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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 2 - Témoignages du 23 avril 2001 (séance du matin)


VANCOUVER, le lundi 23 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-15, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada, se réunit aujourd'hui à 8h30 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous nous réunissons aujourd'hui à Vancouver pour étudier deux questions. La première a trait au projet de loi S-15, Loi proposée sur la protection des jeunes contre le tabac, et la deuxième concerne l'énergie, à la fois dans l'optique du passé et de l'avenir. Ce matin, nous allons nous pencher sur le projet de loi S-15.

Je voudrais prendre quelques instants pour expliquer la façon dont le comité va procéder. Notre témoin fera d'abord un court exposé, qui sera suivi d'une période de questions et réponses, ces échanges ayant lieu strictement entre les sénateurs et le témoin. Il faut espérer que ce seront les sénateurs qui poseront les questions et les témoins qui y répondront. C'est parfois l'inverse et cela ne fonctionne pas tout à fait aussi bien.

Au cours des prochains jours, nous entendrons des Canadiens à Calgary, Edmonton, Toronto et Montréal. Ces audiences ont pour but d'obtenir le point de vue des Canadiens sur les questions que soulève ce projet de loi.

Je signale qu'avant les dernières élections fédérales, le comité a étudié une version antérieure du projet de loi et qu'en 1998, un autre comité sénatorial a étudié un projet de loi essentiellement semblable. Dans notre travail, nous pourrons donc tabler sur les connaissances acquises antérieurement.

Une fois que le comité aura terminé ses audiences, nous passerons à l'étude article par article du projet de loi. Nous enverrons le projet de loi à la Chambre des communes pour la première lecture. Si le Sénat envoie le projet de loi à la Chambre des communes pour qu'elle l'étudie, à la deuxième lecture, la Chambre renverra le projet de loi au comité compétent qui en fera l'examen. Si le projet de loi est adopté à la Chambre des communes, il recevra alors la sanction royale et deviendra loi.

Avant de commencer, je voudrais vous informer que des écouteurs sont disponibles, permettant d'entendre la traduction en anglais et en français.

Ce midi, à l'heure du déjeuner, j'invite les sénateurs et nos témoins ainsi que les membres du grand public à visiter une exposition dans la salle du Port de Vancouver, qui se trouve en face, de l'autre côté du hall.

Je demanderais à Barbara Kaminsky, qui est bien connue dans les milieux antitabac, de bien vouloir se lever pour qu'on la reconnaisse. Mme Kaminsky est directrice générale de la Société canadienne du cancer.

Madame Kaminsky. Ce n'était pas vraiment nécessaire de vous habiller en rouge libéral aujourd'hui, mais vous êtes tout à fait la bienvenue parmi nous.

Le sénateur Kenny: Nous l'en remercions néanmoins.

Le président: Notre premier témoin ce matin est le Dr Gerald Bonham.

Merci beaucoup de vous joindre à nous aujourd'hui, docteur Bonham. Nous nous sommes rencontrés il y a de nombreuses années, quand vous étiez à Calgary.

Accepteriez-vous de commencer par nous dire quelques mots à votre sujet, avant d'entrer dans le vif de votre présentation?

Dr Gerald Bonham, conseiller en santé, Société canadienne du cancer: Honorables sénateurs, c'est un grand privilège d'avoir ce matin l'occasion d'aborder ce sujet avec vous. J'admire beaucoup le travail accompli par le Sénat sur cette question. Je suis aussi un grand admirateur du sénateur Kenny, qui s'est montré infatigable dans ce dossier.

Mon rôle actuel est de coordonner la campagne en faveur du projet de loi S-15 au nom de la Société canadienne du cancer ici, en Colombie-Britannique. Dans le passé, j'ai été pendant 12 ans médecin hygiéniste de la ville dans laquelle nous nous réunissons ce matin. J'ai également occupé ce poste à la ville de Calgary. J'ai aussi été sous-ministre adjoint principal au ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, et j'ai été professeur à l'Université de Toronto et à l'Université de Calgary.

Cependant, le travail que j'ai fait et qui se rattache le plus au sujet dont nous allons nous entretenir aujourd'hui est celui que j'ai accompli dans le nord de la Colombie-Britannique; ce travail m'a fait prendre vivement conscience de la difficulté d'essayer d'implanter un programme d'éducation dans des régions non urbaines, et cet aspect est très pertinent au sujet qui nous occupe.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais faire une observation. Quand j'étais le médecin hygiéniste de Vancouver, j'ai eu une expérience parallèle à celle qui vous préoccupe aujourd'hui. Il y avait une éclosion de rubéole qui survenait à peu près tous les six ans et qui laissait dans son sillage, après avoir frappé des femmes enceintes, des enfants souffrant de malformation congénitale. C'était un grave problème. Au moment où ce cycle était sur le point de se répéter, un vaccin est subitement devenu disponible, mais la province refusait de payer. Je me suis donc adressé à la commission scolaire locale, au conseil municipal et aux organisations de bénévoles dans le domaine de la santé. Un chef d'un parti politique a même donné 1 000 $. Nous avons amassé suffisamment d'argent pour mettre en place un programme de vaccination à la grandeur de la ville. À ce moment-là, le ministre était quelque peu embarrassé et il a donc proposé une solution que l'on pourrait qualifier de solution bancale. Il a dit qu'il financerait le programme et que nous, nous donnerions des demi-doses. Il se trouve que, pour des raisons scientifiques, cette solution bancale n'en était pas une, qu'elle n'aurait été d'aucune utilité. Le ministre a donc dû accepter la dose entière.

Dans le dossier relatif à l'usage du tabac, nous sommes en présence d'une solution qui est plus que bancale, ce qui n'est guère rassurant. Les sommes promises par Allan Rock et par M. Martin dans leur annonce faite il y a deux ou trois semaines ne reposent sur aucune donnée scientifique. Rien n'indique qu'elles permettraient d'atteindre l'objectif. Nous devons donc saisir l'occasion qui nous est donnée avec le projet de loi S-15 pour bien faire les choses. Il ne manque pas d'argent provenant des produits du tabac sous forme de taxes, de prélèvements, et cetera. Ce n'est donc pas le manque de ressources qui nous empêche de bien faire les choses.

L'un de mes collègues m'a dit: «Ma foi, si ce montant de 100 millions de dollars par année n'est pas suffisant, nous pourrons toujours revenir à la charge et obtenir plus d'argent». Le problème d'un tel argument, c'est que depuis 1994, le tabagisme a augmenté de façon spectaculaire parmi les adolescents, passant de presque 20 p. 100 à 29 p. 100, peut-être même 30 p. 100 des adolescents qui fument. Et cette augmentation en flèche a eu lieu alors même que cette proportion de 20 p. 100 que nous avions en 1994 avait été obtenue au prix d'une vingtaine d'années d'efforts.

C'est la baisse des taxes sur le tabac en 1994 qui semble avoir déclenché le mouvement. Les enfants ont eu accès à du tabac meilleur marché, ce qui a causé une brusque augmentation du tabagisme chez les adolescents. De plus, aucun programme efficace antitabac n'existait à l'époque.

En fait, je collaborais à la Stratégie nationale de lutte contre le tabagisme au Canada, qui était une organisation non gouvernementale fédérale-provinciale, et l'on nous a demandé de mettre à l'épreuve les nouveaux messages publicitaires télévisés produits par Santé Canada. Ces messages étaient plats comme la main, parce que les gens qui les avaient créés voulaient éviter d'offusquer le ministre de l'époque. Cela donne du poids à l'argument en faveur d'une administration indépendante qui fait partie intégrante du projet de loi S-15. Il est essentiel d'avoir la marge de manoeuvre voulue pour faire des erreurs, expérimenter et trouver les bonnes solutions, au lieu de continuer à reprendre les mêmes vieux programmes inefficaces.

Dans l'annonce du gouvernement, il n'a pas été fait mention de l'évaluation, qui est pourtant critique, et la recherche nécessaire à l'évaluation n'est pas bon marché. Une allocation qui est minime au départ et dont une partie est consacrée à l'évaluation n'est pas suffisante. L'allocation doit être suffisante, ce que promet le projet de loi S-15. Bien sûr, cette mesure législative est dans la droite ligne de la seule étude en Amérique du Nord sur l'efficacité des programmes contre le tabagisme, à savoir le rapport du Centre de lutte contre les maladies d'Atlanta. Vous pouvez voir quelle est l'épaisseur de ce rapport. Il est très approfondi et l'on y recommande la fourchette de 9 à 24 $ dont on a souvent parlé. Le projet de loi S-15 se situe aux alentours de 12 $, donc plutôt dans la portion inférieure de cette fourchette.

Le dernier point que je veux aborder est le fait que j'ai entendu dire de part et d'autre que cette mesure est exagérée, que nous ne pourrions même pas dépenser autant d'argent si nous l'avions. Les gens ont tendance à sous-estimer la difficulté qu'il y a à lancer un programme dans ce vaste pays qui est le nôtre, le deuxième au monde pour la superficie.

L'hiver dernier, j'ai travaillé temporairement comme médecin hygiéniste dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. On recrutait, alors j'ai fait un remplacement. Je peux vous dire que quand on tente de lancer un programme d'éducation dans cette région du nord-ouest, on se bute à des difficultés énormes. Il faut un hydravion ou un hélicoptère ou quelque chose du genre parce que dans certains coins, il n'y a même pas de route d'accès. Les taux de tabagisme chez les jeunes au Canada sont parmi les plus élevés dans la communauté autochtone, qui est parmi les plus difficiles à rejoindre pour mener une campagne efficace. Le problème ne sera pas résolu par des messages télévisés. Il faut beaucoup plus que cela. Il faut une approche très détaillée et un éventail complet de mesures pour bien faire le travail.

Cela dit, je vous renvoie la balle. Je vous souhaite le meilleur succès. J'espère que vous pourrez convaincre les députés de notre pays de s'attaquer à la tâche et de bien faire les choses.

Le président: Merci beaucoup, docteur Bonham.

Le sénateur Spivak: Un certain nombre de questions me viennent à l'esprit. Premièrement, quelle est la situation ici à Vancouver, pour ce qui est de l'interdiction de fumer?

Peut-être qu'un nouveau gouvernement provincial sera élu ici très bientôt.

Le sénateur Banks: Peut-être.

Le sénateur Spivak: J'ai dit «peut-être». Quelle serait l'attitude d'un nouveau gouvernement? Je vais poser toutes mes questions de suite. Qu'en est-il de la commission royale que dirige Roy Romanow? On accorde tellement d'attention au réseau de soins actifs. Qu'en est-il de la santé publique? Avez-vous réfléchi à la composante de la santé publique?

Mes questions ne sont pas vraiment liées au projet de loi S-15, parce que nous le connaissons très bien. Elles sont d'une portée plus générale.

Pourquoi la prévention et la santé publiques sont-elles si peu prioritaires, dans le cadre des enquêtes de ce genre? Je comprends que les problèmes sont épouvantables au niveau du fonctionnement du système, mais la prévention et la santé publique en font partie intégrante.

Dr Bonham: Vous avez posé une demi-douzaine de très belles questions, et je vous invite à revenir à la charge si j'en oublie quelques-unes. Je vais commencer par votre dernière question: pourquoi la santé publique est-elle si peu prioritaire?

Il faut une certaine mentalité pour bien comprendre l'importance de la santé publique et de la prévention, parce que le gain n'est pas immédiat. Si l'état du réseau de la santé est tel qu'une personne n'arrive pas à se faire admettre à l'hôpital et reste bloquée à la salle d'urgence, nous considérons qu'il y a crise. Dans une telle situation, il est difficile d'aller parler aux enfants de ce qui pourrait leur arriver dans 15, 25 ou 30 ans. Il n'y a pas d'urgence apparente. De plus, les gens ne se rendent pas compte de l'efficacité des mesures de prévention.

Nous avons éradiqué beaucoup de maladies au Canada au fil des ans grâce à des mesures de prévention. Les maladies causées par des carences alimentaires sont disparues, notamment le scorbut et le rachitisme, de triste mémoire, qui étaient répandus au début du siècle. J'ai des collègues pédiatres qui ont réussi à convaincre le gouvernement en place, durant les années 60, d'adopter des règles sur la sécurité de l'emballage; en conséquence, le nombre d'empoisonnements mortels chez des enfants de moins de cinq ans a diminué dans des proportions extraordinaires. On a tendance à oublier ces succès.

Nous savons que le tabagisme pourrait être ramené à un niveau très, très bas. J'ai pris un congé d'étude en Finlande, pays qui a été un pionnier dans l'interdiction de la publicité; son programme ciblait les enfants. Et pendant mon séjour là-bas, je n'ai pas vu un seul enfant ou adolescent fumer. C'est donc faisable, et la prévention est la solution.

On peut aussi obtenir de très bons résultats pour ce qui est d'amener les gens à cesser de fumer. On a tendance à l'oublier. Un fumeur n'est pas nécessairement fumeur pour la vie. Il y a beaucoup à faire pour réduire le taux de tabagisme même parmi les fumeurs mêmes.

Il y a un an, à Vancouver, l'interdiction de fumer généralisée décrétée par la Commission des accidents du travail et applicable à tous les lieux de travail a été invalidée par les tribunaux parce qu'il n'y avait pas eu suffisamment de consultations. La Commission est donc retournée à la planche à dessin et est revenue à la charge avec un programme qui entrera en vigueur en septembre. Ce programme comprend une disposition exigeant des salles pour fumeurs à ventilation séparée. Or, l'expérience acquise ailleurs a démontré que de telles mesures ne sont pas tellement pratiques. C'est peut-être une soupape de sécurité politique ajoutée au règlement, mais en pratique, à moins que les compagnies de tabac ne s'empressent d'injecter des centaines de millions de dollars pour payer le coût de toutes ces mesures, je ne crois pas que les gens iront volontiers s'entasser dans une salle vitrée remplie de fumée et séparée de la salle principale du restaurant. Quand le règlement de la Commission des accidents du travail a été mis au panier, les règlements municipaux ont été mis en application, interdisant de fumer dans les restaurants à Vancouver.

Dans la région de la capitale, à Victoria, il est interdit de fumer dans les bars et les restaurants. Récemment, une amende de 20 000 $ a été imposée pour avoir permis aux clients de fumer dans un bar de l'endroit.

Toutefois, on ne considère pas idéal de procéder au moyen de règlements municipaux, et nous avons hâte à septembre. Il y a toujours le risque qu'un nouveau gouvernement ne soit pas aussi fermement engagé à cet égard que le gouvernement précédent. Par contre, la Commission des accidents du travail est indépendante du gouvernement et je pense qu'il serait politiquement très difficile d'annuler une telle décision dont le coût est assumé par les employeurs et les employés.

Maintenant, vous avez posé d'autres questions.

Le sénateur Spivak: Je me demandais seulement si, à votre avis, la commission royale dirigée par Roy Romanow accordera une attention quelconque à la prévention et à la santé publique.

Dr Bonham: Je suis toujours déçu du manque d'attention que l'on accorde à la santé publique dans les débats sur la santé. J'ai examiné le programme du parti de l'Alliance dans le domaine de la santé et il ne renferme rien sur la prévention. Je suis en train d'écrire une lettre pour voir si l'on pourrait aborder la question.

De même, il y a eu une commission royale sur la santé en Alberta quand je travaillais à Calgary. Il a fallu forcer cette commission à se pencher sur le domaine de la prévention, mais elle a fini par le faire. Il faut un effort délibéré pour s'assurer que les gens n'aillent pas s'imaginer que la santé se limite aux soins de santé. En fait, j'ai remarqué que les gens qui vivaient le plus longtemps étaient les habitants de l'Islande, jusqu'à ce qu'ils aient leur propre faculté de médecine.

Le sénateur Spivak: Eh bien, je sais que ça peut se faire. Une dernière brève observation. J'ai travaillé dans le domaine des programmes sociaux à l'époque où la prévention, le modèle de la santé mentale était à la mode. J'ai écrit un document là-dessus. Après mon départ, une personne qui habite maintenant à Vancouver a réussi à créer le premier département de santé de la mère et de l'enfant au ministère de la Santé du Manitoba, ce qui prouve que ça peut se faire.

Dr Bonham: Assurément.

Le président: Docteur Bonham, vous avez nommé la Finlande. Le Dr Ivan Illich, qui est un grand philosophe, a fait une étude qui démontre qu'en Saskatchewan, quand les médecins ont fait la grève parce qu'ils voulaient instaurer l'assurance-maladie, le taux des décès avait diminué et que les gens étaient en bien meilleure santé quand le régime n'existait pas. Je concède toutefois que c'est une étude limitée dans le temps et dans l'espace.

Le sénateur Kenny: Docteur Bonham, pourriez-vous décrire à l'intention du comité quel serait l'effet ici, en Colombie-Britannique, du projet de loi S-15 s'il était adopté?

Dr Bonham: Eh bien, nous sommes dans une situation privilégiée puisque le taux de tabagisme parmi nos adolescents est autour de 20 p. 100, ce qui est beaucoup plus bas que la moyenne nationale. Il y a en Colombie-Britannique une tradition beaucoup plus solide de lutte contre le tabagisme. En conséquence, la Colombie-Britannique a les taux de cancer du poumon et de décès causés par le cancer du poumon les plus bas au Canada. On a fait beaucoup de travail dans ce dossier, sur plusieurs décennies. Personne n'est satisfait d'un taux de tabagisme de 20 p. 100 parmi les adolescents. Nous savons que c'est la seule statistique qui compte vraiment, parce que le taux de tabagisme chez les adolescents devient le taux de tabagisme chez les adultes, lequel devient au bout du compte le taux de cancer du poumon et de maladies cardio-pulmonaires et se traduit par une augmentation des maladies cardiaques.

Si nous avions un programme solide financé à hauteur de ce que propose le projet de loi S-15, je ne serais guère étonné que l'on puisse faire baisser ce taux de tabagisme chez les adolescents à 5 p. 100, c'est-à-dire à peu près le taux qui existait en Finlande quand j'y étais.

C'était intéressant. L'attitude des Finlandais était de laisser tomber les fumeurs, les buveurs, les personnes d'âge moyen et les personnes âgées et de mettre tout leur argent dans la santé de la mère et de l'enfant. Et je dois dire que les enfants avaient l'air resplendissants de santé.

En fait, au départ, j'avais l'intention d'aller en Suède pour mon congé d'étude. Mais quand les Suédois ont découvert que ce qui m'intéressait, c'était la santé de la mère et de l'enfant, ils m'ont dit: «Ne venez pas chez nous. Allez plutôt en Finlande. Ils font du bien meilleur travail.» C'était vrai; ils faisaient de l'excellent travail. Et ils étaient satisfaits en dépit de leur manque de ressources. Ils étaient satisfaits de voir qu'une population en santé demeure en santé à l'âge moyen et jusque dans la vieillesse. Dans l'intervalle, ils n'allaient pas gaspiller d'argent pour ces personnes d'âge moyen récalcitrantes qui avaient fumé toute leur vie.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous nous parler d'évaluation? Quels projets existent dans la province en fait d'évaluation et jusqu'à quel point sont-ils répandus? Est-ce que tous les projets sont évalués?

Dr Bonham: Non, l'évaluation est habituellement le premier élément d'un programme à être sacrifié. On entend plein de voeux pieux à ce sujet. On fait des évaluations pour la forme, on examine le taux de participation et d'autres facteurs du genre, mais l'on ne mesure pas vraiment les résultats réels. L'une des caractéristiques les plus attrayantes du projet de loi S-15 est qu'on y reconnaît l'importance de l'évaluation et qu'environ 10 p. 100 de l'argent y sera consacré, ce qui est à peu près la bonne proportion. J'ai vu des programmes et j'ai même travaillé dans certains programmes où l'on consacrait 3 p. 100 du budget à l'évaluation, ce qui n'en vaut pas la peine.

Le sénateur Adams: Je suis du Nord. J'ai vu beaucoup de jeunes gens commencer à fumer. Vous avez dit avoir travaillé dans le nord de la Colombie-Britannique. J'ai vu les photos et les messages sur les paquets de cigarettes, les images du cancer de la bouche, les avertissements au sujet du cancer du poumon. Les gens disent que c'est affreux. Il y avait un message sur une jeune femme dont le cerveau était réduit en bouillie. Les gens disent que c'est répugnant.

Il y a aussi des messages publicitaires télévisés qui avertissent les gens du danger du tabagisme. Tout comme au sud, les gens chez nous peuvent capter jusqu'à 100 canaux de télévision. Ils ne regardent pas la publicité. La plupart des gens veulent des films sans publicité, alors ils les louent et les font passer sur leur magnétoscope. En dépit de tous les avertissements, les gens continuent à fumer.

Dr Bonham: Je suis un fervent partisan de la multiplication des efforts; il ne faut pas mettre tous nos oeufs dans le même panier, comme dans des messages télévisés.

Le véritable avantage des nouveaux avertissements qui figurent sur les paquets, avec toutes les images répugnantes, c'est justement de rendre le paquet de cigarettes moins attrayant. L'industrie des cigarettes sait depuis longtemps que le paquet est sa meilleure forme de publicité: les couleurs attrayantes, l'impression soignée, l'apparence invitante.

Des études ont été faites en Nouvelle-Zélande sur la banalisation des emballages, de préférence en utilisant une couleur brune déplaisante - je n'entrerai pas dans les détails - et l'on a constaté que les enfants étaient moins intéressés à transporter dans leurs poches un paquet d'apparence déplaisante. C'est pourquoi je pense que les photos de personnes défigurées ne sont probablement pas tellement efficaces en elles-mêmes, mais elles servent à ruiner l'attrait du paquet lui-même.

Quant aux films, nous avons le privilège d'avoir avec nous ce matin M. Bonfilio qui, je le sais, a été directement en contact avec l'industrie cinématographique. Vous pouvez lui poser la question.

Mais je voudrais revenir encore une fois sur mon séjour en Finlande. Les enfants de mon mentor là-bas sont arrivés un soir en courant, tout excités, en disant: «Papa, papa, viens voir ce vieux film. Les gens fument.» Les Finlandais avaient réussi à ne plus montrer personne en train de fumer dans les films.

Beaucoup de modèles de comportement sont dangereux. Quand on voit des vedettes de cinéma en train de fumer, c'est très attirant. N'oublions pas non plus qu'autrefois, les athlètes et d'autres personnalités populaires faisaient de la publicité pour le tabac. J'espère que cette époque est révolue. Il y a beaucoup de subtilités dans ce domaine et nous devons connaître toutes les facettes de la question et agir sur tous les fronts.

Le sénateur Adams: Une dernière question, monsieur le président. Les familles devraient se préoccuper de l'avenir de leurs enfants. Dans certaines communautés, les anciens fument. Ils ne comprennent pas à quel point la nicotine crée une accoutumance. Les anciens et les membres de la famille devraient en être conscients.

Le projet de loi S-15 s'intéresse aux jeunes, ce qui est bien. Une fois qu'on est accoutumé à la nicotine, il devient très difficile de cesser de fumer. Les adultes doivent être plus sensibilisés au fait que dès que quelqu'un commence à fumer, il lui est très difficile d'arrêter.

Êtes-vous d'accord?

Dr Bonham: Eh bien, la nicotine est le fondement du tabagisme et de toute l'industrie du tabac, et les compagnies de tabac l'ont toujours su. Elles l'ont nié pendant longtemps.

Pour ce qui est du tabagisme chez les jeunes, c'est compliqué et c'est pourquoi il nous faut faire beaucoup plus de recherche sur le comportement. Il faut approfondir la question, beaucoup plus qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant. Chose certaine, la pression exercée par les pairs est un élément.

Ce qui est bien dans l'annonce faite par MM. Martin et Rock, c'est que l'on a corrigé certains problèmes pour ce qui est des taxes sur les cigarettes et nous devons certainement nous en féliciter. Il n'en demeure pas moins que les cigarettes les moins chères dans toute l'Amérique du Nord sont vendues en Ontario. Autrement dit, il y a encore de la marge et le prélèvement de 1,50 $ la cartouche préconisé dans le projet de loi S-15 est un bon début. Cela ne fera pas monter le prix du tabac au Canada plus haut qu'aux États-Unis. Les prix sont beaucoup plus élevés aux États-Unis qu'au Canada.

Le président: Avant de donner la parole au sénateur Lawson, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'emballage. Il y a un demi-siècle, à l'époque où je fumais, j'achetais des cigarettes de marque Sweet Caporal. Il n'y avait presque rien d'imprimé sur les paquets, juste un petit écusson dans le coin. J'avais coutume de prendre des notes sur les paquets.

Le sénateur Lawson: Je suis content de vous revoir, docteur Bonham. Vous avez été aux premières lignes de tellement de batailles dans le domaine de la santé dans cette province et dans cette ville que je m'étonne que vous ne soyez pas plus marqué de cicatrices. C'est probablement parce que vous ne fumez pas. En tout cas, je suis bien content de vous voir.

Je voudrais vous parler de la fumée secondaire et du tabagisme dans les restaurants. Comme vous le savez, nous avons ce débat ici dans l'agglomération de Vancouver. Des gens d'affaires nous ont dit: «Si vous interdisez de fumer ici et que ce soit permis dans la ville voisine, cela va nuire à nos affaires, nous ne serons plus compétitifs». En fait, nous avons ici un restaurateur qui met simplement de côté chaque mois assez d'argent pour payer les amendes qu'il écope à cause de la cigarette. Il préfère agir ainsi que d'affronter la perte de clientèle qu'il subirait si ses clients allaient ailleurs, là où il n'est pas interdit de fumer. Nous sommes donc confrontés à ce problème. Ces arguments sont dans une certaine mesure fondés.

Je sais que le sénateur Kenny suit très attentivement les statistiques de la Californie sur le tabagisme des jeunes. Je passe beaucoup de temps en Californie. La position radicale de cet État est remarquable. Pour ce qui est de fumer dans les restaurants, on l'a simplement interdit partout, à cause des inquiétudes au sujet du tabagisme passif. Cela a-t-il nui aux restaurateurs? Eh bien, si vous allez à Palm Desert ou à Palm Springs, par exemple, il est évident que les affaires n'ont pas baissé du tout. Il faut faire la queue pour avoir une réservation. Il y a même un restaurant à Santa Monica dont le numéro de téléphone n'est pas publié. C'est dire à quel point il est difficile d'obtenir une réservation.

Par conséquent, si l'on applique une politique ferme à la grandeur de la province ou de l'État, il semble que cela ait l'effet souhaité sans pour autant nuire aux affaires. Ne devrions-nous pas tenir également compte de ce facteur?

Dr Bonham: Oui. Tout le monde en Colombie-Britannique a reconnu que l'approche de la Commission des accidents de travail, qui consiste en une interdiction applicable à absolument tous les lieux de travail dans la province, est la meilleure façon de procéder. Et l'on a justement soulevé ces arguments, en particulier dans le Grand Vancouver, quand on a dit que les villes voisines n'auraient peut-être pas les mêmes contraintes et que les clients pourraient simplement traverser la rue pour aller dans un autre restaurant. Mais en pratique, ce manque d'uniformité n'a pas vraiment posé de problème.

Il y a tout juste plus d'un an, pendant la première ronde de l'approche de la Commission des accidents de travail, on a mis en place une ligne téléphonique de «délation». J'habite à Ladner, près des traversiers de Tsawwassen, et j'ai visité tous les bars et dénoncé tous ceux où l'on permettait de fumer.

Or, il est intéressant de savoir que quand les tribunaux ont invalidé le programme de la commission, les bars n'ont pas annulé l'interdiction de fumer. D'abord, leur personnel ne l'aurait pas permis. Les employés s'étaient habitués à un meilleur environnement de travail. En fait, il s'est passé exactement la même chose dans le secteur des lignes aériennes. C'est le personnel des lignes aériennes qui a lancé le mouvement, lequel a résulté en une interdiction mondiale de fumer à bord des avions. Le problème est que dans le secteur des aliments et boissons, la main-d'oeuvre est plutôt instable. Les salaires sont médiocres et les gens vont et viennent dans ce genre d'emploi. Habituellement, ils ne peuvent pas compter sur un syndicat pour les aider à protester. Mais je pense que la première expérience a été très encourageante en Colombie-Britannique.

Le sénateur Lawson: Vous avez parlé des lignes aériennes. Il est interdit de fumer dans les aéroports; par contre, pour entrer dans un aéroport ou en sortir, il faut traverser un rideau de fumée, parce que tout le monde fume autour des portes d'entrée. C'est la même chose sur la colline du Parlement. À l'entrée du Sénat, il y a des gens qui sont debout à la porte et qui bravent le froid pour fumer; ils sont tous là debout à la porte et il faut donc traverser un rideau de fumée. Il faut trouver un moyen de régler ce problème. J'ignore si des salles réservées aux fumeurs seraient la solution, ou bien comment on pourrait s'en sortir.

Dr Bonham: Il y a à l'aéroport de Vancouver une salle réservée aux fumeurs; je crois qu'elle a été payée par la Philip Morris.

Le sénateur Lawson: Je reviens un instant à la Californie. J'ai remarqué là-bas une campagne radiophonique très musclée, un véritable barrage de messages, ainsi qu'une campagne à la télévision. Je dois dire que j'ai été renversé d'entendre ce que les enfants disaient de cette campagne: «As-tu entendu l'annonce à la radio, quand on explique tout ce que la cigarette peut te faire?» Les annonces sont dramatiques et réussissent très efficacement à faire passer le message.

J'ai montré à mon ami le sénateur Kenny certaines annonces publiées dans le Desert Sun. On voit un personnage qui s'adresse au président d'une grande compagnie de tabac et qui lui dit: «Le nombre de décès de femmes causés par le tabac a doublé». Le président lève les yeux au ciel et dit: «Enfin, on a cessé de dire que nous nous en prenons aux enfants». C'est un exemple de l'approche dramatique adoptée en Californie.

Je trouve que c'est très efficace. Êtes-vous d'accord?

Dr Bonham: Oui. Quand le débat faisait rage il y a plus d'un an, un journal du nord-ouest des États-Unis a publié un dessin humoristique. On voyait une piscine et, dans un coin, un panneau disait: «Section de la piscine réservée à ceux qui veulent pisser». On faisait comprendre avec humour que quand on fume, on nuit à tout le monde autour de soi dans un rayon appréciable.

Le sénateur St. Germain: Docteur, vous êtes précédé d'une bonne réputation. Pourquoi ne pas interdire le tabac? Pourquoi n'avons-nous pas le courage de nos convictions en interdisant complètement de fumer, si c'est aussi mauvais que nous le disons? D'autres substances sont interdites.

Le sénateur Banks: Oui, c'est efficace.

Le sénateur Spivak: Cela devrait relever de la Loi sur les produits dangereux.

Dr Bonham: Si le tabac était un nouveau produit, il ne serait pas question de le lancer sur le marché. Il ne serait jamais approuvé comme nouveau produit. Nous avons une trop longue tradition, dans le monde entier, quant à la disponibilité du tabac et je pense qu'il ne serait pas faisable de l'interdire. Je pense sincèrement qu'il y aurait tellement de contrebande que cela nous rendrait tous fous. Je suis en général favorable à la réglementation dans le domaine de la santé, mais je pense qu'il faut savoir jusqu'où aller. La prohibition de l'alcool n'a pas fonctionné, même si je ne pense pas qu'il serait aussi facile de camoufler des cigarettes dans les pneus des voitures, comme on le faisait avec du whisky.

Le sénateur St. Germain: Comment réagissez-vous à l'argument selon lequel les fumeurs devraient assumer le coût des soins de santé pour les problèmes médicaux causés par le tabagisme? Les politiciens parlent d'agir, mais ils n'ont pas le courage d'aller jusqu'au bout de leurs convictions. C'est comme l'enregistrement des armes à feu. Je pense que nous devrions interdire les armes à feu. L'interdiction totale des armes à feu réduirait peut-être le niveau de violence sociétale.

Je vous pose donc la question: que pensez-vous de la suggestion selon laquelle les fumeurs devraient payer leurs propres factures de soins médicaux?

Dr Bonham: Je pense qu'on aurait alors une épidémie de mensonges. Je voudrais vous raconter une petite anecdote. Quand je travaillais à Calgary, j'ai reçu un coup de téléphone d'un médecin qui m'a dit avoir un patient dont le taux de monoxyde de carbone dans le sang était effroyablement élevé. Il m'a demandé si nous avions le matériel voulu pour faire une vérification à la résidence de son patient. Les médecins pensaient qu'il y avait peut-être un problème du côté de sa fournaise, par exemple. Nous avons tout vérifié. Enfin, après cinq ou six visites chez le médecin, le patient a fini par admettre qu'il fumait quatre paquets par jour. Il lui en coûtait énormément d'avouer cela à son médecin. Les fumeurs souffrent déjà tellement en termes de mauvaise santé et de situation misérable qu'il n'est peut-être pas nécessaire de leur imposer un fardeau financier supplémentaire.

Le sénateur Spivak: J'ai une question supplémentaire. À une certaine époque, nous tentions de faire inscrire le tabac sur la liste des produits dangereux.

Dr Bonham: Oui.

Le sénateur Spivak: Ce serait un grand pas en avant.

Dr Bonham: J'en conviens. Je pense que c'est du domaine du possible.

Le sénateur St. Germain: Que pensez-vous de légaliser la marijuana, de permettre de fumer de la marijuana? Je pense qu'il y a une corrélation entre le tabagisme chez les jeunes et la consommation illégale de marijuana.

Dr Bonham: La question de la marijuana est très compliquée parce qu'il n'y a pas eu autant de recherches sur les conséquences de ce produit sur la santé, en comparaison du tabac. Je préférerais que la marijuana ne soit pas légalisée, à moins que son innocuité soit clairement démontrée.

Le sénateur St. Germain: Ma dernière question porte sur la communauté autochtone. J'ai fait beaucoup de travail dans ce dossier depuis environ trois ans. Comme vous le savez, c'est une question complexe. Je crois savoir qu'il y a des aborigènes en Finlande.

Nous avons quasiment détruit nos populations autochtones au Canada. Tous les gouvernements qui se sont succédé au Canada depuis 1867 et même avant ont provoqué la quasi-destruction de ces peuples. Ils ont été enfermés dans des ghettos. Personne n'a eu le courage de faire quoi que ce soit pour s'attaquer au problème dans cette communauté, jusqu'à l'arrivée du nouveau chef, le chef Matthew Coon Come. Il arrive comme une bouffée d'air frais. Dieu merci, il a le courage de dénoncer les problèmes.

Il se trouve que je suis d'origine métisse. J'ai grandi dans une misère affreuse et il n'y avait aucune lueur d'espoir, aucune porte de sortie. La cigarette m'apparaissait comme un produit de remplacement. Je voyais bien que c'était socialement accepté. À l'époque, il n'y avait pas de drogues, mais on abusait de l'alcool dans ces collectivités. C'était une sorte d'évasion.

Si vous avez travaillé dans de telles collectivités, quelle est votre réaction à cette situation? Peut-on s'attaquer efficacement à ce problème?

Dr Bonham: Deux observations en réponse à cette question. La première est que dans les réserves autochtones, toute personne de plus de 15 ans pouvait acheter une quinzaine de paquets de cigarettes par semaine sans payer de taxes. La population locale n'arrivait pas à fumer autant de cigarettes, ce qui fait que la marchandise était écoulée en contrebande hors réserve, ce qui ne les a pas aidés.

Pour ce qui est des Autochtones, il faut un programme indigène si l'on veut qu'il ait le moindre succès. On sait que certaines réserves autochtones ont interdit l'alcool, du moins dans le Nord. Comme certains succès ont été obtenus, d'aucuns disent que si les Autochtones peuvent s'organiser eux-mêmes, il y a peut-être quelque chance d'amélioration.

Je comprends toutefois ce que vous dites quand vous parlez de remplacement et d'évasion face à la misère. Le problème serait évidemment plus facile à résoudre si la situation économique des collectivités autochtones s'améliorait.

Le président: On a fait allusion au tabagisme dans les collectivités marquées par une misère noire, la cigarette étant une forme d'évasion, de relaxation. Quel est le rapport entre tout cela et la révolte des jeunes, qui est bien réelle, comme on le sait? Dans quelle mesure le tabagisme chez les jeunes est-il associé à cette révolte?

Autrement dit, si les parents disent à leurs enfants de ne pas fumer et que la société dénigre le tabac, tout cela aura-t-il pour résultat d'inciter les enfants à fumer, psychologiquement, c'est-à-dire à faire exactement le contraire de ce qu'on leur interdit de faire?

Dr Bonham: À cela, je réponds deux choses. Les programmes antitabac qui ont fait appel aux chefs de file étudiants ont été assez efficaces; autrement dit, c'est exactement ce que vous dites, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas tendance à se révolter contre leurs pairs.

Par ailleurs, l'expérience aux États-Unis, et M. Bonfilio pourra vous en parler plus longuement, indique clairement que si l'on expose clairement l'exploitation des enfants par les compagnies de tabac, les enfants se révoltent alors contre les compagnies de tabac plutôt que contre leurs parents. Ces deux approches se sont révélées très efficaces.

Certains cadres des compagnies de tabac, chargés d'établir ce qui était raisonnable en fait de campagne antitabac s'adressant aux jeunes, se sont inquiétés des conséquences de la diabolisation des compagnies de tabac, et avec leur propre argent en plus. Nous devons être conscients de cette possibilité, c'est-à-dire que les compagnies vont protester si l'on utilise leur propre argent pour les peindre sous un jour diabolique. Mais c'est peut-être le seul moyen d'obtenir un résultat positif auprès des enfants, c'est-à-dire de les faire réagir à une autorité autre que celle de leurs propres parents.

Le sénateur Banks: Docteur Bonham, je suis fumeur et je suis donc peut-être le plus fervent partisan de ce projet de loi; j'ai une connaissance personnelle de cette toxicomanie. C'est peut-être la plus difficile de toutes les toxicomanies.

Sénateur Lawson, je voudrais vous dire où se trouve la «salle des fumeurs» au Sénat. C'est la plate-forme de chargement, à l'arrière de l'édifice. L'atmosphère est plus détendue à cet endroit, et c'est là que mes collègues et moi-même allons fumer. Il nous reste encore beaucoup d'endroits.

Je vais vous parler sans détour, docteur Bonham. Vous livrez ce combat depuis longtemps et vous êtes en première ligne. Vous connaissez les difficultés politiques et autres auxquelles ce projet de loi sera confronté une fois que le Sénat l'aura adopté, car il le fera, lorsque la Chambre des communes en sera saisie. Je me demande si vous pourriez nous dire quelle est votre opinion personnelle, si vous avez été en mesure de vous en forger une, au sujet de l'attitude envers ce projet de loi des députés de cette province à la Chambre des communes.

Dr Bonham: Je me suis entretenu personnellement avec un certain nombre de députés et il y a un argument qui est généralement appuyé, à savoir que nos programmes pour les enfants doivent être bien conçus. Ils sont comme les Finlandais: je pense qu'ils n'hésiteraient pas un instant à sacrifier les gens d'âge moyen. Par contre, c'est différent quand il s'agit de la publicité, des commandites, et cetera, qui ciblent les enfants.

J'ai travaillé avec un député de l'Alliance qui avait une attitude très positive dans ce dossier, en dépit du fait qu'il m'a dit: «Nous avons dans notre philosophie politique une sorte de tendance libertaire; néanmoins, la question du tabac peut être mise à part et ils peuvent l'appuyer.» De plus, quand la Chambre des communes a été saisie de la Loi sur le tabac, c'est en fait un député réformiste qui en avait fait la proposition à l'époque.

Le sénateur Banks: Et ils se sont abstenus.

Dr Bonham: Ce pourrait être l'occasion d'un vote unanime. Je suppose que ce sont les députés libéraux qui font problème. Le gouvernement pourrait en effet adopter une position rigide en décrétant que son option doit être appuyée par l'ensemble du caucus, mais cela n'est pas arrivé, que je sache. Il y a des raisons d'espérer que bon nombre de députés libéraux vont appuyer ce projet de loi.

Pour ce qui est des députés du Bloc, ils sont assez sensibles au fait que la compagnie Imperial Tobacco a son siège à Montréal. Le Bloc ne veut pas de conséquences négatives. Certains ont peut-être l'impression qu'il peut y avoir une certaine résistance face à ce projet de loi parmi les députés du Bloc, mais je n'ai aucune information à ce sujet.

Je voudrais mentionner une chose. La publicité de commandite a été très mal comprise. Il n'est pas irréaliste de trouver de l'argent pour remplacer les commandites assurées par les compagnies de tabac, si l'on a au départ un bassin suffisant. Ce qu'il faut faire, c'est exploiter les mêmes événements pour transmettre un message qui s'adresse aux non-fumeurs. J'ai rencontré les autorités de l'État de Victoria, à Melbourne, et c'est l'approche qu'elles ont adoptée, disant: «Nous les avons simplement cooptés pour participer à notre programme pour non-fumeurs». Ainsi, les événements qui étaient auparavant parrainés par des compagnies de tabac représentaient pour ces dirigeants une occasion en or de faire passer leur message antitabac.

J'ai aussi appris une autre chose intéressante. On entend dire que les compagnies de tabac consacrent 80 millions de dollars à la commandite d'événements au Canada. J'ignore le chiffre correspondant pour l'État de Victoria, mais quand la fondation là-bas, la fondation indépendante pour laquelle nous avons tellement de respect, s'est emparée du dossier, elle a constaté que l'on avait seulement besoin de la moitié de ce montant. Les compagnies de tabac ont dépensé la moitié pour promouvoir l'événement et la moitié pour afficher leur logo. Donc, dès le départ, s'il n'y a aucune raison d'appuyer le logo de la compagnie, le montant des commandites est réduit. Nous ne devrions avoir aucune crainte à ce sujet.

Le sénateur Banks: Une dernière question. Nous avons tous été renversés à la réunion de notre comité l'année dernière quand le président de la compagnie Imperial Tobacco est venu nous dire: «Oui, la cigarette cause le cancer». C'était remarquable. Deuxièmement, quand les présidents des trois principales compagnies de tabac au Canada ont fait leur présentation d'ouverture, nous les attendions de pied ferme, supposant qu'ils afficheraient une résistance coriace. Mais ils étaient à 100 p. 100 en faveur du projet de loi. Non seulement ils étaient en faveur et n'avaient nullement l'intention de s'y opposer, mais ils voulaient même l'appuyer activement. Et ils ont tenu parole. Ils ont dépensé des centaines de milliers de dollars pour exhorter les gens à exercer des pressions sur leurs députés à la Chambre des communes pour qu'ils appuient ce projet de loi.

À votre avis, pour quelles raisons adoptent-ils cette attitude?

Dr Bonham: Si vous avez vu la publicité de la Philip Morris s'adressant directement aux enfants aux États-Unis, vous pouvez comprendre ce qui se passe ici. En dépeignant la cigarette comme un plaisir d'adulte que l'on peut choisir délibérément, on présente le produit comme un fruit défendu et c'est un message très puissant. Et c'est là que réside le risque dans la situation actuelle.

Je pense que l'une des trois compagnies de tabac, l'homologue de la Philip Morris, affichait une certaine réserve et se trouvait à dire: «Nous devrions peut-être faire notre propre publicité». Eh bien, jetez un coup d'oeil aux annonces de la Philip Morris qui sont diffusées chez nous à partir de là-bas et vous verrez à quel point ce message peut être puissant et a le potentiel d'accroître le tabagisme chez les enfants. Nous devons faire très attention à ça.

Pour ce qui est de l'interdiction de leur participation à la fondation, si cette mesure est adoptée, il faudra prendre toutes les précautions pour s'assurer que tout est irréprochable. Peut-être serait-ce une bonne idée d'interdire leur publicité, même quand elle semble favorable à notre cause.

Le sénateur Banks: Devrions-nous interdire leur publicité dans les journaux exhortant les gens à écrire à leur député pour que celui-ci appuie ce projet de loi?

Dr Bonham: Il faut faire attention de ne pas aller trop loin. S'ils se lancent dans de la publicité du style de celle de la Philip Morris aux États-Unis, disant aux enfants qu'ils ne devraient pas fumer, je pense que nous devrions l'interdire carrément. Dire aux gens d'en parler à leur député, cela fait partie du processus politique qu'il faut respecter et il ne vaudrait peut-être pas la peine de s'attaquer à ce genre de choses.

Le président: Merci, docteur Bonham.

Je devrais peut-être préciser, à titre d'information, à votre intention et à l'intention de l'auditoire, que les trois présidents des compagnies de tabac dont j'ai parlé tout à l'heure ont refusé de comparaître l'année d'avant et qu'ils ont également refusé de comparaître l'année dernière. J'ai signé une assignation à comparaître dans laquelle je leur disais qu'ils devaient témoigner sous peine d'en subir les conséquences de la part de nombreux politiciens qui s'inquiétaient des dons aux partis politiques, à l'autre endroit et des deux côtés de la Chambre.

Non seulement nous avons été surpris quand ils ont décidé de ne plus nous combattre, après que j'eus signé l'assignation à comparaître, mais nous avons aussi été surpris de voir qu'ils nous appuyaient. Je trouve donc intéressant de vous entendre dire qu'ils pourraient adopter l'attitude voulant que le tabagisme soit un plaisir d'adulte. En fait, c'est une sorte de publicité à l'envers.

Je vous remercie encore d'avoir bien voulu témoigner aujourd'hui. Quand on dit qu'il faut voir à sa santé, vous en êtes la preuve vivante. Vous avez l'air resplendissant. Peut-être que la prochaine fois que vous témoignerez devant nous, vous pourrez nous indiquer le chemin de votre fontaine de jouvence!

Notre témoin suivant est le Dr David Bonfilio, ancien président de la Société du cancer de Californie. Le Dr Bonfilio participe à la lutte contre le tabagisme depuis 1988 aux niveaux local, de l'État et fédéral, parfois dans le rôle de défenseur d'intérêts particuliers, parfois dans le cadre d'une coalition.

Je vous remercie d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je vous inviterais peut-être à prendre quelques minutes pour nous décrire votre carrière de façon un peu plus détaillée que ce que je viens de faire.

M. David E. Bonfilio, ex-président, American Cancer Society, California Division, Inc.: Honorables sénateurs, je suis bénévole à la Société du cancer des États-Unis depuis 1985. Je m'occupe du dossier de la lutte contre le tabagisme depuis 1988. J'ai été banquier pendant 27 ans et je suis maintenant expert-conseil en gestion.

Le travail que j'ai fait dans le dossier du tabac a été important pour moi. J'ai été un fumeur. J'ai cessé de fumer après la naissance de notre deuxième fille, parce que ma femme m'a dit qu'elle ne voulait pas que je fume dans les parages de notre fille. Je comprends donc pleinement le caractère toxicomanogène de cette substance.

Avant de vous parler des défis que nous avons relevés et des succès que nous avons eus en Californie, je voudrais donner au comité une brève chronologie de ce qui s'est passé dans cet État.

En 1988, nous avons adopté la proposition 99, qui imposait une taxe de 25 c. sur les produits du tabac. En 1994, nous avons rejeté la proposition 188, qui était une tentative de la part de l'industrie du tabac de subordonner les lois de l'État à celles des municipalités. En 1994, nous avons adopté le projet de loi 13, qui créait des lieux de travail sans fumée, dont je vous parlerai davantage dans un instant. En 1994, la communauté de la santé a intenté des poursuites contre le gouverneur et l'assemblée législative et je vais vous expliquer pourquoi cela s'est produit.

En 1996, nous nous sommes battus pour rétablir le financement de la proposition 99 et de ses programmes. En 1998, il a été interdit de fumer dans les bars. Toujours en 1998, nous avons adopté la proposition 10, qui augmentait la taxe sur le tabac de 50 c. Et en 2000, nous avons rejeté la proposition 28, qui était une tentative de l'industrie du tabac d'abroger la proposition 10.

En 1988, le taux de tabagisme parmi les adultes en Californie était de 22,8 p. 100. En 1999, il était de 18 p. 100. En 1999, 61,5 p. 100 de tous les fumeurs en Californie ont tenté de cesser de fumer. Les taux de tabagisme diminuent dans tous les groupes d'âge et tous les groupes ethniques, sauf pour le groupe des 18 à 24 ans. La prévalence du tabagisme parmi les jeunes avait baissé à 6,9 p. 100 en 1999. Chez les jeunes, on signale une baisse du taux dans tous les groupes ethniques.

Le taux de cancer du poumon pour la période allant de 1988 à 1996 a diminué de 14,4 p. 100 en Californie, en comparaison d'une baisse de seulement 4 p. 100 dans le reste des États-Unis. Malheureusement, le taux de cancer du poumon chez les femmes continue d'augmenter en Californie, comme d'ailleurs partout aux États-Unis, mais à un rythme plus lent que dans le reste du pays.

Le service de lutte contre le tabagisme du département des services de santé de la Californie, dans un rapport publié en octobre 1998, a déclaré ceci:

L'expérience de la Californie démontre qu'une approche globale visant à changer les normes sociales a un impact beaucoup plus grand qu'une attaque directe visant à convaincre les fumeurs de s'inscrire à des services d'aide au renoncement du tabac. L'objectif de cette approche axée sur le «changement de normes sociales» est d'influencer indirectement les fumeurs actuels ou potentiels en créant un milieu social et un climat juridique dans lesquels le tabac devient moins désirable, moins acceptable et moins access ible.

Les pensées, les valeurs, les moeurs et les actes des individus sont mitigés par leur collectivité.

Je vais vous donner un exemple de la façon dont tout cela a fonctionné en Californie. En 1990, la ville de Lodi, qui se trouve dans la vallée centrale de la Californie, à mi-chemin entre Stockton et Sacramento, a adopté le premier règlement sur l'air pur intérieur. En 1993, 120 règlements de ce genre avaient été adoptés dans l'ensemble de l'État. En 1994, l'assemblée législative a adopté le projet de loi 13 comportant une disposition sur l'air pur applicable à tous les lieux de travail dans l'ensemble de l'État, mais assorti d'une réserve prévoyant un délai de deux ans pour l'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer dans les maisons de jeu et les bars. L'industrie du tabac a alors réussi à faire prolonger ce délai d'un an, mais le 1er janvier 1998, tous les lieux de travail en Californie sont devenus sans fumée.

Maintenant les collectivités réagissent. Quelqu'un disait tout à l'heure qu'il fallait traverser un rideau de fumée pour entrer dans l'immeuble du Sénat et en sortir. Or, les collectivités sont justement en train de réagir à ce problème, c'est-à-dire que leurs citoyens sont exposés à la fumée secondaire à l'entrée et à la sortie des édifices publics, en faisant la queue devant les guichets automatiques, et cetera. Les autorités locales rédigent donc des règlements interdisant de fumer dans un certain rayon des entrées des immeubles. Laissez-moi vous dire que l'industrie du tabac combat cet effort sur tous les fronts et sans relâche.

En 1998, la communauté de la santé a commis une erreur en élaborant la proposition 99. Cela m'amène à vous parler de certains éléments avantageux que je vois dans le projet de loi S-15. Dans la proposition 99, nous avions une disposition qui permettait à l'assemblée législative de répartir les recettes prélevées par un vote aux quatre cinquièmes. De plus, les efforts de lutte contre le tabagisme ont été confiés au département de la santé, dont le chef est nommé par les autorités politiques. Il en est résulté plusieurs problèmes.

En 1994, la communauté de la santé a été forcée de poursuivre le gouverneur et l'assemblée législative pour avoir détourné des fonds destinés à la lutte contre le tabac pour les affecter plutôt au budget général des soins de santé. L'industrie du tabac avait orchestré ce mouvement et l'avait fait de façon très habile. D'une part, l'Association médicale de la Californie et l'Association des hôpitaux disaient: «Eh bien, c'est très bien. On continue à se préoccuper de la santé». D'autre part, les organisations de bénévoles dans le domaine de la santé répliquaient: «On laisse tomber la lutte contre le tabac». Les tribunaux se sont prononcés en faveur de la communauté de la santé dans une poursuite et contre nous dans une autre. Toutefois, le tollé soulevé par cette affaire a forcé le gouverneur à réaffecter l'argent en question aux efforts de lutte contre le tabagisme. Par ailleurs, la situation économique s'améliorait aussi en même temps, ce qui a aidé notre cause. Les rentrées d'argent étaient à la hausse et nous n'avons donc pas eu à livrer bataille comme nous le craignions à l'Association médicale de la Californie et à l'Association des hôpitaux de la Californie.

Par contre, dans le cas de la décision des tribunaux qui est allée en notre faveur, l'argent a été placé en fiducie. C'est seulement cette année que l'on a pu libérer l'argent de la fiducie et s'en servir à des fins utiles.

Le président: Combien de temps cela a-t-il duré?

M. Bonfilio: Il a fallu trois ans pour récupérer cet argent. Nous avons passé deux ans à nous battre entre nous au lieu de combattre ensemble l'industrie du tabac, ce qui était exactement l'objectif de l'industrie du tabac.

Nous avons eu un gouverneur démocrate et un gouverneur républicain qui ont tous deux fait de la micro-gestion de notre campagne médiatique, retardant ou bloquant la publication de nouveaux messages publicitaires ou d'anciens messages qui s'étaient révélés efficaces.

Le comité de surveillance de l'éducation et de la recherche sur le tabac, qui a été créé par la proposition 99, est un comité consultatif et il a été obligé de se battre pour obtenir la mise sur pied de programmes efficaces dans les deux administrations.

Un autre problème de la loi originale tenait au fait qu'elle comportait une disposition exigeant un examen tous les deux ans. C'est-à-dire que tous les deux ans, nous devons rassembler nos forces pour convaincre l'assemblée législative de réattribuer les fonds. Bien sûr, cela donne à l'industrie du tabac une autre occasion de semer la zizanie entre les politiciens et la communauté de la santé.

En 1998, la proposition 10 a établi au niveau de l'État et au niveau local des commissions de l'enfance et de la famille. L'assemblée législative et les conseils locaux ont dû adopter des mesures législatives pour créer ces commissions. Ces décideurs politiques, de même que le gouverneur, ont nommé les membres des commissions, mais là s'arrête leur contrôle. Autant au niveau de l'État qu'au niveau local, les recettes ne peuvent pas être versées au Trésor. Les commissions sont pleinement habilitées à dépenser les fonds comme elles l'entendent, sans l'approbation des décideurs politiques.

Je suis actuellement président de la Commission de l'enfance et de la famille du comté de Marin. J'ai passé deux années intéressantes à expliquer à nos politiciens locaux, en particulier les fonctionnaires, comment le système est censé fonctionner. Le modèle fonctionne et il a été le catalyseur qui a déclenché certains changements très novateurs et qui a permis de relancer certains programmes dont le financement était menacé.

Le projet de loi S-15 prévoit la création d'une Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes, dont les membres seront nommés par le ministre de la Santé. Cela ressemble à la proposition 10. D'après ce que j'ai lu, la fondation sera indépendante du gouvernement, autre élément qui ressemble à la proposition 10. Cela donnera à la fondation un plus grand contrôle et une plus grande liberté par rapport aux politiques et aux parlementaires.

Je félicite les rédacteurs du projet de loi d'avoir prévu un siège pour une jeune personne. Les jeunes ont une perspective différente de celle des adultes sur les messages publicitaires. La transmission des messages entre pairs peut être très efficace.

Je crois comprendre par ailleurs que le ministre de la Santé, M. Rock, a annoncé récemment que le financement de la lutte contre le tabagisme était augmenté pour être porté à 110 millions de dollars par année. Cette augmentation est valable seulement pour cinq ans et servira à financer des programmes qui relèvent du gouvernement. Pour être efficace, un programme de lutte contre le tabagisme doit être soutenu pendant une certaine période. Douze années de financement des programmes de lutte contre le tabagisme en Californie nous ont permis d'obtenir les gains dont nous bénéficions actuellement. Des arrêts même momentanés ont entraîné des reculs.

En 1988, l'industrie du tabac a dépensé 8,24 milliards de dollars aux États-Unis, soit 22,5 millions de dollars par jour, pour la publicité et la promotion. En Californie, l'industrie du tabac dépense beaucoup plus que les programmes de lutte contre le tabagisme, dans une proportion supérieure à 10 contre 1. Au cours de l'année financière 1999-2000, la Californie a consacré 2,52 $ par habitant à la lutte contre le tabagisme, ce qui est très inférieur à l'objectif fixé par le Centre de lutte contre les maladies, qui se situe entre 5,12 $ et 13,71 $ par habitant pour notre État.

D'après les objectifs fixés par le Centre de lutte contre les maladies en matière de meilleures pratiques, la Californie devrait dépenser une somme additionnelle de 105 millions de dollars par année. La communauté de la santé n'a pas réussi à obtenir du gouverneur actuel qu'il approuve une augmentation sensible de ce budget. Là encore, il y a lieu de féliciter les rédacteurs du projet de loi S-15 pour avoir établi une fondation dont le financement est indépendant du gouvernement.

En dépit de ce que j'ai dit, le programme de la Californie est d'un bon rapport coût-efficacité. On estime qu'entre 1990 et 1998, le Programme californien de lutte contre le tabagisme a permis d'économiser 8,4 milliards de dollars en coûts directs et indirects attribuables au tabagisme. Grâce à ce programme, des frais médicaux directs évalués à trois milliards de dollars ont été évités, soit des économies de 3,62 $ pour chaque dollar que nous avons dépensé.

L'une des caractéristiques marquantes du programme de lutte contre le tabagisme en Californie tient au fait qu'on a réussi à y créer des réseaux ethniques. Sénateur St. Germain, cela a un rapport avec ce que vous disiez tout à l'heure. La recherche montre que l'industrie du tabac a ciblé les communautés de couleur et les classes socio-économiques inférieures. L'American Indian Network est l'un des réseaux qui ont travaillé très dur pour combattre le tabac. Comme vous le savez, beaucoup de tribus indiennes américaines ont le statut de nations souveraines, ce qui veut dire que les lois locales, d'État et même fédérales ne s'appliquent pas nécessairement à elles. Le tabac a joué traditionnellement un rôle important dans les cérémonies indiennes, mais ce réseau continue de remporter de grands succès. Il y a plus de lieux de travail sans fumée, bien que ce ne soit pas vraiment écrit nulle part. C'est simplement la réalité. L'éducation, c'est bien beau, mais nous avons le même problème que vous avez dans votre pays, c'est-à-dire que beaucoup de ces communautés sont éloignées et disposent d'une infrastructure réduite au minimum. On a obtenu des succès dans la lutte contre l'utilisation commerciale du tabac, pas l'utilisation à des fins cérémoniales, et l'American Indian Network a fait très attention de toujours faire cette distinction.

Nous avons beaucoup appris en Californie. Le premier point et probablement le plus important, c'est la nécessité de mettre en place un programme exhaustif. Les campagnes médiatiques rejoignent beaucoup de gens, elles ne fonctionnent pas à moins d'être renforcées par autre chose.

Je voudrais maintenant vous décrire des stratégies qui donnent de bons résultats. Lutter contre l'influence du lobby protabac donne les résultats suivants: amener les gens à remettre en question les motifs de l'industrie, et autant les fumeurs que les non-fumeurs se posent des questions; forcer l'industrie à rendre des comptes; amener les adolescents et les adultes à se révolter contre la manipulation de l'industrie; permettre de soutenir les activités et initiatives locales; et accélérer le processus du changement des normes.

Des stratégies efficaces pour lutter contre la fumée secondaire donnent les résultats suivants: si l'on renseigne les gens sur les risques qu'ils courent, ils agissent de leur propre gré pour se protéger; mettre fin à l'apathie du public qui passe aux actes; mobiliser les collectivités; donner une voix aux non-fumeurs; le fait d'arrêter de fumer devient un résultat souhaitable, les gens cessent de fumer pour protéger leur famille; et cela débouche sur un changement des normes sociales.

Je vais maintenant m'attarder aux stratégies d'éducation des jeunes qui n'ont pas fonctionné en Californie. Elles ne tenaient pas compte des avantages ou des conséquences à long terme pour la santé. Elles laissaient de côté les conséquences à court terme pour la santé. On n'y abordait pas non plus les conséquences à court terme sur le plan de l'apparence. Le message que fumer, ce n'est pas bien vu par le sexe opposé n'a pas fonctionné. Et le simple fait de dire que fumer, ce n'est pas «cool», n'a pas fonctionné non plus.

Voici les stratégies d'éducation des jeunes qui ont donné des résultats en Californie: la manipulation de l'industrie du tabac; l'accoutumance à la nicotine: les enfants ne veulent pas devenir toxicomanes; la fumée secondaire est plus dangereuse que vous ne le pensez; et des histoires personnelles dramatiques. Au sujet des histoires personnelles, il ne fait aucune différence qu'elles soient racontées par un pair ou par un adulte. Du moment que le jeune sait que l'histoire ne lui est pas racontée par un acteur, que c'est une vraie personne qui raconte une histoire personnelle, il réagit.

L'un des premiers messages publicitaires mettait en scène une femme appelée Debbie. Au début de l'annonce, on voit seulement son visage. Elle parle du tabagisme. Elle a subi une laryngotomie et elle parle donc difficilement. Elle dit que le tabac provoque une très forte dépendance et explique que fumer lui a coûté cher, que sa vie est ruinée. À la fin, nous la voyons aspirer de la nicotine par une stomie pratiquée dans sa gorge. Ce message a beaucoup d'effet sur les adolescents.

Il y a maintenant un nouveau message mettant en scène la même Debbie. Les dernières années ont été très dures pour elle. Elle paraît beaucoup plus vieille. Elle a des difficultés extrêmes à cause de l'accumulation de salive dans sa bouche. Elle doit avaler constamment, presque à tous les deux mots. Elle parle de la toxicomanie et du fait que l'industrie du tabac l'a manipulée. On apprend en fin de compte que sa nièce de sept ans lui a dit qu'elle ne voulait pas qu'elle meure, et c'est ce qui a incité Debbie à cesser de fumer - pas la toxicomanie, pas l'industrie du tabac.

Certaines conclusions sur l'expérience de la Californie. Un programme complet est très efficace. Les programmes médiatiques et locaux doivent être coordonnés et bien financés. Si vous voulez que les enfants ne fument pas, vous devez amener les adultes à changer leurs habitudes. Les stratégies dirigées contre l'industrie et contre la fumée secondaire sont efficaces. Donnez aux collectivités locales le pouvoir de défendre cette cause. Soyez culturellement sensibles et mettez à profit le pouvoir de ces collectivités. La supervision et la reddition de comptes sont les clés du succès. Assurez-vous d'avoir un leadership solide et donnez au programme une certaine souplesse.

Le sénateur St. Germain: Monsieur Bonfilio, vous avez l'air en très bonne santé. Ma question porte sur votre programme de santé. Entre mes collègues et moi-même, et aussi parmi le grand public, il y a beaucoup de discussions sur la santé et l'on fait des comparaisons entre le Canada et les États-Unis. Je pense que vous avez une société en très bonne santé.

Cela dit, vous avez parlé d'une réduction de huit milliards de dollars du coût des problèmes de santé causés par le tabagisme. Le Canada a un système entièrement socialisé, l'assurance-maladie à 100 p. 100. Comment cela se compare-t-il à votre système? Pourriez-vous nous en parler, je vous prie.

Je cours tous les jours, depuis 30 ans. J'ignore si cela m'amènera à vivre plus longtemps, mais en tout cas, ma vie semblera plus longue à cause de la torture que je m'inflige. Je fais cela pour être en meilleure santé.

Aujourd'hui, au Canada et aux États-Unis, l'obésité est un grave problème parmi nos jeunes. Elle cause le diabète et beaucoup d'autres problèmes de santé.

Ma question porte donc sur les programmes de santé de votre pays; y a-t-il des taux accrus pour les fumeurs et de meilleurs taux pour les non-fumeurs?

M. Bonfilio: Nous avons de graves problèmes dans notre système de soins de santé en Californie et aux États-Unis. Nous avons un pourcentage élevé de personnes qui ne sont pas assurées, autant en Californie que dans l'ensemble des États-Unis, parce que nous n'avons pas de régime de santé universel.

Nous avons fait l'expérience de la gestion des soins de santé; c'était une tentative de contenir les coûts de la santé. Les coûts augmentaient lentement mais sûrement. Aujourd'hui, ils augmentent plutôt en flèche. Nous avons des problèmes car nous ne pouvons plus retenir les services des travailleurs de la santé. Médecins et infirmières quittent la profession à cause de la gestion des soins. Oui, nous avons eu des augmentations. Nous avons assisté à des hausses extraordinaires.

Les chiffres que je vous ai cités sont tirés de la Section de lutte contre le tabagisme du Département des services de santé de Californie. Pour obtenir ces coûts, on fait une comparaison entre les fumeurs et les non-fumeurs.

Le sénateur St. Germain: Je m'inquiète de vous entendre dire que vous avez des problèmes. Nous aussi, nous avons des problèmes dans notre système.

Ma plus grande inquiétude, c'est de savoir jusqu'où nous pouvons aller quand il s'agit d'adopter des mesures législatives pour lutter contre l'habitude de fumer, par opposition à ce que nous devrions faire pour améliorer notre propre santé en prenant des mesures préventives: régimes alimentaires, exercices physiques, et cetera. J'ai déjà été fumeur. Quand j'ai cessé de fumer, je fumais trois paquets par jour.

Le président: Combien de milles couriez-vous quand vous étiez fumeur?

Le sénateur St. Germain: Je ne marchais même pas. J'allais partout en voiture. Je n'avais pas le temps de courir parce que j'étais trop occupé à fumer. Il m'est arrivé souvent d'avoir le goût de fumer un cigare sur le terrain de golf; mais je m'en empêche toujours simplement parce que je pense que cela pourrait nuire à mon autre activité.

A-t-on déjà constaté une corrélation quelconque entre l'exercice et les programmes de santé; le savez-vous?

M. Bonfilio: L'un ne va pas sans l'autre. Le tabac cause le tiers des cancers. Une mauvaise alimentation et le manque d'exercice causent l'autre tiers. Cela représente environ 60 p. 100 des cancers, et ce qui est en cause, c'est un changement de mode de vie. C'est ainsi qu'en Californie, nous avons réussi à faire du tabagisme un comportement inacceptable.

Pour ce qui est de légiférer, ce qu'il faut faire, en fait, et c'est pourquoi je donne l'exemple de la ville de Lodi, c'est de commencer au niveau de la base et d'édifier des programmes vers le haut. Cette fondation peut instruire les gens sur les dangers, la fumée secondaire, la manipulation de l'industrie, la toxicomanie, après quoi il faut travailler avec les coalitions pour amener les collectivités locales à dire: «Nous voulons ce programme».

C'est ce qui s'est passé en Californie. Le programme des milieux de travail sans fumée n'a pas débrité au niveau de l'État. Le gouvernement de l'État ne s'en mélait pas, sous l'influence de l'industrie du tabac. Ce sont les collectivités locales qui ont dit: «Nous voulons ce programme».

Nous envisageons maintenant d'interdire de fumer autour des entrées des immeubles. Nous envisageons des permis assortis de conditions pour les commerces qui vendent du tabac. Nous envisageons l'imposition de licences pour le tabac. Et tout cela émane du niveau local, et non des autorités de l'État.

Le sénateur Banks: J'ai deux questions, monsieur Bonfilio. Vous avez dit que le Centre de lutte contre les maladies d'Atlanta a recommandé pour la Californie des dépenses annuelles par habitant se situant entre 5 $ et 12 $ ou 13 $, ou quelque chose de cet ordre.

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Banks: Je vous demande simplement de confirmer cela et de me dire si, à votre connaissance, il y a une différence d'un État à l'autre, pour quelque raison que ce soit, dans ce niveau de dépenses recommandé. Je pose la question parce que nous avons entendu diverses sources donner des chiffres différents qui auraient tous été recommandés par les Centres de lutte contre les maladies.

Ma deuxième question porte sur les histoires personnelles dont vous avez parlé. Vous avez dit que ces récits personnels étaient efficaces auprès des jeunes gens de la Californie. Ces histoires ne comportent-elles pas parfois des éléments qui, de votre propre aveu, n'ont pas fonctionné, comme le message disant qu'il n'est pas «cool» de fumer et la question de la toxicomanie, par exemple? Il me semble qu'il a dû être question à l'occasion dans ces récits personnels d'éléments qui, selon vous, n'ont pas fonctionné. Mais c'est la moins importante de mes questions.

Je voudrais d'abord entendre votre réponse sur les chiffres. Les dollars, le montant que nous devrions dépenser. Ce montant varie-t-il d'un État à l'autre?

M. Bonfilio: Oui. Il varie d'un État à l'autre parce que chaque État en est à une étape différente dans ses efforts de lutte contre le tabagisme. Nous venons d'adopter un budget de 500 millions de dollars par année pendant quatre ans pour la lutte contre le tabagisme, dans le cadre de l'entente-cadre, ce qui est plus que ce que dépense l'État de la Louisiane ou l'État du Mississipi. Il y a donc de grandes différences.

Le sénateur Banks: Cela représente seulement 2 $?

M. Bonfilio: Pour mon comté, cela s'ajoute aux 2,50 $ que nous dépensons déjà. Donc, avec l'entente-cadre conclue en Californie, l'État obtient 50 p. 100 de l'argent, les comtés touchent l'autre 50 p. 100. Au début, le gouverneur refusait de poursuivre les compagnies de tabac. Nous avons eu plus de chance au niveau local qu'au niveau de l'État pour ce qui est d'injecter ces montants dans la lutte contre le tabac.

Les Centres de lutte contre les maladies établissent les objectifs en matière de meilleures pratiques qui se traduisent par ces montants. Il y a un tableau qui indique les montants pour chaque État, selon les caractéristiques démographiques.

Pour répondre à votre deuxième question au sujet des histoires personnelles, on ne dit pas vraiment dans ces histoires que ce n'est pas cool de fumer. Il y est indirectement question des conséquences pour la santé. Il y en a une au sujet d'un vieux monsieur, qui est probablement septuagénaire. Il raconte que sa femme l'asticotait pour qu'il cesse de fumer, et puis il dit: «C'est ma vie, mais c'est elle qui est morte de la fumée secondaire». Les enfants réagissent très puissamment à ce message. Dans ce récit, il est indirectement question des conséquences sur la santé. Il dit avoir tué sa femme.

Le sénateur Banks: Ce sont donc des récits anecdotiques qui donnent de bons résultats?

M. Bonfilio: Exactement, et ni Debbie ni ce monsieur ne sont des comédiens. Ce sont les personnes elles-mêmes qui racontent leur propre histoire. Quand les enfants voient cela, ils pensent à leurs grands-parents ou à leur voisin, qui est peut-être un fumeur. Donc, oui, indirectement, on aborde tous ces points dans ces messages, mais si l'on en parle directement, les enfants n'écoutent plus.

Le sénateur Banks: Vous avez eu un problème parce que le gouvernement exerçait un contrôle trop étroit sur l'allocation et sur le contenu du programme lui-même. Envisagez-vous des problèmes potentiels à l'autre extrême, en ayant un organisme complètement indépendant, à l'abri de toute influence, que ce soit celle du gouvernement ou de la communauté de la santé? Y a-t-il un danger à ce niveau?

M. Bonfilio: Il pourrait y avoir un certain danger, mais comme nous l'apprenons dans le cadre des commissions sur la proposition 10 dans l'ensemble de l'État, beaucoup de gens surveillent ce que nous faisons et nous tiennent comptables devant le tribunal de l'opinion publique, de sorte qu'il n'y a pas beaucoup de marge de manoeuvre. Dans le comté de Marin, plusieurs groupes suivent de près le moindre de nos faits et gestes. Ce sont des citoyens qui savent faire entendre leurs voix. Ils s'adressent aux médias, ils s'adressent aux conseils des superviseurs à la moindre occasion, s'ils nous voient dévier le moindrement de notre mission.

Nous travaillons de concert avec le gouvernement pour la mise en oeuvre de la proposition 10. Nous travaillons avec les fonctionnaires du ministère de la Santé dans le cadre de ces programmes, mais nous leur disons que nous ne voulons pas avoir les mains liées par leurs méthodes bureaucratiques. Nous voulons voir ce qui fonctionne vraiment sur le terrain et nous ne voulons pas avoir à nous inquiéter au sujet de pressions politiques. Les compagnies de tabac comptent parmi les plus généreux donateurs aux campagnes politiques. Il est important d'être indépendant du gouvernement.

Le sénateur Banks: Vous venez de décrire la raison pour laquelle ce projet de loi émane du Sénat du Canada et non pas de la Chambre des communes.

Le sénateur Spivak: Je m'intéresse beaucoup aux stratégies dont vous avez parlé pour atteindre l'objectif. Les Américains sont d'excellents stratèges. Le système politique dans ce pays amène les gens à participer, dans le sens de travailler pour obtenir ce qu'ils veulent. Je reviendrai là-dessus dans un instant.

Je veux toutefois vous parler de ce qui me semble être le problème clé. À mon avis, le problème est l'absence totale de responsabilité des entreprises. Par exemple, McDonald pourrait s'arranger pour que ses produits soient très bons pour la santé, mais choisit délibérément de ne pas le faire. Les compagnies qui sont responsables de la pollution de l'air pourraient faire quelque chose pour lutter contre ce problème, mais beaucoup n'en font rien. Certaines l'ont fait, bien sûr.

Je voudrais aborder la question de l'industrie cinématographique. On voit maintenant plein de gens fumer au cinéma. Comment cela se fait-il, alors qu'à un moment donné, on ne voyait jamais de cigarettes dans les films?

Ma deuxième question est celle-ci: Quelles tactiques avez-vous utilisées pour faire adopter toutes ces propositions? Avez-vous travaillé uniquement dans le domaine politique? Avez-vous rassemblé des coalitions?

M. Bonfilio: Je vais d'abord vous parler de l'industrie du divertissement. L'industrie du tabac a exercé une énorme influence dans le secteur du divertissement. Par contre, grâce à la proposition 99 et aux coalitions de défense de la santé en Californie, nous avons réussi à établir un dialogue avec l'industrie. Celle-ci ne nous a pas fermé la porte au nez. Elle est intéressée à nous parler. Il y a des producteurs et des réalisateurs qui s'intéressent vivement à ce problème, notamment Chris Columbus et Zemeckis. Ce problème les préoccupe.

Du point de vue de l'industrie, l'un des problèmes est la «liberté de l'artiste». À cela, nous répliquons que beaucoup plus de gens fument dans les films que dans la population. On continue d'y travailler. Il y a aussi le groupe d'âge des 18 à 24 ans qui est préoccupant. Beaucoup de films montrent des jeunes de cet âge qui fument.

Le sénateur Spivak: Oui, et des vidéos musicales aussi.

M. Bonfilio: Exactement.

Le sénateur Spivak: C'est un support publicitaire pour les compagnies de tabac et c'est une source d'argent pour les producteurs. De nos jours, produire un film ne coûte plus seulement 10 millions de dollars, mais plutôt dans les 100 millions de dollars. Les compagnies de tabac doivent payer beaucoup d'argent pour que leurs produits soient à l'écran - pas seulement les compagnies de tabac, mais d'autres entreprises géantes comme Coca-Cola, et cetera. Comment combattez-vous ce phénomène? Ou bien vous contentez-vous de leur en parler?

M. Bonfilio: Oui. Leur parler, c'est à peu près tout ce que nous pouvons faire. Nous sommes limités parce que le seul financement que nous avons est celui qui vient de la proposition 99; les fonds sont limités. Comme je l'ai dit, l'industrie du tabac dépense dix fois plus d'argent que nous en Californie et elle sait comment s'y prendre.

J'ai apporté ce journal de format tabloïd; c'est le numéro de lundi. On y trouve une annonce d'un concours permettant de gagner un voyage à New York d'une valeur de 20 000 $. L'annonce a été publiée par une compagnie de tabac. C'est invitant. Il faut avoir au moins 19 ans et être fumeur pour s'inscrire au concours.

Le sénateur Spivak: Et la réforme du financement des campagnes électorales? Si jamais elle se réalise, est-ce que ce sera utile? Je ne me rappelle plus du montant que l'industrie du tabac verse aux Démocrates, mais elle donne beaucoup d'argent aux Républicains. C'est le noeud du problème. C'est un peu comme l'histoire de David et Goliath.

Le président: Au cas où vous penseriez qu'ils sont les seuls, je peux vous assurer que les libéraux, les conservateurs et l'Alliance reçoivent également des dons généreux de la part des compagnies de tabac.

Le sénateur Spivak: Eh bien, je l'ignorais, mais je vous crois.

M. Bonfilio: D'après ce que j'ai lu, la réforme de la campagne électorale serait utile et s'appliquerait à tous les secteurs. Ainsi, il n'y aurait plus domination d'une industrie, comme c'est le cas dernièrement de l'industrie du tabac.

Je pense que vous avez posé une autre question, sénateur.

Le sénateur Spivak: Je vous ai demandé comment vous avez obtenu les propositions. Appliquez-vous des stratégies politiques ou bien comptez-vous surtout sur l'intervention de coalitions? Notre premier projet de loi à ce sujet, connu sous le nom de Loi sur les produits du tabac, était le fruit des efforts d'une coalition - la Société du cancer, les infirmières, et cetera - dirigée contre un gouvernement qui refusait de le présenter.

M. Bonfilio: Exactement. Nous utilisons aussi le poids des coalitions. C'est très important en Californie. J'ai travaillé au dossier de la mesure qui a précédé la proposition 10 et qui résultait d'une coalition de l'Association pulmonaire, de la Société du cancer, de l'Association médicale, de l'Association des hôpitaux et des gestionnaires des soins de santé. Nous tentions de rédiger un projet de proposition, de le faire inscrire sur le bulletin de vote, avec l'espoir que l'industrie des soins gérés apporterait un soutien financier à l'initiative, parce qu'il coûte de l'argent de faire inscrire une telle mesure sur le bulletin de vote. Malheureusement, cet effort est tombé à l'eau parce que la communauté de la santé craignait que des initiatives rivales soient inscrites sur le bulletin et se fassent la lutte. C'est ainsi que, pour des raisons politiques, l'industrie des soins gérés a dû se retirer du dossier.

Rob Reiner a pris le relais. Quand nous avons rencontré Rob Reiner pour la première fois, il était un néophyte politique. Il ne nous croyait pas quand nous lui disions que l'industrie du tabac se lancerait dans des attaques personnelles, qu'elle dépenserait des sommes gigantesques en comparaison des nôtres et qu'elle nous ferait des coups fourrés. Dans les derniers jours de la campagne, il ne le comprenait que trop bien.

Au début, donc, nous rassemblons une coalition, mais en fin de compte, il nous faut embaucher des experts-conseils politiques. Nous devons jouer le jeu de la politique et nous avons appris à le faire au fil des ans.

Le sénateur Spivak: Au sujet des coalitions, si vous aviez partie liée avec tous ces prétendus «radicaux» qui veulent interdire les logos et les marques et obliger les compagnies à assumer leurs responsabilités, cela n'aiderait-il pas votre cause? Avez-vous des liens avec eux, ou bien envisagez-vous d'en avoir?

M. Bonfilio: Nous avons en effet des radicaux de ce genre en Californie. Certains d'entre eux sont connus chez vous.

Le sénateur Banks: Des radicaux en Californie?

Le président: Je pense qu'ils nous ont rendu visite au Québec.

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Spivak: Je dis «radicaux», parce que je pense que ce sont les esprits forts dans notre société. Les autres sont les esprits faibles.

M. Bonfilio: Tout à fait. Nous sommes constamment sur le fil. Quand Pete Wilson était gouverneur de la Californie, nous l'avons forcé à passer à l'action en lui faisant honte, et cela a fonctionné. Ce sont les membres les plus radicaux de la coalition qui s'en sont chargés; ce sont eux qui nous ont entraînés là-dedans. Nous autres, nous étions inquiets parce que nous savions que nous aurions à traiter avec le gouverneur et nous nous demandions comment cela influerait sur nos relations, mais comme il était tellement têtu, nous avons donné notre accord et avons obtenu les résultats escomptés.

Nous avons vraiment touché une corde sensible. Quand la société américaine du cancer a endossé ce message, il a même téléphoné à notre directeur général et aux personnes qui occupaient bénévolement les postes de président du conseil et de président, qui étaient alors en réunion à New York, pour se plaindre personnellement à eux. La présidente du conseil m'a dit que quand elle a répondu au téléphone et s'est rendu compte qu'à l'autre bout du fil, Pete Wilson lui parlait frénétiquement sans lui donner le temps de répondre, elle n'en croyait pas ses oreilles. Il faut donc parfois agir de cette façon.

Le sénateur Lawson: Nous avons tendance à négliger l'importance de la Californie, jusqu'à ce que nous nous rendions compte que la population de la Californie est à peu près égale à celle du Canada, et vous avez donc beaucoup à nous apprendre.

Vous avez dit être un ancien banquier. Mon directeur de banque me disait la semaine dernière qu'une cliente lui avait dit: «Je veux un prêt d'amélioration résidentielle de 50 000 $». Il a répondu: «Votre mari et vous-même avez beaucoup de biens à offrir en garantie. Nous pouvons vous consentir ce prêt». Alors qu'il rédigeait le chèque, il lui a demandé: «En passant, qu'allez-vous faire avec ce prêt d'amélioration résidentielle de 50 000 $? Vous allez refaire la cuisine, ajouter un solarium?» Et elle a répondu: «Non, nous allons divorcer». Je suppose que la morale de l'histoire, c'est qu'il faut toujours aller au-delà des paroles pour décoder le véritable message qui se cache derrière les mots qu'on entend.

Vous nous avez décrit de façon saisissante les messages mettant en vedette Debbie. Quand je l'ai vue pour la première fois, j'étais avec une famille qui a des enfants adolescents et pré-adolescents. L'un des parents fumait, l'autre non. Les enfants ont été littéralement révulsés par cette annonce. Ils ont dit: «Oh mon dieu, ça pourrait être toi, papa, ça pourrait être toi». Et il a répondu: «Eh bien, ce ne sera pas moi; je cesse de fumer.» Ce message a eu un impact très fort. C'est dire toute l'importance de ces messages. Ils sont très efficaces.

J'ai lu que la population de la Californie comptera bientôt plus de 50 p. 100 de membres des groupes ethniques, les hispaniques et les autres. Est-ce que ces messages sont diffusés en espagnol? Comment faites-vous pour la question de la langue?

M. Bonfilio: Nous sommes un État où il n'existe pas de majorité. Il n'y en a pas, de majorité. La population blanche représente moins de 50 p. 100 de l'État et c'est donc devenu réalité, même si nous avions vu venir cette situation depuis déjà longtemps. J'ai parlé du Native American Network. Nous avons aussi un réseau hispanique, un réseau afro-américain et un réseau des insulaires de l'Asie-Pacifique. Nous diffusons des messages dans une foule de langues. Il y a une station de radio en espagnol, qui est très populaire partout en Californie et je pense même dans la plus grande partie des États-Unis, et nous diffusons des messages en espagnol sur cette radio parce que nous savons que son auditoire est important. Nous publions des messages imprimés dans diverses langues. Nous recrutons des gens de ces communautés pour travailler au sein de ces communautés.

La coalition dont je fais partie dans le comté de Marin compte des représentants de différentes organisations, dont l'une s'appelle Catholic Charities. La représentante de Catholic Charities est une femme vietnamienne. Elle fait tout son travail au sein de la communauté vietnamienne du comté de Marin. Les gens ont tendance à réagir à des personnes qui leur ressemblent.

Le sénateur Lawson: Une dernière question. Le sénateur St. Germain a abordé avec le Dr Bonham la question de la légalisation de la marijuana. Il y a actuellement une campagne électorale dans notre province. Bien sûr, l'un des partis en présence est le parti Marijuana.

Ses porte-parole disent que légaliser la marijuana aurait un certain nombre d'avantages. Premièrement, selon eux, cela réduirait la consommation parmi les jeunes, parce que ceux-ci se réuniraient en petits groupes pour partager une cigarette, avec comme produit secondaire l'amour et le partage.

Acceptez-vous la logique de cet argument?

M. Bonfilio: Vous vous adressez à un citoyen d'un État qui a légalisé la marijuana à des fins médicales. Tous les agents d'application de la loi de l'État se grattent la tête. Cela nous place directement en violation de la loi fédérale. Nous avons vu un effet secondaire regrettable de la consommation de marijuana à des fins médicales. Dans certaines localités, les enfants se tournent vers la marijuana au lieu du tabac. Ils disent: «Si c'est bon comme médicament, ça doit être acceptable comme produit de remplacement». Résultat: nous sommes aux prises avec un problème plus important, puisque la consommation de marijuana augmente parmi les jeunes.

Nous aimerions faire de la recherche pour savoir s'il y a du vrai dans ces histoires anecdotiques voulant qu'elle soit utile dans certains cas à des fins médicales, et nous voudrions aussi étudier les risques pour la santé de la consommation de marijuana sur une longue période.

Le président: La marijuana est-elle un produit de remplacement? Autrement dit, une personne qui commence à fumer de la marijuana arrête-t-elle subitement de fumer du tabac? Ou bien s'agit-il de deux choses différentes?

M. Bonfilio: À nos yeux, ce sont deux choses différentes. Les enfants commencent à fumer de la marijuana plutôt que du tabac.

Le sénateur Lawson: Y a-t-il une corrélation entre la consommation de marijuana et les drogues dures? Je compte quelques amis dans la police qui me disent que la marijuana est la première étape et qu'elle mène à la consommation des drogues dures.

M. Bonfilio: Certains indices donnent à penser que ce pourrait être le cas. J'ai travaillé au sein de la commission chargée d'étudier la proposition 10 avec une femme qui travaille auprès de mères enceintes qui abusent de substances toxiques. Elle a constaté qu'elles peuvent renoncer au tabac pendant qu'elles sont enceintes. D'autres allaitent leur enfant plus longtemps parce qu'elles comprennent que le tabac est un risque pour leur enfant. Par contre, l'alcool et les drogues dures leur donnent plus de difficultés pendant cette même période.

Le sénateur Kenny: Monsieur Bonfilio, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre réponse au sénateur Banks au sujet de la formule de financement du centre de lutte contre les maladies d'Atlanta. Vous me reprendrez si je me trompe, mais tous les chiffres que vous avez donnés étaient évidemment en dollars américains. Deuxièmement, j'ai l'impression que la formule est fondée premièrement sur la population, deuxièmement, sur la densité de population, troisièmement, sur la diversité de la population et, enfin, sur le taux de tabagisme dans la collectivité visée. En conséquence, on a établi une série de formules dont les résultats varient énormément.

Par exemple, la population du Rhode Island et de l'Iowa est peut-être la même, mais parce que la population de l'Iowa est plus éparpillée et plus homogène, on accordera moins d'argent à l'Iowa qu'au Rhode Island. Sommes-nous d'accord?

M. Bonfilio: C'est exact.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous expliquer à notre intention la problématique de la rentabilité dont vous avez parlé? Je m'intéresse particulièrement aux retombées que vous avez obtenues en Californie relativement aux dollars dépensés pour la lutte contre le tabac.

M. Bonfilio: Nous en avons vu des indices presque immédiatement. Quelques années à peine après le lancement du programme, on constatait déjà que certaines maladies étaient moins fréquentes. Par exemple, il y a eu une baisse considérable du taux de cancer du poumon sur une période de huit ans. Nous avons donc eu des retombées presque immédiates.

Pour ce qui est du taux de cancer du poumon parmi les femmes, ces dernières ont commencé à fumer beaucoup plus tard que les hommes, de façon générale, et à cesser de fumer également beaucoup plus tard que les hommes. En Californie, le taux d'augmentation du cancer du poumon parmi les femmes est plus lent que dans le reste des États-Unis.

Nous avons donc vu immédiatement des avantages sur le plan de la santé.

Le sénateur Kenny: Avez-vous bien dit que pour chaque dollar que vous avez dépensé pour lutter contre le tabagisme, vous avez obtenu une réduction de 3,62 $ du coût des problèmes de santé causés par le tabac?

M. Bonfilio: Du coût des problèmes de santé directement causés par le tabac, oui.

Le sénateur Kenny: Au sujet de l'ingérence politique, vous avez dit qu'il y avait eu de l'ingérence de part et d'autre. Pouvez-vous nous donner d'autres exemples de cas d'ingérence?

M. Bonfilio: Le gouverneur Wilson refusait de nous permettre de diffuser l'annonce mettant en vedette Debbie. Quand Gray Davis a été élu, il a bloqué cette annonce pendant presque un an.

Le sénateur Kenny: À titre d'information, cultive-t-on le tabac en Californie?

M. Bonfilio: Non.

Le sénateur Kenny: Fabrique-t-on des cigarettes en Californie?

M. Bonfilio: Non.

Le sénateur Kenny: Quelle est la corrélation entre les compagnies de cigarettes et les politiciens en Californie?

M. Bonfilio: L'argent - des deux côtés de la clôture.

Le sénateur Kenny: Pouvez-vous nous décrire la procédure utilisée en Californie pour faire l'évaluation? Comment cela commence-t-il? Quand choisit-on l'évaluateur? Comment les évaluations sont-elles rendues publiques?

M. Bonfilio: Dans la proposition 99 et dans toutes les mesures prises ultérieurement, l'évaluation a toujours été un élément très important. Nous avons eu la chance, quand nous avons rédigé la proposition 99 - c'est l'une des choses que nous avons faites comme il faut - d'insister sur l'évaluation. Il faut qu'il y ait dès le départ une procédure d'évaluation. Les évaluateurs ont été choisis par le Département des services de santé, mais sous la surveillance du TEROC, c'est-à-dire le Tobacco Education Research Oversight Committee, ou comité de surveillance de la recherche et de l'éducation dans le domaine du tabac, qui scrutait la procédure appliquée pour choisir les évaluateurs.

Notre ami le Dr Stan Glantz, de l'Université de la Californie à San Francisco, est l'un des membres les plus notoires du mouvement de lutte contre le tabagisme. Il a scruté à la loupe les moindres faits et gestes du gouvernement dans la sélection des évaluateurs. Nous continuons de choisir des évaluateurs pour différents programmes, selon le degré de complexité du programme. C'est un processus continu qui existe depuis le tout début, dans le cas de la proposition 99; c'est le gouvernement qui s'en charge, mais il fait appel à l'Université de la Californie, qui est assez indépendante du système politique.

La proposition 10 nous permet de choisir nos propres évaluateurs et nous les sélectionnons autant au niveau local qu'au niveau de l'État; ils sont choisis par les commissions elles-mêmes.

Le sénateur Adams: Il n'est pas rare de voir des enfants fumer devant leur école entre les cours ou après les heures de classe. Y a-t-il en Californie une loi qui interdit à un enfant de donner une cigarette à un autre enfant?

M. Bonfilio: Ce dont vous parlez est en effet un problème. Les enfants ont tendance à se procurer des cigarettes dans leur famille - un membre de la famille leur donne des cigarettes ou bien ils les volent carrément en faisant les poches ou le sac à main - ou en s'adressant à leurs amis. La plupart des conseils scolaires ont interdit de fumer sur les campus pour enrayer ce problème. Malheureusement, dans la plupart des écoles secondaires, nous avons une politique de campus ouvert. Par conséquent, les enfants peuvent quitter le terrain de l'école à l'heure du déjeuner et aller prendre leur dose de nicotine à l'extérieur du campus. C'est un problème car c'est en effet de cette façon que les enfants se procurent leur tabac.

Je parlais tout à l'heure à des membres de la coalition au sujet de l'augmentation du tabagisme parmi les jeunes de 18 à 24 ans. Cette augmentation est en grande partie attribuable au fait que l'industrie du tabac cible les bars. Même s'il est illégal de fumer dans les bars, l'industrie commandite des soirées du tabac dans des bars situés en milieu urbain et aux alentours des campus collégiaux. Les jeunes fréquentent ces bars, où il y a des concerts de musique, des concours, des prix et d'immenses bols remplis de cigarettes où tout le monde peut piger gratuitement. Et même si l'âge de la consommation d'alcool est fixé à 21 ans en Californie, nous sommes tous passés par là et nous savons bien qu'il est facile de se procurer une fausse carte d'identité. C'est ainsi que les jeunes fréquentent ces bars où ils se procurent du tabac.

Le président: Une chose qui me tracasse depuis des années, c'est la déduction d'impôt associée aux coûts de la publicité. Que le produit annoncé soit une voiture, des fèves ou des boiseries, peu importe, la compagnie obtient une déduction d'impôt. Je me rends compte que cela relève du fédéral, mais a-t-on fait des efforts en Californie pour obtenir que l'on interdise aux compagnies de tabac de déduire le coût de leur publicité?

Il me semble que, par cette déduction d'impôt, Washington se trouve à subventionner les compagnies de tabac pour les aider à corrompre les jeunes Californiens, en application du système actuel. Est-ce que quelqu'un a fait quelque chose à ce sujet?

M. Bonfilio: Cela met en cause la déclaration des droits et la liberté de parole, et même si ce que vous dites relève d'une mesure fiscale, cela met aussi en cause la liberté de parole. Il serait difficile, voire impossible, d'apporter un changement quelconque à cet égard.

Dans l'entente-cadre appelée Master Settlement Agreement, l'industrie du tabac a accepté certaines contraintes en matière de publicité. Nous la tenons à l'oeil pour nous assurer qu'elle respecte ces contraintes.

Si l'on mettait fin à la déduction des coûts de publicité aux fins d'impôt, cette décision toucherait toutes les entreprises. Nous serions alors en terrain trop glissant.

Le président: Je ne suggère pas que l'on interdise de faire de la publicité. Je cherche plutôt à savoir pourquoi on a le droit d'en déduire le coût aux fins de l'impôt. Il y a bien des dépenses que l'on ne peut pas déduire aux fins de l'impôt. Par exemple, vous ne pouvez pas amener votre femme et vos enfants à Hawaï pour Noël et déduire cette dépense. Les autorités du fisc prennent des décisions quant à ce qui est déductible et ce qui ne l'est pas. On pourrait apporter un changement de manière que la publicité ne serait plus nécessairement déductible. Pourquoi ne pas le faire, dans l'intérêt de la santé?

Quelqu'un a-t-il par exemple dit aux compagnies de tabac: «Écoutez, nous ne pouvons pas vous empêcher d'annoncer un produit qui est manifestement nocif pour la santé; mais nous pouvons par contre vous empêcher d'en déduire le coût aux fins de l'impôt»?

M. Bonfilio: Ce sera intéressant de voir si ce problème va se poser relativement au règlement pris par la FDA. Si cela doit être réglementé par la FDA, peut-être qu'il se posera alors des questions relatives à la publicité.

Le sénateur Banks: Monsieur Bonfilio, j'espère que vous avez eu l'occasion de lire le projet de loi S-15. J'ignore si vous l'avez lu, mais je voudrais vous poser la question suivante: qu'en pensez-vous? Est-ce un bon projet de loi, avons-nous réussi à surmonter la totalité, quelques-uns ou un nombre insuffisant des problèmes que vous avez connus en Californie?

M. Bonfilio: Oui, j'ai lu le projet de loi et je pense qu'il est bien écrit. À mon avis, le projet de loi vous donne suffisamment de latitude pour écarter bon nombre des objections. Le fait que la fondation sera indépendante du gouvernement est très important. Le fait que l'un des sièges sera occupé par un jeune est très important. Le fait que la fondation existera à perpétuité à moins qu'elle ne décide de se saborder elle-même est également un élément positif. Tous ces aspects sont valables. Il est certain que c'est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Banks: Pourrait-il être mieux fait? Dans l'affirmative, comment?

M. Bonfilio: Il faudrait que je comprenne mieux votre système de gouvernement et vos coutumes pour pouvoir répondre à cette question.

Le sénateur Lawson: Presque chaque jour ou chaque semaine, on lit quelque chose sur le problème des accès de colère à bord des avions. On donne toutes sortes d'explications de ce phénomène. Récemment, j'ai lu avec étonnement un texte dont l'auteur disait que l'une des principales causes de ce phénomène, c'est que les fumeurs sont privés de nicotine sur les vols long courrier et que cette fureur est une réaction associée à leur accoutumance.

J'aurais probablement dû poser la question au Dr Bonham, mais votre groupe a-t-il fait des études ou pris connaissance de documents indiquant que l'interdiction de fumer pourrait être problématique?

M. Bonfilio: Je n'ai rien lu à ce sujet. La semaine dernière, on a rapporté un incident entre deux femmes, des soeurs jumelles, à bord d'un avion entre San Francisco et Singapour. Apparemment, le problème s'est posé parce que les femmes avaient bu de l'alcool et se sont fait prendre en train de fumer dans les toilettes. Mais je n'ai pas lu d'études là-dessus, non, et il n'y en a pas à ma connaissance.

Le président: Au nom du comité, je vous remercie beaucoup, monsieur Bonfilio. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir de Californie pour témoigner devant nous aujourd'hui.

Notre témoin suivant est M. Scott McDonald.

Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer, monsieur McDonald. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire.

Peut-être pourriez-vous commencer par nous dire quelques mots sur vos titres et qualités.

M. Scott McDonald, directeur exécutif, British Columbia Lung Association: Je travaille à la British Columbia Lung Association depuis le début des années 70. Je suis diplômé de l'Université polytechnique Ryerson, où j'ai étudié le journalisme, après quoi j'ai travaillé brièvement dans le monde de l'édition. Ensuite, j'ai eu la bonne fortune de déménager à Vancouver au début des années 70.

J'ai commencé à travailler à la Société de la tuberculose et du timbre de Noël de la Colombie-Britannique; c'est le nom que portait à cette époque l'Association pulmonaire. Je travaillais aux affaires publiques. J'en suis parti quelques années pour m'occuper des relations avec les médias à Postes Canada. Je suis ensuite revenu à l'Association pulmonaire qui avait changé de nom entre-temps. Je suis directeur général de l'organisation depuis 1981. J'y travaille donc depuis un bon bout de temps.

Au départ, j'avais prévu de vous présenter un exposé assez structuré. Je suis toutefois ravi de voir que vous adoptez un ton aussi familier avec vos témoins. Avec votre permission, je pense que j'aimerais procéder de cette manière.

J'ai beaucoup de chiffres ici. Vous en avez déjà probablement vu beaucoup et vous en verrez encore bien d'autres durant vos pérégrinations d'un bout à l'autre du pays. Je vais satisfaire mon besoin de vous communiquer des chiffres en vous disant simplement que le tabagisme est un problème épouvantable. L'Association pulmonaire a été fondée au tournant du siècle et s'appelait alors la Société pour la prévention de la tuberculose et des autres formes de consomption.

À l'époque, les gens ne mouraient pas de maladies causées par le tabac parce que la tuberculose les tuait probablement avant. Il arrivait parfois qu'une personne meure de la grippe ou de la pneumonie ou d'autres problèmes de santé. Dans le monde entier, un plus grand nombre de personnes mourront de la tuberculose cette année que durant toute autre année dans l'histoire. Bien que je n'en sois pas certain, je peux dire sans trop de risque de me tromper qu'un plus grand nombre de gens mourront cette année de maladies causées par le tabac que durant toute autre année dans l'histoire. À l'époque, la Société de la tuberculose s'occupait surtout de la tuberculose; de nos jours, elle s'intéresse aux maladies causées par le tabac.

L'Association pulmonaire s'intéresse aussi à beaucoup d'autres problèmes de santé touchant les poumons, depuis la qualité de l'air jusqu'à l'asthme en passant par l'utilisation des antibiotiques et d'autres questions concernant l'éducation, la grippe et l'alimentation.

Aujourd'hui, bon nombre de personnes âgées souffrant de broncho-pneumopathie chronique obstructive, désignée sous le signe BPCO, sont victimes du tabac qu'elles ont fumé quand elles étaient plus jeunes. Alors que la tuberculose frappe autant les jeunes que les vieux, les ravages du tabac ne se manifestent pas avant bon nombre d'années, dans la plupart des cas. C'est malheureux parce que le taux de guérison du cancer du poumon ne s'est pas beaucoup amélioré depuis 50 ans. On peut en dire autant de l'emphysème et de la broncho-pneumopathie chronique obstructive.

Le cancer du poumon demeure l'un des cancers les plus mortels. Le taux de survie à un diagnostic de cancer du poumon n'a pas vraiment changé depuis les années 50. C'est une maladie épouvantable et, dans la plupart des cas, c'est-à-dire à 75 ou 80 p. 100, les gens atteints de ce mal sont des fumeurs. Les chiffres sont semblables pour l'emphysème: plus de 80 p. 100 de ses victimes sont des fumeurs.

Il n'est pas rare d'entendre un jeune dire: «C'est pas grave, je peux arrêter n'importe quand», ou encore «Je vais arrêter quand je vais commencer à tousser». Malheureusement, il sera probablement alors trop tard.

Les gens qui finissent branchés sur une bouteille d'oxygène qu'ils doivent trimbaler partout ont généralement fumé pendant 30 ou 35 ans. L'emphysème, qui était auparavant plus fréquent chez les hommes, est maintenant diagnostiqué plus souvent chez les femmes au milieu de la cinquantaine. Certains de ces patients vivent très vieux, mais leur vie est rendue bien difficile par la présence de cette maladie.

Dans l'ancien temps, il y avait des crachoirs partout, pour que les gens qui chiquaient du tabac ou qui avaient la tuberculose puissent expectorer. Pendant longtemps, on considérait que cracher était un droit pour les usagers du tabac. On sait par ailleurs que la tuberculose était propagée par les crachats. Après bien des années, les crachoirs ont disparu et l'on a fini par interdire de cracher dans les endroits publics. Il y avait alors des écriteaux avertissant qu'il était interdit de cracher et que les contrevenants étaient passibles d'amendes. Pourtant, au début, les politiciens refusaient même d'envisager de légiférer pour interdire une telle pratique. Je trouve que l'on peut faire le parallèle avec la situation du tabac aujourd'hui.

Il fut un temps, il n'y a pas si longtemps, où les gens fumaient pendant des audiences du Sénat comme celle-ci ou même pendant les audiences que l'on pouvait voir à la télévision, par exemple les audiences sur la mafia ou celles qui étaient dirigées par le sénateur McCarthy. Tout cela nous semble tellement étrange aujourd'hui. Pourtant, personne n'aurait osé empêcher Joe Valachi ou le sénateur McCarthy ou encore Richard Nixon de fumer dans la salle du Sénat durant les années 50.

Or, nous voici aujourd'hui réunis dans un hôtel qui compte plus de chambres pour non-fumeurs que de chambres pour fumeurs. Le seul endroit où vous pouvez fumer dans cet hôtel aujourd'hui, c'est dans votre propre chambre, et encore, il faut que ce soit une chambre désignée fumeur à un étage désigné fumeur.

Ces notions ne nous sont plus étrangères. Je ne suis pas certain que ce soit pareil dans le reste du pays, mais en Colombie-Britannique, les non-fumeurs s'attendent à ne pas être ennuyés par la fumée secondaire dans les endroits publics. Et en Colombie-Britannique, comme ailleurs au pays, les non-fumeurs sont beaucoup plus nombreux que les fumeurs.

Il y avait autrefois des sanatoriums où l'on envoyait les tuberculeux pour les mettre à l'écart jusqu'à la fin de leurs jours ou en attendant que l'on trouve un remède, le cas échéant. Les tuberculeux étaient considérés comme des parias. Personne ne voulait avoir affaire à eux. On peut établir un parallèle entre les sanatoriums et les salles pour fumeurs. Par contre, il est évident que les personnes atteintes de la tuberculose ne l'étaient pas par choix. On ne peut pas en dire autant des fumeurs, qui choisissent délibérément de fumer.

Je voudrais maintenant vous parler de la communauté artistique et du fait que l'on voit des acteurs fumer dans les films; on utilise le tabac pour ajouter une sorte de cachet artistique, une certaine audace. On trouvait autrefois que la tuberculose conférait une certaine beauté; l'allure diaphane des «poitrinaires» était recherchée.

Presque tous les grands artistes, sculpteurs, poètes, écrivains avaient la tuberculose. Beaucoup sont morts de la tuberculose. Être atteint de la tuberculose conférait un certain cachet.

On sait que beaucoup de jeunes sont influencés par la communauté artistique, par les acteurs et actrices qu'ils admirent. Beaucoup de jeunes rêvent de devenir comédiens, d'être riches et célèbres. Si un acteur qu'ils admirent fume, ils peuvent décider de fumer aussi. Il est donc indéniable qu'il y a là un problème.

Autrefois, si les parents avaient la tuberculose dans un ménage, les enfants l'avaient aussi. On peut faire le parallèle avec le tabac aujourd'hui. Si l'un des parents ou les deux parents fument, il y a une forte probabilité que leurs enfants décideront eux aussi de devenir fumeurs.

Je me suis écarté de mon texte. Je voulais surtout vous dire que nous appuyons le projet de loi.

La British Columbia Lung Association est membre partenaire de l'Association pulmonaire canadienne. Je suis sûr que vous entendrez des exposés présentés par les autres associations pulmonaires à chacune de vos étapes au cours des deux prochaines semaines. Nous avons des relations très étroites et fructueuses avec la division de la Colombie-Britannique et du Yukon de la Société canadienne du cancer et avec la Fondation des maladies du coeur de la Colombie-Britannique et du Yukon. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux; en fait, nous avons formé une organisation appelée Coalition pour l'air pur. C'est une organisation vouée à un seul but, à savoir sensibiliser la population et obtenir son appui pour l'interdiction de fumer dans les lieux publics, et en particulier son appui en faveur du règlement de la Commission des accidents du travail qui entrera en vigueur en septembre, après avoir été invalidé l'année dernière pour irrégularités d'ordre technique. Nous sommes très heureux de pouvoir travailler avec la Fondation des maladies du coeur et la Société du cancer. Je sais que d'autres associations pulmonaires au Canada travaillent également avec leurs homologues provinciaux respectifs. Je pense pouvoir, sans trop de risque de me tromper, m'exprimer au nom des trois principales organisations vouées à la santé au Canada, en tout cas au nom de l'Association pulmonaire canadienne, en donnant mon appui à ce projet de loi.

Une stratégie globale de lutte contre le tabagisme qui est particulière à la Colombie-Britannique est en voie d'être élaborée dans cette province. Je répète que notre organisation se consacre à la lutte en faveur de l'air pur et s'efforce de renseigner la population sur le tabac et le tabagisme.

Pendant que j'écoutais les autres intervenants tout à l'heure, je me demandais en fait pourquoi de telles audiences sont mêmes nécessaires. Si l'industrie du tabac est en faveur de la mesure et que la population l'appuie, il ne reste plus rien à faire.

Un dernier mot avant de terminer. Il y a environ 130 000 personnes qui appuient notre organisation dans la province. Elles manifestent leur appui en contribuant financièrement aux diverses campagnes de l'Association pulmonaire canadienne, dont la campagne du Timbre de Noël est probablement la plus connue. Nous avons fait un sondage auprès d'environ 10 000 de nos donateurs pour leur demander quelles activités nous devrions financer avec l'argent de leurs dons. Nous avons reçu environ 800 réponses. La réponse la plus fréquente, donnée par environ 70 p. 100 des répondants, était que l'activité la plus importante que nous pourrions entreprendre consisterait à faire l'éducation des jeunes pour les détourner du tabac et les empêcher de devenir des fumeurs. Nous nous y employons énergiquement, mais l'on pourrait faire tellement plus.

Les jeunes choisissent de fumer pour diverses raisons. On pourrait faire beaucoup grâce à la création de la fondation qui est proposée dans le projet de loi S-15, et grâce à l'argent qui serait disponible.

Je vais m'en tenir là. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président: Je vais vous poser la même question que j'ai posée à M. Bonfilio. Il s'intéresse essentiellement aux dossiers qui relèvent de l'État. Je pense que vous vous aventurez probablement dans les plates-bandes fédérales de temps en temps. A-t-on fait des recherches sur la possibilité de mettre fin à la déduction des dépenses de publicité par les compagnies de tabac, aux fins de l'impôt?

M. McDonald: Pas à ma connaissance, bien qu'il y ait eu des activités relatives à la publicité du tabac. Un certain nombre d'organisations s'intéressent toutefois à la question de la publicité du tabac et je ne serais donc pas surpris d'apprendre que c'est l'une des solutions envisagées. Mais je ne suis pas au courant d'un tel projet.

Le sénateur Banks: Avez-vous cherché activement à encourager les membres de votre organisation à exercer des pressions auprès de leur député aux communes pour qu'il appuie ce projet de loi?

Vous avez soulevé il y a quelques instants une question intéressante. Vous avez demandé: puisque les compagnies de tabac sont en faveur et que le Sénat est en faveur et que les gens semblent l'appuyer, qui donc est contre? Je pense que vous connaissez la réalité politique qui fournit la réponse à cette question. Il y a des résistances à ce projet de loi et elles résident à la Chambre des communes. Faites-vous des efforts, pouvez-vous en faire, en ferez-vous, pouvez-vous contraindre vos troupes à en faire encore plus pour exhorter les députés à appuyer cette mesure?

Comme vous le savez, les personnes qui siègent à la Chambre des communes sont susceptibles aux pressions politiques. En conséquence, la probabilité que ce projet de loi, une fois qu'il aura été adopté par le Sénat, car il le sera, soit couronné de succès à la Chambre des communes dépendra dans une très grande mesure des pressions exercées sur les députés aux Communes par leurs électeurs - et c'est pourquoi je sollicite votre aide. Demandez-vous instamment aux membres de votre organisation d'agir en ce sens?

M. McDonald: Oui, absolument, nous le faisons, mais peut-être pas avec la vigueur nécessaire, et je suis ouvert aux conseils quant à la vigueur qui pourrait être requise. Nous sommes fermement engagés à réduire le tabagisme parmi les jeunes. Les personnes d'âge mûr qui souffrent aujourd'hui ont déjà été des jeunes gens qui ont pris la décision de fumer.

J'ai trois adolescents, un de 16 ans et deux de 14 ans, et je suis donc personnellement intéressé à la réussite de cette opération.

Notre organisation, comme je l'ai dit tout à l'heure, s'intéresse également à l'asthme, à la qualité de l'air et à divers autres dossiers. Les activités que nous pouvons lancer sont limitées par le soutien que nous obtenons du public. Nous sommes financés entièrement par des dons de charité, par des particuliers, et nous avons aussi d'autres dossiers. Toutefois, celui-ci est actuellement le plus important.

Manifestement, le dossier est à son zénith puisqu'il est à l'étude à votre comité. Nous avons écrit des lettres à tous les députés fédéraux de la Colombie-Britannique. De plus, je ne crois pas me tromper en disant que nous, je veux dire la Fondation des maladies du coeur, la Société du cancer et l'Association pulmonaire, avons rendu visite ou rendrons visite à tous les députés de notre province au Parlement afin de leur faire part de notre appui à ce projet de loi. Chose certaine, nous avons écrit beaucoup de lettres, mais je ne sais pas trop dans quelle mesure les lettres sont efficaces. Quoi qu'il en soit, en un mot, la réponse est oui, nous avons pris des mesures.

Le sénateur Banks: Il ne faut négliger aucun effort. Vous avez demandé conseil quant à l'énergie qu'il faut déployer. Je pense que la réponse à cette question réside dans le fait qu'une autre version de ce projet de loi a déjà échoué à la Chambre des communes. La mesure avait été adoptée par le Sénat mais a été rejetée par la Chambre des communes. Alors voilà votre réponse.

Mais puisque vous êtes là et comme notre comité s'intéresse à de nombreux aspects de l'écologie et de l'environnement, auriez-vous l'obligeance de nous dire brièvement quelles autres facettes du dossier de l'air pur, peut-être en ce qui a trait aux émissions industrielles, et cetera, sont d'un intérêt particulier pour les Britanno-Colombiens.

M. McDonald: Eh bien, dans le dossier de l'air pur en général - je vais m'abstenir de vous parler de l'air intérieur. Nous savons tous le tort causé par la fumée du tabac dans les lieux publics et l'on sait qu'un règlement très important sera réactivé en septembre pour protéger les travailleurs en leur permettant de respirer de l'air pur dans les lieux publics.

De façon plus générale, beaucoup de Britanno-Colombiens chauffent leur maison au bois. Aujourd'hui, le prix du gaz et le prix de l'électricité ont tous les deux explosé.

Le président: Vous n'arrivez plus à vous débarrasser de votre bois.

M. McDonald: En effet. Il y a des montagnes de bois empilées un peu partout. Il y a du bois qui n'est pas commercialement vendable mais qui brûle bien dans un poêle à bois ou dans la cheminée. Souvent, les gens qui chauffent leur maison au bois pratiquent l'écocivisme et s'imaginent que le fait de ne pas chauffer au gaz naturel ou au mazout est conforme à leurs principes. Pourtant, ils brûlent souvent du bois vert, ou bien leur poêle est trop grand ou trop petit pour l'espace qu'ils tentent de chauffer, ou encore ils s'imaginent qu'ils respectent l'environnement en brûlant des déchets. Ils pensent respecter l'environnement en brûlant du bois traité ou peint ou d'autres combustibles. Bien souvent, la pollution de l'air est ainsi causée par le manque d'information.

Dans les années 80, environ 112 000 propriétaires britanno-colombiens utilisaient le bois comme seule source de chaleur. C'est beaucoup de monde. Quelqu'un qui habite à Dawson Creek ou à Fort St. John peut brûler six, sept ou même huit cordes de bois; quelqu'un qui habite à Vancouver, bien sûr, ne brûle pas autant de bois. Il n'en demeure pas moins que cela fait des millions de cordes de bois.

Par ailleurs, 70 p. 100 des maisons en Colombie-Britannique sont dotées d'un dispositif permettant de brûler un combustible solide, c'est-à-dire un foyer ou un poêle quelconque. Comme nous comptons environ 1,3 million de maisons en Colombie-Britannique, il s'y trouve donc environ un million de maisons dotées d'un dispositif pour brûler un combustible solide.

Il importe par conséquent de bien renseigner les gens sur l'utilisation judicieuse des poêles à bois et des foyers - et la manière la plus judicieuse de toutes est peut-être de ne pas les utiliser du tout.

Il y a aussi la question de l'automobile, qui est la principale source de pollution dans cette province. La plus grande partie de la population est concentrée dans l'agglomération de Vancouver où il se trouve beaucoup de voitures. La pollution émanant de ces automobiles remonte la vallée du Fraser et ses conséquences les plus néfastes se font sentir dans le cours supérieur de la vallée.

Ce qu'il faut faire, c'est améliorer les transports en commun et faciliter les déplacements dans la basse vallée du Fraser. Actuellement, on critique beaucoup le système de transport en commun et son mauvais fonctionnement. Le transport en commun doit bien fonctionner ici, dans l'agglomération de Vancouver. Après tout, il doit déplacer la moitié de la population de la province entre la maison et le travail ou l'école.

Il y a encore bien d'autres dossiers, notamment la formulation de l'essence, la teneur en soufre, l'ajout de MMT dans le carburant.

L'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule automobile et l'utilisation de l'énergie pour chauffer les maisons sont probablement les deux principaux domaines où les gens peuvent vraiment poser des gestes utiles.

Le sénateur Kenny: Monsieur McDonald, je vais vous mettre quelque peu sur la sellette; si vous préférez ne pas répondre à l'une ou l'autre de ces questions, n'hésitez pas à le dire.

Le 5 avril, le gouvernement a fait une série d'annonces. Je voudrais obtenir votre réaction aux différents volets des annonces et je vais les énumérer à votre intention.

Premièrement, M. Martin a augmenté la taxe d'accise sur les cigarettes de 4 $ la cartouche. Est-ce une bonne idée ou une mauvaise idée?

M. McDonald: Il y a indéniablement un lien entre le coût et la décision de fumer. La taxe va avoir une influence là-dessus.

Des recherches ont été faites sur le pourcentage d'augmentation du prix d'une cartouche de cigarettes et l'effet de cette augmentation sur la consommation des produits du tabac. C'est donc un bon choix.

Le sénateur Kenny: Le deuxième volet de l'annonce de M. Martin était l'introduction d'une taxe de 10 $ la cartouche sur les 3 p. 100 de cigarettes canadiennes qui étaient auparavant exportées en franchise de taxe. Bonne idée ou mauvaise idée?

M. McDonald: Je ne suis pas sûr de bien comprendre les répercussions de cette mesure. Encore une fois, il est probable que toute augmentation du prix des produits du tabac aura une incidence positive, que ce soit à l'étranger ou n'importe où, la conséquence étant que des gens peuvent décider de cesser de fumer ou de réduire leur consommation.

Le sénateur Kenny: Si je vous disais que la GRC nous avait avisés que de 85 à 95 p. 100 des cigarettes exportées revenaient dans notre pays, après avoir été exportées en franchise de taxe, diriez-vous que la taxe de 10 $ la cartouche est une bonne idée ou une mauvaise idée?

M. McDonald: Je me rappelle l'époque, et je suis sûr que vous vous en rappelez aussi, où l'on vendait des cigarettes à bas prix dans les terrains de stationnement au centre-ville de Toronto. Ces cigarettes nous revenaient par le même chemin - en traversant le pont Rainbow ou le pont des Mille-Îles. Je ne sais pas trop comment ces cigarettes sortaient et rentraient, mais quand la politique gouvernementale provoque la contrebande, la baisse des prix et la hausse de la consommation, elle est erronée.

Le sénateur Kenny: Aujourd'hui, les boutiques hors taxe ne peuvent plus acheter leurs cigarettes sans payer aucune taxe. On impose maintenant une taxe sur les cigarettes dans ces magasins. Bonne idée ou mauvaise idée?

M. McDonald: Il me semble que c'est une bonne idée.

Le sénateur Kenny: M. Rock a annoncé récemment qu'environ 98 millions de dollars par année pendant cinq ans, soit 3 $ par habitant, seraient consacrés à la lutte contre le tabagisme. Comparez cela au projet de loi S-15, à 12 $ par habitant. Quel est votre choix?

M. McDonald: Deux points à ce sujet. J'ai eu des échanges avec le gouvernement. Nous savons que ses décisions peuvent changer avec le vent. Bien que 98 millions de dollars pour une campagne antitabac, cela représente beaucoup d'argent, l'utilisation de ces fonds est sujette à l'ingérence gouvernementale. À mes yeux, le projet de loi S-15, qui créerait la fondation proposée et engagerait, sauf erreur, quatre fois plus d'argent sur une base annuelle, semble être une meilleure idée.

Je suis reconnaissant au gouvernement d'avoir engagé des fonds, mais je pense que ce ne doit pas être la seule source de fonds.

Le sénateur Kenny: En 1994, vous rappelez-vous avoir entendu le premier ministre annoncer que le Canada verrait la campagne antitabac la plus efficace de toute l'histoire du monde occidental?

M. McDonald: Non, pas précisément, mais j'ai entendu bon nombre de commentaires de ce genre.

Le sénateur Kenny: Et vous rappelez-vous combien de temps ce programme a duré?

M. McDonald: Je ne pense pas que nous ayons vraiment vu une activité énergique, en tout cas certainement pas une activité de calibre mondial.

Le sénateur Kenny: Vous rafraîchirais-je la mémoire si je vous disais que le programme antitabac a été réduit en 1996 quand le gouvernement a fait des compressions budgétaires tous azimuts?

M. McDonald: Je vous crois.

Le sénateur Kenny: Les fonds qui ont été annoncés le 5 avril sont entièrement injectés dans le ministère de la Santé du Canada. À votre avis, y a-t-il une transparence suffisante? Savez-vous exactement comment Santé Canada dépense son budget pour la lutte antitabac?

M. McDonald: Non, je ne le sais pas. Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai eu quelques difficultés dans mes démarches auprès du gouvernement pour obtenir des fonds, ne sachant pas trop comment l'argent est attribué entre les ministères gouvernementaux.

Ne vous méprenez pas, nous avons d'excellentes relations de travail avec Santé Canada et nous comptons poursuivre nos excellentes relations avec lui dans les domaines de la tuberculose, du tabac, des campagnes de sensibilisation à la grippe et aux antibiotiques, et dans divers autres dossiers; mais ce n'est pas aussi transparent que je le voudrais, non.

Le sénateur Kenny: Comment comprenez-vous le processus d'évaluation des programmes à Santé Canada. Avez-vous eu accès à une quelconque évaluation des programmes de Santé Canada?

M. McDonald: Non.

Le sénateur Kenny: Savez-vous si le ministère a évalué l'un ou l'autre de ses programmes?

M. McDonald: Non, je ne le sais pas.

Le sénateur Kenny: Quand l'annonce a été faite, on a laissé entendre que l'objectif du gouvernement était de réduire de 20 p. 100 le tabagisme chez les jeunes d'ici dix ans. Si le taux actuel est de 28 p. 100, cela veut dire qu'il vise 21 p. 100 en 2011. Que pensez-vous de cet objectif de la part du gouvernement fédéral pour le tabagisme chez les jeunes?

M. McDonald: Je trouve que ce n'est pas très ambitieux. J'aimerais que l'on fixe un objectif plus élevé.

Le sénateur Kenny: Le financement de ce programme est puisé entièrement à même le Trésor, ce qui veut dire que c'est payé par l'ensemble des contribuables. Le financement du projet de loi S-15 vient des compagnies de cigarettes et donc des fumeurs de cigarettes. Lequel préférez-vous?

M. McDonald: La Coalition pour l'air pur a fait réaliser des sondages pour savoir ce que le public pensait de l'interdiction de fumer dans les lieux publics, les restaurants, les bars, et cetera, et la plupart des fumeurs se prononcent en faveur de la création de lieux sans fumée. La plupart des fumeurs veulent cesser de fumer. Le Dr Bonham a parlé ce matin du grand nombre de gens qui veulent arrêter. La plupart des fumeurs veulent arrêter de fumer et ils appuient, à l'instar de tous les Canadiens, les activités visant à empêcher les jeunes d'adopter cette mauvaise habitude. Je pense donc qu'il est plus logique que ce soit le fumeur qui finance la fondation qui se chargerait de faire l'éducation des jeunes.

Le sénateur Spivak: Je n'ai qu'une seule question. Il y a une campagne électorale en cours actuellement dans cette province. Quelles sont les positions des différents partis sur les questions dont nous venons de parler? Le savez-vous? Je pense qu'il y a environ cinq partis qui se présentent, n'est-ce pas?

M. McDonald: Je ne sais pas trop combien il y a de partis. Il y en a au moins cinq.

Le sénateur Spivak: Il y a aussi le parti Marijuana du Canada et le parti Vert, mais ils ne prendront pas le pouvoir.

Le sénateur St. Germain: Oh, oh!

Le sénateur Spivak: Bon, d'accord.

M. McDonald: Grâce aux bons offices de la Coalition pour l'air pur, qui est une organisation plutôt petite mais qui peut compter sur l'appui enthousiaste des sociétés du coeur, du poumon et du cancer, nous venons tout juste d'envoyer un questionnaire à tous les candidats de tous les partis dans la province. En fait, je crois en avoir un exemplaire ici même. Je ne lirai pas toutes les questions, mais en voici un exemple. «Si vous êtes élu, appuierez-vous la mise en oeuvre d'une stratégie exhaustive et intégralement financée de réduction du tabagisme en Colombie-Britannique?»

Le sénateur Spivak: Bien.

M. McDonald: «Des poursuites ont été intentées contre les compagnies de tabac. Si vous êtes élu, appuierez-vous ces poursuites judiciaires contre les compagnies de tabac?» Au sujet de la Commission des accidents du travail, je lis la question suivante: «Si vous êtes élu, appuierez-vous la mise en oeuvre de cette mesure de santé vitale?» Et enfin, celle-ci: «Donnerez-vous l'exemple en ordonnant à votre directeur de campagne et aux autres personnes associées à votre campagne de ne pas accepter de dons des compagnies de tabac?»

Le sénateur Spivak: Et vous pensez qu'ils vont répondre en toute ingénuité à ces questions?

Je suppose que le parti au pouvoir est en train de donner son accord, mais aucun parti d'opposition n'a encore abordé cette question dans son programme électoral, n'est-ce pas?

M. McDonald: Je ne suis pas ce dossier de très près, mais je sais que des gens de la coalition vont assister à tous les débats contradictoires pour soulever la question et connaître leur position sur le tabac. Je ne suis pas sûr que l'un ou l'autre des partis ait énoncé une position à cet égard, à part le gouvernement actuel. Je sais que nous avons eu beaucoup de contacts avec l'opposition actuelle; pas tellement avec les autres partis.

Le sénateur Lawson: J'ai bien aimé votre présentation. Je constate que vous êtes né à Saskatoon, en Saskatchewan. Je suis né à Spy Hill, en Saskatchewan, et nous avons donc quelque chose en commun.

Je mentionne Saskatoon parce qu'il y avait un groupe de femmes d'Angleterre qui traversaient le Canada à bord d'un train de Via Rail qui s'est arrêté à Saskatoon. L'une des femmes est descendue sur le quai et a demandé au chef de gare: «Comment s'appelle cet endroit?» Il a répondu: «Saskatoon, Saskatchewan». Alors elle est retournée voir ses amies et leur a dit: «Oh, comme c'est charmant, ils ne parlent pas l'anglais ici.»

Quoi qu'il en soit, pour faire suite à ce que disait le sénateur Banks, qui voulait qu'on communique avec son député.

Le président: Il y a au moins une personne de la Saskatchewan dans l'auditoire!

Le sénateur Lawson: Deux.

Pour ce qui est de communiquer avec son député, il ne faut pas perdre de vue certaines réalités politiques. Ce projet de loi est parrainé par le sénateur Kenny, qui est libéral. Le projet de loi sera présenté à la Chambre des communes, qui compte une majorité libérale. On serait porté à croire qu'il sera adopté. Pas nécessairement.

Je siège à titre d'indépendant et je ne suis donc pas assujetti à la discipline d'un parti. Je vais donc vous donner une réponse peut-être un peu plus directe que le sénateur Banks ne pouvait peut-être vous donner.

Vous serez peut-être étonné d'apprendre qu'il y a au Parlement des gens qui ont un ego. Il y en a même parmi les membres du Cabinet, aussi étonnant que cela puisse être. Maintenant, ce qui m'inquiète, c'est que lorsque ce projet de loi, qui est appuyé universellement, se retrouvera à la Chambre des communes, le ministre compétent pourrait décider que le projet de loi aurait dû être parrainé par lui plutôt que par un sénateur, qu'il devrait être encore plus volumineux et meilleur, et cetera.

Ce qui serait utile, c'est que vous, par l'entremise de votre association et de vos antennes dans toutes les provinces, en particulier l'Ontario, d'où vient le ministre, vous lanciez une solide campagne de rédaction de lettres pour dire au ministre qu'il doit appuyer et faire adopter ce projet de loi.

Voilà l'aide qu'il nous faut, à mon avis, et dont ce projet de loi a besoin, si je peux me permettre de vous faire une suggestion.

Le sénateur Kenny: Je vais lui donner mon projet de loi, sénateur.

Le président: À titre de question supplémentaire à celle du sénateur Lawson, et en tant que politicien depuis toujours et soutien inconditionnel de mon parti, je voudrais seulement dire qu'il y en a beaucoup parmi nous au Sénat qui pourraient attester de l'importance des lettres. Nous n'avons peut-être pas le temps de les lire toutes, mais elles nous influencent, alors ne vous retenez pas.

Le sénateur Adams: Monsieur McDonald, votre organisation est très efficace. Êtes-vous financés surtout par le secteur privé ou surtout par le ministère de la Santé?

M. McDonald: Notre financement vient entièrement des particuliers - en fait, je ne devrais pas dire ça. Nous avons évidemment l'appui de certaines entreprises, mais la grande majorité des fonds de l'Association pulmonaire provient de dons de particuliers. Les Canadiens sont très charitables. Le soutien des entreprises est très important, mais notre financement provient essentiellement de particuliers canadiens qui font des dons à des oeuvres de charité.

Le sénateur Adams: Envoyez-vous une brochure à vos membres pour solliciter du financement? Comment le système fonctionne-t-il?

M. McDonald: Eh bien, nous avons en fait un système bien au point. Il y a environ 75 000 organismes de charité au Canada et chacun d'eux tente de financer ses activités au moyen des dons du public et la concurrence est donc très forte.

Malheureusement, les dons ont un peu baissé parce que les taux d'intérêt sont bas. En général, les gens qui appuient les organismes de charité au Canada sont des personnes âgées; or, les taux d'intérêt influencent beaucoup la vie des personnes âgées. Quand les taux sont bas, leur revenu est bas. Compte tenu de la conjoncture économique - le marché boursier, le prix du gaz, et cetera - les dons sont en baisse. Je le répète, le soutien des organismes de charité vient surtout des personnes âgées, en particulier des retraités, et beaucoup de ces personnes ont actuellement de la difficulté à payer leurs factures. Les oeuvres de charité en souffrent donc et cela comprend l'Association pulmonaire ainsi que la plupart des organismes de charité au Canada.

Le sénateur Adams: Juste avant de quitter Ottawa, j'ai entendu dire que certains médecins du Nouveau-Brunswick vont refuser de traiter des patients atteints du cancer du poumon. Trouvez-vous que c'est une bonne idée? Devrait-il y avoir une politique quelconque? Il n'en est pas fait mention dans le projet de loi S-15.

M. McDonald: Mon avis personnel est que ce n'est pas une bonne idée, mais je peux comprendre la frustration des médecins quand leurs patients persistent dans une mauvaise habitude qui cause leur maladie. Ce doit être très frustrant. Refuser de traiter le patient pourrait forcer celui-ci à mettre fin à une certaine activité, que ce soit manger neuf hamburgers au fromage par jour ou boire un litre de vodka ou fumer deux paquets de cigarettes.

J'ai déjà entendu cela, mais je n'étais pas au courant du dossier du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Adams: Si 40 000 personnes par année meurent du cancer du poumon, je comprends que les médecins soient frustrés. Si un médecin dit à son patient que son foie est en mauvais état et qu'il doit donc cesser de boire, par exemple, il n'y a pas de différence entre cette situation et le patient qui fume la cigarette et qui en subit les conséquences. C'est très difficile à dire.

Le président: Votre organisation a-t-elle un programme spécial pour le Nord ou les communautés autochtones dans la prévention des maladies pulmonaires?

M. McDonald: Nous n'avons pas de programme spécial, mais nous rendons certainement visite aux localités du Nord et de la côte Ouest, dont la population est essentiellement autochtone. Nous avons un certain nombre d'éducateurs sanitaires qui se rendent dans tous les coins de la province pour faire de l'éducation et de l'information en santé, et je pense pouvoir dire qu'ils mettent l'accent sur le tabac, parce que c'est ce à quoi on s'intéresse dans le réseau scolaire. Nous avons aussi d'autres activités dans le domaine de l'asthme, de la broncho-pneumopathie chronique obstructive, de la pollution de l'air, et cetera, mais l'essentiel de nos activités dans le cadre de notre programme provincial porte sur le tabagisme.

Le président: Êtes-vous au courant que dans le cadre du programme que le Canada propose actuellement, et que nous jugeons insuffisant, comme vous pouvez évidemment vous en rendre compte, le financement ira entièrement à un ministère du gouvernement? Aux termes du projet de loi S-15, non seulement nous amassons trois fois plus d'argent par habitant, mais une grande partie de cet argent sera réinjectée dans la collectivité, à des organisations comme la vôtre. Êtes-vous au courant de cela? Je suis sûr que vous le savez probablement.

Deuxièmement, l'idée que vous deviendrez en quelque sorte un appendice accessoire au sein du comité antitabac vous dérange-t-elle un peu? Cet état de choses nuira-t-il à votre indépendance?

M. McDonald: C'est évidemment une préoccupation, mais je pense qu'en l'occurrence, si vous prenez cet engagement, vous aurez l'appui de l'Association pulmonaire et des autres organisations du domaine de la santé qui s'intéressent au tabagisme.

Je reviens encore une fois à l'analogie que je faisais avec la tuberculose. Il y a un certain nombre de médicaments, de traitements et de mesures préventives. Il n'y a pas une seule panacée universelle.

Certains enfants sont touchés par une annonce montrant une femme qui souffre des conséquences assez évidentes et assez néfastes de son accoutumance au tabac.

Certains enfants sont incités à fumer quand ils voient des gens qu'ils admirent fumer, disons par exemple un oncle qui fume et qui a une motocyclette et des favoris fournis.

Il peut y avoir tellement de raisons pour lesquelles des jeunes décident de fumer tandis que d'autres décident de ne pas fumer. De plus, chaque fumeur qui renonce au tabac a une raison différente de le faire.

Par conséquent, il y aura des centaines de programmes d'un bout à l'autre du pays, dont certains donneront de bons résultats dans une collectivité et pas dans d'autres.

Je pense que grâce à la fondation proposée, grâce à son conseil d'administration et au conseil consultatif où il y aura un représentant des jeunes, beaucoup de bonnes idées seront proposées au sujet du tabagisme parmi les jeunes.

Le président: La dernière question - peut-être aurait-il été préférable de la poser au Dr Bonham. Vous avez mentionné les crachoirs. Fait-on de la recherche dans votre organisation sur la consommation de nicotine par d'autres moyens, disons en chiquant du tabac, pour savoir quelles peuvent en être les conséquences?

M. McDonald: Il se fait beaucoup de recherches sur ce que l'on appelle le tabac sans fumée, et je dois dire qu'à ma connaissance, il n'y a rien de bon dans tout ça.

Le président: Une chique par jour aide à faire baisser la tension artérielle, ou quelque chose du genre?

M. McDonald: Pas à ma connaissance.

Le président: Chose certaine, ça n'attire pas les petites amies!

M. McDonald: Nous avons des images effrayantes à l'Association pulmonaire, et je sais que la Société du cancer en a aussi, qui montrent visuellement les conséquences de l'habitude de chiquer du tabac. Ces images sont assez épouvantables.

Le sénateur Spivak: Le cancer de la langue.

Le président: Oui.

Je vous remercie, monsieur McDonald, d'être venu. Vous avez été une mine de renseignements.

Voilà qui met fin à notre audience de Vancouver sur le projet de loi S-15, mais le comité se réunit de nouveau cet après-midi, à 13 h 30, pour étudier les questions relatives à l'énergie.

La séance est levée.


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