffisamment de temps après avoir reçu les états financiers pour les examiner de façon informelle et que des problèmes subsistent, recommandez-vous d'avoir recours aux services d'un conseiller indépendant avant la rencontre avec les vérificateurs?

M. Smith: Je pense qu'il suffit de rencontrer les vérificateurs et s'atteler à la tâche. Si l'on n'est pas satisfait, on peut alors consulter d'autres personnes au besoin.

Le sénateur Fitzpatrick: Un comité de vérification se réunit habituellement la veille de la réunion du conseil d'administration. Lorsqu'on assiste à une réunion de conseil d'administration, il faut respecter un échéancier. Généralement, il faut approuver les états financiers le lendemain et les présenter au conseil d'administration pour qu'il les approuve. Je n'ai jamais assisté à une réunion de conseil d'administration où les membres ont dit qu'ils voulaient reprendre les états financiers pour les faire examiner par un conseiller indépendant. Le système ne fonctionne pas ainsi. Il est peut-être nécessaire d'avoir l'occasion de les examiner d'avance.

Le sénateur Kroft: C'est intéressant de discuter principalement des états financiers de fin d'exercice. Parlons de l'environnement d'un membre de comité de vérification d'une grande entreprise et de la façon dont le processus se déroule actuellement dans les milieux financiers en ce qui concerne les états financiers trimestriels. En ce qui concerne les états financiers de fin d'exercice, le processus est extrêmement condensé. Il y a déjà des chiffres «flous» et il y a le premier appel et un grand nombre de personnes qui interviennent. Ensuite, on organise une téléconférence. La téléconférence est préétablie. Si l'on n'y participe pas à l'heure exacte, le marché interprète ce retard de diverses façons. Un délai s'écoule entre la clôture des comptes et la nécessité de se préparer pour la publication des chiffres. En réalité, il y a compression de temps avant que les chiffres définitifs soient tirés des états financiers trimestriels. Les marchés fluctuent probablement plus souvent à la suite de la publication des états financiers trimestriels qu'à la suite de celle des états financiers de fin d'exercice.

M. Smith: Oui.

Le sénateur Kroft: Il y a compression de temps entre le moment où les chiffres sont disponibles et les disciplines boursières, les téléconférences et les besoins des analystes. Toute possibilité de prendre le temps nécessaire est écartée parce qu'un comité de vérification a tellement à faire dans un délai tellement court qu'il ne reste plus de temps disponible.

La fin d'exercice est relativement peu importante pour les marchés parce qu'alors trois trimestres sont déjà écoulés et des informations orientées vers l'avenir ont déjà été publiées. Quand on arrive aux états financiers de fin d'exercice, on connaît déjà à peu près les résultats.

M. Smith: Cette conversation n'aurait pas eu lieu il y a six mois ou il y a un an. Le degré de sensibilisation a augmenté au cours des 12 derniers mois. Il faut en profiter pour régler ces problèmes.

À la mi-septembre, nous tiendrons un forum de leadership pour le comité de vérification. Nous y invitons des chefs de file, notamment des responsables de la réglementation, pour entamer des dialogues sur les questions que vous avez abordées aujourd'hui. Nous voulons discuter de ce qu'il faudrait faire en ce qui concerne les réunions du CSNC, les communiqués de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, les directives de la Bourse de Toronto et les nouvelles règles concernant l'indépendance des vérificateurs.

On a l'impression que vous êtes des candidats idéaux pour participer à cette conférence. Nous tenons à faire notre possible pour aider à améliorer la situation. Je ne pense pas qu'un dialogue aussi franc à propos de ces questions aurait été possible dans le domaine public. C'est ce qu'il faut faire pour rendre l'information financière plus transparente.

Le président: Ce sont les actionnaires qui nomment les vérificateurs. On pourrait donc supposer que ceux-ci travaillent pour les actionnaires. Pensez-vous que les vérificateurs aient l'obligation de faire l'éducation des actionnaires? Au cours des 40 dernières années, de nouveaux concepts ont été intégrés à l'analyse des états financiers. Je pense que le bénéfice brut avant intérêts, impôts et amortissement (EBITDA) est une supercherie monumentale. Pensez-vous que les vérificateurs devraient signaler aux actionnaires ce que signifie l'EBITDA et leur expliquer qu'il peut donner une image déformée de la situation? Considérez-vous que c'est une responsabilité des vérificateurs?

M. Smith: Je pense que les vérificateurs ont une responsabilité qui leur est assignée par la loi et qu'ils ont des responsabilités morales. Je pense que nous avons la responsabilité, pas légale mais morale, de faire l'éducation du public.

Le président: Vous avez notamment mentionné la question de la compétence et celle de l'éthique. Je suis certain que cela s'applique aux vérificateurs.

M. Smith: Absolument. Ce fut un exercice extraordinaire pour moi. J'ai eu beaucoup de discussions avec des journalistes qui m'ont posé des questions. Le niveau de compréhension du grand public en ce qui concerne les questions financières est très faible dans tous les pays. Environ 60 p. 100 des habitants de notre pays investissent dans le marché, dans des fonds communs de placement, dans des fonds de retraite, et cetera. Je pense que ce n'est qu'au niveau secondaire qu'il faut entreprendre l'éducation des jeunes en matière de finances. Une connaissance de base en finances est devenue nécessaire. Il faut commencer avec les jeunes et avec les médias. Il est important de commencer avec les jeunes.

Le président: Je suis bien d'accord. Nous avons eu l'autre jour une téléconférence avec Mme Stymiest, de la bourse. Nous avons reconnu que c'est un domaine où l'éducation laisse à désirer.

M. Smith: C'est une question de préparation à la vie et c'est nécessaire.

Avons-nous une obligation en la matière? Pas une obligation légale, mais je pense que nous avons une obligation morale. Nous sommes les normalisateurs. Nous devons jouer un rôle plus actif dans ce domaine, encourager l'éducation et y participer.

Le président: Est-ce que vous pensez comme moi que les personnes qui ont atteint le milieu de la quarantaine ou le milieu de la cinquantaine pensent que les pouvoirs publics ne s'occuperont pas d'elles indéfiniment ou qu'ils ne seront plus capables de s'occuper d'elles? Pensez-vous qu'elles se rendent compte qu'un intérêt de 1,5 p. 100 sur les dépôts bancaires ne suffira pas et qu'elles devront s'arranger pour faire fructifier leurs économies? La seule option est la bourse. Un trop grand nombre de personnes disent: «Je joue en bourse.» On l'a entendu dire des billions de fois.

M. Smith: Absolument.

Le président: C'est le problème; elles jouent. Il faut leur apprendre à être sérieuses et à prendre des décisions en connaissance de cause.

M. Smith: Je suis entièrement d'accord. Quant à savoir si le gouvernement prendra soin de moi lorsque je serai plus âgé, ma conclusion personnelle est que je suis déjà assez âgé pour me rendre compte que ce ne sera pas le cas.

Le président: Nous sommes au moins d'accord sur un point.

Le sénateur Fitzpatrick: Pensez-vous que les actionnaires devraient avoir l'occasion de poser des questions aux vérificateurs à l'assemblée générale annuelle? Les actionnaires reçoivent les états financiers longtemps d'avance et quelques actionnaires importants, surtout ceux qui représentent les fonds, sont en mesure de poser quelques questions pertinentes. Si les vérificateurs sont présents sur l'ordre des actionnaires, ceux-ci devraient-ils avoir l'occasion de leur poser des questions à l'assemblée générale annuelle?

M. Smith: J'ai assisté à des assemblées générales annuelles au cours desquelles des actionnaires ont posé des questions aux vérificateurs.

Le sénateur Fitzpatrick: Ce n'est pas la procédure courante. Je sais que parfois des actionnaires insistent pour poser des questions aux vérificateurs, mais pensez-vous que ce serait utile si cela devenait une procédure normale?

M. Smith: Je crois que les actionnaires devraient être davantage conscients qu'ils peuvent poser des questions aux vérificateurs, mais si l'on en faisait une habitude, cela prolongerait considérablement les assemblées annuelles. Quand la direction ne donne pas une réponse satisfaisante, les actionnaires demandent généralement au vérificateur de faire des commentaires à ce sujet.

Le sénateur Fitzpatrick: Si l'on y consacrait un peu de temps, cela pourrait résoudre plusieurs problèmes, surtout si la direction savait que les actionnaires posent des questions à leur assemblée générale annuelle.

Le président: Honorables sénateurs, nos témoins suivants sont les représentants du Conseil de surveillance de la normalisation comptable. Soyez les bienvenus, messieurs.

M. T.I.A. (Thomas) Allen, président, Conseil de surveillance de la normalisation comptable: Je n'ai que quelques observations liminaires à faire. Le rôle utile que nous pouvons jouer consiste à participer à un dialogue et à tenter de répondre de notre mieux au nom du Conseil de surveillance de la normalisation comptable, le CSNC.

Le CSNC a été créé il y a deux ans par l'ICCA dans le but de tenter de répondre aux critiques faites par les responsables de la réglementation et d'autres personnes qui estiment que divers aspects de la profession, notamment son indépendance et un degré de sensibilisation insuffisant du public, nécessitaient une certaine attention.

L'ICCA a surtout créé le CSNC parce que le public estime que les normes comptables ne sont pas suffisamment axées sur la protection de l'intérêt public.

Le problème est peut-être que les normes comptables nous viennent du mont Olympe sans avoir été influencées par une opinion pragmatique quant aux besoins éventuels des milieux d'affaires, à la fois des utilisateurs et des producteurs d'états financiers. Si j'ai bien compris, le CSNC a été créé à cette fin et a été constitué de 25 membres. Ces membres proviennent de divers milieux et de diverses régions. Plusieurs d'entre eux sont membres d'office parce qu'ils représentent certains organismes. C'est le cas par exemple du surintendant du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF). Je n'insinue pas qu'il ne mériterait pas d'y être à titre personnel, mais il en est membre parce qu'il est le surintendant du BSIF.

D'autres membres du conseil ne représentent pas un organisme particulier mais en font partie parce qu'ils produisent des états financiers ou sont des consommateurs d'information financière.

En fin de compte, ils représentent un très bon échantillon d'opinions qui servent à remplir des fonctions de surveillance. Il faut comprendre que ces fonctions ne consistent pas à établir des normes comptables mais à surveiller les activités du Conseil des normes comptables, dont le président est M. Cherry. Ce rôle consiste donc à surveiller les activités, à discuter avec le Conseil des normes comptables de ses conclusions provisoires quant à l'orientation à suivre et à faire en sorte que les opinions des consommateurs, des producteurs et des responsables de la réglementation soient portées à l'attention du conseil. Le conseil ne sera pas en mesure d'en arriver à des conclusions en ce qui concerne les PCGR sans être pleinement conscient des opinions des intervenants au sujet de ses activités.

Pour accomplir cette tâche, le CSNC tient trois réunions par an et toutes les réunions ont été accessibles au public. Plusieurs interventions ont été faites par des membres du public. Elles ont été plus nombreuses à la dernière réunion, en mai, et je crois que c'est principalement parce que cette réunion était présentée comme une réunion où l'on examinerait les problèmes à la suite du scandale d'Enron.

Si je présume que tous les membres du conseil sont préoccupés par les problèmes associés à la débâcle d'Enron, les membres du CSNC s'attachent à un aspect bien précis du problème qui consiste à déterminer si les PCGR canadiens sont adéquats ou non et s'ils sont vulnérables à un problème analogue à celui qui est survenu à Houston.

Je cède maintenant la parole à M. Cherry pour qu'il fasse son exposé sur les PCGR canadiens.

M. Paul Cherry, président, Conseil des normes comptables: Le document qui a été distribué à l'avance et les observations que je ferai aujourd'hui reflètent mes opinions personnelles et pas nécessairement celles du Conseil des normes comptables.

Les questions que nous examinons ne concernent pas uniquement l'affaire Enron. Cependant, il est important de signaler que l'affaire Enron n'est pas due principalement à une défaillance des normes comptables. La plupart des experts comptables pensent que si Enron avait observé scrupuleusement les normes comptables américaines actuelles, les investisseurs auraient été avertis suffisamment d'avance de la débâcle.

Le Conseil des normes comptables n'est toutefois pas indifférent aux risques qui sont liés à des défaillances semblables en matière d'information financière au Canada. Nous nous attachons à trouver des solutions dans des domaines qui relèvent de notre mandat, c'est-à-dire l'information financière et les normes comptables. Nous ne pouvons pas traiter des problèmes qui se posent dans bien d'autres domaines importants comme la gouvernance d'entreprise ou la conduite d'une vérification ni des problèmes liés à l'interprétation de nos normes et à leur mise en application.

Avant de modifier notre système, il faut déterminer avec précision la nature du problème que l'on essaie de régler et connaître les raisons pour lesquelles les changements que nous envisageons apporteront des améliorations considérables.

Le système des normes comptables canadiennes est très respecté dans la collectivité internationale. Il faut éviter de détruire cet actif incorporel très précieux fondé sur le savoir que constituent les PCGR canadiens. Il nous a fallu des dizaines d'années pour mettre en place nos propres processus et infrastructures de normalisation.

La normalisation exige des ressources hautement qualifiées. Au cours de ma longue expérience sur la scène internationale, j'ai constaté avec étonnement que ces ressources sont peu courantes. Le bassin n'est pas très large. Lorsqu'elles sont dispersées ou modifiées de façon radicale, on a beaucoup de difficulté à les regrouper, comme l'Australie a pu en faire la triste expérience.

Il y a matière à amélioration. Nous entreprenons actuellement un examen approfondi de nos processus et de nos ressources en matière de normalisation. Nous présenterons un rapport à ce sujet au Conseil de surveillance à sa prochaine réunion qui aura lieu en septembre. Ce sera une réunion publique.

Une question que l'on me pose souvent est: «Notre conseil devrait-il jouir d'une plus grande indépendance?» Il n'est pas manifeste à mes yeux que le Financial Accounting Standards Board américain ait joui d'une plus grande indépendance dans le cadre de ses décisions que notre Conseil. Je crois notamment, et je pense que d'autres personnes partagent cette opinion, que le Conseil canadien a démontré qu'il était plus ferme au besoin que le FASB américain.

Bien que ce soit l'ICCA qui nomme les membres de notre conseil de surveillance, c'est le conseil qui a le contrôle sur toutes les nominations au Conseil des normes comptables. Je relève du Conseil de surveillance et pas de l'ICCA. C'est le Conseil de surveillance qui évalue mon rendement.

Enfin, notre conseil doit consulter le Conseil de surveillance et c'est nous qui déterminons les décisions en ce qui concerne notre programme technique et pas le Conseil de surveillance ni l'ICCA.

Un exemple précis a déjà été abordé dans vos questions. Lorsque notre conseil a décidé d'examiner la question de la rémunération à base d'actions, on pensait que nous étions suicidaires. Après avoir délibéré, nous en avons conclu que le coût des paiements à base d'actions, y compris des plans d'options sur actions, devait être comptabilisé. Presque toutes les personnes qui nous en ont parlé prévoyaient que si une telle décision était mise à exécution, elle désavantagerait les entreprises canadiennes parce qu'elle était plus stricte que les PCGR américains.

Nous avons subdivisé le projet en trois étapes. La première, qui est franchie, est que nous en sommes arrivés à peu près au même point que les Américains. Cette étape est une réalisation importante en matière d'information financière. Les États-Unis et le Canada sont les seuls pays du monde qui soient allés aussi loin dans ce domaine. La nouvelle norme englobe le mode d'octroi d'options le plus courant, appelé communément droits à la plus-value d'actions.

La deuxième étape est en cours. Nous collaborons avec nos collègues étrangers par l'intermédiaire de l'International Accounting Standards Board qui a entrepris un projet sur la question de la rémunération à base d'actions. Cet organisme publiera un exposé-sondage plus tard au cours de l'année. Ses décisions provisoires sont exactement les mêmes que les nôtres. Si ce document aboutit à la publication d'une norme définitive, la communauté internationale exercera des pressions sur les États-Unis pour qu'ils favorisent la convergence. D'après les commentaires que nous recevons, il est possible que l'humeur ait changé au Canada et que nous nous soyons trop inquiétés au sujet des conséquences éventuelles sur le plan concurrentiel. Je pense que le jury est toujours en train de délibérer, mais les opinions convergent de plus en plus.

Veut-on un système fondé sur des principes et sur quelques règles précises ou veut-on adopter le système américain auquel on reproche vivement d'être exagérément axé sur des règles? Ce ne sont pas les règles qui sont la source du problème en ce qui concerne le système américain, mais plutôt la conclusion que l'on tire qu'en l'absence de règles, on peut agir comme on l'entend. C'est la loi de la jungle. C'est là que réside le problème. Il ne réside pas dans les règles. Si l'on veut des règles complètes, on a intérêt à ce qu'elles couvrent absolument toutes les éventualités.

On ne peut pas jouer sur les deux tableaux. On ne peut pas établir de nombreuses règles précises en demandant à la fois de faire preuve de réflexion et de jugement et d'appliquer des principes généraux dans les cas où l'on ne peut pas se fonder sur une règle précise.

Cette mentalité désinvolte s'installe petit à petit au Canada. Dans un système fondé sur des principes, comme le système canadien, on ne peut pas combiner absolument tous les traitements comptables possibles de façon arbitraire, sans faire preuve de jugement ou sans autre contrainte. Cela n'a jamais été la façon appropriée d'appliquer les PCGR canadiens. Nous avons entrepris de donner des indications plus précises sur le rôle du jugement professionnel et prenons des décisions comptables stratégiques de façon rigoureuse et réfléchie.

Lorsqu'on a affaire à des normes comptables fondées sur des principes, les questions importantes font généralement appel au jugement, c'est ce que j'appelle les chiffres «mous» et les règles qui ne sont pas tranchées. Si c'est ce type de système que nous voulons, il est important d'instaurer un système d'application qui permet de régler non seulement les questions non tranchées, mais aussi les cas où il faut faire preuve de jugement et où l'on a affaire à des chiffres «mous».

Une autre question importante dont nous sommes saisis est celle de savoir s'il ne conviendrait pas d'adopter tout simplement les normes comptables internationales ou les normes américaines au lieu d'établir des PCGR canadiens. À mon avis, les normes internationales ne sont pas encore prêtes et ne le seront pas avant plusieurs années. En outre, nous n'avons pas au Canada l'infrastructure nécessaire pour les utiliser de façon courante.

La question plus délicate qu'il convient de poser est: «Faudrait-il plutôt adopter les PCGR américains?» Cette approche présente beaucoup d'attrait, en particulier en ce qui concerne les grandes sociétés ouvertes canadiennes qui sont également inscrites en bourse aux États-Unis. Il s'agit des sociétés à forte capitalisation qui sont importantes mais il faut tenir compte des petites et moyennes sociétés ouvertes qui ne sont pas inscrites dans les deux pays et qui ne sont pas intéressées du tout par les PCGR américains.

Je pense que si nous adoptions le système américain, nous adopterions non seulement la quantité assez considérable de normes américaines mais aussi un nombre considérable de directives supplémentaires sur la mise en oeuvre, ainsi que les exigences comptables de la SEC. Pour établir la comparabilité, on ne pourrait pas adopter quelques normes seulement; il faut les adopter en bloc. À mon avis, le coût d'une telle opération serait astronomique. J'ai travaillé pendant des années pour de grandes sociétés ouvertes et c'est coûteux. En ce qui concerne les entreprises ouvertes de taille moyenne, le coût devient extrêmement élevé, voire prohibitif.

Notre conseil a éliminé la plupart des différences importantes entre les PCGR canadiens et les PCGR américains en ce qui concerne les principaux points. Cela facilite la tâche d'une entreprise canadienne qui désire se conformer à la fois aux PCGR canadiens et aux PCGR américains. Cela leur facilite l'accès aux marchés de capitaux américains. C'est pourquoi nous parlons d'harmonisation, notion qu'il ne faut pas confondre avec l'adoption des PCGR américains. Nous pensons que cette stratégie sert les intérêts des investisseurs et des sociétés ouvertes.

Au cours des cinq dernières années, nous avons publié 12 prises de position importantes touchant les sociétés ouvertes canadiennes. Dans tous les cas, il s'agit d'une harmonisation avec les PCGR américains. C'est le résultat volontaire de notre politique d'élimination des différences. J'ai apporté un document que vous aimeriez peut-être consulter plus tard car il spécifie les normes et les différences qui existent entre elles.

Pourquoi insistons-nous tant sur la distinction entre l'harmonisation avec les PCGR américains et leur adoption? J'ai mentionné le facteur coût mais il y a d'autres considérations stratégiques plus générales qui entrent en ligne de compte. Premièrement, si nous adoptions les PCGR américains, cela engendrerait une polarisation. Nous serions de façon très nette dans le camp américain. Cela inciterait presque à coup sûr les pays européens à faire front commun, ce qu'ils menacent de faire depuis un certain nombre d'années et une autre grappe se formerait probablement en Australasie. Une autre conséquence possible serait que l'International Accounting Standards Board pourrait très bien renoncer à ses aspirations mondiales pour devenir essentiellement le normalisateur européen.

Ensuite, je crois que cela réduirait considérablement, et ferait peut-être disparaître complètement, la perspective canadienne des exigences en matière d'information financière. Certaines personnes ont dit: «Pourquoi ne pas essayer d'obtenir un siège au FASB?» Le FASB est composé de sept membres. Je me demande s'il examinerait notre candidature. Si nous obtenions un siège, ce ne serait certainement pas aussi efficace que la pression des pairs et que notre statut de normalisateur national.

Le président: Qu'entendez-vous par «éliminer la perspective canadienne»? En quoi consiste-t-elle concrètement?

M. Cherry: On pose souvent la question suivante au sujet de la devise canadienne: «Les entreprises canadiennes sont-elles plus dépendantes de sources étrangères de capitaux que les entreprises américaines?» Lorsque les États-Unis ont adopté leurs normes en matière de conversion de devises, c'était bien moins important pour les entreprises américaines que pour la plupart des entreprises canadiennes. Je crois que ce facteur a une incidence sur l'examen de diverses questions. Un autre facteur serait la petite différence entre les deux régimes fiscaux et entre les deux régimes statutaires.

D'un point de vue comptable, nous essayons de tenir compte de l'environnement économique et des circonstances qui exercent une influence sur le Canada. Notre programme n'est pas nécessairement le même que le programme américain.

Ai-je répondu à votre question?

Le président: Pas vraiment. J'y réfléchis.

M. Cherry: Le troisième facteur est que le Canada est nettement en faveur de l'adoption de normes mondiales communes à long terme. Nous avons formé un partenariat officiel avec le Conseil international dans ce but, et les États-Unis également. À mon avis, si le Canada n'avait pas un système de normalisation très élaboré, les perspectives de réussite de ce partenariat international seraient considérablement réduites. Nous sommes considérés comme le «courtier honnête» qui sait comment s'accommoder avec les États-Unis. La plupart des autres pays s'opposent fermement à l'adoption des PCGR américains comme norme mondiale.

Par ailleurs, on a souvent fait remarquer que les PCGR canadiens produisent un bénéfice plus élevé que les PCGR américains. Vous mettiez M. Smith au défi d'expliquer la compatibilité entre les deux systèmes. Je me ferai un plaisir de revenir à cette question. Je signale que dans le rapport annuel pour 2000, en ce qui concerne le revenu des activités poursuivies — et la plupart des investisseurs et analystes mettent principalement l'accent sur ce revenu —, les PCGR américains produisaient un chiffre plus élevé que les PCGR canadiens pour les deux années. C'est une différence qui a été signalée à maintes reprises, mais il est extrêmement difficile de généraliser. Comme normalisateurs, nous recherchons la neutralité. L'objectif est de ne pas être prudents ni optimistes à outrance. Nous nous efforçons de rester neutres.

Donc, dans certains cas, notre système peut produire un chiffre plus élevé que le système américain alors que dans d'autres, le nôtre est beaucoup plus bas. Il est pour ainsi dire impossible de le prévoir d'avance, même dans un cas précis comme la conversion des devises.

En 1998, notre équipe a examiné la situation d'une centaine de sociétés ouvertes en se fondant sur les rapports publiés; nous avons relevé une vingtaine de postes où un rapprochement des comptes est nécessaire. La question est réglée en ce qui concerne huit d'entre eux étant donné que nous avons éliminé les différences dans le cadre de cette politique d'harmonisation. Dans quatre autres cas, les différences seront éliminées grâce aux projets que nous avons déjà entrepris. Dans trois de ces domaines, le consensus international appuie le traitement canadien, c'est-à-dire que la communauté internationale n'approuve pas la solution américaine. Dans cinq autres cas, avec l'information dont nous disposions, nous n'avons pas pu déceler une différence entre les normes ou nous n'avons pas pu dire si c'était une façon de procéder très inhabituelle ou s'il s'agissait d'une interprétation «limite» des PCGR, selon l'expression utilisée par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario.

Enfin, je voudrais mentionner la question des chiffres «mous» parce qu'on a parlé d'états financiers «exacts» comme s'il s'agissait tout simplement d'additionner des chiffres. Les chiffres «mous» sont dus à une incertitude relative à la mesure. C'est un facteur que connaissent tous les normalisateurs et tous les systèmes d'information financière que je connais. Les causes de l'incertitude relative à la mesure sont dues à des facteurs tels qu'un recours plus fréquent à la juste valeur. Il est parfois très difficile de déterminer la juste valeur lorsqu'on s'éloigne de la bourse de New York et d'autres marchés très diversifiés et très instables.

Les actionnaires s'intéressent de plus en plus aux prévisions concernant l'encaisse. Des incertitudes sont liées à ce type de prévisions. La SEC a dernièrement demandé que l'on fasse des propositions afin d'améliorer la transparence de ce qu'elle appelle les estimations comptables cruciales découlant des politiques comptables cruciales et au sujet de l'adoption initiale de conventions comptables qui ont une incidence importante sur la présentation des états financiers. Nous les examinerons pour voir si ces propositions méritent d'être examinées pour le Canada.

Je signale qu'il n'y a pas de solutions miracles ou de solutions faciles, même si nous nous en tenons à l'aspect comptable. Notre système est solide et je crois qu'il continuera de s'améliorer. Nous constatons de plus en plus que notre programme est influencé par des facteurs mondiaux et pas uniquement par des facteurs nationaux. En définitive, l'établissement de normes et de règles ne peut pas remplacer l'intégrité de la direction, la gouvernance d'entreprise, la fermeté des vérificateurs ou la présence d'organes de réglementation disposant des ressources et des pouvoirs nécessaires. C'est sur cette note que se termine mon exposé. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le sénateur Kelleher: Monsieur Cherry, à la page 1 de votre mémoire, au dernier paragraphe, vous semblez être à mon avis quelque peu sur la défensive en déclarant que:

Les normes comptables canadiennes sont très respectées [...] Il faut éviter de détruire cet actif incorporel très précieux fondé sur le savoir que constituent les PCGR canadiens.

J'espère que vous ne sous-entendez pas par là que l'on ne peut pas critiquer notre norme ou qu'elle résiste à un examen.

M. Cherry: Pas du tout. Il n'y a pas un aspect des normes canadiennes qui ne soit contesté continuellement. C'est aussi le cas en ce qui concerne les normes américaines et les normes internationales. On aurait tendance à croire qu'après quelques années, certaines de ces questions seraient définitivement réglées. Cependant, l'absolu est une denrée rare.

Le sénateur Kelleher: Je suis heureux de l'entendre. Notre ami et le vôtre, M. Al Rosen, n'a pas été très élogieux au sujet des normes comptables canadiennes lorsqu'il est venu témoigner. J'ai constaté que l'on ne pouvait pas avoir une opinion tranchante mais qu'il faut plutôt la nuancer. Certains des commentaires de M. Rosen étaient probablement exacts. Vous vantez les mérites de notre norme alors que M. Rosen la critique. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

M. Cherry: Je pense que notre système est excellent et que c'est un des trois ou quatre meilleurs à l'échelle mondiale. C'est pourquoi je vante les mérites de nos normes. Elles évoluent sans cesse. J'ai lu de nombreux articles de M. Rosen et j'ai abordé diverses questions avec lui. Il a soulevé plusieurs problèmes importants. Notre conseil s'efforce de faire une analyse globale et équilibrée des problèmes. Diverses personnes n'approuvent pas nos conclusions. Nous ne sommes très souvent pas d'accord entre nous. Cependant, je pense que nous faisons des efforts raisonnables pour identifier les problèmes et pour peser le pour et le contre.

Je ne trouve pas cet équilibre dans les écrits de M. Rosen. C'est ce qui est sous-entendu qui me trouble. Par exemple, à propos de la question de la dépréciation des actifs, il a omis de signaler qu'il n'existait aucune norme américaine jusqu'à environ 1995. On ne devait même pas s'en préoccuper aux États-Unis alors qu'au Canada, une norme était déjà en place. La norme 121 a toutefois été adoptée vers 1995. Les Américains ont maintenant une norme.

Il y a quelques mois, M. Rosen a critiqué notre système dans un article où il nous reprochait de ne pas encore avoir adopté une norme analogue à la norme américaine. Il a omis de préciser que nous avons publié un exposé-sondage qui a été soumis aux commentaires publics et que nous sommes sur le point d'établir une norme qui sera harmonisée avec la norme américaine. Je reconnais qu'il y avait un problème. Nous l'avons réglé. Le fait que l'on alarme la population au sujet de certains de ces problèmes me préoccupe.

Je recherche une discussion équilibrée et le conseil invite régulièrement le public à suggérer des solutions. Je viens de faire une analyse fondée sur le rapport d'étape Caldwell paru en mai. Dans huit domaines on a mentionné que les PCGR canadiens étaient «sur du sable mouvant»: ces commentaires s'appliquaient également aux PCGR américains dans au moins six cas. Des commentaires comme ceux-là donnent l'impression que le système canadien est épouvantable et qu'il faut adopter le système américain. Je ne conteste pas les opinions personnelles de M. Rosen. Par contre, notre conseil fait de son mieux pour solliciter les opinions. Ce qui est inquiétant, c'est qu'on laisse entendre qu'il y a des solutions très nettes et qu'il faut s'inspirer du modèle américain. Ça reste à prouver, à mon avis.

Le sénateur Kelleher: J'approuve l'harmonisation entre les normes américaines et les normes canadiennes. C'est un excellent objectif. Avez-vous été en mesure d'harmoniser les normes en ce qui concerne le traitement des options sur actions?

M. Cherry: Nous avons mis en place une norme qui exige que l'on tienne compte du coût de ces options dans les mêmes circonstances qu'aux États-Unis.

Le sénateur Kelleher: Sont-elles comptabilisées comme une dépense?

M. Cherry: En ce qui concerne toutes les autres options que ce que j'appelle des options sur actions pures. De nombreux arrangements complexes nécessitent un paiement ou un règlement net. Nos normes exigent qu'ils soient signalés et que l'on en tienne compte. Le seul cas où nous avons fait exception, parce qu'on dit que ce serait très dommageable pour les entreprises canadiennes sur le plan concurrentiel, est celui de l'option sur actions pure.

C'est ma première étape. Nous avions la même approche qu'aux États-Unis. L'option pure est soit comptabilisée dans les dépenses, soit signalée comme revenu net supplémentaire, ce qui indique aux contribuables quel résultat cela donnerait si elle avait été comptabilisée. Les actionnaires reçoivent l'information. La différence est que ce type d'option peut être comptabilisée dans les résultats ou simplement signalée.

Nous ne sommes pas satisfaits de cette solution. Nous tentons de nous entendre avec le FASB et le Conseil international afin de supprimer ce choix en ce qui concerne l'option pure et de la signaler par une information supplémentaire au lieu de la comptabiliser.

Le sénateur Kelleher: A-t-on pu trouver une solution pour les valeurs hybrides?

M. Cherry: Oui. Si l'on procède à une analyse technique, il est possible que l'on n'approuve pas notre solution, mais le Canada a joué un rôle de chef de file à l'échelle mondiale en matière de traitement des instruments financiers. Nous avons été le premier pays à adopter une norme qui, en se fondant sur les principes et non sur le statut légal de l'instrument, exige que les instruments soient classés comme passif ou comme actif, selon leur nature économique. Les États-Unis n'ont pas adopté cette approche. Mes collègues pourraient arguer que les États-Unis sont en retard et que ce sont eux qui essaient maintenant de rattraper le retard.

La norme internationale est très semblable à la norme canadienne. Par conséquent, lorsqu'il s'agit de ce qu'on appelle une «action» selon nos critères, on pourrait en conclure qu'elle présente davantage les caractéristiques d'un passif que celles d'un actif. D'après notre norme, elle doit être considérée comme un passif. Ce pourrait toutefois être l'inverse. On pourrait la considérer comme un passif dans d'autres pays alors que selon notre norme, elle serait considérée comme un actif.

Le sénateur Kelleher: Que fait-on pour régler le problème, si c'en est un, de l'incidence de l'intérêt composé? Est-ce un problème important?

M. Cherry: C'est un énorme problème. J'aurais besoin de précisions supplémentaires. L'intérêt est un facteur très important dans l'évaluation de la juste valeur. Nos normes exigent parfois que l'on évalue la juste valeur et qu'on l'utilise comme base de mesure.

Notre exposé-sondage sur la dépréciation comporte un deuxième aspect. C'est une norme pour laquelle il faudra ce que j'appelle un élément d'actif à long terme. Nous pensions à «terrain, construction et matériel». Notre approche comptable, qui est quasi universelle et qui est la même qu'aux États-Unis et qu'à l'étranger est que la plupart de ces actifs sont comptabilisés au coût et que les fluctuations de leur juste valeur sont considérées comme secondaires. Il est à l'occasion manifeste que l'on n'arrivera pas à en recouvrer le coût. C'est ce que l'on appelle la «dépréciation».

On se pose actuellement la question suivante: comment tenir compte du facteur «intérêt» tout en tenant compte de la dépréciation? Nous sommes en voie d'adopter la même approche qu'aux États-Unis. Nous pensons, à tort ou à raison, qu'en vertu de cette approche, il convient de faire un calcul non actualisé de l'encaisse future; c'est la première étape du critère de la dépréciation. Cette étape ne tient pas compte de l'intérêt.

Selon une autre école de pensée, que représente la norme internationale, la première étape doit être une encaisse actualisée et dans ce cas, on tient compte plus souvent de la dépréciation.

Pensiez-vous à un contexte bien précis?

Le sénateur Kelleher: Non.

Un des témoins que nous avons accueillis est le représentant de la caisse de retraite des enseignantes et des enseignants. Il a dit: «Nous avons examiné un jour nos investissements et avons constaté que nous avions un investissement important dans Enron. Nous pensions qu'il représentait un pourcentage très élevé de notre portefeuille en raison de la forte augmentation de la valeur de l'action. Nous nous sommes dit que nous aurions intérêt à examiner la situation d'Enron pour voir ce qu'il fallait faire.» D'après lui, il a fallu une heure pour se rendre compte des problèmes d'Enron et toutes les actions ont été vendues. Ce ne sont pourtant pas des analystes financiers. Il s'agit de comptables agréés. Ce témoin a confirmé qu'il n'était pas difficile de se rendre compte que cette entreprise était en difficulté. D'après lui, il suffisait de lire les notes pour s'en rendre compte.

Pourtant, tout le monde dit que les manigances d'Enron étaient si intelligentes, si sournoises et si diaboliques qu'il était impossible de savoir ce qui se tramait. Je commence à me demander si la responsabilité n'incombe pas principalement à d'autres personnes et à d'autres organismes qui n'ont pas été en mesure de prévoir la débâcle.

Je ne tente pas de prendre votre défense, mais on met de nombreux problèmes sur le dos des comptables. Pourtant, la caisse de retraite des enseignantes et des enseignants n'a pas eu de difficulté à découvrir le pot aux roses. Je me demande donc si ce n'est pas l'incompétence de bien d'autres personnes qui est en cause. Il faudrait faire preuve de prudence avant d'établir de trop nombreuses règles pour éviter une débâcle comme celle d'Enron alors qu'il n'était pas très difficile de découvrir le pot aux roses.

Je voudrais que vous fassiez des commentaires à ce sujet.

M. Cherry: Je pense qu'il n'était même pas nécessaire de lire les notes. À la page 2 du rapport annuel d'Enron, il y avait un sommaire de l'information financière. Plusieurs personnes ont signalé que la plupart des indices importants s'y trouvaient. Je pense qu'aucune somme d'efforts supplémentaires sur le plan comptable ne permettrait de résoudre ce problème. Il faudrait faire un effort concerté sur plusieurs fronts et obtenir notamment l'aide d'analystes financiers.

Nous tenons régulièrement des réunions avec des analystes. Je pense que la presse financière joue un rôle dans ce domaine. En fait, on se demande pourquoi on ne pourrait pas simplifier les états financiers que l'on trouve extrêmement complexes. Ils ne seront jamais moins volumineux. On pourrait essayer de les simplifier mais la difficulté, c'est que l'on essaie de tenir compte de tous les nouveaux instruments créatifs qui sont créés dans le monde des affaires. Je ne vois aucune issue.

Nous avons parlé tout à l'heure de programmes éducatifs et nous avons mentionné qu'un changement d'attitude était nécessaire. Le marché est sophistiqué et il évolue rapidement. L'investissement n'est pas une profession comme les autres. Il faut engager quelqu'un comme conseiller et lui laisser faire le travail à votre place ou alors le faire vous-même. Il est inquiétant que l'on utilise les états financiers ou les rapports trimestriels comme principale source d'information pour prendre une décision. On dirait pourtant que c'est ce qui se fait couramment.

Le sénateur Kelleher: Étant donné la rapidité avec laquelle la caisse de retraite des enseignantes et des enseignants est parvenue à découvrir le pot aux roses, n'est-on pas en droit de se demander si la réaction n'est pas en quelque sorte trop violente au Canada et aux États-Unis. Toute l'information nécessaire était à portée de la main et le problème est que les investisseurs ne l'avaient pas examinée de façon assez attentive.

M. Cherry: Je crois que ce serait une réaction beaucoup trop violente si la principale préoccupation dans le cadre de vos délibérations et de nos activités était l'affaire Enron. Nous dépassons ce stade.

À certains égards, il s'agit d'une leçon. C'est peut-être une leçon sur la cupidité et sur la tendance à croire que les indices boursiers ne cesseront d'augmenter. Quand on examine la question dans une perspective plus large, on se rend compte qu'il y a des messages que l'on ne peut ignorer.

Le sénateur Kelleher: Voulez-vous dire en plus d'Enron?

M. Cherry: Oui. Ce qui m'encourage peut-être le plus, c'est le changement d'attitude. Un changement étonnant s'est produit. Il y a six mois, si l'on avait parlé de rémunération à base d'actions, je me serais attendu à être le seul participant. La mentalité des analystes a changé. Les propositions qui ont été faites par l'Association for Investment Management and Research sont très encourageantes.

Le sénateur Kroft: Je pense que vous êtes le premier de nos témoins à mentionner qu'il faudra encore de longues années pour mettre en place des normes internationales. Je me trompe peut-être. J'avais l'impression que ce serait pour bientôt. Vous avez parlé de plusieurs années. De toute évidence, vous êtes le seul à le croire. Vous laissez entendre en quelque sorte qu'il ne faut pas s'attendre à ce que cela se réalise.

M. Cherry: Il faudra attendre plusieurs années.

Le sénateur Kroft: En réponse à une question sur les options sur actions, vous avez dit que vous aviez prévu plusieurs étapes et qu'on vous a recommandé de ne pas être trop agressif parce que cela pourrait devenir un désavantage concurrentiel pour le Canada.

Un intervenant important des milieux financiers canadiens nous a conseillé de ne pas aller trop loin. Il nous a conseillé de ne pas devancer les Américains parce que cela risque de décourager les Américains ou d'autres investisseurs étrangers d'investir au Canada et de prendre des décisions en matière d'investissement fondées sur les marchés canadiens.

Ce commentaire me laisse perplexe. Certaines bourses se sont taillé leur place au soleil en facilitant l'accès aux marchés financiers. Cette initiative n'a pas été une réussite somme toute.

Pourriez-vous dire quelles pressions on exerce sur vous pour y aller doucement? Pensez-vous qu'il faille éviter de faire preuve d'une diligence telle que le marché canadien cesserait de présenter de l'attrait parce que nos normes sont trop strictes? Faudrait-il dire: «Le Canada est le pays où investir parce qu'on sait que les marchés canadiens sont efficaces, honnêtes, informés et bien réglementés»?

M. Cherry: C'est très encourageant d'entendre ce type de commentaire. Des collègues du milieu de l'enseignement et du milieu des analystes nous appuient vigoureusement et rappellent aux Canadiens que la faiblesse d'un système peut engendrer des coûts de capitaux très importants et que l'on a tout intérêt à rechercher une qualité supérieure.

À vrai dire, il ne s'agit même plus d'une forte minorité. Je ne parle pas uniquement du milieu des entreprises. C'est l'opinion exprimée par les divers secteurs: les investisseurs, les investisseurs institutionnels, les particuliers et les entreprises. Ces secteurs sont pratiquement unanimes: la meilleure approche consiste à rechercher la meilleure qualité possible dans l'information financière, mais de le faire en étroite collaboration avec les Américains.

Nous travaillons en étroite collaboration avec eux, mais il s'agit en quelque sorte d'une relation en dents de scie. Nous sommes en avance dans un domaine et ils sont en avance dans un autre. C'est la première fois à ma souvenance que des personnes qui ont des opinions vigoureuses et réfléchies déclarent que nous nous sommes peut-être trop inquiétés des éventuels torts que cela pourrait causer sur le plan concurrentiel et qu'il faut instaurer un système de qualité supérieure.

Nous devrons tenir des consultations très larges à ce sujet et obtenir continuellement les opinions de notre Conseil de vérification. Ce sera intéressant de connaître les opinions de la communauté internationale. Il est indéniable que des pressions sont exercées sur les États-Unis pour qu'ils modifient certains volets de leur système également.

Le président: On entend tellement de recommandations et de déclarations contradictoires qu'il est parfois difficile de les concilier. M. Caldwell, de Caldwell Securities, nous a dit ceci:

Les investisseurs américains considèrent le Canada comme une jungle et pensent que l'information financière donnée par les sociétés ouvertes est insuffisante.

Il a fait également le commentaire suivant:

Aux États-Unis, on pense que la comptabilité canadienne est trop agressive et qu'il ne faut pas faire confiance aux états financiers.

Le témoin qui représentait les comptables généraux licenciés a fait la déclaration suivante:

Aucune norme canadienne ne prescrit une méthode d'évaluation de la valeur des instruments financiers ou n'indique comment l'inscrire dans les états financiers.

Il a également fait le commentaire suivant:

Une règle est en place aux États-Unis depuis des années alors que nous n'en avons toujours pas dans un domaine où l'on considère depuis plus de 50 ans que c'est une grosse lacune dans les normes comptables canadiennes.

Je ne dis pas qu'ils ont raison ou qu'ils ont tort. En toute franchise, je ne le sais pas. Quand on les écoute et quand on vous écoute, on a l'impression de vivre dans deux mondes différents. De toute évidence, vous pensez qu'ils ont tort, mais comment sommes-nous censés régler ces questions?

M. Cherry: Le problème n'est pas que nous n'ayons pas mis en place de règles concernant la méthode d'évaluation des actifs et des passifs financiers, c'est que nos règles sont différentes. Je reconnais qu'elles sont trop axées sur les coûts. Nous avons entrepris un projet. C'est ce que je trouve frustrant. Je suis certain que vous trouverez cela frustrant également. En ce qui concerne le problème que mentionnaient les CGA, nous avons entrepris un projet actif. D'ici deux ans, nous aurons établi une norme qui sera entièrement harmonisée avec la norme américaine et la norme internationale.

La seule raison pour laquelle nous n'avons pas agi plus tôt dans ce domaine est que nous étions les chefs de file d'un projet mondial très ambitieux de solution «de luxe» concernant tous les problèmes relatifs à cette question.

La résistance à un usage plus fréquent de la juste valeur, ne fût-ce qu'en matière d'investissement dans les actions et les obligations, était énorme et elle est toujours très forte. Nous nous attendons à ce que, lorsque la norme sera rendue publique d'ici environ 18 mois, la plupart des commentaires soient négatifs.

La raison pour laquelle nous avons attendu est que nous pensions qu'il était de notre intérêt de proposer une solution globale acceptée à l'échelle mondiale plutôt que d'apporter des changements en deux ou trois étapes. Malheureusement, cette solution mondiale est beaucoup trop lointaine et nous passons à l'action.

J'ai également déjà entendu dire que le Canada était une véritable jungle. Je pense que ce commentaire concerne un secteur bien précis. J'ai souvent entendu ce commentaire à propos de certaines petites sociétés. Je me demandais parfois s'il s'agissait d'un commentaire sur les états financiers ou si c'était plutôt un commentaire plus général concernant notre approche en matière de réglementation ou d'application des règlements. Il existe des différences très importantes dans l'approche en matière de réglementation et de mise en application des règlements sur les valeurs mobilières.

Si je faisais une comparaison entre le Canada et les États-Unis, je m'intéresserais davantage à d'autres maillons de la chaîne. Nous devons remanier nos normes. Nous avons une stratégie appuyée par une vision claire. Celle-ci nous rapproche du système américain mais ce n'est pas l'objectif final; celui-ci est plutôt d'aligner en fin de compte la norme américaine et la norme canadienne sur une norme mondiale.

M. Allen: Monsieur le président, en ce qui concerne cette dernière question, peut-être de façon quelque peu équivoque, je suis rassuré de savoir que l'on ait fait une telle déclaration sur la réputation des marchés canadiens. Un des facteurs dont négligent parfois de tenir compte ceux et celles qui débattent ces questions est l'autoréglementation des marchés. Si les marchés canadiens ou les PCGR canadiens qui ont une incidence sur ces marchés ont la réputation d'être une jungle, ceux qui en souffrent, ce sont les entreprises qui essaient de trouver des capitaux sur ces marchés. Par l'effet d'une logique implacable, il y a un coût lié à ce facteur. Ceux qui tentent d'emprunter des capitaux ont amplement l'occasion de mettre de l'ordre dans leurs affaires. Si les PCGR se prêtent à diverses interprétations et si un émetteur décide d'être aventureux, de faire preuve d'imagination et d'être libéral, cela implique un coût pour lui. Ce n'est pas uniquement le rôle de la police interne de modérer cette attitude libérale et aventureuse.

Dans toute cette affaire, nous avons un autre partenaire, les marchés financiers.

Le président: Le New York Times a publié à la une un article sur les audiences du Congrès concernant Enron. On avait l'impression qu'au Congrès, on avait tendance à penser que la situation se calmait et que les marchés avaient déjà commencé à s'autoréglementer. Comme vous le savez, la bourse de New York a publié un document de 23 pages. Partagez-vous l'opinion que les gouvernements joueront un rôle beaucoup moins importants que ne le pensait initialement le gouvernement américain lorsqu'il a intenté des poursuites contre Andersen et tous les cadres d'Enron et a envisagé d'apporter des changements considérables?

M. Allen: De nombreuses personnes contestent le jugement rendu à la suite de l'action intentée aux États-Unis pour obstruction de la justice, en raison des conséquences énormes pour des milliers de familles innocentes.

Le président: Ce que je voudrais savoir, c'est si vous pensez que des changements sont déjà en cours.

M. Allen: Oui.

Le président: Merci, messieurs.

La séance est levée.


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