Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 3 - Témoignages du 24 avril 2001 (séance de l'après-midi)
CALGARY, le mardi 24 avril 2001 Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 13 h 33 pour étudier le projet de loi S-15, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada. Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil. Le président: Honorables sénateurs, la réunion que nous tenons cet après-midi à Calgary est la suite des audiences tenues hier à Vancouver. Durant les quelques jours à venir, nous allons entendre le témoignage de Canadiens à Edmonton, à Toronto, à Montréal. Notre objectif, c'est d'avoir une idée de ce que les Canadiens pensent des questions relatives au projet de loi. Les audiences prennent pour point de départ les travaux déjà réalisés par un des comités sénatoriaux sur la question des jeunes et de la consommation de tabac. Une fois que le comité conviendra du fait d'avoir reçu tous les renseignements nécessaires, il étudiera le projet de loi systématiquement, un article après l'autre, puis fera rapport au Sénat. Ensuite, le Sénat peut choisir d'envoyer le projet de loi à la Chambre des communes pour examen. Une fois que les deux Chambres se sont entendues sur le projet de loi, celui-ci sera présenté à la gouverneure générale pour qu'il puisse obtenir la sanction royale et entrer en vigueur. Avant de commencer, je tiens à souligner que ceux qui souhaitent entendre la traduction simultanée du français vers l'anglais ou de l'anglais vers le français peuvent se procurer des écouteurs. Notre premier groupe de témoins, cet après-midi, comprend Joanne Pawelek, de l'Alberta Tobacco Reduction Alliance, Jennifer Duncan, de la Division de l'Alberta de la Société canadienne du cancer, et le Dr Paul Hasselback, médecin hygiéniste de la Chinook Health Regio. Merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd'hui. Nous espérons que vous allez pouvoir vous en tenir collectivement à un exposé de 15 ou de 20 minutes, puis nous pourrons vous poser des questions. Mme Joanne Pawelek, directrice générale, Alberta Tobacco Reduction Alliance: Monsieur le président, honorables membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, au nom des Albertains, je vous souhaite la bienvenue. Nous osons croire que les deux séances que vous devez tenir ici, en Alberta, se révéleront édifiantes, énergisantes et stimulantes. Ici, en Alberta, nous avons probablement un des groupes les plus enthousiastes et les plus dévoués de tout le Canada parmi les partisans du projet de loi S-15. C'est un honneur pour nous de vous faire profiter de nos expériences et de nos lumières à ce sujet, ainsi que d'exprimer notre soutien du projet de loi S-15, Loi sur la protection des jeunes contre le tabac. Nous sommes particulièrement fiers de pouvoir être accompagnés aujourd'hui, à Calgary, et demain, à Edmonton, de ce qui constitue l'une des ressources naturelles les plus précieuses de l'Alberta - nos jeunes. Je sais que l'idée de pouvoir présenter leur point de vue à ces audiences les stimule au plus haut point. Qu'est-ce que ATRA? L'Alberta Tobacco Reduction Alliance est un modèle unique de réduction du tabac créé par le gouvernement albertain il y a de cela trois ans. À bien des égards, c'est un exemple bien réel de la façon dont les fonds amassés grâce au projet de loi S-15 peuvent être gérés par une organisation indépendante ou, comme c'est le cas pour le projet de loi S-15, une fondation autonome. L'ATRA réunit 94 organisations, dont des organisations et des associations provinciales comme l'Alberta Medical Association, l'Alberta Dental Association, l'Alberta Dental Hygienists Association, l'Alberta Cancer Board, l'Alberta Employer Committee on Health Care, des organisations non gouvernementales comme la Société canadienne du cancer, l'Alberta Lung Association et la Heart and Stroke Foundation, les 17 offices régionaux de la santé, des ministères et des organismes gouvernementaux, et des organismes du secteur privé comme l'Alberta Blue Cross, l'Alberta Energy Company Limited et les sociétés pharmaceutiques canadiennes fabriquant des produits d'origine. Notre organisation est une société indépendante et sans but lucratif doté d'un conseil d'administration dont les membres sont mis en candidature et élus par nos organisations membres. Nous recevons un million de dollars par année du gouvernement de l'Alberta ainsi que 200 000 $ en subventions et en contributions de nos organisations membres. Le rôle de l'ATRA consiste à parler collectivement au nom de ses membres. L'alliance constituée par ces 94 organisations membres démontre aux yeux du public que nous pouvons parler de manière indépendante et avec beaucoup d'autorité de la réduction du tabagisme. Au sein de la province, nous jouons un rôle unique de facilitation et de coordination en vue de soutenir la réduction du tabagisme en Alberta. Nous essayons d'accomplir ce que les organisations membres individuelles ne peuvent accomplir en faisant cavalier seul: organiser des activités provinciales de sensibilisation faisant notamment appel aux médias de masse, constituer les ressources nécessaires aux programmes et dispenser une formation à cet égard, réaliser des enquêtes sur l'opinion publique, soutenir la gestion des questions en jeu pour nos membres, procéder à des évaluations, échanger des informations et faire circuler l'information. Chacune de nos 94 organisations membres a son propre point de vue sur les diverses questions liées au tabagisme. Toutefois, nous avons toutes en commun la volonté de faire de l'Alberta une province sans fumée et, particulièrement, d'avoir une jeunesse qui ne fume pas. Depuis 1998, l'ATRA préconise une stratégie globale de réduction du tabagisme. Cette stratégie a pour thèmes des jeunes qui ne fument pas, un air respirable à l'intérieur des bâtiments, un milieu de travail où priment la santé et la sécurité, et le soutien des fumeurs qui veulent cesser de consommer du tabac. Que représentent les ressources actuellement consacrées aux programmes pour les jeunes? Très peu de jeunes Albertains sont exposés aux programmes substantiels et permanents de réduction du tabagisme qu'il faudrait mettre en place pour faire baisser sensiblement le taux de consommation. Toutefois, à l'école élémentaire et au premier cycle du secondaire, nombre de jeunes sont régulièrement exposés à court terme à des messages antitabac. Pour ce qui est des défis, des lacunes et des besoins les plus importants en la matière, il faut améliorer les possibilités d'exploitation des réseaux, l'échange de renseignements et de ressources, la formation et le perfectionnement, le matériel inhérent aux programmes de qualité et les ressources financières. Et il faut renforcer les ressources humaines. Globalement, nous devons cesser de financer chichement les programmes antitabac à court terme et par à-coups, pour adopter plutôt un financement constant à long terme qui fait l'objet d'évaluations en bonne et due forme. Compte tenu du succès obtenu par les campagnes de choc réalisées dans les médias de masse en Floride, en Californie, au Massachusetts et, récemment, à Terre-Neuve, les gens s'entendent pour dire qu'une approche de marketing social est ce qui se révèle le plus efficace pour rejoindre les jeunes. Les politiques concernant l'accès des jeunes au tabac, la qualité de l'air et la compréhension du tabagisme dans le contexte de la santé sont autant de questions qu'il faut envisager dans une optique plus vaste. Les ressources pour les groupes d'élèves les plus jeunes à l'école élémentaire font défaut. Quelle est la position de l'ATRA en ce qui concerne l'annonce récente du gouvernement fédéral et le projet de loi S-15? L'ATRA a applaudi la mesure annoncée récemment par le gouvernement fédéral, qui consiste à injecter 480 millions de dollars dans le financement visant à réduire la consommation du tabac, somme étalée sur cinq ans. C'est une augmentation significative et importante, qui débouchera sur des effets positifs sur la santé publique. En même temps, le projet de loi S-15 comporte plusieurs avantages si on le compare à l'engagement du gouvernement fédéral. Le projet de loi S-15 permettrait de réserver 360 millions de dollars par année aux initiatives, aux programmes et aux projets de lutte au tabagisme. D'après le grand organisme américain responsable de la lutte contre les maladies, les Centers for Disease Control, le financement d'une campagne globale de réduction du tabagisme qui se veut efficace - et je dis cela en dollars canadiens - représente entre 7 et 20 $ canadiens par habitant, par année. Le projet de loi S-15 permettrait d'amasser quelque 12 $ par habitant. Les ressources attribuées grâce au projet de loi S-15 seraient maintenues, c'est-à-dire qu'elles ne disparaîtraient pas forcément au bout de cinq ans. La gestion des fonds de programme générés grâce au projet de loi S-15 relèverait d'une fondation indépendante du gouvernement. Un aspect clé du projet de loi réside dans le fait que la démarche est tout à fait transparente et que 10 p. 100 des fonds alloués à chacun des projets seraient réservés à l'évaluation. Pour être efficace, un programme de lutte au tabagisme doit bénéficier d'un financement stable, ce que l'on peut relativement bien assurer au moyen du prélèvement prévu dans le projet de loi S-15. Dans la mesure où ils peuvent disposer de fonds soutenus, les membres de l'ATRA s'appliquent déjà localement à mettre à exécution des programmes scolaires et communautaires de prévention et de cessation. Toutefois, il faut d'autres fonds encore pour porter ces efforts à un degré et à un niveau d'efficacité plus grands. Le projet de loi S-15 aiderait plus de 94 organisations albertaines à étoffer leurs programmes. En bref, il est exaltant de constater que le mouvement pour la réduction du tabagisme a le vent dans les voiles en Alberta et dans tout le Canada. L'ATRA s'engage à nouer et à entretenir un partenariat avec tous les ordres de gouvernement ainsi qu'à appuyer des initiatives comme le projet de loi S-15. Nous avons déjà rencontré la plupart des députés albertains à propos du précurseur du projet de loi S-15 - le projet de loi S-20 - qui renfermait des dispositions identiques, mais que la Chambre des communes n'a pas adopté avant les dernières élections fédérales. La plupart des députés albertains ont exprimé leur appui à ce moment-là. Comme elle regroupe 94 organisations membres influentes qui proviennent de nombreux secteurs, l'ATRA a la crédibilité, l'indépendance et l'expérience nécessaires pour lancer et développer des partenariats créatifs entre les principaux partisans de la réduction du tabagisme, ainsi que pour organiser des projets uniques et durables de réduction du tabagisme. Notre objectif, c'est de faire en sorte qu'il soit plus difficile de commencer à fumer et plus facile d'arrêter, et de contribuer au but final, soit une province où les gens, l'économie et l'environnement sont à l'abri des effets néfastes du tabac. Le projet S-15 permettrait à l'ATRA et à nos membres de poursuivre le travail déjà entamé. L'ATRA a hâte de voir le crépuscule du tabagisme en Alberta et partout au Canada. Or, le projet de loi S-15 permettrait d'atteindre cet objectif. Mme Jennifer Duncan, coordonnatrice à l'éducation communautaire, Division de l'Alberta, Société canadienne du cancer: Monsieur le président, membres du comité, membres de l'auditoire: cette année, plus de 130 000 nouveaux cas de cancer seront diagnostiqués au Canada. Or, l'élimination du tabagisme aurait permis de prévenir 30 p. 100 de ces cancers. La Société canadienne du cancer vous demande d'appuyer le projet de loi S-15, car il peut faire baisser sensiblement les taux de cancer au Canada. Le tabac cause le cancer du poumon, première cause de décès par cancer chez les Canadiens et les Canadiennes. Le tabac est également un facteur dans d'autres cancers, notamment le cancer de la bouche, le cancer de la gorge, le cancer du col de l'utérus et le cancer colorectal. L'annonce récente du gouvernement fédéral - il doit injecter 480 millions de dollars dans la lutte au tabagisme sur cinq ans - est la bienvenue, mais cela n'est pas suffisant. Le tabagisme emporte 45 000 Canadiens tous les ans. Oui, tous les ans, les compagnies de tabac perdent 45 000 clients, et tous les ans, les compagnies de tabac canadiennes ont besoin d'attirer des clients nouveaux pour les remplacer. La plupart des clients nouveaux sont des jeunes Canadiens. De nombreux jeunes fument leur première cigarette avant même d'avoir 12 ans, bien avant de disposer des renseignements dont ils ont besoin sur la très grande dépendance que peut causer le tabac. En tant que mère de deux enfants en âge de fréquenter l'école élémentaire, j'espère qu'au moment où mes enfants arriveront à l'adolescence, ils vivront dans un pays où le taux de tabagisme chez les jeunes est plus près du taux californien - 6,9 p. 100 - que du taux canadien actuel - 29 p. 100 - taux inacceptable. Comment le Canada peut-il s'y prendre pour réduire le taux de tabagisme chez ses jeunes? En instaurant les genres de programmes et le genre de financement que propose le projet de loi S-15. Le projet de loi S-15 constituerait une source fiable produisant 360 millions de dollars par année pour financer adéquatement un programme global des «pratiques exemplaires» de la lutte contre le tabagisme. Le programme annoncé récemment par le gouvernement fédéral ne permettrait de disposer que de 110 millions de dollars par année, et ce, pendant cinq ans seulement. Cette période est insuffisante, cette somme est insuffisante pour que l'on puisse instaurer un programme global et durable, et rien ne garantit que ce financement ne sera pas réduit, comme cela a été le cas pour le financement des programmes fédéraux de lutte contre le tabac par le passé. Pour attirer de nouveaux clients, les compagnies de tabac commanditent des activités sportives, des activités culturelles et des émissions de mode; ce faisant, elles créent une association trompeuse entre les activités en question et le tabagisme. Le lien entre les produits du tabac et des commandites comme celle de l'équipe de course Player's et la fondation de la mode Matinée créent une impression erronée: fumer serait une pratique normale et acceptable. Ces commandites créent aussi l'illusion que les fumeurs sont plus nombreux qu'ils le sont vraiment. Le projet de loi S-15 permettrait de financer des programmes de lutte contre le tabac qui serviraient à «dénormaliser» le tabagisme, au moyen de campagnes médiatiques de choc conçues en toute indépendance par rapport à l'État. Nous avons besoin d'être éduqués et d'avoir conscience du fait que l'association prestigieuse entre les produits du tabac et les activités et les façons de vivre attrayantes est une association fausse et qu'il n'existe, en réalité, aucun lien à cet égard. Ces jours-ci, les gens étant de moins en moins prêts à s'exposer aux dangers de la fumée secondaire, les fumeurs sont souvent contraints de se réfugier en petits groupes à la porte arrière des bâtiments. Les bureaux de la Société canadienne du cancer reçoivent des demandes répétées des écoles, des groupes communautaires et des parents, qui veulent obtenir des ressources, des programmes et d'autres mesures de soutien permettant de réduire le tabagisme chez les jeunes. Comme le taux de tabagisme chez les jeunes s'élève à 29 p. 100, nous savons que nos efforts actuels ne suffisent pas à la tâche. Ici, en Alberta, en réponse aux demandes répétées des enseignants, la Société canadienne du cancer met à l'essai un aide didactique à l'intention des élèves de la septième année. Le projet pilote vise à renseigner les jeunes pour qu'ils puissent jeter un regard critique sur les commandites du monde du tabac et sur les stratégies de marketing de l'industrie du tabac. Le projet pilote bat son plein, mais ce n'est qu'un début et ce ne sont que les élèves d'une année scolaire en particulier qui sont visés. Nous savons que, d'après les évaluations réalisées aux États-Unis, les programmes d'éducation doivent être complétés par des campagnes médiatiques de choc qui viennent dénormaliser le tabagisme. Nous avons également besoin de programmes populaires, menés par des pairs à la base même, au sein de la collectivité même, et nous avons besoin d'évaluer sans cesse nos programmes pour nous assurer qu'ils fonctionnent et de les améliorer, sinon ils n'ont pas vraiment d'impact. Le projet de loi S-15 aurait un impact. Le projet de loi S-15 nous fournirait les ressources financières et les programmes fondés dont nous avons besoin pour réduire la consommation de tabac et, en dernière analyse, réduire les taux de cancer au Canada. Pour conclure, au nom de la Société canadienne du cancer et en tant que mère de deux jeunes enfants, je vous demande d'appuyer le projet de loi S-15. Dr Paul Hasselback, médecin hygiéniste, Chinook Regional Health Authority: Monsieur le président, honorables membres du comité et chers invités, je soupçonne que vous allez, en traversant d'un bout à l'autre notre grand pays, voir et entendre plusieurs thèmes récurrents: que le tabac est la cause première de décès prématuré, le premier facteur de cas d'hospitalisation évitables et le plus important article des dépenses en soins de santé; que les recettes fiscales du tabac comptent actuellement pour moins de la moitié des coûts réels en soins de santé qui sont associés à l'accoutumance à ce produit; que les compagnies de tabac ont ciblé et continuent de cibler aujourd'hui les jeunes en tant que source principale de futurs toxicomanes, pour soutenir leurs profits; que le Canada accuse maintenant un retard sur notre voisin du Sud en ce qui concerne les approches énergiques de réduction du tabagisme et que les stratégies américaines comportent des leçons concernant l'investissement qu'il faut pour réaliser les gains en question. J'aimerais passer quelques minutes à discuter avec vous quelques cas relativement fructueux qui pourraient servir de point de départ à vos délibérations sur le projet de loi S-15. Le sud-ouest de l'Alberta est le domicile de 150 000 personnes. La Chinook Health Region a été classée au premier rang par le magazine Maclean's en tant qu'organisation rurale de santé. Le mode de vie et le paysage se serait bien prêté aux annonces du Marlboro Man. Les attitudes locales sont favorables aux droits individuels et à une présence minimale de l'État dans la vie quotidienne des gens. La réduction du tabagisme est et a été une question prioritaire pour la Chinook Health Region et pour ses prédécesseurs. Grâce à une approche globale visant à prévenir une initiation à la pratique, à promouvoir la cessation, à soutenir ceux qui ont choisir de cesser de fumer et à réduire l'exposition à la fumée secondaire, la région tente plus ou moins en vase clos de régler la question du tabac. Les stratégies de modification des politiques gouvernementales jusqu'à maintenant ont porté sur l'établissement de zones publiques sans fumée, de campus sans fumée, de lieux de travail sans fumée et de domiciles sans fumée. Toutefois, la modification d'une politique officielle exige beaucoup de ressources et beaucoup de temps, et nos propres établissements de santé devaient d'abord réduire la consommation de tabac sur leur lieu même. Signalons qu'il est encore permis à certains clients de fumer. Il n'y a pas pour l'heure d'établissements de santé sans fumée. Si la plupart des écoles se sont donné un campus sans fumée, il est encore permis de fumer sur certains campus. Les deux plus grandes collectivités et deux autres encore ont adopté des règlements qui interdisent de fumer aux endroits où il peut y avoir des mineurs. Une cinquième collectivité devrait emboîter le pas d'ici quelques mois. Il s'agit là des premières communautés des Prairies à décréter des lieux publics sans fumée, mais elles de représentent que la moitié de la population de la région. Santé Canada a financé plusieurs projets portant précisément sur les femmes et le tabac dans la région, pour ce qui est de la prévention et de la cessation. En collaboration avec nos partenaires provinciaux, nous avons profité des occasions offertes pour faire des jeunes étudiants des leaders dans la lutte au tabac au sein des populations étudiantes. Plusieurs des projets en question ont contribué à faire adopter des décisions communautaires visant à restreindre le tabagisme là où les jeunes peuvent être présents. Pendant plusieurs années, Santé Canada s'est appliqué à sensibiliser les fournisseurs et à faire respecter les règles concernant la vente de tabac aux mineurs. Cette collaboration a eu pour effet un des taux de conformité les plus élevés parmi les fournisseurs dans l'ouest du Canada pour ce qui est de ne pas vendre de tabac aux mineurs. Nous avons eu l'occasion à quelques reprises de mesurer la consommation de tabac dans notre région. Pour ce qui est des adultes, les taux ont commencé en deçà de la moyenne canadienne et ont bien chuté en deçà de la barre des 20 p. 100 que nous nous sommes donnée pour objectif en l'an 2000. La consommation de tabac chez les jeunes est plus importante qu'elle l'est chez les adultes; cela tourne autour de 25 p. 100 depuis six ans, mais un complément d'information serait utile à cet égard. Nos méthodes pour cesser de fumer restent à être parachevées avec des essais sur le terrain: programmes de cessation pour les femmes enceintes à risque élevé et programmes de cessation en milieu rural, où une population qui n'est pas suffisamment nombreuse pour qu'elle puisse s'être constituée des groupes d'entraide représente un obstacle majeur au soutien des personnes qui ont choisi de cesser de fumer. Nous avons conçu et mis à exécution des cours de cessation pour les jeunes à l'intention des écoles et des groupes de jeunes. Toutefois, parmi les succès connus, des difficultés surgissent. Nous disposons uniquement des ressources voulues pour contrôler les tendances en matière de consommation seulement une fois tous les cinq ans. Nous ne nous sommes même pas penchés encore sur la question des milieux de travail sans fumée, et les maigres tentatives que nous avons faites pour instaurer des domiciles sans fumée, sans oublier des véhicules sans fumée, ne sont pas suffisamment adéquates pour que leur maintien puisse se justifier. Nous n'avons pu utiliser la contre-publicité qui s'est révélée d'une si grande efficacité en complément des programmes aux États-Unis. Nous avons la chance d'être exposés à certaines stations de télévision américaine, où une campagne énergique est menée pour réduire la consommation de tabac. Nous tirons des bienfaits minimaux de l'activité télévisuelle à Calgary et à Edmonton: les stations locales n'ont pas été ciblées par les projets de contre-publicité. Notre partenariat initial avec Santé Canada - pour vérifier la conformité - s'est révélé très efficace, mais nous n'avons pas eu de partenariat pour l'exécution des règles durant les 18 mois depuis lesquels Santé Canada a transféré ses opérations à Edmonton. Par conséquent, nous n'arrivons pas à trouver les ressources nécessaires pour organiser les activités de cessation à l'intérieur de la région, pour susciter les partenariats nécessaires aux programmes de cessation à l'intention des jeunes et aux programmes de cessation à l'intention du milieu rural. Nous n'avons même pas essayé d'aborder la question du tabagisme au sein de nos deux grandes communautés des Premières nations, où on soupçonne qu'environ 70 p. 100 des adultes fument. Nous n'avons pas essayé non plus de cibler d'autres segments de population comme les nouveaux immigrants ou la colonie huttérienne. Les mesures que nous déployons pour soutenir les projets de politique gouvernementale se ramènent à ce que je peux faire moi-même dans mes temps libres, et j'accomplis déjà l'équivalent des tâches que supposent deux postes à temps plein. Ces quelques dernières années ont vu un accroissement des éléments de preuve démontrant que les compagnies de tabac ont fait des pressions et adopté des mesures en ce qui concerne les efforts locaux de résistance, si bien que nous avons dû accroître les ressources pour contrer cette activité. Pendant que nous nous attaquions au problème de la fumée, la consommation de tabac sans fumée s'est accrue au point de devenir un problème majeur parmi les jeunes et les moins jeunes en milieu rural. Notre succès a consisté à préserver au point fixe le taux de tabagisme chez les jeunes, sans toutefois le réduire. D'après des taux d'initiation plus bas et stables, au moment où il y a eu augmentation partout ailleurs dans la province, nous estimons que durant les quelques dernières années, 500 à 1 000 jeunes de notre région ont évité de devenir dépendants. Nous avons célébré récemment une activité importante où le nombre de nouveaux fumeurs était tout juste inférieur au nombre de ceux qui avaient cessé de fumer, notamment en mourant, et rares sont les instances qui peuvent en dire autant. Nous avons estimé que la région sanitaire investit, localement, un peu plus de 1 $ par personne pour prévenir le tabagisme, ce qui représente environ 500 à 1 000 $ par personne qui finit par ne pas fumer. Nous estimons que, pour chaque dollar dépensé de cette façon, 4 $ étaient consacrés à d'autres activités des administrations fédérale ou provinciale, par l'entremise des médias, par le truchement d'une contre-publicité américaine, par l'entremise des conseils scolaires ou par l'entremise de la panoplie d'organismes partenaires qui forment une coalition locale pour la réduction du tabagisme. Je regrette que, étant donné les nombreuses questions prioritaires devant donner lieu à des mesures dans le domaine de la santé, je n'ai pu obtenir un financement stable des ressources consacrées à nos propres projets antitabac; de ce fait, ceux-ci connaissent une certaine érosion depuis quelques années. Le gouvernement de l'Alberta a jugé bon de soutenir les initiatives locales par l'entremise de l'Alberta Tobacco Reduction Alliance, mais à la hauteur de 50 cents par habitant. Quand j'entends dire que l'on envisage d'instaurer une stratégie nationale financée à raison de 4 $ par personne, je suis heureux de constater qu'une attention concertée est accordée à la question, mais, d'après les autres expériences vécues, il est trop optimiste de croire à une somme représentant plus de 10 p. 100 de cela à l'échelon local, et même si les 40 cents par habitant seraient bien accueillis, cela ne ferait peut-être que compenser les effets de l'érosion qui se manifeste depuis quelques années. Les injections de fonds annoncées à l'échelle nationale se rendent rarement au front, pour prendre un terme de guerre. Le projet de loi S-15 contient des promesses à cet égard. Il importe d'appliquer les ressources de manière à favoriser le respect des règles, l'élaboration de politiques nationales, la promotion d'initiatives provinciales et le recours à des organismes non gouvernementaux qui font un excellent travail, de sorte que l'argent dépensé autrement qu'à l'échelon local ne soit pas gaspillé. Si je me fie à notre expérience à nous, je dirais que pour faire baisser le taux de consommation du tabac, nous allons avoir besoin de beaucoup plus que 5 $ par personne. Les lacunes de nos programmes - si nous prenons pour référence les succès de la Californie et du Massachusetts - illustrent en quoi il faut des ressources appropriées et adéquates pour mener à bien les activités. Le projet de loi S-15 comporte d'importants avantages par rapport à la version révisée qui est proposée de la stratégie nationale de réduction du tabagisme. Les ressources proposées concordent avec ce qu'il faut pour réduire la consommation de tabac chez les jeunes et chez les Canadiens en général. La stratégie est ciblée sur les jeunes et empêche les étapes en cause - expérimentation, habitude et accoutumance. L'administration des fonds doit relever d'un organisme indépendant du gouvernement, pour que les ressources soient bien mises entre les mains des collectivités locales. Les jeunes sont reconnus pour ce qu'ils peuvent contribuer à l'exercice et pour le leadership dont ils peuvent faire preuve en ce qui concerne la consommation de tabac. J'ai quelques suggestions. Les activités visant à prévenir l'initiation au tabagisme devraient viser d'abord et avant tout les jeunes de la septième à la dixième année. Il faut peut-être même intervenir avant cela. La structure du comité consultatif des jeunes est telle que les jeunes de cet âge auront de la difficulté à participer à l'exercice et à assister à des réunions en dehors de leur région tous les trimestres. D'après notre expérience, les écoles hésitent quelque peu à accorder aux étudiants des congés d'une telle durée et d'une telle fréquence. Les autres façons de se réunir - par exemple sur Internet et par vidéoconférence - devraient être encouragées dans le projet de loi. À l'heure actuelle, l'interprétation du terme «réunion» dans la loi évoque peut-être une rencontre en personne, ce qui pourrait empêcher la participation des très jeunes, segment que nous voulons justement rejoindre. Il faudrait reconnaître et rembourser des frais raisonnables pour le travail à domicile des membres du comité consultatif des jeunes, par exemple en ce qui concerne les ordinateurs, l'accès à Internet et les lignes téléphoniques, pour qu'ils puissent se parler. Le projet de loi S-15 sur la protection des jeunes contre le tabac est une étape nécessaire de plus dans les approches globales qu'il faut adopter pour réduire le fardeau que représente la consommation de tabac. Ce n'est pas une solution complète ou universelle aux problèmes que pose le tabagisme, mais on accueille bien cet ajout à la panoplie de ressources nécessaires pour s'attaquer aux questions en jeu. Je remercie le comité de nous avoir donné le temps de témoigner, et je serais heureux de répondre à toute question que les membres voudront bien me poser. Le sénateur Kenny: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais réagir brièvement aux propos du Dr Hasselback et attirer son attention sur l'alinéa h) de l'article 6 du projet de loi. C'est que ses suggestions tombent en plein dans le mille. Monsieur, vous avez parlé de l'importance pour les jeunes de faire preuve de leadership. Les CDC, ou Centers for Disease Control, nous disent que si les jeunes ne prennent pas part à la planification, et non seulement la planification, mais aussi à l'exécution des stratégies conçues, les stratégies en question ne fonctionneront pas. Je suis certainement d'accord avec ce que vous dites. Les suggestions que vous faites, à mon avis, sont prévues à l'alinéa 6h), ou il est question de la mission «de mettre au point et de distribuer des outils pédagogiques», et là il pourrait être question des ordinateurs dont vous parliez ainsi que de lignes téléphoniques, «de planifier et de mettre en oeuvre des stratégies de communication», et les stratégies en question ne supposent pas forcément de rencontres «en personne», il pourrait s'agir des conférences à distance dont vous parliez. L'article se poursuit et couvre d'autres questions. Vos suggestions sont bien accueillies. Je crois que quelqu'un pourrait réellement accomplir ces choses que vous suggérez en référence à l'alinéa 6h) du projet de loi. Je ne sais pas si vous pensiez à autre chose au-delà de ce qui est prévu à cet article ou si vous estimiez que cela ne suffisait pas compte tenu de vos intérêts. Dr Hasselback: Sénateur, il serait peut-être utile de prendre les scénarios et passer au travers, car il y a des articles particuliers du projet de loi qui traitent de la structure du comité consultatif des jeunes, de la manière dont il se réunit et de l'âge des participants. Sous sa forme actuelle, il laisse peut-être une marge de manoeuvre et il existe peut-être des options, mais je crois que la terminologie de l'article concernant le comité consultatif des jeunes pourrait se prêter à une interprétation restrictive. Le sénateur Kenny: Je comprends, mais cela fait partie d'une autre section de la loi. Permettez-moi de vous renvoyer à l'article sur la mission de la formation, partie II; si on combine l'article sur la mission et les dispositions sur le conseil consultatif des jeunes, je vois du financement de programme. Si ce n'est pas suffisamment clair, nous allons nous entretenir avec les avocats et faire en sorte que cela soit clair, et je crois que c'est en fait ce que vous nous demandez de faire. Le président: Y a-t-il quelqu'un dans le groupe qui a des suggestions à faire à ce sujet? Je remarque quand je passe en auto devant les écoles secondaires que même si les étudiants n'ont pas le droit de fumer dans la cour de l'école, il y a toujours un regroupement de jeunes qui fument tout juste l'autre côté de la porte d'entrée. On ne peut quand même pas les obliger à sortir des limites de la ville, car ils doivent revenir à l'école assez vite pour assister aux cours, mais avez-vous des idées sur la façon de s'y prendre pour régler cela? Dr Hasselback: Monsieur le président, c'est l'une des difficultés auxquelles nous avons été en butte au moment de mettre en place des campus sans fumée. À l'origine, on traçait une ligne planche pour séparer la propriété de l'école de la propriété de la ville et, vous pouvez en être sûr, il y en avait bon nombre qui traversaient. Au début, il était devenu difficile de franchir ce bout de rue en auto. Seulement à titre d'exemple, permettez-moi de souligner que Lethbridge compte six écoles sur une aire occupée par deux quadrilatères, et il y a là toute une congrégation d'étudiants; le nombre d'étudiants qui sont dehors en train de fumer et qui doivent effectivement traverser la ligne qui a été tracée a diminué sensiblement. Nous savons qu'ils fument toujours, mais leurs habitudes évoluent, et le lieu qu'ils choisissent pour fumer change, et la façon dont ils s'y prennent pour fumer change. Nous avons travaillé concrètement avec plusieurs des écoles en question, habituellement en réunissant les voisins et les étudiants dans le cadre d'activités conjointes de planification qui permettent de voir comment ils peuvent régler les problèmes locaux de vandalisme et le problème des étudiants qui se baladent hors des limites du campus, et cela s'est révélé un franc succès à quelques endroits; à d'autres endroits encore, le succès n'a pas été aussi grand, mais, certes, une partie de ce que nous voyons comme changement depuis quatre ou cinq ans, c'est la différence d'attitude parmi les jeunes qui fument et le plus grand respect pour le milieu où ils essaient de commencer à fumer. Cela se fait donc, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain. C'est comme la question des fumeurs qui se regroupent devant la porte d'entrée de l'hôpital: qu'est-ce qu'on en fait? Le président: Vous croyez donc qu'il vaut mieux avoir une loi qui dit qu'on ne peut fumer sur le campus, plutôt que d'aménager des salles spéciales où les gens peuvent fumer. Dr Hasselback: Tout à fait. Une partie de notre travail consiste à faire en sorte que les étudiants et les jeunes nous expliquent exactement pourquoi ils ne reçoivent pas le message, et l'idée que les jeunes de notre région ont fait ressortir d'abord et avant tout est la suivante: «Ne nous adressez pas un message ambigu. Si vous nous dites de ne pas fumer, alors ne fumez pas devant nous; ne nous permettez pas d'avoir un endroit pour fumer, et ne faites pas qu'il soit plus facile pour nous de fumer. Si vous êtes ambigu et dites "ne fumez pas", puis que vous nous fournissez une salle pour aller fumer, nous allons probablement commencer à fumer. Donc, soyez clairs et soyez concis.» Le président: J'ai remarqué qu'il y a aux États-Unis des villes qui se sont déclarées zones sans fumée, même à l'extérieur, sur le trottoir, partout, ce qui ressemble beaucoup à la situation qu'il y avait il y a 100 ans. Si vous fumez, vous devez vous en aller chez vous et le faire dans l'intimité de votre domicile. Vous n'avez pas le droit de fumer en public ou dans un bâtiment public. Est-ce excessif? Dr Hasselback: Nous n'avons certainement pas parlé de cette question, mais cela fait partie de l'effort privé des entreprises. J'ai remarqué récemment que sur les artères principales de Lethbridge, il y a des affiches qui encouragent les fumeurs à aller fumer derrière les bâtiments, plutôt que dans la rue. Ce n'est pas une directive officielle de l'administration gouvernementale, ni autre chose du genre qui a encouragé ça précisément. En ce moment, nous laissons entendre qu'il y a à Lethbridge un air suffisamment frais et des vents suffisamment bons pour que nous n'ayons pas à nous soucier de la pollution de l'air à l'extérieur. D'ailleurs, nous nous soucions davantage du fait que les gens fument à la maison, car ils sont souvent en présence d'enfants. Le sénateur Adams: Je tiens simplement à vous féliciter du travail que votre groupe a accompli. Je suis particulièrement heureux de constater que votre délégation comprend un certain nombre d'étudiants. Nous ne voyons pas très souvent les étudiants au Sénat, et je crois que cela est important, surtout aujourd'hui, journée où nous parlons du projet de loi S-15. Là d'où je viens, de tradition, les gens commençaient à fumer à un très jeune âge. Je crois que c'est particulièrement vrai dans l'Arctique, où les enfants n'ayant parfois que 10 ou 12 ans commencent à fumer. J'ai même pris mes petits-enfants en flagrant délit à quelques reprises. Je leur ai dit qu'ils ne devraient pas commencer à fumer. J'ai cessé de fumer moi-même il y a 30 ans et, à ce moment-là, on ne se souciait même pas de ce que les cigarettes nuisent à la santé. Le sénateur Kenny travaille au projet de loi sur le tabac depuis quatre ans, et il sait que ce que je dis est vrai. Ce que vous disiez à propos des réserves s'applique tout autant à l'Arctique, et la situation est vraiment déplorable, bien pire que ce que l'on voit à la ville. Nous essayons de signaler aux gens des localités de l'Arctique les dangers du tabagisme, mais c'est très difficile pour eux. Nous essayons de les mettre en garde, surtout dans le cas des jeunes, contre ce que leur réserve l'avenir s'ils continuent de fumer, en soulignant comment les gens meurent du cancer du poumon en raison du fait qu'ils fument et ainsi de suite, mais même si le gouvernement souligne maintenant certaines des choses qui arrivent aux gens qui contractent des maladies dues au tabagisme, il semble que les gens de certaines localités ne s'en soucient pas vraiment. Là où je vis moi-même, nombre de gens ont des problèmes financiers; ils n'ont pas d'emploi; néanmoins, ils n'ont apparemment aucune difficulté à s'acheter des cigarettes à 9 $ le paquet, ou plus de 60 $ la cartouche. D'une manière ou d'une autre, ils arrivent à obtenir des cigarettes et à fumer. À coup sûr, j'espère que ce projet de loi permettra de venir en aide aux gens de tout le Canada, y compris ceux de ma propre localité, peut-être en nous montrant comment nous aider nous-mêmes. Je ne sais pas combien de patients vous avez, en tant que médecin, et je ne sais pas s'ils se soucient du cancer du poumon, mais les spécialistes, les médecins et les dentistes qui nous rendent visite chez nous - et je souhaiterais que ces médecins et ces dentistes disent à tous ceux qu'ils ont à traiter que la cigarette est mauvaise pour eux et pour leur famille, et surtout pour l'avenir de leurs jeunes enfants. Hier, durant l'audience que nous avons tenue en Colombie-Britannique, nous avons accueilli un médecin qui avait voyagé dans les collectivités du Nord. Comme il le faisait remarquer, avec les satellites et la technologie moderne, les collectivités du Nord captent maintenant jusqu'à 100 canaux de télévision, et la plupart des enfants aujourd'hui regardent la télévision et voient les annonces. Quelles sont les annonces? Ce sont souvent des annonces de cigarettes. Ces annonces vont de pair avec l'action dans les films, et cela incite les enfants à fumer. Les gens de la collectivité peuvent aussi louer des films sur vidéo, et nous dépensons beaucoup d'argent là-dessus, le gouvernement en dépense beaucoup, simplement pour faire connaître les dangers de la cigarette pour la santé, au moyen de documents vidéo, mais cela ne fait pas baisser le taux de tabagisme, pas comme on a pu le constater en Californie, là où le pourcentage de gens qui fument a connu une baisse remarquable, tout comme le pourcentage de jeunes qui commencent à fumer. Rien de tel n'est survenu encore au Canada. Vous pourriez peut-être nous dire comment nous pourrions accomplir cela. De toute manière, j'espère que ce projet de loi sera adopté cette fois à la Chambre des communes. Dr Hasselback: Sénateur Adams, ce sur quoi je tiens à vraiment insister, c'est qu'aucune activité particulière ne suffira à la tâche. Nous avons appris qu'il faut absolument une approche globale. Ce que nous avons essayé sur notre territoire, avec des ressources limitées, c'est de mettre en place le programme le plus global possible, et j'applaudis le seul fait que nous réussissions à survivre. Nous n'avons pas les ressources, compte tenu des sommes qui nous sont attribuées, pour réaliser les choses que nous souhaiterions faire, qui, nous le savons, une fois organisées en un ensemble complet, feraient toute la différence. Je crois que nous sommes sur le point de débloquer. Il y a six ans, nous avons décidé que nous ferions cela, et je suis heureux que nous l'ayons fait, car je ne crois vraiment pas que la machine de l'État bouge assez vite pour venir en aide à ceux qui se trouvent sur le front. Nous devons faire accélérer la machine gouvernementale, qu'elle soit provinciale ou fédérale, combiner les activités aux échelons fédéral, provincial et local, et nous assurer qu'il existe des ressources adéquates à mettre entre les mains de ceux qui font des choix, qu'il s'agisse de commencer à fumer ou d'essayer un peu, ou qu'il s'agisse de cesser de fumer. Il nous faut disposer à ce moment-là des ressources nécessaires pour épauler les gens qui veulent faire le bon choix. Voilà où le projet de loi S-15 pourrait, à mes yeux, nous porter. Le sénateur Banks: Madame Pawelek, le sénateur Adams a fait allusion au fait qu'il existe au Canada des différences culturelles qui sont très grandes et que ce qui fonctionne à Rankin Inlet ne fonctionnera peut-être pas à St. John's, ne fonctionnera peut-être pas à Victoria et ne fonctionnera peut-être pas à Calgary. Sans nul doute, il faut adapter quelque peu ce programme en fonction des différences régionales et culturelles. Mais à vous écouter, j'ai eu l'impression - et je me demande si c'est une bonne impression - que vous avez espoir, que vous vous attendez même que ce projet de loi soit adopté et que la taxe envisagée soit mise en place, que les autorités vont commencer à recueillir des fonds et qu'elles donneront de l'argent à une fondation, aux diverses organisations régionales qui participent déjà à l'entreprise. À votre avis, est-ce comme cela que les choses devraient se dérouler? Si je pose la question, c'est que je crois qu'il est tout aussi possible - selon ce qui va arriver - que cette fondation, du fait qu'elle sera indépendante, ne soit pas assujettie aux pressions ni à l'influence des compagnies de tabac ou de l'État et que l'établissement d'une telle fondation pourrait faire en sorte qu'il existe une façon différente, une façon de procéder qui est différente, qui est non pas meilleure mais peut-être différente, que celle que je crois vous entendre expliquer pour faire en sorte que le travail se fasse sur le terrain. Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus? Mme Pawelek: J'apprécie l'occasion que vous me donnez de tirer les choses au clair. Ce que l'ATRA essaie de faire, c'est de coordonner et de faciliter l'exercice, mais ce que nous n'arrivons pas à faire, c'est de financer le genre d'activités et d'initiatives que nous souhaiterions voir se réaliser - tout à fait comme le Dr Hasselback a pu en parler aujourd'hui. On ne peut tout faire à partir d'un même moule, et le groupe saura vous parler d'activités, d'initiatives et de projets qui sont très intéressants. Ce que nous soutenons, c'est l'établissement de cette source de financement pour que les programmes jugés rigoureux et dont l'efficacité a été éprouvée puissent bénéficier de fonds, non pas pour que tout transite par un organisme central comme l'ATRA ou par l'État, mais pour que les programmes qui se tiennent, qui sont rigoureux, dont l'efficacité est reconnue puissent produire leurs effets. Le sénateur Banks: Merci. Madame Duncan, vous avez dit que l'injection de 480 millions de dollars annoncée il y a de cela quelques semaines par le ministère de la Santé était la bienvenue. Il y a des gens ici présents au comité et nombre de personnes au Sénat qui croient que cette somme n'est pas suffisante, que cela revient à prescrire au patient de prendre la moitié d'un comprimé ou, comme le sénateur Kenny l'a dit, je crois, un quart de comprimé. Mais lorsque vous dites aux Canadiens que le gouvernement s'est engagé à consacrer 480 millions de dollars à la lutte au tabagisme chez les jeunes et que cela ne suffit pas, la plupart des Canadiens disent: «480 millions de dollars ne suffisent pas? Qu'est-ce qui se passe?» Jusqu'à maintenant, nous sommes en butte à une certaine résistance dans le public. Les gens disent: «Vous avez déjà 480 millions de dollars; pourquoi continuer à faire des pressions?» Que devons-nous faire? Que faut-il dire à ces gens? Mme Duncan: J'aimerais rappeler la recommandation des Centers for Disease Control en ce qui concerne le montant du financement par habitant. Le financement par habitant promis par le gouvernement fédéral est inférieur à 4 $; à l'heure actuelle, c'est plus près de 3 $. Ce n'est visiblement pas suffisant, compte tenu de ce qui a fonctionné par le passé et de ce qui est reconnu comme ayant des résultats pour ce qui est de réduire le taux de tabagisme chez les jeunes. De fait, le projet de loi S-15 ferait que ça tournerait plutôt autour de 12 $, ce qui est encore au bas de la fourchette de financement recommandée. Le sénateur Banks: Vous le savez, et je le sais moi aussi. Comment en convaincre les gens, les électeurs? Mme Duncan: Encore une fois, nous pourrons revenir à ce que représente actuellement le taux de tabagisme chez les jeunes. Il se situe à 29 p. 100. Le fait d'ajouter quelques millions de dollars par année ne changera pas grand-chose. Nous devons pouvoir disposer de ressources financières adéquates et, encore une fois, il faut des évaluations. C'est vraiment l'élément clé. Nous ne pouvons continuer à consacrer de l'argent à des programmes qui ne fonctionnent pas. Le sénateur Banks: Docteur, vous avez mentionné le fait que les compagnies de tabac ciblent maintenant les jeunes. Le président de chacune des trois grandes compagnies de tabac est venu comparaître devant le comité. Il y avait certes là une certaine réticence; en fait, nous avons dû les sommer de comparaître. Le Sénat ne fait pas ça très souvent, mais il a le pouvoir de le faire. Les trois hommes en question ont juré sur tous les saints que, oui, «enfin, nous avons déjà fait cela, et peut-être la société mère faisait cela auparavant, et tous les documents qui se trouvent dans les archives à Londres prouvent que nous faisions cela; peut-être même que nous avons fait cela ici et peut-être que d'autres gens dans le monde le font en ce moment et peut-être même que les compagnies auxquelles nous sommes associés le font ailleurs dans le monde, mais nous ne faisons plus cela au Canada», nous ont-ils dit sans broncher. Disposez-vous d'éléments de preuve qui permettent d'établir qu'en ce moment les compagnies de tabac canadiennes ciblent les jeunes Canadiens pour essayer de les convaincre de fumer? Dr Hasselback: Est-ce que j'ai en main des éléments de preuve qui prouvent expressément que les compagnies de tabac canadiennes ciblent les jeunes Canadiens? La réponse est: non. Est-ce que nous avons des preuves que les jeunes sont ciblés? La réponse est: oui. Ce qui est difficile à établir, par contre, c'est la provenance des sommes d'argent qui viennent appuyer cette distribution de cigarettes; disons qu'elles proviennent de l'industrie de l'accueil, par l'entremise des bars et des bars-salons, pour le soutien de la distribution de cigarettes - ce qu'ils n'ont pas le droit de faire, mais ce qu'ils font encore - à l'occasion de fêtes ayant lieu dans leurs établissements. Bon, ils ne sont pas censés faire cela, et les représentants de l'industrie du tabac viendront nous dire que «non, ils ne soutiennent pas cela». Toutefois, durant les discussions approfondies que nous avons eues au sujet de l'adoption des règlements municipaux, nous avons pris connaissance de faits qui démontrent que le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac aurait fourni la documentation, les ressources, et le soutien nécessaire au soutien de l'industrie de l'accueil dans la lutte menée contre l'instauration des règlements locaux. Nous savons qu'ils agissent là. Nous savons, grosso modo, à qui nous avons affaire localement. Nous ne disposons pas des éléments de preuve voulus pour remonter la filière jusqu'à l'industrie elle-même. Je ne crois pas que ce soit mon travail non plus de le faire. Le sénateur Spivak: N'êtes-vous pas d'accord pour dire, docteur, que les compagnies canadiennes n'ont pas besoin de faire cela, car les sources principales de divertissement pour les jeunes sont les vidéos et le cinéma - et que dans les vidéoclips et les films, les gens fument beaucoup, beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a quelques années, car cela faisait sourciller à ce moment-là? On n'a pas besoin de beaucoup d'éléments de preuve. On n'a qu'à aller au cinéma ou à regarder un vidéoclip - tout le monde fume dans les vidéoclips, et ce sont des mannequins, ce sont les gens que les enfants regardent constamment. Dr Hasselback: Sénateur Spivak, la question du sénateur Banks était très précise: l'industrie canadienne du tabac cible-t-elle les jeunes Canadiens? Il y a cette contre-culture d'origine américaine qui peut déborder et qui est peut-être soutenue par l'industrie du tabac aux États-Unis, mais je ne m'y attarde pas, sauf pour m'amuser un peu à constater la rhétorique qui provient des États-Unis, mais il y a ce débordement. Tandis que nous essayons d'adopter une approche globale pour réduire la consommation de tabac, ils appliquent une approche globale pour en accroître la consommation. Ceux qui font la promotion du tabac de nos jours savent qu'il existe un groupe comme le nôtre qui essaie de faire baisser la consommation de tabac; ils utilisent donc une approche globale qui encourage la consommation de tabac et qui se décline de diverses façons, notamment par la publicité, par les noms célèbres qu'ils peuvent employer, par tout moyen qu'ils peuvent employer pour faire que la chose semble normale, par la promotion de l'idée selon laquelle la majorité des gens fume - et nos jeunes croient encore cela, selon les sondages que nous avons réalisés auprès d'eux. Ils croient encore que la majorité des jeunes fume. Même si seulement 25 p. 100 des jeunes admettent qu'ils fument, si vous leur demandez s'ils croient que la majorité des jeunes fume, ils répondent: oui. Il y a donc cette perception selon laquelle fumer représente la norme, et nous avons de la difficulté à modifier cette perception pour diverses raisons d'ordre sociologique qui existent au sein de la culture où nous évoluons. Le président: Hier, lorsqu'il a été question du fait que les compagnies de tabac appuient le projet de loi, qu'elles font même paraître des annonces elles-mêmes pour l'appuyer, un de nos témoins a exprimé un point de vue assez cynique à ce sujet. Il a affirmé que les compagnies de tabac appliquent peut-être une sorte de promotion «inversée». Plutôt que de cibler directement les jeunes, ce qu'ils essaient de faire, c'est de laisser entendre que la cigarette est un plaisir risqué, un plaisir d'adulte. Je ne fais que mentionner cela en passant. J'aimerais poser une question à Joanne Pawelek, de l'Alberta Tobacco Reduction Alliance. Vous avez parlé des nombreuses organisations qui font partie de votre organisme-cadre. Y a-t-il quelqu'un qui s'attaque à la question des déductions d'impôt pour la publicité des compagnies de tabac? Les compagnies de tabac ont le droit de déduire de leur impôt le montant total des sommes d'argent qu'elles dépensent pour essayer de convaincre les gens de fumer, de sorte que nous, les contribuables, subventionnons pour ainsi dire cette mauvaise tournure du sort. Je me demandais simplement si une quelconque de vos organisations se penchait là-dessus. Mme Pawelek: Je peux répondre très rapidement. Non, pas que je sache. Le sénateur Kenny: La question du tabac sans fumée a été soulevée. L'usage en est-il très répandu ici - est-ce que cela fait partie de la culture rodéo, si on veut, ou est-ce que cela fait partie de la culture rurale? Avez-vous des précisions nous donner là-dessus? Existe-t-il des programmes pour lutter contre cela, que ce soit par l'entremise de la Société canadienne du cancer ou de votre organisme dont vous pouvez nous parler, docteur? Connaissez-vous des programmes qui prennent pour cible le tabac sans fumée? Dr Hasselback: La réponse est: oui. Dans mon coin de pays, il y a les rodéos, et les entreprises commanditent les rodéos, elles les parrainent. C'est de la publicité pour les compagnies de tabac, leur nom figure partout sur les lieux du rodéo, sans qu'il y ait quelque limite que ce soit. Nous nous attaquons à la question du tabac sans fumée. Nous avons essayé d'instaurer quelques programmes, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'évaluer l'efficacité de ces programmes dans le sud de l'Alberta. Nous savons tout de même que jusqu'à 10 p. 100 de nos jeunes dans les coins ruraux de notre région ont essayé de chiquer du tabac, mais la consommation ne semble pas être tout à fait la même. Le degré d'accoutumance ne semble pas être tout à fait le même. Les recherches qui comparent le tabac sans fumée au tabac à chiquer et le tabac pour cigarettes ne sont pas tout à fait au point. Nous ne les comprenons plus suffisamment encore pour bien cibler nos programmes. Nous avons beaucoup parlé de programmes fondés sur des résultats scientifiques rigoureux, et c'est une idée que je continue de préconiser. Je crois que nous pouvons en tirer des enseignements énormes, mais il doit se faire encore beaucoup de recherche pour que nous comprenions bien. Le sénateur Kenny: L'un ou l'autre d'entre vous a-t-il des remarques à faire à ce sujet? Mme Duncan: J'ajouterais simplement que vous allez entendre demain, à Edmonton, quelqu'un qui traitera particulièrement de cette question; j'espère donc que vous pouvez obtenir une réponse à ce moment-là. Le sénateur Kenny: Il a été question de colonies huttériennes. Pouvez-vous dire au comité si le taux de tabagisme y est très répandu? Dr Hasselback: Il y a plusieurs centaines de colonies huttériennes, situées un peu partout en Alberta; c'est donc une population significative qui, d'après ce que nous en savons, applique des valeurs communautaires très différentes de celles de la société générale. Je m'en sers comme exemple pour démontrer la nécessité de cibler convenablement les programmes, comme c'est le cas pour les Premières nations, et, oui, je dirais que rien n'interdit expressément la consommation de tabac dans les colonies huttériennes. Le président: Pour ce qui touche le prochain groupe de témoins, je crois que la meilleure façon de procéder, c'est de demander aux membres de se présenter eux-mêmes. Mme Becky Freeman, coordonnatrice de projet, Alberta Lung Association: Honorables sénateurs, je m'appelle Becky Freeman. Je suis coordonnatrice des projets de réduction du tabagisme à l'Alberta Lung Association. Mme Sirisha Tunugunt, membre, Women's Initiative in Tobacco: Je m'appelle Sirisha Tunugunt, et je fais partie de WINIT, c'est-à-dire la Women's Initiative in Tobacco. Mme Gorana Radovic, membre, Women's Initiative in Tobacco: Je m'appelle Gorana Radovic, et je fais aussi partie de WINIT, la Women's Initiative in Tobacco. Mme Diane Cassidy, coordonnatrice des projets antitabac à l'intention des jeunes, Régie régionale de la santé de Calgary: Je m'appelle Diane Cassidy. Je suis coordonnatrice des projets antitabac pour les jeunes à la Régie régionale de la santé de Calgary. Mme Shawna Dekort, Youth Action and Advocacy Project: Je m'appelle Shawna Dekort. Je fréquente l'école Father Scollen, où je suis l'une des dirigeantes du comité des non-fumeurs. Mme Robyn Leclair, Youth Action and Advocacy Project: Je m'appelle Robyn Leclair, et je suis représentante du comité des non-fumeurs de l'école Father Scollen. M. Phil O'Hara, coordonnateur de projet, Youth Action and Advocacy Project: Je m'appelle Phil O'Hara. Je suis coordonnateur de projet au Youth Action and Advocacy project. Je suis également gestionnaire de projet responsable d'une enquête provinciale sur le tabac qui est en cours de réalisation. Mme Leclair: Au nom de l'école Father Scollen et en tant que représentantes du comité des non-fumeurs, nous sommes ici - ma partenaire Shawna Dekort et moi-même - pour parler des raisons pour lesquelles nous essayons de réduire la consommation de tabac chez les adolescents. Je souhaite également faire part de mon expérience en ce qui concerne le programme BLAST. Je suis tout à fait convaincue qu'il appartient aux enfants d'aujourd'hui, qui seront les adultes de demain, d'essayer de réduire la consommation de tabac chez les adolescents au sein de notre société. Si les jeunes adolescents ne font pas valoir leur opinion, alors ils ne seront pas entendus et ne vont pas recevoir la liberté qu'ils méritent. Avec l'aide de pairs, nous agissons donc pour avoir plus tard la satisfaction du travail accompli, c'est-à-dire de voir une réduction de la consommation de tabac chez les jeunes. Durant la séance prévue du programme BLAST, j'ai consulté une reliure à anneaux qui comprenait de nombreuses ressources utiles. J'ai aussi pris connaissance de plusieurs statistiques qui me donnent les connaissances voulues pour m'adresser à mes pairs en comprenant et en sachant ce qui se passe dans la société d'aujourd'hui. Le programme BLAST m'a donné, tout comme à bien d'autres, la merveilleuse occasion qui m'est offerte de changer les choses. Cela m'a également donné la force et les encouragements nécessaires pour faire valoir mon point de vue et obtenir de solides appuis de la part de ceux qui sont contre la consommation de tabac et les résultats mortels que la tendance entraîne. En guise de conclusion, je tiens simplement à dire que je suis extraordinairement reconnaissante à l'égard du programme BLAST et de ce qu'il m'a permis de faire, en tant qu'adolescente, en vue de changer les choses. Mme Dekort: J'aimerais simplement ajouter une remarque aux commentaires de Robyn. Robyn et moi avons fait un effort extrême pour bien préparer notre projet final, qui a été parrainé dans le cadre du programme YAAP. L'école Father Scollen a reçu une somme d'argent confirmée du programme YAAP qui sera consacrée à notre projet final et principal pour l'année: notre «maison hantée» qui illustre les effets de la consommation de tabac. Notre comité des non-fumeurs a décidé de baptiser la maison hantée «vallée de la mort». L'objectif du projet, c'est que nos pairs reconnaissent les risques inhérents au tabagisme. La maison hantée présentera certaines des caractéristiques suivantes. Il y aura des effets sonores tout au long; les participants entendront à l'occasion quelqu'un qui tousse, quelqu'un qui pleure la mort d'un membre de la famille qui a succombé au cancer du poumon, des gens qui crient parce qu'ils sont en douleur du fait d'avoir fumé pendant plusieurs années. Il y aura un éclairage spécial. Il y aura des lumières noires et des lumières stroboscopiques, ainsi que des lumières empruntées au département de théâtre de l'école Father Scollen. Il y aura des effets interactifs. Ce sera une forme d'apprentissage direct pour les participants, qui sauront ce à quoi ressemble un poumon malade et ce que l'on éprouve quand on en a un. Ils auront aussi l'occasion de toucher le faux coeur de quelqu'un qui vient de fumer une cigarette. Ce n'est que le début de ce qui sera une super maison hantée; grâce au programme YAAP, tout cela sera possible. S'il n'y avait pas eu la commandite du programme YAAP à notre école, nous n'aurions pu avoir la maison hantée, comme le comité a prévu en organiser une durant l'année scolaire de notre promotion de la huitième année. Nous, en tant que membres du comité, savons que ce sera toute une réalisation, grâce à ce que les responsables du programme YAAP nous ont fourni. Au nom de l'école Father Scollen et du comité des non-fumeurs, je tiens à remercier tous ceux qui ont pris le temps de nous écouter. Mme Cassidy: Je m'appelle Diane Cassidy. Je travaille pour la Régie régionale de la santé de Calgary en tant que coordonnatrice des projets de réduction du tabagisme à l'intention des jeunes. Quelque 22 500 jeunes commencent à fumer tous les ans. C'est 61 jeunes par jour. Vingt-neuf p. 100 des ados ayant entre 15 et 18 ans fument la cigarette, et le tabagisme coûte 215 millions de dollars par année au réseau de la santé de l'Alberta. Selon les études, celui qui n'a pas encore commencé à fumer à l'âge de 19 ans ne commencera probablement jamais à le faire. Quatre-vingt-neuf p. 100 des fumeurs ont acquis l'habitude avant d'avoir atteint l'âge de 19 ans. Le projet de loi S-15 permettrait d'amasser 360 millions de dollars par année. C'est 12 $ par habitant pour financer un programme global de lutte au tabagisme à l'intention des jeunes, et cela aurait un impact énorme sur le nombre de jeunes qui fument. Avec un budget limité, la Régie régionale a pu mettre à l'essai des programmes de prévention et de cessation dirigés par des pairs à l'intention des jeunes, afin d'essayer de ralentir le taux d'initiation des adolescents à la cigarette et aussi de travailler auprès de ceux qui ont déjà commencé à fumer, pour les encourager à arrêter. Nous sommes en train de regrouper nos ressources pédagogiques à l'intention des jeunes, de sorte que nous pourrons offrir une gamme de solutions «toutes faites» que pourront choisir les enseignants, les infirmières d'école et les travailleurs jeunesse, sans compter une formation sur la manière de sensibiliser les jeunes au problème du tabagisme. Nous avons également appuyé la création de WINIT, la Women's Initiative in Tobacco. Je laisserai aux membres de WINIT qui sont présentes ici aujourd'hui vous en dire plus long, et je vous invite à venir voir notre présentoir, à l'extérieur, par la suite. Nos initiatives sont créées par des jeunes et dirigées par des jeunes. C'est une méthode qui est éprouvée, car les jeunes sont plus susceptibles d'écouter leurs pairs que les adultes. Mais nous n'avons fait qu'effleurer le problème jusqu'à maintenant. Si nous avions des ressources plus importantes, par exemple les sommes d'argent que doit permettre de produire le projet de loi S-15, nous pourrions élargir notre travail de manière à rejoindre un plus grand nombre de jeunes, ce qui permettrait de réduire le nombre d'adolescents qui fument. Nous pourrions aussi élargir notre travail de manière à englober les groupes à risque, les populations minoritaires et les nouveaux immigrants. Je demanderai maintenant à Gorana et à Sirisha, qui militent toutes deux depuis longtemps au sein de WINIT, de vous proposer des idées du point de vue d'une jeune personne. Merci. Mme Tunugunt: Je m'appelle Sirisha Tunugunt et je suis membre de WINIT, c'est-à-dire la Women's Initiative in Tobacco; notre groupe se compose de jeunes de tous les coins de la ville de Calgary; et nous nous occupons de représentations et de sensibilisation en ce qui concerne le tabagisme chez nos pairs. Nous accomplissons un travail fructueux depuis plus de trois ans déjà, et ce modèle s'est révélé très efficace pour sensibiliser les jeunes. Je recommande que le modèle WINIT soit adopté dans toute la province et même dans tout le pays. WINIT a mis au point diverses méthodes que d'autres groupes pourraient adopter s'il y avait des fonds. Il y a notamment le festival SHOUT, la campagne pour un règlement municipal à Calgary, la campagne épistolaire, un document vidéo, un site Web, des exposés, la surveillance de la conformité, des bulletins et le recours aux médias. Le festival SHOUT est une activité annuelle désignée comme étant «sans fumée». Cette année, cela aura lieu à Olympic Plaza, pour que des jeunes puissent participer à des activités plaisantes plutôt que de fumer, et aussi pour se renseigner de façon plus ou moins décontractée. Les jeunes adorent les activités de ce genre. La campagne pour un règlement municipal à Calgary a obtenu des appuis de WINIT, qui souhaitait s'assurer que la voix des jeunes soit entendue, car les jeunes sont touchés par la fumée secondaire au moment où ils prennent un repas dans un restaurant. Souvent, ce sont leurs parents qui choisissent le lieu, et les jeunes se soucient des effets de la fumée secondaire. Il importe que les décisions prises tiennent compte des points de vue des jeunes. Les membres de WINIT écrivent régulièrement aux politiciens pour s'assurer que la voix des jeunes est entendue en ce qui concerne le tabagisme. WINIT est en train de produire un document vidéo portant sur les exposés que l'organisme présente à des groupes de jeunes et pour aider à recruter des membres. Si le projet de loi est adopté, nous espérons qu'il y aura de l'argent pour financer des programmes comme ceux-là. Le site Web de WINIT - l'adresse est le www.winityouth.com - est maintenant fonctionnel. On y trouve des tonnes de renseignements utiles sur le tabagisme à l'intention des jeunes. S'il y avait plus d'argent, on pourrait concevoir plus de sites sur le tabac à l'intention des jeunes, car les jeunes passent beaucoup de temps à naviguer sur Internet. Pour ce qui est des exposés, WINIT se rend régulièrement dans les écoles et auprès des groupes de jeunes, pour faire participer des jeunes à des discussions et à des jeux questionnaires sur le tabagisme. Nous constatons que les jeunes nous écoutent, car nous sommes sur le même pied qu'eux. Quant au respect des règles, WINIT envoie des «espions» pour voir quels détaillants respectent la loi et refusent de vendre du tabac aux jeunes. Si des fonds sont débloqués, on pourrait faire un plus grand nombre de vérifications du genre, de sorte qu'il serait plus difficile pour les jeunes d'acheter du tabac. On pourrait donner des amendes plus strictes aux détaillants qui transgressent la loi et suspendre leur permis. Nous produisons notre propre bulletin pour faire la promotion du groupe et renseigner les gens sur nos activités, mais les fonds débloqués pourraient certainement servir à financer des bulletins et des magazines adaptés aux jeunes. WINIT a aussi commandé une étude ayant pour thème «le marketing médiatique - mode de vie: non-fumeur». Des discussions de groupe ont été organisées dans tous les coins de Calgary. Le rapport produit expose ce qu'il faut faire pour produire une annonce antitabac efficace. Les recommandations qu'il renferme pourraient être «poussées» encore plus loin: des jeunes pourraient être appelés à concevoir et à réaliser des annonces antitabac. Toutes les méthodes en question pourraient être conçues avec le concours d'autres groupes, pour qu'ils puissent aussi faire en sorte que le tabagisme chez les jeunes demeure un sujet d'actualité. Je vais maintenant céder la parole à Gorana. Mme Radovic: Je m'appelle Gorana Radovic et j'étudie en douzième année à la Western Canada High School. Je fais aussi partie de WINIT, depuis trois ans maintenant et je peux vraiment affirmer que cela a été pour moi une expérience merveilleuse et enrichissante. Alors, pourquoi est-ce que je me trouve ici aujourd'hui - vous vous posez peut-être la question. Eh bien, la réponse est toute simple, en fait. Je suis ici parce que je veux être ici. Je veux en faire plus pour mes pairs, mes amis et les jeunes d'aujourd'hui, en général, et la seule façon d'y arriver est de donner un coup de main pour que le projet de loi S-15 soit adopté. Il y a tellement de choses différentes que l'on pourrait faire avec les fonds supplémentaires que permettrait de recueillir ce projet de loi. Par exemple, de nouvelles organisations qui viendraient en aide aux jeunes, de nouveaux centres sans rendez-vous, de nouvelles lignes d'assistance téléphonique, de nouveaux groupes d'entraide composés de pairs, de nouvelles activités, des magazines, des sites Web pour les jeunes, des pièces de théâtre, des marchethons, des activités de sensibilisation et ainsi de suite. Par contre, à mes yeux, la chose primordiale, la chose la plus importante que l'on pourrait faire consisterait à créer un cours obligatoire de sensibilisation aux effets du tabac, commençant à la maternelle et se terminant probablement à la première année du secondaire, car à ce moment-là, les jeunes auront probablement une idée assez nette de ce qu'ils font et de qu'ils ne veulent pas faire, de ce qu'ils aiment et de ce qu'ils n'aiment pas, de ce qu'ils considèrent comme étant cool ou pas cool. Il est vrai que la sensibilisation peut aider par la suite, mais c'est un fait que ce n'est pas aussi efficace que durant l'enfance en tant que telle. Écoutez: je ne dis pas que cela n'aide pas, car cela est utile. Cela aide beaucoup. Tout ce que je dis, c'est que les efforts de prévention et de sensibilisation qui visent un jeune âge sont plus efficaces. Par conséquent, comme la sensibilisation aux effets du tabac après l'école secondaire se révèle utile, l'argent qui reste peut servir à une initiation aux techniques médiatiques qui permette aux jeunes de jeter un regard critique sur les annonces, ce qui les rend plus conscients et les habilite à prendre des décisions éclairées. Bien sûr, toute cette sensibilisation doit emprunter le ton du plaisir et ne pas donner dans le prêchi-prêcha, car, si je me fie à ma propre expérience, c'est la façon la plus efficace d'apprendre. Exemple: prendre des annonces de cigarettes et les transformer en annonces antitabac en modifiant les éléments de l'image initiale. On pourrait ajouter à cela des slogans, des bandes dessinées, des films. L'argent provenant du projet de loi S-15 pourrait rendre nettement plus efficaces les nombreuses activités de prévention: cela nous permettrait d'obtenir que des célébrités viennent animer des activités de sensibilisation, ce qui, sans aucun doute, attirerait l'attention des gens et attirerait les gens en plus grand nombre, de sorte que l'information serait traitée avec une efficacité beaucoup plus grande, car les jeunes aiment prendre exemple sur des modèles de comportement. Une autre chose encore que l'on pourrait faire, c'est de mettre des trousses d'information pour ceux qui souhaitent cesser de fumer et des affiches antitabac dans les zones de fumeurs autour des écoles secondaires publiques de Calgary, sans oublier les timbres à la nicotine distribués à titre gracieux, des collations saines, par exemple des fruits et des légumes, et des photos de jeunes de leur âge qui ont été touchés, directement ou indirectement par le tabagisme. Par conséquent, comme on le voit ici, si on nous fournit de fonds supplémentaires, nous pourrions faire nombre de choses qui n'auraient été qu'un rêve par le passé. En vous demandant de garder cela à l'esprit, je vous encourage à envisager d'adopter le projet de loi S-15, car votre décision, la décision des députés peuvent nous assurer un meilleur avenir. Mme Freeman: Je m'appelle Becky Freeman. Comme je l'ai déjà dit, je suis coordonnatrice des projets de réduction du tabagisme à l'Alberta Lung Association. Je suis également chef de projet du programme BLAST, dont Robyn a déjà parlé. L'Alberta Lung Association est née en 1939 sous le vocable Alberta Tuberculosis Association. Son objectif, à l'époque consistait à sensibiliser le grand public à la tuberculose, à organiser des radiographies thoraciques «de masse» et à fournir un service de réadaptation aux patients des sanatoriums. La lutte contre la tuberculose a été remportée pour l'essentiel par l'homme, de sorte qu'au fil des ans, l'Alberta Lung Association a élargi son champ d'action de manière à englober tout ce qui touche la santé des poumons. Aujourd'hui, notre mandat consiste à amasser des fonds pour financer les recherches sur la respiration, la santé communautaire, les programmes d'éducation et l'éducation professionnelle en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest. La consommation de tabac constitue la première cause évitable de maladies respiratoires et, donc, notre priorité. En outre, nous savons que plus de 80 p. 100 des fumeurs commencent à fumer avant l'âge de 18 ans, de sorte que nombre de nos programmes de réduction du tabagisme doivent cibler les jeunes. C'est pourquoi je trouve cela si intéressant que les compagnies de tabac affirment ne pas cibler les jeunes, alors que les jeunes sont la principale source de clients nouveaux. J'ai un peu de difficulté à croire cela. Il est possible de réduire la consommation de tabac chez les jeunes. De fait, nous savons comment le faire. Il nous faut financer une stratégie globale de réduction du tabagisme fondée sur des données. À l'heure actuelle, les fonds disponibles ne permettent pas d'instaurer un tel plan. Le projet de loi S-15 permettrait d'amasser les fonds dont on a tant besoin à cet égard. Si les 3 $ par habitant annoncés par le ministre de la Santé, Allan Rock, sont certes les bienvenus et que nous allons pouvoir nous en servir pour faire beaucoup de choses, cela n'est pas à la hauteur des lignes directrices des Centers for Disease Control. Les 12 $ par habitant qui sont proposés dans le projet de loi S-15 le sont. Le projet de loi S-15 garantit qu'il y aura du financement pour la réduction du tabagisme chez les jeunes. Pour que les initiatives menées portent fruit, il est essentiel de compter sur une source de financement fiable et durable. Un financement de cette ampleur recèle des possibilités qui font qu'un changement réel devient possible. L'expérience californienne montre qu'il est possible d'obtenir des résultats tout à fait étonnants, de ramener le taux de tabagisme chez les jeunes de 30 à 10 p. 100, à condition qu'il y ait des fonds pour financer les programmes communautaires, les campagnes de contre-publicité dans les médias de masse, l'implantation de politiques opportunes et l'évaluation et la mesure des résultats. En ce moment, l'Alberta Lung Association coordonne et finance plusieurs projets de réduction du tabagisme chez les jeunes, mais nous pourrions en faire beaucoup plus. Par exemple, nous savons que les jeunes ont besoin d'un programme pour cesser de fumer, qui viendrait compléter notre programme à l'intention des adultes. Nous recevons constamment des demandes de parents inquiets, d'écoles et de centres jeunesse à cet égard. De fait, tous les jours, on nous demande des ressources antitabac de tous acabits, qu'il s'agisse d'affiches, de guides pour les enseignants, de dépliants. Nous sommes submergés de demandes de cette nature tous les jours. Notre programme et plan de leçon pour une classe sans fumée est appliqué dans les écoles de toute la province, mais le programme pourrait rejoindre un nombre d'étudiants beaucoup plus grand, et le matériel lui-même doit absolument être révisé. L'Alberta Lung Association dirige également un programme baptisé BLAST, pour Building Leadership for Action in Schools Today. Ce programme donne aux étudiants les outils et l'information nécessaires pour élaborer des plans d'action à leur école même en vue de réduire la consommation de tabac. C'est un programme d'éducation et de leadership pour jeunes et entre jeunes. La taxe que propose le sénateur Kenny aiderait à renforcer les programmes de cette nature. Grâce à la création d'un fonds réservé à la réduction du tabagisme, les collectivités pourraient instaurer des initiatives nouvelles et originales en ce qui concerne la réduction et la cessation chez les jeunes. La somme par habitant - 50 cents - que fournit actuellement le gouvernement provincial au chapitre de la réduction du tabagisme ne permet pas de faire baisser le taux de tabagisme chez les jeunes. De fait, il est permis de croire que le taux de tabagisme chez les jeunes filles de l'Alberta est à la hausse et qu'il est, pour la première fois, plus élevé que le taux des garçons. Le président: De façon générale ou pour certains groupes d'âge seulement? Mme Freeman: C'est à la hausse chez les jeunes femmes. Comme les autres membres du milieu de la santé, l'Alberta Lung Association instaure ses programmes en disposant d'un budget minimal et de fonds imprévisibles. Il est très difficile de réaliser une planification de projet à long terme lorsque la demande de fonds est un souci constant, d'une année à l'autre. Un financement stable donne aux planificateurs comme moi-même une plus grande marge de manoeuvre pour concevoir et mettre en oeuvre des programmes de qualité, au lieu de se démener pour trouver des fonds tous les ans. L'Alberta Lung Association appuie sans réserve le projet de loi S-15 pour les garanties qu'il comporte en ce qui concerne les programmes de réduction du tabagisme chez les jeunes. C'est une mesure qui se fait attendre tous les ans, et j'encourage tous les Canadiens à lui donner leur appui. Merci beaucoup de m'avoir accordé ce temps. M. O'Hara: Honorable président et membres du comité, comme je l'ai déjà dit, je m'appelle Phil O'Hara. Je suis coordonnateur du YAAP - le Youth Action and Advocacy Project - en Alberta. Je suis aussi gestionnaire de projet responsable de l'étude provinciale de deux ans que nous effectuons pour essayer de déterminer le taux de tabagisme chez les jeunes en Alberta. Les jeunes ont besoin de prendre part aux décisions entourant les questions qui les touchent directement. À cette responsabilité partagée, il faut ajouter le besoin qu'ils ont d'agir pour régler leurs propres problèmes, et de faire valoir eux-mêmes leur point de vue. Avec les conseils des adultes et un minimum de ressources, les jeunes - avec l'énergie, l'enthousiasme et la créativité qu'ils peuvent mettre à contribution - sont en mesure d'accomplir des choses tout à fait étonnantes. Voilà, en bref, le message que je souhaitais livrer au comité aujourd'hui. Le passage que j'ai cité est pris littéralement dans la proposition de financement que j'ai conçue au nom de l'ATRA, l'Alberta Tobacco Reduction Alliance. Grâce à son fonds pour la santé de la population, Santé Canada a fourni à l'ATRA les fonds nécessaires pour lancer le Youth Action and Advocacy Project, en août 2000. Le YAAP aide les adolescents ayant entre 13 et 19 ans à se faire chefs de file de la lutte au tabagisme chez les jeunes. Le programme compte trois grands volets: les ateliers de renforcement de la capacité régionale, les subventions de démarrage visant les initiatives locales dirigées par des jeunes et la création d'un conseil consultatif des adolescents de l'Alberta. Vous pouvez assimiler les volets à de l'éducation, à des mesures concrètes et à de la représentation. Le programme YAAP est fondé sur les meilleures données disponibles et sur des stratégies qui se sont révélées fructueuses ailleurs. Il est centré sur des activités dirigées par des jeunes et non pas sur une sensibilisation aux problèmes de santé qui seraient dirigés par des adultes. Les recherches nous disent que 90 p. 100 des enfants de la quatrième année savent que fumer n'est pas bon pour la santé. Le problème n'est pas que les jeunes n'en savent pas assez sur le tabac; plutôt, c'est que les jeunes éprouvent de la difficulté à agir en fonction des connaissances qu'ils ont. Seuls 13 p. 100 des adolescents ont signalé à Santé Canada que le fait de fournir plus de renseignements sur le tabagisme et la santé aiderait à réduire le tabagisme chez les jeunes. Les études démontrent que pour mieux armer les jeunes afin qu'ils puissent appliquer leurs connaissances à la question du tabac, particulièrement avec leur réseau social, il faut qu'ils améliorent leur capacité de s'affirmer et leur capacité de reconnaître les influences négatives et d'y résister. Or, nous savons qu'une stratégie efficace pour améliorer l'affirmation de soi, c'est de fournir aux gens les possibilités et les appuis nécessaires pour se sentir plus habilités. Lorsque les jeunes ont l'impression qu'ils peuvent agir, ils agissent. Le YAAP fournit aux jeunes un accès à des ressources qui leur permet de prendre en charge des projets au sein de leur collectivité afin d'affirmer la décision qu'ils ont prise de ne pas consommer de tabac. Grâce à ces projets, les jeunes communiquent de manières créatrices avec leurs pairs au sujet de la consommation de tabac et des comportements à risque élevé qui y sont associés. De même, par l'entremise du conseil des adolescents, les jeunes participent à l'élaboration des programmes et des stratégies visant à réduire le tabagisme chez les jeunes. En participant aux activités en question, les jeunes sont en mesure de mieux résister aux pressions qui proviennent de leur propre réseau social et du milieu social dans son ensemble, pressions qui les poussent à s'adonner à des activités qu'ils savent nuisibles. C'est la théorie derrière le YAAP. Comment traduire cela concrètement? Les principaux résultats mesurables du YAAP depuis un an sont les suivants: nous avons animé huit ateliers sur l'éducation et la capacité régionale auxquels ont assisté environ 250 jeunes. Deux des ateliers étaient associés aux conférences BLAST dont Becky a parlé. Quarante propositions de projet ont été présentées par des jeunes, 33 projets ont été financés, et 74 000 $ ont été distribués sous forme de subventions de démarrage à des jeunes. Cela représente environ 50 p. 100 du budget global du YAAP. Dix-huit jeunes provenant de toutes les régions de l'Alberta ont été désignés comme étant les premiers membres du conseil des adolescents. Robyn est d'ailleurs membre elle-même. La collaboration locale est un élément essentiel des projets financés grâce aux subventions de démarrage du YAAP. Des mentors locaux d'âge adulte aident les jeunes à trouver des partenaires éventuels. Les jeunes peuvent demander une subvention de démarrage allant jusqu'à 3 000 $, mais ils doivent fournir une somme d'argent égale en collaborant avec des partenaires locaux pour établir un fonds ou obtenir des contributions en nature. La participation de partenaires comme les régies régionales de la santé, l'AADAC, l'Alberta Lung Association, les écoles, les conseils de jeunes, les municipalités et d'autres encore est un élément indispensable du succès de ces projets. Si ce n'était de leur appui, il n'y aurait pas de projets locaux. Vous avez entendu parler aujourd'hui de certains des projets que finance le YAAP, et vous allez entendre parler de quelques projets encore demain, à Edmonton. La Loi sur la protection des jeunes contre le tabac est une étape importante pour l'élaboration et le soutien d'approches globales qui, nous le savons, sont nécessaires pour réduire la consommation de tabac chez les jeunes. La loi permettra de bâtir l'infrastructure nationale et régionale essentielle au soutien des approches en question. Pour ceux d'entre nous qui travaillent sur la ligne de front pour réduire le tabagisme chez les jeunes, la loi permet d'envisager l'arrivée de ressources qui feront durer les activités locales dirigées par les jeunes eux-mêmes, éléments clés d'une approche globale et efficace. Le président: Merci. Avant de commencer à poser des questions, je voulais dire aux membres de l'auditoire - ceux qui viennent se joindre à nous et ceux qui sont là depuis un certain temps déjà - qu'ils assistent à une des audiences du comité qui voyage pour étudier le projet de loi S-15, Loi sur la protection des jeunes contre le tabac. Nous avons eu des audiences à Vancouver hier; nous sommes à Calgary aujourd'hui. Nous nous retrouverons plus tard à Edmonton, à Toronto et à Montréal. Le comité tient ces audiences pour sonder l'opinion des Canadiens à propos du projet de loi et si quelque chose de nouveau surgit, si des modifications sont proposées, nous allons modifier le projet de loi avant de le renvoyer à la Chambre pour une troisième et dernière lecture. S'il est adopté par le Sénat, il sera renvoyé à la Chambre des communes et puis, s'il est adopté là aussi, il sera renvoyé à la gouverneure générale pour qu'elle puisse y donner la sanction royale. Je tiens simplement à rappeler aux gens que si quiconque souhaite entendre les discussions en anglais ou en français, nous pouvons leur fournir des écouteurs pour la traduction. Le sénateur Banks: Je tiens d'abord à dire merci beaucoup à ce groupe de témoins, d'abord, pour tout le travail qu'il a accompli et, ensuite, pour être venu témoigner aujourd'hui. Nous vous sommes très reconnaissants. Je voulais demander à Robyn et à Shawna, qui sont là «sur le terrain» dont il est question ici - en passant, avez-vous des amis qui fument? Mme Leclair: Oui. Le sénateur Banks: Et si certains de vos amis fument, je suis sûr que vous devez - étant donné l'engagement évident que vous avez pris de convaincre les jeunes de ne pas fumer - leur en parler de temps à autre. Nous entendons toujours dire que, pour avoir une approche globale qui permettrait de convaincre les jeunes de ne pas fumer - et nous croyons que cela est vrai, toutes les données portent à le croire -, mais... je suis un peu curieux... j'aimerais savoir si, de nos jours, car ce n'était pas la même chose quand j'avais votre âge - quelle est la réaction des jeunes lorsqu'on leur dit: «Tu n'as pas vu les photos? Tu n'as pas vu les vidéos? Tu n'as pas vu les annonces? Tu ne savais pas telle ou telle chose? Et, enfin, «t'es mon ami et je ne veux pas que tu te fasses de mal à toi-même?» Quel genre de réaction obtenez-vous de vos amis qui fument, si vous en avez, lorsque vous posez ces questions? Mme Leclair: J'ai des amis qui fument, et lorsque je les affronte directement sur la question - ce sont mes amis - ils écoutent ce que j'ai à dire. Pour être franche, ils n'aiment pas entendre ce que j'ai à dire, mais je le leur dis quand même; mais le fait de leur montrer cela et de leur dire ce que cela fait ne semble pas vraiment avoir beaucoup d'effet sur eux. Le sénateur Banks: Comprenez-vous cela? Mme Leclair: Oui. Le sénateur Banks: Pouvez-vous comprendre pourquoi? Mme Leclair: Non Essentiellement, ils affirment qu'ils peuvent arrêter au moment où ça leur tente et qu'ils peuvent arrêter à n'importe quel moment; ils ne pensent donc pas que cela les touche en ce moment, mais ils ne voient pas ce qui surviendra à l'avenir. Le sénateur Banks: Et vous, Shawna? Mme Dekort: C'est essentiellement la même chose pour moi. J'ai discuté avec à peu près les mêmes gens que Robyn à l'école, et ils écoutent parce que ce sont nos amis, mais ils ne s'en fichent pas. Ils croient que cela ne va jamais leur faire de mal et que rien ne leur arrivera jamais, même si les probabilités sont meilleures qu'il leur arrive de quoi. Le président: Ils disent probablement qu'ils vont mourir de toute manière. Mme Dekort: Oui. Le sénateur Banks: J'aimerais poser une question à Sirisha. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, WINIT vérifie bénévolement la conformité sur le terrain. Ai-je bien compris? Mme Tunugunt: Oui. Le sénateur Banks: Pourquoi avez-vous besoin d'argent pour cela? Mme Tunugunt: Pour vérifier la conformité, nous devons miser sur des bénévoles, et nous devons également informer les gens. Voilà pourquoi nous avons besoin de fonds. Le sénateur Banks: Pour informer les gens au sujet des exigences en matière de conformité? Mme Tunugunt: En réalité, je ne suis pas certaine des besoins financiers à cet égard. Je pense que Diane est mieux placée que moi pour répondre à la question. Elle est notre coordonnatrice. Le sénateur Banks: D'accord. Ma question est la suivante, Diane: si vous vous êtes donné pour tâche de vérifier bénévolement la conformité, pourquoi avez-vous besoin de plus d'argent? Mme Cassidy: La question n'est pas que nous avons besoin d'argent expressément aux fins de la conformité. Pour s'occuper du groupe WINIT ou pour le soutenir, nous devons cependant payer des gens. Le sénateur Adams: Ma question a trait à la famille des personnes assises autour de la table. Les membres de votre famille fument-ils? Votre père ou votre mère fument-ils? Vous pouvez tous répondre. Mme Leclair: Ma mère fume, et mon frère aussi. Mme Dekort: Ma mère fume. Le sénateur Adams: Vos mères à toutes deux fument donc. Quant à vous, vous ne voulez pas fumer. Votre mère se sent-elle coupable à l'idée de fumer aujourd'hui? Comment vous sentez-vous à ce sujet? Vous faites votre travail. Est-elle heureuse du travail que vous faites? Mme Leclair: Après la conférence BLAST, ma mère voulait cesser de fumer. Seulement - je ne sais pas. Le sénateur Adams: Dans les collectivités que je connais bien, il y a toujours des jeunes qui se rendent à l'école avec un paquet de cigarettes. Souvent, pendant la pause du matin et de l'après-midi, ils fument et, habituellement, offrent des cigarettes à certains jeunes qui ne fument pas. Ils leur demandent s'ils aimeraient une cigarette. Êtes-vous témoin de ce genre de chose dans vos écoles? Je sais que vous n'avez pas le droit de fumer en classe, mais, pour le reste, comment les choses se passent-elles? Vous vous dites préoccupés par le projet de loi S-15. Allez-vous vous sentir plus forts, et, lorsque vous serez de retour à l'école, dire aux autres jeunes que fumer est mauvais pour la santé? Mme Dekort: Eh bien, la plupart des jeunes fument avant de venir à l'école, après l'école, pendant l'heure du dîner ou l'après-midi, s'ils ont décidé de sécher leurs cours, mais on a beau les informer des risques qu'ils courent, ils ne se sentent pas concernés. Ils ne pensent pas qu'ils pourront un jour être atteints du cancer du poumon. Ils se disent que cela ne pourrait arriver qu'à d'autres, mais pas à eux, et c'est pourquoi je crois que, dans le projet de loi S-15, on devrait affecter des fonds à la démarche. Le sénateur Adams: Je crois que je vais adresser ma question à Diane. Vous dirigez un groupe qui s'est donné pour tâche d'éviter que les jeunes ne commencent à fumer. Comme le sénateur Banks, j'aimerais que, dans les salles de classe de toutes les écoles du pays, on incite les jeunes à ne pas fumer. Si vous disposiez aujourd'hui de plus d'argent, croyez-vous que vous pourriez convaincre un plus grand nombre de jeunes de ne pas commencer à fumer? Mme Cassidy: À la Régie régionale de la santé de Calgary, nous nous sommes concentrés sur la formation de pairs éducateurs. Nous avons donc initié des jeunes à la façon de mettre des programmes en oeuvre dans leurs propres salles de classe ou peut-être auprès de jeunes légèrement moins âgés qu'eux. Selon notre expérience, le message passe mieux que s'il est véhiculé par l'enseignant. Les jeunes ont mieux réussi à exécuter ces programmes. À l'heure actuelle, nous n'en sommes qu'au stade de l'évaluation des programmes. Nous avons mené certains projets pilotes. Les résultats initiaux indiquent que les programmes ont un effet et que les jeunes retiennent ce que leurs disent leurs pairs. Les filles du groupe WINIT se rendent également dans les salles de classe pour présenter des exposés. Nous affectons également des fonds à l'élaboration de trousses destinées aux enseignants, aux infirmières en milieu scolaire et aux travailleurs auprès des jeunes, que nous initions à la façon de parler aux jeunes et de travailler avec eux. Le sénateur Adams: Le sénateur Kenny connaît peut-être la réponse à la question, mais les enseignants se sont-ils dotés d'une politique sur le tabagisme et sur les moyens de dissuader les jeunes de fumer? Si le projet de loi est adopté et reçoit la sanction royale, les enseignants seront-ils mieux habilités à dire aux jeunes de ne pas commencer à fumer? Le sénateur Kenny: Eh bien, on trouve dans le modèle des Centers for Disease Control d'Atlanta une recommandation visant le financement de programmes en milieu scolaire. On n'enjoindra pas nécessairement aux enseignants de ne pas fumer, mais, à supposer que la fondation adopte un modèle analogue, on augmentera considérablement les fonds affectés aux écoles; à l'heure actuelle, les écoles ne reçoivent pas de fonds. Le sénateur Adams: Une dernière question à poser, monsieur le président. Je ne compte pas beaucoup de garçons parmi les témoins d'aujourd'hui. Peut-être sont-ils trop accaparés par leurs travaux scolaires. Peut-être aussi ont-ils des intérêts plus diversifiés et ne se préoccupent-ils pas autant de la question du tabagisme? Mme Leclair: Les garçons de notre école se préoccupent d'abord et avant tout des sports auxquels ils s'adonnent. Quant à nous, nous nous réunissons tous les jeudi midi à l'heure du lunch, mais les garçons ne veulent pas venir parce que, franchement, ils ne veulent pas le faire. C'est simplement qu'ils ne veulent pas assister aux réunions. Ils préfèrent aller dehors. À l'heure actuelle, un seul garçon fait partie du comité, il lui arrive parfois de ne pas venir aux réunions parce qu'il préfère aller dehors. Le sénateur Kenny: Monsieur le président, nous avons affaire à un groupe de témoins impressionnant. J'ai apprécié ce groupe de témoins plus que bon nombre d'autres, et c'est précisément ce que le projet de loi vise à accomplir. J'ai une question que je vais poser à tous les témoins, à commencer par vous, Sirisha. Pourquoi en êtes-vous venue à vous intéresser à cette question? Pourquoi avez-vous décidé de consacrer du temps à la prévention du tabagisme ou aux mesures à prendre pour dissuader vos amis de fumer? Mme Tunugunt: J'y ai vu une bonne action et une bonne occasion de faire du bénévolat. De plus, la question est très intéressante parce que je connais de nombreuses personnes qui fument, dont bon nombre d'élèves à l'école. J'ai donc voulu en savoir plus à ce sujet et me renseigner. La question m'est apparue des plus intéressantes. Le sénateur Kenny: Gorana? Mme Radovic: Mes parents fument tous les deux. Il y a trois ans, ma mère a cessé de fumer, et j'ai été témoin de son sevrage, qui n'a rien eu de réjouissant. J'ai donc voulu faire quelque chose pour venir en aide à mes pairs et à mes amis. Je me suis jointe au mouvement, qui me donne l'occasion de rencontrer de nouvelles personnes et d'apprendre des choses. C'est amusant, et nous faisons de nombreuses activités. Essentiellement, je veux venir en aide à mes amis, les informer et, dans la mesure du possible, les aider à cesser de fumer. Le sénateur Kenny: Shawna. Mme Dekort: Si je me suis jointe au mouvement, c'est que bon nombre de mes amis de l'école fument, que ma mère fume et que je n'aime pas les personnes qui fument. Fumer ne correspond pas à leur personnalité. Je suis contre la consommation de tabac, habitude que je trouve dégoûtante. Comment peut-on se faire cela soi-même? Je fais beaucoup de sport, et il y a des membres de mes équipes qui fument. Je voulais simplement les amener à faire autre chose que rester assis à fumer à la maison. Je voulais les inciter à sortir et à avoir du plaisir avec leurs amis, au lieu de gâcher leur vie. Le sénateur Kenny: Robyn. Mme Leclair: Au début, l'idée ne m'a guère séduite. Je n'étais pas convaincue. Je croyais avoir des choses plus importantes à faire. En apprenant des choses, je me suis en quelque sorte prise au jeu. Nous avons ensuite poussé la réflexion plus loin. Je joue au soccer, et Shawna et moi faisons partie de la même équipe. Nous connaissons de nombreux jeunes qui fument tout en continuant de jouer au soccer. Nous nous sommes dit que, ensemble, nous pouvions tenter de les convaincre de cesser de fumer. Grâce au soccer, nous connaissons de nombreux jeunes. Nous avons pensé que le fait de nous réunir dans le cadre de ce genre de démarche nous permettrait à coup sûr de venir en aide à bon nombre de personnes que nous connaissons. Le sénateur Kenny: Je tiens à vous dire que c'est le fait d'entendre des personnes comme vous qui donne un sens à ce que nous faisons. C'est pour cette raison que nous sommes là. C'est parce qu'il y a ici des gens comme vous. Je tiens à vous remercier beaucoup. Entendre votre conception des choses change tout. Le fait de savoir ce que vous pensez apporte une aide considérable au comité. Le sénateur Spivak: Je tenais moi aussi à remercier les témoins. La rencontre a été des plus intéressantes. Je veux poser des questions à Robyn et à Shawna en particulier. J'ai l'impression que vous êtes les plus jeunes membres du groupe. J'ai l'impression que les jeunes d'aujourd'hui veulent avoir du plaisir, non? Mme Leclair: Oui. Le sénateur Spivak: Dans cette région du pays, on s'adonne au surf des neiges. J'ai moi-même des enfants qui pratiquent ce sport, et ainsi de suite. Le fait de fumer fait-il partie de cette culture, de la culture du plaisir? Vous avez fait allusion à des jeunes qui jouent au soccer et fument. La cigarette fait-elle partie du tableau d'ensemble? Faut-il fumer et sortir pour boire un verre ou une tasse de café pour avoir du plaisir? Faire de la planche à neige, jouer au soccer, je ne sais trop - est-ce ainsi que les jeunes voient les choses? Je voulais simplement savoir si les jeunes tenaient pour acquis que la cigarette fait partie des conditions à réunir pour avoir du plaisir. Mme Leclair: La cigarette s'insère en quelque sorte dans la pratique des sports. Avant ou après un match, on fume; après un match de soccer, on se rend dans un bar. Au moment où nous nous parlons, nous envisageons d'écrire une lettre au Calgary Soccer Centre pour faire interdire la cigarette au centre de soccer. Le sénateur Spivak: Des personnes comme Madonna, par exemple, fument. Cela change-t-il quelque chose pour vous? Je ne suis pas certaine que Madonna fume. Je n'ai pas vu de vidéos d'elle, récemment, mais je sais que Madonna ne sort jamais au soleil et qu'elle a un teint magnifique. Cela change-t-il quelque chose? Les jeunes se feraient-ils moins bronzer s'ils savaient que Madonna, qui est absolument superbe, ne va jamais au soleil et a une jolie peau? J'essaie ici de m'intéresser à la psychologie des jeunes. Non? Cela changerait-il quelque chose ou non? Mme Dekort: Tout dépend de la personne, parce que je connais bon nombre de personnes qui fument simplement pour fumer, et j'en connais de nombreux autres qui fument parce qu'elles ont l'impression que cela leur donne un genre. Tout dépend des motivations de chacun. Le sénateur Banks: Parlons de cette question pendant un moment. À la lumière de votre expérience et des discussions que vous avez avec eux, pourquoi les jeunes commencent-ils à fumer. Compte tenu de toutes les données que nous avons aujourd'hui au sujet des effets de la cigarette, pourquoi quelqu'un commence-t-il à fumer? À cause des types séduisants qu'on voit au cinéma? À cause du grand frère qui fume? À cause des parents qui fument? À première vue, pourquoi pensez-vous que des jeunes commencent à fumer? Le sénateur Spivak: Avant que vous ne répondiez, permettez-moi d'abord de faire une observation. Quand j'étais jeune, la cigarette était mêlée à toutes nos activités. Quand nous jouions au golf, nous fumions; quand nous prenions un café, nous fumions; quand nous nous assoyions pour bavarder, nous fumions. La cigarette faisait partie du plaisir, et je me demande si cette idée très ancienne continue de bien se porter. Mme Dekort: Parfois. Mme Leclair: À mon avis, les publicités que présentent aujourd'hui les fabricants de tabac sont très convaincantes. Ces publicités jouent un rôle important, et les personnes qui publient les annonces et les font réaliser ne sont pas n'importe qui. Ce sont des personnes connues. Ces publicités ont un effet marqué. On n'utilise pas non plus n'importe qui. On fait appel à des vedettes que l'on reconnaît facilement. Le président: Pourrait-on utiliser la même technique pour convaincre le jeune de ne pas fumer? Si, par exemple, on demandait à un athlète de pointe ou à un chanteur rock de faire tout un tapage autour des méfaits de la cigarette, et ainsi de suite, cela nous serait-il utile? Mme Dekort: Je crois que oui parce que ce genre de publicité, s'il incite les jeunes à fumer, devrait aussi les inciter à ne pas le faire. M. O'Hara: Si je peux me permettre, je vais ajouter un mot à ce que vous avez dit. Les jeunes, au moment où ils font l'expérience du tabac et acquièrent l'accoutumance qui s'y rattache, ne prennent pas une décision rationnelle et ne font pas non plus un choix rationnel. On ne peut donc pas laisser entendre qu'il y a certaines phases et étapes très visibles par lesquelles ils passent. Ce n'est habituellement pas ainsi que les choses se passent. En général, il faut deux ans pour que des jeunes soient dépendants, et, pendant ce processus, la consommation augmente et diminue. Par moments, les jeunes fument beaucoup; à d'autres occasions, leur consommation diminue. Le processus n'est donc pas facile à comprendre. Il est extrêmement complexe, et il est clair qu'on n'a pas affaire à un choix rationnel. En outre, les attitudes des gens changent. J'ai discuté avec un grand nombre de jeunes de l'âge de Robyn et de Shawna qui étaient radicalement contre le tabac. Deux ou trois ans plus tard, parce que leur milieu social a changé et que fumer constitue un élément important du réseau social, ils attachent une incroyable valeur à l'adoption du comportement. Ils ont du mal à renoncer au tabac, parce que, ce faisant, ils devraient aussi quitter leur réseau social. On a donc affaire à un phénomène d'une incroyable complexité. Le sénateur Spivak: Nous voulons tous être acceptés. C'est une affaire de mode de vie. Ce n'est pas facile parce qu'on doit adopter un mode de vie tout à fait différent. C'est une affaire entendue. En Scandinavie, la culture et le mode de vie sont tout à fait différents. Ce que je trouve bizarre, c'est de constater que le comportement demeure si profondément ancré qu'il refuse de disparaître, au même titre qu'il était quand j'étais jeune. M. O'Hara: La bonne nouvelle, c'est que les trois quarts des jeunes ne fument pas. Environ 70 p. 100 des jeunes font l'essai du tabagisme, mais les deux tiers d'entre eux ne deviennent pas des fumeurs d'habitude. Si un grand nombre de jeunes font l'essai de la cigarette, ils ne deviennent pas nécessairement des fumeurs d'habitude. C'est donc une bonne nouvelle. En fait, les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises. Le président: J'aimerais poser une question. Le projet de loi se traduira notamment par une majoration considérable du prix des cigarettes. À votre avis, quel est l'effet du prix des cigarettes? En d'autres termes, le fait d'augmenter de 50 cents le prix d'un paquet de cigarettes mettra-t-il un frein au tabagisme? Il a beaucoup augmenté au cours des deux ou trois dernières années. Croyez-vous qu'il y ait un rapport? Mme Cassidy: L'University of Illinois, à Chicago, a réalisé une recherche dont les résultats ont été publiés aujourd'hui même. Selon cette recherche menée sur six ans auprès de jeunes, le fait d'augmenter de 10 p. 100 le prix des cigarettes entraînera une diminution de 10 p. 100 du nombre d'adolescents qui fument. Le président: Le prix entraîne donc une légère diminution. Mme Cassidy: Oui. Le sénateur Adams: À votre avis, quel est l'effet des règlements antitabac sur l'emploi? Si, par exemple, je suis un homme d'affaires qui possède une petite entreprise et que je ne fume pas, je ne voudrai peut-être pas embaucher une personne qui fume, ou peut-être l'embaucherai-je à contrecoeur. On peut aussi imaginer que les règlements antitabac s'appliquent. À l'école, avez-vous aujourd'hui le sentiment que, au moment où vous terminerez vos études collégiales ou universitaires, vous aurez plus de chances de trouver un emploi si vous ne fumez pas que si vous fumez? Est-ce le sentiment que vous avez, ou rien ne permet-il de croire que, à l'avenir, les non-fumeurs réussiront à trouver un meilleur emploi? Mme Leclair: Oui, je pense que de nombreuses personnes croient que le fait de ne pas fumer leur donnera une meilleure chance de trouver un emploi, de se faire confier la garde d'enfants ou je ne sais quoi parce que les parents préfèrent que les personnes qui s'occupent de leurs enfants ne fument pas. Le sénateur Adams: Aujourd'hui, les scouts, les guides et d'autres associations ont leurs propres règles. À votre avis, les non-fumeurs et les jeunes devraient-ils appartenir à une forme ou une autre d'organisation dont les membres seront incités à ne pas commencer à fumer? Mme Leclair: Je ne sais pas. Le président: Je veux poser une question à Phil O'Hara. Y a-t-il une corrélation entre les étudiants qui fument et les notes qu'ils obtiennent? Un témoin a laissé entendre qu'il arrive aux fumeurs de faire la classe buissonnière l'après-midi. Les fumeurs ont-ils tendance à s'absenter de l'école en raison de leur habitude? Dans le monde des affaires, nous disions toujours que la façon d'obtenir d'un fumeur qu'il signe à peu près n'importe quoi consiste à tergiverser jusqu'à temps qu'il n'ait qu'une idée en tête: sortir fumer. Je me demandais donc si le tabagisme avait une incidence sur les notes des étudiants ou s'il existe une corrélation entre les notes des étudiants et le fait de fumer? M. O'Hara: Il y a une corrélation avec le statut socioéconomique, ce qui a également une incidence sur les notes que les étudiants obtiennent, en particulier au stade de l'expérimentation de la cigarette plutôt qu'à celui de l'accoutumance. Les personnes qui obtiennent de plus faibles notes et celles qui appartiennent à un milieu socioéconomique faible sont plus susceptibles de faire l'essai du tabac et, par la suite, de devenir des fumeurs d'habitude. Comme je l'ai indiqué, il s'agit d'un phénomène d'une incroyable complexité, et nous sommes bien loin de comprendre pourquoi certains jeunes font l'expérience du tabac, pourquoi certains d'entre eux fument pendant un certain temps pour ensuite cesser et pourquoi d'autres deviennent des fumeurs d'habitude. Nous ne comprenons pas encore les raisons du phénomène. Le président: Le groupe de jeunes qui comparaît devant nous me semble très bien organisé. Avez-vous songé - et bien entendu, la réponse s'adresse aussi aux membres du groupe précédent, s'ils souhaitent prendre la parole - à des boycotts? Si, en d'autres termes, on voit dans une vidéocassette une personne en train de fumer, il faut inciter les gens à ne pas en faire l'acquisition. Si le héros ou l'héroïne d'un film fume, on ne l'achète pas. A-t-on tenté de boycotter ne serait-ce, par exemple, qu'une pharmacie qui vend des produits du tabac? A-t-on réfléchi à la possibilité d'organiser des boycotts? Des groupes ont-ils travaillé à de tels projets? Mme Freeman: Les fabricants de tabac ont offert de l'argent à l'Alberta Lung Association pour le parrainage de programmes, et nous avons décliné ces offres parce que, à notre avis, l'argent est souillé. Le président: Je pense qu'il nous reste une minute ou deux. Quelqu'un a dit avoir vu le Dr Hasselback hocher la tête. Êtes-vous en accord ou en désaccord avec les propos tenus ici? Dr Hasselback: La question est de savoir pourquoi les jeunes commencent à fumer soulève quelques enjeux, et Phil vous a fourni un peu d'information à ce sujet, notamment en ce qui a trait à la complexité du processus décisionnel en jeu. J'ai ici certains documents qui portent sur des études réalisées dans notre domaine, lesquelles portent expressément sur les raisons de ces choix. La corrélation la plus importante, naturellement, a trait à la présence de fumeurs dans la famille; le deuxième facteur en importance tient au statut de fumeur de la personne la plus proche à ce moment, soit le petit ami ou la petite amie. Les amis viennent ensuite. La question du tabagisme est donc d'une certaine façon axée sur les pairs, et non sur l'atmosphère festive associée au tabac. En fait, ce facteur semble en voie de disparition. Les temps comme les habitudes changent. Le phénomène dont on est ici témoin tient de la contre-culture: les schèmes de croyances chez les jeunes sont en voie de changer. En ce qui concerne les boycotts, je pense que c'est aux jeunes qu'il incombe de nous dire quand des boycotts s'imposent et, dans notre région, des jeunes ont décidé que certains restaurants opposés à l'interdiction du tabac ne méritent pas leur clientèle. Le sénateur Banks: Je suis d'accord avec vous, monsieur O'Hara, pour dire qu'il s'agit d'une question complexe, qu'on ne peut expliquer de façon rationnelle, parce que le tabagisme est irrationnel, mais je ne suis pas d'accord pour dire qu'il s'agit d'un problème si complexe ou difficile à expliquer. Si, dans le cadre d'un contre-interrogatoire serré, vous demandiez à des personnes de préciser les raisons pour lesquelles elles fument, vous vous rendriez compte que nous avons probablement évoqué la plupart des motifs ici aujourd'hui. Ces motifs varient peut-être d'une personne à l'autre, mais je pense qu'on pourrait dresser une liste de ceux qui sont les plus fréquents. Je procède à un examen rétrospectif, et je me demande pourquoi. En partie, le phénomène s'explique par le fait que, dans les films de l'époque, à chaque fois que quelque chose d'important allait se passer, sauf si on se trouvait dans le Colisée de Rome, tout le monde s'interrompait pour fumer une cigarette. Dès que la tension montait, on allumait, et ainsi de suite. Je pense que nous pourrions probablement dresser une liste de tels facteurs et conclure que ce sont là ceux qui, pour l'essentiel, incitent les jeunes à fumer, malgré toutes les données qui devraient au contraire les décourager de le faire. Je suis d'accord pour dire que la liste est longue. Le président: Je vous remercie beaucoup de votre présence aujourd'hui. Honorables sénateurs, nos témoins suivants représentent trois groupes: en effet, nous accueillons Kim Ehrhardt et Renae Lazorko, de Building Leadership for Action in Schools Today (BLAST), Justienne Galbraith et Juan Delgado, du North of McNight Youth Group, et le Dr Brent Friesen, de la Régie régionale de la santé de Calgary. La parole est à vous. Mme Renae Lazorko, membre, Building Leadership for Action in Schools Today (BLAST): Mesdames et messieurs, bonjour. Je m'appelle Renae Lazorko, et j'ai à mes côtés Kimberly Ehrhardt. En novembre 1999, Kim et moi avons été invitées à assister à une conférence BLAST. Au cours du camp d'une durée de trois jours, nous avons appris à organiser et à exécuter une campagne antitabac. Nous avons acquis un grand nombre de connaissances, que nous avons utilisées non seulement pour lancer notre propre campagne, mais aussi tout au long du déroulement de celle-ci. Pendant le camp, nous avons assisté à des exposés à la fois amusants et instructifs. Nous avons gagné du courage; à notre retour à l'école secondaire de premier cycle, nous n'avions plus peur de dire notre façon de penser. Avant le lancement de notre campagne, nous avons décidé des groupes d'âge que nous allions cibler. Kim et moi avons décidé de cibler les cinquième à la huitième années parce que notre professeur de gymnastique nous avait appris que des jeunes de cinquième année à notre école fumaient. Les jeunes n'avaient aucun mal à se procurer des cigarettes. Bon nombre de dépanneurs vendaient sans difficulté les produits du tabac à des mineurs. Lorsqu'on commence à fumer, on doit en moyenne faire cinq tentatives pour parvenir à arrêter effectivement. Mme Kimberly Ehrhardt, membre, Building Leadership for Action in Schools Today (BLAST): Notre campagne visait un certain nombre d'objectifs. Nous avons lancé un club de non-fumeurs. À l'occasion de nos rencontres, nous préparions des affiches couleur et réfléchissions à des moyens de prévenir le tabagisme. Notre groupe se composait de jeunes de la cinquième à la huitième années, et nous nous réunissions tous les mardis. Quand les affiches ont été terminées, nous les avons réparties dans toute l'école. Nous avons produit une exposition sur les ingrédients que renferme une cigarette, laquelle a été présentée à la bibliothèque. Nous avons filmé sur vidéocassette des jeunes de la cinquième à la huitième années et consigné leurs commentaires sur le tabagisme durant et après le visionnement de la vidéocassette intitulée «Truth or Dare», même si nous n'avons pas pu mener ce projet à bien comme prévu. À l'occasion de la soirée familiale consacrée à la santé à notre école, les élèves de la huitième années ont présenté un numéro de chant et de danse résumant leurs réflexions sur le tabagisme. De la même façon, un groupe d'élèves de la cinquième année a présenté une saynète portant sur le sort qui attend les personnes qui fument. Nous avons entrepris une campagne d'envoi de lettres au Northeast Sportsplex pour encourager l'organisation à devenir un environnement sans fumée. Mme Lazorko: Faute d'un soutien financier, nous n'avons pas été en mesure de réaliser certaines de nos idées. Avec plus de soutien, nous aurions pu mener à bien notre projet de vidéocassette. Avec plus de soutien financier, nous aurions fait l'acquisition d'une vidéocassette éducative et d'autres documents portant sur le tabagisme, lesquels nous auraient permis d'assurer une sensibilisation continue des élèves. S'il y avait plus d'argent, un plus grand nombre de jeune pourraient assister aux conférences BLAST et apprendre ce que nous avons appris pour ensuite sensibiliser leurs pairs. Mme Ehrhardt: Notre campagne, cependant, a été une réussite. Nous savons que nous avons déjà fait bouger les choses. Si nous le savons, c'est parce que, à la suite de la présentation de la vidéocassette, les élèves qui fument nous ont écrit pour nous dire qu'ils allaient y réfléchir à deux fois avant d'allumer une nouvelle cigarette. Nous avons atteint nos buts, et l'ensemble des enseignants et des élèves de la cinquième à la huitième années ont participé. Nous ne modifierions notre plan en rien, à ceci près que nous ferions l'impossible pour respecter l'échéancier fixé par notre directeur. Même si nous avons aidé ne serait-ce qu'une personne à cesser de fumer, notre campagne, nous le savons, aura été une réussite. Mme Lazorko: Si le projet de loi S-15 était adopté, nous pensons qu'il y aurait assez d'argent pour financer un plus grand nombre de programmes dirigés par des pairs comme le nôtre. Le projet de loi S-15 apporterait véritablement une aide aux jeunes du pays. Mme Justienne Galbraith, membre, North of McNight Youth Council: Monsieur le président et honorables sénateurs, bonjour. À mes côtés se trouve Juan Delgado. Je suis une élève de l'école secondaire James Fowler âgée de 16 ans. Notre groupe fonctionne en partenariat avec des adultes. Il donne à des jeunes la possibilité de jouer un rôle plus grand et d'influer sur les décisions communautaires. Bon nombre de Canadiens, en particulier les jeunes, se laissent séduire par les produits du tabac. Chaque année, le gouvernement fédéral tire 2,2 milliards de dollars des taxes sur les produits du tabac, et 80 millions de dollars proviennent de la vente illégale de produits du tabac à des jeunes. Si mes amis ont commencé à fumer, c'est en raison des publicités dans les médias et des pressions des pairs. Fumer était la chose à faire pour se donner un genre. Quand ils ont commencé à fumer, ils n'étaient pas au courant des effets nuisibles du tabac sur leur santé et sur celle des personnes de leur entourage. En tant que jeunes, nous ne disposons pas de toute l'information nécessaire pour mesurer les effets dévastateurs du tabac sur notre vie. Pendant que nous grandissions, on nous a simplement dit que le tabac n'est probablement pas ce qu'il y a de mieux pour nous et que nous devrions renoncer à en consommer. J'ai moi-même été témoin du mal que mes amis ont eu à cesser de fumer sans l'aide, les ressources et le soutien dont ils avaient besoin. Si le projet de loi est adopté, on imposera aux fabricants de tabac des taxes d'une valeur de 360 millions de dollars par année pour venir en aide à ces jeunes, comparativement au programme gouvernemental de 120 millions de dollars par année. On a dit qu'il était plus difficile de modifier l'attitude des jeunes vis-à-vis des produits du tabac que celle des adultes. Voilà pourquoi le projet de loi est si important. Il donnera à de nombreux groupes et organismes, premièrement, les moyens d'aider les jeunes Canadiens qui fument à cesser de le faire et, deuxièmement, à diffuser des connaissances sur les effets dévastateurs des produits du tabac, dans l'espoir que ceux qui n'en consomment pas aujourd'hui ne commenceront pas à le faire. Des groupes comme le mien sont en mesure de mettre l'accent sur l'aide aux jeunes qui souhaitent cesser de fumer de même que sur la prévention du tabagisme chez les autres. Pour en arriver à une véritable réduction du nombre de jeunes qui fument, on devrait en effet s'attaquer aux deux problèmes. Il ne s'agit pas d'une solution cosmétique sur cinq ans. La mesure sera appliquée pendant assez longtemps pour faire bouger les choses. On mettra en oeuvre de nombreuses stratégies pour contribuer à lutter contre le tabagisme. Certaines initiatives donneront de bons résultats pour certaines personnes et demeureront sans effet sur d'autres. Les essais ne seront pas tous couronnés de succès. Selon un sondage national Environics réalisé en juin-juillet 2000, les Canadiens appuyaient le projet de loi S-20, soit le prédécesseur du projet de loi S-15, dans une proportion de 74 p. 100 contre 25 p. 100. Le gouvernement s'est dit intéressé à réduire le taux de tabagisme chez les jeunes Canadiens. Le projet de loi S-15, Loi sur la protection des jeunes contre le tabac, a été adopté en deuxième lecture et est actuellement examiné en comité. Sur la foi de mon travail au sein du conseil de jeunes et de mon expérience personnelle, j'ai appris que les jeunes se sentent mieux et réussissent mieux lorsqu'ils comprennent qu'on se soucie d'eux. L'adoption du projet de loi leur montrerait qu'il y a non pas une ou deux personnes qui se préoccupent de leur bien-être, mais au contraire un pays tout entier, y compris le gouvernement. L'ayant compris, les jeunes aideraient des groupes et des organismes à trouver des moyens de bloquer la voie destructrice du tabagisme. Ce n'est pas comme si les sommes allaient être simplement remises à la Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes proposée et redistribuée à tout organisme en quête de financement, sans que personne ait la moindre idée de l'utilisation des fonds. La Fondation proposée devra présenter un rapport annuel au Parlement. Le comité consultatif de jeunes proposés sera donc l'un des résultats les plus positifs de l'adoption du projet de loi. De cette façon, les jeunes croiront qu'ils auront bel et bien un rôle à jouer. Ce sont les partenariats entre les jeunes, les adultes et le gouvernement qui continueront de faire de notre pays le meilleur endroit où vivre et qui contribueront à assurer à chacun d'entre nous un brillant avenir. Le partenariat entre les jeunes et les adultes a donné de bons résultats pour le conseil de jeunes et contribué à la bonification de notre collectivité. Le projet de loi est un volet petit mais influent d'un grand nombre de réalisations à venir. Si on l'adopte, il se révélera fructueux à maints égards. Ma conviction et celle de beaucoup d'autres est que le projet de loi constitue un pas important dans la bonne direction. On doit au moins faire l'essai de tout ce qui est susceptible de hausser la sensibilisation et d'entraîner une amélioration de l'état de santé. La question est entre vos mains. J'espère que vous tiendrez compte de ce qui a été dit et analysé aujourd'hui. Je tiens à vous remercier de l'intérêt que vous portez à cette question et d'avoir compris qu'il y a un problème et une solution. Le président: Le Dr Friesen est notre prochain témoin. Vous avez la parole. Dr Brent Friesen, médecin hygiéniste, Régie régionale de la santé, Calgary: Monsieur le président et honorables sénateurs, en ma qualité de médecin hygiéniste à la Régie régionale de la santé de Calgary, je suis responsable de la ville de Calgary et des collectivités avoisinantes. Tout juste un peu moins d'un million de personnes vivent dans cette région. La Régie régionale de la santé est responsable de la prestation d'une gamme complète de services de santé, des services de prévention ou de promotion aux services de soins actifs de longue durée. Tout juste un peu moins de 250 000 des habitants de la région sont âgés de 19 ans ou moins. Ces personnes représentent le groupe qui vous intéresse tout particulièrement aujourd'hui. Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour manifester mon appui au projet de loi S-15. Ce projet de loi est important dans la mesure où il contribuera à protéger les jeunes contre l'une des principales menaces contre leur santé et leur bien-être, à savoir le tabac. À la lumière du ralentissement de la lutte antitabac au Canada et des données montrant que le tabagisme devient chaque jour davantage une maladie associée à la pauvreté, ce qui a pour effet d'aggraver l'iniquité dont les pauvres sont victimes sur le plan de la santé, le projet de loi tombe à pic. Les stratégies efficaces de lutte contre le tabac menées dans d'autres administrations ont le potentiel non seulement de protéger les jeunes, mais également d'atténuer certaines des iniquités observées au Canada dans le domaine de la santé. Comme la capacité de prendre des mesures au niveau local est limitée, on doit agir au niveau national. Nous ne sommes pas parvenus aux réussites que nous espérions dans les années 80, et j'aimerais illustrer cette situation au moyen d'une expérience locale. C'est il y a plus de 13 ans que les Jeux olympiques d'hiver de Calgary ont été tenus. À la suite d'initiatives prises par des habitants de Calgary, les Jeux olympiques d'hiver de Calgary ont été les premiers Jeux olympiques sans fumée de l'histoire. Le tabac était interdit dans tous les lieux de compétition. À l'époque, les efforts du Canada dans la lutte antitabac et les succès du pays au chapitre de la réduction des taux de tabagisme étaient reconnus sur la scène internationale. Au niveau local, nous étions très encouragés par nos progrès. Dans le contexte des Jeux olympiques et en collaboration avec les conseils scolaires locaux, nous avons en fait qualifié l'initiative de Smoke-Free Class of 2000. L'initiative avait pour but de faire en sorte que les élèves qui entraient en première année en 1988 obtiendraient leur diplôme en 2000 à titre de non-fumeurs. L'initiative a échoué. En fait, au cours de la période de 1988 à 2000, le nombre de jeunes filles de 15 à 19 ans qui fumaient a augmenté de 32 p. 100, passant de 23,5 p. 100 en 1989 à 31 p. 100. Chez les garçons de 15 à 19 ans, le taux de tabagisme a augmenté de 26 p. 100, passant de 21,6 p. 100 à 27,2 p. 100. Dans notre région, la véritable tragédie tient au fait qu'il y a plus de 4 140 filles que de garçons de ce groupe d'âge qui fument qu'il y en aurait eu si nous avions été en mesure de maintenir les taux d'avant 1989. On a obtenu certains résultats même si la Régie régionale de la santé de Calgary avait fait de la lutte antitabac un secteur prioritaire aux fins de l'amélioration de la santé. À titre de Régie régionale de la santé, nous devons utiliser des fonds expressément alloués aux fins de la promotion de la santé par le ministère de la Santé de l'Alberta pour soutenir des initiatives régionales de lutte contre le tabac. Certaines de ces initiatives ont été évoquées ici aujourd'hui. La Women's Initiative in Tobacco (WINIT) de même que le programme Igniting Cochrane Against Tobacco, programme exécuté dans une ville où le taux de tabagisme était supérieur à 30 p. 100, ont été de grandes réussites. On a également obtenu du succès dans des écoles, où on a fait l'essai de programmes pilotes. Cependant, ces initiatives n'ont pas suffi à infléchir la tendance observée dans la région. Même s'il s'agissait d'une question prioritaire dans la région et que des engagements avaient été pris du point de vue des ressources, le financement dont nous disposons équivaut à environ 1 $ par habitant. En vertu du financement actuel, il est pratiquement impossible pour la région d'allouer les fonds dont il est fait mention dans le document sur les pratiques exemplaires. À l'heure actuelle, il est tout simplement exclu que nous puissions trouver 14 $ par habitant pour les jeunes afin de soutenir des programmes exhaustifs et efficaces. Nous n'y sommes pas parvenus à l'aide des fonds reçus de la province - même si nous avons affaire à une province extrêmement prospère. Le système de soins actifs subit des pressions. On note des problèmes liés à l'accès à des technologies d'imagerie diagnostique incluant les IRM. Le moment venu de prendre des décisions en matière de financement, il est difficile de choisir de financer l'IRM ou un programme de prévention du tabac chez les jeunes. C'est la patient qui fait le pied de grue à la porte de l'hôpital qui a la priorité. Sans une fondation comme celle qu'on propose dans le projet de loi S-15, où iront des fonds ciblés et dédiés pour la prévention du tabagisme chez les jeunes, les organismes de santé du pays auront du mal à atteindre les niveaux proposés dans le document sur les pratiques exemplaires. Le dernier point que j'aimerais soulever a trait à l'importance de la prévention chez les jeunes comme stratégie visant à réduire les iniquités dans le domaine de la santé. Des études ont montré que les personnes à faible revenu et à faible niveau de scolarité sont en moins bonne santé. Dans notre région, nous assurons un suivi constant des pratiques liées à la santé, et nous savons, sur la foi de ces enquêtes, qu'il existe une forte corrélation entre le niveau de scolarité et le tabagisme. À ce propos, 11 p. 100 des titulaires d'un diplôme d'université disent fumer. Parmi ceux qui ont fait des études techniques ou collégiales, le pourcentage est de 24 p. 100. Chez ceux qui ont terminé leur 12e année, il est de 38 p. 100. Chez ceux qui n'ont pas terminé leur 12e année et - il s'agit ici d'adultes -, il passe à 58 p. 100. Si on ne s'attaque pas d'abord au problème du tabagisme, il sera très difficile, sinon impossible, d'atténuer les iniquités qui existent au titre de la santé entre ces différents groupes de revenus. Si nous étions en mesure d'élaborer une stratégie qui permet efficacement d'empêcher les jeunes de commencer à fumer, nous disposerions à tout le moins d'une base solide sur laquelle asseoir les autres initiatives visant à corriger les iniquités relatives à l'état de santé. Je tiens à souligner que je suis favorable à l'adoption du projet de loi S-15. Les objectifs du projet de loi sont conformes à ceux de la Régie régionale de la santé de Calgary et vont dans le même sens. Ils sont conformes à ce que nous cherchons à réaliser, au chapitre de la prévention du tabagisme chez les jeunes. Le type de ressources et de soutien préconisés dans le projet S-15 sont essentiels si nous voulons connaître des progrès dans ce domaine. Tout en remerciant les honorables sénateurs de l'intérêt qu'ils portent à cette question, je tiens à remercier les jeunes de Calgary qui se sont donné la peine de venir présenter leur point de vue devant vous. Le sénateur Kenny: Je suis impressionné par la préparation des témoins. De toute évidence, ils ont effectué beaucoup de travail préalable, ce qui nous est utile. Je suis curieux de savoir comment on se procure des cigarettes. Comment vos amis s'en procurent-ils? Où les achètent-ils? Les vend-on en paquet ou en unités plus petites? Juan, avez-vous à ce sujet de l'information que vous aimeriez communiquer au comité? M. Juan Delgado, North of McNight Youth Council: Il suffit de se rendre dans un dépanneur et de demander à quelqu'un de plus vieux de les acheter pour nous. Souvent, les préposés ne demandent même pas l'âge de la personne qui souhaite acheter des cigarettes. Souvent, ils ne demandent pas de carte d'identité. Il n'est pas difficile d'acheter des cigarettes. Le président: La plupart des jeunes qui commencent à fumer chipent-ils des cigarettes à des membres de leur famille, ou les achètent-ils eux-mêmes? M. Delgado: Il y a de nombreuses façons de se procurer des cigarettes, auprès de frères aînés, d'amis ou de parents. Les cigarettes sont omniprésentes. On ne peut cacher le fait qu'elles sont omniprésentes dans la société. Le sénateur Kenny: Kim ou Renae, qu'avez-vous à dire au sujet de l'accès des jeunes aux cigarettes? Mme Lazorko: Mes amis les achètent dans des magasins parce que les préposés ne leur demandent pas de présenter une carte d'identité, ce qui est plutôt mauvais, ou encore ils demandent à des amis plus âgés d'en acheter pour eux. Le sénateur Kenny: Il y a une idée que nous n'avons pas encore abordée, et c'est celle selon laquelle les jeunes femmes fument parce qu'elles croient que la cigarette les aidera à rester plus minces. Est-ce vrai? Mme Galbraith: Je ne crois pas que ce soit vraiment le cas. Naturellement, il y a certains mythes à ce sujet, mais jeune adolescente, je n'ai jamais rien entendu à ce sujet. Ce n'est que quand nous avons commencé à organiser des réunions que j'en ai entendu parler. Autrefois, on s'attendait à ce que les filles se comportent comme des dames. Elles portaient des robes, et il y avait pour les filles une allure et un comportement stéréotypés. Aujourd'hui, nous sommes plus libres. C'est pourquoi, à mon avis, on note une augmentation du taux de tabagisme chez les filles. Le sénateur Kenny: Vous avez toutes les deux hoché la tête quand j'ai posé la question. Mme Ehrhardt: Eh bien, l'une de mes amies pense que le fait de fumer la fera mieux paraître, qu'elle sera toute mince, et ainsi de suite, mais je ne crois pas que ce soit vrai. Le sénateur Kenny: Le filles minces sont-elles plus populaires? Mme Ehrhardt: Pas toujours, parce que, habituellement, elles ont un ego plutôt dodu. Le sénateur Kenny: Parlez-nous un peu plus de l'organisation et du fonctionnement d'une campagne. Comment une campagne visant à modifier la mentalité de vos amis et de vos camarades de classe fonctionne-t-elle? Mme Lazorko: Au début, c'était difficile. Nous ne pensions pas que nos amis allaient nous écouter. Nous n'étions pas convaincus que la question allait les intéresser. Nous nous disions que notre engagement allait faire de nous des parias. Des adolescents qui se prononcent contre le tabagisme? En fait, nos amis ont plutôt bien réagi. Ils nous ont écoutés. La réaction a été plutôt bonne. Mme Galbraith: Pour lancer une campagne de lutte contre le tabac, on doit, je crois, discuter avec des jeunes et travailler auprès des fumeurs. Essentiellement, c'est le point de départ. Du point de vue de la communication, tout est plus facile s'ils comprennent ce que vous essayez de faire. Il faut beaucoup les sensibiliser, après quoi, me semble-t-il, tout est beaucoup plus facile. M. Delgado: Cependant, il est difficile de faire venir les fumeurs aux manifestations contre le tabagisme. Ce sont les non-fumeurs qui appuient de telles manifestations. Le problème consiste donc à faire passer le message auprès des bonnes personnes. Le sénateur Kenny: En d'autres termes, vous prêchez à des convertis. M. Delgado: Oui. Le sénateur Kenny: Vous intervenez donc auprès des pécheurs. M. Delgado: Oui. Le sénateur Kenny: Où se trouvent-ils? M. Delgado: Un peu partout, encore une fois. Le sénateur Kenny: Vous n'avez pas beaucoup de mal à les trouver, n'est-ce pas? M. Delgado: Non, pas du tout. Le problème, c'est de les réunir au bon endroit. C'est là que réside la difficulté. Dr Friesen: Parmi nos projets pilotes, il y a ce que nous appelons l'approche globale de la santé en milieu scolaire. Dans ce cadre, nous investissons des ressources dans une école donnée pour aider les élèves et les enseignants à déterminer les problèmes de santé auxquels ils font face. Nous avons constaté qu'il faut parfois un certain temps avant que le tabagisme ne surgisse à titre de problème dans une école ou que des élèves souhaitent s'y attaquer. Souvent, il s'agit simplement de commencer par le début en donnant aux élèves la possibilité de jouer un rôle plus important dans la prise de décisions relatives au fonctionnement de l'école. Par exemple, il peut s'agir d'une question d'intimité et de sécurité, les élèves souhaitant que des portes soient installées dans les toilettes. Ici, il s'agit simplement d'associer les élèves aux discussions entourant les problèmes qu'ils rencontrent lorsqu'ils sont à l'école. Au stade de la mise en application de l'approche globale de la santé en milieu scolaire, nous avons constaté que les élèves s'interrogent d'abord sur les facteurs qui influent sur leur santé et leur bien-être. Ils retiendront peut-être la violence, le tabagisme ou des problèmes liés à l'activité physique ou à la nutrition. Ce qu'il y a, c'est que nous avons ici affaire à une approche fondée sur des données, laquelle, si j'ai bien compris le projet de loi, serait considérée comme admissible; en d'autres termes, on pourrait soutenir qu'une telle approche contribue à renforcer la capacité du milieu scolaire de lutter contre le tabac. Le sénateur Kenny: Quel pourcentage de vos fonds allouez-vous à l'évaluation? Dr Friesen: Je ne suis pas aujourd'hui en mesure de vous fournir un pourcentage. C'est certainement plus que les 10 p. 100 qu'on propose dans le projet de loi, et je pense qu'il s'agit là d'un élément important du projet. On a tendance à sous-financer l'évaluation, qu'à n'y penser qu'à la toute fin. Par conséquent, elle tend à ne pas être aussi parfaite qu'elle devrait probablement l'être. Le sénateur Banks: Les statistiques comme celles que vous nous avez présentées au sujet de la prévalence du tabagisme chez des personnes en fonction de leur niveau de scolarité sont très utiles pour vaincre du moins en partie la résistance au projet de loi. Auriez-vous l'amabilité de dire un mot de la méthodologie utilisée pour parvenir à ces données, de leur source, de leur fiabilité, de leur généralité et de leur exactitude sur le plan statistique? Dr Friesen: Les données que j'ai citées proviennent du site Web de Santé Canada. Elles sont tirées du rapport sur les tendances relatives à l'utilisation du tabac chez les Canadiens du début des années 80 jusqu'en 1996-1997. On note certains écarts dans les études utilisées pour recueillir des données au fil des ans, mais telle est la source de l'information, et, si vous le souhaitez, sénateur Banks, je pourrai vous fournir plus de détails sur les études proprement dites. Le sénateur Banks: Les données étaient-elles ventilées en fonction des écoles de la région de Calgary? Dr Friesen: Non. Malheureusement, on ne dispose pas de données fiables propres aux régions. J'ai donc utilisé les données nationales. Le sénateur Banks: Je pense que vous m'avez mal compris. Je faisais référence au pourcentage de fumeurs selon le niveau de scolarité observé dans la région de Calgary auquel vous avez fait allusion dans votre témoignage. Dr Friesen: Cette information provient d'une enquête téléphonique à composition aléatoire que la Régie régionale de la santé effectue chaque année. Une année, nous effectuons une enquête auprès des adultes; l'année suivante, nous nous intéressons aux familles avec de jeunes enfants et aux aînés. Nous avons posé les mêmes questions depuis que l'enquête est réalisée. Le sénateur Banks: Il s'agit donc d'une enquête de la Régie régionale de la santé. Dr Friesen: Exactement. Le sénateur Adams: Renae, comment vous sentiez-vous avant de venir ici? Pensiez-vous être en mesure d'aider des jeunes à ne pas commencer à fumer en raison de votre expérience? Êtes-vous contente de vous à l'idée d'être ici? Mme Lazorko: Oui. Je suis également contente de moi à l'idée d'aider des jeunes à ne pas fumer. Je suis fermement opposée au tabagisme. Je ne sais même pas pourquoi les jeunes commencent à fumer. Je suis contente de moi à l'idée de tout cela. Le sénateur Adams: Quand, demain, vous allez rentrer en classe et dire à vos amis que vous avez rencontré des sénateurs venus d'Ottawa, comment pensez-vous que les autres jeunes réagiront? Vont-ils vous écouter davantage? Aurez-vous plus d'influence du point de vue de ce que vous décidez de faire pour les autres jeunes? Mme Lazorko: Aujourd'hui, j'ai dit à deux ou trois jeunes que j'allais comparaître devant le comité, et ils ont en fait semblé croire que c'était plutôt intéressant. Le sénateur Adams: Vous pouvez les appeler et leur dire que votre nom figure désormais au compte rendu des délibérations du comité. Votre témoignage va passer à l'histoire. Les délibérations des comités sont conservées à la Bibliothèque du Parlement, à Ottawa. Dans dix ou quinze ans, vous pourrez consulter votre témoignage. Il restera consigné là à jamais. Vous pourrez le faire savoir aux autres jeunes. Vous êtes contente? Mme Lazorko: Je suis contente de cela aussi. Le sénateur Adams: Docteur Friesen, je suis certain que vous avez connu de nombreuses personnes chez qui on a diagnostiqué un cancer du poumon. Comment vous sentez-vous lorsque cela se produit? Comment vous sentez-vous lorsqu'une personne à qui vous avez conseillé de cesser de fumer est atteinte du cancer du poumon? Dr Friesen: J'ai travaillé dans le nord du Manitoba de même que dans le district de Keewatin dans les Territoires du Nord-Ouest à une époque, je le crains, bien malheureuse. C'est pendant que j'y étais que le premier Inuit a subi une chirurgie des artères coronariennes à la suite d'une cardiopathie ischémique. Jusque-là, la maladie était pratiquement inconnue chez des personnes de descendance inuite. À l'époque, nous avons commencé à être témoins de l'impact des changements apportés au mode de vie de cette population, notamment au chapitre du tabagisme, de l'alimentation et d'autres facteurs. Un grand nombre de jeunes femmes dont la grossesse était marquée par des complications représentait un autre problème d'importance, une fois de plus lié au tabagisme. À l'époque, les taux de tabagisme chez les jeunes du district de Keewatin étaient supérieurs à 50 p. 100, ce qui représentait un terrible problème de santé publique. D'autres témoins ont souligné l'importance que revêt l'adoption d'une stratégie exhaustive. S'il y a une chose que j'ai retenue, c'est qu'il n'y a pas de recette magique pour arrêter de fumer. Ce qu'il faut, c'est assurer aux personnes qui désirent arrêter de fumer un environnement propice. Voilà où des initiatives comme celles qui ont trait aux restaurants et aux lieux publics sans fumée trouvent leur importance, sans compter qu'elles protègent contre la fumée secondaire. Le tabagisme est un comportement extrêmement propice à une dépendance, dont il est extrêmement difficile de se défaire. Il importe d'adopter des campagnes de lutte contre le tabac efficaces. Il importe également d'aider et de soutenir la personne qui a décidé de cesser de fumer. Mon père, qui a fumé jusqu'en 1963, se souvient toujours de sa dernière cigarette. Aujourd'hui âgé de 85 ans, il se souvient de cette dernière cigarette comme s'il l'avait fumée hier. Il s'agit d'une accoutumance extrêmement profonde. Toutes les mesures qui peuvent être prises pour prévenir le tabagisme valent d'être tentées. Il est important que nous retrouvions l'élan que nous avions dans les années 80. Si la tendance s'était poursuivie, le taux de tabagisme dans la population aurait diminué pour s'établir à environ 10 p. 100 ou moins. Au lieu de cela, le nombre de fumeurs a augmenté. Nous devons retrouver cet élan. À mon avis, l'occasion de retrouver l'élan perdu est l'un des éléments les plus importants que le projet de loi S-15 ait à offrir. L'annonce faite par Santé Canada ne suffit pas. Malgré son importance, elle ne suffira pas à relancer le mouvement. En revanche, le projet de loi S-15 pourrait le faire. Le sénateur Adams: Santé Canada diffuse de nombreuses publicités sur les méfaits de la cigarette pour la santé. Ces publicités sont-elles utiles? Dans certaines des collectivités que je connais, on trouve, dans les bureaux de poste et les magasins, des affiches et d'autres documents sur les torts causés par la cigarette. Dans un cas, on fait allusion au cancer de la bouche. Les gens ont peur et ne veulent pas regarder l'image en face, mais ils ne renoncent pas pour autant à la cigarette. Le gouvernement investit beaucoup d'argent dans la publicité, à la télévision et sur les paquets de cigarettes, et dans bon nombre d'activités de ce genre. Ces campagnes sont-elles un tant soit peu utile? Dr Friesen: Une fois de plus, j'attire votre attention sur l'importance que revêt l'adoption d'une approche exhaustive. Il n'est pas très utile de tenter de faire peur à une personne si, par ailleurs, elle n'a pas accès à de l'information sur les moyens de cesser de fumer. Voilà ce que l'approche adoptée par la Californie avait de différent. L'État s'était doté d'un numéro sans frais, où on proposait des services multilingues. En plus, les préposés rappelaient les personnes à un moment qui leur convenait. Ils savaient l'importance critique que revêtent le jour 3 ou le jour 4, ou encore le jour 10 ou le jour 12, c'est-à-dire le moment où les ex-fumeurs ont très envie d'une cigarette, et ils téléphonaient à ces gens. Ce sont là des facteurs importants pour la réussite d'une campagne. Il importe également d'obliger les fournisseurs à se conformer à la loi. Nous devons veiller à ce que des cigarettes ne soient pas vendues à des mineurs, de façon intentionnelle ou non intentionnelle. Ces mesures s'inscrivent également dans le cadre de l'approche exhaustive. Je pense que la dernière décennie nous a appris qu'il n'y a pas de solution réglementaire miracle capable de régler tous les problèmes et que nous avons besoin de tous les éléments définis dans les pratiques exemplaires. Le sénateur Adams: Si nous adoptons le projet de loi S-15, y aura-t-il certaines autres améliorations? Dr Friesen: Certainement. Nous serons en mesure de retrouver une partie de l'élan que nous avons perdu. Le sénateur Adams: Que pensez-vous des affiches qu'on voit dans des dépanneurs, selon lesquelles on doit avoir 19 ans pour pouvoir acheter des cigarettes? Comment les jeunes réagissent-ils lorsqu'on leur demande leur âge? M. Delgado: Il est amusant de constater la détermination dont les jeunes font preuve lorsqu'il s'agit d'acheter des cigarettes. S'ils veulent de cigarettes et qu'ils y tiennent vraiment, ils trouveront le moyen de s'en procurer, d'une façon ou d'une autre. Qu'importe qu'il y ait une affiche, qu'importe qu'il y ait une loi, qu'importe que leurs parents ne veulent pas qu'ils fument et qu'importe que l'école ne les autorise pas à fumer, à l'intérieur ou sur ses terrains? C'est sans importance. Les jeunes sont passablement entêtés. Lorsqu'ils veulent quelque chose, ils l'obtiennent d'une façon ou d'une autre. Malheureusement, les produits du tabac font partie de ces choses, et les problèmes qui en résultent sont considérables. Le sénateur Adams: Demandez-vous aux jeunes pourquoi ils fument? Leur demandez-vous si c'est parce qu'ils s'ennuient? Fument-ils parce que des membres de leur famille fument? M. Delgado: S'ils fument, à mon avis, c'est parce que la cigarette est omniprésente. Elle fait partie de la société. On la voit dans les films, à la télévision, partout où on va. Il est tout à fait normal de voir quelqu'un fumer. Cela n'a rien d'anormal. Où que vous alliez, vous allez probablement trouver un mégot de cigarette. Elle est omniprésente. Malheureusement, tel est le problème auquel nous sommes confrontés. Voilà pourquoi le projet de loi S-15 est si important. Il s'agit véritablement de la première étape de la lutte pour mettre fin au tabagisme chez les jeunes. Le sénateur Adams: Pensez-vous que les jeunes qui fument pourraient être incités à cesser si le projet de loi S-15 était adopté? Il y a déjà une loi qui interdit aux jeunes d'acheter des cigarettes, mais cela ne semble pas les dissuader de fumer. Même si leur mère les attrape en train de fumer, ils continuent. Pensez-vous que les jeunes auront plus peur de fumer parce que nous avons adopté un règlement ou une loi? Je parle non pas de vous, mais bien des jeunes qui fument. M. Delgado: Peut-être, mais je ne peux pas parler pour les autres jeunes. Cependant, nous devons faire quelque chose pour faire que les jeunes cessent de fumer. Sinon, un plus grand nombre d'entre eux vont commencer à fumer et, en dernière analyse, les coûts des soins de santé vont augmenter. Nous devons faire quelque chose, et c'est le projet de loi S-15. Il ne s'agit pas d'une solution complète, mais c'est malgré tout un élément de réponse, et il sera utile. Mme Galbraith: Puis-je ajouter quelque chose à ce sujet? Je ne connais pas un seul adolescent qui pense: «Je ne devrais pas fumer parce que je n'ai pas 18 ans.» Ils se disent plutôt, je crois: «Eh bien, c'est inoffensif. Pourquoi ne devrais-je pas fumer?» Si le projet de loi revêt une telle importance, c'est parce qu'ils prévoient plus de fonds pour aider les fumeurs à prendre conscience du fait que leur habitude est néfaste. Grâce à ces fonds, nous pourrons diffuser un message uniforme auprès des fumeurs et les mettre au courant des dangers de la cigarette. Dans les messages, on ne se contentera pas de dire: «Vous êtes jeunes, vous ne devriez pas fumer.» Après tout, les jeunes voient leurs parents et d'autres adultes fumer. Alors, ils se disent: «S'ils peuvent fumer, pourquoi pas nous?» C'est important parce que, grâce à ces fonds, les fumeurs sauront ce qui va leur arriver à long terme, et des jeunes décideront peut-être de fumer pour ces raisons et non à cause de certaines dispositions législatives. Le sénateur Adams: Les jeunes savent-ils que plus de 40 000 Canadiens meurent chaque année du cancer du poumon? Mme Galbraith: Ce sont des statistiques, et on ne parle pas souvent des statistiques dans les écoles. Il y a des vidéocassettes sur le tabagisme qu'on montre à l'école, mais seulement cinq classes par an les voient. À mon école, il y a 1 600 jeunes. Rien ne va changer. Le message doit être uniforme et contenir des données solides. Il doit rejoindre tout le monde. On ne peut se contenter d'un message diffusé une fois par année et qui ne rejoint qu'une dizaine de personnes. Le message doit être uniforme, et il doit frapper fort. Voilà comment on pourra faire changer les choses. Le président: Mes questions s'adressent au Dr Friesen. À la Chambre des communes, il y a un projet de loi qui n'a pas encore été déposé - quelle est la somme par habitant que le gouvernement propose d'affecter à l'éducation? Le sénateur Kenny: Trois dollars par habitant. Le président: Dans le projet de loi S-15, on trouve un chiffre d'environ 12 $. Il y a donc à l'autre endroit un projet de loi dans lequel on proposera une affectation de 3 $ par habitant à cette question, ce qui est plus que ce qu'on dépensait par le passé. Le sénateur Kenny: Soixante-six cents. Le président: Hier, cependant, un témoin nous a dit qu'une somme de 3 $ était parfaitement inutile; en d'autres termes, la dépense n'a de sens que si elle se chiffre à 8 $, 10 $, 12 $ ou 14 $ par habitant. Iriez-vous jusqu'à dire qu'une dépense de 3 $ n'est pas mieux qu'une dépense de 66 cents? En d'autres termes, devons-nous aller à 12 $ avant de bouger? Dr Friesen: Une telle somme ne vous permettra pas de mettre en place un programme exhaustif. Vous devrez faire des choix douloureux comme ceux que nous avons faits dans notre région. Vous avez entendu parler de WINIT, programme subventionné par la Régie régionale de la santé de Calgary. Nous avons choisi de financer le programme en raison des préoccupations que nous inspirent les taux de tabagisme chez les femmes de la région. Nous avons donc mis davantage l'accent sur le tabagisme chez les femmes que sur le tabagisme chez les hommes. Comme nous ne pouvons pas tout faire, nous avons pris la décision de nous concentrer sur le problème qu'on rencontre chez les femmes plutôt que chez les hommes. Comme je l'ai indiqué plus tôt, cette décision a été motivée par le fait qu'on doit réaliser des progrès dans le domaine de la grossesse et du tabagisme. Comme le taux de tabagisme dans la collectivité de Cochrane était de 33 p. 100, nous avons de la même façon décidé de soutenir l'adoption d'une approche axée sur le développement communautaire. Cependant, il y a d'autres collectivités dans lesquelles les taux de tabagisme sont élevés, à 28 ou à 29 p. 100, sans que nous ayons été en mesure de financer une telle approche. Si le taux de financement par habitant est insuffisant, on devra effectuer des choix difficiles. On devra se contenter de cibler certains groupes. Il n'y aura pas place à une stratégie exhaustive, qui est précisément ce dont nous avons besoin pour abaisser les taux généraux. Le président: Il est clair que, avec une allocation de 3 $ par habitant seulement, nous ne pourrons rien faire pour prévenir le tabagisme chez les jeunes. Nous ne pourrons qu'apporter des solutions symboliques. Dr Friesen: Vous devrez mettre l'accent sur des populations très précises et renoncer à aider les autres. Si vous tentez de faire quelque chose pour tout le monde, les résultats seront plus mauvais que si vous ne faisiez rien du tout dans la mesure où vous créerez l'illusion de faire quelque chose alors que, en réalité, vous n'en faites rien. Le président: Je crois avoir lu quelque chose dans un journal de Calgary au sujet d'une pénalité imposée en cas de maladie respiratoire ou de maladie imputable au tabagisme. À votre avis, le système de soins de santé serait-il justifié d'imposer des cotisations plus élevées aux fumeurs ou encore de faire passer les fumeurs en dernier lorsqu'il s'agit d'offrir des traitements ou d'autres choses du genre? Dr Friesen: Il s'agit d'une question plutôt difficile sur le plan éthique. Ce que je comprends, c'est que les personnes qui commencent à fumer malgré l'information dont ils disposent sur les risques pour leur santé se croient invincibles, immunisés contre ces risques. Le président: Les pénalités ne donneraient probablement pas les résultats escomptés. C'est bien ce que vous nous dites? Dr Friesen: C'est peu comme si on faisait porter le blâme à la victime. Ces personnes ont une accoutumance, et on aurait tort de les pénaliser pour cette raison. Pour ma part, j'aurais beaucoup de mal à imposer une pénalité ou à refouler une personne au bas de la liste de traitement. Le président: Ces derniers jours, on a fait allusion à un renversement de la tendance observée au chapitre de l'abandon du tabagisme. Il y a dix ans, en d'autres termes, nous donnions l'impression de renverser la prévalence du tabagisme, et la situation s'est renversée. Comment expliquer le phénomène? Pourquoi avons-nous perdu notre élan? Les fabricants du tabac ont-ils mis le paquet, ou avons-nous tout simplement cessé de nous intéresser à la question? On a laissé entendre que le faible prix des cigarettes avait contribué à cette perte d'élan, à ce renversement. Le sénateur Kenny: Je ne voudrais pas enlever les mots de la bouche au Dr Friesen, mais, en 1994, les cinq provinces de l'Est ont abaissé considérablement le prix des cigarettes. Le président: Le fait que les cigarettes se vendent à bon marché constitue donc une partie du problème. Que s'est-il passé d'autre? Dr Friesen: On avait lourdement mis l'accent sur la taxation. En augmentant considérablement le coût des cigarettes - un exemple de ce qu'avaient fait d'autres administrations -, nous constaterions une diminution radicale des taux de tabagisme chez les jeunes. Nous avons mis tous nos oeufs dans ce panier, ou peu s'en faut. Lorsque le gouvernement a réduit les taxes sur les cigarettes, nous avons perdu de notre élan. En fait, il s'est agi d'un renversement. En outre, nous n'avons ni adopté d'approche globale ni tenu compte des retombées des médias américains au Canada dont les gens ont entendu parler. C'est ce qui ressort du document sur les pratiques exemplaires: l'approche doit être globale. Il s'agit d'une stratégie conforme à l'expérience que nous avons vue au niveau local: pour être efficaces, nous devons combiner des stratégies différentes. Nous devons étudier la possibilité de créer des écoles sans fumée. À mon avis, l'autre facteur qui a contribué à cette situation a été, du point de vue de la santé publique, le temps considérable qu'on a, dans les années 90, consacré à la restructuration du secteur de la santé. Je crois que cette restructuration a eu une incidence considérable sur notre capacité de mettre au point de nouveaux programmes et d'accroître ceux qui existaient déjà. Le sénateur Banks: Docteur Friesen, vous avez soulevé la question de l'éthique en affirmant que nous ne devions pas punir une personne atteinte d'une accoutumance. Je me demande jusqu'où va ce raisonnement. Je vais maintenant vous interroger sur votre opinion personnelle, mais vous êtes médecin hygiéniste, si bien que vous rencontrez sans cesse des problèmes éthiques. Peut-être n'y a-t-il pas lieu de punir une personne atteinte d'une accoutumance, mais les fumeurs n'ont-ils aucune responsabilité? Ne devrions-nous pas les punir de ce que nous pourrions appeler leur stupidité? Ne devrions-nous pas les tenir responsables des coûts extraordinairement élevés des soins de santé dont ils bénéficient? Ne sont-ils nullement responsables des conséquences de leur mauvais comportement? L'un des problèmes qu'on rencontre dans la société d'aujourd'hui - et les spécialistes des programmes d'études et les administrateurs scolaires en ont parlé - tient à l'absence de discipline dans les écoles; en d'autres termes, les mauvais comportements n'entraînent pas de conséquences. Ne devrait-il pas y avoir certaines conséquences - après tout, personne ne peut en toute honnêteté déclarer avoir commencé à fumer, à se piquer ou à s'adonner au jeu, je ne sais trop quoi, sans être au courant des conséquences néfastes de tels comportements. Les personnes qui se sont elles-mêmes exposées à de tels risques - et je poserai les questions en rapport avec les fumeurs - n'ont-elles donc aucune responsabilité? Dr Friesen: Il est probablement plus facile de répondre à votre question en utilisant un exemple dans un autre secteur, soit celui du VIH. À l'occasion, nous sommes contraints de soigner des personnes infectées par le VIH. Le sénateur Banks: On peut être infecté accidentellement par le VIH. Personne ne commence à fumer par accident. Dr Friesen: Permettez-moi de poursuivre l'analogie relative au VIH. Si une personne est infectée par le VIH, par accident ou en raison de pratiques liées à son mode de vie, nous avons une procédure à suivre. Nous nous assurons qu'elles sont au courant de la maladie et discutons des précautions qu'elles doivent prendre pour se protéger elles-mêmes et les autres. Si nous avons affaire à une personne qui, après avoir reçu et compris tous les renseignements nécessaires, continue de faire courir des risques à d'autres, nous avons l'obligation de prendre des mesures pour protéger autrui, et on compte sur nous pour le faire. En ce qui concerne une personne accoutumée au tabac, nous avons une fois de plus l'obligation de fournir des renseignements sur l'accoutumance et de proposer un traitement efficace. Une fois de plus, la démarche fait partie d'une stratégie globale. Nous veillons à ce que les professionnels de la santé soient au courant des moyens offerts pour soutenir et conseiller les personnes atteintes d'une dépendance à l'égard du tabac. Si la personne continue de choisir de fumer, malgré l'aide qu'on lui a offerte, je peux très bien imaginer que certains médecins diraient à un patient qui a besoin d'un traitement: «Il est inutile de vous offrir ce traitement puisqu'il ne sera pas efficace si vous continuez à fumer.» Dans ce cas, oui, il y a des médecins qui prendront une telle décision et qui adopteront comme point de vue que le traitement qu'ils offriront ne sera pas efficace si la personne continue de fumer. Je pense que de telles décisions peuvent être prises, mais nous devons nous rappeler que le tabac demeure une substance qui crée une accoutumance. Nous devons avoir l'assurance que l'intéressé à reçu toute l'information nécessaire et a eu l'occasion de cesser de fumer avant qu'on ne puisse lui adresser des reproches et lui imposer des sanctions. Parmi les outils de lutte contre le tabac, cette approche, à mon avis, n'est pas très efficace. On y reviendra peut-être un jour, mais je pense qu'elle devrait venir tout au bas de la liste des mesures que nous devrions prendre. Le sénateur Spivak: Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais faire un commentaire. Ce qu'il faut retenir de toute cette affaire, c'est que ce sont les mesures de prévention, et non les mesures actives prises après coup, sans même parler de pénalité, qui constituent la meilleure approche des maux de la société. Parmi les principaux responsables, il y a les fabricants de tabac. Il y a quelque temps, on a assisté à un mouvement en faveur de l'inclusion du tabac dans la Loi sur les produits dangereux, mais on n'a jamais donné suite. J'ignore pourquoi. De toute évidence, c'est une question d'argent. Si le tabac était inclus dans la Loi sur les produits dangereux, le produit aurait été, me semble-t-il, davantage stigmatisé. On aurait pu le traiter à l'instar des autres médicaments dangereux - non pas que cela aurait mis un frein à son utilisation. Si, cependant, il y a un blâme à donner, c'est par là, à mon avis, qu'on devrait commencer. Le président: Je remercie Mmes Lazorko, Ehrhardt et Galbraith de même que M. Delgado et le Dr Friesen. La séance est levée.