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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 6 - Témoignages du 27 avril 2001 (séance de l'après-midi)


TORONTO, le vendredi 27 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-15 qui vise à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada se réunit aujourd'hui à 13 h 30 pour étudier le projet de loi et pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement en ce qui concerne l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles.

Le sénateur Nicholas W. Taylor (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons poursuivre la séance que nous avions commencée ce matin sur l'étude des questions liées à l'énergie, après quoi nous allons passer à notre étude du projet de loi S-15.

Nos prochains témoins, qui représentent l'Association canadienne du gaz, sont Marie Rounding, Rudy Riedl et John Wellard.

Mme Marie Rounding, présidente-directrice générale, Association canadienne du gaz: Merci beaucoup, monsieur le président. Cela fait plaisir de vous revoir.

Honorables sénateurs, bonjour. Mes collègues et moi sommes heureux de nous retrouver en compagnie du comité cet après-midi. Nous vous félicitons d'avoir entrepris les travaux importants dont il est question ici.

Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Rudy Riedl, président, Enbridge Consumers Gas, et membre du Comité exécutif du conseil d'administration de l'Association canadienne du gaz.

L'homme à ma gauche est M. John Wellard, vice-président principal chargé des ventes, service du marketing et de promotion des affaires chez Union Gas Limited. Vous constaterez que ce titre n'est pas tout à fait le même que celui qui est indiqué dans votre documentation: c'est qu'il a changé il y a deux jours à peine.

Je m'en tiendrai à un exposé relativement succinct, car mes collègues et moi avons hâte de pouvoir aborder les questions particulières que vous pourrez soulever durant la période des questions, après l'exposé préparé. Au fil de mon exposé, vous pourrez vous reporter à la documentation qui vous a été fournie pour retrouver des copies des transparents auxquels je fais allusion et sur lesquels vous allez peut-être vouloir jeter un coup d'oeil vous-mêmes.

D'abord, je vais vous parler de nous - l'Association canadienne du gaz, ou vous m'entendrez peut-être prononcer le sigle ACG, association qui représente l'industrie canadienne de distribution et de transport du gaz naturel. Nos membres sont responsables du transport du gaz naturel partout au Canada ainsi que de la distribution du gaz naturel aux consommateurs individuels dans les zones urbaines, ce qui comprend: les entreprises de «service publics» et les entreprises locales de distribution comme BC Gas, ATCO Gas, SaskEnergy, Centra Gas Manitoba, Union Gas, Enbridge Consumers Gas, Gaz Métropolitain, Enbridge Gas New Brunswick et Sempra Atlantic Gas; des sociétés de gazoduc comme TransCanada Pipelines et Westcoast Transmission, qui transportent le gaz naturel partout au Canada; et des fabricants de matériel et d'appareils fonctionnant au gaz naturel, par exemple Rheem Canada Limited et Rolls- Royce Canada Limited.

Avant que le gaz naturel ne parvienne au domicile du client sinon à son entreprise, les producteurs de gaz - groupe que nous ne représentons pas - doivent aménager un puits de gaz naturel et prendre les mesures pour traiter le gaz extrait afin d'en éliminer les impuretés. Notre travail à nous commence au gazoduc. Le travail des entreprises de distribution et des sociétés de gazoduc consiste à faire en sorte que le gaz naturel soit acheminé jusqu'au domicile ou à l'entreprise du client. Elle transporte le produit une fois que celui-ci est extrait jusqu'au domicile ou à l'entreprise du client. Elle transporte le produit une fois que celui-ci est extrait du sol et traité.

J'aimerais maintenant aborder la question très importante dont vous vouliez entendre parler, soit le prix du gaz naturel. C'est une question qui a eu beaucoup d'importance pour nos membres, et pour nombre de Canadiens, bien sûr, tout au long de l'hiver passé.

Le prix des produits de base a entamé une hausse considérable l'été dernier. En moyenne, le consommateur de gaz naturel a dû payer en 2000-2001 un prix supérieur de 70 p. 100 à ce qu'il a payé en 1999-2000. À certains endroits, l'augmentation du prix des produits de base a été encore plus marquée.

Je tiens à souligner que notre préoccupation au sujet de l'escalade du prix du gaz provient de notre engagement envers les consommateurs canadiens de gaz naturel. Les entreprises de distribution ne touchent pas de profit sur l'accroissement du prix du gaz. Or, il est souvent difficile pour le consommateur de comprendre cela.

Lorsqu'une entreprise vend son gaz naturel à un client, elle demande un prix qui absorbe l'augmentation sans le majorer toutefois. Le processus réglementaire ne le permet pas. Si je le sais, c'est que j'ai déjà travaillé du côté de la réglementation.

Les profits des sociétés membres de notre association ne proviennent que des tarifs de distribution et de transport. Arrêtons-nous un instant pour examiner l'évolution des prix en prenant pour exemple les cas de l'Ontario et de la Colombie- Britannique.

Le diagramme 2 est un peu désuet, car il est question des prix de janvier, mais il demeure utile pour illustrer le concept que je voulais aborder. Vous êtes à même de constater que les coûts de transport et de distribution - et voici le prix que demandent nos membres - sont demeurés relativement stables en Ontario et en Colombie-Britannique. C'est une tendance qui se confirme partout au pays. C'est l'augmentation du prix du produit de base que constitue le gaz naturel - et c'est là un facteur qui échappe à la volonté de nos membres - qui est venu saler la note.

Le président: Puis-je prendre un instant pour vous féliciter d'avoir numéroté vos transparents. Vous serez surpris de savoir combien souvent nous avons droit à un exposé où il y a une poignée de transparents sans indication précise pour que l'on puisse s'y retrouver.

Mme Rounding: Merci. Je crois qu'il suffit d'une courte phrase pour expliquer ce qui fait monter le prix du gaz naturel: la demande est à la hausse. La demande de gaz naturel au Canada connaît une augmentation constante depuis quelques années. Bien sûr, selon les prévisions, la demande doit continuer à augmenter jusqu'en 2005 et bien longtemps après.

En outre, nous répondons actuellement à environ 13 p. 100 - j'ai entendu d'autres gens dire 15 p. 100 - de la demande américaine de gaz naturel, ce qui représente quelque 50 p. 100, peut-être même un peu plus, de la production de gaz naturel au Canada.

Cette demande accrue survient pour plusieurs raisons. D'abord, l'expansion de l'économie nord-américaine s'est traduite par une expansion de l'industrie et une augmentation de la demande à l'égard de toute forme d'énergie, y compris le gaz naturel. Le gaz naturel présente nombre de caractéristiques positives qui ont fini par en faire un choix attrayant pour le particulier aussi bien que les entreprises.

Le gaz naturel est le combustible fossile le plus bénin du point de vue de l'environnement, et les consommateurs commencent à être conscient du fait que le gaz naturel représente un combustible «vert» par rapport au charbon et au pétrole. Il peut être distribué et utilisé avec une grande efficacité. Dans certaines régions du pays, il demeure la source d'énergie la moins coûteuse, même si l'on tient compte des augmentations récentes du prix.

En plus de cela, les nouvelles technologies permettent maintenant d'utiliser le gaz naturel pour répondre à une partie de la demande accrue d'électricité. Vous en avez probablement entendu parler ce matin. Bien sûr, la demande est plus grande du fait que le dernier hiver a été l'un des plus froids depuis dix ans dans certaines régions du Canada, celle-ci y compris. Lorsqu'elle la température chute, bien sûr, les chaudières s'activent.

Encore plus que les résidences, les entreprises exigent ce produit de base. Or, vous savez que le gaz naturel est essentiel au chauffage des maisons, mais soulignons qu'il est encore plus populaire auprès de l'industrie.

Plus de cinq millions de consommateurs canadiens recourent au gaz naturel. Comme le laisse voir le diagramme 3, 30 p. 100 de l'énergie primaire produite au Canada provient du gaz naturel. C'est là un chiffre global qui peut induire en erreur. Si on approfondit les choses statistiquement, on remarque que l'utilisation du gaz naturel dans les résidences représente bien plus de 30 p. 100 des cas. Presque la moitié des maisons au pays sont chauffées au gaz naturel. C'est là un grand nombre de foyers.

Le président: Est-ce qu'on ne voit ici que l'utilisateur direct? Une bonne part de notre électricité est produite par des procédés faisant appel au gaz naturel. Est-ce que cela est inclus dans le chiffre?

Mme Rounding: Oui, c'est inclus dans les 30 p. 100 de la demande d'énergie primaire comptée ici. Ces chiffres sont à jour.

Pour revenir aux domiciles, on utilise le gaz naturel dans 95 p. 100 des maisons en Alberta, et 67 p. 100, en Ontario. Pour démontrer la tendance inverse, disons que seulement 5 p. 100 des ménages au Québec utilisent le gaz naturel. Comme vous le savez, c'est un produit de base qui arrive à peine dans les provinces maritimes.

Cinquante et un p. 100 des fabricants du Canada utilisent le gaz naturel. Les secteurs du fer et de l'acier, des pâtes et papiers, du ciment, entre autres, apprécient particulièrement le fait que le gaz naturel brûle sans résidu. Dans certains secteurs comme celui de la fabrication de produits chimiques, où les trois quarts des entreprises utilisent le gaz naturel, c'est le combustible de choix.

Ce qui m'amène à aborder la prochaine question primordiale au programme: et maintenant, qu'est-ce qui doit arriver? Nombre de facteurs donnent à penser que la lumière au bout du tunnel est encore assez loin. Le prix mensuel moyen a déjà diminué d'environ 40 p. 100 depuis janvier, mais il ne devrait pas descendre jusqu'aux niveaux records connus au cours des dix dernières années.

Par contre, il y a une bonne nouvelle: nous assisterons probablement à une stabilisation des prix au cours des 24 prochains mois, au fur et à mesure que s'accroît la capacité de mettre sur le marché les réserves existantes. Je crois qu'il importe de noter que les 40 p. 100 dont il est question concernent les achats quotidiens sur le marché au comptant, mais les entreprises membres de notre association, de façon générale, ont eu des pratiques d'achat où l'imprévisibilité n'était pas si grande. Nous pouvons en parler un peu plus tard.

La première raison d'être optimiste, c'est qu'il semble bien y avoir lieu de croire que la pénurie relative de gaz naturel est temporaire. Le diagramme 4 laisse voir la quantité de gaz naturel actuellement disponible, ainsi que les éléments nouveaux provenant des grands bassins d'approvisionnement au Canada. Comme vous pouvez le voir, nous sommes loin du temps où la réserve sera épuisée. Notre approvisionnement suffira à étancher la soif de plus en plus grande de gaz naturel. Je crois bien que vous avez étudié cette question plus à fond en compagnie du CAAP plus tôt, cette semaine.

Une des raisons principales pour lesquelles la demande actuelle de gaz naturel est supérieure à l'offre, c'est que lorsque les prix sont relativement bas, le travail que fait le producteur pour extraire du sol le gaz en question et l'acheminer jusqu'au gazoduc devient relativement coûteux et long. Toutefois, maintenant que le prix du gaz naturel est élevé et qu'il continue d'augmenter, le producteur est fortement incité à investir dans la prospection et le forage. Or, c'est exactement cela qui arrive.

Toutes sortes de données portent à croire que la production de gaz naturel et les projets d'expansion des gazoducs augmentent. De fait, en l'an 2000, au Canada, on a aménagé près de 9 000 puits de gaz - je crois qu'on vous en a déjà parlé cette semaine -, ce qui est supérieur de 43 p. 100 aux chiffres de 1999, année durant laquelle 6 200 puits ont été parachevés.

Cependant que le prix élevé que nous connaissons actuellement favorise le forage, l'accès aux capitaux, la création d'installations, le développement de l'infrastructure et l'expansion du réseau de gazoduc permettent de transporter une quantité sensiblement plus grande de gaz naturel depuis les bassins d'approvisionnement jusqu'aux zones de consommation. Résultat: une pression à la baisse s'exerce sur les prix.

Tout comme les forces du marché s'exercent de manière à faire augmenter l'offre, l'élément demande de l'équation connaît un ralentissement au fur et à mesure que l'économie se stabilise. Fait plus important, les prix plus élevés que nous connaissons aujourd'hui incitent les gens à moins consommer et à mieux conserver. Nous en avons déjà vu la preuve, et je crois que ce mouvement volontaire en faveur de la conservation - dont nos entreprises de distribution, soit dit en passant, font la promotion auprès du consommateur - aura un effet soutenu et positif sur l'économie et l'environnement.

D'après l'expérience de notre industrie, les solutions centrées sur le marché se révèlent nettement plus efficaces que le fait de fixer artificiellement les prix.

Je crois qu'il vaut la peine de prendre quelques instants pour décrire la façon dont le prix du gaz naturel est établi au Canada. Le prix du produit était jadis établi et réglementé par le gouvernement. Comme vous le savez, cette partie de l'activité est déréglementée depuis 1985. Maintenant, le prix du gaz est établi par le jeu des forces concurrentielles du marché.

Par exemple, les consommateurs ont maintenant le choix d'acheter leur gaz directement auprès de négociants. Le gaz naturel est devenu comme tout autre produit - le porc ou l'or par exemple - au sens où son prix fluctue au gré de l'offre et de la demande. Le secteur de l'électricité se dirige également vers ce type de transformation.

Au Canada, les entreprises locales de gaz naturel, qui sont réglementées par des organismes provinciaux, doivent se procurer le produit sur le marché libre comme tout le monde. Leurs profits doivent provenir du prix qu'elles peuvent demander pour la distribution du gaz, et non pas pour le produit lui-même, comme je l'ai déjà dit. Par conséquent, elles ont tout intérêt à obtenir le meilleur prix possible pour leurs clients, afin que le gaz naturel demeure concurrentiel.

En étudiant le diagramme 5, vous verrez que le gaz naturel provient de quatre grandes régions en Amérique du Nord, indiquées par les teintes claires sur la carte. Depuis ces régions, le gaz naturel est acheminé au moyen d'un réseau de gazoducs qui couvre toute l'Amérique du Nord. Comme vous le voyez, nous sommes tous liés les uns aux autres, et le marché du gaz naturel représente maintenant le continent entier.

Au Canada, en règle générale, les entreprises s'approvisionnent en gaz naturel de l'un des centres existants. Tout comme les aéroports de Vancouver ou de Toronto ou de Montréal sont des centres pour les voyages en avion, NYMEX, SUMAS et AECO sont des centres pour le transport du gaz naturel au Canada.

Le diagramme 6 indique le prix du gaz naturel dans chacun de ces centres - des plaques tournantes en quelque sorte - depuis 1999. On peut voir que, de manière générale, à la suite d'une période de stabilité, le prix dans tous les centres connaît une ascension vertigineuse depuis l'automne.

On peut voir aussi l'effet «californien» qui se manifeste au centre SUMAS - là où le diagramme laisse voir une ascension particulièrement marquée - d'où le prix qui est fixé pour le gaz naturel en Colombie-Britannique.

Par conséquent, c'est une combinaison complexe de facteurs qui expliquent l'écart entre les augmentations de prix d'un endroit à l'autre au Canada. L'emmagasinage du gaz, par exemple, permet aux entreprises de s'approvisionner toute l'année durant afin de réduire le coût annuel refilé au consommateur.

Certaines entreprises optent pour des opérations de couverture ou d'autres produits conçus pour gérer les risques liés au prix et pour contrer les fluctuations du marché.

Enfin, le moment choisi pour acheter et les différences de réglementation d'un territoire à l'autre sont également importants. J'imagine qu'il faut dire, au bout du compte, que c'est compliqué. On ne peut aisément comparer un territoire à un autre.

Un des sujets dont nous devrions parler, selon moi, c'est l'ensemble des efforts déployés pour réduire la consommation d'énergie, que ce soit au travail ou à la maison. L'ACG prend tout à fait au sérieux la notion de conservation.

Notre association vient d'animer trois ateliers extrêmement productifs sur l'efficacité énergétique, pour encourager les municipalités, les constructeurs, les architectes et les ingénieurs à bâtir des édifices plus efficaces sur le plan énergétique. Cela fait partie d'un projet national financé par nos sociétés membres, leurs partenaires et aussi le Fonds d'action pour le changement climatique du gouvernement du Canada. Nous allons animer des ateliers semblables dans diverses municipalités, partout au Canada, durant les mois à venir.

Nos membres ont également entrepris d'autres projets qui ne visent pas simplement à réagir à la situation actuelle. Depuis longtemps, les entreprises font des programmes de sensibilisation du public un élément véritablement prioritaire de la planification de leurs communications générales. Vous trouverez, dans la documentation qui vous a été remise, des échantillons qui donnent une idée de la panoplie d'informations gratuites que les entreprises du secteur ont mises à la disposition de leurs clients et du grand public.

Les trousses d'information en question visent à aider le client à gérer ses coûts énergétiques et renferme les conseils sur des choses comme les thermostats programmables et reprogrammables, la façon de tenir basses les températures du chauffe-eau, les pommes de douche à débit réduit, l'isolation, l'entretien des chaudières et bien plus encore. De nombreuses entreprises du secteur ont également organisé des séances d'information à l'intention des législateurs provinciaux.

Un organisme sans but lucratif ayant pour nom Share The Warmth, lancé en Ontario entend étendre son programme au pays entier. Share The Warmth, de concert avec les entreprises de gaz naturel et d'électricité, vient en aide aux pauvres dans la collectivité où ils se trouvent. Des dons provenant de la collectivité locale servent à l'achat de chaleur et d'énergie au nom des consommateurs qui vivent au seuil de la pauvreté ou en deçà. À partir de cette année, on organisera aussi des améliorations de l'efficacité énergétique dans les ménages à faible revenu.

En résumé, et en jetant un coup d'oeil au diagramme 7, monsieur le président, je souhaite clore mon exposé en livrant les messages suivants de l'Association canadienne du gaz.

Premièrement, les membres de l'Association canadienne du gaz travaillent pour aider les consommateurs. Les entreprises locales de distribution représentent le point de liaison avec les clients en bout de ligne, et je crois que cela est très important. Nous sommes les gens qui leur parlent à eux. Je crois que la relation est ressortie avec la plus grande évidence durant la dernière «saison» de chauffage, tandis que les entreprises ont employé divers outils de communication pour signaler aux clients l'imminence de l'augmentation du prix du gaz et pour prodiguer des conseils en matière d'efficacité énergétique.

Deuxièmement, le gaz naturel rejette relativement moins de carbone dans l'atmosphère et est à préférer sur le plan environnemental. Compte tenu de ses attributs environnementaux, nous croyons que le gaz naturel, de concert avec l'efficacité énergétique et les ressources énergétiques renouvelables, fait partie de la solution au problème que pose le changement climatique.

Le gaz naturel représente une option viable écologique pour aujourd'hui et, selon nous, pour l'avenir.

Troisièmement, le marché du gaz naturel est continental. Depuis la déréglementation des prix à la tête du puits en 1985, le gaz naturel se transige sur le marché continental. L'augmentation récente de la demande de gaz naturel partout en Amérique du Nord suscite des défis et des occasions pour toutes les parties prenantes au secteur continental du gaz naturel.

Quatrièmement, il n'est pas nécessaire de réglementer à nouveau le prix du produit. Nous croyons que la décision prise par le gouvernement, en 1985, de déréglementer était avisée. La déréglementation a fonctionné. Les prix ont connu une chute marquée à la suite de la déréglementation en 1985, et un marché concurrentiel s'est installé. Ce n'est que récemment que les prix ont commencé à augmenter, et c'était dû aux forces du marché. Ces forces agiront de telle sorte que les prix se stabiliseront au fil du temps.

Nous avons besoin d'un processus d'approbation bien défini et efficace qui s'appliquerait aux ressources des régions pionnières. Les processus d'évaluation environnementale et réglementaire sont des éléments importants de l'élaboration de projets industriels. Cela dit, il est impératif que de tels processus soient le plus efficients et le mieux définis possible, pour qu'ils ne constituent pas des obstacles à la mise sur pied opportune des projets de gaz des régions pionnières. Ce n'est probablement pas la première fois que vous entendez quelqu'un dire ça.

Enfin, l'augmentation de l'offre viendra stabiliser le prix du gaz naturel. Les augmentations récentes du prix donnent dès aujourd'hui une stabilisation du fait de la dynamique du marché, qui fait chuter la demande à mesure que l'augmentation des prix incite les consommateurs à économiser de l'énergie. Néanmoins, l'augmentation de l'offre aura aussi un effet stabilisateur sur le prix du gaz.

Pour terminer mon exposé, monsieur le président, permettez-moi simplement de dire que nous serions heureux de vous fournir, à vous ou aux membres de votre comité, tout complément d'information voulu. Nous vous remercions tout de même de l'occasion qui nous est offerte de témoigner devant vous aujourd'hui. Je sais que nous avons touché à de nombreux secteurs importants, et il est sûr que nous serons heureux, tous les trois, de répondre à toute question que vous voudriez nous poser.

Le sénateur Eyton: D'une manière ou d'une autre, j'évolue dans le secteur du gaz naturel depuis longtemps, mais je n'en sais toujours pas grand-chose. Je crois que ma question va montrer cela.

Vous avez mentionné, au début de votre exposé, que les producteurs ne font pas partie de votre organisation et qu'ils approvisionnent toutes sortes de gens. Ils approvisionnent visiblement les sociétés de gazoduc, car il faut bien que le gaz se rende jusqu'ici. Il existe probablement des gens qui regroupent tout cela et essaient de le vendre sur le marché. Vous n'êtes que les détaillants; vous achetez le gaz au meilleur prix possible, puis le vendez aux clients.

Il existe une sorte de conflit naturel entre les sociétés de gazoduc et les entreprises de distribution, des entreprises locales, au sens où les sociétés de gazoduc veulent obtenir le prix le plus élevé possible. À regarder la carte qui se trouve dans votre documentation, je constate qu'il existe toutes sortes de gazoducs, qui vont à peu près partout. Je reconnais qu'il existe une réglementation aux États-Unis, et je suis sûr qu'il existe une réglementation ici aussi.

Comment pouvez-vous concurrencer les sociétés de gazoduc, qui, présume-t-on, veulent vendre au meilleur prix possible, lorsqu'il y a des territoires qui sont prêts, qui sont disposés - et obligés, en fait - à payer un prix plus élevé?

Mme Rounding: Je crois que M. Riedl voudrait répondre à votre question.

M. Rudy Riedl, président, Enbridge Consumers Gas: Merci, Marie. Je crois que c'est un excellent point que vous soulevez. Il faut seulement tirer une chose au clair. Les sociétés de gazoduc elles-mêmes ne réalisent pas de profit non plus sur l'achat et la vente de gaz. Habituellement, elles sont réglementées à l'échelle nationale, au Canada, sous l'égide de l'Office national de l'énergie, qui établit et approuve les tarifs de transport.

Si vous voulez savoir qui en profite vraiment, qui est vraiment prêt à vendre à un prix élevé, c'est le secteur de la production, où on essaie d'avoir les rentrées d'argent les plus importantes possible pour satisfaire les investisseurs et pouvoir faire plus de prospection en vue de faire vivre l'entreprise.

Depuis la déréglementation du prix du gaz naturel en 1985, la concurrence se fait très dure. Le prix du gaz naturel a diminué de près de 45 p. 100, immédiatement après 1985. Même les prix élevés que nous connaissons aujourd'hui sont les mêmes, en dollars constants, que ceux que l'on connaissait avant la déréglementation il y a de cela 15 ans.

Par conséquent, c'est le secteur de la production - et heureusement pour le consommateur, du moins au Canada, il y a quelque 700 producteurs. Ils se livrent bataille au point d'entrée du gazoduc, qu'il s'agisse de Westcoast vers l'ouest ou de TransCanada Pipeline vers l'est.

Le président: J'ai une question supplémentaire à poser avant que vous ne poursuiviez. Existe-t-il au Canada une réglementation qui empêche le propriétaire d'un gazoduc d'être également un producteur? J'ai remarqué que Westcoast figurait sur votre liste.

M. Riedl: Non, il n'y en a pas, mais si le propriétaire d'un gazoduc devenait producteur, il faudrait une dissociation. Il existe des codes très stricts qui régissent les relations entre sociétés apparentées. Il faudrait qu'il y ait des cloisons étanches entre cette partie-là de l'entreprise et la partie concurrentielle, car les responsables de la réglementation surveillent de très près la possibilité de conflits d'intérêts.

Mme Rounding: J'ajouterais que les règles en question ont été élargies de manière à s'appliquer aussi aux entreprises de distribution. Si les entreprises de distribution veulent acheter le gaz naturel et le vendre elles-mêmes, il faudrait qu'elles confient cette activité à une filiale distincte. D'ailleurs, les deux entreprises en question comptent maintenant des filiales distinctes. Elles sont en concurrence avec les autres vendeurs.

Le sénateur Eyton: Je dois être un peu plus cynique que la moyenne, mais je suis heureux de savoir que les responsables de notre réglementation sont des êtres parfaits qui possèdent une connaissance parfaite, et qu'il n'y a pas d'avantage supplémentaire dans les cas où un produit est vendu à un prix nettement plus élevé que prévu. Je me méfie simplement: j'aimerais savoir à qui va cet avantage supplémentaire.

Tout de même, j'accepte ce que vous répondez, que vous nous rassuriez sur le fait que les responsables de la réglementation ont la situation bien en main et que les sociétés de gazoduc ne tirent aucun avantage du prix plus élevé qui est demandé quand ce sont elles qui fournissent le produit.

Où va l'industrie? Un de vos graphiques indiquait, il me semble, que le gaz naturel répond à environ 30 p. 100 de la demande d'énergie primaire du Canada. Que cherchez-vous? Est-ce le bon pourcentage - 30 p. 100? Vous allez finir par vous rendre aux réserves et à une production immédiatement réalisable. Il me semble que votre industrie devrait donner un délai de plus de cinq ans ou même de plus de dix ans. Quel est le bon pourcentage et, dans ce contexte, qui sont les clients que vous préférez? Qui considérez-vous comme votre client privilégié? Où doit se situer votre croissance?

M. John Wellard, vice-président principal chargé des ventes, Service du marketing et de promotion des affaires chez Union Gas Limited: En ce moment, nous constatons le potentiel d'approvisionnement énorme que recèlent les bassins canadiens, les bassins du Nord. Nous disons que, globalement, 30 p. 100 des domiciles utilisent le gaz naturel, mais je crois que vous allez pouvoir lire, quelque part dans la documentation, que de 85 à 99 p. 100 des collectivités de l'Ontario ont accès au gaz naturel.

L'entreprise de Rudy et la mienne continuent d'entrevoir une croissance annuelle de 3 à 5 p. 100 pour ce qui est des clients particuliers. Nous croyons qu'il s'agit pour eux d'un combustible de choix. Nous allons continuer à solliciter activement cette clientèle.

Nous croyons que le gaz naturel convient parfaitement à la production d'électricité en mode combiné et que les infrastructures seront mises en place si le rendement envisagé suffit à justifier l'investissement. Je crois que les États-Unis se targuent d'avoir un marché du gaz naturel de l'ordre de 30 millions de pieds cube. Nous croyons que cela est tout à fait possible. Il y aura des mutations sur le marché au fur et à mesure que les prix évolueront. Ceux qui estiment que le gaz naturel représente le meilleur combustible choisiront le gaz naturel.

Nous n'avons pas à l'esprit un client en particulier, sauf que nous estimons que la combustion représente le meilleur procédé pour utiliser le gaz naturel. Nous croyons que les domiciles devraient utiliser le gaz naturel. Cela comporte de nombreux avantages. L'infrastructure est en place. C'est sécuritaire et c'est possible.

Le sénateur Eyton: Je vais poser la question autrement. Dans quel cas la vente rapporte-t-elle le profit net le plus intéressant? J'admets que le service aux ménages est plus coûteux; c'est plus petit et, présumément, moins efficace. Je présume que les grands clients de l'industrie obtiennent une sorte de rabais. Du point de vue de l'argent que vous en tirez, quelle est l'activité la plus rentable pour vous?

M. Wellard: Pour les entreprises de distribution - c'est ce que nous représentons ici -, les conduites sont comme un placement en banque. L'entreprise reçoit un taux moyen de rendement fondé sur l'ensemble des clients servis. Il est plus coûteux de livrer du gaz aux domiciles et de les servir du fait de toutes les considérations qui s'appliquent en matière de sécurité.

En moyenne, nous touchons des profits basés sur l'investissement entier. Je ne saurais vraiment dire que nous préférons l'un plutôt que l'autre. C'est la combinaison qui nous permet de maintenir des coûts peu élevés et de demeurer concurrentiels. Je crois que nous ne serions pas aussi concurrentiels si nous n'avions qu'un client. Rudy, auriez-vous des observations à formuler là-dessus?

M. Riedl: Je veux simplement répondre à ce qui, je crois, était la question directe du sénateur Eyton. Je crois que vous êtes en train de nous demander quelle activité comporte la marge la plus élevée.

Le sénateur Eyton: La marge nette, oui.

M. Riedl: À l'évidence, la marge nette est la plus élevée sur le marché résidentiel, car c'est ce marché qui exige le plus de services. Mon entreprise compte 1 500 000 de clients, et celle de John en compte plus d'un million. Transporter le gaz naturel jusqu'à chacun de ces domiciles, employer les gens qu'il faut pour entretenir le réseau, tout cela suppose des frais d'entretien et d'exploitation beaucoup plus élevés que le transport du gaz entre un lieu de production et une centrale.

Le sénateur Eyton: Effectivement.

M. Riedl: Comme vous avez raison de le croire, la marge pour qui approvisionne une centrale ou General Motors est nettement inférieure que si l'on approvisionne un résident de Toronto ou de Chatham.

En même temps, nous aimons avoir une combinaison de clients, pour qu'il y ait une diversité de la demande. Cela nous protège contre les fluctuations saisonnières de la demande. General Motors utilise la même quantité de gaz toute l'année durant.

Le sénateur Eyton: Peut-être que non.

M. Riedl: Peut-être que non. Les clients résidentiels s'en servent, pour la plus grande part, durant l'hiver. Pour ce qui est de nos marchés cibles et de nos perspectives de croissance, je crois qu'il y aura une augmentation énorme du recours au gaz naturel pour le producteur d'électricité, car il s'agit d'un combustible propre. L'infrastructure pourrait être mise en place d'ici deux ou trois ans, par opposition aux dix années qu'il faudrait pour une centrale nucléaire, ou aux cinq à sept années qu'il faudrait pour les centrales alimentées grâce à d'autres combustibles fossiles.

Le sénateur Eyton: J'aimerais revenir à la question qui me préoccupait au début. Cela portait sur la croissance et ce qui vous paraît devoir être à l'origine de la croissance au sein de l'industrie. Selon vous, M. Wellard, il n'y a pas à s'inquiéter du tout. Les réserves canadiennes vous inspirent confiance. Nous entendons parler - et d'une certaine façon, c'est déjà arrivé - d'un réseau continental, particulièrement pour le gaz naturel.

Je comprends également que les États-Unis font face à un problème d'offre en raison de réserves qui s'amenuisent. Bien sûr, c'est pourquoi le président Bush a affirmé que le Mexique et le Canada représentent de bonnes sources de gaz naturel. Dans le contexte, croyez-vous toujours que nos réserves canadiennes suffiront à vous permettre de croître comme vous l'entendez, quelle que soit l'évolution des choses?

M. Wellard: Nous avons confiance. De fait, nous croyons que les réserves américaines vont croître elles aussi. Nous achetons actuellement 30 p. 100 de notre gaz de clients «de systèmes» aux États-Unis. Nous avons un approvisionnement assez important qui provient du Golfe. On répond à notre demande. Nous évoluons sur le marché, mais nous n'éprouvons aucune difficulté à obtenir du gaz naturel par des contrats à court et à long termes. Le problème entier concerne le prix, c'est-à-dire ce que vous êtes prêt à payer pour obtenir du gaz naturel à divers moments.

Le sénateur Eyton: Vous êtes peut-être l'exception, mais nous exportons massivement du gaz naturel et d'autres combustibles vers les États-Unis.

M. Wellard: Si on regarde notre portefeuille, on constate que 90 p. 100 du gaz naturel qu'utilisent nos clients en Ontario provient de l'Alberta ou de la Saskatchewan.

Quand je parle de «clients de systèmes», je dois souligner que nous vous fournissons un autre portefeuille avec ce qui nous provient des États-Unis. Nous nous approvisionnons en gaz auprès de NYMEX, nous achetons du gaz partout où nous pouvons en obtenir. Nous échangeons du gaz pour que le gaz circule.

L'approvisionnement actuel ne nous pose aucune difficulté. De fait, nous y voyons des signes encourageants. On observe déjà une croissance de l'offre en Alberta et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Les puits profonds du Mexique mettront un certain temps avant d'être en activité, mais il y a d'autres projets ailleurs, et nous croyons que cela se traduira par une certaine croissance. Nous croyons que le marché de 30 millions de pieds cubes est une possibilité bien réelle.

M. Riedl: Pour ajouter simplement quelque chose à ce que John a dit, ce avec quoi je suis d'accord, le Canada exporte actuellement plus de la moitié du gaz naturel qu'il produit. C'est tout à fait significatif.

Les exportations de gaz naturel depuis le Canada vers les États-Unis représentent environ 13 ou 14 p. 100 de la demande américaine. C'est un pourcentage très important. Les bassins d'approvisionnement auxquels Marie Rounding faisait allusion dans son transparent arrivent à maturité. Les bassins canadiens sont beaucoup plus jeunes que les bassins américains. Il faudra plus de temps avant qu'ils ne s'épuisent, bien que cela doive arriver un jour.

Heureusement, l'Amérique du Nord compte d'autres sources importantes. On sait déjà qu'il existe des réserves à Prudhoe Bay, près des côtes de l'Alaska, et qu'il existe des réserves énormes dans le delta du Mackenzie.

Au cours des 18 derniers mois, nous nous sommes branchés sur des sources d'approvisionnement sur la côte est, sur du gaz de l'île de Sable, que l'on produit déjà à un rythme d'un demi-milliard de pieds cubes par jour. Ces réserves inexploitées représentent pour nous un atout, pour ainsi dire. Nous croyons qu'il s'agira là de la nouvelle source d'approvisionnement, mais pas si les prix se situent à 2 ou 3 $. Si les prix se situent entre 3,50 $ et 4 $, nous verrons les gens du secteur exploiter ces réserves et construire des pipelines qui vont des réserves aux marchés.

M. Wellard: Une autre source qui est en train de s'établir assez rapidement, c'est le gaz naturel liquéfié venant du Venezuela et de la Trinité. Selon les prévisions actuelles, cela devrait donner deux milliards de pieds cubes supplémentaires qui proviendraient de ces deux pays.

Le sénateur Kenny: À quel port?

M. Wellard: Il y a Cove Point. Il y a quelque quatre points aux États-Unis.

Le sénateur Kenny: Mais aucun au Canada?

M. Wellard: Aucun au Canada. Les installations de GNL au Canada servent essentiellement à l'écrêtement de la demande de pointe. Gaz Métropolitain en a une, nous en avons une, et je crois que BC Gas en a une.

Les États-Unis donnent de l'expansion à la leur et font venir plus de gaz naturel liquéfié, ce qui réduit la demande en ce qui concerne les autres bassins.

Encore une fois, cela est tributaire du prix. Il faut des prix de l'ordre de 4 à 5 $ US pour soutenir ce genre d'infrastructure. Cela s'est révélé un succès assez franc, et nombre d'entreprises cherchent à accroître leurs importations, voire à en développer de nouvelles.

Mme Rounding: J'ajouterais simplement que nous sommes optimistes pour ce qui est de l'approvisionnement futur, mais que l'infrastructure représente une question clé pour qui souhaite s'assurer que le gaz naturel puisse arriver au marché. Il est vraiment important qu'il n'y ait pas d'obstacles au développement de cette infrastructure.

Le sénateur Banks: Si une quantité très importante de GNL est importée du Venezuela, est-ce que cela serait converti, puis mis dans un gazoduc aux États-Unis pour nous être exporté à nous?

M. Wellard: Oui.

Le président: Le GNL va dans le réseau nord-américain.

Le sénateur Kenny: Les exportations de GNL qui proviennent d'Alaska et d'ailleurs ne vous inquiètent pas?

M. Riedl: On exporte déjà du gaz naturel sous forme liquide de l'Alaska, car il n'y a pas d'autre point de vente pour ce gaz particulier, qui peut être acheminé aussi loin qu'à Tokyo, au Japon.

Le sénateur Kenny: Cela ne vous inquiète pas?

M. Riedl: Non. Le marché nord-américain du gaz naturel que nous connaissons aujourd'hui est très efficace. Un marché mondial du gaz naturel est en cours d'évolution, et le GNL représente l'une des façons d'atteindre ce but.

Le sénateur Adams: Nous avons rencontré des gens de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Êtes-vous lié à cette organisation? Le travail de cette association concerne l'essence et le pétrole. Traitez-vous uniquement du gaz naturel?

Mme Rounding: Nous traitons uniquement du gaz naturel. L'Association canadienne des producteurs pétroliers représente les producteurs de pétrole et de gaz.

Le sénateur Adams: Nous parlions du pipeline qui va de l'Alaska jusqu'au Yukon ou jusqu'au fleuve Mackenzie. On pourrait construire une conduite pour le gaz naturel qui traverse l'Alaska ou qui longe la côte du Yukon, jusqu'au Mackenzie, et qui se rend jusqu'au territoire.

Si quelqu'un devait construire un pipeline à destination de la Californie, est-ce que ce devrait être l'État ou le secteur privé? Comment mettre en branle les choses dès maintenant, vous qui dites que vous allez avoir besoin du gaz naturel dans cinq ou dix ans? Qui devrait prendre la décision? Devons-nous nous tourner vers l'État? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Riedl: Je dirais que le marché doit prendre la décision. Par exemple, si le gaz naturel se vendait à 2 $, personne ne parlerait de construire un pipeline dans le Nord. Le gaz se trouve là, à Prudhoe Bay, en Alaska. On produit plus de 2 milliards de pieds cubes de gaz naturel par jour, pour le réinjecter dans le sol, car il n'y a pas de marché. Cela coûterait plus de 10 milliards de dollars pour construire un gazoduc.

Le marché décidera. Comme les éléments du marché de l'Amérique du Nord sont interreliés au plus haut point, cela nous importe peu, en Ontario ou au Canada, de savoir si le gaz va en Californie, car cela aurait pour effet de libérer une partie du gaz canadien qui coule actuellement ici.

Les éléments sont tellement interchangeables que c'est le marché qui décidera à quel moment les pipelines en question seront construits, si jamais cela se fait.

Le sénateur Adams: Vous dites que cela ne fait que traverser l'Alaska. Je crois que les réserves de pétrole et de gaz qui se trouvent à Prudhoe Bay appartiennent à British Petroleum, n'est-ce pas?

M. Riedl: Les réserves en question sont la propriété de grandes sociétés pétrolières, qui exerceront une grande influence quant à savoir quelle route sera choisie et si le gaz naturel de l'Alaska ou du delta du Mackenzie sera exploité en premier.

Le sénateur Adams: Vous passez à côté de ma question. Si votre association ne fait pas venir de gaz naturel au Canada en passant par les territoires, en traversant l'Alberta et depuis l'Alberta, iriez-vous chercher un pourcentage quelconque du gaz en Alaska?

M. Wellard: En tant que fournisseur de service public, nous achetons du gaz de toutes sources. Nous aborderions British Petroleum, enfin le producteur qui se trouve là, et nous achèterions le gaz à la source, pour ensuite payer les frais de transport. Quant à nous, nous recherchons le gaz au meilleur prix et essayons de déterminer les frais de transport associés au gaz en question, pour déterminer ce que serait le prix du gaz livré en Ontario.

En tant que fournisseur de service public, nous irions sur le marché pour soumissionner activement en vue d'acheter le gaz naturel qui, nous le croyons, serait le moins cher possible pour l'Ontario. C'est comme cela que les choses fonctionneraient.

Nous croyons que les deux pipelines seront construits. La demande de gaz naturel est à ce point forte que les deux pipelines finiront par être construits. Nous appuyons vivement celle qui y arrivera le plus vite, parce qu'il faut plus de gaz naturel dans le système.

Le président: Et le moins cher possible.

M. Wellard: Pas forcément le moins cher possible pour l'instant. De fait, le secteur privé et le marché ont vraiment besoin de déterminer laquelle des filières de gaz naturel doit d'abord être exploitée, mais celle qui y arrivera le plus vite nous soulagera le plus du point de vue de la concurrence pour l'offre.

Le sénateur Adams: Il y a un débat qui a lieu actuellement au sein de notre comité et au Sénat. Nous étudions ce pipeline. Je me soucie de certains des endroits qui se trouvent au Nord. Les écologistes se soucient de l'ours polaire, du caribou de la Porcupine et, si nous suivons la côte, des baleines et des autres mammifères. Il est maintenant question d'aménager des installations à trois milles du pipeline, le long de la côte de l'Alaska, jusqu'au delta du Mackenzie. Cela ne vous préoccupe pas vraiment, à condition que le pipeline soit construit. L'emplacement vous importe peu?

M. Wellard: Je crois que Rudy peut en parler autant que moi. Nos entreprises sont soucieuses de l'environnement. Nous avons de solides politiques globales à ce sujet. Nous savons que le processus réglementaire et le processus gouvernemental permettront de s'assurer que le pipeline construit, que ce soit l'un ou l'autre, respecte les lois environnementales et respecte la nature.

Nous pouvons les appuyer en soulignant que nous avons un marché. Nous croyons qu'il y a en place au Canada un assez bon processus qui permet de s'assurer que les pipelines sont construits et que les questions touchant l'environnement et les Autochtones sont réglées.

Le sénateur Adams: Je ne suis pas vraiment écologiste. J'ai déjà vécu dans le Nord. J'ai chassé pendant très longtemps, mais le caribou va n'importe où. De 60 à 80 p. 100 des gens qui habitent là n'ont pas de travail. J'espère que, un jour, si les entreprises extraient du sol du gaz naturel et du pétrole, il y aura plus d'emplois créés pour certaines des collectivités. C'est de cela que je me soucie.

Je crois savoir que nous parlons de l'environnement et du pipeline de Mackenzie depuis 1970. Je crois que vous êtes au courant de l'enquête réalisée par Tom Berger dans les années 70 à propos de l'avènement d'un pipeline pour le gaz naturel qui traverserait le delta du Mackenzie. De nos jours, les gens là-bas comprennent mieux les questions environnementales. La même question demeure. Si un pipeline est construit, cela devrait donner des revenus à la collectivité.

M. Riedl: C'est tout à fait juste. Je crois que, jusqu'à un certain point, cela illustre bien l'excellent dossier de l'industrie des pipelines sur le plan de la sécurité et de l'environnement, tout comme les progrès techniques connus, au point où il est possible de construire un pipeline en ayant le moins d'impact possible sur l'environnement.

Le sénateur Kenny: Cela m'intéressait de savoir quelle sorte de capacité de stockage existe et où ça existe.

Mme Rounding: Voici l'entreprise qui a tout l'espace de stockage.

M. Riedl: Pas du tout.

M. Wellard: Pas tout l'espace de stockage, dirait bien Rudy, et c'est de bonne guerre.

Il en existe deux types distincts. Il y a le stockage situé près des puits de production. Nous cherchons le lieu où forer, puis nous forons et nous développons le projet là où nous le pouvons.

M. Riedl: En règle générale, ce sont des champs de gaz naturel épuisés. On trouve un champ gazier, on extrait le gaz, puis on convertit le champ au stockage.

Le sénateur Kenny: Et quel impact a le nouveau stockage sur votre tarification?

M. Riedl: En règle générale, cela échappe à la réglementation. L'exploitation des installations de stockage est réglementée en Ontario. La Commission de l'énergie de l'Ontario détermine quel tarif chacun des fournisseurs, qu'il s'agisse de Union ou de Consumers, peut appliquer au stockage du gaz naturel.

Le sénateur Kenny: Peut-on présumer que vous réduiriez vos exigences si vous aviez une plus grande capacité de stockage?

M. Riedl: Nous devons démontrer aux responsables de la réglementation que nous n'en faisons pas plus que nos marchés peuvent soutenir, parce que si nous faisions cela, nos tarifs augmenteraient.

Le président: Le contrôle est une question très intéressante. Vous n'arrêtez pas de parler d'un secteur «déréglementé», mais vous avez parlé de la réglementation des pipelines et de la distribution. Maintenant vous parlez d'une réglementation concernant le stockage. Je suppose qu'il faut que les choses soient ainsi, sinon vous diriez à vos clients: «désolé, ces puits albertains se sont asséchés», et votre prix de vente serait quatre fois supérieur à ce que vous avez payé pour mettre cela dans le sol.

Les responsables de la réglementation vous disent-ils: «écoutez, vous avez mis ce gaz sous le sol à 4,50 $ le millier de pieds cubes; vous ne pouvez demander que 5,50 $ pour cela»?

M. Riedl: Les exploitants, qu'il s'agisse de Union Gas ou d'Enbridge Consumers, doivent rendre compte de leurs coûts aux responsables de la réglementation.

Le président: C'est comme un pipeline, à ce moment-là?

M. Riedl: Oui, c'est tout comme un pipeline.

Le président: Le stockage ne vous rapporte rien?

M. Riedl: Le stockage rapporte. Nous demandons 30 cents l'unité pour les entrées et les sorties, que l'unité en question vaille 5 ou 6 ou 3 $. Cela ne change rien pour l'exploitant.

Le président: Je croyais avoir découvert une façon de faire de l'argent.

Le sénateur Banks: Le stockage, c'est juste un gros pipeline.

M. Wellard: Il y a une chose qu'il faut toujours garder à l'esprit: le coût du stockage fait partie intégrante du prix du gaz naturel à la livraison. Il ne faut pas les dissocier. Nous sommes convaincus que le gaz naturel doit affronter un certain concurrent, soit l'électricité. Je ne suis pas vraiment d'accord avec le sénateur quand il dit que le stockage doit être réglementé.

Sur le marché où la concurrence se fait de plus en plus grande entre l'électricité, le gaz naturel et les autres combustibles, nous devons chercher à savoir s'il est nécessaire de réglementer, sinon quel degré de réglementation s'impose.

Je conviens qu'il faut toujours un certain degré de réglementation. Parfois, nous avons l'impression qu'il y a trop de règles. Le coût du stockage fait partie du prix concurrentiel. Je ne voudrais pas vous laisser l'impression que la réglementation du stockage est une idée qui nous convient très bien. Nous croyons que le stockage fait partie d'un ensemble.

Le sénateur Banks: Mon père a travaillé pour la Canadian Western Natural Gas Light, Heat and Power Corporation, puis pour Northwestern Utilities avant que cette dernière entreprise ne devienne ATCO. Ma mère a animé Blue Flame Kitchen à la télévision pendant 17 ans, et c'est moi qui ai installé toutes les petites pancartes oranges que l'on trouve partout en Alberta et qui disent: «Danger: gaz sous haute pression».

Vous avez fait l'objet de critiques indirectes aujourd'hui, mais d'abord, je veux vous demander si votre association compte des producteurs de gaz propane. Est-ce une considération tout à fait distincte?

Le président: Tout cela est distinct.

Le sénateur Banks: Néanmoins, on vous a attaqué un peu sournoisement aujourd'hui, lorsque le sénateur Eyton a affirmé que tous les membres du conseil - des fabricants d'automobile aux exploitants de gazoduc, en passant par les producteurs d'électricité et les entreprises de forage - ne semblent pas tous se soucier vraiment de l'impact écologique de nos activités.

Au moment où nous avons discuté de cela avec les fabricants de véhicules, ils nous ont dit que les producteurs de gaz, y compris les producteurs de gaz naturel liquide et d'autres combustibles de remplacement, ne semblent pas se soucier particulièrement de la nécessité d'en arriver à un produit propre que pourraient assimiler les genres de moteur qu'ils ont besoin de produire.

Cela nous a étonnés: il est alors devenu évident à nos yeux, du moins à mes yeux à moi, que la solution à ce problème - si elle doit découler d'une forme de synergie, d'une coopération - n'est pas prête de se concrétiser.

Faites-vous des recherches d'envergure sur la manière d'améliorer la nature du produit que vous transportez, livrez et vendez à des clients du secteur du détail, ou encore est-ce une tâche que vous laissez plus ou moins entièrement aux producteurs?

M. Riedl: Je vais essayer de répondre à cette question, et John et Marie m'aideront peut-être. Nous faisons des efforts considérables pour étudier les façons dont le gaz naturel est utilisé. Essentiellement, le produit se compose à plus de 90 p. 100 de méthane, de sorte qu'il n'y a pas grand-chose à faire. C'est un excellent produit au départ. Toutefois, la combustion peut être soit très inefficace, soit très efficace.

Du point de vue environnemental, notre principal effort consiste à nous assurer que la combustion soit le plus efficace possible. Toutes les entreprises réglementées que représente l'ACG appliquent des programmes pour promouvoir l'utilisation efficace du gaz naturel.

Une bonne vieille chaudière, par exemple, présenterait un taux d'efficacité de 60 p. 100. Il y a 40 p. 100 d'énergie qui s'envolent littéralement par la cheminée.

Les nouvelles chaudières que nous préconisons présentent un taux d'efficacité de 95 p. 100; voilà une augmentation énorme.

Nous étudions également les applications industrielles du gaz naturel, là où le taux d'efficacité est le plus élevé.

John a parlé de production combinée. Plutôt que d'utiliser simplement la combustion du gaz pour produire la vapeur nécessaire pour faire tourner une turbine en vue de produire de l'électricité, nous préconisons la production mixte: une turbine au gaz naturel utilise directement la chaleur «perdue» pour produire de l'eau chaude ou de la vapeur en vue de chauffer un bâtiment. Cela donne un taux d'efficacité d'environ 80 p. 100, plutôt que de 32 p. 100 environ. C'est ce sur quoi nous nous concentrons.

Le sénateur Kenny: Une des difficultés que font toujours valoir les fabricants d'automobiles à propos de l'utilisation du gaz naturel comme combustible de véhicule, c'est le nombre insuffisant de postes de ravitaillement. Cela me fait penser à l'époque, il y a 10 ou 15 ans, où la société Gaz métropolitain a fermé ses six postes de ravitaillement à Montréal, ce qui éliminait tout de go la possibilité d'utiliser un véhicule au gaz naturel pour qui souhaite visiter Montréal.

Qu'est-ce qui se passe là, et pourriez-vous nous dire quels sont les projets de l'industrie en ce qui concerne l'élargissement de son réseau de postes de ravitaillement au gaz naturel pour véhicules?

M. Wellard: C'est une question assez difficile, puisque l'industrie du gaz naturel essaie de soutenir cette infrastructure et l'essor du gaz naturel comme combustible de véhicule depuis bien des années. L'entreprise de Rudy, mon entreprise à moi et d'autres encore au Canada ont dépensé des millions et des millions de dollars pour essayer de soutenir ce projet.

Ce qui fait défaut, en fait, c'est le soutien des fabricants d'automobiles.

Le sénateur Banks: Ils ont dit la même chose à votre sujet ce matin.

M. Wellard: Je n'en doute pas. Tout de même, pour être tout à fait franc, c'est là la question clé. Cela ne fonctionne pas s'il n'y a pas un véhicule qui sort de la chaîne de montage et qui peut fonctionner grâce au gaz naturel.

Nous utilisons le gaz naturel pour faire marcher un grand nombre de nos propres véhicules en ce moment même. Nous nous en servons là où nous pouvons le faire. Nous avons subi des pertes avec les postes de ravitaillement en l'absence d'un soutien direct et en l'absence de véhicules appropriés qui arriveraient sur le marché.

Tout de même, je remarque que les pressions en faveur de cela sont plus fortes aux États-Unis. Nous serons heureux de participer. Nous surveillons ces situations tout comme nous surveillons les piles à combustible comme source éventuelle d'alimentation des automobiles à l'avenir. L'option retenue pourrait être l'utilisation d'une pile à combustible à l'intérieur d'une voiture, et cette pile pourrait être alimentée au gaz naturel.

Le sénateur Kenny: Est-ce juste de votre part de dire cela? Le problème n'est-il pas réparti de manière égale?

M. Wellard: J'ai l'impression que nous sommes justes. Nous travaillons à cela depuis 10 ou 15 ans.

Le sénateur Kenny: Ne serait-ce pas un peu comme la poule et l'oeuf? Les fabricants d'automobiles affirment que s'il y avait une meilleure infrastructure, ils pourraient vendre un plus grand nombre de ces véhicules, et vous dites que vous allez donner de l'expansion à l'infrastructure s'ils vendent plus de voitures.

M. Riedl: Je crois que c'est vrai jusqu'à un certain point. L'utilisation du gaz naturel pose un problème technique majeur, nous sommes les premiers à l'admettre. Il faut le stocker à 3 000 livres par pouce carré. Pour cela il faut un cylindre fait d'un acier très lourd ou d'une sorte de matériau composite. Cela prend tellement de place dans le coffre qu'il reste à peine l'espace nécessaire pour mettre un sac de golf.

Plus que tout autre facteur, voilà probablement celui qui constitue un obstacle à l'alimentation de la voiture familiale au gaz naturel. Il existe tout de même un marché pour les véhicules alimentés au gaz naturel. Il faut songer aux parcs de taxis.

Le sénateur Kenny: La police.

M. Riedl: Nous avons réussi à Toronto, où il y a 150 autobus qui fonctionnent au gaz naturel. Nous convertissons un taxi par jour à Toronto. La ville de Toronto nous a beaucoup aidé en adoptant un règlement municipal qui permet aux propriétaires de garder le véhicule sur la route pendant deux ans de plus que prévu, s'il est alimenté au gaz naturel.

Le coût de conversion initial est donc réparti sur une période relativement plus longue. De ce fait, nous voyons qu'un grand nombre de taxis - du moins si on peut dire qu'un véhicule par jour, c'est un grand nombre - sont en train d'être convertis.

Je crois que c'est probablement dans le cas des parcs automobiles, des autobus, du transport en commun, des taxis, que le combustible est le mieux utilisé. Ford et Chrysler produisent maintenant des véhicules expressément prévus pour cela.

Dans une certaine mesure, vous avez raison de dire que c'est comme la poule et l'oeuf. Le particulier qui possède un véhicule alimenté au gaz naturel peut se rendre au chalet ou aller jusqu'à Oshawa, mais il ne pourrait pas aller plus loin.

Le sénateur Kenny: Ma question était la suivante: Y a-t-il expansion de l'infrastructure, combien de postes de ravitaillement avez-vous en Ontario et combien entendez-vous mettre en place d'ici dix ans?

M. Riedl: Ce n'est pas une expansion rapide. Essentiellement, ce sont les propriétaires de parcs automobiles qui donnent de l'impulsion au mouvement. La TTC aurait son propre poste de ravitaillement. Les entreprises de taxi auraient leurs propres postes de ravitaillement. Il y aurait entre 20 et 30 postes de ravitaillement.

M. Wellard: La société Cornwall Bus Lines, à Hamilton, utilise des véhicules alimentés au gaz naturel; cela a tendance à être utilisé par les exploitants de parcs-automobiles. Ma première réponse concerne plutôt le fait d'emprunter un couloir de circulation comme la 401. Il n'y a pas que le volume de véhicules qu'il faut prendre en considération. Toutefois, c'est une solution de rechange tout à fait viable pour les parcs automobiles.

Le président: Ce matin, nous avons eu droit à un exposé de la part des propriétaires de petites centrales, qui se plaignaient du fait que les règles d'entrée sur le marché américain étaient strictes. Autrement dit, ils ne pouvaient vendre de l'électricité au consommateur américain aussi facilement que les producteurs américains en vendent ici.

Est-ce qu'il existe encore des «zones de concession», enfin je ne connais plus le terme exact? Autrement dit, essayez-vous de vendre du gaz naturel de l'autre côté de la frontière? Divisez-vous cela en zones?

M. Riedl: Il n'y a aucune contrainte imposée au mouvement du gaz naturel de part et d'autre de la frontière.

Le président: Avez-vous des clients là-bas?

M. Riedl: Nous ne sommes pas des producteurs de gaz naturel. Les producteurs canadiens vendent plus de la moitié de leur production aux Américains.

Le président: Je pensais à votre réseau de distribution. Êtes-vous limité à la distribution du gaz dans une zone circonscrite? Autrement dit, votre collègue peut-il livrer du gaz ou construire un pipeline dans votre secteur?

M. Riedl: Non. Il faut avoir une concession. Par exemple, mon entreprise compte une société affiliée dans la partie nord de l'État de New York, dont l'exploitation et la gestion se font à Toronto.

Le président: Pouvez-vous vendre du gaz sans restriction?

M. Riedl: Une entreprise canadienne peut aller à Boston et acheter l'entreprise de gaz naturel de Boston, si elle en a les moyens.

Le président: Là où je veux en venir, c'est que vous dites que l'industrie a été déréglementée, mais qu'ils n'ont pas de concession dans le secteur de l'énergie ou encore qu'il existe beaucoup de zones qui ne sont pas visées par une concession où vous pouvez vendre votre produit. J'avais seulement l'impression que votre distribution collait encore au système de franchisage. Si vous voulez vendre du gaz au Labrador, à Boston ou à Houston, vous devez acquérir une entreprise de distribution qui y compte déjà une concession.

M. Riedl: Vous avez raison, mais c'est la même chose avec la distribution locale de l'électricité. Nous devons faire la distinction entre les conduites qui permettent de transporter le gaz naturel de l'Alberta à l'Ontario, par exemple, et le réseau de distribution local. Les réseaux locaux de distribution, qu'il s'agisse de gaz naturel ou d'électricité, sont la propriété des municipalités ou d'intérêts privés. Essentiellement, ce sont des concessions avec droit d'exclusivité.

Le président: Un consommateur peut se lier par contrat à un autre producteur dans votre secteur, et vous devez lui livrer le gaz à un prix fixé par règlement?

M. Wellard: C'est cela.

M. Riedl: Nous sommes le transporteur.

Le président: Ils affirmaient que, dans le cas de l'électricité, ils avaient des difficultés.

M. Wellard: Une chose que nous pouvons faire en Ontario, c'est de vendre du gaz stocké et des produits et services de transport aux entreprises américaines. Si une entreprise américaine veut stocker du gaz naturel au Canada, puis le transporter ici au pays, nous avons certainement la capacité de lui faire une offre.

Le président: La liberté d'aller de part et d'autre de la frontière ne vous préoccupe pas?

M. Wellard: Non.

Le sénateur Banks: Par simple curiosité, monsieur Riedl, j'aimerais savoir quel était l'ancien nom d'Enbridge?

M. Riedl: Cela s'appelait Consumers Gas Company Limited.

Le sénateur Banks: Est-ce que cette entreprise a acheté Interprovincial Pipelines?

M. Riedl: De fait, c'est l'inverse qui s'est produit. Il y a six ans, IPL a acheté Consumers de British Gas.

Le président: Merci beaucoup, madame Rounding, d'être venue en compagnie de vos deux assistants. Nous espérons vous voir à nouveau. Avant de rédiger un rapport, nous allons peut-être avoir besoin de renseignements complémentaires de votre part.

Mme Rounding: Nous serions heureux de vous donner tout complément d'information.

Le président: Honorables sénateurs, nous passons maintenant à notre étude du projet de loi S-15. Nos premiers témoins sont la Dre Sheela Basrur et M. Ryan Hicks.

Dre Sheela Basrur, médecin hygiéniste, Santé publique de Toronto: Monsieur le président, je vais faire un exposé d'introduction, puis je vais céder la parole à Ryan Hicks, étudiant représentant au Conseil scolaire du district de Toronto.

Je tiens à vous remercier au plus haut point de l'occasion qui nous est offerte de venir témoigner aujourd'hui. Je sais que vous avez reçu, durant les audiences que vous avez tenues partout au pays, un grand nombre de renseignements. Comme c'est la troisième fois que vous faites le tour de la question, je suis sûre que vous en savez beaucoup plus sur le projet de loi que la plupart des gens au Canada. Je ne vais pas vous révéler les faits que vous connaissez déjà extrêmement bien; plutôt, je vais laisser à Ryan le soin de décrire les occasions inexploitées que recèle, selon moi, le projet de loi sous sa forme actuelle, puis je vais résumer la situation en formulant quelques observations à titre de médecin hygiéniste de la Ville.

Je tiens seulement à affirmer, avant de céder la parole en bonne et due forme, que c'est avec un bonheur indicible que les gens de la Santé publique ont travaillé de concert avec Ryan et ses compagnons, au conseil lui-même et à l'intérieur du réseau scolaire.

Je sais qu'il existe de nombreux projets de collaboration créateurs que nous pouvons entreprendre ensemble, par ailleurs, particulièrement pour trouver des initiatives dont les jeunes savent qu'elles marchent pour eux avec les bonnes formes d'appui de la Santé publique et des divers milieux scolaires de la Ville.

Sans tarder, je cède la parole à Ryan Hicks.

M. Ryan Hicks, étudiant représentant, Conseil scolaire du district de Toronto: Merci, Sheela.

Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de m'avoir invité à témoigner cet après-midi. En tant qu'étudiant représentant du Conseil scolaire du district de Toronto, je représente 300 000 élèves de l'élémentaire et du secondaire. Je viens signaler que, mercredi soir, le Conseil scolaire du district de Toronto a décidé d'appuyer le projet de loi S-15. Le Conseil fera parvenir une lettre aux élèves et à leurs parents - les 300 000 - pour leur demander d'appuyer le projet de loi S-15, car la santé et l'éducation vont de pair.

Ils vont passer par l'OPSBA - l'Ontario Public School Boards Association - pour que cela circule dans l'ensemble de la province, puis par l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires pour convaincre le reste du Canada de se joindre à la cause.

Le président: Pourriez-vous signaler aussi que le fait d'écrire au premier ministre pour manifester son appui au projet de loi représente probablement la meilleure façon de renseigner le Parlement sur ce que vous souhaitez voir se réaliser?

M. Hicks: Tout à fait. Je suis heureux de pouvoir témoigner devant le Comité sénatorial aujourd'hui pour offrir mon appui au projet de loi S-15. La Dre Basrur m'a initié à la question et a révélé qu'il fallait vraiment mieux appuyer la lutte à l'épidémie de tabagisme.

Je vais présenter mon exposé du point de vue d'un jeune consommateur de programmes de prévention du tabagisme en insistant particulièrement sur le rôle capital que peuvent jouer, à mon avis, les élèves du Canada en ce qui concerne les efforts de lutte au tabagisme en Ontario.

Mon expérience à titre d'étudiant représentant au sein du Conseil scolaire du district de Toronto m'a permis de rencontrer un grand nombre de mes pairs, à l'école et à des ateliers sur le leadership des pairs que j'ai aidé à animer.

J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec un grand nombre de mes pairs à propos des questions que les jeunes considèrent comme importantes tout au long de leur adolescence.

La cigarette est presque toujours désignée comme étant une question de société et de santé importante à laquelle doivent s'attaquer le gouvernement et la société dans son ensemble.

Cela m'étonne toujours d'entendre les raisons que me donnent mes pairs pour dire pourquoi ils fument la cigarette. Plus de la moitié d'entre eux ont commencé à fumer parce que leurs amis fumaient. Nous savons tous que les ados ont tendance à commencer à fumer parce qu'ils croient que cela leur permettra d'être cools et d'être sur la même longueur d'onde que leurs pairs. Une fille à l'école m'a dit qu'elle fumait simplement pour se calmer. Pour reprendre ses termes: «Le seul fait de commencer le secondaire suffit à expliquer pourquoi je fume».

La plupart des jeunes fumeurs auxquels j'ai parlé ne croient pas que le tabagisme va les affecter à long terme, car ils ne croient pas qu'ils vont avoir l'habitude toute leur vie. On n'a pas besoin de lire la documentation pour connaître ces liens. Il suffit de passer une journée en compagnie d'un adolescent, en milieu scolaire. Les ados vous diront que même s'ils sont conscients des effets de la cigarette sur la santé, nombre d'entre eux ont commencé à fumer et continueront de fumer parce que les gains à court terme dépassent nettement les pertes à long terme. De toute manière, ils vous diraient: «Quelles pertes à long terme? Je vais pouvoir arrêter facilement, le moment venu».

C'est la triste vérité qui existe encore aujourd'hui, malgré les connaissances que nous avons sur le tabagisme et sur la santé depuis plus d'un demi-siècle.

La vérité, c'est que les messages antitabac que les jeunes entendent de temps à autre n'ont simplement pas pour effet d'empêcher ces enfants de commencer à fumer. Un programme de prévention du tabagisme peut avoir un impact à court terme, mais c'est un avantage qui est vite perdu, le plus souvent parce qu'il n'y a pas de renforcement une fois que les jeunes en question arrivent à l'école secondaire.

Je me souviens d'avoir assisté à des leçons antitabac durant mes études élémentaires. C'étaient d'excellentes leçons à l'époque. Une fois sorti du cours, j'ai pensé aux êtres chers dans ma vie qui fument la cigarette et j'ai craint pour leur santé. Je voulais leur révéler toutes les mauvaises choses que mon professeur m'avait enseignées à propos de la cigarette. Je voulais qu'ils cessent de fumer immédiatement. Toutefois, le temps fait son oeuvre, et on oublie tout cela après un certain temps.

La société véhicule des attitudes tellement positives à propos de la cigarette avec les gens qui fument librement dans les lieux publics et les jeunes qui fument partout - ce n'est pas long qu'on finit par croire que, peut-être, fumer n'est pas si mauvais pour la santé. Après tout, tous ces gens qui fument ne peuvent pas tous avoir tort.

Je crois que si ces leçons avaient fait l'objet d'efforts plus intenses et plus soutenus à l'école, elles se seraient révélées plus efficaces. Il existe de si nombreuses façons créatives d'enseigner cela. Les jeunes ados pourraient faire une composition sur les pratiques de l'industrie du tabac. Ils pourraient faire des recherches sur les substances cancérigènes qui se trouvent dans le tabac durant un cours de science. Ils pourraient faire des recherches sur les lois qui régissent la consommation du tabac et les façons dont ils peuvent influer sur ces lois. La liste n'en finit plus. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'une leçon unique ne fait pas grand chose pour dissuader les jeunes enfants de commencer à fumer.

Depuis que je milite activement pour favoriser l'adoption du projet de loi S-15, j'ai appris beaucoup de choses sur ce qui peut fonctionner, sur ce qui a fonctionné en Californie, au Massachusetts et en Floride. Le bilan heureux de ces États nous permet d'espérer que nous pouvons leur emboîter le pas et connaître un succès semblable. Le financement adéquat et soutenu que procure le projet de loi S-15 nous permet de nourrir cet espoir.

Les lois régissant la vente de cigarettes à des mineurs ne fonctionnent tout simplement pas si le but, c'est que les cigarettes ne se retrouvent pas entre les mains des jeunes. Je peux vous le dire, je suis jeune et j'ai facilement accès à des cigarettes. Presque 30 p. 100 des jeunes fument; évidemment, l'accès aux produits du tabac ne leur pose aucun problème.

Allez poser la question à n'importe quel jeune fumeur: tous vous diront qu'ils peuvent acheter facilement des cigarettes, soit localement, soit par l'entremise d'un ami majeur. Un ami m'a dit qu'il y a toujours quelqu'un d'avide qui est prêt à en vendre. Les gens des magasins s'en foutent, puisque l'argent que ça rapporte est plus important que toute amende qu'ils pourraient recevoir. Si vous avez besoin de cigarettes, il y a toujours des endroits où se les procurer.

Les règles provinciales interdisant la vente de tabac à des mineurs représentent un bon début. Par exemple, une campagne comme celle de la Santé publique de Toronto - Not To Kids Campaign - est une excellente façon de commencer.

Cette campagne vise à sensibiliser les fournisseurs de tabac et le grand public à l'illégalité de la vente de produits du tabac à des mineurs. Je peux confirmer que cette campagne a entraîné une réduction sensible du pourcentage de fournisseurs qui vendent des cigarettes aux mineurs. Les fonds supplémentaires que procurerait le projet de loi S-15 permettraient de renforcer la campagne «Not To Kids» de Toronto.

Autre lacune qu'il faut vraiment combler: l'absence de programmes concernant le tabagisme dans les écoles secondaires. Il y a bien quelques leçons fragmentaires données durant les cours sur la santé ou sur l'art d'être parent qui traitent du tabagisme, pendant quelques minutes. Toutefois, ces leçons sont tout à fait inefficaces.

Un grand nombre de jeunes commencent à fumer en neuvième ou en dixième année. Je ne me souviens pas d'avoir reçu en neuvième et en dixième année une leçon entière sur la prévention du tabagisme.

La neuvième année représente une période particulièrement délicate - je sais qu'un grand nombre de mes pairs ont commencé à fumer à ce moment-là. Il suffit de passer devant une école secondaire le matin pour voir tous les jeunes rassemblés dehors, qui prennent leur cigarette du matin, pour savoir que c'est un gros problème.

Ces jeunes auraient pu vraiment profiter d'un bon programme de prévention du tabagisme offert durant les premières années du primaire. Je sais aussi que les mesures d'appui à la cessation sont tout à fait absentes dans les écoles secondaires. Nombre des pairs à qui je ne suis adressé, en douzième et en treizième années, ont exprimé la volonté de cesser de fumer, à condition d'avoir des appuis. Je sais qu'ils tireraient parti du programme.

Les recherches récentes de la Santé publique de Toronto confirment ce besoin. Les discussions de groupe faisant appel à des garçons et des filles de l'école secondaire visaient à mieux faire comprendre les expériences des jeunes pour ce qui est d'arrêter de fumer.

Les filles ont montré qu'elles souhaitaient vraiment cesser de fumer et indiquaient qu'elles seraient prêtes à prendre part à un programme de cessation en milieu scolaire, s'il y en avait. Arrêter de fumer est une question qui provoque une réaction plus ambivalente chez les garçons. Encore une fois, le projet de loi S-15 permettrait d'avoir les fonds nécessaires pour renforcer les services de soutien auprès des jeunes à cet égard.

Chez les jeunes, fumer demeure une chose qui est très acceptée sur le plan social, qui fait partie de la culture populaire. À un moment donné, les messages pro-santé se sont perdus totalement. Les divers ordres de gouvernement devraient vraiment s'inquiéter du fait qu'on ne fait pas grand-chose, en fait de campagnes publicitaires et de programmes scolaires antitabac, pour façonner les attitudes, les opinions et les comportements des jeunes en ce qui concerne la cigarette. Des campagnes soutenues dans les médias de masse aideraient à créer à Toronto un milieu social qui servirait à dénormaliser le fait de fumer chez les jeunes.

Je me souviens des annonces de la campagne «Breathing Space» à la radio. Elles ont retenu mon attention, tout comme celle de nombre des gens à qui j'ai parlé. Breathing Space est une campagne médiatique et communautaire visant à réduire l'exposition des enfants à la fumée secondaire à domicile. Il faut que les campagnes de cette nature soient plus souvent soutenues plutôt que prendre la forme de blitz durant un mois.

Le personnel de la Santé publique m'a dit que l'évaluation de cette campagne - pour ce qui est de sensibiliser les gens à la fumée de tabac ambiante - a été positive. Nous savons que les campagnes publicitaires fonctionnent. Nous devons commencer à prendre tout à fait au sérieux la nécessité d'appliquer des annonces nationales antitabac visant à dénormaliser la consommation des produits du tabac chez les jeunes, régulièrement. Donnez aux jeunes enfants l'occasion de vous aider à concevoir ces annonces: ils vont faire un boulot merveilleux. Le projet de loi S-15 leur donnera les moyens voulus pour avoir une incidence sur leur propre vie et sur celle de leurs pairs.

Récemment, un groupe d'étudiants du Grand Toronto a formé une coalition ayant pour nom «Youth Taking Action Against Tobacco» ou YTAT. Les membres de ce groupe se sont réunis pour que les jeunes puissent faire front commun en vue d'appuyer le projet de loi S-15. Nous nous sommes réunis à plusieurs reprises, et nous allons continuer à concevoir des façons de préconiser, auprès de tous les ordres de gouvernement, le soutien de politiques antitabac appropriées.

Ce qui m'a vraiment étonné durant les réunions et les discussions que nous avons eues avec les gens de YTAT, c'est qu'ils ont des idées extraordinaires. La créativité et l'énergie de ces jeunes sont incroyables. Plus que bien des adultes, ils savent quels programmes et quelles campagnes fonctionnent ou ne fonctionnent pas.

Il faut que des jeunes Canadiens comme eux puissent avoir leur mot à dire dans les efforts de la lutte au tabac. Des groupes comme celui-là pourraient être dotés des moyens voulus pour «faire la différence», grâce à des fonds que permettrait d'obtenir le projet de loi S-15, et avoir leur mot à dire dans la conception des messages et des campagnes générales contre le tabac. Ils parlent le langage des jeunes et peuvent les comprendre beaucoup mieux que les adultes. Ils savent ce que les jeunes écoutent. Ils savent quel genre d'image fonctionnera dans diverses campagnes et ils savent comment obtenir l'attention des jeunes qui fument ou qui envisagent de commencer à fumer.

J'ajouterais seulement que je reconnais le groupe d'étudiants, ici. Cela fait un moment que je travaille avec eux; j'ai appris à les connaître, c'est un groupe d'étudiants tout à fait merveilleux qui vient de la région de Toronto et de York. Ils ont beaucoup aidé à véhiculer le message. C'est un groupe de jeunes tout à fait extraordinaires.

J'aimerais conclure mon exposé en affirmant que le projet de loi S-15 représente une percée dans les efforts visant à endiguer l'épidémie de tabagisme chez les jeunes Canadiens. J'ai déjà lu que la nicotine crée autant d'accoutumance que le crack. Cela dit, il est ahurissant de constater que les divers ordres de gouvernement tardent à agir. On se demande vraiment où sont les priorités des élus, étant donné l'annonce récente de 20 millions de dollars destinés à financer la conversion des séchoirs des cultivateurs de tabac. La même somme aurait pu avoir un impact important sur la vie des jeunes de l'Ontario, si elle avait servi à financer des annonces antitabac plutôt qu'à promouvoir des produits du tabac. Le gouvernement fédéral doit, pour l'avenir des jeunes Canadiens, adopter le projet de loi S-15.

Dre Basrur: Mes observations se fondent sur les réflexions personnelles et l'avis professionnel, si vous voulez, que j'ai accumulés au cours des quelques dernières années, après avoir vu une série de projets de loi à ce sujet conquérir l'opinion publique, puis être défaits lamentablement dans la filière législative à laquelle se fient les Canadiens.

De l'autre côté de la rue, il y a l'Hôtel de Ville de Toronto, le centre de mon univers, si ce n'est pas le vôtre. Au moment même où nous parlons, ils sont là en train de débattre de ma proposition budgétaire - sans la tailler en pièces, j'espère. C'est avec joie que je me suis évadée pour une heure afin de traiter d'une mesure qui, j'espère, aura un impact plus profond que certains des discours que j'ai dû prononcer à l'Hôtel de Ville.

Je soulève la question parce que les pressions qui s'exercent sur le budget et les services de santé de la Ville sont extrêmes. Nous vivons une époque très difficile pour la Ville. Je sais que cela n'intéresse pas vraiment le gouvernement fédéral d'entendre les Torontois - disons, «se plaindre», et dire à quel point nous sommes uniques et différents et avons besoin d'un statut spécial -, je ne prendrai même pas la peine de le faire.

Tout ce que je dirai, c'est que si nous pouvions faire cela nous-mêmes, nous l'aurions déjà fait. Nous ne pouvons y arriver. Nous comptons sur le gouvernement fédéral. Il est très difficile de voir les choses se passer dans la rue, de voir les jeunes commencer à fumer; de voir les parents et les membres de la famille mourir de maladies du coeur et des poumons; de voir les enfants devenir asthmatiques et avoir des otites; de voir des cas d'hospitalisation évitables et des files d'attente à la porte des urgences; et de savoir qu'on aurait pu faire quelque chose. Rien ne se fait - et ce, pour des raisons, je dois vous le dire, que je trouve tout à fait inexplicables.

Partout au pays, on dit que cela ne prend pas la tête à Papineau pour savoir quoi faire - et j'ose croire qu'on en demande pas trop aux représentants fédéraux de l'intérêt national.

Je ne saurais trop insister là-dessus: je ne vois pas où est le problème. Je ne le vois vraiment pas. Le projet de loi se justifie parfaitement sur toutes sortes de plans - logique, technique, fonctionnel. Cela procurerait des bienfaits appréciables à la Ville et aux collectivités de tout le Canada, car, pour une fois, nous, simples pions sur l'échiquier constitutionnel, aurions enfin accès à des fonds pour changer les choses localement.

Le gouvernement fédéral nourrit peut-être la meilleure des intentions en majorant la taxe sur les cartouches de cigarettes et en finançant la mesure par l'entremise de Santé Canada, mais on n'acceptera d'aucune façon de nous verser l'argent. Tout argent demandé localement doit passer par le filtre fédéral, provincial et territorial et si la province n'est pas d'accord, elle peut exercer son droit de veto, de sorte que les municipalités se voient refuser l'accès aux fonds en question.

Prenons, par exemple, le cas de l'argent - tiré d'une somme déjà dérisoire - que le gouvernement fédéral a attribué pour faire respecter la législation en matière de tabac. Le gouvernement de l'Ontario a décliné l'offre, de sorte que nous n'avons pas accès à l'argent. Cela ne me paraît pas juste.

C'est le système à l'intérieur duquel nous devons évoluer, et c'est vous qui avez les leviers du pouvoir entre vos mains. Je vous remercie du leadership dont vous avez fait preuve, mais je vous incite vivement à trouver une façon de s'assurer que c'est la bonne solution qui est choisie. On m'accuse parfois de faire de la politique. Franchement, je suis une professionnelle et je suis médecin hygiéniste, de sorte qu'il est de mon devoir de défendre la santé des habitants de Toronto et de m'assurer que les besoins importants en la matière, qui se traduisent par des pressions importantes sur notre réseau de la santé, nos services sociaux et sur notre longévité et notre qualité de vie, sont mis en lumière particulièrement quand il s'agit de causes évitables.

On ne saurait trouver une autre combinaison d'affections ou de maladies qui répond mieux aux trois critères applicables - le besoin, l'impact et le caractère évitable - que le tabac. Le tabac est à l'origine de myriades de difficultés, de décès, de handicaps, de coûts, d'occasions perdues, de diminution de la qualité de vie, de potentiel perdu chez les jeunes. C'est ahurissant.

En tant que professionnelle, je me sens obligée de faire valoir que nous ratons une occasion d'agir toutes les minutes, tous les jours, tous les ans qui passent.

Comme je le dis, si nous avions pu faire quelque chose pour lancer une stratégie qui fonctionnerait pour nous, nous l'aurions déjà fait, mais nous attendons vraiment du gouvernement fédéral qu'il mette en place une stratégie nationale concertée.

Pour terminer, je ferai allusion à un rapport produit par un groupe qui étudie la stratégie ontarienne de lutte contre le tabac depuis quelques années. Le rapport de ce conseil d'experts triés sur le volet s'intitule: «Les actes sont plus éloquents que les mots». Je termine là-dessus pour le gouvernement provincial et pour le gouvernement fédéral à la fois, malheureusement, mais j'espère que les choses vont changer.

Le président: Merci, docteure Basrur.

Le sénateur Wilson: Vous présentez d'excellents arguments en faveur d'une fondation indépendante et autonome qui donnerait accès à des fonds. Outre les arguments concernant le financement, y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles vous seriez en faveur d'un organisme indépendant?

Dre Basrur: Pour dire les choses directement - pourquoi s'arrêter maintenant? - je ne fais pas confiance au gouvernement: il ne fera pas ce qu'il faut avec l'argent amassé. Il existe probablement une myriade de raisons qui ont expliqué cela, depuis les cas antérieurs connus jusqu'à la petite politique, mais ce n'est pas ma tâche que d'essayer de démêler ça.

Tout ce que je dirai, c'est que l'histoire nous l'a démontré: ce n'est pas la meilleure façon de financer des projets locaux de lutte au tabagisme. Un vidéoclip de 30 secondes produit par le gouvernement fédéral et diffusé certains soirs en semaine à la télévision, au moment où ceux qui ne sont pas encore endormis peuvent le voir, ne suffira pas à empêcher les jeunes de fumer localement. C'est une chose.

Le deuxième point, c'est qu'il faut jeter un regard critique et indépendant sur les genres de programmes qui sont fournis à tous les niveaux du système - ou qui ne sont pas fournis, selon les cas. Le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial, les administrations locales, les organismes non gouvernementaux, les conseils scolaires locaux, et ainsi de suite appliquent de nombreuses initiatives. Certaines peuvent être extraordinaires, mais parfois, les unes et les autres peuvent se nuire mutuellement. Certaines ne sont pas concertées. Certaines ne font que perpétuellement réinventer la roue. Certaines ne sont tout simplement pas efficaces.

Je crois comprendre que la fondation consacrerait 10 p. 100 du financement à l'évaluation de composantes précises. J'espère qu'au moment où la fondation sera mise sur pied concrètement, elle étudiera l'interaction de tous les éléments du système, de manière à pouvoir tirer le maximum des ressources en question. On ne peut faire ça si une seule entité contrôle tout.

Le sénateur Wilson: J'ai remarqué, en lisant votre mémoire, que vous parlez de solution globale et durable à plusieurs reprises; c'est ce qui résumerait donc très bien votre exposé. J'espère que c'est aussi simple que vous le dites, mais j'ai des doutes profonds là-dessus.

M. Hicks: Il y a à notre école un volet antitabac des cours d'éducation physique et de santé, mais c'est une demi-période. L'enseignant doit faire cela parce que ça fait partie du programme. Les élèves ne croient pas que ce soit très efficace, en partie parce qu'ils n'ont pas aidé à mettre cela au point.

Il faut que les jeunes soient attirés par l'information qui leur est donnée. On peut y arriver en demandant aux élèves eux-mêmes d'aider à concevoir le message.

Le sénateur Wilson: Je veux simplement rassurer la Dre Basrur. J'ai reçu plus de 400 lettres où les gens se disent en faveur du projet de loi, de partout au pays, plus que tout ce que j'ai pu recevoir auparavant à propos d'un projet de loi, depuis que je me suis jointe au Sénat.

Dre Basrur: Merci beaucoup, madame Wilson. Je sais que c'était un commentaire plutôt qu'une question, mais j'ajouterais une observation supplémentaire.

Un sondage d'opinion publique réalisé à Toronto l'an dernier aurait montré que quelque 68 p. 100 des Torontois sont favorables ou très favorables au projet de loi. Ceux qui s'y opposent ne le font que parce qu'ils croient que le financement, et les initiatives qui en découlent, serait inefficace. Ayant appris qu'en Californie les initiatives ont permis de faire passer le taux de tabagisme chez les jeunes de 30 à moins de 7 p. 100, même ceux qui s'y étaient opposés au départ ont changé leur fusil d'épaule.

Le sénateur Stollery: J'ai une courte question qui s'ajoute à la question de la sénatrice Wilson. J'aimerais que vous tiriez une chose au clair. J'ai cessé de fumer moi-même, tout comme nombre de gens de ma génération, au moment où on a prouvé que fumer causait le cancer du poumon. Au début des années 60, des millions de personnes ont cessé de fumer, et moi-même y compris, parce qu'on ne pouvait plus douter du fait que cela causait le cancer du poumon.

Les gens de ma génération estiment donc un peu curieux que cette connaissance semble s'être perdue quelque part. J'appuie le projet de loi du sénateur Kenny, mais ne faut-il pas conclure que, d'une façon ou d'une autre, le gouvernement doit agir pour réitérer des faits que nous pensions tous connaître, mais que les jeunes, d'une manière ou d'une autre, ont oubliés?

Je ne sais pas si on enseigne à l'école les effets de la cigarette sur la santé; mais si tel est le cas, ce n'est visiblement pas efficace. Les gens de ma génération s'étonnent de constater cela, car les faits ont agi très efficacement sur nous. Je ne peux pas comprendre que les choses ont mal tourné, pour être franc, mais je suis en faveur du projet de loi du sénateur Kenny.

M. Hicks: Les enseignants peuvent utiliser toutes les ressources disponibles. Ils peuvent dire aux élèves qu'il est prouvé que la cigarette cause le cancer du poumon. Toutefois, nous devons habiliter les élèves et les jeunes Canadiens, avec la responsabilité d'aider à mettre au point ce genre de ressources pour les enseignants.

J'ai toujours dit que, dans les cas où les élèves aident eux-mêmes à mettre au point les ressources d'une campagne antitabac ou d'une mesure antitabac, ce sera deux fois meilleur que si - et je m'en excuse - ce ne sont que des adultes qui s'en occupent. Les jeunes savent ce que leurs pairs ont besoin d'entendre et la manière dont ils ont besoin de l'entendre. Ce n'est pas seulement le «quoi». Tout est dans la manière.

Le sénateur Adams: Docteure Basrur, monsieur Hicks, merci beaucoup d'être venus présenter cet exposé au comité.

Je siège au comité aux côtés du sénateur Kenny depuis quatre ou cinq ans, période durant laquelle d'autres projets de loi sont morts au feuilleton à la Chambre des communes. J'espère que ce ne sera pas le cas cette fois-ci.

J'aimerais que les gens cessent de fumer. Nous avons d'autres questions à étudier, à part le tabagisme. Nous parlons de gaz naturel, d'énergie et d'exploitation minière. Toutefois, j'espère que nous allons réduire le taux de tabagisme.

Monsieur Hicks, docteure Basrur, depuis combien de temps travaillez-vous ensemble? Là où j'habite, dans l'Arctique, nous recevons régulièrement la visite de médecins et d'infirmières. Le gouvernement dépense 98 millions de dollars par année pour diffuser des publicités à la télévision, pour installer des affiches sur les murs et pour mettre des avertissements sur les paquets de cigarettes. Cela ne fonctionne pas localement.

Les paquets de cigarettes vous disent que vous pouvez mourir du cancer si vous fumez. Néanmoins, les gens achètent des cigarettes tous les jours, à 9 $ le paquet là où j'habite. Ici, dans le Sud, c'est 4 ou 5 $ le paquet. Fumer tous les jours, même quand on est jeune, cela coûte très cher.

Je me demande quel point de départ vous allez choisir, puisque les annonces ne fonctionnent pas.

Qu'est-ce qui est le plus efficace pour vous, comment allez-vous vous y prendre pour que les jeunes vous écoutent dans les écoles?

M. Hicks: Il faut être persévérant. Ça ne peut pas être un blitz d'information qui disparaît tout de suite. Je me souviens de l'annonce où la femme fumait par la gorge. Je me suis dit «aïe», c'est vraiment efficace. Toutefois, je l'ai oubliée lorsqu'il n'y avait plus d'annonces. Il faut être là toujours. Il faut jouer sur le long terme.

Le projet de loi S-15 peut procurer l'argent nécessaire, par l'entremise de la fondation, pour mener à bien les campagnes de sensibilisation à long terme de ce genre, plutôt que des mesures prévues seulement sur quelques semaines ou un mois ou deux.

Le sénateur Adams: S'il y a plus d'argent, ce sera une fondation meilleure, qui fait un travail meilleur?

M. Hicks: Voilà.

Le sénateur Eyton: Voilà un exposé très intéressant. Ryan, avez-vous lu le projet de loi S-15?

M. Hicks: Oui.

Le sénateur Eyton: Et, visiblement, vous l'appuyez vivement. Je l'ai lu moi aussi, et je crois que c'est un très bon projet de loi. Je crois que le sénateur Kenny a très bien fait son travail de réunir les éléments voulus et de les faire valoir. Y a-t-il quelque chose qui manque, y a-t-il une suggestion que vous voudriez faire pour que ce soit encore meilleur qu'aujourd'hui?

M. Hicks: Comme la Dre Basrur l'a dit - et je dis cela moi aussi - ça ne prend pas la tête à Papineau. Ce projet de loi représente, pour notre gouvernement, l'une des meilleures occasions qui soient en ce moment d'agir en faveur des enfants. Je n'arrive pas à penser à quoi que ce soit que nous pourrions ajouter. Nous pourrions simplement déclarer que fumer est illégal, parce que le crack est illégal; or, le tabac crée autant l'accoutumance.

C'est là un autre débat. Je sais que ce n'est pas de ça vraiment qu'il s'agit ici. Ce serait peut-être une autre étape - qui sait? Mon seul souci quand j'ai entendu parler pour la première fois de ce projet de loi, c'était le suivant: les élèves vont-ils pouvoir y mettre la main? Les jeunes Canadiens vont-ils pouvoir aider à créer ces programmes de lutte au tabagisme? C'est la seule façon de faire en sorte que cela soit vraiment efficace.

Tant et aussi longtemps que les élèves et les jeunes Canadiens ont voix au chapitre pour ce qui touche cette fondation et ses activités, il y aura toutes sortes de jeunes qui seront heureux.

Le sénateur Eyton: Docteure Basrur, pouvez-vous suggérer une façon de modifier le projet de loi pour qu'il soit plus efficace?

Dre Basrur: C'est la troisième fois; cette fois, je crois que c'est la bonne.

Le sénateur Eyton: C'est bon d'entendre cela. Je suis heureux de constater que vous appuyez le projet de loi en bonne et due forme et, en particulier, j'apprécie les efforts de missionnaire que vous avez déployés. Je crois qu'ils vont se révéler incroyablement efficaces.

Le président a souligné que le premier ministre pourrait être le destinataire d'une campagne épistolaire. Votre député local pourrait l'être aussi. De fait, tout le monde doit en parler et obtenir l'appui du grand public.

J'ai un peu de difficulté à saisir qui s'y opposerait. Pouvez-vous m'aider là-dessus? À part la léthargie ou la bureaucratie ordinaire ou le refus d'essayer quoi que ce soit de nouveau, je ne peux imaginer en quoi quelqu'un s'opposerait vraiment au projet de loi. Néanmoins, le cheminement a été très difficile. Il a fallu un engagement très important de la part du sénateur Kenny, en particulier, pendant plusieurs années.

Pouvez-vous m'aider à comprendre cela? Qui sont les gens qui feraient obstacle à l'adoption de ce projet de loi?

Dre Basrur: Encore une fois, je dois dire que je ne travaille pas au niveau fédéral. Visiblement, c'est une initiative fédérale. L'adoption du projet de loi relève exclusivement du gouvernement.

Si je me fie à mon expérience en tant que fonctionnaire, surtout ces temps-ci, si la volonté politique y est, on trouve de l'argent, le personnel s'y met, et c'est la fin de l'histoire. Je vois cela arriver en Ontario. Je le vois partout.

Vous me demandez sur quoi les choses achoppent? Honnêtement, mon regard se porte sur les gens qui font bouger les choses dans un dossier comme celui-là, c'est-à-dire le ministre de la Santé, le ministre des Finances, le premier ministre lui-même.

Maintenant, qu'ont-ils contre ce projet de loi? Je ne saurais même l'envisager. Le projet de loi n'a-t-il aucun sens? Vous allez économiser de l'argent à long terme. Vous allez améliorer la santé des enfants et des futures générations d'adultes. Ça ne prend pas la tête à Papineau, politiquement, pour deviner que tout le monde veut cela, sauf peut-être une poignée de récalcitrants à Ottawa. Je n'y comprends rien.

M. Hicks: J'ajouterais simplement que nous, les élèves, nous voulons ce projet de loi. Nous sommes favorables à cela. Allez-y. C'est la Loi sur la protection des jeunes contre le tabac. C'est pour nous. Nous disons que nous voulons que cette loi soit mise en place. Les opposants devraient respecter le fait que des élèves ont pris le temps de faire campagne en faveur du projet de loi et ont manifesté leur soutien.

Le sénateur Banks: Docteure Basrur, vous avez mis un peu le gouvernement fédéral au défi de faire quelque chose de bien, pour faire changement. Comprenez qu'il est extrêmement compliqué de diriger une entreprise comme le Canada. Si nous accordions les fonds requis en réponse à toutes les demandes parfaitement raisonnables, méritoires, raisonnées et bien planifiées, il nous faudrait quintupler le taux d'imposition, tout le monde serait fauché, et plus personne ne mettrait sur pied une entreprise au Canada. Ce sont des décisions difficiles.

Cela a fait trois semaines hier que le gouvernement fédéral s'est engagé à dépenser 98 millions de dollars par année pour combattre le tabagisme. Ne peut-on pas dire qu'il est ainsi à la hauteur?

Dre Basrur: Non. C'est ma réponse à la deuxième partie de la question. Je crois savoir que les représentants de l'Ontario Medical Association vont présenter une comparaison détaillée entre le projet de loi du Sénat et l'annonce récente du gouvernement. Par conséquent, je n'essaierai pas de traiter de cela avant eux; je parlerai plutôt du fait que, comme je vous l'ai entendu dire vous-même, si nous agissions toujours correctement pour régler les problèmes qui se présentent, nous serions en faillite.

Avec tout le respect que je vous dois, il me semble qu'il appartient au gouvernement d'agir correctement pour les habitants du pays. Si c'est vraiment la chose correcte à faire, nous n'allons pas faire faillite. C'est le premier argument.

Deuxièmement, ceci ne va pas coûter d'argent au contribuable. Essentiellement, c'est une mesure qui se finance elle-même; et en tant que contribuable, je ne comprends pas pourquoi on se soucie de faire faillite au moment même où les autorités «donnent» de l'argent et, en même temps, inscrivent une initiative déficiente dans le programme fiscal. Je sais bien, ce n'est pas de l'impôt sur le revenu, mais cela demeure des recettes fiscales qui pourraient servir à d'autres fins. Franchement, une partie pourrait servir à une autre fin, parce que cela va dans les recettes générales. Nous n'allons plus jamais voir la couleur de cet argent.

Mon troisième point, c'est que si le fait de gouverner le pays est si éprouvant pour ceux qui doivent être à la hauteur de la tâche, ils devraient certainement commencer par les tâches les plus faciles; et voilà qui semble être l'un des fruits les plus faciles à cueillir, il pend au bout de la branche, à portée de main.

Le sénateur Banks: Vous avez quelque chose à dire à ce sujet, Ryan?

M. Hicks: Nous constatons les sommes d'argent que d'autres états, d'autres administrations dépensent pour financer leurs programmes de lutte au tabagisme. Un grand nombre d'élèves disent - lorsqu'ils apprennent que notre gouvernement ne dépense que 66 cents par personne, alors que d'autres y mettent 13 $ ou plus - que les Canadiens valent plus que 66 cents.

Comme le dit la Dre Basrur, l'argent ne provient pas des contribuables. N'allez pas vous plaindre si ce n'est pas vous qui êtes appelé à financer cela.

Le sénateur Banks: Avez-vous l'âge requis pour voter?

M. Hicks: Oui.

Le sénateur Banks: Savez-vous si votre député appuie ce projet de loi, s'il votera en faveur du projet de loi à la Chambre des communes?

M. Hicks: Mon député, Allan Rock, ne s'est pas prononcé publiquement en faveur du projet de loi.

Le sénateur Banks: Croyez-vous qu'il a un intérêt là-dedans?

M. Hicks: J'ai l'intention de fixer un rendez-vous avec lui pour que, après cela, il le fasse.

Le sénateur Banks: C'est bien. Merci beaucoup.

Le sénateur Eyton: Pourquoi n'est-il pas ici?

M. Hicks: Je ne le sais pas.

Le sénateur Wilson: Je ne sais pas si vous avez envisagé d'envoyer des lettres à toutes les écoles, aux parents et ainsi de suite. Est-ce que vous pourriez envisager d'organiser une campagne pour que les adolescents puissent visiter tous les députés de l'Ontario, qui regorge de Libéraux? Ils ont la mainmise sur le vote. Ils pourraient exercer une influence déterminante.

M. Hicks: C'est pourquoi nous avons créé Youth Taking Action Against Tobacco. Un des projets que nous planifions, c'est d'aller voir nos députés pour leur dire qu'ils doivent appuyer le projet de loi. Pourquoi n'êtes vous pas en faveur de cela? Quelle difficulté y voyez-vous? Nous, les commettants, vous disons que nous voulons cela. Mettez donc cela de côté - la petite politique, les jeux de coulisses qu'on ne voit pas - pour notre santé et pour notre avenir.

Le sénateur Wilson: Insistez là-dessus jusqu'à ce que le dernier des députés s'engage.

M. Hicks: D'accord.

Le président: Soit dit en passant, au moment où vous allez visiter Allan Rock, vous pourriez vous faire accompagner de la Dre Basrur. Si jamais vous décidez de vous engager en politique, dites-le-moi. Je veux aider.

J'aimerais remercier tout le monde d'être venu. Nous allons entendre le témoignage de l'Ontario Medical Association plus tard, et si vous voulez demeurer pour écouter, vous êtes les bienvenus. Monsieur Hicks, docteure Basrur, le groupe apprécie le fait que vous ayez pris le temps de venir ici aujourd'hui. Nous allons commencer maintenant nos discussions avec les représentants de l'Ontario Medical Association, Drs Albert Schumacher et Ted Boadway.

Dr Albert Schumacher, président, Ontario Medical Association: Merci, monsieur le président.

Bonjour. Je suis le Dr Albert Schumacher, président de l'Ontario Medical Association, et médecin de famille à Windsor.

Je suis accompagné du Dr Ted Boadway, directeur général responsable de la politique de la santé à l'Ontario Medical Association.

L'OMA représente plus de 24 000 médecins qui exercent en Ontario. Voici notre devise: servir la profession médicale et les habitants de l'Ontario en favorisant une bonne santé et l'excellence des soins de santé.

À cette fin, nous représentons les médecins du gouvernement de l'Ontario et sommes actifs dans nombre de champs d'action touchant la santé publique.

Pour ce qui touche la politique gouvernementale, vous avez peut-être entendu parler de nos activités touchant la stratégie de «retour au travail», sinon les efforts très médiatisés que nous avons déployés récemment dans les dossiers de l'environnement de la santé, ou encore certaines de nos déclarations concernant les hôpitaux et la pratique privée. Depuis des années, la politique concernant le tabagisme est un élément central des travaux de l'OMA.

Les raisons qui expliquent cela devraient être apparentes. Je pourrais vous rappeler le nombre de personnes qui meurent tous les ans, en Ontario, à cause de la cigarette. Je pourrais citer les sources qui font autorité pour exposer les conditions et les coûts énormes pour la santé de l'ensemble des maladies, mortelles et chroniques à la fois, qui touchent les personnes dépendantes du tabac.

Ce sont là d'importantes statistiques, mais j'aimerais aborder la question d'un point de vue un peu différent. Je suis médecin: permettez-moi de me concentrer sur les êtres humains - c'est quelque chose que les autres témoins n'ont peut-être pas pu faire tout à fait de la même façon. Les médecins voient les gens un à la fois. Nous voyons nos patients souffrir, un à la fois. C'est cette souffrance et les statistiques impressionnantes concernant les taux de maladie qui ont la plus grande incidence sur nous en tant qu'individus.

À quelques rues d'ici, dans les établissements de soins de longue durée et les grands hôpitaux, je le sais, il y a littéralement des dizaines de personnes qui sont en train de suffoquer à cause de la cigarette. Ce sont nos patients, et nous luttons pour en prendre soin et pour donner à chacun une vie digne, une vie un peu plus longue.

Vous avez vu les photos de tumeurs cancéreuses au poumon ou sur la langue que l'on montre; cela peut être très dérangeant à vos yeux. Pour moi, ce sont des cas bien réels. Je ne veux pas voir ces photos et je n'ai pas besoin de les voir, car je traite avec ces gens à mon cabinet.

Quand les gens se trouvent en graves difficultés, ils disparaissent de la sphère publique. Ils entrent dans un établissement. Ils se confinent à leur domicile. Ils se sentent tellement mal qu'ils n'arrivent plus à vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Ces gens continuent de faire partie de notre vie quotidienne à nous, les médecins, des gens bien réels avec qui nous avons des rapports encore plus intenses qu'avant.

À titre de médecin de famille, je connais ces gens, je les connais habituellement très bien. Parfois, je connais très bien aussi la famille en entier. Chacun des membres est comme un membre de ma famille à moi. Je partage leur deuil, cas après cas, année après année. Laissez-moi vous donner l'assurance que nous faisons face à des maladies évitables causées par le tabac, tous les matins, tous les après-midis et tous les soirs. Voilà pourquoi mes collègues médecins m'ont demandé d'être ici aujourd'hui.

Lorsque j'aborde cette question avec des collègues, j'ai affaire à des personnes qui, d'heure en heure, sont confrontées à ce désastre, qu'ils se sentent impuissants à contrer. Lorsque des médecins se réunissent pour discuter d'enjeux, on n'a pas à attendre bien longtemps avant que la question du tabac ne soit soulevée. Je tiens à vous assurer que le ton de la conversation passera du désespoir à la douleur et, souvent, à la colère.

Les médecins voient dans l'OMA un instrument qui leur permet d'exprimer collectivement leurs préoccupations à l'égard de cette question importante. Ils nous demandent de les aider à régler le problème aux niveaux social et politique. À titre d'association, nous sondons périodiquement nos membres et nous leur demandons d'indiquer les questions sur lesquelles ils souhaitent que nous nous concentrions. Chaque fois que nous leur posons la question, ils nous répondent que nous devons nous attaquer sérieusement à ce problème en leur nom.

Depuis des années, l'OMA met donc l'accent sur cette question, et je ne vais vous présenter ici que quelques points saillants.

C'est en 1974 que l'OMA s'est, pour la première fois, prononcée sur la nécessité de protéger les non-fumeurs des effets de la fumée secondaire.

Parce que la sensibilisation du public était insuffisante, nous avons, en 1983, organisé les premières conférences sur la fumée secondaire dans la province de l'Ontario, afin de hausser la sensibilisation et de rallier des partisans dans la population.

En 1996, nous avons publié un énoncé de principes intitulé: «Second Hand Smoke & Indoor Air Quality». Le document faisait suite à un besoin dont nous avions fait le constat sur la scène publique. Depuis, des ministères de la Santé et des administrations municipales de la province ont abondamment utilisé le document au moment de l'étude de politiques sur le tabagisme dans les lieux publics.

En 1992, nous nous sommes joints à la section ontarienne de la Société canadienne du cancer, à la Fondation de l'Ontario des maladies du coeur, à l'Ontario Lung Association et à l'Association pour les droits des non-fumeurs pour former la Campagne ontarienne d'action contre le tabac. Nous avons compris que nous avions besoin d'alliés dans le grand public et que, ensemble, nous pourrions faire davantage que chacun de son côté. Le partenariat s'est révélé très efficace. Ensemble, nous avons à notre actif de grandes réalisations, notamment le soutien de l'adoption de la Loi sur la réglementation de l'usage du tabac et des interventions dans la quasi-totalité des débats tenus dans des municipalités sur les politiques antitabac.

En 1999, nous avons publié un document intitulé: «Rethinking Stop-Smoking Medications», dans lequel nous préconisons une nouvelle approche radicale des produits de remplacement de la nicotine. Nous sommes heureux de souligner que les idées que nous avons mises de l'avant ont été adoptées par d'autres administrations du monde et ont au Canada un effet plus grand que nous n'avions prévu. J'ai avec moi une copie du document de Barcelone publié par l'Organisation mondiale de la santé, dans lequel toutes ces approches sont intégrées.

En vous donnant ce bref aperçu, j'ai abordé certaines des mesures que nous avons prises dans le domaine. Si j'ai agi de la sorte, c'est pour bien vous faire comprendre que la question nous préoccupe depuis longtemps et pour faire part au Sénat de l'intérêt tout particulier que le projet de loi S-15 présente pour nous.

J'aimerais vous dire un mot de la façon dont nous aborderons l'analyse du projet de loi. Nous croyons qu'il existe des principes généraux, aujourd'hui bien admis, en vertu desquels on peut déterminer si un projet de lutte contre le tabagisme est ou non adéquat. Dans un premier temps, nous décrirons donc la norme à la lumière de laquelle la pertinence du projet doit être évaluée. Puis, nous analyserons cette norme avant de la comparer à l'initiative fédérale qui a été récemment annoncée et au projet de loi S-15.

En dernier lieu, j'aimerais vous donner une idée de certaines des attitudes que les représentants de la profession médicale adopteront dans le contexte actuel.

Il y a un certain temps, l'OMA et ses partenaires de la Campagne ontarienne d'action contre le tabac ont senti le besoin de déterminer les normes à la lumière desquelles un programme de lutte contre le tabac pourrait être évalué. Après quelques discussions, l'ex-ministre de la Santé de la province, l'honorable Elizabeth Witmer, a constitué un groupe de spécialistes chargés de la conseiller sur les attitudes et les caractéristiques sur lesquelles doit s'appuyer une stratégie exhaustive de lutte contre le tabac.

En raison de l'intérêt de longue date que l'OMA porte à la question, on nous a demandé de participer à ce groupe. Nous avons demandé au Dr Boadway de nous représenter au sein du groupe, en raison de son expertise et de l'intérêt qu'il manifeste depuis longtemps pour cette question.

Le Dr Boadway s'est donc associé à un groupe composé de huit personnes, des médecins et des chercheurs émérites. Je vais maintenant lui demander de souligner pour vous les conclusions et les recommandations du groupe de spécialistes. Les conclusions du groupe ne concernent pas que l'Ontario. Comme elles ont trait à la condition humaine, on peut les utiliser aux fins de l'analyse de toute initiative envisagée aux quatre coins du monde.

M. Ted Boadway, directeur exécutif, Politique de la santé, Ontario Medical Association: Je vous remercie, docteur Schumacher. À titre de groupe de spécialistes, nous avions pour tâche de formuler des recommandations fondées sur des données qui s'adaptent aux situations changeantes de demain. Nous avons effectué des recherches dans la documentation mondiale consacrée à cette question et réuni des spécialistes nationaux et internationaux de la lutte contre le tabac. Nous avons fait le point sur la situation actuelle des efforts de lutte contre le tabac au Canada et analysé avec soin les modèles canadiens et étrangers.

Nous avons ensuite formulé une série de recommandations regroupées sous neuf rubriques. On les présente en détail dans le document intitulé: «Les actes sont plus éloquents que les mots».

La première constatation que nous avons faite, c'est que toute approche non exhaustive de la lutte contre le tabac sera vraisemblablement vouée à l'échec. La seule intervention qui, seule et de façon indépendante, a eu un effet sur la consommation, c'est le prix. Dans la société, nous avons tous un point de sensibilité au prix, mais le comportement des jeunes vis-à-vis du tabac est plus sensible au prix que celui des adultes. La raison du phénomène est claire - les ressources financières personnelles des jeunes sont moindres que celles des adultes, ce qui explique que leur sensibilité au prix est plus élevée.

On dispose d'une abondante documentation à ce sujet, mais c'est peut-être au Canada que vous trouverez la démonstration la plus convaincante. De 1981 à 1991, le pourcentage de Canadiens qui fumaient est passé de 40 p. 100 à 31 p. 100. Cette période correspond à celle au cours de laquelle les taxes sur les produits du tabac ont été augmentées.

À l'époque, vous vous en souviendrez, on s'est demandé si l'augmentation du prix était un facteur déterminant puisque, soutenait-on, d'autres forces sociales étaient en jeu. Par moments, le dialogue était très difficile.

Cependant, la spectaculaire diminution des taxes intervenue en 1994 a tout simplement mis un terme au débat. Selon le rapport d'un atelier organisé par Santé Canada, la consommation a augmenté de 9 p. 100 entre 1993 et 1994.

Si le prix est le seul facteur auquel on puisse imputer de façon individuelle la responsabilité des changements liés à la consommation, il est apparu clairement qu'on dispose désormais d'une abondante documentation selon laquelle un programme exhaustif pourrait avoir un effet cumulatif encore plus radical sur la consommation.

Quelques États des États-Unis, en particulier le Massachusetts, la Floride et la Californie, ont institué des programmes dont l'exhaustivité est révolutionnaire et dont la réussite est stupéfiante. Avant l'introduction du programme exhaustif, les taux de tabagisme observés chez les jeunes de la Californie étaient semblables aux nôtres, soit environ 27 p. 100. Depuis, ils ont chuté à 10 p. 100 ou moins, ce qui est renversant. On a étudié les données, les méthodes, le financement et les politiques, et on comprend désormais les caractéristiques nécessaires de tels programmes.

Permettez-moi de vous donner un très bref aperçu des neuf domaines dont on doit tenir compte. Je suis conscient du fait que certains d'entre eux vont au-delà de la portée du projet de loi fédéral, mais, aux fins de l'analyse, on doit avoir une idée de la situation d'ensemble.

D'abord, le point de sensibilité au prix demeure un aspect essentiel des efforts déployés dans la lutte contre le tabac. Le prix a une incidence sur la consommation à tous les niveaux et, en particulier, sur les taux de tabagisme et les niveaux de consommation observés chez les jeunes. Des prix élevés empêchent les jeunes de commencer à fumer et, à supposer qu'ils commencent malgré tout, font en sorte qu'ils fument moins et, par conséquent, n'en viendront pas au même degré d'accoutumance.

On doit, dans les mass-médias, faire appel à des campagnes de sensibilisation intensives pour compléter les programmes de sensibilisation communautaires. On a besoin de programmes de sensibilisation dans les médias aussi bien que dans les collectivités.

On doit informer les citoyens des risques que représente le tabac et, en particulier, des pratiques trompeuses de l'industrie. C'est ce qu'on appelle une campagne de «dénormalisation», laquelle aura pour but de montrer jusqu'à quel point les stratégies de mise en marché des produits du tabac s'écartent des pratiques normales. De telles initiatives de sensibilisation du public favorisent l'adhésion à des initiatives stratégiques publiques.

La mise en marché et, en particulier, le conditionnement, l'étiquetage et la divulgation d'information revêtent une importance critique. Les consommateurs ne doivent pas se laisser berner par le conditionnement. Par conséquent, on doit supprimer sur les emballages de produits du tabac les étiquettes trompeuses, en particulier les mots «léger» et «doux». On devrait retrouver sur les étiquettes des informations véridiques.

On doit retrouver des renseignements complets sur les ingrédients qui entrent dans la composition de tous les aliments que nous achetons, mais la divulgation des additifs, des émissions et des ingrédients du tabac qu'absorbent les poumons, pourtant plus sensibles et vulnérables, n'est pas obligatoire.

D'ailleurs, on devrait supprimer entièrement les couleurs et les graphismes des fabricants. En d'autres termes, nous devons opter pour des emballages neutres dotés d'informations détaillées sur la santé, sans information se rapportant à l'industrie.

Dans tout programme global, le contrôle des points de vente au détail revêt une grande importance. Dans les points de vente, on devrait retrouver non pas de la publicité, mais bien plutôt des messages relatifs à la santé. Les fournisseurs et les sociétés qui vendent les produits du tabac à des mineurs devraient être pénalisés, et les gouvernements devraient allouer des ressources suffisantes à l'application de la loi. On ne devrait pas autoriser la présence des produits du tabac près des tiroirs-caisses. On s'assurera ainsi que les consommateurs, en particulier les enfants, ne reçoivent pas un message selon lequel les cigarettes, qui tuent un fumeur sur deux, sont un produit comme les autres, au même titre que les croustilles et les bonbons qui bénéficient du même traitement.

Dans tous les lieux publics intérieurs, l'interdiction du tabac devrait être la norme. Les lieux de travail du public devraient être sûrs pour l'ensemble des employés. Comme la fumée secondaire peut être la substance la plus toxique dans le milieu de travail d'un employé, on ne devrait pouvoir fumer, le cas échéant, que dans des espaces clos dotés d'un système de ventilation indépendant.

Un réseau national global et fondé sur des données devrait venir en aide aux personnes qui fument déjà. Dans la province de l'Ontario, l'OMA exécute un programme d'intervention clinique lié au tabac. Il s'agit simplement d'un programme, mais il y en a d'autres bons.

Les régimes d'assurance-santé gouvernementaux devraient également rembourser les thérapies de remplacement de la nicotine pour les bénéficiaires des régimes d'assurance- médicaments, comme nous l'avons recommandé dans notre document exhaustif sur les médicaments utilisés pour la lutte contre le tabagisme.

Les questions liées aux finances et à l'infrastructure revêtent une importance critique. Pour financer un programme efficace, on doit compter sur un minimum de 8 $ par habitant, mais sur une moyenne de 10 à 12 $ par habitant. C'est beaucoup d'argent, mais le rendement de l'investissement est encore plus grand.

En ce qui concerne les maladies cardio-vasculaires, la réduction des taux de tabagisme se traduira par des économies au titre des soins de santé dès les premières semaines. En ce qui concerne les maladies pulmonaires, les économies s'accumuleront presque aussi rapidement. Dans les deux cas, les économies seront d'abord réduites, les personnes susceptibles de connaître un épisode aigu étant épargnées. Cependant, les économies commencent à s'accumuler année après année, les poumons des fumeurs guérissant et l'état de santé de leur coeur ne se détériorant pas davantage.

En outre, avec les années, on pourra prévenir de nouveaux cas. Lorsque cela se produira, les économies se traduiront par un effort considérable. Après sept années, on commencera à prévenir un grand nombre de cancers du poumon.

Les économies continues augmentent sur une période d'environ dix ans, puis elles se perpétuent indéfiniment.

Une fois un financement adéquat assuré, on doit se préoccuper de l'emplacement de la nouvelle stratégie, facteur essentiel à sa réussite. On doit confier à un organisme indépendant du gouvernement la responsabilité d'éléments précis de la stratégie. C'est le cas pour des programmes qui, aux quatre coins du monde, donnent de bons résultats. Aucun programme exhaustif et efficace n'a survécu entre les mains du gouvernement.

La responsabilité de la création d'un tel organisme et de l'affectation de ressources à ce dernier, ainsi que de certains éléments de la stratégie, devrait relever de la compétence du ministre fédéral de la Santé, mais on devrait chercher en marge du gouvernement des questions comme la publicité, les campagnes de sensibilisation communautaire et du soutien des personnes qui tentent d'arrêter de fumer.

Pour mesurer la mise en oeuvre et les résultats des éléments de la stratégie, on doit miser sur des activités de recherche, de contrôle et d'évaluation. Pour ce faire, on doit évaluer rigoureusement les stratégies, tolérer les échecs périodiques et s'attendre à des changements. Ce n'est qu'au moyen d'examens rigoureux qu'on pourra améliorer et renouveler la stratégie.

En dernier lieu, on devrait intenter des poursuites en recouvrement des coûts, soutenues par les dispositions législatives nécessaires, afin de recouvrer les coûts des soins de santé pour les fumeurs. Ce qui ressort clairement des recherches provenant de nombreuses sources, c'est que les approches à la pièce de la lutte contre le tabagisme ne fonctionnent pas. On doit agir dans tous ces domaines.

Dr Schumacher: Au vu de l'exposé du Dr Boadway, j'aimerais maintenant analyser deux initiatives: premièrement, l'initiative annoncée par le gouvernement fédéral le 5 avril 2001 et, deuxièmement, le projet de loi S-15, Loi sur la protection des jeunes contre le tabac, dont vous faites l'étude.

Je vais d'abord dire un mot de la nouvelle initiative fédérale. L'annonce semble aller dans la bonne direction, mais, à l'analyse, je constate qu'elle ne répond pas aux objectifs.

D'abord, le montant recommandé par le gouvernement est de 3 $ par habitant. Jamais on n'a fait la preuve qu'une telle somme était suffisante pour soutenir une stratégie exhaustive. Il n'y a pas de recherche médicale ou universitaire qui justifie un tel chiffre.

De plus, rien ne garantit que l'argent continuera d'être versé comme promis tout au long de la stratégie.

Qu'arrivera-t-il si le gouvernement commence à piger ici et là de petites sommes? Ce ne sont pas des fonds dédiés, et il n'y a pas non plus de garantie pluriannuelle.

De plus, aucun indice ne permet de conclure que le gouvernement entend confier d'importants volets de la stratégie de lutte contre le tabac à un organisme indépendant de lui. Au contraire, on fait allusion dans l'annonce à des «partenariats», ce qui revient à dire que le gouvernement garde sa mainmise en un mot.

Les données sont pourtant claires. Au Canada et ailleurs, on a montré que les programmes gouvernementaux ne permettront pas d'en venir aux mesures communautaires et aux relations publiques très dynamiques qui s'imposent pourtant. Les organismes indépendants peuvent accepter plus de risques dans l'exercice de leurs activités et se concentrer sur un objectif unique, non dilué par le programme complexe du gouvernement.

Ces deux lacunes profondes de la stratégie suffisent à la condamner. Pour ma part, j'ai lu le reste des rares informations fournies sur la réduction des préjudices, les campagnes de cessation de l'usage du tabac et les campagnes médiatiques, et, sur la foi des renseignements fournis, je ne suis pas en mesure de procéder à une évaluation. Si l'organisation et le financement ne sont pas adéquats, tout le reste, franchement, n'a plus de raison d'être.

Voilà qui termine mes commentaires au sujet d'un projet de mauvaise qualité. Je vais maintenant m'intéresser à un projet de bonne qualité, à savoir le projet de loi S-15, Loi sur la protection des jeunes contre le tabac.

L'établissement d'une fondation appelée la «Fondation canadienne de lutte contre le tabagisme chez les jeunes» est la caractéristique particulière la plus remarquable du projet de loi. On établit clairement les objectifs et les responsabilités de la fondation. Cette dernière, qui exercera ses activités de façon transparente, rendra des comptes à un conseil d'administration, et c'est à ce dernier, et à personne d'autre, qu'il incombera de veiller à la réalisation des objectifs.

L'examen des modèles actuels de pratiques exemplaires dans le domaine de la lutte contre le tabac et l'élaboration d'un modèle applicable au Canada comptent parmi les objectifs les plus louables du projet. Cette orientation est l'une des plus perspicaces que l'on ait données à la fondation: en effet, nous demeurons convaincus que l'établissement d'une stratégie efficace passe par une telle démarche.

À l'examen des objectifs qui ont trait aux statistiques, à la recherche, aux stratégies de communication et à la prévention, je constate que, pour être tout à fait franc, je suis d'accord avec chacun des énoncés. Cependant, rien ne se compare au mandat qu'a la fondation d'examiner les modèles existants des pratiques exemplaires et de s'autoévaluer elle-même en se comparant à d'autres modèles.

Il s'agit d'une stratégie de renouvellement. Il s'agit d'une stratégie pour l'avenir qui favorise à la fois l'apprentissage, l'adaptation et l'amélioration.

Dans le projet de loi S-15, on prévoit une somme de 12 $ par habitant, laquelle pourrait permettre de financer un programme efficace. Les rédacteurs du projet de loi ont bien fait leur travail. Cependant, le projet de loi renferme une caractéristique encore plus intéressante. En effet, on propose de recueillir l'argent nécessaire au moyen d'un «prélèvement» et que toutes les sommes prélevées soient reçues et retenues par la fondation. Ainsi, l'initiative bénéficiera d'une source de revenu continu et garanti pour l'avenir.

Bref, le projet de loi S-15 est le seul projet en cours d'élaboration qui, à ma connaissance, répond aux critères critiques de l'indépendance, de l'autonomie par rapport au gouvernement et du financement suffisant. On y établit les objectifs de la fondation de telle sorte que l'orientation initiale est adéquate et que le renouvellement futur est assuré.

On y établit des objectifs de nature à favoriser la réussite, et la fondation est orientée vers les secteurs qui assurent les meilleures possibilités de réussite. On y préconise la recherche et l'évaluation. On y prescrit l'éducation du public. Le projet renferme des facteurs de réussite tels qu'on peut l'appuyer sans réserve.

Nous avons étudié les deux propositions et mesuré comment elles résistent au test de l'excellence et à l'idée selon laquelle une stratégie devrait être organisée de manière à pouvoir réussir.

Je voudrais maintenant étudier avec vous la question de savoir si les parties auxquelles on propose de confier la responsabilité de la campagne sont crédibles. J'ai déjà dit que l'établissement d'une fondation indépendante était la clé de la réussite.

Le gouvernement fédéral prélève 80 millions de dollars par année auprès de ces jeunes. Par la suite, il ne réinvestit même pas ces taxes mal acquises dans la prévention du tabagisme chez les jeunes.

Le gouvernement s'est engagé à étudier la faisabilité de l'imposition de l'emballage neutre. Le Comité permanent de la santé que dirige le gouvernement a examiné la question et recommandé l'adoption de l'emballage neutre pour des motifs économiques et sanitaires, à condition qu'une étude de Santé Canada montre que l'emballage neutre réduirait la consommation. Dans l'étude, on a conclu que l'emballage générique constituait un volet raisonnable de la lutte contre le tabagisme. Cependant, le gouvernement n'a strictement rien fait à ce sujet.

Autre exemple: la promesse qu'a faite le gouvernement de remplacer la Loi réglementant les produits du tabac pour faire en sorte que les messages sur la santé qui figurent sur les emballages de produits du tabac soient plus efficaces. Nous nous sommes associés à la campagne visant à obliger le gouvernement fédéral à respecter son engagement. Il a fallu des années et l'épuisement de ressources communautaires en santé pour convaincre enfin le gouvernement de bouger.

On a fini par adopter des messages sur la santé qui soient efficaces, mais seulement l'année dernière. Il aura fallu sept ans pour y parvenir.

Quant à la «vaste campagne de sensibilisation du public» mentionnée, une fois de plus, dans le hansard, où en est-on aujourd'hui? Nous savons ce qu'est une campagne efficace parce qu'elle d'autres pays en ont mené, tandis que, chez nous, ce n'est franchement pas le cas - encore une promesse non tenue.

La promesse de joindre les femmes qui, soulignait-on, commençaient tôt à fumer à un taux alarmant, est considérée par la plupart des spécialistes de la santé comme un échec total. On n'a pas donné suite à la promesse d'utiliser de nouvelles approches pour joindre des groupes qui n'ont pas répondu à des campagnes antérieures, comme, une fois de plus, on avait promis de le faire dans le hansard.

Enfin, étudions la déclaration faite par le premier ministre dans l'allocution qu'il a prononcée en ce jour de février 1994 où l'industrie du tabac a défait le gouvernement fédéral. Le premier ministre a alors déclaré: «Les sommes ainsi perçues permettront de financer la plus importante campagne antitabac jamais vue au Canada».

Regardons les faits. Les sommes générées par la surtaxe n'ont jamais servi au financement de la lutte antitabac. Elles ont plutôt été siphonnées dans les recettes générales. Malgré des recettes imputables à la surtaxe de 65 millions de dollars pour la première année et de près de 100 millions de dollars par année pour les cinq années suivantes, la ministre Marleau a fait état de dépenses de seulement 30 millions de dollars pour la première année, ainsi qu'en rend compte le hansard du 29 septembre 1995. Apparemment, les dépenses ont diminué rapidement sur une période de deux ans pour s'établir seulement à 10 millions de dollars.

«La plus importante campagne antitabac jamais vue au Canada» n'a été qu'une simple vue de l'esprit - qui s'est envolée en fumée.

Il ne faut pas oublier non plus le traitement qu'on a réservé aux tentatives antérieures du Sénat de lancer un programme efficace par l'entremise de projets de loi antérieurs. Vous connaissez l'histoire mieux que moi, mais, vu de l'extérieur, il apparaît clairement que le gouvernement n'a pas accepté ces projets de loi et qu'il a échoué dans sa tentative de mettre au point un programme efficace.

Au lieu de trouver un moyen de faire approuver les projets de loi par la Chambre des communes, le gouvernement a eu recours à une décision de la présidence pour les faire enterrer. C'est l'explication qu'on a donnée sans rire, mais, personnellement, elle me laisse perplexe.

Permettez-moi de le dire de façon non équivoque: la réduction des taxes sur les produits du tabac intervenue en 1994 a été, dans le domaine de la santé publique, une débâcle telle que la profession n'en a jamais vu. Cette débâcle, l'OMA l'avait prévue, et elle s'est réalisée comme prévu. Il convient en outre de noter que, à l'époque, la décision a été prise en toute connaissance de cause.

C'est intentionnellement que j'ai utilisé le mot «débâcle» parce que, dans notre hâte brouillonne pour régler un problème, nous en avons créé un autre. Le résultat - une augmentation de 21 à 28 p. 100 du taux de tabagisme chez les adolescents - avait été prévu et avait été présenté comme une certitude. Le tabac est la principale cause de maladies évitables au Canada. La gestion de la menace numéro un pour la santé est l'épreuve décisive de l'engagement de tout gouvernement en matière de santé publique. Où en est aujourd'hui l'engagement pris par le gouvernement de régler le problème? Où est le programme intégré et exhaustif annoncé? Je mets en doute la crédibilité du gouvernement du Canada dans ce domaine.

Sénateurs, vous avez devant vous un projet de loi qui représente un important pas en avant. Vous avez l'appui des médecins de l'Ontario. Nous vous sommes reconnaissants de ne pas avoir cédé à l'opposition soutenue de vos collègues fédéraux. Le projet de loi représente la meilleure occasion que nous ayons de mettre en place une approche efficace. Nous travaillerons avec vous pour l'amener à maturité.

Le président: Je vous remercie beaucoup, docteur Schumacher et docteur Boadway, de votre exposé extrêmement direct et dynamique.

Le sénateur Wilson: Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Parmi les membres du comité, vos propos trouveront beaucoup d'appui et feront l'objet d'un vaste consensus. De toute évidence, on a affaire à une question politique - en fait, il s'agit d'une double question qui n'a rien à voir avec les mesures qui devraient être prises ni avec l'information que vous nous avez communiquée.

Avec qui votre organisme établit-il des partenariats politiques pour tenter de parvenir à ses fins? Vous vous êtes déclaré disposé à travailler avec nous. Comment entendez-vous procéder?

Dr Schumacher: Nous nous conformerons volontiers aux orientations que vous voudrez bien nous donner quant aux mesures les plus opportunes à prendre. Dans la mesure où nous savons où en est la Colline du Parlement et où nous en connaissons les rouages, il est clair que nous pouvons toujours recevoir des indications de la part des professionnels et des personnes mêlées aux activités au jour le jour.

Parmi les partenaires que nous comptons dans l'ensemble du pays, je mentionnerai des intervenants majeurs comme la Société canadienne du cancer, la Fondation des maladies du coeur, l'Association pulmonaire et les nombreux groupements antitabac et regroupements de non-fumeurs. Ils sont présents dans la quasi-totalité des collectivités du Canada et, à coup sûr, dans toutes les collectivités de notre province. Nous avons travaillé avec eux à la mise en place de certains programmes très efficaces.

Je crois qu'ils appuient sans réserve ce que nous avons dit. Ils vous auraient, je crois, présenté des témoignages semblables au nôtre.

Il est certain que nous allons combiner nos ressources respectives. Nous l'avons fait dans le cadre de l'Ontario Coalition Against Tobacco, et il est clair que nous redoublerons d'efforts pour assurer la réussite du projet de loi.

Dr Boadway: Comme nous avons plutôt l'habitude d'exercer nos activités au niveau provincial - dans notre cour -, nous avons beaucoup apprécié les conseils que nous avons reçus de la part du sénateur Kenny et d'autres personnes qui ont une expérience au niveau fédéral parce que, pour être tout à fait franc, nous en avions besoin.

Nous avons également travaillé de concert avec l'Association médicale canadienne.

Le sénateur Wilson: Sous le coup de la frustration, j'ai récemment demandé à une personne qui occupe un poste très important au sein du gouvernement ce que les organisations non gouvernementales pourraient faire pour faire bouger le gouvernement conservateur. Il m'a répondu: «Quand une question fait la manchette, le gouvernement tressaille et bondit». Je ne sais pas quel genre de relations vous entretenez avec les médias ni même si vous disposez d'une stratégie pour les utiliser comme moyen de soulever ces questions en public. Les propos que vous avez tenus devraient bénéficier d'un plus vaste auditoire.

Dr Schumacher: Je vous remercie, sénatrice. Il est clair que nous possédons une certaine expérience auprès des médias. Notre organisme s'occupe d'un large éventail de questions liées à la santé publique, lesquelles sont parfois menées de front.

Il est certain que, récemment, les questions liées à la pollution de l'air dans la province et au pays et à la qualité de l'eau, en particulier chez nous, à Walkerton, ont beaucoup retenu l'attention de l'association. Cependant, ces préoccupations n'ont en rien atténué les préoccupations que nous avons à propos du tabac.

Si vous discutez avec des médecins - et il est intéressant de constater que mes collègues, qu'il s'agisse d'ophtalmologistes, de radiologistes ou de chirurgiens spécialisés en médecine vasculaire, plaident leur cause auprès des politiciens provinciaux et fédéraux -, vous constaterez qu'ils véhiculent le même message uniforme, sans répétition ni séance d'information préalables, et c'est celui que je communiquerai aux membres au niveau local.

Le sénateur Banks: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Si vous vous exprimez au sein de la Chambre de la «première réflexion objective» relativement au projet de loi, c'est, vous le savez, j'en suis sûr, grâce à l'infatigable dévouement du sénateur Kenny et au travail acharné qu'il effectue depuis des années. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a à l'autre endroit des personnes qui, pour une raison ou pour une autre, semblent portées à tout au moins suspendre leur engagement en faveur du projet de loi, comme elles l'ont fait par le passé. Tout ce que vous pourrez faire à ce propos sera fort apprécié.

Mon intervention est une observation tout autant qu'une question. Cependant, vous avez peut-être une opinion à ce sujet parce que, comme vous l'avez déclaré, vous travaillez en étroite collaboration avec les intéressés, en particulier les jeunes. Les jeunes sont la principale préoccupation du sénateur Kenny parce que le tabagisme, s'il a diminué chez les adultes, a augmenté chez les jeunes.

Le phénomène ne peut pas s'expliquer par un manque d'éducation au sens habituel du terme parce que ces personnes ne peuvent certainement pas se regarder dans le miroir et déclarer qu'elles ne savent pas que la consommation de tabac est nuisible pour la santé. Personne ne peut affirmer ne pas être au courant du fait que le tabac crée une accoutumance.

Y a-t-il une explication au fait que certaines personnes commencent à fumer malgré la connaissance certaine de ces faits, ou en êtes-vous venu à des conclusions à ce sujet?

Dr Schumacher: Eh bien, sénateur Banks, je peux tenter de répondre à votre question. Nous constatons, même dans les médias, des tentatives toujours extrêmement subtiles et souterraines de remettre le tabac au goût du jour. Nous voyons aujourd'hui les mannequins qui fument la cigarette ou le cigare. Le phénomène est de retour. On note une influence américaine constante en vertu de laquelle la publicité sur le tabac est, dans certains secteurs, devenue plus acceptable ou demeure autorisée. On continue de diffuser des messages sous-jacents.

On a souvent vu dans la cigarette un symbole de rébellion. Malheureusement, elle crée une accoutumance plus forte chez les personnes qui éprouvent déjà des problèmes de santé - les troubles déficitaires de l'attention et ainsi de suite. Ces personnes sont également plus susceptibles de devenir des fumeurs invétérés. C'est un problème épineux. Il n'y a pas de bonne explication.

Cependant, je tiens à souligner que la sensibilité au prix des produits du tabac est chez les jeunes un fait avéré. Nous l'avons malheureusement constaté avec l'augmentation de 9 p. 100 des taux de tabagisme. C'est à regret que je fais le constat suivant: au cours d'une période de dix ans, nous sommes peut-être passés du premier rang des administrations d'Amérique du Nord ce qui est probablement le dernier rang, dans le dossier de la lutte contre le tabac.

Si nous comparons les chiffres canadiens aux chiffres californiens, où 10 p. 100 des adolescents fument comparativement à 29 p. 100 chez nous, et que nous acceptons d'y voir un indicateur de la santé de la population, nous constatons que l'écart est immense.

Cet échec n'est pas imputable aux professionnels de la santé. Ce n'est pas nous qui incitons les gens à fumer ou qui négligeons de leur répéter sans cesse de ne pas fumer. Le phénomène s'explique par un ensemble de politiques sociales et fiscales gouvernementales qui ont fait que la Californie s'est engagée dans une direction différente et supérieure.

Dr Boadway: Nous savons que les jeunes de 19 et 20 ans sont très susceptibles de commencer à fumer parce que, à cet âge, ils n'ont pas les mêmes besoins d'affirmation personnelle que les plus jeunes.

Essayez de convaincre un jeune garçon ou une jeune fille de 15 ans d'écouter un type qui a des cheveux comme les miens ne donne jamais de bons résultats. Ils ont tôt fait de deviner le groupe d'âge auquel j'appartiens.

Les jeunes ont besoin de se rebeller, et tenter de convaincre un jeune de 14 ans de la gravité d'un problème de santé à long terme, c'est un peu comme parler à une porte. Les démarches restent lettre morte. Les jeunes se croient invincibles. Ils se savent forts, et ils ne voient pas les choses sous cet angle. Il y a un ensemble de facteurs qui les incitent à valoriser le tabagisme. La rébellion et l'établissement de l'identité personnelle sont les plus importants.

Quand ils ont environ 18 ans et qu'ils changent d'idée, l'accoutumance prend le dessus parce que quiconque fume, ne serait-ce que pendant un an, devient dépendant. Par conséquent, bon nombre de ces jeunes veulent cesser de fumer à 16 ou 17 ans, mais ils en sont incapables parce que l'accoutumance a pris le dessus. Il s'agit d'une dépendance très profonde pour laquelle le taux d'abandon se compare, hélas, à celui de la cocaïne ou celui de l'héroïne.

On doit invoquer la rébellion et le refus d'écouter - en fait, il s'agit d'une incapacité d'écouter imputable au milieu psychologique complexe dans lequel les jeunes se définissent. Par la suite, ils perdent la maîtrise d'eux-mêmes et deviennent dépendants. Il s'agit d'un grave problème.

Le sénateur Banks: Il y a un autre aspect qui m'intrigue. Vous avez certainement vu la publicité que les deux plus importants fabricants de tabac ont fait paraître dans le Globe and Mail et le National Post au cours des derniers mois pour encourager les Canadiens à appuyer le projet de loi. Il est certain que ces fabricants ont consacré des centaines de milliers de dollars, sinon plus de un million de dollars, à ces efforts: en effet, de telles publicités coûtent cher. Que faut-il en comprendre?

Dr Boadway: Quand mon ennemi se place derrière, moi, je m'inquiète pour mon dos. Je ne sais pas. Je n'arrive pas à comprendre. Ils étouffent leur source de revenu future. C'est peut-être l'effet de votre incroyable pouvoir de persuasion.

Le président: Un témoin a affirmé que, ce faisant, ils créent l'impression qu'il s'agit d'un vice réservé aux adultes, sachant très bien que la mesure allait avoir pour effet d'inciter les jeunes à fumer.

Dr Boadway: J'imagine aussi que, selon leurs calculs politiques, le projet de loi n'avait aucune chance de survie.

Le sénateur Wilson: Exactement. C'est ce qui explique qu'ils y soient favorables.

Dr Boadway: Ils peuvent se permettre de soutenir une cause qu'ils croient perdue d'avance et se faire un vernis de respectabilité pour l'avenir. Cependant, je ne les ai pas entendus demander à M. Chrétien de déposer un projet de loi analogue à la Chambre des communes. Jusqu'ici, je n'ai pas vu d'annonce en ce sens dans le Globe and Mail.

Le sénateur Banks: Ils l'ont encouragé à soutenir le projet de loi. Ils ont incité les Canadiens à écrire à leur député pour soutenir le projet de loi à la Chambre des communes.

Dr Schumacher: Je crois qu'il s'agit effectivement d'un pari. Si on observe à vol d'oiseau la mise en marché internationale des produits du tabac, on constate que les principaux marchés en émergence ne se concrétiseront que dans dix ans, et pas nécessairement à l'intérieur des frontières du pays ni même de l'Amérique du Nord. L'exportation est l'un des principaux marchés émergents. Tant et aussi longtemps que leurs produits bénéficient d'un taux de croissance sûr et qu'ils reçoivent des subventions agricoles et tout le reste, on peut imaginer que nos enfants ne seront pour eux que la cible B au lieu de la cible A, du moins tant et aussi longtemps qu'ils disposeront d'un marché étranger qui leur permette de survivre et de croître. Une fois de plus, il s'agit de pure spéculation de ma part.

Le sénateur Adams: Avant de poser ma question, je crois que j'aurais intérêt à fournir quelques explications.

Là où je vis, les enfants commencent à fumer lorsqu'ils ont entre 10 et 14 ans. Combien faut-il de temps avant de devenir dépendant à la nicotine? Deux ou trois mois ou une année? Pourriez-vous nous fournir certains renseignements à ce sujet, docteur?

Dr Boadway: En réalité, la durée varie d'une personne à l'autre. Nous ne comprenons pas exactement pourquoi. Permettez-moi simplement de vous dire quelques mots au sujet de l'accoutumance au tabac.

Vous avez probablement entendu des personnes qui ne fumaient plus depuis longtemps, peut-être dix ans, dire: «J'ai fumé une cigarette, et j'ai été immédiatement accroché de nouveau». Ils ne vous racontent pas de blagues, et voici pourquoi.

Les cellules nerveuses de votre cerveau sont dotées de récepteurs de la nicotine, et tous les récepteurs ont une forme. La fonction de chacun de ces récepteurs dépend de la forme unique de chacun. Imaginons des récepteurs en forme de diamant. C'est sans importance. Lorsque vous fumez et que la nicotine s'attache aux récepteurs, ces derniers changent de forme. Dès qu'ils ont changé de forme, vous êtes dans un état d'accoutumance. Ils réagissent de façon différente aux molécules suivantes de nicotine qui s'attachent à eux. Cette modification de forme est permanente, et aucun nouveau récepteur ne se forme. Lorsqu'on vous dit que l'accoutumance se recrée de façon instantanée dix ans plus tard, c'est donc la vérité.

Nous savons que les transformations des récepteurs varient selon les personnes. Il faut plus de temps chez certaines que chez d'autres. Il est possible qu'une personne devienne dépendante à la nicotine quelques semaines après avoir commencé à fumer. Certaines personnes fument pendant deux ou trois ans avant de manifester des signes d'accoutumance.

Il y a même des personnes qui fument pendant longtemps sans manifester de symptômes de sevrage lorsqu'elles cessent de fumer. Elles ont simplement de la chance. Nous ne savons pas comment expliquer le phénomène, mais il s'agit d'une faible minorité.

On peut affirmer sans crainte de se tromper que toute personne qui fume pendant un an, en particulier au rythme de un paquet par jour, est dépendante, sauf de rares exceptions.

Vous avez raison de dire que le même phénomène s'applique aux enfants. Il n'est pas rare de voir un enfant de 12 ans qui souffre d'une dépendance parce qu'il a commencé à fumer à 10 ans.

Je profite de l'occasion pour soulever une autre question. En vertu des règles fédérales applicables, on ne peut prescrire de médicaments antitabagisme à des jeunes. Pourquoi? Lorsqu'ils ont affaire à des jeunes de 12 ans qui souffrent et qui ont besoin d'aide pour cesser de fumer, les médecins recommandent les médicaments, font fi de la loi et les prescrivent.

Le sénateur Banks: Sous peine de quoi?

Dr Boadway: La peine dont le sevrage s'accompagne.

Le sénateur Banks: Quelle est la sanction imposée aux médecins qui font fi de la loi et qui prescrivent des médicaments à des enfants?

Dr Boadway: Il n'y en a pas.

Le sénateur Adams: Qu'en est-il de la fumée secondaire? Peut-on être victime d'un cancer du poumon en raison des effets de la fumée secondaire? Le cas d'une femme enceinte est peut-être différent. Dès leur naissance, les bébés peuvent détecter la nicotine. Quel est l'effet de la fumée secondaire dans ces deux cas?

Dr Schumacher: Dans ce cas, il y a une différence. On n'a pas affaire à la nicotine comme principal agent d'accoutumance. Ce sont les 3 000 ou 4 000 substances cancérigènes différentes qui posent problème. Nous constatons ici, non seulement en raison de la fumée secondaire, tous les effets sur les poumons et les voies nasales des enfants, y compris une prévalence probablement deux fois plus élevée des cas d'asthme dans les foyers où une personne ou plusieurs fument et un nombre deux fois plus élevé d'ablation des amygdales, de pose de tubes dans les oreilles et ainsi de suite en raison d'inflammation et de maladie.

On a montré hors de tout doute que la fumée secondaire augmente les risques de cancer du poumon, de maladie cardiaque et de la plupart des autres types de cancer.

Comme vous le savez sans doute, les risques de cancer de la vessie sont deux ou trois fois plus élevés chez les fumeurs que chez les non-fumeurs.

C'est malheureux à dire, mais j'aimerais savoir ce qui va arriver à l'avenir à la suite de l'introduction des très puissants laboratoires de tabagisme ouverts 24 heures sur 24 que sont les casinos du Canada. Au moins, on avait l'habitude de fermer les bars la nuit. Dans bon nombre de ces établissements, par exemple les hippodromes et le reste, on fume 24 heures sur 24. Bon nombre de personnes qui y travaillent sont exposées. Dans certains cas, il s'agit de non-fumeurs exposés tous les jours aux mêmes niveaux. Je pense que nous allons constater les résultats très malheureux dans un proche avenir.

Dr Boadway: Le seul problème qui a trait à la nicotine présente dans la fumée secondaire, c'est que les récepteurs des personnes qui étaient dépendantes et qui ont cessé de fumer demeurent hypersensibles, faute d'avoir eu leur dose depuis un certain temps. La nicotine présente dans la fumée secondaire se mêle à l'air ambiant, innerve les récepteurs, et les ex-fumeurs ont envie d'une cigarette. C'est un phénomène physiologique, et non une affabulation.

Le sénateur Adams: Que pensez-vous des timbres à la nicotine? Fonctionnent-ils?

Dr Schumacher: Oui, les timbres à la nicotine constituent un moyen efficace d'aider les fumeurs à cesser de fumer. Ils fonctionnent extrêmement bien, en particulier lorsqu'on les combine à d'autres médicaments administrés par voie orale. Leur utilisation est sûre.

Selon certains mythes, la personne qui allume une cigarette pendant qu'elle porte le timbre risque de mourir. C'est faux. En fait, l'innocuité des timbres à la nicotine est telle que, dans notre publication, nous en avons recommandé l'utilisation chez les femmes enceintes. Pour la santé du foetus, il vaut beaucoup mieux que la femme cesse de fumer et utilise le timbre à la nicotine parce que, dans ce cas, on n'est confronté qu'au problème de la nicotine, avec lequel on peut composer. Les autres produits cancérigènes, les produits chimiques et les goudrons qui peuvent nuire à la santé de la mère et du bébé n'entreront pas en ligne de compte.

Le sénateur Adams: Ces timbres coûtent de l'argent. Les distribue-t-on gratuitement?

Dr Schumacher: Malheureusement, non. Les timbres coûtent à peu près le même prix qu'un paquet de cigarettes. Aujourd'hui, il faut compter environ 5 $ pour une personne qui fume un paquet par jour. Il est certain que les timbres sont efficaces. Ce que nous souhaitons et recommandons dans le cadre de la stratégie globale, c'est que les timbres à la nicotine soient remboursés par les deux régimes publics et, fait important, par le régime d'assurance- médicaments du gouvernement fédéral pour les fonctionnaires.

Le sénateur Adams: Peut-être devrait-on utiliser une partie de la somme de 98 millions de dollars évoquée par le sénateur Banks pour fournir gratuitement les timbres aux personnes qui souhaitent cesser de fumer.

Dr Schumacher: On peut certainement essayer d'établir les coûts, sénateur Adams.

Le sénateur Adams: Je vous remercie.

Le sénateur Kenny: D'abord, je tiens à m'excuser de m'être absenté pendant quelques minutes. C'était la dernière occasion que j'avais de rencontrer des représentants du réseau avant leur départ, et j'en ai profité, mais je tiens à m'excuser.

Je vieux vous remercier tous les deux de vos commentaires exhaustifs, cohérents et réfléchis. Cependant, le gouvernement, lui, n'en est pas là. On vous met à l'épreuve. L'offre de 3 $ par habitant vise à déterminer si vous et le reste des professionnels de la santé du pays allez ou non accepter une telle offre. Est-elle suffisante?

Aujourd'hui, vous avez été on ne peut plus clair, mais nous ne représentons ici qu'un petit groupe. La véritable question est la suivante: pourrez-vous être aussi clair pour Ottawa? Les politiciens veulent savoir. Il s'agit véritablement d'un ballon d'essai. On met la communauté des professionnels de la santé à l'épreuve pour tenter d'établir si elle serait disposée à régler pour 3 $.

Aujourd'hui, vous avez rendu un remarquable service au projet de loi, mais nous devrons déployer encore plus d'efforts pour parvenir à nos fins. Que pouvez-vous faire pour nous aider?

Dr Schumacher: Sénateur, vous connaissez depuis le dépôt de votre projet de loi antérieur mon engagement envers les questions liées à la santé. Vous avez bénéficié de mon soutien indéfectible. J'occupe un poste d'influence au sein de mon association, et je sais bénéficier de l'appui des médecins. Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir, à titre personnel et, en particulier, à titre collectif, par l'entremise de l'association.

Il n'y a pas de problème de santé publique plus grand. Les tragédies auxquelles la province a été confrontée au cours de la dernière année - l'eau, l'air et les maladies infectieuses importées - font pâle figure par rapport au problème dont nous traitons ici, en particulier lorsqu'il s'agit des jeunes. Nous plaçons donc cette question au coeur de nos priorités.

Dr Boadway: Que diriez-vous de ceci? Ce n'est pas notre première intervention dans ce dossier, et ce ne sera pas la dernière. Nous sommes là pour de bon. Je pense que vous en avez maintenant la conviction. Je vais poliment refuser de vous faire part des mesures que nous allons prendre en suite. Nous allons les prendre de toute façon.

Le sénateur Kenny: Vous avez toute ma confiance, Ted. Allez-y.

Le président: Pour conclure, je dirai que, à mon avis, le sénateur Kenny est allé tout droit au coeur du problème. Tout le monde est d'accord pour dire qu'il s'agit de la bonne marche à suivre. En vertu du régime parlementaire, le Cabinet est convaincu qu'on doit donner suite à sa proposition, et il y a un certain nombre de personnes qui croient qu'on doit soutenir tout ce que le Cabinet propose. Au sein d'une démocratie, on doit beaucoup travailler.

Ce qu'il y a, c'est que l'envoi de milliers de lettres au député d'une circonscription et au premier ministre a un effet considérable. Ce qu'il faut dire, c'est qu'on ne fait que s'attaquer à la surface du problème sans véritablement tenter de le régler. Et je ne vise pas que les députés du gouvernement.

En Ontario, il n'y a pas beaucoup de députés d'opposition, mais il ne serait peut-être pas inutile de les mettre dans le coup. J'ai été dans l'opposition au gouvernement pendant des années, et il est étonnant de constater jusqu'à quel point le gouvernement tente de relancer la balle à l'opposition. Si l'opposition donne l'impression d'aller dans une direction, le gouvernement ne veut pas rester derrière et risquer de perdre des votes sur ce plan. Par conséquent, je ne peux qu'encourager tout le monde à continuer d'envoyer toujours plus de lettres. Merci encore d'être venus.

Dr Schumacher: Sénateurs, merci d'être venus à Toronto et d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous vous en sommes reconnaissants.

La séance est levée.


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