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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 9 - Témoignages du 17 mai 2001


OTTAWA, le jeudi 17 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 9 h 31, pour examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles (session d'information sur le rapport du vérificateur général du Canada sur le cadre de référence pour l'examen des questions environnementales de la Société pour l'expansion des exportations).

Le sénateur Mira Spivak (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, nous avons une session d'information sur le rapport du vérificateur général du Canada sur le cadre de référence pour l'examen des questions environnementales de la Société pour l'expansion des exportations.

Je vous cède la parole, madame Fraser.

Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale par intérim, Bureau du vérificateur général du Canada: Merci, madame la présidente. Mes collègues et moi-même sommes heureux de discuter avec vous des résultats de notre vérification du cadre de référence pour l'examen des questions environnementales de la Société pour l'expansion des exportations. Cette vérification a été demandée par le gouvernement, en réponse au rapport de 1999 du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant sa revue du mandat de la Société pour l'expansion des exportations. On nous avait aussi demandé de vérifier le cadre de référence de la Société et de vérifier dans quelle mesure elle le respecte lorsqu'elle évalue des projets particuliers.

[Français]

La Société pour l'expansion des exportations a comme mandat d'appuyer et de développer les exportations commerciales. Elle assure les exportateurs canadiens et octroie des prêts à des acheteurs étrangers de biens et de services canadiens. La Société estime qu'elle donne son appui à des exportations de l'ordre de 45 milliards de dollars, soit l'équivalent de 4 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.

De nombreuses institutions financières internationales ont adopté des politiques qui les aident à faire en sorte que les projets qu'elles appuient sont respecteux de l'environnement et favorisent le développement durable. Lorsque la Société a lancé son Cadre de référence pour l'examen des questions environnementales il y a deux ans, elle a fait un pas important pour améliorer la gestion des risques environnementaux.

Notre vérification nous a permis de constater que le Cadre de référence comporte la plupart des éléments d'un processus d'examen environnemental bien conçu. Celui-ci précise la façon dont la Société déterminera les risques environnementaux, l'information dont elle aura besoin pour les évaluer, et les conditions qui l'inciteront à refuser d'appuyer un projet et le processus de surveillance et de rapports qui permettra de bien gérer les risques.

[Traduction]

À ces égards, le cadre de référence se compare favorablement aux politiques d'examen des organismes de crédit à l'exportation du monde. Il y a toutefois des lacunes au chapitre de la transparence et pour maintenir sa position avantageuse, la Société doit adopter une plus grande ouverture à l'égard du public, en particulier lorsqu'elle divulgue de l'information sur l'environnement.

Notons toutefois le fait que mardi dernier, la Société a rendu publique sa nouvelle politique de divulgation de l'information en vue d'obtenir les commentaires du public. Cette divulgation a été faite avant même que nous ayons eu l'occasion de revoir la politique.

Nous avons aussi examiné comment le cadre était mis en application. Notre vérification était conçue pour cerner l'application du cadre de référence et non pour examiner la pertinence des décisions prises par la SEE en ce qui a trait à l'acceptation ou au rejet d'un projet.

Nous avons posé les questions suivantes dans le cadre de notre vérification: La Société respectait-elle les engagements pris dans son cadre de référence? Lors de l'examen d'un projet, déterminait-elle les risques environnementaux? Comment ces risques étaient-ils gérés? Les répercussions environnementales étaient-elles surveillées?

Nous avons constaté des écarts importants entre le concept et l'application du cadre de référence. Nous avons constaté des lacunes à chacune des étapes du processus d'examen environnemental: sélection en fonction du risque pour l'environnement et de l'influence, demande et examen des données environnementales, approbation des projets et surveillance.

Nous avons conclu que le cadre de référence n'était pas appliqué de façon efficace. Les risques environnementaux potentiels n'étaient pas relevés, et ainsi, la Société fondait ses décisions sur des renseignements incomplets.

[Français]

Nous croyons que ces problèmes sont graves, car sans information complète, la Société ne peut pas veiller à ce que les projets qu'elle appuie répondent aux attentes des Canadiens en matière de normes environnementales. Pour renforcer son processus d'examen environnemental, la Société doit modifier à la fois le concept et la mise en application du Cadre de référence.

Pour combler les lacunes du concept du Cadre de référence, la Société doit chercher à améliorer la transparence par le biais de la consultation publique et la divulgation d'information. D'autres institutions telle que la Société financière internationale du Groupe de la Banque mondiale ont démontré qu'il est possible d'établir un équilibre raisonnable entre l'ouverture et la transparence et préserver la confidentialité et le respect de l'information relatives au client. Le principe est simple. Plus les répercussions potentielles sur l'environnement sont grandes, plus les exigences d'examen, de divulgation et de consultation publique sont rigoureuses.

[Traduction]

Nous recommandons aussi que la Société tienne des consultations publiques sur les révisions proposées au cadre de référence et insiste sur les aspects où il pourrait être nécessaire de trouver un équilibre entre son orientation commerciale et ses responsabilités plus larges en matière de politique gouvernementale. La Société doit aussi être plus systématique dans la gestion de la mise en application du cadre de référence afin de combler l'écart entre la politique et la pratique.

Pour améliorer l'application du cadre de référence, la Société devrait centrer ses efforts sur l'amélioration des outils de détermination des risques environnementaux et sur le suivi pour s'assurer que le cadre de référence est appliqué efficacement.

Une bonne sélection suppose d'avoir des renseignements sur la nature, l'ampleur et les répercussions environnementales potentielles d'un projet afin de déterminer l'ampleur, la portée et le type d'analyse requise. Plus la possibilité de risques environnementaux est élevée, plus l'analyse doit être détaillée.

Le personnel doit aussi avoir la formation nécessaire pour appliquer une pratique de diligence raisonnable, et aussi bien les gestionnaires que les membres du conseil d'administration doivent disposer d'une information appropriée et fiable pour surveiller la mise en application du cadre de référence.

Le rapport renferme les commentaires formulés par la Société pour l'expansion des exportations à la suite de nos recommandations. Je constate avec plaisir que la Société a approuvé notre évaluation et qu'elle décrit les mesures qu'elle prend ou qu'elle entend prendre afin de donner suite à nos recommandations. Je constate aussi avec plaisir que le ministre du Commerce international nous a demandé de faire une deuxième vérification dans deux ans. Les parlementaires et le public auront ainsi l'assurance que les améliorations sont apportées à un rythme approprié.

Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Banks: Veuillez m'excuser de ne pas avoir une connaissance pratique du cadre de référence ni non plus de ce que fait exactement la SEE. Je comprends bien son principal mandat. Le cadre vise-t-il les questions relatives aux risques environnementaux au Canada au cours du processus de fabrication de ce qui est exporté ou vise-t-il les questions relatives aux risques environnementaux là où les produits sont exportés?

M. Richard Smith, directeur principal, Direction des opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada: Madame la présidente, la plupart de l'activité appuyée par la SEE est destinée à l'exportation. Dans certains cas, la SEE peut appuyer des investissements au Canada qui au bout du compte vont mener à des exportations à destination de l'étranger; dans ces cas-là, les projets sont assujettis à la Loi canadienne de l'environnement. Le cadre de référence pour l'examen des questions environnementales s'applique aux projets entrepris dans les pays étrangers. Il s'applique également dans les deux cas, au Canada et à l'étranger.

Le sénateur Banks: Dans le cadre d'un accord d'exportation de gadgets, par exemple, qui pourrait entraîner de futurs problèmes écologiques, le cadre de référence permet-il également de demander à la SEE de s'assurer que l'importateur dans l'autre pays respecte certaines normes écologiques en contrepartie de l'appui que la SEE accordera à l'exportateur?

M. Smith: Oui. Si le projet est dans un autre pays, la Société pour l'expansion des exportations exige au moins que le projet respecte les lois et règlements environnementaux de ce pays.

La Société pour l'expansion des exportations examine également d'autres normes, comme les normes internationales fixées par la Banque mondiale, pour déterminer si les normes du pays récepteur sont adéquates.

Le sénateur Banks: Si je fabrique un gadget au Canada où les normes environnementales sont plus élevées que celles du pays vers lequel les produits sont exportés, les normes les plus élevées l'emportent-elles?

M. Smith: Oui, certainement. La Société pour l'expansion des exportations est surtout là pour appuyer les exportations du genre dont vous parlez. Par exemple, une automobile fabriquée au Canada en vue de l'exportation serait construite en fonction des normes environnementales canadiennes. Le cadre de référence intervient surtout lorsque le Canada participe à un projet dans un pays étranger, comme l'exploitation d'une mine, la construction d'un barrage ou d'une fonderie.

Le sénateur Banks: Si j'étais employé de la SEE - et il s'agit là d'une question de sémantique - est-ce que «cadre de référence» est l'expression qui convient? Vous avez dit que beaucoup d'employés considèrent le cadre de référence plutôt comme étant une indication. «Indication» et «cadre de référence» me semblent être des termes quasi-interchangeables. Il ne s'agit pas d'instructions. Moïse n'a pas transmis les «Dix suggestions». Je me demande si «cadre de référence» est l'expression qui convient et si cela pourrait modifier l'attitude d'un employé face à la mise en application du cadre de référence.

Mme Fraser: Madame la présidente, ce que dit le sénateur est juste, à mon avis. Nous avons repris la terminologie que la Société a elle-même utilisée. Il y a, je crois, des termes interchangeables, comme «indicateur» ou «indication», mais à notre avis, il est important de prévoir davantage de formation.

Le cadre de référence est en lui-même relativement nouveau. La Société l'utilise depuis environ deux ans. Il faudrait que les employés comprennent mieux l'importance du cadre de référence, la rigueur avec laquelle il faut le mettre en application et le type d'information qu'ils doivent obtenir. Nous proposons également une meilleure surveillance de sa mise en application grâce à des vérifications internes, à l'intervention de la gestion et du conseil d'administration.

Le sénateur Banks: Êtes-vous satisfaits des changements qu'il a été proposé d'apporter au cadre de référence?

Mme Fraser: Le seul changement jusqu'ici, c'est l'ébauche de la politique de divulgation qui a été publiée mardi dernier. Nous ne l'avons pas examinée en détail, mais il semble qu'elle réponde à la plupart de nos préoccupations. Je le répète, ce qui nous préoccupe, c'est la mise en application, et notre vérification dans deux ans confirmera, nous l'espérons, que bien des insuffisances que nous avons décelées auront été corrigées.

La vice-présidente: Ma mémoire n'est pas très bonne. Je ne comprends pas le rapport entre ce cadre de référence et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale qui, si je me souviens bien, exige légalement que le gouvernement du Canada procède à l'évaluation environnementale de tous les projets. Je ne suis pas sûre si cela vise uniquement les projets financés par le gouvernement ou tous les projets. Pourriez-vous nous éclairer à cet égard?

M. Smith: En 1990, année où le gouvernement du jour a envisagé d'apporter des modifications à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale - notre loi actuelle - il avait été prévu d'exempter la Société pour l'expansion des exportations ainsi que des sociétés d'État similaires de l'application de la loi.

La vice-présidente: Et les modifications?

M. Smith: L'exemption est maintenue dans les modifications. La loi même prévoit la possibilité de prendre des règlements particuliers pour les sociétés d'État, mais si ces règlements ne sont pas pris, la Société pour l'expansion des exportations est exemptée des dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

La vice-présidente: À quoi cela sert-il si, comme le dit le sénateur Banks, il s'agit de suggestions et non d'exigences, surtout lorsque le gouvernement souhaite une exemption?

M. Smith: Lorsque le gouvernement a répondu au rapport du comité permanent qui a donné lieu à cette vérification, il a indiqué qu'il envisagerait des options législatives pour la Société pour l'expansion des exportations. Il a parlé de deux options qu'il examinerait. Premièrement, il pourrait prendre un règlement en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et deuxièmement, il pourrait apporter des modifications législatives à la Loi sur l'expansion des exportations qui régit la Société pour l'expansion des exportations. Il n'a pas encore décidé de la voie à suivre.

La vice-présidente: Êtes-vous en train de dire qu'actuellement, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique pas à la Société pour l'expansion des exportations?

Est-ce la Société pour l'expansion des exportations qui donne de l'argent?

M. Smith: Oui.

La vice-présidente: Existe-t-il d'autres organismes du gouvernement qui appuient l'exportation?

M. Smith: Oui, la Corporation commerciale canadienne, par exemple, appuie les exportations. Elle est également exemptée de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

La vice-présidente: Etait-ce le cas il y a quelques années?

M. Smith: Oui, certainement.

La vice-présidente: Il y a toujours eu une exemption?

M. Smith: Oui.

La vice-présidente: Dès l'adoption de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

M. Smith: Oui. Lorsque le gouvernement fédéral a commencé pour la première fois à procéder à l'évaluation environnementale, les lignes directrices s'appliquaient aux ministères et organismes du gouvernement fédéral. Dès le début, la participation des sociétés d'État a été facultative.

Le sénateur Banks: Je n'avais même pas imaginé pareille chose. En fait, le gouvernement a instauré une règle qui s'applique à tous sauf à lui. Est-ce juste?

M. Smith: Cela s'applique aux ministères fédéraux. Pour être juste, il faut dire qu'en 1990, la communauté internationale débattait de la façon dont des organismes comme la Société pour l'expansion des exportations devaient être tenus responsables en matière environnementale. Des discussions sur le sujet sont actuellement en cours à l'OCDE, à Paris. Le gouvernement à ce moment-là a décidé que ces organismes seraient exemptés de la loi actuelle à moins que ne se dégage un consensus international à propos de la façon dont ils devraient être réglementés à des fins de protection de l'environnement.

Le sénateur Banks: La SEE apporte-t-elle son appui pour l'exportation de réacteurs CANDU?

M. Smith: Oui.

Le sénateur Banks: Les fabricants des réacteurs CANDU ou la SEE sont-ils assujettis à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

La vice-présidente: C'est un cas actuellement en instance.

M. Smith: C'est la raison pour laquelle j'essaye de penser à une réponse pertinente.

Le sénateur Banks: Une réponse pertinente consisterait à dire oui ou non.

M. Smith: La question de l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale aux sociétés d'État est actuellement devant les tribunaux. Un des cas en instance vise la situation soulevée par le sénateur.

Le sénateur Banks: C'est incroyable.

Le sénateur Christensen: Si, en fait, les réacteurs CANDU tombent sous le coup de cette loi, quel suivi est assuré une fois les réacteurs exportés? Un suivi sur la façon dont fonctionnent les réacteurs est-il exigé, dans la mesure où bien sûr, ils sont utilisés comme prévu?

M. Smith: La Société pour l'expansion des exportations est tenue de respecter les lois et règlements du pays dans lequel est entrepris le projet. Compte tenu de son cadre de référence, la Société pour l'expansion des exportations est en mesure d'imposer des conditions de surveillance.

Le sénateur Christensen: Le fait-elle?

M. Smith: À l'occasion. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner à partir de notre vérification.

Le sénateur Christensen: La SEE le fait-elle pour l'exportation des réacteurs CANDU?

M. Smith: Je ne vais pas faire de commentaires sur ce cas particulier, mais dans notre rapport, nous parlons de l'ampleur de la surveillance effectuée par la Société.

Le sénateur Christensen: Pourriez-vous développer ce que vous avez dit, «la Société doit adopter une plus grande ouverture à l'égard du public, en particulier lorsqu'elle divulgue de l'information sur l'environnement»? De quel public parlez-vous? Des Canadiens?

Mme Fraser: En règle générale, la SEE ne divulgue pas au public de l'information au sujet des projets qu'elle finance, que ce soit avant l'acceptation ou après le rejet d'un projet. À l'occasion, des communiqués sont publiés, mais en règle générale, à cause de dispositions de confidentialité, la divulgation de l'information n'est pas autorisée.

Dans notre rapport, nous donnons l'exemple de la Société financière internationale qui classe les projets selon le risque environnemental. Pour les projets les plus risqués, la consultation du public est importante avant l'approbation même par la Société.

Le sénateur Christensen: Quel public?

Mme Fraser: Par exemple, le public local.

Le sénateur Christensen: Le public dans la région qui bénéficie du projet?

Mme Fraser: Oui, mais il faut parler aussi de la consultation du public par l'entremise de sites Web. Le public dispose d'un certain délai pour faire des commentaires sur le projet et donner son point de vue.

M. Smith: Nous avons découvert que la Banque mondiale, par exemple, exige une consultation du public là où le projet va être mis en place. Dans le cas des projets les plus risqués pour l'environnement, elle publie également un résumé de l'évaluation environnementale. Les Canadiens, par exemple, envoient leurs commentaires à l'organisme et un laps de temps est prévu à cet effet, avant que l'organisme ne prenne une décision. Pour répondre à votre question, je dirais qu'il s'agit des deux publics.

Le sénateur Christensen: Je peux comprendre qu'il serait problématique de faire participer le public dans certains pays vers lesquels vous exportez, cela n'étant peut-être pas un processus bien connu.

Pourquoi deux années? Il me semble que suffisamment de problèmes ont été cernés. Ne pourrait-il pas y avoir une vérification intérimaire au bout d'une année pour s'assurer que le processus est en cours, avant une deuxième vérification complète effectuée à la fin des deux années?

Mme Fraser: En fait, nous avons recommandé trois années afin que la Société ait le temps d'apporter les changements nécessaires et qu'il y ait suffisamment de dossiers pour nous permettre d'avoir un aperçu de ce qui se sera véritablement passé. Le ministre du Commerce international a refusé, préférant deux années. En fait, deux années représentent un délai assez serré.

Le sénateur Christensen: Un «mandat de surveillance» serait toutefois prévu pour que vous sachiez que quelque chose se produit.

Mme Fraser: Oui. Nous espérons aussi que le groupe de vérification interne de la Société surveille la mise en application en cours de manière que le conseil d'administration et la direction sachent si les changements sont apportés comme il se doit.

Le sénateur Wilson: Je suis heureuse de ce que vous faites, ayant eu une certaine expérience de la Société pour l'expansion des exportations. J'ai été témoin de ce qu'elle fait, car j'ai considérablement voyagé dans le Tiers monde et je suis au courant de toutes les plaintes.

Je vois que l'expression «consultation du public» se retrouve partout dans votre exposé. D'après mon expérience, la consultation du public de la part du gouvernement ou de ses organismes équivaut souvent à une campagne de relations publiques. Le gouvernement veut pouvoir dire qu'il a mené pareille consultation. Par exemple, existe-t-il un ministère qui dispose effectivement d'un plan pour la consultation du public? Il faut être fortement motivé pour aller faire des commentaires sur un site Web. Je crois que la phrase utilisée était la suivante: «en vue d'obtenir les commentaires du public canadien», ce qui n'est pas la même chose qu'une surveillance effectuée par le public ou qu'un mécanisme de responsabilité.

La Société pour l'expansion des exportations a-t-elle des plans précis en vue d'encourager la consultation du public? Y a-t-il d'autres mécanismes de surveillance? Par exemple, fait-elle jamais rapport au Parlement?

M. Smith: Pour ce qui est de la consultation du public, la plupart des organismes comme la Société pour l'expansion des exportations ne s'en occupent pas eux-mêmes. Ce sont en général les promoteurs de projets qui s'en chargent, si bien que c'est à eux qu'il incombe de faire ce travail.

Ces quelques dernières années, la Banque mondiale a élaboré des lignes directrices à propos de ce qu'elle juge correspondre à une bonne consultation du public. La Banque mondiale a beaucoup d'expérience dans de nombreux pays et contextes différents. Elle a rassemblé cette expérience dans un manuel sur la consultation efficace de la population, à l'intention des organismes intéressés.

Le sénateur Wilson: Si le promoteur du projet est responsable, il n'a pas intérêt de mener une vaste consultation du public.

M. Smith: Dans un certain sens, je crois qu'il revient à la Société pour l'expansion des exportations de s'assurer qu'elle est satisfaite du niveau de consultation. Sinon, elle doit s'apercevoir des lacunes dans le processus de consultation et en tenir compte lorsqu'elle décide de sa participation au projet ou non.

Le sénateur Wilson: Y a-t-il une responsabilité directe à l'égard du Parlement et des questions peuvent être soulevées à ce niveau?

M. Smith: Dans le cadre de son rapport annuel, la Société pour l'expansion des exportations divulgue de l'information en matière environnementale. Dans le cadre de sa politique de divulgation, elle prévoit divulguer encore plus d'information de ce genre. C'est dans le cadre du rapport annuel qu'il est possible de faire des commentaires.

Le sénateur Wilson: Présenté au Parlement?

M. Smith: Oui.

M. John Wiersema, vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada: La Société pour l'expansion des exportations, en tant que société d'État, est responsable devant le Parlement par l'entremise du ministre responsable qui, dans ce cas-là, est le ministre du Commerce international.

Le sénateur Adams: Vous avez dit que certains membres du personnel ont besoin de plus de formation. Que voulez-vous dire?

Mme Fraser: L'analyse des projets et la décision de financer ou d'appuyer les projets sont effectuées par, si vous voulez, des agents de prêts. Ils doivent mieux comprendre les genres d'information environnementale qu'ils devraient obtenir.

Il y a un groupe de spécialistes au sein de la SEE, laquelle devrait mieux savoir quand faire intervenir ce groupe pour l'aider à faire l'analyse du risque. C'est plutôt dans le domaine de l'application du cadre de référence qu'il faut prévoir de la formation.

Le sénateur Adams: Je vis dans l'Arctique où les gens achètent des motoneiges flambant neuves qui sont expédiées par avion. Les moteurs n'ont jamais servi et il n'y a jamais eu d'huile ni d'essence dans ces machines; pourtant, elles sont considérées comme des produits dangereux, à cause de considérations environnementales. Le coût de l'expédition aérienne au kilo est très élevé, mais nous devons également payer aux lignes aériennes 55 $ vu que les motoneiges sont considérées comme des produits dangereux. La même chose s'applique aux extincteurs chimiques d'incendie flambant neufs - il faut payer 40 $ ou 50 $ de plus étant donné qu'il s'agit de produits dangereux.

Vous avez dit que les agents de prêts de la SEE ont besoin de plus de formation pour mieux comprendre les genres d'information environnementale dont ils ont besoin pour prendre une décision. Je paie des frais pour une motoneige qui n'est même pas un produit dangereux. Le personnel de la Société n'est là que pour lui faire réaliser des bénéfices.

Nous parlons de près de 40 milliards de dollars d'exportations par année. Les réacteurs nucléaires en font-ils partie? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme Fraser: De nombreux projets financés par la SEE sont très vastes - comme par exemple les barrages ou les mines - et pourraient entraîner de graves répercussions sur l'environnement sur une période de temps assez longue. C'est pourquoi il est plus difficile de faire une analyse pertinente, car il s'agit de projets très complexes. Les agents de prêts ne disposent peut-être pas de toute l'information voulue. Nous disons qu'il faut augmenter la formation de ces gens-là pour qu'ils puissent, comme il le faut, évaluer et analyser les risques liés à ces très grands projets.

Le sénateur Adams: Est-ce que l'exportation des réacteurs nucléaires fait l'objet d'une vérification?

M. Wiersema: Deux sociétés d'État s'occupent de l'exportation de la technologie canadienne CANDU vers d'autres pays. Énergie atomique du Canada Limitée, qui est propriétaire de la technologie CANDU, et la Société pour l'expansion des exportations, qui finance les transactions. En tant que vérificateurs de ces deux sociétés, nous avons accès à toute l'information nécessaire pour effectuer notre travail et remplir notre mandat de vérification.

La vice-présidente: La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale exempte de son application les sociétés d'État. Qu'en est-il des compagnies privées qui font affaire avec la SEE? La Société pour l'expansion des exportations a ses propres lignes directrices, son propre cadre de référence. Or, le gouvernement veut établir des règlements conçus spécialement pour elle. Est-ce que nos responsabilités en matière d'évaluation environnementale, à l'échelle nationale et à l'étranger, reposent sur des bases qui sont peu solides, qui ne sont pas coulées dans le béton?

Mme Fraser: Nous voulons que les projets soient évalués en fonction de normes jugées correctes. Il revient aux parlementaires de décider si ces normes doivent être appliquées volontairement ou inscrites dans la loi. Nous voulons faire en sorte que le cadre utilisé soit le plus efficace possible.

La vice-présidente: Je présume, toutefois, que les règles qui s'appliquent à la Société pour l'expansion des exportations s'appliquent également à EACL. Qu'en est-il des compagnies privées comme Talisman?

M. Wiersema: Nous avons effectué une vérification du cadre d'examen environnemental de la Société pour l'expansion des exportations. Ce cadre a été conçu par la Société. Il explique aux organismes avec lesquels la Société fait affaire les exigences en matière d'évaluation environnementale qui doivent être satisfaites avant que la SEE n'accepte de participer à un projet. Il sert également de guide aux employés de la SEE puisqu'il définit les critères qui doivent être réunis avant que la Société n'accepte de financer une transaction. Ce cadre est unique. Il a été conçu pour la SEE et non pour EACL. Il ne s'applique pas à Énergie atomique du Canada Limitée.

La vice-présidente: Je sais qu'il est question ici du cadre de référence de la SEE. Je voulais tout simplement savoir si vous aviez examiné, lors de votre vérification, les dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et autres règles que régissent les sociétés d'État et compagnies privées. Si vous ne l'avez pas fait, ce n'est pas grave.

Mme Fraser: Malheureusement, nous ne savons pas si la loi s'applique à l'énergie atomique. M. Smith pourrait toutefois vous dire ce qui en est des compagnies privées.

M. Smith: Les compagnies privées ne sont pas directement visées par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En règle générale, elles sont régies par les lois provinciales sur l'environnement. Toutefois, quand le gouvernement fédéral participe à une activité, quand il finance un projet, par exemple, il doit effectuer une évaluation environnementale. La compagnie, elle, n'est pas tenue de le faire, mais le gouvernement fédéral doit mener une évaluation quand il finance un projet, ou quand des lois ou des règlements fédéraux sont en cause.

La vice-présidente: Merci de me l'avoir rappelé.

Le sénateur Banks: Heureusement que le Bureau du vérificateur général du Canada ne s'occupe pas uniquement de vérifier les chiffres et d'effectuer des calculs. Votre Bureau se prononce souvent sur des questions d'efficacité, de prudence, de logique et d'intention; il n'évalue pas seulement les résultats. Je crois comprendre que les tribunaux examinent actuellement une partie de la question que je veux vous poser.

En règle générale, est-il raisonnable qu'une loi fédérale qui vise à protéger l'environnement ou le consommateur exempte les compagnies privées et les sociétés d'État de son application? Trouvez-vous cela logique? Le vérificateur général a déjà dénoncé l'illogisme ou l'irrationalité - ces mots viennent de moi, non pas du vérificateur général - de politiques ou de règlements qui semblent être applicables, sauf que tout se complique quand ils arrivent à ce niveau-ci. Je suis déçu d'entendre parler de toutes ces exemptions et de constater que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique ni aux sociétés d'État, ni aux compagnies privées.

La vice-présidente: Sauf si le gouvernement fédéral finance le projet.

Le sénateur Banks: Mais alors la loi ne s'applique pas à la SEE.

La vice-présidente: C'est exact.

Le sénateur Banks: Je voudrais savoir ce que le Bureau du vérificateur général pense, de manière générale, de la situation dont il est question ce matin.

Mme Fraser: Pour ce qui est de la SEE, je pense qu'on aura l'occasion d'en discuter quand on procédera à l'examen de la loi qui la régie, à l'automne.

Pour ce qui est de l'industrie privée, je ne veux pas vous donner l'impression qu'elle n'est pas assujettie aux lois environnementales. Il faut, dans ce cas-ci, tenir compte des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Je pourrais vous parler de certaines études qu'a menées le Commissaire à l'environnement et au développement durable. Le gouvernement fédéral et les provinces collaborent ensemble. Il y a souvent des difficultés ou des problèmes qui se posent. Il y a peut-être des lacunes au niveau de la surveillance, mais je ne veux pas me lancer dans une discussion sur les contraintes d'ordre juridique qui existent entre le gouvernement fédéral et les provinces. C'est un sujet fort complexe et je n'en connais pas assez pour pouvoir porter un jugement éclairé là-dessus.

Le sénateur Banks: C'est vrai que le sujet est complexe. Et c'est à cause de cela qu'on a l'impression qu'il y a des cas où certains facteurs échappent au processus en raison des lacunes qui existent. Vous avez relevé des lacunes du côté de la SEE. Il y a peut-être des lacunes plus importantes, pas nécessairement plus grandes, qui font que certains facteurs - et je n'accuse personne de machiavélisme - malgré toutes les bonnes intentions, échappent par inadvertance au contrôle de la loi.

Mme Fraser: Je vais demander à M. Smith de répondre à cette question. Il a travaillé pour le bureau du commissaire pendant de nombreuses années. Il a même occupé le poste provisoirement pendant un certain temps.

M. Smith: Nous avons évité de nous lancer dans un débat sur l'applicabilité de la loi. Toutefois, nous avons constaté, dans des rapports antérieurs, qu'il semble y avoir des règles différentes, sur le plan environnemental, qui s'appliquent aux différents types d'organismes fédéraux. Nous pouvons vous parler de ces cas là.

Les ministères et organismes gouvernementaux sont assujettis à des exigences environnementales très sévères. Souvent, les sociétés d'État sont invitées à se conformer volontairement à ces exigences. Sinon, des règles distinctes sont établies à leur intention. Le gouvernement part du principe que les sociétés d'État ont, de par leur nature, un mandat différent de celui des ministères gouvernementaux. Bon nombre d'entre elles ont une vocation commerciale et on s'attend à ce qu'elles livrent concurrence aux autres entreprises. Voilà pourquoi elles bénéficient d'un traitement différent.

Nous avons déjà noté, dans le passé, que les organismes sont traités différemment. Or, il revient aux parlementaires de décider si cette façon de faire est justifiée ou non.

Le sénateur Banks: Par «différent», je présume que cela veut dire qu'ils sont parfois assujettis à des normes moins sévères.

M. Smith: Oui.

Le sénateur Banks: Est-ce que le vérificateur qui analyse le principe de prudence et de rationalité trouve logique que les ministères gouvernementaux soient tenus de se conformer à des normes très sévères, peut-être les plus sévères au monde, alors que les sociétés d'État, elles, se trouvent assujetties à des normes qui, je présume, sont parfois moins sévères? Est-ce que le vérificateur trouve cela logique?

M. Smith: Nous avons déjà abordé la question dans le passé. Il faut tenir compte des différents systèmes de valeurs qui sont appliqués. Il revient aux parlementaires de décider si les normes qui s'appliquent à un organisme à vocation commerciale, comme la Société pour l'expansion des exportations, doivent être différentes des grands objectifs d'intérêt public en matière environnementale que poursuit le gouvernement, dans son ensemble. Notre rôle, en tant que vérificateurs, consiste à faire état de l'existence de règles différentes, point à la ligne. C'est à vous ensuite de décider s'il faut faire quelque chose ou non.

La vice-présidente: Le projet des Trois Gorges en Chine va entraîner des inondations énormes qui vont toucher des millions et des millions de personnes. Le Canada participe à ce projet. Est-ce qu'il y participe par l'entremise de la SEE ou de l'ACDI? De plus, est-ce que le principe de l'évaluation environnementale s'applique à ce projet? Si non, c'est une erreur flagrante.

Mme Fraser: Malheureusement, en raison des clauses de confidentialité que renferment les contrats négociés avec la SEE, nous ne pouvons dire si certains projets sont ou non financés par la Société.

La vice-présidente: Ce n'est pas ce que je veux savoir. Ma question est la suivante: est-ce que ce projet relève de la SEE? Ne pouvez-vous même pas répondre à cette question?

Mme Fraser: Malheureusement, je ne peux pas parler de projets précis. Ils n'ont pas fait l'objet d'une vérification. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le projet a été lancé avant l'adoption du cadre de référence, il y a deux ans. À ma connaissance, le projet des Trois Gorges a commencé bien avant cela. Toutefois, si la Société adopte une politique de divulgation et commence à diffuser le nom de tous les projets qu'elle finance, vous pourrez alors lui demander de venir vous parler de certains d'entre eux.

Le sénateur Wilson: Est-ce que les administrateurs des sociétés d'État sont nommés pour une période déterminée, ou sont-ils nommés à vie?

Mme Fraser: Je vais demander à M. Wiersema de répondre à la question. Nous avons effectué l'an dernier une vérification sur la régie des sociétés d'État. C'est M. Wiersema qui était responsable de celle-ci.

M. Wiersema: Comme l'a indiqué la vérificatrice générale par intérim, nous avons présenté au Parlement, en février de cette année, un rapport sur la régie des sociétés d'État. Plusieurs questions y étaient abordées, dont celle de la nomination des administrateurs des sociétés d'État.

Chaque société, dans une certaine mesure, est différente. Toutefois, la plupart des sociétés d'État sont régies pour la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques. La loi prévoit que les administrateurs soient nommés pour un mandat de trois ans au maximum. Ce mandat est renouvelable.

Le sénateur Wilson: Sur quels critères se fonde-t-on pour renouveler le mandat?

M. Wiersema: Ces critères ne sont pas définis dans la loi. Je ne crois pas que le gouvernement les ait définis publiquement.

Le sénateur Wilson: Dans ce cas-ci, les administrateurs sont nommés pour un mandat de trois ans au maximum.

M. Wiersema: Dans le cas de la SEE, oui.

Le sénateur Wilson: Et ils peuvent être renouvelés, ce qui se fait probablement déjà.

M. Wiersema: Oui.

Le sénateur Banks: Combien de fois un mandat peut-il être renouvelé?

M. Wiersema: La loi ne le précise pas.

Le sénateur Wilson: Une personne peut donc être nommée à vie.

Je vois que l'ombudsman devait s'occuper des questions liées à l'accès à l'information, critère auquel la SEE n'est pas assujettie. A-t-on nommé un ombudsman? Prévoit-on le faire?

Mme Fraser: À ma connaissance, personne n'a encore été nommé.

M. Smith: On a préparé une description de poste, mais rien de plus.

La vice-présidente: Honorables sénateurs, je tiens à remercier nos témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Je les félicite pour le travail qu'ils accomplissent et je les encourage à continuer à faire preuve d'audace. Le Bureau du vérificateur général est peut-être l'organisme le plus crédible qui existe au Canada. Il semble y avoir encore place à l'amélioration.

Mme Fraser: Merci beaucoup, madame la présidente, pour vos bonnes paroles. Nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de comparaître devant le comité. Nous accepterons volontiers de vous rencontrer à nouveau pour discuter de questions comme celles-ci.

La vice-présidente: Sénateurs, nous allons avoir l'occasion de rencontrer les représentants du Bureau du vérificateur général le 29 mai, pour discuter du projet de loi C-4.

Le sénateur Kenny: Avant de lever la séance, pouvons-nous nous réunir brièvement à huis clos?

La vice-présidente: D'accord.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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